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CouvertureTitreDédicacePrologueChapitrepremierChapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19Chapitre20Chapitre21Biographie
DumêmeauteurMentionslégales
LaurannDohner
RageHybrides–1
Traduitdel’anglais(États-Unis)parTristanLathière
Milady
À M. Laurann, soutien indéfectible, même au temps où je me servais d’unlogiciel antique pour écrire. Il ne s’est jamais plaint que je passe des soiréesentières au-dessus du clavier et n’a jamais trouvé idiot que j’invente deshistoires…parcequ’ilsavaitquecelamerendaitheureuse.Mentionspécialeà tous les lecteursquim’envoientdese-mailsàproposdecequej’écris:celam’asouventpousséeàmerelireet,ainsi,àfairerevivretelleoutellesérie.
PROLOGUE
—Merde, murmura Ellie en contemplant l’homme enchaîné au mur de lapiècevoisine.C’était pareil chaque fois qu’elle se faufilait dans la salle d’observation : le
spectacleladéprimaitsansqu’ellepuisses’yarracher.Endépitde lavitresans tain, lecaptifdonnait l’impressionde lasuivredes
yeux.Elliedétaillaletorsedénudéauxmusclessaillants,lesbicepsmassifsquisecontractaientlorsqu’iltiraitsursesentraves,lestraitsdéformésparlafureur.Elleéprouvaitunéland’empathieetdecompassionpresquedouloureux.Privé
delibertéetdedignité,lesujetfaisaitpreuved’unedéterminationsansfaille.Ildevaitpourtant avoir conscienceque sesefforts étaientvains.La jeune femmelevalamainpoureffleurerlecadreenboisdelavitresanstain.Elleauraitvoulul’apaiser, luimontrer que quelqu’un compatissait. Plus encore, elle désirait lesoustraireàcetteprisoninfernale.Ilméritaitd’êtrelibre.Unmouvement dans un recoin de la pièce lui fit quitter des yeux celui qui
hantait ses pensées jour et nuit. La peur accéléra son rythme cardiaque : untechnicienvenaitd’entrer.JacobAlter,probablementl’undesemployéslesplusinhumainsdeMercileIndustries.Unsalopardquiprenaitplaisiràfairesouffrirlescobayes…etcelui-cienparticulier.Unmoisauparavant,lecolosseclouéàlaparoiavaitprofitédecequeJacobs’étaitrisquétropprèspourluicasserlenezd’un coup de coude. Bien fait pour lui, de l’avis d’Ellie. Le technicien, quiportait encore les stigmates de l’incident, adressa un sourire mauvais à savictimedésignée. Il avait de toute évidence l’intention de procéder à des testsdouloureux.— Salut, 416. (Jacob poussa un gloussement sardonique.) T’as fâché le
docteurTrent,àcequ’ilparaît.Tusaiscequeçaveutdire,hein?Lenouveauvenuposaunesacochebrune,delatailled’unsacdebowling,sur
latabled’examenquitrônaitdansunangle.Lechocprovoquaunbruitsourd.—Çaveutdirequejevaispouvoirfaireuntrucquimedémangedepuistrès,
trèslongtemps.Tuvasenbaver.Il leva la têtevers la camérade surveillance,dansuncoinde la salle, et se
passaunpouceentraversdelagorge.—Merde,merdeetmerde,gémitEllie,enproieàlapanique.Elleavaiteuventdeprisonnierstorturéspours’êtremisàdosl’unoul’autre
toubib.Jacob,visiblement,netenaitpasàcequesoientfilméslessévicesqu’ilcomptaitinfligerà416.Ilfallaits’attendreaupire.Jacob pencha la tête de côté, le regard toujours rivé sur la caméra, puis se
fenditd’unsouriremauvaisetreportasonattentionsurlesujetenchaîné.— La caméra est coupée. Rien ne sera enregistré. Ce qu’ignore le docteur
Trent, c’est que tu vas avoir un terrible accident, salemonstre. Fallait pasmefaire chier. Je t’avais pourtant prévenu… (Il empoigna la sacoche.)T’as signéton arrêt de mort, enme pétant le nez. J’étais sûr que l’heure de ta punitionarriveraitunjouroul’autre;mapatienceafiniparpayer.Ilbrandituneseringue.—C’estl’heuredemourir,tasdemerde!Impossible, songeaEllie. Elle n’avait pas subi le cauchemar éveillé qu’était
devenuesavied’espionneinfiltréeaucoursdesdeuxderniersmoispourassisterendirectàl’exécutionde416!Deuxmoisqu’ellevivaitdanslapeurconstanted’êtredémasquée.Laforcemoralenécessaire,ellel’avaitpuiséedansl’attitudede défi permanent du sujet 416. C’était pour lui qu’elle avait pris des risquesréels–etcollectélespreuvesnécessairesàlalibérationdescaptifs.Elles’attendaitàtoutmomentàcequelesvigilesluitombentdessus.Danssa
hâtede récupérerdes informationsàproposdecequi sepassait réellementaucentrederecherche,elleavaitjouésonva-toutunedemi-heureplustôt:chipersonbadgeàunefemmedustaffmédical,s’enservirpourpénétrerdanslebureaudel’intéresséeetcopiersondisquedur.Sijamaisunvigilevisionnaitlesbandes,elle était cuite. On l’arrêterait sur-le-champ… et elle connaîtrait un sort aussifunesteque416.Mortassuréepourl’unetl’autre.Que faire?Tenterquelquechosed’incroyablementstupide,àsavoiressayer
de le sauver,ouobéir auxordresde sonvrai chefen segardantd’intervenir ?Elle venait enfin d’obtenir assez d’éléments pour espérer la libération descobayes.Àconditiondefermerlesyeux,desetaireetdenepasfairedevagues,elle avait de bonnes chances d’exfiltrer lesdites informations au terme de sajournéedetravail.CequirevenaitàlaisserJacobassassinerl’hommeenchaînéaumur.Ellereportasonattentionsur416.Detouslesdétenus,c’étaitluiqu’elletenait
leplusàlibérer.Luiquitroublaitsonsommeildepuisqu’elleavaitétémutéeaucentre de recherche illégal dirigé par Mercile Industries. L’image du colosse
occupait ses pensées nuit après nuit avant qu’elle succombe à la fatigue. Etparfois,devait-elleadmettre,iljouaitunrôledepremierplandanssesrêves.Sadécisionétaitprise:iln’étaitpasquestiond’assisteraumassacresansriententer,elleenauraitlecœurbrisé.Soitelles’efforçaitdelesauver,soitlavienevalaitpluslapeined’êtrevécue.—Tunepourraspasterebiffer,cettefois.Jeteveuxàmamerci.Jeveuxque
tuvoies lamort arriver. (Lavoixde Jacobdevenait rauque.)Mais avantde tetuer,jevaist’enfairebaver.Ellie tourna les talons, sans plan précis en tête,mais déterminée à secourir
416.Ellequittaprécipitammentlasalleets’obligeaàralentirlacadenceunefoisdans le couloir, consciente d’être dans le champ des caméras de surveillance,puisobliquaverslaréserveafindesemunird’unkitd’analyse:faireirruptiondans la cellule sans motif valable paraîtrait louche. La valisette en plastiquesuffirait à donner le change. Elle se composa tant bien que mal un visageimpassible et ressortit dans le couloir. L’urgence commandait de gagner lacellulede416auplusvitepourcoupercourtauxatrocitésdeJacob.—Ellie!Lajeunefemmes’immobilisa,écarquillalesyeuxpuisseretournalentement.
Ungrandrouquin–ledocteurBrennor–sortaitd’unepiècevoisine,munid’unrelevé.—Oui?—Oùenestleprélèvementbuccaldu321?—C’estfait.La jeune femme s’obligea à patienter alors qu’elle n’avait qu’une envie,
tournerlestalonsetfiler.—Bien.Vousl’avezportéaulabo?—Biensûr.Desamainlibre,Brennorsefrottalanuque.—Durejournée,hein?Vousn’avezpashâtequecesoitleweek-end?Moisi.Fermez-la, grinça-t-elle en silence, que je puisse y aller. Elle haussa les
épaules.—J’aimemontravail.Àcepropos,j’aiuneprisedesangàfaire.Enurgence.— Entendu. (Brennor la détailla des pieds à la tête.) Sinon, ça vous dirait
qu’ondîneensemble,demainsoir?Ellien’encrutpassesoreilles.Illuiproposaitunrencard?—J’ai unpetit ami,mentit-elle, écœurée à la simple idéede sortir avecun
employédeMercile.Maismerciquandmême.
Leslèvrespincées,Brennorperdittoutechaleurdanssesyeuxverts.—Jevois.Bien…jenevousretienspas.J’aidesrelevésàmettreàjour.Ilpartitdansladirectionopposée.—Toute cette paperasse, grommela-t-il avant de disparaître au détour d’un
couloir.Les camérasm’observent, se rappelaEllie en refrénant l’envie de s’élancer.
Lajeunefemmesedirigeaàpaslentsverslacellulede416ens’efforçantdenerienlaisserparaîtredesonémoi.Dieuxduciel,faitesquej’arriveàtemps!Ellecomposalecoded’accèsd’une
maintremblante.Leboîtierélectroniqueémitun«bip»d’acceptation,puislestiges d’acier coulissèrent dans un chuintement caractéristique. Elle poussa lepanneauetpénétraentoutehâte.—C’estpouruneprisedesang,annonça-t-elle,unsourirefacticeauxlèvres.Laporteserefermadansuncliquetismétallique,puisunbrefbourdonnement
attestaqu’elleétaitàsontourenferméedanslacellule.Lascènehorriblequiluiapparutalorsluiarrachaunhoquet.416 n’était plus debout contre la paroi…mais à plat ventre sur la dalle de
béton.Leslongueschaînesdesesmenottesavaientététiréesjusqu’àunanneauausol,cequi l’obligeaitàsecabrer, lesbras tendusau-dessusde la tête,alorsqueseschevillesétaientrestéesenchaînéesaumur.Jacobavaitôté lepantalondu supplicié – Ellie remarqua la boule d’étoffe blanche qu’il formait dans uncoin–etsetenaitàgenouxentrelesjambesécartéesde416.Quelques secondes suffirent à la jeune femme pour comprendre ce qu’elle
venaitd’interrompre.Agenouillé,uninstantpétrifié,Jacobseressaisitplusviteque l’intruse. Il lâcha son instrument barbare – était-ce une matraque devigile ? – et tenta de se relever en remontant son pantalon et en jurant. Ellieréagitenfin.—Saletaré!Elle passa à l’action sans y penser, serrant si fort la poignée du kit de
prélèvementque leplastiquedur luimeurtrissait lapaume, et frappade toutessesforces.Jacobencaissalechocenpleinefigure.Ileutbeaureculer,couinerettomberàlarenverse,Ellies’acharna.Ellesejetasurluiàcalifourchon,pesadetoutsonpoidsetempoignalavalisetteàdeuxmains.Sarageaveuglefitlereste.Jacobtentavainementdeprotégersonvisage;aprèsquelquescoupsbienplacés,sesbrassansforces’abattirentcontrelebéton.—Foutumonstre,haleta-t-elle,frappanttoujours,avantdes’apercevoirqu’il
étaitensang.
Ellesefigea,prisedetremblements,lesyeuxrivéssurletechnicien.Puissonregardalladuvisagetuméfiéàlavalisette.Lecôtéquiavaitserviàlepilonnerétaitpleindesang.Elle lâcha l’objetsous l’effetduchocetcessadepesersurl’hommeétendu.Sapoitrinenesesoulevaitpas.—Miséricorde.Toutengeignantdoucement,elletâtalagorgeenquêtedupouls.Rien.—Ohnon,ohnon,ohnon,gémit-elle,désormaiscertainedel’avoirtué.Elleseretournaetdévisagea416commes’ilvenaitd’apparaître.Illuifaisait
face,sesyeuxétaientouverts,sajouereposaitsurlebéton.Ilcilla.Ilavaittoutvu.Ellebaissalesyeuxsursesmainstremblantes.JeviensdetuerJacob.Ellereportasonattentionsurlesalopardqu’elleavait
massacré dans un accès de fureur. Il l’a bien cherché. Puis elle s’exhorta aucalme.Réfléchis.Ilsfinirontparentrericietletrouveront.Ilssaurontalorsquec’estmoiquil’aitué.Puisilsmetorturerontjusqu’àcequej’avoue,etaprès,ilsm’élimineront. Les preuves n’arriveront jamais jusqu’à mon agent de liaison.Bonsang,Ellie,faismarchertacervelle!Elle leva les yeux vers la caméra. Celle-ci n’émettait pas l’habituel
clignotementrouge:ellenefilmaitpas.LepréposéavaitsuivilesinstructionsdeJacob.416étaitl’uniquetémoindecequis’étaitvraimentpassé.Jusqu’àquandla surveillance vidéo allait-elle rester coupée ? Probablement jusqu’à ce queJacobordonnesaremiseenroute…Lajeunefemmedéglutitetsemitàgenoux.Toutesonattentionétaitrivéesurl’hommeàterre,apparemmentsansforce,quiladévisageaitenretour.—Toutvabiensepasser,promit-elle.Lescobayesétaientdangereux.Onl’avaitprévenuecentfois:ilarrivaitque
l’un d’eux brise une chaîne.Mercile Industries avait illégalementmodifié desêtres humains avec de l’ADN animal avec, pour résultat, une force accrue etcertainschangementsdansl’apparence.Plusieursassistantsetmédecinsavaientététuésparleurscréatures.DesnouvellesquiravissaientsecrètementEllie:tousceuxqui se livraientàdesexpériences impiesdanscecomplexe souterrain luisortaient par les yeux. Le laboratoire pharmaceutique Mercile Industries nereculaitdevantrienpourfaireduprofit.Ellesurveilla416…toutens’autorisantàlorgnerlecorpsdénudé.Hormisle
dos,quisesoulevaitaugrédesinspirations,etlespaupières,ilnebougeaitpasunmuscle.Ellieremarquaunemarquerougesursonflanc.Avecsesbrastendusvers le plafond, c’était facile à voir. Ellie hésita. Il lui suffisait de briser unechaînepourlatuer.
Il mérite d’être sauvé. Ce mantra en tête, elle rassembla le couraged’approcher l’homme étendu. Elle avait déjà décidé de mettre sa vie en jeuquandelleavaitacceptéd’opérerincognito:espionnerMercileIndustries,c’étaitcourirun trèsgros risque.Tropdeviesétaient sacrifiéesaunomdesavancéesscientifiques.Cettefoutueboîtenes’intéressaitqu’àl’argent;ilfallaitmettreuntermeàsesagissements.—Jenevaispastefairedemal.Quand samain frôla lamarque, la colère revint en force. C’était Jacob, en
appuyantcommeunfouavecsaseringue,quiavaitcréécettecloquedelatailled’unepiècedemonnaie.Elleregarda416danslesyeux.—Ilt’ainjectéquelquechose?Lesujetneréponditpas.Elles’yattendait.Lescobayesétaientaptesàparler,
elleenavaitentenduplusieurspousserdesjuronsoumenacerlepersonnelalorsqu’elleeffectuaitdesprisesdesang,maiscelui-cineluiavaitjamaisadressélaparole.Quandelleentraitdanssacellule,ilnegrondaitmêmepas:ill’observaiten silence, reniflait parfois son odeur… sans jamais la quitter des yeux. Elliedéglutitdenouveauetremarquaàquelpointilétaitchaud.Delafièvre?—Toutvabien.Ilestmort,ilnetetourmenteraplus.Lajeunefemmerompitlecontactetrepritsoninspection.Ladécouvertedece
queJacobluiavaitfaitsubirlafitgrimacer:416avaittoutl’arrière-trainzébrédecoupsdematraque.Jacobs’étaitacharnésurlesfesses,l’intérieurdescuisseset les mollets. Ellie serra les dents. Elle n’était pas arrivée à temps pourempêcher que se produise une autre atrocité… Des filets de sang, près durectum,confirmèrentsespirescraintes. Jacobs’était servide lamatraquepouragressersexuellementleprisonnier.Prised’unnouvelaccèsdefureur,Ellieposaunregardassassinsurlemort.La
braguetteouvertepermettaitdevoirsaqueueflasqueenrobéed’unecapote.Pasdesangsurcelle-ci ;c’était toujoursça, iln’avaitpaseu le tempsdeviolersavictime.416grogna.—Là,çava,dit-elle.Tusaignes.Laisse-moit’examiner,jesuisinfirmière.Ellenepritpaslapeined’allerchercherdesgantsdansleplacardd’angle.Le
tempsjouaitcontreelle.Autermed’unebrèvehésitation,elleenjambalacuisseépaisse et musclée du blessé afin de mieux voir puis inspecta le postérieurrebondi.Elleluiécartadélicatementlesfessesetconstataquelesdégâtsétaientminimes.—Désoléedecequ’ilt’afaitsubir.Apparemment,iln’apas…Ellen’enditpasplus.ÉnonceràvoixhautequeJacobn’avaitpaseuletemps
de le sodomiser était au-dessus de ses forces. Rien de tout cela n’aurait dûarriver.—Tun’asriendesérieux.Surleplanphysique,entoutcas,compléta-t-ellementalementenluirelâchant
lesfesses.Lajeunefemmevintseplacerdevant416etsepenchapourdétaillersestraits.
En croisant son regard, elle vit qu’il bouillait intérieurement. Il entrouvrit labouche et découvrit des canines affilées.Puis il gronda, unpeuplus fort cettefois,maistoujourssansbouger.Dieuduciel,iladescrocs!songea-t-elle.Commeceuxd’unchien…oud’un
vampire.L’hybridationétaitdetouteévidenceàbased’ADNcanin.Celacadraitavec le grondement sourd, terrifiant, qui émanait du fond de son larynx : lapromesse de violence d’unmolosse dangereux. Elle seméfia, craignant de sefairemordresiellepassaitàportéedesescrocs.—Toutdoux.Jenevaispastefairedemal.L’inspectiondesesyeuxluiappritdeuxoutroischoses.Lespupillesétaient
trèsdilatées,ilparaissaitavoirdesdifficultésàfairelepoint.Jacobavaitdûluiinjecteruntruccostaud,maisquoi?Malgrésacarrureimpressionnante,lesujetétendu devait être incapable du plus petit geste, sans quoi il aurait résisté àl’agression du technicien. Il gisait près d’elle, sans force, mais ses yeuxtrahissaient une intense activité, et un nouveau grondement franchit ses lèvresentrouvertes.Elles’efforçadenepastrembleràlavuedescanines.—Ilt’afaitautrechose?A-t-ilparlédecequ’ilt’ainjecté?416cessadegrogner,maissansdireunmotpourautant.Pouvait-ilparler?La
droguequ’ilavaitreçuel’empêchaitpeut-êtred’émettreautrechosequ’unbruitde gorge…Un examen rapide s’imposait, et il lui fallait surtout s’extraire dumerdierqu’elleavaitprovoquéenseruantdanslacellulede416: lescamérasducouloiravaientdûenregistrersonentrée.Elledéfitl’attachequimaintenaitleprisonnierplaquéausoletgrognaàson
tourquand il fallut faire rouler cemastodonte sur le dos.Trèsgrand, il devaitpeser cent vingt kilos au bas mot. Elle fit l’effort de ne pas trop lorgner lespectorauxmassifs–ousurlerestedesonanatomie,puisqu’ilétaitnucommeunver.Enremarquantsonteintcuivré,lajeunefemmesefitlaréflexionqu’ildevait
s’agir de sa pigmentation naturelle puisqu’il était captif sous terre. Sa peaun’avaitpaspufonceràlalueurdeslampes.Sil’onajoutaitàceladescheveuxbrun foncé et des yeux chocolat, il avait probablement des origines
amérindiennes.Seulhic:416dépassaitd’unebonnetêtel’Amérindienlambda.Le surcroît de taille était peut-être dû au choix de la race de chien employée,bergerallemandouhusky…Iln’étaitpasbeauausensacadémiqueduterme,sespommettestropsaillantes
lui faisaient un visage dur. Laid aux yeux de certains ? Peut-être, bien qu’ilexerce un attrait… exotique. Sa structure osseuse devait résulter desmanipulations génétiques, il ne paraissait pas entièrement humain. Le regardemplidehaineetlamâchoirecrispéeluidonnaientunairférocequis’accentuadèsqu’Ellie fitmined’approcher.Legrondementsourd la fit s’immobiliser, lecœurbattant,prised’unepeursoudaine.Elleavaitsouslesyeuxlemâleabsolu,à l’état brut, laissant deviner à quel point il pourrait être dangereux. La jeunefemmefuttroubléedeletrouverinfinimentattirant.Aucundoute,cependant:cecorpstoutenmusclesexerçaituncharmepuissant.Si jamais il parvenait à bouger, elle était morte. Son envie de tuer était
palpable. Elle reporta son attention sur la cellule et sur le trait de peintureblancheécailléequicouraitsurtoutelalargeurdelapièce.Lepersonnelappelaitçala«lignedemort».Touslescobayesétaientenchaînésparleschevillesetlespoignets. Ils étaient si forts qu’il arrivait qu’une entrave rompe, mais aucunn’avait jamais brisé ses quatre chaînes. Un seul membre libéré leur suffisaitcependantpourtuer.Elleétaitassiseenzoneàrisqueàcôtéd’unspécimenmâleimmense,dontlesbrasétaientcertesentravés,maislibresdetouteattacheausolouaumur.Enenprenantconscience,elledutluttercontrel’enviepressantedeprendrelelarge.Ilmérited’êtresauvé.Ellehochalatête.Ilabesoind’aide.Ausculte-le,fais
tonpossible…etpriepourquepersonnen’entre.Voilà.Si jamais l’effetde ladrogue se dissipait avant qu’elle ait fini de l’examiner, il aurait tôt fait de luibriser la nuque. Il avait toutes les raisons de vouer une haine indistincte auxemployésdeMercile.EllieposalesyeuxsurlecorpssansviedeJacob,lesdentsserrées,puiss’obligeaàcontempler416.Ilfautquejesaches’ilestgravementblessé.Desmarbruresluizébraientl’estomac.Duboutdesdoigts,Elliecompritque
c’était l’œuvre de Jacob. Elle tâta la cage thoracique où d’autres marques sedevinaient. Aucun os brisé. Un ventre ferme, des abdos durs même noncontractés, rien qui suggère une hémorragie interne. Elle eut beau s’efforcerd’agirenprofessionnelledesanté,sesdoigtss’attardèrentplusquederaisonsurle tracé complexe des fibres musculaires. Aucun doute, l’effleurer faisait del’effetàlajeunefemme.Ilétaittabou,dangereux…etsexyendiable.
Quandsonregarddescenditmalgréellejusqu’àlazonepelviennedecemâlesi attirant, Ellie hoqueta. Elle s’empara machinalement du sexe légèrementgonfléets’escrimasurlegrosélastiqueplat.Difficiled’yallerendouceur:cesalauddeJacobavaittendul’élastiqueaumaximumetfaitplusieurstoursautourdelaverge.Enfinparvenueàôterl’instrumentdetorture,elles’empressadelejeter au loin. Puis elle commença à masser la peau endolorie… avant de serendrecomptedecequ’ellefaisait.Lesyeuxtoujoursrivéssurlesexede416,elleconstataque,mêmeaurepos,l’enginétaitimpressionnant.Pourtantl’affluxsanguinavaitété–douloureusement–coupé.—Le fils de pute,marmonna-t-elle,maudissant Jacob d’avoir commis une
horreurpareille.Lefeuauxjouesluivintlorsqu’ellepritlapleineconsciencedesongeste…et
son embarras s’accentua quand elle sentit la façon dont son propre corpsréagissait, alors même qu’elle n’avait fait que le soulager d’un instrument detorture.Ellevenaitdeluimanipulerlaqueue.416grogna.Ellieleregardaenfaceetvit,rivéssurelle,deuxyeuxsombres
où couvait la rage. Elle lâcha aussitôt le sexe qui reposait toujours dans sapaume.—Désolée!Ilfallaitquej’enlèvecetruc…Enjetantunnouveaucoupd’œilaumembreviril,ellevitlaméchantezébrure
rougeàl’endroitoùl’élastiqueavaitappuyé.—Çaneserarien.Elle l’espéra, en tout cas. Jacob avait de toute évidence agi dans le but de
meurtrir416.Un telgarrot sur le sexepouvait, à terme,provoquerdes lésionssérieuses.Aucun«risque»,cependant,puisquecesalaudcomptaitletuer.Quelcrime odieux ce serait d’amoindrir un type aussi sexy ! Cette simple penséefaillitluifairepousserunrâle.Pluslemoindredoute,l’hommenuétendudevantelleluifaisaituneffetbœuf.Elles’efforçadepenseràautrechoseauplusvite.Encommençantpararrêterdelemater.Ellesemorditlalèvreinférieureetcherchalemoyendelessortirdumerdier
oùelle lesavait fourrés.Prioriténuméroun : être librede sortir à la finde sajournée et livrer les informations piratées à son chef. Son regard se porta denouveau sur le cadavre. Jacob gisait là, en sang, sur le béton où elle l’avaitabandonné.Victimeévidentedescoupsrépétésqu’elleluiavaitassenésaveclekit de prélèvement. Il fallait qu’elle ait été prise d’une fureur noire pour lemassacrerainsi.Onpouvaitcroireàdescoupsdepoing…Sonestomacseserra.—Merde. Je ne vois qu’un moyen… (Elle affronta le regard de braise de
416.)Désolée,jen’aipaslechoix.Ellehésitaàluidirequielleétaitvraiment,pourquoielles’apprêtaitàluifaire
quelquechosed’horrible,maisn’osapas.Qu’arrivera-t-ils’illeleurrépète?Ilenestcapable.Iln’aaucuneraisondefaireconfianceàquelqu’unquitravailleici.Qu’ils’imaginelepire…c’estplussûr.416étaitconvaincuqu’Ellieneluiferaitaucunmal.Ilpaniquaenl’entendant
s’excuserparavance.Voulutremuer.Soncorpss’yrefusa.Ilpouvaitorienterlesyeux, ciller et déglutir. Grogner un peu… mais pas parler.Qu’est-ce qu’ellecompte faire?Me tuer?Danscecas,pourquoiavoiréliminé le typequis’enprenaitàmoi?N’importequimaispaselle,songea-t-il,auxabois,maladeàl’idéedemourir
privédeforce,étendudanscettecellule. Ilhumaleseffluves limpidesdecellequi ne manquait jamais d’éveiller ses sens. Ellie arrivait toujours pleine dedouceur, procédait à gestes délicats, son regard était bienveillant quand ellevenaitfaireunprélèvement.C’étaitleseulêtrehumainqu’ilaitvusourireavecbonté.Ilenétaitvenuàespérersesvisites.Celle-là,non,pasquestionqu’elleluifassedumal.Elleseulepénétraitdanssonantresansqu’ilsecrispe,sansqu’ilredouteladouleuretl’humiliation.Alorsqu’elle le regardait, il avaitvu lapeur s’insinuerdanssesbeauxyeux
bleus.416enconçutunlégerpincementaucœur.Ils’étaitappliquéànejamaislamenacer ni gronder, contrairement à ce qu’il faisait à l’approche des autrestechniciens. Jusqu’à aujourd’hui. Il regrettait de devoir la terrifier, c’était direadieu aux sourires qu’il avait appris à chérir depuis que la jeune femmetravaillaitici.Celafaisaitpeudetemps.S’ilignoraitcombienaujuste,unechoseétaitcertaine:elleétaitapparuedanssavierécemment.Il se rendit compte que son corps recommençait à répondre en sentant sa
queues’animer.UneexpériencedouloureuseenraisondecequeJacobluiavaitfaitsubir,maisgaged’espoir:l’énergieallaitpeut-êtrerevenirrapidementdansses membres. Ellie lui fit des choses qui lui donnèrent envie d’effleurer sescheveuxblonds,depresserlenezcontresagorgepourmieuxs’imprégnerdesonodeur enivrante. Il rêvait parfois d’elle nue, collée à lui qui était libéré de seschaînes.Quelbonheur ce serait de la toucher, de lagoûterdespieds à la tête,d’entendresavoix,detoutsavoirsurcettehumainequilefascinaitcorpsetâme.Le son de sa voix était une doucemusique à ses oreilles. Il désirait la voir
sourire,apprendreàrireavecelle,obtenirlesréponsesauxcentquestionsquisebousculaientdanssatête.Quiétaitcettefemmeensorcelante?Sapeauparaissait
infiniment soyeuse, et elle sentait bon, si bon ! Mais voilà qu’elle venaitd’annoncerqu’elleallaitluifairedutort…Comment pouvait-elle se montrer aussi cruelle ? Cette trahison lui fit mal.
Sansparlerdelahonteaprèscequ’elleavaitvu.Certes,ellel’avaitsauvéd’unviol en tuant le technicien, mais elle savait aussi ce qu’il avait enduré,l’humiliationinfligéeparcethumainabject.Lamortdansl’âme,ilsutqu’ellenepourrait plus jamais le regarder sans raviver l’image de sa déchéance. 416 sesentitàlafoismortifiéetfurieux:ilsétaientparvenusàbrisersonrêve,jamaisplusEllieneverraitenluiunmâledésirable.Ilgrondadenouveaupourl’effrayer,pourl’empêcherdepasseràl’acte.Son
corpsrestaitinerte,sesmembresengourdis,maisilsavaitqu’ilnelatueraitpasmêmes’ilparvenaitàselibérer.Non,ilsecontenteraitdelarepousserderrièrelaligne,afindecoupercourtàcequesoninstinctluidictaitdefaire.Illavoulaitd’unefaçonqu’ilsavaitimpossibleentreunprisonnieretsageôlière.Ellieselevaetsortitdesonchampdevision.Enlefaisantroulersurledos,
ellel’avaitprivéduspectacledel’hommemort.Incapabledetournerlatête, ildut se contenter de l’entendre et de la humer. Il perçut des bruits étranges.Qu’est-cequ’ellefabrique?Aucune idée. Angoisse. Tous les humains étaient cruels. Sans merci. Elle
l’avait abasourdi en tuant son agresseur… pour deux raisons. Primo, parcequ’elle l’avait faitpourempêcher l’humainde levioler,secundo,parcequ’elleétaitmenue.Elleavait triomphéd’unmâle.L’aurait-il sous-estimée? Il l’avaitcrue douce, délicate, et voilà qu’elle s’était déchaînée sur un type adulte avecsauvagerie.Sonpoulss’accéléra.Iltentaunenouvellefoisderemuer.Toujoursrien.—Misérablesalaud,jetedéteste!Jeveuxquetulesaches,crachaEllie.Enentendantcesparoles,416futpeinémaispastrèsétonné.Ilsavaitdepuis
longtemps que tous ceux qui travaillaient dans ce centre considéraient lescobayes comme de la viande sur pieds sans valeur. Quelle erreur d’avoir cruqu’Elliepuissepenserautrechosedelui!Une erreur stupide et impardonnable. Pris d’un nouvel accès de fureur, il
sentitundoigt tressaillir. Il remua labouche,ungrondement silencieuxcoincédanslagorge,etfitlesermentdesevengerdecettesalemanipulatrice.—Misérablesalaud,jetedéteste!Jeveuxquetulesaches.Ellieespéraqu’oùqu’ilpuisseêtre,désormais,Jacobavaitentendu.Lajeune
femme tenait à ce qu’il sache ce qu’elle pensait de lui. Elle ne regrettait pas
d’avoir tué ce misérable. C’était dérangeant, certes, mais elle saurait s’enremettre.Jacobneméritaitpasqu’ellenourrissedesremords.Ellie nettoya l’arme du crime et l’inspecta : plus aucune trace de sang. La
valisette était un peu bosselée, mais il était peu probable que quelqu’un s’enaperçoive toutde suite.Ellebourraà l’intérieur lagazeensanglantéedontellevenaitdeseservir.Contraintedetoucheraucadavre,ellegrimaçaenluibaissantlepantalonafind’exposerunpeuplussonsexegainéd’unpréservatifet,ainsi,nelaisseraucundoutequantàsesintentions.Puis elle s’efforçad’endiguer lapaniquequi enflait en elle.Son regard erra
jusqu’à 416, toujours allongé. Constatant qu’il n’avait pas bougé d’unmillimètre,ellerespiraplusaisément.Ilnerestaitplusqu’àprierpourquesonplan fonctionne et que ce qu’on lui avait affirmé se vérifie…à savoir que lescobayes étaient tropprécieuxpour être éliminés.Lesmédecins et lepersonnelabusaientcertesd’eux,maisc’étaitcontrelesordresdudocteurTrentqueJacobavaitprévudetuerlesujet416.Ilneluiarriverarien.Ilfautquejemeraccrocheàça.Armée d’un nouveau carré de gaze,Ellie épongea un peu de sang frais par
terre.Ellesetournavers416.Va-t-ilmehaïrpourcequejem’apprêteàfaire?Probablement.Paslechoix,hélas.JamaisonnelalaisseraitsortirducomplexesielleétaitsoupçonnéedumeurtredeJacob.Ellen’osaitmêmepasrévélersonplanà416 : s’il venait àparler, elle serait arrêtée, interrogée…etne reverraitjamais lasurface.Pour faire libérer416et tous lesautrescobayes, il lui fallaitêtrelavéedetoutsoupçon.Elle retrouva la seringue utilisée par Jacob. Par chance, il avait remis le
capuchon après avoir procédé à l’injection. C’était odieux de faire courir unrisque d’infection à 416 mais, là encore, elle n’avait pas le choix. Il fallaitréutiliserl’aiguille.PourvuqueJacobn’aitrientouchéavecavantderemettrelecapuchon!Elliehésita;songesteaccompli,iln’yauraitpasderetourenarrièrepossible.Elle décida de couper court aux atermoiements en agissant au plus vite.
Accroupieprèsde416,elleluibadigeonnalesmainsetlesjointuresaveclagazeimprégnée du sang de Jacob.Croiser son regard pendant qu’elle luimettait lemeurtresurledos?Non,c’étaitau-dessusdesesforces.Ils n’allaient pas l’éliminer. Il arrivait qu’un cobaye tue un technicien, elle
l’avait souvent entendu dire, et tous étaient encore de cemonde. Ils sont tropprécieuxpourqu’onlestue.Ilnerisquerien.Elleselerépétaenboucle.Sitôtrelevée,ellerangealederniercarrédegazincriminantdanslekit,pritla
seringue et se détourna. Elle haïssait l’idée de lui faire mal. Les larmesaffluèrent.Ilgisaitlà,inerteetsansdéfense.Ellen’avaitqu’uneenvie,leprendredans ses bras, quand bien même il souhaitait sa mort. 416 méritait qu’on luitémoigne de la compassion,mais hélas, lemoment étaitmalvenu. Il fallait unbouc émissaire pour la mort de Jacob, faute de quoi elle risquait de ne paspouvoir livrer les fichiers à son agent de liaison. Ellie disposait d’assez depreuvespourqu’unjugedélivreunmandatdeperquisition.Lecomplexepasséau peigne fin, les cobayes découverts, le scandaleMercile Industries pourraitéclateraugrandjour.Elle se pencha sur 416. Ses beaux yeux sombres étaient rivés sur elle. La
fureur brûlait dans ses pupilles. Elle ravala avec peine la bile qui remontait àl’idéedecequ’elleallaitfaire.—Désolée,vraiment.Maisjesuisobligée.—Jetetuerai,cracha-t-ild’unevoixrauqueenabattantunemainausoltout
prèsd’elle.J’enfaisleserment!(Sonlarynxfonctionnait.)Jetetueraidemesmains.La jeune femme eut peur qu’il mette sa menace à exécution : ses muscles
recommençaient à luiobéir.Ellebaissa lesyeuxenquêtede la zoneoù Jacobavaitprocédéàl’injection.Elleplantal’aiguilleaumêmeendroit,lepistonétaitdéjà enfoncé à fond, puis se releva d’un bond sans un regard pour 416 quigrognaitsousl’effetdeladouleurravivée.Lavalisetteramassée,elleseruaverslasectiondemurvoisinedelaporteet
détournalatêtejusteavantl’impact.Ladouleuréclatadanssajoue.Sesgenouxmenacèrentdecéder;legoûtdusangluiinondalabouche.Regrettantdenepasavoir de miroir à sa disposition, elle se remémora l’existence de la salled’observation.Etsiquelqu’unyétaitentré?Avaittoutvu?Non,décréta-t-elle:s’ilyavaiteuuntémoin,lasécuritéseraitdéjàvenuel’arrêter.Pourvu que son visage ait l’air aussi amoché qu’il l’élançait…D’unemain
tremblante,ellecomposalecodededéverrouillage.Unbip,lechuintementdesbarresd’acier,etlaportes’ouvritalorsqu’elletiraitdessuscommeunepossédée.Elle déboula dans le couloir ; le panneau se referma de lui-même ; unbourdonnement confirma le verrouillage.La jeune femme tomba à genoux, setorditlecouenquêted’unecaméraethurla.—Ausecours!Àl’aide!Les secondes passèrent. Une minute, peut-être davantage, s’écoula avant
qu’elleentendeunbruitdebottes.Quatrevigilesdébouchèrentàviveallureaudétour d’une coursive. Le souffle court, ils ralentirent et la dévisagèrent,
interdits.— Je suis entrée faire une prise de sang, haleta Ellie. Jacob était en train
d’abuserducobaye.Ilm’aattaquée.(Elleportalamainàl’endroitdouloureuxde son visage.) J’ai dû perdre connaissance…En revenant àmoi, j’ai vu 416briserlachaînequiluiretenaitlesbras,etJacobquis’acharnaitsurluiavecuneseringue.J’ignorecequ’il luia injecté,maisçan’apasfaiteffetassezvite.Jecroisqu’ilestmort!Cettechosel’atuéavantdes’effondrer.Puisse Dieu me pardonner, pria-t-elle sitôt sa bouche close. Les vigiles
dégainèrent leur Taser, l’un d’eux dut s’y reprendre à plusieurs fois pourcomposerlecode,puistoutlegroupeseruadanslacellule.Laportesereferma.Une autre équipe de sécurité arriva, accompagnée d’une partie du personnelmédical. Le docteur Brennor la prit en charge dans une salle réservée auxemployés.Levisagegrave,ils’occupadesaplaieàlabouche.—Ceneserarien.Elliehochalatête.—Qu’est-cequiattend416?Jen’arrivepasàcroirequeJacobaitpufaireun
trucpareil…C’estvraimentmoche.Lemédecinauxcheveuxrouxpinçaleslèvressousl’effetdelacolère.—Àqui ledites-vous.Nousavonscrééces…choses…afinde trouverdes
remèdes auxmaladies contre lesquelles les animaux sont immunisés. Et pouréviterqu’unnouveauvirussetransmettedesanimauxauxhumains.Avez-vousuneidéedufricquecelacoûte,pourconcevoirunseuldecesmonstres?Siuntechnicienadespulsions,iln’aqu’àlesassouviravecuneputeaulieuderisquerd’endommageruncobayehorsdeprix.Ellie serra les dents et baissa les yeux pourmasquer le dégoût, la colère et
l’horreurqueluiinspiraientdetelsproposausujetd’êtresvivants.—C’estqu’ilsnous rapportentgros,vous savez, en testant lesproduitsque
nousmettons au point pour l’armée et les fans de la gonflette. (Il se détournapourôtersesgants.)Vousavezvulesbestiaux?Legabarit,laforcephysique?Onlesformeàsebattredans l’uniquebutdedémontrerceque l’onpeut faired’un être humain, et ce qu’il est possible d’encaisser grâce aux nouvellesmolécules qui permettent une régénération ultrarapide. Les futurs contrats sechiffrentenmilliardsdedollars,vousimaginez?Sansparlerdecequ’onadéjàengrangé. Ces bestiaux-là sont nos prototypes. Des exemplaires dedémonstrationquiprouventcequeMercilesait faire :dessujets rapides, forts,redoutables.Laconcurrencepeutallerserhabiller!Touslesmecsvontvouloirnosproduits.CeconnarddeJacobafaillinouspriverd’unepouleauxœufsd’or.
Ce416estunsujettropprécieuxpourqu’onprennelerisquedeleperdre.Lajeunefemmefermalesyeuxpourmasquersonsoulagement.Ilsn’allaient
pastuer416,elleavaitprislabonnedécision.Certes,ilrisquaitdelahaïrpourlemeurtrequ’elle luiavaitcollé sur ledos,mais ilvivrait. Ilne restaitplusqu’àfiler à la fin de son service, à transmettre les preuves qu’elle avait collectées,puisà le sauverpar la seulevoiepossible.En traduisantMercile Industriesenjustice.—Tss,soupiraBrennor.Désolé.Voilàquejeparlegrossousalorsquevous
sorteztoutjusted’uneexpérienceaffreuse.Rentrezchezvous,d’accord?Faites-vousporterpâlepourlerestedelajournée.Etdemainaussi.Ellierouvrit lesyeuxetcroisasonregardenprenantsoindecacherlahaine
qu’elleluivouait.—Merci,dit-elled’unevoixtremblante.J’aieusipeur.Brennorluipressalebrasetsourit.—Jepourraispasserchezvousplustard.(Illouchasursapoitrine.)Ilnefaut
pasresterseule,aprèsunchocpareil…—J’aiunpetitami,mentit-elledenouveau.Brennorlalâcha.—Entendu.Allez,filez.Jeprévienslasécuritéquevouspartezplustôt.Ellieleregardatournerlestalonsetsedirigerverssontéléphonefixe.Pourvu
qu’ilprenneperpète,pensa-t-elle.Çaluiferalespieds.
CHAPITREPREMIER
CalifornieduSud,onzemoisplustard.
Elliepoussaunsoupiretrajustasesécouteurs.LeheavymetaljaillitdulecteurMP3qu’elleavaitglissédanslapocheavantdesonpantaloncorsaireencoton.Endépitdelatrèslégèrebrisesursapeau,ilfaisaitsichaudqu’elletranspiraitencoreà23heures.Coupd’œilàlafenêtreouverte:laclimdudortoirétaitunenouvelle foisHS.Leséquipesd’entretienn’avaientpas finiderégler lespetitstracaspropresàtoutbâtimentflambantneuf.La jeune femme sortit en plein vent par la porte-fenêtre du balcon, qu’elle
laissaitsouventouverte,afinderefroidirsonorganismesurchauffé.Puisellebutunpeud’eaudanslapetitebouteilleenplastiquequ’elleavaitprisedanslefrigominuscule en rentrant chez elle ; accoudée à la rambarde, elle contemplaHomeland,la«nation»,depuissonpointdevuedudeuxièmeétage.Ellevenaitd’entermineravecsesexercicesphysiquesdusoir.L’airfraisluifitunbienfou.Son attention dériva jusqu’aux murs du périmètre de sécurité, à quelquecinquantemètresdelà.L’enceintefaisaitneufmètresdehaut;desvigilespatrouillaientsurunchemin
deronde.Entresonbâtiment-dortoiretlemur,dugazonéparsetquelquesarbresformaient un semblant de parc. Le projetHomeland s’étendait sur deuxmillehectaresetvenaittoutjusted’êtreachevé,Ellien’yvivaitquedepuisdeuxjours.Personnen’arpentaitletrottoirquiserpentaitentrelesarbres.Le calme extrême qui régnait dans le bâtiment avait quelque chose de
dérangeant,mêmesiEllieavaitétéprévenue.Laplupartdesfillesn’avaientpasencore emménagé. Pourvu que tout se passe bien, espéra-t-elle, sincèrementdésireusequeleprojetHomelandsedéroulecommeprévu.Conçupourhébergerles survivants de Mercile Industries, il avait pour vocation de les aider àappréhender leur liberté toute neuve au sein d’une communauté protégée. Lesrescapésavaientbesoind’unhavredepaixoùtrouverleursmarques.Infiltrée dans ce qu’elle pensait alors être l’unique laboratoire clandestin de
Mercile Industries, Ellie avait découvert après l’opération de police qu’il en
existait en fait trois autres. Elle ferma les yeux, écœurée par le nombre devictimes des essais illégaux qui avaient fait les gros titres ces derniers mois.Touteslesinstallationssouterrainesavaientétéinvestiesparlespouvoirspublicsetlescobayeslibérés…maiscertainsn’avaientpasvécuassezlongtempspouren profiter. Les morts se comptaient par centaines. Ellie en avait eu le cœurbrisé.Elles’obligeaàrouvrirlesyeux.Deuxansauparavant,alorsqu’elletravaillait
ausiègeadministratifdeMercile,l’agentVictorHelioétaitentréencontactavecelle. Il l’avait informée des rumeurs de laboratoire clandestin où des êtreshumains, réduits en esclavage, servaient de cobayes pour tester desmoléculesillégales.Lapoliceavaitvainementtentéd’infiltrerdesélémentsàelle:Mercilerefusaittouteembauche.Entantqu’employéedéjàenpostedanslasociété,ElliepouvaitdemanderàêtremutéedansunlabodeR&Dsanséveillerlessoupçons.Horrifiée par l’idée que des individus puissent souffrir ainsi, la jeune femmeavait accepté d’espionner pour le compte des autorités. Six mois s’étaientécoulésavantquelaDRHaccèdeàsarequête,puisplusieursautresencoreavantqu’elle ait accès aux niveaux souterrains. C’était là qu’elle avait découvertl’enferquevivaient416etsessemblables.Sagrandefierté:avoircontribuéàlafermeture du labo clandestin. Elle avait risqué sa vie en exfiltrant les fameuxfichiersquiavaientconvaincuunjugededélivrerunmandatdeperquisition.Lapoliceavaitdonnél’assaut.Ellie soupira. Les mentions « classé confidentiel » et « programme de
protectiondesvictimes»étaientrevenuesàsesoreilleschaquefoisqu’elleavaitsouhaité savoir ce qu’il était devenu. Certains sujets n’avaient pas survécu àl’opérationdesauvetage:ilsavaientétéliquidésavantquelesforcesdel’ordreatteignent les niveaux les plus sécurisés, ceux-làmême où étaient détenus lescobayes.Pour toutcequ’ellesavait,416étaitmortdanssacellulesouterraine,sanssavoirquelacavaleriearrivaitàlarescousse.C’étaitàpleurer.L’ex-infirmièreôtasesécouteurs,éteignitlelecteurMP3etlâchal’ensemble
sursonbureau,enproieàl’angoissequilasaisissaitchaquefoisqu’ellepensaità416.Elleavaitdemandéàparticiperàl’opérationdesauvetage,quitteàmonterlagardeàl’entréedesacellule.C’étaitbienlemoinsqu’elleluidoive.Sourdàses supplications,Helio n’avait rien voulu savoir.Elle n’était pasmembredesforces de l’ordre. En outre, il n’était pas question de risquer la peau d’uneinformatricedontletémoignageseraitprécieuxpourenfoncerMercile.—Etmerde.Comment oublier ses yeux sombres ? Le visage de 416 quand elle l’avait
abandonnédanssacellule,songrognementdebête trahie?Elleavaitagidansl’uniquebutde lui sauver lavie…mais,n’ayantaucunmoyendecomprendrepourquoiEllieluifaisaitendosserlemeurtredutechnicien,ilavaitdûlaprendrepourunêtreabject.Aveugléeparl’affluxdelarmes,elles’efforçad’endiguerleflot.Despleurs,elleenavaitversédepleinsseauxdepuiscejouratroceoùellel’avaitlaisséétendu.Lasonneriedu téléphone fourniparHomeland la fit tressaillir.Sonportable
personnel,uniquelienaveclemondeextérieur,nesonnaitjamais.Elleavaitprissesdistancesavecamisetfamille.Savieentièreavaitétéchambouléelorsdesmoispassés à travailler au labo souterrain ; elle ne supportait plus ses parentsdivorcés qui l’utilisaient comme arme pour régler leurs comptes et qui, desurcroît, la blâmaient pour avoir elle-même divorcé. Il existait de vraisproblèmesàrégler:desproblèmesqu’Ellieétaitbiendécidéeàattaquerdefront.RésolueàaiderlesHybrides,elleétaitheureusedecontribueràcorrigeruntort.Celadonnaitunsensàsavie.Làétait l’essentiel.Elledécrochaà ladeuxièmesonnerie.—EllieBrower,j’écoute.—MademoiselleBrower,iciCodyParks,delasécurité.Jevousinformeque
quatre femmes viennent tout juste d’arriver.Leur situation était compromise àl’hôtel,onnousaprévenusauderniermoment.—J’arrivetoutdesuite.Elleraccrocha.Merde.Lesmédiasontdûapprendrequequatrerescapéessont
danslesparages.Leprotocoleétait lesuivant :encasd’atterrissage tardif, lesvictimes étaient placées sous bonne garde dans un hôtel puis transférées àHomeland le lendemain. La sécurité avait estimé qu’il était plus facile deprotéger le convoide jourmais,manifestement,planquerdes survivantesdansun hôtel comportait des risques. Ellie s’inquiéta : venaient-elles de vivre unépisode traumatisant?Lemondeextérieurétaitdéjàassezflippantensoipourd’ancienscobayessanslefeuroulantdesquestionsetlesflashsdespaparazzis.QuelquessecondessuffirentàElliepourenfilerseschaussuresetprendreson
badge.Ellequitta sonappartement, évita àdessein l’ascenseur, trop lent à songoût, et préféra dévaler lesmarches deux par deux. Les portes vitrées du hallétaient faites dans unmatériau assez solide pour résister au pire. Elle aperçutquatrefemmeset,derrièreelle,deuxvigilesquiportaientlesvalises.Ellepressalepas.CodyParks,lechefdeposte,l’accueillitavecunsourire.— Bonsoir, mademoiselle Brower. Désolé pour l’arrivée tardive de vos
nouvellespensionnaires.Elliesouritetreportasonattentionsurlesamazones.Lamoinsimposantedes
quatre devait faire un bonmètre quatre-vingts. Les dix femmes qui résidaientdéjàdanslebâtimentétaientinvariablementgrandesetmusclées;Elliesesentaitminuscule en comparaison. Elle adressa un large sourire aux nouvelles… quirestèrent de marbre. Elles paraissaient fatiguées, en rogne et un peu perdues.Ellieeutunélandecompassion.—Soyezlesbienvenueschezvous,déclara-t-elled’unevoixchaleureuse.Je
saisquevousavezdûenbaver,maisici,vousnerisquezrien.JesuisEllie,votrechefd’équipe.Deux des femmes froncèrent les sourcils. La plus grande et la plus
impressionnantedugroupeluijetaunregardnoir.Laquatrièmes’exprima.—Notrequoi?—Chefd’équipe.Unsimple titre, s’empressad’ajouterEllie, jenevaispas
jouer les chefs avec vous. Mon rôle consiste à trouver une solution auxproblèmes,répondreauxquestionsetauxbesoinséventuels.Vousfournirtoutel’aide possible, quoi.Aucun sujet n’est interdit, à toute heure du jour et de lanuit.—Unepsy,résumasèchementlamoinsgrandedulot,unejeunefemmeaux
cheveuxnoirs,enmontrantlesdents.— Non, corrigea Ellie. J’ai des notions de médecine mais je ne suis pas
docteur.Jesaisquevousaveztoutesdûconsulterunpsy.Jesuispasséeparlà,moiaussi…etjenelesaimepasplusquevous.Elleoffritsonexpressionlaplusavenante.—Jeproposedecommencerparvousmontrervoschambres,onenprofitera
pourfaireletourdubâtiment,puisjevouslaisseraivousinstaller.Ensuite…—MademoiselleBrower,intervintCodyParks.Ellie se tourna vers lui tandis que les quatre femmes entraient dans le hall.
Ellesétudièrent les lieuxpuis sedirigèrentvers le salon.Quelquesminutesderépitleurseraientprofitablespourprendreleursmarques.—Oui?—Uneréunionestprévuedansvingtminutes.Vousêtestenued’yassisteren
tant que responsable du dortoir des femmes ; le chef de leur nouveau conseilveut tout savoir sur Homeland. Il veut avoir la certitude que les siens nesubissent aucun mauvais traitement. Fraîchement nommé, il a besoin d’êtrerassuré.—Mais…ilestsupertard,plaidaEllie,consternée.Ilfautquejelesinstalle,
etçavaprendreplusdevingtminutes!—Jecomprends,maislechefenquestionestarrivéavecellesetditquec’est
important.(L’hommesoutintleregardd’Ellie.)Ilestcrucialqu’ilssachentquenous sommes dans leur camp, et déterminés à nous plier en quatre pour leurpermettredes’acclimateràlavienormale.C’estuninquiet.Lajeunefemmehésita.LesHybridesavaientétéséparésetlogésdansdivers
lieuxsécurisésaprèsleurlibération,letempsqueHomelandsoitprêtàtousleshéberger.Lecomplexeétaitappeléàêtreleurrésidencepermanentependantuneduréeindéfinie.Leurchefavait,decefait,desraisonsvalablesdes’inquiéterdelasécuritéetdubien-êtredesonpeuple.—Entendu.Jelesinstalleauplusviteetjemerendsàlaréunion.Elleabien
lieudanslasalledeconférencesdubâtimentprincipal?Parks hocha la tête. Ellie referma la porte du dortoir ; le signal sonore qui
retentitaussitôt témoignaduverrouillageautomatiquede l’entrée.Lesmesuresde sécurité, pour rigides qu’elles soient, étaientmises à l’épreuve par l’attraitirrésistiblequ’exerçaient lesvictimessur lesmédiasàsensation.Les tentativesd’intrusion se multipliaient depuis que les chasseurs d’images savaient oùlogeaientlesex-cobayesdeslaboratoiresclandestins.Le gouvernement planchait sur une loi vouée à interdire aux journaux de
publier un cliché d’Hybride. Les victimes de l’affaireMercile n’avaient pas àsubirlefeuroulantdesmédias.Plusinquiétantencore:lesgroupeshostilesauxHybrides, opposés au fait qu’on les traite comme des êtres humains à partentière,qu’on leurattribueuneenclaveprotégée,etquibeuglaientdessloganshaineuxauxabordsducomplexe.Elles’élança,embrayalepiloteautomatiqueetfitvisiterlerez-de-chausséedu
dortoiraupasdecourse:sallederéunion,deuxgrandssalons,cuisinespacieuse,réfectoire apte à accueillir cinquante convives, salle d’eau avec quatreW.-C.séparés et bibliothèque. Les deux étages supérieurs étaient divisés en petitsappartementscomprenantchambrette,salon,salledebainsetcoin-cuisine.Ellieinstallalesnouvellesaupremierétage,dansdeschambresmitoyenneset
en vis-à-vis. C’était devenu la norme, en deux jours d’aménagement : lesarrivantesétaientpassablementeffrayéesmêmesielless’efforçaientdenerienlaisser paraître, il était plus rassurant d’être logées à proximité les unes desautres.Ellesavaienttraversédesépreuvesabominablesetl’arrivéeàHomeland–unsautdansl’inconnu–n’étaitpasdavantageunepartiedeplaisir.Lalibertédevait être une expérience terrifiante après toute une vie passée à servir decobaye.
—Sivousavezfaimousoif,ilyatoutcequ’ilfautdanslemeubleenmétalargenté,àcôtédel’évier.Elle avait découvert assez tôt que lemot« réfrigérateur » était inconnudes
Hybrides.—Dixautresfemmessontlogéesàcetétage;sivousentendezdubruit,ne
vous inquiétez pas. Elles viennent d’ailleurs. (D’autres labos clandestins,songea-t-elle sans le préciser.) Mais elles sont comme vous. Le bâtiment estentièrementsécurisé,aucunintrusnepeutypénétrer.Vousnecraignezrien.Les quatre amazones la dévisageaient comme si elle était un insecte. Ellie
poussa un soupir ; c’était la norme, hélas. Elles seméfiaient des étrangers, àsavoirdequiconquen’avaitpasservidecobaye.—Vousmetrouverezà l’étageau-dessusdèsque j’enaurai terminéavec la
réunion.Monnumérodechambreestaffichéaumur,prèsdel’ascenseur.Venezmevoirsivousavezunequestionàposeroubesoindequoiquecesoit.Jesuisicipourvousaider.Unequestionavantquejedescende?Aucune ne s’exprima. La plus grande des quatre tourna les talons et
s’engouffradans l’unedeschambresqu’Ellievenaitde leurattribuer ; les troisautres suivirent, puis la porte claqua. Les nouvelles la battaient froid. Ellieespéraquecelanedureraitpas.Elliejetauncoupd’œilàsatenue:chaussuresdejogging,pantaloncorsaire
noir et débardeur bleu ciel. Cheveux noués en queue-de-cheval. Pas trèsprésentable,maisunregardàsamontreluiindiquaqueletempsmanquaitpoursechanger.Uneseuleoption:courir jusqu’àlasallederéunion.Elliefilaversl’escalier.Le bâtiment principal était situé à l’avant du terrain dévolu à Homeland.
Chaquedortoirétantpourvud’unevoiturettedegolf, lajeunefemmeconduisitjusqu’auparkingdel’administrationetcoupalemoteur.Ellepoussaunjuronenconsultantsamontre.Codyneluiavaitpasdonnél’heureexactepourlaréunion,mais plus de vingt minutes s’étaient écoulées. Elle courut jusqu’à l’entrée,ralentit le pas en remarquant le factionnaire armé qui ne la connaissait pasencoreetseprésentaàlui.—Bonsoir.EllieBrower,responsabledudortoirdesfemmes.CodyParksm’a
ditquej’étaiscenséeassisteràuneréunion.Levigile,visiblementnerveux, lui lançaunregardhostileetporta lamainà
sonarme.Elliemitlentementlamainàsapochededevantetexhibasonbadge.Une cartemagnétique qui, en plus de déverrouiller les portes, comportait sonnom,safonctionetsaphoto.Ellefitunpasenavantpourlaluiprésenter.
Legardes’enempara,l’étudiaavecsoinpuisluirenditsonbadge.—Salledeconférencesdegauche.Vousconnaissez les lieux,mademoiselle
Brower?—Oui,merci.La jeune femme dépassa le vigile et traversa le grand hall au petit trot, en
direction de la double porte où personne nemontait la garde. Lamain sur lapoignée,ellepoussalelourdbattantetfitsonentrée.La pénombre ambiante la surprit. Les plafonniers étaient coupés, seules les
appliquesmuralesdonnaientunpeudeclarté.Ellen’étaitpas seule,pourtant :desvoixrésonnaient.Deuxvigilesseretournèrentillicoetempoignèrentleurarme.Elledésamorça
la situation en affichant un sourire posé et en levant les mains pour montrerqu’elle ne tenait riendeplus dangereuxqu’unbadge.Derrière les cerbères, lesilence se fit. Ellie n’osa quitter des yeux les deux hommes qui étreignaienttoujoursleurflingue.—EllieBrower,chefd’équipedudortoirdesfemmes.Jeviensenpaix.Sablaguenefitpasrirelesvigiles.L’und’euxgardalamainsurlacrossede
sonarmependantquel’autrevenaits’emparerdubadge;ellenefitplusungesteavantqu’ill’aitinspectéetaithochélatête.—Installez-vous.Vousêtesenretard.Ellie rempocha son bien. Il lui fallut contourner le garde qui lui barrait la
route;quelquesenjambéesplustard,elledistingualesparticipants.IlyavaitlàDarrenArtino,chefdelasécurité,etledirecteurBoris.Cedernier
fronça les sourcils en allant à sa rencontre ; Ellie,mal à l’aise, comprit qu’ildésapprouvaitsonaccoutrement.— Je n’ai pas eu le temps de me changer, expliqua-t-elle. J’avais quatre
nouvellespensionnairesà installer,etmoinsdevingtminutespour lefaire.Onnem’apasinforméedecetteréunionavantleurarrivée.Boriscessadefairelagrimace.—Pasdeproblème,Ellie.Tâchez justed’êtreplusprésentable laprochaine
fois;onjureraitquevoussortezdelasalledesport.—C’est àpeuprèsça, admit-elle.Vousnevoulezpasque j’allume?C’est
sinistre,là-dedans…— Non, je regrette, soupira le directeur. Certains membres du conseil
préfèrentlapénombre.Elliecomprit.Pouravoirpassédesannéesdansunecelluleobscure,certains
survivants avaient développé une hypersensibilité à la lumière vive.Elle avait
équipéplusieursappartementsdubâtimentdesfemmesentenantcomptedeceparamètre,allant jusqu’àaller leuracheterdes lunettesnoiresà l’extérieurafinqu’ellespuissentcirculersansencombredanslessallescommunesdudortoir,etfait installer des variateurs dans certaines pièces. La jeune femme passaitbeaucoupdetempsàréfléchirauressentietauxbesoinsdesHybrides.Bienfairesontravailconfinaitàl’obsession.Ellereconnutd’autresvisagesdansl’assembléeetréponditparunsourireau
clin d’œil de Mike Torres, le responsable du bâtiment des hommes. Gentilgarçond’unepetitetrentained’années,MikeavaitunpeuflirtéavecellelorsdesonpremierjouràHomeland.DominicZort,lecadrequiavaitexpliquéàEllieenquoi consistait sonboulot de chef d’équipe, se tenait à côté deMike et luiadressaunbref signede tête.Zortavaitpourmissionde faireensorteque lesdifférents services coopèrent au mieux et se chargeait de l’essentiel durecrutement.Unmouvementenpériphériedesonchampdevisionattiral’attentiond’Ellie.
Ellesetourna.Quelqu’untraversaitlasalledanssadirection,maiscommeelleétaitpluspetiteque lespersonnesqui l’entouraient, ilétaitmalaiséd’identifierl’inconnu.—Ellie?lançaledirecteurBoris.Ilesttempsd’allernousasseoir.—Entendu,répondit-elleenluiemboîtantlepas.—Toi,grondaunevoixmasculinedanssondos.Ellieseretournaitpourtenterd’identifierl’originedugrondementàglacerle
sang quand desmains l’agrippèrent. La jeune femme poussa un glapissementétrangléalorsquesespiedsquittaient lesol.Deuxbraspuissants lasecouaientcommeun fétu de paille.Ballottée, le dosmalmené, elle eut le souffle coupé.Puiselleécarquillalesyeuxendécouvrantl’enragéquilatourmentait…416.
CHAPITRE2
416 grondait à l’intention d’Ellie, les lèvres retroussées sur ses longuescanines,etluifaisaitmalenl’étreignantjusteau-dessusdescoudes.Ilvenaitdelaplaquersurunetabledeconférence.Penchésurelle,sonvisagedéforméparlahaineàquelquescentimètresdusien,ilirradiaitlacolère.Ellieétaitterrifiée.Elleouvritlabouche,maisaucunsonn’ensortit.Rienqu’unhoquetétouffé.Il
grondaplusfort,l’aplatitencoreunpeuplus.—C’estquoi,cecirque?s’exclamaledirecteur.Lâchez-la!Ellieperçutdumouvementenpériphériedesonchampdevisionmaisn’osa
passedétournerduregardnoirde416.Ilparaissaitàdeuxdoigtsde l’égorgeravec ses crocs affilés qui luisaient dangereusement près d’elle. Le cœur de lajeunefemmebattaitsifortqu’ellecraignitqu’ilexplosedanssapoitrine.Ilavaitsurvécu…etallaitlatuercommeilavaitpromisdelefaire.—Lâchez-la,insistaunevoixmasculinesuruntonsansappel.—Qu’est-cequi sepasse, bon sang?glapit un autrehommeaubordde la
panique.— Rage, lâche-la immédiatement, fit une nouvelle voix anormalement
caverneuse.Leregardfuribondde416sedétournadesavictimeterrifiée.Ilgrondacontre
quelqu’underrièrelui.—Pasquestion.C’estentreelleetmoi.Recule.Ellie passa la langue sur ses lèvres sèches, soulagée de pouvoir souffler un
peu. Son bourreau l’agrippait si fort qu’elle en avait les larmes aux yeux.L’Hybride, quant à lui, se concentrait toujours sur quelqu’un d’autre. La salleavait beau être pleine demonde,Ellie comprit qu’elle allaitmourir devant unpublicimpuissantdèsqu’ilreporteraitsonattentionsurelle.—Lâche-la,Rage,réitéralavoixcaverneused’untonmenaçant.Maintenant.—Elleestdesleurs,grinça416.Ellebossaitcommetechnicienneaulabo.Pas
unpasdeplus.C’estmavengeance,j’yaidroit.Unbruitmécaniqueretentitdanslasalle;Ellieécarquillalesyeux.Elleavait
reconnulesonqueproduitunfusilàpompequandonchambreunecartouche.
Une boule dans la gorge, elle craignit qu’un vigile zélé abatte 416 pour luisauver lavie.Pasquestion !Sa terreurenvolée,ellen’eutplusqu’une idéeentête:empêcherqu’ilnemeure.Elleluiavaitdéjàsauvélamiseunefois,l’heureétaitvenuederecommencer.—Tout va bien, lança-t-elle le plus fort possible. (Sa voix chevrotait ; elle
poursuivitnéanmoins.)Neluifaitespasdemal.Netirezpas!S’ilvousplaît.—Ellie?ditBorisens’approchant.Dequoidiableparle-t-il?Elliecraignitlepireenvoyantsonbourreauseretournerverselle.Unfrisson
la parcourut : la colère froide qui couvait dans ses yeux noirs annonçait qu’ilcomptaitmettresamenaceàexécution.Plusaucundoute,ilallaitlatuerdevanttoutlemonde.—Rage,grondauneautrevoixmasculine.Relâche-la.Réglonsçaentregens
raisonnables.— Elle est à moi ! glapit 416, si crispé qu’il n’arrivait plus à s’exprimer
normalement,toutenaccentuantencorelapressionsursaproie.Leslarmesroulèrentsurlesjouesd’Elliesansqu’elleémettelemoindreson:
lepluspetitcririsquaitdefairemonterlapressiond’uncran…etl’undesmâlesalentourvenaitd’armerunfusilàpompe.—Ellie?lançaDominicZort,toutproche.Vousétiezinfiltrée,c’estbiença?Ellieravalaunsanglot.416grondaittoujourssourdementetsapoigned’acier
luifaisaittrèsmal.—Oui,haleta-t-elle.Onseconnaît,luietmoi.Legrognementdesontourmenteurs’amplifia.—Rage!tempêtaunevoixmâle.Lâcheimmédiatementcettehumaine!Ragecessadeluibroyerlesbrassanslalâcherpourautant.Ils’écartaunpeu
d’elle, pesa moins lourdement au-dessus de la tête de sa victime et ferma labouche pour masquer ses crocs. Respirant à fond par le nez, il continua àdévisagerEllie.Rage.Unnomaudiapasondecequiselisaitdanssesprunelles.Zorts’empressad’intervenir.— Ellie faisait déjà partie du personnel médical de Mercile. Infirmière au
siègeadministratif,sauferreurdemapart.Quandlesrumeursdelaboclandestinont commencé à circuler, elle a été chargéed’espionner laboîte.Les autoritésontbien tentéd’infiltrerdesagents,maisMercilese refusaità touteembaucheextérieure. Ellie a dû faire de gros efforts pour se fairemuter dans leur enfersouterrain afin de découvrir si les rumeurs étaient fondées. C’est elle qui arécolté les preuves qui nous ont permis de lancer l’enquête officielle et de
perquisitionner le premier site. J’ignorais qu’elle avait croisé de gens de votrepeuple,Justice.Cen’étaitpasmoisonsuperviseuretrien,danslesrapportsdeVictorHelio,n’indiquequ’EllieaitinteragiavecunquelconqueHybride.Encoremoins qu’elle ait fait du tort à l’un d’eux. Je ne l’aurais pas choisie pourtravaillerauprèsdesvôtressij’avaiseuconnaissanced’unlienpersonnel.(Zortpoursuivit d’une voix calme et placide.) Son nom complet est Ellie Brower,responsabledubâtimentdesfemmes.ElleamissavieendangerjouraprèsjourenespionnantMercilepournotrecompte,Justice.Ellesavaitqu’ellerisquaitd’ypassers’ilsapprenaientqu’elleavaitpriscejobdansl’uniquebutdeglanerdespreuves.—Lâche-la,ordonnaledénomméJustice,toujoursaussiinsistantmaismoins
sévère. Détends-toi, Rage. Je te comprends. Tu as entendu l’humain ? Ellietravaillaitlàpourlesaideràprouvernotreexistence.Elleasauvénotrepeuple.Rage ne lâcha pas Ellie qu’il continua à couver d’un regard de haine. Elle
soutintceregard,certainequ’iln’avaitcuredesraisonsquil’avaientpousséeàtravaillerlà-bas.Il lahaïssaitparcequ’elleluiavaitfaitendosserlemeurtredeJacob… et c’était justifié. Qu’elle ait agi pour son bien n’enlevait rien à labassesseduprocédé.—Ellie?questionnaledirecteurBoris.Quelleétaitvotrefonctionexactelà-
bas,etqu’avez-vousfaitàcethomme?Etmerde. Ellie déglutit. Les pupilles de 416 passèrent du brun chocolat au
presquenoir.—Jeme rendais utile, expliqua-t-elle à voixbasse.En compilant toute une
foule de données obtenues avec les tests salivaires et sanguins qu’onm’ordonnaitdefaire.—Pourquoivoushait-ilàcepoint?Luiauriez-vousfaitdutort?s’emportale
directeur.Vouslesfaisiezsouffrir?Ellie observa les traits tendus de 416. Si c’était elle qui s’était fait agresser
sexuellement,ellen’aimeraitpasquecelas’ébruite.Enoutre,avecsafiertédemâle,ildevaitdétesterl’idéequetouteslespersonnesprésentesaientventdesamésaventure… Mais comment expliquer l’origine du courroux de Rage sansdétaillerlesraisonsquil’avaientpousséeàtuerJacob?Ellehésita.Rageplissalesyeux;ungrondementpuissantenfladanssapoitrine.—Non,ordonna-t-il.—Rage?lançaJusticedesavoixanormalementcaverneuse.Qu’a-t-ellefait
pourquetuluienveuillesàcepoint?Ellet’aforcéàprendreleurssaletés?—Ellie,grinçaBoris,crachezlemorceau,qu’onenfinisse.
—J’aidûprocéderàdestests,mentit-elle.Jeluiaifaitmal.Cettedernièreassertionétaitvraie:enagissantcommeellel’avaitfait,Ellie
avaitdû luicauserunchocémotionnelsupplémentaire,commes’iln’avaitpaseuassezdecequeJacobluiavaitfaitsubirpendantqu’ilgisaitàsamerci.—Etiln’aimaitpasquejeluifassedesprélèvements,ajouta-t-elle.416grondapourtouteréponsemaisellecontinuaàsoutenirsonregard.—Jesuisdésolée,jen’aipaseulechoix.Jesavaisquel’aideallaitvenirsije
parvenais à sortir avec lespreuves. J’ai agidemanièreà tousvous sauver.Ledénouement était si proche…(Nouveau torrentde larmes.)Vraimentnavrée…J’aifaitcequej’aipupourvoussauver.Rageavaitl’humainequil’avaittrahiàsamerci.Incroyable!Ilavaitretrouvé
Ellie, elle travaillait à Homeland… et il la tenait. Il était libre, désormais, enpleinepossessionde sesmoyens– et enproie àun intensedébat interne.Quefaired’elle?Unepetitevoixluisusurraitdeluibriserlanuquemaisuneautre,plusinsistante,affirmaitqu’iln’avaitqu’uneenvie:seblottircontreelle.Cequi,dansuncascommedansl’autre,revenaitànepaslalâcher.Ceconflitintérieurl’écœura.Commenthésiteraprèscequ’elleluiavaitfaitdanssacellule?Cejourfuneste,etlesuivant,resteraientàjamaisgravésdanssamémoire.Justice eut beau insister pour qu’il la libère, sesmains refusèrent de lâcher
prise. Le simple fait qu’elle ose se trouver à l’endroit où lesHybrides étaientcensésêtreàl’abrideleursbourreauxlerendaitfurieux.C’étaitlapiredulot!Avecsonjoliminois,elleluiavaitfaitcroirequejamais,augrandjamais,elleneluiferaitdemal.Iléprouvaladouceurdesapeauduboutdesdoigts,humacetteodeurquil’avaitensorcelédesnuitsentières.Sesyeuxbleupâle étaient encoreplusbeauxquedans son souvenir. Il s’en
voulutdelavoirverserdeslarmes,d’êtreàl’originedesondésarroi.Quelpartiprendre?Exercerunevengeancequ’ilsavaitjuste…alorsqu’ildétestaitl’idéedeluifairedumal?Quandelleavaitdemandéàl’assistancedenepasluifairedemal,àlui,iln’enavaitpascrusesoreilles.Depuisquandlesennemisdéclarésremuent-ilscieletterrepourvoussauverlamise?—Rage,murmuraJustice.C’estunefemme.Précisioninutile:l’odeurdélicieusequedégageaitEllie,fraiseetvanille,lui
donnaitenviedegrogner,defourrersonnezcontresapeau,deremonterlapisteolfactive jusqu’àsonpointd’origine.Àquoidevait-elleceseffluvesenivrants,unshampoing,songeldouche?Lesimplefaitdeseposerlaquestionravivasacolère.
Iln’enrevenaitpasqu’elleaitpuœuvrercontrel’ennemi.Voilàquiexpliquaitsa présence au labo souterrain… mais cela n’excusait nullement sa trahison,quand elle lui avait fait endosser la paternité d’unmeurtrequ’elle-mêmeavaitcommis.Ellen’avaitdoncpaseuconsciencedesongeste,dumalqu’elleluifaisait?
Celaétant,ilnevoulaitpasqu’elleracontedansquellescirconstancesellel’avaitmisenrogne:tropdequestionsseraientposées,ilavaiteusadosedehonte.Pasquestion de s’épancher auprès de quiconque sur toutes ces annéesd’humiliations,d’impuissancetotale,demauvaistraitements.Êtrehybride,ilcontrôlaitsoncorpsetsonespritmalgrétoutescesannéesde
captivité. Il n’avait rien pu faire pour empêcher ce maudit technicien del’agresser mais, tandis qu’il gisait sans force, encore traumatisé par ce qu’ilvenaitdesubir,ilavaitsentisoncorpsréagiràlaproximitéd’Ellie.Ellel’avaitexcitémalgrél’horreurdelasituation.Iln’avaitpassouhaitéréagirainsi:celan’avaitfaitquerendresatrahisonplusimpardonnable.Sentantqu’ilbaissaitsagarde,elleenavaitprofitépour luifairemal.Etvoilàqu’ilcontinuaitàperdrelespédales,d’abordensejetantsurelle,puisenrefusantdelalâcher.Ladouleurquiselisaitsurlestraitsdelajeunefemmeluifitcomprendreavec
quelle force il l’étreignait. Il prit conscience, horrifié, qu’il luimeurtrissait leschairs.Aulieudevouloirlatuer,ilnesouhaitaitplusqu’unechose:massersesbrasendoloris,présenter sesexcuses…Il sedégoûtait lui-même.Luiqui avaitconquisl’honneurinsigned’êtrechefadjointdesonpeuple,deservird’exempleauxautresHybrides,dedémontrerqu’ilétaitpossibledevivreenpaixavecleshumains,ilétaitentraindemalmeneruneminusculehumaineterrifiée,celle-làmêmequihantaitsespenséesdepuissalibération!Qu’étaitdevenueEllie?Cettequestionl’avaittaraudétoutcetemps.Ilavait
mêmeusé de son autorité toute neuve pour consulter la liste des employés deMercilemissouslesverrous.Rêvéqu’ilentraitdanssacelluleet…l’observait,tout au bonheur de la revoir. Un grognementmonta de sa poitrine. L’urgencecommandaitdes’éloignerd’Ellieavantdereperdrelespédales.Ilavaitbesoinderéfléchir,decomprendrelesraisonsdecedérapagechaque
foisqu’ilétaitconfrontéàEllie.C’étaitabsurde.Ilétaitraisonnable,placideentoute circonstance. Ses semblables voyaient en lui unmodèle de stabilité ; ilscomptaient sur lui pour qu’il continue à donner l’exemple. Ce nom, Rage, ill’avaitchoisiàdessein.Pourillustrerqu’ilsavaitcanaliserlesélansdesoncœur.Enfin…presquetoujours.RageposalesyeuxsurElliepuisordonnaàsesmainsdes’ouvrir,sourdàson
instinctquiluihurlaitdenepaslalâcher.Ilrompitlecontactcommesilapeaudelajeunefemmeluibrûlaitlespaumes,fitvolte-faceetfenditlafoule.Ellierestaallongée,immobile,jusqu’àcequequelqu’unluitouchelajambe.
ElleétaitabasourdiequeRagel’aitlaisséevivre.DarrenArtinol’aidaàs’asseoiravecmilleprécautions.La jeunefemmecroisa lesregardsmédusésde lafoulealentour.Elle s’empressa d’essuyer ses larmes, étonnée d’être en vie.CherchavainementRage:ilavaitdisparu.—MademoiselleBrower?Celuiquivenaitdeparlerétaitpresqueaussigrandque416.Larged’épaules,
il avait les cheveux longs ramenés en queue-de-cheval. Ses yeux bleu nuitétaient dotés de pupilles étranges, semblables à celles d’un chat. Son costumeélégantnedissimulaitenrienl’auradedangerquiémanaitdelui.—Toutesmesexcusespour…l’attaquedeRagesurvotrepersonne. Jesuis
JusticeNorth,soyezassuréequ’ilserapunipourcequ’ilvientdefaire.Vousêtesblessée?Desesyeuxétranges,unbrindérangeants,ilépiaElliedespiedsàlatête.—Jen’airien,mentit-elleàvoixbasse.Envérité,elleavaitlecœurbriséparledépartprécipitédeceluiquiobsédait
ses pensées. Elle lutta contre l’envie de courir après Rage, de le supplier del’écouter,derenouvelersesexcuses.Sondésirdefaireamendehonorableétaitpresque douloureux. C’était impossible en raison du colosse qui lui barrait laroute. Justice constituait unemenace pourRage ; il fallait désamorcer la criseavantqu’elles’envenime.Ellies’efforçadenepaslouchersurlemâlesuperbeauregardfascinant.—Nelepunissezpas…Elle était prête à supplier si nécessaire.C’était lemoinsqu’ellepuisse faire
pouréviterdesennuisàRage.—Sacolèreestjustifiée,croyez-moi.Ilad’excellentesraisonsdevouloirma
mort.Justicepâlitenentendantcesproposetcillaàplusieursreprises.Sesépaules
massivess’affaissèrent.—Jesuggèrequevouspreniezunpeuderepos.Vousvenezdesubirunchoc,
uncollèguevoustiendrainforméedemain,àl’heuredevotreconvenance,decequiseditcesoir.Preneztoutletempsnécessairepourrécupérer.LedirecteurBorisapprochaàsontour.— Nous allons immédiatement nous passer de ses services à Homeland,
monsieurNorth.Veuillezaccepternosexcuses.L’annonce fit l’effet d’une douche froide à Ellie. Elle venait tout juste de
déménager en Californie, heureuse de participer au projet d’acclimatation desHybrides,etvoilàqu’onlaremerciait.Lajeunefemmen’envoulutpasàBoris:lescirconstancesplaidaientcontreelle.LeprojetHomelandavaitpourobjectifpremierdefaireoublierauxHybrideslestortsqu’ilsavaientendurés.Danscetteoptique,laprésenced’Ellieétaituneaberration.JusticefronçalessourcilsetcontemplaBoris.—JenevoisaucuneraisondelicencierEllieBrower.Elleapermisd’arracher
notre peuple aux laboratoires clandestins, nous serions bien ingrats de laremercieren l’éjectantduprojetqu’elleacontribuéà rendrepossible.Etpuis,c’estànousd’endécider.Homelandestnotrefoyer,non?Ledirecteurrestabouchebée.—Mais…maisRageladéteste,etc’estvotreadjoint!—Ragevamaîtrisersacolère.JusticesetournaversEllie.Sonvisagedurs’adoucit.— Allez vous reposer, mademoiselle Brower. Votre emploi ne craint rien.
C’estvousquicontinuerezàvousoccuperdubâtimentdesfemmes.Vousfaitespreuve d’une candeur qui fait chaud au cœur, et je vous remercie de vousmontreraussicompréhensiveenversRage.Ellie ne se fit pas prier. Elle quitta la table ; elle découvrit que ses genoux
tremblaient,maisqu’elletenaitdebout.Latêtebasseetleregardrivéausol,ellesehâtadegagnerlehalldésert.Sitôtsortiedelasallederéunion,elles’adossaàla paroi et se couvrit le visage. Tout son corps était secoué de spasmes. Il luifallutunebonneminutepourseressaisiruntantsoitpeu.Puiselleseremitenmarche, lesbrasle longducorps,etquitta lebâtiment.
416 avait survécu et pris le nomdeRage.Pire encore, il était le brasdroit deJustice North. L’air du dehors la fit frissonner. Le vigile posté à l’extérieurfronça les sourcils et la regarda sediriger vers savoituredegolf sansdire unmot.Justice était à la têtede l’Organisationdupeuplehybride.Les siens avaient
voté pour qu’il soit le porte-parole desHybrides dans leur ensemble,mais ilsavaientaussiéluunconseildereprésentantsdessurvivantsafindel’épauler.Unrescapépour chacundesquatre labos clandestins.L’OPH, comme ils l’avaientnommé,avaitdécidédesonpropremodedegestionquandlesÉtats-UnisavaientgarantiauxHybridesqu’ilsappuyaientleurvolontéd’indépendance.Le fait que les pouvoirs publics aient, par mégarde, financé la recherche
illicite en octroyant de généreuses subventions àMercile Industries avait pesélourddanslabalance.Prisendéfaut,l’OncleSamavaitditamenàtout.Ilfaisaittachequel’argentducontribuableaitserviàcréerlesHybridesetàmenerdesexpériences innommables, pendant des décennies, sous couvert de rechercheappliquée. Des sommes colossales avaient transité sur le dos des souffrancesenduréespar lesHybrides.Labasemilitaire flambantneuvequivenaitde leurêtreoffertenes’appelaitpasHomeland–lanation,lefoyer–sansraison.Cettelargesse des USA avait deux motifs politiques évidents : sauver la face etmobiliserl’opinionpubliqueenfaveurdesHybrides.Ellie gara la voiturette devant le bâtiment des femmes et sortit du véhicule.
Elle massa ses bras endoloris puis se hâta vers la grande entrée. Elle y étaitpresque…quandellesentitsescheveuxsedressersursanuque.Immobile,sonbadgeàlamain,elletournalatêteaveclenteur.Unhommeétaittapidansl’ombred’unarbre,del’autrecôtédel’allée.Rien
qu’une vague silhouette dans la pénombre, mais Ellie sut qui l’épiait. Rage.Forcément.Ellerestaàl’observer.Aucundesdeuxnebougea.Elliesemorditlalèvre.Quefaire?Alleràsarencontre?Ceseraitl’occasion
de renouveler sesexcuses,etpeut-êtredes’expliquerplusendétail jusqu’àcequ’il comprenne les vraies motivations de son acte, ce jour funeste, dans lacelluledusujet416.Saisieparl’indécision,lajeunefemmehésitaitentrel’envied’allerluiparleretlacraintequ’ilnesesoitpascalmé.Ragenefitpasungesteet les jambesd’Ellie refusaientde lui répondre.Au
souvenir de sa fureur, de la force avec laquelle il l’avait empoignée, elle eutbrusquementmoinsenvied’allerluiparler.Mueparlapeur,ellesetournaverslaporte, présenta son badge et se rua à l’intérieur. Puis attendit que la serrures’enclencheavantdecourirversl’ascenseur.Unsilencedecrypterégnaitsurledortoiràcetteheuretardive.Elleentradans
la cabine avec la sensation d’être observée.La paroi vitrée permettait en effetqu’illavoiedepuisl’extérieur.Laportedel’ascenseur,heureusement,n’étaitpasvitrée.Quandellesereferma,Elliepritappuicontrelaparoi.Allait-ilrenoncer?Difficile à dire… Seule certitude : il savait où elle dormait. Et comme iltravaillait à Homeland, il devait loger dans l’un des bâtiments réservés auxcadresdel’OPH,àunjetdepierreducentreadministratif.Malédiction.La cabine tinta en s’immobilisant au deuxième étage, dont elle était pour
l’heure l’unique occupante. À mesure que d’autres femmes arriveraient, lebâtimentserempliraitjusqu’àgrouillerdevie.Sonisolementluiapparutsoudain
commeunetrès,trèsmauvaiseidée.Pas de panique : l’immeuble était sûr. Les seules personnes enmesure d’y
pénétrerétaientlesoccupantesetlesvigilesaffectésàsasurveillance.Mêmelesmembresduconseiln’yavaientpasaccès.AucunrisquedevoirRagedébouler.Ellieouvritlaportedechezelle.Elle avait laissé les lumières allumées dans son petit appartement… et la
porte-fenêtre du balcon grande ouverte. Elle s’empressa d’aller fermer etverrouilla pour la première fois. Le balcon, hors d’atteinte ? Au diable lalogique.Ellesedéshabilla,jetauncoupd’œilàsesbras–lesdeuxétaientrougisàl’endroitoùRageavaitserré–puisgagnalasalledebainsdansl’intentiondeprendreunedouche.Rageestvivant!Cestroismotstournaientenboucledanssatête.Elliepleura
à chaudes larmes. Si les choses s’étaient passées autrement, ils auraient pu serencontrer.Etpuis,quisait…Ladouleurluifitfermerlesyeux.Etpuisquoi?Ilaurait craqué pour moi, comme j’ai craqué pour lui ? Absurde. Inutile d’ysonger, au demeurant. Ils étaient de parfaits inconnus l’un pour l’autre. Seulecertitude:ilmehait.Elles’enétaitrenducomptequandill’avaitplaquéecontrelatableetfaitéclatersoncourroux.Ellieessuyaseslarmesetseredressa.Lafaçondontelleavaitagiétaitlaseule
issuepossible.Ilneluirestaitplusqu’unechoseàespérer:qu’illuipardonneunjourdel’avoirabandonnédanssacelluleaprèsluiavoirmislemeurtredeJacobsurledos.Alors,peut-être…—Arrêtederêver,pauvreidiote,murmura-t-elleensecouantlatête.
CHAPITRE3
Ellieposaunregarddépitésursesprotégées.Préparéeàunecertaineréserveinitialedelapartdesfemmeshybrides,l’ex-infirmièreétaittombéedesnuesendécouvrant l’ostracisme dont elle était victime. Pas une rescapée ne lui avaittémoignélapluspetitemarquedesympathie.Ellesformaientungroupesoudé…auquelEllien’appartenait pas.Elle avait deplus enplusdemal àmasquer safrustration ; leur venir en aide, c’était toute sa vie, désormais, et elles le luiinterdisaient.—Çavousdiraitd’apprendreàfairelacuisine?Jepeuxvousmontrer,etj’ai
aussienstockunetonnedeDVDpédagogiques.(Ellielesétudiatouràtour.)Jesuissûrequevousenavezmarredecequ’onsertàlacafétériadel’OPH.Moij’adoreprépareràmanger.C’estuntalenttrèspratiqueensociété:toutlemondeaimefaireunbonrepas.Personnenepipamot.Lestrenteoutrente-cinqpairesd’yeuxrestèrentrivées
surelle.Elliepoussaunsoupir.—Jenesuispasvotreennemie,voussavez.Monboulotconsisteàvousaider
àvousdébrouillerdanslaviedetouslesjours,àvousintégrer.J’aitrèsenviedevousapprendreuntasdetrucs…maisvousnem’yautorisezpas.Lesilencequisuivit s’étira jusqu’àdevenirgênant.Ellie,vaincue, sentit ses
épauless’affaisser.— Très bien. Vous avez peut-être besoin d’un peu plus de temps pour
apprendre àme connaître. Si l’une d’entre vous a besoin de quoi que ce soit,voussavezoùmetrouver.C’estmonjob.Ah,sinon,j’aipréparédesgâteaux,ilssontaufrigo.N’hésitezpasàtaperdedans.Ellie s’empressa de quitter les lieux pour qu’elles ne voient pas son
abattement. Une fois dans le couloir, elle entendit ses élèves sortir de leurmutisme,cequiredoublasonenviedefondreenlarmes.Lesilencesefaisaitdèsqu’ellepénétraitdansunepièceetlesconversationsreprenaientdèssasortie.Ildevenait de plus en plus évident que les Hybrides la détestaient. Elles ne luiadressaient la parole qu’en cas d’absolue nécessité et ne voulaient pas de sonaide.Quelquescoursobligatoiresavaienteulieu.Leurobjectif:apprendreaux
résidentesàseservirdesappareilsàleurdisposition.Pasuneoupresquen’avaitposédequestion.Maiscelanesignifiaitpasforcémentunrefusdecoopérer,caràplusieursreprises,Ellies’étaitétonnéedeleurmémoirephénoménale.Lesplusdouées retenaient tout du premier coup et, ensuite, aidaient celles qui avaientplusdedifficultés.Jeter l’éponge, démissionner ? L’un desmembres du conseil s’était montré
formel:leurfroideurn’avaitriendepersonnel,quiconqueàsaplacedevraitenfaire les frais. Ellie n’était pas des leurs, c’était aussi simple que ça ! LesHybrides se méfiaient des humains. Il fallait faire preuve de patience. Lacohabitationneduraitquedepuisdeuxsemaines,aprèstout.Deuxsemainesenenfer,maugréa-t-elle intérieurementen rentrantchezelle.
Mais quel autre choix avait-elle ? Ellie n’avait nulle part où aller, elle avaittournéledosaupassé.Laperspectivededemanderasileàl’undesesparents,neserait-cequeletempsderebondir,suffisaitàluiflanquerlamigraine.Ses parents se déchiraient à tout propos. Ils n’étaient d’accord que sur
l’impérieusenécessitédevivrechacundesoncôté,etexigeaientd’Elliequ’elleserve d’arbitre à leurs querelles ineptes. L’un et l’autre l’avaient durementcritiquéequand elle avait décidédedivorcer ; ils étaientmême restés enbonstermesavecsonex,puis ilsavaient tout faitpour recoller lesmorceaux.Vainsefforts,envérité:entresejeterdansunefosserempliedeserpentsetretrouversavied’avant,lechoixétaitvitefait.Ellien’appelaitjamaissesparentsets’enportaitbienmieux.Trèsremontéscontreelle,ilsluifichaientdecefaitunepaixroyale,cequelajeunefemmen’avaitplusconnudepuisl’époquedeleurpropredivorce,quandelleavaitdixans.Sanouvellevieconsistaitàallerdel’avantenaidantdesgensquiavaientde
vrais problèmes : les Hybrides. Les rescapés comptaient à ses yeux… et lescitoyens lambda bienveillants envers eux n’étaient pas légion. De labienveillance,elleenavaitdestonnesenréserve.Ellie se changea rapidement.Débardeur, pantalon et chaussures de jogging.
Elle éprouvait le besoin de changer d’air et de sortir d’un bâtiment où elle nemanqueraitàpersonne.Gareànepasverserdansl’auto-apitoiement!Letravails’avéraitmoinsprenantetmoinsgratifiantqu’escompté;ellesouffraitdecettesolitudeetsentait ladéprimepointersonnez.SonlecteurMP3glissédanssonsoutien-gorge,elleycalaaussisonbadgepourpallierl’absencedepoche,sortitsurlepalieretcommençaàcourirsurplaceenattendantl’ascenseur.Ellejetauncoupd’œilàsamontreensortantdubâtimentetremarquaàquel
point le ciel était sombre, seulement piqué de quelques étoiles. Puis elle
contemplalesalonparlafenêtre:dixoudouzedesesprotégées,assisesdanslescanapés,riaientauxéclats.Queseracontaient-elles?Mystère,maisellesavaientl’airheureuses.Heureusesquejenesoispasavecelles,ruminaEllie.Ellemarmonnaunjuron
en tournant le dos à la scène. Le jogging était entré dans sa vie depuis soninstallationàHomeland;l’activitéphysiquel’aidaitàluttercontrel’ennui.Elles’élançaàalluremodéréesurletrottoir.Lesemblantdeparccouvraitunevasteétenduelelongdumurd’enceinte.Ellie poussa le volume du lecteur MP3 calé dans son soutien-gorge ; la
musiquehurladanslesoreillettes.Éclectiqueenmatièredegoûtsmusicaux,elleécoutait ces derniers temps du heavymetal qui convenait à son humeur. Sesfoulées régulières la conduisirent vers le grand plan d’eau, s’éloignant dupérimètre de sécurité, au cœur du parc arboré. Elle aimait courir au bord del’eau.La jeune femmeenchaînasurquelquesdizainesdemètresdemarche rapide
pourreprendresonsouffleàl’approchedel’étang.Ellefitquelquesétirements,sepenchajusqu’àatteindrelapointedeseschaussurespuisseredressa.Quelquechose remua en périphérie de son champ de vision. Ellie tourna la tête,s’attendantàvoirdéboulerunautrejoggeur.Personne…Ellefronçalessourcils.Aurait-ellerêvé?Ellie s’ébroua, ce devait être le vent jouant dans la ramure d’un arbre.Elle
tendit les bras au-dessus de la tête puis fit d’autres mouvementsd’assouplissement.Soncorpsluifaisaitmalquandellecourait,maiselletenaitàretrouverlaforme.Sagerésolutionàvingt-neufans.Ellesouritencoin:sonex-mariferaituneattaques’illavoyait!Enasseznet
surpoidsquelquesannéesauparavant,EllieBroweravaitchangédutoutautoutaprèssondivorce.Unehistoiresordideàsouhait.Sonsalauddemarilatrompait,neseprivaitpasdel’injurieretlajugeaitpitoyableaupointdegobertoutessessalades.Lourde erreur.Ellie n’était pas l’unede ces chiffesmolles qui restentavec un type incapable de les aimer. Les jérémiades de Jeff n’y avaient rienchangé,elleavaitmisuntermeàleurunion.Puis savieentièreavaitbasculéquandelleavait été témoindes souffrances
infligéesauxcobayesdechezMercile.Libéréedequinzekilosentropetdesonex, elle n’était plus lamême femme.Elle gloussa.Ce n’était pas quinze kilosindésirablesqu’elleavaitperdus,maisbiencentcinqsil’oncomptaitlesquatre-vingt-dixdececrétindeJeff.Ledernierlienaveclepassé,ellel’avaitcoupéenfuyantsesparents,quandceux-ciavaienttouttentépourqu’elleseremetteavec
Jeff.Qu’ilsaillenttousaudiable,songea-t-elle,amèremaissatisfaite.Elle eut soudain la chair de poule. Tétanisée, ellemultiplia les coups d’œil
alentour.Lespaysagistesavaientplantébeaucoupd’arbres;c’étaitpresqueuneforêt qui entourait le plan d’eau. Elle distingua quelques bancs publicsstratégiquement disposés mais les édifices du complexe étaient situés enpériphérie, tout au plus apercevait-elle deux ou trois toits. Ellie scruta denouveaulesténèbresenvironnantes.Aucundoute,onl’observait.ElleportalamainàsonlecteurMP3,l’éteignitpuisôtalesécouteursettendit
l’oreille : riendesuspect.Alorsqu’elles’apprêtaità rallumersonbaladeur,ungrognementsourdlafitsursauter.Unchien?Nouveaucoupd’œilderrièreelle…toujoursrienenvue.Les quelques vigiles qui sillonnaient Homeland avec un chien de garde
tenaienttoujoursleuranimalenlaisse.Sil’und’euxétaitdanslesparages,sonmaîtreseraitdéjàvisible…Ellien’eutsoudainqu’uneenvie, retournerauplusviteàsonbâtiment.Ellen’avaitpasfaittroispasqu’unnouveaugrondement,plusproche,retentit.
