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Acta Medica Scandinavica. Vol. XCVII, fasc. V-VI, 1938. Etudes sur un cas de ICvulosurie essentielle Par EDHEM Ex-Professeur de Policlinique Mddicale F. ERDEN et K. STEINITZ Chef de laboratoire de la Cerrahpaga IIBme Clinique Mddicale Chef de laboratoire de 1’Hdpital (d’Istanbul). (Ce travail est parvenu A la redaction le 28 juillet 1938.) La levulosurie permanente essentielle est une maladie rare. Le nombre des observations publiees depasse a peine les trente. Marble et Smith l’ont cherchee systkmatiquement dans 3,000 cas de diabete et n’en ont decouverte que deux. Les etudes publiees jusqu’a present en ont pu preciser plusieurs aspects, tels que: 1 - Les procedes que l’on doit employer pour identifier le levulose urinaire et eliminer tout autre corps rkducteur et Idvogyre. 2 - L’indkpendance complete de la levulosurie vis-a-vis du diabete. 3 - Sa suppression facile avec le rCgime. 4 - Sa provenance d’une dysfonction speciale et parcellaire du foie. 5 - Sa latence sympt6- matique et son pronostic benin. 6 - Apparition d’une 1CvulosCmie autour de 0 gr 50 p. 1,000, accompagnde d’hypoglucosemie, a I’epreuve d’ingestion de levulose. MalgrC ces acquisitions, on est encore loin de connaitre toutes les phases du trouble du mCtabolisme du lkvulose chez les 1Cvu- losuriques. La fonction du foie de transformer en acide lactique une partie du lkvulose ingCrC parait y jouer un r6le capital, comme nous

Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

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Page 1: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

Acta Medica Scandinavica. Vol. XCVII, fasc. V-VI, 1938.

Etudes sur un cas de ICvulosurie essentielle Par

EDHEM Ex-Professeur de Policlinique Mddicale

F. ERDEN et K. STEINITZ Chef de laboratoire de la

Cerrahpaga IIBme Clinique Mddicale Chef de laboratoire de 1’Hdpital

(d’ Istanbul).

(Ce travail est parvenu A la redaction le 28 juillet 1938.)

La levulosurie permanente essentielle est une maladie rare. Le nombre des observations publiees depasse a peine les trente. Marble et Smith l’ont cherchee systkmatiquement dans 3,000 cas de diabete et n’en ont decouverte que deux.

Les etudes publiees jusqu’a present en ont pu preciser plusieurs aspects, tels que:

1 - Les procedes que l’on doit employer pour identifier le levulose urinaire e t eliminer tout autre corps rkducteur e t Idvogyre. 2 - L’indkpendance complete de la levulosurie vis-a-vis du diabete. 3 - Sa suppression facile avec le rCgime. 4 - Sa provenance d’une dysfonction speciale e t parcellaire du foie. 5 - Sa latence sympt6- matique e t son pronostic benin. 6 - Apparition d’une 1CvulosCmie autour de 0 gr 50 p. 1,000, accompagnde d’hypoglucosemie, a I’epreuve d’ingestion de levulose.

MalgrC ces acquisitions, on est encore loin de connaitre toutes les phases du trouble du mCtabolisme du lkvulose chez les 1Cvu- losuriques.

La fonction du foie de transformer en acide lactique une partie du lkvulose ingCrC parait y jouer un r6le capital, comme nous

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456 E D H E M , F. E R D E N e t K . STEINITZ.

l’avons constate par l’etude des variations de la lactaciddmie a l’epreuve d’ingestion du Ievulose.

Le mode d’elimination du levulose a attire toute notre attention et nous l’avons Ctudie selon les lois de filtration et de reabsorption.

A part le cas de Rivoire e t Bermond oh la levulosurie s’accom- pagne des nkvralgies tenaees, la maladie peut Ctre considkree comme anodine. Pourtant il nous a paru qu’il n’est pas indifferent qu’une partie du glucose, sucre normal du milieu sanguin, soit remplacke chez les levulosuriques par du lCvulose, qui se comporte comme un sucre &ranger et que les urines en soient chargees pendant plusieurs heures de la journee. On peut bien obvier a ces inconvenients en supprimant de l’alimentation le sucre et les fruits. Mais le remede est pire que le mal. Nous avons donc tGch6, en nous guidant sur la pathogenie hepatique de la maladie, de trouver un mode de traitement convenable. Nos recherches ont et6 assez encourageantes, si non concluantes.

La raretk de la lkvulosurie, sa benignitk, l’abscence de toute manifestation morbide rendent son etude difficile. I1 n’est pas commode de soumettre les malades a des investigations experi- mentales assez fatigantes, dont 1’interCt ne leur parait pas de grande importance. Nous avons ete forcement obliges de restreindre nos recherches. Nous devons donc declarer des a present que nos deductions et nos hypotheses ne seront formulees que sous toute reserve et attendront les confirmations des nouvelles etudes.

Observation. - Jeune fille de 22 ans.

Antickdents hiridditaires: Syphilis acquise chez le pbre, en 1911, trait6 alors par l’un de nous par des injections de 606 pendant trois ans. Aucune nouvelle manifestation n’ayant apparu pendant encore un an et le Wasser- mann restant toujours negatif, il a ete autorise a se marier.

Deux enfants sont nes: I’dnee, le sujet de notre observation et un fils, Age actuellement de 11 ans.

Plusieurs annees apr& le mariage, le pbre recommence B presenter des nouvelles manifestations specifiques. Le Wassermann redevient positif et irreductible. Une P. G. se declare et finit par le tuer en 1937.

