22
Extrait de la publication

Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

Extrait de la publication

Page 2: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

É

Extrait de la publication

Page 3: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

L’ÉCHO DE NOS VOIX

É

Extrait de la publication

Page 4: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

DU MÊME AUTEURPOÉSIE

Sur le lac Clair, Sudbury, Prise de parole, 2001.L’Autobus de la pluie (Poèmes 1973-1986), Sudbury, Prise de

parole, 2001.La Veuve rouge, Sudbury, Prise de parole, 1986.Souvenances, Sudbury, Prise de parole, 1979.En attendant, Sudbury, Prise de parole, 1976.«Apprentissage» in Lignes-Signes, Sudbury, Prise de parole,

1973.

ROMANS ET NOUVELLES

Le Langage des chiens, roman, Sudbury, Prise de parole, 2002.Le Nickel Strange, roman, Montréal, Trait d’union, 2000.Souvenir de Daniel, nouvelle, Hearst (Ontario), Le Nordir, 1995.

AUTRES PUBLICATIONS

«Les origines de la littérature franco-ontarienne», in Canada:rupture et continuité / Canada: Rupture and Continuity,Bélanger, Damien-Claude et al., (dir.), Montréal, Institutd’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196,2002.

Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire demaîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1999.

Prendre la parole. Le journal de bord du Grand CANO, essai,Hearst (Ontario), Le Nordir, 1996.

«Genèse d’éditions francophones en Ontario», Revue du Nouvel-Ontario. Littérature sudburoise : Prise de parole 1972-1982,Sudbury, L’Institut franco-ontarien, p. 1-20, 1982.

É

Extrait de la publication

Page 5: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

Gaston Tremblay

L’ÉCHO DE NOS VOIX

Conférences

Prise de paroleSudbury, 2003

É

Extrait de la publication

Page 6: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

Données de catalogage avant publication (Canada)

Tremblay, Gaston, 1949-L’écho de nos voix / Gaston Tremblay.

Comprend des réf. bibliogr.ISBN 2-89423-161-X

1. Littérature canadienne-française — Ontario — Histoire et critique.2. Littérature canadienne-française — 20e siècle — Histoire et critique.3. Éthier-Blais, Jean, 1925-1995 — Critique et interprétation. 4. Paiement,André, 1950-1978 — Critique et interprétation. 5. Dickson, Robert, 1944-— Critique et interprétation. I. Titre.

PS8131.O6 T73 2003 C840.9’9713’09045 C2003-904889-6

En distribution au Québec : Diffusion Prologue1650, boul. Lionel-BertrandBoisbriand (QC) J7H 1N7450-434-0306

Prise de parole est une maison d’édition ancréedans le nord de l’Ontario, engagée dans lacréation, la production et la promotion d’unelittérature canadienne-française.

La maison d’édition bénéficie de l’appui du Conseil des Arts del’Ontario, du Conseil des Arts du Canada, de Patrimoine Canada(Programme d’appui aux langues officielles et Programme d’aideau développement de l’industrie de l’édition) et de la Ville duGrand Sudbury.

Photographies en page couverture et de l’auteur : André TremblayConception de la couverture : André Tremblay

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptationréservés pour tous pays.

Copyright © Ottawa, 2003Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) CANADA P3E 4R2 www.prisedeparole.ca

ISBN 2-89423-161-X (Papier) ISBN 978-2-89423-626-0 (PDF)

É

Prisedeparole

Page 7: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

Je suis poèteJe suis poète

Je n’ai jamais écrit de poésieMais… je suis poète

André PaiementJournal intime, le 14 septembre 1973

É

Page 8: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

É

Extrait de la publication

Page 9: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

7

EN GUISE DE PRÉFACE ET DE POSTFACE

La dernière chose qu’un écrivain veut entendre, c’estl’écho de sa propre voix qui résonne dans le vide.C’est pourtant une des caractéristiques de la littéra-ture du vacuum, celle dont le public est si clairseméet le roc du mur linguistique qui la sépare de lamajorité si dense que la réverbération de la paroletient lieu de réception. Là où l’écrivain a l’impres-sion de parler seul dans le vide malgré la fouled’anglophones qui le presse. Ce thème hante la poé-sie de Patrice Desbiens, c’est peut-être le sensprofond de L’Homme invisible / The Invisible Man, lerécit / story d’un écrivain dont la langue est tellementminoritaire qu’il est plutôt aphone que francophone.Comme un homme qui crie dans le désert, comme unsous-marin submergé dans l’eau il écrit, il chante, iljoue des rôles sans être compris par la très grandemajorité de ses concitoyens et même par la très petiteminorité de ses compatriotes.

