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Médiums Esprits Justine Deffontis Anthony Michel Les tribulations d’Emma, étudiante et apprentie médium Tome I

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Emma n’allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et linéaire, tant souhaité à la veille d’une reprise d’étude de travail. En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur le ventre. Et progressivement, son cœur se mit à battre bien plus rapidement. Pourtant, Emma n’avait ni chaud, ni froid, la fin de l’été permettant d’avoir en particulier des nuits douces. D’ailleurs, l’étudiante n’était pas tant couverte que cela. Elle prit conscience des palpitations de son cœur et ne voyait pas pourquoi celui-ci s’emballait de cette façon. Emma ne se posait pas, cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller, prêtre à s’endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit rompu trop longtemps en raison de la journée qui l’attendait. Finalement, la jeune fille se rendormit vite. Toutefois, son sommeil n’était pas profond. Puis elle sentit une présence.

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Emma n’allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et

linéaire, tant souhaité à la veille d’une reprise d’étude de travail.

En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur

le ventre. Et progressivement, son coeur se mit à battre bien plus

rapidement. Pourtant, Emma n’avait ni chaud, ni froid, la fin de

l’été permettant d’avoir en particulier des nuits douces.

D’ailleurs, l’étudiante n’était pas tant couverte que cela. Elle prit

conscience des palpitations de son coeur et ne voyait pas pour-

quoi celui-ci s’emballait de cette façon. Emma ne se posait pas,

cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller, prêtre

à s’endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit

rompu trop longtemps en raison de la journée qui l’attendait.

Finalement, la jeune fille se rendormit vite.

Toutefois, son sommeil n’était pas profond.

Puis elle sentit une présence.

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Michel

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Les tribulations d’Emma, étudiante et apprentie médiumEsprits Tome 2 Au-delà

Esprits Tome 3 Réincarnation

espritsmediumsesprits.hautetfort.com

Tome I

3Introduction

Justine DeffontisAnthony Michel

ESPRITS

Tome 1Médiums

Léon Denis

Après la MortChristianisme et SpiritismeLe Problème de l’être et de la destinéeLa grande énigme (Dieu et l’Univers)Le génie celtique et le monde invisibleDans l’Invisible : Spiritisme et médiumnitéLe pourquoi de la vie

Allan Kardec tLe livre des Esprits

Le livre des MédiumsL’Evangile selon le Spiritisme

Le Spiritisme à sa plus simple expressionLa Genèse, les miracles et les prédictions

Oeuvres posthumesLe Ciel et l’Enfer

La prière

Disponibles sur la libraire spirite :www.editions-philman.com

Cette édition a été réalisée avec la collaborationdu Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

http://www.cslak.fr

Imprimé en Europe — Dépôt légal : décembre 2013ISBN : 978-2-913720-70-1 — EAN : 9782913720701

Chico XavierIl y a 2000 ansNosso LarLes messagersMissionnaires de la lumièreDans le monde supérieurLes ouvriers de la vie éternelleDans les domaines de la médiumnitéAction et réactionEntre la terre et le cielLibérationCinquante ans plus tardAvé ChristRenoncementPaul et Etienne

Justine DeffontisAnthony Michel

ESPRITS

Tome 1Médiums

A notre entourage qui, volontairementet parfois involontairement, nous a inspiré

Plus largement, à tous les Esprits qui nous ont aidésA Catherine et à Gilles

A Laurent pour ses encouragements

« Je ne dis pas que cela est possible,je dis que cela est. »

William Crookes

Emma se préparait à aller se coucher. Demain, c'était lareprise. Quelques jours auparavant, sa grand-mère quittait lemonde des vivants.Emma était contente de retourner à l'université. Et en même

temps, cette reprise avait un goût particulier. Comme si une pagese tournait, avec une douleur assez marquante. Naturellementmarquante car en rapport au décès de son aïeule qu'elle aimaitbeaucoup.La jeune fille rejoignit son lit, glissant sous sa couverture avec

l'esprit assez vide. Elle ne se sentait pas spécialement bien. Nimal non plus. Elle était certes contente pour demain. Mais ellen'y pensait pas beaucoup. Elle cherchait à s'endormir rapide-ment. Et elle le fit. Tant mieux. Puisqu'il fallait avoir la formepour cette nouvelle journée.Seulement voilà, Emma n'allait pas passer une nuit avec ce

sommeil solide et linéaire, tant souhaité à la veille d'une reprised'études ou de travail. En effet, la jeune fille brune se réveilla enpleine nuit. Elle était sur le ventre. Et progressivement, son cœurse mit à battre bien plus rapidement. Pourtant, Emma n'avait nichaud ni froid, la fin de l'été permettant d'avoir en particulier desnuits douces.D'ailleurs, l’étudiante n'était pas tant couverte que cela. Elle

prit conscience des palpitations de son cœur et ne voyait paspourquoi celui-ci s'emballait de cette façon. Emma ne se posaitpas, cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller,

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prête à s'endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeilsoit rompu trop longtemps en raison de la journée qui l'attendait.Finalement, la jeune fille se rendormit vite.Toutefois, son sommeil n'était pas profond. Puis elle sentit

une présence. D’abord au niveau de ses pieds, juste en dessousd'eux plus précisément, comme si on venait y taper une fois dou-cement contre le matelas.L’étudiante ignorait si elle dormait encore. Elle gardait

néanmoins les yeux fermés. Elle sentit, par la suite, que l'onparcourait l'ensemble de son corps mais de l’intérieur, partant despieds jusqu'à la poitrine. Son cœur, lui, continuait de battre sivite… Elle prit une peur soudaine de mourir. En vérité, elle était,dorénavant, bien réveillée.Elle entendit taper doucement mais franchement à la droite

de sa tête, toujours sur le matelas. Et ce, quelques fois. Elle avaitla tête de l'autre côté et n'osa pas se tourner.Emma était toujours sur le ventre, son bras gauche étendu le

long de son corps. Sa main droite était, quant à elle, sous le coussin.Mais dans ses deux paumes, elle sentit comme un poids, uneboule, une orange lourde, et surtout, de ces parties du corps, uneénergie. C'était une sensation exceptionnelle.La jeune fille essaya de lever doucement sa main gauche.