La mere est de honne sante. Pendant ses deux grossesses, elle a suivi un traitement arsenical regulier. Les accouchements ont et6 normaux. Elle n’a jamais present6 des manifestations syphilitiques, ni aucun avor- tement. Le Wassermann a toujours etd negatif. Elle est sujette a des crises de migraine et d’hypertension artbrielle.

I1 n’existe aucun cas de diabete chez les parents proches ou eloignes.

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E T U D E S S U R U N C A S D E L E V U L O S U R I E E S S E N T I E L L E . 457 Anticddenls personnels: Nee a terme, d’apparence saine, d’intelligence

vive, de psychisme et de tendances affectives normaux, notre patiente est sujette, des sa naissance, a des crises intermittentes d’hkpatomegalie, non accompagnees d’alteration de l’etat general, ni de troubles digestifs. Les crises de Congestion de foie, souvent bien influencees par le traitement spkcifique, ont fini par disparaitre depuis quatre ans.

Reglke a 12 ans, les regles ont toujours etk regulibres e t de moyenne abondance. Le systeme pileux e t les seins sont bien dkveloppes. On ne trouve aucune manifestation pouvant 6tre attribuee A un trouble endo- crinien, sauf une hypotrophie staturale simple.

C’est, en effet, une jeune fille petite. La taille, 130 cms a l’lge de 10 ans, s’est accrue jusqu’a 142 cms a I’lge de 14 ans. Depuis elle est restee stationnaire. A 1’Bge de 22 ans, elle n’a donc que la taille d’une fillette de 12 ans, avec une reduction de 9 p. 100 par rapport a la normale. Elle est a la limite extreme de l’hypotrophie staturale simple de Nobecourt Le poids, 48 kilos 700, est en rapport normal avec la taille.

A ce point de vue, l’etat du jeune frere est a rapprocher de celui de notre malade. Le frere, d’intelligence bien developpee comme sa sceur, est petit comme elle. Actuellement, il mesure 124 cms de taille, avec un deficit de 8 p. 100 par rapport a la normale. Le poids est de 24 kilos, en rapport normal avec la taille. Les m h e s crises de congestion hepatique se retrouvent chez le frere. Celui-ci a prksente, en outre, a l’lge de 7 ans, des Bpaississements circonscrits de 1’0s occipital, qui ont kte gueris par le traitement specifique.

Les deux frere e t soeur, quoiqu’ils n’aient jamais present6 de Wasser- mann positif, ont toujours ete consideres comme entaches d’herkdospecifite e t soumis chaque annee a une serie d’injections arsenicales.

E n 1929, la patiente subit une amygdalectomie et l’ablation de ses vegetations adenoldes. E n hivers 1935 et 1936, nous constatons un Eger syndrome de Raynaud dans les doigts des deux mains et les orteils des deux pieds. L’indice d’oscillation est de 2 aux deux bras, de 1 au cou-de-pied gauche et 1/2 a droite. Le syndrome de Raynaud ne s’est plus repete pendant les deux derniers hivers.

Etat et maladie actueb: L’examen des divers systemes organiques ne revele Pien d’anormal.

Examen du sang: globules rouges 3,376,000, hemoglobine 67 p. 100, valeur globulaire 0.99, temps de coagulation et de saignement normaux, vitesse de sedimentation 23 p. 100 (Formule Edhem).

La constatation de la levulosurie en 1926 a et6 tout a fait fortuite. Sans qu’il y ait aucun signe clinique de diabete, nous avons trouvk du sucre dans les urines, avec deviation a gauche de la lumiere polarisee et nous avons remarque a l’analyse complete des urines: Albumine 0.12, sucre levogyre 2.58, Legal e t Gerhard negatifs, sels biliaires assez abondants, bilirubine nkant, urobiline tres abondante.

La clinique e t le laboratoire nous ont donc oriente d8s le debut vers un trouble hkpatique. La fonction biliaire du foie paraissait un peu alterke, mais d’une maniere toute passagere, les acides biliaires

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458 E D H E M , F. E R D E N et K. STEINITZ.

n’ayant jamais pu btre retrouves dans les urines. Seule une urobilinurie franche a toujours persist&

Malgre la legere augmentation des coefficients de Labbe (3.4), de Has- selbach (6.3), de Maillard et Lanzberg (1 l), due plutbt A la predilection que presente la patiente pour l’alimentation carnee, la fonction ureogenique du foie ne parait non plus btre troublee.

La legbre albuminurie a de mbme BtB transitoire et n’a plus cite retrouvee aux examens ulterieurs.

A la mdme Bpoque une Bpreuve d’hyperglychmie provoquee par ingestion de 40 grs de glucose, a donne les chiffres suivants:

Temps Clyc6mie p . 1,000 Ldvulosurie A jeun.. . . 1.14 0 Aprbs 30’ 1.51 0

8 60’ 1.67 0 )) 105’ 1.15 0 D 160’ 0.84 0

De cette Bpreuve nous avons retenu que la glycemie a jeun, ainsi que l’augmentation de la glycemie pendant les deux heures d’epreuve se trouvent dans des limites normales et qu’il n’existe point un trouble glyco- regulateur de nature diabetique.

Pendant 9 ans, la malade a Bte soumise Q un regime de tbtonnement, par des restrictions d’hydrocarbones, la suppression du sucre, des legumes et des fruits, selon la dose du sucre urinaire trouvee a des examens dif- ferents. La levulosurie, tres rarement absente a Bt6, le plus souvent, a un taux modere, 2-4 grs. Pourtant des doses plus fortes de 10-15 et mkme de 25 grs ont aussi BtB notdes. Le traitement arsenical, ainsi qu’un essai de traitement endocrinien (extrait ovarien, thyroldien, hypophysaire e t surrenalien) n’ont eu aucune influence sur la Ievulosurie.