Toutsoncorpsse raidit.La jeune femmescrutaunenouvelle fois lepérimètreimmédiat, les écouteurs autourdu cou, le baladeur serrédans sonpoing.Et sic’étaitunchiendegardequis’étaitéchappé?Cesmolosses-làétaienténormes,férocesetdressésàprotégerleurterritoire.Ellerisquaitfortd’êtreprisepouruneintruse.—Holà?lança-t-elleenpriantpourqu’unvigilel’entende.Ilyaquelqu’un?Rage avait épié le dortoir des femmes où vivait Ellie et l’avait aperçue à
plusieurs reprises à travers les vitres du rez-de-chaussée. L’humaine travaillaitavec celles de son peuple ; il avait été fier d’elles en constatant qu’elles labattaient froid… jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que cela la chagrinait. Queldéchirementc’étaitdelavoirainsisouffrir!Ilauraitdûs’enmoquermaiss’endécouvraitincapable.Leplusahurissantavaitétédelavoirquitterseulelebâtimentpours’enaller
fairesonfooting.Sepouvait-ilqu’elleignoreàquelpointRageétaitdangereux?Qu’ill’épiait?Etsoninstinctdesurvie,ilétaitenpanne?Apparemmentoui:ill’avaitsuiviesansencombretandisqu’elletrottaitdans
leparc,unezoneisoléeàsouhait,commepourl’inviteràs’approcher.Puiselles’arrêta.L’attendait-elle ?La brise lui apporta l’odeur d’Ellie, ce qui eut poureffetdelefairegrogner.Ragesesentitmûparundésirimpérieuxdel’approcher,cequilemitenrogne.C’étaitl’ennemie,merde!
Le conflit intérieur avec la bête qui était en lui fit pousser un nouveaugrondementàl’Hybride.Samoitiéhumaineavaitconsciencequ’ilfallaitgarderses distances avec Ellie : elle s’était infiltrée pour sauver les siens, c’étaitl’unique raison de sa présence au labo souterrain. Sa moitié animale, enrevanche,nedésiraitqu’unechose–alleràsarencontre,latoucher,laposséder.Ceconstatl’alarma.Ragerechignaitàobéiràsoninstinct.L’humaineavaittrahisaconfiancealors
qu’ilétaitconvaincuqu’elleneluiferaitjamaisdetort.Audiablelesraisonsquil’avaient poussée à travailler pour Mercile ! Elles n’excusaient en rien cequ’Ellie lui avait fait, sa colère était intacte, il avait payé très cher les petitesmanigancesdela«gentille»infirmière.Sous sa houlette, ses frères apprenaient à contrôler leur instinct animal. Le
moinsqu’ilpuissefaire,c’étaitdemuseler lesien,donner l’exemple,garder latêtefroide.SaresponsabilitéenverslesHybridesconsistaitàleurmontrerqu’unevienormaleétaitpossiblepoureuxhorsdeslaboratoires.Qu’ilsn’étaientpasdesanimauxcréésparMercile,toutjustebonsàsefaireinsulter.Seulhic:Ellieétaitlapreuvevivantequ’ilavaitunefaiblesse.Elle.La jeune humaine cherchait à percer les ténèbres. L’animal qui était en lui
hurlaitde fondre sur elle,de la toucher. Il eutbeau lutter, soncorps semit enmouvementmalgrélui.Çarecommençait,elleluifaisaitperdretoutcontrôledeses actes ! Il était incapable de résister à son odeur, au désir impérieux deplongersonregarddansceluid’Ellie,d’entendrelesondesavoix.Samoitiéhumaineenrageadesentirl’animalenpleinrutlorsqu’ellelançason
appelenvoûtant.Rageluttadeplusbelleenhumantl’odeurdelapeur.Commentlaprotéger?Enlaterrifiant,peut-être,afinqu’elleprennesesjambesàsoncou?Son attention attirée par un nouveaumouvement, Ellie resta bouche bée en
voyantRageémergerdederrièreuntroncàsixouseptmètresd’elle.Toutsoncorps réagit à lavuedecemâle immenseet sexyendiable,dontémanaituneauradedanger.Elle ravalasasalive,sentit sa respirations’accélérer…puisauchocsuccédaunepeurinsidieuse.Cen’étaitpasunchienqu’elleavaitentendugrogner,mais416.C’étaitRagequivenaitdeproduirecesoneffrayant.Ses cheveux longs et soyeux lui tombaient en cascade sur les épaules et la
poitrine,aussi libresetdénuésd’entravequ’il l’était lui-mêmeàcet instant.Satenuesombremettaitenvaleursacarruremassive,sesbrasénormesetsataillefine.L’impressiondedanger s’accentua lorsqu’elle sentit seposer sur elle sonregard chocolat noir. Il la détailla de bas en haut puis fit entendre un bruit de
gorge étouffé.La crispationde samâchoire et de tous sesmuscles sedevinaitmalgrélapénombre.Il fit un pas en avant qui s’apparentait davantage à la manœuvre d’un
prédateurqu’àcelled’unhumain.Ellielouchasursescuisses–deuxpaquetsdemusclesquisaillaientdansunpantalonnoirmoulant–puissurseschaussuresnoires.Rageirradiaitlaforce,lasexualité.Elliedéglutitbruyamment.Soncœurbattaitlachamade,elleavaitlesoufflecourt,toutsonêtreétaittenduverscetteincarnationparfaitedelamasculinité.Personnene luiavait jamais faitceteffet-là.En levoyant faireunautrepas
touten fluidité, la jeune femmepritconsciencequesa tenueétaitconçuepourl’aideràsefondredanslesténèbres,qu’ilavaitpeut-êtreprévuderestercaché…etqu’ilvenaitdeluiapparaîtreàdessein.Rage la contempla sansmot dire.Ellie fit demême et crut discerner un air
affamésursonbeauvisage.Ils’humectalalèvreinférieured’uncoupdelangue,unepointerosesynonymed’interditetdetentation,puisplissalesyeuxcommes’il essayait de lire dans sespensées.Ellie eut enviede l’embrasser, de savoirquel effet cela ferait s’il la touchait sans la brusquer, sans fureur. Ce qui nerisquaitpasd’arriver:illahaïssait.—Tantpis,marmonna-t-elle.Puis,plusfort:—Euh…Bonsoir,Rage.Bellesoiréepourunebalade,hein?Toujoursmuet, il fit un nouveau pas vers elle puis s’immobilisa.La terreur
d’Elliemontad’uncran. Ils étaient seuls et il avait faitvœude la tuer. Inutiled’espérerdel’aideoul’arrivéed’unepatrouille.Ungrognement sourd franchit ses lèvresentrouvertes ; il fitunpasdeplus.
Ellie ressentit le besoin impérieux de fuir mais n’en fit rien. Selon plusieursrapports, lesHybrides étaient ultrarapides.LeurADNmodifié y était bien sûrpour quelque chose et le gain dépendait du type d’animal. Produit manifested’unehybridation avecun canidé,Ragen’aurait aucunmal à la rattraper.Quefaire?S’époumoner,tenterdedésamorcerlasituationparledialogue…ouprierpourqu’ilsoitcalmé?Ils’approchaencore.— Sais-tu ce qu’ils nous entraînaient à faire pour impressionner les
investisseurs?Ils’exprimaitd’unevoixrauque,sanschaleur.Flippante.Celled’Elliedérapa
danslesaigussousl’effetdelapeur.— Non, pas vraiment. La plupart des archives ont cramé quand les labos
souterrains de Mercile ont été investis. Je n’avais pas accès à ce type
d’informationquandj’ybossais.—Àchasser,gronda-t-il.J’étaistrèsfortàcepetitjeu.Leurprototypeleplus
abouti.Ilsnousformaientàfairedestrucspourdoperlesventes,nousétionslesexemplesvivantsdecequ’unhumainpouvaitdeveniràconditiond’acheterleurssaloperies.La jeune femmecompritquesonavenirétaitcompromis.Rageétait furieux
aprèselleetlahargneaveclaquelleilévoquaitsonpassélaissaitprésagerlepire.Comment trouver lesmots justes?Désamorcer lasituation? Il fitunnouveaupas vers elle.Merde et super merde, songea-t-elle, aux abois. Plus que deuxcourtesenjambéesetelleétaitàsamerci.Elleselança.—Jen’aipaseulechoix,cejour-là.J’aituéJacobpourteprotéger,maiss’ils
sedoutaientquec’étaitmoilacoupable,jamaisjeneseraissortievivantedecetenfer.J’aiagidansl’idéedetesecourir.Jen’avaispasprévudeletuer.—Tu as raconté à quelqu’un ce que Jacobm’a fait ? Et comment tum’as
condamnéàsouffriràtaplace?—Non,répondit-elleensecouantlatête.C’étaitvrai.Ellen’avaitrienditdel’incidentàsonofficierdeliaison,depeur
de se faire engueuler pour avoir outrepassé l’ordre formel de ne rien faire quipouvaitéveillerlessoupçonschezMercile.Tueruntechnicienpoursauverlavieà unHybride ? Hors de question. Puis elle repensa à ce qu’il venait de dire.Souffrir?—Tuavaistrophontedetesactes,c’estça?Elliehésita.—Tun’aspasidéeàquelpoint.Je…—Tum’asbalancéauxvigiles,gronda-t-il.Aprèsm’avoirétalésonsangsur
lesmains.Netefatiguepasàlenier.Auborddeslarmessouslepoidsduremords,Ellies’empressaderavalerses
pleurs.—Je…(Elledéglutit.)Jen’avaispaslechoix.J’étaisconvaincuequ’ilsnete
tueraientpas,sansquoijenet’auraisjamaiscollélemeurtredeJacobsurledos.Ilfautme…—Tecroire?Sesyeuxsombresréduitsàdeuxfentes,illaissaéchapperungrognementde
fortmauvaisaugure.—Çat’excitaitdemevoirsouffrir,oui!Desavoirtouteslescruautésqu’ils
allaientm’infligerpartafaute!Comment peut-il savoir que j’étais excitée ? Elle n’osa pas formuler cette
questionmaisrechignaàmentirsurcesujet;ellesesentaittropredevablepourcela.Leslèvrescloses,ellenesutcommentluiexpliquerqu’eneffet,elleavaitréagiauquartdetour…parcequec’étaitinqualifiable.S’émoustillerenpareillecirconstance?Pasdequoiêtrefière.—Çan’avait rien àvoir avec ta souffranceou le fait que j’ai dû teplanter
cetteaiguilledanslecorps.Jel’aifaitparsoucidevraisemblance:ilfallaitquetu aies pu le tuer avant que la drogue qu’il t’injectait ait fait effet. J’en suisvraimentdésolée.—Tun’essaiespasdemementir…çam’étonne.Ellierelevalatêtepouraffrontersonregardmauvais.—Parcequetuasvujuste.Çam’aexcitéedemetrouveraussiprèsdetoi.Je
n’aiaucuneexcuse,toutcequejepeuxfaire,c’estterépéterquejesuisdésolée.C’étaitmal,j’enaiconscience,çamepèseénormément,crois-moi.Tues…(Elleseretintinextremisd’avoueràquelpointelleletrouvaitcraquant.)Tuétaisnu,circonstances effroyables ou pas, il aurait fallu être aveugle pour ne pas s’enrendrecompte.Voilà.Désolée.Lamâchoire deRage se crispa. Ellie voyait chaque détail de son visage, à
présentqu’ilétaitàmoinsd’unmètred’elle.— Tu travaillais pour Mercile Industries. Aurais-tu traîné les pieds pour
trouver les preuves ? Ça t’a plu de voir ce que le technicienme faisait ? (Ilgrognadenouveau,montralescrocsets’approchaencore.)Çat’aexcitée,delevoirmemaltraiter,etàdeuxdoigtsdeme lamettre? Ilyad’autresHybridesmâlesdonttuasgagnélaconfianceenentrantdansleurcellule,aupointqu’ilsne grondaient plus ? Tu en as cajolé beaucoup, en jouant les innocentes ?Combiensont-ils,àavoirétépunisàtaplace?Lesnarinespalpitantes,ilémitunnouveaugrognementsourd.—Quid’autreas-tutrahi?Ellie se recroquevilla sous le coup de ces accusations perfides comme s’il
l’avaitfrappée.—Aucun!Iln’yaquetoi…Personned’autren’asouffertparmafaute.Et
j’enaibavé,pourtrouverassezdepreuvespourqu’unjugesigneunmandatdeperquisition…Comment oses-tu ! Je collectais des échantillons, j’écrivais desrapports, mais je n’avais accès à aucun des dossiers où votre existence étaitmentionnée. Le personnel était fouillé quotidiennement. Il m’était impossibled’introduire une caméra et de filmer l’horreur que vous viviez, histoire dedonnercorpsà la rumeur.Tun’aspas idéedemonétatde terreur,chaquefoisquejefranchissaislesportesdel’ascenseurpourl’enfer…Ilnes’estpaspassé
unjoursansquejemedemandesij’allaisrevoirlasurface.Tuimaginesunpeu,s’ilsavaientsuquej’étaisunetaupedelapolice?Ilsm’auraientliquidée!Lesautresemployésm’ont souventmiseengarde : aumoindredoute,Mercilemeferaitdisparaître…etjamaismoncorpsneseraitretrouvé.—Commentas-tufaitsortirlespreuves,puisqu’ilstefouillaientàcorps?Elliesentitsesjouess’empourprer.—Tutiensvraimentàlesavoir?—Etcomment,grinça-t-il.—Enlesavalant.Rageblêmitpuisfronçalessourcils.—Jenecomprendspas…— Il a fallu que je sympathise avec une collèguemédecin, et ça a pris du
temps.Jen’avaisaccèsàriend’intéressant…maisellesi.J’aipatiemmentgagnélaconfiancedecettenanaàquijeressemblaisvaguement,puisj’aiprofitéd’unepause-déjeuner pour échanger nos blouses. Munie de son badge, je me suiscoifféecommeelleet j’aibaissé la têteenpassantdans lechampdescamérasjusqu’à son bureau. L’ayant vue taper son code d’accès assez souvent pour lemémoriser,j’aipuaccéderàsonordinateur.Monagentdeliaisonm’avaitconfiéunecléUSBminiaturequ’ilm’asuffid’avaler.Toutçaauraitputrès, trèsmaltourner…Illadévisagea,interdit.—J’étaissûredemefairepincer,devoirdéboulerdesvigilesdécidésàme
tuer.Jamaisjen’aieuaussipeurqu’enressortantdubureau.Etsij’arrivaistroptardpour échangernosblouses sansqu’elle s’en rendecompte ?Tout ça s’estpassé lemême jour, tu sais… (Elle s’accorda une pause.)La dernière chose àfaireaveccequej’avaisdansleventre,c’étaitd’attirerl’attention.Ilfallaitàtoutprixque je transmette lespreuvesàmonagentde liaison,maisçanem’apasempêchéed’essayerdetesauvermalgrélesrisques.Tuveuxsavoiràquelpointc’estdouloureux,devomiruneminicléUSB?L’avaler,àcôté,cen’étaitrien.J’avais donné mon accord pour qu’on m’opère si jamais je n’arrivais pas àgerber cette saleté ;mes sucsgastriques risquaient d’endommager la clé assezrapidement.Plusieurssecondess’écoulèrent.Ragegardaitlessourcilsfroncés.—Moiaussi,tum’asberné.C’esttontruc.(Ilpinçaleslèvres.)Tumensaux
genspuistulestrahis.Tunevauxpasmieuxquelesmonstresquiontcréémonpeupleetl’ontréduitenesclavage.CesmotsdursfirentmalàEllie,maislacolèrepritrapidementlerelais.Elle
avaittuépourlesecouriretrisquésaviepourlibérerlessiens,merde!—Jen’aijamaiseul’intentiondetefairedumal.(Courtsilence.)Etlaisse-
moi te dire une chose, Rage. J’ai sauvé ton cul. C’est grâce à moi si tu assurvécu.Tuseraismortsijen’étaispasentréedanstacelluleetsijen’avaispascoupé ce fumier dans son élan. Tu serais mort enchaîné au sol après que cesalaudt’aviolé,unepoignéedejoursavantlalibérationgénérale.Sic’estçaquetu trouves impardonnable, tum’en vois navrée. Quelle idiote j’ai été de fairepassertasurvieavanttoutlereste!— Je t’ai entendue dire que tume haïssais.Que j’étais un salopard, que tu
tenaisàcequejelesache.Jen’aipasoubliécesmots-là.—Jamaisdelavie!glapitEllie,bouchebée.—J’étaisallongéparterre,incapabledebougerunmuscle,ettut’eséloignée
de moi pour aller recueillir le sang du technicien pour m’en badigeonner lesjointures.Jet’aientenducrachercesparoles.Lajeunefemmecompritbrusquementetdevintlivide.—Cen’étaitpasàtoiqueças’adressait,maisàJacob!Jelehaïssaisdetout
monêtrepourcequ’ilt’avaitfaitsubir.— L’humain était mort, n’essaie pas de me baratiner. Ces mots de haine
étaientdirigéscontremoi.—Non,dit-elleensecouantlatêteavecvéhémencesanslequitterdesyeux.
C’estàluiquejeparlais,jetelejure.J’espéraisqu’ilpouvaitm’entendredepuisl’enfer…c’est làqu’il adûalleraprès toutesceshorreurs…et savoirainsi cequejepensaisdelui.Lessourcilstoujoursfroncés,Rageladévisageasansmotdire.—C’estlastrictevérité.—Tuveuxsavoirlepire,quandjet’aivueentrerdansmacellule?Sontimbreétaitglacial,toutsoncorpstenducommeunarc.Ellesecoualatêteetsentitlapeurrevenir.Unecolèrefroideémanaitdesyeux
del’Hybride,plussombresquedanssonsouvenir,maisenfinl’obscuritéduparcétaitplusintensequecelledelasallederéunionquelquessemainesauparavant.— Jeme rappelle fort bien ton contact.Tu as commencéparm’apaiser.Tu
venaisdemesauver, j’aicruque tunemeferais jamaisde tort.Tesmainssurmon corps étaient les bienvenues. Ilme suffit de fermer les yeux pour que lesouvenirresurgisse.(Ilfitunpasenavant.)Quandjet’aivuefuiraprèsm’avoirsouillé etmeurtri, jeme suis senti perdu. La seringue que tum’avais plantéedanslecorpsmefaisaitmoinsmalquelecoupaucœur.— Si tu savais combien je regrette…Ce souvenirme hante tous les jours.
(Nouvellepause.)Jel’aifaitpourtesauverlavie.TusaistrèsbiencequeJacobcomptaitfaire;jel’enaiempêché.Ilfallaitquejefassesortirlespreuves.Jesuisdésolée.Ladernièrechosequejevoulais,c’étaittefairesouffrir.Çam’afendulecœurdedevoirtefaireporterlemeurtredeJacob,deteplantercetteaiguille,mais il fallait que ce soit suffisamment convaincantpourqu’ilsm’autorisent àsortir.Ilfitunpasdeplus.—Riendetoutcelanecompte,gronda-t-il.Jemesouviensuniquementdece
que tum’as fait. Point final. J’ai juré de te tuer demesmains à la premièreoccasion.Ragetenditlamainverselle…etarrêtasongestequelquescentimètresavant
delatoucher.—Enfuis-toi s’il te reste un brin de jugeote. Jeme contrôle difficilement ;
j’ignorequellemoitiédemoival’emporter.N’oubliejamaisqu’ilyaunanimalenmoi.Il pria pour qu’elle suive son conseil.La peur d’Ellie se lisait sur son beau
visageexpressif.Ils’envoulutderemarquerlespetitesrides,prèsdeslèvres,quitémoignaient du fait qu’elle souriait souvent. Et se demanda quel effet celafaisait de l’entendre rire. Rage, pour sa part, n’avait jamais eu de raison desourireavantsalibération.Lalèvreinférieured’Ellie,pluscharnuequecelledudessus, tremblait légèrement sous l’effet de l’angoisse. Il eut très envie de lamordre.Puis il reporta son attention sur ses cheveux. Très différents des siens, ils
étaientd’unblondtrèsclair.Cettetignasseboucléetousazimutssemblaitdouceau toucher, embaumait la fraise et renforçait l’aspect fragile du visage qu’elleencadrait.Lesfemmeshybridessontinfinimentplussolidesquemaminusculehumaine.
Rage,abasourdi,pritconsciencequ’ilvenaitdeconsidérerElliecommesienne.N’importe quoi ! Lui, accorder sa confiance à une humaine ? Ces monstresn’aimaientqu’unechose:fairesouffriràlapremièreoccasion.Surtoutelle.Nevenait-ellepasd’admettrequ’elleexcellaitdans l’artdumensonge?Commentdémêler levraidu faux?Cesdiables-làétaientcapablesde toutdans l’uniquebutdesedonnerlebeaurôle.Malheur à lui s’il donnait à Ellie une nouvelle occasion de le trahir ! Et
pourtant… la perspective de la posséder le troublait au plus haut point.L’estomac noué, ilmourait d’envie de la toucher, d’apaiser ses peurs par une
parole réconfortante.Etmerde, pensa-t-il, dépité. J’aimerais la faire rire dansl’uniquebutdelavoirsourire.C’étaitabsurde.Etsurtoutdangereux.Leconflitintensequisejouaitdanssatêteàproposd’Ellienefaisaitqu’ajouteràsafureur.Cettejeunefemmeétaitexpertedansl’artdetirerlesficelles;Rageeneutplusqu’assezd’êtresamarionnette.L’Hybride se concentra sur l’instant présent. L’ennemie était à sa merci, il
avait l’occasion de faire payer l’un de ses tourmenteurs.Une occasion qui nes’étaitpasencoreprésentée : lespires responsablesn’avaientpasété inquiétésparlajustice,d’autresétaientparvenusàprendrelafuite.Cequinelaissaitquecettehumainepourpayerlanote.Le cœur battant à tout rompre, il se repassa le film de sa fuite, juste après
qu’ellel’euttrahi.LesimagesétaientsivivacesqueRagevacillaenrevivantlascène.Ellie,danssahâtededécamper,avaitloupélaporteets’étaitfracassélatêtecontrelemur.Qu’elledevaitêtrepresséedelevoirchâtiéàsaplace!L’animalquiétaitenluihurlaàRagedesejetersurelle.Iln’étaitnienchaîné
nirenduamorpheparlesdrogues.IlsecrispadespiedsàlatêteetvitElliefaireunpasenarrière.S’emplissant lespoumonsde l’odeurdesapeur,Ragesentitquesoninstinctluidictaitdelaprotéger…etfulminaqu’Ellieluifasseceteffet-là.Ilgronda,enproieàdesémotionscontraires.C’étaitsonennemie,etpourtant,ilmouraitd’enviedelatoucher.Quandilla
vit tourner les talons et s’enfuir, Rage s’élança aux trousses de cette humainequ’il désirait plus que tout au monde. Rien, à cet instant, n’aurait pu luipermettredereprendrel’ascendantsursapartanimale.Ilvenaitunefoisencoredeperdrelespédales.Elliesesentitblêmiràmesurequ’ellevoyaitlesémotionsdéfilersurlestraits
deRage.Lesbonnesintentionsquil’incitaientànepasbougersevolatilisèrentquand il prit un air sauvage et poussa un grondement de bête blessée.Elle fitvolte-face et prit ses jambes à son cou, en proie à la panique. Peine perdue,l’Hybrideétaitdéjà sur ses talons, la terreur commandait à la jeune femmedeforcerl’allure.SonlecteurMP3luiéchappaets’écrasaausolunesecondeavantqu’illaceinture.Ellie ouvrit la bouchemais s’écrasa dans l’herbe avant d’avoir pu crier. Le
poidsducolossechassa tout l’airdesespoumons. Il luiarrachasesécouteurs,puislasensationd’écrasementcessauninstant.Lajeunefemmeeuttoutjusteletempsdereprendresonsouffle,puisRagepesadenouveausurelleaprèsl’avoirretournéesurledos.
Soncorpsmassiflamaintenaitaplatiesurlegazondétrempé.Elletentasanssuccèsdesedégager.Toutens’acharnantvainementsursontorsed’acier,Ellielaissa échapper un gémissement d’effroi en découvrant le regard noir de sontourmenteur…etl’éclatdesescaninesdanslapénombre.Le colosse l’empoigna sans violence excessive par les poignets, ramena les
brasdesaproieau-dessusdesatêteetlesclouaausold’uneseulemain.Puisilserralesdents,sescrocstoujoursdécouverts,etémitungrondementsourd.Ellieressentitlavibrationdececridegorgeprimal,proprementterrifiant,jusquedanssesentrailles.—Nemefaispasdemal,haleta-t-elle.Ilsesoulevajusteassezpourlalaisserrespirerpluslibrement;Ellieinspiraà
fond.Que cherche-t-il à voir ? s’interrogea la jeune femme en découvrant lesyeuxnoirsdelabruterivésauxsiens.Cequ’illutluiarrachaunjuronétouffé.Illuilâchalespoignets,rouladecôtéetserelevad’unbond.Ellie,toujoursaffaléedans l’herbe, n’en revenait pas qu’il l’ait libérée. Endolorie par les mauvaistraitements,ellesentitquesoncœurbattaitàtoutrompre.—Lève-toi,ordonna-t-ilsèchement.Ellieseredressacommeelleputetseremitdeboutsansgrâceaucune.L’envie
defuirétaittoujoursaussipressante,maisellen’enavaitpaslaforce.—Jesuisdésolée,jetel’aidit.Queveux-tudeplus?Elleserisquaunpeuplusprèspourcroisersonregard.—Dis-moicequejepeuxfaire.Jesuisprêteàtoutpourmefairepardonner.
Àtout.Ragelaregardas’approchersansmotdire.Puisil tendit lamain,vifcomme
l’éclair,et luienserra lagorge.D’abordmédusée,Elliepaniquaquandellepritconscience que l’étreinte n’était pas douloureuse… mais lui faisait un effetbizarre.Elles’escrimaalorssurlepoignetoffert;l’Hybrideutilisasamainlibrepourl’empêcherdelegriffer.QuandElliesentitsesgenouxfléchir,Rageretintsachuteàboutdebras.Elle
vouluthurler:riennesortit.Lesyeuxdansceuxdesonbourreau,ellel’implorasilencieusementd’arrêter.Leregarddel’Hybridevacilla.Sanscriergare,ilcessadesedéfendre,enserra la jeune femmepar la taille, laplaquacontreson torsemassifetapprochasabouchedesonoreille.—Neluttepas,luimurmura-t-il.Ne lutte pas ? se répéta-t-elle, terrifiée, vaguement consciente de devenir
violacée. Des taches apparurent dans son champ de vision rétréci, la voix deRagesefitdistante.Ellieeutunsoubresautinutile;lesyeuxnoirsdel’Hybride
gigantesque étaient toujours rivés aux siens. Les ténèbres menaçaient del’engloutirmaisEllierésistadetoutsonêtre.Il a juré de me tuer, et c’est ce qu’il fait. Dire que je ne l’en croyais pas
capable…Rage relâcha la gorge d’Ellie à la seconde où elle devint toutemolle et la
maintintplaquéecontrelui.Commeilavaitcesséd’interromprel’affluxsanguinau cerveau, il la sentit se détendre et respirer normalement. Inconscientemaishorsdedanger. Ilavaitoptépour laméthoderapideetsansrisque :elleauraitluttépluslongtemps,aurisquedeseblesser,s’ilavaitprocédéautrementpourlaneutraliser.Sentantqu’elledormaitpaisiblementcontrelui,ilprituneprofondeinspiration,collalenezcontresoncouetgrogna.L’odeurétaitsiexquisequ’ileut très envie de les dévêtir l’un et l’autre pour se frotter contre elle ets’imprégnerdeceparfum.Unaboiementlointainluifitdresserlatête.Rageregardaalentour,soninstinct
en alertemaximale.Lapatrouille serait bientôt là ; il connaissait sonparcoursparcœur,gardantunœilsurcesmalheureuxhumainsquicroyaientrégnersanspartagesurHomeland.Cesidiots-làignoraientqueRageetJusticeœuvraientensecret à accélérer la passation de pouvoir en formant les leurs aux missionsdévolues aux humains. Ces derniers estimaient qu’il faudrait longtemps auxHybridespourdevenirautonomes.Ilsavaienttort.Le regardposé sur le crâned’Ellie, toujours inconscientecontre sapoitrine,
Ragelapritdélicatementdanssesbraspuisretournasecoulerdanslesténèbres.Porterl’humaineencatiminijusquedanssatanièreétaitundéfiqu’ilsesentaitapteàrelever.Quoideplusnormal,pourunassassinenpuissance?Mercile Industries les
avaitformésaucombat…maisn’avaitjamaisréussiàlesdominer.LesHybridess’étaient opposés auxordres leur enjoignant deblesser l’undes leurs.Le labotenaitpourtantàapporterlapreuvedel’efficacitédesesmolécules.Chaquefoisqu’uncobayeavaitl’occasiondes’enprendreàungardien,cedernierypassait.Lestechniciensétaientdesêtresbrutauxetméchants;Ragelui-mêmeenavaittuéquelques-unsàlapremièreoccasion.Mercileavaitinsérédel’ADNanimaldanslegénomedes«sujets»puisleur
avait injecté d’innombrables produits qui avaient fait davantage que modifierleur apparence. Son sens de l’odorat s’était aiguisé avec l’âge, il était devenuplus fort etplus rapidequ’unhommenormal, et son instinctprenaitparfois ledessus.
Sujetàdesaccèsdecolèrenoire,416avaitpatiemmentapprisàsemaîtriser,etcelafonctionnait…presquetoutletemps.L’HybridecontemplaEllieetfitlamoue : il n’avait pas perdu une miette des échanges entre médecins ettechniciens pendant qu’ils conduisaient des expériences sur lui. Tout ce queRage savait des différences entre l’espèce humaine et la sienne, il le tenait depremièremain.Il manquait aux humains lambda certaines facultés que possédaient les
Hybrides. Ils voyaientmal dans le noir et étaient infichus de sentir quelqu’unapprocherrienqu’enlevantlenez.Mêmechosepourl’ouïe,sensiblementmoinsfine.Quantà la forceet lavélocité, ilspéchaient làaussi, àmoinsd’être sousl’effet d’une drogue puissante. Les altérations subies par les Hybrides étaientpermanentes, mais les produits Mercile n’avaient pas d’effet durable sur leshumains qui, en outre, mouraient parfois en les essayant. Mercile avaitaccidentellement créé des êtres supérieurs… et les avait traités comme devulgairesanimaux.RageinstallaEllieleplusconfortablementpossiblepuisprogressad’ombreen
ombre.S’iln’avaitpaslamoindreidéedecequ’ilallait luifaireunefoischezlui, sapart animaleparaissait satisfaitede saprise.Sapartiehumaine, elle,nesongeaitqu’àprendresarevanche.Elles’étaitditeprêteàtoutpourseracheter;ilfitdéfilerlesoptionsquis’offraientàlui.Pasquestiond’enfiniravecelle,ils’ensavaitincapable…Quelbiaisluirestait-ilpourfairetoucherdudoigtàElliecequesoncrimeavaitsignifiépourlui?Dansunrecoindesatête,ilsepritàespérerqueleurtête-à-têteallaitluipermettredeguérirdesonobsession…Ellie s’éveilla, confuse, puis les souvenirs affluèrent enmasse.Sa gorge lui
faisait un peu mal. Quand elle voulut y porter la main, quelque chose l’enempêcha. Elle ouvrit les yeux, découvrit le plafond blanc d’un lieu inconnu,chichementéclairé,etredressalatête.Lachambreassezvasteétaitdotéed’unmobilier sombre ; le feuquibrûlait
dansl’âtre,àunangledelapièce,étaitl’uniquesourcedelumière.Unbruitdechasse d’eau la mit en émoi. Quelques vains efforts plus tard, Ellie compritqu’elleavait lesbrasencroix :des liens faitsd’unematièrenoireet souple laretenaientàunetêtedelit.Autermedubrefécoulementd’eau,uneportes’ouvritetRagefitsonentrée.
Torsenu,iln’étaitvêtuqued’unpantalondejoggingnoir.Lapeurd’Elliemontad’uncranenledécouvrantàdemidénudé.Elleeutdroitàuncoupd’œilinquietà l’imposante musculature avant qu’il éteigne dans la pièce attenante, ce qui
replongea la chambre dans la semi-obscurité, et ne permit plus à Ellie de ledétailler.—Tuesréveillée.Sontons’étaitradouci.Lasituationdonnaitunedimensioninquiétanteàson
calmeapparent.Ilfitquelquespasverslelit.—C’estbien.Ilavaitposésurelleunecouvertureépaisseetdouce.Enyregardantdeplus
près,lajeunefemmevitqu’elleneportaitriensurlapoitrine.Unmouvementdejambe lui apprit qu’elle ne portait rien non plus en bas… Sous le choc, elledévisageaRage.Lecolosses’immobilisaauborddulit.—Jet’airetirétesvêtements.(Courtsilence.)Toustesvêtements.—Pourquoi?demanda-t-elled’unevoixrauque.Son effroi s’accentua. Pourquoi l’emmener chez lui, la foutre à poil et
l’attacherauxmontantsdu lit ?Enproieàun trèsmauvaispressentiment, ellerefusad’explorerlespossibilités,certainequelaréponseneferaitqu’ajouteràsaterreur.—Tu sais très bien pourquoi. (Rage se tourna vers la table de nuit.) Tu as
soif?Ellehochalatête.Lematelass’enfonçaquandilpritplaceaubord,empoigna
labouteillequ’ilavaitd’évidenceposéelààl’intentiond’Elliepuisseretournavers la captive. Il lui souleva la tête d’un geste délicat et porta le goulot à sabouche. Elle but aussi vite qu’il était possible sans s’étouffer. Puis il retira samainetreposalabouteillesurlemeubledechevet.—J’ailonguementréfléchiàcequej’allaistefaire,annonça-t-ilàvoixbasse.
Longtemps, j’étais résolu à te tuer à la première occasion, mais c’était avantd’apprendre quel rôle tu as joué. Je ne savais pas que tu étais venue dans cetenferafindesauverlesmiens.Ilménageaunepauseletempsdeprendrepositionenfaced’Ellie.—J’aidécidédetelaisservivre.Elliesentitsonrythmecardiaqueralentiretunepartiedesapeurrefluer.—Pourquoisuis-jeici?Pourquoim’avoirkidnappéedansleparc?Rageplissalesyeux.—Tuasditque tuétaisprêteà toutpour faireamendehonorable. J’ai jugé
que tu méritais une punition. (Nouveau silence.) Mais j’ignore si je dois tecroire.Tuesuneespionne,habituéeàmentir, àdébiter auxgens cequ’ilsontenvied’entendrepouréchapperaudanger.Tuasfaitinsulteàmafiertéettrahi
ma confiance : tu vas le payer. As-tu seulement idée de ce qu’ils m’ont faitendurerpourlemeurtredutechnicien?—Quoi?glapitEllie,bouchebée.Ellen’encroyaitpassesoreilles.Ohnon.Lechagrinluiserralecœur.—Ilsm’enontsalementvoulu,d’avoirtuécethumain.Alorsilsm’ontpunià
taplace.
CHAPITRE4
À son visage fermé, Ellie sut qu’il disait vrai. Elle avait espéré qu’on nepuniraitpas416pourlemeurtredeJacob:letechnicienl’avaitagressé,comptaitlevioler,etl’auraittuéparlasuite.Leslarmesauxyeux,elledutcillerpournepasêtreaveuglée.— Je n’en savais rien… (La question lui faisaitmal,mais il fallait qu’elle
sache.)Qu’est-cequ’ilst’ontfait?Ungrondementsourdfranchitsaboucheentrouverte.—Tuveuxconnaîtrelesdétailspourjouirdessouffrancesquej’aisubiespar
tafaute?—Non!sedéfenditEllie,épouvantéequ’ilpuissepensercelad’elle.J’étais
convaincue qu’ils allaient te laisser tranquille. Je te le jure, Rage. Vul’investissementénormeque tu représentais, ils te jugeaient tropprécieuxpourêtreéliminé…Etpuis,commentimaginerqu’ilspourraientt’envouloird’avoirtuécesalaudaprèscequ’ilcomptaittefaire?—Etpourtant.Ragesepenchaverselleetluijetaunregardnoir.— Ils m’ont torturé pour me faire payer sa mort. J’ai souffert comme un
damné,jetenaisàcequetulesaches.Enbonneespionne,tuassuéchapperàlasanction.—J’aifaittoutçapourtesauver!Monsupérieurm’avaitassuréqueceserait
uneaffairedequelquesjoursentrelemomentoùjesortiraisaveclesfichiersetvotrelibérationàtous.J’aicourulerisquedetoutfairecapoterquandj’aivuqueJacoballait tetuer.J’aimentiàtoutlemondeaulabo,c’estvrai,maisjenetemens pas. Et je ne suis pas une vraie espionne. Rien qu’une infirmière. (Elleménageaunepause.)JetravaillaischezMercile,ausiègedelaboîte,àdistribuerdes aspirines, quand quelqu’unm’a demandé de jouer les taupes. Le type quim’a contactéem’a raconté ce qui circulait : une rumeur de labo clandestin oùl’on menait des expériences interdites sur des sujets humains. Ça m’a rendumaladequ’ilspuissentfaireuntrucpareil.—Pourquoi?grognaRage.
—C’estunechosedeseportervolontaireauprèsd’un labopharmaceutiquepouressayerleursnouvellesmolécules.Onsaitàquois’attendreens’inscrivant,j’imaginequecertainespersonnes,surtoutsiellesn’ontplusrienàperdre,sontprêtesàtenterleurchance.Maisçan’arienàvoiraveclefaitd’obligerdesgensà jouer les cobayes !Mon contactm’a bien dit qu’il s’agissait de prisonniers.D’esclaves.Commej’étaisdéjàauservicedecetteboîte,çafaisaitdemoiunesortedecompliceindirectedeleurshorreurs.J’aijustevouluqueças’arrête…— Pourquoi t’intéresser à mon sort ou à celui de mon peuple ? Pourquoi
risquertaviepourmesauver?Elliepritgrandsoindechoisirsesmotsavantderépondre.— Je t’ai aperçu depuis une salle d’observation découverte par hasard,
quelquesjoursaprèsmonentréeenfonction.Touteslesportesseressemblaient,j’aiconfonducelle-ciaveccelledesstocks.Lemiroirdetacelluleétaitenfaitunevitresanstain.Jem’yglissaisparfoispourvoircommenttuallais.Elle se garda de préciser que ce petit rituel s’était répété quotidiennement :
Ragen’avaitpasbesoind’apprendrequesonintérêtpourluiavaitviréàlaquasi-obsession.—J’avaisdurespectpourtoncourage,reprit-elle,iln’étaitpasquestiondeles
laisser te brisermoralement. Ce qu’ils faisaient était un crime. Je prenaismapausedanscettesalleaumomentoùJacobestentré,etquandjel’aientendudirequ’ilallaittetuer,jenepouvaisquandmêmepasresterlesbrascroisés.Rageparutréfléchiràsesexplications.—Tun’avaisjamaistentéd’empêcherquoiquecesoitauparavant.T’arrivait-
il de regarder quand on faisait venir une femme dansma cellule, et qu’on labattaitsousmesyeuxpournousobligeràavoirunrapportsexuel?Çateplaisait,commespectacle?Ellie,médusée,nesutque répondre.Lesmédecins lescontraignaientà faire
ça ? Recrue récente, elle avait peut-être été sciemment tenue à l’écart de ceshorreurs.Jacobn’avaitdoncpasétélepremieràabuserdelui…L’idéelarenditmalade.Puiselles’interrogea:siellen’avaitpasfaitfermercettesuccursaledel’enfer, aurait-onessayéde la convaincred’avoirdes rapports sexuels avecunHybride?—Ont’obligeaitàcoucheravecdesfilles?Jen’ensavaisrien.Jen’aijamais
vu de femme dans ta cellule. Qui s’en occupait, une autre infirmière, untechnicien?Jen’étaispasaucourant,Rage,jetelejure.— Il s’agissait de femmes hybrides. Pendant des années, ils ont essayé de
nous faire nous reproduire. Ils auraient bien voulu avoir d’autres sujets à leur
disposition,maisilsn’arrivaientpasàrééditerleprocessusutilisélorsdenotrecréation. J’enai assezentendupourcomprendreque lemédecinà l’originedenotre hybridation est parti quand nous étions encore dans l’enfance. Enemportantsesrecherchesetendétruisanttoutsurplace.Queldramec’étaitpoureux ! On vieillissait, ils craignaient de nous voir mourir. (La colère le fits’exprimer d’une voix grondante.) «Bébé ou chiot ? » a plaisanté un jour untoubib. «Qu’est-ce que ça fait, une de leurs femelles, ça accouche ou çametbas ? » Et pour elles, tu n’as rien fait ? hurla-t-il. Tu les as laissées se fairevioler?Rageavaitmilleraisonsdehaïr…d’autantplusquandsahargneétaitdirigée
contreelle.— Je ne savais rien de tout ça. J’ignorais même qu’il existait des femmes
hybrides.En tantque techniciennedudernier échelon, j’étais très limitéedansmesdéplacementsauseindulabo.Çam’afaitunchoc,quandj’aiapprisqu’ilyavaitdesfemmesparmilesrescapés.Jen’avaisvuquedeshommes,Rage.— Tu n’avais qu’à demander. Nos femmes étaient parfois violées par les
techniciens.Çamemethorsdemoi,que tusois intervenuepourmoimaispaspourelles.—Des questions, j’en ai posé plein,mais chaque fois, onm’a répondu de
m’occuperdemesaffaires.J’avaispourconsignedenepastropinsister,histoiredenepasattirerlessoupçons.MonagentdeliaisonétaitconvaincuqueMercilemeferaitliquideraumoindredoute…etilavaitraison.Ellie retint ses larmes à grand-peine. Consciente des horreurs commises au
nomde la science, elle n’en était pasmoins atterrée par ce que l’on avait faitsubiràRageetauxsiens. Ilsavaientété traitéscommedesratsde laboratoire,desoutilscommodes,riendeplus.Deschosesauxquellesonprélevaitdusang,oninjectaitdesproduits,qu’ongardaitencage.Combledel’horreur,onlesavaitforcésàcopulerdansl’espoird’obtenirunedeuxièmegénération!—Direquejetecroyaisinoffensive…Tuenétaisconsciente?Quandjene
grognaispasentevoyantentrer,çat’amusait?Jenevoulaispast’effrayer:tuétaisgentille,souriante,etjamaisbrusqueaveclesaiguilles.Entevoyanttuercetechnicien,j’aid’abordcruquetul’avaisfaitpourm’éviterdesouffrir.Les traits tendus,Rage semit à détacher chaque syllabe de sa voix la plus
grave.—Etpourtant,tum’asabandonné,etlesvigilesm’onttorturéàtaplace.Ils
m’ontfouettéàtourderôle.CertainsétaientamisdeceJacob.Ilsn’ontpaseuledroitdemetuer,maisilsm’enontfaitbaver,tupeuxmecroire.
Elliesentitleslarmesrouler.—Jesuisdésolée.Je…Riendecequ’ellediraitneviendraiteffacerlahainedeRageàsonencontre,
maisellesedevaitd’essayer.—Je suisvraimentdésolée. Jene savaispas. Je croyaisqu’il n’y avaitque
Jacobquienavaitaprèstoi,àcausedecettehistoiredenezcassé.Etjetesavaistropprécieuxpourqu’ilstetuent.Quantàcetteaffairedereproductionforcée,jen’ensavaisrien…Dansmonesprit,ilnepouvaitrient’arriverentrelemomentoùjefaisaissortirlespreuvesetl’arrivéedessecours.Jeneleurauraisjamaisditquec’étaittoiquiavaistuéJacobsij’avaissuqu’ilsallaienttepuniràmaplace.Ragemontralescrocs.—Merci.C’estçaquetuespèresentendre?Tul’asempêchédemevioleret
demetuer.Dois-jeteremercierpourlesheuresquesesamisontpasséesàmetorturer?—Non.Peut-être.Elliepritletempsderéfléchir.—Tuvisetilnet’apasviolé,çacomptepourdubeurre?Jenesuispasrestée
lesbrascroisés!J’airisquémavie,enpénétrantdanstacellule…Puisilafalluquejeleurfassecroirequec’était toiquil’avaistuéentedéfendant,etpasuninstant je n’ai songéqu’ils allaient s’enprendre à toi. Je n’avais pas le choix,Rage. Mets-toi à ma place. Les preuves que j’ai réussi à faire sortir sontl’élément déclencheur du mandat de perquisition qui a permis de sauver lestiens.Avouer lemeurtredeJacobauxgardes,c’étaitsignermonarrêtdemort.Ils m’auraient liquidée et toi, tu serais toujours en cage, ainsi que tout tonpeuple.Çacompte,non?L’Hybrideprituneprofondeinspiration.Puisilrepritlaparoled’unevoixplus
calmeetsansgronder.—Tesregretsnechangentrienàcequim’estarrivé.Niàcequetum’asfait,
niaufaitquejemesoissentitrahipartoi.Jetefaisaisconfianceetj’aipayéàtaplace.Iln’estplusquestiondetetuer…maisj’ailafermeintentiondetefairecomprendrecequel’onressentquandonesthumiliéetsansdéfense.Ragefulminait.QuellebêtisedecroireElliedifférente!Lesvigilesl’avaient
d’ailleurs raillé à ce sujet après avoir remarqué qu’il ne grognait pas quandc’étaitellequientraitdanssacellule.Ilavaitdûsupporterlesmotscrusetlesaccusationsselonlesquellesilrêvait
de copuler avec l’humaine, leur cruauté quand ils lui affirmaient qu’elle ne
voudrait jamais se taper un animal. Ellie était son point faible. Après ce jourfuneste,ilavaitbeaucoupsouffertdecesentimentdetrahison.Rageavaitpassédesmoisàlahaïr,àrevivrelestorturesenduréesparsafaute.Elleétaitpartieenl’abandonnantétenduausol.Dénoncéauxgardes,ilavaitétérouédecoupspuisenchaînéaumuroùlessévicesavaientcontinué.Tous les humains étaient fourbes et sadiques. Rage s’était trompé sur le
compted’Ellie,quiluiavaitensuitefendulecœur.Jamaisplusilneselaisseraitabuserparelle.Chaque fois qu’il avait fait confiance à un humain, il s’en était mordu les
doigts.Lessouvenirsdesonenfanceluirevinrentenmémoire:àcetteépoque,ledocteurVelaétaitpresqueunemèrepour lui.Elle luioffraitdescookies,unbonheurrarequilefaisaitsaliverdesjoursàl’avance.Lejeune416étaitprêtàtoutpourluifaireplaisir.Elleluiavaitpromisqu’ilseraitlibérés’ildevenaituncombattant accompli ; il s’étaitmême laissé filmer quand ses geôliers avaientvouludocumenterl’efficacitédestraitementssursonanatomie.Que de manipulations dans l’unique but de le rendre docile… Quand ils
étaient venus le chercher pour le conduire à un autre complexe souterrain, sa«secondemère»s’étaitmoquéeouvertementdesanaïvetéetdesabêtise.Levéritableenferavaitdébutéquandonluiavaitapprisàtolérerlasouffrance
physique.Les tourments avaient continuépendant l’âge adulte : raclées subiesquand il s’agissait de tester des drogues permettant de récupérer plus vite,malaisesgraves–quiavaientparfoisfailliletuer–dusauxeffetssecondaires…Toutescesmisèresrefaisaientsurface.Puisilyavaiteucettegardiennequiavaitpromisdel’aideràs’évader.Jeune
et plein de sève, il avait encore honte, à cet âge-là, d’avoir très envie d’elle.Mary. Un nom qui lui laissait un goût amer. Elle avait défait ses chaînes ; ill’avait suivie dans un long couloir.Droit dans le piège qui lui avait été tendupouréprouversesprouessesmartiales…faceàdixoudouzevigileslourdementarmés.Ilsl’avaientencerclé,rouédecoupsdematraque,neutraliséauTaser.Sousles
encouragements deMary. Qui s’était accroupie à côté d’un 416 à demi mortavant de secouer la tête. Les mots qu’elle avait prononcés alors avaient tuéquelquechoseenlui.«Alors commeça, tu as cruque j’avais enviede toi ?Tun’es riend’autre
qu’un animal, 416. » Elle avait souri aux gardes alentour tout en se relevant.«Dommagequ’onn’aitpasledroitdeletuer.Remettez-ledanssacage.Mike,tu as bien tout filmé ? Le docteur Trent ne va pas en revenir de ce qu’il a
encaissé avant de plier. Et ça tombe pile, un autre toubib a demandé qu’onl’utilise commecobayepour unenouvellemerde censée accélérer la guérison.Beauboulot,lesgars.»Rageavaitperduconnaissanceàcetinstant.Fautedequoiilauraittentédela
tuer.Pasdequartierpourlestraîtres,lestortionnairesetlesmenteurs.Ellielevaitversluisesbeauxyeuxremplisd’effroi.End’autrescirconstances,
riait-elle de s’être aussi aisément moquée de lui ? Avait-il été l’objet dericanementsentreemployésdeMercile,cegrandnigaudde416quicessaitdegronder et de tirer sur ses chaînes quand c’était la « gentille infirmière » quiapprochait?Avait-ellerisouscapedel’avoirdompté?—Jegarderaimesdistancessitumelibères.C’estcequetuveux,non?Je
suisprêteàdémissionneretàquitterHomeland,déclaraEllie,unelueurd’espoirdanslesyeux.Tunemereverrasplus.L’Hybride sentit une colère noire enfler en lui. Si l’humaine était vraiment
résolue à payer pour ses torts, pourquoi essayait-elle de se soustraire auchâtiment ? Se défiler ainsi était contraire à tous les principes ! Après avoiraffirméqu’elleétaitprêteàtoutpoursefairepardonner,voilàqu’elleimploraitgrâce…Rageémitungrondementsourd.EllievitRage faire lagrimace : sa fureur se lisaitdans sespupilles, il avait
trèsmalprisqu’elleluidemandedelalibérer.Ellesepréparaaupire.Il tendit lebras,empoigna lacouvertureet tirauncoupsec,exposantenun
clind’œillecorpsdénudéd’Ellie.Puisilselevaetposasurelleunregarddur.—C’esttontour.Tevoilànue,entravée,incapabledem’empêcherd’agir.Les
rôlessontinversés:cejour-là,c’étaittoiquipouvaismereluquersoustouteslescoutures.Alors,Ellie,çateplaîtd’êtreàmamerci?Lefeuauxjoues,Ellievoulutsedéhancher,roulersurleflanc,maisill’avait
ligotéetropserré.Elleenfutréduiteà lever les jambespourlesrabattresursapoitrine.C’étaitinutile,ellen’avaitpasattendud’êtreainsiexposéepoursavoircequ’ilencoûted’êtrehumilié,maiselles’abstintdetoutcommentaire.—Et comme tum’as touché, c’est ce que je vais faire à présent. Logique,
non ? Tu sais ce que l’on ressent, quand une main étrangère t’effleure ? Tetouchelesexe?Jecomprendsquetutesoissentieobligéed’ôterl’élastiquequimefaisaitsimal,maistamains’estattardée.N’essaiepasdelenier.Elliesecambrasousl’effetduchocetdelaterreur.Elleinspiraàfond.Perdre
lespédalesnelamenaitàrien,ilfallaitessayerdelecomprendre,iléprouvaitlebesoin de se venger. Et comme elle avait tué Jacob, il ne restait qu’elle en
première ligne. Il disait vrai, elle l’avait touché.Etmaté sans retenue aucune.C’était donc mérité, en quelque sorte. En outre, il venait de dire qu’il ne latueraitpas.S’ilfallaitenpasserparl’humiliation…soit.Ellen’enmourraitpas.Ilavaitétébattu,torturé.Cequ’ils’apprêtaitàfairen’étaitrienàcôté.—Vas-y,reluque-moi.Jecomprends.Elleposalesjambesàplatsurlematelasetcessadegesticuler.—Maisjet’enprie,nemefaispasmal.Les sourcils froncés, Rage, perplexe, grimpa sur le lit et s’installa à
califourchonau-dessusd’elle.—Hein?dit-il,visiblementaussichoquéqu’Ellie.—Jecomprends,murmura-t-elle.Fais-le.Lesdents serrées, il sebaissapeuàpeu jusqu’àocculter tout sonchampde
vision.Si l’objectif était de la terrifier, c’était très réussi.Le silence s’installa.Dura.Elliesentitsonrythmecardiaques’apaiser.— La psychologie inversée est sans effet sur moi, murmura-t-il en retour.
Sachecependantquejeneteferaiaucunmal.Jen’ainullementl’intentiondetefairesubircequ’ilsm’ontfait.Tefrapper,tefairesaigner,estau-dessusdemesforces.Jecroisenrevancheavoirtrouvémarevanche:jevaistetoucher.Sais-tucequiestpireencorequeladouleur?Ellie refusa d’aller sur ce terrain-là. Les allusions égrenées par Rage,
jusqu’ici, n’annonçaient riendebon.Mais comme il attendait visiblement uneréponse et qu’elle ne tenait pas à voir sa colère revenir, il fallait bien direquelquechose.—Non.Ladouleurestcequ’ilyadepire,d’aprèsmoi.—Lepire,c’estquandtoncorpstetrahit.Quandtusensqu’ilenredemande
contre ton gré. On apprend à se méfier des autres… pas de soi-même. Cetteleçon-là,crois-moi,elleapprendl’humilité.Etçavanouspermettred’obtenirlaréponseàunequestionquimetaraude.Qu’est-cequ’ilmechante,là?Ellefronçalessourcils;Ragesefenditd’un
rictus carnassier. La jeune femme sentit son cœur s’accélérer en le voyantlorgner sa poitrine. Puis quand il lui effleura le ventre. La main baladeuseremonta,lapaumeserefermasurunsein.Unepaumebrûlante,immense.Elliepaniquaquandilcommençaàserrer.—Quelledouceur…Etquellevolupté,pourunefemmesimenue…Ilbaissalatêteaprèsluiavoirlâchélesein.Elliehoquetaensentantlesouffle
tiède de Rage contre sa poitrine… puis de nouveau quand sa bouche chaude,humide,serefermasuruntéton.Uncroceffleural’épidermeultrasensible;une
languerâpeuseglissasurlapointedusein.Ellieeutunsoubresautetfermalesyeux.Une onde de plaisir irradia du téton jusqu’au ventre, secoué d’un premier
spasme. Elle se mordit la lèvre inférieure pour réprimer un gémissement,abasourdie par sa propre réaction.Quand il semit à suçoter avec vigueur, lesmouvementsdesaboucheenvoyèrentdesdéchargesdanstoutlecorpsd’Ellie.Ilsegardaitdeluifairemal;ellesesavaitpourtantàsamerci.Conscientequesonintimitéétaitdéjàtrempée,ellerefermalescuissessurcettepreuveflagrantedesonétatd’excitation.Ila raison, c’estpire, trancha-t-elle, abasourdiepar la façondont soncorps
réagissaitauxsollicitationsdeRage.Brûlantededésir,ellesentaitsonestomacseserreràchaquesuccion.Lasensationétaitsiintensequ’elleirradiaitjusqu’auclitoris!Lejeudelanguecontinuaitinlassablement.Leplaisirdevenaitpresquedouloureux ; elle était littéralement en feu.Ce type, avec sa langue, lui faisaitvivreuneexpérienceinédite.Elleeutbeausemordrelalèvre,cettefois,rienn’yfit:ungémissementluiéchappa.Ils’écartaentirantsurletétonpuislâchaprise.Elliedéglutitavecpeinesous
lefaisceauintensedesesyeuxcouleurchocolat;ungrognementsourdmontadesagorge.Puisils’intéressadenouveauàlasilhouettedesavictime.—Tuvois,Ellie?dit-ild’unevoixcaverneuseetsexy.C’estmoiquicontrôle
ton corps. Cette fois, tu ne peux pasm’empêcher de te faire réagir. (Rage laregardadanslesyeux.)MalgrécequeJacobm’avaitfait,jet’aidésiréecejour-là,etjetiensmarevanche.Quandtum’astouchélaqueueetquetonexcitationembaumaitlacellule,jemesuissentibander.Çam’afaitencoreplusmalquedete voir partir en m’abandonnant. Aujourd’hui tu fais l’expérience du désirinassouviprovoquéparquelqu’unàquituastentéderésister.Les yeux rivés sur ceux de l’Hybride, Ellie encaissa ses propos. La
mortificationlalaissasansvoix.Rageavaitréussiàl’exciteràmort;sadignitévenaitd’enprendreunsérieuxcoup.Elleavaitbeletbienététrahieparsessensparcequ’unhommequi lahaïssait l’avaitéchauffée.Pourvuqu’onenreste là,songea-t-elle, et qu’il me laisse filer. Elle se détendit un peu.Oui, conclut lajeunefemme,illatient,savengeance.Leslarmesauxyeux,Ellieattenditdesecalmeravantdereprendrelaparole.—Onestquittes,àprésent?demanda-t-elled’unepetitevoix,ensedétestant
poursafaiblesse.Unregardnoirrencontralesien.—Quittes?Pasencore.Marevanchesedoitd’êtretotale.
—Maistuviensde…Ilgrondadoucement.—Ilsm’onttourmentépendantdesheures.Jepourraisfairedemêmeavecma
boucheetmesmains;cenesontpaslesmoyensquimanquent…Les yeux écarquillés, Ellie sentit qu’il lui écartait les cuisses. Puis il lui
soulevalesjambesetlesplantafermementsursesépaules.Lajeunefemmevoulutserrerlesgenouxaprèslechocinitialmaislatêtedu
colosse l’en empêchait. Il reporta son attention sur le sexe offert, l’étudia uninstant…puispencha la tête.Abasourdie,audésespoir,Elliesentit sonsoufflechaudsursesreplisintimesetsonclitoris.—Attends ! supplia-t-elleen sedébattant commeunediablesse tandisqu’il
tournaitlatêtepourentreprendredeluilécherl’intérieurd’unecuisse.Elle eut beau se tordre, jouer des épaules, il refusa de lâcher prise. Et fit
étalage de sa force physique en la plaquant jusqu’à ce qu’elle ne puisse plusbougerdutout.EllesentitlamâchoiredeRagefrottercontrelehautdesacuisse,monter,descendre,dansunmouvementcaressant.—Veux-tugarderlesjambesécartées,quejepuisseutilisermesmains?Dis
ouietjetedétachelespoignets.— Je ne fais jamais ça dès le premier rencard, etmême pas au cinquième.
C’estpasmontruc,désolée.Elletiracommeunepossédéesursesliensetsedéhanchaenpureperte:pas
moyend’échapperàsapoignedefer.—Punis-moiautantque tuveux,maispascommeça. Je t’aimisencolère,
c’estvrai,maisjenel’aipasfaitexprès,d’accord?Cen’estpasjuste,jamaisjen’aiapprochémabouchedetonsexe!—Jemedoutaisunpeuquetuallaisdirenon.Tantpis,jecontinueàutiliser
mesmainspourtefairetenirtranquille…—Pasça,supplia-t-elle.—«Ça?»répétaRage,latêteinclinéedecôté.—Nemetouchepasrienquepouravoirtarevanche.— Oh, Ellie, mais c’est que j’en meurs d’envie ! Tu ne t’en rends pas
compte?Çavabeaucoupplusloinqu’unebêtehistoiredevengeance.Dis-moiouietjenousexauce.Ellie vit la passion qui couvait dans ses prunelles sombres. Il était sexy en
diable,toutsonêtredésiraitlevoirenfouirlatêteentresescuisses,toutprèsdel’endroit leplussensible,etelleabdiqua.Enhochant la tête,elleseditqu’elledevait avoir perdu la boule, mais le soulagement qu’elle lut sur les traits de
l’Hybridelaconfortadanssadécision.Elliehoquetaaumomentoùsalangueluieffleuralapartielaplusréceptivede
son anatomie. Sa bouche se referma sur la minuscule boule de terminaisonsnerveuses qu’il se mit à stimuler à petits coups de langue. La jeune femmes’immobilisa, tendue comme un arc, toute à l’extase que lui procurait cettebouchegourmande.Ilestvraimententraindelefaire…Il…dieuxduciel,qu’est-cequec’estbon.La texture de sa langue était quelque peu inhabituelle. La sensation était
presquedouloureuse…maissurtoutincroyablementjouissive.Ilmaintenaitunepression constante tandis que sa langue s’acharnait obstinément, sans relâche,sursonpetitbouton.Elliepoussadesgémissementsdeplusenplusforts,deplusen plus aigus ; ses mains se refermèrent sur les liens qui la retenaient pourrépondreaubesoindes’agripperàquelquechose.Il va me tuer, en fin de compte. Pas en l’étranglant ou en lui brisant les
cervicales–enlaléchantjusqu’àcequemorts’ensuive.Enl’amenantauborddel’orgasmesansjamaisleluiaccorder.Elletentadeseraisonner,deserappelerà quel point elle détestait qu’un homme la possède ainsi, ça ne l’avait jamaisamenéeàjouir,maisàcetinstant,Ragepoussaunnouveaugrondementquifitvibrer sonclitorisgonflé.Elleperdit le fil de sespensées.Rienn’existaitplusque le plaisir, Rage et cette bouche qui lui envoyait des frissons dans tout lecorps.L’orgasme la submergea brutalement. Le spasme fut si violent qu’elle se
surprit à crier. Tous sesmuscles semirent à trembler ; seule sa tête abdiqua.Noyée dans la brume éthérée du plaisir, elle perdit toute faculté à penser, àarticuler,jusqu’àcequ’ilretiresabouche.Ellierepritsonsouffle.Elletremblaittoujourscommeunefeuillequandillui
lâchalesjambesavecdouceur.EllesentitalorssapeauchaudecontresonmontdeVénus,sonestomac,sesseins,jusqu’àcequ’ilsseretrouventenvis-à-vis.Qu’ilme tue si ça lui chante, songea-t-elle, çam’est égal. Son corps avait
acquislaconsistancedelaguimauve.Jamaisjenemesuissentieaussibien.Ellerouvritlesyeuxetcontemplasonbeauregardsombre.—Jedevraissortird’iciettelaisserseule,sansunregardenarrière.C’estce
quetum’asfaitsubir.Qu’ellementeoupas,çam’estégal,désormais,songeaRageensepassantla
languesurleslèvres.L’arrière-goûtdemielqueluiavaitlaisséleplaisird’Ellieexacerbaitlebesoinlancinantdelaposséder.Elleétaitsidouce,siréactive!Au
diable la rancœur, il était perdu dans ses beaux yeux bleus. Il n’eut qu’uneenvie:boiresesparolestantquedureraitcetinstant.Lamentable, réagit-il aussitôt. Lui, perdre la tête pour une petite humaine
fragile?Ils’étaitjurédegardersesdistancesaveccescréaturesdemalheur…etvoilàqu’ilseretrouvaitaulitavecl’uned’elles–avecsonEllie.Non contente de lui faire perdre ses nerfs, la jeune femme l’empêchait de
dominerl’animalquisommeillaitenlui.Mêmesoncœurétaitàelle.Aulieudeseméfierd’elle,illadésirait.Quandsuis-jedevenumaso?
CHAPITRE5
Ellie ouvrit la bouchemais comprit que rien de ce qu’elle pourrait avancern’effaceraitl’amertumequiselisaitsursonbeauvisage.Cetterancœurétaitsonœuvre; lesexcusesn’avaientpaslepouvoirderéparerlestorts.Ellel’observasansmot dire.Les yeuxdeRage redescendirent jusqu’à sa poitrine.Au termed’unebrèvehésitation,illuiempoignadenouveauunsein.Elliesecambrapouraccentuerlapressioncontresapaume.Leursregardssecroisèrent.—Jeteveux.J’aibeaulutter,jebrûledemeretrouverentoi,deressentirton
étreinte, d’éprouver le plaisir que je t’imagine capable deme donner.C’est lapremière fois que je désire autant une femme. Dis-moi que tu acceptes… ouaide-moi à me rappeler que je n’ai pas le droit de te pardonner. Dis quelquechose, secoue-moi, explique-moi que je n’ai aucune raison d’être obsédé parl’idéedeteposséderaupointd’avoirdumalàrespirer.Ellie crutmourir en découvrant l’intensité de son regard. Les émotions s’y
bousculaient : désir, envie, effroi, passion dévorante. Elle eut besoin des’humecterleslèvres.Rageréagitparungrognementplusplaintifqu’agacé.Ellecomprit.Illadésirait.Ellehochalatêteaveclenteur.Pourquoisementir?Elleavaitautantenviede
lui que le contraire, et ce, depuis le premier regard qu’elle avait posé sur 416danssacellule.Unêtrefierendépitdescirconstances,unconcentrédevirilitédans un corps d’athlète accompli, un magnétisme auquel elle avaitimmédiatementsuccombé.—Dis-le,lapressa-t-il.—Oui,murmura-t-elle.Ragefermalesyeuxunlongmomentavantdelesrouvrir.—Serre-moientretescuisses.Ellie n’hésita qu’un court instant avant de s’enrouler autour de lui et
d’appuyerlestalonscontresescuissesmusclées,àlanaissancedesfesses.Ilseredressa un peu jusqu’à ce que son gland charnu entre en contact avec sonintimité.Elleétaitdéjàmoitededésirquandildonnaunpetitcoupdereinspourlapénétrer.Ilglissasanspeineentreseslèvressoyeuses…maismanqual’entrée.
Lafrustrationdurcitlestraitsdubeauténébreux.Enappuisurunavant-bras,ildéportasonpoidsdececôté,glissa l’autremainentre leursdeuxépidermes,empoignasaqueueetl’alignaaumillimètre.Puisils’immobilisa.—Tuessensiblementpluspetitequenosfemmes.Jevaisfairedemonmieux
pournepasteblesser.Meblesser?Conscientedeleurdifférencedegabarit,Ellieneseconsidérait
paspourautantcommeunbibelot…etpritàcetinstantlamesuredesonerreurd’appréciation.Elle voulut lui demanderdesprécisions.Trop tard : cessant depeserde tout sonpoids sur le côté,Rage laissa lagravité faire le travail.Ellieécarquillalesyeuxensentantleglandépaisexercerunepressionsurlesparoisdesonsexe,s’yinviter…etcontraindresonvaginàsedilateraumaximum.Puislapaniques’installaàmesurequ’ils’enfonçaitenelle.—C’esttropgros,haleta-t-elle.Il se figea. Leurs regards se croisèrent. L’écart entre les paupières réduit à
deuxfentes,lesoufflecourt,ilrétorqua:—Maisnon.J’aitropenviedetoi.Jevaisyallerendouceur.Aussitôt dit… il accentua la pression et la pénétra. Encore. Ellie sentit se
détendre les muscles de son sexe, contraint d’accepter le membre massif quis’enfonçait inexorablement. Rage ne s’arrêta pas avant d’être entièrement enelle.Ilménageaunepausepourdonneràsapartenaireletempsdeprendresesmarques. Ellie s’entendit respirer fort et dut se rendre à l’évidence : cettesensationde femmecomblée – au senspropre– était divine. Il se retira àmi-course,lentement,puispoussaàfond.Ellie s’entendit gémir. Le sexe de Rage, long et vigoureux, titillait ses
moindresterminaisonsnerveuses.Ellen’avaitrienàcraindredelui.Soncorpssedélectaitdeleuremboîtementparfait.Ilsecabra,ungrondementétoufféfranchitseslèvresmi-closes,leursregardsétaienttoujoursrivésl’unàl’autre.—J’étaissûrqueçaserait lepied total,énonça-t-ild’unevoixrauque.Trop
bon.Lacolèreluidéformalestraitsuncourtinstant.—Mauditesois-tudemefaireuneffetpareil,Ellie.Ilgrognaderechefetseremitenmouvement, retraitendouceur,pénétration
profonde. Ellie poussa un nouveau cri, sa queue incroyablement rigide luiprocuraituneextaseabsolue.Jamaisellen’avaitprisunplaisirpareil.Nouveauva-et-vient au ralenti, un peu plus profond encore, nouveau râle extatiqued’Ellie.Quel bonheur de sentir glisser son sexe contre son clitoris gonflé, seshanches positionnées de manière à ne pas l’écraser ! Surexcitée et trempée
commeelle l’était,Elliecompritque l’orgasmeétait imminent.Pascroyable…ellepartaitvraimentauquartdetour.C’étaitirréelqu’unhommeparvienneàlafairejouirsivite,sanslongspréliminaires,maisenfin,Ragen’étaitrésolumentpascommelesautres.Quandilsemitàalleretvenirplusfrénétiquement,leplaisirqu’éprouvaEllie
futsivifqu’ellesutqu’elleallaitjouirlà,toutdesuite.Lesparoisdesonvagincomprimaient la queue en mouvement, c’était fou, comment faisait-il pourqu’elledurcisseencore?Ellehurla,secouéedespasmes,enproieàunorgasmeviolent,total.Sachattesecontractasurcettequeuequiremuaittoujours.Ilseretirasanscriergareetpivotasurunehanche.Puisilrugitbruyamment
enjouissantàsontour;satêtes’abattitsurlapoitrined’Ellie.Sescrocsacéréseffleurèrent un sein tandis que, tremblant, il lui éjaculait à longs traits sur lacuisse.Ilavaitprissoindenepasjouirenelle.Sitôt redescenduede sonpetit nuage,Ellie s’avouaunpeu amèrequeRage
n’ait pas éjaculé en elle, comme s’il souhaitait ainsi préserver une certainedistance.Ellerouvritlesyeuxetcontemplasatignassenoire.Ilavaittoujourslevisageenfouientresesseins,sonsoufflechaudetsaccadéluititillaitl’épiderme.Elleregrettadenepaspouvoirleserrerdanssesbras.Rages’étaitretiréavantdecourirlerisquedeluifairemal,oudel’horrifier,à
cause des changements qu’il avait subis en tant que cobaye. Elle ignoraitcertainementlefosséanatomiquequis’étaitcreuséentrehumainsetHybrides.Ilse félicitait d’avoir réussi à se maîtriser suffisamment pour se rappeler qu’iln’avaitpasledroitdejouirenelle:dèslapremièresecondedeleurintimité,ilavaitconnulafélicitépourlapremièrefoisdesavie.S’extrairedesonsexeavaitété difficile, presque impossible. Il désirait tant emplir Ellie de sa semence,l’imprégnerdesonodeur!Latoucher,lasentir,luifairel’amouravaitdépassésesrêveslesplusfous.À
cetrain-là,ilrisquaitfortdedeveniraccro.C’estpeut-êtredéjàlecas, l’avertitunepetitevoixdanssatête.Ellie était humaine, la barrière existait, qu’il prenne garde de ne jamais
l’oublier.Lagarderligotéeàsonlit,luifairel’amourjusqu’àcequ’ellesoittropépuisée pour partir ? Rage aurait adoré… mais il n’en était pas question.Quelqu’unallaitfinirparremarquersadisparition.Enoutre,plaisiroupas,elleluienvoudraitd’êtreretenuecaptive.Lui-même
était bien placé pour savoir ce que l’on ressentait dans pareil cas. S’emparerd’elle une fois pour l’amener dans son lit était une chose, la forcer à rester
deviendraittrèsviteimpardonnable.Ellieenviendraitàlehaïr.Cetteperspectivelerévulsait.Lafrustrationenflaenluiavantmêmequ’ilaitfinidejouir.Merdealors…À
peinevenait-ildelui lâcherunpeudespermesurlacuissequ’ilpensaitdéjààellecommesachose!Ellieluiappartenaitdepuisl’instantoùellel’avaittouchéaprèsavoir tuéJacobpour leprotéger. Impossibledelagarder,hélas.C’étaitàdevenirdingue,enragé, lui qui venait à peined’accepter l’idéequ’Ellie ne luiavaitpascollécemeurtresurledosparpurecruauté!Rage dissimula l’afflux d’émotions en gardant le visage enfoui contre sa
poitrine.L’accèsde colère était en traindepasser…quand il capta l’odeurdesonsang.Rouvrant lesyeux, ilsepassa la languesur les lèvres :aucundoute,c’étaitbiendusang.Celuid’Ellie.Ilpritconscienceaveceffroidecequ’ilavaitfait.—Merde,grinça-t-il.Il est dumêmeavis quemoi sur ce qui vient de nous arriver, songeaEllie.
Saufqu’encequimeconcerne,cen’estpasqu’unehistoiredecul.Ragelevalatête,cequipermitàlajeunefemmederespirerplusaisément.Saqueue,encoreraide,butacontrelesexed’Elliequipritconsciencedel’extrêmesensibilitédesonintimité.Celafaisaitlongtempsqu’ellenes’étaitplusenvoyéeenl’air.Ragelasoulevaparleshanchespuissepenchasurelle.Illagardaàboutde
brasets’attardasursonanatomie.—Merde,soupira-t-il.Vraimentdésolé.Jen’aipasfaitexprès,Ellie.Faitexprèsdequoi? s’inquiéta-t-elle,perplexe.Cequ’ilsvenaientdevivre
était… magique. Hallucinant. L’orgasme le plus intense qu’elle ait jamaisressenti.Elliesuivitsonregardetvitqu’ilavaitlesyeuxrivéssursonseindroit.Elledutleverlatêteets’alarmadedécouvrirunfiletdesangquis’écoulaitdansle sillon. En croisant le regard de Rage, elle y vit du remords. Puis elles’interrogea:qu’est-cequiavaitpuprovoquercepetitsaignement?Il ouvrit la bouche sans parvenir à articuler le moindre mot. Les lèvres
pincées,l’airfuribard,ilsautadulitets’engouffradanslasalledebains.Ellie,uninstantéblouieparl’affluxdelumièrequandilactionnal’interrupteur,levitdisparaîtredanslapièceattenante.Elle serra les cuisses avec précaution.Houlà, j’en ai pour un petit moment
avantdemeremettre.Sonsexeétaitsensibleaumoindremouvement;Rageétaitmieux membré que la moyenne et Ellie, dégoûtée des hommes après lecauchemarqu’elleavaitvécuavecsonex,étaitrestéechastedepuissondivorce.
Passablementgênéedes’êtresi facilement laisséeexciterparRage, la jeunefemmeseremémoraqu’illuiavaittapédansl’œildèsqu’ellel’avaitaperçu.Delà,enrevanche,àseretrouvernue,attachéesurunlit,aveccetApollonsortidel’horrible labo souterrain… Il commence parme faire grimper aux rideaux etvoilàcommentçasetermine.Queldésastre!Unbruitd’écoulementdanslasalled’eaul’arrachaàsespensées.En voyant Rage réapparaître quelques secondes plus tard, Ellie éprouva la
satisfactiond’avoirsuresterzenmalgrétoutcequ’ellevenaitd’endurer.Ilévitasonregardetrestarivésursapoitrine.Munid’uneserviettehumide,ils’installaauborddumatelas.—Laisse-moinettoyercetteplaie…Jen’aivraimentpasvoulutefairemal.—Jenesouffrepas.(Bienqu’elleaitparléd’unevoixtrèsfaible,ellesutqu’il
avaitentendu.)Maisdélivre-moi,jet’enprie.—Laisse-moid’abordessuyerça,soupira-t-il.Tusaignes.Cesontmescrocs
quit’ontécorchée,jen’avaispasdutoutl’intentiondetemordre.C’estjusteuneégratignureunpeuprofonde.Formidable.Jesaigne.Enfin,aumoins,c’estindolore.—Tun’asqu’àdéfairemesliens,jevaism’enoccuper.—Non.Il s’appliqua à lui nettoyer l’épiderme juste au-dessous du sein droit. Puis,
visiblementsoucieuxdefairedisparaîtretoutetracedeleurrapport,ilépongealespermequ’ilavaitrépandusursacuisse.Quelle douche froide après la passion torride… Ellie fut gagnée par
l’amertume. Rage n’avait eu ni geste tendre ni mots doux envers elle aprèsl’amour, sauf à considérer comme tels ses excuses pour l’avoir égratignée. Etvoilàqu’ileffaçaitlapreuvedesapassion,déjàaussifroidequelelingehumideutilisé à cette fin. Elle n’eut soudain qu’une envie : partir sans demander sonreste,oublieràjamaiscequivenaitdeleurarriver.CommeRagedevaittoujoursladétester,Ellietentadenerienlaisserparaître
desonmalaise.Ilavaitagidansl’uniquebutdesevenger,c’étaitflagrantmalgrésesbellesparoles,etelleavaiteulasottisedelecroireparcequ’elletenaitàlui.Ildevenaiturgentdedéguerpiravantdefondreenlarmes.Elliepriapourqu’ilaitassouvisasoifderevancheetconsenteàlalaisserfiler.—Nousvoilàquittes?parvint-elleàarticuler.Necraquepas,merde,serépéta-t-elle,lesnerfsàvif,auborddeslarmes.S’il
lavoyaitpleurer,ilrisquaitdecroirequ’elleavaitmalàcauseducoupdecroc.Le remords qu’elle discerna sur son visage dur donna raison à Ellie : il s’en
voulaitdel’avoirmordue.Commes’iln’yavaitpasassezdemalentendusentrenous,songea-t-elleamèrement.Son regard noir remonta jusqu’à croiser celui de la jeune femme.Au terme
d’un longmoment passé à la dévisager, il tomba sous le coup d’une émotionindéchiffrable. Puis il ouvrit la bouche, commepour dire quelque chose,maisriennevint…rien,saufdescoupsfrappésàlaporte.—Etmerde,grondaRage.Relevéd’unbond, il filavers la salledebainsavecunevivacité effrayante,
balança la serviette par l’embrasure, tourna les talons, revint près du lit etramassalacouverturequ’ilavaitarrachéeplustôt.Ils’enservitpourlacouvrirdes pieds au ras du cou. Rhabillé un battement de cœur plus tard, il quitta lachambreentrombeetenclaqualaporte.Que faire ? s’interrogea Ellie. Crier à l’aide ? Attirer l’attention sur sa
situation,c’étaitcourir lerisqued’êtretrouvéenue,attachée…etmordue.Saleaffaireenperspective,lesapparencesplaidaientpouruneagressionsexuelle.Pasquestionqu’ilsefassearrêterpouruncrimequ’iln’avaitpascommis.Il avait déjà payé très cher la mort de Jacob dont Ellie, elle, était sortie
indemne.Ellegardalesilenceafindenepasalerterlapersonnevenuefrapperàla porte : mieux valait subir le sort que Rage lui réservait que lui attirer desennuissupplémentaires.Nousvoilàquittes,raisonna-t-elle.Ilvamelibérersitôtlevisiteurcongédié.La porte de la chambre s’ouvrit à la volée. Ellie blêmit d’effroi en voyant
déboulerJustice.Vêtud’unjeanetd’untee-shirtjaune,ilavaitforméunequeue-de-chevalavecsescheveuxlongsafind’avoirlestraitsdégagés,cequipermitàla jeune femmedene rien raterdesa réaction.Elle tressaillit : aucundoute, ilétaitentraindetirerdesconclusionserronées.Uninstantpétrifié,ilseressaisit,gronda,fittroispasets’arrêtaauborddulit.Livideetmutique,Ragesetenaitdansl’encadrementdelaporte,têtebaissée,lesyeuxrivéssurletapis.Justiceempoignalacouvertureettira.Elliehurla,mortifiéed’êtreainsiofferte
auregardd’uninconnu.Justicepoussaungrondementsourd.Puisilrecouvritlanuditédelajeunefemmeetpritplaceauborddumatelas.Iltenditlebrastoutenfusillant son second du regard et s’escrima sur le lien qui retenait un poignetd’Ellie.Unbarreaucéda;samainétaitlibre.—Commentas-tuosé?rugitlechefdesHybrides.Ilseleva,fitletourdulitetlibéral’autrebrasd’Ellie,puisrejoignitRageen
faisant écran. Ellie se redressa, se massa les poignets et prit soin de restercouverte.Lacarruredesonprotecteurl’empêchaitd’apercevoirRage.
—Tuterendscompte?C’estnotresauveuse,l’humainequiarisquésapeaupournousaider!Quoiqu’elleaitputefaire,tuluidoislefaitd’êtreenvie.Derespirer ! On s’échine à prouver aux humains que nous ne sommes pas desanimaux, et toi, tu la prends de force ? Tu l’attaches à ton lit et tu la violes,commeun chien enragé ? Ils vont t’envoyer au trou, bordel demerde ! Je nepense pas être en mesure de te couvrir, et ça tombe bien, parce que j’en aimodérémentenvie.Toi,nousfaireuncouppareil?Tusaispourtantcequiestenjeu!Lesnôtresontbesoinqu’onleurmontrel’exemple,qu’onveillesureux.Tuesmonadjoint,merde !Si jamais j’échoue,c’est toiquiescensé reprendre leflambeau.Justicepoursuivitd’unevoixpluscalme.—Tumefendslecœur,d’avoiragressécettehumaine.Ellesaigne,jelesens,
çavanouscauserdestortspascroyables…Qu’est-cequit’apris,bonsang?Tuasperdulatête?Toncrimevadonnerraisonàceuxquinousconsidèrentcommedesfauvessanscervelle,tropdangereuxpourêtrelaissésenliberté.Couvert de honte, Rage soutint le regard médusé de Justice. Il avait
pleinement conscience d’avoir causé du tort à sonpeuple en kidnappantEllie.Hautresponsabledel’OPH,ilavaitpourtantcédéàsonpenchantpourlajeunefemme et commis l’irréparable. En préférant l’humaine à son peuple, il avaitbrisélapromessefaiteàJusticequandilavaitacceptédeleseconder.—Désolé,murmura-t-il.Justicegrondadoucement.—Qu’est-cequit’arrive,mec?Tuaspétélesplombs?C’estquoi,ledéclic
qui t’a faitcraquer?Jenepasseraipas l’éponge.Tumeconnaisassezpour lesavoir.Aucontraire.Jecomptefaireunexemple.—C’estnormaletj’assume.Rageprituneprofondeinspiration.Sachantàquois’attendreenlevantlamain
surEllie,ilétaitprêtàassumerlesconséquencesdesonacte.IlavaitdésiréEllieplusquecequi,jusqu’ici,gouvernaitsonexistence:lepeupleHybride.Quand les siens avaient été libérés, beaucoup avaient plaidé pour la guerre
ouverte…mais Justice avait su raisonner les anciens captifs. Pour survivre, ilétait nécessaire de coopérer avec les libérateurs.Quand on leur avait annoncéqu’ilshéritaientd’uneterrerienqu’àeux,Homeland,unlieuoùvivreenpaix,oùpanserlesplaiesdetoutunpeuplemeurtri,JusticeétaitvenuvoirRageetluiavait demandé de l’aider à bâtir cette vie nouvelle. Rage avait accepté sanshésiter.Aucundéfineluifaisaitpeur,ilétaitrésoluàtoutdonnerpourserendre
utile.Chargé de l’entraînement des équipes de sécurité, il avait montré aux gars
commentdompter labêtequi sommeillait enchacund’eux.Quelle ironie !Lemaître admiré, donnant le mauvais exemple… Tout ça pour courir après unechimère…Ellie,unehumaine.Ill’avaitramenéechezlui.Puisséduite.Quelquesoitleprixàpayer.Regrettait-il?Non!Cecourtinstantpasséavecellevalaitamplementtousles
tourmentsàvenir.Ill’avaittouchée,sentie,goûtée,avaitconnulajoieindicibled’être en elle. S’il finissait au cachot, ce souvenir-là lui tiendrait compagnie.Jamais il n’oublierait l’écho de sa voix, l’éclat de ses yeux. Il lui suffirait defermerlesyeuxpourêtredenouveauavecelle.—Çava?lançaJusticeàEllie.—Oui,coassa-t-elle.Justice reporta son regard sévère sur Rage, qui répondit en affichant une
détermination totale. Sa décision était prise : c’était à lui seul d’endosser laresponsabilitédesesactes, ilne restaitplusqu’àprendresesdistancesavec lepeupleHybrideenpriantpourque leshumainsne lesmettentpas tousdans lemêmesac.Quantauchâtimentàvenir,ill’accepteraitsansrécriminationnifaux-fuyant.Ladéceptionquise lisaitdans lesyeuxdeJustice luifitbeaucoupdepeine.
Rageavaitpleinementconscienced’avoirtrahisonami,sessemblables…etdes’êtretrahilui-même.—Jen’yarriveraipassanstoi,luiannonçaJustice,l’airabattu.J’aibesoinde
ton aide pour tenir la baraque. Chaque fois que j’avance un pion versl’autonomiedeHomeland,ledirecteurBorismemetdesbâtonsdanslesroues.Il raconte au président que nous sommes incapables de nous gouverner nous-mêmes.Jelecroissincèrequandilnousestimeplusanimauxqu’humains,toutau plus aptes à imiter leur voix et à singer leurs manières. Il a beau s’endéfendre,sonméprisestflagrant,cequ’ilpensedenoustranspiredanschacundesespropos.—Jesuisdésolé.—Tongesteva luidonner raison.Onvaenbaverdeux foisplus,pour leur
prouverquenoussommesunpeupleresponsable.Tunepouvaispasperdrelespédalesàunplusmauvaismoment.— Je sais très bien le tort que je fais à l’OPH. J’en prends l’entière
responsabilité. Fais-leur savoir que je suis le seul sujet affligé d’une tare, etinsistebienpourqu’ilsmecondamnentdurement.
Justicedévisageasonami.—Tun’espastoi-même…Pourquoi?Rage tenta vainement d’apercevoir Ellie, que le corps massif du chef des
Hybrides lui dissimulait totalement. Il croisa le regard perplexe de sonhomologueléonin.—Jecroisque tu saispourquoi.Elleme fascine sansque jeme l’explique.
Celavabienau-delàdelacolère.Il était arrivéàcertainsHybridesmâlesdevivreunepulsion très fortepour
unecongénère,unbesoindeproximité,d’appropriation,maistousavaientsuyrésister. C’était préférable, au demeurant, puisqu’ils étaient alors tousprisonniers. Les cobayes étaient à l’isolement, chacun dans sa cellule… saufquandleshumainsformaientuncoupleéphémèreletempsqu’ilscopulent.Ilsavaientcependantconscienceduproblème.Sicelui-cine s’étaitprésenté
que très rarement pendant les années de captivité, les instances de l’OPH enavaientdiscuté:quefairesil’undesleursressentaitlebesoindes’accoupler?C’est ce qui m’arrive, songea Rage. Probablement à vie, s’il fallait en croirel’effetqueluifaisaitEllie.Renonceràelle?Totalementexclu.Justicejetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetparutcomprendre.—C’estàcepoint?— Aucun doute là-dessus. J’ai beau lutter, rien n’y fait. (Ses épaules
s’affaissèrent.)Vraimentdésolépourlemerdierquejeprovoque,mais…Ragen’enditpasplus.Endépitdelagravitédelasituation,ilneregrettaittoujourspassongeste.Il
échouadenouveauàposer lesyeux surEllie : Justice lamasquait totalement.Enfin…Ill’avaiteueunefois.Maigreconsolation?Voire.Cesouvenir-là,illechériraittouteunevie.Ellievitquesesfringuesétaientparterre,àcôtédulit;Rageavaitdûlesjeter
làaprès l’avoirdéshabillée.Sonbadgeet seschaussuresavaient subi lemêmesort. Elle se déplaça avec prudence, les ébats récents lui laissaient vraimentl’entrecuisse ultrasensible, et glissa sur les fesses jusqu’auborddumatelas enprenant soin de rester couverte. Elle ramassa ses affaires et les enfila à toutevitesse.Lesgarçonsenétaienttoujoursàsedéfierduregard.—Lesvigileshumainslacherchentpartout,ditJusticeavantdeménagerun
court silence. Ils ont trouvé son bidule électronique près du plan d’eau etcraignentlepire.Dèsl’instantoùj’aisuquimanquaitàl’appel,j’airappliquéenpriantpourquetun’aiespasfaitdebêtise.Ilfautqu’onlespréviennequ’elleest
ici.Elleabesoindesubirunexamen,ettoi,d’affronterlapunitionquit’attend.Ellen’estpasdesnôtres;ilsvoudrontsûrementappliquerleurslois,danscetteaffaire.Jesuis loind’êtreexpertdanscedomaine.Maseulecertitude:si tu tedéfiles,tunousfousdanslamerde.Nerésistepass’ilsviennentt’arrêter.Jesaiscequeturessentirass’ilstemenottent,maisévited’aggravertoncas.—Jeneleurrésisteraipas,promitRageàmi-voix.Jelesappelletoutdesuite.Ellie,déjàrhabillée,enfilaseschaussuresetseleva.Elleressentitunegêneau
niveau du sein quand l’étoffe frotta contre l’écorchure. S’étant promis d’yremédierdès son retourdudortoir, ellen’avaitpaspris le tempsdevérifier lagravitéducoupdecroc.Ellefitdeuxoutroispashésitantsverslaporte.—Excusez-moi,dit-elleenseraclantlagorge.Justice,unegrimacesévèreauxlèvres,setournaetlaregardadanslesyeux.
Ellien’eutpasunregardpourRage.—Je retourneaudortoir, là…inutiled’alerterquiquecesoit. J’expliquerai
que j’étais chez quelqu’un, la sécurité deHomelandn’a rien à voir là-dedans.Rageetmoisommesquittes,désormais.Iln’yauraplusdegrabugeentrenous.(Elle s’obligea à braquer les yeux sur le beaubrun et vit qu’il était stupéfait.)Noussommesquittes?Lessourcilsfroncés,ilsecoualatête.Le choc fit vaciller Ellie. Ses genoux flanchèrent, mais Justice la rattrapa
avantqu’elles’écroule.Illatintfermementparlataillejusqu’àcequel’humaineaitretrouvél’équilibre,etlalâchadèsqu’elleesquissalegestedelerepousser.EllerestabouchéebéedevantRage.—Commentça,non?Çanet’apassuffi?Ellesentitleslarmesaffluermais,cettefois,futincapabledelesretenir.— Je suis désolée ! J’étais sûre qu’il ne t’arriverait rien,merde, il fautme
croire!Jen’avaispaslechoix.J’aifaittoutcequej’aipupourtoi.Etcommentt’expliquermongeste?Tuteméfiaisdemoi,c’étaitlogique,jenepouvaispascourirlerisquequetuaillestoutrépéteràl’und’eux…Rage,visiblementpeiné,sourcilla.—C’esttoiquiasuneraisondem’envouloir,àprésent.Jen’aipasfaitexprès
deteblesseravecmescrocs.Ellie, lepoingserréautourdesonbadge,séchaseslarmesavecledosdesa
main.Ragenecessaitdel’étonner.—Jetecrois.C’estunesimpleégratignure,riendeméchant.Nousvoilàdonc
quittes.Tunemedoisrien.Ilfautquej’yaille…(Elliesemorditlalèvre.)Mercidemelaisserpasser.
Rage s’écarta ; Ellie s’engouffra aussitôt dans la brèche. Elle arpenta lecouloir d’unpasmal assuré, débouchadansun salon spacieux, repéra laported’entrée et l’ouvrit à la volée en se redressant. La fraîcheur nocturne vintcaressersesjoueshumides.Combien de temps avait pu s’écouler depuis l’incident au bord du lac ?La
jeune femme voulut consulter sa montre et grimaça en découvrant qu’elle nel’avaitpasaupoignet.Retournerdans lachambredeRagepour la récupérer?Plutôt crever. Elle franchit le seuil et regarda alentour afin de se situer. Sessemellesglissèrentunpeusurl’herbedétrempée,puiselles’engageadansl’alléequimenaitauxdortoirs.Agrippée soudainement par l’épaule, Ellie fit volte-face et leva un regard
inquietsurl’imposantesilhouettedeJusticeNorth.LechefdesHybridesl’avaitsuiviedehors.— Pourquoi refusez-vous qu’il soit arrêté ? Qu’est-ce qui se passe, entre
vous?Justicecessadeluibroyerl’épaule.Laconfusionselisaitsursestraits.Ellie détailla ses beaux yeux de chat. La structure osseuse de son visage
n’était pas entièrement humaine, les pommettes étaient trop saillantes, le nezexcessivementlargeetaplati.Ilétait…différent,unpeucommeRage,maisdansleregistrefélin.Ellesedégagead’uneruade.Justicelaissasonbrasretomber.—Ilfautquejeretourneàmonbâtimentetquej’informelasécuritéqueje
n’ai rien,pourqu’ilsmettentun termeauxrecherches.Cequis’estpasséchezRagen’estpascequevouscroyez.Ilnem’anivioléeniviolentée.—Etaulaboratoire?voulutsavoirJustice.Ils’estpasséquoi,aujuste?Elliejetauncoupd’œilalentour:pasdelumièreàlavitredeRageetsaporte
étaitfermée.Iln’étaitpasenvue.EllereportasonattentionsurJustice.—Pourquoidiable,gronda-t-il,plaiderpour son impunitéaprès le tortqu’il
vousafait?Nem’obligezpasàretourner lecogner jusqu’àcequ’ilcrache lemorceau. Ilserefuseàm’enparler.C’est lapremièrefoisqu’ilmecachequoiquecesoit.Ellierefoulaunnouvelaccèsde larmes.Ellehaïssait l’idéequeRagepuisse
souffrirsielleneseconfessaitpas.—C’estàluid’enparler,pasàmoi.— Il n’en démord pas. Je suis sonmeilleur ami, pourtant…Ça n’a pas de
sens.Aidez-moiàcomprendreoujelefaismettreautrouetpasseràlaquestion.Ilva trèsmal leprendre,d’êtreremisencage.Sisonsortvous importe,dites-moicequ’ilrefusedemedire.
