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HAL Id: tel-02971653 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02971653 Submitted on 19 Oct 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude épistémologique et didactique du théorème de Bézout et du théorème de Pick Sinaly Dissa To cite this version: Sinaly Dissa. Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude épistémologique et didactique du théorème de Bézout et du théorème de Pick. Histoire et perspectives sur les mathématiques [math.HO]. Université Grenoble Alpes [2020-..]; Universite des Sciences Techniques et Technologiques de Bamako (Mali), 2020. Français. NNT : 2020GRALM008. tel-02971653

Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

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Page 1: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

HAL Id: tel-02971653https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02971653

Submitted on 19 Oct 2020

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Entre arithmétique et géométrie discrète, une étudeépistémologique et didactique du théorème de Bézout et

du théorème de PickSinaly Dissa

To cite this version:Sinaly Dissa. Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude épistémologique et didactique duthéorème de Bézout et du théorème de Pick. Histoire et perspectives sur les mathématiques [math.HO].Université Grenoble Alpes [2020-..]; Universite des Sciences Techniques et Technologiques de Bamako(Mali), 2020. Français. �NNT : 2020GRALM008�. �tel-02971653�

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THÈSEPour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

préparée dans le cadre d’une cotutelle entre la Communauté Université Grenoble Alpes (UGA) et l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (USTTB)

Spécialité : Mathématiques

Arrêté ministériel : le 6 janvier 2005 – 25 mai 2016

Présentée par

Sinaly DISSA

Thèse dirigée par Sylvain GRAVIER et Gaoussou TRAORÉ, codirigée par Denise GRENIER

préparée au sein du Laboratoire Institut Fourier de Grenoble , dans les Écoles Doctorales Mathématiques, Sciences et Technologies de l’Information, Informatique /Facultés des Sciences et Techniques de Bamako

Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude épistémologique et didactique autour du théorème deBézout et du théorème de Pick

Thèse soutenue publiquement le 17 mars 2020,

devant le jury composé de :

Eric DUCHÊNE – MCF, Lyon I (rapporteur)

Viviane DURAND-GUERRIER – PR, Univ. Montpellier I (examinateur)

Thierry GALLAY – PR, UGA (Président)

Sylvain GRAVIER – DR CNRS, UGA (directeur)

Denise GRENIER- MCF, UGA (examinateur)

Karim SAMAKÉ- MCF, USTTB (FST) (invité)

Fana TRAORÉ- PR, USTTB (FST) (invité)

Gaoussou TRAORÉ – PR, USTTB (FST) (co-directeur)

Cécile OUVRIER-BUFFET – PR, UPECréteil (rapporteur)

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RemerciementsJe tiens d’abord à remercier très particulièrement Sylvain GRAVIER et Denise GRENIERpour le soutien qu’ils m’ont apporté tout au long de cette thèse. A commencer par unaccueil chaleureux, un soutien lors de mes démarches administratives, mais aussi mesparticipations à des rencontres et activités de recherches sur la didactique desmathématiques, ils ont été toujours présents. Je garde un souvenir fort de nos moments detravail qui m’ont donné le courage de toujours mieux faire.

Je remercie Gaoussou TRAORE, qui a accepté de co-diriger cette thèse pour son aide et sadisponibilité durant cette thèse.Je remercie Cécile OUVRIER-BUFFET et Eric DUCHÊNE qui ont accepté d’êtrerapporteurs sur cette thèse. Viviane DURAND-GUERRIER et Thierry GALLAY qui ontaccepté de faire parti du jury.

Un grand merci à Sidi Békaye SOKONA et Mamadou Souleymane SANGARE del’ENSup (École Normale Supérieure) de Bamako qui m’ont fait confiance en me donnantl’opportunité de poursuivre des études de recherche en didactique des mathématiques. Jen’oublie pas le temps qu’ils ont accordé à la distribution et à l’envoi de mon questionnaireadressé aux enseignants maliens. Je n’oublie pas aussi leurs remarques sur mon travail demémoire qui m’ont beaucoup appris. Je leur dois beaucoup.Je remercie tous les formateurs de l’ENSup de Bamako pour leur appui durant cette thèse.

Je remercie l’équipe administrative de l’IREM (Institut de Recherche sur l’enseignementdes Mathématiques) de Grenoble, qui m’a bien accueilli à chaque fois que j’y allais. Unmerci particulier à la Directrice Michèle GANDIT pour sa générosité et sa gentillesse dèsmon premier jour.Je remercie l’équipe administrative de l’Institut Fourier de Grenoble, qui m’a bien accueilliet bien accompagné durant toutes mes démarches administratives.

Je remercie chaleureusement mes parents, ma famille, mes amis qui m’ont accompagnéspendant cette thèse. Ils ont été tous là, pour me soutenir chacun en sa façon. Je ne peux pasvous citer tous, mais sachez que je pense à vous.Un petit message reconnaissant à mon frère Souleymane DISSA, à Marine TOSCANE etses parents Jean-Claude et Dominique pour leur soutien. Ils m’ont chaleureusementaccueilli et m’ont fait découvrir Paris, Fontainebleau.

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Résumé

Cette thèse étudie la problématique de changement de registres dans l’enseignement desmathématiques. Plus spécifiquement, nous avons choisi d’étudier les registres du continu etdu discret avec des interactions des domaines de l’arithmétique et de la géométrie.Cette thèse montre, en particulier, que les situations adidactiques / didactiques« classiques » ne permettent pas de mettre en œuvre de telles interactions.

Nous avons montré, de plus, qu’il y a une forte prégnance du continu dans les conceptionsdes étudiants et même une résistance à considérer le discret. Nos expérimentations ont étéréalisées auprès d’étudiants de Licence mathématiques et de formateurs. Notre première ingénierie aborde l’étude des points entiers d’une droite du plan. Elle a misen évidence l’obstacle à reconnaître une caractérisation géométrique des solutions del’équation de Bézout (existence et exhaustivité).

Cela montre, que pour franchir cet obstacle de changement de registres, il est nécessaire deproposer un type de situation plus « ouverte » et concernant un problème mathématiqueépistémologiquement consistant. Dans cette thèse, nous avons étudié la possibilité de faire la dévolution d’un changementde registre arithmétique/géométrie dans le cadre de « Situation Recherche pour la Classe ».C’est un des objectifs de notre seconde ingénierie portant sur l’aire de polygones à sommetentier (en référence au théorème de Pick).

Deux pré-expérimentations ont permis de cerner les conditions de prise en compte duregistre discret pour une question relevant de la géométrie. Nous avons construit une dernière expérimentation en tenant compte de ces conditions.

L’analyse didactique de la situation sur Pick nous permet d’affirmer que, d’une part, lemodèle SiRC est adapté à l’ingénierie de situations de changement de registres. D’autrepart elle montre aussi que l’arithmétique et la géométrie sont des domaines mathématiquespertinents pour les interactions de registre et le travail sur la preuve et le raisonnement.Parmi les conditions pour une bonne dévolution des changements de registre, la nature dela question joue un rôle essentiel. Nous avons choisi dans l’ingénierie sur le problème dePick de demander de chercher une « méthode » ou une « formule » sans préciser lesvariables et les registres concernés.

Notre expérimentation a montré que ce type de question a permis le développement denombreuses stratégies identifiées dans l’analyse mathématique du problème.

Mots clés : didactique, arithmétique, géométrie discrète, changement de registre

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Table des matièresIntroduction..........................................................................................................................11

I - Épistémologie..................................................................................................................15I.1 - En arithmétique........................................................................................................15

1.1 - Divisibilité et PGCD des nombres entiers..........................................................151.2 - Notion de commune mesure...............................................................................17

1.3 - Théorème de Bézout...........................................................................................19I.2 - En géométrie discrète...............................................................................................21

2.1 - Droite discrète.....................................................................................................212.2 - Théorème de Pick...............................................................................................22

II - Travaux didactiques existants sur l’arithmétique et la géométrie discrète.....................27II.1 - Travaux sur l’arithmétique.....................................................................................27

1.1 - Ravel (thèse, 2003).............................................................................................271.2 - Battie (thèse, 2003).............................................................................................28

1.3 - Godot (Grand N n°78, 2006)..............................................................................281.4 - Gardes (Petit x n°83, 2010)................................................................................29

1.5 - Majaj (thèse, 2011).............................................................................................30II.2 - Travaux sur la géométrie discrète...........................................................................30

2.1 - Grenier et Payan (RDM n°18-2, 1998)...............................................................302.2 - Ouvrier-Buffet (thèse, 2003)..............................................................................31

2.3 - Grenier et Tanguay (Petit x n°78, 2008).............................................................31II.3 - Conclusion..............................................................................................................32

III - Transposition didactique de notions de l’arithmétique et de la géométrie discrète......35III.1 - Programmes et manuels maliens...........................................................................35

1.1 - Programmes de 7ème, 8ème, 9ème....................................................................351.2 - Programme du Lycée..........................................................................................36

1.3 - Analyse de manuels............................................................................................40III.2 - Programme et Manuels français............................................................................42

III.3 - Conclusion.............................................................................................................44IV - Questions de recherche et méthodologie......................................................................45

V - Cadres théoriques didactiques........................................................................................47V.1 - Notion de registre...................................................................................................47

V.2 - Situation didactique – Situation adidactique..........................................................48V.3 - Situation de recherche pour la classe (SiRC).........................................................48

VI - Points entiers sur une droite..........................................................................................53VI.1 - Problème général...................................................................................................53

VI.2 - Étude mathématique..............................................................................................532.1 - Résolution graphique..........................................................................................53

2.2 - Autres méthodes.................................................................................................56

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VI.3 - Étude didactique....................................................................................................58VI.4 - Situation expérimentée..........................................................................................60

VI.5 - Analyse des productions.......................................................................................625.1 - Classe de Master 1 (futurs professeurs d’enseignement secondaire).................62

5.2 - Classe de Master 2 ( futurs professeurs d’enseignement secondaire)................68VI.6 - Conclusion............................................................................................................72

VII - Aire et points entiers d’un polygone...........................................................................73VII.1 - Problème général.................................................................................................73

VII.2 - Étude mathématique............................................................................................742.1 - Application des méthodes du registre du continu...............................................74

2.2 - Recherche d’autres méthodes de calcul..............................................................772.3 - Utilisation des points de la grille........................................................................79

2.4 - Étude du triangle sans points entiers intérieurs..................................................902.5 - Cas des polygones réguliers...............................................................................94

VII.3 - Étude didactique..................................................................................................943.1 - Situations de pré-expérimentation......................................................................97

3.2 - Situation expérimentée.....................................................................................1023.3 - Résultats de l’expérimentation.........................................................................117

VII.4 - Conclusion.........................................................................................................118Conclusion et perspectives.................................................................................................121

Bibliographie......................................................................................................................123Annexes..............................................................................................................................129

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IINTRODUCTIONNTRODUCTION

Pendant notre période d’activité d’enseignement au lycée, nous avons observé quel’arithmétique a un traitement particulier. D’une part, elle occupe peu de place dans lesprogrammes. D’autre part, elle apparaît « isolée » dans les enseignements, sans lien avecd’autres domaines mathématiques. Ces constats nous ont motivé a effectué une premièreétude sur l’enseignement de l’arithmétique au Lycée (Mali) dans le cadre d’un mémoire demaster de didactique des mathématiques en 2013. Ce travail nous a permis de découvrirque certains enseignants ont des conceptions très restreintes sur des notions arithmétiques.De plus, les situations d’enseignement sont centrées sur des techniques pour résoudre desfamilles de problèmes bien spécifiques : déterminer le PGCD (ou le PPCM) d’entiersdonnés, décomposer un nombre entier en produit de facteurs premiers, résoudre deséquations entières, etc. En tant que formateur depuis quelques années, il nous est paruimportant de poursuivre les recherches sur l’enseignement de l’arithmétique afin detrouver des éléments didactiques et mathématiques qui pourraient avoir des apports pourenrichir la formation et/ou les ressources pédagogiques.

Ainsi, nous avons choisi d’étudier les registres de continu et du discret avec desinteractions des domaines de l’arithmétique et de la géométrie.Au delà du professionnel, ce choix est motivé aussi par la richesse des notions et leursapplications étudiées dans chacun de ces deux champs mathématiques. Rappelons quel’arithmétique est le champ mathématique consacré à l’étude des nombres, leurs propriétéset usages. Dans certains ouvrages, elle ne se distingue pas de la théorie des nombres. Lesnombres sont utilisés dans la vie quotidienne, ainsi que dans toutes les autres disciplinesscientifiques à chaque fois qu’il s’agit par exemple de compter, désigner, dénombrer oumesurer. Quant à la géométrie discrète, elle étudie les objets géométriques dans desespaces discrets (par exemple les grilles régulières à deux ou trois dimensions). Ellecontribue particulièrement à l’essor du traitement d’image, à l’analyse et à lareconnaissance de formes en informatique.

Dans les recherches en didactiques des mathématiques, l’arithmétique et la géométriediscrète ne sont pas abordées suivants la problématique de liens entre les deux domaines(cf. § II Des travaux didactiques existants). En abordant conjointement les deux, nousvisons à regarder d’une part l’apport de la géométrie, pour l’enseignement de notionsarithmétiques, d’autre part, amorcer une introduction de la géométrie discrète dans laformation.Nous avons choisi, comme entrée dans cette recherche, deux théorèmes qui nousparaissent « emblématiques ». Le qualificatif « emblématique », renvoie au fait que cesthéorèmes jouent une fonction centrale du point de vue épistémologique dans ces deuxdomaines mathématiques (cf. § I. Épistémologie). Les formulations simples des énoncés etdes preuves accessibles dès le niveau Collège, nous ont aussi motivé à les privilégier.

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Le premier est le théorème dit de Bézout. En arithmétique, il est présent, par exemple àchaque fois que l’on doit résoudre des questions de résolutions d’équations entières. Lesecond est le théorème de Pick du mathématicien autrichien Georg Alexander Pick. Il estmoins connu que celui de Bézout, du moins dans l’enseignement. Il établit une formule quipermet de calculer l’aire d’un polygone sur une grille en effectuant uniquement desadditions de points de la grille.

Les principales questions étudiées dans cette thèse sont :• Quels conditions et types de situations pour établir le lien, dans l’enseignement,

entre arithmétique et géométrie ?

• Quelles connaissances mathématiques (notionnelles et transversales) peuvent-ellesse construire avec ces situations ?

Dans la première partie de cette thèse, nous apportons des éléments de réponses auxquestions suivantes :

• Quand ces théorèmes sont-ils apparus dans le savoir savant ? Dans quel contexte ?A quoi servent-ils en mathématique ?

• Où retrouve-t-on ces théorèmes dans l’enseignement ? Quelles place et fonctionoccupent-ils ? Comment sont-ils abordés ?

Ce premier travail nous permettra de circonscrire ces objets dans le savoir savant et dansl’enseignement.Puis nous consacrons un chapitre aux travaux didactiques existant sur l’arithmétique et lagéométrie (discrète). Cela vise à bien situer notre recherche par rapport à l’existant.

La deuxième partie de cette thèse, est consacrée à la construction et à la mise en œuvre dedeux situations. Dans la première nous montrons la résistance des étudiants à considérer lediscret versus le continu. La seconde est basée sur une mise en Situation de Recherchepour la Classe (SiRC). Ce modèle didactique a été développé dans mon équipe d’accueil« maths à modeler » et permet de transposer notamment des savoirs liés à la preuve et auraisonnement. Cette seconde ingénierie donne des éléments de réponse aux questions derecherche en identifiant des conditions nécessaires sur le type de situation permettant desinteractions entre arithmétique et géométrie. Les expérimentations sont effectuées avec des étudiants de Licence mathématiques et desélèves-professeurs.

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Partie IÉTUDE DU SAVOIR SAVANT

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I - I - ÉPISTÉMOLOGIEÉPISTÉMOLOGIE

Ce travail nous parait indispensable en début de cette thèse, afin de mieux circonscrire nosobjets d’étude. Dans le domaine de l’arithmétique, les théorèmes de référence de notrerecherche concernent : la divisibilité, le PGCD et le théorème de Bézout. Concernant lagéométrie discrète, nous privilégions le théorème de Pick (1899). Il fait un pont entre unenotion du continu, l'aire de polygone, et les points du plan discret. Il nous parait doncintéressant pour travailler les interactions entre continu et discret avec une forte relationavec l'arithmétique.

I.1 - I.1 - EENN ARITHMÉTIQUEARITHMÉTIQUE

Afin de comprendre et de démontrer le théorème de Bézout qui est l’objet principal decette partie, nous avons besoin de quelques définitions et propriétés concernant lesnombres entiers. Nous travaillons donc exclusivement sur l’ensemble Z, en privilégiantpar moment l’ensemble des entiers positifs N.

1.1 - 1.1 - Divisibilité et PGCD des nombres entiersDivisibilité et PGCD des nombres entiers

Définition 1. Soit a et b, deux nombres entiers ; on dit que b est un multiple de a, ou que best divisible par a s’il existe un entier k tel que b= ka . On note a | b (a divise b). On ditaussi que a est un diviseur de b.D’un point de vue « ensembliste », l’ensemble des multiples de a est notéaZ = {an, n ∈ Z}. Autrement dit, l’ensemble des multiples d’un entier a sont :...−3a ,−2 a ,−a , 0, a , 2 a ,3 a , .. .

La relation « | » est une relation d’ordre (réflexive, transitive et antisymétrique) dans N ;elle est réflexive et transitive dans Z. Dire que a∣b signifie que bZ ⊂ aZ.

La notion de divisibilité a un lien évident avec la division. En effet, pour qu’un entier b

soit divisible par un entier a non nul, il faut et il suffit que le quotient ba

(qui est un

nombre rationnel) soit un entier.

Siba

est un entier k, on a, b= ka , de sorte que b est un multiple de a. Inversement, si b est

multiple de a, on peut écrire b= ka , où k ∈ Z, comme a≠0, on a, ba=k .

Cette propriété fournit un premier moyen simple pour tester la divisibilité d’un entier parun autre en particulier à l’aide d’une calculatrice. Mais en générale, on utilise plutôt ladivision avec reste, dite division euclidienne.

Division euclidienne. Soit a et b ∈ Z avec b>0 , il existe un et un seul couple d’entiers(q , r ) tel que : a=bq+r et 0 ≤ r<b . q et r sont appelés respectivement quotient etreste de la division euclidienne de a par b.

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Définition 2. Soit a et b deux entiers non nuls et D(a, b) l’ensemble des diviseurscommuns à a et b. D(a, b) admet un plus grand élément, il est appelé le plus grandcommun diviseur de a et b. On le note PGCD(a, b).

Quelques propriétés(P1). Si a=bq+r , alors PGCD(a ,b)=PGCD(b , r ) .

Preuve. Si un entier divise a et b, alors il divise r car r=a−bq . De même si un entierdivise b et r, alors il divise a car a=bq+r .

Ainsi, D(a ,b)=D(b , r ) , et en particulier PGCD(a ,b)=PGCD(b , r )

(P2). Le PGCD est associatif et commutatif. Autrement, si a, b, c sont des entiers non nuls,PGCD (a , b , c )=PGCD (a , PGCD (b , c)) .

Pour calculer le PGCD de deux entiers, on peut utiliser l’algorithme d’Euclide dont lefondement est la propriété (P1) ci-dessus citée.

Algorithme d’Euclide

Soit a>b , effectuons la division euclidienne de a par b :

a=bq+r où r <b .

Si r=0 on a PGCD (a , b)=b et le calcul est terminé.

Si r ≠ 0 , on a d’après la propriété (i) : PGCD (a , b)=PGCD (b , r ) .

Effectuons alors la division euclidienne de b par r :

b=rq1+r 1 où r 1<r .

Si r 1=0 , on a : PGCD (b , r)=r

et d’après la propriété (i) : PGCD (a , b)=PGCD (b , r )=r .

Le calcul est terminé.

Si r 1 ≠ 0 , on a : PGCD (a , b)=PGCD (b , r )=PGCD (r , r 1) .

Effectuons alors la division euclidienne de r par r_1, et ainsi de suite.

Si à la (n+1)ième division aucun reste n’est nul, on a :

PGCD (a , b)=PGCD (b , r )=PGCD(r , r 1)=⋯=PGCD(r(n−1) , rn)

avec b>r>r 1 …>r(n−1)>r n .

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Page 12: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

L’ensemble des restes forme une suite d’entiers naturels strictement décroissante, donc denombres tous distincts. C’est une partie de N. Il existe par suite un entier n tel que ladivision de r(n−1) par r n donne un reste nul : r(n+1)=0 (principe de la descente infinie deFermat1). En effet, si aucun reste n’était nul, les divisions pourraient se poursuivreindéfiniment et l’ensemble des restes ne serait pas fini, ce qui est contradictoire avec leprincipe de la descente infinie. Donc il existe n ∈ N tel que r(n+1)=0 etPGCD (a , b)=PGCD (r(n−1) , rn)=rn . En d’autres termes le PGCD est le dernier reste

non nul de la division successive.

Exemple : soit a=476 et b=364

1ère division : 476=364 × 1+112 ;

2ème division : 364=112 × 3+28 ;3ème division : 112=28 × 4+0 .

On trouve un reste nul. Le calcul est donc terminé. Le dernier reste non nul est 28. On adonc : PGCD (476,364)=28 .

L’algorithme d’Euclide peut être réalisé sur un tableur ou programmé dans unecalculatrice pour effectuer le calcul du PGCD. Précisons qu’ils existent autres techniquesde calcul du PGCD.

L’algorithme d’Euclide peut servir aussi à trouver des solutions particulières (si ellesexistent) dans les résolutions d’équations à coefficients entiers. Quant au PGCD, il est utilisé pour :

─ Déterminer les diviseurs communs à deux entiers. Exemple : les diviseurs communs à 13720 et 19432 sont les diviseurs dePGCD (13720,19432)=56 (car l’ensemble des diviseurs communs à a et b

deux entiers non nuls, est l’ensemble des diviseurs de PGCD (a , b) ).

─ Pour simplifier des fractions et les rendre irréductibles.

Exemple. Soit à simplifier la fraction 5096043472

, en utilisant l’algorithme

d’Euclide on trouve PGCD (50960,43472)=208 , on peut donc écrire :

5096043472

=208 × 245208 × 209

= 245209

, cette dernière fraction est irréductible.

─ Pour simplifier la résolution de certaines équations dans Z2 ou dans N 2 .

─ Pour résoudre des problèmes « concrets ».

1.2 - 1.2 - Notion de commune mesureNotion de commune mesure

C’est une notion introduite par les grecs dans l’antiquité. On ne disposait à l’époque quedes entiers naturels pour compter, mesurer. On retrouve par exemple, dans les « élémentsd’Euclide » (Euclide, trad. Itard J., 1961 ) les définitions suivantes :

1 Le principe de la descente infinie « de Fermat » est donné sous l’une des deux formes suivantes :

- Tout ensemble non vide de N admet un plus petit élément.

- II n’existe pas de suite infinie strictement décroissante dans N

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Page 13: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Définition 1. L’unité est ce suivant quoi chacune des choses est dite une.

Définition 2 : Le nombre est une multitude composée d’unité.Ainsi, mesurer une longueur c’est compter combien d’unités permettent de reconstituercette longueur. Pour définir le rapport de deux longueurs x, y, comme rapport de deuxentiers, on peut utiliser deux techniques décrite ici dans (Berre. M, 2002) :

─ Première Technique. Reporter parallèlement chacune des deux longueurs jusqu’àobtenir deux segments de même longueur.Exemple.

Figure 1. Illustration de recherche de rapport de longueurs

On a 3 x=4 y . On dit que les longueurs x et y sont dans le rapport 4 et 3.

─ Deuxième technique. Trouver une unité de longueur qui puisse être reportée un nombreentier de fois dans chaque longueur x et y. S’il existe une telle unité u, on dira que u est unecommune mesure pour x et y.Exemple.

Figure 2. Exemple de rapport de longueur avec une commune mesure

Le principe pour déterminer une commune mesure de deux longueurs x, y est basé sur lapropriété suivante :

S’il existe une commune mesure u pour les longueurs x et y (x> y ) , alors uest aussi une commune mesure pour y et x− y et réciproquement.

Ce principe permet de construire un algorithme de détermination de la plus grandecommune mesure de deux longueurs. On reconnaît bien ici l’algorithme d’Euclide. Voicides éléments qui permettent de comprendre comment cela fonctionne géométriquement.Considérons que les deux longueurs initiales x et y sont représentées par des segmentsperpendiculaires. On obtient par conséquent un rectangle de dimensions x et y.

