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Extrait de "Vies et mort de la Francophonie"

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Extrait de François Provenzano de son Essai " Vies et mort de la francophonie " publié aux éditions Les Impressions Nouvelles en février 2011

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extrait

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« Réflexions faites »Pratique et théorie

« Réflexions faites » part de la conviction que la pratique et la théorie ont toujours besoin l’une de l’autre, aussi bien en littérature qu’en d’autres

domaines. la réflexion ne tue pas la création, elle la prépare, la renforce, la relance. Refusant les cloisonnements et les ghettos, cette collection est ouverte à tous les domaines de la vie artistique et des sciences humaines.

Cet ouvrage est publiéavec l’aide de la Communauté française de Belgique

et avec le concours de la fondation Universitaire de Belgique.

Graphisme : Martine Gillet

© les impressions nouvelles – 2011www.lesimpressionsnouvelles.cominfo@lesimpressionsnouvelles.com

françois Provenzano

Vies et mortde la francophonie

Une politique françaisede la langue et de la littérature

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les iMPRessions noUVelles

françois Provenzano

Vies et mortde la francophonie

Une politique françaisede la langue et de la littérature

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AVANT-PROPOS

POURQUOI LA « FRANCOPHONIE » N’A PAS D’HISTOIRE

l’objet dont il sera question dans les pages qui suivent semble autant nimbé d’une vague évidence que dépourvu d’histoire. la « francophonie » est sans doute l’une de ces rumeurs indistinctes qui « disent quelque chose » à l’homme de la rue. Cependant, les discours et les institutions qu’évoque la « francophonie » n’ont pas encore vraiment fait l’objet d’une enquête historique qui s’emploie à les articuler à d’autres ensembles d’institutions et de discours et permette ainsi d’en comprendre les implications profondes dans les pratiques et les imaginaires collectifs.

Certes, la «  francophonie  » a été maintes fois dotée d’une forme d’historicité. Comme tout mouvement cherchant à imposer son évidence idéologique et sa nécessité institutionnelle au monde social, le projet «  francophone » s’est cherché des pionniers, des précurseurs, des continuateurs, des figures jalons. on ne compte plus les panoramas rétrospectifs proposés dans les ouvrages sur la « francophonie », qui détaillent les différentes « étapes » de la construction « francophone », tout en proposant une visée pros-pective sur les développements du projet ou sur son ajustement aux mutations du monde contemporain. or faire l’historicité n’est pas faire l’histoire. au contraire, les effets d’historicité opèrent souvent comme des formes de sabotage du travail historique, dans la mesure où ils balisent de manière contraignante les parcours de lecture du passé et les mettent au service d’une lecture de l’avenir.

la difficulté d’enquêter historiquement sur la «  francopho-nie » tient également au fait qu’elle a finalement peu marqué de son empreinte le cours des événements : malgré ce que soutiennent ses plus ardents défenseurs, on peut raisonnablement considérer que ni le rassemblement « francophone » ni les « penseurs » de la « fran-

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cophonie » n’ont infléchi lourdement le processus historique qui a caractérisé la seconde moitié du xxe siècle. Comme le regrettait déjà amèrement et rétrospectivement l’un de ses premiers promo-teurs, Jean-Marc léger, la consistance de la « francophonie » est, pour l’essentiel, discursive ; jusqu’au trop-plein :

J’éprouve à parler de francophonie désormais un malaise crois-sant en même temps qu’un sentiment d’accablement. […] on n’en finit plus de faire les mêmes constats, de concevoir des mesures de redressement et des plans d’action, de réfléchir mille fois sur les mêmes thèmes, de rééditer les mêmes en-quêtes, les mêmes groupes de travail, les mêmes séminaires et colloques. D’où une constante inadéquation entre l’immense effort de réflexion et de proposition consenti depuis un quart de siècle et la minceur des résultats enregistrés.1

il s’agira donc moins de traquer des faits que de souligner des migrations conceptuelles, des permanences énonciatives, des mutations argumentatives qui, si elles relèvent de ce que Michel foucault a appelé « l’ordre du discours »2, n’en sont pas pour autant dépourvues d’efficace sociale. en particulier, dans le domaine de la littérature – ou plutôt, de la métalittérature, puisque c’est essen-tiellement de cela dont il va s’agir ici –, nous soutiendrons que les discours peuvent structurer fortement les pratiques, non seulement de connaissance, mais aussi de production et de consommation des biens culturels qui forment une littérature. autrement dit, cet ouvrage se propose d’analyser les discours sur la « francophonie » en tant qu’ils dessinent toute une politique de la littérature, en permanente évolution.