Ce n’est qu’en 1937 que nous avons pu Btudier le cas, selon les donnbes modernes.

Pour identifier le lbvulose, nous nous sommes avant tout bases sur le pouvoir du sucre urinaire de devier a gauche la lumibre polarishe, pouvoir que nous avons trouve constant a des examens nombreux pratiques pendant plus de dix ans d’observation.

Le dosage au polarimbtre concorde avec le dosage par la reduction, comme le prouvent les chiffres ci-dessous trouves a des dates diffkrentes:

Date Dosage par rdduction Dosage au polarimklre 11/9/37 9.40 10.20

12/1/38 10.00 10.90 22/9/37 12.00 13.07

20/4/38 6.38 7.07

Les reactions de Legal et de Gerhard trouvees negatives ainsi que la recherche par la methode de Van Slyke, Bliminent la presence

Page 5: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

E T U D E S S U R U N GAS DE L E V U L O S U R I E ESSENTIELLE. 459 de l’acide p-oxybutyrique, e t la negativite de la reaction de Tollens, celle des derives glucuroniques.

La reaction de fermentation est positive. La totalite du sucre urinaire est fermentescible. Aprbs 24 heures de fermentation la densite descend de 1,028 a 1,021 et le pouvoir de reduction ainsi que de la deviation de la lumiere polarisee disparaissent completement. L a reaction de Salkowskg est negative, ce qui avec la positivitk de la fermentation, permettent d’affirmer l’absence des pentoses Ikvogyres.

D’autre part, nous avons obtenu un phenyl-osazone cristallise en paillettes, comme celles du glucose. Mais l’osazone s’est forme dans l’eau bouillante, caractere special au fructosazone, le glucosazone se formant pendant le refroidissement.

Le phenyl-methyl-osazone n’a pu 6tre recherche. En dernibr lieu, la constatation que la reduction peut se faire a 40’

(Lasker e t Enklewitz), l a positivite des reactions de Seliwanoff (coloration rouge en presence de rksorcine et d’acide chlorhydrique) e t de Bang (forma- tion d’une couleur violette avec fie1 de boeuf en milieu chlorhydrique), reactions specifiques du levulose, nous ont permis de conclure que la reduction est due rien qu’au levulose et qu’en dehors de celui-ci il n’existe aucun autre corps reducteur dans les urines.

L’influence de I’alimentation sup la ldvulosurie est des plus nettes. Alors que la glpcemie a jeun est 0.90 et la concentration du levulose dans les urines a 2.65 p. 1,000, nous preconisons pendant trois jours un regime riche en levulose (sucre, fruits e t miel). La concentration urinaire du levulose remonte a 5 p. 1,000, la glycemie a jeun restant presque la meme, 0.85 p. 1,000. Trois autres jours de regime sans aliments contenant du lkvulose, mais avec des hydrocarbonds assez abondants font completement dispa- raitre la levulosurie e t les trois jours suivants, un regime carne sans fruits, ni sucre e t avec des hydrocarbones tres restreints, n’en permettent point la reapparition. Les quatribmes trois jours, nous donnons un regime de fruits a discretion et nous trouvons une lbvulosurie a 50 p. 1,000. Celle-ci disparaft de nouveau a la suppression des fruits e t du sucre.

Nous entreprenons alors les trois epreuves suivantes, de lkvulosurie provoquee par l’ingestion de 40 grs de lkvulose, puis de 40 grs de saccharose et enfin de galaetosurie provoquee par celle de 40 grs de galactose, en faisant attention a c e que la malade soit alevulosurique le matin de l’kpreuve e t en preconisant un regime lactk sans sucre pendant 24 heures.

E p r e u v e p a r l ’ i n g e s t i o n d e l e v u l o s e :

Temps Volume des urines Concentration Elimination 8-10 hs 120 33.34 4.56

10-12 0 72 33.33 2.39 12-18 B 250 5.86 1.46 18- 8 0 360 2.92 1.05

9.46

31 - Acta med. scandinao. Vol. X C V I I .

Page 6: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

460 E D H E M , F. ISRDEN e t K. STEINITZ.

d e s a c c h a r o s e : Volume des urines Concentration Eliminaiion

24.44 3.41 15.71 1.27

140 81

230 2.20 0.50 545 Indosable -

5.18 d e g a l a c t o s e :

Temps 8-1 0 hs

10-12 0

12-18 D

18- 8 D

8-10 hs 10-12 B 12-18 o 18- 8 ))

52 50

161 494

18.33 4.71 2.20 1.09

0.93 0.27 0.35 0.54

2.09

On remarque que I’elimination du l6vulose ingere se fait surtout dans les deux premieres heures, qu’elle dure presque 24 heures et que le total du lBvulose dimin6 en 24 heures est les 23 p 100 du IBvulose inger6, et qu’a 1’Bpreuve de saccharose qui par inversion donne la moiti6 de son volume de 1~vulose, l’elimination est a peu prks la moitie de celle du 16vulose.

Quant a 1’6preuve de galactose, la concentration elevee des deux premiers Bchantillons d’urine, l’elimination trop prolongee, ainsi que la legere elevation de I’dlimination totale paraissent militer en faveur d’une insuffisance du foie.