C'était cependant particulièrement difficile. En conséquence,l’impression de détenir un poids dans celle-ci se confirma.Elle sentit, pour finir, un souffle sur ses cheveux, au sommet

de son crâne. C'était l'affaire de trois secondes. Il n’y avait, bienentendu, pas de vent dans sa chambre et les fenêtres étaientfermées. Cet air était, par ailleurs, trop ponctuel et localisé pourqu’il vînt de l’extérieur. Emma n'était même pas effrayée. Elle nepensait à rien.Cette dernière sensation étant alors passée, son cœur alla se

remettre à battre normalement. La jeune fille allait se rendormirtout aussi normalement.Mais avant, elle s’était permise de tourner latête. Il y avait de la clarté dans la pièce. Il faut dire qu'il était déjà

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six heures du matin. C'était effectivement la lumière de l'aubepuisque – Emma le vérifiant de son lit – elle provenait ducontour de sa fenêtre.Au bout du compte, cette nouvelle phase de sommeil allait ne

pas durer longtemps. Emma se réveilla assez contrariée par cettenuit avec ses étranges sensations. Elle ne risquait pas de lesperdre à l’esprit. Comme un peu plus tôt – puisque, après tout,elle ne dormit qu’une petite heure de plus –, Emma jeta un coupd’œil dans sa chambre. L’étudiante n’était pas tranquille. Ellen’avait pas, de toute façon, passée une nuit tranquille. Sachambre était naturellement un peu plus éclairée que tout àl’heure. Son regard s’arrêta sur le réveil. Il était six heures vingt.Une demi-heure de sommeil supplémentaire aurait été la bien-venue après la difficile semaine qu’Emma venait de vivre. Lajeune fille, se sentant oppressée, se leva et se dirigea vers la sallede bain. Une bonne douche l’aiderait sans doute à reprendre soncalme. Emma enfila un pantalon bleu marine et une chemisecintrée blanche. Après avoir lissé ses longs cheveux bruns, elleprit quelques minutes pour mettre en valeur ses yeux noirs.Emma aimait être soignée de la tête au pied. Cette habitude luivenait de sa grand-mère, qui présentait toujours parfaitement.Même ces derniers mois, durant lesquels la folie l’avait atteinte,Gisèle ne négligeait pas son apparence. Emma, devant sa glace,se remit justement à penser à sa grand-mère. Elle sentit son cœurse serrer en se remémorant les derniers évènements. Les crises dedélire incontrôlables de Gisèle avaient contraint la familleDesmolière à la faire hospitaliser en psychiatrie. L’état del’octogénaire s’était alors dégradé en quelques semaines.

Emma fut tirée de ses tristes pensées par la douce voix de samère qui, dans le couloir, l’appelait. La jeune fille ouvrit la portede la salle de bain et embrassa sa mère.— Bonjour Maman.— Tu as mieux dormi ?

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— Pas vraiment… Mais ça va aller. C’est la rentrée aujour-d’hui. Ça va me changer les idées !— Je vais réveiller ta sœur, le petit déjeuner est prêt.L’odeur du café et du pain grillé envahissait l’appartement

familial. En entrant dans la cuisine ouverte sur le salon, Emmaaperçut son père plongé dans son journal.— Bonjour Papa !Richard leva la tête et sourit tendrement à sa fille.— Bonjour ma chérie. Tu es en forme pour cette rentrée ?— Ça ira… après avoir bu un bon café ! Soupira Emma en

empoignant la cafetière.Elle remplit une tasse de café bouillant et se mit à table, où le

petit déjeuner était servi.Apercevant sa sœur dans l’embrasure de la porte, Emma se

leva pour l’embrasser. Charlie, de quatre ans sa cadette, luiressemblait beaucoup : le teint clair, une longue chevelure brune.Néanmoins, l’adolescente avait hérité des yeux bleu azur de sonpère.Anne pénétra dans la pièce d’un pas pressé et s’adressa à sa

fille aînée :— Charlie rentre du lycée à dix-sept heures. A quelle heure

penses-tu finir ta journée ?— J’ai prévu d’aller courir au Parc de la Tête d’Or avec Chloé

après les cours. Nous avons des épreuves physiques à la fin dupremier semestre, et l’endurance n’est pas mon point fort… Je neserai pas là avant le dîner.— Fais-moi le plaisir de te ménager, soupira sa mère. Ces

dernières semaines ont été éprouvantes pour chacun de nous, ettu as eu peu de vacances avec ton stage.— Ne t’inquiète pas maman, coupa la jeune fille, ça va aller…La famille Desmolière vivait dans un appartement, au dernier

étage d'un vieil immeuble du quartier de la Croix-Rousse – quar-tier situé dans le quatrième et premier arrondissement de Lyon.L'endroit mêlait authenticité et tranquillité. Les fenêtres ne don-

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naient que sur un côté de l'immeuble, à l'opposé de la rue où sesituait son entrée.Des fenêtres, on voyait un autre immeuble, qui était si proche

que, même avec un grand soleil dans le ciel, la lumière du jourpénétrait relativement peu dans l'appartement.L’apparente froideur des lieux était compensée par la présence

du vieux poêle, dans l'un des coins du salon, qui réchauffaitdepuis des années les parents et leurs deux filles.Quand un membre de la famille fermait la cossue porte

d'entrée, plus possible d’entendre un voisin et l'apaisante magiedu silence pouvait s'opérer, silence grandissant depuis que lesenfants avaient grandi. De plus, malgré les années quis'écoulaient et devaient donc rendre une vie financièrement plussouple, les affaires de Monsieur Desmolière ne s'amélioraientpas, l'obligeant à passer plus de temps dans son atelier.