Supposons que x< y . Si on construit alors, à une extrémité du rectangle, un carré de côtéx, il reste un rectangle dont les côtés sont x et y−x .

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Page 14: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Figure 3. Illustration de la première étape du processus

Si y est un multiple de x, le rectangle de dimensions x, y peut être pavé par des carrés decôté x. La longueur x est alors la plus grande commune mesure de x et y.

Sinon on recommence le processus sur le rectangle de dimension x et y−x . Si lerectangle résiduel est un carré, on arrête (ce carré est le plus grand qui pave tous lesrectangles successivement construits). Sinon on recommence.

Figure 4. Illustration d’une autre étape du processus

Le processus fini par s’arrêter nécessairement sur un carré si les deux longueurs ont unecommune mesure. Si au contraire, on obtient une suite de rectangles (jamais carrés) quis’emboîtent indéfiniment, alors les deux longueurs sont incommensurables. Cela peutfournir alors une preuve de l’irrationalité de certain nombre.

L’interprétation géométrique de l’algorithme d’Euclide permet donc à la fois de visualiserla recherche du PGCD et de fournir une nouvelle preuve d’irrationalité.

1.3 - 1.3 - Théorème de BézoutThéorème de Bézout

C’est l’un des principaux résultats sur les propriétés de nombres dits premiers entre eux.

Définition 1. On dit que deux entiers a et b sont premiers entre eux si leursseuls diviseurs communs sont 1 et -1.

A noter que les « nombres premiers entre eux » ne doivent pas être confondus avec les« nombres premiers ». Afin d’éviter d’éventuelles confusions, certains auteurs utilisentl’expression « nombres étrangers » pour désigner des nombres premiers entre eux.

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Énoncé du théorème. Pour que deux entiers a et b soient premiers entre eux,il faut et il suffit qu’il existe deux entiers u et v tels que au+bv=1 .

C’est ce théorème qui est généralement appelé théorème de Bézout. Danscertain ouvrage, on l’appelle « identité de Bézout ».

Selon (Guino. M, 2005), l’appellation « théorème de Bézout » pour ce théorème, ne seraitpas historiquement justifiée. Le mathématicien français Etienne Bézout (1730-1783), aacquit sa célébrité en publiant des cours de mathématiques. Mais n’a pas inventé cethéorème qui figurait déjà dans « les Problèmes plaisants et délectables qui se font par lesnombres de Brachet » de Mésiriac (1581-1638). Cité par J. Dixmier dans son ouvrage(Cours de mathématiques, 1976), Bézout est surtout l’auteur de l’extension du résultat auxpolynômes d’une variable.

Preuve du théorème de Bézout. La condition est suffisante car si au+bv=1alors, tout diviseur commun d à a et b est un diviseur commun de au+bv ,donc d est égal à 1 ou -1.

Supposons inversement que a et b soient premiers entre eux et appelons El’ensemble des entiers de la forme ax+by où x et y sont des entiersquelconques. L’ensemble E contient a et b ainsi que – a et – b . Commel’un des nombres a ou b n’est pas nul (sinon a et b ne seraient pas premiersentre eux), E contient au moins un entier >0 . Appelons m le plus petitentier de ce genre. Il s’écrit donc au+bv . Pour démontrer le théorème, ilsuffit de prouver que m=1 ou ce qui revient au même que m divise à la foisa et b.

Pour cela, effectuons la division euclidienne de a par m : a=mq+r , avec qet r des entiers et 0 ≤ r<m .

Comme r=a−mq=a−(au+bv) q=a (1−uq)+b (−vq ) , on voit que r

appartient à E. Dans ces conditions il est impossible que r soit strictementpositif car cela contredirait la définition de m (il est le plus petit élément > 0de E). On a donc a=mq , ce qui prouve que m divise a.

On démontre de la même manière que m divise b. En conclusion, on a doncm=1 . □

Dans les résolutions de problèmes mathématiques, le théorème de Bézout peut servir :

─ à démontrer que deux nombres sont premiers entre eux.Exemple : démontrer que pour tout entier n, les entiers a=n+1 et b=5 n+6sont premiers entre eux.

On a : (−5)× (n+1)+1× (5 n+6)=1 ; ainsi, −5 a+b=1 ce qui prouve quea et b sont premiers entre eux.

─ à démontrer que des équations à coefficients entiers ont des (ou n’ont pas de) solutionsentières.

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Page 16: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Exemple : 9 x−14 y=1 (E1) et 9 x−15 y=10 (E2).

Dans l’équation(E1), 9 et -14 sont premiers entre eux donc d’après lethéorème de Bézout, il existe des entiers u et v tel que : 9 u−14 v=1( u=−3 et v=−2 par exemple).Pour E2, s’il admettait des solutions entières, alors, comme 3 divise 9 et 15,3 devrait diviser 10, ce qui est faux. Donc E2 n’admet pas de solutionsentières.

Le théorème de Bézout se généralise avec la propriété suivante :Soit a et b deux entiers non nuls. Un entier d est un multiple du PGCD (a , b) ,

si et seulement si il existe deux entiers u et v tels que au+bv=d .

Il permet aussi d’établir le théorème de Gauss.

Énoncé du théorème de Gauss. Si un entier a divise un produit bc de deuxentiers b et c, si a est premier avec b, alors a divise c.

Preuve. Si on suppose que a∣bc et que a soit premier avec b. Alors d’aprèsle théorème de Bézout, il existe deux entiers u et v tels que au+bv=1 . Onobtient donc en multipliant par c, auc+bvc=c . Comme a divise bc d’aprèsnotre hypothèse et il divise aussi auc (par définition de la division), a diviseauc+bvc=c , c’est-à-dire il divise c. □

Le théorème de Bézout généralisé et le théorème de Gauss permettent de résoudre leséquations d’inconnues entières x et y se ramenant à la forme ax+by=d (encore appeléeséquations diophantiennes). Ces résultats permettent de faire un lien entre l’arithmétique etla géométrie à chaque fois qu’on parlera de problème autour de points entiers d’une droite.

I.2 - I.2 - EENN GÉOMÉTRIEGÉOMÉTRIE DISCRÈTEDISCRÈTE

2.1 - 2.1 - Droite discrèteDroite discrète

La géométrie discrète a fait son apparition dans les années 70 (Rosenfeld A, 1974). Elle apour objet de définir un cadre théorique pour transposer dans Z n les bases de lagéométrie euclidienne. Les objets de ce domaine mathématique sont donc des ensemblesde points et des relations entre ces points : on peut représenter par exemple une droite, uncercle, un polygone « discret » sur une grille régulière. Il faut préciser ici que les notionsdiscrètes définies doivent être « le plus proche » des objets continues connues. Cela créealors une complexité dans le choix des éléments de base pour définir les objets de lagéométrie discrète.

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Page 17: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Ils existent plusieurs approches de l’objet « droite discrète » (Ouvrier-Buffet, 2003). Onpeut citer : l’analyse discrète différentielle avec l’approche algorithmique de Bresenham(Bresenham JE., 1965), les algorithmes basés sur des analyses combinatoires, lesalgorithmes basés sur des analyses linguistiques, les petits harpons de Greene-Yoa, ladiscrétisation de Freeman et Pham (Freeman, 1970), la discrétisation de Rosenfeld(Rosenfeld A., 1974) et l’approche arithmétique de Reveillès (Reveillès JP., 1991). Nousne présentons pas ici l’histoire des définitions de la droites discrètes. Mais pour fixer unpeu les idées sur le concept, on peut retenir la définition arithmétique de Reveillès (1991) :

Une droite discrète de paramètres (a ,b ,μ) et d’épaisseur arithmétique ω est définiecomme l’ensemble des points (x , y ) vérifiant la double inégalité : µ≤ax −by<µ+ω .

• a, b, μ,ω dans Z

• a et b premiers en eux, ab

pente de la droite

• Elle est notée D(a ,b ,μ ,ω)L’étude de l’objet « droite discrète » est donc fondamentalement liée à des propriétésarithmétiques.

2.2 - 2.2 - Théorème de PickThéorème de Pick

Les problèmes de répartition des parcelles de cultures ont rendu nécessaire l’établissementde formule de calcul d’aire. On a donc appris, il y a de longue date à effectuer le calculd’aire de figures géométriques, en utilisant des longueurs de côtés de celles-ci.

Ce point de vue sur l’aire privilégie l’approche analytique qui propose de déterminer l’airede certain domaine à l’aide du calcul intégral. Le calcul d’aire peut alors être présentécomme un problème d’analyse dimensionnelle sur les longueurs. Autrement dit, calculerune aire, revient à multiplier des mesures de longueurs. On travaille et raisonne alorsessentiellement dans le continu sur de tel problème.Le principe de conservation de l’aire quant à lui privilégie des approches géométriquestelles que celle que l’on retrouve dans les énoncés d’identités remarquables sous formes de« preuves sans mot ». De façon plus efficiente, ce principe permet d’adopter des méthodesde « couper/coller » pour démontrer par exemple des invariances sur l’aire de figuresgéométriques données. La formule de l’aire d’un triangle basé sur la hauteur peut êtredémontrée ainsi en ramenant tout triangle d’aire donné en un triangle rectangle de mêmeaire. De manière plus générale, le théorème de Bolyai (Gerwien P, 1833) affirme que l’onpeut découper tout polygone d’aire donnée en un nombre fini de « petits » polygonespermettant de former tout autre polygone de même aire.

Ce point de vue sur l’aire comme invariant d’une figure géométrique a donné lieu aussi audéveloppement d’opérations permettant de préserver l’aire. On peut mentionner la notionalgébrique de transvection qui peut être vue comme une généralisation en de plus grandesdimensions de la notion de hauteur pour le triangle. Cette notion est centrale dans ledéveloppement de notions d’algèbre linéaire notamment des théorèmes de décompositionde matrices inversibles.

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Geog Alexander Pick (1859-1942), un mathématicien autrichien, a proposé une manièreassez inattendu (à premier abord) pour déterminer l’aire sans passer par les longueurs. Saméthode ramène le calcul d’aire d’un polygone à une opération de dénombrement depoints.

Théorème de Pick (1899).Soit un polygone entier P dont i est le nombre de points de Z×Z à l’intérieurdu polygone et b le nombre de points de Z×Z sur le bord du polygone. Alors,

l’aire A(P ) du polygone est : A(P )=i+ b2−1 .

La formule ne s’applique donc qu’à un cas particulier de polygones : les polygonesentiers. Ils s’agit des polygones dont tous les sommets sont entiers (points à cordonnéesentières). Par exemple, sur la Figure 3, les polygones P1 , P3 sont entiers alors que P2

n’en est pas un. Les polygones entiers sont aussi dénommés polygones simples.

Figure 3. Exemple de polygones

D’après la formule de Pick :

PolygoneNombre de points

intérieur : iNombre de poins sur

les bords : bAire (P)=i+ b

2−1

P1 10 7 A (P1)=12 ,5

P3 2 6 A (P3)=4

De sa publication en 1899, la formule de Pick est restée inconnue pendant près d’un demi-siècle (Pick G., 1899). Selon la littérature, c’est Hugo Steinhaus (mathématicien polonais,1887-1972) qui l’a fait connaître à travers son livre « les mathématiques en instantanés »publié en 1964 (Steinhaus H., 1964).

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Dans (Grunbaum et al., 1993), on trouve une liste de différentes preuves de ce théorème.La plupart de celles-ci utilisent le principe de « couper/coller » et se ramènent à la preuvede la formule sur les triangles. Dans le chapitre VII de cette thèse, on trouvera une preuvede ce type qui est accessible dès le collège. La notion de triangulation de polygone apparaîtfréquemment dans de telles preuves (voir par exemple, Gaskel et al., 1976). L’existenced’algorithmes efficaces de triangulations d’un polygone est une problématique classique degéométrie discrète. On propose, dans le chapitre VII, une preuve par récurrence del’existence d’une triangulation qui peut être interprétée en un algorithme polynomial.

On peut mentionner l’approche originale proposée par (Blatter C., 1997). Elle est basée surle principe de thermodynamique de diffusion de la chaleur. Au temps 0, on associe àchaque point de la grille ( Z 2 ) une quantité de chaleur fixe. Celle-ci se diffuse dans letemps selon un disque de rayon croissant, jusqu’à obtenir une répartition uniforme de lachaleur où tout point du plan (réel) ait une unité de chaleur. Une fois diffusée ainsi, laquantité de chaleur répartie sur un polygone correspond à son aire. Par un argument desymétrie autour de chaque côté du polygone, on observe que la quantité de chaleur sortantdu polygone est égale à celle provenant de l’extérieur. Par ailleurs, la quantité de chaleurentrant dans le polygone, issue d’un sommet du bord correspond à la moitié de celle dusommet moins une proportion correspondant à l’angle des deux côtés incidents au sommet.Comme la somme des angles des sommets du bord d’un polygone correspond à un tourcomplet (2π), on en déduit la formule de Pick. Lorsque l’on dispose d’une formule « simple » comme celle énoncée par le théorème dePick, on peut s’interroger sur son efficacité d’un point de vue algorithmique. Par exemple,comment calculer les points intérieurs ? Un algorithme de balayage par ligne donne unrésultat satisfaisant qui n’est pas plus difficile (d’un point de vue algorithmique) que lecalcul de l’aire. Il est cependant intéressant de noter que la problématique algorithmique ducalcul des points entiers d’un polygone (non nécessairement entier) reste d’actualité (voirpar exemple de De Loera et al., 2004).

Depuis, différents auteurs ont cherché à généraliser la formule de Pick. Les preuves par« couper/coller » peuvent naturellement s’étendre pour de plus grandes dimensions ou àdes surfaces non planes.Les tétraèdres de Reeve (Reeve JE, 1957 ; 1959) montrent que l’on ne peut pas obtenird’analogue à la formule de Pick en dimension 3 en utilisant uniquement les points duréseau. Cependant, Reeve propose une formule similaire mais en incorporant lacaractéristique d’Euler du bord du polygone. Cette preuve a été étendue par Macdonald(Macdonald I.G., 1963) pour toutes dimensions en utilisant le polynôme d’Ehrhart quipermet de calculer notamment le nombre de points entiers à l’intérieur d’un polyèdre(Ehrhart E., 1967). Depuis, plusieurs auteurs ont adapté ces techniques pour d’autresformules de calcul de volume de polyèdre. Par exemple, Kolodziejczyk présente desgénéralisations de la formule d’Hadwiger-Wills dans (Kolodziejczyk K. et al., 2000).

Dans (Dubeau et al., 2007), les auteurs décrivent des formules d’aire de polygones inscritsdans des réseaux sur des surfaces, la caractéristique d’Euler de la surface entre alors aussien ligne de compte. Au delà de la détermination de l’aire, la formule de Pick permet également de calculer l’undes entiers i ou b en connaissant l’autre et l’aire.

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Friedelmeyer J.P. et al. (dans Bulletin Vert n°516 de l’APMEP2), indiquent que laformule est exploitée par des forestiers au Canada pour estimer le nombre d’arbres plantésde façon régulière dans un domaine. Pour faire ce calcul, il leur suffit de retrouver l’airedu domaine dans le cadastre et de compter les arbres sur le pourtour du domaine. Laformule de Pick leur donne alors le nombre d’arbres situés dans le domaine.

Dans (Grunbaum B. et al. 1993), les auteurs introduisent leur article en mentionnant uneanecdote attribuée à DeTemple dans (DeTemple D. 1983) :

Some years ago, the Northwest Mathematies Conference was held in Eugene,Oregon. To add a bit of local flavor, a forester was included on the program,and those who attended this session were introduced to a variety of niceexamples which illustrated the important role that mathematics plays in theforest industry. One of his problems was concerned with the calculation of thearea inside a polygonal region drawn to scale from field data obtained for astand of timber by a tjmber cruiser. The standard method is to overlay a scaledrawing with a transparency on which a square dot partern is printed. Exceptfor a factor dependent on the relative sizes of the drawing and the square grid,the area inside the polygon is computed by counting ali of the dots fully insidethe polygon, and theil adding half of the number of dots which fall on thebounding edges of the polygon. Although the speaker was not aware that hewas esscntially using Pick's formula, I was delighted to see that one of myfavorite mathematical resulls was not only beautiful, but even useful. (FromDeTemple (1989).)

2 Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public – De la maternelle àl’université (en France)

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II - II - TRAVAUX DIDACTIQUES EXISTANTS SUR TRAVAUX DIDACTIQUES EXISTANTS SUR L’ARITHMÉTIQUE ET LA GÉOMÉTRIE DISCRÈTE L’ARITHMÉTIQUE ET LA GÉOMÉTRIE DISCRÈTE

Dans ce chapitre, nous présentons des travaux didactiques sur l’arithmétique et lagéométrie discrète. L’objectif de ce travail est de situer notre recherche par rapport àl’existant. Nous allons nous centrer sur les travaux qui problématisent l’enseignement deconcepts en arithmétique et de la géométrique discrète.

II.1 - II.1 - TTRAVAUXRAVAUX SURSUR LL’’ARITHMÉTIQUEARITHMÉTIQUE

Nous n’avons pas identifié beaucoup de travaux didactiques sur l’arithmétique. Le fait queles programmes d’enseignement de beaucoup de pays, accordent peu de place àl’arithmétique, pourrait être la raison.

1.1 - 1.1 - Ravel (thèse, 2003)Ravel (thèse, 2003)

La thèse de Ravel porte sur la réintroduction en 2002 de l’arithmétique au niveau desclasses de Terminale S en France après 20 années d’absence. Elle a effectué une analyseinstitutionnelle de l’enseignement de l’arithmétique et une analyse de pratiques de classes.Ses recherches se sont centrées sur les programmes d’arithmétique de TerminaleScientifique de 1886 à 2002 et les manuels de la période (1998-2002). Les documents ontété analysés du point de vue de l’écologie des savoirs et des praxéologies. Elle a aussiélaboré et analysé un questionnaire (à l’adresse des enseignants), dont les questionspeuvent se regrouper comme suit :

─ des questions autour de la démonstration de quelques propriétés dans leprogrammes de Terminale S : l’existence de l’unicité de la division euclidienne ; lethéorème de Bézout, l’existence de la décomposition d’un entier naturel (supérieurou égal à 2) en produit de facteurs premiers ;

─ des questions autour du PGCD : méthodes de calcul, coup et efficacité desméthodes ;

─ des questions autour de l’usage de la calculatrice en arithmétique : programmationd’algorithmes sur calculatrice.

Pour finir, elle a effectué des observations dans deux classes de Terminale Scientifique -spécialité mathématiques. Cette étape lui a permis d’identifier les choix d’organisationsmathématiques et didactiques de ces enseignants et leur conformité avec les savoirsarithmétiques à enseigner.Parmi les résultats de Ravel, nous nous intéressons en particulier à son analyse desprogrammes. Elle a identifié une évolution des fonctions occupées par l’arithmétique au fildes changements de programmes. Parmi ces fonctions de l’arithmétique, on distingue :

─ La fonction structurelle : étude de structures algébriques de nombres enarithmétique ;

─ La fonction diversité des modes de raisonnement : les résolutions de problèmesarithmétiques permettant de travailler les différents types de raisonnement ;

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Page 22: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

─ La fonction mise en avant de l’aspect algorithmique : les algorithmes que l’on peuttravailler en arithmétique.

Cette typologie des fonctions de l’arithmétique nous paraît utile pour l’étude deprogrammes et de manuels dans notre étude,

1.2 - 1.2 - Battie (thèse, 2003)Battie (thèse, 2003)

L’étude de Battie s’est déroulée comme celle de Ravel (2003), dans le contexte de laréintroduction de l’arithmétique dans les programmes de Terminale S en France. Elle aeffectué un travail épistémologique et didactique des spécificités et potentialités del’arithmétique élémentaire pour l’apprentissage du raisonnement mathématique.

Elle a distingué deux dimensions du raisonnement arithmétique : une dimensionorganisatrice et une dimension opératoire sur lesquelles s’est appuyée son analyseépistémologique. Pour Battie, «la dimension organisatrice s’identifie au raisonnementglobal qui traduit la mise en acte d’une visée et la dimension opératoire définit tout ce quirelève des techniques de calcul utilisées au fil de la démonstration qui permettent de mettreen œuvre les différentes étapes du ou des raisonnements suivis». Elle a ensuite montrécomment ces deux dimensions « vivent » et s’articulent dans les démonstrationsarithmétiques.Dans son analyse didactique, elle a effectué une étude écologique des potentialités a priorirévélées par son analyse épistémologique. Elle a notamment analysé les sujetsd’arithmétique de l’épreuve de Spécialité du baccalauréat (à partir de 1998), des ressourcesdestinées aux enseignants, des copies d’élèves (produites lors d’une épreuved’entraînement au baccalauréat) et une étude de la rationalité d’élèves de Terminale S (uneexpérimentation menée dans une classe).

Concernant ses résultats, elle a montré une exploitation certaine mais limitée despotentialités de l’arithmétique pour le raisonnement du coté institutionnel (enseignement).Battie souligne en particulier que les ressources destinées aux enseignants font vivre unegrande richesse mais qu’elles supposent une certaine culture arithmétique du lecteur etlaisse à la charge de ce dernier un travail non négligeable de transposition didactique pourun enseignement effectif. Du coté des élèves, elle a montré, à la fois une créativitémathématique et des difficultés de raisonnement indéniables de ces derniers. Dans notre étude, nous examinerons les programmes et manuels par rapport à la placeaccordée aux potentialités de l’arithmétique pour l’apprentissage du raisonnementmathématique.

1.3 - 1.3 - Godot (GrandGodot (Grand N n°78, 2006)N n°78, 2006)

Karine a étudié la problématique de la « démarche de recherche en mathématique » à partird’une situation construite autour du jeu de la roue aux couleurs. La résolution de ce jeurepose, entre autre, sur une compréhension de notions de diviseur commun, derelativement premier et de permutation. Principe du jeu (résumé) : Si on place les nombres de 0 à n−1 le long d’une roue et quel’on se déplace de p en p à partir de 0, quand atteindrons-nous 0 ? A-t-on parcouru tous lesnombres ?

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L’expérimentation est effectuée dans des classes primaires (CE2, CM1, CM2) en France.Elle a identifié dans les productions des élèves, des « éléments constitutifs » de l’activitéde recherche en mathématique. Elle retrouve notamment : l’activité de conjecturer, laconfrontation à l’impossibilité, la recherche de preuve, la recherche d’une modélisation, larecherche de généralisation, l’argumentation.

Son étude montre aussi des conditions pour faire vivre une situation de recherche (voirChapitre. V) en classe. Elle trouve qu’il est avant tout, nécessaire d’organiser la classe engroupes. Cela permet de favoriser le débat, l’argumentation, et d’éviter le découragementchez des élèves.Par ailleurs, son expérimentation ayant lieu sur plusieurs séances, elle trouve qu’il estnécessaire que chaque groupe de travail dispose d’une « feuille de recherche » ou cahierde recherche. Ils pourraient y mettre les résultats de leur recherche qu’ils jugent importantset sur lesquels ils peuvent s’appuyer lors des séances suivantes.

D’autre part, elle trouve qu’il est important d’organiser des mises en communs afin que lesgroupes communiquent leurs résultats, leurs méthodes, leurs conjectures et éventuellementdébâtent.Notre intérêt pour cet étude porte sur les conditions de conduite de ses expérimentations etle fait qu’elle prend en compte des savoirs notionnels de l’arithmétique. Nous nousappuierons sur certains de ces résultats lors de nos expérimentations.

1.4 - 1.4 - Gardes (Gardes (PetitPetit x n°x n°8383, 2010), 2010)

Dans cet article publié dans la revue Petit x en 2010, Gardes rend compte d’une étudedidactique de la résolution d’un « problème ouvert » en arithmétique. Elle utilise le terme« problème ouvert » dans le sens de problème non résolu par les chercheurs enmathématiques. Toutefois, le choix de son problème tient en compte deux critères : il doitêtre accessible aux élèves, il doit aussi permettre une recherche effective de ces derniers.Avec ces critères, les élèves peuvent s’approprier le problème facilement précise-t-elle.Elle a alors choisi la conjecture d’Erdös-Strauss (formulée en 1950):

« Pour tout entier au moins égal à n, on peut trouver des entiers naturels (non

nécessairement distincts) x, y, z tels que :4n= 1

x+ 1

y+ 1

z.»