Elliehésita.C’étaitdétestable,d’êtreainsipriseenporte-à-faux,maisc’étaitencoreplus insupportabled’imaginerqueRagepourraitpâtirunenouvellefoisde ce qui s’était passé dans sa cellule. Elle posa les yeux sur le tee-shirt deJustice.— Vous ne vous en servirez pas contre lui ? Promettez-le-moi, dit-elle en
croisantsonregard.—Jel’aimecommeunfrère,etpourmoi,lafamillepasseavanttout.Plutôt
mecouperunemainqueluifairedutortsansraison.Lajeunefemmesutqu’ilétaitsincèreencontemplantsesyeuxdechat.—C’étaitce typehorrible,untechniciennomméJacob,quiprenaitplaisirà
fairedumalauxHybrides.Rageluiavaitpétélenezd’uncoupdecoude.Jacobs’enestprisàluilorsdemondernierjourchezMercile.Jevenaistoutjustedetéléchargerlesdonnéesdanslebureaud’unmédecinetdegoberlacléUSBpourdéjouerlasécurité.Alorsquej’étaisalléevoircommentallait416,enfinRage,depuis… hmm… une salle d’observation, j’ai entendu Jacob dire qu’ils’apprêtaità le tuer.Ilavaitfaitcouperlescamérasdelacellule.J’ysuisalléeaussivitequepossible.Ellehésitaàpoursuivre.—Continuez.Incapabled’obtempérerencontinuantàleregarderdanslesyeux,Elliefixade
nouveausontee-shirtavantdereprendre.—JacobavaitdroguéRage,l’avaitenchaînéventreàterre,etcommençaità
luifairedestrucs…vraimentmoches.Jel’aiattaqué.Ettué,conclut-elle,lavoixéteinte.—Ragedevraitvousensavoirgré…Justicerelevalementond’Elliepourl’obligeràleregarderdanslesyeux.—Qu’est-cequevousomettezdemedire?Pourquois’estime-t-iltrahialors
quevousluiavezsauvélavie?Elleseraclalagorge.—Lacléquej’avaisdansleventrecontenaitassezdepreuvespourdéciderun
jugeà lancerdesperquisitionschezMercile Industries.Si jamaisquelqu’unsedoutaitquec’étaitmoiquivenaisdetuerJacob,jamaisonnem’auraitpermisdequitter les lieux à la fin de ma journée. J’ai donc décidé de faire porter lechapeauàRage.Profitantdecequ’ilétaittoujoursdrogué,jeluiaiétalélesangdecefumiersurlesmains,puisreplantélaseringuedanslecorpspourdonneràcroirequ’ilavaiteuletempsdetuerJacobavantqueleproduitagisse…etj’aieu troppeurdecequi risquaitd’arriverpour lui expliquer les raisonsdecette
miseenscène.Souslefeud’unregardinsistant,Ellies’attenditàvoirJusticeentrerenrogne.—Vousnem’avezpastoutdit.Cetyped’incidentétaitfréquent…Pourquoi
Ragel’a-t-ilsimalpris?Lajeunefemmeserralesdents.—En entrant dans la cellule, j’ai découvert que ce salaud de Jacob l’avait
dérouilléets’apprêtaitàlevioler.(Leslarmesauxyeux,ellebaissadenouveaula tête.) Il avait déjà commencé à lui… enfoncer… unematraque, c’était trèsmoche,d’accord?Rageétaitconvaincuquejeneluivoulaisaucunmal,etvoilàquejeluicolleunmeurtresurledos.Unmeurtrequiluiavalud’êtretorturé:ilme l’a dit.C’estma faute, s’ils se sont acharnés sur lui.Voilà pourquoiRageétaitfurieuxaprèsmoi.Ilvoulaitqu’onrèglenoscomptes;c’estfait.Justice garda le silence. Un coup de vent fit bruisser les frondaisons. Ellie
n’osalever lesyeuxversceuxduchefdesHybrides, tropeffrayéeà l’idéed’yliredudégoûtoupire,delacolère.Ellevenaitd’avouerunactehorriblecommiscontresonmeilleurami.—Ilm’acueilliedans leparcpourme fairecomprendrecequ’il avait subi
suiteàlamortdutechnicien:êtreentravé,sansdéfense,lecorpslivréàlamercid’autrui.(Ellieménageaunepause.)Ilnem’apasforcéeàcoucheraveclui.Nifrappée, ni rien. Mais il a décidé qu’en me séduisant, la sanction serait plusefficace.J’étaisconsentante.Rageetmoisommesquittes,désormais,iltientsarevanche;quantàmoi,j’aienviederentrer.—Etlesangquej’aiflairé?C’étaitconsenti,çaaussi?—Uncoupdecrocaccidentel.Riendeméchant.Justicesoupirabruyamment.—Jevois,dit-ilenluilâchantlementon.Ellie tourna les talons et s’élança sans un regard en arrière, de peur de
découvrirqueJustice luicouraitaprès.Ellenes’arrêtaqu’auboutdeplusieurspâtésdemaisons…enmanquantdepercuterunvigile.Elleprétextaunevisiteàun ami et jura qu’il ne lui était rien arrivé de fâcheux.Quand le garde voulutsavoirdequelamiils’agissait,ellerefusaderépondreetfitcomprendreàdemi-motqu’ils’agissaitd’unrendez-vousgalant,cequiavaitleméritedecolleravecsatenuedébrailléeetsescheveuxenbataille.Lesourireencoinduvigileneluiéchappapas,pasplusquelafaçondontil
avaitlouchésursondécolletéquandilavaitsignalépartalkie-walkiequ’ilavaitretrouvéladisparuesaineetsauve.Enarrivantenfinaubâtimentdesfilles,Ellieavaitlesjambescoupéesparlechaosémotionnel.
QuatreHybridesregardaientlatélévisiondanslesalonquandElliepassadansl’embrasure en se dirigeant vers l’ascenseur. Elle les regarda à la dérobée enattendantl’arrivéedelacabine…etvitqu’ellesladévisageaient.Laplusprocheselevad’unbond,lesnarinesfrémissantes.—Çava?Elliefutsurprisedevoirs’inquiéterl’unedesesprotégées.—Çava,oui.Mercietbonnenuit.Ellesetournaverslesportesdel’ascenseurpourromprelecontactvisuel.La
cabine,hélas,mettaituntempsfouàarriver.Lajeunefemmefermalesyeuxetcroisa les bras. Elle s’efforça de rester sourde aux signaux de son corps :l’irritationdesonentrecuisse,labrûluresousunsein.Illuitardaitdeprendreunbain,deseserviruntrucfort…etpourquoipasdepleurertoutsonsoûl.La sonnerie de l’ascenseur résonna, les portes coulissèrent. Ellie rouvrit les
yeux,s’engouffradanslacabine,pivotademanièreàappuyersurlebouton…etrestabouchebéeenvoyantlesquatreHybridesentreràleurtourdansl’espaceexigusanslaquitterdesyeux.Elleslahumèrentbruyamment,ladétaillèrentdespiedsàlatête,s’approchèrentencore.Elliereculadansuncoindelacabine.Leurintérêtsoudainpoursonbien-êtreavaitquelquechosedeflippant.Toutes
étaientgrandes,musclées,plusfortesqu’unehumainelambda.Elleétaitacculéedans un coin. L’une d’elles tourna la tête et appuya sur le bouton du dernierétage.Comments’appelaient-elles,déjà?Celleauxcheveuxrouxavaitdesyeuxdefélin,luisemblait-il.SespupillespresquenoiresétaientbraquéessurEllie.—Onsent toutes lamêmechose :unmélangedesang,depeuretdesexe.
Aucundoutepossible.—Etl’odeurd’undesnôtresestsurtoi,aussi,énonçacellequisetenaittoutà
faitàgauche.Elleavaituneallureétrange,avecsestraitsfélinsetsescheveuxmulticolores
dechatteécailleetblanc.Ellereniflaànouveaupuisreprit.—Hybride de chien, je parie. Notre odorat est moins affuté que celui des
mâles,celadit.Euxpourraientimmédiatementidentifierceluiquit’afaitdumal.Nousautres,onaplusdedifficultéàsavoirquiestquirienqu’àl’odeur.— Ne nous appelle pas comme ça, glapit la rouquine, une lueur jaune de
courrouxdansleregard.Jenesuispasunechienne!J’aidesgènescanins,c’esttout.LafélinehaussalesépaulesetreportasonattentionsurEllie.—Tuassubiuneattaque,dit-elleenreniflantderechef.— Tout va bien, assura Ellie en déglutissant avec peine. Merci de vous
inquiéterpourmoi.Lesquatrefemmesladévisagèrentsansmotdire.L’ascenseurémitun«ding»
en arrivant au second. Ellie essaya vainement de se faufiler, les amazones nebougeaientpasd’unpouce.Ellesemorditlalèvreetlesregardatouràtour.—J’aimeraisaccéderàmachambre…Elless’écartèrentpourlalaisserpasser.Elliesefaufilaenprenantsoindene
bousculerpersonnepuisfiladanslecouloir.Ellesluiavaientflanquélatrouille.Quelle surprisededécouvrir qu’elles possédaient unodorat apte à détecter lesémotions ! Arrivée sur son palier, elle exhiba son badge. Sitôt le témoinlumineux passé au vert, elle tourna la poignée, franchit le seuil et voulutrefermerlaporte…maiss’entrouvaempêchée.LesquatreHybridesentrèrentàleurtour;Elliepritpeurendécouvrantleursvisagesdurs.Ellereculapasàpas,inquiètedelatournuredesévénements.L’uned’ellesrefermalaporte.—Kit,vafairecoulerunbain.Laplusgrandedesquatre,unefilleauxcheveuxnoirs,prenait leschosesen
main.Kitsedirigeasansunmotverslasalledebains.— Je suis Brise, annonça la grande brune à mi-voix. Nous sommes
nombreuses,jenesaispassitunousconnaistoutesparnotrenom.Cellequiestàlasalledebains,c’estKit.(Coupdementonverslarouquine.)VoiciRouille,etcelle qui ne dit jamais rien, c’est Soleil. Soleil, trouve-lui des vêtementsconfortablesàenfileraprèssonbain.Soleil fila vers l’armoire d’Ellie. Cette dernière, abasourdie, ne pouvait
détachersesyeuxdeBrise,quil’observaitenfronçantlessourcils.—Tu sens le sang et le sexe, et tes poignets portent desmarques de liens.
Nousavonstoutesétéprisesdeforceàmaintesreprisespendantnosannéesdecaptivité.(Sonregards’obscurcit.)Leshumainsnousmaltraitaientàlamoindreoccasion. Nos mâles, eux, faisaient toujours attention à ne pas nous blesserquandnousétionsobligéesdecopuler. (Court silence.)Nousétionspunies,ouobligéesderegarderquelqu’und’autreêtrepuniànotreplace,sinousrefusionsdecouchersurcommande.Nosmâlessontincapablesdefairedumalàl’unedesnôtres…pourtant,l’und’euxt’aattachéeetviolentée.Pourquoi?Renduemuettepar lecaractèreodieuxdecequ’ellevenaitd’entendre,Ellie
regardaBriseenpriantpourquelescoupablesrôtissentenenfer.—Jen’airien,promit-elle.Personnenem’aforcée.Brisegronda,faisantressortirsestraitscanins.—Tumens.Quit’afaitça?Nousveilleronsàcequ’ilsouffreunmaximum.
Unmâlen’apasledroitdeforcerunefemelle.Noussommeslibres,désormais.Lecoupabledoitpayer.Ilt’afaitdumal;c’estinadmissible.Soleilposadesvêtements sur le lit et seplaçaderrièreEllie.En tournant la
tête, la jeune femme lavit sepencherpour lui renifler lecou.Sanscriergare,l’Hybride souleva sondébardeur.Ellie,médusée, sentit lenezdeSoleil frottercontresondosetl’entenditinhaleràfond.L’étofferetombaquandl’amazoneseredressapourculmineràplusd’unmètrequatre-vingts.—Pasmoyendesavoirquic’est.Latraceolfactiveesttroplégèrepourqu’il
l’aitmontéededos,iladûlaprendreàlamanièrehumaine.Ellie,malàl’aiseentrelesdeuxamazones,tentaitdes’extrairedelapriseen
sandwichquandBrisesesaisitdubasdesondébardeur.L’Hybrides’agenouilladevantelle,releval’étoffejusqu’àlanaissancedesseinsetsemitàluireniflerleventre avant qu’elle ait le temps de protester. Soleil lui souleva lementon enarborantunvisagefermé.—Il lui a transpirédessuspendant l’agression, comme font leshumains. Je
n’arrive pas non plus à savoir de qui il s’agit. (Brise fronça les sourcils en seredressant.) Pourquoi tu le couvres ? Tu sais comment il s’appelle ? Sinondécris-le-nous,onleretrouvera…etjeteprometsqu’ilvaenbaver.Tuesavecnous;ilsavaitàquois’attendre,ens’enprenantàtoi.Ellie resta bouche bée et s’obligea à cogiter. Elle était tombée des nues de
secondeenseconde,entrecequelesHybridesavaientditetcequ’ellesavaientfait.Alorscommeça,ellesétaientcapablesdereniflerlasueurdeRagesursonventre ? Elle ferma la bouche et serra les cuisses, inquiète de leur réaction sil’uned’ellesdétectait l’odeurdesperme.Puisellerepensaà ladernièrephrasedeBrise.—Jesuis…avecvous?Jecroyaisquevousmehaïssiez…Kitémergeadelasalledebains.—Onnetehaitpas.Tuesnotretoutou.—Kit! larepritRouilleensecouant la tête.Tun’aspas ledroitdedireça,
c’estblessant.Kithaussalesépaules.—C’estlavérité,pourtant.Elleestsipetite,simignonne.Etellejappesans
arrêt comme si elle cherchait à nous faire plaisir, comme… comment ças’appelle,déjà?Unyorkshire?Rouillesoupira.—On était d’accord sur le fait qu’elle fait plus penser à un gentil caniche,
avecseslongscheveuxblonds.(Grandsourireàl’attentiond’Ellie.)Neleprends
pasmal,surtout.Ont’adoreettunousfaisbeaucouprire.Onsaittoutesàquelpointtutiensànous.— J’ai besoin dem’asseoir,marmonna Ellie, qui flageolait sur ses jambes,
ayantdumalàavalerlefaitd’êtreconsidéréecommeun«gentiltoutou».Lajeunefemmeallasevautrerauborddesonlit…etregrettasonmanquede
précautionsquandsonentrecuisseserappelaàsonbonsouvenir.—Merde,lâcha-t-elle.Elliefermalesyeux.Jesuisleurtoutou.Lefaitd’êtrevuecommeuncaniche
lafitgrimacer.—Tul’asrenduetriste,grondaBrise.Excuse-toitoutdesuite.— Désolée, enchaîna aussitôt Kit. C’est positif, ça veut dire qu’on t’aime
bien.Jel’aiprécisé,pasvrai?C’estsiterrible,d’êtreuntoutou?Lesgenslesadorent.Ont’appréciebeaucoup.Ellierouvritlesyeuxetseforçaàsourire.—Ilvamefalloirunpeudetempspourm’yfaire,maismerciquandmême.
Jesuisheureused’êtreappréciée.C’estl’essentiel,aufond.—Ont’aimebien,abondaRouille.Maintenant,dis-nousquiestceluiquit’a
agressée, qu’on aille lui flanquer sa raclée. Notre odorat nous permet dedistinguerlesexed’undesnôtres,dedéterminers’ils’agitd’unHybridecanin,félinousimien,maissavoirquiaujuste,c’estuneautreaffaire.Dis-noustoutcequetuasretenudelui,qu’onpuissesefaireuneidéeprécise.Brisefitcraquersesjointures.—Tu auras le droit d’assister à la correction.Ça te fera du bien de le voir
saignerunpeu.(Ellesetournaverssesconsœurs.)Maisattention,pasquestionde le tuer.On lui caresse juste assez les côtes pour qu’il dérouille une bonnesemaine.Elliedétaillalesquatreamazones.Devait-elleseréjouirdelessavoirdécidées
àlavenger…ousesentiraffreusementmalàl’aise?—J’apprécievotresoutien,vraiment,vousn’avezpasidéeàquelpoint.J’en
pleureraispresquedejoie.Maiscen’estpascequevouscroyez,ilnem’aforcéeàrien.— Ah bon ? Comment se fait-il que la sécurité soit venue fouiller les
chambresaprèsnousavoirinforméesdetadisparition?Ilsontparlédetracesdelutte,dansleparc…(BrisebraquaunregardinquisiteursurEllie.)Noussommesintelligentes, tu sais. Ne nous prends pas pour des débiles. Tu débarques ensentant lesexe, lapeuret lesang.Tuasétéattachée,çasevoità tespoignets.J’ai lu quelque part que les humains le font parfois pour pimenter les choses,
maisc’estavecunHybridequetuascopulé.Oronnedonnepaslà-dedans,nousautres.Çanousrappellerait troplessévicesdulaboratoire.Etpourtant, l’undenosmâlest’aligotée.Dis-noussonnomoudécris-le-noussitul’ignores.Aprèsla raclée qu’on va lui infliger, il ne recommencera pas. Tu es notre toutou.Personnen’aledroitdetefairedumal.C’était – de très loin – l’échange le plus loufoque auquel Ellie ait jamais
participé : les filles laconsidéraientcommeun toutou,uncaniche,pascommeleurresponsable.Ellefaillitfaireunegrimace.Elledétestaitdepuistoujourssesbouclesdésordonnées,maismerde,ellen’étaitquandmêmepasboucléecommeuncaniche!Penseràacheterdushampoinglissant.Ellessemontraientsoucieusesdelaprotéger.Làétaitl’essentiel.Direqu’elle
s’était persuadée que toutes les pensionnaires la haïssaient ! C’était plusqu’encourageant, la glace était rompue, peut-être allait-elle parvenir à leurtransmettre ce qu’elle était censée leur enseigner.Aucun doute, jugeaEllie, lebilanétaitpositif.—Jen’airien,lâchezl’affaire.C’estunehistoired’ordreprivé.Jen’aipasété
blessée,lesaignementquevousdétectezprovientd’uneégratignureaccidentelle.Kits’approchapourladévisager.—Elleatroppeurpourledénoncer.Penchée surEllie, l’Hybride lui souleva ledébardeur et posa lenez sur son
ventre. Elle renifla… et s’écarta brusquement. Le visage déformé par l’effroi,elleémitunpetitgémissement.—Rage,hoqueta-t-elle,interloquée.Paspossible.Ilest…Silence.Rouilleproféraunjuron.PuisellefonditsurEllie,l’empoignaetl’allongeade
force.La jeune femmeprit peur quandRouille, beaucoupplus grandequ’elle,releva son débardeur d’un geste brusque et plaqua son nez contre son ventre.Elle l’entendit renifler puis grogner. L’Hybride aux cheveux multicolores seredressad’unbondetfitvolte-face.EllesedirigeaversunangledelapièceetabattitsesmainscontrelaparoiavecuneviolencequifitsursauterEllie.—C’estbienRage,bredouillaRouille.Aucundoute.Brise fut la seule à garder son calme. Elle posa un regard dur sur Kit et
Rouille.—Vousm’avezaffirméqu’ils’agissaitd’unprotecteur,non?Quedetousles
mâles du labo, c’était celui qui encaissait le plus de châtiments à la place desfemelles?C’estbiensonodeur,vousenêtessûres?Rouilleopina toutensanglotant.Quandellese tournaversEllie,celle-civit
qu’ellepleuraitàchaudeslarmesetparaissaitperdue.—Pourquoiilt’afaitça?Pourquoi?—On ne t’accuse de rien, s’empressa d’ajouterKit, elle aussi au bord des
larmes. On a juste du mal à comprendre. Rage s’est toujours montré trèssoucieuxdenepasnousfairesouffrir,chaquefoisque l’uned’entrenousétaitdésignée pour coucher avec lui. Si la partenaire disait non, il refusait de latoucher et prenait sa raclée sans broncher. Il souffrait à notre place, quoi.Onsavait toutes qu’il était prêt à mourir pour nous éviter une sanctiondouloureuse…C’estpourçaqu’onnepigepas.Ellies’agrippaauxdrapspours’aideràseredresser.—Arrêtezdevousfairedesidéesfausses,degrâce.Jesaisqu’iln’apasfait
exprès de m’égratigner. C’est un truc entre nous. On a, hum… et merde.Commentm’expliquer?Ilneveutsurtoutpasqueçasesache,etjeviensdéjàdetout raconter à JusticeNorth quand ilm’a découverte chezRage. Ils vous ontvraimentfaitsubirça,aulabo?Quellehorreur…Ellie se laissa retomber sur lematelas, oubliant une fois de plus sa gêne à
l’entrecuisse,etgrimaça.—Çanesortirapasdecettepièce,promitBrised’unevoixégale.Tuasnotre
parole. Jamais nous ne répéterons ce que tu vas nous dire. Ces deux-là n’enreviennentpasqueRage,unvraihérosàleursyeux,aitpus’enprendreàtoi.Ilfauttoutnousraconter.Nousteprotégerons.Elliegrogna faiblement.Elleépia tourà tour lesquatreamazones :Brise la
regardait fixement, les bras croisés, et attendait qu’elle vide son sac. Kit etRouille étaient pâles, secouées, prêtes à pleurer de plus belle. Chagrinées.C’étaitlemotjuste.Soleil,quantàelle,étaitcurieuse.Il n’était pas question de les laisser penser pis que pendre de Rage. Kit et
Rouille,visiblement,leconnaissaientbien.Trèsbien.Ellies’envoulutàmortdesesentirjalouseparcequ’ellesavaient,detouteévidence,couchéaveclui.Maisenfin,niRageniellesn’avaienteulechoix.Lajeunefemmeprituneprofondeinspirationetcommençaparlecommencement.Ellen’omitrienetconclutsonrécitparleurintrusiondanssonappartement.Leslarmesauxyeux,elleseséchales joues avant de détailler les quatre Hybrides. Allaient-elles la détester,maintenantqu’elleavaitconfessésescrimes?Kit et Rouille avaient pris le parti de s’asseoir par terre pendant le récit
d’Ellie.Briseétait restéedeboutprèsde laporte ;Soleilétait toujoursassiseàcôtédel’humaine.ElliecroisaleregarddeBrise.—J’aienviedeprendreunbain,demecoucheretdeneplusjamaisparlerde
toutça,d’accord?Ilnem’anivioléenimordueexprès.Brisehochalatête,unsouriresansjoieauxlèvres.—Tuesunefemmegénéreuse,EllieBrower.Beaucoup,àtaplace,auraient
refusé de comprendre son besoin de vengeance et ce qui a suivi. Plus d’uneaurait…(Ellesoupira.)Menti,affirméqu’ill’avaitprisesanssonconsentement.Quant à Rage, il n’avait pas le droit de t’en vouloir. Tu en es consciente,j’espère:iltedoitlavie.C’estlemâleenluiquiavouluréglercecompte.Etc’estinjuste.J’aitrèsnettementperçulahontequetuasressentiequandilafalluque tu fasses croire à ceux de Mercile que c’était Rage qui avait tué cetechnicien.Tuasbienagi,j’auraisfaitpareilàtaplace.(Nouveausoupir.)Ilnet’approcheraplus.Onvaveillersurtoiàtourderôle.— Ce n’est pas nécessaire, nous sommes quittes, il n’a plus de raison de
reveniràlacharge.Ellieseleva.—Mercideveillersurmoietdemecomprendre, j’avaistrèspeurquevous
mehaïssiezpourcequej’aidûfaire.IlfallaitquejeletiredesgriffesdeJacobetquej’apportelespreuvesàmonchef.Jenem’attendaispasdutoutàcequ’ilss’en prennent violemment à lui… Ça ira, vraiment, et je me sentirai dix foismieuxdemain.Jen’aiqu’uneenvie:tournerlapage.—Vadans lasalledebainsetpasse-nous tes fringues,proposaSoleilàmi-
voix.On les nettoierapour chasser sonodeur.Tu as fait cequ’il fallait.Et cen’étaitrienàcôtédesatrocitésqu’ilsnousontfaitsubir.Enplus,tuasrisquéd’ypasser,contrecetechnicien.—Çavautcequeçavaut,ajoutaKitavecunpauvresourire,maisRageestun
typebien.Jetecroisquandtudisqu’ilnetevoulaitaucunmal,ils’esttoujourstrèsbiencomportéavecnous.Elliehochalatêteens’efforçantdenerienmontrerdesajalousie:Kitvenait
deluiconfirmerqueRageavaitcouchéavecelleetavecRouille.Ellepassadansla salle de bains en laissant la porte entrouverte. Une baignoire pleine d’eauchaude l’attendait. Elle se dévêtit, passa les fringues par l’embrasure ets’immergea.Lecontactduliquidesurlabasedesseinsluiarrachaunegrimace.Ellesoulevaceluiquiluifaisaitmal,penchalatêteetdécouvritdeuxtracesdecroc.Merde.Elliefermalesyeuxettentadefairelepoint.Ellen’auraitplusàcraindreun
nouveaucoupmontédeRage,c’étaittoujoursça.Quantàeffacerlesimagesdelapassionsexuellequilesavaitunis…c’étaituneautreaffaire.Son ex-mari lui en avait tellement fait baver qu’Ellie s’était jurédeneplus
jamaistomberamoureuse.Penserjouretnuitàuntype?Nonmerci!Elleavaittenu bon – jusqu’à ce que ses yeux se posent sur le sujet 416. Rage avaitressuscitéuneémotionqu’ellecroyaitmorte.C’étaitvitedevenuuneobsession.D’abordluisauverlavie,puisfaireamendehonorableaprèscequ’elleluiavaitfait subir.Àsavoir,vouer sonexistenceaubien-êtredupeuplehybridequand,malgré toutes les démarches entreprises, Ellie était restée sans nouvelles deRage.Jamaissonex-marin’avaitautantcomptéquecebeauténébreux.Naguèretrès
amoureused’unsalaudquil’avaittrompée,Ellies’étaitforgéunecertitude:plusaucun homme ne la ferait vibrer. Grossière erreur… ce qu’elle avait ressentienversJeff–amourouhaine–n’étaitrienparrapportauxémotionsfortesqueluifaisaitvivreRage.Riendutout.L’épisodetorrideavecRagepromettaitdelahanterjusqu’àlafin
de ses jours. Elle se prit à rêver à un avenir commun. Ellie se sentait prête àcourirlerisqued’avoirunenouvellefoislecœurbrisé,mais…— Et merde, ronchonna-t-elle. Comme si me bercer d’illusions pouvait
changerladonne…—Rage?Unbrinalarméd’entendreprononcersonnomàvoixbasseetdépitédes’être
faitsurprendre,l’intéresséestimaquesonmanquedevigilancedevaitêtredûàsaquasi-obsession:épierElliedepuislesabordsdubâtimentdesfilles.Iltournalatêtejustecequ’ilfallaitpourapercevoirSladeducoindel’œil.—Quoi?—Tafixettepourl’humainecommenceàmeflanquerlesjetons.Faut-ilque
jelesignaleàJustice?—Paslapeine.LeregarddeRagesereportasurledortoir.Ellieétaitassisedansuncanapédu
rez-de-chausséeencompagnied’unepoignéedepensionnaires.Unproposlafitsourire;ilregrettadenepassavoirquoi.—Jem’assurequ’ellevabien,riendeplus.—Lâchel’affaire,mec.Onnousaexpliquépourquelleraisonelletravaillait
pourMercile.Jecomprendsquetuaiesressentilebesoindetevenger,maisEllien’estpasnotreennemie.Rage tintsa langue.Tantmieuxsisonamis’imaginaitqu’ilgardait rancune
enverscellequ’ilsurveillaitdepuislecouvertd’unarbre,carlavérité,c’estqu’iln’arrivaitpasàlachasserdesatête.Incapabledepenseràautrechose,ilrevivait
enbouclel’échodesesgémissements,legoûtdesamoiteurintime,lesouvenirdecesexeoùils’étaitsentimerveilleusementàl’étroit.Sa queue durcit jusqu’au seuil de la douleur à l’évocation de leur étreinte.
Trois fois hélas, il avait tout foutu en l’air en l’écorchant avec ses crocs.Commentdiableseracheter?Surtoutqu’ilavait reçuunordreformel :gardersesdistances,nepas interagiravecelle…cequin’interdisaitpasdel’observerdeloin.Ellie,quin’avaitpasconscienced’êtreépiée,nerisquaitpasdesesentirmenacée.—Tuasentenducequejeviensdedire?ditSladeens’approchant.—Oui.Rage gardait les yeux rivés sur Ellie. En la voyant écarter de sa joue une
mèchedecheveuxblonds,ileutterriblementenviequecesoitsonvisageàluiquisoiteffleuré.—J’aientendu.—Es-tuundangerpourelle?Jeveuxuneréponsefranche.Onestamis.LatiradearrachaRageàl’objetdesafascination.—Jeneluiferaiaucunmal.Ilsseregardèrentensilenceunlongmoment,puisSladepoussaunsoupiret
setournaverslebâtimentdesfilles.—Nosfemmesontl’airdel’apprécier.Etmoi donc, se retint d’avouerRage.Ellem’obsède, je ne pense qu’à elle.
Ellepeupletousmesrêves…quandj’arriveàfermerl’œil.—Tu la laisses tranquille, on est d’accord ?demandaSlade enquêtant son
approbationduregard.—Oui,réponditRageenpriantpouravoirlaforcedetenirparole.—Entenducommeça,jetelaisse.Sladetournalestalonsetsefonditdanslesténèbres.Rage retournaà sonspectacle favori.Cesserd’épierEllie soiraprès soir, au
terme de sa journée de travail ? Bonne idée, sa santé mentale avait tout à ygagner…saufqu’ilétait incapabledes’yrésoudre. Il s’étaitmêmerisquéplusprès, en quête d’une faille dans le système de sécurité qui lui permettraitd’accéderàl’étageoùelledormait, justepouravoirunaperçudesoncadredevie.Ensavoirunpeuplus.Sesyeuxsefermèrent ; il respiraàpleinspoumons.Quenedonnerait-ilpas
pour la tenir dans ses bras, pour sentir son odeur, pour la toucher ! Ungrondementétoufféfranchitseslèvresentrouvertes,saqueueenfléeluifitmal,ilsutqu’ilallaitpasserunenouvellenuità s’agiter sans trouver le sommeil.Pas
questiond’oublierEllie.
CHAPITRE6
—Allez,Reine,jesaisquetupeuxlefaire,encourageaEllie,souriante.L’intéressée – cheveux blonds, un mètre quatre-vingts – ne cachait pas sa
méfianceenversl’aspirateur.—Cetrucfaittropdeboucan,etj’aipeurdemefaireaspirerlesorteils.Elliedutsecouvrirlabouchepourmasquersonhilarité.—Tout lemondepense comme toi,mais je te promets que si tu pointes le
tuyau assez loin de te pieds, ça n’arrivera pas. Tu as appris à te servir d’unemachine à laver, et tu te débrouilles comme un chef avec lemicro-ondes. Cemonstre-là,àcôté,c’estunjeud’enfant.Reinesoupira.—Entendu.N’empêchequeçacasselesoreilles.Destinée, uneHybride aux cheveux noirs, l’encouragea bruyamment. Reine
mit l’aspirateur en route et le passa sur le tapis du salon sans provoquer decatastrophe.Elliesourit ;quellequ’ensoit la raison,depuis troissemaines, lespensionnaires l’avaient adoptée. Elle pouvait leur parler, rire avec elles, leurenseignerlestâchesdomestiques.—Ellie?Lajeunefemme,toutsourires,setournaversBrise.L’immenseamazoneavait
beaucoupfaitpourl’aideràromprelaglaceaveclesautresfilles,quil’avaientplébiscitée«déléguéedeclasse».Briseetquelquesautresallaientchaquejoursuivredescoursafind’apprendrelesbasesqu’ellesn’avaientpaseul’occasiond’assimiler pendant leur captivité.Le petit groupe était tout juste de retour audortoir.—Quoideneuf?—Ilfautqu’onparle,réponditBrise,laminesévère.—Oh,fitEllie,uninstantdésarçonnée.Biensûr.Quelque chose clochait, cela sautait aux yeux. L’inquiétude d’Ellie s’accrut
quand elle vit que Brise se dirigeait vers les toilettes, à la porte desquelsattendaient Kit et Rouille. Brise ouvrit et s’y engouffra. Ellie la suivit. Àl’intérieur,Soleilfaisaitletourpours’assurerqu’iln’yavaitpersonne.
—RAS,annonçaSoleil.Noussommesseules.Ellie jeta un coup d’œil par-dessus son épaule : Rouille et Kit faisaient
barrage.LajeunefemmereportasonattentionsurBrise.—Qu’est-cequisepasse?L’amazonesoupira.—Défensedequitterlebâtimentsansescorte.Jeveuxquetudormesdansma
chambre,ouquel’uned’entrenouscampedanslatienne.Pasquestionqu’ontequitted’unesemelle.—Mais…pourquoi?fitEllieenarquantunsourciletenlesdévisageanttour
àtour.LaminerenfrognéedeBriseattirasonregard.—Ragerefaitdessiennes.Onn’apasvoulut’effrayer,maisçafaitplusieurs
foisqu’onlerepèreentraind’épierlebâtiment.Ils’estrisquéplusprèshiersoir,commes’ilcherchaitunmoyend’entrer.—Pourquoifait-ilça?glapitEllie,souslechoc.Une alarme sonore semit subitement à retentir, cequi fit sursauter les cinq
jeunes femmes. L’alerte incendie ?Non, le timbre était trop aigu…C’était lesignalduconfinement.Elliesortitsansattendredelasalled’eau.KitetRouillecoururentdevantellejusqu’àl’entréeprincipale,oùlepetitgroupeconstataquepersonne n’essayait d’entrer de force. L’alarme hurlait toujours ; en seretournant,EllievitdéboulerdixoudouzeHybrides.—Confinement!beuglaEllie.Toutlemondedanssachambre!La jeune femme décrocha le combiné mural réservé aux urgences. Une
tonalitéplustard,unvigileduPCdesécuritérépondit.—IciEllieBrower,responsabledudortoirdesfilles.Quesepasse-t-il?lança-
t-elleenpoussantsurlaportepourvérifierqu’elleétaitbienverrouillée.— Intrusion, vociféra le vigile, aux abois.Ungrouped’activistes a forcé le
pointd’accèsprincipal.Desgarsànousfontmouvementversvous,maisdansledoute,faitesmontertoutesvospensionnairesàl’étageetvérifiezquelebâtimentestbouclé.—Lessalopards,grinçaEllie.Elleraccrochad’ungesterageurpuisseretourna:plusieursHybridesétaient
encorelà.—C’estuncoupdesfousfurieuxquicampentdevantl’entréedeHomeland
pourprotestercontre…Les lèvres pincées, Ellie ne trouva pas de façon polie de finir sa phrase et
préféraenchaîner.
—Mercid’allervousenfermerdansvoschambres.L’entréeprincipaleaétéforcée,maislasécuritéestenroute.Lebâtimentestsûràcentpourcent.Brisegrondaunjuron.—Cesontdeshumainsquiveulentnotremort,c’estça?Elliejugeainutiled’essayerdenier.—Descrétins finis,voilàcequ’ils sont.Qui feraientmieuxde rentrerchez
euxetd’attendrequ’unvaisseauextraterrestrepasseleschercher,parcequ’àmesyeux,ilsn’ontriend’humain.Qu’ilsretournentsurleursaleplanète!Onn’apasbesoind’eux.Soleilfitvolte-faceengrognant.—OK,jeretournedansmachambre.Brisemontrasacolèreengrimaçant.—Onattendiciavectoi.—Tuconnaisleprotocole,rétorquaEllieensecouantlatête.Toutesdansvos
chambres.Jenecrainsrien, il faut justequejeresteprèsdelaporteaucasoùune pensionnaire viendrait se mettre à l’abri. Certaines ne sont pas toutesrevenuesdescours.Lesconnardsquisontentrésdeforcesontpeut-êtrearmés.Lasécuritéavanttout.Monboulot,c’estd’attendreici.Letien,c’estdemonter.Brisehésita.—Allezquoi,jenerisquerien,promitEllie.Brise fit signe aux quelques Hybrides qui étaient restées de se diriger vers
l’escalier.Ellie,soulagée,cessaderetenirsarespirationenvoyants’éloignerlepetit groupe. Les filles n’essayèrent même pas d’emprunter l’ascenseur,neutraliséencasd’alerte.La jeunefemmereportasonattentionsur l’extérieur.Rienàsignaler.Elle haïssait les opposants à l’Organisation du peuple hybride. Dès que les
médiasavaientfaitétatdesurvivantsdes«labosdelamort»,desgroupusculeshaineux s’étaient constitués. Ils affirmaient que les ex-cobayes étaient desanimauxqui,decefait,n’avaientaucundroitetdevaientêtreliquidés.Ellieserralesdents.S’ilfallaitabattredesanimaux,c’étaitaucontraireceschiensenragésquimenaçaientlesHybrides.Ellieseraiditenentendantrugirunmoteur.Unevoituredesécuritésortitdu
virage à tombeau ouvert avec, sur ses talons, un gros pickup… converti envéhicule blindé. Sur le flanc du char de fortune, on pouvait lire le mot«Chasseurs»enlettresrougestracéesàladiable.Ellie,horrifiée,vitlepickuppercuterlavoituredesvigilesquipartitentête-à-queue.Lespneusheurtèrentletrottoir;lavoitures’immobilisadevantlebâtiment;lepickupfreinaàsontour.
Ellie restabouchebéeenvoyantdeux typesarmés,vêtusde jean, sauterde laplate-forme.Sonangoissemontad’uncran:lesportièresarrièreduvéhiculedesécurité s’ouvrirent… et deux de ses pensionnaires se mirent à courir versl’entréedudortoir.Deuxvigiles,sortisàleurtour,dégainèrentleurarmedeserviceetouvrirentle
feu.Lestypesdupickupplongèrentàcouvertavantderiposter;lesHybridesenprofitèrent pour gagner le seuil du bâtiment. Ellie vit les sœurs Ciel et Bleuarriver,actionnalemécanismed’unemaintremblante,poussadetoutsonpoidspuissecollaàlaparoivitréepourlaisserpasserlesimposantesamazones.—Filezdansvoschambres,leurordonnaEllie.Elle referma et s’assura que le mécanisme de verrouillage avait bien
fonctionné.Lepanneaunebougeantplus,ellefonditsurlecombinémural.Plus de tonalité. Merde. Nouvel échange de coups de feu dehors. Ellie,
terrifiée,vitl’undesvigilesencaisserunpruneau.Projetéenarrière,ils’étalasurle capot duvéhicule de sécurité puis glissa sur le bitume.Un corps inerte.Lesecond vigile, désormais seul contre tous, continua à tirer. Un cri d’angoissemontadans lagorged’Elliequandellevit soncorpscriblédeballes.Agitédesoubresauts,letorseetlevisageensang,ils’écrouladerrièrelavoiture.Ellie vacilla, transie d’effroi. Les assaillants rirent ; deux d’entre eux se
tapèrent dans les mains. Elle en dénombra quatre. Ils se tournèrent vers lebâtiment… et avancèrent droit vers elle. Merde. Ellie abaissa la barre anti-intrusion,ajoutéepourpareràunéventuelvoldebadgeouaucasoùunvigile,torturé, livrerait lecoded’accès.Deuxprécautionsvalaientmieuxqu’unepourleurinterdirel’entréeaudortoir.—Ellen’apasl’aird’unanimal,fitremarquerl’undestypesd’unevoixforte
enlafusillantduregard.Unautretype,leplusmassifdesquatre,pointasonarmesurEllieetbrailla:—Ouvre.Elliesesavaitàl’abriderrièreduverretrempé:lebâtimentétaitconçupour
résister aux assauts. Leur adressant un doigt d’honneur, elle actionnal’interphonedel’autremainafinqu’ilsl’entendentdistinctement.—Allezvousfairefoutre.C’estduverrepare-balles.—Foutuefemelle,beuglal’undesassaillants.Ilsortitunpistolet,visalatêted’Ellieetouvritlefeu.Elle tressaillit ; le verre résista. L’impact avait laissé une trace,mais pas la
pluspetitefissure.—C’estunbâtimentderéunion,ici,mentit-elle.Paslapeinedevousfrapper
lepoitrail,bandedemacaquesdébiles,vousn’entrerezpas.Ellieétaitconscientedelespousseràbout,maistantqu’ilscampaientdevant
saporteetproféraientdesmenaces, ilsne tuaientpersonne.Ellepriapourqueles renforts arrivent avant qu’ils comprennent qu’elle jouait les appâts pourgagnerdutemps.—Aufait,jenesuispasunanimal.Vousvoulezenvoirun?Unmiroirfera
l’affaire.(Elliejetaunregardnoirauxquatreagresseurs.)Unvraizooambulant,voilàcequevousêtes.L’undesabrutisperditsesnerfsetmitraillaaufusilàpompe.Elliegrimaça;
les détonations étaient assourdissantes. Elle eut beau couper l’interphone, lescoups de feu continuèrent à claquer presque aussi fort. De nouvelles tracesapparurent sur la vitre qui tenait toujours bon. La jeune femme commençaitvraiment à haïr son nouveau rôle, testeuse de verre blindé, quand le vacarmecessafautedemunitions.Ellieserappelal’existencedescamérasdesurveillanceetreculadequelques
pas.L’appareil, fixéprèsduplafondde l’entrée,pointaitverselle.L’œil rivéàl’objectif, elle fit des signes frénétiques afin d’attirer l’attention d’un éventuelobservateur. Puis elle forma le chiffre 4 d’une main et, de l’autre, mima descoups de feu avec le pouce et l’index. Enfin, elle désigna sa montre pourindiquerquec’étaitentraindesepasser.Pourvuqueceluiquiestpostédevantles écransde contrôle ait déjà jouéaumime, songea-t-elle : le son ne passaitpas,seulementl’image.Ellesetouchalebrasàl’endroitoùlesvigilesportaientleur insigne et se passa un doigt en travers de la gorge à deux reprises pourindiquerquedeuxgardesétaientmorts.Sefaisait-ellecomprendre?Mystère.Les types tirèrent sur les vitres, tous ensemble cette fois, espérant peut-être
qu’un tir groupé allait faire la différence. Ellie se couvrit les oreilles pouratténuer le déluge sonore.Après s’être éloignée un peu plus, elle s’efforça demimercequefaisaientlesagresseurs.Le tirdebarragecessabrusquement.Ellie tourna la tête : les typess’étaient
regroupéspourdiscuter.L’und’euxcourutverslesvéhicules.Lajeunefemmesedemanda pourquoi il s’installait au volant de la voiture de patrouille : s’ilcomptaitouvriràl’aided’unbadgedevigile,ilenseraitpoursesfrais.Le sourire mauvais des trois autres lui apparut de très mauvais augure. Ils
étaientfranchementhilaresquandilss’effacèrent.Letypeauvolantdelavoituredepatrouilledémarra…etpositionnalevéhiculeenfacedel’entréedudortoir.L’estomacnoué,Elliecompritquelétait leurplan.Lepilotemitpleinsgaz.Lavoitures’élança,bonditsurletrottoiretfonçadroitsurladoubleportevitrée.
—Etmerde!hurlaEllieenreculant.Lechoctitanesqueluivrillalestympans;lesoufflelaprojetaàterre.Ellevit
unefuméenoires’éleverdubloc-moteurquirenditl’âme.Leverreblindéavaittenubonmais,enlevantlesyeuxetàsonplusgranddésarroi,Ellieconstataquela voiture-bélier avait créé une brèche de quinze bons centimètres dans lamaçonnerie.—Dieuduciel,marmonnaEllie,abasourdie.Lesvitresnes’étaientpasbrisées ;c’était lebâtimentautourquiavaitcédé.
Toujoursàterre,Ellievitlestroistypesaccouriretextraireleurpotedel’épave.Un peu sonné, il était cependant indemne grâce à l’airbag. Les quatre affreuxexaminèrent lesdégâts au sommetdu chambranle, sourirentpuis firent reculerl’épavequ’ilspoussèrentjusquesurlegazon…pourlaisserlechamplibreàuneautrevoiture-bélier.Ellieserelevaentoutehâteetcourutjusqu’àl’interphone.Lestypesallaient
se servir de leur pickup pour finir le boulot et entrer ! Ivre de terreur, elleactionnal’interphonedubâtimentets’efforçadeparlerd’unevoixcalme.—Fermeturedesvoletsdesécurité,déclara-t-elleenprenantsoind’articuler.
Je répète, fermeture des volets de sécurité. Toutes à l’abri immédiatement,ordonna-t-elle aux pensionnaires.Au dernier étage.Au trot, bordel ! Intrusionimminente. J’attends lederniermomentpour fermer lesvolets,maisgrouillez-vous!Elle coupa la communication puis ouvrit le panneau d’urgence situé sous
l’interphone. Des volets en acier permettaient de sceller la cage d’escalier,l’ascenseuretlesfenêtresdesdeuxétagesdubâtiment:undispositifdedernierrecours, au cas où des intrus accéderaient au rez-de-chaussée malgré leconfinement initial. Les portes blindées qui coupaient tout accès aux étagesfaisaient vingt-cinq centimètres d’épaisseur et pesaient des tonnes. Quant auxvoletsdonnantsurl’extérieur,ilsétaientaptesàrésisteràuntird’obus.Mêmelacagedel’ascenseurallaitêtrecondamnée.Ellie se tortilla demanière à pouvoir atteindre le bouton d’urgence tout en
gardantl’entréedéfoncéedanssonchampdevision.L’undesaffreuxgrimpaitàborddel’énormepickup;sespirescraintesseconfirmaient.Lestroisautressemarraient.Detouteévidence,çalesfaisaitbienrigolerd’avoirtrouvélemoyende la tuer. Ellie grimaça.Continuez à déconner, les mecs, les filles auront letemps de se réfugier au dernier étage. Plus une seconde à perdre, hélas : laportière se referma, lemoteur vrombit, le béhémoth roula sur le cadavre d’unvigile.Lepilotemanœuvraitpourpositionnerlepickupdansl’axedeladouble
porte.Etmerde…— Ellie ? grésilla la voix de Brise dans l’interphone. On est toutes au
deuxième,rappliqueenvitesse.Lajeunefemmeressentitunprofondsoulagement.—Toutlemonde,tuenessûre?Certaine?YcomprisCieletBleu?— Elles sont avec moi, assura Brise. Rejoins-nous illico ou c’est moi qui
descendstechercher.—Veillesurlesautres.Jenecrainsrien,mentitEllie.Rejoindresesprotégées?Belleidée…saufqu’ilfallaitquelqu’unenbaspour
activer les volets de sécurité. Les concepteurs du bâtiment avaient jolimentmerdésurcecoup-là:enactionnantlesvolets,elleallaitpourainsidires’offrirenpâtureauxintrus.Ilauraitfalluinstallerunpanneaudecommandeàchaqueétage.Plusquestiondetergiverser.Elliecomposalecodeàtroischiffresettournala
clé.Unesirèneretentitaussitôtdanstoutlebâtiment, lesvoletsétaiententraindesceller les issues.Les fillesauraientétéà l’abriaupremiermaisEllieavaittenuàmettretoutesleschancesdeleurcôté,aucasoùlesaffreuxparviendraientà franchir un premier sas.Quelle erreur d’avoir cru le dortoir impénétrable…Plusquestiondecourirlemoindrerisque.Ellie referma le panneau du dispositif d’urgence. Le PC de sécurité devait
avoireuventdesongeste:lesignalcorrespondantvoyageaitsansfil,commelefluxvidéodescamérasdesurveillance,afindepareràuneéventuellecoupuredeslignestéléphoniquesoudel’alimentationélectrique.C’étaittoujoursça:lasécurité était avertiequ’ellevenaitd’enclencher le systèmededernier recours,synonymed’invasiondudortoir.Lessecoursn’allaientpastarder.Jel’espère,entoutcas…Envoyez-nousdel’aideauplusvite.Justicebouillaitintérieurement.RetranchédanslePCdesécurité,ilobservait
les écrans de contrôle qui proposaient une multitude de points de vue surHomeland.Quinzevéhiculess’étaientengouffrésàlasuitedelavoiturepiégéequi avait fait voler en éclats l’entrée principale ; des coups de feu étaientéchangés,desgenssefaisaienttuer,etilétaitcoincédansuneboîteenfersansautrepossibilitéquecelled’assisteraumassacre.Sonpeupleétaitendanger.Ilmouraitd’envied’allerlesaider.—Ducalme, l’exhortaDarrenArtino.LeSWATet les forcesde l’ordredu
comtésontenroute.Les issuesdesbâtimentssontcondamnées, tout lemondeestaverti,lesmembresdevotreconseilsontàl’abridansunbunker.Vousavez
le plein accès aux infos qui nous parviennent. Ce sont mes gars qui se fontdescendre,dehors.Lesvôtresnecraignentrien.—Chef!hurlaunevoixféminine.Ona…ungrossouci,là.—Quoiencore?grinçaArtino.Lesproblèmes,onaqueça,encemoment.—C’estlananaquisuperviseledortoirdesfilles.Ellevientd’arrêterdenous
fairedessignesetd’enclencherleprotocolededernierrecours.LesvoletsJésusMariesontbaissés.—Lesquoi?grondaJustice.LechefdesHybridesétait tellementsouspressionqu’ils’étonnaitdenepas
fumer par les oreilles. Le pire était en train de se produire : il revivait cesentimentd’impuissancepropreauxannéesdecaptivité.Etçalerendaitdingue.—Montrez-moi le bâtiment en question, beuglaArtino. Cette nana est une
novice, elle aura flippé pour un rien. Jem’occupe personnellement de la fairevirerdèsquececirqueestfini.—J’aiEastStreetenvisuel,annonçaunsurveillant.Écran14.DarrendésignalemoniteurdedroiteetsentitJusticeluisoufflerdanslecou.
L’unetl’autreseconcentrèrentsurl’écran.Ilsvirentungrospickupfoncerversl’entréeprincipaledudortoirdesfilles.—Lesfumiers!lâchalechefdelasécurité.—C’est quoi, un volet JésusMarie ? dit Justice en saisissantArtino par le
poignetetenl’obligeantàseretourner.Darren prit une profonde inspiration quand il croisa deux yeux de chat qui
lançaientdeséclairs.— « JésusMarie » fait référence à une prière. Plus clairement, ça signifie
«Onpataugedanslamerde».Desvoletsrenforcésontétédéployésdanstoutledortoir, des sections entières du bâtiment sont coupées du reste. (Il s’arrachad’ungestebrusqueàlapoignedeferdel’Hybride.)Basculezsurlescamérasquifilment l’intérieur du dortoir, je veux qu’on suive les signatures thermiques àchaqueétage.Prioritéabsolue.Etqueçasaute!Justicepassaunappelsursonportable.—Ledortoirdesfillessubitunassautviolent.Ilraccrocha.—Trente-quatre signatures thermiques au deuxième étage.Les volets Jésus
Marie sont déployés, beugla une surveillante. Une seule signature au rez-de-chaussée,quibougevite.— Trente-cinq femmes sont répertoriées comme résidentes, renchérit un
collèguemasculin.Çacolle.
Les caméras ordinairement inactives dans le bâtiment s’éveillèrent à la vie.Surunécran,onvitapparaîtredes jeunes femmesassisesouadosséesaumur,danslecouloirdudernierétage.—Lesfemmesdemonpeuple,réagitJustice,tendu.Ellessontensécurité,là-
haut?Darrenopina.—Onnepeutplus.Totalementàl’abri.Lesvoletssontenacieretfontvingt-
cinqcentimètresd’épaisseur.Mêmeunebombenesuffiraitpasàlestordre.Lesvôtresnecraignentrien,jevousl’aidit.—Entréeprincipalesurl’écran10,criauntype.Justice et Artino contemplèrent le moniteur indiqué. Le chef de la sécurité
poussaunjuron:lesportesenverregisaientausol.Onvoyaitasseznettementquec’étaitlamaçonneriequiavaitcédé.—Çaalors!Leverretrempéatenu…maispaslebâtimentautour,fitvaloir
quelqu’unquiaimaitenfoncerlesportesouvertes.— Quatre nouvelles signatures thermiques, annonça une surveillante. J’ai
suivilapremièreàlatrace,elles’estréfugiéedanslacuisine.Touteslescamérassontconnectées.Elliecourutjusqu’àlacuisine.Quandlesportess’abattirentavecfracas,elle
sutqu’elleétaitpriseaupiège.Sonchoixétaitrestreint:secacherenpriantpourquelessecoursarriventà tempsoucombattre.Seschancesfaceàquatre typesarmésétaientminces.Saprioritéavaitétédemettresespensionnairesàl’abri;ellesl’étaient,c’étaitdéjàça.Consciented’avoiracceptéunmétieràrisque,ellen’avaittoutefoisjamaisenvisagéunesituationaussicritique.Elleouvritletiroirquicontenaitlescouteauxetempoignaleplusgrandtout
engardantunœilsurlehalld’entrée.Surtoutnepascéderàlapanique,garderlatêtefroideetplusquetout,trouveruneplanque.Son regard se fixa aussitôt sur l’îlot central. Elle se réfugia derrière et
s’accroupit.Puiselleouvrituneportedurangementsituésousleplandetravailetyfitdelaplaceendéplaçantlesustensilesleplusdoucementpossible.—Minou,minou,fitunevoixgrave.C’estuneblague,ouquoi?songeaEllieensecouantlatête.Ilssontinfichus
dedistinguerunehumained’uneHybride…Ces idiots-làne saventmêmepassur quoi ils tirent. Chasseurs mon cul, oui, maugréa-t-elle en se remémorantl’inscriptionsurleflancdupickup.—Allezminette,montre-toi.
Lavoixparaissaitplusproche.Lecœurbattantàtoutrompre,Ellieseglissadansleplacard.Malgrélemanquedeplace,lajeunefemmeparvintàseglissersousleplandetravailetàrefermerlaporteenseramassantsurelle-même.Lesténèbresrégnaientdanscetespaceclos.Elles’efforçadecontrôlersarespirationpournepassefairerepérerettenditl’oreille.Toutcequ’ellepouvaitfaireàcestade,c’étaitprierpourquelacavaleriedébarqueàtemps.—J’aipasl’intentiondetetuer.Montre-toi,fautqu’oncause.Ellieserralesdents.Cegars-làdevaitlaprendrepourunebilles’ils’imaginait
tromper son monde avec un bobard pareil. Pas question de discuter avec cesdinguessansverretrempéenguisedeséparation!Semontrer,c’étaitmourir,etEllieavaitenviedevivre.Justicerestaitlesyeuxrivéssurlesécransdecontrôlepoursuivrel’évolution
delasituationdansledortoirdesfilles.Ilressortitsonportableetcomposaunnuméro enregistré après avoir vu Ellie Brower se dissimuler dans un placard,sousleplandetravailcentraldelacuisine.Ilsuivitdesyeuxlesquatreintrusquipassaient le rez-de-chausséeaupeignefinaprèsavoircomprisqu’ilétaitexclud’accéder aux étages supérieurs, que ce soit par l’ascenseur ou l’escalier : unépaisrideaudeferétaitenplaceenhautdesmarches.Lestypess’étaientséparésetfouillaientlebâtimentpièceparpièceenquêted’Ellie.—Nosfemmessontàl’abriaudernierétage,maisl’humainesecachedansla
cuisine. Elle ne va pas leur échapper éternellement. Elle est coincée. Quatrehumainslourdementarméssontàl’intérieur;ilsontforcél’entréeàlavoiture-bélier.Ilraccrocha.—C’étaitqui?voulutsavoirArtino,lessourcilsfroncés.—Monéquipedesécuritéestenroute.Darrenouvritgrandlabouchepuislareferma.— La sécurité, c’est mon domaine. Les communications sont toujours
coupées ; il m’est impossible d’appeler mes gars pour les autoriser à laisserentrer qui que ce soit. Ils ont barricadé l’accès principal àHomeland à l’aided’uncordondevéhiculesprivéspourempêcherdenouvellesintrusions.—Monéquipe est déjàdans la place, gronda Justice.Elle est composéede
gensdemonpeuple.LacolèremontaauxjouesdeDarrenArtino.—Je suispayépourassurer laprotectiondesHybrides,paspourapprendre
qu’ilsquittentleurabrietvontsejeterdanslesbrasd’unebandedecinglés!On
aquasimentlasituationenmain.Rappelezimmédiatementvosgars.—«Quasiment»nesauverapaslaviedel’humaine.Justicedésignad’uncoupdementonl’écranoùs’affichaitunplanlargedela
cuisine.Ilpoussaunjuron:l’undesintrusvenaitd’apparaîtresurleseuil.
CHAPITRE7
— Petit, petit, petit, minauda l’affreux comme s’il appelait un animaldomestique.Puisilcommençaàouvrirlesplacardsàl’autreboutdelacuisine.Ellie,quitremblaitdespiedsàlatête,serralemancheducouteausifortquele
boiss’imprimaencreuxdanssapaume.Ellefermalesyeuxetl’entenditremuerdestrucs.Sanscriergare,quelquechoses’écrasasurleplandetravailau-dessusdesatête.Lajeunefemmeréprimadejustesseuncriterrifié.Pourvuqu’iloubliederegarderdanslesplacardsdumilieu,espéra-t-elledetoutsoncœur.Sa chance tourna : une porte s’ouvrit à la volée tout près d’Ellie, unemain
jaillit,l’empoignaetexerçauneviolentetraction.—Jetetiens,bestioledemerde.—Jenesuispasunebestiole,rétorqua-t-elled’unevoixmalassurée.Jesuis
unehumaine,commevous.Aprèsl’avoirextraitesansménagement,ill’obligeaàsereleveretlafusilladu
regard. Vingt-cinq ans environ, un mètre soixante-quinze, physique épais,tatouagedépassantducoldesontee-shirt.—Cequetuesaujuste,morue,j’enairienàfoutre.Jevaistecrever.C’est
cheznous,ici.Àmort,lesanimauxàdeuxpattes!Là-dessus,ilsesaisitd’unrevolverglisséjusqu’icisoussaceinture,auniveau
desreins.Ellievitl’armeetsutqu’ilallaitl’abattresansautreformedeprocès.Enproie
à une terreur abjecte, elle lui plongea le couteau dans la poitrine. Elle ledévisagea tandisque la lames’enfonçait,perforantétoffepuisépiderme,etvitsesyeuxvertss’écarquillersousl’effetdelastupeur.Ilfitdeuxoutroispasenarrière,entraînantEllie,quilâchalemanchedel’armeplantéejusqu’àlagarde.Le sang gicla jusque sur la jeune femme. En le voyant brandir son flingue ettenterdetireravecsesdernièresforces,elleluiagrippalepoignetàdeuxmainsetluttapourresterendehorsdelalignedemire.Il l’empoignaàson tour,serrantà lui fairemal,mais trèsvite, les forces lui
manquèrent.Iltombaàgenouxsurlecarrelage.Unrâlehideuxs’échappadesa
boucheenmême tempsqu’un flotdesangvermeil.Elliegeignit,horrifiée : lemourant avait les yeux rivés sur elle, on y lisait sans peine un mélange dedouleur,d’effroietderage.Illâchatoutàfaitlebrasd’Elliepuislerevolver,quitombaausolunefractiondesecondeavantl’assaillant.Ellie le contempla, médusée. Il gisait sur le dos, les jambes bizarrement
repliées sous les cuisses. Ses yeux étaient écarquillés ; une mare de sang seformaitsurlecarrelageblanctandisqu’ilcontinuaitàhoqueterparà-coups.Lajeune femme crut entendre un léger gargouillis. Ses mains furent prises desoubresauts. Il cilla et exhala son dernier souffle. Le manche du couteaudépassait de son torse, près du cœur, à l’endroit où Ellie avait frappé. Elleravalaituneremontéedebilequand,toutprès,unbrisdeglaceretentit.Danslapiècevoisine.Ellies’arrachaauspectacleducadavreétenduàsespieds.L’instinct reprit le dessus. Elle se rua sur le flingue et l’empoigna à deux
mains.L’armeétait froide,pesante.Ellefilas’agenouillerderrière l’îlotcentralpuis risqua un œil par-dessus le plan de travail sur les deux seuls accès à lacuisine : une ouverture donnant sur un salon, une autre sur la salle àmanger.Abritée derrière l’îlot, elle pointa le gros revolver entre les deux ouvertures,décidéeàtirersurtoutcequiseprésentait.Elle n’eut pas longtemps à attendre avant qu’un bruit émane de la salle à
manger,oùquelqu’unbutacontreunechaise.Lecanonduflingueorientédanscettedirection,bienàcouvert,ellepritappuisurleplandetravailtoutentenantlerevolveràdeuxmains.Tremblante,paniquée,elles’efforçadenepaspenserautypequ’ellevenaitdepoignarderàmort,c’étaituncoupàperdrelespédales.Lesconséquencesdecequ’elleétaitréduiteàfairepoursurvivreattendraient.Le typeau fusil àpompeentradans la cuisinecommeside rienn’était.Sa
physionomiechangeadutoutautoutquandilsedécouvritsouslamenaced’unearme à feu : sa bouche s’ouvrit, ses yeux s’écarquillèrent… puis il passa àl’action. Comme au ralenti, Ellie le vit abaisser le canon du fusil dans sadirection.Leslèvrespincées,ilparaissaitrésoluàfairefeu,maislajeunefemmefutplusprompte.Ellepressaladétente;letonnerresedéchaîna.L’hommeavait eu le tempsde se jeter à couvert dans la salle àmanger.Le
canondufusilapparutà l’angledumur.Il tiraà l’aveugle.Lasalvelabouraleplafondau-dessusd’Ellie,quisentitduplâtreluitomberdessus.Ellieréagitenhurlantetentirantdanslemur,àl’endroitsupposéoùsonadversaireétaitcaché.Avait-elletouchéaubut?Impossibledelesavoir…jusqu’aumomentoùelle
vitréapparaîtrelecanondufusil.Nouvellesalvedetirsaupetitbonheur.Cettefois, le placard situé à côtéd’Ellie vola en éclats.La jeune femme se jeta par
terreetfaillittombersurlecadavredupremiertype.Ellieglissadanslaflaquedesangépaisententantdeserelever.Sesgenoux
dérapèrent sur le carrelage gluant ; elle hoqueta ; ses paumes refusèrent de laporter.Ellietombasurleventreengrognant.Elleparvintàs’arracheràlaflaquedesangauprixd’unroulé-boulé.Dumouvement,dansl’angledesonchampdevision:letypeaufusilseruait
vers l’îlot central. Toujours couchée sur le flanc, elle leva son arme et tira aujugé.Prisdanssonélan,letypesebaissacommeilputderrièreleplandetravailqu’ilpercutadepleinfouet.Lemeubleenboiscraquabruyamment.—Lâchetonarme,connasse!beuglal’homme.Soissageetjeteferaisauter
lacervellesanstetorturer.Ellie, terrifiée, contempla les ravages que son précédent coup de fusil avait
faitssurleplacard.Untroudelatailled’unpoing,deséchardeséparpilléessurplusieurs mètres carrés. Elle respira à fond et comprit qu’il était urgent detrouverunautreabri.Siseulementcesalopardpouvaitretournersonfusilcontrelui…—Ellie ? On vient d’entendre des coups de feu dans l’interphone, tout va
bien?Etmerde.Elleavaitoubliéd’éteindre.Briseétaitsurlesnerfs,c’étaitflagrant,
mais lemoment étaitmal choisipour aller lui répondre.Elliepuisaunpeuderéconfort dans l’idéeque sesprotégées étaient toutes à l’abri deuxétagesplushaut.Lechefdelasécuritéetledirecteurétaientlesseulsàposséderlescodesd’ouverturedesvoletsenacier.MêmeEllien’étaitpasenmesurededésactiverledispositifJésusMarie:lesintruspouvaienttoujourslatorturer,çaneserviraitàrien.—«Ellie»?ricanaletypederrièrel’îlotcentral.Quelnomàlacon,pourun
animal…La jeune femmeouvrit une porte duplacard.Le fumier était pile de l’autre
côté.Ellevisacommeelleput.—Jevaistetueràpetitfeu,pourcequetuasfaitàmonpoteEddie…Ellie tira au jugé dans la direction de la voix jusqu’à ce que le percuteur
frappeàvide, s’écartapouréchapperàuneéventuelle riposteet rampavers lagauchedelapièce.Lerevolverétaitdésormaisinutile…saufsielledécidaitdelelancer.Pas un bruit. Arrivée à l’angle de l’îlot, elle hésita, le cœur battant à tout
rompre.Ungrognementretentitderrièrelemeuble.L’aurait-elle touché ? C’était presque trop beau. Elle avança, en appui
incertain sur ses paumes et ses genoux maculés du sang du premier type.Avancer ainsi la terrifiait… mais il restait deux affreux qui risquaient dedébarquer à tout moment, les coups de feu avaient dû leur mettre la puce àl’oreille.Resterprostréeétaitsynonymedemortcertaine.L’homme au fusil jouait-il la comédie ?Elle l’imagina grognant comme un
mourant, à l’affût, attendantqu’elle semontrepour lui faire sauter la cervelle.Sonmauvaispressentimentdisparutenvoyantunfiletdesangs’écoulerdanslajointureducarrelage.Ellieretintsarespirationetrisquaunœil.Letypeétaitaffalécontrelemeuble.
Le fusil gisait à côté de ses jambes. Les yeux rivés sur la salle à manger,l’homme cilla. Du sang lui maculait le torse et lui coulait le long du brasgauche:ilavaitprisaumoinsuneballe.—Buck?lançaunevoixmasculinedepuislesalon.Eddie?Lajeunefemmeserelevad’unbondetfilaendirectiondelasalleàmanger.
SiBuckétaitletypeaufusil,ellepriapourqu’iln’aitpasletemps–oulaforce,enraisondesesblessures–deramassersonarmeetdetirer.Elleémergeadelacuisinesansavoirledoscriblédechevrotines.Sameilleure option était la bibliothèque. À condition d’y parvenir saine et
sauve,ellepourraits’ybarricadergrâceauxmeublespesantsquioccupaientleslieux. Il suffirait d’en pousser un ou deux pour bloquer la double porte. Cenouveauplanentête,elles’élançaàviveallure.Untypejuraquandillavitfilerdansl’embrasured’unepièceattenante.Sesachantrepérée,Elliepressalepas.De toutes les salles du rez-de-chaussée, seule la bibliothèque était facile àbarricader.Sitôtàl’intérieur,Ellierefermalaporteets’yadossa.Letypequil’avaitvue
passer était sur ses talons… plus question de pousser les meubles. Horsd’haleine,lesoufflecourt,lajeunefemmecontemplaavecdépitlesangquiluicouvraitlesmains,lesbrasetledébardeur.—Parici!criauntype.Elleestlà-dedans.—BucketEddiesontmorts,grondaunautre.Cettesalopelesabutés.Putain
d’animaldemerde.L’undestypestentad’ouvrirlaporte.Elliehurlaets’yopposadetoutesses
forces.Elle perçut un juron, puis le panneau fut frappé avec unevigueur telleque la jeune femme, pourtant arc-boutée, s’en écarta de plusieurs centimètres.Elle chercha vainement du regard un machin quelconque susceptible d’êtrerapprochéduboutdupiedpourl’aideràtenir.Ilmefautunearme.Lasallespacieuseétaitmeubléedeplusieurscanapés,de
tablesetdesiègesconfortables;unecheminéetrônaitàl’autreboutdelapièce;les murs étaient couverts de rayonnages pleins. Aux abois, Ellie reporta sonattentionsurlacheminée,surlesustensilesattenants.Sesyeuxs’arrêtèrentsurletisonnier.Lesdeuxhommesunirentleursforcespourpesercontrelaporte.Lechocfut
siviolentqu’Elliefutprojetéeauloin.Elleheurtal’undescanapés,basculapar-dessus,seretrouvaàterredel’autrecôtéets’agrippacommeelleputàuntapisafinderetrouversesappuis.—Ontetient,salepute!vociféral’undesassaillants.Ellie s’empara du tisonnier et fit face aux deux affreux. Elle frappa le plus
proche en maniant son arme improvisée comme s’il s’agissait d’une batte debaseball.L’impactdelatigemétalliquecontrelecorpsdesonadversaireluifitmalauxmains.Letypehurladedouleur,bonditenarrièreetcontemplal’endroitoùlecoupavaitporté:dusangcommençaitdéjààmaculerl’étoffedéchirée.L’hommeposaunregardassassinsurEllie.—Tuvasmelepayer,gronda-t-il.Son complice dégaina un poignard de chasse et les deux types s’écartèrent.
Dos à la cheminée, Ellie agita le tisonnier de l’un à l’autre pour les tenir àdistance.Ilss’écartèrentencore,obligeantlajeunefemmeàregarderdansdeuxdirectionsà la fois.Puis ilss’élancèrentensemble.Ellie frappa.Elleen touchaun, mais l’autre la ceintura. Plaquée au sol, les poumons en feu, Ellie n’eutmêmepaslaforcedecrier.—Lasalope!hurlaceluiqu’ellevenaitde toucher.J’croisbienqu’ellem’a
pétélamain…Tulatiens,Roy?Le typequipesait sur elle lui empoigna les cheveuxà labaseducouet lui
plaqualafigurecontreletapis.Quandillavittenterdesedégager,ilaccentualapressionenluiappuyantungenoucontrelesreins.—Jetienslapetiteenragée,Chuck.RoyautorisaEllieàtournerlatête.Lajeunefemmeenprofitapourrespireret
leregrettaaussitôt :ce typeavaitunehaleinedechacal. Il lagardaplaquéeausoletserralepoingsursescheveux.LepoidsdubonhommeinterdisaitàEllietoutmouvementintempestif,ildevaitfairedanslescenttrentekilos.— Laisse-moi l’ouvrir comme un poisson, grinça Chuck. Je dois vraiment
avoiruntruccassé,çamefaitunmaldechien.Roygrogna.Elliehurladedouleurenlesentantpeserdeplusenplus,jusqu’à
ce que ses côtes menacent de rompre. Quelque chose lui appuya contre unefesse;l’autretypeluiarrachaletisonnier.
—Aide-moiàlarelever,grognaRoy.Commençonsparlaremettreàsaplaceàmamanière,etaprès,promis, tupourras lui trancher lagorgecommeonfaitauxlapins.Ceseramarrantdelaregardergigoterjusqu’àcequ’ellecrève.Ellie eut beau sedébattre et gémir, rienn’y fit.L’objet durqui lui appuyait
contreunefessen’étaitplusunmystère:Royavaitlatrique.Ellecompritaveceffroicequ’ilcomptaitluifairepourla«remettreàsaplace».Brebis,lapins…toutcequirespiraitdevaitfairelemêmeeffetàcetaré.Deuxmainsserefermèrentsurseschevilles.Aussitôtaprès,legroslardcessa
de peser sur elle et la saisit par les poignets.Arrachée au tapis par les quatremembres,Elliefuttransportéecommeunpaquet,ledosàquelquescentimètresau-dessusdusol.Ellecria,secontorsionna,voulutrouerdecoupsdepiedceluidesdeuxaffreuxqui lui tenait les chevilles,maisChuck tenait bon. Il avait lamaindrôlementsûre,pourquelqu’unquiseplaignaitd’avoirquelquechosedecassé…—On la balance sur le canapé et toi, tu fais le tour pour la retenir par les
cheveux, haletaRoy, renduhors d’haleine par les soubresauts incessants de lajeunefemme.Ilsentamèrentunmouvementdebalancier…quiprojetaElliecontreunetable
basse.Unedouleurviveluiexplosadansleflanc.Côtecassée,soupçonna-t-elleensouffrantchaquefoisqu’ellegonflaitsespoumons.Sesbourreauxrépétèrentlamanœuvre,sansheurtcette fois,puis la retournèrentsansménagement.Royluitenaitlesbras;Chucklâchasesjambes.Ellievoulutflanqueruncoupdepiedaugroslardquandlacoincèrentsurle
dossier du canapé. Roy fut plus prompt et s’écrasa sur elle. La jeune femmepoussaunhurlementétoufféquanddesmainslasaisirentparlescheveuxetluienfoncèrent la tête dans un coussin. Prise de panique, Ellie sentit qu’ellecommençaitàsuffoquer.Ilsallaientl’asphyxier!—Passe-moilecouteau,haletaRoy,lesoufflecourt.L’unedesmainscessad’appuyer.Ellietournalatête,inhalaàpleinspoumons
puishurlaenexpirant.Roypassasonautremainsoussondébardeur…etElliesentit lemétal froidducouteau luiglisser le longde lacolonnevertébrale.Cecontactlatétanisa:qu’était-ilentraindetaillader,sontee-shirt…ousapeau?Elletentauneruademais,danssaposition,lecoupdepiedmanquaitdeforce.Elles’efforçaensuitedegrifferChuckaujugé.Unemains’abattitbrutalement
sursescheveux;ellel’agrippaetplantasesonglesdanslachairdel’avant-brasqui lui enfonçait derechef la tête dans un coussin. L’homme poussa un juron,relâchasapriseetEllieenprofitapourinspireràfond.
Sentantqu’onbaissaitsonpantalon,lajeunefemmen’eutplusaucundoute:ils allaient la violer.Alors qu’ellemettait toute son énergie à se débattre et àhurler, la pression sur elle cessa subitement. Elle s’arracha au canapé à lasecondeoùletypesereleva.Trébuchant,elleretombasurlesfessesetrepritsonsouffletoutenregardantautourd’elle.Puisremontad’instinctsonpantalon.Roy gisait face contre terre, un canon de pistolet appuyé sur la tête.Chuck
levait les mains au ciel et paraissait terrifié. Quatre nouveaux venus étaientpenchéssurelle;toutdenoirvêtus,àlamanièredestroupesd’intervention,ilsarboraienttroislettresblanchessurleurtreillis:OPH.Leurstraitsn’étaientpastotalementhumains,ElliereconnuteneuxdesHybrides.Chacunbrandissaitunearme à feu et d’impressionnants poignards se devinaient dans un étui qu’ilsportaientàlacuisse.Lajeunefemmeentenditdumouvementdanssondosetseretourna:Rageétaitlà.Danssesyeuxbrûlaitunecolèreplusnoireencorequesonuniforme.QuelquechosedemochehabitaitRage.ÀlasecondeoùJusticeavaitprévenu
qu’Ellie courait un grave danger, il avait poussé ses gars à fond pour qu’ilsrallient ledortoirdes filles.La terreurdesavieavait failli sevérifier :arrivertroptard.Endéboulantdanslabibliothèque,quandilavaitdécouvertcequecesdeuxhumains s’apprêtaient à faire subir àEllie, l’instinctdemeurtre avait ététrès fort. Il avait fallu un énorme effort de volonté pour ne pas les tailler enpièces,l’animalquiétaitenluin’avaiteuqu’uneenvie–lesétriper.Respirant fort, les yeux rivés surEllie, il la vit reprendrehaleine et rajuster
son pantalon. Desmèches blondes étaient collées sur son visagemeurtri, sondébardeur était coupé en deux dans le dos, sa peau pâle et délicate étaitconstellée de bleus. Il percevait l’odeur de sa terreur, et cela lui rendait leschosesplusdifficilesencore;ilbrûlaitdelesdéchiqueteràmainsnues.L’Hybridelevalesyeuxversl’objectifd’unecaméra.Sesavoirobservél’aida
àgardersoncalme:sanstémoinsextérieurs,iln’auraitpashésitéunesecondeàtuer ces deux salauds qui avaient osé s’en prendre à son Ellie.Même ainsi, ilmouraitd’enviedepasseràl’acte.Ilsluiavaientfaitdumal,merde!Rage avançait d’un pas menaçant vers eux quand un gémissement étouffé
d’Ellie le coupadans son élan. Il se ravisa aussitôt : d’abord s’occuperd’elle.Tuercesfumierspouvaitattendre,ilfallaitd’abords’assurerqu’ellen’avaitriendesérieux.Ilrespiraparlabouchepouratténuerl’odeurdepeurets’efforçadedompter
sapartanimale.Uncoupd’œilàsesgarsluiappritqu’ilsfulminaient,euxaussi,
et qu’ils attendaient sa décision. Cette responsabilité-là l’aida à se calmer ; ildesserra les poings. D’un signe de la main, il ordonna aux quatre autres deneutraliserlesassaillants.Savoixrisquaitdeletrahir.Tâchant d’apparaître serein alors qu’il bouillait intérieurement, Rage se
penchaversEllie.Sonpluscherdésir:prendreplaceàcôtéd’elle,l’étreindre,laréconforter.Ilétaittoutàsajoied’êtrearrivéàtemps…quandilsentitl’odeurdeshommesmêléeàcelled’Ellie.Quelaffrontinsupportable!Elleétaitàlui,quediable,etilavaitfaituntrès
groseffortpourgardersesdistancesaprèslamiseengardedeJustice.Sesseulesentorses:quelquesincursionsnocturnespourl’observerdeloin,àladérobée…etvoilàqu’elleavaitfailliypasser.Auxchiotteslesordres,songea-t-il,résoluàla toucher. Il approcha à gestes mesurés. L’urgence commandait de s’assurerqu’ellen’avait riendegrave…quitte à l’obliger à sedénuderpour l’examinersoustouteslescoutures.Pasquestiondepasseroutre.Sapriorité:garderlatêtefroide.Ellieseméfiaitforcémentdeluiaprèscequi
s’étaitpasséchezlui.Enoutre,ilnevoulaitpasmontreràquelpointiltenaitàelle,untelaveudefaiblesserisquaitdeseretournercontrelui.Restezen,s’exhorta-t-il.Montre-luiquetupeuxtecontrôlerensaprésence.Il
pria pour en avoir la force.Ellie avait besoinde se sentir en sécurité après cequ’elle venait d’endurer, pas de redouter que Rage la transporte comme unpaquetjusquechezluietl’attachedenouveauàsonlit!Mêmesic’étaitcequ’ilavait trèsenviedefaire.Non,Rageavait la ferme intentiondeveillersurelle.Vingt-quatreheuressurvingt-quatresinécessaire.C’était irréalisable,biensûr,maislesimplefaitd’ypenserapaisaitl’animalquiétaitenlui.La marche à suivre était simple : rester auprès d’elle, lui parler, s’assurer
qu’elleétaitsauve.C’étaitcelaoucourirlerisquedeperdrelaboule;Ellieavaitfailliyrester,ilavaitbiencrulaperdreàjamais.Ellie vit la fièvre qui habitait les yeux noirs de Rage quand l’Hybride
s’agenouilladevantelle.Ilhésitaunesecondeavantdeluieffleurerlementon.Ilportaitdesgantsnoirs,encuirprobablement,etentrepritdel’examineravecleplusgrandsoin.Illuifittournerlatêtepourétudiersoncou,lescontoursdesonvisage.Puis il retira samain.Sansunmot, il lui passa les avant-bras sous lesaissellesetl’aidaàserelever.La jeune femme prit conscience qu’elle avait le dos dénudé, puis Rage la
soutintplusfermementquandsesjambesrefusèrentdelaporter.L’Hybrideémitungrondement sourd ; ses traits secrispèrent.Elliepritpeur,qu’avait-elle fait
pourmériterpareilaccèsdecolère?Ellesentitqu’illalâchaitpuis,toujourssansunmot,passaitunbrassoussesgenouxetunautrederrièresesépaules.Ellieseretrouvaenuninstantnichéecontresontorsepuissant.Ragen’eutpasunregardpourelle.— Je m’occupe de la nettoyer et de vérifier qu’elle n’a rien. Vous autres,
accompagnez ces messieurs dehors et ouvrez l’œil. Plus personne n’entre,conclutRage,encontenantdifficilementsafureur.Unindividud’aspectféroce,auxlongscheveuxnoirs,hochalatête.—Compris.Rage s’élança. Ellie hésita une seconde avant de s’agripper à son cou.
Épuisée,endolorieetenétatdechoc,ellesefichaitdesavoiroùillaconduisait.Elleposasajouecontresonépauleetfermalesyeux.Commeparmiracle,luietses gars l’avaient sauvée de la mort horrible que lui promettaient ses deuxassaillants. Quelques minutes de plus, et… La jeune femme frissonna ensongeantàcequ’ilss’apprêtaientàluifairesubir.EllesepelotonnacontreRageetsentitseraidirsoncorpsmassif.Ilcontinuacependantàmarcherd’unpasvif.Ellierouvritlesyeuxquandils’arrêtaetpoussaquelquechosedupied.C’était
laportedestoilettes.Ragefronçalessourcils,scrutalapiècepuissedirigeaverslarangéedelavabos.Ill’aidaàs’asseoirsurlerebord,enfacedelui.Ellielâchaprisealorsqu’ilsereculait.L’Hybridepivotasurlui-mêmeet jetaunnouveaucoupd’œilà laronde.En
suivant son regard, la jeune femmevit qu’il s’attardait sur les angles, près duplafond,etcompritaussitôtcequ’ilcherchait.—Iln’yapasdecaméraici,annonça-t-elleàvoixbasse.Lasécuritévoulait
eninstaller.J’aidûinsisterpourquelesfillesaientdroitàunpeud’intimité.Ragehochalatêteetposalesyeuxsurlelavabosituéàcôtéd’Ellie.Ilôtases
gantsqu’il jetadansuncoin,puisagita lesmains sous le robinet afinde fairecoulerl’eau.Sitôtsouslejet,ilsesavonna,serinçaetsetournaensuiteversledistributeur d’essuie-mains. Un sourcil arqué, Ellie le vit extraire plusieurspoignéesdeserviettesenpapierbrunqu’ilempilaàcôtéd’elle.Ilavaitvidélepremierdistributeuretpartaits’attaquerausecond.—Tuvasteservirdetoutça?Lessourcilstoujoursfroncés,Ragelaregarda.Ilrécupéraunnouveaulotde
serviettes puis la rejoignit avec la grâce féline d’un chat prêt à bondir sur saproie.—Déshabille-toi.D’abordbouchebée,Ellieeutlaprésenced’espritderefermerlabouche.Quel
culot!—Pasquestion.L’Hybridegrondadoucement.—Tuestellementcouvertedesangetdeleurpuanteurquejen’arrivepasà
déterminer si ce sangest le tienou le leur.Laisse-moi tenettoyeretvoir si tusaignes;siturechignesàtedévêtir,jeleferaiàtaplace.Elliesedétendit:sarequêtefaisaitsens,enfindecompte.—Tuasl’intentiondemenettoyerpourvoirsijesuisblessée?Riend’autre?LesyeuxdeRageseréduisirentàdeuxfentes.—Tupréfères que ce soit l’undemesgars qui vienne te déshabiller ?Les
vigiles humains en sont encore à essayer de colmater les brèches, précisa-t-ilavecunreniflementdemépris.Onrisquederestercoincésiciunmoment.L’undesnôtresdoitt’ausculterpoursavoirsitun’asriendeméchant.Àtoidevoirsitupréfèresquecesoitmoiouundemesgars.Onperddutemps,là.Ellie serra les dents.Quel grossier personnage il pouvait être, parfois !Elle
venait de vivre le pire traumatisme de sa vie, il pourrait se montrer moinsabrupt…—Çaira,jevaismedébrouiller.—Tunetienspasdebout.Jet’airattrapéedejustesse.—Jeviensdetuerdeuxtypesetj’aifaillimefaireviolerparlesdeuxautres
avantqu’ilsm’assassinent!Vraimentdésoléed’avoirlesgenouxquiflanchent…Ils’approchad’elle.—Tuenastuédeux?Endéboulantaudortoir,onaentenduduraffutdansla
bibliothèque,ducoup,onafoncésansprendreletempsdefouillerleslieux.— Ils ne se sont pasmassacrés entre eux, dit-elle, prise de tremblements à
l’idéedecequ’elleavaitdûfairepoursurvivre.C’estmoiquilesaitués.Pourdevrai.Ragelâchaunnouveaugrondementsourd.—C’étaitdel’autodéfense.N’ypenseplus,beauté.Tun’aspaseulechoix,et
ilsl’ontbiencherché.C’estunfierservicequetuasrenduàlaplanèteennousendébarrassant.Ilst’auraienttuéesanshésiter.Ilavançaencorejusqu’àcequ’ilssetouchentpresque,empoignalebasdeson
débardeur et décolla l’étoffe gluante de l’épidermed’Ellie.Lamanœuvre étaitrendueplusaiséeparlarécentedécoupedansledos.—C’est bien compris ? Ilsneméritentpas la lueurde remordsque jevois
dans tes yeux. Engueule-moi ou parle-moi, l’essentiel, c’est de penser à autrechose.Ettâchedetenirlecoup…jenesupporteraispasdetevoirpleurer.Mets-
toiplutôtenrogneaprèsmoi.Elle ravala ses larmes. C’était gentil de sa part de se montrer prévenant…
mêmesicela luifaisait remonter lesémotionsàfleurdepeau.Ilavait lesplusbeaux yeux du monde. L’envie de se jeter dans ses bras était presqueirrépressible.Rageeutlasagessederomprelecontactvisuel.— Allez hop, à la toilette. Leur puanteur sur ta peau m’est vraiment
insupportable.C’estuntrucd’Hybride,çamerenddingue.(Illaregardaparendessous.)J’aidesinstinctsquimeviennentdecequ’onm’afaitsubir,etparfois,j’aidumalàlesréprimer.C’estencoreplusdifficilequandjesuisencolèreoueffrayé.Sicetteodeurnepartpasrapidement,ceseraplusfortquemoi,ilfaudraquej’ailleleurarracherlatête.— Entendu, acquiesça Ellie. Je n’ai rien contre le fait qu’on massacre ces
deuxsalopards,maisévitedelefairetoi-même,çapourraitt’attirerdesennuis.Lajeunefemmeserenditcomptequesonsoutien-gorgeavaitétédécoupéen
mêmetempsqueletee-shirtetvoulutsecouvrirlapoitrine.Ragel’enempêchaen l’obligeant à écarter les bras à l’horizontale, puis lui examina les paumesmaculéesdesangenprenantsoindenepaslouchersursesseins.—Évitedetesalirencoreplus.Penche-toisurlelavabo,quejetenettoie.ApaiséeparletimbrerauquedeRage,Elliesegardadeprotesterquandleurs
regardsserecroisèrent.Elledescenditduplandetravailavecprécautionetjugeainopportundes’emportercontrelui:ils’efforçaitdeluifaireoublierlagravitédelasituation,c’étaitdélicatdesapart.Enoutre,ellen’avaitpasoubliélepetitmot doux qu’il avait employé, « beauté ». Un vrai baume au cœur après cesépreuves.Quand ses pieds touchèrent le carrelage, elle se sentit de nouveau flancher.
Ragel’aidaàseretourner,larelâcha,tenditlesbraslelongduflancd’Ellieafinde réactiver le robinet, puis il l’empoigna avecdouceurpar les poignets et luiplaçalesmainssousl’eaufroide.Ellievitl’écoulementsecoloreràmesurequelesangquiluipoissaitlesmainsetlespoignetssedissolvait.Elledutfermerlesyeuxpourluttercontrelanausée.—Pourquoidiableiln’yapasdedoucheaurez-de-chaussée?grinçaRage.—Touslesappartementssontmunisd’unesalledebainsavecdouche.Iln’est
venuàl’idéedepersonnequeledortoirpuisseêtreenvahi.Ilsoupira.—Làtoutdesuite,ceneseraitpasduluxe,maistoutcequ’ona,cesontces
lavabos.Ellie garda les yeux clos et sut gré à Rage de lui tenir l’esprit occupé.
L’Hybride était collé à sa peau nue ; l’étoffe la grattait un peu, les brasmusculeux frottaient contre ses côtes tandis qu’il s’appliquait à lui rincer lesmains. Elle obéit sans hésiter quand il lui demanda de se pencher encore. Ilcontinua à la nettoyer en lui rinçant les bras, puis les épaules. Son pantaloncommençaitdéjààsegorgerd’eau.Rienàfairepourl’enempêcher,etçan’avaitaucune importancepuisque,de toute façon, ses fringuesétaient imprégnéesdesang.—Enlèveteschaussures,luiglissa-t-ilàl’oreille.Ellie obtempéra. Elle se débarrassa des sandales qui, autrefois blanches,
étaientdésormaisrougeâtres.Elleavait littéralementpataugédanslesangdanslacuisine,glisséetrampédedans.Seschaussuresétaientfoutues.Vite,penseràautre chose ! Rage commença à baisser son pantalon en coton de quelquescentimètrespuiss’arrêta.—C’estpour tenettoyer, riendeplus.Soisforte,Ellie, iln’yenapaspour
longtemps.Tunerisquesplusrien.Jenelaisseraipersonnes’enprendreàtoi.Ilfaudrait qu’on me passe sur le corps pour t’atteindre, et ça ne risque pasd’arriver.Ellelecrut.—D’accord.Lajeunefemmegardalesyeuxferméspouréviterdevoirs’ilenprofitaitpour
lareluquer.Ilprocédaavecdélicatesse:d’abordlepantalon,puislaculottequ’ilfit glisser en la prenant par les pouces. Elle leva une jambe pour l’aider, puisl’autre, en prenant conscience qu’il souhaitait la dénuder complètement. Ragerefitcoulerl’eauetl’aspergeacommeilputavecsesmainsjointes.Quandilvitqu’elleruisselaitdelatêteauxpieds,ilseservitdesserviettesenpapierpourlafrotter le plus doucement possible tandis qu’Ellie se tenait parfaitementimmobile.—C’estlemieuxquejepuissefaire,déclara-t-ild’unevoixgraveoùperçait
latension.Tuasbesoind’unedouche,maisaumoins,jenevoisplusunetracede sang.Etmonodorat est formel : tu as réussi à ne pas t’enmettre dans lescheveux.Ellie rouvrit les yeux quand elle sentit qu’il en avait terminé. Lemiroir lui
renvoyasapropre image…etcequ’ellevitderrièreelle la laissaunenouvellefoisbouchebée.Rages’étaitdétournépourenleversavestepuisdéboutonnersachemise;ilétaitentraindedénuderseslargesépaules.—Qu’est-cequetufais?glapit-elle.—Iltefautdeshabitspropresetsecs.Jen’aiquemachemiseetmoncaleçon
àteproposer.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetcroisasonregarddanslemiroir.—Tupréfères sortir d’ici toute nue ? dit-il, les sourcils froncés.N’ypense
mêmepas.Aupassage,situm’avaisdemandéd’envoyerundemesgarst’aideràtedévêtir,sachequej’auraisrefuséaussi.Elliesecoualatêteetcroisalesbras.—OK,passe-moitachemiseettoncaleçon.Jet’enremercie.Ildétournalatête.—Tun’espasobligéedemater.Lajeunefemmepritconsciencequ’eneffet,elleétaitfascinéeparlespectacle
deRageôtantsachemiseetrévélantundosmuscléàlapeaumate.Ellefermales yeux : elle se tenait face au miroir et, si elle s’en détournait, elle seretrouveraitdevantRageenchairetenos.Lefroissementd’étoffedel’opérationluiparutdureruneéternité.—Tupeuxrouvrirlesyeux.Voilà.Ellie s’exécuta. Rage était tout près, lui touchant presque le dos. Le regard
tournéailleurs, il tendaitdevant luisachemiseetuncaleçondecouleurbleue.Lajeunefemmeduttendrelebraspourlesrécupérertantilétaitgrand.—Merci.—Jetedoisbiença,gronda-t-il.Lacolèredel’Hybrideétaitpalpable;leursrapports,tendusàl’extrême.Ellie,
qui n’avait pas besoin de ce rappel à cet instant, dut se faire violence pourréprimerunerepartiecinglante.Ellepréféras’habillerenvitesse.Lecaleçonencoton était doux et encore tiède, il lui tombait sur les hanches.Mevoilà bien,avec une braguette… Cette pensée la fit sourire tandis qu’elle enfilait lachemise. L’étoffe avait son odeur, sa chaleur. Elle apprécia d’être de nouveaucouverte.— Tu peux te retourner, dit-elle en finissant de boutonner sa chemise
d’emprunt.Lecolossetournalestalonsaveclenteur,trèssexydanssavestesansmanches
et son pantalonmoulant, avec lesmuscles des bras saillants et des pectorauxmassifsquimenaçaientdefairecéderlesboutonsdubattle-dress.Elles’arrachadifficilement à la vue des biceps et retroussa sesmanches jusqu’à ce que sesmainssoientdégagées.CommeRages’approchaitpour l’aider,Ellievitque lavesteétaitbarréedulogoOPH.—J’ignoraisquevouspossédiezvotrepropreéquipedesécurité…Ilprituneprofondeinspiration.