Nous n’avons pas recherche l’action de l’insuline e t de l’adrbnaline sup la I6vulosurie, la question ayant deja Bte resolue dans un sens negatif par les auteurs. Par contre, nous avons eu I’occasion d’etudier I’influence reciproque d’une intervention serieuse e t de la l~vulosurie.

Le 5/9/37, quatre heures apres le repas du midi, en pleine sant6, la malade est prise d’une crise douloureuse et febrile a la fosse iliaque droite.

Le soir du m6me jour, le 6/9/37 a 1 h. du matin on intervient d’urgence. A l’anesthesie generale & l’ether, dont la dose inhalee a Bte de 100 cma, on enlkve un kyste de l’ovaire legerement tordu a son pedicule et un appendice sain. L’intervention assez laborieuse est bien supportee e t les suites operatoires sont normales.

Tout de suite avant l’intervention, la malade Btant a jeun depuis 12 heures, la 1Bvulosurie est de 1.20 par litre. Le 6/9/37 Q 17 heures, les in- gestions n’ayant etB que de l’eau et du the sans sucre, depuis 28 heures, on trouve: concentration du l~vulose a 4.40 p. 1,000 et elimination a 2 grs 66.

Le 7, nourriture prise en 24 heures: yogourt 300 grs, une orange, sucre 15 grs. Concentration du levulose 5.75 p. 1,000, elimination 2 grs 72.

Le 8 - Nourriture prise en 24 heures: lait, pommes de terre, farine (90 grs HC), ni sucre et ni fruits. Concentration du lBvulose 1.50 p. 1,000, nlirnination 0 grs 82.

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E T U D E S S U R U N CAS D E LEVULOSURIE ESSENTIELLE. 461

On continue la mbme alimentation et le 10 au matin, on ne trouve plus du levulose dans les urines.

L’intervention et I’anesthesie generale n’ont donc eu aucune action sup la lhvulosurie dont la suppression e t la reapparition ont obei a l’ali- mentation comme a l’etat ordinaire. Nous n’avons pris aucune precaution spkciale a cause de la levulosurie e t nous n’avons pas eu a nous en plaindre.

C’est surtout 1’6tude de la Ikvulos6mie provoquke (Methode de Roe) qui nous a donne des rhsultats tr&s intkressants au point de vue du mBta- bolisme du Ievulose. A titre de temoin, nous l’avons premierement BtudiBe chez un jeune homme de 17 ans, de 58 kilos, atteint du rhumatisme articu- laire, mais normal par rapport au metabolisme du sucre (Tableau No. 1 ) . E n mime temps que la levulosemie nous avons mesure la lactacidkmie par la methode de Fuchs et de Fuchs et Bruggemann.

Nous avons etudie les resultats de la mime Bpreuve chez notre sujet (Tableau No. 2) sans e t puis (Tableau No. 4) avec injection pr6alable d’extrait hhpatique. Pendant ces epreuves, nous avons en mbme temps recherchk l’index de concentration et celui d’epuration du lhvulose (Tableau

Les rksultats de ces Bpreuves, ainsi que les commentaires auxquels ils No. 3).

donnent lieu sont consign& plus loin.

Les procedes que nous avons appliques pour l’identification de la 1Cvulosurie prouvent donc d’une manibre certaine que nous sommes en prbence d’un cas de ltuulosurie essentielle permanenie.

Quelle est la nature de cette maladie exceptionnelle et curieuse? Les auteurs qui se sont occupes de la question sont presque

tous d’accord pour ne voir aucun rapport entre la 16vulosurie et le diabete.

Quelques auteurs ont pourtant cherchk B trouver une influence familiale entre les deux maladies. Steinberg et Elberg constatent de la levulosurie chez deux femmes et chez un homme d’une mCme famille, avec deux cas de diabete chez les ascendants. Snapper, Van Creveld e t Grunbaum, dans la famille d’une jeune fille levu- losurique de 18 ans, trouvent plusieurs cas de diabete chez les grand parents e t chez les cousins. Mais ce rapport est absent dans la plupart des observations (Anschel, Fischer, Paisseau, Ferroir et Mangeot, H. Steinitz (1931, 1938) ainsi que dans la netre. On n’a jamais constate une transformation de la lkvulosurie en diabete. L’insuline ne possede aucune action sur la levulosurie et sur la lkvulosemie (Heeres e t Vos, A. Fischer, Wierzuchowski). A l’in- jection d’adrenaline, le Ievulose n’est pas libere comme le glucose (A. Fischer). Dam la levulosurie le m6tabolisme du glucose reste

Page 8: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

462 E D H E M , F. E R D E N e t K. STEINITZ.

normal, I’Cpreuve de surcharge glucosique ne montre point des variations anormales, tandis que le metabolisme du levulose est profondement trouble.

C’est ce dernier que nous avons tiiche d’eclaircir dans l’etude de notre observation en nous hasant sur nos connaissances du m6tabolisme du livulose chez 1es normaux e t dans les maladies du foie.

On sait que la hausse de QR apres l’ingestion des mono- e t des disaccharides chez les gens sains, n’est pas la mCme pour tous les sucres et a ce point de vue le levulose posskde un caractere special. Avec le glucose la hausse debute apres 30 minutes, dure plusieurs heures et reste au-dessous de 1, tandis qu’avec le lCvulose la hausse est plus pr6coce et plus accentuke, elle dkbute 15-30 minutes apres l’ingestion e t monte au-dessus de 1.

