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LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE VIS-À-VIS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES : LE CAS DE L'ONU Travail réalisé par : Marcos Enrique ROMERO TEJADA SPRI2060 Séminaire de relations internationales Prof. Amine AIT-CHAALAL Année académique 2014-2015 Master en Relations Internationales à finalité Diplomatie et Résolution des Conflits Références portfolio : Romero-Wauters_14-15_SPRI2060_Final_Paper_USA-ONU _n°1 Adresse html : http://tinyurl.com/k4nfmzx (voir point 2.3. du vade mecum portfolio) Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication (ESPO) École des Sciences Politiques et Sociales (PSAD)

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LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE

VIS-À-VIS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES : LE CAS DE L'ONU

Travail réalisé par : Marcos Enrique ROMERO TEJADA

SPRI2060 – Séminaire de relations internationales Prof. Amine AIT-CHAALAL

Année académique 2014-2015

Master en Relations Internationales à finalité Diplomatie et Résolution des Conflits

Références portfolio : Romero-Wauters_14-15_SPRI2060_Final_Paper_USA-ONU _n°1 Adresse html : http://tinyurl.com/k4nfmzx (voir point 2.3. du vade mecum portfolio)

Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication (ESPO)

École des Sciences Politiques et Sociales (PSAD)

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION.......................................................................................................................................................................................3

II. L'AMBIVALENCE ET LA SÉLECTIVITÉ DES ÉTATS-UNIS PAR RAPPORTS AUX ORGANISATIONS

INTERNATIONALES....................................................................................................................................................................................4

2.1. L'exceptionnalisme américain............................................................................................................................5

2.2. La séparation des pouvoirs....................................................................................................................................6

2.3. Les États-Unis comme puissance hégémonique...................................................................................6

III. LA RELATION ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LES NATIONS UNIES.......................................................................8

3.1. De la création de l'ONU à la fin de la guerre froide..........................................................................9

3.2. De la fin de la guerre froide aux attentats du 11 septembre 2001.........................................10

IV. DEUX ÉTUDES DE CAS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE DANS LE CADRE DE L'ONU :

LA GUERRE DU GOLFE PERSIQUE ET LA GUERRE EN IRAK............................................................................................12

4.1. La guerre du golfe persique (1991) .............................................................................................................12

4.2. La guerre en Irak (2003) ......................................................................................................................................13

V. CONCLUSION........................................................................................................................................................................................16

Bibliographie.............................................................................................................................................................................................18

.

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I. INTRODUCTION

Tout au long du vingtième siècle, et plus particulièrement lors de sa seconde moitié, les

politiciens et la société américaine ont été forcés de constater que la nation n'est pas

immunisée contre les développements qui ont lieu à l'échelle globale, et que la manière avec

laquelle les États-Unis les intègrent et réagissent à ces changements -qui constituent parfois

des opportunités- peut déterminer la portée des intérêts nationaux et des valeurs américaines

qui y sont associées ; c'est d'autant plus vrai qu'après la fin de la guerre froide, les États-Unis

sont devenus une super puissance, l'unique super puissance, ce qui a obligé la nation à

redéfinir son rôle dans le monde1.

Dans ce contexte, on peut mentionner comme caractéristiques principales des États-Unis le

rôle majeur qu'ils ont joué dans le monde de la coopération internationale ainsi que les

grandes initiatives menées dans la création de l´Organisation des Nations Unies et d'autres

organisations internationales.

Cependant et paradoxalement, les États-Unis se sont montrés ambivalents et sélectifs dans

leur approche avec l´ONU. Afin de mieux comprendre cette attitude, cette étude propose

d'abord un cadre théorique (partie II) qui explique les motifs de l'ambivalence des USA vis-à-

vis des organisations internationales et qui révèle la nature d'une position qui à première vue

peut sembler erratique, mais qui ne l'est cependant pas vraiment. L'axe introduit ensuite

présente le contexte historique ainsi que l'ambigüité des relations entre l'état américain et

l'organisation internationale depuis sa création jusqu'aux attentats du 11 septembre 2001

(partie III). Finalement, en vue de comprendre les orientations de la politique étrangère

américaine, il est nécessaire de s'intéresser à différentes interventions menées par l'État

américain. Deux études de cas (partie IV) sont présentées avant de conclure ce travail : celle

de la première guerre du golfe (1991) et celle de la guerre en Irak (2003).

1 PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, Multilateralism and U.S. foreign policy : ambivalent engagement, Boulder : Lynne Rienner,

2002, p. 1.

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II. L´AMBIVALENCE ET LA SÉLECTIVITÉ2 DES ÉTATS-UNIS PAR RAPPORT

AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES

On peut distinguer deux postures possibles -elles-mêmes associées à deux concepts bien

distincts- de comment les États-Unis peuvent et/ou devraient agir sur la scène internationale :

d'une part la coopération multilatérale, et d'autre part l'unilatéralisme. Le multilatéralisme

implique que les USA doivent respecter les normes de coopération pour résoudre des

problèmes transnationaux et collaborer avec d'autres pays pour atteindre leurs objectifs,

renforçant ainsi leur leadership et leur légitimité. La vision unilatérale quant à elle fait des

États-Unis une puissance incontestée qui doit défendre tant sa souveraineté que sa liberté

d'action à l'étranger afin de protéger, de maintenir, voire d'élargir ses intérêts nationaux, sans

les limitations des règles internationales, la participation institutionnelle (organisations

internationales) ou les partenaires étrangers (autres pays).