— Ouais, eh bien, disons qu’on ne peut pas entièrement compter sur leshumainspourassurernosarrières.Ons’entraîneensecret;tueslapremièredetonpeupleàl’apprendre.Regardeleboulotdemerdequ’ilsontfait,aujourd’hui.Mercilenousarendusforts,rapidesetrésistantsàladouleur.Ceuxd’entrenousquisaventsebattreenseignentauxautres.Nosgarsapprennentvite.—Pourquoiensecret?Homeland,c’estchezvous.Vousyfaitescequevous
voulez.— Dis ça à ceux de ton peuple. (Il hésita.) On s’est vu refuser une salle
d’entraînement. Même chose quand on a demandé à être formés par desinstructeurshumains.Alorsons’entraîneentrenous,àl’abridesregards,dansledortoirdesmecs.Aprèsyavoircoupétouteslescaméras.Lasécuriténevoulaitpaslesenlever;pasgrave,onlesabousillées.Elliefronçalessourcils.—Mikenevousapasdénoncésaudirecteur?—Lechefdudortoir?Ragesecoualatête.—Ilsesoûletouslessoirsàl’alcoolfort.Àpartirde21heures,unebombe
pourraitpéterdanssachambresansleréveiller.Iln’apasidéedecequ’onfaitlanuit.—Désoléed’apprendrequevousenêtesréduitsàvouscacher,dit-elle,faute
demieux. Si les filles veulent s’entraîner ici, je ne le dirai à personne. Pas lapeinequ’elleslefassentencachette.Ragehaussalesépaules.—Ons’arrangeaveclesobstaclesqu’ilsimaginentpournousbarrerlaroute,
maismerci quandmême. Je ferai passer lemessage.D’unemanière ou d’uneautre,nousavonsl’intentiondedevenirautosuffisants.—Etvousyarriverez,j’ensuissûre.Iltenditlamainversellemaisarrêtasongesteàquelquescentimètresdeson
visage.Ellie, incapable de résister, combla d’elle-même l’espace jusqu’à ce que les
doigtsdeRageluieffleurentlajoue.Samainépousalacourbedesonvisage,sesphalangesglissèrententre sesmèchesdecheveux,elle se lovadans sapaume.Soncontact l’apaisait. Il luiauraitcoûtédel’avouer,etpourtant,EllieavaiteuplaisiràvoirarriverRageendépitdescirconstancesapocalyptiques.Ellelevalesyeuxverslui.—Mercidem’avoirsauvélavie.Une émotion indéchiffrable s’imprima un court instant dans les beaux yeux
chocolatdel’Hybride.—Jenesouhaiteplustamort,jetel’aidéjàdit,répondit-ilenluicaressantla
joue.J’aieupeurpourtoi.—Plusieursfillesm’ontditqu’ellest’avaientvurôderauxabordsdudortoir,
avançaEllieaprèsunehésitation.Jepeuxsavoirpourquoi?LesjouesdeRages’empourprèrentetsestraitssedurcirent.Ilretirasamain.—J’aimesavoiroùsontmesennemis.Viens,gronda-t-il.Lesangn’étaitpas
letien.Tusouffresd’hématomesetdequelqueségratignures;riendeméchant.Ledevoirm’attend,ilfautquejesachecommentévoluelasituation.Ces mots durs sortis de nulle part firent l’effet d’une gifle à Ellie : à
l’entendre,ilsn’étaientmêmepasamis.—Laisse-moiremettremessandales,dit-elleaprèsavoirdétournéleregard.—Surtoutpas.Ellessontpleinesdesangetjeviensjustedetenettoyer.Jene
recommenceraipas.Jen’enaipaslaforce,conclut-ildanssabarbe.Qu’est-cequeçasignifie?s’interrogeaEllieensedirigeantverslaportedes
toilettes.Rage restaàsahauteurensegardantde l’effleureret remit sesgantstandis qu’ils traversaient la pièce. Il ouvrit la porte et sortit le premier. Elliesuivit le mouvement et contempla sa nuque : qu’est-ce qui pouvait bien luitrotter dans la tête ? Il s’était montré amical… jusqu’à cette brusque histoired’inimitié.Les quatre agents de l’OPH veillaient sur l’entrée défoncée. Darren Artino
étaitsurleseuilavecunedizainedesesgars;ilposaunregardnoirsurRage.—Vossbiresm’interdisentd’entrer!Ragesefenditd’unsouriresansjoiequifitsaillirsescanines.—Faitesdonc.Artinomaugréaunjuronetfitsigneàsesvigilesdepénétrerdanslebâtiment.
SonregardnoirenglobaEllie…etcequ’ilvitlefitsecabrer.Quandilremarqualecaleçond’hommequ’elleportait,ouplusexactementlestroiscentimètresquien dépassaient sous la chemise, samâchoire s’affaissa. Il braqua derechef sonregarddebraisesurRagequihaussalesépaules.—Ellieavaitbesoindefringues,fitvaloirl’Hybride.Ceseraitbiend’équiper
lasalled’eaud’unedoucheetdeserviettesaveccettesécuritédemerde.Quandlesgensquevousn’arrivezpasàprotégerontbesoindenettoyerlesangqu’ilsont fait couler, ils méritent un minimum de confort après s’être sauvés eux-mêmes.Des serviettesenpapier, c’étaitunpeumincepourcouvrir sanudité ;j’ai jugé préférable de lui passer mes sous-vêtements plutôt que de la laissersortiràpoil.
Elliesecouvritlabouchepourmasquersonhilarité:levisaged’Artinoétaitdevenu de plus en plus rouge à mesure que Rage en rajoutait. Le chef de lasécuritéétaitunpète-secdelaplusbelleeau;assisteràsadescenteenflammess’avéraitjouissif.LajeunefemmecessadesecacherderrièresamainetvitRageadresser un signe de tête à ses gars. La petite troupe quitta le dortoir sans unregardenarrière.Artinovintlarejoindre.—Vousavezentenducequ’ilosemesortir?glapit-il,outragé.Elliechoisitsesparolesavecsoin.Cen’étaitpasàelled’insistersurlafaillite
complètedesondispositifdesécurité.— Je suis favorable à l’idée d’installer une douche et des vraies serviettes
danslasalled’eaudurez-de-chaussée.Çan’auraitpasétéduluxe.Ellie laissa en plan le responsable médusé, se dirigea vers un canapé et
s’effondradedans.L’épuisementet lebesoindepleurerunboncoupétaiententraindelarattraper.Ouunverrebientassé.Outoutçaàlafois.RagefitunehaltesurletrottoiretrepéraElliepar-dessusl’épauledesesgars.
Vautrée dans un sofa, l’humaine était livide et paraissait épuisée. Riend’étonnant après ce qu’elle avait vécu. L’Hybride avait dû mobiliser toute saforcedecaractèrepour l’abandonnerainsialorsqu’iln’avaiteuqu’uneenvie :l’enlacer,larassurer.Sijamaisellefondaitenlarmes,audiablelesapparences,ilétaitrésoluàfilerlarejoindreetàlacajolerjusqu’àcequ’ellesesentemieux.Sontéléphonesonna;ildécrochaaussitôt.—Oui,Justice?—Qu’est-cequis’estpasséavecl’humaine,danslasalled’eau?Jet’aisuivi
à l’écran jusque devant la porte,mais il n’y a pas de caméra dedans. Tout vabien?Rageréponditàvoixbasse.—Ilsl’ontviolentée,maisj’aigardémonsang-froid.—Bien.(Justiceménageaunepause.)Tuasfaitunboulotremarquable,Rage.
Jesuisfierdetoi.Leshumainssontunrienagacésquecesoientlesnôtresquiaient sauvé Ellie. Ils l’ont mal pris en découvrant qu’on avait notre propresécurité.— Homeland est à nous. Le président des États-Unis en personne nous a
garantiquenouspouvionsprendrelesrênesdèsquenousnoussentionsprêtsàlefaire.— Je sais, je sais… Ils culpabilisent un max d’avoir financé Mercile
Industries sans vraiment savoir ce qui se passait. Les autorités tiennent à seracheter;sionannoncepubliquementqu’ilsontmerdé,leurimageensouffriradans lemonde entier.Nous avons intérêt à lesménager jusqu’à ce qu’on soitcapables de tout gérer nous-mêmes. J’ai cru comprendre que ça avait chauffé,avecArtino…Qu’est-cequis’estdit,aujuste?—Iln’étaitpascontentqu’onaitréussiàlaplacedesesgars,etçal’afâché
toutrougequej’aieordonnéauxnôtresdebloquerl’accèsaudortoirletempsdem’assurerqu’Ellien’avaitriendesérieux.Justicehésita.—Tu contrôles la situation, avec elle ?C’est indispensable. Les nôtres ont
besoin qu’on fasse preuve d’autorité et qu’on serve d’exemple, faute de quoi,jamaisnousn’arriveronsàsortirdecettesemi-captivité.Je t’aichoisipourmeseconder pour le respect que tu inspires, parce que tu sais discipliner tesémotions et parce que tu es prêt à tout pour le bien-être de notre peuple, aumoinsautantquejelesuis.—Tun’asrienàcraindredececôté-là,assuraRage, leregardtoujoursrivé
surEllie.Jesaisqu’ellen’estpaspourmoi.— Sache que ça me désole, rétorqua Justice en soupirant. Tu as droit au
bonheur.Retourneaudortoirdesmecs,j’yvaisdecepaspourféliciternosgars.
CHAPITRE8
LedirecteurBorisfusillaEllieduregard.—Jevoussommed’expliquerlaraisondevotrerefus,mademoiselle.Ellie, furieuse, lui rendit son regard noir et fut à deux doigts de l’envoyer
balader.—Qu’ya-t-ilàexpliquer?Nem’obligezpasàrépéter,çafaitcentfoisqueje
dislamêmechose,lacentunièmenechangerapasd’uniotasousprétextequevous digérez mal le fait qu’ils disposent de leur propre service de sécurité.L’agentRagem’aaidéeàfairematoiletteauxlavabos.J’étaistellementsecouéequejen’arrivaisplusàmarcher.Jevenaisdetuerdeuxtypes,merde,jesuisunesimplecivile,pasuneancienned’uncommando!—J’ensuisconscient,grinça-t-il.—AbasourdiequecesbarjosaientréussiàpénétreràHomeland,jenetenais
plus debout. Si vous avez visionné les enregistrements vidéo, vous savez quel’agent Rage a dûme porter.Mes fringues étaient couvertes de sang ; il m’arefilésoncaleçonetsachemise,pointbarre.C’étaitlamoindredeschoses,non?C’estquoi,votreproblème?Dresséesurlapointedespieds, la jeunefemmerésistaà l’enviedegiflerce
salecon.—Ils’est livréàdescontactsphysiques inappropriés ; jeveuxvotreplainte
pour harcèlement sur mon bureau avant dix-huit heures. Nous devons leursignifierqu’ilsnepeuventpassepermettretoutetn’importequoi!Ilsn’étaientpasautorisésàagircommeilsl’ontfait.Pascroyable,songeaEllie,bouchebée.—Jerefuse!Iln’arienfaitdemal.Sivousteneztantqueçaàmontrerqui
pisseleplusloinenmatièredecontrôledelasituation,oubliez-moi, jenesuispasoutilléepourcetyped’enfantillage.Borisfitlasourdeoreilleausarcasmeplusquesuggéré.—Cetypevousatraînédansunesalled’eau,vousvousêtesdévêtuedevant
luietilafaitdemême,çacouledesource,puisqu’ilvousadonnésoncaleçon.C’esttoutàfaitinacceptable.Rédigezcerapportsur-le-champ.C’estunordre.
— Il n’y a pas de caméra, dans la salle de bains du rez-de-chaussée.Vousignorezcequis’yestpassé!hurlaEllie,désormaisplusquefurieuse.— Ce n’est pas difficile à imaginer… Que vous arrive-t-il, mademoiselle
Brower?C’estl’agentRagequivousfaitceteffet?Auriez-vouséchangéautrechosequedessous-vêtements?Ilvousabaisée?Ellie recula d’un pas et serra les poings. L’envie de le cogner était presque
irrépressible.Ellen’encroyaitpassesoreilles,ilallaitbeaucoup,beaucouptroploin.—Vousêtesunsalevicelard,directeurBoris.Luietsesgarsm’ontsauvéla
vie.Oùdiableétaientvosprécieuxvigiles,quandcesfousfurieuxontdéfoncélesportesdudortoiràcoupsdevoiture-bélier?Oùétaient-ils,quandilsm’ontdonnélachasseaurez-de-chaussée,quandj’aiétécontrainted’entuerdeux?Oùétaient-ilsquandcessalaudsm’ontmaltraitéesousl’objectifdescaméras?Desfumiersquis’apprêtaientàmeviolerpuisàmefairelapeau?J’ailaréponseàcettequestion.Ilsétaientbienauchaud,dansunesalledecontrôleblindée.Cesontlesagentsdel’OPHquisontvenusmesauverlavie,puisc’estl’agentRagequi,sachez-le,estentrédansunecabinependantquejemedéshabillais,puisquim’aaidéeàmenettoyerengardantlesyeuxferméstoutdulong.Ilnem’apasvuenue,mentit-elle.Quantàmoi,mentit-elleànouveau,toutcequej’aivudeson anatomie, ce sont ses bras. Vous n’avez pas le droit de me demander decommettre un parjure dans un rapport bidon sous prétexte qu’ils ont assurépendantquevosgarssefaisaientdessus.LedirecteurBorisbonditdesonsiège.—Vousêtesvirée.PrenezvosaffairesetquittezHomelandsur-le-champ.Je
me charge personnellement de vous faire arrêter pour violationde propriété sivousêtesencoreicidansuneheure.Mesgarssefontdessus?Soyeztranquille,ilssaurontvousdégageràcoupsdepompedans leculpar lagrandeporte.Lapoliceducomtéseraprévenue,elleaussi.Cesmessieursvoushébergeront…auxfraisducontribuable.Ellehochalatête.—Lacouillemolleaparlé,cracha-t-elleavantdetournerlestalonsetdesortir
entrombedubureaudeBoris.Elliefonditenlarmesdanslescouloirsdubâtimentprincipal.Cesalaudnelui
laissait qu’une heure pour rassembler ses affaires et dire adieu à son uniquefoyer. Il allait falloir appeler la sécuritépourqu’ilsgarent savoituredevant ledortoir :parprécaution, lesvéhiculespersonnels étaient rangés surunparkingsurveillé, au fin fond de l’enclave.Elle avait quelquesmalheureuxmilliers de
dollarssursoncompte,aucunpointdechuteetpasde travail.Pireencore, lespensionnaires allaient lui manquer ; elle avait noué des liens étroits avecplusieurs d’entre elles.Alors qu’elle arrivait à la hauteur duposte de sécurité,prèsdelasortie,unvigilepatibulaireluibarralaroute.—LedirecteurBorism’aordonnédevousconfisquervotrebadgeetdevous
conduireillicoàlasortiedeHomeland.Ons’occupederangervosaffairesdansvotrevoiture ;vousenprendrezpossessiondansmoinsd’uneheure,à laporteprincipale.Ellie prit conscience avec effroi qu’elle n’allaitmême pas pouvoir faire ses
adieuxauxfillesetrangerelle-mêmesesaffaires.Le«couillemolle»étaitentrop,ilaconduitBorisàsesurpasserdansleregistredusalecon.Etmerde.SapenséesuivanteconcernaRage.Jenelereverraijamais.Ladouleurfusaenelle.Ilavaitbeaulaconsidérercommesonennemie,laperspectivedeneplusjamaiscroisersonregardluifaisaitmal.Elleadressaunsignede têteauvigilequi,déjà,avait lamainsursonarme.
Provoquerunesclandreneferaitqu’aggraverunesituationdéjàcatastrophique.Elliedégrafasonbadgeetletenditaucerbère,quilâchasonflingue…etsaisitlajeunefemmeparlebras.—Jepeuxm’yrendretouteseule,merci.Elletentavainementdesedégager:ilrefusadelâcherprise.—J’aireçudesordres.Aupremiersignederésistance,jedoisvousarrêteret
vousconfieràlapoliceauxportesducomplexe.Constatant qu’il était inutile de lutter,Ellie cessa de se débattre et releva la
tête. Au bord des larmes, elle se laissa guider sans ménagement jusqu’àl’extérieuroùlesoleilbrillaitdemillefeux.Deuxautresvigilesattendaientlà;l’und’euxluiarrachasonbadge.LedirecteurBorisavaitmis lespetitsplatsdans lesgrandspoursignifiersa
colère : troisgorilles, riendemoins!Quel trouducul.Lesdeuxnouveauxseplacèrent devant et derrière celui qui la traînait toujours avec rudesse vers unvéhicule de patrouille, et qui la balança presque sur la banquette arrière. Ellefermalesyeuxquandlavoituresemitàrouler:ilslaconduisaientversl’entréeprincipale, elle s’apprêtait à quitter définitivement Homeland… et la vie deRage.Ellie fut poussée à l’extérieur, en lisière d’une foule de manifestants. La
nervositélagagnatandisqu’elleattendaitsavoiture.Ellejetauncoupd’œilauxanti-Hybridesets’empressadedétournerlesyeuxdèsqu’ellecroisadesregardshaineux. Si les opposants ignoraient tout de ses liens avec les Hybrides, ils
avaientvulasécurité laconduireà l’extérieurducomplexe.Ellieserapprochainsensiblementdesportesenvoyantquelquesindividusavancerverselle.—Reculez,beuglal’undesgardesenbrandissantsonfusil.Ellies’immobilisa.—J’attendsmavoiture.Cesgens-lànem’aimentpas,dit-elleenseretournant
verslafouleamasséetoutprès.Patienteràl’abri,c’estvraimenttropdemander?Levigileaffichaunrictusmauvais.—Derrièrelaligne,j’aidit.Nem’obligezpasàfaireusagedemonarme.Ellievitqu’ilneplaisantaitpas.Elle fitvolte-faceetavançade troismètres
jusqu’à se trouver au-delà de la ligne peinte au sol. Certains manifestantsn’étaientplusqu’àunmètre.L’und’eux la foudroyadu regardetmarchaverselle:unebruteépaisse,façonvoyoutoutjustesortideprison,aveclesbrasstriésdetatouagesfaitsàl’arrache.—Quit’es?Ont’avuesortirdelà-dedans,tuseraispasunedecesdébiles
qu’enpincentpourlesanimaux?Elleravalasasalive.—Fichez-moilapaix.Uneautreprotestataire ladévisageaavecunairmauvaispuiss’adressaàun
vigile.—C’estqui,cettenana?LegarderéponditsansunregardpourEllie.—Elletravaillaitici,maiselles’estfaitvirer.Ellie, qui n’en revenait pas que le vigile l’ait dénoncée, sentit aussitôt
l’hostilité de la foulemonter d’un cran.La peur l’incita à se rapprocher de laporte:certainsdeceuxquil’épiaientavechargnedevaientapparteniraugroupequivenaitd’attaquerHomeland.Legardeaufusilluifitunsignedementon.—Derrièrelaligne.—Ouais,c’estça,beuglaquelqu’un.Pourquoit’approchespas,salope?Ona
deuxmotsàtedire…Ellieétudialafoule.Ilsavaientarrêtédefairelescentpasenbrandissantleurs
pancartesflanquéesdemessagesdehaine;lesanti-Hybridesformaientunmurcompactetfondaientpeuàpeusurelle,àlamanièred’unetrouped’émeutiers,en agrippant leur panneau comme s’il s’agissait d’une batte de baseball.Désormais terrifiée,Elliese tournavers l’entréedeHomelandets’agrippaauxbarreaux.—Jeferaiunprocèsàtousceuxd’entrevousquileslaissents’enprendreà
moi!Vousfinireztousentaule…
—Ehbien,pars,ricanal’undesvigiles.Ilsneteferontriensitun’espluslà.—Pasquestion!J’attendsmavoitureetmesaffaires,jen’aimêmepasmes
papierssurmoi!Legardehaussalesépaulesetsefenditd’unsouriremauvais.—Tasécuritén’estplusnotreaffaire.Tun’esplusemployée ici,ma jolie :
démerde-toietrecule,nousobligepasàemployerlamanièreforte.Pasl’enviequi m’en manque, note bien, vu que tu milites pour que les Hybrides nouspoussentauchômage…—Qu’est-cequisepasse,ici?tonnaunevoixdebassedepuislecheminde
ronde.EllielevalesyeuxetaperçutunHybridequ’elleneconnaissaitnidenomni
de visage. Un dur à cuire, apparemment, vêtu d’un battle-dress noir barré dulogoOPH.—Rien,réponditlevigile.L’Hybridefronçalessourcilsencroisantleregardd’Ellie.—Jesuisagentdel’OPH,c’estmoiquicommande, ici.Pourquoivousêtes
dehors?—J’ai été virée. (Elle avisa la foulemassée dans sondos.) J’attends qu’on
m’apportemavoiture,iln’estpasquestionquejeparteàpied.Lasécuritérefusequejepatienteàl’intérieur…etçacraintpasmal.J’aimeraisvraimentpouvoirattendreàl’abri.Quelqu’unlançaunprojectilequitouchaEllieaubras.Ellegrimaçaetbaissa
latêteversl’objetdudélit:unecanettedesodad’oùgiclaitunliquidenoirâtre.Elliereculaautantquepossible,dosàlagrille,quandfusaunnouveauprojectile.Elle esquiva de justesse une bouteille d’eau qui rebondit contre un barreau, àquelquescentimètresdesatête.—Faites-laentrer,ordonnal’agentdel’OPH.Toutdesuite!—Elleaétélicenciée,sedéfenditlevigile.C’estplusnotreproblème,merde.—Jevousordonnedelalaisserentrer,grondal’Hybride.Mettez-laàl’abriet
nem’obligezpasàmerépéter.Au plus vif soulagement d’Ellie, l’un des gardes, toujours en rogne, lui fit
cependant signed’avancer.Unnouveauprojectile la touchaà l’épaule.Ellenesut pas ce que c’était, mais ça lui fit un mal de chien. La grille s’ouvrit ;quelqu’un lança autre chose mais manqua sa cible ; Ellie courut presque seréfugierduboncôtédesbarreaux.Ellelevalesyeuxtoutensemassantl’épaule,maisl’agentdel’OPHavaitdisparu.—Restezprèsdelaporte,beuglalevigileleplusproche.
La jeune femmeacquiesça : l’essentiel était d’être à l’abri, elle pouvait trèsbienpatientericiletempsquesavoiturearrive.Lesmanifestantsn’avaientpasrepris leur va-et-vient, ils continuaient à la fusiller du regard. Tas de cons,songea-t-elleenleurtournantledos.S’asseoirn’auraitpasétéderefus,maispasparterre.Ellefermalesyeux,rentralesépaulesetpriapourquel’attentenedurepas.—MademoiselleBrower?EllierouvritlesyeuxeteutlasurprisedevoirarriverRageencompagniede
l’agentdel’OPHquiavaitordonnéauxvigilesdelalaisserrentrer.Ilportaitunjean, une chemise àmanches longues et des bottes. Ses longs cheveux étaientramenés en queue-de-cheval… et il avait l’air furax. Ellie sentit son cœurs’emballer:soussesdehorsfuribards,ilétaitsexyendiabledanscettetenuequimettaitenvaleurseslargesépaulesetsatailleétroite.Ils’immobilisaàunpeuplusd’unmètred’elle,soncollègueàmaindroite.— Que se passe-t-il ? Slade, ici présent, vient de me faire un topo de la
situation. (Il étudia Ellie des pieds à la tête.) As-tu été blessée par leursprojectiles?Elliesecoualatête,ayantdécidédetairesadouleuràl’épaule.Elles’obligea
àquitterRagedesyeuxetreportasonattentionsurSlade.L’agentdel’OPHquivenaitdeluisauverlamisel’observaitaveccuriosité.—Mercidem’avoirpermisd’attendremavoiture à l’intérieur.Çadevenait
moche,dehors.Il hocha la tête ; Ellie se remit à dévorerRage des yeux. Elle semordit la
lèvre,hésitauninstantpuispritsadécision.Ildevaitêtremisaucourantdecequis’étaitpassédanslebureaududirecteur…etelleressentaitaussilebesoindeluifairesesadieuxenprivé.— Je peux vous parler en privé ? dit-elle en louchant vers le vigile qui,
d’évidence,buvaitchacunedesesparoles.Rageopinaaprèsavoirfroncélessourcils.—C’estuneaffairequineregardequemoi,ouSladepeutyassister?— Je ne vois aucun mal à ce qu’il assiste à la conversation, dit Ellie en
souriantàl’intéressé.—Éloignons-nous,tranchaRageentournantlestalons.Levigiledeboutprèsd’Elliesaisitcelle-ciparlebras.—Elleresteici.LedirecteurBorism’adonnél’ordredel’expulser, jeviole
déjàsesinstructionsenl’ayantautoriséeàréintégrerlepérimètre.Ellen’irapasplusloin.
Rageseretournad’unbloc.—Bas les pattes, gronda-t-il sans chercher àmasquer sa fureur.Les ordres
quejedonneoutrepassentceuxdudirecteur.L’humainenousaccompagneettoi,turestesici.Biencompris?Net’aviseplusdelatoucher.Levigile,abasourdi, lâchalebrasd’Ellieetrecula.Ragefitsigneàla jeune
femmedepasserlapremière.Ellieobtempéraetneseretournaqu’auboutd’unevingtaine de foulées, puis jeta un coup d’œil derrière les deuxHybrides pours’assurerqu’aucungarden’étaitenmesuredelesentendre.Toutetracedecolèredisparue,Ragelaregardadanslesyeux.—Quetenais-tuànousdireenprivé?—VousprévenirqueledirecteurBorisestremontéàbloccontrelacréation
de votre équipe de sécurité. Il a tenté deme faire écrire un rapport à chargebidon,danslequeljedevaisdiredumaldetoietdetesgars.S’ilatentélecoupavecmoi,ilréessaieraavecd’autres.Ilnesupportepasdutoutquevouspreniezlesrênesdelabase.Ilfallaitquejevousledise.(Courtsilence.)Vousm’avezsauvélavie.J’estimequevousvalezmieuxquelasécuritéofficielle.Vousavezmis dans lemille, Justice et toi :Boris est prêt à tout pour rester à la tête deHomeland.Jenepouvaispaspartirsansvousmettreaucourant.Ragerestaun longmomentà ladévisagerpuishocha la tête.Slade,quantà
lui,restaitdemarbre.Impénétrable.CommesiEllievenaitdeparlerdelapluieetdubeautemps.Rageprituneprofondeinspiration.—Quelgenrederapport?Elliecontemplasespieds,incapabledeleverlatête.—Borisvoulait faireun scandaleautourde la séancedenettoyage,dans la
salledebainsdudortoir.Ilm’asuggérédestrucspasjolis-jolis.(Ellie levalesyeuxuncourt instantpuis se replongeadans l’examendeseschaussures.) J’airefusé. Il n’avait pas le droit demedemander de faire un faux témoignage. Ilfallaitquejeteprévienne,cesalaudestcapabledetout.Ellie sentit le regarddeRagepeser sur elle alors que le silence s’éternisait.
Quandelleserésolutenfinàleverlesyeux,ellevitqu’ilavaitlabouchepincée.—C’estpourçaqu’ilt’avirée?Onvienttoutjustedem’eninformer.Lesnouvellesvontvite.—Ça, et peut-être aussimon vocabulaire fleuri quand j’ai vu à quel point
monrefus lemettaitenpétard. (Elleesquissaunsourire sans joie.) Ilm’auraitcertainementautoriséeàfairemesvalisesmoi-même,maisc’étaitplusfortquemoi,ilafalluquejel’insulte.LeslèvresdeRageformèrentunrictusquin’avaitriend’unsourire.
—Jevois…Donne-moitonadresseettonnumérodetéléphonefixe,aucasoù Justice voudrait te toucher un mot. Pas besoin de les écrire, je m’ensouviendrai.Elliesentitsesépauless’affaisser;elledétestaitd’avoiràluiavouersatriste
situation.—Ilfautquejemetrouveunechambred’hôteletuntravail.J’habitaisdans
unautreÉtatquandjemesuisdécidéeàvenirbosserici;j’airendumonancienappart,jen’ainullepartoùretourner.Toutcequejepeuxtedonner,c’estmonnumérodeportable…àconditionqu’ilsl’aientrangédansmesaffaires.Sinonjepourraitoujourstéléphonericietcommuniquerlenumérodumotel.Commeça,Justice sauraoùme joindre s’il avraiment l’intentiondemeparler,maispourl’instant,j’ignoreoùjevaisloger.Ragecillaetgardalaboucheclose.IldévisageaEllie,enproieàuneréflexion
dont lanatureéchappaità la jeune femme.Elle rompit lecontactvisuelquandSladepritlaparole.— Tout va s’arranger, j’en suis sûr, mademoiselle Brower. N’oubliez pas
d’appelerpourlaisservoscoordonnées.Elliehochalatête.—Entoutcas,merciencoredem’avoirpermisd’attendreàl’intérieur.Elle se tourna vers Rage et prit conscience que c’était probablement la
dernièrefoisqu’ilssevoyaient,cequi l’attristaprofondément. Il lui renditsonregardsanspipermot.Ellieserenditcomptequ’elleavaitbeaucoupdechosesàluidireettrouvauneformulequirésumaittout.—Essaiedevivreheureuxetmercid’avoirdécidéquejeméritaisdevivre.Elleluiadressaunsouriresansjoiepuissedirigeaverslevigilequipatientait
prèsduportail.Ellesentitleregarddel’Hybridepesersursanuquetoutdulong,maiselletintbonetnesedéhanchapasunefois.Lapageétait tournée,ilétaitlibre,désormais,etilsétaientquittes.Sa voiture arriva une demi-heure plus tard. Elle prit possession des clés,
remarquasonsacàmainsurlesiègepassagerets’installaauvolant.Sonmoralétaitauplusbas.JamaisellenereverraitHomelandouRage;quantàsavoiroùdormircettenuitoucequ’elleallaitfairedesavie…Lesvigilesluiouvrirentleportailetfirentreculerlesmanifestantsafinqu’elle
puisse accéder à la chaussée. Un projectile heurta le flanc du véhicule. Elletressaillitmais s’éloigna sansprendre lapeinedevérifier si l’impact avait faitdesdégâts,c’étaitlecadetdesessoucis.
—Tuasbienagi,déclaraJusticeenflattantl’épauledeRage,quigardaitlesyeuxrivéssurleportaildepuispresquequaranteminutes.Jesaisàquelpointilt’estpénibledelalaisserpartirainsi.Rage luttait contre ses émotions – un combat difficile – et croisa le regard
inquiet du chef desHybrides quand il se décida enfin àmettre un terme à sasurveillanceduportail.— J’ai fait ce que tum’as demandé de faire quand tum’as appris qu’Ellie
venaitd’êtrevirée:jel’ailaisséepartir.Elleseraplusensécuritéàl’extérieur,sid’autresabrutisdécidentdelancerunnouvelassautsurHomeland.—Nosennemisontfaillilatuer,luirappelaJustice.C’estdifficilepourtoi,je
lesais.— J’ai dumal à admettre que je ne la reverrai probablement jamais, avoua
Rage.Çamefaitmal.LeremordsdurcitlestraitsdeJustice,quiétreignitdenouveaul’épauledeson
second.—J’ignoraisquec’étaitàcepoint…—Çal’est.—Vraimentdésolé,l’ami.—J’aiconsciencequ’elleadavantagesaplacedanssonmondequedans le
nôtre. Cela étant, ellem’a avoué qu’elle n’avait nulle part où aller. Qu’est-cequ’ellevadevenir?J’auraispeut-êtredûluidemanderderester…Onauraitpuforcerlamaindudirecteurpourqu’ellegardesaplace.— Lemoment est mal choisi pour faire des vagues. Chaque chose en son
temps.Tuasfaitcequiétaitlemieuxpournotrepeuple.Jeregrettevraimentquecelatecoûteautant,çacrèvelesyeuxqu’ellecomptebeaucouppourtoi.Voilàcequejetepropose:dèsqu’onalescoudéesfranches,onluioffrederempiler.LepoidsécrasantquipesaitsurlapoitrinedeRages’allégeaunpeu.—Jeveuxqu’ellerevienne.Il avait besoin d’elle. La perspective de ne jamais la revoir sourire, de ne
jamaisréentendrelesondesavoix,luilaissaitungoûtdecendredanslabouche.Àquoiboncontinueràvivredanscesconditions…—J’ailesentimentqu’elleaétéviréeparcequ’elleaprisnotreparti.Çame
paraîtinjustedenepasluirendrelapareille.—Danscecas,propose-luideretrouversonjobdanslesplusbrefsdélais.Ça
nesaurait tarder ; toutcequinousmanque,c’estunpeudesavoir-faire.Nousavons de nombreuses lacunes à combler, mais chaque jour qui passe nousrapprochedumomentoùnousauronslamainsurledestindenotrepeuple.
—EtsijamaisellerefusedereveniràHomeland?Cenesontpaslesboulotsquimanquent,àl’extérieur…(Ledésespoirluivrillal’estomac.)Jepourraisnejamaislarevoir…—Danscecas,l’ami,ilfaudralâcherprise.Tournerlapage.Rageneréponditrien;ladouleurirradiaitdanstoutsonabdomen.Renoncerà
Ellie ?Tourner la page, se remettre à vivre comme si de rien n’était ? Il s’ensavaitincapable.Ill’avaitdanslapeau,ellefaisaitpartiedelui…maiselleétaitpartie.Peut-êtreàjamais.— Viens, lui glissa Justice à voix basse. Marchons un peu. Il n’est pas
questionquejetelaisseruminerdanstoncoin.Ragehésita,jetaunderniercoupd’œilauportailetsutqu’ellenereviendrait
pas.Ilhochalatête.—Merci.Ellie poussa un juron en découvrant qu’on avait tagué sa voiture : un
manifestantavaitdûluifilerletrainjusqu’aumotel.Elleavaitpourtantprissoinde vérifier si elle n’était pas suivie quand elle avait quitté Homeland quatreheures auparavant.Drôlement rusés, ces salopards… et tenaces avec ça ! Ilssavaientdansquelhôtelelles’étaitarrêtéeetavaientvandalisésavoitureàcausedesonlienprésuméavecl’OPH.Devraisfanatiques.Toutcequ’ellehaïssait.La jeune femme marcha d’un pas lourd vers sa chambre, excédée à la
perspectivededevoirappelerlesflics,répondreàdesquestions,puiscontacterson assureur. Il était exclu de déambuler à bord d’une auto flanquée de cethorrible slogan, c’était un coup à refroidir les employeurs potentiels. Elliegrogna,resserrasonemprisesurlesacdufast-foodetsondasapochearrièredejeanenquêtedelaclédesachambre.Le sésame en main, elle tenta de l’insérer dans la serrure, celle-ci était
bloquée. En se baissant pour inspecter le vantail, elle s’aperçut qu’on avaitbouché le trou de serrure avec du chewing-gum vert : probablement l’œuvred’unvaurienquelconque,songea-t-elle.Laportedelachambrevoisines’ouvritsubitementàlavolée.Ellevitdéboulertroiscostaudsd’aspectpatibulairesurlapasserelle.Lapeur
s’empara d’Ellie : les malabars n’avaient d’yeux que pour elle. Elle lâcha lapoignéeetrecula.Troismètresàpeineséparaientlesportesdesdeuxchambres,c’était fort peu en pareille circonstance, et les pires craintes d’Ellie seconfirmèrentquandl’undesgorilless’élança.—Ontetient,gronda-t-ilensaisissantElliequis’apprêtaitàdétaler.
—Fais-laentrer,Bernie,s’empressademarmonnerl’undesesacolytes.—C’estquoi,votreproblème?Ellie,prisedepanique,s’agrippadesdeuxmainsàlarambarde.—Lâchez-moi!—Mon problème, siffla le type dans son oreille tout en la ceinturant et en
s’efforçantqu’ellelâcheprise,c’estqu’ilparaîtquetut’esfaittringlerparundecesbestiaux.Onestlàpourtesauver.T’esvictimed’unlavagedecerveau.Mesauver?Iln’estpasquestiondemetuer,songea-t-elle,c’estdéjàça.Ces
débilesétaientconvaincusqu’elleétaitpasséedansl’autrecampcontresongré!Ellehurla,roualecostauddecoupsdepied.Cherchadel’aidedanssonchampde vision rétréci par la terreur. Repéra quelques badauds sur le parking encontrebas… qui levaient des yeux ronds sur la scène.Un quidam hurla à sonravisseurdelalâcher.— Et merde, maugréa l’un des complices, visiblement paniqué. On est
repérés!Filons!La pression exercée sur la taille d’Ellie cessa brutalement ; les trois types
détalaient. Hors d’haleine, endolorie, la jeune femme s’effondra contre labalustrade.Legrandsalopardquil’avaitceinturéeétaitbigrementcostaud.Elletourna la tête. Arrivés au bout de la galerie, les trois hommes dévalèrent lesmarchessivitequ’ils faillirent tomber,puisdisparurentaudétourdubâtiment.Elliesentitqu’elleallaits’écroulermaisparvintàempêchersesgenouxdecéder.Elle tremblait comme une feuille. Entendant une nouvelle porte s’ouvrir, elletournalatêteversl’originedubruit,s’attendantàvoirsurgiruneautremenace.Unefemmeapparut,unbébédanslesbras,levisageblême.—Volàlatire?s’enquitlafemme.—Non,réponditEllie,apaisée.—Lesflicsarrivent,lançaunhommedepuisleparking.Vousn’avezrien?—Çava,merci!ditEllieaprèss’êtreraclélagorge.Son sac de fast-food gisait par terre, à l’endroit où elle l’avait lâché pour
s’accrocheràlarambarde.Ellesepenchapourleramasser;ladouleurauventreluiarrachaunegrimace.Elleétouffaunjuron,priapourquelaprisedejudodugroslardneluilaissepasdebleusautourdelatailleettitubajusqu’àl’escalier.Assise en haut desmarches, elle remarqua les gens en contrebas et vit qu’unattroupement de curieux s’était formé. Son cœur battait la chamade après ceviolentcoupdestress,maiselleétaitindemne–etaffamée.Ellepiochadanslesac.Quitte à attendre l’arrivéede la police, autant enprofiter pourmangerunmorceau.
Ellie attaqua son hamburger et ouvrit la bouteille d’eau aromatisée. Elles’estimaheureusedenepasavoiroptépourungobeletdesodaquin’auraitpasrésisté à la chute. Puis elle sortit son téléphone portable de sa poche arrière.QuandelleavaitlaissésonnuméroàHomeland,uneheureplustôt,l’assistantedeJusticeavaitinsistépourqu’ellecommuniqueaussisonadresse.Orcemotel-ciétaitgrillé:lescingléssavaientqu’elleyavaitlouéunechambre.EllerappelalebureaudeJustice.Ilfallaitlespréveniretcelapressait,lesheuresdebureauseterminaientdansunepoignéedeminutes.—Salut,ditElliequandelleeutenfinenlignel’assistantedeJusticeNorth.
Ons’estdéjàparlétoutàl’heure,jecrois.EllieBrower.J’avaislaissélenomdumotel où je suis descendue à l’intention deM. North, mais j’ai bien peur dedevoir en changer. Je vous rappellerai demain matin pour vous indiquer manouvelleadresse.Vousavezbiennotémonnumérodeportable?Àl’autreboutdelaligne,lafemmesetutunlongmoment.—Pourquelleraisonchangez-vousdemotel?—Euh… (Une voiture de patrouille débouchait sur le parking.) J’ai eu des
soucis.Jerappelledemainmatinsansfaute.Ilfautquejeraccroche,là.Lapolicevient d’arriver, il faut que je rassemble mes affaires en vitesse pour qu’onm’escortequandjepartirai.Àdemainmatin.Elliecoupalacommunication.Ragefaisaitlescentpasdanssonbureau.Ellieétaitpartiepourdebon,jamais
ilnelareverrait,illuifallaitàtoutprixsefaireàcetteterribleréalité.Onfrappaàsaporte.Ilprituneprofondeinspiration,secomposaunvisageimpassibleetseraclalagorge.—Entrez.C’étaitCuivre,unamiqu’ilavaitmisàlatêteduprogrammedemiseàniveau
desHybrides.Ilentra,refermaderrièreluietpritappuicontrelacloison.—Onaunproblème.—Encore?C’estquoi,cettefois?—Desgardeshumainsquifontlesyeuxdouxàplusieursdenosnanas.Nos
garssonttrèsprotecteursenverselles.Ragesefenditd’unrictus.—Nosfillessontaptesàsedéfendrecontreunhumain.Jen’enaipascroisé
un seul qui soit de taille face à une Hybride en colère. (Il redevint sérieux.)Harcèlementousimpleflirt?—Simpleflirt,maisçapeutsuffireànosgarspourdéclencherunebagarre.
Lesfillesn’ontpasportéplainte,aucunenesesentendanger.Jepréfèrequ’onévitelesconflits.Sinosmâlessemettentàfrapperleshumainsaupremierclind’œilunpeuappuyé,çaprometpasmaldetensions…—J’irai leurparler.Organiseune réunion. (Rageconsulta samontre.)Dans
deuxheures?—Çameva,ditCuivre,toutsourires.Tuesunpèrepournoustous,tusais.
Toujoursàprodiguertesconseils,àgérernossautesd’humeur.Justice,lui,c’estunpeunotremère:ilveillesurnous,ilnousnourrit,c’estunniddouilletqu’ilnousfabriqueàHomeland.Rageluiprésentasonmajeurdressé.—Voilàlaleçondujour,fiston.Lesriresfusèrent.—Sic’estuneproposition,nonmerci,tun’espasmontype.—Tu prends tes rêves pour des réalités, gloussa Rage. Nos nanas ont bon
goût,aucunenevoudrajamaisdetoi.Cuivrefitquelquespasverssonami;sonsouriredisparut.—Àproposdenana…j’aisuquelapetitehumaineàquituassauvélavie
étaitpartie.Rageserembrunitàsontourethochalatête.— Le directeur l’a virée, et Justice m’a demandé de ne pas intervenir. Je
n’avais qu’une envie, pourtant : dire merde à Boris, lui rendre son job et lagarderavecnous.D’unautrecôté,l’attaquem’afaitcomprendrequ’ellecourtunvraidangerenrestantici.Justicearaison,elles’entireramieuxloindemoi.—En court-circuitant cet abruti bouffi d’orgueil, abondaCuivre, tu l’aurais
aidéàcomprendrequenousnoussavonsmaîtresdenotredestin.—C’estpile-poilcequeJusticem’adit.Quelmerdier…Jen’avaispasenvie
de la voir partir, et en même temps, je suis conscient de mes responsabilitésenverslesnôtres.Jemesenscoupéendeux.Pourqu’ellereste,ilfallaitquejeprovoque une crise avec Boris, ce qui promettait de saper tous les effortsentreprispourlacommunauté.—Tutienstantqueçaàcettenana?s’étonnaCuivre,lessourcilsarqués.Je
l’aiaperçueplusieursfois…elleesttrèsdifférentedesnôtres.Toutepetite.—Notredifférencedegabaritnem’apaséchappé.—En outre, c’est une humaine. (Cuivre se renfrogna.)Qui a travaillé pour
Mercile.Jesaisbienpourquellesraisonselleaagi,onatousétémisaucourantqu’elleétaitinfiltréeafindefairetomberMercile,maisj’aiaussicrucomprendrequ’il y avait du passif, entre elle et toi. J’étais présent dans la salle de
conférences,tusais.Etj’aibiencruquetuallaislatuersouslesyeuxdetousceshumains.Rageposaune fesse sur lebordde sonbureau, croisa lesbrasetpoussaun
grossoupir.— Il s’est passé un truc qui m’a donné à croire qu’elle m’avait trahi. J’ai
complètementpétélesplombs.— Sans déconner ! Jamais je ne t’avais vu aussi féroce, mec. Qu’est-ce
qu’ellet’afait?Courtsilence.Puis:—C’est lananadont je t’aiparlépeuaprèsnotre libération,quandonétait
logésdanscemotel,avantd’emménagerici.L’humainequiestentréedansmacelluleetquiatuéJacob.—Merdealors,marmonnaCuivre.—C’estlapremièrefoisquejeréagisaussiviolemmentenversquelqu’un.Je
suis…(Ragerestaquelquessecondesàcherchersesmots.)Obsédéparelle.Dèsqu’elle sourit, je fonds. Jen’aiqu’uneenvie : entendre le sonde savoix, êtreauprèsd’elle.—Merdealors,répétaCuivre.— Je veux qu’elle revienne. Je sais bien qu’on ne peut pas être ensemble,
maisrôderàlanuittombéeprèsdudortoirdesfillesetl’apercevoirdeloin,çam’allaitbien.Maintenant,mêmeça,jen’yaiplusdroit.Et…çamefaitmal.Lesilences’éternisa.Cuivrefinitpars’exprimer.—QuandondirigeraHomeland, tupourras l’inviter à revenir.C’est toiqui
serasàlatêtedelasécurité.Onn’auraplusàs’enfaireàproposdelafaçondontleshumainssecomportent.Tutesenscapabledetenirjusque-là?— J’en sais trop rien, admitRage. Je veux juste qu’elle revienne, la savoir
prèsdemoi…Mêmesiçanevapasplus loin.Jen’arrivepasàarrêterdemedemandercequ’elleestentraindefaire.Quelssontsesprojets,oùellecomptealler…(Savoixsemuaengrondement.)Etaussi,est-cequ’unhumainluitourneautouretchercheàapprochercellequim’appartient.—T’appartient?glapitCuivre,lesyeuxronds.—Oui,m’appartient.C’estcequimevientàl’espritquandjepenseàelle.—Tiens bon,mec.Nos gars apprennent vite, on sera bientôt aptes à gérer
Homeland sans l’aide de personne et tu pourras l’inviter à revenir. J’espèresincèrementqu’elleacceptera.— Et moi donc, dit Rage en se relevant. Passe les appels et organise la
réunion. Je m’occupe d’aller voir les gars et de programmer des séances
supplémentairesd’entraînementpour les teniroccupés.Leshumainsquiviventicinesontpasnosennemis–pourlaplupart.
CHAPITRE9
Elliebouclaitsonsac;unemployédumotelavaitdébloquésaserrureafindeluipermettrederécupérersesaffaires.Satisfaitedenepasavoirprislapeinedetout déballer en arrivant, elle avisa le policier qui, resté sur le seuil, suivaitchacundesesgestes.—Mercid’avoirattendu.J’aifinimesbagagesetsuisprêteàpartir.C’esttrès
aimableàvousdeveillersurmoi.Leflichaussalesépaules.—Pasdequoi,c’estmontravail.Ellie empoigna son sac àmain et sa valise. L’agent s’écarta pour la laisser
sortiretrefermalaporte.Elledescenditlesmarchesens’efforçantd’oublierlesclientsde l’hôtelqui louchaient sansvergognesur l’attractionde la soirée.Unsoupir lui échappa ; il lui répugnait de devoir jouer la bête curieuse pour unepoignéed’inconnus.Ellegrimaçaenrevoyantlesmotsinscritssursavoiture.L’officierdepolice
avaitprisnotedupréjudicesubi,photographiéletagetluiavaitfourniunecarteafinqu’elleprenne rendez-vouspourporterplainte. Il luiouvrit lecoffrealorsqu’elle soulevait sa valise. Son bagage rangé, elle referma et se fendit d’unsourireforcéquandilluirenditlesclés.—Jepeuxvousdonnerunconseil?—Biensûr,dit-elleenopinant.L’agentconsidéralavoiturepuislaregardadanslesyeux.—Allezlouerunebagnoleetlaissezcelle-cisurleparkingdel’agence.C’est
unepetiteville,ici;sicescrétinssontdécidésàvouspourrirlavie,illeursuffiraderoulerdemotelenmoteljusqu’àtombersurvotrevéhicule.Vousserezfacileà suivre à la trace tant que votre assurance n’aura pas fait repeindre lacarrosserie.Génial, songea Ellie. Ses finances promettaient déjà d’être au plus bas tant
qu’ellen’auraitpasretrouvéunjob,etvoilàqu’illuiproposaitdebalancersonmaigrepéculeparlaportière.Celaétant…ilavaitraisonsurtoutelaligne.—Merciàvous.C’estuntrèsbonconseil,jevaislesuivre.
— Il me tarde de voir ces débiles lever le camp. Depuis l’arrivée desmanifestants,c’est toujourslamêmerengaine.Lesgensd’icisonttrèsheureuxd’accueillir Homeland, ne vous y trompez pas. Il y a de la place pour cesmalheureux au sein de notre communauté.Enoutre, c’est préférable au projetinitial : j’ai grandi aux abords d’une basemilitaire et les bidasses, ça fait dugrabugeenvilleàlapremièreoccasion.PaslesHybrides.CesontlesfanatiquesdeRacepurequisèmentlechaosdepuisleurarrivée,àcroirequ’ilsn’ontriendemieuxàfaire,maparole.Le sourire d’Ellie n’eut, cette fois, rien de forcé. Elle sentit la tension
retomber, c’était agréable d’entendre quelqu’un abonder dans son sens aprèstoutescesavanies.—Biend’accordavecvous.LesHybridesontdéjàassezsouffertsansavoirà
subircesfoutusracistes.—Jevaisresterunmomentdansvotresillagepourm’assurerquepersonnene
voussuit.—Merciencore.Ellieallaitouvrirsaportièrequandungros4x4noirarrivasurleparking.Elle
sefigea,intriguée.LevéhiculeressemblaitbeaucoupàceuxdeHomelandavecses vitres teintées. Il s’immobilisa derrière la voiture d’Ellie qui se raidit envoyantl’agentempoignersonarmed’unemainetsaradiodel’autre.Laportières’ouvritcôtéconducteur.Ellieobservad’unœilméfiantl’homme
qui contournait le 4x4 : costume sombre et lunettes noires. L’inconnu s’arrêtadevantlepolicier,puisparutregarderEllieducoindel’œil.Lesmainsécartées,paumestendues,ilmontraauflicqu’iln’étaitpasarmé.—MademoiselleBrower?DeanHoskins.C’estM.Ragequim’envoie.Vous
avez appelé le bureau deM.North, qui a cru comprendre que vous aviez ungenrede…problème.Rage?Elliesedétendit.—Toutvabien,assura-t-elleàl’agentdepolice.Hoskinscessad’agiterlesmainsdevantluidèsquelefliclâchalacrossede
son pistolet. Puis il ôta ses lunettes noires : ses yeux verts pétillaient desympathie.—M.Ragem’envoie vous chercher, vous et vos affaires. Ilm’a chargé de
voustransmettreunmessage.J’ignorecequ’ilsignifie,maisM.Ragem’aassuréque vous comprendriez. Voici donc : puisqu’il vous a sauvé la vie, c’estdésormais vous qui lui êtes redevable. Il vous demande deme suivre jusqu’àHomeland pour vous parler de vive voix. Il serait volontiers venu lui-même,
maisvucequisepasseauxabordsdeHomeland,nousavonsjugépréférablequejejouelesémissaires.Sansblague,songeaEllie.Ragevoulaitluiparler?Àquelpropos?Peut-être
regrettait-ildenepas luiavoir faitdevraisadieux ;àmoinsqu’il souhaite luidirequ’illuiavaittoutpardonné…ou,biensûr,qu’ilveuillesimplementsavoirce qui venait de lui arriver. Inutile d’espérer, en revanche, qu’il se languissed’elle. L’unique façon d’en avoir le cœur net était bien sûr de retourner àHomeland.Ellies’envoudraitàjamaisderefuserl’invitation.Elle adressa un signe de tête à Hoskins. Aucun coup fourré à craindre : le
messagequ’ilvenaitdetransmettreétaitduRagetoutcraché.—Entendu.Hoskinsrechaussaseslunettesnoires.Elliesetournaverslepolicier.—Mercipourtout,monsieurl’agent.Jemerendsdansuneagencedelocation
dèsquej’enaiterminéavecM.Rage.Ellie grimpa dans sa voiture et attendit qu’Hoskins fasse faire demi-tour à
l’imposant4x4surl’airedestationnement,puisellelesuivitjusqu’àHomeland.Elledétestalesregardsinsistantsdesautresconducteursetrepritpeurquandlafouledemanifestantsaperçutcequiétaitinscritsurleflancdesonvéhicule.Le taghorrible l’humiliaitet lacouvraitdehonte.Envoyant levigilequi la
laissaitentrerouvrirdesyeuxronds,Ellieétouffaunjuronetréprimal’enviedelui adresser un doigt d’honneur. Contrainte de rouler à bord de sa bagnolevandalisée, la jeune femmesuivit le4x4noir jusqu’aubâtimentprincipalet segarasurleparkingdesvisiteurs.Ellie prit son sac à main et sortit de voiture : il n’était pas question de se
séparerdesespapiersaprèslafaçondontelleavaitétéviréedeHomeland.Silamésaventure se reproduisait, elle tenait à garder le strict minimum avec elle.DeanHoskinscontemplalacarrosserieetfronçalessourcils.—C’estça,vosennuis?— En partie seulement. Je suis tombée sur trois débiles persuadés qu’on
m’avaitfaitsubirunlavagedecerveau,etvenusme«sauver».Dieuseulsaitcequ’ils m’auraient fait subir si leur tentative d’enlèvement n’avait pas avorté.(Elliesecoualatête.)Quelmondedecinglés…Rage faisait les cent pas sous le regard appuyé de Justice ; la réprobation
manifestedontilfaisaitl’objetfinitparl’agacer.Ils’immobilisaetaffrontasonamiduregard.—C’estquoi,tonproblème?Ellieavaitdesennuis.Tasecrétairel’aentendue
parlerdepolice, d’escortepourdéménager…Ça te chiffonne tantque ça, quej’aie envoyé Dean la chercher ? Il travaille pour nous. Il faut bien que leshumainsquisedéclarentnosalliésserventàquelquechose,non?—Jeneremetspasencausetonraisonnement.J’aicruqu’elleseraitplusen
sécuritédanssonmonde;detouteévidence,jemesuistrompé,lesennuisl’ontrattrapée très vite. Ce quim’inquiète, c’est la perspective de te voir péter lesplombsàsonarrivée.Tuasdéjàl’airauborddelarupture.Ragegronda,luttacontresacolèreetrecroisaleregardbienveillantdeJustice.— C’est mon instinct protecteur qui me joue des tours… En apprenant
qu’Ellieavaitdesennuis,mapremièreenvieaétédesauterdansuneJeepetdevoleràsonsecours.Çavabeaucoupmieuxdepuisquej’aienvoyéDean.— Heureux de l’apprendre, dit Justice en s’approchant de Rage. Si ça te
tracasseàcepoint,gardons-laici.J’arrondirailesanglesavecBoris,etsiçanemarche pas, je lui donnerai l’ordre formel d’autoriser Ellie à rester. Lescirconstances plaident en faveur d’Ellie, ça ne devrait pas poser trop deproblèmes.Borisesttrèsinquietconcernantnotrevolontédereprendrelamain,iltientàgarderlecontrôleabsolusurHomeland.Cemecabeauêtreunevraieplaieetnousconsidérercommedesenfants,endéfinitive,ilestnotreemployé.Je suis sûr qu’il y a des chambres disponibles dans le bâtiment des visiteurshumains;jevaispasserquelquescoupsdefilpourm’enassurer.Ragefronçalesyeux.—Pour que ce foutu directeur continue àmanigancer dans notre dos ? Tu
m’asplacéàlatêtedelasécurité.Jerefusedelaquitterdesyeux.—Oùenvisages-tudelaloger?rétorquaJustice,ébahi.—Jedisposed’unechambred’amis.Ellieyseraàl’abri.Personnen’estassez
stupidepourallerluichercherdespouxchezmoi,jepourrailagardersousclé.—Laprotéger,tuveuxdire.—C’estdupareilaumême.—Mauvaise idée.Mais c’est toi le responsable, déclara Justice enhaussant
les épaules. J’ai bien assez de problèmes avec la gestion de Homeland :comment tout payer, où trouver les fonds supplémentaires qui nous serontindispensables quand nous dirigerons tout… La générosité du président n’ysuffit plus, lamise auxnormes des défauts structurels révélés par l’attaque vanouscoûteruneblinde.N’oubliepasqu’uneréunionestprévuedanslamatinéeavec l’architecte. Je veux que tu épluches les plans avec lui ; c’est à toi dedécider si cequ’ilproposeparaît suffisantpour faireéchecàunnouvelassautsurl’entréeprincipale.
—J’yveillerai.Justicevintétreindresonamiparl’épauleetplongeasonregarddansceluide
Rage.—Jen’aiaucundoutesurtonprofessionnalisme.Cequim’inquiète,c’estta
charge émotionnelle dès qu’il est question de cette humaine. Je découvre unefailledanstacarapace,quin’existaitpasavant.Méfie-toi:lesémotionspeuventnousjouerdesalestours,ànousautres.—Jesaisfairelapartentremesresponsabilitésenverslepeuplehybrideetma
vieprivée.— J’en suis sûr, dit Justice en lui lâchant l’épaule. Bonne chance avec ton
humaine,dit-il,unsourireauxlèvres.Jen’aimeraispasêtreàtaplace.Mêmesiunehumainedoitévidemmentêtreplusfacileàappréhenderqu’uneHybride.Ragereniflabruyamment.—Détrompe-toi.J’aitouteslespeinesdumondeàlacomprendre,onvientde
deuxmondessidifférents…(Ilhésita.)Çamerenddingue,depenserqu’ilauraitpuluiarrivermalheur.—Essaiede tecontrôler.Leshumainspétochentdèsqu’ongrogneetqu’on
montrelescrocs.Justices’éloignaengloussant.Rage,quantà lui,grognadoucement. Ilallait
s’efforcerd’ensavoirplussurcequiétaitarrivéàElliesansfaireétalagedesacolère. Dean l’avait prévenu par téléphone qu’Ellie arrivait à Homelandmaisavait refusé d’en dire plus. Si la jeune femme pouvait conduire, c’est qu’elleétait indemne, ce qui était l’essentiel. Rage se dirigea en toute hâte vers leparking des visiteurs. Il avait souhaité être sur place à l’arrivée d’Ellie, maisJusticel’avaitretardé.—Qu’est-cequis’estpassé?Lavoixgravequis’élevadans ledosd’Ellie la fitsursauter ;elle lâchason
sacàmainenseretournant.Rages’étaitapprochéàpasdeloup,ilfaisaitsipeudebruitenmarchantqu’ellenel’avaitpasentenduvenir.Ellesentitsapoitrineseserrerenledécouvrantsiproche.—Essaie de faire un peu de raffut quand tu approches, j’ai failli avoir une
attaque.L’HybridefittroispasdeplusversEllie.—Tuassubiunetentatived’enlèvement?Ragesebaissa, ramassa lesacd’Ellieet le lui tenditdanssamain immense
toutenseredressantdetoutesahauteur.
—Commentças’estpassé?Elliesentitsonrythmecardiaqueralentir.—Desmanifestants ont dûme filer le train jusqu’aumotel. Ils ont loué la
chambrevoisinedelamienneetm’onttenduuneembuscadeaumomentoùjerevenaisdu fast-food. Jeme suismise àhurlerquand l’undes trois typesm’aceinturée,maisdestémoinsontcommencéàgueuleretmesagresseursontprislafuite.L’expressionsurlevisagedeRagecollaitaunomqu’ils’étaitchoisi.Illuiva
comme un gant, estima la jeune femme. Bouche cousue, il continuait à ladévisageretsemitàgrondersourdement.Puisilentrouvritlaboucheetmontralescrocs.Ellierecula,sursesgardes.Quellemouchelepique?Jen’airienfaitdemal…Ilparaissaitdenouveausurlepointdeluisauteràlagorge.— Tu n’es pas en sécurité à l’extérieur, décréta-t-il d’une voix rauque. À
compterd’aujourd’hui,turestesici.Neprotestepas.DeanHoskinsseraclalagorgeetexhibasonportable.— J’appelle la structure d’accueil des visiteurs pour voir s’ils ont un
appartementdisponible.—Paslapeine,rétorquaRage.Ellieemménagechezmoi.L’intéressée,interdite,fitlesyeuxronds.—Cheztoi?hoqueta-t-elle.Ilfitunpasverselle.—Tuas lechicpour t’attirerdesennuis,beauté.Àmoinsquecesoient les
ennuis qui sachent tout le temps où te trouver. Je dispose d’une chambreinoccupée.Tuvast’yinstaller,çamepermettradegarderunœilsurtoi.Oh,oh…Ellievitl’Hybridecesserdeladévorerdesyeuxpours’intéresserà
savoiture.Ilenfit le tour, inspectalesdégâtsavecsoinpuiss’arrêtadevant lajeunefemme.Illuipritlamainavecfermetémaissansbrusquerie.— Allons-y à pied, mon logement n’est pas bien loin. Quelqu’un passera
prendretesaffairesets’occuperaderetaperce…tasdeboue.—Maismavalise…,plaidaEllieentraînantdespieds.—Pasmaintenant,grinça-t-ilenl’obligeantàsuivrelemouvement.Rage s’élança. Contrainte d’avancer, Ellie remarqua du coin de l’œil
l’effarementdeDeanHoskins.Soucieusedenepasattirerd’ennuisàl’Hybride,elleseretintdefaireunescène:Ragesecomportaitainsidansl’uniquebutdelaprotéger…et laperspectivedequitterHomelanddéplaisaitbeaucoupplusà lajeunefemmequecelled’emménagerchezlui.—Mercid’êtrepassémechercher,lança-t-elle.
—Pasdequoi,maugréaHoskins.ElliedétaillaleprofilélégantetferméàlafoisdeRagetandisqu’elletrottinait
poursuivresonallure.Iltenaittoujourssonsacdansl’autremain.Enconstatantqu’ilavaitlesphalangesblanchiesàforcedeserrer,lajeunefemmes’inquiétadel’étatdanslequelelleallaitretrouversesaffaires.Ellesegardatoutefoisderâlerjusqu’àl’entréedubungalow.Illuilâchalamainsurleseuil,sortitsonbadgedesapochearrièreetdéverrouilla.Sesyeuxnoirsétaientrivéssurelle.—Allezzou,àl’intérieur.Elliehésita.—Pourquoies-tufâchéaprèsmoi?—Jenelesuispas,gronda-t-il.Entre.Elliepénétradansl’intérieurmaléclairéet jetauncoupd’œilàlaronde.La
porteserefermaàgrandbruit.Ellefitvolte-face:ilétaitlà,adosséàlaporte,etvenaitdelâchersonsacàmain.Elletressaillitenpriantpourquesonportableaitrésistéauchoccontrelecarrelage.EnrelevantlesyeuxversRage,ellevitqu’illadévisageaitavecintensitéetquesescrocssaillaientdenouveau.—Pourquelqu’unquin’estpasenrognecontremoi,risqua-t-elleàmi-voix,
c’estrudementbienimité…Tupourraisaumoins,jenesaispas,ajoutaEllieendésignantsaproprebouche,rangertescanines?Ragegronda.Elliereculadequelquespas.—OK,continue…Maisjetejurequequandtumontreslescrocsenfaisant
les gros yeux, tu donnes la nette impression d’être en pétard. (Elle reprit sonsouffle.)Quantaugrondement,dit-elleenhaussant lesépaules, s’ilne signifiepasquetuesfurieux,ilfautm’expliquer…—Jesuisfurieux.—Qu’est-cequej’aiencorefait?glapit-elleencontinuantàreculer.— Rien. Ce n’est pas dirigé contre toi. Tu as été virée parce que tu me
protégeais, jetée dehors à cause de nous autres Hybrides, et prise pour ciblecommesituétaisdesnôtres.—Mafoi…Elliesedétendit,secrètementraviedenepasêtredirectementresponsablede
samauvaisehumeur.—EnpostulantpourbosseràHomeland,jemedoutaisquejen’allaispasme
fairebeaucoupd’amischezlesdébiles.Jen’ytravailleraispassij’étaisd’accordavectouscescrétinsracistes.Ilssaventdecefaitdansquelcampjemeplace.Ainsi va la vie. Chaque cause a ses partisans et ses détracteurs, dont les plus
conssontnourrisàlahaine.—Personnenetehaitenraisondetesorigines.Elliesourit.—Jesuiscalifornienned’origine,maismafamilleestalléevivreenOhio.Un
AméricainsurdeuxestpersuadéquetouslesbarjosdupayssontoriginairesdeCalifornieduSud.Ragecilla.—Dansquelcampes-tuvraiment?Lajeunefemmes’interrogea.Craignait-ilqu’ellesoitsecrètementhostileaux
Hybrides?—Si taquestionconsisteàmedemandersi j’aidespréjugés, laréponseest
non.Quandj’aientendulesrumeursàproposdeMercileIndustries,ceshistoiresdecobayeshumainsgénétiquementmodifiés,j’aitoutdesuiteacceptédejouerlataupepourcoincercessalauds.Çam’horrifiaitdemesavoirauserviced’uneboîtedepareillesordures…(Courtsilence.)Àmesyeux,lesHybridessontdesgens comme les autres, point barre. Qui jouissent des mêmes droits que leshumainslambda.C’étaitça,taquestion?L’idéemêmedefaireundistinguomedébecte.RagefitunpasversEllieets’immobilisa.—Tu as entendu leur dernière réaction ? Ils flippent à l’idée qu’on veuille
fricoteravecleshumaines…Çat’inspirequoi?— J’ai été claire, non ?Vous êtes des gens comme les autres.Ce qui vous
donneledroitdefréquenterquivousvoulez.Aumêmetitrequemoi,niplus,nimoins.Ilhochalatête.—Etçateplairaitdesortiravecl’undesnôtres?Slade,parexemple?Tului
astapédansl’œil.Slade?Elliecilla;c’étaitceluiquiluiavaitsauvélamise,àlagrille.Ellelui
plaisait?Premièrenouvelle.—Jeleconnaisàpeine,sedéfendit-elle,fauted’autrechoseàdire.—Tul’asvucematinmême.— Oui, je vois de qui il s’agit, mais sans le connaître personnellement. Il
m’estdifficiledesavoirsij’aiounonenviedepasserdutempsaveclui.—Admettonsqu’ilteplaise.Tupourraissortiraveclui?Ensachantcequ’il
estvraiment?Ellie scruta attentivement Rage… et vit qu’il était toujours en colère. Pour
quelleraison?Mystère.
—Bien sûr,pourquoipas, rienne s’yoppose. Jenemesuis jamaisposé laquestion,enfait.— Nos deux espèces ne sont pas entièrement compatibles, dit Rage en
avançantd’unpassupplémentaire.Elliereculad’autant.Leurpetitmanègeserépéta.Encoreetencore.Elleeutle
sentiment diffus d’être… sa proie. Sa fureur était palpable, désormais, elleregrettaamèrementd’êtrevenuechezlui.Ilm’enveuttoujourspourcequis’estpasséaulabosouterrain?Aupointdesentirlebesoindemepunirencore?Ellelui avait pardonné ; pourtant, il avait fait pire qu’elle. Jamais Ellie ne l’avaitterrifié,étranglé,kidnappéenpleinenuitpuisligotésurunlit.—Pourquoitum’acculescontrelemur?Ellie regarda par-dessus son épaule : il ne lui restait plus qu’un mètre à
reculer, et elle n’avait aucune autre voie de repli. Après un coup d’œil affoléautourd’elle,elleaffrontaRageduregard.—Arrête!Tucommencesàmefaireflipper…— Tu n’as pas nié, quand j’ai dit que nos deux espèces n’étaient pas
compatibles,dit-ilencontinuantdefondresurelle.Ellie recula d’un pas supplémentaire et buta contre la paroi. Plus
d’échappatoirepossible.—Queveux-tuquejerépondeàça?Jenesaispasquoidire…Tupossèdesle
code génétique d’un être humain à peu de chose près, d’après ce que j’ai crucomprendre,jenevoispasoùtuveuxenvenir.Noussommespareils.—J’aipassétoutemaviedansunlabo.Rageplaqualesmainsdepartetd’autredesépaulesd’Ellie.Lajeunefemme
seretrouvacoincéeentrelemur,letorseetlesbrasdel’Hybridesansqu’ilssetouchent.—Jesuisaucourant.Ilétaittropprèspourqu’ellepuissesedétournerdecebeauvisage,désormais
toutprochedusien.Elleinhalasamerveilleusefragrancedemâleetsegardadumoindregestepourévitertoutcontactintempestif.—Ilsnoussoumettaientàdesexpériencestousazimuts,grondaRage.Nous
n’avonspasencore fait le tourdenosmodificationscorporelles,maiscelles-cisonttropflagrantespourqu’oncontinueàsementir.Nousnesommesplusdesêtres humains. Les caractères animaux sont trop nombreux. Certains sontapparents;d’autressontenfouisauplusprofond,dansnosgènes.Situsavaisàquelpoint jediffèred’unhumain lambda, tu serais terrifiée…Tout tonpeupleaurait la trouille,s’ilapprenaitcequ’onluicachedansl’uniquebutdesefaire
accepter. Nous voulons vivre en paix, sans faire de vagues, sans être la cibleconstantedegroupesextrémistes.Sacuriositépiquée,Ellieledévisagea.—Descaractèresanimauxcachés?Lesquels?Paslegrognement,entoutcas:ilgrondeàtoutboutdechamp…Àmoinsque
cesoituniquementenmaprésence?Ragehésita.—Jenesuispasentièrementhumain,inutiled’entrerdanslesdétails.Sache
seulementquenousdifféronssensiblement.Çava très loin,nous ignorons toutdenosparents,iln’yaaucunechancepourqu’onlesidentifieunjour.Aucunearchiven’aété retrouvée…Mercileadûdétruire toutcequiavait traitànotrepassé.Mêmenotreenfancen’ariendecomparableaveccelled’unhumain.—Quelssouvenirsgardes-tudetonenfance?Ilserralesmâchoires.—Jemerappelle lapeur, l’enfermement.Les ténèbresquime terrifiaient…
puis la douleur. Les liens qui m’empêchaient de bouger, les saletés qu’onm’injectait avec ces foutues seringues. Mes seuls compagnons d’enfance,poursuivit-ild’unevoixrauque,c’étaientlasouffranceetlabouleauventre.Elliesentitleslarmesaffluer.Ellelevalamainmachinalementetlaposasurle
brasdeRage.—Désolée,souffla-t-elle,désireusedeleréconforter.Ilfermalesyeux,pritdeprofondesinspirationspuisrouvritlespaupières.—Ilsm’ont…modifié.Jemerappelle lechocqueçam’afaitquand,après
avoirperdumesdentsdelait,j’aisentipousserdescanineslongueseteffilées.Jen’avaispasdemiroir,mais ladifférenceétaitnette.J’aiprisconscienceque jeressemblaisdemoinsenmoinsauxtechniciensetauxtoubibs.Quandj’aiatteintlapuberté, j’étaisdéjàhypermuscléàcausedes traitementsqu’onm’avait faitsubir et j’ai compris que ce n’était pas normal, que mon corps changeait enraisondesmerdesquecessalauds-làcontinuaientàm’administrer.—Jesuisvraimentnavrée,Rage,ditlajeunefemmeenluicaressantl’avant-
bras.Ilsn’avaientpasledroitdefaireça.—Jesais.Etquandonmeserinequetouteuneviedesouvenirsatrocesaau
moinslemérited’avoircontribuéàsoignerdeshumainsmalades,çamefaitunebellejambe.D’autantplusquandjepenseàtouscesgens,desmillierspeut-être,quisouhaitentmamort, toutçaparcequ’onm’a jetéenpâtureauxorduresdechezMercileetfaitvivreuneenfancedecauchemar…Nousavonssouffertpourque les humains aillent mieux et pour remplir les poches d’une poignée
d’actionnaires.(Ilseraclalagorge.)J’enaimaclaquedemesentirexclu,d’êtredifférent.L’époqueoùj’étaiscommelesautres,jen’engardeaucunsouvenir.Jemesuismisàépierceuxquivenaientmevoir,àmepalperlescrocsetlevisage,àdétaillerlesautresdifférencesphysiquesdemonanatomie,puisàfairegaffeàcequisedisaitenmaprésence.J’aifiniparpigercequ’onm’avaitfaitsubir…etpourquoi.J’étais terriblementseul,messeulsvisiteurs,c’étaientcesmauditsmédecinsettechniciens,jusqu’à…Ilsemuradanslesilence.—Jenet’enveuxpasd’êtreenrogneaprèstousceuxqui travaillaientpour
Mercile.Çane te faitaucunbien,desavoirqu’ilestsortiunpeudepositifdetoutecetteaffaire?—Non, gronda-t-il doucement.Peut-être. J’en sais rien. Je les hais pour ce
qu’ilsnousontfait.—Moiaussi.Qu’allais-tudireaprès«jusqu’à»?Tut’esinterrompu.Rage plissa les yeux, resta un instant à la dévisager, puis il s’éclaircit de
nouveaulagorge.— Jusqu’à ce qu’on fasse entrer une nana dans ma cellule. Une Hybride.
C’était la première fois que je voyais quelqu’unme ressemblant. Ils voulaientvoirsinouspouvionsnousreproduire.Leregarddel’Hybridesefixasurlemur,àcôtéduvisagedelajeunefemme.—Ilsnousontobligésàcoucherensembleàplusieurs reprises,maisçan’a
riendonné.Nousétionsincapablesdeproduireunedescendance.(Lamâchoirecrispée,ilcroisaànouveauleregardd’Ellie.)Etc’esttantmieux.Nousn’avionsaucuneenviequ’unenfantnaissedanscetenfer.Elliesemorditlalèvre.Samains’immobilisa.—Lesfillesyontfaitallusion,avoua-t-elle.C’estmal,cequ’onvousaforcés
à faire.Cruelet stupide.Desgenscapablesde tellesatrocités, j’appelleçadesdébilessanscœurnicervelle.Rageplongeasonregarddansceluidelajeunefemme.—Jetefaispeur,Ellie?Ellehésita.—Oui,quandtuesenrogne,maistrèsfranchement,çan’arienàvoiravecta
partanimale…C’estladifférencedetaille.Ragesentitsonimmensecarcasses’affaissersousl’effetdusoulagement.—Dansmachambre…avecmescrocs…Jen’aipasfaitexprèsdet’écorcher.Elle hoqueta sous l’effet de la surprise. Le cœur battant à tout rompre, elle
s’exhortaaucalmetandisqueRageladévisageaitsansmotdire.
—Jetecrois.— Je pense que je ne t’aurais pas blessée s’ils ne m’avaient rien fait…
J’auraislesdentsmoinslongues.La jeune femme ne sut quoi répondre et déglutit pour dissiper la boule qui
s’étaitforméedanssagorge.Àquoibonsementir?Rageluiavaitfaituneffetmonstredèslepremierinstant.Elleavaitrevécunuitaprèsnuitcequ’illuiavaitfaitsubirdanssonlitaucoursderêvesd’unérotismetorride.Cequ’ilsavaientpartagé était génial… jusqu’à ce qu’il se retire sans raison apparente et queJusticefasseirruption.—RemercietonDieuquejenesoispasalléauboutdemesintentions.Cette remarque, qui entrait en résonance avec l’émoi intime de la jeune
femme,fitgrimpersatempérature.—Quoi?…(Elledéglutitavecpeine.)Tupeuxt’expliquer?murmura-t-elle,
lavoixdevenuerauque.Unelueurindéchiffrables’allumadanslesyeuxdel’Hybride.—Ça t’aurait flanquéune froussede tous lesdiables.Nousne sommespas
entièrementcompatibles,dupointdevuesexuel.Ellieledévisageaets’apprêtaitàluiposerunenouvellequestionquandRage,
sanspréavis,s’écartadumuretluitournaledos.Ils’éloignadetroismètresendeuxenjambées.—Tachambre,c’estlapremièreàdroitedanslecouloir.Faiscommecheztoi.
Je passe à la sécurité pour qu’on t’établisse un badge temporaire ; dansl’intervalle,évitedesortir.Jem’occupeaussidefaireporterlesaffairesquisontdanstavoiture.Situasfaim,ilyapleindetrucsàboufferdanslacuisine.Là-dessus,ilquittal’appartementàgrandspasetclaqualaporte.Ellie resta un longmoment dos à la paroi, les yeux rivés sur le seuil qu’il
venaitdefranchir.Qu’est-cequ’ilvoulaitmefaire,cefameuxsoir?Ellefermales yeux, les bras serrés contre les flancs.Et qu’est-ce qui me prend, d’avoirenviedelesavoircommesimavieendépendait?Merdealors!Rageétait sortien toutehâteavantdese rendre ridicule.Lebesoind’attirer
Ellie tout contre lui, de coller son nez dans le cou de la jeune humaine, des’enivrerdesonodeur,étaitsipuissantquec’endevenaitdouloureux.Ilregrettadeluiavoiravouéqu’ilsn’étaientpassexuellementcompatibles:il
l’avaitfaitdansl’uniquebutdelachoquer.Delafairereculer.Cetête-à-têtesanstémoin avait fait naître mille désirs plus irréalisables les uns que les autres.C’étaitpourcelaqu’ilavaitprislapoudred’escampette.
Ilchoisitdeseconcentrersursacolère.Ellieavaitfaillisefairekidnapperàcausedesonlienaveclepeuplehybride…etcelalerendaitfurieux.Elletenaittant aux semblables de Rage qu’elle avait risqué sa vie pour eux, d’abord enjouantlestaupesauseindulaboclandestin,puisicimême,quandledortoirdesfillesavaitétéprisd’assaut.Elleétaitrestéeseuleaurez-de-chaussée,faceàdesextrémistes prêts à la tuer, dans l’unique but de pouvoir activer les volets deprotection.C’était la première chose que Rage avait donné l’ordre de modifier. Les
humains avaient fait du sale boulot : il aurait fallu installer d’emblée lacommande des volets aux étages supérieurs. Quelle connerie d’avoir placé lepanneauprincipaldanslapremièrepiècesusceptibled’êtreenvahie!Lesbeauxyeuxbleusd’Ellielehantaient.Ilsesentaitcapabledelesadmirer
touteune journéesans jamais se lasserduspectacle. Ilbrûlaitd’effleurercettepeau laiteuse,desenoyerdanssesbouclesd’or.Savoixétaitsuavecommelemiel:douceetrauqueàlafois.Ilseraitvolontiersrestéluiposercentquestionss’ils’étaitsucapablederésisteràl’enviefolledelatoucher.Ragevoulait toutsavoiràsonsujet,maishélas,resterdemarbresiprèsd’Ellieétaitau-dessusdesesforces.Elleétaitde retour,elleallaitvivresousson toit !Pasquestionde la laisser
repartir.RagesesentaitdetailleàveillersurEllieetsursonpeuple.IlcomptaitfermementrespectersaparoleenversJustice,fairesontravail…etseretrouveravecElliesitôtsajournéeterminée.Undemi-sourirenaquitsurseslèvres.Elleétaitchezlui.Ilforçal’allure.Plusviteilenauraitterminéavecl’ordre
dujour,plusviteillareverrait.Attentioncependantànepaslabrusquer,Rageavaitdûluiflanquerlatrouilleens’enfuyantcommeilvenaitdelefaire.Ilfallaitqu’ilsoitpatient.Cen’étaitpassonfort,certes,maispourEllie,ilétaitrésoluàledevenir.
CHAPITRE10
ElliesouritàBrise.—Heureuse de ta visite, vousm’avez vraimentmanqué, toutes ! J’ai émis
l’idéedemerendreaudortoir,maisRageadécrétéquecen’étaitpasunesuperidée.Ducoup,jesuiscoincéeici,dit-elleenembrassantlesalonduregard.(SonattentionsereportasurBrise.)Tutombesàpic,enfait,çafaittroisjoursquejesuisicietqu’ilm’interditdemettrelenezdehors…L’Hybrideluirenditsonsourire.—Tun’imaginespaslemalquej’aieuàluifaireaccepterl’idéedevenirte
voir!Jevoulaisqu’onvienneàplusieurs,maisMôsieuRagearefusétoutnet.(EllepenchalatêtedecôtéetdévisageaEllie.)Ildoitvraiments’inquiéterpourtoi.—Jevoismalpourquoi, rétorquaEllie enhaussant les épaules.Tantque je
suisàHomeland,lestarésquibrandissentdespancartesàl’extérieurnepeuventrienmefaire.Le troublequi se lutuncourt instant sur les traitsdeBrisen’échappapasà
Ellie.—J’airatéquelquechose?lança-t-elleaprèss’êtreassisedanslecanapéen
croisantlesbras.Brisehésita.—Unerumeurcourt…—Quelgenre?— Je sais qu’elle n’est pas fondée : l’odeur deRage n’est pas sur toi, elle
flotte dans l’air mais c’est normal, on est chez lui, après tout. Il n’empêche.Depuisquetuvissoussontoit,certainss’imaginentquevouscopulez.—Qu’oncopule?répétaEllie,lesyeuxécarquillés.Tuveuxdirequelesgens
insinuent…qu’oncoucheensemble?Briselaissaéchapperungloussement.—«Coucherensemble»,oui,c’estcommeçaquevousdites,vousautres.—Mais c’est faux ! On vit ici, on se parle, et ilm’évite comme si j’étais
pestiférée.
—Pestiquoi?Qu’est-cequec’est,ungroupedefanatiquesreligieux?Ellieéclataderire.—Unemaladiemortelle.Lapeste.—Oh, fit Brise, radieuse.On continue à enrichir notre vocabulaire, il était
limité,au labo.Jen’avais jamaisentenducemot. (Sonsouriredisparut.)C’estunsimple…ragot…desgens racontentque toietRage,vouscopu…couchezensemble, se corrigea-t-elle.Et l’idée ne plaît pas à tout lemonde.À certainshumainsquibossentàHomeland,notamment.Ragedoits’imaginerlepire.—Ilestaucourantdesconneriesqu’onracontesurnousdeux?Brisehochalatête.—Toutlemondeestaucourant.Leregarddel’Hybrides’arrêtasurlatélévision.—Ellenefonctionnepas?—Latélé?hoquetaEllie.Nemedispasquec’estauxinfos?—Si.Desemployésontdûentendredestrucsqu’ilssontallésrépéteraux…
commentdit-on, déjà ?Aux fouille-merde ?Vosnomsne sont pas cités,maiscertainsmédiasaffirmentqu’unHybrideetunehumaineviventensemble.Ilnemanquaitplusqueça!Elliesentitsesépauless’affaisser.—Pasétonnantqu’ilaitditnonquandj’aiparléd’allerchercherduboulotau-
dehors…Mais quand même, combien de temps je vais rester ici, à jouer lessangsues?—Lessangsues?Qu’est-cequeçaveutdire?Elliesouritmalgréelle.—C’estunebestiolequisucelesang.Onemploieletermequandonvitchez
quelqu’unenpillantlefrigoqu’ils’acharneàremplir.Commeunparasite,quoi.Pasfacileàexpliquer.Jesuisunbouletpourlui,situpréfères.—Commentça?Ilavaitbienunechambrelibre,non?La jeune femme se creusa les méninges ; certaines notions étaient plus
obscuresqued’autres.—C’estvrai.Ilm’hébergesansqueçaluipèsetrop,maisenrèglegénérale,
ça ne se passe pas comme ça sauf quand on forme un couple. Dans le cascontraire,quanddeuxpersonnessontcolocataires,ellesgagnentchacuneleurvieetpartagentlesfraisdefaçonéquitable.Jenesuisnisapetiteamieniunecoloc.Ilm’hébergeetmenourritsansquejeluidonnequoiquecesoitenretour.Unevraiesangsue.— Je crois que j’ai saisi, déclara Brise, souriante. Mais tu n’es pas une
sangsue.CommeRageignorecequec’est,tunepeuxpasenêtreune.
—Unpointpourtoi!s’esclaffaEllie.—Tun’asqu’àcoucheravec lui,aufond.En luidonnantquelquechoseen
retour,tuserassûredenepasjouerles…sangsues.Elliesefélicitadenepasavoirtouchéausodaqu’elletenaitàlamain,faute
dequoielleseseraitétranglée.ElledévisageaBrise,bouchebée.— Euh… Il faut éprouver des sentiments, pour coucher avec quelqu’un.
Quand on le fait pour de la bouffe, un toit ou de l’argent, ça s’appelle de laprostitution.Etc’estmal.—Tropcompliqué,commemot.—Pasfaux,convintEllieenbuvantunegorgéedesonsoda.—Fais-lequandmême.Tuluiplaisetc’estréciproque,non?Ilfautdirequ’il
est sacrément viril et sexy.On pense toutes lamême chose : n’hésitez pas, sivousflashezl’unpourl’autre.Lesujetaétéabordéenréunion.Ellieposasacanette.—Vousparlezdesexeenréunion?—Biensûr.Avant,onn’avaitpaslechoix.Ilfallaitlefaireaveclepartenaire
quinousétaitimposé.Onparledetoutuntasdesujets,enréunion.Lesexeaétéabordé.L’idée générale, c’est qu’on a le droit de le faire avec qui on veut dumomentqueledésirestréciproque.—Çame paraît acceptable, répondit Ellie en se passant lamain devant la
bouchepourmasquersonsourire.—C’estaussicequ’ons’est tousdit.Ilamêmeétéquestiondel’idéedele
faireavecvousautres,quandlarumeuracommencéàcirculer.—Rageetmoi…avonsétélesujetd’uneréunion?Ellie, sous le choc, sut qu’elle s’était emportée et sentit ses joues
s’empourprer. Les Hybrides ont débattu… en réunion… de mes supposéesrelationssexuellesavecRage?Miséricorde!—PastoietRagenommément,non.Maisonadiscutédecequipouvaitou
nonsepasseraulitentrenosdeuxpeuples.—Ah,fitlajeunefemme,vivementsoulagée.Dieumerci.—Etçaadonnéquoi?Brisehaussalesépaules.—On ignore si çapeut coller…Envous regardant faire surDVD,on s’est
renducomptequevousvousypreniezbizarrement.Ellieréprimaunfourireets’efforça–àgrand-peine–deprésenterunvisage
grave.
—Vousavezregardédesfilmsporno,sijecomprendsbien?Desvidéosquiprésententdeshumainsentraindecoucherensemble?—C’estça,ditBrise,toutsourires.—Euh… (Ellie dévisageaBrise.)Ces vidéos sont un peu…Enfin, elles ne
reflètentpasvraiment…(Soupir.)Jenefaispaspareil.—Ahbon?Enquoic’estdifférent?Paroùcommencer?Çadevient scabreux,maismerde, je suiscenséeaider
cesfilles…Elliesedéchaussaets’installaentailleursurlecanapé.— La façon de s’exprimer, déjà. Je ne parle pas comme ça, et si un type
m’insultaitcommeilslefontdanslesfilms,çanemeplairaitpas,maisalors,pasdutout.— Tu parles des humains qui injurient les filles et qui exigent qu’elles
couchentavec,mêmequandilsfontpluspitiéqu’envie?—Absolument.—Onatrouvéçachoquant.Ettrèsmalélevé.—Oui,ehbien tupeuxmecroire : siun types’avisedesortirdeshorreurs
pareilles à unenanadans la vraie vie, tout ce qu’il y gagnera, c’est unegifle.Voirepire.—Compris.Qu’est-cequiestdifférent,àpartça?Elliehaussalesépaulesàsontour.—Jenesaispascequevousavezregardé…Laplupartdesgensnecouchent
pasavecdestasdepartenairesàlafois,déjà.Lamonogamie,c’estlanorme.— Donc, au cas où j’aurais envie d’un humain… je ne suis pas obligée
d’inviterunecopineoud’accepterqu’ilssoientplusieurs?Jem’étaisjurédenejamaistoucherunhumainàcausedeça.Partager,cen’estpastropnotretruc,eten outre, un vraimâle ne devrait pas avoir besoin de renfort pour donner duplaisiràunefemme.—Non!Elliefermalabouche,quis’étaitouvertesousl’effetdelasurprise.— Arrête avec ces films, intéresse-toi plutôt aux histoires d’amour. Les
pornos,c’est…commentdire…(Elle juradoucement.)Disaux fillesd’arrêterderegardercestrucsetd’oubliercequ’ellesontvu.Jet’enprie.Lesacteursquijouent là-dedans sont payés pour coucher. Ils respectent un scénario écrit parquelqu’un d’autre, tu comprends ? C’est un spectacle, pas du tout un guided’éducationsexuelle!Sauf,àlarigueur,pourlesnon-pratiquantsquiveulentsefaireunevagueidéesurlesujet…
—Entendu.—Çasepassecomment,entrevous?Partonssurdesbasessimples.Onfait
pareil,siçasetrouve.—Ehbien,onadores’embrasser.C’estdingue,cetruc.Pournous,c’esttout
nouveau,onneconnaissaitpas,avantlalibération.Idempourlescaresses.Onsedit des trucs gentils et excitants, puis on gronde pourmontrer à quel point çanousfaitdel’effet.Tuenpensesquoi?—C’estparfait,déclaraEllie.Quantauxgrondements…elledécidadelaisserfiler.—Puisonsebagarrepoursavoirquidominel’autre,etc’estlevainqueurqui
choisitlaposition.Lemâleestleplusfort,engénéral,saufs’ilestsurlesrotulesoumalremisd’uneblessure.—Euh…Ellie, choquée, ne sut plus que penser. Brise s’en rendit compte et
s’interrompit.—Çanesepassepascommeça,entrevous?—Expliqueunpeula«bagarrepoursavoirquidominel’autre»?L’Hybridecilla.—Iln’yarienàexpliquer…—Vouscombattez…commedeuxlutteurs?—Toutjuste,acquiesçaBrise.Elliehaussalesépaules.—Iln’yapasdemalàça,saufquepournous,douleuretplaisirnefontpas
toujoursbonménage.Tusaisis?—Pigé,jetransmettrai.Pasdelutte,donc?—Mieux vaut zapper, en effet. Je suis sûre que ça plairait à certains,mais
partonsduprincipequ’ilestpréférabled’éviter.—Quidécidedelaposition,alors?Unefoisencore,Elliedutfairel’effortderefermerlabouche.C’estvrai,ça,
quidécide?Ellesourit.—Onendiscute,etonessaiedesemettred’accord.Ouontransige.—Vous…transigez?Explique.Elliehésita.— Eh bien… admettons qu’au début, ce soit moi qui chevauche mon
partenairepuisqu’auboutd’unmoment,ilmefassebasculerpourseretrouverdessus.Chacunsontour,quoi.C’estassezclair?Brisehochalatête.
—Oui,merci.Maisonnefaitpascommeça.Onchoisitunepositionetons’ytient.(Courtsilence.)Ilt’arrivevraimentdechevauchertespartenaires…etlesmecsacceptent?Ilsnesesententpashumiliés,d’êtredominésdecettefaçon?Elliesesentitécarquillerlesyeux.—C’est…Bon sang, quelle chance j’ai de ne pas avoir eu d’enfant, s’il faut avoir ce
typedeconversationquandonestmère…Ànouveauprisedecourt,ellevitqueBriseattendaitqu’elleréponde.—Quidominequi,ons’enfout.C’estleplaisirquicompte.Tunet’esjamais
trouvéeau-dessuspendantl’amour?—Jamais!s’offusquaBrise,visiblementhorrifiée.J’airefusédechevaucher
unmâleattachéet sansdéfense.Les techniciensont eubeaumemenacer, j’aitenubon.Plutôtprendreuneracléequesaperlafiertéd’undesmiens.—Misère…Leshumainsnepensentpasçadutout.Çalesexcitebeaucoup,
aucontraire.— Ah. Pour nos mâles, oublie. C’est un coup à les rendre furax. Rage se
sentirait insulté si tu lui proposais de prendre le dessus sur lui. Ce sont desdominants.Netrouvantrienàrépondre,Ellieacquiesça.—J’enprendsnote,finit-elleparadmettre.—Tantmieux. Il le prendrait trèsmal.Nos hommes préfèrent lamort à la
soumission.C’estpourçaqu’aulabo,j’aiacceptédesubiruneracléeplutôtqued’obéir aux techniciens qui me demandaient de copuler avec un mâle qu’ilsavaientattachésurunetable.L’image de Rage, enchaîné au sol et violé par Jacob, revint à la mémoire
d’Ellie. Jamais elle ne l’oublierait, pas plus que l’horreur qu’elle avaitdécouverteenpénétrantdanscetenfersouterrain.Dieuduciel,songea-t-elleenserecroquevillantsurelle-même.—Ellie?Tuasfroid?—Çava,merci.Alors…quellessontvospositionspréférées?—Lesfillesaimentfairel’amourdeface,pourregarderleurpartenairedans
lesyeux,maisnosmâlespréfèrentnousprendrepar-derrière.C’est tout l’objetdenosluttes.(Ellehésitaavantdepoursuivre.)Çam’étonnevraiment,queRaget’ait pénétrée de face… Il devait être rudement pressé, sans quoi il t’auraitdétachéepourteprendreenlevrette.C’estcequefontnosmâles.Unenouvelle image s’imprimadans l’esprit d’Ellie : elle se vit nue sous le
corpsmassifetsexydeRage,peut-êtrel’enserrait-ilparlatailletoutenentrant
enellepar-derrière…Enlevrette.Bigre.Ellesemorditlalèvre.—Etqu’arrive-t-ilsiunefemmeneveutpas?—Nosmâlesnenousprennentjamaisdeforce.—Non,jeveuxdire,qu’est-cequisepassesic’estd’accord,maispasdans
cetteposition?Brisesefenditd’unlargesourirequidénudasescanines.—C’estlepiedtotal.Ellien’endemandapasplusethochalatête.—Bien!Onapasmaldéfrichélesujet,tunecroispas?— Tout à fait, convint l’Hybride. Je ferai circuler l’information lors de la
prochaineréunion.Merciinfiniment,Ellie.J’ensaisbeaucoupplusgrâceàtoi.—Tupourraiséviterdecitermonnom?Brises’esclaffa.—D’accord.Jecomprends.Tuestouterouge;parlerdetaviesexuelletemet
malàl’aise.(Elleseleva.)Ilfautquejefile.Lanouvelleresponsabledudortoir,cracha-t-elle comme s’il s’agissait d’une vilaine injure, fait l’appel quatre foisparjour.Unevraieplaie,celle-là…—Désoléedel’apprendre.— À moins qu’elle change rapidement, ce qui m’étonnerait fort, elle va
dégager.Nous avons prévu de statuer sur son cas d’ici quelques jours. (Brisesourit.)C’estnousquidécidonssiellefaitl’affaire.ElliereconduisitBrisejusqu’auseuiletétreignit l’amazone,quiluisouriten
prenantcongé.Lajeunefemmepoussaungrossoupirdèsqu’ellefutseule.Larumeur faisait état d’unménage humaine-Hybride.Merde alors. Si jamais lesmédias publiaient son nom, quitterHomeland serait chaque fois synonyme depeurbleue,toutcequelarégioncomptaitd’abrutiss’empressaitdel’insulter,oupire,del’agresserphysiquement.Elleobliquaverslacuisineaprèsuncoupd’œilàsamontre.Rageétaitcensé
arriver vers 18 heures et quitter l’uniforme pour une tenue plus décontractée,puisillaquestionnaitsursajournéeavantdes’éclipseraussivitequepossible.Où passait-il ses soirées ? Aucune idée. Seule certitude : il ne restait pas
auprès d’elle. Elle sortit du frigo les blancs de poulet qu’elle avait mis àdécongelerpuissemitauxfourneauxenfredonnant.Le fumet fit gargouiller l’estomac de Rage quand il franchit le seuil de
l’appartement:desréunionsàlachaînel’avaientcontraintàfairel’impassesurledéjeuner.Elliesavaitcuisiner,c’étaitflagrant,ilsuivitlabonneodeurjusqu’au
recoinquifaisaitofficedesalleàmangeretdécouvritunetablejolimentdresséepourdeux.Iltournalatêteets’immobilisaenvoyantarriverEllie.Le sourire qu’elle lui adressa lui donna envie de gronder. Elle paraissait
heureusedelevoir;sonappétitsemuainstantanémentenenviedelatoucher.L’odeurd’Ellieétaitplusenivranteencorequecellequiémanaitde lacuisine,elleéveillal’animalquiétaitenlui,lebesoindelaprendredanssesbrasdevintpresqueirrépressible.Toutsoncorpsréagissaitàl’appeldusexe.Lessouriresd’Ellielefaisaientfondre,sesmoindresproposlefascinaient.La
veilleausoir,elles’étaitassiseàcôtédeluidanslecanapé,àmoinsd’unmètre,et il lui avait posé des questions sur sa famille.En la voyant s’attrister,Rage,pourlapremièrefoisdesavie,s’étaitfélicitédenepasavoirdeparents.Elle lui avait parlé de ce divorce affreux, du rôle d’arbitre qu’elle avait dû
teniràl’âgetendrededixans.Ragedétestad’embléesesparentsetpriapournejamaislesrencontrer.QuantàEllie,mieuxvalaitqu’ellegardesesdistances:àl’entendre,ilsfaisaienttoutleurpossiblepourqu’elleseréconcilieavecsonex-mari.CetabrutideJeff.S’illuiarrivaitdecroiserRage,il lesentiraitpasser.Ellie
avait pris soin d’éviter de croiser son regard quand il l’avait questionnée àproposdesonmariage.L’idéequ’unautrehommeaitpulatoucheravaitfailliluifairepéterlesplombs.Cetteconversationrésonnaitencoredanssatête…—Combiendetempses-turestéeaveclui?—Peuimporte.Cemariageétaituneerreur.Ilallaitvoirailleurset jen’en
savaisrien.—Ailleurs?avaitrépétéRage,lessourcilsfroncés,sanscomprendre.Etvoir
quoi,aujuste?Unsourireavaitéclossursaboucheaguicheusealorsqu’ellesetournaitvers
lui.—D’autresfemmes.Lesourire,ens’effaçant,avaitlaissélaplaceàunecolèrefroidequiavaiteu
poureffetderendresesyeuxd’unbleuplussoutenu.—Quandje l’aidécouvert, ilaeule toupetdemedirequec’étaitmafaute
s’ilallaitvoirailleurs.(Lementonrelevé,elleaffichacettedéterminationqu’iladmiraittant.)Quelfumier…J’étaispeut-êtreensurpoids,maisluin’étaitpasmaigrenonplus.Ragel’avaitdétailléeaveclenteursansluitrouverlepluspetitdéfaut.—Tun’espasensurpoids,tescourbessontparfaites.