Mais la hausse du QR est une manifestation secondaire, le fait primordial &ant la hausse de la lactacidkmie (Campbell e t Malthy, Campbell et Soskin) qui, en rompant l’equilibre acide-base, nCces- site par contre-coup, une augmentation compensatrice du QR. Ce que l’on doit donc retenir avant tout, c’est qu’une portion importante, la cinquieme d’apres Wierzuchowski e t Sekuracki, du lCvulose ingeri, se transforme en acide lactique e t se deverse dans la grande circulation. En m&me temps, une partie minime du levulose ingCr6 force la barribre hepatique et produit la legere levuloskmie physiologique.

On constate en effet, dans les recherches que nous avons entre- prises, a titre de tCmoin, pour voir comment se comporte un homme normal, apres I’ingestion de 50 grs de 16vulose, que le taux de la lactacidkmie prbente, a p e s 60 minutes, une hausse de 82 p. 100 par rapport au chiffre de depart, pour retomber au-dessous du mCme chiffre aprks deux et surtout trois heures. En mCme temps une lkgbre levulosimie se dessine et monte a la premiere heure 9 0.045 p. 1,000 (Tableau No 1). Ces r6sultats concordent d’ailleurs avec ceux obtenus par Anschel, par H. Steinitz (1937) e t par Silver et Reiner. Quant au glucose du sang, son taux reste souvent invariable, ou bien diminue trbs ligerement. Ordinairement la 16vulosurie fait d6faut. C’est tres rarement que H. Steinitz a trouvC une elimination minime du ICvulose, dans quelques cas oh la lkvulosdmie n’a pourtant pas d6passi les limites normales.

Page 9: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

Tableau 1.

LBvu- sucre total LBVU- Temps losurie du sang losBinie

1’. 1000 p. 1000

E T U D E S SUR U N C A S D E L E V U L O S U R I E E S S E N T I E L L E . 463

11 existe donc une influence individuelle dans le metabolisme

GIUCOSC- ~actacidkmie mie

p. 1000 p. 1000 FqF

du lkvulose, ce que nous allons d’ailleurs retrouver dans la plupart des manifestations qui accompagnent la traversee hdpatique et rCnale du Ibvulose.

Quant aux maladies du foie ti Ibsions parenchymateuses im- portantes et aux icteres par retention de longue durbe, le mbta- holisme du Ievulose y subit des atteintes toutes spkiales. MalgrC: la grande capacite du foie de pouvoir transformer en glycogene le lCvulose beaucoup plus facilement que le glucose (Isaac), on arrive par constater que dans les cas lkgers il existe un retard manifeste et dans les cas sCv6res un deficit net dans la hausse du taux de l’acide lactique du sang. Les manifestations secondaires de l’equilibre acide-base marchent parallelement. Une partie importante du lkvulose ingere traverse le foie sans aucun change- ment e t produit une lkvuloskmie pathologique, dont le taux parait 6tre proportionnel au pourcentage du deficit de la hausse lacta- cidemique. I1 est donc a presumer que c’est au depens de la partie du levulose, qui echappe a la transformation en acide lactique, que se forme la 1Pvulos4mie.

Si au lieu du levulose on se sert du saccharose, les rksultats sont les rnCmes (K. Steinitz).

1:ort de ces notions, nous avons ktudie les troubles du m6ta- holisme de notre sujet. Chez celui-ci, le taux d’klimination du lCvulose par rapport a la dose ingerke a ete de 23 p. 100 dans les

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464 E D H E M , F. E R D E N et K . STEINITZ.

24 heures dans nos premieres Cpreuves et de 14 p. 100, pour les trois premieres heures, dans nos dernieres, chiffres qui se rappro- chent de ceux que nous trouvons chez les differents auteurs. En effet, pour les 3 premieres heures Heeres e t Vos trouvent 14 p. 100, quelle que soit la quantite du lCvulose administre, Anschel 13, Neubauer 15-17, Schlesinger 12.5, Barrarscheen 10-14, Fischer 10, Paisseau 11-18 et enfin Huber, pour les six premieres heures, 50 p. 100. A part les variations individuelles, on peut donc considerer que le taux d’klimination du lCvulose oscille en general autour de 15 p. 100 pour les trois premieres heures. La plus grande partie du levulose est donc arrCtCe par le foie e t une petite portion seulement, celle qui devrait nonnalement 6tre transformee en acide lactique, echappe h la scission et passe directement dans la grande circulation.

Cette faqon de considerer la travers6e hkpatique du levulose est confirmee par les renseignements que nous avons retires de 1’Ctude de la lactacidemie et de la 16vulosbmie de notre sujet.

Le comportement de la lactacidemie chez le ICvulosurique ne parait pas encore avoir etB etudik. Heeres et Vos avaient pourtant dkjh remarque dans leur cas, que la hausse de QR apres l’ingestion du lbvulose est de heaucoup inferieure & celle que l’on observe dans les cas nonnaux, ce qu’ils ont attribud h un trouble d’oxyda- tion du ldvulose, et ce qui devrait 6tre plutBt expliquk, suivant les Bclaircissements donnCs par Campbell e t Maltby sur la nature de 1’818vation du QR apres l’ingestion du levulose, par un deficit de la formation de l’acide lactique.

Nous avons, en effet, constate dans la lactacidkmie de notre sujet (Tableau No 2) le mCme deficit que l’on observe dans quelques maladies graves du foie. Alors que la lactacidemie du sujet tdmoin normal a present6 h la premiere heure une hausse de 82 p. 100 par rapport au chiffre trouve h jeun, cette hausse n’a Bte, chez notre patiente, que de 11 p. 100 h la premikre demi-heure et au maximum. C’est donc un deficit presque total de la formation de l’acide lactique du sang, le chiffre trouvC &ant minime et devant &re rentre dans la marge d’erreurs des methodes d’examen.