La difficulté ne réside pas tant dans le choix entre une position ou une autre (unilatéralisme

vs. multilatéralisme) mais bien dans les nuances qui caractérisent et qu'impliquent ces deux

conditions. Cette situation se traduit par l'ambivalence dans la coopération multilatérale

américaine et un haut degré de sélectivité en assumant des engagements internationaux

motivés par une prise de décision rationnelle qui pourrait venir expliquer l'ambivalence

américaine présente dans ses stratégies ayant lien avec la politique étrangère du pays. Cette

dernière est effectivement tiraillée entre les intérêts nationaux et la coopération menée avec

d'autres organisations internationales dans le but de maximiser leurs bénéfices et leurs

opportunités d'agir ou non avec d'autres acteurs, tout en minimisant les coûts et les

restrictions3.

Il y a dès lors trois caractéristiques qui peuvent être considérées comme les racines de cette

ambivalence et qui viennent de l´expérience américaine : 1) la culture politique singulière des

États-Unis (exceptionnalisme) ; 2) leur structure institutionnelle domestique (séparation des

pouvoirs - bureaucratie) ; et 3) leur dominance globale (hégémonie)4.

2 L´étude du «Center on International Cooperation at New York University » menée en janvier 2000 et mentionnée par Patrick STEWART

(Ibid.), a identifié cinq motifs ou facteurs qui défient l´approche ambivalente des États-Unis envers la coopération multilatérale. Ces facteurs sont les suivants : 1) La collision entre les conceptions domestiques et internationales de la légitimité politique ; 2) Le contexte domestique

changeant dans lequel la politique étrangère des États-Unis est formulée ; 3) Les motifs ("patterns") de l´opinion publique sur la coopération

multilatérale ; 4) la position du multilatéralisme par rapport au « Grand Strategy» des États-Unis ; 5) Les réactions des autres pays qui

perçoivent l´unilatéralisme américain. 3 Ibid, p. 2. 4 Ibid., p. 7.

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2.1. L'exceptionnalisme américain5

L´exceptionnalisme américain fait référence à la conviction généralisée dans l'unicité,

l'immuabilité et la supériorité des principes fondateurs libéraux du pays, accompagnée par la

certitude que les États-Unis ont eu un destin spécial par rapport aux autres nations. C´est une

communauté consacrée aux principes des Lumières de la règle de la loi, la propriété privée,

le gouvernement représentatif, la liberté d´expression et de religion, et la liberté

commerciale. Cette singularité présente les États-Unis comme un modèle que les autres

nations doivent suivre. Ce sentiment de mission nationale a influencé les objectifs et le style

de la politique étrangère des USA6.

On compte deux façons d'orienter, de diriger, l´exceptionnalisme : d'une part, par le

parrainage d'une mission morale permettant de récréer la société internationale à l'image

propre des États-Unis, étant donné que la nation "doit transformer le monde anarchique et

conflictuel" en une communauté gérée par la loi qui a pour communs objectifs la sécurité, la

prospérité et le bien-être7. D'autre part, il convient de noter que l´exceptionnalisme suscite

une détermination de contrepoids pour préserver les valeurs et les institutions uniques des

États-Unis face à la corruption ou à la dilution qu'elles peuvent subir par le contact étranger.

C'est pourquoi, il est nécessaire de défendre les intérêts nationaux, la souveraineté et la

liberté d´action contre l´imposition des règles internationales et les institutions

supranationales8. Les moments-clés à faveur du soutien des organisations internationales se

sont manifestés après les deux Grandes Guerres lorsque les décideurs américains se sont

tournés vers les institutions internationales en vue de faire régner l´ordre mondial9. D'un autre

côté, le multilatéralisme américain pourrait être nuancé et limité par les institutions nationales

et par leur pouvoir écrasant.

5 Pour en savoir plus sur l´exceptionnalisme américain, cf. l'article de DEUDNEY Daniel & MEISER Jeffrey intitulé "American

Exceptionalism" présent dans COX Michael & STOKES Doug, US foreign policy, New York : Oxford University Press, 2nd ed, 2012, xvii,

p. 22-35. 6 DALLEK Robert, The American Style of Foreign Policy: Cultural Politics and Foreign Affairs, New-York : Knopf, 1983, p. xiv et

THORNE Christopher, “American Political Culture and the End of the Cold War”, dans Journal of American Studies, vol.26, Décembre

1992, p. 314-315 mentionné dans PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, op. cit, p. 7. 7 RUGGIE John Gerard, Winning the Peace : America and world order in the new era, New-York : Columbia University Press, 1996, p.25

mentionné dans Ibid. 8 HATHAWAY James, “America, Defender of Democratic Legitimacy”, dans European Journal of International Law, vol. 11, 2000, p. 121-123, mentionné dans Ibid. 9 IKENBERRY G. John, After Victory: Institutions, Strategic Restraint, and the Rebuilding of Order after Major Wars, Princeton : Princeton

University Press, 2000 mentionné dans Ibid., p. 8.