Elles’étaitpenchéepourposerunemainsurlasienneetl’avaitgratifiéd’unnouveausourire.—Merci.J’aipasmalmaigri.—Mêmesituenreprenais,jecontinueraisàtetrouverparfaite.Enconstatantqu’ellelefixaitlonguement,ils’étaitinquiété:aurait-ilgaffé?
Mais c’étaitEllie, qu’elle gagneune taille ne changerait rienà l’affaire, il ladésirait.Laperspectivequ’elleforcisseunpeun’était,audemeurant,paspourdéplaireàRage.Si j’accrois lesstocksdenourritureàlamaison,reprendra-t-elleleskilosperdus?Elleétaitsifrêle…Si,parextraordinaire,ellel’autorisaitàlatoucher,ilredoutaitdelablesserd’unemanièreoud’uneautre.—Jeme doute que tu n’en penses rien,mais ça fait quandmêmeplaisir à
entendre.—Jelepense.Là-dessus,ilavaitgrondédoucement,vaguementblessédel’entendremettre
saparoleendoute.Ellieavaitfaitlesyeuxronds;ils’étaitraclélagorge.—Jenemensjamais.—Onmentparfoisparpolitesse.Ils’enétaitamusé.—Tu n’as pas encore compris que les paroles apaisantes ne sont pasmon
fort?Sabellehumaineavaitrideconcert.—Trèsjuste!Tuesdirect.TouslesHybrideslesont.—Etc’estunemauvaisechose?Ellieavaitsecouélatête.—Non.C’estmerveilleux,aucontraire.—Tantmieux.Alorscommeça,ilpassaitdutempsavecd’autresfemmes?—Ilcouchaitavec,tuveuxdire.Rageenavaitétéoutré.—Hein?C’estquoi,sonproblème?Ilt’avait,toi,çaneluisuffisaitpas?Lesdoigtsdélicatsd’Ellies’étaientlovéssurlapaumedesamain.—Jetesaissincèreetjet’enremercie,Rage.— Je n’aime pas ton ex, gronda l’Hybride. Je te promets qu’il va très vite
changerd’aviss’ilvienticidansl’idéedeterécupérer.Çanemegêneraitpasd’utilisermespoings,sic’estcequ’ilfautpourqu’ilt’oublieunebonnefois.Il avait aussitôt regretté d’avoirmenacé l’ex-mari d’Ellie : comment allait-
elleréagir?Maisc’étaitplusfortquelui,iln’avaitpaspus’enempêcher.Ellel’avaitsurprisenéclatantderire.
—Tum’appelles,sijamaisilsepointe?J’adoreraisassisteràsapunition!Surcesentrefaites,Ellieavaitrompulecontactphysiqueetluiavaitadressé
unsourirechaleureux.—Bonnenuit,Rage.Faisdebeauxrêves.Elle balançait les hanches en quittant le salon. Rage avait attendu que sa
porte se referme avant de pousser le grognement de frustration qu’il retenaitdepuisplusieursminutes.L’enviedelaconduiredanssonlitsefaisaitdeplusenplus pressante ; il n’en pouvait plus de la savoir étendue si près, dans lachambred’amis.Maislabrusquer,c’étaitcourirlerisquedeluifairepeur.SeulletempspermettraitàElliedecomprendrequ’elleétaitentotalesécuritéaveclui…QuantàRage,ilétaitluiaussicontraintdepatienter.Jusqu’àacquérirlacertitudequ’ilnereprésentaiteffectivementaucundangerpourelle.Le désir qu’éprouvait Ellie flottait dans l’air. Était-ce bon signe ?Gardait-
elle, comme lui, un souvenir ému de leur première fois ? Lui, en tout cas, nedésiraitqu’unechose.Lareconduiredanssachambre,l’étendrenuesursonlitet goûter à chaque centimètre carré de son épiderme. Il restait à l’affût d’unsigneindiquantqu’elleétaitprêteàfranchirlepas…Rage sortit de sa rêverie en voyant Ellie disposer des assiettes sur la table.
L’enviedel’étreindre,déjàtrèsforte,augmentad’uncranquandelles’approchaetqu’ilinhalasonodeur.Fais-moicomprendrequetuesprête,pria-t-ilmuettement.Ils’enétaitouvert
auprès de deux ou trois vigiles humains de ses amis : selon eux, certainesfemmes attendaient que ce soit l’homme qui fasse le premier pas. Celles-làaimaientquel’hommesemontrefort,autoritaire;sic’étaitlecasd’Ellie,Rageseraitcethomme.Iljetauncoupd’œilauxvictuailles.Ellieavait-ellepréparécedînerentêteà
têtepour lui signifierqu’elle était prête à allerplus loin?Toutdoux, se repritl’Hybride.IlavaitautoriséBriseàluirendrevisite, lasecondeassietteluiétaitpeut-être destinée.Ne nous emballons pas. Ils dînaient ensemble, c’était bonsigne,d’accord…S’il parvenait à attirer Ellie dans son lit, il se faisait fort de la convaincre
d’aller plus loin. Les femmes de son peuple avaient du tempérament ; ellespréféraient garder leurs distances avec lesmâles en dehors des ébats sexuels.Rageétaitrésoluàtouttenterpourqu’Ellieveuilledeluiaulit…etendehors.Ilsaurait lui démontrer qu’il était le partenaire qu’il lui fallait, et pas seulementpourlesexe.
CHAPITRE11
—C’estpourmoi?demandaRageaprèsavoircontemplélatabledressée.Elliesourit.—Oui.Jesuisbonnecuisinière,juré.Tupeuxmangerl’esprittranquille.Lesyeuxnoirsdel’Hybrideseposèrentsurelle.—C’esttrèsgentilàtoi.Ilyaquelquechoseàfêter?—Rien de spécial. Je tenais juste à te faire plaisir et j’adore cuisiner. Les
coursesontétélivréeshier.J’aipréparélerepashiersoir,maistun’espasrentrépourdîner.Cesoir,enrevanche,tutombespile.Ill’étudiaplusattentivement.—Tutenaisàmefaireplaisir?—Oui.—Pourquoi?—C’estnormal,non?Tum’hébergescheztoi,etmoi…Rage fondit si vite sur Ellie qu’elle n’eut pas le temps de réagir. Soulevée
comme un fétu de paille, la jeune femme ne se ressaisit qu’aumoment où lecolossedébouchaitdanslecouloir.—Rage?glapit-elleens’agrippantdetoutessesforces.Ilentradanssachambreetladéposaavecdouceursurlelit.Ellie,médusée,le
vit empoigner sachemisepar lecolet tirerdessus.Lesboutonscédèrent.Ellebaissalesyeuxverssapoitrine,médusée.Danslepeudelumièrequelaissaientfiltrerlesstores,lespectorauxsaillaientsouslapeaumate.—Qu’est-cequetufais?demanda-t-elled’unevoixtremblante.Ilportalamainàsaceinturetoutensedéchaussant.—Jeneteferaipasmal,cettefois.C’estpromis.Ragedéboutonnasonpantalon,fitcoulissersaceintureetjetacelle-ciderrière
lui.LesonétoufféqueproduisitlaboucleaucontactdelamoquettearrachaEllieauspectacledestablettesdechocolatetducaleçonnoirsexyquisedevinaitdansleVforméparlebâillementdupantalonsurseshanchesétroites.Lepoulsdelajeunefemmes’accéléraquandilsepenchapourôtersonjean.Puisilseredressa,seulementvêtudesoncaleçon.Ellien’eutpasletempsdeprofiterdelavue:il
luisautadessusavant.Deplusenplus stupéfaite,Ellie levitempoigner sondébardeurqui subit le
même sort que sa chemisequelques secondes auparavant.Sapeauétait à l’airlibre.Elle le regardadans les yeux, interdite. Il grondait doucement, le regardrivésurcequ’ilvenaitdedénuder…sonventreetsonsoutien-gorge.—Rage?Aprèsavoirfinid’écarterleslambeauxd’étoffe,l’Hybrideempoignasajupe.
Il ne prit pas la peine de la faire glisser le long de ses jambes : la taille duvêtementserréedanssonpoing,ilcontractasonbiceps.L’étoffecraqua.Puisildéchira la jupe de haut en bas. Incapable de bouger, le souffle coupé, Elliehoquetaensentantlesdoigtsducolosseluiglisserdanslaculotte.Ledosdesamainétaitchaudcontresonbas-ventre ;unmouvementsecplus tard, il jeta laculotteenlambeauxpar-dessussonépaule.—Rage!s’emporta-t-elleenessayantderoulersurleflanc.Elleétaitpresquenue,seulsonsoutien-gorgen’avaitpasétéarraché.—Qu’est-ceque…L’Hybride glissa les mains sous ses hanches et la reposa à plat dos sur le
matelas.Ils’agenouillaaupieddulit,s’insinuaentresesjambesetl’attiraàlui.—Jeprometsdefaireattentionàmescrocs,cettefois.Necrainsrien.—Arrête,hoquetaEllie.Lecœurbattantàtoutrompre,ellen’étaitpaseffrayée,seulementchoquéeet
surprise. Et respirait comme au sortir d’un huit cents mètres. L’Hybride laregardadanslesyeux.—Çat’avaitplu,l’autrefois.Illuicaressal’intérieurdescuissespuiscommençaàlalécher.—Jet’avaisfaitjouiravecmabouche.Ellie déglutit avec peine, les yeux rivés sur ces mains puissantes qui lui
maintenaient les jambes écartées. Elle se souvint… et frémit.Oui, elle avaitappréciécepremierround,unefoispassélechocinitial.Pourtentéequ’ellesoitdelelaisserrécidiver,ellepréféraécouterlavoixdelaraison.—Laisse-moi.C’estunetrèsmauvaiseidée,tulesaisaussibienquemoi.Ilcessasonmanègeetladévisagea,lesyeuxmi-clos.—Pourquoipas?J’adore legoûtde tonsexe, lespetitscrisque tupousses
quandjecajoletonboutonquisegonflesousl’effetduplaisir.Elleleregardadanslesyeux.Iln’apastort…pourquoipas?Toutsonventre
frémissait.Inutiledegambergersurlafaçondontsoncorpsréagissaitàcequ’ils’apprêtait à faire : il n’aurait pas besoin d’insister longtemps avec sa langue
pour la liquéfier, il suffisaitàElliede lematerpoursesentir toutechose.Elleouvritlabouche.—Hmm…,gémit-elle,latêtevide.—Jeneteferaipasmal,tuasmaparole.Tucrierasuniquementdeplaisir.Elliesemorditlalèvreinférieure.Ragel’excitaitàmort,inutiled’essayerde
lenier.Àlasimpleidéedelesavoirsiprèsderépétercequ’illuiavaitfaitlafoisprécédente, la jeune femme sentait son estomac se nouer, et son corpss’enflammer juste au-dessus de la zone où étaient posées ses mains, soitl’intérieurdesescuisses.Sestétonsseraidirent.—Jesaisquetumedésires,beauté.Ellieadoraitl’entendreutilisercemotdouxavecsavoixrauque.—Tuespèresquejetedésire,corrigea-t-elle.Ilmontralescrocs.— Tu oublies mon odorat. J’en suis sûr et certain : tu dégages un fumet
délicieuxquandtuesexcitée.J’aitrèsenviedetelécher,demerepaîtredetondésir.Çamedémangedepuisdesjours.Ellie se sentit blêmir.C’était vrai, il lui suffisait de le dévorer des yeux ou
d’êtreprèsdeluipourêtreexcitée,maiselleavaitcruqu’ilnes’enrendaitpascompte.—C’estvrai?— Oh que oui, gronda-t-il. Tes effluves intimes me hantent depuis ton
emménagement. J’ai vécudans l’attente.Quand allais-tu cesser de te voiler laface,mefairecomprendrequetuétaisprêteàvivreavecmoi?—Mais…—Jamaisjenetetromperai.Jenesuispascommecetimbéciled’humainque
tuavaissimalchoisi.Elliesouritmalgrélagravitédel’instant.—Douxeuphémisme,«malchoisi».L’Hybridehaussalesépaules.— Tu es la seule dont je veuille, Ellie. Jamais je ne toucherai une autre
femme,tuasmaparole.Tuestoutpourmoi.Jesuissérieux.La sincérité se lisait dans ses yeux noirs. Ellie hésita un court instant puis
hochalatête.— Je craque pour toi, Rage. Depuis le premier jour, et ça n’a pas changé
depuis.Leseulhic,c’estquecesoitsicompliquépournousd’êtreensemble…—C’estsimplesinousledécidons,plaidaRage,unelueurdedétermination
dansleregard.Laisseparlertoncorps.
Il lui lâcha lescuisseset lasaisitpar leshanches.Puis il se remitàgronderdoucementtoutenlafaisantglisserjusqu’auborddumatelas.Ellieeutlesoufflecoupéquandilposalesmainsenhautdesescuisses.Illuiécartalesjambesetbaissalatête.Unbattementdecœurplustard,ilseremitàlalécher.Salanguechaudeethumidejouaaussitôtavecsonclitoris.Ellie,cambrée,froissaledrapdanssespoingsetgriffal’étoffe.Ilgrondadeplusbelleenpressant sabouchecontresonsexe. Il léchait son
petitboutonencoreplusintensément,presqueavecfrénésie.Inondéedeplaisir,Ellieécartalescuissesaumaximumpourluifaciliterlatâche.— Miséricorde, gémit-elle. Quand tu fais ça, on dirait un vibro avec une
langue.Ragegloussaetgrondadeplusenplusfort,toujoursfourréentresesjambes.
Les vibrations de ses cordes vocales accentuaient le plaisir suscité par lesmouvementsdesalangue.Stimuléesansrelâche,Elliegeignait,remuait latêteentoussens.L’Hybrideluicalalesjambesautourdesesépaulespuissereplaçaau-dessusdesonsexe.Ses cuisses étaient maintenues largement écartée et elle commença à
s’inquiéter:allait-illafairemourirdeplaisir?Lessensationsqu’ilfaisaitnaîtreen elle étaient d’une intensité inouïe. Presque insupportable. L’incendie quevenait d’allumer Rage était si fort que rien ne pourrait l’éteindre. Ellie étaitconsciente d’être en train de déchirer les draps avec ses ongles. L’envied’étreindresonbelétalonétaittrèsforte;elleseretintinextremisdecraintedel’écorchervif.—Rage!hurla-t-elle.Lamontéeduplaisir,vagueaprèsvague, la fit tressaillirdespiedsà la tête.
L’orgasmefutd’unetelleviolencequ’ellepoussaunnouveaucri.La bouche de l’Hybride cessa d’appuyer contre son sexe. Il lui caressa la
cuisse avec la joue en quittant son entrejambe, lui souleva les jambes etl’allongea.Pantelante, hors d’haleine, Ellie s’efforça vainement d’émettre une pensée
cohérente.C’étaitcommesiRagevenaitdeluigrillerjusqu’audernierneurone.Lematelass’enfonça.Enrouvrantlesyeux,ellevitqu’ilétaitàquatrepattesaubord du lit et qu’il venait vers elle. Il s’immobilisa une fois au-dessus d’elle.Leursregardssetrouvèrent.— Je ne perdrai pas le contrôle, cette fois ; mes baisers ne te feront pas
saigner.Remonteunpeu,veux-tu?Ellielorgnasontorsemagnifiquementsculptétoutenvenantsepositionnerau
milieudulitkingsize.Lecaleçonqu’ilportaitencoreneparvenaitpasàmasquerson excitation. Ellie tendit la main vers l’érection qui distendait l’étoffe. Lecoton était doux au toucher quand elle fit courir sa paume le long du sexeprisonnier.Elleétreignitavecprécautionlavergeépaisse.Une image lui revint immédiatement en mémoire : la dernière fois qu’elle
l’avait vu nu. Son sexe était tout ce qu’il y a de gigantesque sans êtremonstrueux ; ungabaritXLqui lui avait donnébeaucoupdeplaisir.Lesyeuxd’Ellie remontèrent jusqu’àceuxdeRage.Aprèsavoirdégluti, elle luiôta soncaleçon.Ilaccompagnasongestejusqu’àenêtredébarrassé.—Tuesplusmembréque…Elles’abstintdepoursuivreenlevoyantserembrunir.—Jeneveuxriensavoirdeceuxquit’onttouchéeauparavant,gronda-t-il.Ellie hocha la tête. C’était réciproque : l’entendre discourir sur celles qui
avaientpartagésacouche?Trèspeupourelle.Elleavaitvoululuiadresseruncompliment en oubliant qu’il n’était pas humain à cent pour cent. Gare à nejamaisl’oublier!Ellies’humectaleslèvres.Ilgrondadoucement.—Retourne-toietmets-toiàquatrepattes.Commemoi.Aprèsunecourtehésitation,Ellieobtempéraetseretrouvasurleventre.Rage
l’aida à écarter sa jupedéchiréepuis dégrafa son soutien-gorge.C’étaitmieuxainsi,iln’yauraitrienentreleursdeuxépidermes.Ilsepenchasurelle;passaunbras sous ses hanches et lui releva le bassin. Elle prit appui sur les paumes.Aucun doute, il souhaitait la « monter ». Le terme était adéquat. Elle seremémora tout ce que Brise lui avait confié sur les préférences sexuelles deshommeshybrides.Quandellesecalasurlesmainset lesgenoux,elleentraencontactaveclecorpsdeRage,remarquaqu’ilétaitbrûlantethumasadélicieuseodeurdemâle.—Tuaspeur?Ensentant labouchede l’Hybride luieffleurer l’oreille,Elliefrissonna, trop
excitéepourenrire.Ragepoursuivitd’unevoixdevenuerauqueetterriblementsexy.—Netebilepaspourça.J’encrèveàforcedememontrerprévenant…mais
ilyapire,commefaçondemourir.Elle tourna la tête pour se plonger dans ses yeux de braise hallucinants. Il
approchasaboucheàuncheveudelasienne;elleeutsoudaintrès,trèsenviedel’embrasser.Poussasondoscontresapoitrine.Ilhésita…puispassaàl’action.Après l’avoir laissée se coller à lui, il bascula tout doucement jusqu’à seretrouverassissurlestalons.Ellie,toujoursadosséeàsontorse,reposaitsurses
cuisses.—Embrasse-moi,luiglissa-t-elle.Unemaindel’Hybrideseplaquasursonventre.Ellelasentitglissertoujours
plusbas, entre sescuisses légèrementécartées.Etgémitquand il commençaàjoueravecsonclitoris.Sabouches’ouvrit ;celledeRages’ycolla.De l’autremain,illuiempoignaunsein.Leurslanguesserencontrèrentpuissemêlèrent.Ellie poussa un gémissement étouffé quand, du bout des doigts, il traça le
sillon de son sexe, puis une nouvelle fois en sentant l’index tout près de lapénétrer.Ellepoussaaveclebassinpourl’yinciter.Rageréagitenpoussantungrondement étouffé. Une canine effleura la langue d’Ellie ; il reculaimmédiatementlatête.Ilavaitlesoufflecourtquandleursregardssecroisèrent.—Jevaisbientôtperdrelecontrôle…L’Hybridecalaseshanchescontrecellesd’Ellie.Sonérectionétait telleque
sonsexevintfrottercontrelesgrandeslèvresdelajeunefemme,àl’endroitoùsesdoigtssuivaientlesillon.Ilpoussaungrondementpluscaverneux…uncrideprédateur.—Jem’yprendscommeilfaut,çateplaît?Elleopina.—Tuessuperbe…—Toiaussi,haleta-t-elle.Laperfectionfaitehomme.Ilgrogna.Unsoneffrayant.Enlevantlesyeux,Ellielevitgrimacer.—Qu’ya-t-il?—Jenesuispasbeau.Elliesourit.—Jetrouvequesi,figure-toi.—Seuleslesfemmessontbelles.—Leshommesaussi,quandilsteressemblent.LagrimacedeRages’accentua.Nouveausourired’Ellie.—Problèmedecommunication?—Ondirait,soupira-t-il.Elliepartitd’unpetitrire.—Turispendantl’amour?—Réjouis-toi,çaveutdirequejepasseunsupermoment.—Pasmoi.J’aitellementenvied’êtreentoiquec’enestdouloureux.Ellesemorditlalèvrepourréprimerunnouvelaccèsd’hilarité.
—Onadiscuté,Briseetmoi.Ellem’aparlédecettehistoiredelevrette.EllieseremitàquatrepattesdevantRageettournalatêtepourluilancerun
regardaguicheur.Les jambesécartées, ledoscambré, elledressa la croupeaumaximum.—Commeça?Il fut surelleenunquartdesecondeet l’entouradesesbraspuissants.Son
torseentraencontactavecledosd’Ellie.—Oui.—Vas-y,dit-elle,lesyeuxdanslesyeuxdel’Hybride.Monte-moi.J’enaitrès
envie.—Endouceur,alors.—Ilyaintérêt.Taqueueesténorme.Donne-moiletempsdem’yadapter.Ils’insinuaentresescuisses.Elliefermalesyeuxpours’ouvrirtoutentièreà
cettesensationmerveilleuse:leglanddeRagevenantluicaresserleslèvres.Ellegémitquandileffleurasonclitorisgonflé,puisilappuyaàl’oréedesonvagin.Le sexe d’Ellie était ruisselant de désir et prêt à l’accueillir. Il poussa ungrognement sourd ; les vibrations se communiquèrent dans le dos de la jeunefemmealorsqu’ilaccentuaitlapressionavecsongland.—Détends-toi.—Jelesuis,dit-elle,lagorgeserrée.Saverge lui était apparued’uneépaisseur respectable, cequi collait avec le
souvenir de leur première fois.Quand le gland voulut glisser entre ses lèvres,Ellie résista par pur réflexe, l’intrus était jugé trop gros par son cortex. Unnouveau grondement émana de la gorge de Rage. Il poussa de plus belle,obligeant le sexe d’Ellie à se distendre pour le laisser entrer.La jeune femmepoussauncriétouffétantcettesensationdeplénitudeétaittotale.Elles’alarma:Rageavait-ilpriscelapouruncridedouleur?Ilcessaeneffetd’insisteretserétracta un peu. Puis il repartit à l’assaut, s’enfonça un peu plus en elle, etgrogna.—Parle-moi,implora-t-iltoutàtrac.Ellierouvritlesyeuxetdécouvritunvisagepeinéentournantlatête.—Queveux-tuquejetedise?Jen’arrivepasàpenser,là.N’arrêtepas.C’est
sibon.Jesuisunegrandefille,tusais.Ilsemorditlalèvreinférieure.— Dis-moi de ne pas te faire mal. De garder la tête froide, de ne pas te
pénétrersifortetprofondquecelateferaithurler.Tonsexeesttropétroit, j’aipeurdetedéchirerenbrusquantleschoses.Jeveuxtebaiseràfond.
L’aveusidéraEllie.—C’estdeçaquetuasenvie?Ragegrogna.—Rassieds-toi.—Pourquoi?rétorqual’Hybride,tenducommeunarc.—S’ilteplaît?Rage se retira totalement après avoir poussé un juron. Ellie se redressa dès
qu’il se retrouva assis sur les talons. Il l’agrippa par les hanches à s’en faireblanchir les phalanges ; ses yeux, devenus presque noirs, témoignaient d’unepassionmâtinéedefrustration.Ellie se déhancha et lui empoigna la queue. L’Hybride ferma les yeux et
grogna.Sagrande carcasse fut prised’un soubresaut dont l’intensité étonna lajeune femme : un simple contact suffisait à l’électriser ! Elle recula entre lesgenouxdeRageetpositionnaseshanchesdemanièreque,jambesfléchies,ellen’ait plus qu’à se laisser choir pour s’enfoncer sur sa verge. Leurs regards secroisèrentquandilrouvritlesyeux.—Tupensesêtrecapabledenepasbougerdutout?—Quitteàencrever,promit-il.—Inutiled’allersiloin.Elliereculajusqu’àcequeleglanddeRageluiappuiedenouveauàl’oréedu
vaginpuis se trémoussa.Son sexe avala la queuede l’Hybride avecmoinsdedifficulté,bienquedemeurelasensationtrèsnetted’avoiracceptéquelquechosede trop gros. Elle était trop serrée. C’était presque douloureux…mais surtoutinfiniment jouissif. Elle se releva. Retomba. Répéta le mouvement de va-et-vient,chaquefoisunpeuplus loin le longdesaverge. Il semitàémettredessons étouffés et son immense carcasse, qu’il luttait pour garder sous soncontrôle,secouvritd’unefinepelliculedesueur.Lesmainsdel’Hybriderestaientcolléesàseshanches.Elliegémitetaccéléra
lacadencetoutenfaisantdesonmieuxpourl’accueillirjusqu’àcequesesfessesappuientcontrelescuissesdeRage.Lasensationétaitprodigieuse:leursdeuxsexesétaientcommesoudésl’unàl’autre,lajeunefemmeétaitauseptièmeciel.Chaquemillimètrecarrédesaqueuedurecommedel’acierfaisaitdesétincellesdanssonsystèmenerveux.—Ellie,râla-t-il.La brusque poussée deRage prit sa partenaire de court. Ellie se retrouva à
quatre pattes avec l’Hybride au-dessus d’elle. Il prit les choses en main enaccélérant à son tour ; Ellie gémit chaque fois que les hanches du colosse lui
heurtaientlesfesses.Sapuissanceétaitphénoménale,leplaisiraffluaitaufildescoupsdereins.Ildéposaunbaisersursonépaule,luipassaunemainautourdelataillepourlastabiliser…puisperditlepeudecontrôlequiluirestait.Elliegémissaitdeplusenplusfortàmesurequ’ilcontinuaitsansrelâche.Il
sembla à la jeune femme que sa queue devenait plus large. Elle se cambra ethurla le nom de l’Hybride. En proie à la fièvre de l’orgasme, Ellie eut denouveaul’impressionqu’ilenflaitenelle.Lapressionexercéedevenaitpresqueintolérable. Rage se cambra à son tour, menaçant d’écraser sa minusculepartenaire,etElliel’entenditpousseruncriinédit.Unsonbestial,àmi-cheminentreuncrid’originehumaineetunhurlementdeloup.Rages’apaisa;lesdeuxamantsétaientàboutdesouffle.Lapressiondiminuacontrelesparoisvaginalesd’ElliemaislaqueuedeRage,agitéedesoubresauts,continuaitàlatitiller.—Jet’aifaitmal?haleta-t-il.Jenet’aipasmordue,cettefois.—Mal?Toutlecontraire,gloussa-t-elle.C’étaitfabuleux.Ilgloussa luiaussi toutenaplatissantElliesur lematelas.Ellesentitquesa
queueétaittoujoursenelle,quesontorseetseshanchesluiappuyaientsurledoset que ses bras tendus l’encadraient. L’Hybride y faisait peser le haut de soncorpsafindenepasl’écraser.—Hmm…Rage?—Oui?dit-ilaprèsluiavoirdéposéunbisousurlajoue.—Qu’est-cequivientdesepasser?Ilarqualessourcils.—Ben…onvientdes’envoyerenl’air.Ellieacquiesçad’unhochementdetête.—C’étaitlecoupdusiècle,d’accord,maisjevoulaisparlerdelapressionque
j’airessentie,verslafin…Onauraitditque…Ellenetrouvapaslesmots.— Ah, ça… (Il se rembrunit.) Vos docteurs ont trouvé le phénomène très
intéressant. Nous avons le sexe qui enfle au moment de l’éjaculation. Chezcertains mammifères, cela permet de souder le mâle à la femelle en find’accouplement.Lesmédecinsnousont assuréquec’était sansdangerpour lapartenaire:nousn’enflonspasau-delàduvolumedisponible.Lapremièrefois,jem’étaisretiréavantquecelan’arrive,maisaujourd’hui, j’avaistrèsenviedejouirentoi.Elliepritletempsdedigérerl’informationets’efforçadecomprendre.—Le…volumedisponible?Celuidemonsexe,enclair?— Oui. Tu es tellement étroite que c’est presque douloureux pour moi.
J’auraispuenflerdavantage,maistoncorpsmel’ainterdit.C’estpourçaquejeneme suis pas retiré tout de suite après avoir joui.D’abordparceque j’adoreêtreen toi,etaussipouréviterde teblesser.Accorde-moiuneminuteoudeuxavantquej’essaiedem’extraire.Ellieécarquillalesyeux.—Taqueueestplusgrossequ’aumomentoùtum’aspénétrée?Levisagegrave,illuiadressaunbrefhochementdetête.— Tu es comme un poing serré autour de mon sexe, c’est pour ça que je
bougelemoinspossible.Ellieremualeshanches…ets’interrompitaussitôt : ilsétaientsoudésl’unà
l’autredelameilleurefaçonquisoit.Ragegrognaquandellerécidiva.—Arrête.Elleleregardadanslesyeux.—Bougeunpeu,pourvoir?—Jetefaismal?—Non.Simplecuriosité.LeregardrivésurEllie,l’Hybridepritappuisurlesmainsetreculalentement.—Arrête!Ilsefigea.—Inutiled’insister.Lapression…—Estdouloureusequandj’essaiedemeretirer?Ellehésita.—Pasvraiment,non…maisçafaitdrôle.—Çaterefroidit?soupiraRage.Elliesourit.— Disons plutôt que ce petit détail technique va faire de toi mon gros
nounours.—Tongrosquoi?glapit-il,sonbeauvisageplisséparl’inquiétude.Lajeunefemmes’esclaffa.—Mon nounours, celui quime cajole, quoi. Il va falloir que tume parles
aprèsl’amour.Unlargesourireluidécouvritlescrocs.—Aucunsouci,mabelle, faisdemoi tonnounours. Je teprometsqu’on le
refera.Beaucoupetsouvent.—Quelprogramme!seréjouitEllie.J’enai,delachance…Rageredevintsérieux.—C’estmoiquiaidelachance,Ellie.Merciàtoidemefaireconfiance.Ce
quej’éprouveestloindeselimiterauplaisirsexuelquenousvenonsdevivre.Le regard plongé dans ses beaux yeux chocolat, Ellie se sentit au bord des
larmes. Rage était sincère, c’était flagrant. Il était grand temps de changer desujet avantde semettre à sangloter ; juste aprèsune tellepartiede jambes enl’air,ilauraitététrèsmalvenudepleurercommeunemadeleine.—Pourquoitunem’asrienditdecettehistoirede…gonflement?—J’appréhendaistaréaction.Unautreaspectdeleurrelationsexuellerestésoussilencevintsubitementà
l’espritd’Ellie.—Onafaitl’amoursanspréservatif.Jen’airiendegrave,àmaconnaissance,
maisjeneprendspasnonpluslamoindreprécaution…contraceptive,clarifia-t-elle.Sinouscontinuonsàcoucherensemble,ilfautquejeconsulteunmédecin.C’esttrèsrisqué,cequenousvenonsdefaire…—Jen’aijamaisutilisédepréservatif.Quantàsavoirsijerisquedetemettre
enceinte,soistranquille:iln’yaaucundanger.Ellie ledévisagea.La tristessequivenaitde transparaîtredanssavoixnese
lisaitpassursestraits.—Commentpeux-tuenêtresûr?Il se retira avec précaution, à l’affût d’un éventuel signe de gêne chez sa
partenaire.Ellien’eutpasmal.Puisilroulasurlecôtéafindepouvoirs’étirerdetoutsonlongsurledos.Ellietournalatêteetrestaallongéesurleventre.Leursregardsserecroisèrent.—Ellie…Aulabo,ilsonttoutessayépourfaireensortequ’onsereproduise,
et ce, pendant des années, mais ça n’a rien donné. Aucun des traitementsdestinés à nous rendre fertiles n’a jamais eu lemoindre effet. Puis ils ont cruavoir trouvé le remède miracle, celui qui allait permettre de contourner lesbouleversements qu’ils avaient fait subir à notreADN,mais la libération a eulieuavantqu’ilslancentunnouvelessai.L’effetdesmédocss’estestompé.Notreespèce s’éteindra d’elle-même le jour où mourra le dernier Hybride créé parMercile.Taraudéeparlesouvenirdecequetouscesmalheureuxavaientenduré,Ellie
setrouvaàcourtdeparolesderéconfort.Rageseredressacommeunressort.— À la douche ! Je meurs de faim, et ton dîner sent délicieusement bon.
Heureusementquetul’assortidufouràmonarrivée:j’enail’eauàlabouche,quelgâchissitoutavaitétécarbonisé!Sans un regard pour Ellie, l’Hybride s’engouffra dans la salle de bains en
laissantlaporteouverte.Ellies’envoulutàmortdeluiavoirrappelél’enferdulaboratoireclandestin.Qu’allait-ilpenser?Qu’ildevrait lahaïrpourcequ’elleluiavaitfaitsubir…aupointderegrettercequ’ilsvenaientdevivreensemble?Lajeunefemmefrissonna.L’eausemitàcoulerdanslasalledebains.—Ellie,tuviens?Ellesautadulitetpartitlerejoindre.Enfranchissantleseuil,ellelevitdans
l’embrasure de la cabine de douche, qu’il gardait ouverte à son intention. Sesyeuxnoirsseposèrentsurelle;ilsourit.—Permets-moidetelaverlescheveux.Surpriseetsoulagéequ’illuifassebonaccueil,Ellieluirenditsonsourire.—Tuseraslapremièrepersonneàlefaireàmaplace…Depuisl’enfance,en
toutcas.Lesouriredel’Hybrides’élargit.—Marchéconclu,alors.Elliefinissaitdechargerlelave-vaisselle.L’appartementétaitsilencieux.Rage
l’avaitinforméequ’ilavaitdescoupsdefilàpasseraprèsledîner,alorsqu’ellevenaitdecommenceràrincerlesustensiles.Elleavaiteuenviedeluidemanderquiildevaitappeleràuneheuresitardive,maismieuxvalaitnepassemontrertropcurieuse.Elleéteignitdanslacuisinepuisdéambulajusqu’ausalon.Rage,deboutdans
l’embrasuredelaported’entrée,parlaitàvoixbasseavecunautrehomme.Ellieobliqua vers la chambre d’amis, il n’était pas question d’espionner ce qui sedisaitentresonhôteetlevisiteur.Elleallumalatélé,s’installaauborddulitettrouvasansdifficultélachaîne
d’infos locale, curieuse de savoir ce que les médias racontaient à propos ducoupleHybride-humaine.Elleétaitconcernée,aprèstout.QuandRagelarejoignit,quelquesminutesplustard,elleluiadressaunsourire
timideauquelilneréponditpas.Ilavaitl’airgrave.—Jedoism’absenter.Certainsproblèmes relatifs àmonpeuplen’attendent
pas.Ellie hocha la tête, curieuse d’en savoir plus,mais ne posa pas de question
quandellevitqu’iln’avaitvisiblementpasl’intentiond’endiredavantage.Ilhésita.Puis:—Quandjerentre,jeneveuxpastetrouverici.Ellie,estomaquée,luifitlesyeuxronds.Ilsvenaientdecoucherensemble,de
prendreunedoucheensemble,derirependant ledîner…etvoilàqu’il la jetait
dehors?Lesmotsluimanquèrent.ElleétaitKOdebout.Enfin,KOassise.Rageseruasurelle,lasaisitparlesépaulesetl’obligeaàsemettredebout.—Quelvisageexpressiftuas!Jemesuismalexprimé;j’aivouludirequ’il
n’étaitpasquestionquetudormesdanslachambred’amis.Taplaceestdansmachambre, c’est là que tu vivras, désormais. Tu as vraiment cru que j’allais teflanquer dehors ?C’est tout le contraire, je veux que tu dormes dansmon lit.C’estlàqu’esttaplace:dansmachambre.Auprèsdemoi.Ellie put de nouveau respirer. Elle se sentit presque pitoyable, d’être si
intensémentrassuréequ’ilsesoitagid’unsimplemalentendu.Ragegrondaaprèselle.—Déménage tes affaires. Si jamais tu quittesmamaison, je promets de te
pourchasseretdet’attachersurmonlit.Puisdetechevaucherjusqu’àcequetusoistropépuiséepoursongeràrécidiver.C’estclair,cettefois?Elle acquiesça sans mot dire. La perspective de se faire baiser jusqu’à
épuisementtotall’excitait.Ilenfaudrait,desrounds…Ellesemorditlalèvreetluiadressaungrandsourire.—Lesfemmes,ditRageensecouantlatête.—Encoreunsoucidecommunication.L’Hybrideluirelâchalesépaules;sonvisages’adoucit.—Tumetrouvesbeau.—Affirmatif.—Comprenons-nous bien : je suis sérieux, quand je parle de t’attacher sur
monlit.Nemequittepas.Jeneveuxpasteperdre.Jem’yrefuse.—Jeveuxresterauprèsdetoi.
CHAPITRE12
—Non!tonnaRage.L’éclatdevoixparvintàElliepeuaprèsquequelqu’unasonnéàlaporte.Ils
avaientprévudepasserlesamediàregarderdesfilms;lajeunefemmevenaitdesortirunepleinebassinedusèche-lingetandisqueRages’occupaitdupopcorn.En l’entendant beugler, elle sortit en courant de la chambre où elle avaitcommencéàplierlesvêtements.Justice et deux agents de l’OPH faisaient face à Rage dans le salon. Ellie
s’immobilisaenprenantconsciencedelatensionextrêmequirégnait.Redoutantdevoiréclaterunebagarre,ellepréféraresterprèsdel’entrée.Vêtu d’un tee-shirt et d’un jean, Justice avait les bras croisés. Il adressa un
regardnoiràEllie;safureurmanifestesurpritlajeunefemme.Ilavaitlestraitstendusetleslèvrespincées.—J’aiditnon,grondaRagedesapuissantevoixdebasse.Ilsedirigeaversellesanstournerledosàsestroiscongénères.—Approche,Ellie,etrestederrièremoi.Alertée par le timbre pressant deRage, Ellie obtempéra sans réfléchir. Il la
serracontreluid’unemainjusqu’àcequ’ellesoitquasimentcolléeàsondos.Ilétait tenducommeunarc.Ellie ignoraitcequipouvait lemettreenrogneàcepoint, et quand elle risqua unœil vers les trois autres, l’inquiétude semua enpeurpanique : lesdeuxagentsde l’OPHavaient lamain sur la crossede leurTaser.—Rage,grondaJustice.Leshumainss’inquiètentpourelle.Toutcequejete
demande, c’est qu’ils puissent la voir, lui parler. On la ramène juste après.Personneneluiferademal.—Soit je l’accompagne, soit elle ne va nulle part, exigeaRage d’une voix
caverneuse.Justicerépliquasurlemêmeton.—Leshumainssontirrationnels,maisdèsqu’ilsl’aurontvueetqu’ilsauront
comprisquetunelamaltraitespas,ilslâcherontl’affaire.—Non!
Ellieseraclalagorge.—Jepeuxsavoircequisepasse?demanda-t-elleàJustice.— Tu n’iras pas avec eux, déclara Rage, catégorique, en la regardant par-
dessus son épaule. Ils refusent que je vienne avec toi pour te protéger ; pasquestiondeleslaisserteconduireDieusaitoù.SonregardnoirsereportasurlestroisautresHybrides.Puisilreculad’unpas,
obligeantEllieàsuivrelemouvementversunangledelapièce.Elliesentitsoncœurs’emballersousl’affluxd’adrénaline:Ragefaisaitécran
pourempêcherquiconquedesesaisird’elle, il faudrait luipassersur lecorps.Elleluifrottaledosafindel’apaiser.Contraintedesedéhancherpouravoirunaperçudelasituation,elleconcentrasonattentionsurJustice.—Quiveutmevoir,etpourquoi?Qu’est-cequisepasse?La lèvre supérieure retroussée sous l’effet d’un dépitmanifeste, le chef des
Hybridesmontralescrocsetbombaletorse.Ilprituneprofondeinspirationpuissoutintleregardinquisiteurdelajeunefemme.— Certains humains s’imaginent que Rage vous séquestre ici pour… (Il
haussa les épaules.) Pour eux, vous êtes la victimed’ungenre demonstre quivoustabasseetvousviole.— C’est… c’est faux ! s’indigna Ellie, le souffle court. Qui a balancé ces
conneries?Justicegronda.—Votrepatron,ledirecteurBoris.Ilchauffetoutlemondeàblancaveccette
affairedeprétendussévices.—Monex-patron,s’ilvousplaît.Quelsalopardfini…ElliecessadefrotterledosdeRagemaisrestacolléeàluietluipassaunbras
autourdelataille.—Rage…ducalme.Personnenevas’enprendreàmoi.—Pasquestiondeleslaissert’arracheràmoi,grondal’Hybrideenacculant
unpeuplusElliedansl’angledelapièce.—Ilfautqu’ellenousaccompagne,rugitJustice.Regarde-toi!Qu’est-cequi
te prend, de réagir ainsi ? Ellie n’est pas ton jouet. Ton comportement donneraisonàceuxquinousaccusentd’êtredesanimaux.Calme-toi.—PersonnenetoucheàmonEllie.Justice,surpris,arqualessourcils.—TonEllie?Tucopulesavecelle,c’estça?(Savoixs’adoucit.)Tunenous
laissespasapprocheràportéed’odorat.C’estpourça,j’imagine?—Elleestàmoi,grinçaRage.
EllievitpâlirlechefdesHybrides,quibraquasesyeuxdefauvesurelle.—Ilaagideforce?Vousn’avezrien?ElliegrimaçaausouvenirdeJusticeladécouvrantattachéesurlelitdeRage.— Poussée dans un coin, mais sinon, ça va très bien, merci. Rage, tu
m’écrases.Tupeuxarrêter?M’aplatircontrelemurn’estpaslasolution…Lajeunefemmesedétenditquandilconsentitàluiredonnerunpeud’espace.
ElleregardaJusticedanslesyeux.—Ragenem’ajamaisforcéeàfairequoiquecesoit.Jemeportecommeun
charme,etluiaussi.—Iln’apas faitquecopuleravecvous…Ilvousa faite sienne,enconclut
Justicesurletond’unconstatamer.Elliehésita.—Oncoucheensemble,vousvoulezdire?Eneffet.Ons’entendàmerveille,
toutvabien,et jesuis icidemonpleingré. JamaisRagenemeferaitdemal.C’estvotreami,vousdevriezlesavoir.Justiceplissalesyeux.—Etl’autrefois,alors?Soncomportementn’étaitpasrationnel.Lerougemontaauxjouesd’Ellie.—Onavaitdeschosesàrégler.Iln’apasfaitexprèsdem’écorcher,c’étaitun
coupdecrocaccidentel.Justicearquaunsourcil.— Depuis quand attache-t-on « accidentellement » une femme sur son lit
aprèsl’avoirkidnappéedansunparc?—Cettepartie-làdel’histoiren’avaitriendefortuit,jenevousapprendsrien.
Jevousaiditpourquoiilm’avaitenlevée.LajeunefemmesentitRagesecabrer;ilsetournaverselle,éberlué.Aucun
doute,unediscussioninconfortablelesattendaitdansunfuturtrèsproche.Ellieétaitcontraintedecontinueràfairecommesilesdeuxagentsdel’OPH
n’étaientpaslà.Ellen’avaitqu’uneenvie:quelesols’ouvresoussespiedsetl’engloutisse.Pourquoidiablefallait-ilcontinuersurcesujet?ParcequeJustices’inquiétaitpourelle.Ilétaitvenuavecdeuxtypesquiparaissaientdéterminésàs’enprendreàRagesic’étaitleprixàpayerpourlatirerd’affaire.— Nous avions un compte à régler, vous le savez. Alors d’accord, il m’a
traînéejusquedanssonlitsansmonconsentement,maislasuites’estavérée…consensuelle. Quand j’ai affirmé qu’il ne m’avait pas violée, ce n’était ni unmensonge, ni pour lui éviter des ennuis, bon sang. J’étais consentante quandRagem’apénétrée.
Justiceconsacraunlongmomentàladévisagerpuisfinitparhocherlatête.— Je vois. Il vous a séduite jusqu’à ce que vous ne puissiez plus rien lui
refuser.Ellieprituneprofondeinspirationavantderépondre.—Ragemeplaîtdepuisledébut:decefait,iln’apaseuàinsisterbeaucoup.
On peut en rester là ? Si je suis avec lui, c’est uniquement parce que j’en aienvie.—Sortezgarderl’entrée,ordonnaJusticeàsesagents.SitôtlesdeuxHybridessortis,Justicesepassalamaindanslescheveuxpuis
laissapendresesbraslelongducorps.IlpassaunpoucedanslapocheavantdesonjeanetreportasonattentionsurRage.Rageavaitpeuretdétestaitça.Ilétaitconscientd’inquiéterJusticeavecson
comportementd’oursmalléchéetsafixationsurElliemaisc’étaitplusfortquelui,ilpaniquaitàl’idéequedeshumainspuissentl’exfiltrerdeHomeland,horsdesaportée.Etpuis,commentfaireconfianceàBoris?Ledirecteurauxyeuxglobuleuxn’arrivaitpasàmasquersondégoûtdesHybrides.Plusieursemployéshumainsvivaientcommeunetrahisonlefaitqu’Ellie,une
desleurs,dormesoussontoit.Endevenantsacompagne,EllieétaitdevenueuneHybride ; les humains n’avaient donc plus aucun droit envers elle. C’étaitsimple, non ? Pour rassurer Rage, il suffisait qu’on l’autorise à assister àl’entrevueavecledirecteur…etonleluiinterdisait.D’oùsaréactionextrême.Rageavaitexigéqu’ungardehybridesurveilleenpermanencel’appartement
pendantsesheuresdetravail.Ilétaitprêtàtoutpourempêcherqu’onluienlèvesabien-aimée.IlaccrochaleregarddeJustice.SonamisavaitàquelpointElliecomptaitpourlui.LechefdesHybridesl’étudiaavecétonnement.—Jem’inquiètedetevoiragirsidifféremmentdèsqu’ilestquestiondecette
humaine.—J’ensuisconscient,maisjamaisjeneluiferaidumal.Soistranquille.Justicerefermapresqueentièrementsesyeuxdechat.—Je lesuis.Jesuisdésoléd’avoirdoutéde toi,mais tudoisavouerque tu
n’espastoi-mêmedèsquetapartenaireestconcernée.—Çanem’apaséchappénonplus.Les deux Hybrides restèrent un court instant à se dévisager. Justice fut le
premieràreprendrelaparole.—Ilsme tannentpourque je lesautoriseà lavoir,afindes’assurerqu’elle
n’arien.Jen’aipaslechoix;tusaisaussibienquemoiqu’ilfautlesrassurer.Pour difficile qu’il lui soit de se montrer objectif dès qu’il était question
d’Ellie, Rage se rendit à l’évidence : Justice disait vrai. Les humainscontinuaient à seméfier desHybrides, il était normal qu’ils s’inquiètent pourEllie.Sid’aventurec’étaitunautreHybridequis’étaitmisencoupleavecunehumaine,Rageauraitétélepremieràveilleraugrain.Ungrossoupirl’aidaàsecalmer. Inutile de s’en faire, jamais Ellie ne le quitterait de son plein gré. Lasagessecommandaitqu’illaissesescongénèreslavoir.— Ils souhaitent qu’un docteur l’examine. Ils s’inquiètent… et moi aussi,
merde.Onaparléentrenousdecetteéventualitémais,àmaconnaissance,vousêtes lespremiersà franchir lepas. (Justiceménageaunsilence.)Alorscommeça…noussommescompatibles,sexuellement?Ragehochalatête.— Un brin différents, comme on s’y attendait, mais vraiment rien
d’insurmontable.Ellien’apasbesoindevoiruntoubib.Jeneluifaisaucunmal.Justicefronçalessourcils.—Etlesmorsures?demanda-t-iltoutenjetantuncoupd’œilauxépauleset
au cou d’Ellie. Les humaines sont plus fragiles que nos sœurs et cicatrisentmoinsvite,tulesais.—Jenelamordspas.—Vousvousmordezvraimentpendantl’amour?Ellie n’en revenait pas.Elle était gênéed’aborder ainsi les détails de savie
sexuelleavecRage,maislacuriositéétaitplusforte.—Jel’ignorais…Ragesetournaverselleetmontralescrocs.—Jedoutequetuapprécies.—D’accordavectoi,répondit-elleaprèsavoircontemplésescanines.L’œilpétillantdemalice,Ragesefenditd’unpetit rirepuisseretournavers
Justice.— OK pour qu’Ellie y aille… à condition que je l’accompagne. Les
extrémistes l’ont déjà attaquée parce qu’elle travaillait ici ; le risque est plusimportantencore,maintenantquetoutlemondesaitqu’ellevitsousmontoit.Çafaitd’Ellieunecibledechoix.— Je te comprends,maisBoris s’y refuse. Son argument se tient : il craint
qu’ellesoittropterrifiéepourparlerlibremententaprésenceàcausedessévicesqu’elleasubis.
—Qu’ilaillesefairefoutre,grondaRage.Ellieestàmoi,pasàlui.Iln’aplusàs’inquiéterpourelle.ElliequittasonrecoinensefaufilantderrièreRage,quilalaissafairejusqu’à
cequ’elletentedes’éloigner.Lajeunefemmesentitunbraspuissants’enroulerautour de sa taille pour l’empêcher d’aller plus loin. Il l’attira tout contre lui.Ellie se détendit ; elle se sentait bien dans ses bras quelles que soient lescirconstances,etelleluiétreignitl’avant-braspourluisignifierqu’ellecomptaitrestersage.Justiceobservaleurmanègeavecintérêt.—Vousêtesensembledepuislepremierjourdesonemménagement?—Depuislanuitdernière,corrigeaRage,désormaisplusdétendu.Jenefais
pasconfianceàBoris.Etàpersonneencequiconcernelasécuritéd’Ellie.Elleestàmoi,Justice.Jenepermettraiàpersonnedeluifairedumal.Pasmêmeàtoi,endépitdetoninquiétude.—Jamaisjeneluiferaidetort,promitJustice,solennel.Tuasmaparolequ’il
ne lui arrivera rien, et que je la défendrai au péril de ma vie. Il faut qu’ellevienneavecmoivoirledirecteur.Noussommestoutprèsdereprendrelesrênes,iln’enapluspour longtempsà la têtedeHomeland,maispour l’heure, il fautcomposeravec lui. Je teprometsde faireauplusvite. Ils insistentpourqu’undocteurl’examine,maisjeresteraiauprèsd’elle.Lesrassurerestcapital,l’ami.Les humains s’inquiètent des conséquences d’un accouplement humaine-Hybride.Ilssontconvaincusquevousavezcouchéensembleetnelâcherontpasl’affaire.—Mais ce n’est qu’une supposition de leur part, jeme trompe ? intervint
Ellie.Justiceacquiesça.—C’estexact,maisilsuffiraitdevousflairerdeuxsecondespourenavoirle
cœur net. Vous êtes assez près demoi pour que je sente l’odeur de Rage survous.Despiedsàlatête.Elliefitpartdesesdoutes.— La belle affaire ! Notre odorat est bien moins développé que celui des
Hybrides.Leshumainssefientàcequ’ilsvoient,pasàcequ’ilssentent.LesouriredeJustices’épanouitlentement.—J’oublietoutletempsnospetitesdifférences.Lajeunefemmehochalatête.—IlsnepourrontquespéculersurcequisepasseentreRageetmoi.Justiceserembrunit.
—Vousvivezsouslemêmetoit,quandmême…—Elleestàmoi,répétaRagesuruntondemenace.Etellecontinueraàvivre
avecmoi.Cen’estpasnégociable.Justiceledévisageaavecinsistance.—Tuessûrquetoutvabien?Tutemontrestrèspossessif…—Trèsbien.Jesuispossessif,c’estvrai.Ellieestàmoi,c’estsimple.Justicemarquauntemps.— Tu te l’es vraiment appropriée, ça va beaucoup plus loin qu’un simple
accouplement. Je la conduis auprès de Boris et je la ramène aussitôt. Sans laquitterd’unesemelleunseulinstant.—Enveillantsurellecommesielleétaitdesnôtres,exigeaRage.Justiceacquiesça.—Elleestdesnôtrespuisquec’esttafemme.Ragecessad’étreindreEllieparlataille,lapritparleshanchesetlafitpivoter
jusqu’àcequeleursregardssecroisent.— Je promets de te retrouver si quelqu’un t’oblige à quitter Homeland.
Personnenet’arracheraàmoi.Impressionnéeparlagravitédutonemployé,Elliehochalatête.—Jeseraideretourtrèsvite.Je…Ellefaillitluidire«Jet’aime»etseretintdejustesse.Lessentimentsqu’elle
éprouvaitn’avaient,aufond,riendesurprenant.—Tuvasmemanquer,serésolut-elleàdéclarer.Rageluipritlevisageàdeuxmainsetsepenchajusqu’àcequeleursnezse
frôlent.—Toiaussi,tuvasmemanquer.Lesyeuxbrûlantsdepassion,ilparvintàs’arracheràlacontemplationdesa
bien-aiméeetbraquaunregarddursursonamiléonin.—Ramène-laauplusviteetprotège-laquoiqu’ilencoûte.—Comptesurmoi.Aupérildemaviesinécessaire.Allons-y,Ellie.Dèsque
vousaurezmisdeschaussures.Ellie leva un regard intimidé vers les malabars qui l’entouraient. Cette
murailledemusclel’obligeaàluttercontreunaccèsdeclaustrophobie.Personnenelatouchait,maissiellelevaitunbras,elleétaitsûred’effleurerunagentdel’OPH. Justice agissait comme si sa protégée courait un péril mortel, ce quiterrifia l’intéressée jusqu’à ce que le cortège débouche dans la salle deconférences.Lapeurlaissalaplaceauchocdedécouvrirunesallecomble.Ellie
serralesdentspourempêchersabouchedes’ouvriretjetadesregardsalentour:ilyavait là soixantepersonnesaubasmot.Cedevait êtreun recordpouruneréunionàHomeland…LedirecteurBorisétaitassisàunetable,toutaufond.—MademoiselleBrower.Lamoutarde lui monta au nez en croisant le regard de son ex-patron. Elle
découvritDarrenArtinoassisàcôtéduboss,ainsiqued’autresvisagesfamiliers,maisaussiunegrandemajoritéd’inconnus.Ciblede tous les regards,Ellieeutl’impressiond’êtreun insecteobservéaumicroscope.D’un reversde lamain,Justicefitsigneàsesagentsdeserépartirdanslasalleetrestaàcôtéd’Ellieafindes’adresseraudirecteur.—VoiciEllieBrower.Quivabien,commevouspouveztousleconstater.L’irritationétaitpalpabledanslavoixduchefdesHybrides.DarrenArtino, lesyeuxrivéssurEllie,seracla lagorgeavantdeprendre la
parole.— Il a été porté à notre attention que vous souhaitiez peut-être quitter le
domiciledeM.Rage.Nousnousinquiétonspourvous.Ellie, lesbrascroiséset lementonsaillant,étaitmalà l’aised’êtreobservée
partoutcemonde.—Jevaistrèsbien,merci.M.Rageaeulagentillessedemelaisseroccuper
sa chambre d’amis. (Elleménagea une pause et posa un regard courroucé surBoris.) Juste après avoir quittéHomeland, j’ai faillime faire enlever par troiscinglés issus des rangs des extrémistes qui campent aux portes de la base.M.Ragesesouciedemasécurité.Jesuisbienmieuxiciqu’àl’extérieur.Unejeunefemmeblonde,auxcheveuxramenésenchignonserré,seleva.Elle
portaitunensemblenoirtoutaussistrictquesacoiffure.—JesuisledocteurTrishaNorbit.Ellie,quilajugeaitbienjeunepourêtremédecin,s’abstintcependantdetout
commentaire.—Enchantée,répondit-ellefautedemieux.—Nousavonscrucomprendrequevousétiezdevenustrèsproches,M.Rage
etvous-même.J’aimeraispouvoirprocéderàunexamenmédicaletvousposerquelquesquestions. (Elle embrassa la salledu regardpuis adressaun signedeconnivenceàEllie.)Enprivé,celavadesoi.—Jen’airienàdéclareretpasdavantagebesoind’unexamenmédical.Elliepoussaunsoupirsonore;iln’étaitpasquestiond’ypasserlajournée.—Allonsdroit aubut, voulez-vous ? J’ai vu le sujet aux infos. Je sais que
vouspensezqueM.Ragem’afaitdutort,d’unemanièreoud’uneautre,maisriendetoutcelan’estvrai.Elle posa un nouveau regard chargé de mépris sur Boris puis reporta son
attentionsurlemédecin.—Jesuissoninvitéeetjedorsdanslachambred’amis.C’estàpeinesinous
nouscroisons,ilnesepasseriendelouche.Jenevoisaucuneraisond’êtreici,maisM.Northainsistépourquej’apparaisseenpublic,afinquetoutlemondepuisse constater que je n’ai rien. Je passais une excellente journée, en fait,jusqu’àcequevousfassiezdemoiunebêtecurieuseenimaginantlepire.—Iln’yariendecharnelentrevousetM.Rage?lançaunanonyme.Ellielefusilladuregard.—Laquestionestinappropriéeethorssujet,maisj’yrépondsquandmême,et
c’estnon.Auriez-vousmalentenduledébut?M.Rageestunparfaitgentleman.Jelogedanssachambred’amis.—Mais vous vivez ensemble, insista l’inconnu sansmasquer son hostilité.
Noussavonsquevousavezdesrelationssexuellesaveclui.Ellieperditpatience,fitunpasendirectiondufâcheuxpuiss’arrêta.—Noussommescolocataires,vousêtessourd,ouquoi?Feriez-vouspartiede
cesabrutisconvaincusqu’unhommeetunefemmenepeuventpasvivresouslemêmetoitsanscoucherensemble?Unhommeplusâgésoupira.— C’était dit sans intention de vous heurter, mademoiselle Brower. Le
problème, c’est que nous avons besoin de savoir si vous avez des relationssexuelles avec M. Rage. Cela ferait de vous deux, à notre connaissance, lepremier couple interespèces actif sexuellement. Auquel cas il conviendrait deprocéderàuneétudescientifiquesérieuse.(Ilremontaseslunettesavecl’index.)Leseffetssecondairesdangereuxnesontpasàexclure.C’estdevotrebien-êtrequ’il s’agit, et de celui de M. Rage. Vous ne tenez pas à le rendre malade,j’imagine?Elliefronçalessourcils.—Jecomprendsvotrepointdevue,maispermettez-moid’insister:jenesuis
pasencoupleavecM.Rageausensoùvous l’entendez.Nousn’avonspasderelations sexuelles. J’ai simplement affaire à un type bien qui m’héberge letempsque je trouveunnouveau travail.Quand je suis sortied’ici, descinglésracistes ont failli me kidnapper au prétexte que j’ai travaillé au contact desHybrides.Jesuisplusensécuritéici,àHomeland,qu’àl’extérieur.—Très bien, dit le directeurBoris après un soupir bruyant à souhait.Vous
pouvezreprendrevotreposteaudortoirdesfemmes.Immédiatement.LasécuritévavousaccompagnerjusquechezM.Rageafinquevousyrécupériezvoseffetspersonnels.Ellieeutl’impressionquelesols’ouvraitsoussespiedsetprésentaunvisage
abasourdi àBoris.Lesalopard. Elle prit le temps de se calmer puis secoua latête, il n’était pas question de laisser ce fumier l’éloigner deRage.Toutes lespersonnes présentes guettaient sa réaction.Qu’ils aillent tous se faire foutre,songea-t-elleenréfléchissantàcequ’elleallaitrétorqueràcetabruti.— J’aimerais beaucoup retrouvermon ancien poste, croyez-moi,mais si je
l’aiperdu,c’estparcequevousessayiezdemecontraindreàproduireun fauxtémoignage.Vexéquelesagentsdel’OPHm’aientsecouruealorsquelasécuritédeHomeland était débordée par la prise d’assaut, vousm’avez donné l’ordred’accuseràtortl’undecesagentsqui,selonvous,m’auraitfaitsubirjenesaisquelleshorreurs.Lavérité,c’estquelesHybridesm’ontsauvélavieetquevosgarsétaientincapablesdeveniràmarescousse.LajeunefemmevitBorisblêmir;denombreuxregardssetournèrentverslui.
Ledirecteur était visiblement trop choquépour faire autre choseque jeter descoupsd’œilaffolésàlaronde.— Je refuse deme placer sous la responsabilité d’un type quim’a incité à
livrerunfauxtémoignageparticulièrementdégueulasse,puisquim’aviréeparcequejerefusaisd’obéir.J’auraisdémissionnésicecourage-làvousavaitmanqué,monsieur le directeur Boris. Retravailler pour vous ? Jamais de la vie. Jem’estimecapablederetrouverunemploioùl’onnemeforcepasàmentir.—C’est…c’estfaux!bredouillaBoris,quis’étaitenfinressaisi,enpointant
un doigt accusateur sur Ellie. Qu’on évacue immédiatement cette femme etqu’onlabannisseàjamaisdeHomeland!Justicebraquaunregardnoirsurungardequis’approchaitd’Ellie.Lajeune
femmefaillitbutercontreunagentdel’OPHet,enseretournant,vitquetousseshomologues avaient convergé vers elle pour faire barrage. Ellie se figea ; levigilehumainfitdemême.— La question est intéressante, énonça froidement Justice. Auriez-vous un
problème avec mes équipes, monsieur le directeur ? Sauf erreur de ma part,Homeland a été conçu pour permettre àmon peuple de se structurer, pour luifournir un foyer. Cela ne peut pas se concevoir sans personnel de sécurité.MademoiselleBrowerm’alivrélateneurdelaconversationquevousaviezeueavec elle, le jour où vous l’avez licenciée. Ce que, soit dit en passant, vousn’étiezpashabilitéàfairesansmonconsentement.Vousavezdépassélesbornes
et venez à l’instant de récidiver. Cette jeune femme est sous la protection del’OPH…etvousosezordonnersonévacuationmusclée?Unhommeplusâgé,vêtud’uncostume,selevabrusquementetcontournala
table.IlallaseplacerdevantBorisetfronçalessourcils.—Jerry?lança-t-il,d’évidencehabituéàtutoyerledirecteur.—C’estfaux,s’enferral’intéressé.L’undesesadjoints,ceRageaveclequel
ellevitdésormais,aportémademoiselleBrowerjusquedansunesalledebainset l’a entièrement dévêtue. Puis il lui a donné ses propres sous-vêtements àporter.Quand elle s’est débarbouillée au lavabo, il n’a pas pu faire autrementquelavoirsedéshabilleretfairesatoilette.Toutcequej’aifait,c’esttenterdela protéger en l’incitant à dire la vérité sur ce qu’elle avait enduré. Nous nepouvonstolérerqu’unvigileconduiseunejeunefemmedeforcedansunesalled’eaupourabuserd’elle!—Est-cevrai?demandal’hommeencostumeàEllieenarquantunsourcil.—Non.Certes,Ragem’aconduiteà la salledebainsenvoyantque j’étais
couvertedesang.Ils’estenfermédansunecabineetyaretirésoncaleçonetsachemisepourquej’aiequelquechoseàmemettre,pendantquejemenettoyaisseule.J’étaisrougedespiedsàlatête.Lesautresoptionsauraientconsistéàcequejeressortenue,ouàcejeremettemesfringuespoisseuses.Touteslesissuesétaientverrouillées;jen’avaisstrictementriend’autreàmadisposition.J’aieubeaumemontrertrèsclaire,ledirecteurn’arienvoulusavoir.Ils’estlancédansd’horribles accusations sans le moindre fondement, comme quoi j’aurais étéabusée sexuellement… ou que je me serais conduite comme la dernière dessalopes,nesongeantqu’àsefairesauterdanslestoilettesjusteaprèsavoirvécul’expérience la plus traumatisante de ma vie. Boris m’a ordonné d’écrire unrapportaccusantM.Ragedespiresatrocités.Commec’étaitn’importequoi,j’airefusé,d’autantplusquec’estbeletbienlasécuritédel’OPHquim’asauvélavie.Leregardbleuglacierdel’hommeâgérestaunlongmomentposésurEllie.
PuisilhochalatêteetseretournaversBoris.—Jerry,j’aileregretdet’informerquejeteremplaceaveceffetimmédiat.Le
ver est dans le fruit, c’estmanifeste, et le projetHomeland est trop importantpour que nous laissions pourrir la situation. (Il s’adressa à Justice.) Je vousprésentemesexcuses.Nousdisposionsàl’évidenced’informationstronquées.Àcompter de ce jour, ce seramoi le nouveaudirecteur.Si c’est acceptablepourvous,biensûr,ajouta-t-ilaprèsuncourtsilence.—Çameva,Tom. J’aiun rendez-vous téléphoniqueavec leprésidentdans
dixminutes;jevouslaisse.JusticefitsigneàsesgarspuisproposasonbrasàEllie.—Onyva,mademoiselleBrower?Ellie adressa un ultime regard noir au directeur Boris. À l’ex-directeur, se
corrigea-t-elleenacceptantlebrastenduparJustice.Lesagentsdel’OPHprirentpositionautourd’eux.Lepetitgroupequittalasalle.— Faites-moi penser à ne jamais vous mettre en pétard, mademoiselle
Brower,luiglissalechefdesHybrides,hilare,alorsqu’ilssortaientdubâtiment.Ellielevalesyeuxverslui.—Lacolèren’apasgrand-choseàvoir là-dedans. J’étaisunpeu remontée,
c’estvrai,maissurtout,j’avaispeur.Justice cessa d’avancer et la dévisagea sans chercher à masquer son
incrédulité.—Peurdequoi? Jamaisnousne lesaurions laisséss’enprendreàvous. Il
n’étaitpasquestiondelesautoriseràvousremettreàlaporte.Ellienepipamot.Jusqu’oùpouvait-elleluifaireconfiance?Ilrestaunlong
momentàlajauger.—Vouspensiezqu’ilsallaientréussiràvouséloignerdeRage?C’estçaqui
vousfaisaitpeur?Merde alors… Je suis transparente à ce point ? Elle détourna la tête et
contemplaleparking:lesvéhiculesétaientgarésjusquedanslarue,àunendroitd’ordinaireinterditaustationnement.Ellehochalatête.Rage avait pris une place énorme dans sa vie depuis l’instant où elle avait
posé les yeux sur lui.Elle était prête à tout pour le garder. Il avait peuplé sesrêves,elleavaitcontinuéàjouerlessous-marinschezMercileenfaisantfidesrisquesencourus,puisprisunjobauprèsdesHybridesdansl’espoirderéparerles tortsqu’elleavaitcommisàsonencontre.Tourné ledosàsa famille,àsesamis, après le séisme que représentait leur rencontre. Son existence gravitaitdésormais autour de Rage et de son peuple. Ils vivaient en couple… et ellen’avaitaucuneenviedeleperdre.Ellen’yrésisteraitpas.—Trèsbien,énonçaJusticeàvoixbasse.Jevousramèneauprèsdelui.Elliecroisasonregarddefélin.—Merci.Ils n’avaient pas fait cinq pas quand, derrière eux, retentit un grognement
rauque.Justicefitvolte-face,empoignaEllieet lamità l’abriderrière lui.Sonchamp de vision occulté par la silhouette imposante du chef desHybrides, lajeunefemmedutsedéhancherpourregarderdanslamêmedirectionquelui.
ElliereconnutSlade.L’agentdel’OPHceinturaitlemédecinpourl’empêcherde faire un pas de plus. Trisha Norbit était livide. Slade paraissait à cran etgrognaitdoucement.Justicesedétendit.—Quevoulez-vous,docteurNorbit?—Tulaconnais?s’étonnaSlade.Ellecouraitversnous…Justiceopina.—Toutvabien,Slade.Laisse-laapprocher.Ellen’estpasunemenace.TrishaNorbitsedégageadèsqueSladecessadelaretenir.Sonregardsefixa
surEllie.—JevoulaisjustetoucherdeuxmotsenprivéàmademoiselleBrower.Justiceglissasespoucesdanslespochesavantdesonjean.—Quevouliez-vousluidireaujuste,docteur?—Luilaissermescoordonnées.TrishaNorbit, toujours secouée, sortit une carte de visite de la poche de sa
jupeetlatenditàEllied’unemaintremblante.Elliehésitaàl’accepter.—Pourquoienaurais-jebesoin?— Simple précaution. C’est nécessaire, croyez-moi. Laissez-moi devenir
votremédecintraitant.Toutcequevousmedirezdanscecadreserastrictementconfidentiel. Dans l’hypothèse où vous-même et M. Rage seriez… intimes,réfléchissez à tout ce que la science y gagnerait si vous m’autorisiez à vousexaminer.—Ce quime vient à l’esprit, là tout de suite, intervint Slade en gloussant,
c’est que vous faites preuve d’une curiosité mal placée. Laissez-la tranquille,doc.SiEllieavaitbesoindevosservices,ellel’auraitdittoutàl’heure.TrishaNorbitdécidad’ignorerSladeetrestaconcentréesurEllie.— J’ai consulté les rapports sur la physiologie des Hybrides ; il existe
certainesdifférences.Etdenombreuseszonesd’ombre.—Quellesdifférences?Sladecommençaparfroncerlessourcilspuissouritd’uneoreilleàl’autre.—Ah,jevois…Cettequestiond’échelledetailleentrenousetleshumains.LedocteurNorbitadressaunregardcourroucéàl’importunpuisreportason
attentionsurEllie.—Vousn’avezpasenviedesavoirsivousrisquezdetomberenceinte?De
savoirsic’estpossible,àconditiondesuivreuntraitementadapté?Justicefronçalessourcils.—J’enaidiscutéavecdenombreuxspécialistes.Tous sontd’accord : c’est
impossible.Noussommesstériles.
NorbittournalatêteverslechefdesHybrides.—Rienn’estabsolumentcertaindanscedomaine.Etsurtout,jamaispersonne
n’aétudiécequiseproduitdanslecadred’uncouplemixte.Siunehumaineades rapports sexuels avec l’undevos semblables, ilm’apparaît souhaitablededécouvrir ce qui peut en résulter, vous n’êtes pas d’accord ? Une grossesseéventuelle n’est pas ce qui me préoccupe le plus. Réfléchissez-y, monsieurNorth.D’autrescouplesmixtessontappelésàseformer,c’estdansl’ordredeschoses.Mieuxvaut s’assurer qu’il n’y a aucun effet secondaire néfaste, non ?Voshommesn’ontjamaisréussiàféconderuneHybride,c’estvrai.MaisEllieestcentpourcenthumaine.—Quelgenred’effetsecondaire?gloussaSlade.Lasurexcitation?Ilm’est
arrivéd’allerpisserenmêmetempsqu’unhumain,doc.Cequirisqueleplusdefaireflipperleshumaines,c’estladifférencedegabaritentrenosbitesetcellesdevosgugusses.—Vousêtesunporc,rétorquaTrishaNorbitenfusillantSladeduregard.Sladecessadesourire;ungrondementsourdémanadesagorge.—J’aidel’ADNdechien,pasdecochon.— C’est une image, intervint Ellie en parvenant à garder son sérieux. Le
docteurNorbitveutdireparlàquevospropossont…déplacés.SladeadressaunsignedetêteàElliepuisunlargesourireaumédecin.—Déplacés?Jediraisplutôtdanslemille.—Bien ! intervint Justice,goguenard.Cetteconversationprendun tour très
amusant,maisilsetrouvequej’aivraimentunrendez-voustéléphoniqueavecleprésident.Cen’étaitpasuneexcusebidonpournouséclipser.— Un instant, implora Trisha Norbit à voix basse. Mademoiselle Brower,
Ellie,jevousenprie,prenezmacarte.C’estmoiquim’occupedelasantédesHybrides. S’il est tout à fait normal que vous souhaitiez éviter d’aborderpubliquementcertainssujets,sachezquejepeuxpasservousvoirchezM.Rage.En toute discrétion. Je vous laisse juge,mais gardez à l’esprit à quel point ilimportepournousd’ensavoirplussurlafaçondontcelasepassedansl’intimitéentrelesdeuxespèces.Ellieserésolutàaccepterlacartedevisitequ’ellefourradanslapochedeson
jean.—JenecouchepasavecM.Rage,c’estcequej’aidéclarépubliquement,et
jesaisqueltollécelasusciteraits’ilenétaitautrement.SladefitfrémirsesnarinesetposalesyeuxsurElliequisoutintsonregard.Il
inhalaitlentement…etsourit.Ellesedétournaaussitôt.Ilsavaitqu’ellementait
pour avoir senti l’odeurdeRage sur son corps.Elle soupira intérieurement enconstatantqu’ilnepipaitmot.— Il est impératif que je sache comment nos deux espèces interagissent
pendantl’actesexuel,insistaTrishaNorbitàmi-voix.Lebien-êtredesHybridesest sous ma responsabilité, mais aussi celui des humains. Je me dois d’enapprendre le plus possible sur les conséquences éventuelles de relationsinterespèces.Lesujetfinirafatalementpardevenir…brûlant.—Voilà ceque je propose,mentitEllie.Si jamais j’envisage la chose avec
M.Rage,jeluienfaispart,etsiparmiracleilsemontreintéressé,jevoustiensimmédiatementaucourant.Ellie tournales talonsetsedirigead’unpasvifvers l’appartementdeRage,
aussitôtsuivieparJusticequisemitàglousserdoucement.—Habilementnégocié.(Ilmarquauntemps.)Jesuggèrequevousl’appeliez
dès demain. Si j’en crois son dossier, Trisha Norbit est une praticienne trèsréputée. C’est moi qui l’ai sélectionnée. Jeune mais très brillante, elle est enoutre favorableà lacauseHybride.Quandelleaffirmequ’ellen’endira rienàpersonne,j’aitendanceàlacroire.Elliehochalatête.—Lejouroùj’auraibesoind’untoubib,jen’hésiteraipasuneseconde.
CHAPITRE13
Convaincuque leschosesallaientmal tourner,Ragefit lescentpaspendanttoute l’absenced’Ellie. Il s’était faitviolencepournepasseprécipiterdans lasalledecontrôledeHomelandoùlescamérasdesurveillanceluiauraientpermisd’espionner lesdébats. Ilavaitaccèsaux imagesen tantque responsablede lasécuritédelabaseetbrasdroitdeJustice,maisilsouhaitaitpar-dessustoutêtreprésentàsonretour.Rage avait confiance en Justice et ses gars pour veiller sur Ellie. Il s’était
chargépersonnellementdeformerchacundesagentsdel’OPH,quisavaienttousà quel point la jeune humaine comptait pour lui. Tout lui manquait : l’odeurd’Ellie, le son de sa voix chantante, et il lui suffisait de fermer les yeux pourqu’apparaisseledouxvisagedesabelle,impriméauferrougedanssamémoire.Êtreétenduàcôtéd’Ellie,sentir legraindesapeautandisqu’ilsdiscutaient
jusquetarddanslasoirée,quepouvait-ilespérerdemieuxavantdes’endormir?Cebonheur-là, ilsouhaitait lerevivresoiraprèssoiretdécouvrirchaquedétaildelavied’Ellie…sauf,biensûr,cequiavaittraitauxhommesqu’elleavaitpuconnaîtreintimement.ImaginersonElliedanslesbrasd’unautre?C’étaitexclu,illuifaudraitalorstouslesretrouver–etleséliminer.Sijamaissonex-marisepointait à Homeland dans l’intention de la récupérer, Rage avait juré de luicaresserlescôtesjusqu’àcequ’ilchanged’avis;unepromessequ’ilseferaitunplaisirdetenir.Ellieétaitàlui.Pourtoujours.La référence à l’ex-mari lui fit songer aux parents démissionnaires d’Ellie.
Rage arrêta son va-et-vient et posa un regard dur sur la porte d’entrée. Plusjamais,sepromit-il,elleneseraitseule.Sanouvellefamille,c’étaitlui-mêmeettoutsonpeuple.Ilcomptaitfermementl’affirmeràEllieetleproclamerhautetfort.QuitteàbataillerbecetongleavecJusticesinécessaire,ilferaitpromulguerune loi : tout représentant de l’espèce humaine en couple avec un ou uneHybridedevaitêtreassimilé.Ilétait logiquequ’Elliedisposedesmêmesdroitsque lui, ellene faisaitpasdedifférenceentre leursdeuxespèces, lesHybridesétaientdecefaittenusdel’accepter.Entantqu’Hybrideàpartentière.Rage hocha la tête. Justice entendrait parler de cette loi dès qu’il serait
question d’en rédiger pour leur peuple. Homeland était promis à devenir unterritoireadministréparlesHybridesdansunprocheavenir.Leurunionpourraitalorsêtreofficialisée.Cequi,dansl’espritdeRage,étaitdéjàacquis.Encorefallait-ilqu’ellerentreàlamaison…Au terme d’une attente interminable, il l’aperçut enfin par la fenêtre. Et se
refitviolencepournepasserueràl’extérieur.Qu’illuiencoûtaitdegardersoncalme ! Personne n’avait tenté de l’enlever, faute de quoi elle aurait eu l’airaffolée.Justiceetsesgarsparaissaientdétendus.Ilouvritlaporte.Rage,visiblementsoulagé,émergeadubungalowetmarchaversEllie.—Onnousobserve,murmuraJustice.Ellie,rentrezàlamaisoncommeside
rienn’était.Quantàtoi,Rage,efforce-toidenepasavoirl’airtropheureuxdelavoir.Ellievientdementirdevantunesallecomble;neflanquepastoutparterreen l’embrassant devant témoins. Faisons semblant de bavarder, ça donneral’impressionquetuessortimeparler.Ellie continua à marcher. Prise d’une brusque envie d’effleurer Rage au
passage, elle y résista et ne lui accorda pas un regard avant d’avoir franchi leseuil. Puis elle referma la porte, ôta ses chaussures et se mit à arpenter levestibule. Une minute plus tard, Rage entra à son tour. Leurs regards secroisèrentunefractiondeseconde…etElliesejetadanssesbras.Lecolosselarattrapaauvoletl’étreignitavecforce.Lespiedsd’Ellienetouchaientpluslesol;elleavaitlevisageenfouidansle
coudeRage,quilaserraitsifortquec’enétaitpresquedouloureux.—Tum’étouffes,haleta-t-elle.L’étausedesserra.—Tuesrevenue.—Oui.L’Hybride la prit au creux de ses bras, traversa l’appartement en trombe et
l’installaauborddulit.Elliesouritenlevoyantôtersachemise.—En rentrant duboulot, hier soir, tu as dit que je n’étais pas assez remise
pourqu’onremetteça;tut’escontentédemetenirdanstesbraspendantquejem’endormais. Idemcematin : tun’aspasvouluqu’onsedoucheensembleenprétextantqu’ilmefallaitquelquesjoursderépit.Jepeuxsavoirpourquoitutedésapes?Rage se débarrassa de ses chaussures et baissa son pantalon. Son regard
sombreetsexyétaitrivésurelle.—C’étaitavantqu’ont’arracheàmoi.Là…j’enaibesoin.
Ellieselevaetcommençaàsedéshabiller.Rage,déjànu,ladévoraduregardenattendantqu’elleenaitterminé.Ellefitunpasverslui.Lajeunefemmeretintsonsoufflequandilsejetasurelle,l’empoignapuisla
fitseretourner.Elleseretrouvaàgenouxetpenchéesurlematelasavantd’avoireu le temps de dire « ouf »… et sentit peser sur elle le corps puissant del’Hybride.—Rage?Il gronda, colla son nez contre son cou, inhala lentement puis grogna
doucement.—Tuvasmeprendreenlevrette?s’inquiétaEllie.Sanspréliminaires,comme
ça,cash?—Tuesàmoi.Lajeunefemmepritpeur.—Tumefaisflipper,là…Jenemesenspasprête.—Ce n’est pas voulu, dit-il en luimordillant le lobe de l’oreille.Mais j’ai
tellementenviede toi. J’ai fait lescentpas tout le tempsque tuétaispartie, àm’imaginerlepire.Jeveuxêtreentoi.T’entendrecriermonnom,m’enivrerdetonodeur.Sentirtachaleurhumide,allerauplusprofond,yrestercolléàtoilepluslongtempspossible.—Oublions les préliminaires, s’entendit balbutierEllie, tout excitée qu’elle
étaitparsadéclaration.Rage commença par l’empoigner par les hanches puis fit courir ses mains
jusqu’àcequ’ellesserefermentsurlapoitrined’Ellieetenprofitapourseloverau plus près d’elle. Sa bouche s’ouvrit ; il laissa errer sa langue sur l’épauleofferte.Desesmainsfermes,ilcomprimaitlesseinsd’Ellie.Duboutdespouces,illuititillalestétonsjusqu’àcequ’ilsdurcissent.Ellieglissalesmainsle longdeleurscorpssoudésetplaqualespaumessur
ses cuisses. Puis, après quelques secondes d’hésitation, elle empoigna son culmusclé.Aprèsl’avoirattiréplusprès,elleentrepritdefrottersesfessescontrelaqueuerigidedel’Hybride.PuisEllielâchaleculdeRageetglissaunemainentreleursdeuxépidermes
jusqu’à ce que ses doigts se referment sur l’épais cylindre de chair dure etbrûlante.Ragebougeadanssamain,visiblementravidesefairebranler.Ellielaissasa
poitrinereposersurlematelasetremualeshanchesjusqu’àcequeleglandsoitpile où il fallait. Rage, qui n’en demandait pas plus, donna un coup de reins.Ellieétaitlubrifiéeàsouhaitquandlesexedel’Hybridelapénétra.Ellepoussa
uncri,raviedelevoirrépondreàunbesoinqu’elleignoraitsipressant.Etsentitson sexe s’élargir de manière à pouvoir accueillir l’énorme engin de Rage.C’étaitl’extase.Ellegémit,poussapourqu’ilailleplusprofond.Rage se retira à peine, lâcha la poitrine d’Ellie et fit courir ses mains
jusqu’auxhanches.Sitôtsapriseassuréeils’enfonçaenelle,chaquefoisunpeuplusprofondément,àcadencesoutenue.La jeunefemmegémitplus fort, touteauplaisirqueluiprocuraientcescoupsdereins.—Tuessichaude,siétroite,simoite,gronda-t-il.Maisj’aiquandmêmepeur
detefairemal.—Pas…possible,haleta-t-elle.Dieuduciel,iln’yaplusquetoi.Quandjete
sensenmoi,plusriend’autren’existe.L’Hybride se retira puis reprit sesmouvements intensifs.En entendantEllie
gémirfaiblement,ilsefigea,laqueuepresqueentièremententréeenelle.—Net’arrêtepas,implora-t-elle.—Jetefaismal.—Non.Ohçanon.C’esttropbon,net’arrêtepas!Ilpoussaungrognementetluimordillalecou.Ellesentitlefrôlementsensuel
desalanguerâpeusesursapeaupuispritconsciencequ’uncrocl’effleurait,cequi accrut encore son excitation. Quand elle voulut s’empaler sur sa queue,l’Hybride,quilatenaittoujoursfermementparleshanches,l’enempêcha.Rageseremitenactiondanslesexeoffert.Lacadencedesescoupsdereins
allaitcrescendo.Ellie,agrippéeauborddulit,sentit toutsoncorpssecambrerdans l’attente de l’orgasme imminent. L’Hybride appuya ses canines contrel’épidermedelajeunefemmesans,toutefois,lafairesaigner–cequi,àcestade,n’aurait nullement incommodé Ellie. Son univers se résumait à la montéeirrépressibleduplaisirtandisquesonamant,grondanttoujours,lapénétraitavecuneardeurrenouvelée.Lesterminaisonsnerveusesdelajeunefemmeétaientauborddelarupture.Ragesedécalalégèrementafindedélivrersescoupsdeboutoirdansunangle
plus dévastateur encore. Son sexe frôlait désormais le point le plus sensible.Ellie,commefrappéeparlafoudre,sentitsesmusclessecontractersurlaqueuedu colosse.Terrassée par l’orgasme, elle semit à trembler des pieds à la tête.Rage,qui cessa aussitôt de luimordre l’épaule, faillit l’écraser sous son corpsmassif.La tête rejetée en arrière, il poussa unhurlement sonore…et sa vergecommençaàenfler.Ellie, secouée par de nouvelles vagues de plaisir, sentit sa tête buter contre
l’épauledeRage.Ellecrialenomdel’Hybride.
Le calme revenu après ce feu d’artifice, les amants se découvrirent horsd’haleineetétenduspêle-mêlel’unsurl’autre.Je l’aime. Jamais je n’aurais cru qu’un lien aussi fort puisse exister entre
deuxêtres.C’estl’hommedemavie,jeveuxqu’onsoittoutletempsensemble.Ellieétaitcertaine,désormais,d’avoir fait lebonchoixen tournant ledosàsavied’avant.Remisdesesémotionsplusrapidementqu’Ellie,Ragecessadepeserdetout
sonpoidssurelle.—Tum’asvraimentmanqué,gloussa-t-il.La jeune femme rouvrit les yeux et fit l’effort de tourner la tête dans sa
direction.—Jenemesuisabsentéequ’uneheure.—Lapluslonguedemavie.Ellies’esclaffa.—Si c’est cequim’attendchaque foisque je rentre, rappelle-moide sortir
plussouvent!Ilritàsontour.—Paslapeine.Lemieuxseraitencorequeje t’attacheunebonnefoispour
toutessurcelit.Tun’aspasbesoindesortirpourmedonnerenvied’êtreentoi.Leurs corps étaient au repos et semblaient avoir fusionné. Ellie était aux
anges. Rage la caressa aux endroits qui lui étaient accessibles ; sa partenaireréagit en poussant de petits cris d’extase tant les paumes de l’hybride luifaisaientuneffetextraordinaire.Ilseretiraendouceurdèsquelerenflementdesonsexe,consécutifàsonorgasme,eutcessé.—Àquelpointes-tusouple?—Aucuneidée,réponditEllieenhaussantlesépaules.Rage se leva.Quand Ellie se retourna et voulut l’imiter, l’Hybride fut plus
prompt,lasoulevaaucreuxdesesbraspuissants,contournalelitetlareposasurledos,latêteconfortablementcaléesurl’oreiller.—Tuvasfinirpartefaireuntourdereinsàforcedemetrimballerpartout,
plaisantaEllie.J’auraistoutaussibienpuramperjusqu’àtaplace,sitelétaittonbonplaisir.—Tu es trop légère pour que jeme blesse en te soulevant. Nous sommes
beaucoup plus costauds que vous autres, ne l’oublie pas. Je pourrais te porterpendantdesheuressansverserunegouttedesueur.EmpoignantEllieparunmollet, il lui souleva la jambe.La jeune femmese
gardadeprotesteretvitRagesecoucheràcôtéd’elle,luiplierlajambepuisse
glisserentresescuisses.Ellielevalamainetentrepritd’explorerlescreuxetlesbossesque formaient lesmuscles sur soncorpsparfaitementdessiné.Puis elleadmiraseslargesépaules.Qu’ilétaitbeau!Quandellelaissacourirsesonglessur les tétons de l’Hybride, celui-ci réagit au quart de tour : il inspirabruyammentetsetendit.Ellieseredressajusqu’àcequeseslèvresserefermentsurunmamelondressé.Sa languedécrivituncercleautourdu téton ; lecolossesecambra.Gronda.
Ellie,lesourireauxlèvres,semitàluisuçoterlemamelon.Puisàlemordiller.Rage grogna derechef, tendu comme un arc. Sa queue répondit aussitôt envenant buter contre les jambes repliées d’Ellie. Aucun doute, il bandait déjà.Celasurpritlajeunefemme,ilfallaitd’ordinaireplusdetempsàunhommepourretrouver ses moyens. Rage n’est pas comme les autres, songea-t-elle.C’estaussipourcelaquejel’aime.ElliedélaissaletétonetfitglissersesmainsjusquedansledosdeRage.Elle
le griffa légèrement depuis les omoplates jusqu’à la colonne vertébrale.L’Hybrideréagitencreusantledos,cequidonnaàlajeunefemmel’impressiond’avoiraffaireàungigantesquechaton.Sourianttoujours,elleluiléchalesillonentre lesdeuxpectoraux.Et regrettadenepasavoirdemielà sadisposition :qu’ileûtétédélicieuxd’enfairecoulersursapeaumatepuisdes’enrepaître!Elle répéta leva-et-viententre lesomoplateset lehautdes fessesparfaitementdessinées,raviedelevoirs’agitercommeunver.—Tutranspires…Ragesourit.—J’aiditquetuétaistroplégèrepourmefaireverserlapluspetitegouttede
sueur,maischaudecommetul’es,tumefaistranspirerdedésir.—Jem’enrendscompte,dit-elle,hilare.Rage approcha sa bouche ; Ellie alla à sa rencontre. Elle adorait sa façon
d’embrasser.Rien,danssonattitude,netrahissaitjamaislamoindrehésitation:avecseslèvrespleinesetfermes,ilassumaitsonrôledemâledominantjusquedanssesbaisers.Salangueexploraitlabouchedelajeunefemmeavecfougue,promesse silencieuse de ce qu’il s’apprêtait à lui faire. Ellie prit à peineconscience de ses crocs effilés en les effleurant. Elle gémit et se colla à lui,brûlantededésir.Tout son corpsne souhaitait qu’une chose : qu’il lui refassel’amour.Rage fit glisser sa main autour de la cuisse d’Ellie. Il lui saisit la jambe
derrièrelegenouqu’ilramenaverssapoitrinetoutenvenantseplacerau-dessusdelajeunefemme.Colléeaumatelas,elletentavainementdemettreuntermeau
jeudelangues,maisl’autremaindeRage,quienserraitsajoueetsonmenton,l’empêchait de bouger la tête. Il continua à l’embrasser et gronda tandis qu’ilrepositionnait son bassin. Son sexe étirait le vagin d’Ellie à mesure qu’il s’yenfonçait, lentement, bien à fond. La queue de l’Hybride était tout entière enelle.Elliepoussaungémissementétouffé.Il mit enfin un terme au baiser et rouvrit les yeux. Ellie plongea dans ses
prunellessombres.—Regarde-moidanslesyeux,beauté.Lestienssontunspectacleincroyable,
et tevoir réagir à ceque j’entreprendsest laplusbelle choseque j’aie jamaisvue.Elliefaillitéclaterensanglots;aucunhommeneluiavaittenudespropossi
tendres,sitouchants.Rageétaitsincère.Lajeunefemmevoulutycroiredetoutsonêtre.—C’estlaplusjoliechosequ’onm’aitjamaisdite.Ils étaient les yeux dans les yeux quandRage commença à remuer en elle.