Si la mCme constatation se confirme par des nouvelles recherches. on pourra alors dkduire que dans la lCvulosurie, il existe un trouble isole des cellules hkpatiques, trouble qui paralyse la fonction hi- patique de formation d’acide lacfique e f gui paraf f &re d la base de

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ETUDES S U R U N CAS D E L E V U L O S U R I E ESSENTIELLE. 465

Tableau 2.

Epreuve 11 l’ingestion de 50 grs de ldvulose chez la patiente.

Temps

A jeun

Apres 30

fi 60

120

a 180

Volumc d’urine en cm3

30

34

78

450

~~

Lkvulosurie I Sucre I , - total Ldvu-

Concen- Elimi- du los6mh tration 1 I sang 1 p. loo(

1000 nation p.1000

0 I 0 I 0.95 I 0

20.6 I 0.62 1 1.01 I 0.28

48.0 I 1.63 I 1.27 I 0.42

37.2 I 2.80 I 0.70 I 0.26

4.30 I 2.02 I 0.96 I 0.11

I 7.07 I I

1 Lactacfddmie Gluco- -

0.95 I 0.081 I 0.73 I 0.090 I -I- 11

0.85 I 0.082 1 4- 1

0.44 I 0.084 I + 4

0.85 I 0.091 I 4- 12

- -

- -

I I I’alfCrafion du mitabolisme du livulose, les deux autres manifestations corollaires, la lbvulosemie et l’hypo-glucosemie n’en Ctant que les rksultats.

Comme la plupart des auteurs nous avons, en effet, nous mCmes constate que 1’Cpreuve d’ingestion de levulose se manifeste tout de suite par une ltvulosimie dont le taux remonte a 0.42 p. 1,000, chiffre cinq a dix fois plus fort que ceux trouves par nous ou par d’autres auteurs chez les normaux.

Le chiffre de 1evulosCmie peut monter encore plus haut jusqu’a 0.56 p. 1,000 (cas de Anschel), 0.58 p. 1,000 (Rivoire et Bermond) e t m&me jusqu’a 0.64 p. 1,000 (cas de Fischer).

I1 est h remarquer que malgrk cette forte dose de levulosemie, la constance en richesse sucrCe du milieu sanguin est conservee et la hausse du sucre total du sang, de 0.32 egrs p. 1000, est restCe dans des Iimites normales.

C’est que la 1CvulosBmie s’est accompagnke d’une baisse du glucose sanguin, qui de 0.95 p. 1000 h jeun, est descendu 0.44 p. 1000 A la deuxieme heure de l’kpreuve. Silver e t Reiner ont dC- montrC dans leurs Ctudes experimentales avec des injections d’insu- line, que le levulose passe dans le sang prend la place du glucose, dont le taux s’abaisse. Le m&me phknomene de substitution a Cte observe pour le galactose par Sobatka et Reiner et pour le xylose par Fischer e t Reiner.

Page 12: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

466 E D H E M , P. E R D E N et K. STEINITZ.

Nous pouvons donc conclure que l’ingestion du Ievulose chez 1es ICvulosuriques se manifeste par les trois caract eres suivants:

1: DCficii dans la hausse de la laciacidtmie. 2: Forie livulostmie paihologique. 3: Hypoglucostmie assez acceniuie.

Ces trois caracteres vont nous servir comme des points de repere pour 1’6tude de l’action des extraits hkpatiques sur la lkvulosurie.

L’etude du metabolisme du levulose, pour &tre complet, doit comporter une attention speciale sur son mode d’elimination. Nous devons donc rechercher si le l6vulose subit le sort des sucres Ctrangers (xylose, sucrose, raffinose, inuline) e t s’elimine en grande abondance avec un index de concentration voisin de celui de crkatinine, e t si comme cette derniere, il est filtrk par les glomerules et non reabsorb6 par les tubuli.

Chez les normaux le levulose n’obeit pas aux lois d’elimination des sucres Ctrangers e t ordinairement il entre dans la circulation, mais n’apparait pas dans les urines, sauf dans des cas rares oh on constate une levulosurie minime (H. Steinitz).

Dans les maladies du foie, I’ingestion du lkvulose se manifeste quelquefois par une levulosemie accompagnee de ldvulosurie, tandis que d’autres fois le levulose peut monter A un taux tres haut dans le sang sans qu’il apparaisse dans les urines. Cette grosse variation dans le seuil du 16vulose parait dependre non pas de la 16sion hepatique, mais d’une disposition individuelle.

Chez les femmes enceintes le seuil renal pour le 16vulose s’abaisse, mais ne disparait pas completement.

Chez les levulosuriques les conditions paraissent &re tout autres. Chez ceux-ci la levulosurie apparait, m&me a l’ingestion d’une gramme du lkvulose (Heeres e t Vos, Silver e t Reiner, H. Steinitz), c’est-a-dire avec l’absence complete du seuil renal. Le phlorizine qui possede le pouvoir d’enrayer la rkabsorption du glucose n’a pas d’action sur elle. I1 semble donc que la 16vulosurie essentielle soit aussi une levulosurie rknale.

Pour Cclairer cette question nous avons mesure l’index de con- centration ainsi que l’index d’epuration (Clearance) du levulose et de la crdatinine.

Page 13: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

Tableau 3.

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27

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1.00

14

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1 51

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I 0.2

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I 0.3

55

145

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I 0

.89

48.0

I 0.