L’étude est menée dans une classe de Terminale Scientifique.L’expérimentation a mis en évidence, les potentialités (pour l’enseignement desmathématiques) de la résolution de « problème ouvert ». Elle a trouvé que le problèmechoisi permet une mobilisation des connaissances notionnelles et le développement d’unedémarche expérimentale dans le processus de recherche mathématique des élèves. Elle anotamment identifié la mobilisation des notions de fraction, calcul fractionnel, nombrespremiers, nombres entiers, multiples, diviseurs. La résolution du problème a aussi permisaux élèves d’approfondir leurs connaissances sur le rôle du contre-exemple dans unepreuve, le rôle d’un exemple généralisateur dans la recherche d’une conjecture.

Il faut dire que l’arithmétique regorge de conjectures, autrement dit, de problèmes ouvertsdans le sens de Gardes. Dans notre étude, nous regarderons les bénéfices du « problèmeouvert » dans un contexte de changement de passage de l’arithmétique en géométrie etréciproquement.

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Page 24: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

1.5 - 1.5 - Majaj (thèse, 2011)Majaj (thèse, 2011)

Majaj a étudié l’enseignement de l’arithmétique au Collège et dans la transitionCollège/Lycée en France. Elle a effectué en premier lieu, une analyse épistémologique desorganisations mathématiques et les choix de définitions dans les savoirs savants. Elle aensuite fait une analyse institutionnelle de l'arithmétique dans une perspective écologiquepour dégager les différents systèmes de contraintes et de conditions qui pèsent sur lesévolutions de ce savoir au cours du processus de transposition didactique interne (choix del’enseignant avant la classe). Cette analyse institutionnelle a porté sur les programmes etmanuels du Collège et de la Seconde de 1902 à 2010. Elle a mené ensuite une étude desrapports personnels des enseignants et des élèves aux objets de savoir en jeu en classe deSeconde (en 2011). Ses travaux montrent une très grande instabilité des contenusd'arithmétique dans le curriculum français au Collège et à la transition Collège/Lycée.

Notre intérêt pour son étude porte sur les ordres de travail et de présentations des notionsd’arithmétiques qu’elle a mises en évidence dans son étude d’organisation mathématique.Elle a identifié notamment que les ouvrages universitaires choisissent leur organisationmathématique en fonction du choix de définition des concepts.

II.2 - II.2 - TTRAVAUXRAVAUX SURSUR LALA GÉOMÉTRIEGÉOMÉTRIE DISCRÈTEDISCRÈTE

Comme pour l’arithmétique, il n’existe pas beaucoup de travaux didactiques autour desmathématiques discrètes. Cela peut s’expliquer par le fait que ce n’est pas un domainemathématique explicitement présent dans les programmes d’enseignement.

2.1 - 2.1 - Grenier et Payan (RDMGrenier et Payan (RDM n°18-2, 1998)n°18-2, 1998)

Dans cette publication, les auteurs proposent une ingénierie sur le problème suivant :

« Pour quelles valeurs de n peut-on construire des n-polygones réguliersdont tous les sommets sont sur une grille carrée régulière ? »

Figure 1a. Exemple de polygones réguliers Figure 1b. Grille carrée régulière

La résolution de ce problème n’est pas facile dans le cadre de géométrie euclidienne saufpour des valeurs particulière de n. Par exemple, pour n=3 , c’est impossible. Pour n=4 ,on peut trouver plusieurs positions différentes sur la grille. En cherchant à vérifier pourchaque valeur de n indépendamment, le travail est fastidieux et risque de ne pas aboutir.

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Grenier et Payan, utilisent la notion d’aire discrète d’un polygone (comptée par le nombrede ses points intérieurs) et des transformations isométriques (symétries ou rotations) pourrésoudre la question pour toutes les valeurs de n≥3 en une fois.

Cette ingénierie a été proposée sous forme de Situation Recherche pour la Classe (voirChapitre.V). On note que ce problème relève de géométrie discrète (points sur la grille etaire discrète) mais sa résolution ne fait pas intervenir l’arithmétique.

2.2 - 2.2 - Ouvrier-Buffet (thèse, 2003)Ouvrier-Buffet (thèse, 2003)

Dans sa thèse, Ouvrier-Buffet étudie la problématique de la construction de définitionainsi que la construction de concept en mathématique. En partant du constat que lessituations de construction de définition sont absentes dans l’enseignement, Ouvrier-Buffeta développé des outils théoriques qui permettent de construire, réaliser en classe etanalyser des telles situations. Elle étudie et expérimente notamment des situations sur :« l’arbre », la « droite discrète » et le « déplacement dans le plan discret ».

Pour le cas de la droite discrète par exemple, la résolution de la situation conduit àreconsidérer et à redéfinir les notions de pentes d’une droite, de points d’intersection dansle plan discret, en les confrontant à celles de la géométrie euclidienne. Quand à la situation« déplacement dans le plan discret », les concepts qu’elle permet de questionner sont :générateur, indépendance, minimalité etc.Sur la notion de définition d’une « droite discrète », l’arithmétique est présente mais peuétudiée dans ses interactions avec la géométrie discrète. Par contre, l’étude des« déplacements » dans le plan discret est un exemple de problème reliant les questionsd’arithmétique et de géométrie discrète. Dans les deux cas, le modèle des SiRC (voirchapitre. V) a permis la mise en œuvre et l’analyse de telles ingénieries.

Un autre intérêt de la thèse d’Ouvrier-Buffet par rapport à nos préoccupations est la naturede la question posée puisqu’il s’agit d’une situation de définition. Notre ingénierie sur lethéorème de Pick (voir Chapitre.VII) présente ce même genre de spécificité sur laquestion : « trouver une méthode » ou encore « trouver une formule ».

2.3 - 2.3 - Grenier et Tanguay (PetitGrenier et Tanguay (Petit x n°78, 2008)x n°78, 2008)

Cet article présente un compte rendu de l’étude didactique d’une situation d’explorationdes solides de Platon (polyèdres réguliers et convexes). La situation est basée sur une miseen relation des activités de définitions, de construction et de preuve.

La question étudiée est : Démontrer le théorème : il n’y a (pas plus) que 5 polyèdresréguliers dans R3 .Les conditions nécessaires d’existence de tels polyèdres sont exprimées sous formed’inéquations à deux inconnus pour les graphes planaires. Montrer que ces conditions sontsuffisantes (existence) nécessite un retour à la géométrie euclidienne.

Les auteurs ont mené des expérimentations auprès des étudiants en Licence demathématiques. L’étude a montré l’intérêt d’établir des connexions entre les domaines dela géométrie euclidienne, des graphes planaires et arithmétique.

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Page 26: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

II.3 - II.3 - CCONCLUSIONONCLUSION

Notre étude montre que les domaines de l’arithmétique et de la géométrie discrète sontsouvent dissociés dans les travaux (francophones) de recherche en didactique desmathématiques, seule la situation proposée dans la thèse de Ouvrier-Buffet (2003) sur les« déplacements » exploite ces interactions.

On pourrait penser que ce constat est dû au faible nombre de travaux de didactique engéométrie discrète qui sont essentiellement issus de chercheurs de la Fédérationde Recherche « Maths à Modeler »3. Nous avons étudié notamment les travaux de Grenieret Payan (1998). Cet étude porte sur une ingénierie du modèle SiRC (voir Chapitre V.)autour d’un problème de géométrie discrète (points sur une grille et l’aire discrète). Mais larésolution proposée ne fait pas intervenir l’arithmétique. Nous avons étudié aussi lestravaux de Grenier et Tanguay (2008). Ils effectuent un compte rendu d’une situationd’exploration des solides de Platon (polyèdres réguliers). Leur étude montre l’intérêtd’établir des connexions entre les domaines de la géométrie euclidienne, des graphesplanaires et arithmétique.

Concernant l’arithmétique, les travaux de didactique sont diverses et riches pourl’enseignement. Toutefois, ils ne problématisent pas des interactions avec d’autresdomaines des mathématiques. Nous avons étudié une liste non exhaustive de ces travaux.On note par exemple, l’étude de Ravel (2003) sur la réintroduction de l’arithmétique dansles programmes en France. Elle identifie des fonctions de l’arithmétique mises en avantdans les programmes : fonction structurelle, fonction diversité des modes de raisonnement,fonction algorithmique. Elle effectue aussi des observations de classe, afin d’identifier leschoix d’organisations mathématiques et didactiques des enseignants et leur conformitéavec les savoirs arithmétiques à enseigner. Majaj (2011) a étudié l’enseignement dessavoirs notionnels arithmétiques au Collège et dans la transition Collège/Lycée en France.Elle analyse le choix de définitions des notions (divisibilité, PGCD, PPCM, nombrepremier, etc) dans les manuels et ouvrages universitaires. Elle effectue ensuite une analysedes contraintes et conditions sur l’évolution de ses notions lors de la transposition dansl’enseignement. Battie (2003) étudie les potentialités de l’arithmétique pour l’apprentissagedu raisonnement mathématiques. Elle a analysé les sujets d’arithmétique de l’épreuve deSpécialité du baccalauréat (à partir de 1998), des ressources destinées aux enseignants,ainsi que des copies d’élèves (produites lors d’une épreuve d’entraînement aubaccalauréat) et une étude de la rationalité avec des élèves de Terminale S (sur uneexpérimentation dans une classe). Gardes (2010) a étudié l’apport pour l’enseignement deproblèmes « ouverts » d’arithmétique. Elle montre, les potentialités de ces types de

3 « Maths à modeler » est une fédération de recherche qui regroupe des chercheurs en mathématiques, endidactique et d’autres communautés scientifiques (laboratoire de référence Institut Fourier - Grenoble).

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problèmes dans le développement de la démarche expérimentale dans le processus derecherche mathématique. Enfin parmi les travaux consultés, Godot (2003) étudie la miseœuvre de l’activité de recherche en mathématique à travers une situation sur le problèmede « jeu de la roue aux couleurs ». La résolution de ce jeu repose, entre autre, sur unecompréhension de notions de diviseur commun, de nombres relativement premiers et depermutation.

Il convient de mentionner que le théorème de Pick est présenté d’un point de vuemathématique dans des revues à destination des enseignants mais sans éléments d’analysede la transposition en classe : par exemple, dans Mathecole n°133 (Calame A., 1988) etdans le Bulletin Vert de APMEP n°516 ( 2015).

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Page 28: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

III - III - TRANSPOSITION DIDACTIQUE DE NOTIONS DE TRANSPOSITION DIDACTIQUE DE NOTIONS DE L’ARITHMÉTIQUE ET DE LA GÉOMÉTRIE DISCRÈTEL’ARITHMÉTIQUE ET DE LA GÉOMÉTRIE DISCRÈTE

L’objet de ce chapitre est de chercher à savoir comment les notions de l’arithmétique et dela géométrie discrète sont présentées dans les programmes et abordées dans les manuels.Nous nous consacrerons ici sur le cas du Mali dans la mesure où des éléments de réponsesà cette questions existent déjà pour la France dans (Battie V., 2003 ; Raval L., 2003)notamment pour l’arithmétique.

III.1 - III.1 - PPROGRAMMESROGRAMMES ETET MANUELSMANUELS MALIENSMALIENS

Nous regardons en particulier les programmes du second cycle de l’enseignementfondamental (collège) et du Lycée.

L’expression « type de tâche » est utilisée dans le sens des praxéologies deChevallard (1999). Toutefois nous ne faisons pas une analyse praxéologique (qui ne seradonc pas présentée dans cette recherche).

1.1 - 1.1 - Programmes de 7ème, 8ème, 9èmeProgrammes de 7ème, 8ème, 9ème

Ces niveaux d’enseignement correspondent respectivement à la 5ème, 4ème et 3ème enFrance.

Le premier constat sur ce programme est sa structure. Il est organisé en deux grandesparties : algèbre et géométrie. Le mot « arithmétique » même n’est pas utilisé dans lescontenus du programme. Les notions à enseigner sont présentées sous forme d’une liste desavoir-faire qui sont définis, regroupés autour des ensembles N, Z, D, Q, R. Cetteorganisation montre que le programme est élaboré du point de vue des mathématiquesmodernes.─Au niveau de la classe de 7ème (5ème France), on étudie les propriétés des entiers (N etZ). On trouve les savoir-faire suivants : les pratiques des opérations dans N et Z, le calculmental, la comparaison d’entiers, les puissances, la division euclidienne dans N, lapratique des critères de divisibilité (par 2, 3, 4, 5, 25, 9, 10, 100, 1000). Le lecteurremarquera que les critères de divisibilité par 6, 7 ou 8 sont absents. Ce choix desprogrammes suppose que ces critères de divisibilité seraient difficiles à pratiquer pour lesélèves de 7ème. Pour autant, la pratique de la divisibilité par 6 permettrait de réinvestir ladivisibilité par 2 et 3 étant donné qu’un nombre est divisible par 6 si et seulement s’il est àla fois divisible par 2 et 3. Après ces critères de divisibilité, le programme préconised’aborder les nombres premiers et la décomposition en un produit de facteurs premiers.

─En 8ème (4ème en France), il y a un retour sur les entiers naturels avec les notions dediviseur et de multiple qui ne sont abordées que sur des exemples numériques. Le calculdu PPCM et du PGCD de deux entiers naturels sont introduits. Deux méthodes de calculdu PGCD et du PPCM sont recommandées : utiliser les notions d’ensemble de diviseurs,d’ensemble de multiples ou la décomposition primaire dans les cas dits « complexes ».L’ensemble Q est ensuite introduit par les pratiques des opérations sur les fractions et lanotion de fractions équivalentes.

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─ En 9ème (3ème en France), la fin du cycle fondamental, l’étude des entiers n’est plus auprogramme. Les enseignements sur les nombres sont centrés sur les irrationnels : la racinecarrée d’un nombre positif, son extraction et les opérations sur les radicaux.

Ce programme des trois années du second cycle de l’enseignement fondamental nousconduit aux conclusions et interrogations qui suivent. Toutes les notions de l’arithmétiquesont pour la plus part abordées sur des exemples pratiques uniquement. La présentation duprogramme instruit un enseignement de « techniques » sur les propriétés des nombres.Aussi, le réinvestissement des notions apprises n’est pas explicite. Par exemple à propos dela notion de fractions équivalentes (en 8ème) : est-ce une simplification élémentaire ou unesimplification complète avec le PGCD qu’il faut pratiquer ? Quels sont les outils de l’élèvepour le faire ? Des questions se posent aussi sur la stabilité des connaissances enarithmétique au sortir de ce cycle de formation. Il y a une rupture de l’enseignement desentiers en 9ème.Du point de vue de la géométrie discrète, on ne retrouve pas de notion explicitementabordée. L’essentielle de la géométrie porte sur : les figures géométriques (définitions,caractérisation, calcul d’aire), notions de base de la géométrie repérée4 dans le plan.

1.2 - 1.2 - Programme du LycéeProgramme du Lycée

Dans l’analyse du programme du second Cycle de l’enseignement fondamental, il estdéfini distinctement deux domaines : algèbre et géométrie. Le programme du Lycée ne suitpas cette organisation. Il est présenté suivant l’approche par compétence (APC) :compétences, composantes, manifestations, contenus. Les notions à enseigner sont dans la partie « contenus » et organisées par chapitre. Ainsi,l’arithmétique n’apparaît ni en 10ème (Seconde en France), ni en 11ème Sciences (1ère enFrance). Nous avons examiné ces deux contenus d’enseignement et certains points posentquestion. En 10ème par exemple, il est recommandé de revenir sur les propriétés de R dansle chapitre « Équations et inéquations ». Les élèves doivent être capable de simplifier,soustraire, comparer des fractions. Mais comment opérer ces savoir-faire sans unenseignement des notions de PGCD et PPCM ? Quels sont les moyens de contrôle donnéaux élèves lorsqu’ils simplifient une fraction ?

L’arithmétique apparaît finalement comme un chapitre d’étude au niveau de la TerminaleSE (Sciences Exactes). Nous avons repris dans le tableau ci-après les commentaires dudocument « savoir-faire ». Ils fixent les objectifs généraux d’apprentissage del’arithmétique en Terminale SE.

4 Géométrie analytique dans certains ouvrages ou manuels

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Tableau 1: Objectifs généraux de l'enseignement de l'arithmétique (Terminale SE)Le lecteur remarquera que « toute construction formelle » (voir objectif 1.) des ensemblesde nombres est exclue. Mais quelles sont les propriétés et/ou axiomes qui caractérisent lesensembles de nombres à enseigner ? Ce choix d’interprétation est à la charge desenseignants puisqu’on ne retrouve pas ces précisions dans les contenus d’enseignement.

ARITHMÉTIQUE

– Anneau Z des entiers relatifs; multiple d’un entier relatif, notation nZ .– Sous – groupe de Z.

– Division euclidienne dans N et Z. Numération décimale et binaire.– Congruence modulo n. Anneau Z/nZ.

– Nombres premiers; si n est premier alors Z/nZ est un corps (admis)– Décomposition d’un entier naturel en produit de facteurs premiers; existence et unicité.

– Plus grand commun diviseur et plus petit commun multiple. Application à desproblèmes pratiques.

Tableau 2. Contenus d’enseignement en arithmétique (Terminale SE) -Extrait duprogramme de 2011

En nous référant à la typologie de Majaj (2012) sur les différentes fonctions del’arithmétique, on peut dire que l’arithmétique en Terminale SE au Mali a quatrefonctions :

• Une fonction d’apprentissage du raisonnement en mathématique (voir objectif 3.) ;• Une fonction d’apprentissage d’algorithme (voir objectif 4.) ;

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• Une fonction d’initiation à l’étude des structures algébrique des nombres (voirobjectif 5.) ;

• Et une fonction d’apprentissage de culture mathématique (voir objectif 2.).Examinons à présent les savoir-faire (voir Tableau ci-dessous).

Tableau 3. Les savoir-faire du chapitre arithmétique (Terminale SE) -page scannée dansle document d’accompagnement des programmes(1991, 2011)

Les notions et savoir-faire de l’enseignant fondamental (7ème, 8ème) sont pratiquementtous repris en Terminale SE avec un peu d’approfondissement. Ainsi, le calcul dans lessystèmes de numération se généralise sur toute base b ∈ N*(n°3). La division euclidiennequi se limitait sur N est étendue sur Z (n°2 et n°5). Les critères de divisibilité usuels (par 2,3, 4, 5, 9, 11, 25) sont repris (n°8). Mais les justifications ne sont pas explicitementrecommandées (Est-ce dans les savoir-faire n°9 ?).

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Les notions de PGCD, PPCM, nombres premiers, décomposition en produit de facteurspremiers sont aussi reprises. Une nouvelle méthode de calcul du PGCD apparaît :l’algorithme d’Euclide (n°10). Cependant, pourquoi les seules utilisations des notions dePGCD et de PPCM sont les savoir-faire n°12 (résolution d’équation) ? Elles ont pourautant beaucoup d’applications. Concernant les nombres premiers, quelles méthodes sont-elles proposées pour vérifier si un nombre est premier ou pas (n°14) ? Aussi, pourquoi lesutilisations de nombres premiers se limitent aux savoir-faire n°15, 16 et 17 ?

Nous trouvons qu’ils existent des éléments « d’ambiguïtés » entre les contenus deprogramme et les savoir-faire. En effet, des notions sont absentes au niveau des contenusde programmes alors que leurs pratiques font partie des savoir-faire. C’est le cas desthéorèmes de Bézout, Gauss (voir Tableau 3 : n°13). Aussi, des questions se posent surl’interprétation possible des enseignants dans leurs pratiques de classe au sujet desstructures algébriques. D’après les commentaires, l’arithmétique est censée avoir unefonction d’introduction à l’étude de structures algébriques, mais un seul savoir-faire portesur ces notions : le calcul dans (Z / nZ ,+ ,×) (n°6).

Pour la récurrence, il s’agit de savoir « appliquer le principe du raisonnement parrécurrence » (voir Tableau 3, n°1). Mais s’il existe un ordre de complexité au niveau dessavoir-faire, la récurrence en première position pose question.

On peut précisément identifier les types de tâches :─ Calculer : 6, 2, 3, 4, 10, 11

─ Utiliser (théorème, propriété, …) : 1, 8, 9, 16, 17─ Appliquer (algorithme):1, 2, 3, 4, 5, 10, 11, 14, 15, 16, 17

─ Résoudre :7, 9, 12, 13─ Programmer : 18

─ Démontrer : « rien »On voit que les savoir-faire définissent essentiellement des types de tâches qui relèvent de« techniques » calculatoires sur les propriétés des nombres. En effet, hormis lessavoir- faire n°9 (résolution de problèmes liées aux congruences) et n°18(programmation), tous les autres consistent en l’application algorithmique ou de calcul,même la récurrence. Le réinvestissement des notions est aussi peu abordé. Le programmene recommande pas dans les savoir-faire l’utilisation des notions dans les résolutions desproblèmes pratiques alors que cela fait parti des objectifs d’enseignement del’arithmétique.

Du point de vue des mathématiques discrètes en générale, on retrouve les notions d’arbre,de combinaison, d’arrangement dans le chapitre « Dénombrement et probabilité » dès leniveau 11ème Sciences (Première) et reprises en Terminale. La géométrie discrète estabsente.

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1.3 - 1.3 - Analyse de manuelsAnalyse de manuels

L’analyse du programme nous a permis d’identifier les notions à enseigner, lesrecommandations officielles, les objectifs d’enseignement et leurs « manques » surl’arithmétique et la géométrie discrète. C’est un avis partagé dans l’enseignement que lesprogrammes seuls ne suffisent pas pour élaborer un Cours. Les enseignants sont donc dansl’obligation d’utiliser des manuels. Ce travail d’analyse de manuel permettra d’approcherles choix possibles d’organisation mathématiques et d’organisation didactique desenseignants du Mali. Nous nous consacrerons ici aux manuels du lycée.

Il n’existe pas à proprement dit de manuels officiels de mathématiques pour le Lycée auMali. Des enseignants et chercheurs du Mali avec le soutien du Ministère de l’Éducationparticipent au projet de la Collection Inter-Africaine de Mathématiques (CIAM). Ce projetvise à harmoniser les programmes de mathématiques dans les pays d’Afrique dont lalangue d’enseignement est le français. La rédaction des manuels regroupe des enseignants,des chercheurs et de responsables pédagogiques de plusieurs pays d’Afrique. Les manuelsélaborés sont proposés aux enseignants et élèves des pays participants, dont le Mali. Nousfaisons donc l’hypothèse que ces manuels sont les références des enseignants du Lycée auMali. Notre analyse portera donc sur le manuel de Terminale SM de cette collection(édition 1999 en cours).Organisation didactique générale du manuel CIAM

Le manuel CIAM est structuré par chapitre. Chaque chapitre est à son tour organisé entrois parties : « Introduction », «Cours » et « Exercices ». La partie « Introduction » résumeles notions mathématiques qui sont abordées dans le chapitre, les domaines d’applicationsou d’utilisation de ces notions. Le « Cours » regroupe les définitions, les propriétés, desméthodes, des exemples d’application, des TD (Travaux dirigés) et les premiers exercices.Quant à la partie « Exercices », elle est divisée en « Exercices d’apprentissage » etexercices d’ « Approfondissement ». Il faut noter aussi que le manuel ne propose pasd’activités introductives sur les notions. On ne retrouve pas non plus de rappels ou de testsde prérequis.Contenu sur l’arithmétique

L’organisation du cours d’arithmétique se présente dans cet ordre :1) Les ensembles N et Z

2) Divisibilité dans Z3) PPCM et PGCD de deux entiers relatifs

4) Nombres premiersToutes les notions du programme sont abordées dans le manuel. Du point de vue des choixde définitions des notions (par exemple PGCD, PPCM,...), l’aspect existence et unicité sontprises en compte. Les propriétés sont en général justifiées. Les théorèmes de Bézout etGauss sont donnés avec preuves. Par contre, les preuves sont peu commentées, avecparfois beaucoup d’implicite. Ce choix didactique de CIAM peut rendre son contenumathématique moins accessible aux élèves. Nous précisons que ce manuel est à la foispour l’enseignant et l’élève.