Agrippéeàsesépaules,Ellieseconcentrasursonva-et-vientlentetpuissantqui,àchaquesecousse,faisaitgrimperlafièvre.Lajeunefemmeressentitlebesoinde rejeter la tête enarrière etde fermer lesyeux tant la sensationétait divine.L’Hybridel’enempêchad’unemainferme.—Continueàmeregarder,ordonna-t-il.Jeveuxvoirtesyeuxquandtujouis.Ellieobtempéra,désormaisincapabledepenser.Leplaisirqu’elleéprouvaità
chaquemouvement au ralenti dans son sexe confinait à la torture. L’intensitéétait inouïe, ildevenaiturgentqu’ilaccélère.Elle faillitdenouveaufermer lesyeux;Ragegrondatoutencontinuantàalleretvenir.—Regarde-moi.— Plus vite, implora-t-elle. Je n’en peux plus tellement c’est bon. C’est
trop…Rage s’exécuta sans jamais rompre le contact visuel. Ellie dut s’agripper
comme elle put tant elle était secouée. Elle se crispa, en proie à ce quis’apparentaitàunedouleuraiguëàl’abdomen…puiscefutl’orgasme,violent,total.Qu’ilsvécurentlesyeuxdanslesyeux.Ellevit lespupillesde l’Hybridesecontracter, sonbeauvisageafficherune
intensesatisfaction.Sesyeuxvirèrentdubrunaunoir ; ilhurlasonnom.Elliesentitsaqueueenfleretlespermechaudaffluer.Ragesourit.—C’étaitencoremieux,avoue.Ellie, horrifiée, prit conscience qu’elle avaitmalencontreusement planté ses
onglesdanslesépaulesdeRageets’empressadelesretirer.Desperlesdesang
semirentaussitôtàsourdre.—Désolée!Rageéclataderire.Ilsetorditlecoupourobserverlesdégâts,puislaregarda
danslesyeux.—Çameplaît.—Tuaimesêtregrifféjusqu’ausang?—Attendsd’avoirvuledosdetonépaule.Grâceàcesmarques,jemesens
moinscoupable.QuandEllievoulutvoir,Rages’effondrasurelleenprenantsoin,cependant,
denepasl’écraser.Ildéposaunrapidebaisersursabouchepuisseredressaetsouritd’uneoreilleàl’autre.—Jet’aimordue,beauté,dit-ilavecunclind’œil.L’épidermeaunpeucédé,
j’avoue.Prêtepourladouche?Ilm’avraimentmordue jusqu’ausang?Loind’éprouverde lacolèreoude
l’effroi,Ellie se rendit compte qu’elle s’en fichait.Àquoi bonmonter sur sesgrandschevauxpourunemorsureindolore?Ellepréférasourire.Quandçanefaitpasmal,çacomptepourdubeurre.Etpuis,çanepeutpasêtrepirequemesgriffures…—OKpour ladouche.Etpourmangerunmorceau :onazappé l’heuredu
déjeuner.
CHAPITRE14
EllieépialedirecteurTomQuishavecsuspicion.Pourquelqu’undesonâge,soixante-cinq ans peut-être, l’homme aux yeux bleus portait beau ; il étaitd’évidence très bien conservé. C’était d’autant plus flagrant qu’il était pourl’heurevêtud’undébardeuretd’unpantalondejogging.Ilavaitcouruavantdefaire halte devant chezRage. Ellie avait été surprise de le trouver en ouvrantaprèsqu’oneutsonnéà laporte.Ellen’avaiteuaucunmalà reconnaîtreceluiqui avait, sous ses yeux, viré l’ex-directeur JerryBoris – un spectacle qu’elleavaitbeaucoupapprécié.—Jepeuxentrer?En le rejoignant sur leperron,Ellie repéra lesdeuxagentshybrideschargés
parRagedeveillersurlamaisondepuisletrottoird’enfaceetnevitaucunsigned’inquiétudesurleursfaciès.Ilétaitclairqu’àleursyeux,lenouveaudirecteurne présentait aucune forme de menace, faute de quoi ils l’auraient empêchéd’accéderàl’entrée.Lajeunefemmesedétendit.—Cen’estpasvraimentchezmoi,voussavez;jenemesenspasledroitde
vousinviteràl’intérieur.(Elleprituneprofondeinspiration.)Puis-jevousaider?—Jel’espère.Jesuisicipourvousoffrirdereprendrevotreposteaubâtiment
des femmes. Les pensionnaires vous apprécient beaucoup et vous respectent,mademoiselle Brower. Elles ont décidé de remplacer l’actuelle responsable etontdemandéaprèsvous.Ellie s’efforça de ne rien laisser paraître du désarroi que faisait naître cette
proposition.Aucune émotion ne se lisait dans les yeux bleu glacier deQuish.Les rides autour de sa bouche, heureusement, témoignaient du fait qu’il riaitsouvent,cequirendaitsaphysionomieplusavenante.Ilavaitl’airsympathiqueetElliel’estimaitsincère…maisnesavaitqueluirépondre.AccepterrevenaitàcesserdevivrechezRage;ellen’enavaitaucuneenvie.—Jepeuxyréfléchirunpeu?Gagnedutemps,s’exhorta-t-elleavantdesejustifier.—C’estquej’enaibavé,decelicenciementbrutal…Meretrouverenmême
tempsàlarueetauchômage…
Quish ladétailladespieds à la tête.Sesyeuxpétillaientd’intelligence–unpeutropaugoûtd’Ellie.—Biensûr,biensûr.Vousn’avezqu’unmotàdireetleposteestàvous.Ne
traînezpastrop,quandmême:lebâtimentabesoind’unenouvelleresponsableaussi vite que possible. Comme vous le savez, d’autres pensionnaires doiventarriverdanslessemainesquiviennent.— Je l’ignorais. J’avais cru comprendre que l’effectif devait se limiter à
quelquesdizainesdefillesjusqu’àcequel’environnementsoitjugéadapté.—C’estchosefaite,dit-il,toutsourires.Etvousyêtespourbeaucoup:toutes
lespensionnairesdubâtimentvousonttrouvéeformidable.Onm’anotammentvantévoscoursdecuisine.Elliesouritàsontour.—J’aifaitdemonmieuxpourlesintéresser.—Etvousavezréussi.Ellesvousadorent.—Ellesmemanquent,admitEllie.Jelesaimebeaucoup.—Ellesontpresquetoutàapprendre,àcequej’aicompris…Elliehaussalesépaules.—Ellesontvécuenferméesdansdescellulesstériles.Faire lapoussière,du
café ou des pancakes ne faisait pas franchement partie de ce qu’elles ont puglaner pendant leur captivité. Ça m’a rappelé l’adolescence et mes premierscontactsaveclelave-linge,quandmamèreadécrétéquejedevaisapprendreàm’en servir pourm’occuper demes fringues.Quand on grandit avec tous cestrucs,onapprendpetitàpetit,maislesHybrides,pourleurpart,secoltinenttoutàlafois.Toutcequi,pournous,couledesource.Imaginezl’effetquedoitfaireunrépondeurquandonignoraitcequ’étaituntéléphoneunanauparavant!Unelueurd’intérêts’allumadanslesyeuxdunouveaudirecteur.— Se sont-elles confiées à vous au sujet de leur vie d’avant, quand elles
étaientprisonnières?Ellie se méfia. Il n’était pas question de dévoiler certains détails qui lui
avaientétéconfiésparpureamitié.—Unpeu,pourquoi?Quishseradoucit.— J’ai lu les rapports et bavardé avec nombre d’entre elles. C’est
épouvantable, ce que ces femmes ont subi. J’ai promis à JusticeNorth que jeferais tout ce qui est enmon pouvoir pour qu’elles aient une viemeilleure àl’avenir. Le bien-être et la sécurité desHybrides comptent énormément àmesyeux.Jeveuxqu’ilsbénéficientdufindufin,etencequiconcernelesfemmes
hybrides,cefindufin,ilsetrouvequec’estvous.Touchée par ce compliment, Ellie aurait repris son job sur-le-champ s’il
n’avaitpaséténécessairedeneplusvivreavecRagepour l’assumer.LajeunefemmedécelaunelueurdesatisfactiondanslesyeuxdeTomQuishetrepritlaparole.—Vousêtesfortiche,côtémanipulation.Jenevousapprendsrien,j’imagine?Levieilhommes’autorisaunsourireencoin.—C’estmonboulot.Avecquellesarmescroyez-vousquej’auraispusivite
leverdesfondssuffisantspourHomelandetpersuaderlesmilitairesdelâcherlemorceau ? Si ce complexe est quasiment terminé, ce qui nous a permis d’yemménager très rapidement, c’est parce qu’il s’agissait à l’origine d’une basedestinée à l’armée.Avoir du charme et des amis haut placés a ses avantages.Acceptez-vousceposte,mademoiselleBrower?Ellieavaittrèsenviededireouimaisseretint.—J’aiencorebesoind’unpeudetemps.—J’ailesentimentdevousproposerunefriandisequevousmourezd’envie
d’accepter,mais que vous refusez uniquement parce qu’onvous a dit de vousméfierdesinconnus.—C’estassezbienrésumé,réponditEllie,ungrandsourireauxlèvres.—Pourlesformulesquifontmoucheaussi,jemedébrouille.—C’estquoi,cecirque?tonnaRage.L’Hybride, visiblement sur les nerfs, rejoignit Ellie au pas de charge en
fusillantduregardlenouveaudirecteurdeHomeland.Lajeunefemmelevalesyeuxetfaillits’emportercontrelui:Rageavaittoutl’aird’unpetitamijaloux,cequ’ilétaitd’évidence.S’illaissaitlibrecoursàsesémotions,Quish,àmoinsd’êtreledernierdesimbéciles,cequ’iln’étaitpas,auraittôtfaitdelesperceràjour.Ellefronçalessourcils.Peineperdue.Ragen’avaitpasunregardpourelle,trop occupé qu’il était à intimider le vieil homme qui recula de deux bonsmètres.— J’étais en train d’échanger quelques mots avec mademoiselle Brower.
Heureuxdevousrevoir,monsieurRage.—Qu’est-cequevousluivoulez?Ellieresteici.Vousn’avezpasledroitde
l’obligeràpartir.Ellieredoutalepireenvoyantquelevieilhommelesétudiaittouràtour…et
sescraintes furentconfirméesquand,blêmissantmalgrésonbronzage, il fitunpasdeplusenarrière.— J’étais venu proposer àmademoiselleBrower de reprendre son job.Elle
manquebeaucoupàsesanciennesprotégéesquiviennentdecongédierlafemmequiavaitreprisleflambeau.Ellessouhaitentsonretouraubâtimentdesfemmes.Justice m’a informé qu’elles étaient libres de choisir elles-mêmes leurresponsable.JesuispassédireàmademoiselleBrowerqueleposteestàellesiellelesouhaite.—Ellen’enveutpas,crachaRage,toujoursàcran.Etmerde,songeaEllie.Ilnesecalmepasdutout…SonregardpassadeRage
àTomQuish,quireportasonattentionsurl’Hybrideaprèsl’avoirdévisagée.— Si c’est sa sécurité qui vous préoccupe, Ellie pourrait rester vivre chez
vous.Ellepourraittravailleraubâtimentdesfillespendantvosheuresdeservice.Cen’estpasexactementcequestipulelafichedeposte,maisjesuiscertainqu’ilestpossibledetrouverunterraind’ententequiconvienneàtoutlemonde.Ragedaignaenfinaccorderuncoupd’œilàEllie.—Tuenpensesquoi?Stupéfaite qu’il lui demande son avis après le refus véhément qu’il avait
commencé par opposer, la jeune femme hocha la tête, consciente que le vieilhomme continuait à guetter leurs réactions. Rage opina à son tour en seretournantversledirecteur.— Entendu comme ça. Ellie reprend son job à condition qu’elle puisse
continueràvivresousmontoit.CesoudainrevirementparutamuserTomauplushautpoint.—Excellent,mademoiselleBrower.Demainmatinà9heures?—Oui, s’empressa-t-elle de répondre avant queRagepuisse intervenir à sa
place.— Formidable ! Je m’occupe de passer les coups de fil nécessaires. Un
membre de la sécurité passera dans la journée vous apporter votre nouveaubadge.—Merci, lançaEllieauvieilhommefringantqui s’éloignaitdéjàenpetites
foulées.Elleattenditqu’ilaitdisparuavantdejeterunregardnoiràRage.— Tu aurais pu contrôler tes nerfs, merde ! Quish sait à présent que nous
sommesencouple.Tut’escomportécommesituétaismonmec.—Jelesuis,rétorqual’Hybride,lespupillessombresetleslèvrespincées.—Biensûr,maispersonnen’estcensélesavoir,tuasoublié?Oh,etmercide
m’avoir enfin laissée décider de mon avenir, conclut-elle avant de réintégrerl’appartementaupasdecharge.—Quellemouche tepique? lançaRageen refermantaprès l’avoir suivieà
l’intérieur.Elliefitvolte-face,lespoingssurleshanches.—Notrerelationdoitrestersecrète,grosmalin!Tuastellementenviequ’une
armée de toubibs nous oblige à passer des tests, et qu’on nous bombarde dequestionssur lamanièredontons’yprendau lit?Pasmoi ! Ilnemanqueraitplusqu’ilsdemandentàfilmernosgalipettes!Enplus,tut’espermisd’affirmerque je ne voulais pas ce boulot sansme demandermon avis ! Le dortoirmemanque,etenmêmetemps,j’aienviedevivreici,avectoi.Ragecompritqu’ilavaitmerdé.Ils’étaitmisàflipperdèsl’instantoùsesgars
l’avaientavertiqueTomQuish,lenouveaudirecteur,avaitfrappéàsaporte.Leshumains n’avaient aucune raison de se rendre dans cette partie deHomeland.Hormis pour voir Ellie. Il avait pressé le pas : personne, chez les humains,n’appréciait le fait qu’Ellie vive chez lui. Il avait fait la sourdeoreille chaquefoisqu’unecritiquedecegenreluiétaitparvenue.Ellieadoraitsontravailauprèsdesfemmeshybrides;Ragesavaitqu’elleleur
était très attachée,maisquandTomavait offert à la jeune femmede retrouversonposte, ilavait immédiatementopposésonveto,estimantqu’ildevaits’agird’unpiègedestinéà lesséparer.Unregardàsabien-aimée luiavaitsuffipourcomprendrequ’ilavaiteu tortderépondreàsaplace.Leshumainespouvaientêtreaussifortestêtesquesessœurshybrides.Cesdernièresexigeaientdedéciderpourelles-mêmes,ets’il leurétaitagréabled’êtredéfenduesparunmâle,ellesétaientassezfortespoursedébrouillerseulesencasdecoupdur.Rages’étaitravisédèsqu’ilavaitcomprisquelapropositiondeQuishn’avait
pas pour unique but d’inciter Ellie à déménager. Il s’était détendu en voyantpartirlenouveaudirecteur…maispasEllie.Aucundouten’étaitpermis:elleluienvoulaitbeaucoupd’avoir réagicomme il l’avait fait.AlorsmêmequeRagen’avaitsouhaitéqu’unechose–empêcherqu’onlessépare.Ilcommençaitàenavoirmarre,ducaractèresecretdeleurrelation.Ilétaitfier
d’êtreavecEllie.CertainsHybridesrisquaientdelevoird’unmauvaisœil?Labelleaffaire!Ilsétaientnombreuxàgarderdelarancuneenversleshumains.Çaleurpasserait.Tantquepersonnen’inquiétaitEllie,chacunétaitlibred’enterrerlahachedeguerreàsonrythme.Laprioritédumoment:apaiserlacolèred’Ellie.Vived’espritetdotéed’un
solidesensdel’humour,lajeunefemmepardonnaitvite…etRageconnaissaitlemeilleurmoyendeladérider.Unsouriremalicieuxluivint.— Tu sais que tu es canon, quand tu te mets en colère ? Filmer nos
galipettes…Tun’asqu’àdemanderetj’achètelematérielnécessaire.—Pasquestion!rétorquaEllie,toujoursenpétard.Tuplaisantes,j’espère…— Bien sûr, s’esclaffa Rage. Je refuse qu’on nous filme en train de faire
l’amour. Je ne désire qu’une chose : qu’on le fasse. (Il s’approcha.) Tu esvraimentsexyendiablequandtum’enveux,beauté.Sincèrement.Tun’asqu’unmotàdire.Elliepritunpeudechampetquittasaposturebelliqueuse.—Oui, jet’enveux.Tonbaratindejolicœurneprendpas, jesuisvraiment
d’humeur massacrante, là. Tu n’as rien fait pour cacher le fait qu’on estensembleet tuasditàce typeque jenevoulaispas reprendremon job.C’estmoiqueçaregarde.—Tuasraisonetj’aieutort,j’ensuissincèrementdésolé.Sourianttoujours,ilfitunpasverssabellequireculad’autant.—Tuessaiesquoi,là,dem’amadouer?—Absolument,dit-ilenluiadressantunclind’œil.Etmaintenant…onbaise.Là-dessus,ils’élançaettentadelaceinturer.Ellieobliquaverslacuisine,trèsamuséeparsoncomportementjoueur.C’était
génial de voir ce garçon, d’ordinaire ombrageux, d’humeur joyeuse.Commentcontinuer à lui en vouloir quand il est ainsi ? Impossible. Arrivée dans lacuisine,ellecontournalepetit îlotcentral.PuiselleagrippalebordduplandetravailetplissalesyeuxenvoyantRages’immobiliserdel’autrecôté.—Onétaitenpleinediscussion.Arrête.—Rien n’empêche de parler pendant qu’on baise, répondit-il en s’élançant
côtégauche.Elliesecoualatêteetpartitdanslemêmesensderotation.—Rage,bonsang,j’essaiedemefâchercontretoi!Arrêtedesourire,veux-
tu?Ilcessadetourneretredevintsérieux.—Voilà.Àmieuxyregarder,Ellievitqu’unlégerticluifaisaitreleverlescoinsdela
bouche.Piquéeauvif,elleeutenviede rireàson touretdutse faireviolencepourserappelerl’objetdesacolère.Ahoui.—Tun’aspasledroitdeprendrelesdécisionsàmaplace,ettusaisquenous
sommescenséscacherlefaitquenousformonsuncouple.—Tu saisque tum’excitesdeplus enplus ?À forcede respirer si fort, ta
poitrine va finir par faire céder les boutons de ton corsage. (Il loucha sur ses
seins.)C’estça,vas-y,respireàfond…Alors qu’Ellie suivait le regard de l’Hybride, elle perçut dumouvement du
coindel’œil.Troptard.Ragesesaisitd’elle.Ceinturée,elleseretrouvaassisesur l’îlot central, les yeux presque à hauteur de ceux de son amant. Rage luiécarta lescuissespuis, l’étreignant toujours, il l’enlaça jusqu’àcequ’ils soientcollésl’unàl’autre.— Désolé de t’avoir contrariée, dit-il, l’air sincère. Réconcilions-nous en
faisantl’amour.C’estl’idéal,àcequ’ilparaît.Elliesouritd’uneoreilleàl’autreetluipritlevisageàdeuxmains.—Tuesunsaletype,tusais?—Untypebien,tuveuxdire.As-tuconscienceàquelpoint,oudois-jetele
rappeler?Ilpencha la têteetpoussadoucementcelled’Ellie jusqu’àcequeses lèvres
effleurent le cou de la jeune femme. Puis il entreprit de lui lécher le pointsensiblejusteendessousdel’oreille,avecsalanguerâpeuse.Sonsoufflechaudlacaressa.—J’aienviedeteprendrelà,toutdesuite.—Danslachambre,gloussaEllie.Rageredressalatête;savoixsefitplusgraveencore.—Ici.—Danslachambre.Ceplandetravailsertàprépareràmanger…Les sourcils arqués, il cessa de l’étreindre et s’écarta un peu. Commença à
déboutonner son chemisier. Ellie retint son souffle tandis qu’il l’aidait à s’endéfaire.Puisildégrafasonpantalon,s’écartaunpeuplusetlafitdescendredel’îlot.Sitôtlajeunefemmedeboutdevantlui,l’Hybridesemitàgenouxetl’aidaàs’enextraire.—Vapourlacuisine,murmuraEllie,moitededésir.Lecœurbattantàtoutrompre,ellejetasonpantalondansuncoinets’attaqua
àceluideRagequis’étaitrelevé.Ilbalançaluiaussisontee-shirt.—Parfait,marmonnaEllieensefrottantcontrelui.SalangueentraencontactavecunmamelondeRagequiémitungrognement
ensedéfaisantdesonpantalonàgestesbrusques.Lesmainsd’Ellieeffleurèrentsonventreplatpuiss’aventurèrentplusbas,jusquesousl’élastiqueducaleçon.Elleluigriffaleshanches.Rageréagitenvenantcollersonbassincontrelecorpsde la jeune femme. Son sexe déjà dressé se retrouva coincé entre leurs deuxépidermes.—Mmmmh,soufflaEllieenpassantd’untétonàl’autre.
—Mabeauté,grondaRage.L’idéequivintalorsàEllielafitsourire;ellelevalatête.—Passe-moilemielquiestrangédansleplacard,derrièretoi.Àgauche.Ma
gauche.L’Hybridearquaunsourcilnoir.—Dumiel?Tuasunpetitcreux?—Jeveuxleléchersurtoi,répondit-elle,extatique.Ragepoussaungrognementétoufféets’égratignalalèvreinférieureavecses
crocs.Au prix d’une torsion du buste, il récupéra le pot demiel en un tempsrecordetlepassaàlajeunefemmequiendévissalecouvercle.Unrapidecoupd’œil suffit àElliepouravoir confirmationqu’il étaitpartant.Elleentrepritdeverserunpeudelasubstanceambréesurl’undesesmamelonspuisdéplaçalepotdefaçonàceque l’écoulementsepoursuive jusquesur l’autre téton.Rageinhala à pleins poumons mais ne dit pas un mot. Elle posa le pot sur l’îlotcentral,àportéedemain.Perchée sur lapointedespieds,Ellie commençaà lécher lesgouttelettesde
mielquicollaientauxpectorauxsaillantsducolosseenlaissantcourirsalangued’unpointàunautre.Ragepoussaungrondementcaverneux.Lajeunefemmes’intéressa ensuite à un téton qui durcit sous ses coups de langue. Elle le pritdanssaboucheetsemità lesuçoter.Rageluipassa lamaindans lescheveuxmaissegardadetoutgestesusceptibled’êtreinterprétécommeunevolontédemettrefinaujeu.—Encore,grogna-t-il.C’estfabuleux.Ellie lui mordilla le mamelon. L’Hybride tressaillit et frotta sa queue,
désormais rigide comme du bois, contre le ventre de la jeune femme quiabandonnaletétonetsurvolaletorseoffert.Salangueetseslèvresrecueillirentlesgouttesdemielavecunelenteurétudiée,puisellerepoussaRagecontreunmeubledecuisineauquelils’adossa.LeregardnoirdeRage,oùbrûlait lapassion,croisaceluid’Elliequandelle
relevalatête.Elleavaitdéjàremarquéquesespupilless’assombrissaientchaquefoisqu’ilétaittrèsexcitéettrouvaitcelaadorable.Lajeunefemmes’attaquaauxgouttesdemielquiavaientcoulésursesabdominaux.Ellelesléchauneparunepuis, souriant toujours, elle fit glisser le caleçonvers le bas.Le sexe deRageétaitsitenduqu’elledutmettrel’élastiquedusous-vêtementàrudeépreuvepourendébarrassersonbelétalon.L’Hybridegrondaquand elle lui embrassa l’os de la hanche.Ellie tourna la
tête et contempla de près son impressionnante érection. Quel spectacle ! Le
sourire aux lèvres, elle fit courir sa langue de la base à la pointe du pénis augarde-à-vous.Grognant toujours, Rage l’empoigna par les avant-bras et obligea la jeune
femme à se relever. À sa grande stupeur, elle vit qu’il paraissait en rogne etarqualessourcils.—Tuveuxquej’arrête?Pileaumeilleurmoment?Lebeau ténébreux la soulevasanseffort et luicala les fesses sur leplande
travail.Puisils’enallaouvrirunàunlestiroirs,commes’ilcherchaitquelquechosedeprécis.—Rage?Jet’aimisencolère?Qu’est-ceque…—Je ne peux pas te laisser faire ça. Frustré en diable, je le suis,mais pas
fâchécontretoi.—Etpourquoipas?J’enaienvie.Quandilseretournaverselle,Ellievitqu’iltenaitungrosrouleaud’adhésif
argenté.Ilrevint,luiposadélicatementlapaumeàplatsurlapoitrine,poussaendouceurjusqu’àcequ’ellesoitallongéesurledosetsepenchasurelle.—J’ailaqueuequienfle,tutesouviens?Tum’astellementexcitéquejene
tiendraispasuneminute…etquesepasserait-il,d’aprèstoi,sijememettaisàgonflerdanstabouche?Ellieledévisageaetimaginalascène.—Hum…Jen’osepasimaginer,vuqu’elleestdéjàassezénorme…Surtout
quec’estleglandquienfle.L’Hybridesedécrispa.—Jerisqued’adorerça,aucundoutelà-dessus,maisévitedetropmechauffer
quand on essaie un nouveau truc. J’éjacule fort, Ellie, tu as dû t’en rendrecomptequandjejouisentoi,non?C’estsiviolentetabondantquejecrainsdetefairesuffoquer.Gardonsçapourledeuxièmeround,d’accord?Ilfautd’abordquejemecalme,sinontunevaspasbeaucoupenprofiter.—Etça,c’estpourquoifaire?demandaEllieenlouchantsurl’adhésif.Ilsouritjusqu’auxoreilles.—Donne-moitespoignets.—Pourquoi?—Maintenant,insista-t-ilensesaisissantd’untorchon.Lajeunefemmehésita,maiselleluifaisaitconfianceetluiprésentasesavant-
bras.Rage,toutsourires,luienroulaletorchonautourdespoignetspuisdécollala bande adhésive du rouleau avec les dents. Ellie, médusée, vit son amantemployer l’adhésif par-dessus l’étoffe pour lui lier les poignets ensemble.
Toujoursallongéesurleplandetravailfroid,elleassistaaudévidaged’unbonmètredebande.Ragefitletourdel’îlotcentraletseretrouvaderrièrelatêted’Ellie.Lajeune
femme eut beau se tordre le cou, il avait quitté son champ de vision. Ellel’entendit continuer à dévider la bande adhésive… puis sentit une tractionprogressives’exercersursespoignets.Ragetirajusqu’àcequ’Ellieaitlesbrastendusverslui.Ilfitunderniertrucavantdeserelever:lerouleauavaitdisparu.Ellie tira en vain sur ses entraves. Puis reporta son attention sur Rage qui
paraissaittrèsamusé.—Jepeuxsavoircequisepasse?Brandissantlepotdemiel,l’Hybrideluiécartalescuissesetseglissadansla
brèche.—C’estmontour.Elliesemorditlalèvreetfrissonna.Ragecommençaparluiverserdumielsur
le ventre puis descendit toujours plus bas ; des gouttes lui coulèrent surl’intérieurdescuisses.Lecolosse luiécartadavantage les jambesen jouantdubassin. La jeune femme ferma les yeux quand le liquide atterrit sur son sexeoffert.Rageposalepotdemielsurlebordduplandetravailetsepencha.Sabouche
chaudeetsalanguepartirentàlachasseauxgouttelettessucrées.Ellieavaittrèsenviedeletoucher,maiselleavaitlesbrastendusau-dessusdelatête.Letempsqu’ilatteignelapeausensible,àl’intérieurdescuisses,ellebrûlaitdéjàdedésir.—Rage,implora-t-elle.—Unpeudepatience.J’ysuispresque.—Nooon…Tumelécherasaprès,d’accord?Prends-moitoutdesuite…Ilgronda.Ellierouvritlesyeuxetcroisasonregarddebraise.Ilsereleva,lui
plaqualesmainssurlescuissesetjouadeshanchespourrapprocherleursdeuxsexes.LajeunefemmeenroulasesjambesautourdelatailledeRagetandisqu’illapositionnaitplusprèsduborddel’îlot…etlapénétrapresqueaussitôt.Ellierejetalatêteenarrièreethurladeplaisir.—Libère-moi,gémit-elle.J’aienviedetetoucher.Elleeutbeausedébattre, le torchonet l’adhésif tinrentbon,etRagen’avait
pasménagéassezd’espacepourqu’elles’endéfasseenglissantentrelesliens.Ragel’empoignaparleshanchesetcommençaàlabesognerenprofondeur,à
un rythme lent mais régulier. Ellie s’agita sur le plan de travail. Elle gémit,hoqueta,sedemandasielleallaitsurvivreàcetaffluxincroyabledesensations.L’orgasmeétaitdéjàtoutproche.Ilaccéléralacadence,c’étaitmeilleuràchaque
seconde.Ellieserralesjambesautourdesatailleetseplaçaunpeuplushaut,demanièrequelescoupsdereinsaillentleplusprofondémentpossible.Ellel’entenditgronder,puislapressionaugmentacontresesparoisvaginales
lorsqu’il se mit à enfler en elle. Il la baisait toujours. Ellie était dilatée àl’extrême. Continuant à la tenir d’une main, il se servit de l’autre pour luicaresserleclitorisaveclepouce.Elliejouitcommejamaisenpoussantdehautscris. Rage prit son plaisir et hurla son nom d’une voix caverneuse, le sexeenfoncé jusqu’à la garde, tremblant des pieds à la tête. Son sperme chaud serépanditenelle.—Rage!grondaunevoixmasculine.Ellierouvritlesyeux.Hébétée,souslechoc,ellevitaveceffroiJusticeNorth
ainsiquedeuxagentsdel’OPHdéboulerdanslacuisine.LechefdesHybridessejetasurRageetl’éloignad’Ellie.La jeune femmehurlade terreur : lesdeuxcolossessebattaientcommedes
chiffonniersdansunangledelapièce.JusticecognaitRage;Rage,quantàlui,mobilisait toute son énergie dans l’unique but de se rapprocher d’Ellie. Lesagentsenuniformes’empressèrentd’aiderJusticeàl’immobiliser.Ilslesaisirentpar les avant-bras et l’acculèrent contre le plan de travail. Rage, fou furieux,envoyavaldinguerl’undestypescontreunmeubledecuisine.Duverresebrisa.Ellie,pendantcetemps,s’employaitàessayerdedescendreduplandetravail
oùellegisaitnue.Enétatdechocetsousl’effetdel’adrénaline,elletentaunemanœuvredésordonnéeentirantsursesentraves.Le mouvement était hélas trop violent et l’angle mal choisi. Ellie se sentit
tomber.Prisedepanique,ellenetrouvarienàquoiserattraper.Satempeheurtadepleinfouetl’arêteduplandetravail.Unedouleuratroceluiexplosadanslaboîtecrânienne.Lesténèbresserefermèrent.Justeavantdeperdreconnaissance,elleentenditRagehurler.—Elliiiiiiiiiiie!Àsonréveil,Rageeutladétestablesurprisedeseretrouverenfermédansune
celluledupostede sécurité. Justice faisait les centpasdans le couloir.Cequis’étaitpasséluirevintenmémoire.— Où est Ellie ? Comment va-t-elle ? glapit-il en bondissant comme un
ressortetens’agrippantauxbarreaux.—Chezlemédecin,rétorquaJustice,levisagefermé.Tul’asviolée?—Non ! grinçaRage. Je t’aurais expliqué la situation si tu nem’avais pas
assomméaprèst’êtrejetésurmoi.
— Tu l’avais attachée et elle hurlait ! rétorqua le chef des Hybrides,anormalement pâle. Jamais je n’aurais pu croire que tu lui ferais du tort ensachantàquelpointtutiensàelle…sijenel’avaisvuparmoi-même.—Jenel’aipasviolée.Justicegronda.—C’estpilecequ’onredoutaitquandcertainsdesnôtressesontmisàcéderà
leurs instinctsd’animal…Tuenétais conscient, onenadiscuté en longet enlarge,etpourtant,tun’aspassuteretenir.Ragesentitlacolèreenflerenlui.—Jesuisconscientdememontrerdéraisonnabledèsqu’ilestquestiond’Ellie
depuisqu’onformeuncouple.Çavabienau-delàdusexe.Ellieestàmoi,c’estvrai,maisjamaisjeneluiferaidumal.Tutegouressurtoutelaligne,Justice.—Tuaspétélesplombs!LechefdesHybridesse ruasur lesbarreauxetmontra lescrocsàquelques
centimètresduvisagedeRage.—C’estplusfortquenous,c’estça?Tul’aimes,tonEllie?Alorsexplique-
moipourquoitul’asligotéeetpénétréedeforce!—C’estfaux,grondaRage.Justicelâchalesbarreauxets’éloigna.—J’aivoulu te faireconfiance,mais…(Il secoua la tête.)Tues lepremier
d’entrenousàt’accoupleràunehumaine.Ettuaslaissétesbasinstinctsprendreledessus.Nousne sommespasentièrementcommeeux,merde,quoiquenouspuissionsdireafindevivreenpaixavecleshumains!Iln’yapasdecaméraici,tupeuxtoutmedire.C’estàcepoint-là?Lebesoindelaposséderestsipuissantquetun’aspaspufaireautrementquelavioler?—Jenel’aipasviolée!Afin d’essayer de se calmer, Rage lâcha à son tour les barreaux, qu’il
étreignaitàs’enblanchirlesphalanges,etpritunpeudechamp.—Elliem’obsède,c’estvrai.Jenevisplusquepourelle.Moncœurbatpour
elle, Justice. Elle est tout àmes yeux. Je croismême que je suis accro à sonodeur.Quand je ne la sens pas flotter dans l’air, jeme sens enmanque.Maispourautant,jamaisjeneluiferaidemal.Tufaisfausseroute.—J’ycroiraiquandjel’entendraidelabouched’Ellie.Dansl’intervalle,tant
qu’onignoresitun’espasvictimed’unquelconqueeffetsecondaire,jesuisauregretdetedirequetun’aspasledroitdelavoir.Rageseruasurlaportedesacellulequ’ilsecouaenpureperte.—Fais-moisortir.Est-elleblessée?Ilfautquejelavoie.
—Tun’irasnullepart tantque jen’auraipasparléavecelle.Enfermerunehumaineetlaligoter…tuasperdulatête,ouquoi?(Justicegrondadoucement.)Cette femme te rend cinglé ! Je ne sais plus quoi dire. (Il se racla la gorge.)Commenttuaspufaireuntrucpareil?—Jene luiai faitaucunmal.Tumeconnaisbienet tusaisqu’elleest tout
pourmoi.Jamaisjenem’enprendraiàEllie.Onfaisaitl’amour.—Toutescesannéesdelabosouterraint’ontrendudingue,ouquoi?Attacher
unenanaetlaviolerjusqu’àcequ’ellehurlededouleur,çan’arienàvoiravec«fairel’amour»!Quelquechoseclochecheztoi,mec.Jetelaisse.Tumefendslecœur.Justicetournalestalonsets’éloignaàgrandesenjambées.—Justice?Reviens!Ouvrecettecage!Tuteplantes, jenesuispasfouet
jamaisjenetoucheraiuncheveudemapetiteEllie!Ileutbeausecouerlesbarreaux,ceux-citinrentbon.Rage se retournaet laissaexploser sondésespoir.Ellie étaitblessée ;on lui
refusaitd’aller lavoir ;sonmeilleuramiétaitconvaincuqu’ilétaitdevenufouens’accouplantàunehumaine.
CHAPITRE15
Elliesutquequelquechoseclochaitavantmêmed’êtrepleinementréveillée.Une douleur sourde lui vrillait la tête. Elle ouvrit les yeux et découvrit unéclairagecru,puisunplafondqu’elleneconnaissaitpas.L’angoissedéferla.Oùsuis-je?Qu’est-cequis’estpassé?Unesilhouetteapparut,occultantlasourcedelumière.Ellie reconnutTrishaNorbitet fronça les sourcils.Quefait-ellepenchéesur
moi ? Le médecin avait noué ses cheveux en une queue-de-chevalapproximative.Faisantfidesdehorsproprets,elleavaitl’airinquiète.Sesyeuxbleusétaientrivéssurceuxd’Ellie.—Toutvabien. Jevousaiadministréunantidouleur.Voulez-vousboireun
peud’eau?Lagrimaced’Ellies’accentua.—Qu’est-cequim’arrive?Trisha,àsontour,fronçalessourcils.—Vousnevoussouvenezpas?Mesouvenirdequoi?Ladernièreimage,c’est…Lamémoireluirevintpar
bribes. Ellie voulut se relever et chercha désespérément Rage du regard. ElleavaitatterriDieusaitcommentdanscettechambrette…etiln’étaitpaslà.—OùestRage?—Encellule.—Pourquoi?Trishas’installaauborddumatelas.—Justiceaapprisquelenouveaudirecteurétaitvenuvousvoir.(Ellepritune
profonde inspiration.) Il s’est aussitôt rendu chez Rage afin de savoir ce quevoulaitTomQuish.Ilafrappéàlaporte,maiscommepersonnenevenaitouvriretqu’ilaentendudescris,iladécidéd’intervenir.Endéboulantdanslacuisine,Justice et ses gars ont vu Rage en train de vous maltraiter. Selon toutevraisemblance,ilvousavaitligotéepourvousempêcherdevousdéfendre.—Me…maltraiter?Ellie,bouchebée,étaitsiabasourdiequ’illuifallutplusieurssecondesavant
dereprendre.—Onfaisaitl’amour…Trishasemorditlalèvre.—Vousvousêtescognélatêtecontrelebordduplandetravailauquelvous
étiez ligotée. Il a falluque jevous fassequelquespointsde sutureà la tempe.(Elleménageaunsilence.)Sivouslesouhaitez,jepeuxfairevenirdansl’heureun psychologue spécialisé dans les agressions sexuelles. Vous n’avez rien degrave à la tête. Une légère commotion cérébrale, peut-être, mais je me portegarante de votre intégrité physique. Sur le plan émotionnel, en revanche…(Trisha prit Ellie par lamain.) Vous pouvez toutme dire. J’estime cependantqu’ilestpréférabledeconsulterunspécialistedesagressionssexuelles.Personnen’ensaurarien.JusticeNorthestdanslasalled’attente, ilsouhaites’entreteniravecvousdèsquevousyconsentirez. Ila fait lesermentdepunirsévèrementRagepourcequ’ilvousafaitsubir,maissivouspréférezquecesoitlapolicedumondeextérieurquiprennelerelaisdanscetteaffaire,ilseditprêtàleurlivrerRage.Lechoixvousappartient.Ellieretiravivementsamain.—Justice!hurla-t-elle.La porte s’ouvrit à la volée. Justice avait piteuse allure : chemise déchirée,
lèvre tuméfiée,cocardàunœil,vilainbleuauniveaudufront. Ils’immobilisasitôtleseuilfranchi.— Libérez-le immédiatement, dit Ellie d’une voix rendue tremblante par
l’effetconjuguédelacolèreetdel’effroi.Ilnem’afaitaucunmal,maisvous,si.LaissezsortirRage,bordel!Lajeunefemmes’entendaitvociférermaisn’enavaitcure.—Qu’est-cequivousprend,tous?Ragenem’apasviolée!Justiceblêmit.Ilouvritlabouche;aucunsonn’ensortit.Elliesouleva lacouverturesous laquelleelleétaitcouchée…et futsoulagée
d’êtrevêtue.Ellen’ensavait rienavantde lancerses jambesà l’assautdusol.Quelqu’unluiavaitpasséunpyjamadeux-piècesbouffantetrosepâle.Elleposalespiedsparterre.Ladouleurquifusadanssoncrâneluifitpresqueregretterdequitterlelitlorsqu’elleselevad’unbond.— Tout doux, ordonna Trisha en l’attrapant par un bras. Vous êtes sous
sédatifs;restezallongée.Ellie se dégagea d’une ruade et concentra son courroux sur Justice. Elle
réussitàfaireunpas…puissesgenouxcédèrent.Trishalarattrapacommeelleput, mais les deux femmes allaient dégringoler ensemble quand Justice, d’un
bond,lesretintinextremis.Fortcommeunbœuf,ilparvintàorienterleurchutedefaçonqu’ellesretombentsurlematelas.Ellies’yeffondralapremière,suiviedeprèsparTrishaquisereçutendouceurjusteàcôté.Ellie,auborddeslarmes,restaétendueàfoudroyerduregardlechefdesHybrides.—Iln’abusaitpasdemoi!Commentavez-vouspupenseruntrucpareil?Justicemarquauntemps.—Vousétiezattachéeetvoushurliez…C’estsafaute,sivousêtesblessée.Elliesentitleslarmesroulersursesjoues.—Onfaisaitl’amouretc’étaitgénialjusqu’àcequevousvousjetiezsurlui,
salopard !On s’éclatait, on riait, et d’un seul coup…(Savoix sebrisa.)C’estvotrefautesijemesuisfaitmal,paslasienne.Lavôtre.Toutseseraitpasséàmerveillesivousn’aviezpasdébarqué,attaquéRage.C’estàcausedevousquematêteaheurtéleplandetravail.Justicereculad’unpasetpassadeblêmeàlivide.—Mais… mais vous hurliez quand j’ai frappé à la porte… Et vous étiez
ligotéequandonadébarqué…ElliesetournaversTrisha.—Leursfemmesnecrientjamais,quandellesjouissent?Lapraticiennehaussalesépaules.—Aucuneidée…Maiscertainesd’entrenouslefont,c’estunecertitude.—Ilvousavaitattachée,rappelaJusticeàvoixbasse.—C’étaitunjeu,vousêtessourdouquoi?Unjeutrèsexcitant.Personnen’a
remarquéqu’ilm’avaitpasséuntorchonautourdespoignetspourquel’adhésifnem’arrachepaslapeau?Vouscroyezvraimentquelesvioleursprennentdesgantsavecleursvictimes?(Leslarmeschaudesredoublèrent.)Oùest-il?Vousluiavezfaitmal?Libérez-le.Jeveuxlevoir.Immédiatement.—Jem’encharge,réponditJustice.Ilfitvolte-faceetclaqualaporteensortant.Ellie,toujoursenlarmes,sedétournaetsecouvritlafigure.Ellesentitqu’on
luifrottaitledos:c’étaitTrishaquis’efforçaitdelaréconforter.Lajeunefemmerenifla.—IlsontfaitdumalàRage?—Jen’ensaisrien,avouaTrisha.Jemesuisoccupéed’undesagentsquisont
intervenus. Rage ne s’est pas avoué vaincu avant d’avoir distribué quelquescoups.«Avouévaincu» ?Alarméepar cettenouvelle,Ellie se redressa, sécha ses
larmesetdévisagealajeunefemme.
—Maisvousn’avezpasétéappeléeauchevetdeRage?Çaveutdirequ’iln’arien?Trishahésita.—Désolée, je n’en sais vraiment pas plus.S’il avait été gravement touché,
j’imaginequ’onl’auraitconduiticiouqu’onauraitappeléuneambulance…—MonDieu ! gémit Ellie. C’est quoi, ce délire ?On s’éclatait, on faisait
l’amour…etboum.Ellesecoualatêteetleregrettaaussitôt.—Vivrenotreviepeinards,c’esttropdemander?LaphysionomiedeTrishas’adoucit.— Personne ne sait à quoi s’attendre. Je suis certaine queM.North et ses
deuxagentsontcruvoussauver.— Me sauver… de Rage ? glapit Ellie, indifférente aux larmes qui
recommençaientàluiinonderlesjoues.Jamaisilnemeferaitdumal…Trishapritlamaind’Elliedanslessiennes.—Jesuisdésolée.Sanscriergare,laportes’ouvritavecfracas.EllieetTrishasursautèrent;Tom
Quishdéboulaentrombe.Sonregardpassad’unejeunefemmeàl’autre.—Qu’est-cequi sepasse, ici?C’est lebordel, si j’encrois la sécurité :on
m’aditqu’unHybrideestsouslesverrousetqueMlleBrower,inconsciente,aété portée à l’infirmerie par deux agents de l’OPH qui, selon toutevraisemblance,ontétéprisdansunebagarre.Génial, songeaEllie.Vraimentsuper.Lesmots luimanquèrent.Lenouveau
directeurvenaitd’apparaîtreaugénériquedesonpirecauchemar.Trishalâchalamaind’Ellie.— De quel droit osez-vous débarquer chez moi ? C’est ma chambre ici,
directeurQuish.Quantàcequevousvenezd’évoquer,ils’agitd’unregrettableincident,riendeplus.EllefitrempartdesoncorpsentreEllieetlevieilhomme,quiparutnavré.—Ques’est-ilpassé?reprit-il,l’airpluscalme.Trishabombaletorseetposaunregardnoirsurledirecteur.—C’est très simple : un intrus s’est faufilé dans l’enceinte, au nez et à la
barbedevosvigiles,etaeffrayéMlleBrower.Elles’estmiseàhurler.M.Rage,M.Northetdeuxdesesagentsétaientsurplace,mentitTrisha.Jevousaiditquej’avaisrepérécematinunimbécilemunid’unappareilphotorôdantauxabordsdelaclinique.C’estsûrementlemêmetype.(ElletournalatêteversEllieetluiadressaunsignedeconnivence.)Legarsquevousavezvuparlafenêtre,était-ce
unpetitblond,vêtud’unjeanetd’unpolovert?Abasourdiedevoirunequasi-inconnueraconterdesbobardsafindeprotéger
sespetitssecrets,Ellieladévisageapuisparvintàacquiescer.—Çaressembleeneffetaumecquim’afaitsipeur…Levieilhommefronçalessourcils.—EtpourquoidiableM.Rageest-ilsouslesverrous?Le soulagement se lut sur les traits deTrisha avant qu’elle se retournevers
Quish.—Parcequ’ils’estlancéàlapoursuitedecesaloparddansl’intentiondele
tuer,pardi.Sousl’effetdelafrayeur,MlleBrowerareculéprécipitamment.Satêteaheurtéunmeubledecuisine.Lechocl’amiseKO.VoussavezàquelpointlesHybridessontprotecteursenverslesfemmes;Ellieestsoninvitée,etvoilàqu’unabrutimunid’unflashprovoqueungraveaccidentsoussesyeux.Ilaunpeupétélesplombs.Leurinstinctanimallesrendredoutablespourcequiestdedonnerlachasse,jenevousapprendsrien.M.Northaestimé…malvenu…delaisser son adjoint tuer un intrus humain. Dans le feu de l’action, il a falluintervenir demanière assezmusclée.M.Rage a été placé en cellule le tempsqu’ilrecouvresoncalme.—C’estexact,intervintSlade.Adossé au chambranle, l’Hybride avait délaissé l’uniforme des forces de
sécuritédel’OPHauprofitd’unjeanetd’undébardeurnoir.Ilreprit:— Je passais dans l’intention de prendre la déposition de Mlle Brower à
proposdutypequ’elleaaperçuparlafenêtre.Sivousvoulezbiennousexcuser,monsieur le directeur, je ne suis pas en service,mais j’aimerais recueillir sontémoignageaussivitequepossible.Vouspourriezdireàvosgarsde retrouvercetintrusavantqu’ilneprovoqued’autresincidents?EllieépiaTomQuishetvitqu’ilétaitpiquéauvif.—Trèsbien.Si telleest laversionquevousavez tousenviede raconter, je
m’y range. (Ilposaun regard soucieux surEllie.)Commentvous sentez-vous,mademoiselleBrower?Jepeuxfairequelquechosepourvous?—Çaira,promit-elleàvoixbasse.Mercipourvotresollicitude.Levieil homme tourna les talons et quitta la pièce.Ellie dévisageaTrisha ;
ellen’enrevenaittoujourspasdel’avoirentenduementiravecuntelaplomb.Lemédecinhaussalesépaules.—Jevousaiditquevouspouviezmefaireconfiance.Sladepoussaungrossoupir.— Jem’installe dans le salon, histoire de faire barrage si jamais quelqu’un
d’autreal’idéededébarquer.(Sonregardglissajusqu’àEllie.)Ragenedevraitpastarder.Ilestfuraxcommepaspermis,maisindemne.PuisiladressaungrandsourireàTrisha.—Vousmentezsuperbien,doc.Sladesefenditd’unclind’œilpuissortitàson touret refermalaporte.Les
épaulesdeTrishas’affaissèrent;elleretournas’asseoiràcôtéd’Ellie.—Cen’estpasmonfort,d’habitude…Jen’aipasététropmauvaise?—Aucontraire!Quishestparti.C’estunepreuve,non?TrishaposaunregardinsistantsurEllie.—Ménagez-vouspendantdeuxoutroissemaines.Vousn’yêtespasalléede
mainmorte,contreceplandetravail;aupremiersignedemigraine,devertigesoud’inconfort,n’hésitezpasàm’appelersur-le-champ.Quandjeparledevousménager,abstenez-vousparexemplede tout rapportsexuelpendantunebonnesemaine.Restezaucalmeetévitez touteactivitéphysique.Etgardez la régionsuturéeaussisèchequepossible.J’aiutilisédufilquisedissouttoutseul,ilnemeserapasnécessaired’ôterlespoints.Laplaieestpropre;ellenedevraitpaslaisserdevilainecicatrice.— Formidable, grommela Ellie, incapable de masquer l’amertume qu’elle
éprouvaitàl’énoncédecesnouvelles.—Puis-jevousposerquelquesquestions?—Dugenre?—Ehbien,commençaTrishatoutenajustantsapositionauborddulit, j’ai
épluchélesrapportsconcernantlaphysiologiedesHybrides…etilsetrouvequeM. Rage a de l’ADN canin. Il est écrit qu’ils ont le pénis qui enfle pendantl’acte.(Elleménageaunsilence.)Est-cedouloureux?—Non.(Elliesecoualatête.)C’estahurissant,cequivientd’arriver…— Combien de temps devez-vous patienter avant que le gonflement
s’estompe?Elliefronçalessourcils.—Jevousenprie…C’estimportant.— Comment ça, important ? Afin de rencarder les autres femmes qui
décideraientdecoucheravecunHybride?Trishahésita.—C’est…pluspersonnelencore.Jesuisattiréeparl’und’eux.—Ahd’accord,sedétenditEllie.Rassurez-vous,cen’estpasdouloureuxdu
tout.Ilsuffitd’attendrequelquesminutes.Trois,jedirais.—Jevousremercie.D’autressurprisesauxquelless’attendre?
—Jel’aimeplusquemaproprevie.Trishaseleva.—Vous pouvez rentrer chez luimais n’oubliez pas ce que je vous ai dit à
proposdesmauxdetête.M.Ragedevravousréveillertouteslesdeuxoutroisheures afin de vérifier que tout va bien. Dites-lui bien de me contacter aumoindresignealarmant.Jevaisvousdonnerdesantalgiquesquivousaiderontàsupporterladouleur.—Merci,docteurNorbit.—Appelez-moiTrisha,dit-elleavantdesortir.Ellie entendit des voix quelques minutes plus tard. La porte s’ouvrit à la
volée;Rageentraaupasdecharge.Lajeunefemmehoqueta:levisagecouvertde bleus, il portait un tee-shirt tout déchiré qui n’était a priori pas à lui.L’Hybridetraversalachambreentroisenjambéessanss’êtredonnélapeinederefermer.Ilpritplaceavecprécautionauborddumatelas,sesaisitd’Ellie toutaussi délicatement, la souleva puis la cala sur ses genoux avant de la serrercontresapoitrine.—Tuvasbien?Ellieluipassaunbrasautourducou.Ilavaitunœilaubeurrenoirquin’était
pasgonfléaupointd’êtreocculté.Ellefitl’inventairedesesplaiesetbosses,luieffleura le visaged’unemain tremblante et posa sapaumeau seul endroit quiparaissaitindemne.—Onm’afaitquelquespointsdesuture.Et toi,çava?Qu’est-cequis’est
passé?—Ilsontvoulum’empêcherdeterejoindre,voilàtout,gronda-t-il.(Sesyeux
seposèrent sur la temped’Ellie.) Ilyavraimentdespointsde suture, souscepansement?—Quelques-uns.Riendeméchant.Lamaind’ElliequittalajouedeRagepoursontee-shirtdéchiré.Elletirasur
lecolafindejeteruncoupd’œilsurcequel’étoffecachaitetvitqu’ilavaitletorse constellé de marques rougeâtres. Son regard horrifié remonta jusqu’auxyeuxnoirsducolosse.— Ce n’est rien. Un incident de plus à mettre au compte des soucis de
communication.—Tuminimises,rétorquaEllieenréprimantunsanglot.Ragelaserraunpeuplusfort.—C’estvrai,maisleproblèmeestréglé.Etj’enretireuneleçonimportante.—Laquelle?
—Queleprochaincoup,onagrandintérêtàsebarricader.Ellie esquissa un sourire pour le récompenser d’avoir tout fait pour alléger
l’ambiance.—Rentrons à lamaison.Trisham’a donné son feu vert.Elle est partieme
chercherdesantalgiquespour lanuit.Nousvoilàprivésdegalipettespourunesemaine,ettuescensémeréveillertouteslesdeuxheurespourt’assurerquetoutvabien.Ragefitlagrimace.— Toute une semaine ? (Son regard s’adoucit.) J’y survivrai, beauté,
l’essentiel,c’estque tun’aies riendegrave.Tum’asflanqué la froussedemavieencriantpuisentombant…Tunebougeaisplus…etj’aisentil’odeurdetonsang.—Çavaaller.L’HybrideserelevaensoulevantEllieaucreuxdesesbras.—Rentrons.Ellieposalajouecontresonépauleetluipassasonautrebrasautourducou.
Elleallait sortirvêtued’unpyjamad’emprunt–etcelui luiétaitégalqu’on lavoieainsi.Rageavançajusqu’àlaportequ’ilouvritcomplètementàl’aided’unpied.Justice,SladeetTrishapatientaientdanslesalon.—Désolé,s’excusaJusticeàmi-voix.Sij’avaissu,jamaisjenemeseraisrué
danscettecuisine.(IlregardaRagedanslesyeux.)Aufonddemoi,jetesavaisincapabledefairedumalàEllie,maisaprèslepremierincident,jemesuismisàdouterdetoi.—Unpremierincident?relevaTrisha,unsourcilarqué.Dequellenature?Elliesoupira.—Encoreunmalentendu,Trisha.Jevousexpliqueraiunautrejour.Trishaexhibauneboîtedemédicamentsqu’elletenditaucouple.—Jem’encharge,proposaSladeensesaisissantdesmédocs.Jelesreconduis
en bagnole. Ça ferait jaser, si quelqu’un voyait Rage portant une humaine enpyjama…—Uncomprimétouteslesquatreàsixheures,précisalemédecin.Sladehésita.—Tuveuxquejelaporteàtaplace,mec?Çadérouillecommepaspermis,
lesimpactsdeTaser.—T’occupe,grognaRage.Sladeouvritlaporteets’effaça.Ragesortitetobliquaverslavoituregaréeà
l’angledel’allée;l’agentdel’OPHleurouvritlaportièrearrière.Rageseglissa
àl’intérieursanslâcherEllie,enprenantsoinqu’ellenesecognepasaupassage.Lechocducolossecontrelabanquettefutcependantassezviolentpourréveillerlesélancementsdanslaboîtecrâniennedelajeunefemme,quipoussaunpetitgémissement.Ragegronda.Ellieluifrottalanuquecommeelleput.—Çaira.J’aiunpeumalàlatête,c’esttout.L’Hybride, confus, la serra contre lui. Ellie, quant à elle, eut un choc en
prenant lamesuredecequivenaitde leurarriver.Commentunesoiréesibiencommencée avait-elle pu dégénérer à ce point ? Craignant d’accentuer ledésarroideRage,ellerefoulaseslarmes.Ellie sourit aux jeunesHybrides assembléesdans la cuisinedudortoir.Huit
nouvelles,arrivéescematinmême.Lesdécouvrirsurleseuildubâtiment,avecleurs valises, lui avait fait un choc. Brise était à ses côtés aumoment de lesaccueillir.—Ellessontminuscules,avaitsouffléEllie.—Eneffet,avaitréponduBrise,levisagefermé.Ellieavaitlevélesyeuxverssonadjointe.—Jecroyaisquevousétieztoutesbâtiessurlemêmemodèle…Briseavaitmarquéuntempsd’hésitation.—Noussommes…desprototypesexpérimentaux,Ellie.Onnousa rendues
plus fortes, plus endurantes, afin de pouvoir encaisser les molécules conçuespour rendre les humains plus costauds. Si Justice nous a envoyées ici lespremières, c’est précisément parce que nous sommes solides. Dures au mal.Celles-ci… (Le regard de Brise s’était porté sur les huit arrivantes.) Celles-cin’ontvraimentpaseudechance.—Commentça?—Plustard,avaitmurmuréBrise.Ellieleuravaitmontréleurschambres.Ellesétaientdésormaisréuniesdansla
cuisinepouruntopod’introduction.C’étaitétrange,decôtoyerdesHybridesdesongabarit,voirepluspetitesqu’elle,après toutce tempspasséencompagnied’amazones de haute stature ! La taille des nouvelles s’échelonnait entre unmètrecinquanteetunmètresoixante.Leurossature,quantàelle,étaitaussifrêlequechezunehumainemenue ; seule la formeduvisagepermettait dedécelerleur statut d’Hybride. Elles paraissaient en outre timides et réservées,contrairementàBriseetsessemblables.Elliesouritdansl’espoirdelesmettreàl’aise.
—Je sais que çaparaît insurmontable,mais croyez-moi, d’ici une semaine,voussaureztoutesfairelacuisineetutiliserlesappareilsquisetrouventautourdenous.Unepetiteblondeauxgrandsyeuxgrislevalamain.—Oui?ditEllie,sourianttoujours.Lablondesemorditlalèvre.—Vousêtesdesnôtres?Elliesecoualatête.—JenesuispasuneHybride.Ellejetauncoupd’œilàBrise,restéeauprèsdesnouvellesdepuisleurarrivée
audortoir.—Ellieestunehumainepurjus–maisunegentille,affirmal’amazoned’une
voix douce. C’est la mascotte du dortoir, renchérit-elle avec un clin d’œil àl’intéressée. On l’appelle notre caniche. Vous savez, ces petits chiens toutmignonsquiontlepoilbouclé?Lablondeeutl’airchoquéeetbraquasesgrandsyeuxsurEllie.—Vousn’êtespasfâchéed’êtretraitéedemascotte?— Pas du tout, gloussa Ellie, je sais que c’est affectueux. Comment vous
appelez-vous?—Demi-portion,réponditlablondeaprèsunecourtehésitation.EllieeutunregardpourBrisequihaussalesépaules.Cetteénigme-làdevrait
attendre–commelepetitmillierd’autres.Autantenchaîner.—D’autresquestions?—Jepeux?demandaDemi-portionàBrise.L’amazonesoupira.— Bien sûr, vous êtes libres, désormais, plus la peine de demander la
permissionàtoutboutdechamp.Iln’yapluslieud’avoirpeur,Demi-portion.Posetouteslesquestionsquetuvoudras.Demi-portionsecrispa;ellepritunairapeuréets’adressaàEllie.— Ce que vous comptez nous apprendre… c’est pour qu’on devienne
meilleuresdanscequ’onfaisaitavant?— Non, grinça Brise. C’est du passé, tout ça. Vous êtes libres, vous
comprenez ?Ellie va vous enseigner à vous débrouiller par vous-mêmes dansunemaison, comme le font les humains. Leurs femmes apprennent à faire lacuisineetàfairemarchertoutescesmachines.(L’amazoneselevad’unbond.)J’aibesoindeprendrel’air,dit-elleenprenantcongéprécipitamment.Ellie, confuse, la regardapartir.La situation lui échappait.Lesyeuxgris de
Demi-portionétaientemplisdelarmes.Ellies’approchad’elle.—Cen’estrien,beaucoupdenouveautésàlafois,c’esttout.Çavaaller?—Jel’aifâchée,balbutiaDemi-portionenséchantseslarmes.Ellieserangeaàcetavisaprèsuncoupd’œildansladirectionpriseparBrise.—Quevoulais-tudirepar«cequ’onfaisaitavant»?Deplusenplusapeurée, lapetiteblondesedétournabrusquementetse jeta
dans les bras d’une autre arrivante qu’elle étreignit avec force. Ellie pritconsciencequ’ellesavaienttoutestrèspeur,maisdequoi?Jamaisellen’avaitvuuneHybridesecomporterainsi.Ellerecula.Lesaurait-elleeffrayéesenvenanttropprès?— Si vous alliez déballer vos affaires, les filles ? Inutile de brusquer les
choses le premier jour, et ça vous donnera l’occasion de rencontrer les autrespensionnaires.J’aicolléunmotsurlaportedevotrechambreoùfigurel’heuredesrepas.Sivousavezdesquestions, jesuisdans lesmurs jusqu’à17heures.Lesautresnanaspourrontvousvenirenaidedejourcommedenuit.Ellieassistaaudépartprécipitédelapetitetroupepuispartitenquêtedeson
amie Brise. L’apercevant par une fenêtre du salon, elle sortit du bâtiment.L’immenseamazoneavaitprisplacesurunbanc,àl’ombred’unarbre,danslejardinsituédevantledortoir.Ellies’installaàcôtéd’elle.—Jepeuxensavoirplus?Briselissaitcompulsivementlegazonavecsonpiednu.—C’estcequ’onleurafaitsubir ;çamemethorsdemoi.Lestoubibsont
faitd’ellesdesêtres faiblesàdessein.Ces fillesont la trouillede teposerunequestion…ettuasentenducequ’aditlapetiteblonde,àproposd’avant?J’aieubeauleurrépétercentfoisquec’étaitfinietbienfini,toutecettemerde,ellescontinuentàvivredansla terreur,convaincuesqu’onleuramenti–etqu’ellesvontdevoiryretourner.—Jenepigepas.QuandBriselevalatête,Ellievitqu’elleavaitlalarmeàl’œil.—Ilsleurontcollédesgènesd’animauxdomestiquespourlesrendrepetites
etmalingres.Paspourqu’ellesserventdecobayes,ohçanon.Çan’avaitrienàvoiraveclarecherchescientifique.Ellesontétécrééespourqu’onabused’elles.Ellie,interdite,croisalesbras.—Commentça?Briseséchaunelarmequiluiavaitcoulésurlajoueetbaissalatête.—Des cadeaux. Lesmédecins ont fabriqué des esclaves sexuelles, offertes
auxfumiersquiavaientfinancéleslabossouterrains.Etquiontétérevenduesà
des salopards assez friqués et pervers pour avoir envie de se taper un animalayantl’airsuffisammenthumainpourlesfairebander.S’ilslesontcrééespetitesetfrêles,c’estpourqu’ellessoientincapablesdesedéfendre.—Dieuduciel,murmuraEllieensesentantblêmir.Dis-moiquecen’estpas
vrai…Brisesecoualatête.—Seulesquelques-unesontétélibérées.Justicepoursuitlesrecherchesavec
l’aide du gouvernement américain. Pour la plupart de celles qui ont étéretrouvéesgrâceauxtransactionsfinancières,hélas,lessecourssontarrivéstroptard…Lestypesappréhendésontavouéqu’ilslesavaientmaltraitéesjusqu’àceque mort s’ensuive. Les huit nouvelles sont les moins malingres et les plusrésistantes.Ellesontsurvécuaupire.—Jecroisquejevaisvomir…L’Hybridelaregardadanslesyeux.—Àquiledis-tu!Lespauvrespetitesontétélivréesàdesbarjoszoophileset
à la lie du genre humain. Des assassins qui ont avoué battre leur esclave àmort…oularegardercreverdefaim.Elliesefélicitaden’avoirrienprisaupetitdéjeuner,fautedequoielleaurait
dégobillésurl’herbe.— Et donc, quand la petite blondem’a parlé de leur vie d’avant… à quoi
pensait-elle?Quejesuislàpourfaired’ellesdemeilleures…Elledutfermerlabouche;labilemenaçaitderefluer.—Demeilleuresesclaves,grondaBrise.—Lesfumiers.L’amazoneacquiesça.—Jesaisquejen’auraispasdûm’énerver,maisçamemethorsdemoi.J’en
ai bavé, Ellie, tu peux me croire. Nos vies étaient un enfer… mais cesmalheureusesontsubicentfoispire.Plusieursvigilesonttentédemevioler.Jenemesuisjamaislaisséfaire,etj’aimêmeréussiàentuerun.Pourl’essentiel,lepersonnels’efforçaitdenousprotégercontrecegenredemerde.Çan’arrivaitpassouvent,d’ailleurs.Nousétionstropprécieusespourqu’ilslaissentunabrutinous abîmer ; je l’ai souvent entendu dire. Quand les types du labo nousobligeaient à avoir des rapports sexuels avec lesmâles de notre espèce, ça sepassaittoujourssansviolence.Dansladignitéetlerespectmutuel.Lespauvrespetites,elles,n’ontpaseudroitàcegenred’égarddelapartdeleursvioleurs.Ellieseleva.Sesjambesflageolaient.—Jevais fairemonpossiblepourgagner leurconfiance,maisçanevapas
êtrefacile…Briseselevaàsontouretluiadressaunsouriresansjoie.—Tapetite taille pourrait être un atout.Demi-portion ad’abord cruque tu
étaisdesleurs.Lesdeux femmes réintégrèrent lebâtiment.Ellieavait lemoralauplusbas.
Chaquefoisqu’ellepensaitavoirtouchélefondenmatièred’atrocitésinfligéesauxHybrides,unenouvellemonstruositéseprésentait.ElliesouritàRage. Il s’étaitopposéàcequ’elleaille travaillercematin,ce
quiavaitdonnélieuàunedispute,etilétaitprêtàtoutpoursefairepardonner.Sauf à lui faire l’amour : Rage avait trop peur de la blesser. Le sourire de lajeune femme s’effaça. Quand prendrait-il conscience qu’elle n’avait rien d’unpetitbibelotfragile?—J’aibeaucoupdepeinepourelles,avoua-t-elle.—Toujours ton bon cœur, répondit Rage en lui caressant la joue avec son
pouce.Ellessontlibres,désormais.Etnousenlibéreronsd’autresd’icipeu.—J’aimeraistantleurfaireplaisir…—Qu’as-tuentête?ditlecolosseenl’obligeantàs’asseoiràcôtédeluisur
lecanapé.Elliecédatrèsvolontiers;elleadoraitsepelotonnercontrelui.— Rien de précis. Brise m’a raconté qu’elles n’avaient de contact avec
personne,hormisleurtortionnaire.— En effet. C’est nous qu’on traite d’animaux, mais ces gars-là se sont
vraiment conduits comme des prédateurs. Certaines filles ont été découvertesenferméesàlacave.Ellesétaientàl’isolementpourquepersonnenesoupçonneleurexistence.Jamaisellesn’avaientledroitdesortir,plusieursn’avaientmêmepasdevêtements…Lesvisionsd’horreurquefaisaientnaîtrecesdétailssordidesfirentfrissonner
Ellie.—Ellesontcruquejeleurenseignaislacuisinepourlebonplaisirdeleurs
«propriétaires»…Qu’ils’agissaitd’uneparenthèse,qu’onallaitlesrenvoyeraubagne.Ragefitlagrimace.— Hélas oui, c’est à ce point. Justice les tient à l’écart des garçons, sans
exception. Il tient à ce qu’elles se renforcent émotionnellement avant de nousêtreprésentées.—Mais…vousprotégezvosfemmes.Jel’aivu.
—Tuasraison,Ellie,maispourcesmalheureuses,tousleshommessontdesbourreauxetdesvioleurs.Ellesn’ontrienconnud’autre.—Oùavez-voustrouvéàleslogeràl’écartdeshommes,entreleurlibération
et maintenant ? À moins qu’elles aient été découvertes en même temps etconduitesdirectementici,biensûr…— Non. Justice a pris contact avec les autorités religieuses. Certaines
congrégationsdisposentderetraitesoùaucunhommen’estadmis.Lespetitesyontétéaccueilliesàbrasouverts,letempsdeseremettredecequ’ellesavaientsubi.Leshuitpremièressonticiàtitred’essai.Sic’estconcluant,ellespourronttournerledosaupasséetsebâtirunavenir.—Etdanslecascontraire?—Justiceprojettedefonderunecommunautéréservéeauxfemmesoùelles
pourrontvivreenpaix.—Lespauvrespetites.Ellieserencognaunpeupluscontrelagrandecarcassedel’Hybridepuisjeta
un coup d’œil au poste de télévision. Rage était fan de baseball ; uneretransmissionn’allaitpastarderàcommencer.—Siseulementjetrouvaisquoifairepourlesaider…—Uneidéevatevenir.—Mouais.Jel’espère.Lescoop tomba justeavant lematch.Ellie,atterrée, se redressaetécouta le
reporterdévoilerlesujetd’ouvertureconsacréauxHybrides.Unclichéapparutàl’écran:Ragelaportantdanssesbrasversunevoiture.Ilavaitl’airenpétardetElliemalenpoint.—L’enfoiré,grondaRageentendantlebrasverssontéléphone.—Silence,ordonnaEllie.Jeveuxentendrecequ’ilraconte.—D’oùdiablesortcettephoto?—Aucuneidée.Ils écoutèrent sagement. Puis Rage éteignit la télé et se leva d’un bond. Il
composaunnumérosursonportable toutense ruantà lacuisine.Ellie, restéeassise,l’entenditpesterdepuislesalon.Elletremblait.Le grand public savait, pour eux deux. Le journaliste avait annoncé qu’ils
formaient le premier couple formé d’un Hybride et d’une humaine. Le sujetsous-tendait qu’Ellie – leurs deux noms avaient été mentionnés – aurait étéblessée… et le présentateur avait désigné Rage comme auteur présumé del’agression.Ellie ferma les yeux pour réprimer des larmes de colère. Elle souffrait
physiquementpourRage.Pourquoidiable fallait-ilque lesgens se l’imaginentviolent, incontrôlable ? Parce qu’il était hybride ? Ils savaient même qu’ilpossédaitdel’ADNcanin!Lesujetenavaitfaitmention.Cetyped’informationnepouvait venir que de l’intérieur.Quelqu’un, àHomeland, avait contacté lesmédias.Tremblanttoujours,Elliequittalecanapé.Rageétaitautéléphoneetfaisaitles
cent pas dans la cuisine. Leurs regards se croisèrent. L’Hybride, en rogne etlivide,cessasonva-et-vient.Elliese jetadanssesbras ; il l’enlaçadesamainlibreetposalatêtesurlesommetducrânedesabien-aimée.Elliel’étreignitjusqu’àlafinducoupdefil.Sitôtl’appelcoupé,Rageabattit
letéléphonesurleplandetravail.L’enlaçanttoujours,ilentrepritdeluicaresserledos.—Justiceestsurlecoup.Uneconférencedepresses’impose,Ellie.Iln’apas
le choix. Les médias insinuent que tu es blessée ; on a besoin du soutien del’opinionpublique.—Jesais,dit-elleenhochantlatête.—C’estl’œuvred’unetaupe.IlssaventquejesuisunHybridecanin,etcette
info-là n’a jamais été rendue publique. En outre, ils nous ont appelés par nosprénoms…Elliegrimaça.—C’estuncoupdudocteurNorbit,selontoi?L’idéemefaithorreur…—Jen’ensaisrien.Nousfinironsbienpar ledécouvrir.Ilm’encoûtedele
dire,mais soit c’est elle, soit c’estquelqu’unde l’équipede sécuritéhumaine.Euxaussiontaccèsànosdossiers.Ungarsm’aapprisqueToms’étaitpointéchez lemédecin. L’alerte proviendrait des vigiles humains ; ça signifie qu’ilssaventqu’ilestarrivéquelquechose.Ellies’écartajusteassezpourleregarderdanslesyeux.—Jesuisnavréequ’ilsaientsous-entenduquetum’avaisfaitdumal.Quelle
banded’abrutis…Unepartiedelatensionquiselisaitsurlestraitsdel’Hybridedisparut.—Ce n’est pas ta faute ; il faut toujours que les gens s’imaginent le pire.
Mêmelesmiensm’enontcrucapable,c’estdire…—Qu’est-cequ’onvadevenir?Rageaffichaundemi-sourire.—Leboncôtédeschoses,c’estquenousn’avonsplusbesoindenouscacher.—C’est sûr, ricana Ellie, notre couple fait les gros titres ! Je feraismieux
d’appeler mes parents avant qu’ils l’apprennent par les médias et pètent les
plombs.Rageserembrunit.—Ets’ilsnesupportaientpasl’idéedenoussavoirensemble?s’inquiéta-t-il
enquêtantlaréponsedanslesyeuxd’Ellie.Tumequitterais?—Jamais,dit-elleenleserrantdanssesbras.Promisjuré.Jemefichedece
qu’ilspeuventpenser.—Àcepropos…,commençaRage,vivementsoulagé.—Quoidonc?Ilhésita.—T’ai-jeditquejet’aime?Elliesentitsoncœurbondirdanssapoitrine.—Non,jamais.C’estunedéclaration?Une ombre de sourire aux lèvres et l’œil pétillant demalice, Rage saisit la
balleaubond.—Toutdépend…Ettoi,tum’aimes?Ellieritauxéclatsethochalatête.—Oui!—Jet’aime,beauté.—Moiaussi,jet’aime.Lesyeuxembuésdelarmes,ellecillaavantdepoursuivre.—Depuisuncertaintemps,enfait,maisjen’osaispastel’avouer.—Pourquoi?Ellehaussalesépaules.—Parcequejesuisuneidiote.Lesmecshumainsontunefâcheusetendance
àflipperquandunefemmedéclaresaflammetropvite.Ragearquaunsourcil.—Jenesuispashumainàcentpourcent,etsavoirquetum’aimesmerend
foudejoie.Neredisplusjamaisquetuesstupide,Ellie.Tuassimplementétééchaudée par une expérience malheureuse. Ce qui ne risque pas de sereproduire:cettefois,tuasmisésurleboncheval.Se fendant d’un nouveau sourire en coin, il était particulièrement craquant
avecsesbeauxyeuxchocolatemplisdepromesses.Ellie,sitournebouléequ’ellecraignituninstantd’éclaterensanglots,réussità
riredesaboutade.Ilm’aime!Sesyeuxs’embuèrentdenouveau,elleravalaseslarmes.Cen’étaitpasuniquementsexuel:leursdeuxcœursnefaisaientqu’un.Lesproblèmes?Quelsproblèmes?Ilm’aime!—Je…jet’aimetellementquej’enperdsmesmots.Jesuisheureusequece
soitréciproque.Ragegloussapuis,redevenugrave:— Je me suis renseigné, question mariage. L’union mixte ne fait l’objet
d’aucunedispositionspécifiqueet rien,dans les textes,nes’yoppose,puisquerienn’aétévotéconcernantlesHybrides.Mariage?Ellie,abasourdie,ledévisagea.Elleétaitàmillelieuesd’imaginer
Rageimpliquédanscettedirection…etpourtant,detouteévidence,l’idéeavaitfait plus que l’effleurer.Désirait-elle l’épouser ?Elle le regarda droit dans lesyeux.Ilavaitprisuneplaceconsidérabledanssaviedepuiscefameuxjour, lapremièrefoisqu’ellel’avaitvudanssacellulestérile.—Tuaspenséaumariage?Sérieusement?—Bien sûr, pourquoi pas ?Quelque chose te gêne, dans la perspective de
m’épouser?Jet’aimeetjeveuxm’engagerauprèsdetoi,Ellie.C’estlelienleplusfortquiexisteentrevousautreshumains.—Pourcela,jet’aimeencoreplusfort.RagesoulevaElliequ’ilportajusqu’ausalonetrepritplacesurlecanapéavec
sabien-aiméesursesgenoux.Ellel’enlaça;ilssesourirent.— Si je te demandais dem’épouser dans un proche avenir, envisagerais-tu
sérieusementdedireoui?Ellies’esclaffa.—Affirmatif, saufque tun’espascensémedemander si je« l’envisage».
Soisplusdirect!—Jeleferaisvolontiers,maisletempsm’amanquépourt’acheterunebague.Ilsesaisitdelamaind’Ellieposéederrièresanuque,laportaàseslèvreset
luifitlebaisemain.Puisillatournapaumeenl’airetcontemplasesdoigts.—Tesdoigtssontfins,d’accord,maisj’ignoretatailledebagueprécise.—52.— 52, c’est noté. (Refermant sa main immense sur la frêle menotte, il la
regardadanslesyeux.)Leservicejuridiqueestsurlecouppoursavoirsi,ouiounon, nous pouvons nousmarier. Ils n’ont rien trouvé jusqu’ici qui s’y opposedans les textes de loi. Notre cas de figure va faire jurisprudence ; c’estl’expressionqu’ilsm’ontsortie.—J’imaginequ’onpeutdireça,eneffet,gloussaEllie.—Leservicejuridiqueestimequeçadevraitroulertoutseul.Ilsmisaienten
outresurlefaitquepersonneneseraitmisaucourantavantqu’onsoitbeletbienmariés–àconditionque tuacceptes,çavasansdire.Maisàprésent, j’aibienpeurquelesextrémistesfassenttoutpours’opposerànotreunion.
—Je voismal sur quel fondement juridique.Tu as des droits,Rage. Si lesautoritésontdécidéde traiter lesHybrides commedes citoyens àpart entière,commentpourraient-ilsvouspriverde certainesprérogatives ?Çane tientpasdebout.Letéléphonesonna.RagedéposaEllieàcôtédeluiavecprécaution,selevaet
alladécrocher.Ellies’installaconfortablementetessayadesedétendre.LavoixdeRageformaitunfondsonoreinintelligible.Ilveutm’épouser!Ellesouritbéatement.—Lesappelscommencentdéjààarriver,déclaraJusticeavantdegrommeler
unjuron.Jeviensd’avoir leprésident.Ilabeaudirequ’ilnoussoutientàcentpourcentj’aiperçul’inquiétudedanssavoix.Jeluiaiassuréquetoutallaitpourlemieuxici,quelereportageassombrissaitletableau.—Nickel.J’airameuténosgars.Ilssetiennentprêtsàfileruncoupdemain
aux vigiles humains en cas d’afflux de protestataires. C’est couru d’avance,d’après moi. Ces tarés-là vont devenir dingues en apprenant que le pire estarrivé : qu’un Hybride est officiellement en couple avec une humaine. (Rageménageaunsilence.)Désolépourlegrabuge,l’ami,maisjenecéderairien.Ellieenvautlapeine;tupeuxmecroiresurparole.—J’aidéjàentenducetair-làetjetelerépète,onesttoustrèsheureuxpour
vous.Tuasnotre soutien. (Àson tour, Justiceménageaunecourtepause.)Unpoint-presse s’impose.Les gens s’imaginent le pire, qu’Ellie a été blessée parl’undesnôtres,ilfautqu’onmetteleschosesauclair.— On est d’accord, sauf que je refuse d’envoyer Ellie répondre à leurs
questions. Ils vont l’agresserverbalement, elleva entendredes chosesmochesquivontlablesser.Pasquestion.C’estmonjob,deveillersurelle.Laissonsnosalliéshumainsgérerlacrise,ilssontpayéspouraffronterlesmédias,non?C’estàeux,d’alleraucharbon.—Tonjobconsisteaussiàveillersurnotrepeupleetsursonimage.Ilyade
fortes chances pour qu’ils exigent de voir Ellie ; le grand public verra ainsiqu’elle n’a rien de sérieux.On a besoin d’une bonne image,mec. Le pire, ceseraitqued’autreshumainsnousprennentengrippeetviennentsemasserauxportesdeHomeland.Leprésidentcesseradenoussoutenirs’ilapprendqu’unemajoritédesesélecteursestventdeboutcontrenous.—Jeconnaismonjob.Orilsetrouvequemaintenant,EllieestuneHybride,
elleaussi.Sonintégritéphysiqueest,decefait,sousmaresponsabilité.Jerefusedelamettreendangerpourlacause.
—Entendu.J’organiseuneréunionavecTom,notremeilleuratoutdanscettesituation. Très investi en politique, il possède une longue expérience desrelationspubliquesetsauracomments’yprendre.(Justicesoupira.)Siseulementceshumainsanti-Hybridespouvaientcesserdenouspourrirlavie…—Biend’accord avec toi,mais nous sommes libres et c’est, semble-t-il, le
prixàpayer.Noussavionsd’embléequerienneseraitfacile.Onvas’ensortir,mec.Nos équipesde sécurité sont préparées aupire et tu sais y faire avec leshumains.Bienmieuxquemoi.(Ragelaissaéchapperunpetitrire.)Jen’aimeraispasêtreàtaplace,encemoment.— Il n’y a pas moyen de te convaincre de laisser Ellie se présenter aux
médias?—Non.Ellieattendquejeraccroche,jevaislarejoindre.Ellesefaitunsang
d’encre.Ilfautquej’aillel’aideràsedétendre.—Jerêve,ricanaJustice,outuviensdedirequec’estElliequiabesoindese
détendre?Rageréagitauquartdetouràlapiquedesonvieilami.—Benquoi?Elleesttoutechamboulée,merde,çamerenddingue,delavoir
commeça!—«L’aideràsedétendre»?—En lui frottant le dos, rétorquaRage, tout sourires, samauvaise humeur
envolée.Çaluichangeralesidées.Jesuissonmec,c’estàmoidel’aiguillerversdespenséesplusagréables.Qu’est-cequitechiffonnelà-dedans?Situétaisencouple,toiaussi,tupenseraisavanttoutàsonbien-être.—Biendit,l’ami.Tuvasfinirparmerendrejaloux;jen’aipasdenanaqui
m’attend,moi,conclutJusticeavantderaccrocher.— Justice organise une conférence de presse demain. Il a décidé que nous
n’étionspasobligésderépondreauxjournalistes.Jeluiaiditqu’iln’enétaitpasquestion,déclaraRageenémergeantdelacuisine.Elliearquaunsourcil.—Tuauraispumedemandermonavis…Lesyeuxnoirsdel’Hybrideseréduisirentàdeuxfentes.— Pas question qu’on t’expose comme une bête de foire et de laisser les
humainstebalancerdeschoseshorribles.—Nemontepassurtesgrandschevaux,jet’enprie,j’aidéjàdumalàgarder
mesnerfs.Tudoismedemandermonavis.Çasefait,merde.—Jepenseavanttoutàteprotéger,grondaRage.
Elliesoupira.Ellel’aimait.Dominantparnature,ilavaitàcœurdeveillersurelle.Deuxoptionss’offraientàelle:lutterpiedàpiedouaccepterdelevoirsecomporterainsi.Il l’aimaitdetoutsonêtre,c’étaitflagrant.L’Hybrides’apaisaenvoyantsabien-aiméehocherlatête.—Jenesouhaitequ’unechose:qu’ilnepuisserient’arriver.—Jelesais,Rage.J’aimeraissimplementêtreconsultée.C’estd’accord?—J’essaierai.Veux-tuquejerappelleJusticepourluidirequenoussommes
prêtsàrépondreauxquestionsdesjournalistes?—Tuferaisçapourmoi?Tum’accompagnerais?Ilpritplaceàcôtéd’elle.—Situyvas,j’yvaisaussi.Ellie l’aima encore plus après ces quelques mots qui avaient dû lui coûter
beaucoup.—Inutiledelerappeler.Jen’aipasdutoutenvied’assisteràcecirque.—Lesfemmes,grommelaRage,toutsourires.Elliesepenchaverslui,l’embrassaduboutdeslèvresetseredressa.—Ilvafalloirquetut’yfasses,situcomptesm’épouser.—Etcomment,j’ycompte!Letéléphoneseremitàsonner.Ragepoussaunjuron.—Çan’arrêtajamais?Lajeunefemmeacquiesça.—Autant profiter de ce que tu vas répondre pour appelermes parents. Ce
seraitmalélevédeleslaisserdécouvrirlasituationauxinfosdusoir.L’Hybridefitgrisemine.—Peum’importequeçaleurfasseplaisirounon,s’empressad’ajouterEllie.
Mavie tourneautourde toi,désormais.Riend’autrenecompte. Iln’empêche,mieuxvautqu’ilsl’apprennentparmabouche.—Jedevraispeut-êtrearracherlesfilstéléphoniques…—Elliefuttentéedelelaisserfaire–puisrepritcontactavecladureréalité.—N’enfaisrien,çavaencorefairedébarquerdumonde.—Unpointpourtoi.
CHAPITRE16
—Sincèrementnavrédevousfaireparticiperàcecirque,déclaraledirecteurTom Quish à Ellie et Rage. Justice est furieux après moi, mais j’ai plusd’expériencequeluivis-à-visdesmédiasetdugrandpublic.Lesgensraffolentdes histoires d’amour. Il faut rallier le plus de soutiens possible. Vous voirapparaître ensemble tordra le cou à toutes les méchantes rumeurs dont serepaissentlestorchonsàscandale.—On peut en savoir plus sur ces rumeurs ? s’enquit Rage en haussant un
sourcil.Tomsecoualatête.— Je n’y tiens pas, sauf si vous retenez vraimentEllie enchaînée dans une
nichepourvousvengerdecequeleshumainsvousontfaitsubir.Çanevolepasplushaut.ElliesetournaversRageetluisourit.—Enchaînée,hmm?Plutôtexcitant,mafoi.—Jepenseraiàteconstruireuneniche,rétorqual’Hybride,hilare.—Voilà ce que je veux entendre ! applaudit le vieil homme. Vous prenez
l’affairerudementbien,touslesdeux…Ragehaussalesépaules.—J’étaisenrogne,maisElliem’aditqueçaneferaitqu’empirerleschoses.
Elles’estmiseàpleurerquandj’aiparlédemassacrertouscesconnards.Sabonnehumeurenvolée,TomQuish,horrifié,fitlesyeuxronds.—Ilplaisante,lerassuraEllie.—J’aimemieuxça,rétorqualedirecteur,soulagé.—Jen’aipaspleuréquand iladitça. Je luiaiditque jen’aimaispasvoir
coulerlesang.Ragegloussa.Ellieluidécochaunclind’œil.Tommaugréa.—Vous allezme faire faire un infarctus, vousdeux.Lesgensnevont plus
savoirquoipenser.Allez-ymolloavecleseconddegré.—Les « gens », comme vous dites,me voient comme une bête fauve qui
contraintEllieàêtresonjouetsexuel,grinçaRage,lesmâchoiresserrées.Jeme
trompe?—Calme-toi, intervint Ellie qui se rapprocha et lui caressa la poitrine. La
colère est ton ennemie. Rappelle-toi notre conversation de cematin. Je sais àquelpointtoutçatemethorsdetoi,maistevoirexploserestprécisémentcequenosadversairesespèrent.Soiscool.Rigole.Siunjournalistetebalancecegenred’accusationàlacon,penseàcequejet’aidit:devenirtonesclavesexuelle?Plutôtdeuxfoisqu’une!Ragesouritàs’endécouvrirlescanines.—Ça nem’empêchera pas d’être en rogne,mais çame donnera sacrément
enviedeterameneràlamaison.—Uneheure,Rage.Garde tonsang-froiduneheure. Je t’ensaiscapableet
c’estpournotrebienàtous,fitvaloirEllie.Libreàtoidetelâcherparlasuite,sijamaisçadégénèredehors.Ilposaunemainsursajoue.—Jeteprometsd’essayer,beauté.Toutcequetuvoudras.—Merci.—Maiss’ilst’insultent,jenegarantisrien.Tusaisàquelpointjem’emporte
aisémentdèsqu’ons’enprendàtoi.—Ilsvontm’insulter, ronchonna la jeune femme.C’estcourud’avance.Ça
nemeferanichaudnifroid.Contente-toidegardertesnerfs.—Queltypeserais-jesijelaissaisquelqu’untediredeshorreurssansréagir?—Untypefuté,intervintsèchementTomQuish.Lemondeentieralesyeux
rivéssurvousdeux.Votrehistoirefaitlesgrostitressurlescinqcontinents.Vousn’avez pas idée du retentissement que va avoir cette conférence de presse !Charmez les journalistes, et ilsvousmangerontdans lamain.Tous lesmédiasserontravisdecouvrirvotreidylle.Sijamaisçasepassemal,enrevanche,lespisse-copie vont se déchaîner. Nous avons besoin de rentrées d’argent, Rage.Pensez à tous lesHybrides.Ainsi qu’àEllie.Qu’arrivera-t-il si les crédits quifonttournerHomelandsontcoupés?C’estlafermetureassurée,oùironttouslespensionnaires ? Nos juristes, qui travaillent d’arrache-pied pour obtenir descompensations financières auprès des tribunaux, ont acquis la certitude queMercileIndustriesfaittoutpourfairetraînerlesprocéduresenlongueur.— Entendu, soupira l’Hybride. Je comprends. Je resterai assis bien
tranquillementquoiqu’ilarrive.—Merci.Le vieil homme soupira à son tour et lança un regard appuyé à Ellie en
croisantlesdoigts.Puisilempoignasonblousonetfitletourdesonbureau.
—Bien,allons-y.Rage prit Ellie par la main. La jeune femme s’efforça de faire taire sa
nervosité;c’étaitlapremièrefoisqu’elleallaitaffronterunearméedecamérasetdejournalistes.Pourdesraisonsdesécurité,laconférencedepressedevaitsedérouler devant la porte principale. Cette solution avait été retenue afin delimiteraumaximumles risquesd’intrusion, toutenautorisantunesurveillancedepuislemurd’enceinte.—Jesuislà,assuraRage.Pourtefairedumal,ilfaudraqu’ilsmepassentsur
lecorps.Elliesefenditd’unsouriretimide.—Jedétestel’idéed’affrontercettemeute,maisavectoiàmescôtés,jesais
quetoutirabien.L’Hybride l’attira tout contre lui au moment de franchir l’enceinte de
Homeland. Ellie prit immédiatement conscience des proportions démentes dushow médiatique : un demi-million de flashs aveugla le couple avant mêmequ’ilspuissentposerunpiedsurl’estrade.JusticeetTomprécédaientEllieetRage.L’Hybridelâchalamaindelajeune
femme et passa un bras protecteur autour de sa taille. Son corps massif ladissimulait à bon nombre de caméras. Les journalistes les bombardèrent dequestionsqu’ilsprirentsoind’ignorer:Tomlesavaitbriefés.ElliepritunsiègeentreRageetTrishaNorbit,heureusedesetrouverassiseà
côté d’elle. Trisha lui étreignit la main sous la table et afficha un sourireconquérant. Ellie serra l’immense poigne de l’Hybride qui referma son autremainsurcelledesabien-aiméeet lacaressadoucementafinde la réconforter.Tom se leva et tenta de faire taire la meute. Bon courage, songea Ellie. Lebrouhahaétaitdigned’unasiledefous.Ledirecteurmitquelquesminutes àobtenirun silence relatif.Ellie l’écouta
haranguerlapresse.—LesrumeursquicirculentàproposdeM.Rages’enprenantàEllieBrower
sontinfondées,énonça-t-ild’unevoixpuissanteautimbrebienposé.Ilsviventen couple au sein deHomeland.Le cliché qui tourne en boucle sur toutes leschaînesaétéréaliséàlasuited’unbanalaccidentsurvenuàEllie.MademoiselleBrower a été prise en charge par notre médecin-chef. Je laisse la parole audocteurNorbitquivousleconfirmera.Trisha se pencha vers lemicro et se présenta.Une volée de questions fusa
aussitôt ; les journalistes criaient pour se faire entendre. La praticienne dutattendrequelesilencesefassepours’exprimer.
—Biensûrquelesrumeurssontinfondées,martela-t-elleensecouantlatêteet en adressant un regard courroucé aux reporters. Ellie a commis une simplemaladresseennettoyantlacuisine,mentit-elle.Satêteaheurtélebordduplande travail alors qu’elle se relevait après avoir passé la serpillière. Elle s’estassommée. M. Rage n’était pas présent quand l’accident s’est produit. Il adécouvertEllieenrentrantdutravail.Lesimagesontétéprisesalorsqu’ilportaitEllieverslavoitureaprèsquejel’eusexaminée.C’estaussisimplequeça.—Vous confirmez, mademoiselle Brower ? lança un journaliste qui s’était
levé.Ellie se fendit d’un sourire forcé et s’efforça de discipliner son rythme
cardiaque.—Jeconfirme,eneffet.(Sourisetmens,s’admonesta-t-elle.Tupeuxlefaire.)
Vous imaginez mon embarras ? Une bête maladresse a suffi pour que je meretrouveauxinfosde11heures.—Couchez-vousavecM.Rage?demandaunautreenvoyéspécial.Elliehésita.—Etvous,avecquicouchez-vous?C’estassezindiscret,commequestion…— Avec personne, rétorqua le journaliste en souriant. Mais je le ferais si
j’étais avec quelqu’un. Allons, mademoiselle Brower, êtes-vous, oui ou non,intimeavecM.Rage?SentantRagesecrisper,Ellieluiserralamainpourluiindiquerquetoutallait
bien.—Maviesexuellen’estpasouverteaudébatpublic.Jerépéteraisimplement
cequeTomvousaannoncé,àsavoirqueRageetmoivivonsensemble,etquenoussommesengagésdansunerelationsérieuse.L’hommehochalatêteetserassit.Unautrejournalisteseleva.— Monsieur Rage, vous arrive-t-il de mordre Mlle Brower ? La rumeur
affirmequecelaseproduitpendantlesébatssexuels…Lesphalangesmeurtriesparleregaindetensionchezl’Hybride,Ellieseretint
à grand-peine de grimacer. Elle lui caressa le dos de lamain avec l’ongle dupouce.Ragesedétenditetsecoualatête.— Jamais je ne ferais dumal àEllie. (Il retroussa sa lèvre supérieure pour
faireapparaîtresescrocs.)Çalablesserait,sijelamordais.D’autres questions fusèrent ; Ellie faillit éclater de rire à l’énoncé des plus
absurdes.TomQuishdutéleverlavoix.Ilrépétasesinstructions,«unequestionàlafois,s’ilvousplaît»,enmenaçantdemettrefinàl’entrevue.Lebrouhahacessa.Unepersonneseleva.
—Commentfaites-vouspourvousembrasser,avecdescrocspareils?Ragevoulutrépondre;Elliel’endissuadad’unebourrade.—Commentembrasse-t-onunepersonnequialesdentsenavant,desdents
delapinouàquiilmanquedesdents?Onl’embrasse,pointbarre.Laquestionestidiote.—J’enconclusquevousvousembrassez?—Biensûr.Regardez-le!dit-elleensetournantversRageavecunsourire.Puis,aureporter:—Sescrocsneposentaucunproblème.Laquestionsuivanteémanad’unefemme.—Queleffetcelafait-il,d’êtreavecunhommequevoussavezstérile?— Docteur Norbit, lança un type sans attendre son tour, menez-vous des
recherchessurcecouple?— Non, répondit Trisha. Ellie et Rage sont des êtres humains, pas des
animauxdelaboratoire.—Ellie,insistalamêmejournaliste,queleffetcelafait-ildesavoirquevotre
partenairenepeutpasvousfaired’enfants?Elliedévisageal’obstinéeetpritletempsdeformulersaréponse.—Tomberenceinten’estjamaisacquisd’avance,quelquesoitlepartenaire.