Une demi heure plus tard, Emma dévalait les pentes de laCroix-Rousse pour rejoindre la station de métro de l’Hôtel deVille.Après trois arrêts, l’étudiante gagna la place des Charpennes

où elle emprunta le tramway en direction de la Faculté de Sport.Icelle faisait partie du campus de la Doua, à cheval sur deuxvilles, Lyon et Villeurbanne. En effet, de par son immensité, laDoua s’étendait du Parc de la Tête d’Or au long des berges duRhône.Une jeune fille blonde attendait à l’entrée du bâtiment réservé

au Pôle universitaire de la Forme. Apercevant enfin Emma, ellela gratifia d’un sourire complice. C’était une amie. Son nom étaitChloé. Ces deux-là étaient suffisamment proches pour queChloé eût assisté aux funérailles de Gisèle. Aussi, elle éprouvaitune grande compassion pour son amie en deuil.— Salut ma belle, contente de te retrouver ! Prononça Chloé.—Moi aussi.Merci encore pour ta présence la semaine dernière…— C’était tout naturel.

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Après un léger silence, Emma reprit :— Alors, toujours partante pour l’entraînement ce soir ?— Bien sûr ! J’ai donné quelques cours au club ce week-end.

Un remplacement de dernière minute… Je suis en pleine forme.Les jeunes femmes entamaient leur deuxième et dernière

année d’étude en alternance à la faculté de sport. Dans quelquesmois, elles allaient obtenir leur diplôme d’éducateur sportif spécialisédans les métiers de la forme.Emma et Chloé se dirigèrent vers la salle où avaient lieu les

cours théoriques. Sur place, elles prirent plaisir à retrouver lesvingt-six autres élèves de leur promotion.La responsable du pôle accueillit les étudiants. Elle leur

présenta le planning d’alternance ainsi que leur nouvel emploi dutemps.La matinée se poursuivit par un enseignement de psycho-

physiologie. Après une pause repas à la cafétéria universitaire, lesélèves découvrirent leur nouveau professeur d’anatomie. A dix-sept heures, Monsieur Deltour conclut son cours :- Pensez à revoir vos leçons régulièrement. Dans quelques

semaines, vous pourrez apprécier une approche plus «réelle» del’anatomie. Nous irons à la faculté de médecine pour observer lesmuscles et les articulations d’un cadavre.A cet instant, un silence pesant envahit la salle. Les élèves se

regardèrent, hébétés.- Ne vous inquiétez pas, ajouta le professeur, je suis sûr que

vous trouverez cette expérience captivante. Et bien sûr, les âmesles plus sensibles pourront rester à distance !Chloé lança un regard effaré à Emma :— Disséquer un cadavre ? Quelle horreur ! Je ne suis pas

étudiante en médecine !Emma sourit :— Oui. Bien moi, il va falloir que je me prépare psychologi-

quement…

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Après cette longue journée de cours, les deux amies avaienthâte de se défouler. A bord de la petite auto de Chloé, elles sedirigèrent vers l’entrée ouest du Parc de la Tête d’Or. Seulementquelques kilomètres séparaient le parc du campus, mais le traficétait dense à Lyon en fin de journée.Les places de parking étaient rares aux abords du parc. En

conséquence de quoi, les étudiantes laissèrent le véhicule sur leBoulevard des Belges et gagnèrent la porte des enfants du Rhôneà pied. Emma prit quelques instants pour admirer les grilles enfer forgé, ornées partiellement de feuilles d’or, qui s’élevaient suronze mètre de hauteur.— Commençons à courir, proposa Chloé. On va faire un tour

du parc et puis on trouvera un endroit calme pour faire quelquesexercices spécifiques.Les deux amies s’engagèrent sur la piste de jogging. Les jolies

boucles blondes de Chloé dansaient sur ses épaules.Après avoir longé les grandes serres et le jardin botanique, les

étudiantes contournèrent le parc zoologique et achevèrent leurcourse aux abords de la Cité internationale.— Pour la suite de l’entraînement, on va sur l’Ile du Souvenir ?

Proposa Emma. Les escaliers sont moins encombrés que ceux àl’entrée du parc. Ça nous permettra de faire quelques exercicesintéressants.Les jeunes filles s’engagèrent dans le passage souterrain

menant à l’île.— C’est quand même un peu glauque comme endroit pour

s’entraîner, non ? Ce n’est pas sur cette île qu’il y a un monumentaux morts ? Interrogea Chloé.— Si, mais on sera plus tranquilles ici.— O.K. Tu es quand même une coach assez particulière,

Emma. Je ne te conseille pas d’emmener tes clients ici !Les amies s’esclaffèrent en atteignant la surface de l’île : lieu

à la fois rafraîchissant lorsque l'été osait se poursuivre de plusbelle, et mélancolique en raison de l'hommage qui y était fait

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pour les défunts combattants de la Grande Guerre.Les deux sportives avancèrent de quelques mètres en direction

du monument édifié au centre de l’île. Soudain, Emma vacilla.— Que se passe-t-il ? s’inquiéta son amie.— Je ne sais pas, j’ai… comme un vertige.—Viens, allons nous asseoir sur ces marches, murmura Chloé

en soutenant sa camarade. Tu fais peut-être une hypo-glycémie ?— Je ne pense pas. J’allais très bien il y a deux minutes

encore… Oh, ma tête ! J’ai une migraine terrible ! Gémit Emmaen caressant ses tempes— C’est cet endroit. Il doit y avoir de mauvaises ondes !

plaisanta Chloé.Les jeunes filles observèrent alors le décor qui les entourait.

Une statue les surplombait. Elle représentait six personnagesportant une dalle funéraire enveloppée dans un linceul. Autourde l’esplanade sur laquelle s’élevait la sculpture, des milliers denoms étaient gravés dans la pierre.— C’est en mémoire des Lyonnais tués pendant la guerre

quatorze-dix-huit, expliqua Chloé en lisant la plaque com-mémorative.Emma jeta un œil à sa montre.— De toute façon, il va falloir rentrer…Les deux amies repartirent en faisant le chemin inverse. A la

sortie du souterrain, Emma s’étonna :— Ça alors, la douleur a totalement disparu ! C’est… vrai-

ment bizarre.— Je te l’ai dit, lança Chloé l’air mystérieux, cette île doit être

hantée ! Un parc aussi ancien, qui porte un nom pareil, doitcacher bien des secrets !— Justement, j’ai entendu dire que le Parc de la Tête d’Or

doit son nom à une légende. Si je me souviens bien, un trésor yserait enfoui quelque part. Il renfermerait notamment une statueen or représentant le visage de Jésus, je crois.— Fascinant ! Mais je pense que, depuis le temps et avec tous

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les travaux récents, s’il y avait eut un trésor, on l’aurait trouvé…— Oui voilà, ce n’est qu’une légende… répondit Emma

songeuse.— Tu n’as vraiment pas l’air dans ton assiette. Je te raccom-

pagne jusqu’à chez toi, c’est plus prudent.— Merci. Peux-tu plutôt me déposer à l’hôpital du Vinatier ?