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Concernant le principe par récurrence, la présentation pose question pour sacompréhension effective. Le manuel propose une formulation algorithmique pour sonapplication :

Figure 3. Principe de récurrence du manuel CIAM Terminal SM (éd. 1999)

Le « si » de la proposition conditionnelle globale n’est pas écrit, le « Alors » non plus. Lequantificateur « il existe » pour le rang n0 (initialisation) est implicite. Ce quantificateurest pourtant indispensable pour la compréhension du principe (Grenier, D., 2012). Aussi,doit-on comprendre que le n0 est toujours une donnée pour pouvoir appliquer larécurrence ? Les exercices portant sur la récurrence débutent tous par « démontrerque ... ». Cela induit que le principe de récurrence s’appliquerait uniquement à despropriétés déjà vraies.Les autres exercices sont essentiellement de types de tâches « calculatoires » sur lesnotions du cours : pratique de la divisions euclidienne, calcul du PGCD et du PPCM,changement de base de numération, résolution d’équation dans Z2 , application du test deprimalité etc.

Parmi les 86 exercices du chapitre « Arithmétique », celui de la Figure 4 est le seul qui faitun lien avec la géométrie. Il porte sur une interprétation géométrique de solutions d’uneéquation dans N×N .

Figure 4. Exercice du manuel CIAM (p.30)L’exercice est placé dans la partie « Approfondissement ». Pour les auteurs, il est doncsupposé moins accessible aux élèves de ce niveau d’enseignement. Pour autant, les savoirsnotionnels mobilisables pour sa résolution sont bien abordés.

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Page 35: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Nous faisons l’hypothèse que ce type de problème est probablement absent dans lespratiques de classes.

III.2 - III.2 - PPROGRAMMEROGRAMME ETET M MANUELSANUELS FRANÇAISFRANÇAIS

Nous nous sommes intéressés en particulier au niveau Lycée. L’arithmétique est enseignéeen Terminale S (spécialité mathématiques). Notre étude porte sur les programmes envigueur (B.O, 2011).

Les contenus d’enseignement sur l’arithmétique se présentent dans cet ordre : ─ Divisibilité dans Z ;

─ Division euclidienne ; ─ Congruence dans Z ; PGCD de deux entiers ;

─ Entiers premiers entre eux ; ─ Théorème de Bézout ;

─ Théorème de Gauss ; ─ Nombres premiers ; Existence et unicité de la décomposition en produit de facteurs

premiers.

Dans les commentaires du programme, il est assigné à l’arithmétique, une fonctiond’apprentissage de l’algorithme et des raisonnements mathématiques. Nous avons regardé les manuels de Terminales S (spécialité mathématique) Indice (2012),Symbole (2012), Transmath (2012). Nous précisons que le choix des manuels n’est pas liéà de critères spécifiques.

Du point de vue de l’organisation didactique, Indice et Transmath sont structurés enséquences, les contenus prennent appui sur des résolutions de problèmes (voir Tableau 4ci-après). Dans la même idée, Symbole introduit ses chapitres par des exercices devérification des connaissances antérieures et des activités de découverte des notions. Ceschoix didactiques ont particulièrement attiré notre attention, le manuel CIAM ne proposepas d’activités introductives ou de découvertes de notions.

Indice Symbole Transmath- Avant de commencer, se tester avec…- Problèmes - Cours- Exercices pour démarrer- Exercices pour s’entraîner- Travaux pratiques- Cap vers le BAC- Exercices pour aller plus loin

- Vérifier ses acquis- Activité d’introduction- Le cours et les capacités attendues- Travaux pratiques- Exercices- Préparer le BAC- Accompagnement personnalisé

- Résolution de problèmes- Synthèse des notions- Exercices d’application- Activités de recherche - Exercices d’entraînement- Le jour du BAC- Pour aller plus loin

Tableau 4. Organisations didactiques des manuels indice (2012),Symbole(2012),Transmath (2012)

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Du point de vue de l’organisation mathématique des notions, les choix sont aussidifférents (voir Tableau 5). Les manuels Symbole et Transmath proposent des progressionsqui correspondent à celle du programme. Tous les contenus d’enseignement duprogramme sont abordés dans les trois manuels. Indice et Transmath rajoute même lanotion de PPCM qui n’apparaît pas dans le programme.

Indice Symbole Transmath- Divisibilité et division euclidienne- Nombres premiers- Congruence et critères de divisibilité- PGCD de deux entiers- Entiers premiers entre eux- PPCM et Petit théorème de Fermat

- Divisibilité dans Z- Division euclidienne - Congruence- PGCD de deux entiers - Entiers premiers entre eux - Théorème de Bézout - Théorème de Gauss - Nombres premiers - Décomposition en produitde facteurs premiers

- Divisibilité et division euclidienne- Congruence- PGCD de deux entiers naturels- Théorème de Bézout- Théorème de Gauss- Nombres premiers- Décomposition en produitde facteurs premiers

Tableau 5. Organisations mathématiques des manuels indice (2012), Symbole (2012),Transmath (2012)

Par rapport aux types de problèmes traités ou proposés, on trouve :─ de types technique opératoire sur les propriétés des nombres ;

─ des exercices d’application de la récurrence, les algorithmes et des problèmes pratiquessur les utilisations des notions dans la vie courante ;─ Quelques exemples de problèmes mettant l’arithmétique en lien avec la géométrie etl’analyse.

Les exercices résolus, les TP (travaux pratiques) et les exercices proposés, montrentparticulièrement que les manuels mettent en avant l’aspect algorithmique de l’arithmétiqueet l’usage des Technologies de l’information et de la Communication dans l’enseignement(TICE). Ce choix des manuels trouve une justification dans les commentaires duprogramme qui indique : «les thèmes abordés sont particulièrement propices àl’utilisation des outils informatiques (logiciels de calcul, tableur) et à la mise en œuvred’algorithmes » (B.O, 2011).A noter que ces manuels présentent une autre spécificité par rapport au manuel CIAM.Indice et Transmath utilisent notamment des pictogrammes pour désigner les contenus depages ainsi que les problèmes qui les utilisent un mode de raisonnement mathématique.Quand à Symbole, il propose à la suite du cours, des problèmes portant sur des preuves dequelques propriétés du Cours.

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III.3 - III.3 - CCONCLUSIONONCLUSION

L’analyse de programmes et des manuels s’est portée particulièrement sur le niveau lycée.Nous nous sommes appuyés sur l’organisation mathématique des notions et les types detâches, afin d’identifier ce qui est abordé sur l’arithmétique et la géométrie discrète.

L’étude montre que l’arithmétique occupe peu de place dans les enseignements dans lesdeux pays, qu’il n’y a aucune référence à la géométrie discrète. Le théorème de Pickn’apparaît pas. Les types de tâches proposés en arithmétique, sont essentiellement des« techniques calculatoires » sur les propriétés des nombres : calculer, utiliser, appliquer,résoudre, programmer... En ce qui concerne le théorème de Bézout, il est énoncé, dans le« Cours », avec une preuve et son utilisation est restreinte à une application calculatoiredans les résolutions d’équations entières.

La récurrence est mentionnée. Elle est le mode de raisonnement mis en avant, mais, encoreune fois, sa mise en œuvre reste une application d’une technique opératoire de typealgorithmique. Ce constat est à mettre en contraste avec les résultats en didactique surl’arithmétique où il est montré que c’est un domaine pertinent pour l’enseignement duraisonnement et de la preuve (voir Battie, 2003 ; Gardes, 2010 ; Godot, 2006). De plus, ilexiste des ingénieries le permettant (voir Gardes, 2010 ; Godot, 2006).

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Page 38: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

IV - IV - QUESTIONS DE RECHERCHE ET MÉTHODOLOGIEQUESTIONS DE RECHERCHE ET MÉTHODOLOGIE

Dans notre étude épistémologique, nous avons trouvé que la géométrie est pertinente pourétudier des problématiques arithmétiques. On peut rappeler, par exemple, la notion de« commune mesure ». Elle permet de comprendre géométriquement les notions defractions irréductibles (donc d’entiers premiers entre eux), ainsi que le PGCD. Elle permetaussi de donner du sens à l’utilisation du PGCD dans la résolution de problèmes dedétermination du rapport entre deux longueurs, des problèmes de pavage ou de clôturediscret d’un domaine. Réciproquement, dans le domaine de la géométrie discrète, quandon étudie des droites, on tombe sur des questions dont les résolutions font appel au PGCD,au théorème de Bézout ou au théorème de Gauss. On peut citer, par exemple, le problèmede l’existence et de la recherche des points entiers d’une droite dans le plan. Ainsi, dupoint de vue épistémologique, il ne fait aucun doute qu’il existe des liens intrinsèquesentre arithmétique et géométrie.

Au niveau de la recherche en didactique des mathématiques, il y a très peu de recherchessur l’arithmétique. Celles qui existent sont essentiellement centrées sur les problématiquesde sa réintroduction dans l’enseignement (en France particulièrement), de ses fonctions, deses potentialités pour l’apprentissage du raisonnement. Quand à la géométrie discrète, sonabsence dans les programmes, est certainement la raison du faible nombre de travaux.Nous estimons aussi que l’enseignement de l’arithmétique étant centré sur des techniqueset l’algorithme, cela est l’une des raisons de l’absence de travaux didactiques portant sur laproblématique du lien géométrie et arithmétique.Dans le chapitre que nous avons consacré à l’analyse des programmes et de manuels (enparticuliers du Mali), les mathématiques discrètes sont de façon générale absentes.Quelques notions sont étudiées dans les enseignements sur le dénombrement : arbre,combinaison, arrangement. Quant à la géométrie discrète, elle est totalement absente.Concernant l’arithmétique, son enseignement est centré sur les définitions des notions etl’exploration rapide de quelques propriétés, mais l’essentiel du temps est consacré à unapprentissage de techniques pour résoudre de types de problèmes spécifiques : déterminerle PGCD ou le PPCM d’entiers donnés, décomposer un nombre entier en produit defacteurs premiers, résoudre dans Z×Z une équation ou un système d’équationsdiophantiennes, etc. Ainsi, l’arithmétique est étudiée exclusivement dans le registrenumérique et sans lien avec la géométrie et le raisonnement.

Au regard de toutes ces analyses, il nous est paru intéressant et important de mener uneétude sur l’arithmétique et de son lien avec la géométrie discrète dans l’enseignement.Nos questions de recherche sont donc les suivantes :

─ Quelles conditions et quelles situations pour établir le lien, dans l’enseignement,entre arithmétique et géométrie ?

─ Quelles connaissances mathématiques (notionnelles et transversales) peuvent-ellesse construire avec ces situations ?

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Page 39: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Vis à vis des connaissances notionnelles, l’essentielle est donné dans l’étudeépistémologique. Pour les connaissances transversales cela dépend du type de situation.Par contre très probablement on repérera des informations sur les représentations enmathématique.

MéthodologiePour étudier ces questions, nous avons choisi comment entrée, deux théorèmes qui nousparaissent « emblématiques » en arithmétique et en géométrie discrète. Il s’agit enl’occurrence du théorème de Bézout et le théorème de Pick. Le premier est déjà bienprésent dans l’enseignement de l’arithmétique. Il apparaît à chaque fois qu’il s’agit derésoudre des problèmes se ramenant à des résolutions d’équations entières. On le retrouveégalement en géométrie discrète comme nous l’avons mentionné. Le deuxième, moinsconnu dans l’enseignement, est fondamental lorsqu’il s’agit d’étudier des questions dedispositions de points dans un plan discret. Par exemple, la détermination de points entiersles plus proches des deux points donnés. Il établit une formule (ce qui lui donne toute sonimportance) qui permet de calculer l’aire d’un polygone sur une grille en effectuantuniquement des additions de nombres de points de la grille. Au delà des relations (nonévidente) qui existent entre ces théorèmes, leur choix est aussi motivé par la simplicité dela formulation des énoncés, ainsi que leurs preuves accessibles dès le niveau collège.Notre objectif dans cette thèse est de problématiser ces deux théorèmes dans des situationsd’enseignement qui nous permettent de créer des liens entre arithmétique et géométrie. Auterme de l’étude, nous souhaitons développer un regard géométrique sur des propriétésarithmétiques, et amorcer une introduction de la géométrie discrète dans la formation desenseignants.

Nous faisons l’hypothèse que les problèmes que nous allons proposé, n’étant pas du touthabituels dans l’enseignement, leur résolution peut se révéler difficile, même pour desétudiants ayant une bonne connaissance des notions arithmétiques ou géométriques en jeu.Bien entendu, pour le choix du public, nous nous basons sur les connaissances théoriques« supposées » permettant d’aborder et de résoudre les problèmes. L’hypothèse de travailque ces connaissances sont disponibles est justifiée par l’étude du curriculum, deséchanges avec des étudiants et les formateurs.La thèse que nous soutenons dans ce travail est :

Les situations qui mettent en œuvre des changements de registres entre arithmétique etgéométrie, ont un fort potentiel d’apprentissages mathématiques. Elles permettentnotamment de construire et/ou de consolider des connaissances de ces deux champsmathématiques, tout en les rapprochant dans l’enseignement.

Sur le plan des outils théoriques didactiques, nous utiliserons, la notion de changement deregistre (Duval, 1993) dans l’analyse didactique de nos situations expérimentales. Lanotion de situation didactique / adidactique et le modèle SiRC (Grenier et Payan, 2003)sont exploitées dans la construction des situations. Le chapitre V qui suit, est consacré à laprésentation des principales caractéristiques de chacun de ces outils théoriques didactiques.

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V - V - CADRES THÉORIQUES DIDACTIQUESCADRES THÉORIQUES DIDACTIQUES

Dans ce chapitre, nous présentons les principales caractéristiques des outils didactiquesque nous utilisons, tout en précisant l’intérêt de chacun dans cette étude.

V.1 - V.1 - NNOTIONOTION DEDE REGISTREREGISTRE

Duval appelle registre de représentation sémiotique « tout système de représentation qui ases propres contraintes de signifiance et de fonctionnement » (Duval, 1991). Enmathématique, on manipule ainsi plusieurs types de registres : numérique, graphique,algébrique, géométriques, fonctionnel etc. D’après Duval, un registre permet d’accomplirtrois activités cognitives inhérentes à toute représentation sémiotique :

• « De constituer une trace ou un assemblage de traces perceptibles qui soientidentifiables comme une représentation de quelque chose dans un systèmedéterminé ». Par exemple dans le registre algébrique, x2+2 x est conforme, maispas 2 (4x-1 .

• « De transformer les représentations par les seules règles propres au systèmede façon à obtenir d’autres représentations pouvant constituer un apport deconnaissance par rapport aux représentations initiales » ; c'est ce que Duvalappelle le traitement. Par exemple dans le registre algébrique, la règle(a+b)2=a2+2ab+b2 permet d’écrire ce développement : (x+1)2=x2+2 x+1 .

• « De convertir les représentations produites dans un système enreprésentations d’un autre système, de telle façon que ces dernièrespermettent d’expliciter d’autres significations relatives à ce qui est représenté » ;Duval appelle cala conversion. Exemple, on a l’identité remarquable(a+b)2=a2+2ab+b2 dans le registre algébrique, correspond au dessin suivantdans le registre figures géométrique.

Figure 1. Illustration géométrique de (a+b)2=a2+2ab+b2

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Selon Duval, le point fondamental dans une activité mathématique est la capacité à passerd’un registre (sémiotique) à un autre registre. Cette coordination des registres est unecondition nécessaire de la compréhension (Duval, 1991).Dans notre recherche, nous utilisons le terme « registre » selon Duval en ce qui concerneles registres numériques, algébrique, géométrique et graphique.

Mais, on a besoin d’identifier aussi la nature des objets sur lesquels portent ces registres.Par extension, on parlera de « registre discret » ou « registre continue » selon les méthodeschoisies pour la résolution du problème.Notre recherche est centrée sur l’étude de situations d’enseignement qui permettent lepassage entre les registres arithmétique et géométrique, parallèlement aux registres continuet discret.

V.2 - V.2 - SSITUATIONITUATION DIDACTIQUEDIDACTIQUE – S – SITUATIONITUATION ADIDACTIQUEADIDACTIQUE

La théorie des situations didactiques (TSD) de G. Brousseau (1986) propose des modèles(situation didactique/situation adidactique) pour construire et analyser des situationsd’enseignement.

Certaines situations didactiques, comportent en elles-mêmes des situations partiellementlibérées d’interventions directes de l’enseignant. Elles sont nommées situationsadidactiques par Brousseau. En pratique, l’intention d’enseigner est bien présente dans unesituation adidactique. Mais, elle n’est pas explicitée par l’enseignant. Pour Brouseau, « lasituation adidactique est une sorte d’idéal vers lequel il s’agit de converger : l’enseignantdoit sans cesse aider l’élève à dépouiller dès que possible la situation de tous les artificesdidactiques et lui laisser la connaissance personnelle et objective » (Brousseau, 1986).La TSD différencie aussi les situations suivant l’activité de l’élève (action, formulation,validation, institutionnalisation).

Nous utiliserons aussi le concept de variable didactique. C’est un élément de la situationsur laquelle l’enseignant peut agir. Elle provoque des changement qualitatif dans lesprocédures de résolution de l’élèves. Elle provoque aussi une modification dansl’apprentissage.On va utiliser ce cadre théorique pour construire des situations, pour la classe, susceptiblesde mettre en jeu l’ensemble des types d’activités des élèves décrites dans la TSD.Autrement dit, une situation qui produit les changements d’activités (action, formulationou validation) au fur et à mesure de la résolution.

V.3 - V.3 - SSITUATIONITUATION DEDE RECHERCHERECHERCHE POURPOUR LALA CLASSECLASSE (S (SIIRC)RC)

Nous reprenons ici la caractérisation d'une SiRC développée dans Grenier et Payan(2003) :

─ Une « situation recherche » s’inscrit dans une problématique de rechercheprofessionnelle. Elle doit être proche de questions non résolues. Il y a l’hypothèse quecette proximité à des questions non résolues — non seulement pour les élèves, pourl’ensemble de la classe, mais aussi pour l’enseignant, les chercheurs — va êtredéterminante pour les rapports que vont avoir les élèves avec la situation.

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Page 42: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

─ La question initiale est facile d’accès : la question est « facile » à comprendre. Pourcela, le problème doit se situer hors des mathématiques formalisées et c’est la situationelle-même qui doit «amener » l’élève à l’intérieur des mathématiques.

─ Des stratégies initiales existent, sans que soient indispensables des prérequisspécifiques. De référence, les connaissances scolaires nécessaires pour initier larésolution sont élémentaires.─ Plusieurs stratégies d’avancer dans la recherche et plusieurs développements sontpossibles, aussi bien du point de vue de l’activité (construction, preuve, calcul) que dupoint de vue des notions mathématiques en jeu.

─ Une question résolue renvoie très souvent une nouvelle question. La situation n’apas de « fin ». Il n’y a que des critères de fin locaux. L'objectif premier est donc larésolution (au moins partielle) d'une question dont on ne connaît pas la réponse, et nonl'apprentissage ou le travail d'une notion mathématique désignée. Une “bonne” SiRCva conduire l'élève à pratiquer les savoir-faire transversaux décrits ci-dessus. Les pistesde résolution peuvent diverger et donc mettre en jeu des concepts mathématiquesdifférents. Trois aspects fondamentaux sont présents dans nos SiRC, qui sont peu présents, voireabsents, dans la classe usuelle.

─ L’ « enjeu de vérité ». En classe, usuellement, ce qui est à prouver est la plupart dutemps annoncé comme vrai (« démontrer que »), il n’y a pas d’enjeu de vérité. Oubien, lorsque la question est ouverte, la réponse est évidente (« que constatez-vous ? »,en regardant une figure, par exemple). ─ L’aspect « social » de l’activité. Dans une SiRC, il peut y avoir un vrai enjeu socialde production mathématique, même s’il est local (groupe + professeur et/ouchercheur).

─ L’aspect « recherche ». Dans les manuels et les pratiques enseignantes, il estexplicitement déclaré que, pour résoudre un problème et aussi pour prouver, « on nedoit utiliser que les propriétés du cours ou celles d'une liste donnée ». Cette consigneest contradictoire avec l’activité du chercheur et avec la démarche scientifique.

L’une des raisons importantes qui nous fait choisir ce modèle est qu’il est adapté à l’étudeet l’analyse de situations suffisamment ouverte pour permettre des interactions entreregistres mathématiques différents. De plus, ce type de situations favorise la mise enœuvre de savoirs transversaux relatifs au raisonnement et à la preuve. Notamment ceuxidentifiés en arithmétiques dans les travaux didactiques antérieurs (Battie,2003 ; Garde,2010 ; Godot, 2006).

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PARTIE IICONSTRUCTION ET MISE EN ŒUVRE D’INGÉNIERIE DIDACTIQUE

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VI - VI - POINTS ENTIERS SUR UNE DROITEPOINTS ENTIERS SUR UNE DROITE

L’objectif de cette partie est de construire et d’étudier un problème qui met l’arithmétiqueet la géométrie en relation. D’où l’idée de regarder des problèmes autour de la nature despoints qui caractérisent un objet géométrique. L’objet « point » est incontournable engéométrie de façon générale. Lorsqu’on s’intéresse particulièrement à la géométrie repérée(ou analytique), la nature des points, défini le caractère continu ou discret des objets.

VI.1 - VI.1 - PPROBLÈMEROBLÈME GÉNÉRALGÉNÉRAL

La question de départ que nous nous sommes posées est la suivante :

« Étant donné une courbe déterminée par n points, trouver tous les points àcoordonnées entières sur cette courbe »

Pour résoudre ce problème mathématique, il est nécessaire de regarder par type de courbe.Toutefois, il est important de noter que la question n’a de l’intérêt en mathématique quelorsqu’on se place dans le registre de la géométrie repérée.Nous avons donc choisi pour cette recherche d’étudier le cas de la droite dans le plan.Ainsi, le problème général de notre étude est formulé comme suit :

Étant donné n points alignés dans le plan, déterminer tous les points àcoordonnées entières situés dans le même alignement que ces n points.

VI.2 - VI.2 - ÉÉTUDETUDE MATHÉMATIQUEMATHÉMATIQUE

Lorsqu’on a des points donnés avec leurs coordonnées, il est assez naturel de commencerpar une représentation graphique dans un repère. On regardera donc si on peut résoudregraphiquement le problème ou en tirer des informations pour poursuivre la résolution. Ilfaut remarquer ici que cette démarche nécessite d’avoir des points dont les coordonnéessont faciles à représenter graphiquement. Les valeurs irrationnelles par exemple, sontdifficile à exploiter lorsqu’on cherche une représentation graphique satisfaisante.

2.1 - 2.1 - Résolution graphiqueRésolution graphique

On est donc dans le cas où une représentation graphique de la droite est possible (avec lescoordonnées données). Nous l’appellerons méthode (S1) dans la suite du texte.

Soit des points A(a ,b) et B(a ’ , b’ ) à coordonnées entières repérés sur la droite(cf. figure 1).

On détermine alors la pente de la droite : Δ yΔ x

où Δx et Δ y sont des entiers.

En partant de A (ou de B), un déplacement Δx parallèlement à l’axe des abscisses, puis undéplacement Δ y parallèlement à l’axe des ordonnées permet d’obtenir un autre pointentier (voir. Figure 1).

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Figure 1. Illustration de la résolution graphique

Une répétition périodique de ce processus permet de se faire une conjecture de la solutiongénérale du problème. C’est-à-dire on peut observer par exemple, qu’à partir de A(a ,b) ,les points M (a+kΔ x ,b+kΔ y ) avec k entiers, sont aussi des points entiers de la droite.

Il y a bien sûr des interrogations : comment peut-on être sûr graphiquement qu’on a tousles points entiers qui se trouvent sur notre droite ? Qu’on n’en a pas oublié ? Les réponsesde ces questions sont basées sur des propriétés de l’arithmétique. Il faut par exemple, que

Δ x et Δ y soient premiers entre eux (c'est-à-dire Δ yΔ x

irréductible) pour pouvoir définir le

« pas » entre deux solutions (entières) consécutives. Donc pour trouver une justification de la méthode et proposer une solution générique, ilpeut être nécessaire de passer du graphique à l’arithmétique.

Cas particulierSelon Lafond (2015), il est possible de résoudre graphiquement sans calcul, les équationsse ramenant à la forme ax+by =±1 (a, b sont des paramètres entiers donnés premiersentre eux ; x, y des inconnues dans Z).