«“…!” says the invisible man…»Que la langue de l’Homme invisible soit incom-

préhensible n’abolit pas pour autant sa poésie, carl’écho de sa parole résonne malgré l’adversité.

Il fut un temps où il suffisait de marcher quelquesheures dans les collines noires du massif calciné deSudbury pour découvrir une oasis verdoyante aufond d’un vallon. Ce n’est pas autour d’un pointd’eau que fleurissaient ces jardins, mais plutôt à

É

Extrait de la publication

Page 10: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

8

l’abri des nuages sulfureux qui s’abattaient réguliè-rement sur la région. Depuis, les choses se sontaméliorées, la ville s’est faite une nouvelle image, lesmodules lunaires ne broient plus sous leurs chenillesla rocaille sudburoise et, surtout, la nature reprendlentement le dessus sur la désolation. Des oasis natu-relles et sociales se développent et se structurent, àSudbury comme partout ailleurs en province, tels desîlots francophones dans une mer de sable et de roc.

L’Ontario français, cet archipel fragile, n’estqu’un chapelet d’îlots accueillants, tous aussi richeset chaleureux les uns que les autres. Malgré tout, laculture française pousse en cette terre anglaise, là oùles artistes doivent porter sur leurs épaules les es-poirs d’un peuple qui résiste à l’assimilation. Dansces circonstances, la poésie tient lieu de célébration,si ce n’est que pour créer un espace francophone,sinon réel du moins virtuel. Seraient-ils les ultimesporteurs du flambeau franco-ontarien, aussi éphé-mères et essentiels que les lucioles d’un soir d’été?Comme André Paiement, dans la mort aussi bien quedans la vie, les poètes du vacuum sont remarquables,remarqués et même marquants, ils n’ont qu’à seprésenter dans les coulisses de l’adversité pour naître,pour être, pour vivre intensément, si ce n’est quepour éclairer un instant ceux qu’ils aiment. C’est cequ’André Paiement affirmait en déclarant qu’il étaitpoète même s’il n’avait jamais écrit de poésie.C’était pour lui un état d’être qu’il ressentait viscéra-lement, même s’il n’a pas eu l’occasion d’écrire de lapoésie.

Si j’ai longtemps hésité avant d’entreprendre larédaction de Prendre la parole, le journal de bord dugrand CANO, il en fut tout autrement pour le cyclede La littérature du vacuum que je lance aujourd’hui.

É

Extrait de la publication

Page 11: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

9

Le deuxième est l’écho du premier, car en concluantmon premier essai au sujet de la littérature franco-ontarienne, j’étais hanté par la résonance de notreparole. Certes, nos voix témoignaient de notre exis-tence, mais la réverbération ambiante trahissaitl’espace qui nous entourait et le roc nous renvoyaitinéluctablement l’écho de notre parole. Au-delà del’exiguïté, je pressentais déjà le dynamisme du va-cuum: celui qui vous emporte, qui vous happe etmême qui vous ravit. Exaltants pour certains, lesgrands espaces sont une source d’angoisse pourd’autres : pour ceux qui sont suspendus dans le va-cuum, les nues sont si près de l’abîme. En témoignele destin tragique d’André Paiement, celui qui im-plose dans le vacuum.