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2.2. La séparation des pouvoirs

La Constitution des États-Unis établit le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif comme deux

branches du gouvernement égales en rapport de force, c'est-à-dire qu'ils ont conjointement le

contrôle de la politique étrangère ; ce qui rend difficile d´assumer des obligations

internationales. En effet, cette particularité implique que la ratification des traités requiert la

concomitance de deux tiers des votes du Sénat. La minorité politique a donc le pouvoir

d'affecter la participation des États-Unis dans les conventions et de limiter l´approche des

accords entre le niveau domestique et le niveau international, surtout quand différents partis

contrôlent le pouvoir exécutif et législatif10

.

La deuxième Guerre Mondiale (1939-1945) a donné aux internationalistes libéraux -qui,

comme Woodrow Wilson pendant la première Grande Guerre, avaient une vision de l'après-

guerre fondée sur la loi internationale, la sécurité collective, l´autodétermination nationale et

le libre commerce- l´opportunité de gagner du soutien politique au niveau domestique pour les

compromis internationaux relatifs à la sécurité collective et à la fragmentation de l´économie

mondiale. L´administration de Franklin D. Roosevelt et Harry S. Truman a appuyé

l´Organisation des Nations Unies (ONU) and The Bretton Woods Institutions en vue de

stabiliser la politique globale et l´économie internationale, parce que le pouvoir exécutif a

forgé le consensus bipartite dans le Congrès suite aux échecs honteux de l'entre-deux-

guerres11

. Toutefois, pendant la Guerre Froide, la menace stratégique de l´Union Soviétique a

consolidé le soutien bipartite de l´exécutif et du Congrès envers les Institutions multilatérales.

2.3. Les États-Unis comme puissance hégémonique

Il faut ensuite mentionner la "Grande Stratégie"12

des États-Unis et leur position par rapport

aux organisations internationales comme l´ONU. En effet, après la Seconde Guerre

Mondiale, les États-Unis sont devenus une puissance hégémonique avec un rapport de force

asymétrique avec les pays européens et ceux des autres régions du monde. Ils devaient alors

contenir les pays dans un certain ordre institutionnel et ont pensé que les réformes sociales et

économiques pourraient soutenir les régimes démocratiques modelés dans des institutions

10 ZOELICK Robert, “Congress and the Making of US Foreign Policy”, dans Survival, winter 1999-2000, vol. 41, p. 23 mentionné dans Ibid. 11 DIVINE Robert A., Second Chance: The Triumph of Liberal Internationalism in America during World War II, New-York : Atheneum, 1967 mentionné dans Ibid., p. 9. 12 Pour en savoir plus sur la “Grand Strategy”, cf. SCHMIDT Brian, "Theories of US foreign policy" chapitre mentionné dans Michael COX

& Doug STOKES op. cit, p. 16-18.

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internationales à niveau global et régional. C'est pour cette raison que les États-Unis ont

conduit l'instauration d'organisations internationales comme l´ONU, la Banque Mondiale et

les autres institutions Bretton Woods, comme une politique de contrainte stratégique : d'une

part les petites et moyennes puissances pourraient être écoutées tout en se préservant du

pouvoir arbitraire des USA, et d'autre part, ces derniers céderaient une partie de leur

autonomie pour légitimer leur leadership international et contenir les orientations politiques

prévisibles et stables des autres pays13

.

À la fin de la Guerre Froide, les États-Unis étaient dotés de capacités sans égales. Ils avaient

des opportunités qui auraient pu les motiver à ne pas s´engager avec des organisations

internationales et à préférer faire cavalier seul, disposant ainsi de plus de ressources et d'une

plus grande marge de manœuvre. Le multilatéralisme devrait en principe impliquer des

relations basées sur des règles qui ont été acceptées par des pays et qui définissent comment

ces derniers doivent réagir dans certains domaines, et ce, malgré les intérêts nationaux, les

capacités et les circonstances qui leur sont propres. Ainsi, une puissance dominante comme

les États-Unis est susceptible de trouver la coopération multilatérale restrictive et la nation

pourrait être mêlée à des actions internationales au nom d´un agenda global dans lequel sa

souveraineté pourrait être subordonnée à des structures mondiales telle que l´ONU14

.

Néanmoins, les régimes globaux peuvent également fournir un mécanisme de consultation, de

réduction des coûts et de résolution de conflits et de différences en partageant des charges et

des risques afin de faire face à des problèmes transnationaux, comme le terrorisme. Comme

l'a observé Madeleine Albright, la représentante des États-Unis devant l´Organisations des

Nations Unies pendant l´administration Clinton, si les États-Unis travaillent avec des

institutions internationales et d'autres associés internationaux, la nation pourrait gagner le

soutien qui lui permettrait d'atteindre ses objectifs matériels et diplomatiques et légitimer ainsi

ses qualités de leader sur la scène mondiale15

.