Cette politique de la littérature a notamment pour carac-téristique de mêler, voire de confondre, les différents terrains institutionnels où elle est susceptible de s’actualiser. en effet, si la « francophonie » a, jusqu’à présent, semblé échapper à toute forme

1 Jean-Marc léger, La Francophonie : grand dessein, grande ambiguïté, préface de Monsieur l’ambassadeur Bernard Dorin, Paris, nathan, 1987, pp. 189-190.2 Michel foucault, L’Ordre du discours, Leçon inaugurale au Collège de France pro-noncée le 2 décembre 1970, Paris, Gallimard, 1971.

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PoURQUoi la « fRanCoPHonie » n’a Pas D’HistoiRe

d’appréhension historique, c’est sans doute aussi parce qu’elle innerve plusieurs secteurs du discours social, bref connaît plusieurs inscriptions historiques : tant l’histoire des institutions politiques, l’histoire des productions culturelles (et singulièrement de la lit-térature), que l’histoire des savoirs sur ces productions culturelles et que l’histoire de la répartition académique de ces savoirs sont, d’une manière ou d’une autre, concernées par la « francophonie ». la première tâche qui s’offre à nous est donc de démêler chacune de ces séries historiques et de distinguer les enjeux qui se trouvent de facto étroitement enchevêtrés : la quête d’une « francophonie » littéraire s’éclaire à la lumière du projet de la « francophonie » poli-tique et s’actualise plus souvent sur le terrain académique que sur celui proprement littéraire.

Ce sont les avatars successifs de ces divers enchevêtrements que s’emploie à décrire et à analyser le corps central de cet ouvrage. Projet institutionnel porté par des justifications culturelles, la «  francophonie  » connaît une sorte de préhistoire avec les pre-miers travaux sur ce qu’on appelait jadis la « littérature française à l’étranger », puis jusqu’il y a peu la « littérature française hors de france  ». C’est à l’invention des périphéries qu’on assiste alors, avec la mise en place des premiers cadres institutionnels et rhétori-ques pour en rendre compte. la donne change considérablement au moment des décolonisations et la « francophonie » émerge à la fois comme une forme acceptable de nouvelle diplomatie cultu-relle et comme une extraordinaire arme de résistance identitaire contre l’influence anglo-saxonne. Quelques décennies plus tard, l’appareil francophone est solidement mis en place et contribue lui-même à la production d’un savoir académiquement certifié, mais sur des objets et selon des valeurs qui s’imposent de l’exté-rieur au champ culturel.

au final, on peut lire les pages qui suivent comme un plai-doyer pour une nouvelle historiographie de la « francophonie ». le maintien du singulier du mot peut étonner a priori : les lignes qui précèdent ont en effet déjà pu laisser entendre que notre démarche consiste entre autres à multiplier les points de vue sur un phéno-

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mène qui se donne comme un élan unique et univoque. Cela dit, notre hypothèse veut que cet agrégat de discours et d’événements se laisse malgré tout appréhender comme une totalité historique et rhétorique, présentant des constantes dans les contextes où elle s’actualise, dans les acteurs qui y prennent part, comme dans les types de discours qui la composent. la métaphore vitaliste utilisée dans le titre entend rendre compte, de manière certes caricatu-rale et forcée, de l’unité d’un objet qui a vécu sous de multiples formes. notre singulier de « francophonie » ne s’oppose donc pas à la conception pluraliste de la culture en langue française ; il se situe simplement sur un autre plan pour désigner une vaste forma-tion discursive au sein de laquelle ont pu précisément s’affronter ou se succéder des conceptions essentialistes, pluralistes, etc., de la «  francophonie  ». Celle-ci a donc connu plusieurs vies, mais tend aujourd’hui à s’éteindre définitivement. C’est le parcours vers cette mort – toute relative, comme on le verra – que nous souhai-tons retracer dans les pages qui suivent.