Il explique sa stratégie sur cet exemple : soit à résoudre l’équation 5 x−11 y =±1 dans Z.On commence par construire la droite d’équation ax+by = 0 dans un repère du plancartésien quadrillé. Cela correspond dans son exemple à construire la droite (D) :5 x−11 y = 0 (voir Figure 2).

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Figure 2. Résolution graphique proposé par Lafond (2015)

Puis on cherche un point du quadrillage qui est le plus près possible de la droite (D) maispas sur (D) (un point sur (D) serait une solution de l’équation ax+by = 0 et non deax+by =±1 ). Les coordonnées de chacun des points trouvées fournissent une solution

de l’équation ax+by =±1 . Dans son exemple, x=9 , y=4 au dessous de la droite (D) oux=2 , y=1 au dessus de la droite (D) conviennent. Ces choix de point peuvent être

vérifiés aisément : 5×9−11×4 = 1 , 5×2−11×1 =−1 .

La justification de Lafond (2015) est la suivante :La distance du point M (x0 , y 0) à la droite (D) d’équation ax−by = 0 est :

d(x0 , y0)=|ax0−by0|

√a2+b2.

d(x0 , y0) sera minimale si et seulement si |ax0−by0| est minimal. Or |ax0−by0| est unentier positif (non nul car on n’est pas sur (D)).

Donc le minimal a lieu lorsque |ax0−by0|= 1 .

Ce minimum est atteint aux deux points particuliers du graphique (voir Figure 2). On peutprouver ce résultat géométriquement en utilisant le théorème de Pick (d’après Lafond).

Si on étend le quadrillage au plan tout entier, la Figure 2 se répète périodiquement, ce quimontre que la solution particulière x0 = 9 , y0 = 4 engendre la solution générale (dans lecas 5 x−11 y =+1 )) : x = x0+11 t , y = y0+5 t avec t∈Z ).

Lafond (2015) soutient que sa méthode est exclusivement graphique, mais on peut bienremarquer que les justifications sont basées sur des théorèmes ou propriétés arithmétiques(les nombres premiers entre eux, le théorème de Bézout).En conclusion, sous l’hypothèse qu’on a des points de la droite dont les coordonnées sontpremiers entre elles, la résolution graphique marche. Mais elle « cache » en réalitél’utilisation de propriétés arithmétiques.

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2.2 - 2.2 - Autres méthodesAutres méthodes

Lorsqu’on a des points donnés avec les coordonnées, on peut choisir de déterminerl’équation de la droite. Pour cela plusieurs techniques sont possibles.

Soit A(a ,b) et B(a ’ , b’) (avec a, b, a’,b’ des réels) deux points donnés et M (x , y )(avec x, y des réels), un point quelconque de (AB) .

─ Première technique. Il existe un réel k tel que AM =k AB . C’est-à-dire :x=a+k (a ’−a ) et y=b+k (b’−b) avec k un réel. On obtient alors une équation

paramétrique de la droite.─ Deuxième technique. On utilise la propriété du déterminant de deux vecteurs colinéairesdans le plan euclidien. On a : det (AM , AB) =0.

D’où : (x−a)(b ’−b)−( y−b)(a ’−a)=0 ce qui est équivalent à :

x (b ’−b)+ y (a−a ’)+(b−b ’)+b(a ’−a)=0 . C’est la forme générale de l’équation d’unedroite.

─ Troisième technique. On part de la forme réduite de l’équation de (AB) : y=mx+ p(avec m, p des réels). Ensuite, on utilise les coordonnées de A et B pour obtenir un systèmede deux équations d’inconnues m et p et l’équation y=mx+ p est déterminée.

Considérons que nous avons l’équation de la droite en jeu.Lorsqu’elle est sous la forme : y = a avec a réel ou x = a , avec a réel, les solutions serésument comme suit :

─ Si a est un entier, alors l’ensemble des points recherché est {(n; a) avec n ∈ Z} pourl’équation y = a ou {(a ; n)avec n ∈ Z} pour l’équation x = a .

─ Sinon les droites x = a et y = a ne passent par aucun point à coordonnées entières.

On s’intéresse maintenant au cas général où l’équation de la droite est : ax+by+c = 0(a, b, c des entiers non nuls ).

Résolution par « exploration » de l’équation (S2)

L’équation générale peut être ré-écrite sous la forme (E): y = abx+ c

b (si b non nul).

Si b divise a et c, alors une condition suffisante pour obtenir y entier est que x soitentier. Cette condition n’est pas nécessaire. Par exemple, l’équation y =−2 x+1

admet la solution ( −12

; 2), où y est un nombre entier, x un rationnel strict. Les

solutions avec x entier forment donc une partie de l’ensemble des solutions pourpour avoir un y entier.

Si b divise c et ne divise pas a, alors une condition suffisante pour obtenir y entierest que x soit un multiple de b. Ici aussi, cette condition n’est pas nécessaire. Par

exemple ( −32

; 2) est une solution de l’équation y =−23x+1 , où y est un entier, x

un rationnel strict. Ainsi, les solutions avec x multiple de b constituent une partie del’ensemble des solutions pour avoir un y entier.

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Page 48: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Si b divise a et ne divise pas c, alors l’équation n’admet pas de solution entière. Par

exemple, pour l’équation y =−2 x+13

, si x est un entier, −2 x+ 13

est un rationnel

strict, donc y n’est pas entier. Réciproquement, si y est entier, y−13

est un rationnel

strict, donc x n’est pas entier. Si b ne divise ni a ni c, alors, on ne peut pas conclure de manière générale : il y

aura ou non des solutions selon les valeurs des nombres a, b, c. Déterminerl’ensemble des solutions nécessite une étude spécifique.

La méthode par « exploration » est valable aussi lorsqu’on exprime x en fonction de y. Lesnotions de diviseur, multiple d’un entier sont les principales notions arithmétiquesmobilisées, ainsi que les concepts de condition nécessaire, condition suffisante.

Résolution « diophantienne » (S3)

Rechercher les points entiers de l’équation ax+by+c = 0 (a, b, non nul) revient à résoudredans Z, une équation sous la forme : ax+by = c avec a, b, c entiers (a et b non nuls). Ona donc une égalité semblable à la propriété de Bézout.

─ Existence d’une solution entièreSi l’équation ax+by= c (a, b, c entiers a et b non nul) admet au moins une solution, alorsil existe u et v entiers tels que : au+bv = c. En désignant d=PGCD (a,b) , d divise a et bdonc d divise toute combinaison linéaire à coefficients entiers de a et de b. Par conséquentd divise au+bv et comme au+bv = c, on a : d divise c.

Une condition nécessaire à l’existence d’au moins une solution est donc quePGCD (a ,b) divise c.

La condition est aussi suffisante. Pour preuve, supposons maintenant que d divise c. Ilexiste alors k entier tel que c=kd. Puisque d =PGCD(a ,b) , il existe a’ et b’ premiersentre eux tels que : a = da' et b = db' . Et d'après la théorème de Bézout, alors il existe uet v tels que : a 'u '+b' v ' = 1, d'où : kd a' u '+kd b' v ' = kd . Soit : aku '+bkv ' = c. Enposant : u= ku ' et v = kv ' qui sont tous deux des entiers relatifs, nous obtenons quel’équation admet alors au moins une solution. En conclusion, la condition est suffisante.

─ Résolution de l’équation

Lorsque PGCD (a, b) divise c, l’existence d’au moins une solution dans Z de l’équationax+by= c (avec a, b, c entiers, et a et b non nuls) est assurée.

Dans le cas où a et b ne sont pas premiers entre eux, on peut procéder comme suit pourobtenir l’ensemble des solutions. On réduit l'équation à une nouvelle équation :a ' x+b ' y = c ', avec a ', et b ' premiers entre eux. Puis on cherche une solutionparticulière. Si nécessaire, on se sert de l’algorithme d’Euclide pour en trouver. Enutilisant ensuite le théorème de Bézout, il existe deux entiers u' et v ' tels quea 'u '+b' v '=1. On peut donc choisir (u , v ) comme solution particulière de l’équation avecu=u’ c ’ et v=v ’c ’ . Ainsi un couple (x, y) élément de ZZ est une solution si et

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seulement si a ' (x−u)+b' ( y−v) = 0. On applique ensuite le théorème de Gauss à l’égalitéa' (x−u)=−b ' ( y−v ) . On a a’ et b’ étant premiers entre eux, alors a’ divise − y+v , ce

qui équivaut à dire qu’il existe un entier k tel que − y+v = ka’ c’est à dire y = v−ka’ .On en déduit que x = u+kb ’ . En prenant soin de vérifier que les couples (x, y) obtenussont biens des solutions de l’équation, on conclut que l’ensemble des solutions recherchésont les couples : (u+kb ' , v−ka' ) avec k∈ Z.

Cette méthode est appelée résolution « diophantienne ». Elle est présentée dans lesmanuels et dans les pratiques de classe en général sous forme d’un algorithme derésolution avec très peu de justification des différentes étapes et les propriétés.Résolution «fonctionnelle» (S4)

Elle est plus proche de la résolution par exploration (S2). Il s’agit de ré-écrire l’équation de

la droite sous la forme : y = abx+ c

b (avec b non nul), on en déduit que l’ensemble des

solutions recherché est : {( x , y)∈Z×Z , tel que : y=ab

x+ cb

, b non nul} . C’est-à-dire

qu’on se place dans R×R puis on sélectionne les couples entiers qui vérifient la relation

y = abx+ c

b (b non nul).

Si la méthode apparaît pertinente mathématiquement, la détermination effective de tous lespoints pose des difficultés.

VI.3 - VI.3 - ÉÉTUDETUDE DIDACTIQUEDIDACTIQUE

Pour rappel, voici l’énoncé du problème :

Étant donné n points alignés dans le plan, déterminer tous les points àcoordonnées entières situés dans le même alignement que ces n points.

L’étude mathématique montre que la résolution de ce problème mobilise à la fois desconnaissances notionnelles du domaine de la géométrie (analytique) et de l’arithmétique.Pour le domaine de la géométrie, on peut citer : coordonnées cartésiennes d’un point,représentation d’une droite dans un repère du plan, équation d’une droite dans le plan. Enarithmétique, on a : diviseur, multiple, PGCD, nombres premiers entre eux, Théorème deBézout, théorème de Gauss.L’étude mathématique montre aussi que des connaissances transversales peuvent êtremobilisées : condition nécessaire, condition suffisante, l’existence et exhaustivité desolution.

Du point de vue des registres, l’étude montre que plusieurs peuvent être convoqués selonles stratégies de résolutions. Nous en avons identifié quatre, que nous définissons dans letableau suivant :

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Registres Écritures ou éléments d’identification Commentaires

Graphique Droite, point dans un repère du planReprésentation graphique des points et des droites

Fonctionnelle y=ax+b avec y, x, a, b des réels

Elle renvoie à une conception fonctionnelle de la droite (fonction affine)

Algébrique

ax+by+c=0 avec x , y, a ,b , c des réelsOn identifie une caractérisation algébrique de droite :à partir d’une équation algébrique à deux inconnues

ouà partir d’un système de deux équations paramétriques

{ x=a+bky=a '+b ' k

où a ,a ' , b , b ' , k sont des réels

et k un paramètre.

Arithmétique ax+by=c, avec x , y , a, b , c des entiersOn identifie une écriture plus proche d’une égalité de Bézout

Tableau 1. Registres identifiés dans la résolution du problème

Il est évident que le problème soulève des questions de passage du continu au discret etréciproquement. Notamment le passage de la droite réelle à des « points entiers alignés ».Toutefois, nous ne pouvons pas dire ici que le problème aborde entièrement toutes lesnotions permettant le passage de la droite réelle à la « droite discrète ».Ouvrier- Buffet(2003) étudie spécifiquement la problématique de la définition de la« droite discrète ». Elle souligne que la droite réelle peut être un support « physique » pourdéfinir la « droite discrète ». On a besoin de bien plus de concepts pour définir cet objet.Du point de vue des variables didactiques, nous avons identifié :

─ La nature de la droite. La détermination de l’ensemble des points entiers d’une droitepeut être triviale ou plus « complexe » selon l’équation. On peut rappeler par exemple, lescas particuliers ( x=a ou y=a avec a réel) qui sont plus « simple » à interpréter ensuivant les caractéristiques des points par rapport aux droites d’équation ax+by=c (a, b, créels non nuls).─ La nature des coordonnées des points. Selon qu’on ait des coordonnées avec desvaleurs entières, rationnelles ou irrationnelles, les calculs pour déterminer l’équationpeuvent être plus simples ou plus exigeants en terme d’attention pour réduire les erreurs.La nature des points a aussi une influence sur le choix des stratégies. Par exemple, lorsqueles coordonnées ne sont pas faciles à représenter graphiquement, cela réduit l’explorationde la résolution graphique.

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Page 51: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

─ Le nombre de points de l’énoncé. On sait que deux points suffissent pour définir unedroite. Ainsi, lorsqu’on donne exactement deux points, le problème sera « fermé » du pointde vue de la caractérisation de la droite en jeu. Alors qu’en donnant plus de deux points, onlaisse à l’actant le choix des données utiles. Le problème est dans ce cas plus « ouvert » dupoint de vue des données.

Cet étude didactique montre qu’on a le choix entre plusieurs instances pour mener uneexpérimentation.

VI.4 - VI.4 - SSITUATIONITUATION EXPÉRIMENTÉEEXPÉRIMENTÉE

La formulation de l’énoncé est basée sur les choix suivants :─ Cas particuliers sont exclus : x=a ou y=a où a est un réel. Ils pourront être évoquéslors de l’institutionnalisation (moment de mise en commun) ;

─ Donner des points dont les coordonnées sont faciles à représenter graphiquement : pour« ouvrir » le problème par rapport à la résolution graphique ;─ Donner au moins un cas où il n’existe pas de points entiers dans l’alignement : pouridentifier les arguments selon les différentes méthodes de résolutions ;

─ Donner au moins un cas dans lequel la résolution graphique et celle par « exploration »sont « difficiles » à aboutir : pour évaluer l’opérationnalisation du théorème de Bézout ;─ Donner 3 points : pour ouvrir le problème par rapport au choix des données utiles pourla résolution.

Énoncé

Étant donné des points alignés dans un repère du plan, on veut déterminer tous les points àcoordonnées entières situés dans le même alignement que ces points.

Étudier ce problème dans chacun des cas particuliers suivants :

Cas 1. (1, 12), (2, 3) ,(−2

5,−3)

Cas 2. (−32

,−32),(−1

2,−1),(5

2, 12)

Cas 3. (−1,−52), (1,−1 ), (3, 1

2)Quelques éléments de solutions attenduesNous n’aborderons pas ici les différentes techniques pour déterminer l’équation d’unedroite (dont au moins deux points sont donnés). Elles sont considérées comme des acquisdu secondaire. Nous ne présentons pas non plus en détails les étapes de résolution pourchacun des cas. Le lecteur pourrait se référer à la partie « VI.2 Étude mathématique » aubesoin.

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Page 52: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

─ Les équations associées aux cas particuliers donnés

Rappelons que la détermination des équations de droites ne fait pas parti des objectifs del’expérimentation. Les équations associées aux trois cas particuliers sont respectivement :

(1) : y = 52x−2 ⇔ 5 x−2 y−4 = 0 , pour tout couple de réels (x, y).

(2) : y = 12x− 3

4⇔ 2 x−4 y−3 = 0 , pour tout couple de réels (x, y).

(3) : y = 34x−7

4⇔ 3 x−4 y−7 = 0 , pour tout couple de réels (x, y).

- Les ensembles des solutions attenduesLes équations (1) et (3) admettent au moins une solutions dans Z. Ceci est trivial,puisqu’un point à coordonnées entières est donnés dans chacun de ces deux cas. Laméthode de résolution diophantienne permet d’obtenir l’ensemble des solutions à partir dece couple d’entiers. On obtient donc : S1={(2 k ; 5 k−2) , k ∈ Z } pour l’équation (1) etS3={(1+4 k ;−1+3k ) ,k ∈ Z} pour l’équation (3).

L’équation (2) n’admet pas de solution dans Z. Cela peut être vérifié en calculant lePGDC (2, 4) et en utilisant la propriété de la partie « Résolution diophantienne ». On a

bien PGDC (2, 4)=2 , or 2 ne divise pas 3, donc l’équation n’admet pas de solution. Onpeut aussi prouver ce résultat par « exploration » de l’équation (2). En effet, l’équation (2)est équivalente à 2 x−4 y = 3 . Ainsi, pour tout couple d’entiers (x, y), le nombre2 x−4 y est pair, donc il ne peut être égal à 3. On conclut que l’équation n’admet doncpas de solution entière.En utilisant la méthode graphique, on peut faire une conjecture pour une partie dessolutions du cas 1 et 3 (car une solution particulière est donnée). Mais elle sera« difficile » à appliquer pour résoudre le cas 2.

Par ailleurs, si la méthode de résolution par « exploration » permet aussi de résoudre lecas 1, elle est difficile à mettre en œuvre pour résoudre le cas 3 (voir. Méthode par« exploration »).

Le public de l’expérimentationElle sera effectuée avec des étudiants de Master 1 et Master 2 de la filière mathématiquede l’ENSup de Bamako. Précisons que la formation de Master à l’ENSup est centrée surdes compléments disciplinaires (algèbre, analyse, géométrie, logique) de niveau Licence(L 3) et Master 1 de mathématiques ainsi que sur quelques notions de base de didactiquedes mathématiques. Les étudiants doivent aussi préparer et soutenir un mémoire au termed’un stage à responsabilité dans un lycée. Donc, en principe, les notions arithmétiques etgéométriques en jeu et les méthodes de résolutions du problème sont disponibles chez cesétudiants. Nous précisons aussi que les étudiants de Master 2 ont revu des notionsd’arithmétique à l’ENSup.

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Stratégies de résolution et hypothèses sur les difficultés

Nous faisons l’hypothèse que des graphiques vont être construits, car l’énoncé faitréférence explicitement à des objets géométriques et que c’est un usage de tracer une droitelorsqu’elle est en question dans un problème. Dans chacun des cas 1 et 3, le point àcoordonnées entières qui est donné ((2, 3) pour le cas 1 et (1, –1) pour le cas 3), peut êtreun point de départ pour en « trouver d’autres », mais ceci ne permet pas l’exhaustivité. Etles pentes des droites n’étant pas entières, on ne peut en déduire directement d’autrespoints à coordonnées entières sur ces droites.Nous estimons aussi que le passage de la géométrie à l’arithmétique peut être difficile pourles étudiants étant donné que le problème proposé n’est pas habituel dans lesenseignements.

L’objectif de l’expérimentation est d’identifier : – les stratégies de résolutions ;

– les passages entre registres en particulier entre le graphique et l’arithmétique ;– les savoirs notionnels et transversaux mobilisés par les étudiants ;– les difficultés et les blocages éventuels.

VI.5 - VI.5 - AANALYSENALYSE DESDES PRODUCTIONSPRODUCTIONS

Elle est centrée sur un certain nombre de points mis en avant dans les études précédentes.Ainsi, nous nous intéressons aux registres mis en œuvre dans les résolutions des étudiants.Ce registre peut être graphique, algébrique, fonctionnel ou bien arithmétique. Nousétudions les différentes stratégies d’étudiants par rapports aux méthodes : Résolutiongraphique (S1) ; Résolutions par exploration (S2) ; Résolution diophantienne (S3) et laRésolution ensembliste (S4). Nous examinons aussi la prise en compte par les étudiants del’existence et du nombre de solutions pour chacun des cas. Enfin, nous nous intéressons,aux raisonnements adoptés pour la détermination effective de l’ensemble des solutions.Vont-ils utiliser un raisonnement par l’inclusion ou par égalité ? Et comment ?Dans le dépouillement, nous distinguons l’analyse des productions pour chacun des deuxniveaux de formation afin d’identifier d’éventuels changements (ou une évolution) deconceptions d’étudiants du Master 1 au Master 2. Rappelons que les étudiants du Master 2ont suivi en début d’année un cours d’arithmétique dans le module dénommé« complément d’algèbre ».

5.1 - 5.1 - Classe de MasterClasse de Master 1 1 (futurs professeurs d’enseignement secondaire)(futurs professeurs d’enseignement secondaire)

L’effectif est de vingt étudiants. Le temps de résolution du problème est limité à une heure,le travail est individuel. Aucun document de mathématiques n’est autorisé. Chaqueétudiant dispose de son trousseau de matériel de constructions géométriques et de sacalculatrice.Dans un premier temps, les étudiants (plus de la moitié) commencent par construire unrepère (orthonormé) du plan, représentent les points de l’énoncé et les droites. Endémarrant dans le registre graphique, on peut s’attendre à l’adoption d’une stratégie derésolution graphique. Ce qui n’est finalement pas le cas. Les étudiants utilisent lareprésentation graphique pour « vérifier » l’alignement des points donnés.

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Dans un deuxième temps, les étudiants déterminent les équations des droites. Certainsutilisent des notions de géométrie vectorielle (vecteurs colinéaires, déterminant…),d’autres utilisent des notions de la géométrie analytique (équation générale ou réduited’une droite). Nous observons que cette entrée dans le problème a été plus longue queprévue. Les étudiants y ont consacré trop de temps, en particulier, pour les deux dernierscas. Quelques étudiants n’ont donc pas pu arriver dans le temps imparti, à la déterminationde l’ensemble des solutions qui constitue l’objectif central de la situation. Nous observonsaussi qu’en cette étape de détermination des équations de droites, les étudiants concluentleur calcul par une équation sous une forme algébrique ( ax+by+c = 0 , avec a, b, c, desréels), ou fonctionnelle ( y = ax+b , avec a, b des réels).

La détermination de l’ensemble des solutionsIls ne sont que cinq étudiants à trouver une réponse correcte pour au moins un cas. Maisaucun n’a résolu entièrement les trois cas. La méthode de résolution apparue est celle del’exploration de l’équation (S2). Comme on peut le voir sur la copie de K. (cf. Figure 3),les étudiants cherchent surtout à déterminer une condition nécessaire. On peut lire parexemple sur la copie de « K. » : « pour que y soit entier, il faut que x=2k avec k∈Z .. .». Elle ne se rend pas compte qu’elle a déterminé plutôt une condition suffisante.

Figure 3. Production de K. pour le cas 1

Pour le cas 2, les étudiants ayant résolu ont utilisé aussi la méthode par exploration (S2).Ils partent de l’hypothèse que x et y sont entiers pour aboutir à une contradiction : égalitéentre entiers pairs et impairs. Ce qui leur a permis de conclure que le cas 2 n’admet pas desolution entière. L’étudiant T., lui, adopte un raisonnement semblable. On peut lire sur sa copie(voir Figure 4) :

« ∀ x, y, il n’existe pas un seul point à coordonnées entières dans le même

alignement que ces n points car à chaque fois on ajoute12

à la valeur de x »

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Figure 4. Production de T. pour le cas 2

La phrase de conclusion ne nous semble pas très explicite. Mais nous trouvons que sonraisonnement peut être basée sur l’argument suivant :

Si on a une égalité « y=3 x+ 12

» , il n’existe pas de x entier qui permet d’obtenir un y

entier car si x est un entier alors 3 x+12

n’est pas entier.

Toujours sur le cas 2, l’étudiant O. trouve qu’il n’existe pas de point à coordonnéesentières « car les points donnés ne sont pas entiers ». Il ne donne aucune justificationmathématique sur sa copie (voir Figure 5). A-t-il utilisé des propriétés mathématiques ?Son argument sous le graphique semble indiqué plutôt qu’il a utilisé un théorème en acte :« si une droite passe par trois points dont toutes les coordonnées sont non entières, alorselle ne passe pas par des points à coordonnées entières ». Il pouvait bien se rendre compteassez facilement que son théorème en acte n’est pas valide. Il suffit de l’appliquer au cas 1ou 3. En effet, selon son théorème en acte, si les points entiers (2 ,3) du cas 1 et (1 ,−1) ducas 3 n’étaient pas donnés, on peut conclure aussi que ces droites ne passent pas par despoints à coordonnées entières.

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Figure 5. Production de O. pour le cas 2

Quant au cas 3, aucun étudiant de la classe n’a pu le résoudre. Ils reprennent sans succès laméthode par exploration (S2). On peut voir sur la copie de D.. (voir Figure 6), qu’il tournepratiquement en « boucle ». Nous lions cet échec à un obstacle de mobilisation dethéorème de Bézout dans un autre registre que celui de l’arithmétique.