Cependant, une puissance dominante et unipolaire telle que celle-là a les moyens de

contourner les consultations, d´appliquer sa volonté ou d´amortir les coûts de ses actions

13 IKENBERRY G. John, “Multilateralism and US Grand Strategy” mentionné dans PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, op. cit., p.

129-137. 14 HOLLOWAY Steven, “US Unilateralism and the UN: Why Great Powers Do Not Make Great Multilateralists”, dans Global Governance, vol. 6, 2000, p. 361-381 mentionné dans Ibid., p. 14. 15 BRINKLEY Douglas, "Democratic Enlargement: The Clinton Doctrine", dans Foreign Policy, Spring 1997, vol. 106, p. 111-127

mentionné dans Ibid., p. 13.

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unilatérales. Dans ce sens, la coopération des États-Unis avec les organisations internationales

est facilitée quand ils peuvent exercer un certain contrôle sur l´agenda, préserver une marge

de manœuvre, sauvegarder leur souveraineté et augmenter la probabilité de succès. Par

conséquent, les engagements pris par l'État américain avec l´ONU, les entités régionales

comme l'OEA, les coalitions ad hoc (Guerre en Irak en 2003), les sommets (G20) ont été

sélectifs de sorte à ce qu'ils (les États-Unis) puissent étendre leur influence et limiter leurs

obligations. Généralement, les USA tendent à montrer une plus grande préférence pour les

entités informelles (et non pas pour les organisations internationales formelles comme l´ONU)

et surtout pour les entités multilatérales avec lesquelles ils partagent les mêmes opinions et/ou

qui ont des avantages supportés par des mécanismes de pouvoir de veto ou de majorité

qualifiée (Banque Mondiale et Conseil de Sécurité) par rapport à des élections égalitaires

(l´Assemblée Générale des Nations-Unies)16

.

III. LA RELATION ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LES NATIONS UNIES

Selon une étude du Center on International Cooperation de l'Université de New-York datant

de janvier 2000, les sujets autour desquels se reflètent l´ambivalence et la sélectivité des

États-Unis dans la coopération multilatérale touchent l´Organisation des Nations Unies

(ONU) ; l´usage de la force ; les forces de paix ; les armes nucléaires ; les sanctions

d´extraterritorialité ; la Court Criminelle Internationale ; les Droits de l'Homme ; les relations

internationales dans le commerce et le monde financier ; le réchauffement climatique17

.

L'ONU se comprend comme un système d'institutions qui a pour mission de promouvoir et de

maintenir la sécurité et la paix internationales, et dont les tâches se sont ensuite étendues à la

promotion de la sécurité humaine et de la démocratisation, au respect et à la protection des

droits de l'Homme et le développement durable. Cette partie présente la relation historique des

États-Unis en relation avec l'Organisation des Nations Unies en deux étapes : depuis sa

création jusqu'à la fin de la guerre froide, et des années nonante jusqu'aux attentats terroristes

du 11 septembre 2001.

16 MAYNES Charles William, “America´s Fading Commitments to the World”, dans World Policy Journal, Summer 1999, vol. 16, No. 2, p.

11-22 mentionné dans Ibid., p. 12. 17 PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, op. cit, p. 6.

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3.1. De la création de l´ONU à la fin de la guerre froide

Comme il l'a déjà été souligné précédemment, les États-Unis ont joué un rôle primordial dans

la création de l'Organisation des Nations Unies. D'ailleurs, l'idée d'une Société des Nations

(SDN), ancêtre de l'ONU, a été émise pour la première fois à la fin de la première guerre

mondiale par le président américain Wilson. En outre, le 14 août 1941, le président américain

Franklin Roosevelt (ainsi que le premier ministre anglais Winston Churchill) a été à

l'initiative d'un document contenant une série de principes visant le maintien de la paix et de

la sécurité internationale. Ce document est connu comme la charte de l'Atlantique et est à la

base de la création de celle des Nations Unies. C'est à la suite des conférences de Yalta et de

San Francisco, initiées une nouvelle fois par les États-Unis, que l'Organisation des Nations

Unies a vu le jour. On peut dès lors affirmer que les USA ont encouragé la création de

l'ONU18

.

Dès sa création, les États-Unis ont entendu jouer un rôle majeur au sein de l'organisation.

Cependant, l'avènement de la guerre froide a compromis ses ambitions. L'ONU devint en

effet le lieu de batailles idéologiques entre les deux grandes puissances qu'étaient les États-

Unis et l'URSS. La guerre froide empêcha les institutions onusienne de fonctionner

correctement. Le pouvoir de décision de l'ONU était donc fortement limité. Les deux grandes

puissances antagonistes ont utilisé à plusieurs reprises leur droit de véto au sein du conseil de

sécurité empêchant de la sorte l'ONU d'intervenir à chaque fois qu’un projet de résolution

relatif à un État appartenant à la zone d'influence des USA ou de l’URSS voyait le jour. Seuls

les conflits mineurs sur la scène internationale ont pu être résolus par l’Organisation des

Nations Unies. C'est pourquoi on peut affirmer qu'au cours de cette période l'ONU est entrée

dans une véritable phase de léthargie.