De trèsnombreuxcouplesdécouvrentencoursderoutequ’ilsnepourrontpasavoird’enfantspouruneraisonoupouruneautre.C’estpourçaqu’ilestpermisderecourirà l’adoption,à laGPAetà laPMA.Vousenconnaissezbeaucoup,des femmes qui ont choisi l’élu de leur cœur en vertu de sa capacité à leurdonneruneribambelledemioches?Jesuislaseuleàtrouverçabizarre?Cettequestion-lànemefaitnichaudnifroid.Jen’yaimêmepasréfléchi,pourtoutvousdire.La journaliste capitula. Un autre reporter se leva, et ainsi de suite. Ellie
s’efforça de garder son calme en dépit du caractère inepte de la plupart desquestions. Les pisse-copie voulaient savoir si Rage l’aidait dans les tâchesménagères,siEllieleconsidéraitcommeuntypenormal.Ragerestaitzen,riaitsouvent,neperditpasunefoissonsang-froid.Ellie,quil’épiaitducoindel’œil,étaittrèsfièredelamanièredontilaccueillaitceramassisd’âneries.Ilsavaitêtreaffablequandlasituationl’exigeait.Ilcroisasonregardetluisourit.—Ellie?braillatoutàtracuntypeverslesderniersrangs.Ellietournalatêteets’efforçadelesituer.—Oui?— Quel effet ça fait, de trahir ta race en te faisant sauter par un putain
d’animal?L’attaqueverbalefrappaEllieparsasoudainetéetsaviolence.Alorsqu’elle
venaitd’identifierl’abrutiincriminé,ellevituntypegrandetmince,encomplet-veston, bousculer les gens assis devant lui et brandir un flingue.Les premierscrisretentirentenmêmetempsque lesdétonations.Ellie, figéepar l’effroi, futfauchéeparuncorpslourdets’écrasaausolsousl’individuquil’avaitplaquée.Lajeunefemmerouvritlesyeux.C’étaitRagequil’avaitmiseàterreetfaisait
rempartdesoncorps.D’autrescoupsdefeuclaquèrent ; lafoulehurladeplusbelle.L’Hybridesereplaçapourmieuxfaireécran.Auprixd’unecontorsion,ils’interposaentreelleetl’originedestirs.Puisilpassalesbrassouslajeunefemme,lasouleva,lacontraignitàselover
en boule contre son torse puissant et se releva comme il put. Ellie bien caléedanssesbras,ils’élançaàviveallureverslesportesdelabase,dosàlafouleetautireur.Rage eut un soubresaut, faillit lâcher sa bien-aiméemais se reprit aussitôt.
Avançant toujours, il beugladesordresdont le sens échappaàEllie : la jeunefemme était trop abasourdie et manquait d’air, ses jambes repliées luicomprimaient lespoumons.Leviolentsoubresautenpleinecoursen’avait rienarrangé.Ill’étreignaitsibienqu’ellenevoyaitpasgrand-chosedelascène.Ellesutcependantqu’ilsvenaientdefranchirleportailquandunesectionde
mur lui apparut dans un flash… puis Rage tomba à genoux. Haletantbruyamment,iltenaittoujoursbon.Sesbrasmollirent.Ellieremuaunpeu,levalatête–etvitqu’ilgrimaçaitdedouleur.—Rage?L’Hybride trouva la force de la déposer devant lui. La jeune femmevit ses
yeux se révulser. Il s’écroula sur le flanc, dans le gazon, àmoins d’unmètred’elle.Sourdeautumultequifaisaitragealentour,Ellierampajusqu’aucolosseterrassé.Lesangluiapparutalors.—RAGE!Hurlant son nom, Ellie palpa d’unemain tremblante la tache poisseuse qui
s’élargissaitàvued’œil.Ellecompritmalgrélapaniquequ’ilavaitététouchéetplaqua lespaumessur laplaiepour tenterd’endiguer l’hémorragie.Sonregardaffolé se fixa sur les traits de l’Hybride. Il respirait mais avait perduconnaissance.—Ausecours!s’égosilla-t-elle.Trisha tombaàgenouxde l’autrecôtéducorps inerte.Aprèsavoir repoussé
lesmainsd’Ellie,elledéchiralachemisedeRageafind’examinerlaplaie.Ellie
détourna les yeux de ses paumes maculées de sang et s’approcha du visagecendreux tandis que lemédecin, désormais épaulé par d’autres volontaires, semettaitàl’ouvrage.—Rage?Tremblantcommeunefeuille,lesjouesbaignéesdelarmes,elleluieffleurale
visagesansfairecasdesesdoigtsrougis.—Rage?Réveille-toi,jet’enprie…Savoixsebrisasurunsanglot.—Qu’onm’apporteunetroussedepremierssecours,beuglaTrisha.Toutde
suite!Ilnebougeaitpasunmuscle.Ellie,audésespoir,setournaverssavoisine.—Trisha?Ilvas’ensortir,dites?L’intéresséecroisauninstantsonregardpuisdétournalatête.— Il faut l’hospitaliser immédiatement. Appelez les urgences, dites-leur de
préparerunesalled’opérationetdu…(Ellepoussaunjuron.)Justice?Ditesàquelques-uns de vos gars avec de l’ADN canin de venir avec nous. Rage vaavoir besoin d’être transfusé ; avec un peu de chance, l’un d’eux seracompatible.DeboutderrièreEllie,Justiceavaitdéjàsonportableàlamain.—Jelesrameutetous.—Trisha?répétaEllie,toujourstremblante.Trishaseretournaverselle,levisagefermé.— Il a été touché deux fois, Ellie. Son état est critique. Je promets de tout
fairepourlesauver.Ellie sentit sonmonde s’écrouler. Il était fichu, c’était couru d’avance. Elle
observa le sang qui maculait ses mains, les vêtements de Rage, les mains deTrisha.Caressasonvisage ;murmurasonnom.Quelqu’unsesaisitd’ellepar-derrièreet l’arrachaà l’hommedesavie.Elleeutbeausedébattre,hurler sonnom,Ragenebougeaittoujourspas.L’individuquilatenaitresserrasonétreinteetopéraundemi-tour.— Laissez-les s’occuper de lui, Ellie. Je vais vous conduire à l’hôpital.
Calmez-vous!luiordonnal’hommeaucreuxdel’oreille.Vousneluirendezpasservice,là.Ellie sanglota. Cessa de hurler et de s’agiter en tous sens : l’homme avait
raison, c’était pire qu’inutile. Slade, car c’était lui qui la tenait, était aussicostaudqueRage.Lespiedsdelajeunefemmenetouchaientmêmepaslesol.L’agentdel’OPHluimurmuraitdesproposrassurants.Àtroispasdelà,Trisha
etsonéquipeparaientaupluspressé.Unbrancardapparut.Ragefuthissédessusà gestes rapides et précis. Ellie leva les yeux : l’hélico d’une chaîne de télédécrivaitdescerclesau-dessusd’eux.Étreignant toujours Ellie au cas où elle tenterait de se ruer surRage, Slade
obliqua àvive allurevers leparking. Il la déposa avecprécaution sur le siègearrièred’un4x4depatrouillepuisempoignal’émetteurradio.—À tous les canins.Rejoignez-moi au parking.On décolle, j’aiEllie avec
moi.Sitôtinstalléauvolant,Sladetournalatêteetdévisagealajeunefemme.Ellie
pleurait,rouléeenboulesurlabanquette,maiselleenavaitassezentendupourdécrypter la situation. L’agent de l’OPH apparaissait presque aussi dévastéqu’elle:celasevoyaitàsaminedéfaite.—J’étaissurlecheminderondequandçaacommencé.Ilyavaittroistireurs
en tout. J’en ai dégommé un, mais les deux autres étaient dans la foule,impossibledelesabattresansrisquerdetoucheruninnocent.Jesuisdésoléden’avoir pas pu les neutraliser à temps. (Il ménagea une pause.) Rage va s’ensortir,promit-ilsuruntonrésolu.Noussommesplusrésistantsqueleshumainsetguérissonsplusvite.Onencaisse,nousautres.Ellieessuyaseslarmes.—Jenepeuxpasleperdre,gémit-elle.—Çan’arriverapas.Lesportièress’ouvrirent;d’autrescostaudsgrimpèrentàbord.Ellievitqu’ils
étaient armés jusqu’aux dents : pistolet à la hanche, arme d’épaule enbandoulière.TousdesHybridescanins,àencroirelaformedeleursyeux.Sladedémarra,manœuvrapourquitter laplacede stationnementpuismit lesgaz endirection de la sortie principale. Ilmonta le son de la radio afin de l’entendremalgrélerugissementdumoteur.—Dégagezlavoie,onarrive.Iln’eutpasbesoinderalentir:lafouleavaitdisparu.Lafusilladeetlebainde
sangavaientsuffiàdisperserjournalistesetmanifestants.Elliefaisaitlescentpas,lesyeuxrivéssurlestypesprésentsautourd’elle.Pas
moins de sept agents de l’OPH lui tenaient compagnie dans la salle d’attenteprivatisée;l’hôpitall’avaitmiseàleurdispositiondèsqu’ilavaitétémanifesteque l’escorte en armes avait pourmission de veiller surEllie.D’autres agentsfaisaientleguetàl’entréedelasalled’opérationoùRageétaitentrelavieetlamort.
—Ilvittoujours,assuraJustice.LajeunefemmefitunsignedelatêteauchefdesHybrides,autéléphoneavec
l’undesagentsenfactiondevantlasalled’opération.Ilvoyaitcequisepassaitàl’intérieur et livrait des détails au fur et à mesure. Ellie savait gré à Justiced’avoirsongéàcedispositifquiluipermettaitd’êtretenueinformée.Commentdiablefaisaientlesgenspourattendresansriensavoirquandunêtrecherétaitaubloc?Slade entra et se dirigea droit vers Ellie, à qui il tendit un gros gobelet en
plastiqueaveccouvercle.Unepailleendépassait.Ellies’obligeaàsourire.—Lecaféneseboitpasàlapaille,maismerciquandmême.—C’estducaféglacé,réponditSlade,souriantàsontour.Voustrembleztrop
pouravoirdroitàuncaféchaud.Ragemebotteraitleculsijevouslaissaisvousbrûler.Leslarmesauxyeux,Elliesefenditd’unvraisourire.—Merci.C’estgentil.IlhochalatêtepuissetournaversJusticequi,toujoursautéléphone,éloigna
lecombinédesabouche.—Jet’écoute.Sladesoupira.—Lestroistireursontétéretrouvés.L’und’euxasurvécu,malheureusement.
Lapolicem’aditqu’ils’agitd’unhumaintellementbêtequ’ilcrachetout.IlditapparteniraugroupeterroristeRacepure.Justices’offusquabruyamment.—Direqu’onn’estpascenséslestraiterdeterroristes…Continue.—Ilsont euventde la conférencedepresseet se sont faitpasserpourdes
photographes.Cenesontpasnosgarsquiontassurélasécurité,grondaSlade.Ilsembleraitqu’aucundeceuxquisesontprésentésavecunecartedepressen’aétéfouillé.—Àcompterd’aujourd’hui,décrétaJustice,c’estnousquinouschargeonsde
lasécuritédesnôtres.Sladeacquiesça.—CommentvaRage?—Ilsurvit.Deuxdenosgarssontcompatibles.TraqueuretPénombresonten
traindedonnerleursang.Ellie tendait l’oreille en sirotant son café. Elle dut admettre qu’ils s’étaient
tous montrés formidables envers elle. Ils veillaient sur elle et sur Rage. LesHybrides étaient venus en nombre à l’hôpital afin de trouver unmaximumde
donneurscompatibles.Lesanghumainauraitpufairel’affaire,maisJusticeluiavait expliqué que celui des leurs était préférable en raison de sa compositionspécifique.Lajeunefemmeseremémorasonarrivéeàl’hôpital.Justicel’avaitconduite
dansunesalledebains,s’étaitefforcédelacalmeretluiavaitpromisquetoutseraitfaitpourtirerRaged’affaire.Cefaisant,ill’avaitorientéeversunlavabo.Ellieétaitenétatdechoc.Illuiavaitlavélesmainscommeonlefaitàunpetitenfant puis lui avait tendu des affaires achetées à son intention, qui portaientencore les étiquettes. Justice était sorti le temps qu’elle ôte ses fringuespoisseuses et ne l’avait pasquittéed’une semelledepuis lors.Elle reporta sonattentionsurlui:ilreprenaitlefildesaconversationtéléphonique.—Jet’écoute.Oùçaenest?Ellie crut défaillir en voyant Justice fermer les yeux après avoir coupé la
communication.Transied’effroi,elle resta rivéesur lui jusqu’àcequ’il rouvrelesyeux.Ilsetournaverselle.—Ilestvivant,Ellie.Lesdeuxballesontétéextraites.L’hémorragieestsous
contrôle, les paramètres sont bons. Trisha est catégorique : sauf complicationimprévue,ilesttiréd’affaire.Les larmes ruisselèrent sur les joues d’Ellie quand elle prit conscience que
Rageétaitsauvé.Ellehochalatête,maisrefusad’ycroiretoutàfaittantqu’ellene l’aurait pas vu. De longues heures s’écoulèrent avant que le blessé soittransféréauxsoins intensifs.Lesagentsde l’OPHfurentautorisésàveillersurluidepuislasalled’observationvoisinedesachambre.Elliesemassalecou,épuisée,maisrefusad’allerdormir.Ellegardaitlesyeux
rivéssurRageàtraverslaparoivitréedepuiscettemêmesalled’observation;onneluiaccordaitquequelquesminutesdetempsentempsàsonchevet.Untoubibquin’étaitpasTrishasurveillaitl’étatdublessé.La scène en rappela d’autres à Ellie : toutes ces fois où elle avait épié le
sujet 416 derrière une vitre sans tain, quand il était captif du labo clandestin.L’enviedepleurerrevintenforce:queldéchirementc’était,devoirunhommed’ordinairesivigoureuxétenduetinconscient…Justice était assis dans un angle. Quelqu’un lui avait apporté un ordinateur
portable;l’oreillettedesontéléphoneétaitenplace.Ilchuchotaitquelquesmotsàsoninterlocuteurdetempsàautre.Elliel’épiaducoindel’œil:luiarrivait-ildecesserdetravailler?PuisellereportasonattentionsurRagequi,derrièrelavitre, paraissait dormir.Ledocteurvérifia les paramètresdupatient puis sortitdanslecouloir.
—Ellie?lançaJusticeàvoixbasse.—Oui?ditl’intéresséeenseretournant.Justiceluisouriaittimidement.— Il va s’en sortir. Je vous l’ai dit, Trisha a donné l’ordre qu’il reste sous
sédatifs. Il est pénible de rester étendupour unHybride, l’immobilité nenousvautrien.Mieuxvautlelaisserdormiretrécupérer:dèsqu’ilouvriraunœil,ilvoudra se lever à tout prix. De vraies têtes de mule, tous autant que noussommes…—Jelesaisbien,maisjen’arriveraipasàfermerl’œiltantquejen’auraipas
entendulesondesavoix.—Jecomprends.Jesuisaucourant,pourcetteaffairedemariage.Rages’en
estouvert?Ilm’aditqu’ilcomptaitsejeteràl’eau…—Oui,avouaEllieenserasseyant.Onenaparléhiersoir.—Ilvousaime,vouslesavez,j’imagine?—C’estréciproque.Rageesttoutemavie.—J’avaisdeviné,çatransparaîtchaquefoisquevousleregardez.(Ilmarqua
unepause.)Enfants, nousn’avions jamais rienqui soit vraiment ànous.Ragevous en a parlé ? Du coup, mieux valait ne pas s’attacher à un objetquelconque…Ilsetrouvaittoujoursunsurveillant,ouunlaborantin,pournousconfisquer ce que nous avions eu la faiblesse de chérir un temps. Pour nouspunir,ousimplementnousfairedumal.Lemariageest,pourlui,synonymedesécurité.Ilvoitcelacommel’autorisationdevousgarderjusqu’àsamort.Vousluiappartiendrez ; jamaispersonnenepourravousenleverà lui.Je tenaisàceque ce soit très clair.Si vous l’épousez, c’est pour toujours.N’acceptezqu’enparfaiteconnaissancedecause.—Jelesais.Justiceplissalesyeux.— Il ne voudra jamais entendre parler de divorce, vous comprenez ?Ça le
tuerait.Àsesyeux,lemariageestuneuniondéfinitive.C’estunvœuquisignifiequ’iln’aplusàredouterdevousperdre.Ilestprêtàtuercommeàmourirpourvous protéger, et vous aime de tout son être. Je me suis renseigné sur lesmariages entrehumains.Sur ceplan-là, nous sommes trèsdifférents.Rage estd’une loyauté indéfectible. Laissez-vous séduire par un autre homme et voussignerezsonarrêtdemort.Noussommespossessifsàl’extrême.C’estviscéral,commel’ADNqu’onafourrédansnoscellules:leschangementsqu’onnousafait subir ne sont pas uniquement physiques. Nous sommes des protecteursteigneux, jaloux de ce que nous tenons pour acquis. J’ignore si Rage vous a
expliqué toutça,mais j’y tenais, carquand l’und’entrenous s’accouple, c’estpourlavie.Celien-làestdéjàenlui;s’ils’estretenujusqu’ici,c’étaitpourluipermettred’accepterl’idéequevouspuissiezlequitter.—Jevous remercie, Justice,mais il est vaind’essayerdeme fairepeur. Je
l’aime. Je n’ai nulle intention de divorcer un jour… et encore moins de letromper!Ellie n’était pas vexée : Justice s’efforçait honnêtement de lui faire
comprendrecequeseraitsaviesielleépousaitRage.—Jenedésirequ’unechose,reprit-elle.Passertoutemonexistenceauprèsde
lui.Jouraprèsjour,secondeaprèsseconde.— Il vous arriverad’avoir peur.UnHybridegrogne, gronde, domine.Nous
avons beau essayer de nous restreindre, c’est pire depuis qu’on est libres. Lecombatestpermanententrenospartsanimaleethumaine,Ellie. Je saisàquelpoint les femmessontéprisesd’indépendance.Lesnôtres le sontaussi…maisellesnouscomprennent.Saventménagernotresusceptibilité.Jetenaisàcequevous sachiez tout ça, Ellie.Rage ne fera jamais exprès de vous heurter ou defroisser votre fierté. C’est tout simplement dans sa nature de se montrerhargneuxetdevouloircontrôlerlasituation.—Commelafoisoùilarefuséàmaplacequejereprennemontravail?dit
Ellie,quecesouvenirfitsourire.—Ilafaitça?Vousl’avezrepris,pourtant…—Ila finiparmedemandersi jevoulais rempiler.Maissa réaction initiale
m’avaitmiseenrogne.Justiceesquissaunsourire.—Jem’endoute.Mêmesi,leconnaissant,c’étaitpourvousprotéger.—Jesais.—Vousconnaissezbiennosdifférences,ondirait.—Eneffet.LechefdesHybrideshésita.—Puis-jevousposerunequestiontrèsindiscrète?—Biensûr.Jevousécoute.—Pourquoivousavoirattachée?M’avoir attachée ? Un instant interdite, Ellie comprit ce à quoi il faisait
allusion.Oh.Ellesesentitrougir.—Vousvoulezdire…avecletorchonetlescotch?—Oui.—Ehbien…Rageétaitsurexcitéetavaitbesoindesecalmer.Ilm’aliéles
mainspourquejenepuissepaslecaresser.—Ilétaitencolère?Elliesecoualatête;sonrougeauxjouess’accentua.—Ilétaitsurexcité…sexuellement.Commeilvoulaitquecesoitgénialpour
tous les deux, il a décidé de me rendre la pareille jusqu’à ce que mon étatd’excitation soit équivalent au sien. Comme j’adore le toucher, il m’a lié lesmains.Unelueurd’amusements’allumadanslesyeuxdechatdeJustice.— Je comprends,maintenant…Et ça ne vous ennuie pas, d’être attachée ?
Lesnôtresonthorreurdeça.C’estviscéral.—Personnenem’a jamais fait subir ce que lesHybrides ont enduré. Je ne
rêvejamaisquejesersdecobaye.Ilsetrouvecertainementdesgensquiflippentquandonlesattache,maispasmoi.J’aiconfianceenRageetjesaisqu’ilnemefera jamais demal.Quant à être dominée, si c’est par lui, je trouve ça… trèsexcitant.Çarépondàvotrequestion?— On ne peut mieux. Merci infiniment, Ellie. Je suis navré d’avoir réagi
commejel’aifaitetdutortquecelavousacausé.J’aicruqu’ilavaitperdulatête,qu’ils’enprenaitàvous;depuiscejouroùilvousasautédessus,danslasalle de conférences, il n’est plus le même dès qu’il s’agit de vous. J’étaisconvaincuqu’ilavaitpétélesplombs.—Ilavaitréellementenviedemetuer,cejour-là.(Elliegloussa.)Jesuisravie
qu’ilaitchangéd’avis.—J’aiunebonnenouvelle,sinon.—Ahbon?ditEllie,plusdétendue,enserecalantdanssonsiège.Excellent,
laquelle?—Touscesévénementsontdesrépercussionstrèspositives,exposaJusticeen
désignant Rage. Je sors d’un débriefing avec notre directrice des relationspubliques,quim’informequelesmédiassontderrièrenousàcentpourcent.Lescoupsdefilet lesmailsdesoutienaffluent.Legrandpublicesthorrifiéparcequivientd’arriver ; lescaméras tournaient,beaucoupdechaînesontdiffusé lafusillade.Vousétiezaucourant?Ellie,pétrifiée,n’encrutpassesoreilles.—Lesmédiasont…retransmisendirect…lemomentoùRages’estfaittirer
dessus?— Tout va bien, s’empressa d’ajouter Justice pour la rassurer. C’est très
positif,semble-t-il:lacotedesHybridesauprèsduplusgrandnombreafaitunbond spectaculaire. Que vous rappelez-vous, au juste ? Je suis conscient que,
contrairementànous,vousn’avezpasétéforméeàretenirlesmoindresdétailsd’unesituationextrême…—Pas grand-chose…Le chaos qui se déchaîne, puis Rage quime porte à
l’intérieur,pourqu’onsoitàl’abridestirs…etquis’effondre.—Quandleshumainsontouvertlefeu,relataposémentJustice,Ragearéagi.
Enrenversantlatable,ilaplacéàcouverttousceuxquiyétaientassis.Puisils’est jeté sur vous pour s’assurer qu’aucune balle ne pouvait vous atteindre.Touchéunepremièrefois,ilacomprisquelatablen’étaitpasassezépaissepourarrêterlesprojectiles.Alorsilvousasoulevéeets’estmisàcourir.Unesecondeballe l’a fauché en pleine course. (Justice marqua un temps.) C’était vous lacible,Ellie.Cestypesétaientvenusdansl’intentiondevoustuer.Ragelesenaempêchésenvousmettantàl’abri.Les yeux inondés de larmes, Ellie s’essuya le visage d’un revers de main.
Rage lui avait sauvé la vie !Elle en avait vaguement conscience, certes,maisentendrelerécitdétaillédecequ’ilavaitfaitpourlaprotégerluibrisalecœur.Ilavaitencaissédeuxballesàsaplace.—Ilsm’ontbeletbienfaitdumal,sanglota-t-elle.EntirantsurRage.—Jesais.Labonnenouvelle,selonnotredirectricedes relationspubliques,
c’estqu’unconsensussembles’êtrecristallisé:touslespèresdefamillerêventdevoirleurfilleépouserunHybrideaprèsavoirvucequeRageafaitpourvoussauver la vie. Et toutes les femmes nous considèrent comme des héros. (L’airdéconfit,ilhaussalesépaules.)Onm’aassuréquec’étaitunebonnechose,cetteadhésiondespèresdefamille…Cefutplusfortqu’Ellie:elleéclataderireaumilieudeseslarmes.—Unechoseestsûre,entoutcas:lesfemmesquilorgnentducôtédetypes
commeRageoucommevousontbigrementraison.—Jevois.Merci.(Illagratifiad’unclind’œil.)Jesuiscensélesavoir,mais
en toute honnêteté, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre en ce quiconcerneleshumains.—Quantàmoi,jesuisraviequelesHybridesaientenfinlacote.Justicehochalatête.—C’estextraordinairementbienvenu,eneffet.LefaitqueRageaitrisquésa
viepourvousafaitforteimpressionsurl’opinionpublique.Ilparaîtmêmequedetrèsnombreuxcitoyensinterpellentl’administration,tantfédéralequelocale,pourqu’elleagissecontrelesgroupesradicauxquinousprennentpourcible.Ilsmettentlapressionpourquetousceuxquiontsoutenulesanti-Hybridescessentde le faire.Aussi cyniquequecelapuisse sembler, cette tragédieestunevraie
bénédiction en ce qu’elle a permis à l’espèce humaine d’être en prise directeaveccequenoussubissons.Nousenressortons…unpeuplushumainsàleursyeux.Ellie se retourna vers la vitre et contempla le visage endormi de son bien-
aimé.—J’ensuisheureuse.—Moiaussi,Ellie.Nevousenfaitespas,ilvas’ensortir.—Jesais,dit-elleenacquiesçant.Sourdà ladouleur aiguëqui l’assaillit dès le réveil,Rage songead’abord à
Ellie. Il voulut se redresser, la chercher du regard. Des mains fermes l’endissuadèrent.—Rage?C’étaitladoucevoixdesonEllie!Ilrouvrit lesyeux:elleétait là, toutprèsdelui,pâleetépuisée.Il respiraà
fondpours’assurerqu’ilnerêvaitpas.Sonodeurétaitlà,presqueimperceptibleen raisondes effluves puissants demédicament, d’antiseptique et deDieu saitquoiencore.—Nebougesurtoutpas,ordonna-t-elle.Ont’atirédessus.(Sesbeauxyeux
bleus étaient baignésde larmes.)Tum’as sauvé la vie et tu vas t’en remettre.Maispourguérirrapidement,ilfautqueturemueslemoinspossible.Ildétaillasonvisageavecsoin.—Tu…tun’asrien?Lapeurl’assaillitenrepensantàtoutcequiauraitpuarriveràsonEllie.— Je… je n’avais qu’un seul but : temettre à l’abri des tirs. Pour qu’il ne
t’arriverien.—Tuasréussi.Ragesedétendit;lesmainspuissantesquileretenaientcessèrentd’appuyer.—OùestJustice?—Derrièretoi.Ragetournalatêteetvitqu’eneffetsonmeilleuramiétaitlà.—Veille surmon Ellie tant que j’en suis incapable. Je veux une escouade
entièrepourlaprotéger.Hybridesuniquement.Seulsnosfrèressontàlahauteur.Elliedoitpasseravanttout,Justice.Promets-le-moi.—Rassure-toi.Lesdispositionsontétéprises.Concentre-toisurtaguérison,
jem’occupede tout le reste.Nosmeilleursgarsveillent surEllievingt-quatreheuressurvingt-quatre.Personnenepeutl’approcher.Tuasmaparole.
Cessantdesetordrelecou,Ragecontemplalajeunefemme,tenditlebrasetluicaressalajoue.Sonpoucebalayaleslarmesqu’ellen’avaitpassuretenir.—Jet’aime.—Moiaussi,jet’aime.J’aieusipeurdetevoirmourirdansmesbras…—Tunetedébarrasseraspasdemoisifacilement.Onestensembleàjamais.La voir souriremalgré les larmes fit chaud au cœur à l’Hybride. Elle était
indemne, il avait encaissé les balles qui étaient destinées à sa bien-aimée. Làétaitl’essentiel.— J’en suis heureuse. Tu peux dormir tranquille, je reste auprès de toi,
d’accord?—Jet’aime,bredouilla-t-ilsousl’effetdessédatifs,jetel’aidit?Sespaupièresétaientlourdes.Trèslourdes.—Moiaussi,jet’aime,etoui,tumel’asdéjàdit.Rendors-toi.Jevaisbien.Parfaitement détendu malgré la douleur sourde, il se laissa happer par les
ténèbres.
CHAPITRE17
EllieobservaitPuce,labruneminuscule,quilessivaitlecouloirtoutenriantauxéclats.LajeunefemmedutmasquersonsourirepuissetournaversBrise.—Àlavoir,onpourrait jurerqu’iln’yariendeplusexaltantquepasser la
serpillière.L’amazonegloussa.—Ettun’asrienvu:certainesseréjouissentderécurer les toilettes!C’est
dingue,non?Jedétestefaireça.Lesproduitschimiquessententtropmauvais.—C’estvotreodoratquiesttropdéveloppé.—Sansblague!Etsinon,commentvaRage?— Impec. Furieux qu’on continue à le mettre sous sédatifs, cela dit. Bien
obligé : il n’arrêtait pas de vouloir se lever et exigeait qu’on lui rende sesfringues. Imagineunpeu la tête de lamalheureuse infirmière !Elle débarque,Rageestnucommeunver,ilgrognepourqu’onluipassedesvêtements…Elles’estmise à hurler comme une possédée.Quand ses collègues l’ont rattrapée,elleavaitcourujusqu’auparkingdel’hôpital.—Pourquoicriercommeça?s’interrogeaBrise,perplexe.Elliericana.—Rageestuncolosse,Brise.Uncolosseenrogne,ausangchaud.Ausens
propre.Essaiedetefigurercequeressentunenanatimidequitombenezànezavecunculturisteàpoil,grondantcommeunfauveetbandantcommeuncerf!L’amazoneaffichaunsourirecarnassier.—C’estvraiquenosmecssontimpressionnants,dececôté-là…—Tul’asdit,abondaEllie,unaussilargesourireauxlèvres.—Ellen’apastrouvélespectacleexcitant?—Terrifiant,plutôt.—Quellebourrique!—Oùes-tualléepêchercetteexpression?s’esclaffaEllie.— À la télé, pardi. Je peaufine mon vocabulaire. Bourrique ; nunuche ;
chaudassesanscervelle.Riantdeplusbelle,Elliesecoualatête.
—Mauvaisepioche.Toutallaitbienjusqu’àcequetulatraitesdechaudasse:çadésigneunenanaquicoucheàtout-va…etl’infirmièredontilestquestionaprislafuiteenvoyantunhommenu.—Pigé,ditBriseensefendantd’unclind’œil.Jevaiscontinueràregarderla
télé.—Aufait…j’aiunequestionàteposer.— Envoie, rétorqua Brise, souriante. C’est de l’argot aussi. (Son sourire
s’effaça.)Neleprendspasaupieddelalettre,surtout.Situm’envoiesuntrucàlatête,çanemeferasûrementpasmal,maisjerisquedeteblesserenripostant.— Entendu, dit Ellie en s’efforçant de garder son sérieux. Je veux bien le
croire.Voicimaquestion : d’où sortez-vousvosnoms? Je les trouvegéniauxmaisqu’avez-vouscontrelesprénomsordinaires,detypeMaryouTina?—C’estsimple:nousnesommespasdesgenslambda.Certainsontchoisiun
nomadaptéàcequ’ilsfontdemieux,d’autresàcequ’ilspréfèrentdanslavie.J’aipris«Brise»parcequ’unefoislibre,j’aiaimépar-dessustoutsentirleventmecaresserlevisage.—Monnomàmoi,onl’achoisiàmaplace,intervintDemi-portionenvenant
prendreplaceàcôtéd’Elliesurlecanapé.Quandonm’aconduiteàl’hôpitaloùdesmédecinss’occupaientdesHybrides,l’und’euxm’aregardéedanslesyeuxetm’aditquelesautresfillesfaisaientdeuxfoismataille.Toutlemondes’estmisàm’appelerDemi-portionpendantmaconvalescence,etçam’estresté.Ellieseretintdes’esclafferetsecontentadeluisourire.— Les docteurs qui nous ont soignées n’avaient vu que des sujets
expérimentaux dans mon genre, expliqua Brise. Demi-portion fut l’une despremièresdeson…type…àarriver.—EtPuces’appellePuceparcequelesmédecinsontvuqu’elleétaitencore
pluspetitequemoi,repritDemi-portion,rayonnante.—QuantàJustice,poursuivitl’amazone,ilachoisicenomparcequec’estce
qu’il souhaitait pour notre peuple. Il vient du labo le plus au nord – d’où sonnomdefamille,North.—Jemetrompe,demandaEllieen levant lesyeuxversBrise,ouilestrare
quevousayezunnomdefamille?—Non,c’estvrai.Onverraçaplus tard.Quand lebesoinse ferasentir, j’y
réfléchirai;Justiceestd’accordpourquetousceuxquilesouhaitentprennentlesien.Tupensesquoide«BriseNorth»?—Çasonnebien.—Jetrouveaussi.Etpuisçaadusens:jeviensdumêmelaboqueJustice.
—Jel’ignorais.—Ehoui.Onasouventcopulésouslacontrainte,Justiceetmoi.Untypebien
soustousrapports.—Jen’endoutepas,convintEllie.JusticeetBrise…couchantensemble?Ellieeutbeau tenterdese figurer la
scène,riennevint.—Quandungarsetunefillesontissusdumêmelabo,repritBrise,ilyade
fortes chances pour qu’on les ait obligés à copuler. Les scientifiques ont toutessayépourqu’ontombeenceintes.Dèsqueçanedonnaitrienavecunmâle,ilsnousencollaientunautre.—Aucune d’entre nous n’a jamais été offerte à un Hybride, avoua Demi-
portionavecunepointederegret.Brisesepenchaverselleetluipressadoucementl’épaule.— Tu m’en vois navrée. Ils ont toujours été gentils et prévenants. Ça se
passaitdans lerespectmutuelet ladignité.Jeregretteque tun’aiespasconnuça,maissilecœurt’enditunjour,jesuissûrequetontourviendra.Alors qu’Ellie refrénait les cent questions qui se bousculaient dans sa tête,
Demi-portionlevalesyeuxverselle.—J’aieudelachance,parrapportàbeaucoupd’autres.Onm’adonnéeàun
vieuxtypequin’étaitpaspartageur.Puce,enrevanche…(LapetiteHybrideétaitauborddes larmes.)L’hommeàquion l’adonnéeétait jeuneetcostaud. Il labattait. Et il la prêtait à sesmeilleurs amis, aussi.Mon propriétaire, lui, étaitmalingre;sescoupsnefaisaientpasbienmal.Lesdernièresannées,sontrucnefonctionnait plus. Rapport à l’âge. Ça le mettait en rogne chaque fois qu’ilessayait,alors ilme frappait,maisdemoinsenmoins fort.Vers la fin, toutcequ’ilfaisait,c’étaitmecrierdessus.— Vraiment désolée, dit Ellie, résistant à l’élan qui l’incitait à prendre la
petiteHybridedans sesbraspour la réconforter.Sais-tu comment ils vousontretrouvées?—En remontant les transactions, intervintBrise.Tous les particuliers ayant
versé de fortes sommes à Mercile Industries ont fait l’objet de procéduresjudiciaires dès que nous avons compris que certaines des nôtres avaient été«offertes».C’estcommeçaqueDemi-portionaététrouvée.Etlaplupartdesessemblables.—J’aieutrèspeur,murmuralapetiteHybride,commesiellecraignaitd’être
écoutée.Ilyaeuunvacarmeterrible,etdestasd’hommesarmésontdéfoncélaporte.J’aibiencruqu’ilsvenaientmetuer!C’estlàqu’estarrivéeunefemme
quiaditaux typesdenous laisser seules.Ellem’aparléenôtantmeschaînespuis ellem’a fait sortir dema cage.Enmepromettant que là où j’allais, pluspersonnenemeferaitdemal.—C’étaituneHybride?voulutsavoirEllie,curieuse.—Non,fitBriseensecouantlatête.Unehumaineàcentpourcent.Sonnom
m’échappe,maisc’estellequiparticipeauxraidschaquefoisqu’unmandatestdélivré.Elleprendenchargelesfillesdélivréesavantdenouslesconfier.—Elles’appelleJessie,précisaDemi-portion,unsourireauxlèvres.Cheveux
très roux, immenses yeux bleus, aussi petite que nous autres et avec une voixtoutedouce.—Ellie?lançauneautreHybride.—Oui?fitl’intéresséeenselevant.—Tu devrais rentrer. Je viens de répondre sur la ligne du dortoir :Rage a
quittél’hôpital.—Mais,mais…ilnedevaitpassortiravantaprès-demain…—L’autoritéetnosmâles,çafaitdeux,segaussaBrisedansledosd’Ellie.—Misère,soupiraEllie.Bon,ehbien,àdemain,lesfilles.Pourvuqu’iln’ait
blessépersonne,marmonna-t-elleaprèss’êtreéloignée.Ellies’échinaitàentraînerRageverslelitcontrelavolontédecelui-ci.Elle
adressa un regard torve àTigre, l’agent de l’OPHqui l’avait raccompagné, etqueleurpetitmanègeamusaitauplushautpoint.Lesbrascroisés,ilrechignaitàaiderlajeunefemmeàcontraindresonsupérieuretlesignifiaenobliquantverslasortie.—Pasquestiondemecoucher,grondaRage,jen’aifaitqueçapendanttoute
unesemaine!Elliesecoualatête.—Vatereposeroujetejurequej’emprunteunTaser,jet’assommeavecetje
teligotesurlelit.Ragegrognadeplusbelleetplissalesyeux.Lajeunefemmel’imitatouten
continuantàs’escrimer.— Arrête de grogner ! Moi aussi, j’en suis capable. Et va te déshabiller,
ajouta-t-elleenluijetantunregardnoir.Tuessortitroptôt.Inutiled’essayerdemebaratiner:amourdemavieoupas,situnevaspastecouchertoutdesuite,j’empruntesonTaseràTigre.Jeneplaisantepas.Ragecessadelutteretsefenditd’unlargesourirequiluidécouvritlescrocs.—Sijemecouchetoutnu,tutedéshabillesettumerejoins?
—Oublie, rétorquaEllie, bouchebée.Tuas failli ypasser il n’yapashuitjours,tuasoublié?Lesgalipettesattendront.Allez,jet’enprie.—Sionmedemande,jesuisàcôté,déclaraTigre,hilare.Elliefitvolte-faceetvitl’agentfranchirleseuil.EllefusillaRageduregard.—Tusavaisqu’ilétaitencorelàettuasditçaexprès!Ragegloussa.—Ilestparti,àprésent.Déshabille-toietjefaispareil.Allonsaulittousles
deux.J’aiquandmêmeledroitdetetoucher.(Ilseretournaetl’enlaça.)Jeveuxsentirtapeaucontrelamienne.Çam’aideraàguérirplusvite.—Parcequeçafavoriselacicatrisation?Premièrenouvelle…—Tuasraison,maisçam’aideraàmesentirmieux.Elliegloussaàsontour.—Jeteproposeunmarché:tutedésapes,tuvasaulit,etpendantcetemps,
je teprépareun trucàgrignoter. Jeviendraim’allongeràcôtéde toiquand tuaurasdéjeuné.—Nue?—Non.Tuescensétereposer.Parcontre,riennem’empêchedetefrotterle
dosetdejoueravectescheveux.Tuvasadorer.Ilgrondadoucement.—Tusaisquoi,beauté?Jeseraisprêtàm’étendresuruneplancheàcloussi
tuétaisd’accordpourmemasser…maispasledosoulescheveux.Ellie se passa la langue sur les lèvres, réfléchit et décréta qu’il n’était pas
dangereux de le masser avec de la lotion – à condition qu’il reste immobile.Ragegrondaetlapressatoutcontrelui.Ellehochalatête.—Jem’occupedetondéjeuner.Toi,tuvasaulit.J’enaipourdeuxminutes.L’Hybriderelâchasonétreinte.Ellie,ensedirigeantverslacuisine,entendit
dutissusedéchirerettournalatête:Ragelasuivaitdesyeux.Ilavaitemployélamanière fortepourouvrir son tee-shirtpar ledevant,plutôtquede l’ôteraurisqued’appuyersursonpansement.Elleéclataderire.—Tuespresséàcepointdetecoucher?—Coursàlacuisineetreviensvite.Ensortantdelachambre,ElliefaillitpercuterTigrequirecula,l’airréjoui.—Laisse-moideviner.Ouïeetodorathyperdéveloppés?— Je vais monter la garde au salon. C’est assez loin de la chambre, ça
m’éviterad’entendrecequ’ilveutquevousluimassiez.La jeune femme prépara un sandwich à la dinde accompagné d’un soda et
d’un paquet de chips. C’était bon d’avoir Rage de retour à la maison, départ
anticipé de l’hôpital ou pas. Elle avait émis le souhait de rester à plein-tempsauprès de lui,mais l’équipemédicale s’y était opposée : le cirque desmédiastournaitàl’hystériequandlecouplevedetteétaitrassemblé.Ellieentradanslachambreetrefermaavecsoin.L’absencedeverroun’était
pasunproblème,Tigreavaitcomprisqu’ilnefallaitpaslesdéranger.Rage,toutsourires,étaitétendu–etvisiblementnucommeunversousledrap.Ilavaitcaléles deux oreillers derrière lui afin d’attendre le plus confortablement possible.L’étoffeformaitunchapiteauauniveaudel’entrejambe.Ellies’enaperçutetritauxéclats.—Toutexcitéàl’idéedemangerunmorceau?railla-t-elle.Jesaistongoût
pourladinde,maisquandmême…Sesyeuxnoirsétincelèrent.—Tucomptesréellementmefaireavalerçaavant?Penchée au bord dumatelas, Ellie lui tendit le plateau-repas. Son attention
dérivajusqu’àl’impressionnant«piquet»duchapiteau.— Je ne sais pas où poser le plateau, s’amusa-t-elle. Dévore-moi ça, mon
grand.Après un grognement, Rage empoigna le sandwich et en avala une énorme
bouchée presque sansmâcher. Ellie, toujours hilare, ouvrit la canette et la luiproposa.Ilbutunegorgéesanscesserdeladévorerdesyeux.Ellieseredressaetsedirigeaverslasalledebainsattenante.—Oùtuvas?grinçal’Hybride,sonsourireenvolé.—Jerevienstoutdesuite.Patience.—Pasmonfort,maugréa-t-il.Ellieouvritlemeubleau-dessusdulavaboetytrouvalalotion.Munied’une
serviette,elleretournadanslachambreenbrandissantlesdeuxarticles.—Quedis-tud’unmassage?—Nemetentepas.Lasemaineaétélongue,trèslongue.Elliepritplaceauborddumatelas,défitlecapuchon,s’étaladelalotionsur
lesmains puis dut jouer des coudes pour soulever le drap.Rage grogna et secambraàlasecondeoùlespaumesdelajeunefemmeentrèrentencontactavecsaqueuedressée.Elliesepenchaetentrepritdeluilécherlapoitrineenprenantsoin d’éviter son pansement. Il avait écopé d’une balle dans le flanc et d’uneautredansledos,prèsdel’épaule.Àquelquescentimètresprès,l’impactauraitréduitl’omoplateenmiettes.—Jet’aime,gronda-t-il.Ellie le caressa lentement. Chaque seconde passée à effleurer cette peau
soyeuse, tendue autour dumanche aussi dur que de l’acier, était un rêve.Ellejouadelalanguesuruntéton,puissurl’autre,toutencontinuantàluistimulerlesexede labase jusqu’auboutdugland.Rage,grondant toujours,enfla jusqu’àdes proportions impressionnantes. Obnubilée par cet énorme engin, la jeunefemmetenaitàlevoirjouir.L’Hybride,tenducommeunarc,grognasonnom.Puistrembladespiedsàla
tête:l’orgasmearrivait.Songlandenflaconsidérablement.C’étaitcerenflementqu’elle sentait quand il la pénétrait à fond, dans les derniers instants. Ellie,fascinée,observalaboulequin’enfinissaitplusd’enfler.Serappelantqu’iléjaculaitpuissamment,Ellieplaçaunemainencoupoletout
enaccentuantlemouvementdeva-et-vientet lapressionexercéesursaqueue.Quandlejetdespermefusadanssapaume,ellesutqu’iln’avaitpasexagéré:lerisque de suffocation était bien réel lorsqu’il était très excité. S’arrachant aufascinantspectacle,Ellielevalesyeuxverslevisagedesonbien-aimé.Latêterejetéeenarrière,ilhurlaitsonnomtandisqu’ellelevidaitjusqu’àla
dernièregoutte.Ellie,béate,continuaàstimulersavergehypersensiblejusqu’àcequeRagel’enempêche.Elle l’embrassa sur la bouche. Fit courir sa langue sur sa lèvre inférieure.
Grognanttoujourssonnom,illuicaressalesseins.—Tutesensmieux?Plusdétendu?Pourtouteréponse,ilgrogna.Elliesemithorsdeportéedesesmainsbaladeuses,l’essuyaaveclaserviette
etlançacelle-civerslasalledebains.Restéeàdistance,ellevitqueRageavaitlesyeuxrivéssurelle.—J’aienviedetoi.La jeune femmepiailla, surprise,quand il lui sautadessussanscriergareet
l’étala de tout son long sur le lit. Son dos avait à peine heurté lematelas quel’Hybrideétaitsurelle.Ellieledévisagea.—Tuvasrouvrirtesplaies,monamour.—Maisnon.La jupe d’Ellie empoignée d’unemain ferme,Rage la lui remonta jusqu’en
hautdescuisses.—Rage,arrête.Ellecroisasesyeuxnoirs.—Jen’aipasfinidedéjeuner…ettuesaumenu.Elliesentitledésirirradierenelle.—Mais…tespointsdesuture…
—Jeferai trèsattentionànepas tirerdessus. (Il sourit.) Je resteau-dessus,comme ça, je ne remuerai pas trop. Comment l’appelles-tu, déjà… ton petitbouton?Jesuisd’humeuràlécherunbouton,Ellie.—Jedevraisdirenonmaisc’estimpossible,haleta-t-elle,toutentièretournée
verscequ’ils’apprêtaitàfaire.La jeune femme appuya contre la main du colosse dès qu’elle le sentit
s’introduiredanssaculotte.Deuxdoigtsserefermèrentsurl’échancrure,justeendessous du nombril. Il tira un coup sec. L’étoffe n’y résista pas. Il jeta leslambeauxdesous-vêtement.—Tudevraisarrêterdeportercestrucs,beauté.Çam’agace.—Entendu.Ils’esclaffa.—Pasderécrimination?Elle fit « non » de la tête. Rage commença à lui titiller le clitoris tout en
douceur.L’ardeurmontad’uncran.Lesentantglisserverslaterrepromise,Ellieécartalescuissesafinqu’ilpuissesecalerconfortablement.— Je suis prête à toutes les brûler, si c’est le prix à payer pour que tu
continues.—Brûle-les,pressa-t-ilàvoixbasseenglissanttoujoursplusbas.Usant de sa main libre, Rage lui dénuda la poitrine. Puis ses lèvres lui
effleurèrentleventreetsalanguecourutjusqu’aunombril.—Brûleaussitessoutiens-gorge.—Toutcequetuvoudras,gémitEllie,surexcitée.Sonbelamantluiavaittellementmanquéqu’ellen’enpouvaitdéjàplusalors
qu’ill’avaitàpeinetouchée.Ellegémitdeplusbelle.—J’adorelafaçondonttumemetsausuppliceavectonpouce…Ragedescenditeneffleurantl’amasd’étoffeauniveaudeshanchespuisreprit
contact avec la chair nue. Il lui écarta les cuisses au maximum, gronda… etenfouit sa tête. Agrippée aux draps, gémissant son nom, la jeune femme sepressacontresabouchequandilcommençaàlalécher.—Legoûtdetonsexem’amanqué,dit-ild’unevoixrauque.J’ysuisaccro.Sa langue allait et venait à l’endroit précis quimenaçait de la rendre folle.
Ellie gémit plus fort pour lui faire comprendre à quel point la sensation étaitinouïe.L’Hybrideaccentualapression;colléàsonclitoris, ilstimulait lepetitboutonduplatdelalangue.—Rage,marmonna-t-elle.—J’aidit«Arrêtez-vous»,merde!beuglaTigre.
Laportes’étaitouverteàlavolée.Toutenlevantlatête,Ragecrispalepoingsurlajuperemontéed’Ellieetrabattitl’étoffedefaçonàocculterlesexeoffert.Ellie,abasourdie,setorditlecou:uneinconnueetTigrecoupaientbrusquementleur élan sur le seuil de la chambre. La femme était bouche bée ; l’agent del’OPH,quantàlui,éclataderireavantdesedétourner.—J’aifaitdemonmieuxpourl’enempêcher,gloussa-t-il.Vraimentdésolé,
mec.Jeteprésentetoninfirmièreàdomicile.Rage gronda. Ellie, paniquée, voulut tirer sur sa jupe pour la baisser au
maximum, mais l’Hybride s’était montré plus prompt. La jeune femme sedégagea comme elle put des épaules du colosse jusqu’à être en mesure des’asseoir. Ses yeux s’attardèrent sur le corps de Rage, toujours étendu sur leventre.Ledrapavaitglisséetneluicouvraitpresquepluslesfesses.Ellielouchaensuiteversl’infirmière,unebruned’environvingt-cinqans,quieutlaprésenced’espritdefermerlabouche…pourlarouvrirpresqueaussitôt.—Vousnedevriezpasfaireça,monsieurRage!Enfin,vousrisquezdefaire
sautervospointsdesuture…Quantàvous,mademoiselleBrower,vousdevriezavoirhonte!— Sortez, grogna Rage qui saisit au vol Ellie par le poignet alors qu’elle
tentaitdeselever.Immédiatement!L’infirmière,plutôtjolieaudemeurant,avaitlestraitstirésparl’indignation.—Pasquestion.Jemefélicited’êtrearrivéeàpointnommé.—M’étonneraitquecesdeux-làsoientd’accordavecvous,ricanaTigre.Vous
avezplutôtlechicpourtombermal,jedirais.Pasvrai,lestourtereaux?—Fais-lasortir,exigeaRage.—Paspossible,réponditTigreenseretournantderechef.C’esttoninfirmière
àdomicile,mec.Elle doit squatter ici toute la semaine. Justice est inflexible :c’estçaouleretouràl’hosto,vuqu’Ellieparttoutelajournéeauboulot.Tuétaisd’accordparcequeça tepermettaitde finir taconvalescence ici.Désolé,mec.Pasdemonressort.L’infirmièresecoualatête.—VousêtesconscientequeM.Rages’estfaittirerdessusdeuxfoispourvous
protéger?Çanevoussuffitpas,mademoiselleBrower?C’estdedormir,dontilabesoin.Pasdes’agiteraulit.Là-dessus,ellesepencha, ramassa laculottedéchiréed’Elliequ’ellebrandit
entrelepouceetl’indexetlafusilladuregard.—Cecin’estpasacceptable.Adosséàlaparoi,Tigresetenaitlescôtes.Elliesentitqu’elleétaitcramoisie;
Rage, quant à lui, était d’humeur massacrante. L’infirmière jeta la culotte enlambeauxdanslacorbeilleàpapiersituéeprèsdelaporte.—Laissez-moiseuleavecmonpatient,jevousprie.Jedoism’assurerqueses
suturesonttenu,etc’estl’heuredesesantalgiques.Ellies’échinaàéchapperàlapoignedeferdeRage.Àlasecondeoùillâcha
prise,ellesautadulitdesoncôté,sedirigeaverslacommodeetouvritletiroiràculottes. Puis, toujours écarlate, elle alla s’enfermer dans la salle de bains. Etsuivitcequisedisaitàcôtétoutenarrangeantsamise.—Etmoiquicraignaisdem’ennuyer,s’esclaffaTigre.— Ta gueule, grinça Rage. Ne remets jamais les pieds dans cette chambre
quandlaporteestfermée.Jamais.Ellieémergeadelasalled’eauetallachercherunpantalondejoggingqu’elle
tenditàRage.Sonregardcroisaceluidel’infirmière.—Veuillezsortiroutournerledospendantquej’aideRageàs’habiller.—Paslapeine,raillal’infirmière.Vuquejem’apprêteàluifairesatoilette.— C’est moi qui m’en occuperai. Contentez-vous de lui donner ses
médicaments,puissortezpourqu’ilpuisseenfilerça.L’infirmièreetEllies’affrontèrentduregard.—C’estmonboulot,dem’occuperdeM.Rage.—Non,c’estlemien,répliquaEllie,leslèvrespincées.Jesuisinfirmière,moi
aussi.—Oh,oh!fitTigre.Çasentlaquerelleterritoriale…Ragefronçalessourcils,furieuxd’avoirétéinterrompualorsqu’ilprofitait–
enfin!–desonEllie.Cetinstant-là,ill’avaitattendudesjoursentiers:rentreràlamaisonetretrouversabien-aimée,loindesregardsinquisiteursdesvigilesetdupersonnelmédical.Toutluiavaitmanqué.Latenirdanssesbras, l’entendrerire,discuterjusqu’auboutdelanuittendrementenlacés.Sansoublierlegoûtdesachair,lecontactdesesmainssurlui.Ilétaitsuffisammentremispourluifairel’amour.L’infirmièreétaitcenséearriverbienplustard,etRagen’étaitpassatisfaitde
cellequ’onluiavaitenvoyée.Leregardnoirqu’elledardaitsurEllieluidonnaitenvie de gronder. Personne n’avait le droit de dévisager sa femme avec de lahaine dans les yeux ! S’il n’avait pas promis qu’il autorisait une infirmière às’installerchezlui,ilauraitvolontiersdemandéàTigredelareconduiresur-le-champjusqu’auportaildelabase.Les femmes hybrides se montraient possessives. En observant Ellie, il
remarquaqu’elleavaitlesépaulesetlesmâchoirescrispées.Tigreavaitvujuste:les deux humaines étaient à deux doigts d’en venir aux mains pour avoirl’ascendant.Autoriser Ellie à en découdre ? Pas question, décida-t-il, elle risquait de
prendreunmauvaiscoup.Rages’exhortaaucalme.Ensemontrantzen,peut-être ferait-il comprendre à Ellie qu’elle n’avait pas à s’en faire et que l’autrenananereprésentaitpasunemenace…Jamaisiln’autoriseraituneautrefemmeàposerlesmainssurlui.Illuisuffisaitdeclarifierlasituation:c’étaitàElliedefairesa toilette,de l’aideràs’habillersinécessaire.L’infirmièreavait intérêtàfilerdoux.Ilprituneprofondeinspiration.—C’estElliequiferamatoilette,énonça-t-ilsuruntonsansappel.Personne
d’autre.L’infirmière,trèsremontée,lefusilladuregard.—C’estmoivotreinfirmièreattitrée,paselle.—J’enairienàfoutre,glapitRage,àdeuxdoigtsdes’emportercontrecette
humaine mal embouchée. Ellie est la seule autorisée à me toucher. Ellie ?(L’intéresséetournalatêteverslui.)Calme-toi.Jet’appartiens.Illaregardadanslesyeuxafind’appuyersonpropos.—Iln’yapersonned’autre,reprit-il.Tueslaseulefemmequejedésire.Aujourd’huietpourtoutelavie,compléta-t-ilmentalement,désormaiscertain
d’avoirtrouvél’âmesœur.Chaquesecondepasséeauprèsd’Ellieraffermissaitlelienquilesunissait.—Toiseuleexistes.—Jelesais,répondit-elle,plusdétendue.—Neluisautepasàlagorge,d’accord?Décidé à recourir à l’humourpour capter l’attentiond’Ellie,Rage se fichait
comme d’une guigne que cela puisse effrayer cette pimbêche d’infirmière. Leplussérieusementdumonde,ilajouta:—Mêmesiellel’abienméritéendébarquantcommeunefurie.L’infirmière, qui prenait d’évidence la menace sous-jacente pour argent
comptant,fitlesyeuxrondsetreculajusqu’auseuildelachambre.— M-mais, bredouilla-t-elle, en proie à un début de panique, j’avais cru
comprendrequevousétiezhumaine…V-vousêtesuneHybride,vousaussi?L’effroisuscitéamusaRageauplushautpoint.—Biensûrqu’EllieestuneHybride.Puisquec’estmafemme.Elliesoupira.—Jesuisaussihumainequevous.Cequi,enl’espèce,n’ariendeglorieux.
(Elles’approchadeRageetluiparlaàmi-voix.)Jen’avaisaucuneintentiondeluisauteràlagorge,enfin!Simplement,jedétestel’idéequ’elleposelesmainssurtoi.—Jalouse?lança-t-il,narquois.Toute trace de courroux évanouie, elle répondit par un léger hochement de
tête.—C’estmoiquitefaistatoilette.Lecolosseluipritlamain.—Rienque toi,marchéconclu.Et sinon…j’aidroit àunautre sandwich?
J’aitoujoursfaim.(Ilréprimaàgrand-peinesafrustration.)Mondéjeuneraétéinterrompu.Unsourireauxlèvres,Elliedéposalepantalondejoggingpliésurlesgenoux
recouvertsd’undrapdel’Hybride.—Enfileça,nousnesommesplusseuls.Àl’infirmièreprostréesurleseuil:—Jevousmontreoùsetrouvelachambred’amispendantqueRagepasseun
pantalon.ÀTigre,avecunregardnoirappuyé:—Quantàtoi…efface-moicesourireniais.Iln’yapasdequoirire.Tupeux
surveillerRageetvérifierqu’ilneluiarriveriendefâcheuxens’habillant?—Çaroule, répondit l’intéressé,hilare.Vraiment tout saufennuyeuse,cette
mission.—Pousse-toioujetemords,luiglissaEllieenpassant.—Mordre, c’estmon rayon, lançaRage, hilare lui aussi, cequi fit rire son
comparse.Elliemouraitd’envied’assassinerBelindaThomas.Elleeutbeaudesserrerles
poingsetrespireràfond,rienn’yfit.Idemaprèsavoircomptéjusqu’àdixaussilentementquepossible.Rienàfaire,ellemetapesurlesnerfs.Elledécrispalesmâchoires:secasserlesdentsn’arrangeraitrien,bienaucontraire.Ellevoyaitrouge.L’infirmièreétait encoreavecRage.Elle sepavanaitdans sachambrevêtue
d’un short en jean si court qu’il frisait l’indécence et, pour couronner le tout,d’un petit haut guère plus couvrant qu’un soutif. Le ventre plat, bronzé etdénudé, elle était penchée sous le nez de l’Hybride, ayant cru bon de passerl’aspirateuralorsquelachambreétaitdéjànickel.Rageparaissaithypnotiséparles quelques centimètres carrés de croupe à nu que la posture provocatrice de
Belindamettaitenvaleur.—Rage?SetournantaussitôtversEllie,illuisourit.—Salut,beauté.Belinda,surprise,seredressa,fronçalessourcilsendécouvrantEllieetcoupa
l’aspirateur.—Vousrentreztôt,aujourd’hui,dit-ellesuruntondereproche.Elliehochalatête.—C’estlenouveluniformed’infirmière?Quelqu’undevraitentoucherdeux
motsàvotrepatron…Uneétincellemauvaises’allumadanslesyeuxdeBelinda.—Ilfaitsuperchaud,sedéfendit-elle,etquandjesuisdétachéeàdomicile,je
nesuispastenuedetravaillerenuniforme.—C’est regrettable. Quant à l’aspirateur, j’ai fait le ménage avant-hier, ce
n’étaitpasnécessaire.— Vous avez des progrès à faire, question ménage, rétorqua Belinda en
arquantunsourcil.Ilyadestasdechosesquejefaistrèsbien.Jepariequejevous vaux largement dans beaucoup de domaines, ajouta-t-elle, perfide, enadressantunclind’œilàRage.Elliefitunpasverselle.—Salepetite…—Ellie!intervintRageenhaussantlavoix.Viensici,tum’asmanqué.Coupant court à sa furieuse envie de gifler l’autre morue, la jeune femme
s’exécutaetpritplaceauborddulit.Sacolèreétaitintacte.Pire,elles’intensifiaendécouvrantlamineréjouiedel’Hybride.Ragesedélectaitdelavoirsortirlesgriffes. Quoi de plus normal, au demeurant ? Belinda Thomas l’aguichait àlongueurdejournée!—Jevais fairechauffer l’huiledemassage,minaudaBelinda. Il fautque je
m’occupe de cette épaule. Faute de traitement adéquat, c’est la contractureassurée.Là-dessus,ellequittalapièceenemportantl’aspirateur.—N’entrepasdanssonjeuentefâchantaprèselle,lapressaRageàmi-voix.— J’ouvre la porte et je te surprends les yeux rivés sur son cul ! s’indigna
Ellie.Sijamaiselletetoucheavecsesmainspleinesd’huile,jetepréviens:jedéménageillico.Ilcessaaussitôtdesourire.—Ellenem’intéressepas,Ellie. Je regardais soncul, c’estvrai,mais c’est
parcequ’ellealapeaubizarre.Rienàvoiravecletien.—Bizarre?répétaEllie,àdeuxdoigtsd’exploser.—Lebasdesesfessesest toutplisséetmarbré.Tesfessesà toisont toutes
lisses.Jelesadore.—Tuluimataislesfessesparcequ’elleadelacellulite?—Queveux-tuquejefassed’autre?Ellem’aconfisquélatélécommandeau
prétexteque la télépourraitnuireàmaconvalescence. J’aivoulu la récupérer,maisTigrem’aditquejen’avaispasledroitdemettresachambreàsac.Ellieledévisagea.—C’est invivable ; elle te drague ouvertement.Tu ne t’en es peut-être pas
renducompte,maisellen’yvapasparquatrechemins,tupeuxmecroire.Çamerenddingue.Etpuisjesuisinfirmière,merde!Jepeuxm’occuperdetoi!Peum’importecequetuaspromisounonàJustice.—Tuesjalouse.—Évidemmentquejesuisjalouse!Ragesouritd’uneoreilleàl’autre.—J’adore tevoir commeça,mais c’est inutile et tu le sais.Tues la seule.
L’unique.Faiscommemoi:méprise.J’aibienvuqu’ellemedraguait.Enpureperte.Jeneressensabsolumentrienpourcettefemme.IlattiraElliesursesgenoux.—Tueslaseulequimefassedel’effet.Tulasens?Ellet’appartient.—C’estl’heuredumassaged’épaule,lançaBelindadepuisleseuil.Elliefermalesyeux;Ragel’attiratoutcontreluijusqu’àcequ’elleaitlatête
poséesursonépaulevalide.—Fichezlecamp,grogna-t-il.C’estElliequivamemasser.— Enfin, Rage, s’indigna l’infirmière. Je suis une professionnelle. Donnez
plutôt congé à votre petite nana, qu’elle aille jouer ailleurs pendant que jetravaille.Elliesecabra.Rage,d’évidenceàcourtdepatience,montralescrocs.—Ellien’estpasma«petitenana»maisma future femme.Ne faitesplus
jamaisallusionàellecommesielleétaitquantiténégligeable;Ellieesttoutpourmoi.Et cessezdem’appeler ainsi. Pour vous, c’estmonsieurRage, compris ?Dernière chose, rugit-il. Quand je vous dis de foutre le camp, vous foutez lecamp!Douce musique aux oreilles d’Ellie, qui entendit Belinda hoqueter puis la
porteclaquer.Rageluicaressaledos.—Elleestpartie.
Ellierouvritlesyeux.—Merci.J’aiconfianceentoi,tulesaisbien.Simplement…(Ellesecouala
tête.) Tout rentrera dans l’ordre dès que tu seras rétabli et que cette poufiasseaurafichulecamppourdebon.—Noussommessouspressionavec touscesgensquivontetviennentà la
maison;lesmomentsentêteàtêtesontrares.(Ilpritlatêted’Elliedanslecreuxdesesmains.)Ilmetardedemeretrouverseulavectoi.C’estcequejedésireleplusaumonde.—Moiaussi.Maisquellepeste,celle-là!Ellem’énerveauplushautpoint,et
en plus, elle te fait du rentre-dedans ! Si les rôles étaient inversés et qu’uninfirmiermedragueaussilourdement,commentréagirais-tu?— Au quart de tour, répondit Rage, tout sourires. Ça ne durerait pas : le
pauvre gars aurait dumal à te toucher avec les deuxmains enmiettes et à tebaratineraveclemaxillairebrisé.Ellieéclataderire.—Attention,tumedonnesdesidéessurlafaçondecorrigerl’autrepeste!Ce
qu’ilmetardedelavoirpartir…Iln’yenapluspourlongtemps,Dieumerci.Rageritàsontour.—Biendit!RemercietonDieu,glissa-t-il,l’œilpétillantdemalice.Etsinon,
pourcefameuxmassageauxhuileschaudes…Tuespartante?—Avecgrandplaisir.—Pasà l’épaule, ronronna l’Hybride.Etdébarrasse-toidece jean. J’espère
quetuastenutapromesseetquetuneportespasdeculotte.—Quellepromesse?J’avais faitvœude toutes lesbrûlersi tucontinuaisà
mefairedubien,c’estvrai,maistuasdût’interromprequandSuperPoufiasseadébarqué.Elliedescenditdu litet s’enécartadequelquesenjambées,puisdéboutonna
sonjeanetenécartalespans.—C’esttonjourdechance:promessetenueounon,jen’enportepas.Ragerivalesyeuxsurletriangledechairainsidévoilé.Toutenpoussantun
grondementsourd, ilempoigna ledrapqu’ilenvoyavaldingueretse levad’unbond.Ellie se passa la langue sur les lèvres et jeta un coup d’œil inquiet à laporte.—Ilfaudraitvraimentqu’onposeunverrou…—Ellen’oserajamais,grognal’Hybride.—Chassecettepensée,murmura-t-elle, l’indexdevant labouche, tuvas lui
donnerdemauvaisesidées…
La jeune femme trottina jusqu’au petit secrétaire, souleva la chaise et allacalercelle-cisouslapoignéedelaporte.Puisellefitvolte-face,ôtasatuniqueetlajetaparterre.—Tun’aspasbrûlétessoutiens-gorge,fitremarquerRageensedébarrassant
prestementdesonbasdejogging.—J’étaisautravail.Tutienstantqueçaàcequemesseinsballottentsousle
nezd’autreshommes?—Pasvraiment,non.Jetuerailepremierquiloucherasurcesseins,quisontà
moi.Ellies’esclaffaenôtantsonjean.—Àtoi,hein?—Àmoi,confirma-t-ilenl’enlaçant.Puisilluiplaqualesmainssurlapoitrine.—Massaged’abord?—Non.Ladernièrefois,c’estmoiquiaiétérégalé lepremier.Allonge-toi,
mabeauté.Tumedoisunrepas.Elliesortitdesonétreinteetgrimpasurlematelas.Allongéesurledos,elle
souritàRagequisepenchaitdéjàsurelle.— Si quelqu’un nous interrompt, gronda l’Hybride en la saisissant par les
hanchespuisencommençantàlacaresser,jejurequejefaisuncarton.Avecleflinguequej’airangédansletiroirdelatabledenuit.Elliericana.—Tun’auraispasdûmedireça.C’estsurBelindaquejevaisfaireuncarton.Rageluiadressaunclind’œil.—Jetemontreraitoutàl’heurecommentçafonctionne.
CHAPITRE18
—Pasquestion.Rage, inflexible, avait les yeux assombris par la fureur. Ellie soutint son
regard.—Justiceinsiste.Ilditquelepublicdemandeàmevoir,às’assurerquetout
vabienpournous.Ceseraitl’occasiond’annoncerquetuterétablis.—Non,grondal’Hybride,lesbrascroisés.Elliecessad’occulterlemicrodutéléphone.—Ilrefuse,Justice.Jesuisdésolée.La jeune femmeécouta la réponsepuis raccrocha.Elles’installaauborddu
lit.— Il dit qu’il comprend et qu’il se contentera de diffuser un communiqué
écrit.Quelqu’unnousapporteraletextepourqu’onlevalidedansl’après-midi.Ilpartiracesoir.— Peu m’importe son contenu. Rappelle-le et dis-lui que je me fie à son
jugement.—Entendu.(Elliemarquauntemps.)Jepeuxsavoirpourquoiturefusesque
j’ailleparlerauxjournalistes?—Tun’iras nulle part.On t’a déjà prise pour cible, je refuse de t’offrir en
pâtureauxcinglésdelagâchette.—Tutefaisdusoucipourmoi,conclutEllie,sarancœurenvolée.—Enpermanence.C’estmonboulotdeveilleràcequ’ilnet’arriverien,et
danscetteoptique,leplussimple,c’estdenepast’exposer.—D’accord.—D’accord?Tunerâlespas?Lecolossen’avaitpasl’airconvaincuàcentpourcent.—Tun’aspasl’intentiond’allerparlerauxreportersdansmondos,j’espère?—J’aidéjàditnonà Justice.Etpourqui tumeprends,d’abord?maugréa
Ellie,lessourcilsfroncés.—Pourunenanaquidéteste s’entendredire cequ’elledoit faireounepas
faire.
Lajeunefemmehaussalesépaules.—Jesaisquetuagisainsipourmeprotéger.Etquetuasd’excellentesraisons
deme l’interdire : ladernière foisqu’ons’estprésentésà lapresse, tuas reçudeuxballes.Ragesedécrispa.—Merci,lâcha-t-ilsuruntonbourru.— C’est l’heure de changer les pansements et d’avaler ses médicaments,
roucoulaBelindaenentrantdanslachambre,satrousseàpharmacieenmain.Ellie,plusqu’agacée,adressaunegrimaceàRagepour luisignifiersonétat
d’espritpuisseleva.—Jefilesousladouche.—Faisvite.La jeune femme coula un regard noir en direction de l’infirmière en se
dirigeantverslasalledebains.Peineperdue:Belindal’ignorasuperbement.Ilen était ainsi depuis que Rage l’avait congédiée avec fracas. Cela étant, pluspersonnen’avait déboulé dans leur chambre à l’improviste.Ellie se déshabillapuisréglalatempératuredujet.Lajournéeavaitétélongue,elleétaitheureusedepouvoirsedélasser.Un profond soupir lui échappa tandis qu’elle se glissait sous l’eau chaude.
Ellefermalesyeuxets’obligeaàsedétendre.Sespenséesdérivèrentaussitôtverslesproblèmesdeboulot.Aucoursd’une
ronde,unvigilehumainétaittombéparmégardesurl’unedesHybridesdepetitetaille,quis’étaitmiseàhurlerendécouvrantun«intrus»mâledanslacuisinedubâtiment.Il avait fallu une heure à Ellie pour la calmer. Puis elle avait téléphoné au
poste de sécurité, àDarrenArtino et à Justice, exigeant d’eux que plus aucunvigile de sexe masculin ne pénètre dans le dortoir des filles sauf en casd’urgence, et ce, jusqu’à ceque lesnouvellespensionnaires soienthabituées àcôtoyer des hommes.Le responsable de la sécurité s’était insurgé contre cetterequête ; Ellie n’avait eu gain de cause que grâce à l’appui de Justice. Pourcouronnerletout,elleétaittombéenezànezavecSuperPoufiasseenrentrantàlamaison,cequin’avaitfaitqu’accentuersonstress.Laportedelasalledebainss’ouvritàlavolée.Lechoccontrelaparoiétait
d’unerareviolence.Elliesursautapuisfitcoulisser l’ouverturedelacabinededouche:Rageétaitlà,lestraitsassombrisparlafureur.Lajeunefemmevoulutsesaisirdesaservietteetgrimaça.Uncoupd’œilàsamainendolorieluiappritqu’elle s’était entaillé lapaumecontreunearêtemétallique.Unmince filetde
sangcommençaitàsourdre.Elles’empressad’oubliercetteécorchureminime,ilyavaitpluspressé,connaîtrel’origineducourrouxdeRage.—Qu’est-cequisepasse?L’Hybriderefermalaportetoutaussiviolemment,lesenfermantensemble.—Cettenanadoitfoutrelecamp!Ellie s’entoura de la serviette et sortit de la cabine de douche, encore toute
ruisselante.—SuperPoufiasse?Tuprêchesuneconvertie!—Cettesalope-là,oui!Rage,tremblant,dévisageaEllieetdevinttoutpâle.—Jenel’aipasembrassée.C’estellequim’aagrippéetaposéseslèvressur
lesmiennes.Elleamêmeessayéde faireentrersa languedansmabouche. (Ilgronda.) Je l’ai repoussée ; elle a commencé à se déshabiller. (Nouveaugrondement,plussonore.)Alorsjemesuisréfugiéici.Ilfautqu’elleparte.Enentendantcela,Elliesentitsacolèredépassercelledel’Hybride.—Ellet’a…embrassé?—Ellem’ad’abordfaitunepiqûre,puiselleachangémespansements,etlà,
sans crier gare, voilà qu’elle se jette surmes genoux et qu’ellem’embrasse àpleinebouche.Fais-lasortiravantquejeluifassedumal,Ellie.—Elleestàmoi.Elliedéfitlaservietteetoptapoursachemisedenuitaccrochéeàlaporte.Pas
le temps d’aller chercher des fringues propres dans l’autre chambre, et pasquestion non plus de remettre la tenue dans laquelle elle avait sué toute lajournée.Unnouveaucoupd’œilàRageluifitprendreconsciencedesatensionextrême.Illadévisageaitsansmotdire.—Jem’enoccupe.—Jen’airienfaitpourprovoquerça…—Jetecrois,ditEllieenacquiesçant.Rage se saisit d’elle sans crier gare alors qu’elle passait sous son nez. Il
l’enlaçaetluipritlevisageentrelesmains.—Embrasse-moi.—Laisse-moid’abordm’occuperd’elle.—Embrasse-moi,grinça-t-il.Sonodeurestsurmoi,c’estinsupportable.Elliecomprit.Rageavait l’odorathypersensibleetappréciaitd’avoir l’odeur
d’Ellie à fleur de peau : il se frottait à elle à tout bout de champ afin de s’enimprégner. Aussi perturbant que cela soit, c’était en même temps génial desavoirqu’ilaimaitallerpartoutavecsatraceolfactive.
Ellel’embrassa.Frottasoncorpsmenuàl’immensecarcassedel’Hybride.Detouteévidence,Ragefaisaitpeudecasdesauréolesquifleurissaientsursatenueaucontactdecelled’Ellie.Ellefitcourirsesmainssursonvisage,danssoncou.PritsoindesefrotterpartoutoùBelindaavaitpuapposersonodeur.Ses pieds quittèrent le sol ; son dos heurta la paroi. Les mains de Rage
glissèrentjusqu’àseshanches.Illasoulevaencoreetluiécartalesjambesafinqu’ellelesloveautourdesataille.Àcetinstant,laluciditérattrapaElliequisedébattit dans lesbrasdu colosse.Elle cessade le caresser et laissapendre sesjambes.Mettantfinàl’embrassade,lajeunefemmevitimmédiatementlefiletdesang
qu’avaitlaissésonécorchureoubliéesurlemaxillaireetlajouedeRage.—Lâche-moi.Jetemetsdusangpartout.— Tu saignes ? s’inquiéta-t-il aussitôt. Où ça ? J’étais trop remué pour le
remarquer,etjeretenaisenplusmarespirationpouréviterd’inhalerl’odeurdecettenana.Ellerougit.—Jemesuisécorchélamainsurlaportedeladouche.Unevisquidépasse,
peut-être… Je mets un pansement et ensuite, je m’occupe du cas Belinda.Comme, en plus, je vais bientôt avoir mes règles, j’en connais une qui vaamèrementregretterd’avoirdéconnéavectoi.QuelquechosechangeadansleregarddeRage,quiinhalaàfond.—Tesrèglessontpourbientôt?Jenesensrien…— Bizarre, ça ! Brise m’a pourtant prévenue que les mecs hybrides s’en
aperçoivent à près d’une borne de distance… et m’a dit quoi faire quand çaarrive.Ragegrognadoucement.—Bienvudesapart.—Sinon,toujoursselonelle,jamaisjenepourraisrentreràlamaisonsansme
fairerepéreràl’odeur.(Elliesouritbrusquement.)Elleavoulumefairemarcher,ouquoi?—Çanousexcite,ronronnal’Hybride,lespupillesassombriesparledésir.—Ahbon?—Tun’asjamaislaisséunhommetetoucherpendanttesrègles?Elliesecoualatête.Sonex-mariavaittoujoursjouélesdégoûtésàcetégardet
lajeunefemme,poursapart,n’avaitjamaisjugénécessaired’insister:souventballonnéeetsujetteauxcrampesabdominales,ellenes’étaitjamaistrouvéesexypendantcesjours-là.
— Ça rend les femmes plus chaudes et plus humides, précisa Rage en laplaquant plus fermement contre le mur. Je t’ai déjà dit à quel point c’étaitexcitant?— Rage, arrête, rétorqua Ellie qui, tout en souriant, le repoussa afin de
prendre un peu de champ. Mes règles n’ont pas commencé, j’ai la main quisaigneetilfautquej’ailletoucherdeuxmotsàSuperPoufiasse.Patience.J’entermineavecelleetjesuisàtoi.Ragegrondaplusfortetrefusadereculer,continuantàcollerEllieàlaparoi.
Prised’unmalaisediffus,ellepoussatantqu’elleput.—Çasuffit,d’accord?Tum’écrases.Laisse-moipasser.Il recula comme à regret. Ellie se faufila comme une anguille puis, enfin
libérée,secoualatête.—Allez,mongrand,laisse-moisortirdelasalledebains.Jebottelesfesses
d’unecertaineinfirmièreetensuite,jeteremetsaulit.(Elleluifrottalebras.)Tudois teménager, tu n’es pas encore totalement remis.Rappelle-toi ce qu’a ditTrisha. En me faisant l’amour contre le mur, tu risquerais de faire sauter tespoints de suture.On pourra s’envoyer en l’air dans toutes les positions qu’onveutd’iciquelquesjours,maisdansl’intervalle,onlajouetranquille,d’accord?Dansunlit.L’organismeensurchauffe,Ragebataillaitpiedàpiedpourgarderlecontrôle
de ses actes. Il dut contracter tous les muscles de son visage afin de ne pashurler.Le souffle court, il vitEllie qui traversait la salle de bains.Une colèrenoirel’habitait.Quin’étaitpasdirigéecontreelle.Il la désirait si fort que c’en était douloureux. Tout son être ne souhaitait
qu’unechose:alpaguerEllie,laplaquercontrelemuretlapénétrer.Ilserralespoingslelongducorpsetrefrénasespulsions.Elleavaitditnonetils’étaitjuréde ne jamais lui faire de mal, de ne jamais la brusquer… mais que c’étaitdifficiledenepassejetersurelle!Qu’est-cequim’arrive,bordel?Inspiration,expiration.Paslamoindreidée.
Lachaleurs’intensifiaitdanssoncorpsmassif, il inhala l’odeurd’Ellie…etsaqueueseraiditjusqu’àlalimitedutolérable.C’est sûrement lié à cette nana quim’a sauté dessus, songea-t-il.Non sans
raison :accrocommeil l’étaità l’odeurd’Ellie, ilavait laplusgrandepeineàs’enpasser. Il avait fallu qu’une autre femme se frotte à lui pour qu’il prennepleinementconsciencedesonaddiction.La bête qui est en moi pointe encore son vilain museau… Contraint de
dominersespulsionspournepasrisquerdefairedutortàEllie,l’Hybrideavaitmalheureusementdeplusenplusdedifficultésàfairetairecebesoinpressantdelabaiser.Defourrersonsexedanssachatte.Ilprit consciencequ’ilbavaitunpeuàcausede l’odeurde sangqui flottait
danslapièce.C’étaitchoquant,unbrineffrayant…monstrueux,même.Dosaumur,lesoufflecourtaupointdehaleter,Ragetentadeseressaisir.Sentant que les pulsions montaient en lui sans qu’il puisse les contenir, le
colosseopéraunebrusquevolte-faceetfrappalaparoi.Ladouleurvivequiluifusadanslebrasl’aidaàreprendreunsemblantdecontrôle;lacolèrereflua,ilfutdenouveaucapabledepenser.Figée un court instant par ce déchaînement de violence, Ellie, elle-même
d’humeurmassacrante,mitcelasurlecomptedel’attitudeinqualifiabledeSuperPoufiasse.—Toujoursfâchéaprèselle?Cognerlemurt’afaitdubien?Ilsetournaverselleensecouantsamainendolorie.—C’estpasça.Cequimerenddingue,c’estdenepaspouvoirtesauter.—J’avais compris,mongrand,mais c’estuncoupà t’obliger à retourner à
l’hôpital.RetournetecoucherpendantquejerèglesoncompteàmademoiselleBisou-Bisou.On fera l’amour après, sur le lit, tout en douceur, histoire de neprendreaucunrisque.(Elliecollaunpansementadhésifsursapaumeécorchée.)Jevaisdecepasnousendébarrasserunebonnefoispourtoutes.Ragegrognapuis ouvrit la porte de la salle de bains.Ellie le suivit dans la
chambre,l’ylaissaetpartitenquêtedel’infirmière.Ellenepritpaslapeinedepasser une culotte : la chemise de nuit lui descendait jusqu’aux genoux. Il luitardait d’ordonner à Belinda Thomas de ramasser ses affaires et de foutre lecamp;jamaisellen’avaitvuRagesiagité.Ellie trouva l’infirmière installéedans le canapédu salon.L’air agacée, elle
brandissait la télécommande. Tigre, vautré dans un fauteuil près de l’entrée,feuilletaitunmagazine.IlarquaunsourcilenvoyantdéboulerEllieenchemisedenuit.—Unpeu tôtpour aller se coucher,non?dit-il enconsultant samontre. Il
n’estque4heures…— Toi, déclara Ellie en désignant Belinda, tu dégages. Tu es virée. Finie.
Appellequituveux,maispasavantd’avantpristesaffairesetmislesvoiles.Àl’agentdel’OPH:—Dedeuxchoses l’une :soitellequitteHomeland illico,soit je l’envoieà
l’infirmerie…surunecivière.Etprièredeneplusjamaisl’autoriseràrevenir.—Cen’estpasàvousdemedireoùjedoisaller,rétorquaBelindaenjetant
un regardnoiràEllie. J’aiétéengagéepar JusticeNorthpourprendresoindeRage.Luiseulpeutmesignifiermoncongé.—Trèsbien.Ellie se rua sur le téléphone et composa le numéro de Justice qu’elle
connaissaitparcœur.—JusticeNorthàl’appareil,annonçal’intéresséd’unevoixcalme.—BelindaThomasvientdesejeteràlatêtedeRage.Ilestprêtàlatuer,et
moi,pireencore.Jeviensdeluidirederamassersesmerdesetdedégager,maisselonelle,vousseulêteshabilitéàlavirer.Unblanc.Puis:—Ellevientdequoi?— De sauter au cou de Rage. Je prenais ma douche quand elle lui a
littéralementsautédessus.Iladébarquéfuraxdanslasalledebains.Jem’ensorsbien : il ne m’a pas écrasée en se frottant à moi. Il a complètement pété lesplombs,Justice.Jenel’ai jamaisvuaussifurieux.Nousvoulonstous lesdeuxqu’elleparteimmédiatement.Jeprendraidesjoursdecongépourm’occuperdeluimoi-même,maiss’ilvousplaît,sortez-lad’ici.—Est-cequevousêtesblessée?Ilvousafaitdumal?grondaJustice.—Jen’airien.Ilestjustehorsdeluiàl’idéequ’elletentedeleséduireetila
été très agressif quand il a voulu remplacer l’odeur de cette femme par lamienne.— Est-ce qu’il vous a blessée ? Il a tenté de vous brutaliser ? Il faut que
j’appellelemédecin?—Iln’apasessayédecoucheravecmoi.Ils’estcontentédesefrotteràmoi
etafaillim’écrasercontrelemur.Maislàn’estpaslaquestion.Jeveuxquecettenanas’enaille,Justice.Toutdesuite.Sivousnelavirezpas,jejurequejeluicasselesbraspourlamettrehorsd’étatdenuire.Jesuissérieuse.—J’arrive.Passez-moiTigre.Ellieobtempéra.L’agentdel’OPH,unbrininquiet,acceptalecombiné.Ellie
fusillaBelindaduregard;desflammesauraienttoutaussibienpusortirdesesnarinestantellebouillaitintérieurement.—Faistesvalises.Ilarrivepourtevirer.Belindaluitinttête.—Vous…—Vousquoi?hurlaEllie,àdeuxdoigtsdepéterunplomb.
Unfeumauvaiscouvaitdanslesyeuxvertsdel’infirmière.—C’estvousquiallezremballerlesvôtres,dit-elleavantdes’élancerdansle
couloird’unpasdécidé.Ellies’obligeaànepassortirdesesgonds.EllelouchaversTigre:adosséau
chambranle de l’entrée, loin d’elle, il arborait une expression tendue qui la fitfroncerlessourcils.Puisilraccrocha.—Unproblème?s’inquiétalajeunefemmeenledécouvrantlivide.—Ellie,dit-ilenouvrantlaporte.Suivez-moiàl’extérieur.Lajeunefemmebaissalesyeuxsursatenuelégère.—Pasquestiondesortirenchemisedenuit.Pourquoidiableirais-jedehors?
L’autremorue est en train de faire ses valises, elle ne peut pas nous entendredepuissachambre.L’agentdel’OPHcourutpresqueau-devantd’elle.—C’estpaslemomentdediscuter,femme!Sortezimmédiatement,j’aidit.Elliereculad’unmètreoudeux;Tigresefigea,respiraparlesnarinesetfitla
grimace.—Merde,voussaignez…EtmoiquiviensdedireàJusticequeRagenevous
avaitfaitaucunmal.—C’est exact, rétorqua la jeune femmeenprésentant sapaumeornéed’un
pansement rose.C’estmoiquimesuiscoupéeensortantde ladouche.JamaisRagenelèveraitlamainsurmoi.L’Hybriderenifladenouveau.—L’odeurdesangn’estpastrèsforte.—Normal,c’estunebêteégratignure.Quisaigneàpeine.—Ilfautsortirillico.Elliereculaencore.—Jen’irainullepart. Jenesuispashabilléepoursortir,et si tu t’imagines
que jevais laisserSuperPoufiasseseuleavecRage, tu tefourres ledoigtdansl’œil.— Ellie, grinça Tigre, Rage a subi des injections massives de substances
régénératrices pour accélérer sa cicatrisation. Onm’a chargé de surveiller sesréactions…et là, de toute évidence, il voit rouge.Vous êtes endanger. Il fautvousréfugieren lieusûr. (Il regardasamontre.)Lapiqûre luiaétéfaite ilyaquoi,quinzeminutes?Ellieluijetaunregardnoir.—JesuisalléeprendremadouchequandBelindaadéclaréqu’elleallait lui
administrer son traitement. Rage m’a dit qu’elle lui avait fait une piqûre.
Pourquoiserais-jeendanger?Vifcommel’éclair,Tigrepassaunbrasautourdesataille,lafitpivoterd’un
demi-tour et lui plaqua unemain sur la bouche.Les pieds de la jeune femmequittèrent le sol.L’agentde l’OPHfilavers la sortieenceinturantElliequi sedébattaitvainement.Unepoignéedesecondesplustard,ilsémergèrentaugrandjour.—Ducalme,luiintimal’Hybrideaucreuxdel’oreille.N’ayezpaspeur:ille
sentirait.Ils’estimprégnédevotreodeur,si j’aibiencompris.Respirezàfonddeux ou trois fois et je vous explique tout, d’accord ?Mais évitez d’élever lavoix.Promis?Ellie, plus furieuse qu’inquiète, hocha la tête. Son ravisseur se décrispa et
l’aidaàreprendrecontactaveclesol.Dèsqu’elleputparlerdenouveau,Ellielefoudroyaduregard.—C’estquoi,cecirque?siffla-t-elleàmi-voix.— Vous avez idée de ce que Rage a encaissé ? rétorqua-t-il, les sourcils
froncés.Unhumainenseraitmort. Il s’estpasséunesemaineàpeine,etvoilàqu’il gambade comme un lapin.Vous ne trouvez pas ça hyper rapide, commeguérison?—LesHybridesguérissentvite.Ragem’aassuréquec’étaitnormal.—C’est vrai jusqu’àun certainpoint,maispas aussi vitequ’il l’a fait.Pas
sansaide.L’informationestclasséetopsecret.EntantquecompagnedeRage,vous êtes cependant considérée commeuneHybride, il faut que vous sachiez.Certainsmédecins n’avaient pas archivé toutes leurs données scientifiques surlessystèmesinformatiquesqu’ilsontdétruitsquandleslabosclandestinsontétéperquisitionnés.Nousavons réussiàmettre lamainsurplusieurs formulesdesdroguesqu’ilsutilisaientsurnous.Cettenouvellelasurprit.—Pourquoitoutcesecret?Ilhésitaavantdepoursuivre.— À votre avis, comment se fait-il que le président des États-Unis et son
administrationn’aientpashésitéunesecondeavantdenousfairecadeaud’unebase militaire ? Et qu’ils répondent favorablement à toutes nos exigences ?Certainshumains,trèsattachésànotrecause,ontprodiguédesconseilsàJustice.Ilsluiontexpliquélanotiondesouveraineté.Quandnousavonsdemandéàjouirdesmêmesdroitsquelescitoyenslambda,legouvernementaditbanco.L’OPHforme unÉtat indépendant sur le sol américain – sur une terre qui nous a étédonnée.Nousjouissonsenoutred’uneimmunitédiplomatiquetrèsétendue.Ce
quifaitdenousdescitoyensaméricainsavecdesprivilègesparticuliers.—C’estnormalquevoussoyezcitoyensdesÉtats-Unis,vousyêtesnés.Et
c’esttoutaussilégitimequ’onvousaitfourniunlieuoùvivreenpaix:avectouscesgroupusculesextrémistesencirculation,c’étaittropdangereuxdevousmêlerd’embléeàlapopulation.—Aufildesdécennies,MercileIndustriesaempochédesmilliardsdedollars
pour mener ses recherches. Le président en exercice est responsable des sixdernièresannéesdefinancementpublic.Descréditsmilitaires.Ellieledévisagea,perplexe.—Enquoiçaconcernel’étatactueldeRage?—Mercileavaitpromisdelivrerdesmoléculesdestinéesauxforcesarmées.
Desdroguescenséesrendrelessoldatsplusforts,plusefficacesaucombat,plusaptesàseremettredeleursblessures…etmêmeaiguiserleurssens.Unavantagechimique sur les autres nations. Les pouvoirs publics font déjà vacciner nostroupes avant de les envoyer dans des pays à risque. Imaginez que les garsreçoiventenplusunepiqûrequi lesrendplusforts,plusrapidesetplusdursàtuer:çasignifieraitdesconflitsplusfacilesàgagneretbeaucoupmoinscoûteuxenvieshumaines.PersonnenesavaitqueMercileavait jeté lamoraleet la loiauxortiesdansl’uniquebutdefournircesavancées.Lessubventionspubliquesontserviàfairedenousdesesclaves.Cefric,c’estnotresueur,notresang.Nossouffrances.Legrandpublicseraitoutréd’apprendrequel’argentdesimpôtsavaitservià
financerdetellesatrocités.Ilfallaits’attendreàunelevéedeboucliersdelapartde toutes les associations humanitaires de la planète, voire à une crisediplomatiquemajeure.— C’est horrible, murmura-t-elle. Abominable. Mais en quoi cela vous
conduit-ilàcroirequeRagepuisseêtredangereux?J’aitrèsenvied’yretourner,Tigre.Viens-enaufait.—Mercileamisaupointtoutuntasdeproduits;lesrapportsquiontpuêtre
récupérésfontétatdeplusieursvictimeschezlesvolontaireshumains.Unlot,enparticulier,accélèrelaguérisondesHybridesdefaçonphénoménale.(Ilseraclalagorge.)Avecparfoisuneffetsecondaire:debrèvescrisesdefolie.Çan’apasrefroidi les toubibs de Mercile. D’après ce qu’on a pu lire, ils estimaient…rentable… de sauver les spécimens gravement blessés quitte à ce qu’ilsdeviennenttemporairementingérables.LesHybridesvictimesdecesépisodesdedémence ont tous pleinement récupéré. Les volontaires humains, quant à eux,n’ont pas eu cette chance. Certains sont morts ; les autres ont eu la cervelle
grillée.—C’estçaqueturedoutes?compritEllie.QueRagepèteunplomb?— Oui. Les rapports étaient incomplets. On ignore à peu près tout de ces
effetssecondaires:quandest-cequ’ilsseproduisent,pourcombiendetemps…Cequ’onsait,enrevanche,c’estqu’ilexistedescasdefoliehomicide.—EtRageestconcerné,selontoi?—Vousl’avezdécritcommeenétatsecond,trèsagressif:ilvousaplaquée
contre le mur et vous a reniflée. Dites-moi la vérité, Ellie. Est-ce soncomportementnormal?Vousleconnaissezmieuxquequiconque.Lajeunefemmeseremémoral’épisodedelasalledebains.—Ilnem’afaitaucunmaletjel’encroisincapable.Sacolèreétaitpeut-être
due à cette maudite infirmière. J’ai moi-même très envie de l’étrangler, etpourtant,jenesuissousl’effetd’aucunemoléculeexpérimentale.—On n’est jamais trop prudent.Mieux vaut vous tenir à l’écart tant qu’il
subsiste le moindre doute. La part humaine d’un Hybride semble s’estomperquand le sujet réagit mal au produit ; c’est son instinct bestial qui prend ledessus. Nous sommes des prédateurs et le risque existe que votre odeur soit,danssatête,assimiléeàcelled’uneproie.—C’estgrotesque, s’offusquaEllie.Ragem’aime! Il s’est fâchéparceque
SuperPoufiasseluiasautédessus,pointbarre.Ilnem’aabsolumentrienfaitetçanerisquepasd’arriver.Tigreladévisageaavecsoin.—Netentonspaslediable.Lajeunefemmehésita.—Jecomprends,maisjerefusedelelaisser.Allonsluiparler;tuverrasqu’il
atoutesatête.Un véhicule pila devant le bungalow. En se retournant, Ellie vit Slade
descendre côté conducteur et Justice côté passager. Trisha, accompagnée d’uninconnu,émergeaàsontourdel’arrière.—Vousêtessaineetsauve,ditJustice,soulagé.Il fautpartir.Tigrevavous
conduirejusquechezledocteurNorbit.Trishatendituntrousseauàl’immenseHybride.—Cesontlesclésdechezmoi.Ilyaunechambred’amis.(ElledétaillaEllie
despiedsàlatête.)Voustrouverezdequoivoushabiller,n’hésitezsurtoutpasàtaperdansmagarde-robe.—Oùestl’infirmière?demandaSlade,auxaguets.—Toujoursàl’intérieur.(Tigrehaussalesépaules.)Ellefaitsavalise.