Je dois récupérer des affaires. Je rentrerai ensuite en bus…— D’accord, mais je te ramènerai. Je ne suis pas pressée, per-

sonne ne m’attend, soupira Chloé.

A dix-huit heures, la voiture blanche de Chloé arriva devantl’entrée du centre hospitalier. Le large portail en métal gris étaitouvert, laissant apercevoir une splendide chapelle d’inspirationbyzantine qui s’élevait au bout de l’allée principale. Chloé déposaEmma devant le bâtiment où Gisèle avait été internée.Mais en pénétrant dans le hall, un frisson parcourut Emma.

Elle se sentait très mal à l’aise dans cet endroit où sa grand-mères’était éteinte.Le secrétariat était indiqué au fond du couloir principal. Au

loin, Emma vit un grand jeune homme mince et brun, aux cheveuxtrès courts. Il portait une blouse blanche et poussait un patienten fauteuil roulant. En arrivant à leur hauteur, Emma était cap-tivée par cet homme charmant qui lui sourit, laissant apparaîtredes fossettes. Quelle était sa fonction ? Etait-il médecin ?Soudain, le malade attira l’attention d’Emma. Il l’observait, la

tête penchée sur le côté. Ses pupilles étaient tellement dilatéesque ses yeux paraissaient tout à fait noirs. Serrant les mâchoires,comme pour contenir de la colère, il murmura :— Je sais qui tu es. Laisse-nous tranquilles. Tu ne peux pas

nous faire partir…— Comment ? je ne vous connais pas Monsieur. Vous devez

faire une erreur, répondit Emma, stupéfaite.— Navré, ne l’écoutez pas, interrompit le jeune homme, ayant

les joues rosissant un peu.Monsieur Hillman, je vais vous confier

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au Docteur Sylla. Il vous reconduira ensuite dans votre chambre.Le docteur en question, qui était psychiatre, avait assisté à la

scène. Il s’approcha d’Emma et lui dit :— Je suis désolé que mon patient vous ait importuné,

Mademoiselle. Il s’exprime très rarement.Que le malade s’exprimât rarement était-ce rassurant puisque

alors Emma le fit sortir involontairement de son silence ? Entout cas, de plus en plus nerveux, il s’écria :— J’ai déjà rencontré des personnes comme toi, laisse-nous !

On est bien ici, tu ne peux rien faire !Puis subitement, l’homme se leva. Il tenta d’agripper Emma

mais le docteur le retint de justesse. Ce dernier appela à présentune infirmière afin de l’aider à maintenir le patient décidémentagité. Ils décidèrent de l’attacher à son fauteuil.Emma, effarouchée, s’était réfugiée près du jeune homme qui,

en vérité, était externe en médecine. «Calmez-vous, voulait-il larassurer, vous ne craignez plus rien. Encore une fois, je suis navréde cet incident. Est-ce que ça va ?» Elle resta muette. Elle regar-dait s’éloigner le docteur Sylla et l’infirmière avec le patient quivisiblement lui était hostile.Une voix familière l’interpella. C’était Chloé. Elle venait

d’incruster les lieux, s’inquiétant de ne pas voir son amie revenir.— Emma ! Tout va bien ? Demanda-t-elle.— Ah, tu es là ? Dit, surprise, sa brune camarade. Oui ça va,

j’ai juste croisé un patient un peu agité…Emma se tourna à nouveau vers le jeune homme en tentant

de lui sourire :— Merci, j’ai un peu paniqué.— Il n’y a pas de quoi ! Moi-même, ça fait seulement quel-

ques semaines que je suis ici en stage… et j’ai du mal àm’habituer.— Ha ? Pardon Monsieur, je ne vous ai pas dit bonjour.— Bonjour, répondit l’externe à Emma.— Alors vous êtes étudiant ? Interrogea Chloé.

17Tome I - Médiums

— Oui, je suis en troisième année de médecine. Je m’appelleThéo.Une voix glaciale les interrompit : «Monsieur Etienne, je vous

retrouve dans mon bureau ?» C’était le docteur Sylla ; il semblaitcontrarié. Etienne était le nom de Théophile, qui s’exécuta, sou-riant brièvement mais chaleureusement à Emma. Embarrassée,celle-ci se tourna vers le psychiatre, dont elle ne voyait main-tenant que la tête, dépassant de l’entrée de son bureau.— J’allais au secrétariat. Je crois que c’est par là ; affirma-t-

elle peu clairement, avant de tourner les talons et faire quelquespas aux côtés de Chloé.— Attendez un instant !C’était encore une fois le docteur, ressorti de son bureau. Il

rejoignit Emma et lui fit face. Elle se figea. L’homme à la peausombre dévisagea son interlocutrice.— Avez-vous une idée de ce que voulait dire mon patient à

votre sujet tout à l’heure ?— Absolument pas ! Mais de toute façon, c’est une personne

très déséquilibrée, non ?— En effet, répondit seulement le docteur.Rapidement, il salua ensuite les étudiantes et disparut dans

une salle d’examen. Chloé, pour sa part, s’étonna de cette étrangequestion. Or, Emma allait prendre le temps de lui relater l’in-cident en détails.Après avoir récupéré les affaires de Gisèle, les amies regagnèrent

le quartier lyonnais de la Croix-Rousse.

Il était maintenant vingt-deux heures quand, à son tour,Théoretrouva son chez-lui. Le jeune homme avait un peu de malà tenir le coup moralement. Le monde de la psychiatrie étaitnaturellement éprouvant. La complexité de l’être humain y étaitexacerbée. Le personnel médical devait entendre la douleur dupatient dans sa dimension pathologique sans évidemment la par-tager. De surcroît, pour Théo, l’autorité du docteur Sylla n’était

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pas toujours simple à gérer. Enfin, Monsieur Hillman avait faitdes siennes aujourd’hui. Il y avait eu également cette fille.Comment, déjà, son amie l’avait-elle appelée ? Ha oui, Emma.Avant d’enfiler son casque et de grimper sur sa moto, Théo

expira un bon coup pour ensuite avoir en tête l’idée que demainétait un autre jour et que, surtout, il ne voulait sûrement paslâcher ses études qui le passionnaient.