À ce propos, le lecteur ne manquera pas de contester cer-tains choix de périodisation ou souligner les ellipses qui trouent le compte rendu des différentes évolutions décrites. face à l’abon-dance de la matière brassée par notre problématique, nous avons dû nécessairement opérer des éclairages ponctuels, qui sont autant d’exclusions critiquables. Cela étant dit, l’ambition de cet ouvrage n’est pas seulement de présenter un ensemble de faits, fût-ce sous un éclairage nouveau. il nous semble en effet que l’historiographie que nous proposons peut être connectée à d’autres enjeux.

D’abord, elle repose sur une modélisation du discours métalit-téraire, considéré non plus seulement pour sa valeur documentaire, mais en tant qu’objet d’investigation à part entière. en cela, elle rencontre les préoccupations actuelles de bon nombre de cher-cheurs en littérature3. ensuite, elle entend contribuer au chantier théorique et épistémologique qui anime aujourd’hui les études

3 Voir notamment les travaux de luc fraisse, ainsi que le projet de recherche inter-national sur « l’histoire littéraire des écrivains », hébergé sur le site fabula.

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PoURQUoi la « fRanCoPHonie » n’a Pas D’HistoiRe

francophones. nous considérons en effet que cette réflexion ne peut faire l’impasse sur les héritages légués par les discours sur la « francophonie » et sur les «  littératures francophones ». il nous semble particulièrement indiqué de prendre en considération les conditions dans lesquelles a émergé un discours spécialisé et de scientificité sur ces objets. enfin, cette historiographie de la « fran-cophonie  » ne peut manquer de faire écho aux ultimes avatars idéologiques qui définissent la ligne politique dominante dans la france de nicolas sarkozy. À l’heure où le mot « francophonie » tend à s’effacer progressivement de la rumeur politique – au profit d’un retour à l’« identité nationale » et aux valeurs de la « civilisa-tion » – il est sans doute temps de saisir l’historicité des discours qui l’ont porté au devant de la scène publique hexagonale.

Dans la suite de l’ouvrage, nous utilisons le mot francophonie entre guillemets et avec minuscule pour désigner, par synecdoque généralisante et par commodité, un phénomène – ou un agrégat de phénomènes – touchant aux dimensions aussi bien institution-nelles que discursives du projet de rassemblement des pays « de langue française », quelle que soit son inscription historique. Par Francophonie (sans guillemets et avec majuscule), nous désignons l’alliance diplomatique contractée par les membres de l’actuelle organisation internationale de la francophonie. enfin, le terme de francodoxie fera l’objet d’une explicitation justifiant son usage pour renvoyer à ce qui doit constituer selon nous l’objet même de la nouvelle historiographie défendue ici, à savoir les matrices rhé-toriques (le stock d’arguments, de figures, de représentations, de manières de dire) qui génèrent les discours d’évidence et d’autorité, tantôt sur la « civilisation française », tantôt sur la « francopho-nie  », tantôt encore sur l’«  identité nationale  » – derrière notre singulier de « francophonie », ce sera donc souvent ce terme fran-codoxie qu’il faudra lire.

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CHAPITRE I

LES HISTOIRES EN JEU

Histoire des institutions politiques

C’est sur l’histoire des institutions politiques et diplomatiques internationales que l’on greffe le plus spontanément la «  fran-cophonie ». nous n’entreprendrons pas ici le rappel détaillé des multiples épisodes de « l’aventure francophone » en tant qu’élabo-ration progressive des relations institutionnelles privilégiées entre les pays « ayant en commun l’usage du français », selon la formule de la première « Conférence des chefs d’état et de gouvernement ayant en commun l’usage du français  », qui eut lieu à Paris en 1986 : comme on l’a dit, le moindre ouvrage sur le sujet reproduit la narration des événements.

il est cependant utile d’avoir à l’esprit que les premiers pro-moteurs d’une alliance – culturelle, économique, politique – des pays de langue française sont les dirigeants d’états africains à peine sortis de la période coloniale.