Deux cas viennent illustrer la paralysie dont ont souffert les Nations Unies, suite notamment à

leur incapacité d'envoyer des forces armées à l’étranger. Premièrement, lors de la guerre de

Corée de 1950. Bien que le Conseil de Sécurité de l'ONU soit arrivé à un consensus sur cette

question, ce dernier a été facilité par l'absence de participation de l'URSS aux discussions.

Deuxièmement, l'approbation par l'ONU de la première guerre du golfe de 1991 a été

favorisée par le changement de posture de Mickael Gorbatchev vis-à-vis de l'Occident, se

18 SOH Changrok, "United States Foreign Policy and United Nations: The case of the War in Iraq", dans The Korean Journal of

International Relations, 2004, Volume 44, n° 5, p 47.

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10

montrant enclin à l'ouverture et à la coopération19

. À cet égard, bien que pour des raisons

symboliques, il est commun d'attribuer comme date de fin de la guerre froide la chute du mur

de Berlin, on notera qu'on pourrait concevoir que l'arrivée de Gorbatchev au pouvoir peut tout

autant servir de date de fin de la guerre froide dans la mesure où sa politique d'ouverture a

contribué à débloquer le Conseil de Sécurité et le fonctionnement de l'ONU20

.

3.2. De la fin de la guerre froide aux attentats du 11 septembre 2001

La fin de la guerre froide marque un tournant dans l'histoire des États-Unis en tant qu'elle

devient une superpuissance. À partir de ce moment qui marque également la fin de la

configuration bipolaire du monde, la politique étrangère américaine ne fera qu’ “hésiter” entre

une posture multilatéraliste et unilatéraliste, entre la volonté d’agir dans le cadre des Nations

Unies ou la volonté de maintenir son statut de superpuissance par rapport aux autres États de

la scène internationale. Les USA vont entretenir des relations complexes et ambivalentes avec

les Nations Unies vis-à-vis de ces deux derniers principes. En conséquence de quoi, ils

orienteront leur politique étrangère tantôt vers le multilatéralisme, tantôt vers plus

d’unilatéralisme21

.

Ce questionnement relatif à l'orientation à donner à la politique étrangère américaine se reflète

par la rédaction du "Defense Policy Guidance" par le secrétaire de la défense, Paul

Wolfowitz, en 1992. Au sein de ce document, apparaît déjà clairement le principe unilatéral

de la politique américaine ; le principal objectif des États-Unis n'étant pas tant la coopération

internationale mais bien le maintien de son hégémonie. Bien que l'arrivée au pouvoir du

président Clinton ait provoqué un changement de cap de la politique américaine à faveur du

multilatéralisme (celui-ci se concrétisa par l'intervention des USA en Somalie dans le cadre

des Nations Unies22

), l'échec qui en résulta mit un terme à la tentative multilatéraliste de

Clinton et fût à l'origine de la "Presidential Decision Directive 25" de 1994. Cette dernière

peut être comprise selon les dires du conseiller à la sécurité nationale de l'époque, Anthony

Lake, comme suit : "Nous choisirons entre une approche unilatérale et une approche

19 SOH Changrok, Ibid., p 48. 20 NAU Henry R., Perspectives in International Relations: Powers, Institutions, and Ideas, Washington DC : CQ Press, 4th ed., 2015, p 179. 21 ANDERSSON Nils, Le mal américain : l'unilatéralisme [en ligne]. Disponible sur : <http://cicg.free.fr/lemalamericainNils.htm>

(Consulté le 26 décembre 2014). 22 Notons que l'intervention s'est limitée à une présence militaire américaine et une aide humanitaire sans qu'aucune solution politique,

diplomatique, ne soit envisagée. Cf. DELPHY Christine, LÉVY Catherine et ANDERSSON Nils, "Généalogie de l'unilatéralisme", dans

L'Humanité [en ligne], 14 avril 2003. Disponible sur : <http://www.humanite.fr/node/283212> (Consulté le 26 décembre 2014).

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11

collective, entre les Nations Unies et toute autre coalition, selon ce qui sera le plus pertinent

et le plus profitable aux intérêts américains”23

.

La première application de ce "nouveau paradigme" de la politique américaine fût le Rwanda.

Bien que la mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (UNAMIR) exhortait les

USA à intervenir militairement sur le sol rwandais pour stopper les massacres, ceux-ci ont

refusé toute intervention ou envoi de renfort supplémentaire. De même, quand la guerre en

Yougoslavie a éclaté, les États-Unis, n'ayant pas d'intérêt à défendre, ont préféré ne pas entrer

en scène. C'est seulement lorsque la situation s'est aggravée qu'ils se sont manifestés et ont

fait appel à l'OTAN (via des frappes aériennes sans aval du Conseil de Sécurité de l'ONU).