Le lendemain matin, Emma se sentait plus en forme que laveille au soir. Elle décida donc d’aller faire une séance de sport aucentre de remise en forme où elle était stagiaire. Pour ne pasinquiéter ses parents – surtout sa mère, au courant de ses nuitsperturbées –, elle ne leur avait pas raconté l’incident à l’hôpital.Idem à propos de son trouble au Parc de la Tête d’Or. Les deuxchoses dans la même journée. Au moment de se réveiller, Emmas’était brièvement demandée s’il y avait un lien entre cet incidentet son malaise. Mais un lien de quelle nature, à vrai dire ? Enmême temps, Emma souhaitait un peu oublier ces épisodesmoralement fatigants.En revanche, elle avait bien récupéré, en repartant de

l’hôpital, les quelques affaires de sa grand-mère. Ses parentsétaient un peu étonnés qu’elle fût allée là-bas. MonsieurDesmolière comptait y aller ce matin même.

Le club était situé dans l’Ouest Lyonnais. Pour s’y rendre,Emma empruntait les transports en commun.La station de métro Hôtel de ville était située à quelques cen-

taines de mètres de son domicile. Elle s’y rendait en une poignéede minutes. Evidemment, le samedi matin, les voyageurs étaientnettement moins nombreux qu’en semaine. Pourtant, dans lemétro, Emma se sentit rapidement oppressée. Elle trouva uneplace assise et s’y installa. De là, elle essaya de respirer cal-mement. Puis Emma remarqua discrètement qu’on l’observait.Assis en face d’elle, un jeune homme la dévisageait.

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Croisant le regard d’Emma, il détourna la tête en passant lamain dans ses cheveux. Il était à la fois séduisant et intriguant. Ilavait le teint pâle et les joues creuses. Une légère moustache etune fine barbe au niveau du menton mettaient en valeur deslèvres parfaitement dessinées. Ses yeux, aussi sombres que sescheveux, se portèrent de nouveau sur Emma. Celle-ci ressentitsoudain des palpitations intenses dans la poitrine. L’inconnu seleva sans quitter la jeune femme des yeux. Mal à l’aise, elle baissala tête et fit mine de chercher quelque chose dans son sac. Sonrythme cardiaque redevint régulier. Puis Emma regarda autourd’elle, le garçon avait disparu. A l’arrêt Bellecour, l’étudiante pritune autre ligne en direction de la gare de Vaise. Arrivée à celle-là,elle monta ensuite dans le bus qui la conduisit jusqu’au centre deremise en forme.Après avoir contourné le bâtiment, la stagiaire traversa la cour

et grimpa les quelques marches qui permettaient d’accéder àl’entrée. A l’accueil, Emma salua ses collègues. Enfin, elle des-cendit retrouver Chloé aux vestiaires.— Comment vas-tu depuis hier ? Tu as pu dormir cette nuit ?

Questionna la blondinette en enfilant un débardeur bleu tur-quoise assorti à la couleur de ses yeux.Un corsaire noir soulignait ses cuisses rondes et fermes.— Et bien, oui ça va. Enfin je ne sais pas, j’ai des sensations

vraiment étranges…— Ah oui ? Tu m’inquiètes vraiment. Tu devrais aller voir un

médecin au lieu de venir faire du sport !— Mais ça va ! Là, je me sens très bien. Et puis ces vertiges

durent quelques minutes et, l’instant d’après, tout redevientnormal, rétorqua Emma en fermant son casier. Plus grande etélancée que sa camarade, elle portait une brassière rouge et uncollant noir.Les étudiantes se dirigèrent vers la salle de cours collectif.

Pour y accéder, elles traversèrent l’espace musculation. Un petitgroupe s’entraînait dans une ambiance décontractée. Un jeune

21Tome I - Médiums

homme, qui semblait être le centre d’attraction de ses camarades,interpella Chloé. Il la gratifia de quelques compliments sur unton narquois. Cependant, la demoiselle n’y prêta pas attention.Légèrement agacé, le garçon aux yeux clairs et au teint hâlé pour-suivit son entraînement en marmonnant quelques moqueries quidéclenchèrent l’hilarité dans le petit groupe.Emma observa son amie au visage attristé et la rassura :— Tu as bien fait de l’ignorer, Mathias ne mérite pas ton

attention.— Oui, je me demande comment j’ai pu rester autant de

temps avec un type si arrogant !C’est alors qu’une musique rythmée envahit la salle de gym.

Emma et Chloé suivirent les trois cours dispensés dans lamatinée. Elles prirent ensuite connaissance de leur emploi dutemps pour la semaine de stage à venir.

Emma était de retour chez elle en début d’après-midi.L’étudiante n’avait pas la force d’avaler quoi que ce soit. Elleinforma ses parents qu’elle souhaitait se reposer et gagna rapide-ment sa chambre où elle se sentait si bien depuis toute petite.Comme, en vérité, dans l’appartement tout entier, qu’elle voyaittel un chaleureux refuge.Sur le sol du salon ainsi que du couloir qui la conduisait à sa

cambriole, il y avait des petits carreaux comme des pierres. Grisfoncé ou encore bordeaux, quelques uns n'étaient pas très stables,un peu décollés ou bien fendus. Monsieur Desmolière les avaitplusieurs fois réparés. Il avait plusieurs fois répété qu'un jour ilrefera faire l'ensemble du sol. En vain. De toute façon, ses fillesavaient passé l'âge de jouer à rester en équilibre sur ces carreauxqui bringuebalaient.L'hiver, sous la lumière jaune des lampes, comme l'été, pen-

dant lequel on pouvait ouvrir grand les fenêtres étant donnée lachaleur que peut connaître la ville de Lyon, les Desmolièreavaient su vivre dans la fraternité,malgré la situation professionnelle

22 Esprits

des époux qui bringuebalait elle aussi. Une fraternité, malgré unecondition qui ne se voulait pas meilleure. Cette fraternité salu-taire lorsque le bonheur n’est pas porté sur un plateau, celle quifait se serrer les coudes, survivre collectivement ou résister lesmillions de gens qualifiés d'ordinaires. Anne et RichardDesmolière avaient eu, dans la modestie, le souci de confectionnerun bonheur pour leurs filles.Le papa, de par son travail d'artisan ébéniste, entretenait

depuis longtemps un savoir-faire faisant intervenir l'accord entreson esprit et ses mains. Son atelier était dans la même rue, dansun autre immeuble. C'est dans la cave, située en dessous dudépôt, qu'il passait beaucoup de temps, afin de fabriquer, réparerdes objets qui ensuite se gardaient parfois toute une vie.