—Etmerde,grondaJustice.Ilrisquedes’enprendreàelle.C’estellequiatoutdéclenché.ÉloigneEllie.Sladeouvritlaported’entréeets’engouffraàl’intérieur,Justicesursestalons.
Trishaetl’inconnurestèrentdehors.Ellieobserval’hommeaveccuriosité.—LedocteurTedTreadmont,exposaTrisha.Responsabledesrecherchessur
lesHybrides.Filez,Ellie.Vouspourrezrevenirdèsqu’iln’yauraplusdedanger.—Combiendefoisfaut-ilquejemerépète?Ragenemeferaaucunmal.Je
reste.Tigrepoussaunjuronétouffé.—Ilvam’envouloiràmort,c’estsûr…Sansplusd’explications, l’agentdel’OPHbonditsurEllie, laceinturaet lui
plaquaunemainsurlabouche.PuisilsetournaversTrisha.— Filez-moi un coup de main, doc. Vous pourriez ouvrir le coffre ? Le
déverrouillageestsituésousletableaudebord,àgauche.Ilfautquejel’évacueenvitesse,aucasoùRagepéteraitlesplombs.Trishacourutàlavoiture.Ellieeutbeausedébattreetgrifferl’avant-brasde
sonravisseur, il tintbon.Bâillonnéecommeelle l’était, la jeune femmeen futréduiteàpousserdepetitscrisétouffés.Lescoupsdepiedrépétésn’eurentpasplusd’effet.Lecoffres’ouvrit;Tigrelabalançadedans.—Non!hurlaEllie.Lecouvercleclaqua.Plongéedanslenoir,Ellietambourinasurcecouvercle
desarcophageimproviséetcriadeplusbelle.—Laissez-moisortir!Lemoteur vrombit. Ellie assena un nouveau coup de pied au hayon. Peine
perdue.Ellehurla,encoresous lechocd’avoirétéenferméedansuncoffredebagnole parTigre à qui elle faisait confiance. Puis elle cessa de vociférer : lavoituredémarraitentrombe.Claustrophobe,lajeunefemmeluttacontrelapanique.Unebrusqueembardée
l’envoyaboulercontrequelquechosededur.Ladouleurluivrillalegenou.Ellese remit à hurler. S’il enchaînait les virages à cette allure de dingue, elle étaitsûrede finir envrac.Nouvelleembardée ;Ellieallaheurter le fondducoffre.Cettefois,c’étaitlebrasquiavaitmorflé.Rouléeenboule,Ellies’efforçadedisciplinersarespirationjusqu’àcequele
véhicule s’immobilise enfin. En proie au pire accès de claustrophobie de sonexistence,elleavaitbeausavoirquel’airrespirableétaitdisponibleenquantité,çanel’empêchaitpasdesuffoquer.Lecoffres’ouvrit.Elliefitaussitôtdespiedsetdesmainspours’enextraireetrespiraàpleinspoumons.
QuandTigreseproposadel’aider,elleluifrappalesmains.L’Hybridefitunpasenarrière,surpris;Elliedégringolasurlebitumeetbraquasurluiunregarddebêtetraquée.Ilfronçalessourcils.—Qu’est-cequivousprend?Onestarrivés.—Nemerefaisjamaiscecoup-là!hurla-t-elle,lesjouesstriéesdelarmes,en
reculantmaladroitement.J’aihorreurd’êtreenferméedanslenoiretàl’étroit!—Necriezpas,ordonnaTigre.Jesuisdésolé.Calmez-vous,Ellie.Respirezà
fond.Toutvabien,inspirez,expirez.Voilà.J’ignoraisquevousaviezlemaldutrou.—Jen’aipaslemaldutrou!Puis,untonendessous:—C’estquoi,ça?—Lapaniquequandonseretrouveàl’étroitetdanslenoir.C’estcommeça
qu’onl’appelleentrenous.Vraimentdésolé.Çavamieux?Bien,allons-y.Vousrisquezd’attirerl’attentiondanscettechemisedenuittoutefine.C’estlapartiedeHomelandréservéeauxhumains.Elliepritconsciencequ’eneffet,elleétaitpresquenue,etqu’ilétaiturgentde
trouveràsevêtir.D’accord.Jecommenceparm’habiller.Etensuite,capsurlamaison.Elliehocha la têteetsuivitTigre jusqu’à laported’entrée. Ilouvritets’effaça.Elliepénétradans levestibule, tourna les talons…etflanquauncoupdepiedaumolletdel’Hybrideàs’enmeurtrirlesorteils.—Jepeuxsavoirpourquoivousmetapez?gronda-t-il.— Pour tout. Et d’abord, je n’ai pas le mal du trou, je souffre de
claustrophobie.Ilfronçalessourcils.—Çaveutdirelamêmechose,non?—Vaaudiable.Ellie,quin’avaitpasoubliélatopographiedeslieuxdepuissapremièrevisite,
partiten trombevers lachambredeTrisha.Elleclaqualaportederrièreelleetobliquaverslacommode.Lajeunefemmeempruntaunpantalondejogging,unsoutien-gorgedesport
etuntee-shirtXLprovenantd’unconcertderockauquelTrishaavaitdûassister.Elle essaya une paire de chaussuresmais les deux femmes ne faisaient pas lamêmepointure.Tantpis,elleiraitpiedsnus.Puiselledécrochaletéléphonefixedelatabledenuitetappelalebungalow,désireusedeparleràRage.Coupd’œilinquietàlaportedelachambre:Tigrerisquaitdedébouleretdel’enempêcher.—Ellie?glapitRage,furax.
—Salut.Onm’aobligéeàpartir.Commentvas-tu?—Oùes-tu?gronda-t-il.—Neluiditesrien!hurlaTigre,entréentrombe.—Oùes-tu?répétaRageenvociférant.L’agentdel’OPHluiarrachalecombiné,raccrochad’ungesterageurettoisa
Ellie,l’airmauvais.—Toutcequej’airacontésurlapisteolfactive,leprédateur,laproie,çavous
aéchappé?—Je tenais simplementà lui faire savoirque jen’ai rienet à luidemander
commentilva.Vousdélirezàpleinstuyaux,tousautantquevousêtes!Jamaisilnemeferaitdemal.Tigrearquaunsourcil.—Ahouais?(Ildécrochaletéléphone.)Onvavitesavoiràquelpointvous
êtesàcôtédelaplaque.—Quiappelez-vous?—Justice.Ellie prit place au bord du matelas, un regard noir rivé sur l’Hybride. Il
patienta.Fitlagrimace.Raccrocha.—Onaungrossouci.Justicenerépondpas,jesuistombésursamessagerie
auboutdesixsonneries.—Ilestoccupé,çaarrive.—Justicerépondtoujours.Toujours.Tigrecomposaunautrenuméro,écouta,pâlitpuiscoupalacommunication.— Slade ne répond pas non plus, alors qu’il décroche toujours avant la
troisièmesonnerie.Ilssontentréstouslesdeuxetnerépondentpas.Merde.Ilpianotadenouveau.Juraauboutd’uneminuteetraccrocha,puistendit le
combinéàEllie.—PasdesuccèsnonplusavecNorbit.—Ilssontpeut-êtretouslestroisentraindediscuteravecluietnerépondent
pasàleurportableparcourtoisie.— Appelez chez vous, parlez-lui quelques minutes, essayez de savoir
commentilva,maissurtout,neluiditespasoùvousêtes.Vouspouvezfaireça?Ellieacceptaletéléphone.—Toutecettehistoireestdébile.—Parlez-lui. Vous le connaissez. Tâchez de voir s’il est lui-même ou pas,
d’accord?Etdemandez-luioùsontSladeetJustice.—Vousallezvoussentiridiots,tous.
—Jecourslerisque.Neluiditespasoùvousêtes,promis?—Promis,marmonna-t-elle,heureusedepouvoirreparleràRage.Selonelle,c’étaitTigrequipiquaitunecrise.Deparanoïa.Rage réponditdès lapremière sonnerieetbrailla sonnom. Il était tellement
énervéqu’elleeutdumalàreconnaître«Ellie».—C’estmoi.Commentvas-tu?—Oùtues?—Ilscraignentquetufassesuneréactionàunmédicamentqu’ont’ainjecté
etquetureprésentesundangerpourmoi.Jevaisbien.JusticeetSladesontavectoi?—Oùes-tu?grinça-t-il.Dis-le-moitoutdesuite,Ellie.ElliecroisaleregardinquietdeTigre.Aucundoute,Rageétaitbizarre.—Jerentrebientôt.JusticeetSladesonttoujourslà?—Ilssontsortis,grondal’Hybride.C’estmoiquiiraitecherchersituneme
dis pas tout de suite où tu es. Rentre immédiatement. Ne m’oblige pas à teretrouver.—Calme-toi,mongrand.Lesmédecinsvontt’ausculter,jerentreraidèsqu’ils
aurontdonnéleurfeuvert.—Puisquetuinsistes…jevienstechercher.Ilraccrochaviolemment.—Rage?Ellie,médusée,secoualatête.— Il est vraiment en pétard. Il a dit qu’il venaitme chercher et boum, il a
raccroché.Onauraitjuré…unemenace.—Etmerde,maugréaTigre.Ilestbloquéenmodechasseur,jelevoyaisvenir
groscommeunemaison…Ilfautfiler.Ilraccrochaletéléphonefixe,sortitsonportabledesapochearrièreetappela.—IciTigre.JusticeetSladeontperdulecontact.IlsétaientchezRage.Les
médocs l’ont rendu bestial, il en a après sa compagne. Je suis avec Ellie audomiciledudocteurNorbit.Envoyezdeuxéquipesillico.UnechezRage,l’autreicipourextraireElliedelazonedechasse.—La«zonedechasse»?glapitEllie.Çavapas,latête?SiRageestfurieux,
c’estparcequ’ils’inquiètedemadisparition!Tigrel’empoignafermementparl’avant-bras.—Ragenes’inquiètepas.Ilestbarjo.Allez,onseremue.Votrehommeest
l’undenostoutmeilleurspisteurs.Ilfautsortirdesazonedechasse.Surce,l’Hybridel’obligeaàserelever.
—Çasuffit!s’emportaEllieens’arrachantàsonétreinte.—Permettez-moid’insister ; on s’estmal compris, vous etmoi.Leproduit
qu’il a reçu occulte sa part humaine au profit de l’animal qui est en lui. Sauferreurdemapart,Ragen’estplusqu’unfauveencemoment.Unprédateurquivousarenifléeetquivousidentifiecommesaproie.Lepireestàcraindres’ilvousretrouve.—MaisRagem’aime.Cequilemethorsdelui,c’est…—Ilpourraitvous tuer,martelaTigre. Imaginezcequ’il ressentiraquand la
droguecesserade faireeffet : enprenantconsciencede sesactes, il lui faudraaffronterlefaitqu’ilvousatuée,vous,lafemmedesavie.Sivoustenezàlui,remuez-vous, Ellie. Laissez-moi vous conduire en un lieu où nous seronscertainsqu’ilnepeutpascommettreungestequivousanéantiraittouslesdeux.Ellie dévisagea son interlocuteur. On ignorait tant de choses sur les
Hybrides… Se pourrait-il que Tigre ait raison ? C’est vrai que Rage s’estcomportécommeundinguedèsqu’ilafaitirruptiondanslasalledebains.Pourautant,iln’étaitpasquestiondel’abandonnerenpleinedétresse.— Il faut d’abord que jeme change et que j’aille aux toilettes. Où allons-
nous?—HorsdeHomeland.Labasen’estpasassezgrandepourvousycacher.En
outre,mieuxvautseteniràl’écartd’éventuelstémoinshumains.Ellieserenditàlasalledebainsetouvritlesplacardsenquêted’aspirine:le
stress commençait à lui donner mal à la tête. Trisha, malheureusement, neconservait aucun médicament chez elle. La jeune femme tourna les talons ets’inquiétadevoirTigrequirôdaitprèsduseuil.—J’aibesoind’utiliserlestoilettesetçanerisquepasd’arrivertantquetume
mates,lança-t-elle.Unpeud’intimité,c’esttropdemander?—Grouillez-vous.S’ildevinequevousêtesici,Ragen’auramêmepasbesoin
desonflairpourvoustrouver.Brisedescenditdevoitureetposaunregardinquietsurlesdeuxmâles.Justice
etSladepatientaientdevantchezRage.Elles’étaitattendueaupireenrecevantlecoupde fil,maismanifestement,Ragene s’enétaitpasprisàeux.Miseaucourant du seul plan susceptible de sauver l’amant d’Ellie, l’amazone avaitacceptédetenirlerôleclé.Ellelesrejoignitentremblant.Justices’exprimalepremier.—Brise,jesuisnavrédetedemanderça.(Ilcontemplasespieds.)Dansson
état, Rage est vraiment fichu de blesser Ellie. L’humaine est beaucoupmoins
robuste que toi, il pourrait lui briser les os rien qu’en la serrant un peu tropfort…voirelatuers’ilestaussiagressifquecequenouscraignons.Briseréprimaunegrimace.—Jecomprends.Ellierisquedem’envouloiràmort,maisc’estunmoindre
mal.Iln’estpasquestionquejelaisseRagelatuer.J’yvaisetjefaisaumieux.Justicerelevaenfinlatête.Sesyeuxétaientemplisdetristesse.—Vraimentdésolé.Dufondducœur.L’amazoneopina.—J’aimevraimentbeaucoupEllie. Je l’aurais fait uniquementparceque tu
me l’avaisdemandé,mais là, c’est carrémenthorsdequestionque jen’yaillepas.—Elliecomprendra.—Tss…Lesmecsnecomprennentjamaisrien,ricanaBrise.Enréaction,lechefdesHybridesfronçalessourcils.—Sinousentronsetessayonsdelemaîtriser,iltenteradenoustueretnous
seronsobligésderépliquer,exposaJusticed’untonégal.Quantàl’endormiràlaseringuehypodermique,c’esttroprisquéaussi:lasurdosedeproduitschimiquespeut provoquer un arrêt du cœur. T’envoyer au casse-pipe dans l’espoir del’apaiser est notre meilleure option. Surtout, appelle à l’aide s’il se montredangereux. Je refuse de te laisser mourir. S’il t’attaque, il faudra qu’on leneutralise…quitteàdevoirletuer.Brise ouvrit la porte, pénétra dans le vestibule et refermaderrière elle.Puis
elledutfaireunepauseletempsquelapeurreflue.L’amazonen’avaitaffrontécetypedesituationqu’uneseulefois–etavaitfailliypasser.Ellefitroulersesépaules.Ellieétaitdevenuesonamie,lacrisequicouvaitsedevaitd’êtrerésolueentreHybrides.Maiscommeellen’étaitpascellequeRageattendait,Brisepriapouravoirletempsd’enplaceruneavantqu’ilnelatue.L’immenseHybride se figea après avoir fait troispas endirectiondu salon,
respiraàfondpuisrecula.Ellerouvritlaported’entréeets’adressaàJustice.—Quiestentrélà-dedans?—Pourquoi?—Contente-toiderépondre,grinçaBrise.—Moi,Tigre,Slade,Rage,Ellieetl’infirmière.Jepeuxsavoirpourquoi?L’amazonelefoudroyaduregard.—Cetteinfirmièreneseraitpasunepetitenanaauxyeuxverts,parhasard?Justiceacquiesça.—C’esteneffetceàquoiressembleBelindaThomas.Quelestleproblème?
—Jeconnais cetteodeur.Lananaenquestionbossaitdansmonsecteurdulabo. Tu n’as jamais eu affaire à elle ? Son nom, c’est Beatrice Thorton, pasBelindaThomas.—Tuenessûre?demandaJustice,unecolèrefroidedanslesyeux.Brisemanifestasoncourrouxenmontrantlescrocs.—Oublier la puanteur de quelqu’un d’aussi tordu ? Jamais. C’est elle qui
s’estoccupéedeRage?Justiceblêmit.—Elleluiadministresontraitement…—C’était la plus cruelle d’entre tous, gronda l’amazone. Et le hasard fait
rudementbienleschoses:ellesupervisaitlesdroguesexpérimentalesquinousétaientinjectées.Quelque chose se brisa avec fracas à l’arrière de lamaison. Brise serra les
poings.—Oùest-elle?—Aupostedesécurité,enattentedesonexpulsion.Commeonn’apaspu
récupérersesaffaires,elleattendqu’onlesluirapporte.Justice voulut utiliser son portable et prit conscience qu’en fuyant pour
échapper aux griffes de Rage, il avait dû le laisser tomber dans la chambre.Probablementquandilavaitétéprojetécontrelemur.—Jeme chargede la fairemettre au trou, dit-il avant de se diriger vers la
voiturepourpasserunappelradio.Brise referma la porte, inquiète du vacarme qui retentissait au fond du
bungalow. Si l’ennemie déclarée des Hybrides avait injecté à Rage les piressaletés à sa disposition, il fallait s’attendre à une réaction effrayante. Elles’aperçutqu’elletremblaitetcorrigeasaposture.Avecunpeudechance,ilseraitpossibledediscuteravecRageetlacrisepourraitaisémentêtredésamorcée.Leraffutcontinuait.CommesiRage, rendufou furieux,étaiten traindesaccagerunepièceentièredesapropremaison.—Uneseconde,grinçaEllieencoulantunregardnoiràTigrequiluifaisait
signe de se dépêcher de sortir. Le temps d’enfiler des chaussettes. Je ne vaisquandmêmepassortirpiedsnus!—Dunerf.L’équipeseralàd’unesecondeàl’autre,jeveuxqu’onsoitprêtsà
partir à leur arrivée. (Il se dirigea vers la porte d’entrée.) Pourvu que Briseparvienneàlecalmeravantqu’ilselanceàvostrousses…Elliefitunpasversluiaprèsavoirentendusadernièrephrase.
—Brise?Qu’est-cequ’ellefabriquechezRage?Tigreseretourna.—Elles’efforcederemplacervotreodeurparlasienne.Briseestconsciente
qu’ilrisquedevoustueretfaitsonpossiblepourvoussauverlavie.Detoutesnos filles, c’est elle la plus solide. On a essayé d’envoyer une des nanas quiétaientdanslemêmelaboqueRage,puisqu’illesconnaît,maisaucunen’aeulecrand’yaller.Encaptivité,touteslesHybridesontvucequisepassequandunmâleestvictimed’unesurdosedemédocs.SeuleBriseaeu lecouraged’allerrisquer sa peau pour épargner la vôtre. Allez, Ellie, grouillez-vous. Si RagerefusedesentirBrise,ilvavousdonnerlachasse.—Brise va l’autoriser à ce qu’il la… renifle ? En quoi cela lamet-elle en
danger?L’agentdel’OPHpoussaunjuronindistinct.—Quandl’undesnôtresapétélesplombsetestbloquéenmodechasse,la
colère peut semuer en…désir sexuel. (Court silence.)Ça n’a rien d’agréablepourlapartenaireconcernée,Ellie.SiRageaccepteBriseàvotreplace,ellevavivreunenfer,c’estcouru.Lerisquequ’illatueestbienréel.Ellieeutl’impressiond’avoirreçuuncoupdepoingaufoie.—Tuveuxdirequ’elle…qu’il…qu’ilsvont…—Danscescas-là,ils’agitdesexeprimaireetviolent,Ellie.Finissezceque
vousfaisiezetallons-y.Ilestimpossibledesavoirs’ilvaaccepterounon.S’illatue d’emblée, elle ne parviendramêmepas à le ralentir.Les tranquillisants nesontpasuneoptionnonplus:aveccequ’iladéjàdanslesveines,çapourraitluiêtrefatal.Nousfaisonslemaximumpourvoussauvertouslesdeux.Impatientdevoirl’équipearriver,Tigreluitournaledosetscrutalarueparla
fenêtre.Le cœur d’Ellie battait à tout rompre.Elle ferma les yeux et se laissasubmergerparl’affluxd’informations.Quelmerdier…—Jecroisquejevaisvomir.Lajeunefemmecourutjusqu’àlasalledebains,claqualaporteetfermaàclé.
Puisellefitcoulerlerobinetdulavaboàpleinepuissancepourcouvrirsafuiteetouvritlafenêtre.
CHAPITRE19
La chance souriait à Ellie : en se garant devant chez Trisha, Tigre s’étaitcontentédecouperlecontactsansretirerlaclé.L’Hybridedevaitencorelacroireàlasalledebainsquandill’avaitvuecourirverslabagnole.Ils’étaitmisàcrieralors qu’elle ouvrait la portière côté conducteur. Le temps qu’il émerge dubâtiment, Ellie avait démarré en trombe, laissant des traces de pneus sur lebitumedanssahâtedelesemer.SitôtgaréederrièrelebungalowdeRage,ellescrutalesenvironsimmédiats:
personnen’étaità l’affûtpour l’empêcherd’agir.Ellecoupa lemoteuretsortitduvéhicule.Lemurdu jardinétaithautmaispas impossibleàescalader.Elliepoussaunjuronpuispritappuiduboutdesdoigtsausommetdel’obstacle.Ellen’avaitplusfaitlemurdepuisl’adolescence.C’étaitplusarduquedanssessouvenirs.Lemurenfinfranchi,elleclopinaen
directiondelachambredufondaprèss’êtreentaillélepiedenserecevantausol.Quelle guigne d’être pieds nus ! Ses paumes lui cuisaient aussi. En jetant uncoupd’œil,ellevitquelquesécorchuresduesàlatextureinégaledumuret.Unbruitdelutte–grondementssourds,verrebrisé–lafitaccélérermalgrélaplaieaupiedendirectiondelaportevitréecoulissante.Celledeleurchambre.—Non,glapitRage.Ellieactionnalaportecoulissantesansprendreletempsderéfléchir.Lerideau
écarté,ellefutchoquéeparlascènequ’elledécouvrit.Lachambreétaitdévastée.Lacommodeétaitrenversée,latabledenuitétait
enmietteset toutuncôtéde lapièceétait jonchéd’éclatsdeverre, résultatdumiroirbriséquisetrouvait,peudetempsauparavant,au-dessusdelacommode.Briseétaitrecroquevilléedanscemêmeangle,entrelesportesduplacardetdelasalledebains,dosaumur.Unepommettemarbrée,ellesaignaitaussipar labouche.Sontee-shirtétaitdéjàmaculé.Acculée par l’immense carcasse de Rage, à moins d’un mètre d’elle,
l’amazonen’enmenaitpaslarge.Ilgrondaitcommeunpossédé.Sonpropretee-shirtdéchiré,torsenu,ilsetenaitramassésurlui-même,commes’ilétaitàdeuxdoigtsdesejetersurBrise.Lespoingsserrés.
—Rage?balbutiaEllie,apeurée,souslechoc.Lecolossetournalatêtedanssadirection.Lesyeuxfroids,commemorts,la
firentreculerd’unpas.Ilgrogna,émitunsoncaverneux,bestial.Etmontralescrocs.—Jesuisrentrée,murmuraEllie.—Tire-toi,soufflaBrise.Fuis!Ellie regarda l’amazoneet remarquadenouveau sonvisage tuméfié.C’était
l’œuvre deRage. Il avait frappé une femme !Sa frayeurmonta d’un cran : iln’était plus lui-même. Jamais l’homme qu’elle connaissait, qu’elle aimait,n’aurait fait ça. Elle reporta son attention sur lui : savait-il seulement qui elleétait?Grondantdeplusbelle,ilseredressaetfitunpasdanssadirection.—Fouslecamp,grognaBrise.Toutdesuite.Ellie,tenduecommeunarc,continuaàleregarderdanslesyeux.—Rage,tum’entends?Il fondit sur elle. Ellie recula précipitamment, affolée par son air mauvais.
Brise sauta sur le dos du colosse. Les deux lutteurs tombèrent pêle-mêle, auxpiedsd’Ellieoupresque.—Tire-toi,haleta l’amazonequi luttaitpour lemaintenirclouéausol. Ilva
noustuer.Cours!Ragesedébarrassadel’importuned’uneruadequiprojetaBrisecontrelemur.
Lechocmatparvint auxoreillesd’Ellie.L’amazone retomba surdes éclatsdeverre.Rage,accroupi,leregardhalluciné,fixaitl’humaine.Ilpoussaunnouveaugrondementcaverneux.C’étaituninconnuquiladévisageait,undément.Unfoufurieux.Ellefitunpasenarrière,puisunautrequandRagesedéplia,immense.— Tombe à genoux, grogna Brise en s’arrachant au sol jonché de bris de
verre.Évitesonregard.Baisselatête.Terrifiée comme elle l’était, Ellie obtempéra mécaniquement. Elle
s’agenouillaetserecroquevillasurelle-même.Lesyeuxclos,elleavaitbientroppeur pour lever la tête vers son amant drogué à mort. Rage était tout près,désormais,justeau-dessusd’elle:ellel’entendaithaletercommeunsouffletdeforge.—Rage?lançaBriseengrondant.Écoute-moi.NefaispasdemalàEllie.Tu
l’aimes, tu t’en souviens ? (Bruit de tissuqui sedéchire.)Regarde-moi,Rage.Parici.Ellie leva la tête et rouvrit les yeux. Brise avait arraché son tee-shirt, sa
poitrineétaitofferteauxregards.Ellefrottasesbrasquelachutesurleséclatsdeverreavaitstriésdeplaies,puissesseinsrougisdesang,ettenditlentementles
mains,paumesversleciel,commepours’assurerquelavueduliquidevermeilretiendraitl’attentiondeRage.Ilrenifla.Grogna.SetournaversBrise.—C’estbien,ronronnal’amazone.Approche.Rage avança vers elle d’un pas hésitant. Il se remit à grogner. Brise,
tremblantedepeuretpâlecommeunlinge,parvintànepasreculer.Ellebaissalentementlesmainsetserralespoings.—Sorsd’ici,àprésent,ordonna-t-elleàvoixbasse.Elliecompritquecelas’adressaitàelletoutenserelevantavecpeine.—Qu’est-cequiluiarrive?—CettemauditeinfirmièreestuneancienneemployéedeMercile.Elleadû
luiadministrerunesaletéquilerendhyperviolent.Àgestesmesurés,l’amazoneserencognadansl’angledelapiècepuis,sitôtle
dosaumur, tourna lentement la têtede façonàavoirElliedanssonchampdevision.—Sorsd’icipendantqu’ilestconcentrésurmoietsurlesangfrais.Jenesais
pass’ils’apprêteàmemonterouàmetuer,conclutBriseenposantunregardaffolésurRage.La…monter?Elliesecoualatête.—Jevaisdétournersonattention.Profites-enpourfiler,Brise.Disà tout le
mondederesteràl’écart.Ilnevapasmetuer.Brise braqua vers elle une expressionmédusée. Rage était tout près d’elle,
désormais;ilhumaitlesangquimaculaitlespaumesetlapoitrinedel’amazoneetpoussaitdescrisrauques.Sanscriergare,illuiagrippaunpoignetetportalamain de Brise à sa bouche. Ellie, horrifiée, le vit renifler la paumeensanglantée…sans,toutefois,luidévorerlamain.—Fouslecamp,Ellie,murmuraBrise.—Non,c’esttoiquisors!Elliesedéshabillaàlahâte.SiRageavaitbesoind’unefemme,ill’aurait,elle.—Sors,Brise.Jenerisquerien.Dis-leurdenepasrentrer.Rage?(Lajeune
femme approcha à pas comptés et éleva la voix.) Rage ! Lâche-laimmédiatement!Il pivota d’un bloc. Ellie connut un bref élan de panique en découvrant les
yeux noirs qui dévoraient son corps dénudé avec un appétitmanifeste : Ragen’étaitpasprésentdansceregarddefauve.— Salut mon grand. Tu me reconnais ? C’est moi, Ellie. Je t’aime et tu
m’aimes.Lâche-laetviensparici,situasbesoind’unefemme.Rage lâcha Brise et la détailla de nouveau des pieds à la tête, les narines
frémissantes.Lecœurd’Elliebattaitàtoutrompre.L’amazoneagrippalecolosseafind’attirersonattention.Lefauve,sansseretourner,portauncoupsecquitouchaBriseàlatempeet
l’envoyaboulerverslaporte.Elles’affalasurletapis.RagefitunpasversEllie.Puisunautre.Elleluiadressaunsignedetêtetoutenobliquantverslasalledebains et pria pour qu’il la suive à l’intérieur. Elle pourrait les y enfermer et,mieuxencore,l’espaceétaittropexigupourqu’ill’envoiebaladertropfort.—C’estça,mongrand,suis-moi.JesuistonEllie.Allonsàlasalledebains
pourplusd’intimité.La jeune femme jeta un coup d’œil vers Brise. L’amazone, à quatre pattes,
étaitentraindeserelever.—Brise,suppliaEllieàmi-voix.Sorsetdis-leurdenepasentrerquoiqu’il
arrive.Elle reculaencore.Rage,grondant toujours,avançaverselleàpas lents.La
salledebainsn’étaitplusqu’àdeuxenjambées.—Viens,bébé.RejoinstapetiteEllie.Toutendouceur.—Rage!grondaBrise.— Silence, tempêta Ellie. Reste en dehors de ça. Ne la regarde pas, mon
grand.Resteconcentrésurmoi.Jesuislà.Cetteodeuravaitquelquechosed’irrésistible.Ragelarenifla,auxprisesavec
la brumementale qui l’empêchait de formuler unepensée cohérente. Il n’étaitplusquecolèreetdouleurcuisante.Seseffortspayèrent;sonchampdevisionsedégagea.L’humaine qui se tenait nue, à moins d’un mètre, lui rappelait vaguement
quelquechose.Sesgrandsyeuxbleusétaientécarquillésparlaterreur.Ilrenifladeplusbelleetfouilladanssamémoireembrouillée.L’Hybridesevitderetourdans sa cellule. Ses bourreaux lui avaient fait du tort… L’humaine y étaitforcémentpourquelquechose…D’autresimagesl’assaillirent.Illavitquiluisouriait,perçutl’échodesonrireclair,crutsesouvenirqu’illui
avaitcaressélajoue.Ilsutqu’illaconnaissaitbienmalgrésonétatdeconfusiontotale. Nouveau reniflement, toujours cette odeur. Les fragments de souveniraffluèrent.Sonregards’attardaplusbas…etledésirs’emparadelui.Ileutbrusquement
enviedel’attraper,delamettreàgenouxetdelaposséder.Puisilhésita:agirainsi,ceserait fairemalà lapetitehumaine,etpourquelqueraisonobscure, ilsut que c’était mal. Elle comptait pour lui, c’était sûr, mais pourquoi ? Rage
consacra toute son énergie à déchirer cette brume. Qui était-elle ? Pourquoidiableunehumaineserait-elleimportantepuisqu’ilsétaienttoussesennemis?D’autres réminiscences se bousculèrent. La petite blonde qui lui souriait,
assiseenfacedelui;puisassisesursesgenouxetpendueàsoncou.Euxdeuxprenantunedoucheensemble,l’humaineluisavonnantletorseavecsespetitesmainscouleurporcelaine,luisepenchantpourl’embrasser.Ilavaitsonnomsurleboutdelalangue,sacervelleétaitenébullition…etsoudain,ilsut.Ellie.Lafemmeautourdelaquelletoutgravitait,quilerendaitheureux.Rage
fitunpashésitantverselle,luttantàlafoiscontrelafureurnoirequimenaçaitdel’engloutiretcontrelesélancementsterriblesquilemettaientpresqueàgenoux.Illuifallaitl’étreindre,latoucher.Ilconnaissaitsonnom.L’aimaitdetoutesonâme.Sonodeurluiservaitdebouée.S’approcherencore.—Ellie,grogna-t-il.Quelque chose venait enfin de s’allumer dans les yeux noirs de l’Hybride.
Unelueurd’émotion.Elliesourit.—Oui,Rage,c’estbienmoi.Approchetoutdoucement.Sansmefairedemal.Deux pas de géant maladroits plus tard, il s’immobilisa devant elle. Ellie
tenditlamainlentement,dansungested’apaisement…etseretrouvaceinturéepuisplaquéecontre lemur,avec tantd’énergiequ’elleeneut lesoufflecoupé.Rage enfouit sa tête dans le creux de son épaule pourmieux la respirer. Ellieinspiraàfond.Brise,deboutaubeaumilieudelachambredévastée,observaitlascèneenayantl’airtrès,trèsinquiète.—Toutvabien,murmuraEllie.Tupeuxyaller.L’amazonehésita.—Ellie,grondaRage.—Oui,bébé,c’estmoi,dit-elleensependantfermementàsoncou.Ilgrondaderechefetluiléchalecouenhaletant.Puis,d’unemainpuissante,
illuipétritlesfessesavecunevigueurdouloureuse.Ellieserralesdentsethochala tête à l’adresse de Brise pour lui signifier que tout allait bien. L’amazoneacquiesçaetreculapasàpas;Ellielavitsortirenrefermantlabaievitrée.—Ellie,grondaRage.—Jesuislà.Changeantdeposture,lecolossefitpressionavecsontorsemassif.Ilcessade
lui martyriser le fessier pour déchirer quelque chose. Ellie ferma les yeux ets’efforçadedisciplinersarespiration.—Rage?Tum’entends?Parle-moi.Énièmegrondement.Douleur à la taille : il la ceinturait avechargne.De sa
mainlibreetd’unmouvementdehanches, l’Hybrideforçalepassageentre lescuisses d’Ellie qui hoqueta. Rage grogna de plus belle… mais la pressiondiminua.—Rage?Il la relâcha aussitôt et recula en titubant. Ellie, qui tremblait comme une
feuille,eutdumalàgarderl’équilibre.Soussesyeux,l’immenseHybridetombaàquatrepattesetpoussauncridéchirantqui fitàEllieunpincementaucœur.Elle s’agenouilla à son tour et n’hésita pas une seconde à se coller à lui, àl’enlacertendrement.—Jesuislà,mongrand.Çavaaller.Tum’entends?Jet’aime.Comme secoué d’un spasme, il se redressa en faisant pivoter sa grande
carcasse.Ellie,éjectée,seretrouvaassisesurletapis.Ragesepelotonnacontreelleenunéclair.Couchésurleflanc,latêteposéesurlescuissesd’Ellie,ilreplialesjambesjusqu’àcequ’ellesluiappuientdansledosets’agrippaàellecommeunnaufragéàsaplanchedesalut.Levisageenfouicontre leventrede lafrêlehumaine,ilsemitàsangloter.Elliebaissa lesyeux.Levoirainsi luibrisait lecœur ;elle sentit les larmes
affluer. Se reprit aussitôt. C’était affreux, Rage avait l’air d’un enfant apeuré.Secouéedelégerstremblements,elleluipassalamaindanslescheveuxtoutenluifrottantledos.—Toutvabien.Jesuislà.Onvas’ensortirensemble.—Qu’est-cequim’arrive?dit-ild’unevoixrauqueenl’étreignant.— Rien de méchant. Un produit utilisé pour te soigner qui te tape sur le
système.Çavapasser.Ilsecoualatête.—Non,c’estautrechose.Jeconnaiscesproduits-là, j’enaidéjàpris.C’est
très différent. Ça vient d’un coup. (Il eut un soubresaut aussi violentqu’involontaire.)J’aidumalàpenser;lacolèremeconsume.—Toutvabiensepasser,promitEllied’unevoixdouce.Onestensemble.Je
resteraiassiseavectoiletempsqu’ilfaudra.Tunevaspasmefairedemal,jelesais,parcequetum’aimesautantquejet’aime.Ilfrottasonvisagecontreleventred’Ellie.Tiralalangueetluiléchalabase
de la poitrine. La jeune femme, titillée, se cabra pour l’empêcher derecommencer.—Çachatouille.—Tuesnue.—Oui,hein,tuasremarqué?C’étaitpourattirertonattention.
—Monattention,tul’astoujours.Enl’inspectantdespiedsàlatête,EllievitqueRageavaitledevantdujean
arraché :c’étaitça, lebruitd’étoffedéchiréequand il l’avaitplaquéecontre lemur. Elle frissonna. Si elle avait échoué à le calmer, à l’atteindreémotionnellement, il l’auraitbaiséedebout,brutalement,sans lemoindreégardpour elle oupour ses propres blessures.Ellie continua à lui frotter le dos et àjoueravecsesmèchessombres.—Parle-moi.Jefaismonpossible,maislesténèbressonttoutprès.Ellievitqu’ilavaitlesyeuxrivéssurelleetqu’unvoiledebrumepesaitsur
sespupilleschocolat.— Je suis avec toi, mon grand. (Un sourire forcé aux lèvres, elle tenta de
dissimulersoninquiétude.)Jenebougeraipastantquetun’espasredevenutoi-même.—J’aifaitdumalàquelqu’un?Toutestflou,dansmatête…—Toutlemondevabien,net’enfaispas.Briseexceptée,biensûr.Maismieuxvalaitnepasenparler.—Jeteveux,ronronna-t-il,lesyeuxfermés.—Laisse-moimerhabiller,réagitEllieensecrispant.Ilsecoualatête.— Le désir me fait oublier la colère. Et puis, ça ne changerait rien : je te
sentiraisautantàtraverslesvêtements.Tusaignes.Jet’aiblessée?—Non.Debêteségratignuresenescaladantlemurderrièrelamaison.Elle fit tourner son pied jusqu’à avoir la plante en ligne demire. L’entaille
étaitplusprofondequ’ellel’auraitcru,unepetitetachedesangmaculaitdéjàletapis.— C’est mon pied qui saigne. Si tu bouges un tout petit peu, je pourrai
attraperuntrucàmettreendessous.Histoired’épargnerletapis.—M’enfous,dutapis.Ellies’esclaffa.—Tudisçamaintenantparcequetuesdanslesvapes,maisdèsdemain, tu
mechanterasuneautrechansonquandilfaudrarecouvrirlatache.L’Hybridegrogna.—Jet’aime,Ellie.—Moiaussi.Commenttesens-tu?—Enragé.Malpartout,aussi.Commesij’étaisentraindecuire.—Restebiencolléàmoi.—Telâcherestau-dessusdemesforces.Tuesbiensûrequejenet’aipasfait
mal?—Certaine.Tunem’asrienfait.Justeflanquéunetrouilledetous…La porte de la chambre s’entrouvrit. Ellie tourna la tête. Rage se crispa et
gronda.Trisharisquaunœil.—Toutvabien?Elliecaressadeplusbelleledosdel’Hybridepourl’apaiser.—Toutvabien,dit-elleassezfortpourquetoutlemondel’entende…eten
priantpourquecesoitvrai.Puis,àmi-voix:—Détends-toi,mongrand.C’estledocteurNorbit.—Jepeuxentrer?soufflal’intéressée.Ilfaudraitquejel’examine…Elliepouvait-ellecourir lerisquedefaireentrerquelqu’und’autre?Ellefut
prised’undouteenl’étudiant.—Restebiencolléàmoi,mongrand.Trishadoitt’examinerpourvoirsielle
peutfairequelquechose.—Non.L’étreignantdouloureusement,illevalatêteverselle.—Tuesàmoi.Jeneveuxpasqu’ilst’emmènent.—Jen’irainullepart.C’estpromis,tuentends?LaisseentrerTrisha,jet’en
prie.Riennenousempêchederestercolléspendantqu’ellet’ausculte.Rage prit une inspiration saccadée puis cilla. Il fit un signe de tête
approximatifpuistournadenouveausonvisageversleventred’Ellie.Lajeunefemmeadressauncoupd’œilàTrisha.Cettedernièrepénétradansl’embrasurepasàpas.—Ellie,ilfaudraitaussiqueTedvienne.Ilsauramieuxquemoiidentifierla
substanced’aprèslessymptômesquemontreRage.Ellietiquaenserappelantqu’elleétaitnue.—Jepeuxavoirquelquechoseàmemettre,avantqu’ilentre?Trisha enjamba les débris afin d’atteindre le lit. Elle tira sur le drap du
dessous,s’approchaducoupled’unpashésitantpuisentrepritderecouvrirElliesans toucher l’Hybride.Lajeunefemmenesutquepenser :pour lacouvrir, ledrapdevaitaussiengloberlagrandecarcassedeRagepuisquecelui-ciétaitcolléàelle.—Çanevapasmarcher…Sivousmedonniezplutôtundemeshautsrangés
dansl’armoire?Ellieserappelaalorsqueleditmeubleétaitrenverséetpoussaunsoupir.—Passez-moiplutôtletee-shirtdeRage…Vouslevoyez?
Trishalançaledrapsur lematelasetsedirigeavers l’angledelapièce.Lesbrisdeverrecrissaientsoussessemelles.Elleramassaletee-shirtdel’Hybrideet retourna vers Ellie, qui se vit contrainte d’arrêter de cajoler Rage pourl’enfiler.Àlasecondeoùsesmainsnefurentplusencontactaveclescheveuxetle dos du colosse, il se crispa, l’étreignit à l’écraser et enfonça la tête dans leventredelajeunefemme.Ellieseservitdutee-shirtpoursecouvrirlapoitrineen toute hâte puis se remit à caresser Rage. Aussitôt apaisé, il cessa de lacomprimer entre sesbrasmusculeux et de lui appuyerdouloureusement sur leventre.—Jesuislà,murmuraEllie.Tiens-toiàmoi.Ilsvontdécouvrircequetuaset
te guérir. (Elle leva les yeux vers Trisha.) Je crois que vous pouvez le faireentrer.Mes seins sont couverts et j’imaginequ’onnevoitpas le restedemonanatomie,avecRagelovéautourdemoi.Trishasecoualatête.—Detoutefaçon,Tedestmédecin,luiaussi.Ilvousablessée?—Jen’airien.Jevousl’aidéjàdit,non?Ilestincapabledemefairedumal.Rage grogna pour tout commentaire. Ellie se rencogna contre lui tout en
continuantàluimasserledosetlecuirchevelu.—Toutdoux,mongrand.Cen’estrien.Fais-moiconfiance.Le docteur Treadmont entra à son tour. Justice, quant à lui, s’arrêta dans
l’embrasure,renifla,seraiditetfronçalessourcilsendévisageantEllie.—Ilnem’a faitaucunmal, jevousdis.C’estmoiquimesuisécorchéeen
faisantlemur.D’oùl’odeurdesang.—Jesaistoutcela,j’écoutaisàlaporteetj’aitoutentendu.C’estluiqueje
reniflais.(Restésurleseuil, lechefdesHybridesépiaRageavecleplusgrandsoin.)Ted, ilyaun trucquicloche. Il sentbizarre, l’odeurn’estpascelledesmédocsqu’ilprenddepuisplusieursjours.Letoubibhochalatête.— Je m’en doute. Les symptômes ne correspondent pas à ce que nous lui
avonsprescrit.—Maisencore?intervintEllieenlesregardanttouràtour.—Le traitement ne devrait pas lui faire cet effet-là, réponditTreadmont en
s’agenouillantprèsducouple.(IlouvritsasacochepuissetournaversEllie.)J’aibesoindeluifaireuneprisedesang.Ilestpossiblequesoncomportementsoitdûàunproduitqueluiainjectél’infirmière.Unpeudesangestnécessairepourconduiredesexamens.SentantRage se crisper et l’entendant gronder,Ellie se colla encore un peu
plusàlui.—Rage,écoute-moibien.Onestensembleetc’est toutcequicompte.Ces
genssontlàpourt’aider,tucomprends?Détends-toi.Ilhochalatêtecontresonventre.Justicesedétournaets’adressaàvoixbasseàun interlocuteur restéhorsde
vuedanslevestibule.— Fouille la maison et les affaires de l’infirmière, et rapporte-nous les
médicamentsquetutrouveras.Puis,àEllie:—Commentçasepasse?—Ilassurecommeunchef.EtBrise?—Elles’inquièteàvotresujet.—Aucunsouciàsefaire.EllieregardaitTedetTrishaexaminerRage.Ellelecaressaitenmultipliantles
proposapaisantsafinqu’ilsetiennetranquillependantqueTrishaluifaisaituneprisedesangdanslebras.Tenduetgrondantàplusieursreprises,l’HybridenelâchaitpasEllieetbuvaitsesparoles,levisageenfouicontresonventre.—Rage?demandaTedàvoixbasse.Commenttesens-tu,mongarçon?—Encolère,murmuralecolosse.Enrutaussi.Dumalàpenser.Lapeauqui
mebrûle.Perdu.Sidouloureux…EnviedebaiserEllieàencrever.Lajeunefemmesesentitrougirsanss’offusquerpourautant.Rage,enrut?Il
neluiapprenaitrien:avecsonjeandéchiré,colléàellecommeil l’était,Ellien’avaitaucundoutesursonétatd’excitationàtraversl’étoffeducaleçon.—Tesens-tud’humeurviolente?poursuivitTreadmontenpiochantunefiole
de liquide incolore dans sa sacoche, puis une seringue dont il déchiral’enveloppestérile.Ragehochalatête.—Jemeursd’enviedemassacreruntruc.—Écoute-moi,mongarçon.Jeneleferaipascontretongré,maisquedirais-
tud’unepetitepiqûre?Commeça,tudormirasquelquesheures,etavecunpeudechance,lasaletéqu’ont’aflanquéedanslesveinesauracesséd’agirauréveil.Si jamais il y a un problème, Trisha et moi restons à tes côtés pour agirimmédiatement.Lapeurs’emparad’Ellie.— Pas question ! Tigre a dit qu’il risquait d’y passer si on essayait de
l’endormir!Ledocteurcroisasonregardetpritunairpénétré.
—Lerisqueexisteenconjonctionavecunautreproduit,maisceluiquiagitsurRagen’estpasceluiauquelnouspensionsalors.Jesuistoutàfaitcertainquesonorganismepeuttolérerunsédatif.Etsi jamaisjemetrompe,noussommesparés, ajouta Ted en brandissant une autre seringue. À injecter en cas dedéfaillance cardiaque. Tout est prévu, comme vous pouvez le voir,maisRagesouffre,ill’aditlui-même.Ilfautl’endormir.D’abordtenducommeunarc,Ragefinitparsedécrisper.—Faites-le,gronda-t-il.Ellie,nemelâchepas.Ill’étreignitdetoutessesforces.—Jesuislà,promitlajeunefemmeàvoixbasse.TreadmontadministralesédatifàRagepuisadressaunsignedetêteàEllie.—C’estl’affairedequelquesminutes.Ilvasedétendrepuiss’endormir.—Tranquillise-toi,mongrand,murmura-t-elle.Jenebougepas.Àtonréveil,
tout ira bien, tu entends ? Et je serai présente aumoment où tu rouvriras lesyeux.Ilhochalatête.Auboutd’unepoignéedeminutes,Elliepritconscienceque
lecorpsmassifdel’Hybride,devenuflasque,luiécrasaitlesjambes.Elledutletenircontreellepourempêchersatêtedebasculerdansunangleincongru.Puisce furent les bras du colosse qui se ramollirent et qui glissèrent jusqu’au sol,derrièrelesfessesd’Ellie.Ellefitunsignedetêteauxdeuxmédecins.—IlestKO.—Soulevons-le,ditJusticeenentrantdanslachambre.—Jenepréfèrepas,rétorquaEllie.Jesuisàpoil.—Faisons-ledemanièreànepasvousrévélerauxgarçons,proposaTrishaen
se relevant. Ted et Justice, soulevez-le par les bras et gardez les yeux fermés.Dèsquepossible,jepasseuneservietteàElliepourqu’ellesecouvreavec.Sitôtdégagée,Ellie,vouspourrezallervousrhabillerdans lasalledebainspendantquelesgarçonss’occuperontdel’étendresurlelit.Onadelachance:c’estleseulmeubledelapiècequisoitrestéintact.Lesyeuxfermés,donc,TedetJusticemanipulèrentlagrandecarcassependant
qu’Ellie s’enveloppait de la serviette fournie par Trisha. La jeune femme serelevaavec l’aidedecettedernièrepuissehâtaderécupérersesaffairessales,disséminéesaupetitbonheur,etseréfugiadanslasalledebainspourlesenfiler.Quandelleémergea,plusieursautrespersonnesavaientaffluédanslachambre.Rageétaitétendusur ledosetdormait.Ellie le rejoignit, s’installaauborddumatelasetsesaisitd’unemainmolle.—Ledangerestécarté,assuraTreadmont.
—Visezunpeu,grinçaTrishaenexhibantunflacondeliquidemarronfoncéprovenant de la trousse de Belinda, découverte dans sa chambre. DuFreltridontomez.—Bigre,maugréaTed.Heureusementqu’onnel’apasendormiquandilétait
debout.Ensesentantagressé,ilauraitpufaireuneattaqueavantquelesédatiffasseeffet.—Qu’est-cequec’est?voulutsavoirEllieenregardanttouràtourlesdeux
médecins.—Uncomposéchimiquequiagitsurlecerveau.Defauxsignauxdedouleur
aiguëarriventaucortexsansquelecorpssouffre.Lepatiententredansuneragefolle, perd les pédales et devient incapable de formuler une pensée cohérente.LessymptômesdeRages’expliquent…etilsauraientempiréd’heureenheure.—Pourquoi diable lui administrer cettemerde ? s’interrogeaTrisha tout en
continuantàinventorierlecontenudelatroussedelafausseBelinda.Ellesavaitque Rage allait devenir hyper dangereux. D’après ce que j’ai lu dans lesrapports, cette saleté était utilisée de temps à autre sur les Hybrides pour lesobligeràsebattre.—Eneffet,grondaTigredepuisleseuildelachambre.Onm’ainjectécette
merdedeuxoutroisfois.Jenemerappelaismêmeplusmonnom.Iln’yavaitque l’envie pressante de tuer quelqu’un, demedéchaîner au premier prétexte.Quandj’émergeaisdubrouillard,jenegardaispresqueaucunsouvenirdecequej’avaispufaire.Enlevoyantentrerdanslapièce,Ellies’interrogea: lui tenait-il rancunede
luiavoirfaussécompagniechezTrisha?Leregardnoirqu’illuilançaprécédasaréponse.—Çavasepayercher…Mefilerentrelesdoigtsetmevolermabagnole…—C’étaitpasmalindelaisserlescléssurlecontact,rétorquaEllie,agacéede
levoirréagirainsi.Etpuisjetel’avaisbiendit,quejenerisquaisrien.—C’estmoi qui avais pris cette décision, intervint Justice en soupirant. Je
craignaispourvotrevie,Ellie.—Parcequej’avaistort,enaffirmantqu’ilnemeferaitaucunmal?— Vous avez eu de la chance, glissa Trisha. J’ai épluché les rapports de
Mercileausujetdeceproduit.(Ellesecoualatête.)Comportementbrutal,folieet pulsions homicides sont la norme. Cela étant, ces salauds-là n’ontprobablementjamaisdroguéunsujetafinqu’ils’enprenneàl’amourdesavie.Briseentraàsontourd’unpashésitant.Elles’étaitnettoyélafigureetportait
undébardeurnondéchiré.Ellieladétailla,inquièteàsonsujet.
—Commentvas-tu?L’amazonevints’asseoirauboutdulitetfronçalessourcils.— Bien, merci. Toi, en revanche, tu es vraiment cinglée… ou très, très
amoureuse.—Unpeulesdeux,j’imagine.Briseaffichaungrandsourireaussitôtsuivid’unegrimace.Elleportalamain
àsabouche:unelèvreétaitgonflée,unvilainhématomecommençaitàbleuir.Ellieobservalesdégâts.—Vraimentdésoléequ’ilt’aitfrappée…Iln’étaitpasdanssonétatnormal.—C’esttoiqu’ilvoulait,pasmoi,etçal’amisenrogne.Jel’aicompristrès
vite.Ilauraitpumefairebeaucoupplusmalmaisiln’enarienfait.L’amazonecontemplaRageavantdepoursuivre.—Tu as fait le bon choix,Ellie.C’est un type bien qui n’a pas sonpareil,
questionself-control.—Commentpeux-tudireçaaprèsqu’ilt’afrappée?Tudevraisluienvouloir
àmort,non?rétorquaEllie,perplexe.—J’aivucedontnoshommessontcapablesquand ilsperdent laboule. Ils
fontdesravages.Luiatoutfaitpourseretenir.Iln’aréagiqu’aumomentoùj’aivoululetoucher,ouquandj’aiessayédel’empêcherd’allerjusqu’àtoi.Etmêmealors,ils’estcontentédemerepousserd’unegifle,sansmemordreouchercherà me faire mal. (Elle marqua un temps.) Il n’a pas levé la main sur toi. Tun’imagines pas à quel point il t’aime, pour avoir trouvé la force morale decalmersesardeurs.Brisehochalatêtepuisconclut,quitteàradoter:—Rageestquelqu’undebien.Unmâletrèsfortettrèsprotecteur.Tuasfait
lebonchoix,EllieBrower.Ellieacquiesçaàsontour.—Merciàtoid’avoirrisquétaviepoursauverlamienne.—N’enjetezplus,grondaTigre.Sladeéclataderire.—Onsefaittousdesbisous?—Arrêtez,ordonnaJusticecalmement.(Unbrinirrité,ilregardasesgarstour
àtour.)Cettehistoire,c’estdusabotagequalifié.Slade,vatoucherdeuxmotsàcetteinfirmière,ajouta-t-il,lestraitstendusparlacolère.Peum’importelafaçondonttut’yprends.Jeveuxsavoirpourquoielleafaitça,etquil’yaaidée.LesouriredeTigresefigea.—Jepeuxl’accompagner?
Justice,perplexe,l’observaparendessous.—Tuaspassépasmaldetemps,aveccettenana…Aurais-tudessentiments
pourelle?—Non.Jesuisfurieux,aucontraire.Elleaagisousmonnez.SiSladeades
scrupulesàluifairecracherlemorceau,sachequejen’enauraipas.Jen’iraipasjusqu’àlatuer…maisellerisquedeleregretter.—Entendu.(Justiceménageaunsilence.)N’oubliezpasqueleshumainsvont
vousépiervialescaméras.Certainesméthodespourraientleschoquer.—Message reçu, répondit Slade, un sourire mauvais aux lèvres, avant de
tournerlestalonsetdes’éloigner.Tigre luiemboîta lepas.Ellie les regardas’éloigner jusqu’àcequ’ils soient
horsdevue.EllereportasonattentionsurJustice.—PourquoifaireçaàRage?—Àcausedevous,réponditaussitôtTreadmont.Touslesyeuxsontrivéssur
la relation que vous entretenez avec Rage ; les groupuscules extrémistes neveulentpasd’unebellehistoired’amour.—C’estmêmepirequeça,repritTrisha.CeseraitdupainbénipourMercile
IndustriessiRage,devenufou,avait tuéEllie.Ouvronslesyeux,merde.Ilssefichent comme d’une guigne d’avoir emprisonné des gens dans leurs labosclandestinsetd’avoirmenédesexpériencesillégalessureux.Leurmessageestunivoque: lesHybridessontdesanimaux,pasdeshumains; ilsfont toutpourque lesmédiaset legrandpublicpensent lamêmechose.SiunHybrideavaitpétéunplombet tuésapetiteamiehumaine, imaginezunpeu lacata.EllieetRagesontlacibleidéalepuisquelemondeentierlesobserve.—EtBeatriceThortonatravaillépourMercile,grinçaBrise.—BeatriceThorton?Quiest-ce?demandaEllie.— Une ancienne employée de Mercile Industries. Alias Belinda Thomas,
expliquaJusticeenallants’asseoirsurlacommoderenversée.—CettesalopeatravaillépourMercile?Ellie,abasourdie,setournaversBriseenquêted’uneconfirmation.—Jel’aireconnueàl’odeurenentrantici,grognal’amazonesousl’effetdela
colère.Difficile de l’oublier, celle-là : c’était la pire de tous. Elle torturait lesnôtres, ça la rendait toujourshilaredenousplanter une aiguille dans le corps.Elleprenaitplaisirànousvoirsouffrir.(Brises’adressaàJustice.)Tuesbiensûrdenel’avoirjamaisrencontrée?—Sûretcertain.Elledevaittravailleruniquementdansl’ailedesfilles.—C’estquandmêmeétrangequ’ellen’aitpaseupeurdesefairereconnaître
parl’und’entrevous,avançaTed.—Comme elle travaillait dans l’aile des femmes, elle a pu estimer que le
risque était minime. (Ellie jeta un coup d’œil à la ronde avant de reprendre.)C’estvrai,sionyréfléchit, laseulefemmedans laviedeRage,c’estmoi. Ilssavaientquejenerisquaispasdel’identifier:j’aibossédanslapartiedulabooùRage était détenu. Pas elle. Tout le monde sait par ailleurs que les femmeshybridessont logéesdansunmêmebâtimentetqu’ellesnesontpas légion. Jel’aivuauxinfos:àlesentendre,ellesneseraientqu’unepoignée.—VoustravailliezpourMercile?s’étonnaTreadmontenjetantunregardnoir
àEllie.—Nevousfaitespasdefaussesidées,intervintJustice,lessourcilsfroncés.
Ellie était sous la responsabilité deVictorHelio.Vous l’avez rencontré. Il l’aapprochée alors qu’elle travaillait au siège de la boîte, sans savoir ce qui setramait dans les labos secrets.Quand il lui a fait part de ce que quelques-unssoupçonnaient,ilademandéàEllied’aideràfaireéclaterlavérité.Cettejeunefemme a sorti des preuves en douce au péril de sa vie – des preuves qui ontpermisdelancerlesperquisitions.Certainsdesrapportsmédicauxauxquelsvousavezaccèssontlefruitdesonaventure.— Oh, se radoucit le médecin. C’était sacrément courageux, dites donc.
Qu’est-ce qui vous a poussée à agir ? L’envie de devenir agent secret, detravaillerpourlapolice?—Non, réponditEllieense retenantde rire.L’aventure, trèspeupourmoi.
J’ai simplement réagi à cequem’aditVictorHelio àproposdes rumeursquicirculaient.Jenepouvaisquandmêmepasresterlesbrascroisésensachantquemesemployeurs étaient soupçonnésdeprendredesprisonnierspour cobayes !L’idéem’arévulsée.—Vousêtesquelqu’undebien,déclaraTed.Puis,àTrisha:—S’ilssontdécidésàutiliserleurssaletésdeproduitspours’enprendreaux
Hybrides,lesgrandsmoyenss’imposent.BlocusimpératifdetoutcequipénètredansHomelandetquiestsusceptibledeconstituerunemenace.—Àcommencerparl’alimentation,approuvaTrisha.—C’estpossible,d’aprèsvous?s’inquiétaJustice.—J’essaiedememettreàleurplace,rétorquaTed,laminegrave.Comment
s’yprendrepournuireàvotrepeuple…Fairepéterlesplombsàtoutlemondeencontaminantlanourriture?Çaauraitdelagueule.—Au risque d’affecter aussi les humains qui vivent ici ? rebondit Justice,
perplexe.Treadmonthaussalesépaules.—Jesuisprêtàparierqu’ilss’encontrefichent.Misencausepourcequ’ils
vousontfaitsubir,ilsn’ontqu’uneseuleéchappatoire:affirmerquevousn’avezriend’humain.Danscetteoptique,rendreunepartiedesHybridessuffisammentcingléspourqu’unbaindesangéclate,aveclesmédiasquis’emparentaussitôtdel’affaire,c’estl’idéal,non?— Nous n’avons aucune preuve qu’un complot de cette ampleur soit
d’actualité,grondaJustice.Jen’aipasenviedesemerlapaniquepourrien.—Trèsjuste,tranchaTed.Jem’attelleàdénicherunemoléculesusceptiblede
neutraliser les effets délétères du Freltridontomez. De cette manière, s’ilsrécidivent,nousdisposeronsd’unantidoteinjectableparvoiehypodermiquequipermettrad’éviterquelesangcoule.Ceserait l’idéal.Commeje l’aidit toutàl’heure, il existe un vrai risque d’AVC ou de crise cardiaque si l’on essaied’endormirunsujetrenduenragéparcettesaleté.Trishaseleva.—Quelles sont les chances de trouver l’antidote, selon vous ? Il va falloir
fairevite.Et,enparallèle,faireanalyserl’eauetlesvivresquiarrivent.—NouspossédonsdesdocumentsrelatifsauFreltridontomezrédigésparles
gensdechezMercile.Ilestpossiblequ’ilsaientmisaupointcefameuxantidote,ditTedenempoignantsasacoche.Lefaitquenousn’ayonspasmislamainsurunpapierlestipulantnoirsurblancneprouverien.—Mettons-nousautravail, rebonditTrishaenprenantelleaussisasacoche.
(Elle se figeaet adressaun sourire àEllie.)QuandRage s’éveillera, il sepeutqu’ilsouffredelatêteetaitmalpartout,maissinon,ildevraitêtreentièrementremis. Appelez-nous au moindre souci. Vous pourrez nous joindre au labocentral.Sitôtlesdeuxmédecinspartisentrombe,Elliearquaunsourciletmarmonnaà
Justice:—Ilsm’ontdonnéletournis,ditesdonc…Ilssonttoujourscommeça?LechefdesHybridesopina.—Tedestunbrinparanoïaque,maispourlereste,ilestlemeilleurdansson
domaine.Jenecroispasàsathéorieducomplotàgrandeéchelle.Vouspouvezmanger et boire tranquille, Ellie. Si nos ennemis étaient en mesured’empoisonnernosstocksdevivres,ilsn’auraientpaseubesoind’envoyercettesorcièrefaireunepiqûreàRage,etnousaurionstousétécontaminés.—Selonvous,cetteBelinda-Beatricenousa-t-elleétéenvoyéeparungroupe
d’extrémistesouparMercile?—JepenchepourMercile.D’unepierredeuxcoups.—Commentça?Ilarquaàsontourunsourcil.— C’est à vous qu’ils doivent tous leurs ennuis, Ellie. Quelle meilleure
vengeance que de faire de celui pour lequel vous avez risqué votre vie votrebourreau?Imaginezunpeul’échoqu’auraiteuvotremortdesmainsdeRage;l’OPHnes’enseraitpasrelevée.Tedaraison.Laseule lignededéfense,pourMercile, consiste à convaincre l’opinion publique que nous n’avons riend’humainetque,dece fait,nousutilisercommecobayesn’étaitpasuncrime.Les gros bonnets de Mercile risquent la prison ferme. Sans parler descompensationsfinancièresquenousexigeons.Elliesoupesacesarguments.—Moiaussi,jeparieraissurMercile.Ellejetauncoupd’œilàRage:ildormaitpaisiblement.— J’ai des coups de fil à passer, Ellie. Histoire d’apprendre ce que nous
chante cette Beatrice Thorton. Si vous avez besoin de quoi que ce soit,retrouvez-moiausalon.—Nevousdonnezpas lapeinederester.Etmercipour tout,aufait.Enfin,
pourpresquetout:paspourTigremebalançantdansuncoffredebagnole.LechefdesHybridesgrimaça.— Je suis dans la pièce voisine.Nous devons rester à proximité pour nous
assurerqueRageauravraimentrécupéréàsonréveil.Surcesbonnesparoles,Justicefitsigneàsatroupedelesuivre.Briseseleva.—Bon,jerentremecoucher.Ellieluiadressaunregardchargédegratitude.—C’estvraimentchouette,cequetuasfaitpourmoi.Jenel’oublieraipas.
Mercidufondducœur.— On se reverra à ton retour au boulot. Prends quelques jours ; on se
débrouille,aubâtiment.Net’enfaispaspournous.—Merciencore.Ellievitlachambresevider.EnfinseuleavecRage,ellesepelotonnacontre
l’immenseHybrideendormi.—Jet’aime.Elles’agrippaàlui,conscientequ’ilsavaientétéàdeuxdoigtsd’ypasserl’un
commel’autre.L’idéelaterrifia.
CHAPITRE20
Ellien’avaitqu’uneenvie:serendreaupostedesécuritéetcognerBeatriceThorton, aliasSuperPoufiasse, aliasBelindaThomas.Tigre et Slade l’avaientcuisinée jusqu’à ce qu’elle craque et livre des aveux complets. Un cadre deMercile l’avait engagéepourqu’elle fasseune– très–mauvaisepublicitéauxHybrides. Dans cette optique, transformer Rage en fauve incontrôlable étaitparfaitpourretournerl’opinionpublique.Entièrementguéri,Rageavaitaccusélecoupenapprenantàquelpointilavait
perdu le contrôle de ses actes. La faute à Super Poufiasse, qui n’avait reculédevant rien pour arriver à ses fins. L’OPH l’avait livrée aux autorités ; elledevraitrépondred’unelonguelistedecrimes–cequifaisaitunebellejambeàEllieetàRage.Cette garce avait bien failli anéantir leur vie. Elle avait jeté son dévolu sur
Rageparcequ’ilétait lesujet leplus facileàatteindreaprès la fusillade. Il luiavaitsuffidesefaireembaucherentantqu’infirmière.Ellen’avaitpashésitéàsoudoyerquelquescandidatesafinqu’ellesrenoncentàpostuler.Beatrice Thorton avait confessé une sérieuse envie de coucher avec Rage.
Pourcetteraison,ellel’avaitdraguéavecinsistanceetavaitfaitvivreunenferàEllie. Finissant par comprendre que jamais l’Hybride ne voudrait d’elle, elleavaitmissonplanàexécutionpendantqu’Ellieprenaitunedouche:l’occasionétaitbelle, ilyavaitde fortesprobabilitéspourqueRage,devenu fou furieux,tue sa bien-aimée. C’était machiavélique à souhait. Seul ombre au tableau :l’amourquevouaitRageàEllieétaitplusfortquelahaine.Justice,leregarddur,s’adressaàEllieetRage.— Elle va moisir en taule de longues années, vous avez ma parole. Les
autoritésm’ontassuréqu’ellescomptaientfaireunexemple.Ilvafalloirqu’onrevoienosprotocolesdesécuritédeAàZ,etilaétédécidédeformerplusieursdes nôtres au métier d’infirmier. De cette manière, à l’avenir, nous nedépendronsplusdeshumainspourprendresoindenosmaladesoublessés.Visiblement gêné aux entournures,Rage remua sur son siège et laissa errer
sonregarddanslebureaudeJustice.
—A-t-elleditsiMercileenvisageaitd’enenvoyerd’autres?LesépaulesdeJustices’affaissèrent.— Nous sommes convaincus qu’ils vont récidiver. Seule satisfaction :
l’attaquen’étaitpasd’aussigrandeampleurquecequecraignaientnostoubibs.Lesréservesd’eaupotableetdenourrituresontintactes.Nousdevonsjustenousméfierdeshumainsdepuresouche.(IladressaunregardpenaudàEllie.)Neleprenezpaspourvous,surtout.J’aitotalementconfianceenvous.Jeparlaisdeshumainsquenousneconnaissonspas.Àcompterd’aujourd’hui,nousmèneronsuneenquêteapprofondieavantd’autoriseruninconnuàfranchirnosportes.— Nous ne sommes pas assez autonomes, conclut Rage. Les humains qui
travaillenticisontnombreux.SiceuxdeMercileontunautresalecoupenvue,illeursuffiradegraisserquelquespattespourinfiltrerdesindividusdangereux.— Je te laisse juge des mesures à prendre, rétorqua Justice, l’air las. Une
longuesériedebagarresnousattend,vieuxfrère.Cenesontpaslesennemisquimanquent. Notre meilleur espoir, c’est que les procès et le bouche-à-oreillefinissentpar avoir lapeaudeMercile. Jepriepourquecetteboîtedemalheurdisparaisseunjour.Par lasuite, ilnenousresteraplusqu’àcomposeravecleshumainsquivoientennousuneerreurdelanature.Ragesoupira.—N’oubliepastouslesex-employésdeMercilequivontécoperdelourdes
peinesdeprison:leursprochesserontautantd’ennemispotentiels.Sansoubliertous ceux qui ont échappé à la police.Méfions-nous de ceux-là.Nos frères etsœurs sont certes en mesure de les identifier, mais l’incident qui vient de seproduirem’a fait prendre lamesure du danger qu’on représente à leurs yeux.Cette humaine aurait pu tenter d’éliminer toutes celles qui risquaient de lareconnaîtreformellement.Unechancepournousqu’ellenel’aitpasfait.—Unemenacedeplusàgarderà l’esprit, fitJusticeenfourrageantdanssa
chevelure.Elliejetauncoupd’œilàsamontre.—Désolée de vous abandonner, les garçons, mais le devoir m’attend. Les
pensionnairesm’attendent.Unanniversairesurpriseestauprogramme; jen’aipasledroitdelouperça.—Unanniversairesurprise?s’étonnaRage,unlargesourireauxlèvres.Lajeunefemmeselevapuisluipritlevisageàdeuxmains.— Eh oui, figure-toi. Avec cadeaux, gâteau, décorations. Tout le kit. Ça
prometd’êtrechouette.L’Hybride l’embrassa.Elliesourit, s’éloignaetadressaunsigned’adieuaux
deuxcompères.—Heureusedevousavoirvu,Justice.Quantàtoi,mongrand,onsevoitce
soiràlamaison.— Et comment, gronda l’intéressé. N’oublie pas que je suis officiellement
guéri…Justiceéclatade rire ; le rougemontaaux jouesd’Ellie.Reste-t-il une seule
personne,dans toutHomeland,qui ignorequeRageaétédéclaréapteà fairel’amourcematinmême?Probablementpas.Elle sortit dubâtiment, s’installadans sa voiturette de golf qui lui avait manqué, mit le contact et démarra endirectiondubâtimentdesfilles.L’excitation y régnait. Il était prévu de fêter l’anniversaire d’une des
pensionnaires;toutdevaitêtreprêtquandellerentreraitdescours.Elliepritleschoses en main. Les filles étaient présentes au grand complet, elles tenaienttoutes à vociférer de concert quand la vedette du jour pénétrerait dans labibliothèque.Surprise par ce comité d’accueil tonitruant, l’intéressée fit un bond
spectaculaire,restaquelquessecondesmédusée…puissouritjusqu’auxoreillesquand elle comprit ce que toutes les filles avaient fait pour elle. La voir auxangesfitchaudaucœuràEllie ;endépitdeseffortsconsentis, le jeuenvalaitvraimentlachandelle.Ilétait18heuresquandEllieréintégralebungalowdeRage.Heureused’être
rentréelapremière,lajeunefemmecourutjusqu’àlacuisineetsortitdubasduréfrigérateur les sandwichs qu’elle avait préparés en douce, le matin même,aprèsqueRage futparti assisteràunséminaire sur la sécurité.Sitôt ladînettecomplétéeparquelquescanettesdesodaetunpaquetdechips,elleportaletoutdanslachambre.La porte claqua dixminutes plus tard. Ellie bondit hors du lit, fila dans le
placard, s’y cacha en gloussant et attendit.Rage la cherchait toujours dès sonarrivée. Consciente qu’il n’aurait aucunmal à la renifler, elle savait en outrequ’ils’amuseraitdedécouvrirqu’elles’étaitcachée.Sespasrésonnèrent.Ellie s’efforçadenepas rire quand le placard s’ouvrit à la volée.Rage, les
sourcils froncés, baissa lentement les yeux…et vit qu’elle était nue.La jeunefemmesourit.—Ilt’enafallu,dutemps,pourmetrouver.—Pourquoitecaches-tu?Elliefitunpasverslui.—Pourquetulemérites,neserait-cequ’untoutpetitpeu.
—Mériterquoi?dit-il,lesyeuxrivéssursapoitrine.—Moi,grosmalin,répondit-elleens’agrippantàsonuniforme.J’aid’abord
penséàt’attendreaulit,etpuisjemesuisditqueceseraittropfacile.L’Hybridel’aidaàluiretirersavareuse,puissachemise,etôtaseschaussures.—J’aimequandc’estfacile.Elles’esclaffa.— Tu as remarqué le pique-nique que j’ai préparé ? Je me suis dit qu’on
pourraitsemettreàpoil,dînerensembleet regarder la télébiensagement.Pasmalcommesoirée,non?—Super,rétorquaRage,unrictusauxlèvres.Aprèss’êtreécartépourévitertoutcontact,ildéboutonnasonpantalonets’en
dévêtit enmême tempsquede son caleçon.Puis ce furent les chaussettes.Nucommeunveretdéjàenpleineérection,illuisouritenmontrantlescrocs.—Mangeons,dit-ilensedirigeantverslelit.Ellielesuivit.Assiseentailleurdesoncôtédumatelas,ellenecherchapasun
instant à cacher son sexe – bien au contraire. Ses yeux chocolat rivés surl’entrecuisseoffert,lecolossepritdelonguesetprofondesinspirationsetpoussaungrognementsourd.—Tupeuxrépéter,s’ilteplaît?Jen’aipastoutsaisi.Ellie laissaunéclatmalicieuxscintillerdans sespupillesquandRagecroisa
sonregard.— Rien, répondit-il, tout sourires. Ça a l’air fameux. J’adore la viande
saignante.—J’aidéposétoutcequetuaimessurcelit,ditEllieensepassantlalangue
surleslèvres,d’abordenbas,puisenhaut.Ragecontemplasabouche.Ilmorditdansunsandwich,mâchaetdéglutit.—Oublionsça,gronda-t-ilenbalançantlesandwichentaméetensejetantsur
elle.Ellie,hilare,seretrouvacouchéesurledos,sonbelétalonpenchéau-dessus
d’elle.—Laseulechosequimefaitenvie,c’esttoi.—Etlematch,alors?Lenezdanssoncou,illuieffleural’épauleavecleslèvres.—Laseulechosequej’aienviederegarder,c’esttoi.Lesmainsplaquéessursapoitrine,illuicaressalestétonsaveclespouces.—Jesuisguérietj’ailafermeintentiond’enprofiterpleinement.—Tuasbienfermélaporte?
—Àdoubletour.Etrappelle-toi:jegardeunflinguedansletiroirdelatabledenuit.Lepremierquifranchitleseuildecettechambre,jeletruffedeplomb.QuandElliecommençaàluigrifferledos,Ragesecambraetgronda.—Toutdoux.Nem’excitepastrop,sinonjenerépondsderien.Jeveuxque
cesoitbonpourtoiaussi.—Tuasconfianceenmoi?—Totalement,réponditl’Hybridesanshésiter.—Jepeuxmeplacerau-dessus?D’abordsurpris,Rageplissapeuàpeulesyeux.—Tuveuxêtreau-dessus?C’estmonpoidsquiposeproblème?Cedisant, il se soulevade quelques centimètres pour soulager sa partenaire
quinevoulutriensavoiretleramenatoutcontreelle.—Non,cen’estpasça.J’aimequenosdeuxcorpssetouchentetj’adoreêtre
en dessous, mais j’ai très envie de te chevaucher. (Elle le dévisagea avecintensité.)Brisem’a confiéquevousn’aimiezpasbeaucoupça,mais es-tu aumoinsprêtàessayer?Pourmoi?LemaxillairedeRagesecrispa.—Tuveuxmedominer,c’estça?—Mais non, pas du tout, dit-elle en riant. Aie confiance et laisse-moi te
chevaucher.Jepariequeçavateplaire.Le colosse seplia à la requête sans crier gare. Il fit rouler leurs deux corps
jusqu’àcequ’Ellieseretrouveperchéesurlui…etfitgrisemine.— Je t’aime, beauté. Domine-moi si c’est important pour toi. Je tiens à
prouverquejeferaisn’importequoipourtoi.Mêmeça.Le sourire d’Ellie se figea : il n’avait l’air ni réjoui, ni excité. Plutôt
malheureux,pourtoutdire.Misère.Lajeunefemmenes’attendaitpasàcequ’ilréagisseaussimal.Elleseredressa,àcalifourchonsursonventre.Semorditlalèvre, tentée de les faire revenir à la position initiale, puis regarda le corpsd’athlèteétendusouselle.Elliereculaetdécouvritsonérectiondemule,raviedeconstaterqu’iln’avait
pasbaissélagardepourautant,puisposalesfessessursescuisses.Penchéeenavant,elleentrepritdeluilécheruntétonetdelemordiller.Elledutcreuserleventrepourménagerunpeud’espaceentresonépidermeetlaqueuedressée.Ragesecrispaetseremitàgronder.Ellielemordilladeplusbelleetsuçotale
téton durci. Il cala fermement sesmains sur les hanches de sa partenaire sansbougerpourautant.Aucundouten’étaitpermis:ilbandaitencoreplusfort.—Ellie,grogna-t-il.Çafaitsilongtempsqu’onn’apasfaitl’amour…jen’en
peuxplus.J’aibeauessayerdemesoumettreà toi,n’oubliepasquejenesuispasentièrementhumain,mapatienceadeslimites.Elles’esclaffa,cessadelemordilleretseredressa.Sonsourires’effaça.—Détends-toi.Un sourcil arqué, il baissa la tête vers le membre dressé contre l’estomac
d’Ellie.Puisillaregardadanslesyeux.—J’ail’airdétendu,selontoi?Ellie souleva les hanches et empoigna le sexe deRage. Samain effleura la
vergetenduepuis,duboutdesongles,ellesuivitlacourbejusqu’auxbourses.Ilpoussaungrognementsourd,luilâchaleshanches,tenditlesbrasverslatêtedelitets’yagrippa.Leboiscraquasouslapressionconsidérable.D’uncoupd’œil,Ellievitqu’ilavaitlesjointuresblanchesetquetoussesmusclessegonflaient.Quelspectacle!Ellen’enratapasunemiette.Elliesesoulevajusqu’àseplaceràl’aplombdelaqueuedeRageetselaissa
choir tout en douceur, en prenant soin d’ajuster la position au millimètre. Ledésirétaitàsonparoxysme.Ellecrevaitd’enviedelesentirauplusprofond,deressentircequeleurscorpsvivaientensemble.Mouillée et plus que décidée à le chevaucher pour lui prouver à quel point
c’étaitjouissif,ellegémitensebaissantpeuàpeu.Sonintimitédilatéeacceptala queue dressée jusqu’à la garde. Elle ne cessa d’appuyer que lorsqu’il futentièrementenelle.Àsaplace,bienauchaud.Ragerejetalatêteenarrièreetgrondacommeundamné.Uncraquementsec
retentit.D’uncoupd’œil,ilconstataqu’ilvenaitd’arracherunbarreauàlatêtede lit. Il s’endébarrassa et en empoignaun autre.Leurs regards se croisèrent.Ellieparaissaitvivreuneexpériencemémorableet l’Hybride la trouvasexyendiable,ainsiclouéesurseshanches.Lesexechaudquiluicomprimaitlaqueueluidonnaitbigrementenviededonnerungrandcoupdereins.—Tuvasmetuer.Elliesemitenmouvement.—Sic’estça,mourir, j’ysuisprête,gémit-elleavantdeselaisserretomber,
deremonter,desetortillercommeunveretderecommencer.Rage lâcha la têtede lit.Unemainplaquée surun seinde labelle, il glissa
l’autre entre leurs deux corps enmouvement.Ellie rejeta à son tour la tête enarrièreetgeignitbruyammentquand,dupouce,ilentrepritdeluicaresserlepetitbouton. Comme prise de frénésie, elle intensifia brusquement son va-et-vient.L’Hybride,grognantdeplusbelleetjuchésurlestalons,jouadeshanchesavec
vigueurafindelapénétrerbienàfond.Il poussa un juron en sentant sa queue enfler et ses couilles remonter :
l’orgasme était imminent. Au plaisir qu’il éprouvait chaque fois qu’Ellies’empalaitsurluivenaits’ajouterlasensationdivinedesonintimitécontractéeautourdelui;elleaussivacillaitauborddel’orgasme,lastimulationduclitorislafaisaitgrimperauseptièmeciel.Ilgrogna,seretintcommeilput–etyparvintjusqu’àcequ’ellehurlesonnom.Leplaisirdéferla.Rage fut pris d’un soubresaut si violent qu’il faillit déloger sa cavalière. Il
éjaculaenhurlantàsontour.Poussaunedernièrefoisavecleshanches.Rugit.Vécutleparadissurterre.Ellies’effondrasursontorse;lesdeuxamantsétaientàboutdesouffle.Il l’enlaçaet sourit sous l’effetd’unbonheurparfait.Ellieétait sonnirvana.
Arrivée dans sa vie alors qu’il connaissait l’enfer, ange solaire synonymed’espoir,elleétaittoutpourlui.Iln’enavaitpasprisconsciencetoutdesuitedufond de son cachot. Et pourtant, dans un recoin de son esprit, il avait dûcomprendred’embléequ’elleétaitsonâmesœur.Ayant failli la perdre sous l’effet de cette saleté de drogue, il était terrifié :
commentavait-ilpuêtreàuncheveudetuerl’amourdesavie?Mêmeenpleinedémence,ilavaitsuqu’Ellieétaitspéciale,qu’ellecomptaitplusquetout,qu’ilneluisurvivraitpas.SaprécieuseElliedonnaitunsensàsavie.Êtreavecelle,c’était la mettre en danger, mais vivre sans elle… c’était tout bonnementimpensable.—Alors,haleta-t-ellecontresapoitrine,çavalaitlecoup?Sesidéesnoiresenvolées,Ragegloussadefélicité.—Sic’estça,mesoumettre,c’estquandtuveux.—J’étaissûrequetuallaisadorer,ditEllieenluicaressantletorse.—J’adoretoutcequivientdetoi.Là-dessus,ilrenversalasituationetaplatitlafrêlehumainesoussonimmense
carcasse.Ellie le regardadans lesyeux ; ses jambesétaient toujoursenrouléesautourdelui,etsesbraspendusàsoncou.—Tun’enpouvaisplus,hein?—C’étaitsurtoutpourêtresûrquetunevaspasessayerdetelever.—Onestsoudés,là.Jenem’yrisqueraipastantquetun’aspasdégonflé.Et
puisrappelle-toicequejet’aiditl’autrefois:tuesmongrosnounours.—Aucunproblème,beauté,maiscen’estpaspourçaque jen’aipasenvie
quetutelèves.— Tu as envie qu’on reste collés ? C’est trop chou, minauda-t-elle en
l’embrassantsouslementon.J’adorequandtum’enlaces.Ilgloussa.—Te tenir dansmes bras est en effet la deuxième chose aumonde que je
préfère, mais il y a autre chose… Du retard à rattraper, par exemple. (Ilcommença à remuer en elle, d’abord au ralenti.)Voilà ce que je préfère avanttout.Elliegémit,immédiatementréceptive…maismanifestasasurprise.—Encore?Sivite?Il acquiesça tout enbaissant la tête jusqu’à ceque sa bouche lui effleure le
cou.—Encore.—Jet’aimetant,murmura-t-elle.
CHAPITRE21
—Détends-toi,ditEllie,hilare.Rage faisait les cent pas ; un grognement ténu sourdait de sa bouche
entrouverte.La jeune femme s’approcha, le saisit au vol par l’avant-bras et l’obligea à
s’arrêterdevantelle.Elleluicaressalajoue.—Toutvabiensepasser.—Toutparttoujoursensucette,tuveuxdire…Aprèsavoirpousséungrossoupir,ill’enlaçaetladévoradesyeux.—Tuessûredevouloirprocéderainsi?Briseetsescopinesm’ontditqueje
faisaisunebêtise.Ellessontconvaincuesquetum’envoudrasplustard.J’espèrequ’elles disent ça parce qu’elles ont vu trop de films ; Brisem’a fait tout unspeechsurlesfamilleshumaines,àl’entendre,ildevraityavoirplusdemonde.—Ça,pourcequiestdesfilms…c’estvraiqu’ellesenregardenttrop,etc’est
ma faute. Je leur en passe un chaque jour ou presque, histoire qu’elles enapprennentlepluspossiblesurlavraievie–enfin,façondeparler.Jesuisravie,Rage.C’est toima famille. J’aimemes parents,mais ils n’ont pas compris lavraienaturedecequinousunitquandjelesaieusautéléphone.Inutiledemevoilerlaface:quoiquejefasse,quelquesoitl’hommequipartagemavie,ilsnesontjamaiscontents.C’estàeuxd’enassumerlesconséquences.Mavieneleurplaîtpas?Tantpispoureux.Mavieestauprèsdetoi,désormais.Tuestoutpourmoi.Ragesemordillalalèvreinférieure.—Etpourcequiestdesenfants?J’aimeraistantpouvoirt’endonner…mais
j’ensuisincapable.(Sonregardétaitemplidetristesse.)Jesuisnavré.—Nelesoispas.Tuaimeraisêtrepère?Ellie eutunpincement aucœur en s’imaginantunRageminiature trottinant
dans lamaison. Elle était sûre que ce serait un bébé adorable… et tout aussicertainequecebonheur-làn’étaitpaspourelle.—Oui,beaucoup.(Il l’attira toutcontre lui.)Maisc’est toiquicomptes.Le
plusimportant,c’estquenoussoyonsensembleetjetesaisgrédem’acceptertel
quejesuis,Ellie.T’avoirauprèsdemoisuffitamplementàmonbonheur.—Moiaussi,j’aimeraisbienavoirdeuxoutroismarmots…(Elleluisourit.)
Onverracequel’avenirnousréserve.TrishaetTedsontdestoubibsdutonnerre,jelescroiscapablesdecorrigercequel’ont’afaitsubir.Etpuissinon,onpeuttoujoursadopter.Cenesontpaslessolutionsquimanquent.Aupire,mêmesansenfants,jesuiscertained’êtreheureuseavectoi.Ilhochalatête.—Çanemangepasdepaind’enparlerànosdeuxcracks,c’estvrai.C’est
bien lapremière foisque j’accueilleavecplaisir l’idéedesubirdesexamens !Jamais je n’aurais cru que cesmots-là franchiraient un jourmes lèvres, aprèstoutcequ’onm’afaitendurerencellule…Cette évocationde leur passé, des circonstancesdans lesquelles ils s’étaient
rencontrés,fitsombrerlecœurd’Ellie.—Mepardonneras-tuunjourlestortsquejet’aicausés?Ragelaregardadanslesyeux.—Laquestionneseposemêmepas.C’estdéjàfait.Tuasagidansl’unique
butdetousnoustirerd’affaire.—Merci,dit-elle,radieuse.L’Hybrideserembrunit.—Tuesbiensûrequetunevaspasregretter,pouraujourd’hui?Quec’estce
quetusouhaitesdufondducœur?Jeveuxquetoutsoitparfait.— Hé, murmura Ellie. Ne fais pas cette tête. Être avec toi me rend plus
heureuse que tout ce que j’ai connu. Combien de fois faudra-t-il que je te lerépèteavantquetuycroies?Jet’aime,grandnigaud!Situsavaisàquelpointmon cœur est près d’éclater, tu ne ressentirais pas le besoin de poser cettequestion.Jesuisabsolumentcertainequec’estexactementcequejeveux,sanslamoindrefaussenote.Parcequenoussommesensemble.Lasalledeconférencess’ouvrit.Ellietournalatête:Justiceentraavec,dans
son sillage, toute unepetite foule.Ellie sourit en découvrant plusieurs visagesfamiliers.— C’est sûr et certain, Ellie ? Ça peut attendre, nous pourrions organiser
quelquechosedeplustraditionnel.Elliecroisasonregard.—Puisquejeteledis!Peum’importeoùçaalieuetcommentc’estorganisé.— Pourvu qu’il n’y ait pas d’incident, gronda le colosse. Ni tireur fou ni
infirmièrediabolique.La jeune femme se mordit la lèvre pour se retenir d’éclater de rire : Rage
paraissaitconvaincudel’imminenced’unenouvellecatastrophe.—C’estprécisémentpourçaqu’onadécidédelefaireaujourd’hui,encomité
restreint,histoirequepeudegenssoientmisdanslaconfidence.Poursemerlechaos,encorefaudrait-ilquenosennemissoientaucourant.—J’aimetalogiqueimparable.Ellies’approchaetsehissasurlapointedespiedspourluieffleurerlelobede
l’oreilleavecleslèvres.—Etmoi,j’aimetonculetlefaitquetusoisparfaitementrétabli.Ilmetarde
qu’onseretrouvetouslesdeux.—Ellie?fitSlade.L’intéresséetournalatête.—Unepetiteseconde.Onavaituntrucàsedireenprivé.— En privé, en privé…On a tous entendu, se gaussa Slade en se flattant
l’oreille.Ouïefine,aurais-tuoublié?Heureuxd’apprendrequel’amiRagetientlasuperforme,celadit.Sesentantrougir,Ellieluiadressaunregardnoir.—Disdonc,toi,tunepourraispasfairesemblantdenerienavoirentendu?Sladeluiréponditparunclind’œilcomplice.—Oùseraitleplaisir?Tuestropmignonnequandtupiquesunfard.Rage gronda, une lueur d’avertissement dans les pupilles, tandis que Slade
allaits’asseoir.Elliesecoualatête;Ragehaussalesépaules.Unhomme aux cheveux blancs entra à son tour.Vêtu de noir, il tenait une
bible à la main. Il vint se placer devant Ellie et Rage. Son regard sévèreembrassal’assemblée.—Veuilleztousvousasseoir.Lesvoixseturent.Ellievitdelaperplexitésurunemajoritédevisages:que
sepassait-ilaujusteentrelecoupleet levieuxtypeenhabit long?Laplupartdes gens ignoraient la raison pour laquelle ils avaient été convoqués à cette« réunion » ; seuls quelques-uns riaient sous cape. Brise fit un signe à Elliedepuis le premier rang. Ellie la salua en retour, puis leva les yeux versRage.Leursdeuxregardsfusionnèrent.— Si nous sommes assemblés aujourd’hui, proclama le vieil homme, c’est
pourcélébrerl’uniondeRageNorthetd’EllieBrower.L’hommeinspira.—Attention à ce que vous dites, gronda Rage à l’attention du pasteur. Ne
demandezpassiquelqu’unauneobjectionàfaire.Ons’étaitmisd’accord.L’hommepâlitetseraclalagorge.
—Rage,acceptez-vousdeprendreElliepourépouse?—Oui.Lepasteurs’apprêtaitàpoursuivrequandRageémitunnouveaugrondement
demenace.Levieilhommehaussalessourcilsetdemandad’unevoixblanche:—Ilfautquejecoupeencore?Les yeuxmi-clos, l’Hybride grogna derechef. Ellie retint à grand-peine son
hilarité.Lepasteurseraclalagorgedeplusbelle.—Ellie,acceptez-vousdeprendreRagepourépoux?—Oui.—Jevousdéclaremarietfemme.ÀRage,avecunregardchargédecrainte:—C’étaitassezrapide,selonvous?Plusfort:—Vouspouvezembrasserlamariée.L’unionestlégalementprononcée.Rageaffichaunlargesourire.—Personnenenousenaempêchés.—Lesmécontentsn’ontpaseuletempsd’enplacerune,gloussaEllie,tendue
verslui.Embrasse-moi.Ragesepenchasurelle.Elliefermalesyeux, lecœurbattantà toutrompre.
La vie promettait de ne jamais être ennuyeuse avec son bel époux. Il pritpossessiondesabouche.Ellie,éperdue,oubliaaussitôt l’assembléequin’avaitd’yeuxquepoureux.—Ilsnesontpascenséséchangerlesalliances?murmuraDemi-portion.— Oh ça, pour ce qui est d’échanger, ils ne vont pas se priver, s’esclaffa
Slade.Maislàtoutdesuite,j’aidansl’idéequel’amiRageal’intentiondeluienfilerautrechose.Briseéclataderire.—Hmm,ilvafalloirlesséparer,ondirait…ouévacuerlasalle.Rageparaît
décidéàconclurelacérémonieparunstrip-teaseenduo.Çaleurfaitdel’effet,d’êtremariés!Justiceseleva.—Fichonslecamp,dit-ilàvoixbasse,conscientquesonpeupleavaitl’ouïe
assezfinepourentendre.Allez,autrot.Il jetaun coupd’œil aux tourtereauxqui s’embrassaient àpleinebouche au
bout de la salle. Les voir ainsi enlacés lui fit éprouver des sentimentscontradictoires.Heureuxdelessavoirépanouis, lechefdesHybridesressentait
enparallèleunpincementaucœur:connaîtrait-ilunjourpareillefélicité?Une main lui toucha l’épaule. Il s’arracha à la contemplation du couple et
croisaleregarddeTigre.—Toutlemondes’enva,murmuraTigre.Jedonnel’ordreàundenosgars
de veiller à ce que personne ne vienne les déranger. Slade s’occupe deraccompagnerlepasteur.(Ilménageaunepause.)Cesdeux-làsonttellementàcequ’ilsfontquelasallepourraitprendrefeusansqu’ilss’enaperçoivent.Justiceaccordaunderniercoupd’œilaucoupleetsouritjusqu’auxoreilles.—Allons-y.Sitôtdanslecouloir,ilrefermalaporteàdoublebattant.—J’aimeraisbienvivreçaunjour,avoua-t-il.Tigres’immobilisa,penchalatêtedecôtéetrestaunlongmomentàdévisager
Justice.—Siçametombaitdessus,jevivraisdanslatrouilledetoutperdre.Justicehochalatête.—Noussommeslibres.Toutnousestpermis,désormais,àconditionqu’onle
veuillevraiment.— Ils sont à poil et font l’amour sur une table ? s’enquit Slade en les
rejoignant.—Probablement,rétorquaTigre,hilare.L’amiJusticedevientsentimental:il
veutunenanarienqu’àlui.Pasmoi.Jevistrèsbiensans.Ettoi,mec?SladevisualisaTrishaetsonbeausourire.—Bonnequestion.Quipeutdirecequel’avenirnousréserve?
LaurannDohneragrandiavecFifiBrindacieretAlicedétective,StephenKingetAgathaChristie.Passionnéederomance,elleselancedansl’écritureaprèslalecture d’un roman médiocre, persuadée de pouvoir faire mieux. Après unepremière série de romance dans un univers de science-fiction, elle s’aventuredans lemonde de la bit-lit. Elle vit enCalifornie avec sonmari et ses quatreenfants.
MiladyestunlabeldeséditionsBragelonne
Titreoriginal:FuryCopyright©September2016
©Bragelonne2018,pourlaprésentetraduction
Photographiedecouverture:©ShutterstockIllustrationdecouverture:Anne-ClairePayet
L’œuvreprésentesurlefichierquevousvenezd’acquérirestprotégéeparledroitd’auteur.Toutecopieouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraînerdespoursuitescivilesetpénales.
ISBN:978-2-8112-2213-0
Bragelonne–Milady
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