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Article de la Semaine du Minervois qui fait suite à une rencontre organisée par Chemin cueillant et BEDE dans le Minervois sur la gestion de l'eau.
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8 Jeudi 27 novembre 2014
LA SEMAINE DU MINERVOISD O S S I E R
Le Minervois, terre de garrigue,
connaît des périodes sèches de plus
en plus longues avec un accès à
l'eau problématique et inégal. L'arboricul-
ture s'y développe bien en réponse à la
diversification agricole dans un contexte
viticole et écologique fragilisé. C'est ainsi
qu'une vingtaine d'agriculteurs se retrou-
vent depuis deux ans à suivre un projet
d'irrigation innovant sur quatre installa-
tions et dont le bilan a été exposé au mois
d'octobre dernier à Tourouzelle. Moment
important de réflexion et de partage d'ex-
périences. Robert Brac, ingénieur au sein
de l'association BEDE, a ouvert la séance
soulignant l'importance pour la collectivité
des choix d'irrigation, ne manquant pas de
se référer au problème du barrage dans le
Tarn : “il est temps de reprendre la question de
l'eau en repensant toute son utilisation”.
Pour lui, la multiplication des friches en
Minervois doit susciter une réflexion dans
ce sens. La réinstallation de productions
maraîchères et fruitières, et particulière-
ment l'olive, est un bon substitut à la
vigne. Les projets de BEDE ont proposé
à quatre agriculteurs une expérience
d'irrigation par diffusion souterraine. C'est
une technique qui a fait ses preuves en
Afrique du Nord, et qui permet “d'adopter
une stratégie d'irrigation anticipée”. Des dispo-
sitifs ont été mis en place, certains sont
encore inachevés, d'autres sont fonction-
nels et peuvent déjà faire l'objet d'une éva-
luation. Nordine Boulahouat, lui aussi
agronome pour BEDE, a rapporté ces
techniques d'Algérie où il a mené des pro-
grammes expérimentaux dans des fermes.
Il a présenté le bilan qualitatif et quantita-
tif pour le projet Minervois, suivi d'une
approche de cas détaillée par les agricul-
teurs eux-mêmes. L'assemblée venue
nombreuse, a pu apprendre une gestion
de l'eau insérée au système global du
végétal, dans le but d'économiser ce bien
précieux, mais aussi, les richesses de la
terre, et beaucoup d'énergie.
Trois cas, trois succès
Chez Denis Josserand, vigneron et
oléiculteur à Tourouzelle (Domaine Clar-
mon) un système traditionnel de goutte à
goutte sur ses oliviers a pu être comparé
avec un système de goutte à goutte
enterré à 90 cm de profondeur. Sur deux
parcelles expérimentales, chaque arbre a
reçu 300 litres d'eau en une seule fois, en
micro-aspersion, au niveau de ses racines,
sur toute la superficie de la frondaison et
par le biais de quatre diffuseurs enterrés
reliés chacun, à un tuyau. Sur une saison,
l'expérience comparative a avéré une éco-
nomie d'eau d'une quantité de 900 litres.
Le goutte à goutte de surface a pompé en
un an 1200 litres contre 300 litres pour le
système enterré. Le bénéfice n'a pas
concerné uniquement l'eau, mais du
temps et de l'énergie. “Une fois que l'eau y
est, elle y reste !” explique Nordine. Des tests
par carottages ont pu montrer la persis-
tance de l'eau en profondeur. Pour Denis
l'intérêt est exponentiel “mes arbres sont
mieux nourris et plus résistants à la sécheresse
puisque les racines ne vont plus chercher l'eau en
surface mais plus profondément. Nous avons pu
observer la différence en creusant un trou.
DEUX ANS D'ESSAIS : UN PREMIER BILAN
De l'irrigation souterraine pour les vergersLe Minervois est depuis quelques années une terre d'expérience agricole pour quelques agriculteurs associés.
Quatre programmes novateurs d'irrigation arboricole sont mis en place depuis deux ans.