Je ne saurais prendre la parole sans remercierFrançois Paré qui, comme Robert Dickson, a com-pris que c’est en embrassant une culture qu’on ladécouvre. C’est en toute amitié que j’explore leslimites de son «exiguïté» et que je me permets d’êtrel’écho de sa parole. Cela me rappelle le poème «En unephrase nombreuse» de Gaston Miron et, vaguement,la lune qui reluit sur le lac Clair. C’est au repos, dansla nature, que nous comprenons que nous ne sommesque des feux-follets qui cherchent à abolir la distancequi nous sépare les uns des autres, des hommes quiempruntent le pont couvert qui nous mène inélucta-blement à l’autre. À l’instar de François Ouellet et deFrançois Paré, je dirais que la littérature peut et doitêtre des Traversées, des renaissances, des regards surl’avenir. Elle est aussi l’instrument oratoire de notreculture car, avant de s’écrire, notre littérature agermé dans l’oralité.

J’ajouterais qu’elle a surtout baigné dans l’amitié,et heureusement, car à Sudbury la littérature a été

É

Extrait de la publication

Page 12: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

10

avant tout un collectif. Un peu partout en province,d’autres groupes ont emboîté le pas, non pour émulernos exploits, mais bien pour adopter notre manièrede faire les choses : comme il se doit, ils se sontregroupés pour former leur propre chapelle.

Depuis toujours, dans le Nouvel-Ontario, la litté-rature se conjugue au pluriel. Michel Dallaire, un deschefs de file de la deuxième génération d’écrivainssudburois a écrit :

se laisser habiter par l’Autreaccueillir sa solitudeson silence peuplé d’espoirsle désir fou et simple et magique.

J’ai entendu ce poème pour la première fois en 1998,au vingt-cinquième anniversaire de la Nuit surl’étang. Les membres de la troupe de l’UniversitéLaurentienne le récitaient comme un mantra. La voixdu poète décuplée par celles des comédiens prenaitalors son envol dans le crescendo de la mise enscène. Texte, musique, oralité, amitié : ce sont lesprincipaux ingrédients «de l’avenir possible» dontparle Robert Dickson dans son poème Au nord denotre vie.

Du singulier au pluriel, voilà la formule pourabolir le silence; ce principe est le fondement del’institution littéraire en Ontario comme ailleurs. Au-delà de nos humbles débuts, c’est dans la pluralitéque nous avons trouvé la pérennité, c’est grâce auchœur de nos voix littéraires que nous avons meubléle silence… et le vacuum.

Célébrer nos origines, célébrer notre réalité, sifragile soit-elle, voilà pourquoi j’ai choisi de donnerces conférences et de les rassembler dans ce recueil.Le texte principal de La littérature du vacuum étant

É

Extrait de la publication

Page 13: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

11

encore sur le métier, je vous présente aujourd’hui unpremier écho de ce qui se prépare pour souligner àma manière le trentième anniversaire de Prise deParole, le quinzième du Nordir et la présence de tousles «autres».

GASTON TREMBLAY

Écrivain en résidenceUniversité Queen’s

Kingston, automne 2003

É

Extrait de la publication

Page 14: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

12

É

Page 15: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

13

LA LITTÉRATURE DU VACUUM

Les origines de la littératurefranco-ontarienne

É

Extrait de la publication

Page 16: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

14

Cette conférence a été donnée pour la première fois lors ducolloque «Canada: rupture et continuité / Canada: Ruptureand Continuity» à l’Institut d’études canadiennes de l’UniversitéMcGill à Montréal, le 14 mars 2002. Par la suite, l’auteur l’aprésentée au colloque annuel de l’Association des littératurescanadiennes et québécoises au Congrès des sociétés savantes àToronto, le 2 mai 2002 et, ensuite, dans le cadre des conférencesdu mardi du Département d’études françaises de l’UniversitéQueen’s, le 26 novembre 2002. Enfin, l’auteur a été invité à enprésenter une version remaniée qui incluait une typologie desécrivains franco-ontariens aux Conférences des jeunes cher-cheurs à l’Université de Montréal, le 14 mars 2003.

La première version de cette conférence a été publiée sous letitre «Les origines de la littérature franco-ontarienne», inCanada: rupture et continuité / Canada: Rupture and Continuity,Bélanger, Damien-Claude et al. (dir.), Montréal, L’Institutd’études canadiennes de l’Université McGill, 2002, p. 185-196.