Emma s’allongea sur son lit. Elle ferma ses grands yeux noirs.Ses cheveux reposaient en bataille sur sa couette. La jeunefemme aurait aimé s’endormir en vitesse. Seulement voilà, elle neput s’empêcher de se remémorer la scène – en détails cette fois,comparativement à ce matin – qui s’était déroulée la veille àl’hôpital psychiatrique.L’externe en médecine,Théo, lui avait fait une impression à la

fois douce et rassurante. Emma pensa ensuite à ce médecin, ledocteur Sylla, qui lui avait été finalement assez antipathique.Mais ce n’était rien à côté de la frayeur suscitée par son alterca-tion avec le malade ! En fait, son visage la hantait. Que dire,aussi, de ses paroles étranges ? Emma sombra dans le sommeil àcet instant.Après quelques minutes toutefois, il lui sembla se réveiller.

Elle sentit des vibrations parcourir son corps. Puis elle eutl’impression d’être totalement paralysée. Elle essaya de bouger,en vain. Des lors, Emma fut prise de panique. Impuissante faceà cet état, elle désirait reprendre le contrôle et se réveiller réelle-ment. Il devait effectivement s’agir d’un cauchemar ! Et puissoudainement, cette pesante impression disparut. Il n’y avait

23Tome I - Médiums

même plus aucune sensation corporelle. La jeune fille vit alorstrès nettement sa chambre comme si elle était éveillée, les yeuxbien ouverts. Cette perception était, cependant, légèrementdifférente de la réalité. Les couleurs, notamment, n’étaient pastout à fait les mêmes.Emma sentit maintenant une présence à sa droite. Elle tenta

de diriger son regard dans cette direction. Ce fut assez facile etrapide. La vision qu’elle eut à cet instant la saisit : un homme setenait là, près de son lit. Elle ne le connaissait pas. Le visage qu’ilavait était triste et son regard implorant. Mais Emma n’eut pasle temps de l’observer plus précisément. Elle était dans une sen-sation d’angoisse qu’elle surmonta uniquement en se réveillantbrutalement.

Le jour commençait à tomber doucement, le soleil étant restétimide en cette fin d’été. L’un de ses rayons éclairait néanmoinsl’entrée de la petite salle de bain qui donnait sur la chambred’Emma. L’étudiante, s’étant levée, l’avait rejointe.Elle était, devant son lavabo, en train de rafraîchir son visage

en passant de l’eau dessus. Ses idées également, elle voulait sansdoute les rafraîchir. En vérité, de tous ces étranges phénomènes,l’étudiante ressentait maintenant le besoin de parler. Maiscertainement pas à ses parents qui se faisaient déjà beaucoup desouci pour elle.En se séchant et omettant de se remaquiller un peu, la jeune

fille pensa à sa grand-mère et plus précisément aux hallucinationsdont elle était atteinte à la fin de sa vie.Commencer à douter du contrôle de son propre esprit, ne plus

savoir, en outre, distinguer l’imaginaire de la réalité : c’était lasensation que venait d’avoir Emma cet après-midi. Une sensationqu’elle trouvait affreuse.Quand même, elle se demandait une nouvelle fois pourquoi

ne pas parler de tout ça à ses parents. Outre l’inquiétude qu’ellecraignait de faire grandir, chez eux, elle savait que son père,

24 Esprits

Richard, était très cartésien. Il allait mettre ces hallucinations surle compte d’une grande fatigue, conséquence entre autres dudécès de sa mère. Autrement dit, les hallucinations restaient deshallucinations.A travers l’avis de son père qu’elle imaginait, Emma se

convainquait elle-même que seule la fatigue était la source detout ceci. Elle avait, malgré ça, le désir de partager ses expé-riences avec Chloé, en qui elle avait pleinement confiance.Les deux amies s’étaient rencontrées au collège. Chloé, trans-

plantée du cœur quelques mois avant son entrée en sixième, avaitété dispensée de suivre les cours d’éducation physique, à songrand désarroi. La minote, déjà toute blonde, brûlaitd’impatience de pouvoir enfin courir et pratiquer différentesactivités comme ses camarades. Emma s’était immédiatementprise d’affection pour Chloé et une belle amitié était née. L’annéesuivante, celles qui devenaient peu à peu des adolescentess’étaient inscrites dans un club de gymnastique artistique. Dèslors, la passion du sport ne les avait plus quittées.

Après avoir informé Chloé de sa visite, Emma prit le chemindu plateau de la Croix-Rousse, où son amie d’enfance résidait.Les pentes étaient raides dans ce quartier campé sur une collineau nord de la presqu’île lyonnaise. Au crépuscule du samedi, lesrues bondées accueillaient les amateurs de shopping et lespremiers fêtards du week-end.La jeune croix-roussienne, qui connaissait l’endroit comme sa

poche, décida d’emprunter les traboules. Une traboule est unchemin reliant deux rues et situé en travers d'un ou plusieursimmeubles. Il est généralement étroit et seulement pour les piétons.Les premières traboules datent peut-être du quatrième siècle, àla veille de la chute de l'Empire romain. Mais celles de la Croix-Rousse sont plus récentes car construites à l'époque des ouvriersde la soie surnommés les Canuts ; passages qui leur donnaient lemoyen de transporter plus rapidement leurs textile et matériel à