Certes, il y eut bien, avant les indépendances, ce qu’on peut appeler une « (proto-)franco phonie » ; à savoir un agrégat de peti-tes instances faisant office de relais culturels entre la métropole hexagonale et les zones du globe où la france entendait maintenir ou renforcer sa présence symbolique. l’alliance française, créée en 1883 et reconnue d’utilité publique en 1886, est certainement la plus ancienne et la plus importante de ces instances, qui sont fréquemment convoquées par les historiens de la « francophonie » soucieux de souligner l’ancienneté du projet «  francophone  ». Thierry de Beaucé, par exemple, dira de l’alliance française « [qu’ e]lle a apporté à la diplomatie un utile relais, un renouvellement des contacts. le monde industriel l’a considérée dès l’abord comme un instrument efficace de présence. […] on n’a pas fait

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mieux depuis »1. si, à l’instar de l’alliance française, ces instan-ces satellites et pionnières peuvent entretenir parfois des rapports étroits avec le personnel ou les discours de la « francophonie », leur poids politique spécifique est cependant difficilement mesurable. Par ailleurs, leur décentrement chronologique rend un peu ban-cale leur intégration dans ce panorama.

Reprenons donc au début des années 1960, au moment où le sénégalais léopold sédar senghor, le nigérian Hamani Diori et le tunisien Habib Bourguiba multiplient les appels du pied à la france pour que celle-ci concrétise sur le plan institutionnel intergouvernemental ce fameux « humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre  : cette symbiose des “énergies dormantes” de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur cha-leur complémentaire »2. autrement dit, les anciennes colonies de la france conçoivent leur entrée sur la scène politique internatio-nale par le biais d’une formule poético-culturelle censée activer la coopération avec l’ancienne mère-patrie et, partant, avec d’autres partenaires potentiels.

À cet appel africain, la france gaullienne fera d’abord la sourde oreille. les seules convergences entre la métropole et les anciennes colonies qui se manifestent alors sur ce projet se situent aux plans linguistique et culturel. le sentiment de menace d’une perte de rayonnement ressenti par certaines élites françaises dans le contexte de la guerre froide rejoint l’urgence pour les pays africains de pren-dre pied sur le terrain de la modernité. Reste que le Général de Gaulle demeure très réticent à l’idée d’un rapprochement politique manifeste et multilatéral, qu’on pourrait taxer de néo-colonialisme et auquel l’opinion publique hexagonale n’est pas préparée 3.

1 Thierry de Beaucé, Nouveau discours sur l’universalité de la langue française, Paris, Gallimard, coll. « le monde actuel », 1988, p. 118.2 léopold sédar senghor, « le français, langue de culture  », Le français, langue vivante, Esprit, no 311, novembre 1962, pp. 837-844 ; p. 844.3 sur de Gaulle et l’initiative francophone, voir Christian Philip, « l’institutionna-lisation de la francophonie », Revue de droit public et de science politique, no 1, 1984, pp. 47-76.

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les HistoiRes en JeU

Dès lors, la construction institutionnelle de la « francopho-nie » prendra deux voies nettement disjointes au départ : la mise en place d’accords intergouvernementaux entre pays africains et la poursuite d’une politique linguistique expansionniste de la part de la france. D’un côté, avec la mise en place de l’Union africaine et Malgache en 1961 (elle deviendra l’organisation Commune africaine et Malgache en 1965), les états d’afrique noire et de Madagascar resserrent leurs liens économiques, militaires, diplo-matiques et soulignent leur convergence culturelle sous le signe du français, dans la perspective d’un élargissement de leur coopération à la france et aux autres pays « francophones » industrialisés. De l’autre, l’ancienne métropole renforce ses instruments de contrôle de la langue nationale, en créant, en 1965 et sous l’autorité de Georges Pompidou, le Haut comité pour la défense et l’expansion de la langue française. il s’agit bien, affirme Christian Philip à propos de ce dernier, « d’une institution française dont l’objet est uniquement linguistique ». en effet, « aucune référence explicite ne permet de croire que l’on a voulu inscrire ce Haut Comité dans le mouvement pour la francophonie »4, même si la plupart des historiens postérieurs prendront soin de connecter ces deux voies disjointes : xavier Deniau, par exemple, regroupe parmi les « divers types d’actions francophones » propres à «  l’époque des propositions (1965-1967) » à la fois la « création en france d’un Haut Comité pour la Défense et l’expansion de la langue fran-çaise » et « en afrique », la mise en place de l’oCaM5.