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Figure 6. Copie de D. pour le cas 3

Nous avons par ailleurs trouvé que 12 étudiants s’arrêtent sur une conclusion semblable àcelle de la résolution «fonctionnelle» (S4). Voici par exemple la copie de M.(voir. Figure 6).

Figure 7. Production de M. pour le cas 1

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Ces étudiants ne montrent ni l’existence de solutions ni une forme générique des couplessolutions. L’ensemble défini est bien correct sur le plan mathématique. Mais nousattendions que les étudiants donnent plus de précisions sur les couples solutions. Nousfaisons l’hypothèse qu’ils n’ont peut être pas compris ce qu’on attendait d’eux. Ou bien,ils ont pu être bloqués dans leur démarche de résolution et ne savaient plus quoi faire del’équation de droite obtenue. Il faut noter qu’il leur restait du temps pour continuer larésolution, mais ils ont choisi de rendre les copies. Nous pensons que notre interventionpour relancer ces étudiants dans la résolution pouvait être utile. Par exemple, en leurdemandant de trouver des points entiers ou bien de trouver une formule générique quipermet de déterminer tous les points à cordonnées entières.

Pour cette classe de Master 1, si les notions de diviseur, multiple sont utilisées parquelques étudiants, le PGCD, le théorème de Bézout, le théorème de Gauss n’ont pas étéévoqué. Nous faisons l’hypothèse que, soit les étudiants n’ont pas reconnu que lerésolution du problème convoque des savoirs arithmétiques, soit ils ont tout simplementoublié ces notions.Nous avons aussi relevé des erreurs assez surprenantes. Prenons par exemple, la copie deS. (voir Figure 8.). Il réduit à N, l’ensemble de recherche des solutions (voir Figure.8 ,première ligne). Il fait clairement une confusion entre « entier » et « entier naturel ». Dansla suite de son raisonnement, on peut comprendre aussi « qu’il suffit d’exprimer x et y enfonction d’un entier k’’ pour que x et y soit des entiers ».

Figure 8. Production de S. pour le cas 3

En adoptant un raisonnement semblable à celui de S., d’autres étudiants ont eux aussiabouti à un ensemble générique erroné.Nous pouvons dire aussi que les conceptions algébriques et fonctionnelles de la droite sontassez prégnantes chez la majorité des étudiants. Cela apparaît dans les stratégies derésolutions à travers le choix d’écriture (algébrique ou fonctionnelle) des équations dedroites.

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Discussion avec les étudiants

La séance expérimentale s’est terminée par un échange avec les étudiants. L’objectif estd’obtenir leurs réactions sur la compréhension du problème et les différentes stratégiestrouvées. Sur un effectif de 20 étudiants, seuls 4 affirment avoir manqué du temps pour arriver auterme de leur démarche.

A la question : « existe-t-il des droites sans points entiers ? », il y a eu un moment ded’hésitation avant les premières réponses. Si certain affirme que oui, pour d’autre, il n’enexiste pas car « la droite étant une infinité de points alignés, elle finira par passer par aumoins un point entier ». Nous sommes assez surpris d’observer cette fausse représentationsur la droite à ce niveau de l’enseignement supérieur. Des exemples triviaux pour s’enconvaincre (de l’existence), peuvent être des droites x=a , y=a (avec a non entier).L’interprétation géométrique des équations dans Z×Z sans solution entière pouvait êtreaussi évoqué.La majorité des étudiants avoue être bloquée à cause de la formulation de l’énoncé. Seloneux, le problème est « géométrique », donc il fallait trouver une stratégie géométrique. Ilsn’en ont pas trouvé. Ainsi, leur champ d’exploration étant réduit au domaine géométrique,en aucun moment, ils n’ont fait un lien entre les équations des droites et une résolutiond’équations dans Z×Z . Pour autant, toute la classe affirme avoir étudié au lycée puis àl’université les résolutions d’équations dans Z×Z avec les propriétés du PGCD, duthéorème de Bézout et du théorème de Gauss.

5.2 - 5.2 - Classe de MasterClasse de Master 22 ( futurs professeurs d’enseignement secondaire) ( futurs professeurs d’enseignement secondaire)

Ils sont au total sept étudiants. Ils ont travaillé en binôme (avec un qui a travaillé seul).Toutes nos analyses s’établiront sur quatre productions écrites, étant donné que nousn’avons pas mis en place de dispositifs pour recueillir les interactions d’étudiants au seindes binômes.Comme pour la classe de Master 1, les étudiants commencent dans le registre graphique.Ils construisent le repère et tracent les droites. Mais ils l’abandonnent aussitôt et débutentla détermination des équations de droites dans le registre algébrique.

Au niveau de la détermination de l’ensemble des solutions, une nette différence apparaîtpar rapport à la classe de Master1. Deux binômes passent dans le registre arithmétique (ré-écriture de l’équation sous la forme d’une égalité de Bézout). Ils évoquent assez vite lesnotions de congruence, le théorème de Bézout, le théorème de Gauss. Mais ici aussi, unbinôme donne une conclusion ensembliste (S4) (voir Figure 9).

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Figure 9. Solutions du binôme 3 pour le cas 1

Sur deux copies, on retrouve la résolution « diophantienne »(S4). La méthode est utiliséecomme une « recette ». On observe par exemple, que les étudiants recherchent un autrecouple entier solutions de l’équation alors qu’il y en a un dans l’énoncé. Le binôme 1 parexemple, utilise le couple (9 ,5) comme solution particulière dans la résolution du cas 3(voir Figure 10). De plus le théorème de Gauss est utilisé implicitement.

Figure 10. Production binôme1 pour le cas 3

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Lorsqu’on regarde le raisonnement du second binôme (cf. Figure 11), le couple (1 ,−1)donné dans l’énoncé est bien identifié comme une solution particulière. Mais sur la lignesuivante, ils utilisent encore le PGCD. Est-ce pour vérifier de nouveau l’existence d’unesolution ? Dans la suite de leur résolution, le théorème de Bézout et le théorème de Gausssont utilisés pour déterminer une solution générique. Bien qu’ils utilisent explicitement lesymbole « ⇒ » (implication), le binôme ne vérifie pas l’ensemble solution trouvée. Il estpossible aussi qu’ils n’interprètent peut être pas le symbole « ⇒ » comme uneimplication.

Figure 11. Copie d’un binôme pour le cas 3

Un autre binôme utilise la méthode d’exploration (S2). Mais leur stratégie est basée lanotion de congruence (cf. Figure 12). Il aboutit à l’ensemble générique attendu. Par contre,des questions se posent sur la démarche. Les propriétés de congruence sont appliquées àl’équation 4 y−3 x=7 sans au préalable définir l’ensemble d’appartenance de x et y. Estce qu’ils ont pris implicitement x et y comme des entiers ? Est-ce une omission ? Ou est-ceune confusion autour du concept de congruence ?

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Figure 12. Production d’un binôme sur le cas 3

Les étudiants effectuent ce qui nous semble être une simplification par 4, pour passer de4 y≡8(3) à y ≡2(3). S’ils ont appliqué une propriété de congruence entre les deux étapes,c’est celle-ci : « si a est premier avec n et si ab≡ac (n), alors b≡c (n) avec a, b, c et ndes entiers, a non nul ». C’est donc une implication qui est en jeu dans leur démarche etnon un équivalence (comme c’est écrit sur la copie). Les étudiants ne se rendent pascompte de leur erreur puisqu’ils ne vérifient pas si l’ensemble des solutions génériquevérifie bien l’équation de départ.

En conclusion pour la classe de Master 2, la mobilisation de notions arithmétiques dans larésolution a été beaucoup plus « rapide » (sauf pour un binôme). Cela pourrait s’expliquer,soit par le fait que la classe est revenue sur l’arithmétique (peu de temps avantl’expérimentation), soit à l’organisation du travail en binôme. Toutefois, lesargumentations et l’utilisation des propriétés montrent des confusions (ou un manque derigueur) dans les raisonnements mathématiques. On peut noter ici aussi que la registregraphique n’est exploitée lors de la résolution que pour la représentation des droites.

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VI.6 - VI.6 - CCONCLUSIONONCLUSION

L’analyse mathématique montre que le problème a du potentiel pour travailler en mêmetemps des notions de l’arithmétique (diviseur, multiple, PGCD, théorème de Bézout,théorème de Gauss, les congruences) et de la géométrie repérée (point, droite,représentation graphique, équation d’une droite), tout en utilisant les registres graphique,fonctionnel, algébrique et arithmétique. De plus, les méthodes de résolution arithmétiqueou algébrique mettent en jeu les savoirs transversaux (implication, condition nécessaire,condition suffisante).L’instanciation des variables didactiques (nature de la droite, ensemble de référence descoordonnées, nombre de points donné) a été choisie pour inciter les étudiants à mobiliserles registres arithmétique et graphique. L’expérimentation a montré que notre choix depoints donnés a incité de représenter graphiquement des droites. Cependant, ce registre estabandonné pour la recherche de points entiers, même lorsqu’il permet de générer un sousensemble de solutions à partir d’un point entier donné et que la pente permet de déterminerun second.

L’expérimentation montre qu’il y a une forte prégnance du continu. De plus,l’enseignement de l’arithmétique dans le seul registre numérique constitue un obstaclepour passer de la géométrie à l’arithmétique. En effet, les notions arithmétiques apparuessont multiple, diviseur, associées à l’écriture fonctionnelle de la droite ( y=ax+b , a, b desréels non nuls). Cette écriture a été utilisée pour résoudre partiellement le problème. Lesétudiants décrivent l’ensemble des solutions réelles et « ajoutent » la condition d’intégritéen pensant avoir résolu le problème. Il faut quand même noter que cette description del’ensemble des solutions réelles a permis de travailler les points de vue conditionnécessaire, condition suffisante. Quant à l’écriture algébrique ax+by+c=0 (avec a, b, cdes entiers non nuls), plus proche de l’énoncé du théorème de Bézout, les étudiants n’ontpas fait de lien.

L’expérimentation montre aussi que la mise en œuvre de la situation ne permet pas lesinteractions de registres continu/discret et arithmétique / géométrique. Cependant, il permetde travailler les points de vue : graphique, fonctionnel, et des savoirs transversaux(implication, condition nécessaire, condition suffisante).

Afin de contrer la résistance du passage au discret, il nous semble nécessaire de proposerune version plus « ouverte » de cette situation sur le modèle SiRC. En particulier, enlaissant en variable de recherche la nature de la droite (aucun point entier, un seul pointentier, une infinité dénombrable de points entiers).

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VII - VII - AIRE ET POINTS ENTIERS D’UN POLYGONEAIRE ET POINTS ENTIERS D’UN POLYGONE

VII.1 - VII.1 - PPROBLÈMEROBLÈME GÉNÉRALGÉNÉRAL

Le problème concerne le calcul de l’aire d’un polygone dont les sommets sont sur unegrille carrée régulière, donc des points à coordonnées entières. Nous parlerons de« polygones à sommets entiers ».

Problème. Déterminer une méthode « simple » pour déterminer l’aire d’unpolygone quelconque à sommets entiers.

Figure 1. Exemple de polygone à sommets entiers

Afin de mieux fixer les idées, précisons un peu des termes utilisés dans la suite.

Quelques définitions─ Définition 1. Un polygone est une figure géométrique du plan délimitée par une

ligne polygonale fermée qui ne se coupe pas.

Cette définition exclut donc de notre étude les polygones dits « croisés »(voir Figure 2a).

Figure 2a. Exemple de polygone croisé Figure 2b. Exemple de polygone non croisé

─ Définition 2. L’intérieur d’un polygone est l’ensemble des points situés dansl’ensemble ouvert défini par la ligne polygonale fermée.

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─ Définition 3. Un segment qui relie deux sommets consécutifs du polygone est uncôté ou bord.

─ Définition 4. Un segment qui relie deux sommets non consécutifs du polygone estappelé diagonale du polygone.

─ Définition 5. La triangulation d’un polygone est un découpage du polygone enrégions triangulaires.

VII.2 - VII.2 - ÉTUDE MATHÉMATIQUEÉTUDE MATHÉMATIQUE

Le polygone de la figure précédente (Figure 1) illustre que le calcul de son aire ne sera pas« facile » même si le théorème de Pythagore suffit pour calculer de manière exacte leslongueurs des côtés. On peut se demander ce qu’apporte de plus la propriété que tous lessommets du polygone sont entiers, et explorer la question sur des polygones habituels(rectangles, triangles, trapèze, etc), dans des orientations diverses sur la grille, et pourlesquels on connaît les formules de calcul d’aire. Pour un polygone quelconque, on peut seramener à des calculs sur des rectangles ou des triangles, en particulier en construisant unetriangulation du polygone, c’est-à-dire un découpage du polygone en régions triangulaires.Les sommets de ces triangles ne sont pas a priori seulement les sommets du polygone et,donc, ne sont pas nécessairement tous « entiers ».

2.1 - 2.1 - Application des méthodesApplication des méthodes du registre du continu du registre du continu

Dans une activité de recherche, il est naturel de s’appuyer sur ce que l’on connaît. L’aired’un polygone est très souvent calculée, dans le registre de la géométrie classique, encalculant les longueurs des côtés et les aires de tous les polygones d’un découpageapproprié, essentiellement une triangulation. Le théorème de Bolyai (1832) établit laconservation de l’aire quelle que soit le découpage du polygone et la formule de Héron,donne l’aire d’un triangle en fonction des longueurs des cotés.

Théorème de Bolyai. Deux polygones sont décomposable par dissectionpolygonale, si et seulement si ils ont la même aire.

Formule de Héron. Soit s le demi-périmètre d’un triangle dont les côtés ontpour mesures a, b et c. Alors l’aire A du triangle est telle que :

A=√s(s−a)(s−b)(s−c )

a) Utilisation d’une triangulation dont les sommets des triangles ne sont pas tous surla grille

Considérons les polygones à sommets entiers P et Q (voir Figure 3a. et Figure 3b.), surlesquels on veut effectuer des triangulations. Alors, ne prendre que de points entiersintérieurs de P est possible alors que pour Q cela n’est pas possible.

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Figure 3a. Polygone P avec des poinsentiers intérieurs

Figure 3b. Polygone Q sans points entiersintérieur

Dans le cas de figure d’une triangulation de Q comme sur la Figure 3c.

Figure 3c. Exemple de triangulation à partir de points intérieur non entiers

Le sommet I par exemple, commun à six triangles n’est pas entier. Le calcul des aires destriangles ayant I pour sommet se révèle difficile, car il faut d’abord déterminer les mesuresdes longueurs des segments d’extrémité I.

b) Utilisation d’une triangulation dont tous les sommets sont sur la grille

Si tous les sommets sont sur la grille, il est possible de déterminer la valeur exacte deslongueurs des côtés des triangles (en utilisant le théorème de Pythagore) puis les aires (parla formule de Héron). Dans l’exemple du polygone P, choisissons une triangulation à partir d’un point I sur la grille et intérieur à P (voir Figure 4a).

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Figure 4a. Exemple d’une triangulation à partir de points entiers intérieurs

On peut calculer les longueurs des côtés de tous les triangles, puis leurs aires, et enfin lesadditionner. Mais cette méthode, de type « algorithmique », donne une formule noncalculée. Et selon le type de triangulation ou la forme du polygone, les calculs des aires destriangles peuvent être laborieux.

Une méthode utilisant une triangulation restreinte aux sommets du polygone initial(voir Figure 4b), même si elle ne présente pas les mêmes défauts que les précédentes, resteaussi peu efficace.

Figure 4b. Triangulation restreinte aux sommets du polygone

c) Justification de la triangulation

L’existence d’une triangulation dont tous les sommets des triangles sont ceux du polygoneest justifiée par le théorème de la « diagonale propre ».Théorème (diagonale propre). Tout polygone admet au moins une « diagonale propre »,c’est-à-dire qu’il existe deux sommets non consécutifs A et B tel que ]AB[ soit entièrementintérieur au polygone.

Preuve du théorème. Considérons un polygone P (voir Figure 5).

Prenons trois sommets consécutifs C, B, A du polygone P tel que l’angle CBAsoit saillant.Si aucun sommet du polygone P ne se trouve à l’intérieur du triangle ACB,alors ]AC[ est une diagonale entièrement intérieure au polygone P.

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Si on trouve des sommets du polygone P à l’intérieur du triangle ACB, onchoisi parmi eux, celui par lequel passe la parallèle à (AC) la plus proche de B(sur notre figure c’est le point J). Si cette parallèle coupe [AB ] en H et [BC ]en I, alors le triangle BHI est intérieur au polygone P. On en déduitque ]BJ[ est une diagonale intérieure à P. □

Figure 5. Exemple de recherche d’une diagonale entièrement intérieure à unpolygone P

Preuve de l’existence d’une triangulation pour tout polygone.

Soit P un polygone à n côtés, où n est un entier ≥3 . Si n=3 alors P est un triangle (donc une triangulation).

Sinon il admet une diagonale d qui le partage en deux polygones Q et R ayantun nombre plus petit de côté.Si Q et R admettent une triangulation alors P admet la triangulation obtenue enrajoutant la diagonale d. □

L’existence d’une triangulation pour tout polygone étant justifiée, on peut montrer aussique le nombre de triangle d’une triangulation d’un polygone à n sommets est invariant etégale à n−2 .

Il est important de noter que lorsqu’on choisit de faire une triangulation du polygone avecles sommets et des points intérieurs, on peut tomber sur des situations relativementdifficiles à justifier pour tout polygone. Mais en fixant des conditions pour le choix despoints intérieurs, on trouve des situations assez riches mathématiquement qui sont étudiéesen géométrie algorithmique.

2.2 - 2.2 - Recherche d’autres méthodes de calculRecherche d’autres méthodes de calcul

On peut chercher une approximation de l’aire d’un polygone P en l’encadrant entre deuxpolygones particuliers P1 et P2 composés d’une réunion de carrés dont les aires sontcalculables très facilement(voir Figure 6a). Les polygones P1 et P2 sont uniquementcomposés de carrés unités, P1 est entièrement situé à l’intérieur du polygone P, et P estsitué à l’intérieur de P2. Différents choix sont possibles, la valeur de l’approximation semesure par la différence des aires de P2 et P1.

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Figure 6a. Exemple de recherche d’unencadrement du polygone

Figure 6b. Exemple de Polygone dontl’approximation est meilleure

Désignons par A l’aire du polygone.

Pour la Figure 6a, on a : A (P1)=14 et A (P2)=46 , donc 14<A (P)<46 .

De la même manière sur le polygone de la Figure 6b, on a : 6<A (P)<12

La valeur approchée de l’aire du polygone P par celles de P1 et P2 peut être alors trèsmauvaise, et elle dépend de la forme du polygone P considéré.Cette technique d’approximation de l’aire de P n’est donc pas satisfaisante dans le casgénéral.

Une meilleure approximation peut être obtenue avec des polygones internes et externescomposés de carrés et demi-carrés (triangles rectangles). Par exemple sur la Figure 6c, lesdemi-carrés intérieurs à P, ajoutés à l’aire de P1 permettent d’augmenter l’aire de P1, doncde réduire l’amplitude de l’intervalle d’approximation.

Figure 6c. Estimation de l’aire avec des carrés unités et demi-carrés

Plus généralement, les triangles permettent de mieux approcher l’aire d’un polygonequelconque (tout polygone étant triangulable) qu’avec les seuls carrés unités, et les calculsrestent possibles.Nous allons maintenant nous placer dans le registre du discret, c’est-à-dire nous intéresseren priorité aux points de la grille carrée, en utilisant explicitement la propriété que « tousles sommets du polygone sont entiers ».

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2.3 - 2.3 - Utilisation des points de la grilleUtilisation des points de la grille

À tout polygone P considéré dans le plan discret, on peut associer trois types de points :extérieur, intérieur, ou sur la frontière (bord) du polygone. On peut supposer que les pointsqui vont intervenir dans la valeur de l’aire du polygone P sont ceux situés à l’intérieur etceux du bord (il y a une infinité de points extérieurs à P). Si on ne prend en compte que lespoints intérieurs, on retrouve les problèmes d’estimation de la technique parapproximation. En effet, on peut associer chaque carrée unité intérieur à P, un point de lagrille. Par exemple, le sommet en haut à gauche du carré (voir Figure 7a) ou le pointcentre du carré ( Figure 7b).

Figure 7a. Carré unité associé à sonsommet en haut à gauche

Figure 7b. Carré unité associé à son pointcentre

Une recherche empirique sur des formes de polygones « simples », en fixant le nombred’un des types de points et en faisant varier l’autre, peut nous aider à préciser le rôle dechacun d’eux dans le calcul de l’aire de P.

Examinons d’abord des polygones à côtés parallèles aux lignes de la grille. Soit b et i lenombre des points du bord et intérieur associés à ces polygones.– Pour un carré d’une unité d’aire 1, i=0 , b=4 .

Figure 8a. Cas du carré unité

– Pour des rectangles de dimensions 1×n : quand on passe de n à n+1 , l’aire augmentede 1, b augmente de 2, i ne change pas.

Figure 8b. Cas du rectangle R de dimension 1×4

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b : nombre de point sur lebord

2 4 6 8 10 ...

A (R) : aire du rectangle R 0 1 2 3 4 ...

La relation identifiée entre l’aire et les points du bord est : A (R)= b2−1

– Pour des triangles rectangles dont les côtés de l’angle droit sont sur les lignes de la grilleet de longueurs 1 et n, quand on passe de n à n+1 , l’aire augmente de 0 ,5 , b augmentede 1, i ne change pas.

Figure 8c. Triangle rectangle 1×4

b : nombre de point sur lebord

3 4 5 6 ….

A(T ) Triangle rectangle 1/2 1 1,5 2

On trouve ici aussi que la relation entre l’aire et les points du bord est : A (T )=b2−1

Pour un polygone quelconque, un découpage en formes géométriques simples estnécessaire. Le triangle semble être la forme de base. Nous allons donc nous intéresser àdifférents triangles selon les valeurs de i et b.

a) Recherche d’une formule de l’aire en fonction de i et b

Considérons les triangles T1, T2, T3 (voir Figure 9a).

Figure 9a. Exemples de triangles ayant exactement 3 points de la grille sur les bords

Déterminons les aires de chacun de ces triangles. On pourra soit, appliquer la formuleclassique base×hauteur /2 ou inscrire le triangle dans un rectangle (voir Figure 9b)

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Figure 9b. Exemple de triangles ayant exactement 3 points sur les bords

– Triangle T1. Il n’a que 3 points de la grille sur les bords (ses sommets) et aucun point de

la grille à l’intérieur. Son aire vaut AT 1=12

.

– Triangle T2. Il a exactement 3 points de la grille sur les bords (ses sommets) et 1 point à

l’intérieur. On a : AT 2=32

– Triangle T3. Il a exactement 3 points de la grille sur les bords (ses sommets) et 2 points

à l’intérieur. On obtient : AT 3=52

.

A partir de ces résultats, nous pouvons déduire l’observation suivante :Pour des triangles construits sur une grille carrée régulière, lorsqu’on fixe lenombre de points sur les bords et qu’on fait varier celui de l’intérieur de 1point, on constate que l’aire du triangle varie de 1 unité d’aire.

Considérons de nouveau 3 triangles T1, T2 et T3 (voir Figure 10).

Ce sont des triangles ayant le même nombre de points intérieurs mais des nombres depoints sur les bords différents.Comme précédemment, calculons les aires de chacun de ces triangles en utilisant laformule classique base×hauteur/ 2 .

Figure 10. Exemple de triangles n’ayant aucun point à l’intérieur

81

Page 73: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

– Triangle T1. Il n’a pas de point de la grille à l’intérieur. Il a 3 points sur les bords (ses

sommets). Son aire vaut AT 1=12

.

– Triangle T2. Il n’a pas de point intérieur comme le triangle T1. Mais il admet 4 points dela grille sur les bords. Son aire vaut AT 2=1 .

– Triangle T3. Il n’a pas non plus de point de la grille à l’intérieur. Il admet 5 points de la

grille sur ses bords. Son aire vaut AT 3=52

.

Ces résultats nous permettent d’observer que :

L’aire du triangle augmente de12

lorsqu’on augmente de 1 le nombre de

points sur ses bords.Au vu de nos résultats sur ces essais, nous pouvons formuler des conjectures sur les liensentre l’aire d’un triangle et les points de la grille :

– Conjecture 1. Pour un triangle construit sur une grille carrée régulière,chaque point intérieur vaut pour 1 dans l’aire de ce triangle.– Conjecture 2. Pour un triangle construit sur une grille carrée régulière,

chaque point sur le bord (autre que ses sommets) vaut 12

dans l’aire de ce

triangle.