25Tome I - Médiums

travers la ville. Aussi, ces chemins allaient bien servir aux Canutspendant leur révolte ainsi que, plus tard, à des résistants de laseconde guerre mondiale. Grâce aux traboules, Emma pouvaitatteindre rapidement le Gros Caillou, ce fameux bloc de roche,symbole du quartier et trônant au sommet des pentes sur uneplace révélant une vue splendide sur l’Est de Lyon.Tandis qu’elle s’engageait dans l’un de ces passages, complè-

tement dépeuplé à la tombée de la nuit, la jeune femme eutl’étrange sensation d’être suivie. Elle se retourna : le couloirsombre et humide était désert. Emma restait quand même mal àl’aise et, de ce fait, pressa le pas. Dans la traboule suivante, elleentendit un bruit derrière elle et aperçut une silhouette masculine.Saisie de panique, Emma se mit carrément à courir. Une mul-

titude de pensées lui traversaient l’esprit. Pourquoi avait-elle prisce chemin ? Que faire si elle était agressée ? Se défendre, crier ?Il fallait retrouver du monde, la foule, rejoindre, autrement dit,un endroit fréquenté.Emma atteignit la sortie du nouveau couloir qu’elle venait

d’emprunter et osa jeter un coup d’œil dans son dos. Personne.Soulagée, elle fit volte face. Mais brusquement, quelque chose laheurta !Tête baissée, car encore un peu angoissée, Emma vit d’abord

des chaussures noires puis un jean noir, un blouson de cuir noir…Enfin, elle leva les yeux pour découvrir le visage de l’homme quise tenait immobile contre elle. Des traits fins et jeunes, de grandsyeux sombres : ce faciès captivant ne lui était pas inconnu.— Pardon, j’espère que je ne vous ai pas effrayée, demanda

posément mais un brin ironiquement le jeune homme.— Non, bien sur que non… balbutia Emma.Tremblante, elle contourna rapidement le garçon et poursui-

vit sa route. Elle ne tarda pas à retrouver les rues principales et àarriver enfin chez Chloé.

26 Esprits

La fidèle amie d’Emma habitait dans un appartement desurface modeste, de quarante mètres carré. Il comprenait unegrande pièce à vivre, avec un coin cuisine et un espace nuit surmezzanine. Le parquet au sol et les poutres apparentes donnaientbeaucoup de charme à ce petit logement décoré avec soin, dansun style zen et épuré.Emma prit place sur le canapé futon gris foncé, tandis que

Chloé préparait du thé. Cette dernière apporta, par la suite, unjoli service à thé de couleur rouge, gravé et calligraphié.Emma relata brièvement sa frayeur dans les traboules. Son

amie l’écoutait. Elle se moqua gentiment.— Quand même, il me semble avoir déjà vu ce garçon… et

dans des circonstances toutes aussi étranges, murmura Emma.Une sonnerie retentit. Cela venait de la porte d’entrée. Emma

s’interrompit quand sa blonde camarade ajouta :— En parlant de choses étranges, je me suis permis d’inviter

ma voisine Zelia. Elle en connaît un rayon dans ce domaine. Jeme suis dit qu’elle pouvait peut-être t’aider à comprendre ce quit’arrive.Emma, surprise, resta bouche bée. Elle souhaitait partager ses

expériences avec son amie, pas avec une inconnue ! Pour autant,elle n’eut pas le temps de protester, Chloé ouvrit la porte.Une jeune femme souriante entra. Zelia avait les cheveux

noirs et bouclés, la peau couleur café. Elle semblait un peu plusâgée que les étudiantes. Elle embrassa chaleureusement Chloé,qui fit, sans tarder, les présentations pour l’inviter ensuite às’installer sur son siège en osier, perpendiculaire à son canapé. Lablonde demoiselle s’assit, quant à elle, sur ce dernier, rejoignantEmma.Zelia était sage-femme à l’hôpital de la Croix-Rousse. Elle

raconta son arrivée dans la région, sept ans plus tôt, pour sesétudes. De son côté, Emma se détendit, ravie que la conversationne tourne pas autour d’elle.Les Lyonnaises poursuivirent sur le charme et les aléas de la

27Tome I - Médiums

vie de leur quartier. Puis Zelia s’enquit de la rentrée universitaire.En définitive, Emma raconta ses expériences avec auto-dérision,s’estimant être «une petite nature» ou «un brin dérangée».Malgré ce ton un peu décalé dans les propos de l’étudiante, lavoisine de Chloé l’écoutait avec attention avant de lui demander :— Ne penses-tu pas que des éléments invisibles peuvent avoir

une influence sur nous ? Sur nous tous, je veux dire.— Invisibles ? Je ne sais pas.Zelia la questionna à nouveau :— Saint-Thomas croyait seulement à ce qu’il voyait. Es-tu

comme lui, Emma ?— Je ne sais pas trop, je ne me pose pas ce genre de questions,

mais… je crois que j’aime avoir des certitudes.— Et pour toi, que devenons-nous après la mort ?Un léger silence s’ensuivit. «Je n’ai pas d’avis particulier»

répondit simplement Emma, un peu surprise et embarrassée dela tournure que prenait la conversation. Elle n’était pas très àl’aise avec ces questions. Ce genre de sujet était quelque peutabou dans sa famille. Pourtant, elle s’était déjà interrogée surl’au-delà, notamment suite au décès de sa grand-mère. Emma sesouvenait que, petite, sa mère lui racontait qu’on s’envolaitrejoindre les étoiles quand le corps était trop fatigué et malade.Puis cette histoire avait fini parmi les légendes du Père Noël etde la petite souris. Finalement, pour Emma, il n’y avait rien aprèsla mort. En même temps, cette idée de néant effrayait la jeunefille. Et étrangement, concernant Gisèle, il était arrivé à Emmade l’imaginer parcourir l’espace tel un ange.Avant ce jour-là, Zelia ne connaissait pas la fille Desmolière.