Soulignons enfin ce qu'a déclaré Madeleine Albright, ex-ambassadrice américaine aux

Nations Unies : "Comme nous avons le droit de veto, nous pouvons bloquer toute opération

de paix qui ne serait pas en accord avec nos intérêts"24

. Le poids des intérêts propres des

États-Unis dans leur politique étrangère est donc énorme étant donné qu'ils déterminent le

choix entre uni et multilatéralisme.

Ces décisions n'ont pas été sans conséquence pour les Nations Unies qui se sont donc vues

refoulées et/ou mises à l'écart comme ça a été le cas dans le règlement du conflit

yougoslave25

. Bien que les USA aient pressé l'ONU à prendre des mesures favorisant le

maintien de la paix dans les années 90, ces derniers ont également négligé le soutien politique

et militaire et ont accusé l´ONU d'échecs inévitables. La crise financière qu'a connue

l´Organisation des Nations Unies et l´imposition de certaines réformes ont freiné la

coopération constructive dans différents domaines. Pour ces raisons, ses capacités ont été

perçues comme modestes et limitées.

Enfin, l'élection de George W. Bush en 2001 à la fonction de Président des États-Unis a

conforté la tendance hégémoniste des USA en donnant l'absolue priorité à la dimension

unilatérale de la politique étrangère. Comme le montre cet extrait d'un article paru en 2000

dans la revue américaine "The national interest", "Le système international actuel ne repose

pas sur l'équilibre entre puissance, mais sur l'hégémonie américaine [...] Les structures de la

sécurité internationale sont essentiellement une succession d'alliances dirigées par les États-

Unis.[...] Par voie de conséquence, il faut activement travailler au maintien de l'hégémonie

23 ANDERSSON Nils, op. cit. 24 Ibid. 25 Ibid.

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américaine"26

. Les attentats du 11 septembre ont dans ce sens constitué une occasion

considérable à la mise en œuvre de cette politique, notamment lors de l'intervention de la

guerre en Irak de 200327

.

IV. DEUX ÉTUDES DE CAS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE

DANS LE CADRE DE L´ONU: LA GUERRE DU GOLFE PERSIQUE ET LA

GUERRE EN IRAK

Afin d'illustrer l'évolution de la politique étrangère des USA sur différentes interventions

menées hors de son territoire dans le cadre des Nations Unies, nous avons choisi deux

événements clés de la politique étrangère américaine : la première guerre du golfe menée par

George Bush père, marquée par une approche multilatérale par rapport à l'usage de la force, et

la deuxième intervention en Irak de 2003, dont l’approche unilatérale a dicté la politique

étrangère des États-Unis.

4.1. La Guerre du Golfe Persique (1991)

La guerre du Golfe Persique est citée comme un modèle de la coopération multilatérale avec

l´ONU et les avantages potentiels de l´usage de la force dans un cadre multilatéral qui peut

ouvrir des options supplémentaires aux décideurs militaires, augmenter la probabilité de

réussite sur le champ de bataille, et éventuellement attester de leur pouvoir de légitimation28

.

Quand les pressions diplomatiques ainsi que les sanctions économiques prises à l'égard de

Saddam Hussein dans le but de le convaincre d'enlever ses forces militaires et de mettre un

terme à l´occupation du Koweït ont échoué, l´administration Bush œuvrait déjà dans

l´Organisation des Nations Unies en vue d'assurer le soutien du Conseil de Sécurité, qui a

approuvé la Résolution 678 qui autorisait l'usage de la force par "tous les moyens nécessaires"

dans le but de forcer l'Irak à se plier aux conditions du Conseil de Sécurité de l´ONU. La

26 Ibid. 27 SOH Changrok, op. cit., p. 46. 28 “La légitimité est une qualité subjective, entre un acteur et une institution rationnelle, et qui est définie par les perceptions de l´acteur par

rapport à l´institution” mentionné par HURD Ian, "Legitimacy and Authority in International Politics", dans International Organization,

Spring 1999, vol. 53, n°. 2, p. 379-408 et cité dans PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, op. cit, p. 48.

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Guerre du Golfe a donc démontré que la légitimation multilatérale et le pouvoir unilatéral

peuvent coexister d’une manière pragmatique, en se renforçant réciproquement29

.

La Maison Blanche quant à elle a calculé que la légitimation internationale pourrait leur

conférer des avantages politiques, mais la légitimation a été considérée non pas comme un pré

requis politique ou une obligation légale mais plutôt comme une tactique utile et efficace. La

stratégie a porté ses fruits six semaines plus tard, après que le Conseil de Sécurité ait approuvé

la Résolution 678, la Maison des Représentants et le Congrès ont autorisé l'usage de la force

en Irak. De plus, le Président Bush (Senior) a reconnu qu'il était prêt à agir sans l´autorisation

du Congrès ni du Conseil de Sécurité ; dans ce cas précis, les origines de la légitimation à

faveur de l'usage de la force auraient été justifiées par des principes d'ordre moral.