or, à ce moment, la france conçoit son action politique comme chevillée à son expansion culturelle, deux entreprises qu’elle entend gérer unilatéralement – comme l’exprime clairement cet extrait du « second plan quinquennal d’expansion culturelle de la france, 1964-1968 » :

4 Ibid., p. 57.5 xavier Deniau, La Francophonie, Paris, PUf, coll. « Que sais-je ? », 5e éd., 2001 (1re éd. : 1983), pp. 50-51.

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l’expansion de sa langue, le rayonnement de sa culture et de ses idées, l’attrait de sa littérature, de sa science, de sa techni-que et de son art, la valeur de ses méthodes de formation des hommes, constituent pour la france, par l’influence qu’elle exerce grâce à eux, des moyens d’action essentiels de sa politi-que étrangère. l’action culturelle est étroitement liée à l’action politique qu’elle précède, qu’elle appuie et qu’elle complète.6

Cependant, une autre minorité « francophone » entend, elle aussi, assurer son émergence sur la scène internationale en cette seconde moitié du xxe siècle. sorti transformé de sa « Révolution tranquille », le Québec se pose en partenaire potentiel de la nou-velle donne diplomatique appelée de leurs vœux par les africains et, par sa situation culturelle particulière, contribue à donner un large écho à la thématique « francophone » en tant que nouvelle manière de définir les peuples linguistiquement minoritaires.

le célèbre voyage entrepris par le Général de Gaulle au Québec en 1967 apparaît alors comme le signe manifeste que la france a enfin pris la mesure de l’importance des minorités « fran-cophones » dans l’équilibre géopolitique mondial. en proclamant « Vive le Québec libre ! », le Général ouvre un espace diplomati-que qui échappe à la souveraineté du gouvernement central et qui repose sur une connivence a priori purement culturelle, elle-même fondée sur un arriéré historique commun. Dès lors, le Québec devient partie prenante des structures administratives déjà en place, qui assuraient une coopération bilatérale entre la france et ses anciennes colonies, telles la ConfeMen (Conférence des Ministres de l’éducation nationale des pays de langue française ; créée dès le début des années 1960, le Québec s’y joint à partir de 1968) ou la ConfeJes (Conférence des Ministres de la Jeunesse et des sports, mise en place en 1970).

6 Cité par Yves tavernier, Du global à l’universel. Les enjeux de la francophonie, Paris, assemblée nationale, coll.  «  les documents d’information de l’assemblée nationale », no 2592, 2000, pp. 73-74.

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les HistoiRes en JeU

[…]

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table des matières

aVant-PRoPospoUrQUoi la « francophonie » n’a pas d’histoire 5

CHaPitRe i les histoires en JeU 11

Histoire des institutions politiques 11Histoire littéraire 29Histoire des savoirs sur les productions culturelles 40

la filière centrale 40la question des périphéries et le développement des « études francophones » 42

Histoire académique 49

CHaPitRe ii QU’est-ce QUe la francodoxie ? 55

Un discours métalittéraire 55Un objet d’archéologie 57Une portion du discours social 59Un corpus, d’onésime Reclus à nicolas sarkozy 64

CHaPitRe iiiproto-francodoxie 71

la francodoxie avant onésime Reclus 71Pierre-andré sayous, ou la france à l’étranger 72Virgile Rossel, ou la naissance des périphéries 77

le profit des succursales 78l’effet normatif des métaphores 81Que faire de la misère institutionnelle ? 83le révélateur linguistique 87le point de vue du centre 89