294

I 0.35

4

13.1

I 0

.154

1 0

.184

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0.00

7

I 11

7.5

I 117.

5 1 0.

98

80.6

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1.5

I 1.4

2

67.6

1

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m 2

Page 14: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

468 BDHEM, F. ERDEN et I(. STEINITZ.

Le dosage de la crkatinine a Ct6 faite selon la mkthode de Popper et sans ingestion de creatinine.

La lkvulos6mie a Btd dosee dans le sang veineux. Mais comme le calcul de l’index de concentration doit se baser sur les valeurs de la lCvulos6mie artkrielle, nous avons trouve utile de convertir les chiffres artdriels en chiffres veineux, en ajoutant 0.01 pour chaque 0.05 p. 1000. Nous avons retire cette relation approxi- mative, des analyses donn6s par H. Steinitz (1931) dans ses etudes sur la comparaison du taux de la IdvulosCmie arterielle e t veineuse.

Comme on le voit dans le tableau No. 3, les index de concentra- tion et d’epuration du lbvulose ont Ctd trouvCs aussi BlevCs que ceux de la creatinine. Apres 30 minutes l’index du premier est 115 et de la seconde 117.5 et B la troisieme heure celui du premier est 13.5 et de la seconde 10.6. Dans 1’6preuve aprbs l’injection du campolon nous trouvons la m6me concordance B la 5deme minute, 144 pour 144. Les legtires variations que l’on trouve dans les chiffres de la premiere e t de la deuxieme heures sont dans les limites des marges d’erreurs possibles, marges d’ailleurs un peu elargies par le procede que nous avons employe pour convertir les chiffres du sang veineux en ceux du sang art6riel.

Nous pouvons donc considher que le IBvulose, au point de vue des lois d’klimination, s’est comport6 chez notre levulosurique

, comme la creatinine, et que comme celle-ci il a ttt filtrt, mais non rtabsorbt, ce qui prouve que nous sommes en presence d‘une Id- vulosurie sans seuil, d’une ltvulosurie re‘nale complhte.

Dans la lkvulosurie essentielle, deux facteurs doivent donc Ctre tenus responsables:

Le premier est un trouble spe‘cial du foie qui permet le passage d‘une assez haute quantitt du ltvulose dans la circulation gtne‘rale.

Le deuxihme est l’incapacitt de l’e‘pithdlium rinal pour rtabsorber Ie livulose filtrt.

Le 16vulose ingerk s’elimine en grande partie dans les 2-3 pre- mieres heures, mais. l’6limination peut aussi durer jusqu’h la 24*eme heure et comme nous avons pu nous en rendre compte pendant l’intervention subie par notre patiente, elle peut m&me durer 36 heures. Cette longue durCe est difficile B expliquer par l’opinion courante qui n’admet pas que le glycogene puisse se

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E T U D E S SUR U N GAS D E L E V U L O S U R I E E S S E N T I E L L E . 169

transformer en un sucre autre que le glucose et que le IPvulose puisse s’emmagasiner dans le foie. Faut-il alors admettre avec Steinberg e t Elberg, que le glycogene hepatique ordinairement ))dextrogene, e t dont la mobilisation depend du pancrCas, peut aussi 6tre devulogene)) et se mobiliser mCme si on enleve le pancrkas e t continuer a fournir dans le sang une certaine quantitC du ICvulose emmagasine? Nous posons seulement la question sans thcher a la rCsoudre.

La levulosurie parait provenir d’une dysfonction speciale du foie. Dans quelques cas, comme ceux de Steinberg et Elberg, de

Paisseau, Ferroir et Mangeot et du n8tre, on trouve une lCgere h6patomkgalie plutBt intermittente e t passagere.

Dans I’dtiologie de la Ievulosurie, on devrait donc chercher une cause touchant spkcialement le foie e t a ce point de vue, il est nature1 de penser avant tout a la syphilis e t surtout a I’hCrCdosyphilis. Pourtant dans aucune des observations publides, cette etiologie n’a point Cte constatee, ni meme soupqonnee.

A part le cas de H. Steinitz ou il s’agit d’un homme Gge de 817 ans, la plupart des observations concernant plutBt l’Age jeune, 21- 34 ans (Steinberg et Elberg), 27 ans (Anschel), 18 ans (Snapper, Van Creveld et Grunbaum), 15 ans (Schlesinger), 10 ans (le n8tre), 6 ans (Huber, Lievre, Neret et Illaire), 2 ans e t demi (Fischer) e t enfin 6 mois (DebrC, Marie, Seringe e t Merson) I, ce qui n’est pas A I’encontre d’une provenance congenitale de la maladie, dans quelques-uns, sinon dans la totalite des cas. Nous devons aussi remarquer que les Ages not& par les auteurs concernent souvent les dates de constatation de la levulosurie, mais non les vraies dates du dCbut.

Dans notre cas plusieurs raisons militent en faveur d’une origine htridosyphilitique de la maladie.

La syphilis averCe du pere, virulente jusqu’a sa mort, la con- comittance de la petitesse de la taille et de I’hCpatomegalie chez les deux frere e t sceur, et enfin l’ostkite occipitale du frere facilement guCrie par I’arsbnotherapie sont en faveur de cette hypothese.

Chez tous les deux, la petitesse de la taille s’est manifestde des la naissance et s’est accusee pendant la croissance. D’apres

1 Nous sornrnes en train d’btudier un nouveau cas concernant une fillette de trois ans dont la lbvulosurie a Ctb constatbe I’Qe d‘un an.