– Conjecture 3. Pour un triangle ayant exactement 3 points sur le bord (ses

sommets) et aucun point à l’intérieur, son aire vaut12

.

En exploitant ces conjectures, on peut établir une formule générique de l’aire d’un triangle

T construit sur une grille carrée régulière : AT=IT +(BT−2) 12=I T+

BT

2−1 où

IT=nombre de points intérieurs et BT=nombre de points sur le bord .

Nous venons donc d’établir à partir de cas particuliers de triangles, une formule (c’est laformule de Pick) qui lie l’aire d’un triangle et les points de la grille. On doit s’interroger àprésent si la formule obtenue est vraie pour tout triangle construit sur une grille carréerégulière et par la suite pour tout polygone.

b) Vérification de la formule candidate (A=i+b/2-1)

– Vérification de l’additivité de la formule

Soit P un polygone scindé par une ligne polygonale (à sommets entiers) en P1 et P2.D’après de théorème de Bolyai, A (P)=A(P1)+A (P2) .

82

Page 74: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Figure 11. Illustration du découpage d’un polygone en deux polygones adjacents

Désignons par i le nombre de points intérieurs, b le nombre de points sur les bords.On a :

i(P)=i(P1)+i (P2)+m−2 où m = le nombre de points entier de la polygonale qui sépareP1 et P2.

b(P)=b (P1)+b(P2)−2m+2

On obtient :

i(P)+b(P)

2−1=i(P1)+i(P2)+m−2+

b(P1)+b(P2)−2m+22

−1

= i(P1)+b(P1)

2+ i(P2)+

b (P2)2

−2

Par identification, on a: A (P)=A(P1)+A (P2)Donc l’additivité de la formule est vérifiée pour les polygones adjacents.On remarquera que pour les polygones entiers non adjacents par exemple,(voir Figure 12), la démonstration n’est plus valable et le principe de l’additivité est faux.

Figure 12. Exemple de polygones non adjacents

Ce type de figure est d’ailleurs exclut comme étant un polygone dans notre étude(voir Définition 1).

– Vérification pour un rectangle aux cotés parallèles aux lignes de la grille

Soit R le rectangle ABCD, AB=m et BC=n .

83

Page 75: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

En géométrie classique, l’aire A R du rectangle R vaut : A R=m×n .

Figure 13. Exemple de rectangle de côtés parallèles aux axes

Le rectangle R étant sur la grille carrée régulière, les nombres de points intérieurs et sur les bords valent respectivement : IR=(m−1)(n−1) , BR=2(m+n) .

On obtient alors :

IR+BR

2=(m−1)(n−1)+(m+n)=m×n+1=AR+1

Donc A R=IR+BR

2−1 .

La formule est donc vérifiée pour ce type de rectangle.

– Vérification pour un triangle rectangle ayant deux côtés parallèles aux lignes de lagrilleSoit T=ABC un tel triangle. On le complète par un point D en un rectangle R=ACBD(voir Figure 14).

Figure 14. Exemple de triangle ayant deux côtés parallèles aux axes

Désignons par h le nombre de points sur l’hypoténuse (c’est-à-dire [ AB ] ) du trianglerectangle. On peut dire que le nombre de points sur les bords et celui de l’intérieur valent :

BR=2(BT−h)+2 et IR=2 I T+h−2

84

Page 76: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Donc l’aire du rectangle R vaut :

A R=IR+BR

2−1 = (2 I T+h−2)+

2(BT−h)+22

– 1 = 2 I T+h−2+BT−h = 2 I T+BT−2

= 2(I T+ BT

2−1) = 2 AT

Donc AT=IT +BT

2−1 et la formule est vérifiée pour ce type de triangle rectangle.

– Vérification pour un triangle ayant un côté parallèle aux axes

Considérons le triangle T1=ABC (Figure 15). On peut inscrire T1 dans un trianglerectangle T=ADC, dont deux côtés sont parallèles aux axes. Désignons par T2 le triangle rectangle BDC et par n le nombre de points de la grille sur lesegment [BC ] .

On a : BT=BT 1+BT 2−2n+2

Dans cette relation, nous soustrayons (2n) car le nombre de points du segment [BC ] estcompté 2 fois (c’est-à-dire dans BT 1 et dans BT 2 ).

Le rajout des « 2 » correspond aux 2 sommets du segment [BC ] . Ces sommets sont biendes points du bord du triangle T mais qui ont été soustrait avec les 2n.

Figure 15. Exemple de triangle ayant un seul côté parallèle aux axes

Concernant les points intérieurs, on a : IT=I T 1+ IT 2+n−2 .

On peut dire :

IT +BT

2−1=( IT 1+ I T 2+n−2)+

BT 1+BT 2−2n+2

2−1

= (IT 1+BT 1

2−1)+(IT 2+

BT 2

2−1)

Selon le résultat précédent, la formule est vérifiée pour les triangles rectangles ayant deuxcotés parallèles aux axes. Elle est donc vérifiée pour T et T2.

On obtient alors : AT=(IT 1+BT 1

2−1)+AT 2 .

85

Page 77: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Étant donné que l’aire du triangle T est égale à la somme de l’aire des régions T1 et T2

(théorème de Bolyai), on déduit que l’aire du triangle T2 vaut : IT 1+BT 1

2−1 .

La formule est donc vérifiée pour les triangles ayant un côté parallèle aux axes.

– Vérification pour un triangle quelconque

Soit T=ABC un triangle de ce type. La stratégie que nous adoptons est de l’inscrire dansun rectangle. On peut avoir la configurations suivante (voir Figure 16a) :

Figure 16a. Exemple de triangle quelconque

Le triangle T=ABC sur la figure 16a est inscrit dans le rectangle R=HFBJ . On obtient 3autres triangles intérieurs à R que nous désignons par T1, T2, T3.

Soit I et B, respectivement, le nombre de points intérieurs et du bords. Les indices associésaux lettres I et B renvoient à la figure désignée par ce codage.En considérant les points sur les bords de notre dessin, on a la relation : BR+BT=BT 1+BT 2+BT 3 cela équivaut à dire que BR=BT 1+BT 2+BT 3−BT .

Lorsqu’on s’intéresse aux points intérieurs, on peut dire :IR=I T 1+ I T 2+ I T 3+ IT +BT−3 . Dans cette égalité, les « 3 » correspondent aux sommets de

T. Il s’agit des points sur le bord du triangle T et sur le bord rectangle R. Ils ne font doncpas parti des points intérieurs de R. A partir de ces deux relations, on peut écrire l’égalité suivante :

IR+BR

2−1=( I T 1+ I T 2+ IT 3+ I T+BT−3)+

(BT 1+BT 2+BT 3−BT )2

−1

= (IT 1+BT 1

2−1)+(IT 2+

BT 2

2−1)+(IT 3+

BT 3

2−1)+ I T+BT

2−1 . (E1)

La formule de l’aire en fonction des points intérieurs et sur les bords est vérifiée pour lerectangle R, ainsi que pour les triangles T1, T2, T3. L’égalité (E1) est donc équivalente à :

A R=AT 1+AT 2+AT 3+(I T+BT

2−1) (E1’) .

86

Page 78: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

L’aire du rectangle R étant égale à la somme des aires de ses régions intérieures, nous

pouvons donc déduire de l’égalité (E1’), que l’aire du triangle T vaut : AT=IT+BT

2−1 .

En conclusion, la formule est vérifiée pour le triangle T = ABC. On peut aussi avoir une seconde configuration pour le triangle quelconque(voir Figure 16b).

Figure 16b. Autre exemple de triangle quelconque

Désignons par n le nombre de points de la grille sur le segment [CD ] et R=ADBE.

On peut dire que : BR+BT=BT 1+BT 2+BT 3−2n . La soustraction des « 2n » correspond aunombre de points n du segment [CD ] qui ont été compté deux fois.

Pour les points intérieurs, on a : IR=I T 1+ I T 2+ I T 3+ IT +(BT−2)+(n−1) .

Les (BT−2) correspondent au nombre de points des bords du triangle T auquel on enlèveles 2 sommets (non intérieurs au rectangle R).

Les (n−1) correspondent au nombre de points sur le segment [CD ] , auquel on enlève lepoint de l’extrémité D (non intérieur au rectangle R).On obtient :

IR+BR

2−1=[ I T 1+ IT 2+ I T 3+ I T+(BT−2)+(n−1)]+

BT 1+BT 2+BT 3−BT−2n

2−1

= (IT 1+BT 1

2−1)+(IT 2+

BT 2

2−1)+(IT 3+

BT 3

2−1)+(I T+BT

2−1)

La formule est vérifiée pour le rectangle R, les triangles rectangles ayant deux côtésparallèles aux axes T1 et pour les triangles ayant un côté parallèles aux axes T2, T3).

On a : A R=AT 1+AT 2+AT 3+(I T+BT

2−1) . D’où l’aire du triangle T vaut AT=IT+

BT

2−1 .

La formule est donc vérifiée pour les triangles quelconques.

87

Page 79: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Conclusion

Tout triangle T, placé sur une grille carrée régulière vérifie la formule

AT=I+ B2−1 où I = nombre de points intérieurs et B = nombre de points sur

le bord.On en déduit, tout triangle qui a exactement 3 points sur le bord (ses sommets) et aucun

point intérieur a pour aire 12

.

c) Preuve de la formule candidate pour un polygone quelconque

Nous avions vérifié que la formule est vraie pour les triangles.Il reste à prouver maintenant qu’elle est vraie pour tout polygone P à n cotés avec n>3 .

On sait que tout polygone P à n cotés ( n>3 ) est triangulable.On peut avoir deux approches pour rechercher une preuve de la formule.

– Approche par récurrence (forte)

Considérons un polygone P à n sommets ( n>3 ) sur une grille carré régulière.D’après le théorème de la diagonale propre, P admet une diagonale intérieure. Cettediagonale nous permet d’obtenir une décomposition de P en deux polygones adjacents Q etR (ils ont au moins un coté en commun). Le nombre de côté de chacun de polygones estinférieur à n. (voir Figure 17)

Figure 17. Exemple de polygone décomposé en deux polygones

Si la formule obtenue est vraie pour les polygones Q et R alors d’après le principe del’additivité de la formule, elle est vraie aussi pour le polygone P.

La formule est donc démontrée pour tout polygone.Il est important de noter ici que même si le polygone P n’est pas convexe, le théorème dela diagonale propre permet de se ramener à des polygones convexes.

– Approche par partition (induction ascendante)

Nous avions vérifié que la formule est vraie pour tout type de triangle. Nous avons aussimontré l’existence d’une triangulation pour tout polygone n>3 . On sait aussi qu’onobtient exactement n−2 triangles (en triangulant par les sommets du polygone).

88

Page 80: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Figure. 17. Un exemple de triangulation de P par ses sommets

Considérons alors un polygone P sur une grille (figure 17). Il est triangulé des régions T₁,T₂, … , Tn-2.Désignons par :

• i : le nombre de points intérieurs à P et b : le nombre de points sur les bords de P• c1 : le nombre de points sur les deux côté du triangle T₁ qui coïncident avec 2

côtés de P.• cn−2 : le nombre de points sur les deux cotés du triangle Tn-2 qui coïncide avec 2

cotés de P.• ck : avec 2≤k≤n−3 , le nombre de points sur le seul côté du triangle Tk qui

coïncide avec un coté de P.• d k : avec 1≤k≤n−3 , le nombre de points sur le côté de Tk intérieur à P qui ne

coïncide pas avec un cote de Tk-1.• ik : le nombre de points intérieurs à Tk.

On a :

i= ∑k=1

k=n−2

ik+ ∑k=1

k=n−3

dk et b=c1+(C2−1)+(C3−1)+...+(cn−3−1)+(cn−2−2)= ∑k=1

k=n−2

ck−n+2

En désignant A(P) l’aire de P et A(k) l’aire du triangle Tk, on a :

A (P)= ∑k=1

k=n−2

Ak=A1+ ∑k=2

k=n−3

Ak+An−2

On abouti à la formule de Pick pour le polygone P : A (P)=i+ b2−1

Donc la formule est vraie pour tout polygone.

Ces deux preuves nous ont permis d’étudier les polygones partir des diagonales propres.Nous allons nous intéresser maintenant aux polygones sans diagonale : les triangles (enparticulier les triangles sans point entier à l’intérieur).

89

Page 81: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

2.4 - 2.4 - Étude du triangle sans points entiers intérieursÉtude du triangle sans points entiers intérieurs

Pour étudier ce type de triangle, on peut d’abord s’interroger sur sa construction sur unegrille carrée régulière. Cette question nous semble légitime si on veut faire des essais surdifférentes représentations possibles de ce type de triangle sur la grille.

Si a et b sont deux entiers naturels non nuls, on considère un segment [AB ] sur une grillecarrée régulière tel que : A (0 ,0) et B (a ,b) .

– Un point M (x , y ) appartient à [AB ] signifie qu’il existe un réel k tel que : AM=k ABavec 0≤k≤1 . Autrement dit, x=ka et y=kb avec 0≤k≤1 .

Donc les points M (x , y ) de [AB ] sont caractérisés par : 0≤x≤a , 0≤ y≤b , ay=bx .

– L’égalité ay=bx nous permet de dire que x , y sont non nuls car a et b sont non nuls.

– Si a et b sont premiers entre eux :a divise bx , donc a divise x d’après le théorème de Gauss. Sachant que 0≤x≤a , on endéduit que x=a .

De la même manière on trouve que y=b .Donc les seuls points de la grille situés sur le segment [AB ] sont : A (0 ,0) et B (a ,b) .

– Si a et b ne sont pas premiers entre eux :Soit d=PGCD(a ,b) avec d≠1 .

D’après le théorème de Bézout, il existe a’ et b’ tel que : a=da’ et b=db’ avecPGCD(a ’ , b ’)=1 .

Donc ay=bx s’écrit da ’ y=db ’ x c’est-à-dire a ’ y=b ’ x . D’après le résultat précédent, lespoints A(0 ,0) et D(a ’ , b’ ) sont les seuls points situés sur [AD ] . Ce qui veut dire aussique le segment [AB] contient au moins un point de la grille : D.

Corollaire. Un triangle qui n’admet pas d’autres points entiers sur les bords que sessommets est caractérisé par de sommets de coordonnées (0 ,0) ou (a , b) avec a et b premierentre eux. Les propriétés que nous venons de présenter permettent de construire des triangles sansautres points sur les cotés que ses sommets. Mais elles ne nous donne pas d’informationsur l’existence de points de la grille à l’intérieur d’un triangle.

Évaluons maintenant l’aire dans le cas où le triangle n’admet pas de points de la grille àl’intérieur. Évaluer l’aire de ce type de triangle sur une grille peut se ramener à étudierquelques configurations.

a) Triangle ayant deux côtés parallèles aux lignes de la grilleOn retrouve l’un des 4 types de constructions (voir Figure 1) par isométrie. Elles

correspondent chacune à la moité du carré unité. L’aire vaut donc 12

dans chacun des cas.

90

Page 82: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Figure 1. Exemples de triangles ayant deux cotés parallèles aux lignes de la grille

b) Triangle ayant un côté parallèle aux lignes de la grille

On se ramène toujours au cas d’un triangle dont la base mesure 1 et la hauteur 1.

L’aire vaut donc 12

dans chacun des cas.

Figure 2. Exemple de triangles ayant un côté parallèle aux axes

c) Triangle aux côtés non parallèles aux lignes de la grillesPour ces cas de configurations, on retrouve des triangles qui peuvent être très aplatis (voir Figure 3a). La technique classique pour calculer l’aire devient assez difficile à mettre enœuvre. On ne peut déterminer de hauteur. On va donc utiliser soit la formule de Héron (endéterminant les longueurs des cotés), soit en inscrivant le triangle dans un rectangle(voir Figure 3b).

Soit ABC un triangle sans points intérieurs et sans points sur les cotés (sauf les sommets).Inscrivons-le dans le triangle rectangle ADC d’hypoténuse [AC] (le plus grand coté dutriangle ABC).

91

Page 83: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Figure 3.a Exemple de triangle aux côtés non parallèles aux axes

Le triangle ADC peut être décomposé en régions : AEB (triangle rectangle), BFC (trianglerectangle), EDFB (rectangle aux côtés parallèles aux axes).

Soit AE=a , EB=BF=b , DF=DE=c , CF=d .En utilisant les formules classiques de calcul d’aire, on a :Aire (ABC)=Aire(ADC )−[Aire(AEB)+Aire(BFC )+Aire (EDFB)]

=(a+b)(c+d)

2− ac

2−bd

2−bc

=ad−bc

2

Que vaut alors ad−bc ?Nous allons utiliser les points de la grilles comme base de notre stratégie.

Considérons un rectangle R construit sur une grille (voir figure 4) dont les côtés m et n sontparallèles aux lignes de la grilles.

Figure 4. Exemple de rectangle aux côtés parallèles aux axes de la grille

Le nombre de points de la grille appartenant (bords et intérieur) à R vaut : (m + 1) (n + 1).Si R n’admet pas d’autres points sur ses diagonales que ses sommets, on peut dire que le

nombre de points du triangle rectangle (de côtés m et n) vaut : 12(m+1)(n+1)+1 .

92

Page 84: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

Nous allons appliquer ces deux résultats à notre figure afin de déterminer le nombre depoints de la grilles du triangle rectangle (dans lequel nous avons inscrit notre triangleABC).

L’hypoténuse [AC] du triangle ADC n’admet pas d’autre point de la grille que les points Aet C. On a : AD=a+b et DC=c+dNous pouvons donc calculer directement le nombre de points N du triangle ADC.

Il vaut : N ADC=12(a+b+1)(c+d+1)+1 =

12(ac+bc+ad+bd+a+b+c+d+3) (1)

On peut calculer d’une autre manière le nombre de points du triangle rectangle ADC. Ils’agit d’utiliser la décomposition que nous avions faite sur la figure 3a.

Selon notre construction de départ (hypothèse), le triangle ABC n’a aucun point intérieuret il n’admet que ses sommets sur la grille.Donc il n’existe pas de points entre A et B. Il en est de même pour B et C.

On a : N AEB=12(a+1)(c+1)+1= 1

2(ac+a+c+3)

NBFC=12(b+1)(d+1)+1= 1

2(bd+b+d+3)

NEDFB=(b+1)(c+1)=bc+b+c+1

Avec ces résultats, on peut dire que pour le triangle ADC :

N ADC=N AEB+NBFC+N EDFB−(c+1)−(b+1) .

Dans cette égalité, les soustractions renvoient aux points des côtés ( [EB] et [BF ] ) quiont été comptés deux fois.

On obtient :

N ADC=12(ac+a+c+3)+ 1

2(bd+b+d+3)+(bc+b+c+1)−c−b−2

= 12(ac+2bc+bd+a+b+c+d+4) (2)

Les égalités (1) et (2) nous permettent de poser que :12(ac+bc+ad+bd+a+b+c+d+3)= 1

2(ac+2bc+bd+a+b+c+d+4)

ad−bc=1

D’où, l’aire du triangle ABC vaut : Aire (ABC)= ad−bc2

=12

Conclusion

Tout triangle sur une grille ayant exactement 3 points de la grille sur ses bords (ses

sommets) et aucun point intérieur, a pour aire12

.

93

Page 85: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

2.5 - 2.5 - Cas des polygones réguliersCas des polygones réguliers

Dans (Grenier et Payan, 1998) la question de la constructibilité sur une grille carréerégulière des n-polygones réguliers est résolue pour tout n≥3 .

Dans cette partie nous voulons préciser que la formule de Pick peut être utilisée pourrésoudre cette question.En effet, elle permet de déduire que pour tout polygone P à sommets entiers, l’aire de P estentière ou (entier+1/2). Cette information permet donc de savoir si un polygonequelconque peut être construit sur une grille carrée régulière dès qu’on connaît son aire.

En particulier si nous prenons l’exemple le triangle équilatéral (donc pour n=3 ). Son aire

vaut √34

c2 où c désigne le côté. Ainsi tout triangle équilatéral a une aire irrationnelle. Par

conséquent il est impossible de le construire sur une grille carrée régulière.

VII.3 - VII.3 - ÉÉTUDETUDE DIDACTIQUEDIDACTIQUE

L’étude mathématique a montré que les questions autour de l’objet « théorème de Pick »permettent de mettre en œuvre différents registres, ceux de la géométrie euclidienne, desmathématiques discrètes, de l’arithmétique et, dans une certaine mesure, celui del’algorithmique. Ces registres et leurs interactions sont au centre de nos objectifs derecherche. Mais quelle transposition du problème et quel dispositif mettre en place pourque l’étude de l’objet en jeu (théorème de Pick) puisse être prise en charge en adidactiquepar des élèves et être porteuse d’apprentissages ? En particulier, quel choix faire pourl’énoncé du problème, et comment favoriser le développement de stratégies dans lesdifférents registres et la mise en œuvre des savoirs transversaux (expérimenter, construiredes exemples, contre-exemples, conjecturer, résoudre des cas particuliers, et prouver).

Nos choix pour l’énoncé s’appuient à la fois sur les notions et savoirs repérés dansl’analyse mathématique et les hypothèses sur les connaissances des élèves. Pour la mise enœuvre des savoirs transversaux, la situation doit s’inscrire dans le cadre d’un contratdidactique de type recherche. Le modèle SiRC est tout-à-fait adapté pour cela. Ladévolution de la situation se fera en fonction des conceptions et connaissances des élèvessur les notions mathématiques en jeu et les savoirs transversaux disponibles. Nousprésupposons que la formule de Pick n’est pas connue et que ce type de question n’est pasusuel, ceci devrait favoriser une recherche empirique. Nous allons préciser ces éléments.

Énoncé du problèmeOn donne un polygone sur une grille carrée régulière. On veut trouver uneméthode simple pour déterminer l’aire de ce polygone.

L’énoncé est compréhensible dès que l’on sait ce que sont un polygone et une aire. Lecontexte de la grille carrée régulière donne un sens particulier à la question, et devraitinduire la recherche d’une méthode autre que celles de la géométrie euclidienne. L’énoncéne dit pas qu’il faut chercher une formule, ainsi, même si c’est une interprétation probablede la question, cet implicite permet de ne pas exclure d’autres stratégies (plusgéométriques). La tâche « rechercher une méthode » n’est pas habituelle dans les pratiquesde classe, les méthodes et techniques sont données, rarement construites par l’élève.

94

Page 86: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

L’étude mathématique montre que les savoirs notionnels qui peuvent être convoqués danscette situation sont nombreux et à des niveaux de connaissance différents :

− Polygones : définition et caractéristiques ;− Formules usuelles de calcul d’aire (triangle, carré, rectangle, trapèze, etc.) ;− Formule de Héron (pour le calcul de l’aire d’un triangle en fonction des trois

côtés) ;− Théorème de Pythagore ;− Théorème de Bézout, Théorème de Gauss ;− Théorème de Bolyai (découpage, triangulation) ;− Théorème de la diagonale propre d’un polygone.

Des savoirs transversaux peuvent être aussi convoqués :− Expérimenter, faire des essais, étudier un cas particulier,− décomposer et restructurer une figure,− faire une conjecture,− utiliser des types ou outils de preuve : exhibition d’exemple (sur des questions

d’existence), ou de contre-exemple, exhaustivité de cas, la récurrence.

Les méthodes de résolution

L’analyse mathématique nous fournit aussi des méthodes de résolution liées au problème,et les techniques de calcul associées. On peut les regrouper en fonction des registresauxquelles elles appartiennent.– Méthodes relevant du continu

• Découpage (triangulation, inscription dans un rectangle) : S_déc-t et S_déc-r.• Estimation de l’aire à partir de calcul d’aire de figures usuelles : S_es-cal

– Méthodes relevant du discret• Recherche empirique d’une formule en fonction des points de la grille : S_réc-f• Estimation de l’aire par dénombrement de carrés unités : S_es-dén• Application directe de la formule de Pick (lorsqu’elle est connue) : S_pick

Les méthodes du continu mobilisent des savoirs étudiés dès le collège. Nous faisons doncl’hypothèse qu’elles peuvent apparaître dès le début de la recherche.Quant aux méthodes du discret, elle sont absentes dans la plupart des connaissances. Onpeut s’attendre donc à des difficultés pour leur mobilisation. En effet, tout au long del’enseignement, le concept d’aire est construit dans les registres de la géométrieeuclidienne et de l’analyse (de l’aire de figures de base en primaire, avec la calcul delongueurs, au calcul intégral en analyse à l’université). Situation et modèle didactique

La situation relève du modèle SiRC (voir Chapitre. V). En effet :– Le problème est a priori « ouvert » : le théorème de Pick n’est pas enseigné sauf dansdes cursus spécifiques post-bac, et dans le cas où la formule serait connue, il reste à fairela preuve du théorème.– Plusieurs stratégies initiales sont possibles, en particulier dans le registre de la géométriedu continu, dès que les notions d’aires et de polygone sont connues.– Les stratégies initiales ne permettent pas de répondre à la question posée, ce qui devrait conduire à chercher comment la propriété « à sommets entiers » peut conduire à une méthode « plus simple ».