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CHaPitRe iV explorations pÉriphÉriQUes 93

onésime Reclus, explorateur de la « france intégrale » 93Cadres francodoxes en formation (institutions et énonciations) 99

le poète contre le savant 99la francodoxie en congrès : entre science et propagande 100les progrès de l’érudition universitaire… 106… et de son escorte officielle 108

Ressources rhétoriques 110ethos : la raison, l’action, l’objection 110Métaphores : finance, famille, travail et botanique 117Concepts : vers une sociologie de la domination littéraire française 120

Complexes idéologiques 126Paternalisme, universalisme, monologisme 126langue et littérature : dépolitisation, déshistoricisation 129

CHaPitRe V le paradiGme dÉcolonial 137

avant les décolonisations, la négritude : sartre francodoxe ? 137la « guerre culturelle » aura-t-elle lieu (après René étiemble) ? 143

Profils de combat 144Phobies francodoxes 149obséder ses alliés 152

La langue, et au-delà 152L’« alliance francophone » : un triple défi rhétorique 154La vertu littéraire 159

l’élite française et la modernité 162

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la « francophonie » comme engagement (autour d’esprit) 166ethos et argumentaire de l’engagement francodoxe 166impasses métalittéraires 171

la « francophonie » pour mémoire (avec auguste Viatte) 173le service historiographique minimum (auguste Viatte, 1958) 174la « francophonie » en monographie (auguste Viatte, 1969) 179Thésauriser/théoriser 187

CHaPitRe Vi l’appareil francophone et la prodUction d’Un saVoir francodoxe 193

systématisation de l’hégémonie francodoxe 193Gaullistes, énarques et outsiders 194l’ethos de l’honnête homme 196Une rhétorique compilatoire et historico-mythique 200

Compiler 200Refaire l’histoire 202Le « francophone » seul contre tous 203Poétiser l’avenir 210

l’universalisme reloaded 211Le virage pluraliste et la redéfinition de l’« universalité » en « universel » 211Une realpolitik francodoxe ? 214Une idéologie métalittéraire d’appareil 215

Quel « savoir francophone » possible ? 220sur la politique francophone 220la perspective anthologique 223les histoires problématisées 225l’ambition comparatiste 230

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l’« écrivain francophone » selon le paradigme de la subalternité 235

ConClUsions et RelanCes poUr Une ÉtUde des reprÉsentations mÉtalittÉraires 243

les deux rhétoriques de la francophonie 243études francophones : dissolution pour une renaissance 247

BiBlioGraphie 259index thÉmatiQUe 273index des noms 277

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Ouvrage paru en février 2011

La « francophonie » fut un aspect clé de la politique culturelle de la France, voire de sa politique tout court. Mais le terme est vague, s’est prêté à de nombreux usages et à de multiples interprétations, a suscité autant de passions que d’agacements, tandis qu’il semble aujourd’hui évincé par le discours sur l’identité nationale. Le présent ouvrage dresse le constat de cette « mort » et parcourt les différentes « vies » qui la précèdent.

En particulier, l’auteur livre une image sans fard des discussions sur les littératures en langue française écrites en d’autres pays que la France, de la Belgique à la Suisse, du Maghreb au Québec, en proposant un double parcours. Historique d’abord : le livre examine l’origine et les avatars du concept de francophonie, chez des auteurs comme Remy de Gourmont, Jean-Paul Sartre ou Léopold Sédar Senghor. Critique et politique ensuite : à chaque étape, l’auteur éclaire ces discours sur la langue et la littérature d’une lumière qui en révèle les présupposés, les enjeux profonds et les implications idéologiques, depuis les ouvrages du géographe Onésime Reclus, qui accompagnent les débuts de l’entreprise coloniale française, jusqu’au fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy en 2007.

DIFFUSION/DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDIEAN : 9782874491085ISBN : 978-2-87449-108-5288 PAGES - 20 €

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