É

Page 17: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

15

La littérature franco-ontarienne est un phénomènenouveau, un phénomène qui date des années soixante-dix et dont nous ne pouvons retracer les originesau-delà de sa naissance, car elle se distingue de tout cequi la précède. Certes, elle partage le même tronc queles autres littératures françaises du Canada mais, con-trairement à la littérature québécoise, elle n’est pasl’héritière de l’institution littéraire canadienne-française. Au moment de la rupture qui survient lorsde l’éclatement du Canada-Français1, la plupart desécrivains habitent au Québec et presque toutes lesinstances de reproduction et de reconnaissance sontsituées dans cette province; donc, le passage de lalittérature canadienne-française à la littérature qué-bécoise ne déplace personne, ce n’est qu’unequestion de redéfinition des limites du champ litté-raire. Ce réaménagement se fait progressivement :premièrement, la sphère restreinte2 exclut les auteurs

1 Nous retenons cette graphie, car nous considérons que ni l’un ni l’autrede ces noms propres n’est l’épithète de l’autre. De plus, nous ajoutons letrait d’union parce que ce nom composé représente un type d’homme,une société et une littérature spécifiques. Évidemment, il en va de mêmepour l’adjectif qui retient le trait d’union.2 Selon Jacques Dubois et Pierre Bourdieu le champ littéraire serait di-visé en deux sous-champs ou encore mieux en deux sphères : une sphèrede grande production qui, pour des raisons de rentabilité, tend à satis-faire les besoins du grand public, elle est donc hétéronome; et une sphèrede production restreinte qui, pour des raisons esthétiques, tend à satis-faire un public restreint formé de littérateurs initiés, elle est donc refer-mée sur elle-même et autonome.

É

Extrait de la publication

Page 18: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

16

hors Québec3 qui ne veulent pas se rallier à l’idéolo-gie dominante et, ensuite, la sphère de grandeproduction met systématiquement en valeur laquébécitude des écrivains pour mieux pénétrer le mar-ché du Québec qui s’intéresse désormais à lalittérature québécoise.

L’éclatement des institutions sociales canadiennes-françaises, après la Révolution tranquille et les Étatsgénéraux de 1967 et 1969, crée un tel vide dans lesrégions limitrophes que la nouvelle garde franco-ontarienne s’inscrit dans le courant contre-culturelnord-américain plutôt que d’appuyer ou de contesterles institutions dominantes qui se recentrent alors surle Québec moderne. Ce premier mouvement d’iden-tification à la contre-culture est suivi d’un retour auxsources, mais il se fait alors par le biais du patri-moine régional plutôt que par l’exploitation dupatrimoine littéraire canadien-français traditionnel.C’est donc, après une double rupture, dans un va-cuum institutionnel et idéologique que la littératurefranco-ontarienne se développe et c’est ce que nousvoulons retracer.

Dans la mouvance de la Révolution tranquille duQuébec, la Révolution sereine4 dans le Nord de l’Ontario3 En autant qu’il soit permit de parler des deux sphères dans le contextede notre «petite» littérature canadienne, nous constatons que la sphèrerestreinte s’est politisée pendant la Révolution tranquille et que le néo-nationalisme québécois est devenu monnayable dans les années soixante-dix. À la fin des années soixante, la maison Leméac était beaucoup plusdirigée vers le grand public qu’aujourd’hui, elle lance donc une nou-velle collection grand format de «Roman québécois» dans laquelle estpublié Les pays étrangers de Jean Éthier-Blais dont nous reparlerons auchapitre suivant.4 L’expression est de Pierre Bélanger, le chef de file du mouvement artis-tique CANO qui se forme pendant les répétitions de Moé j’viens du Nord,’stie à l’automne de 1970. Elle témoigne de l’inquiétude des Franco-Ontariens devant la révolution «tranquille» des Québécois. Minoritaires,