En outre, de nombreux critiques américains du multilatéralisme, dont le célèbre journaliste

Charles Krauthammer, ont décrit la Guerre du Golfe comme une exception et non pas une

règle, parce que la décision du Conseil de Sécurité a été enracinée dans la culture politique

américaine, et dans ce cas George Bush Senior a su profiter du camouflage international que

lui donnaient les résolutions du Conseil de Sécurité de l´ONU ; après tout, le Président

n´avait pas besoin de son approbation30

.

4.2. La guerre en Irak (2003)

La période allant des attentats du 11 septembre 2001 jusqu'aux premières interventions

américaines en Irak a été une période de forte tension dans les relations entre les États-Unis et

les Nations Unies. Ces dernières, fidèles a leurs principes constitutifs, entendaient résoudre ce

conflit par la diplomatie et la coopération tandis que le gouvernement américain était plus

enclin à employer la force de manière unilatérale. Comme l'illustre la célèbre phrase présente

dans discours de George W. Bush sur l'État de la Nation : "Qui n'est pas avec nous est contre

nous" 31

.

En effet, lors de son discours du 29 janvier 2002 sur l'État de l'Union, le Président américain

29 LUCK Edward C., “The United States, International Organizations, and the Quest for Legitimacy” dans PATRICK Stewart & FORMAN

Shepard, Ibid., p. 60. 30 Ibid., p. 61. 31 JARREAU Patrick, "Washington, l'"axe du Mal" et l'Irak", dans Le monde [en ligne], Rubrique international, 14 février 2002. Disponible

sur : <http://www.lemonde.fr/international/article/2002/02/14/washington-l-axe-du-mal-et-l-irak_262803_3210.html> (Consulté le 29

décembre 2014).

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George W. Bush a annoncé sa détermination à partir en croisade contre le terrorisme

international. Dans ce dernier, il parle "d'axe du mal" faisant référence aux pays d'Irak, d'Iran

et de la Corée du nord. Le président a déclaré qu'il était dans le devoir des États-Unis

d'Amérique d'intervenir contre ces pays car, de part leur possession supposée d'armes de

destruction massive, ils constituaient une menace à la sécurité de la nation. De plus, il ne

laissa planer aucun doute sur le fait qu'il ne tolèrerait pas que les États-Unis soient attaqués

une deuxième fois et ne permettrait à personne de s'opposer à une intervention unilatérale.

Deux mois plus tard, lors d'une session à l'assemblée générale de l'ONU, le président

américain a également affirmé que les preuves de la possession d'armes de destruction

massive par le gouvernement irakien existaient ; en conséquence de quoi Saddam Hussein

violait le droit international. S'il est vrai qu'il violait la résolution 687 du Conseil de Sécurité

de l'ONU de 1991 qui obligeait le désarmement complet des armes atomiques, chimiques et

balistiques de l'État irakien, George W. Bush a fait pression sur Saddam Hussein pour qu'il

respecte ses engagements et exhorte les Nations Unies à voter une nouvelle résolution pour

arriver aux désarmement du gouvernement irakien. Le 8 novembre 2002, après une longue

période de négociation au sein du Conseil de Sécurité, ses membres ont finalement voté la

résolution 1441 relative au désarmement de l'Irak : "Cette résolution donne à l'Irak une

«dernière possibilité» de désarmer avant de faire face à de «sérieuses conséquences». Elle

rappelle que le cessez-le-feu de février 1991 mettant fin à la guerre du Golfe reposait «sur

l'acceptation par l'Irak» de la résolution 687 lui demandant d'éliminer ses armes de

destruction massive sous l'égide de l'ONU. Elle constate «que l'Irak demeure en violation

patente de ses obligations (...) en matière de désarmement». La résolution prévoit d'«instituer

un régime d'inspection renforcé». Ainsi «la présentation d'informations fausses, l'existence

d'omissions dans les déclarations, le fait de ne pas se conformer à tout moment à la présente

résolution (...) constitueront une nouvelle violation substantielle des obligations de l'Irak et

seront signalés au Conseil de sécurité aux fins d'évaluation"32

.

À travers cette résolution, se manifeste la lutte entre l'unilatéralisme américain et le

multilatéralisme onusien. En effet, l'ultimatum de la dernière possibilité et/ou la menace de

sérieuses conséquences traduisent la volonté américaine de régler le conflit de manière armée.

D'un autre côté, la prévision d'un régime d'inspection reflète le désir d'autre pays, comme

32 ANONYME, "Les principaux points de la résolution 1441 de l’ONU sur l’Irak", dans La libre [en ligne], Rubrique actualité internationale,

8 novembre 2002. Disponible sur : <http://www.lalibre.be/actu/international/les-principaux-points-de-la-resolution-1441-de-l-onu-sur-l-irak-

51b87b40e4b0de6db9a7de0d> (Consulté le 29 décembre 2014).

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notamment la France et l'Allemagne, de régler ce différend par la diplomatie et le

désarmement. Cette résolution est donc un bon exemple pour illustrer l'approche unilatérale

des États-Unis dans le cadre des Nations Unies. D'ailleurs, après l'adoption de cette résolution,

Colin Powel, alors Secrétaire d'État des États-Unis, a déclaré que "La résolution n'empêchera

pas les États-Unis d'attaquer l'Irak". L'administration Bush était donc clairement prête à

outrepasser l'avis contraignant du Conseil de sécurité33

.