Page 16: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

470 E D H E M , F. E R D E N e t K. STEINITZ.

Nobecourt et Lebee, parmi les facteurs congenitaux susceptibles d’influencer la croissance staturale, I’hCrCdosyphilis de premiere et m6me de deuxieme generation mCrite une mention sp6ciale et sur 100 hypotrophiques, il y en a 20 ou 30 qui sont de nature syphilitique.

I1 est vrai que les deux enfants ne prdsentent aucun stigmate specifique, aucun trouble endocrinien manifeste et leur sang examine de nombreuses fois, meme apres &activation, s’est toujours montr6 nkgatif pour le Wassermann. C’est que la syphilis wemble avoir perdu le pouvoir de produire des lCsions virulentes et n’avoir gardC que celui de troubler la nutrition et le fonctionnement de certains organes.)) (Marfan).

Le dysfonctionnement hepatique de notre sujet nous para‘it donc bien Ctre lie A la syphilis congknitale. Quant h la levulosurie elle peut s’y rattacher indirectement, par l’intermediaire du trouble du foie, mais n’est malheureusement pas du tout influence par un traitement antisyphilitique, comme nous avons eu l’oecasion de le constater a des Cpreuves plusieurs fois rCpCtees.

L’un de nous (K. Steinitz) avait dCja constate que dans six cas des lesions hepatiques graves, I’injection d’extrait du foie a pu enraycr ou au moins diminuer le deficit et le retard de formation de la lactacidkmie et de la production de CO,. De mCme Wiedmann a rdcemment observe l’influence avantageuse des extraits hkpa- tiques sur les troubles du mktabolisme des hydrocarbones dans les cas de dkficience hepatique expkrimentalement provoquee. Nous avons voulu savoir si l’extrait du foie possede de mCme une influence favorable dans la Ievulosurie. La quantite totale du ICvulose CliminC, le taux de la levulosemie, le pourcentage de la hausse de la lactacidemie e t le degre d’hypoglucoskmie provoquee dans les Cpreuves de l’ingestion du lCvulose, peuvent servir comme des points de repere assez precis pour juger de la valeur du traitement.

Une heure apres une injection intramusculaire de 10 cm3 de campolon, le matin h jeun, nous avons donc pratique une nouvelle epreuve, chez notre patiente, par l’ingestion de 50 grs de levulose, dont les resultats sont consign& dans le tableau No. 4, ou l’on voit que l’elimination totale de levulose pour les trois premiPres heures a BtB de 4 grs 84 au lieu de 7 grs 07, de 9 p.100 au lieu de 14 p. 100 de la dose ingCrCe. La lactacidbmie a present6 h la pre- miere heure une hausse de 35 p. 100 par rapport au chiffre de

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E T U D E S S U R U N C A S D E L E V U L O S U R I E E S S E N T I E L L ~ . 47 1

Ikvulosurie Volume

ell cm3 tration T e l n ~ s d’urine Coticeti- Elimi-

p. 1000

A jeun I I I 0

Aprl.8 50’1 --

48 1 19.4 1 0.93

* 75’1 20 1 51.5 I 1.03

* 135’1 51 1 48.0 1 2.45

8 195‘1 33 I 13.1 I 0.43

-

Tableau 4. Epreuve B l’ingestion de 50 grs de levulose, une heure aprh l’injection de

10 cm3 d’extrait hdpatique.

Sucre total Ldvulo

Temps du s h i e sang p. 1000

p. 1000

A jeun 1 0.90 1 . o Aprl?s 35’1 1.13 1 0.23

)) 50‘1 1.20 I 0.3G

D 135‘1 1.10 I 0.22

D 195’1 0.92 I 0.08

-___

Lactacidhie Gluco- __

0.90 I 0.103 I 0.90 1 0.094 1 - 8

0.84 I 0.139 1 f 35

0.88 1 0.105 I 4- 2

0.84 I 0.094 I - 8

I I

depart. La hausse, encore assez reduite en comparaison du chiffre 82 p. 100 trouvk chez un homme sain, est pourtant fortement au- dessus de 11 p. 100 trouvC 5 1’6preuve sans campolon. On remarque, de mCme, une reduction de la ICvulosCmie qui n’a monte que jusqu’i 0.36 au lieu de 0.42 p. 1000 et I’absence de l’hypoglucos6mie. Sans campolon la concentration du glucose sanguin s’dtait abaissCe, a la deuxieme heure, de 0.95 ii 0.44 p. 1000, tandis qu’avec le campolon la chute a P t C presqu’insensible, de 0.90 a 0.84 la troisieme heure.

L’action avantageuse du campolon parait mCme avoir agi sur le mode d’klimination du 1Cvulose. A la derniere heure de 1’Cpreuve l’index de concentration du ICvulose (71), s’est fortement ecartee de celle de la crkatinine (113) (Voir Tableau No. 3). On peut soup- conner que grace au campolon la reabsorption d’une partie du 16vulose filtre, que I’on peut calculer comme Ctant de 0 . 0 4 4 . 0 6 p. 1000, a pu s’effectuer e t qu’un seuil renal a commence B se retablir.

Nous pouvons donc conclure que l’extrait du foie posdde une action norrnalisante sur le trouble du rne‘tabolisrne du le‘vulose dans la le‘vulosurie comme dans les maladies graves du foie, ce qui laisse prksumer qu’il existe probablement dans les extraits hepatiques un facteur capable de corriger, au moins en partie, le metabolisme vicie du 1Cvulose.

Page 18: Etudes sur un cas de lévulosurie essentielle

472 E D H E M , F. E R D E N e t K. STEINITZ.

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