Elle ne souhaitait donc pas paraître trop insistante avec ses ques-tions. Elle ajouta toutefois : «Tes expériences s’expliquent trèsbien d’un point de vue spirite. Tu as une certaine sensibilité quetu peux apprendre à maîtriser, et même développer. Celat’intéresserait ?»Emma était un peu confuse. Elle ne comprenait pas de quoi

28 Esprits

il s’agissait et ne savait pas quoi répondre. Chloé intervint, inter-rompant le dialogue.— Zelia, tu es médium, m’as-tu déjà dit. Mais Emma ne le

serait-elle pas aussi, en vérité ? Elle le serait sans qu’elle le sache !— On peut voir ça comme ça, répondit sa voisine, qui apprécia

la remarque.A la suite d’un nouveau silence succinct, Zelia, portant une

tasse de thé à ses lèvres, reprit :— Disons, si ça te fait peur Emma, je peux tenter de t’ap-

prendre à te fermer à cela. Mais pas sûr que ça marche. Quandcette faculté se manifeste – et je précise que nous l’avons tous ennous, elle est plus ou moins développée –, c’est pour une bonneraison, nous devons en faire quelque chose. Or, il faut avant touts’instruire, comprendre comment fonctionne le monde invisible.— Hé bien parle-nous un peu de cela, proposa Chloé,

enthousiaste.— Attends ! Coupa Emma. Si on parle d’Esprits, de ces trucs

flippants avec les tables qui tournent et les verres qui se dépla-cent, non merci, très peu pour moi !Zelia sourit et reprit la parole : «Ça, c’est bon pour les films

d’horreur et aussi pour les apprentis médiums inconscients ! Plusraisonnablement, nous sommes entourés d’Esprits accrochés à lamatière. Après la mort, certains Esprits s’élèvent, vont vers «lalumière», et les autres restent sur Terre près de leurs proches ousont errants, coincés, ne sachant que faire. Ceux-là perturbent lesvivants et les influencent.La plupart des personnes n’en ont pas conscience. D’autres,

en revanche, plus sensibles, peuvent percevoir des sensations,comme celles que tu as décrites, Emma. D’autres encore peuvententendre ou voir ces Esprits désincarnés. Le médium est uncanal entre le monde des vivants et celui des morts.»Les deux étudiantes étaient captivées par les paroles de Zelia.

Celle-ci poursuivit :— Je voulais dire un mot, sinon, sur les tables tournantes.

29Tome I - Médiums

Cette méthode de communication avec les défunts a été utiliséeà la naissance du spiritisme, à Lyon, au milieu du XIXème siècle.Mais disons qu’ainsi il était difficile de savoir à quel esprit onavait à faire. Les Esprits les plus inférieurs peuvent communi-quer, grâce aux médiums, par les déplacements d’objet— Les Esprits inférieurs ? S’étonna Emma.— Ce sont ceux qui sont sensibles aux choses matérielles, qui

ne sont pas très élevés moralement et spirituellement.Zelia donna d’autres explications : «Pour revenir aux com-

munications, avec d’autres méthodes telle que la psychographie,il est plus facile de savoir à quel genre d’Esprit on s’adresse. Lecontenu du message en donne une idée.»Emma avoua qu’elle ne comprenait pas bien cette notion.— N’est-ce pas forcément la personne, euh… l’Esprit appelé

qui se présente ? Demanda-t-elle.— Ce n’est pas aussi simple que cela, répondit Zelia qui allait

donner d’autres explications. Les morts ne sont pas toujours dis-ponibles. Alors, quand un médium attend une communication,n’importe quel Esprit peut se présenter et répondre à lademande. De ce fait, il est préférable qu’un médium travailledans un groupe. Ce qui permet d’éviter d’être dupé. Il existed’autres moyens pour cela, mais on n’est jamais totalement àl’abri des erreurs ou supercheries. Enfin, si vous souhaitez enapprendre plus, j’ai quelques livres…— Oui voilà ! Lança Chloé, plutôt amusée, depuis le début,

par cette conversation. C’est en voyant ta bibliothèque que jem’étais interrogée à ton sujet.— Et contrairement à la plupart des personnes, tu ne m’as pas

rayée de ta liste d’amis après mes brèves explications, réponditZelia toute aussi amusée que Chloé pour le coup.Après un échange de légers sourires marquant une ambiance

détendue, Chloé demanda à sa voisine :— Et alors, on ne peut pas essayer maintenant de voir ce que

ça donne avec Emma ?

30 Esprits

—Non. La grande erreur est d’essayer de communiquer chezsoi, sans protection. Car on a de forts risques de se retrouverenvahi par des Esprits errants, farceurs ou pire encore…— Pire ? Intervint Emma en ouvrant un peu plus grand ses

yeux.— Bien, il y a, comme chez les vivants, des Esprits foncière-

ment mauvais. Et quand on leur ouvre la porte… Enfin, nous enparlerons plus tard. Je vous invite à venir assister à une séance aucentre spirite.— Je ne sais pas trop. Tout ceci est assez perturbant. Mais

merci Zelia pour tes explications, déclara Emma.La sage-femme, qui travaillait de nuit ce week-end, prit

ensuite congé des étudiantes. Avant de partir toutefois, elle avaitdonné à Emma deux ou trois conseils simples – afin, parexemple, de garder son calme – lorsqu’elle allait être à nouveauconfrontée à une manifestation spirite.Emma, par la suite, téléphona à ses parents pour leur annoncer

qu’elle passait la nuit chez son amie. Pour la première fois depuislongtemps, elle dormit d’un sommeil profond.

...

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151Tome I - Médiums

A paraîtreTome II - Au-delàTome III - Réincarnation.

Emma n’allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et

linéaire, tant souhaité à la veille d’une reprise d’étude de travail.

En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur

le ventre. Et progressivement, son coeur se mit à battre bien plus

rapidement. Pourtant, Emma n’avait ni chaud, ni froid, la fin de

l’été permettant d’avoir en particulier des nuits douces.

D’ailleurs, l’étudiante n’était pas tant couverte que cela. Elle prit

conscience des palpitations de son coeur et ne voyait pas pour-

quoi celui-ci s’emballait de cette façon. Emma ne se posait pas,

cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller, prêtre

à s’endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit

rompu trop longtemps en raison de la journée qui l’attendait.

Finalement, la jeune fille se rendormit vite.

Toutefois, son sommeil n’était pas profond.

Puis elle sentit une présence.

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Les tribulations d’Emma, étudiante et apprentie médiumEsprits Tome 2 Au-delà

Esprits Tome 3 Réincarnation

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Tome I