À l'origine ce sont deux ingénieurs agronomes de BEDE, une organisation internationale déjà connue en Minervois pour d'autres
actions collectives, et Chemin Cueillant, une association de paysans solidaires. Ces essais sont basés sur des techniques anciennes
connues dans les régions arides et adaptées au contexte local. Pour certains, il s'agissait de comparer avec un système classique,
pour d'autres, d'accompagner leur installation dès le début. Un principe : repenser la place de l'eau
en optimisant le potentiel hydrique de la situation. Mais ces ateliers posent aussi des questions connexes pour
envisager la culture globalement et impulser un travail collaboratif.
MINERVOIS : UNE TERRE D'EXPÉRIENC
Jeudi 27 novembre 2014 9
LA SEMAINE DU MINERVOISD O S S I E R
CES AVEC BEDE ET CHEMIN CUEILLANT
Les testeurs démontrent aussi comment la pluie
n'hydrate le sol qu'à 40 cm, alors que nous
envoyons de l'eau à près d'un mètre.” Nordine
démontre avec des courbes de mesures.
Un système d'irrigation souterrain minimise
les pertes par évaporation et améliore les
capacités de la plante à aller chercher l'eau
en profondeur. Cette irrigation pensée en
fonction des caractéristiques et des besoins
de la plante, a démontré son efficacité face
à la reconstitution systématique de ce que
les techniciens appellent la réserve en eau du
sol, facilement utilisable. Elle permet une
stratégie d'irrigation anticipée en portant
les sols à leur charge maximale avant les
périodes critiques pour les plantes et avant
la saison sèche. Ce système permet de pen-
ser l'irrigation comme un complément et
non comme un pilier d'un système de cul-
ture. D'autres facteurs doivent être considé-
rés avant de planter (encadré). “Sur toutes les
parcelles en friche que j'ai replantées, il n'y a plus
aucune haie alors que le pays est très venté. Je réa-
lise à quel point nous avons beaucoup perdu. J'ai
décidé de planter des haies, ce qui, en toute logique
va diminuer l'évaporation et la sécheresse.” Denis
Josserand a bien appris la leçon.
Anne-Marie Lavaysse est viticultrice à
Gimios (Saint-Jean-de-Minervois, Petit
domaine de Gimios) et teste aussi une irri-
gation souterraine pour ses arbres. Son ver-
ger est planté sur un causse sans eau. Un
défi. Mais la passion d'Anne-Marie pour les
arbres est bien plus forte. Après avoir ins-
tallé une cuve de récupération des eaux de
toiture, elle a choisi une irrigation souter-
raine particulière pour ses vergers. Dans
son engagement pour une agriculture bio-
dynamique, elle recherche un maximum
d'éthique et de cohérence, elle a donc
essayé la technique du "pot en terre" à la
place du diffuseur en plastique. “Cette tech-
nique est inspirée des Romains” explique Nor-
dine. Un pot enterré à l'envers, rempli de
graviers et relié à un tuyau, donne à l'arbre
son quota d'eau. Les résultats sont aussi
probants que chez Denis. Cette fois, ils ont
pu être observés directement sur l'arbre, ce
qui n'était pas évident pour les oliviers qui
subissent cette année une récolte quasi
nulle comme dans toute la région. “Le vert
des arbres est beau !” relate Anne-Marie, ce
qu'elle n'avait jamais vu dans sa garrigue
aride. “Il est possible aussi, de creuser un gros trou
et de le remplir de gravier pour stocker de l'eau au
pied des arbres” explique Nordine. Il a ensuite
présenté d'autres variantes d'irrigations
souterraines (voir illustration). Dans la
région, deux autres expériences basées sur
du stock d'eau de pluie avec optimisation
des terrains ont été présentées. Le cas
d'une vaissière à Sigean, chez des maraî-
chers, a retenu l'attention. Un fossé, peu
profond et large recueille provisoirement de
l'eau. Végétalisé, tracé le long des courbes
de niveau, cet ouvrage permet de capter les
eaux de ruissellement et de les infiltrer dans
le sol progressivement pour les y stocker.
Les talus sont plantés d'une forêt fruitière et
de quelques légumes qui bénéficient de la
présence d'eau quasi-constante en sous
sol.
Ces expériences ont démontré qu'une
variété de techniques étaient largement
sous exploitée pour une irrigation intelli-
gente.