É

Extrait de la publication

Page 19: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

17

s’inscrit dans le renouveau et, pour les jeunes de laCoopérative des artistes du Nouvel-Ontario (CANO),dans la contre-culture nord-américaine. À l’instar deceux des Éditions Partis pris et de la revue Mainmise,les écrivains des Éditions Prise de Parole et du maga-zine Réaction s’évertuent à proposer une nouvellevision du monde. Leur expérience est toutefois diffé-rente de celle des jeunes de l’avant-garde québécoisecar, avant d’être reconnue, la bohème montréalaisedoit défier, voire déloger les instances de légitima-tion de l’institution canadienne. De leur côté, en1970, les jeunes Franco-Ontariens sont dans un va-cuum institutionnel. Ils ont le champ libre et l’heureest à l’improvisation : Gerry Rubin, le leaderofficieux du mouvement hippy et toute une nouvellegénération d’Américains battent la mesure.

Le Nouvel-Ontario est une jeune contrée : en1970, la ville de Sudbury n’a pas cent ans et lesinstitutions francophones de l’Ontario n’ont pas derelation privilégiée avec le pouvoir politique provin-cial. Bien au contraire, la société franco-ontarienne adû se développer en marge de la société ontarienne.Certaines personnes transigent avec le pouvoir, par-fois comme chef d’entreprise, parfois commefonctionnaire ou encore comme représentant d’uneinstitution canadienne-française locale, mais jamaisd’égal à égal, car elles ne font pas partie du good oldboys club. Tout au plus arrivent-elles à faire de bonnesaffaires en Ontario. Dans le vacuum, tout est fragileet repose sur l’héroïsme de quelques individus et lagénérosité de la population qui, en plus de payer ses

ils sont moins portés à remettre en question les fondements de la société,ils s’intéressent plutôt à la survie de leur spécificité. Sereins, ils se con-sacrent à une révolution culturelle régionale plutôt qu’à une révolutionpolitique d’envergure nationale.

É

Extrait de la publication

Page 20: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

18

taxes municipales, soutient financièrement ses institu-tions catholiques et françaises.

L’Institution littéraire du Canada-Français est àpeine présente dans le Nord de l’Ontario si ce n’estque quelques boutures régionales comme la Sociétéhistorique du Nouvel-Ontario. Les bibliothèques sontrares et quelques petits hebdomadaires vivotent àl’ombre de l’Église. Les écoles et les individusdoivent s’approvisionner à Montréal, la métropoledu Canada-Français ou à Ottawa, qui est provincialedu point de vue littéraire même si elle est le siège dugouvernement fédéral. Des écrivains, fonctionnairespour la plupart, y vivent et y travaillent, mais c’est àMontréal que la majorité d’entre eux font publierleurs livres, car c’est dans cette ville que sont situéesles instances de production et de reconnaissance del’institution littéraire canadienne-française.

Nous pouvons comparer la colonisation du Nouvel-Ontario à une vague canadienne-française qui déferlesur le Nord de l’Ontario à la fin du dix-neuvièmesiècle. Qu’elle ait été réelle, imaginaire ou mêmeappréhendée nous importe peu, car c’est la percep-tion du gouvernement de l’Ontario de l’époque quicompte. Ce que l’histoire nous enseigne, c’est que legouvernement sent le besoin d’intervenir en encoura-geant la construction des chemins de fer devant relierle sud et le nord de la province et, de plus, eninstituant le Règlement 17 pour assurer la primautéde l’anglais sur le territoire ontarien. En filant lamétaphore, nous comprenons que la Révolution tran-quille et la montée du néo-nationalisme québécoissont un reflux de ce même mouvement de colonisa-tion. Reflux qui, étant donné la fragilité du milieu,emporte plusieurs individus qui rentrent au Québecdans les années soixante-dix. Voilà un des premiers

É

Page 21: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

99

TABLE DES MATIÈRES

La littérature du vacuum ............................................................... 13L’homme qui venait du vacuum ................................................... 33Celui qui implose dans le vacuum ................................................ 53Celui qui embrasse le vacuum ...................................................... 77

É

Page 22: Extrait de la publication...d’études canadiennes de l’Université McGill, p. 185-196, 2002. Les portes de l’enfer et L’œuvre de chair et d’esprit, mémoire de maîtrise,

Extrait de la publication