Quelques mois après l'adoption de la résolution, Colin Powell a communiqué à l'assemblée

générale des Nations Unies que Saddam Hussein ne respectait toujours pas les

recommandations de la résolution 1441 concernant son désarmement. Le côté unilatéral du

Conseil de Sécurité a estimé que les inspections ne portaient pas leurs fruits et les USA ont

fait pression pour intervenir militairement. Toutefois, les autres pays membres ont résisté à la

pression américaine qui souhaitait une intervention armée et ont réclamé la nécessité

d'intensifier les inspections concernant le désarmement irakien. Le Ministre des affaires

étrangères français, Dominique de Villepin, s'est même clairement opposé à la démarche

américaine, indiquant que rien ne justifiait une intervention armée américaine et que la seule

solution pour régler ce conflit était l'intensification des inspections menées par l'Agence

internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Il fallu attendre mars 2003 pour que les inspecteurs de l'ONU déposent leur rapport sur la

situation en Irak ; rapport dans lequel ils ont formellement stipulé qu'il n'existait aucune

preuve de la présence d'armes de destruction massive sur le sol irakien. Malgré ce rapport,

George W. Bush, lors d'un deuxième discours sur l'État de l'Union a déclaré que Saddam

Hussein n'avait toujours pas atteint les objectifs de la résolution et que les inspecteurs des

Nations Unies n'avaient pas su diminuer la menace que constituait l'Irak pour les États-Unis.

Il laissa 48 heures au dictateur irakien pour quitter son pays sinon quoi les USA allaient

attaquer l'Irak. Saddam Hussein ayant refusé cet ultimatum, les forces armées américaines

lancèrent les premières opérations sur le sol irakien le 20 mars 2003, malgré l'avis contraire

du Conseil de Sécurité de l'ONU34

.

33 CREVIER BÉLANGER Jules, L'unilatéralisme américain et l'avenir de la communauté transatlantique, sous la supervision de Stéphane

ROUSSEL, Montréal : Université du Québec, 2008. 34 Ibid.

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IV. CONCLUSION

Pour conclure, il est frappant de constater que, malgré le soutien américain dans la création de

l'ONU, la recherche de la sécurité, la démocratie et le développement économique global, les

États-Unis ont toujours fait preuve d'une position spéciale ou exceptionnelle envers les autres

pays membres des Nations Unies. Quand ils considéraient que leur capacité d'action se voyait

(trop) réduite ou que leurs propres intérêts se voyaient affectés par l'une ou l'autre mesure, ils

ôtaient leur soutien à l'ONU comme on a pu le constater dans les années 90, avec la fameuse

crise financière de l'ONU pour manque de paiement de cotisations, en plus du discrédit de

l'organisation suite aux pressions dans les missions de paix qui ont terminé en désastres

comme ça a été le cas au Rwanda.

Par ailleurs, l'unilatéralisme peut être considéré comme le fait d'agir des États-Unis sans le

consentement du conseil de sécurité de l'ONU ou en violation du droit international. La guerre

du Golfe Persique et notamment l'intervention américaine en Irak de 2003 sont deux cas qui

illustrent à quel point il est difficile d´atteindre la légitimation simultanée entre le niveau

national et celui international. À cet égard, la responsabilité des États-Unis s'interprète et

s'étend sur deux niveaux : d'une part comme une puissance dominante devant respecter les

règles, les processus et les institutions de l´ONU de sorte à garantir suffisamment son prestige

comme leader, et d'autre part comme une puissance hégémonique qui a besoin de flexibilité et

d'autonomie dans l'usage de la force afin de dissuader des potentiels agresseurs et de

rassembler des coalitions dans les cas où ses valeurs et ses intérêts sont mis en jeu quand le

Conseil de Sécurité de l´ONU est paralysé par un de ses membres35

. La seconde intervention

américaine en Irak en 2003 de George W. Bush, n'ayant pas reçu l'aval des Nations Unies,

s'inscrit donc clairement dans une approche unilatérale.

En outre, il est complexe pour les États-Unis de concilier le soutien à l´ONU avec sa propre

puissance, sa culture exceptionnaliste et les enjeux de la politique domestique. Les

fluctuations constantes de la politique étrangère américaine, que ce soit sur la base d'une

coopération multi ou unilatérale, vers les engagements de l´ONU pourraient la priver de son

habilité à formuler des politiques cohérentes, constructives et effectives qui permettraient de

faire face aux problèmes globaux. La coopération des États-Unis avec l'ONU leur permet

toutefois d'assurer l'existence d'un critère normatif de la communauté internationale et

35 PATRICK Stewart & FORMAN Shepard, op. cit., p. 60.

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continue de faire de l'ONU un organe très important dans l'apport de biens publics globaux, en

plus de constituer un lieu commun pour légitimer la politique étrangère américaine.

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