Un modèle à changer
Pour les ingénieurs de BEDE qui ont aussi
travaillé en Afrique de l'ouest et en Europe
centrale, “l'utilisation de l'eau, à l'instar de toutes
les autres pratiques agricoles, a été dominée par le
modèle agro-industriel de gestion des stocks,
avec les stocks de nutriments remis à niveau par la
fertilisation minérale (engrais), stocks d'organismes
vivants jugés antagonistes réduits par les pesticides
et stocks d'eau dans le sol, rechargés par l'irriga-
tion.” Nordine Boulahouat explique que “le
principe d'un système axé sur la dépense met la
plante dans un état de manque récurrent. L'eau
devient un bien économique dont il faut optimiser le
coût et non l'efficience technique et sociale.” Pour
lui “la logique uniformiste a étouffé les approches
contextuelles, qui implique la prise en compte du
terrain, des essences végétales, du sol, etc.” Pour
BEDE, les changements climatiques, les
multiples pressions sur la ressource en eau,
les dégâts écologiques, amènent la paysan-
nerie à réinventer des modèles de gestion
de l'eau, comme elle doit réinventer la ges-
tion de la fertilité des sols, celle de la biodi-
versité cultivée, le contrôle phytosanitaire,
la commercialisation, etc. En agriculture
écologique, la gestion de l'eau ne peut pas
faire l'objet de recettes universelles et ne se
limite pas à l'irrigation. Dans l'idéal, chaque
paysan installe sur ses parcelles un système
d'irrigation sur mesure. Pour l'aspect
humain et technique, une approche particu-
larisée ne peut être possible qu'avec un
échange des savoirs. Ces problèmes néces-
sitent une prise en charge collective en
comptant sur les organisations locales.
Chaque région, chaque petit bout de pays,
devant se poser la question de la gestion de
l'eau propre à ses ressources et son
contexte. Le Minervois, pays viticole, subit
l'influence du climat méditerranéen que l'on
sait chaotique et marqué par une longue
saison estivale chaude et sèche. La dérégu-
lation climatique accentue encore plus les
contraintes d'alimentation en eau des
plantes, amenant à se poser autrement la
question de l'irrigation. �
Catherine Jauffred
Sources : Chemin Cueillant et BEDE.
• Atelier “gestion autonome de l'eau”CCoommmmeenntt rrééhhaabbiilliitteerr eett mmooddeerrnniisseerr ll''hhyyddrraauulliiqquuee ppaayyssaannnnee ddaannss llee MMiinneerrvvooiiss ??
Cet atelier s'inscrit dans le cadre d'un programme d'adaptation de pratiques innovantes de ges-
tion de l'eau dans le Minervois. Il a été prolongé comme projet de recherche-action participa-
tive dans le dispositif des "Laboratoires Hors Murs pour la biodiversité agricole" ; il devrait aider
à construire des programmes d'action collaboratifs de plus grande ampleur.
BBEEDDEE (Biodiversité échanges et diffusion d'expériences): Tél. / Fax: 04.67.65.45.12 -
www.bede-asso.org ; CChheemmiinn CCuueeiillllaanntt : chemincueillant.wordpress.com
Sur les vaissières : www.permaculturedesign.fr/terrassement-en-permaculture
• Conseils avant l'irrigation
par BEDE
- Le choix des espèces et variétés adap-
tées est le premier acte de gestion de l'eau
- L'amélioration de la fertilité et de la vie du
sol permet d'augmenter sa capacité de
rétention. L'eau physiologique des orga-
nismes d'un sol vivant constitue aussi un
réservoir d'eau potentiel
- Le paillage du sol permet de garder la
fraîcheur en limitant l'évaporation et nourrit
le sol
- Les brises vents réduisent les pertes par
évaporation
- Une conduite favorable à un enracine-
ment profond permet aux arbres d'exploiter
un plus grand volume de sol et donc de
satisfaire plus facilement leurs besoins en
eau. La greffe in situ ou l'extirpation des
racines superficielles sur certaines espèces
comme le figuier favorisent l'enracinement
profond ;
- Le choix d'une densité de plantation
adapté au contexte pluviométrique pour
réduire la concurrence pour l'eau entre les
plantes cultivées ;
- L'association de cultures à profondeurs
d'enracinement différentes permet de gérer
la ressource en eau du sol sur une plus
grande profondeur (principe de l'agrofores-
terie).
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