95

Page 87: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

– La phase de recherche expérimentale permet de construire des solutions partielles et desconjectures, et de donner des éléments de preuve.– La recherche peut se développer dans différents registres (continu, discret,algorithmique).

La situation peut être proposée sous plusieurs formes suivants des choix didactiques. Nousidentifions particulièrement les choix didactiques suivants :

• La nature de la question

L’enjeu de l’activité de recherche dépend de la formulation de la question.Demander de « chercher une formule » peut réduire l’activité de recherche alorsque « trouver une méthode ou un moyen » rend le problème plus « ouvert ».

• La nature du polygone de l’énoncé (précisée ou pas)

Préciser un type de polygone par rapport au nombre de cotés ou à la convexité peutlimiter la résolution du problème à des instances ou la généraliser.

• La présence (ou non ) d’un exemple de polygone associé à l’énoncé

Quel type de polygone donner ? Son aire doit-elle être facile à calculer ou non ? Enproposant par exemple, de polygones habituels (triangles, carré, rectangle, etc.),cela peut réduire l’enjeu de trouver une autre méthode de calcul d’aire que cellebasée sur les formules classiques de la géométrie.

• La référence (ou non ) aux points de la grille

Le choix de faire (ou non) explicitement référence aux points de grille dansl’énoncé du problème va influencer la recherche empirique et les registres derésolutions.

Ainsi, suivant les valeurs de choix didactiques, on peut mettre en place des situations« fermées » ou « ouvertes » par rapport aux registres de résolution et/ou à l’activité derecherche. Nous allons expérimenter différentes valeurs.

Nous faisons l’hypothèse que la situation peut permettre :

– de passer du registre du continu de la géométrie euclidienne (habituel dansl’enseignement) à celui de la géométrie discrète et de l’arithmétique.– de donner du sens à la formule de Pick. A savoir, par exemple, pourquoi, dans le calcul

de l’aire, un point à l’intérieur du polygone vaut 1 et un point sur le bord vaut12

.

D’autre part, comparativement à l’étude du problème des « points entiers sur une droite »(voir. Chapitre VI), celle-ci met en jeu une situation plus ouverte du point de vue del’activité de recherche. Elle nous permettra donc d’évaluer la capacité des étudiants às’approprier ce type de problème et d’identifier les savoirs notionnels et transversauxmobilisés.Le modèle SiRC est privilégié pour mener l’étude. A terme, nous pourrons donc savoir sice choix est pertinent ou pas.

Nous allons chercher à identifier dans nos expérimentations : les traces d’activités derecherche, les méthodes de résolutions, les changements de registres, les savoirs notionnelset transversaux mobilisés, ainsi que les blocages et les difficultés.

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3.1 - 3.1 - Situations de pré-expérimentationSituations de pré-expérimentation

Dans le déroulement chronologique de notre étude nous avons effectué deux mises ensituation du problème afin de mieux préparer la situation expérimentale. Au vu desrésultats obtenus, il nous est paru important de les présenter. Toutefois, nous ne faisons icique des résumés.

a) Première pré-expérimentation

Nous avons fait les choix didactiques suivants :

─ Proposer une formulation qui ne fait aucune mention des points de la grille. Il s’agitdonc d’une formulation « ouverte » du point de vue du registre de résolution.

─ L’hypothèse que les formules habituelles de calcul ne permettent pas de résoudrefacilement tous les problèmes de détermination d’aire de polygones est précisée.L’expérimentation est effectuée avec des étudiants de L3 maths de l’université deGrenoble. C’est un niveau d’enseignement qui dispose a priori des savoirs pour amorcerdes stratégies initiales. La durée prévue est une heure. Nous privilégions le travail engroupe. Cette organisation permet de faciliter les interactions et la dévolution duproblème. Des fiches de grille carrée régulière sont données.

Énoncé présentéProblème. Étude de l’aire des polygones.

On veut chercher un « moyen » simple de déterminer l’aire des polygones (s’il existede moyens simples).

Vous avez appris à calculer avec des formules l’aire de triangles, de quadrilatères(carré, rectangle, etc.) ou de polygones réguliers. Toutefois il n’est pas toujours« simple » de trouver l’aire d’un polygone de façon générale.

Pour cette recherche, on restreint le problème aux polygones dont tous les sommetssont sur une grille carrée régulière.

On se demande si le fait de placer un polygone sur une grille peut nous aider àcalculer son aire.

Les résultatsL’expérimentation a montré que :

─ La formulation proposée ne permet pas le passage du registre du continu de lagéométrie euclidienne au registre du discret. Le travail des étudiants s’est centré sur larecherche de propriétés analytiques qui permettent d’élaborer un algorithme deconstruction de polygones sur une grille carrée régulière. Bien que nous trouvons cetravail intéressant, il est assez éloigné des hypothèses de notre analyse.

─ Le problème est présenté de façon trop « ouverte ». Malgré nos relances pour que lesétudiants regardent le problème sur des cas particuliers de polygones construits sur lagrille, cette approche ne leur dit rien. Il faudrait donc ajouter d’autres informations pourespérer l’apparition du registre du discret.

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b) Deuxième pré-expérimentation

Le public est constitué cette fois d’étudiants de Master 1 mathématiques de l’ENsup deBamako. Nous avons fait de nouveaux choix :

─ Donner une fiche de travail avec des exemples de polygones à sommets entiers(voir figure de la fiche).

─ Préciser l’unité d’aire de la grille. Mais aucune référence n’est faite aux points de lagrille.

Avec ces choix, on a une situation un peu « fermée » du point de vue de l’activité derecherche et des registres de résolution.

Nous faisons l’hypothèse que cette nouvelle formulation permettra aux étudiants d’adopterune recherche empirique à travers les cas particuliers donnés et qu’ils vont se centrerbeaucoup plus sur des méthodes de résolution en lien avec la grille et les points entiers.L’organisation du travail en groupe est maintenue.

Énoncé présenté« On veut trouver un moyen simple pour déterminer l’aire d’un polygone dont tousles sommets sont des points d’une grille carrée régulière.

Pour cette recherche, on vous donne les exemples de polygones A, B, C et D sur lafiche suivante. »

Fiche de travail

On vous donne le cas des polygones suivants (A, B, C, D). On considère que l'unitéd'aire de la grille est 1.

Figure 1. Polygones de la fiche de travail de seconde pré-expérimentation

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Analyse des productions et résultats

Nous avons 5 groupes de travail de 2 ou 3 étudiants.Le Groupe 1 a adopté la méthode par découpage (S_déc). Le choix du découpage despolygones montre explicitement la triangulation en sommets entiers et sans pointsintérieurs au polygone (voir figure 2). Le principe du groupe pour déterminer l’aire d’unpolygone P est de calculer l’aire des triangles ti , ensuite faire la somme des aires A (t i)pour obtenir A (P) , A désignant l’aire. Le calcul des aires des triangles se basent sur laformule classique base×hauteur /2 . Ils sont donc vite bloqués. Cela était prévisiblepuisqu’on a pas les moyens pour déterminer toujours les hauteurs des triangles. On peutpourtant déterminer ces aires de triangles en utilisant le théorème de Pythagore et laformule de Héron (voir § VII.2. Étude mathématique).

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Figure 2. Copie du groupe 1

Les quatre autres groupes ont eu une même approche (Voir Figure 3). C’est une méthodequi est aussi basée sur le découpage (S_déc-r). Mais à la différence avec celle du Groupe 1,le polygone P est d’abord inscrit dans un rectangle R. Ensuite en retranchant de l’aire de R,l’aire des régions qui complètent P en R, on obtient alors A (P) .

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Figure 3a. Copie Groupe 2

Figure 3b. Copie Groupe 4

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Parmi les quatre groupes, deux ont pu mener la méthode (S_déc-r) à terme, en choisissantjudicieusement des formes en triangles rectangles ou en rectangles de côtés parallèles auxlignes de la grille. Ils se sont donc basés sur les figures dont on peut déterminer leslongueurs facilement en exploitant la grille.

Concernant les résultats, nous retenons :─ Le registre du continu de la géométrie euclidienne est prégnant. Les méthodes de

résolution (S_déc-t et S_déc-r) des étudiants sont basées sur les formules de lagéométrie euclidienne.

─ La formulation ne permet pas de faire le lien entre l’aire d’un polygone et les pointsde la grille. Les méthodes de résolutions apparues ne sont pas spécifiques à lagrille. En aucun moment de l’expérimentation, les points de la grille ne sontévoqués par les étudiants. A la question s’il existe d’autre méthode, un seul étudianttrouve que le problème lui évoque les estimations d’aire sous une courbe en analysenumérique (la méthode des trapèzes).

─ Le problème est cette fois trop « fermé » sur le plan de l’activité de recherche. Ilfaut dire que les étudiants se sont focalisés exclusivement sur les exemples donnéset non sur le problème général.

Nous trouvons aussi que, les polygones d’exemple doivent être assez « tordus » pourespérer créer l’enjeu d’explorer d’autres pistes de résolution.

3.2 - 3.2 - Situation expérimentéeSituation expérimentée

Elle vise à expérimenter une nouvelle formulation de l’énoncé du problème. Le publiccible est constitué d’étudiants de L3 mathématiques de l’université de Grenoble. Le travailest effectué en groupe. Des observateurs sont associés à l’expérimentation. Leursinterventions peuvent être des explications de bases sur la compréhension de la situation.Ils pourront aussi intervenir si les étudiants se « bloquent ». Ils pourront donner desexemples ou contre-exemple, ou encore demander des précisions sur les stratégies derésolution.

a) Choix didactiques

Nous avons choisi cette fois-ci d’expérimenter une formulation moins ouverte sur le plandes registres de résolutions. Ainsi, on a fait les choix suivants :─ le problème est présenté au tableau et un seul exemple de polygone sur la grille estdonné. Ce polygone est beaucoup plus « tordu » (voir figure 4).

─ Il est explicitement recommandé d’utiliser les points de la grille dans la résolution (voir § Transcription de la présentation du problème).─ deux séances de travail de 1h30mn sont prévues. Cela pour donner plus de temps derésolutions et de réflexion aux étudiants, mais aussi pour avoir un momentd’institutionnalisation.

Ces choix nous sont parus fondamentaux à la suite de nos pré-expérimentations, pourespérer voir des méthodes en lien avec les points de la grille et une activité de rechercheplus soutenue.

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Figure 4 . Fiche de polygone exemple donné

Transcription de la présentation du problème

Il est présenté au tableau par l’un des observateurs.« Ob.S » désigne l’observateur et « Ed. » un étudiant.

Ob.S : On s'intéresse à des polygones. Je dessine un polygone. Ce quim'intéresserait de faire c'est de déterminer son aire. Mais de façon la plus“simple” possible. Ob.S : Très certainement vous avez dans vos souvenirs, des formules pour despolygones très particuliers, qui vous permettent de déterminer l’aire. Vousaurez peut être envie de mettre cela en œuvre pour calculer l’aire. Maisj'appellerai cela des formules un peu compliquée déjà par rapport à ce qu’onveut chercher.

Ob.S : Alors pour chercher l’aire, on vous invite très fortement à placer lepolygone sur un objet : une grille .Ob.S : On va placer le polygone sur la grille, de telle sorte que les sommets denotre polygone soient sur la grille (avec des carrés).

(Dessin d’illustration au tableau par le l’observateur)

Ob.S : Donc j'ai posé mon polygone sur ma grille. A savoir que tous lessommets sont sur la grille. En quoi cela va nous aider à déterminer l’aire?Ob.S : A part le fait que le polygone est sur la grille, est ce que vous voyezéventuellement d’autres éléments qui pourraient vous aider?

(Pas de réponse des étudiants)

Ob.S : Qu'est-ce que ça fait d'avoir dessiné le polygone sur la grille?Ed. : On connaît l'aire d'un carré.

Ob.S : Oui, mais pour le moment, restons plutôt sur le dessin et pas sur leproblème.Ed : il y a des points intérieurs et des points extérieurs.

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Ob.S : Effectivement, il y a des points intérieurs, il y a des points extérieurs, ily a les sommets et on imagine aussi qu'il y a en sur le bord. Est-ce que cesgenres d’informations pourront nous aider pour déterminer l'aire?

Ob.S : Donc le problème est posé. Trouver une méthode assez simple pourdéterminer l'aire de n’importe quel polygone qui peut être complètement torduet dont tous les sommets sont sur une grille.Ob.S : On souhaiterais que vous trouvez quelque chose de simple. Cela peutêtre même une approche de la valeur de l’aire.

Ob.S : On va vous donner des fiches de travail. Une fiche avec un exemple depolygone construit sur une grille et une autre portant uniquement une grille.

b) Analyse des productionsNous avons trois groupes de travail et chacun des groupes a eu une approche particulièrede la résolution. Nous allons donc regarder les productions par groupe de travail.

Groupe 1

Il est constitué de 3 étudiants. Au début de la résolution, les étudiants essaient de retrouverun exercice étudié en classe qui serait semblable au problème. Les notions du produitscalaire en lien avec l’aire d’une figure géométrique sont évoquées. Cette approche revientrégulièrement dans les travaux lorsqu’ils sont en manque d’inspiration pour trouverd’autres pistes de recherches. Cela montre que les étudiants n’ont pas l’habitude de ce typede situation. Les pratiques d’enseignement autour de résolution de problème sont engénéral des moments d’application de notions étudiées dans le Cours.La première piste qui émerge finalement est la technique de l’estimation de l’aire (S_es-dén). La détermination d’une approximation de l’aire est basée sur des polygones aux côtésparallèles aux lignes de la grille (voir figure 5).

Figure 5. Illustration Copie d’étudiant

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Avec ce découpage, on a : 22<A (P)<76 , A(P) désigne l’aire de P. Si l’encadrementpermet d’avoir une idée de l’aire de P, l’amplitude est bien trop grande pour rapprocherl’aire A(P). C’est la limite de la méthode comme nous l’avons souligné dans notre analysemathématique.

Le dessin est finalement abandonné. A priori, il ne leur donne aucune information sur lelien entre points intérieurs, points extérieurs, points du bord et l’aire du polygone P.L’observateur intervient : « quelles sont les informations que ce dessin peut apporter pourleurs recherches, et est ce qu’ils sont finalement sûr qu’on ne peut rien en tirer ? »

Les expressions « plus » ou « moins » sont alors évoquées rapidement. Mais la piste derésolution est écartée. Ensuite, l’idée de regarder les points intérieurs est proposée. Voici une transcription deséchanges en ce moment (les étudiants sont désignés par E1, E2, E3) :

E2 : Si tu comptes les points qu’il y a sur la frontière, il y a pas unicité.

E1 : Si tu prends deux figures qui ont les mêmes points intérieurs alors elles ont lamême aire.

E2 : Pourquoi il y aurait ça ?

E1 : Ah ça me parait… Si tu essaies de faire des dessins, deux figures qui ont lesmêmes points intérieurs et qui n’ont pas la même aire. Déjà faire des figures quin’ont que les mêmes points intérieurs et qui ne se ressemble pas c’est compliqué,et je pense qu’elles ont la même aire.

On observe dans cet échange, les prémices d’une approche de résolution dans le registredu discret. Mais le groupe constate finalement par essais que leur observation est fausse.D’abord, l’un des étudiants trouve un « contre exemple » (voir figure 6). En rajoutant letriangle « bleu » au polygone P, le nouveau polygone a le même nombre de pointsintérieurs que P mais a une aire plus grande.

Figure 6. Contre-exemple à la proposition de l’étudiant E1 sur l’apport des pointsintérieurs

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Ils s’intéressent ensuite aux triangles entiers sans points intérieurs. Les calculs donnent sur

des exemple que l’aire d’un triangle entier sans point intérieur à pour aire 12

.

Après ces deux observations, les étudiants remettent en doute leur hypothèse de travail :les points intérieurs contribuent au calcul de l’aire. Malgré qu’un des étudiants propose« qu’il faut peut être considéré la frontière (le bord) », l’intérêt des points de la de grille neles accroche plus.

Nous observons ici un abandon de la méthode de recherche empirique (S_rec-f) du lienentre points de la grille et l’aire du polygone par manque d’une investigation plus pousséede la recherche.

Une intervention judicieuse d’un observateur peut pallier à un tel renoncement à une pistede résolution.Ensuite, l’idée de trianguler le polygone P apparaît (S_déc-t). Ils trouvent qu’en découpantP en triangles, le problème se ramène à une étude de triangles « plus simple ». Mais quelletriangulation choisir ? Voici deux propositions de triangulation explorées :

Figure 7a. Création d’un polygone convexepar ajout de triangles à P

Figure 7b. Triangulation du polygone parpartir d’un point intérieur à P

On retrouve ici le second type de triangulation présenté dans l’analyse mathématique duproblème. Les aires des triangles peuvent être calculées car tous les sommets sont entiers.

Mais pour les étudiants, ces triangles ne sont pas « simples » car « on ne peut déterminerles longueurs ». Ils évoquent alors le triangle rectangle d’aire 1/2 et « un quart de carré ».Le situation leur paraît toujours difficile à résoudre pour chacun de ces types de polygones.

Ils reviennent finalement à une recherche empirique de l’aire en lien avec les points de lagrille lors de la seconde séance (S_rec-f). Les essais se focalisent sur le triangle rectangle1×n (voir figure 8).

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Figure 8. Illustration des triangles étudiés par les étudiants

Ils commencent alors à faire des observations liant l’aire des figures et les points desbords. Mais ce travail ne leur permet pas d’exhiber une formule générique.Le groupe ne parvient pas à aller plus loin dans la résolution du problème.

Groupe 2

Ils sont trois étudiants au sein ce groupe. Nous les désignons par R, T, S dans les extraitsde transcription des échanges.Le groupe débute aussi ses recherches avec la méthode d’estimation (S_es-dén) de l’airedu polygone P (voir figure 9). Mais ils s’intéressent exclusivement à l’aire de la régionintérieure à P (hachurée sur la figure).

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Figure 9. Copie de l’étudiant T

A partir de ce dessin, ils cherchent à reconstituer des carrés unités avec des portions de lapartie non hachurée dans P. On reconnaît dans cette stratégie une application du théorèmede Bolyai. Mais comme ils ne trouvent pas de justification, ils abandonnent la stratégie.

L’observateur intervient en leur rappelant qu’ils doivent penser à regarder aussi les pointsde la grille. Étant donné que cela a été recommandé dans la présentation du problème.Mais l’idée de regarder les points ne leur semble pas pertinent. Ils s’interrogent sur lesdonnées du problème. Voici un extrait des échanges :

T : Qu’est ce qu’on nous donne au départ pour faire ce calcul ? Les coordonnées dessommets ?R : Avec ces histoires de points intérieurs et tout ça, je ne vois pas trop où est ce queça peut nous amener.

(Chacun sur sa fiche, commence à construire des polygones sur la grille et à marquerdes points.)

R : Je trouve que si on construit un polygone sur la grille, il y a des points intérieurs,extérieurs et sur la frontière…. Mais les points extérieurs ne doivent pas intervenirpour déterminer l’aire.

T : Je trouve que si on devait chercher une majoration ou une minoration de l’aire, lespoints peuvent nous aider.

R : Oui, je pense que pour une minoration de l’aire, les points intérieurs correspondentaux carrés que nous avons coloriés à l’intérieur. Mais après pour trouver l’aireexacte... Le problème me fait penser à du carrelage .

S : Je ne comprends pas trop l’histoire de points extérieurs.

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T : Et si on faisait une figure régulière et on essaye de s’intéresser aux pointsintérieurs si ça nous donne une information sur son aire. Par exemple si on prend cetriangle, on peut regarder les points intérieurs et sur les cotés. Puis on calcule l’aire.

Dans cet extrait, on observe que, l’idée de l’apport des points dans le calcul de l’aire dupolygone commence à les convaincre (S_rec-f). Le fait que les points intérieursn’interviennent pas dans la détermination de l’aire du polygone est bien trouvé. Nousestimons que l’approche du groupe leur permettra de donner du sens à la formule s’ils ladécouvre.

Ils se lancent alors à faire des essais sur particulièrement des triangles (voir figure 10).

Figure 10. Copie de l’étudiant R

Ils s’entendent finalement sur trois observations :Observation 1. Un triangle sans point intérieur et qui n’a que ses sommets surla grille, a pour aire 1/2.

Observation 2. Dans un triangle, si le nombre de point intérieur est fixé, enaugmentant le nombre de point du bord de 1, l’aire du triangle augmente de1/2

Observation 3. Dans un triangle, si le nombre de point du bord est fixé, enaugmentant le nombre de point intérieur de 1, l’aire du triangle augmente de 1.

Ils cherchent alors à vérifier l’observation 1. L’observateur leur propose un triangle trèsaplati.

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Figure 11a. Triangle proposé par l’observateur au Groupe 1

Ils inscrivent le triangle dans un rectangle (S_déc-r) puis effectuent le découpage suivants(voir figure 11b).

Figure 11b. Dessin de référence du Groupe 1

On obtient : A (EFB)=A (ABDE)−A(ABE)−A (EGF )−A (FCB)−A (GDCF)= 12

Ce résultat réconforte le groupe sur sa première observation.

Mais nous remarquons que les étudiants ont des difficultés à reproduire des trianglesaplatis sans points intérieurs.

Observateur : Comment construisez-vous donc ce type de triangle aplati ? Autrementcomment construire un segment qui n’a que ses sommets sur la grille ?

Après un moment de silence, un des étudiants propose :

T : Je trouve qu’il faut que le segment corresponde à la diagonale d’un rectangle dontles cotés sont premiers entre eux.

La séance s’achève sans que nous obtenons une justification de cette affirmation. Mais cetéchange montre que jusqu’à ce moment, le travail effectué sur la grille n’a évoqué que trèspeu de savoirs notionnels chez les étudiants. Lors de la seconde séance, le groupe repart sur ses observations précédentes.

Voici un résumé de leur stratégie :

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R : on se disait que sur ça (cas du triangle d’aire 1/2), on a pas trop d’idée surcomment le prouver. Du coup, on s’est dit qu’on allait le laisser à part et essayer derevenir à la figure et de trouver, de relier cette histoire de points intérieurs, points aubord avec (vraiment) pas que pour un triangle mais avec l’aire d’une figurequelconque pour essayer d’aller jusqu’au bout. Alors, on aura pas prouver ce qu’ondit... Enfin, ça à l’air d’être vrai. Il reste à le prouver, mais au moins, on serait alléjusqu’au bout pour arriver à un résultat concret, même si on a pas la preuve. Afinqu’on ait quelque chose à présenter.

Observateur : d’accord.

T : l’idée ça sera donc de compter pour les triangles (qui restent), les points intérieurs,les points au bord ?

R : ça voudrait dire par exemple, qu’il faudrait qu’on arrive à le trianguler, àtransformer la figure qu’en des triangles comme ça, tu vois.

Ils repartent avec une recherche empirique (S_rec-f) sur des triangles et trouvent laformule :

A (b ,i)=i+(b−3)×12+ 1

2=i+ b

2– 1 où A désigne l’aire, b = nombre de points du bord,

i = nombre de points intérieurs.

Figure 12. Copie d’étudiant T

Ils vérifient ensuite la formule sur des régions du polygone P (voir figure 13a et 13b).

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Figure 13a. Polygone de référence

(b =5 ; i = 11)Figure 13b. Polygone choisi pour vérifier

le cas b = 6 et i = 6

Observateur : vous pouvez me résumer votre idée ?

R : Notre idée, c’est que si la formule marche pour un triangle et que n’importe quelquadrilatère est triangulable. On pourrait extrapoler la formule à n’importe quelquadrilatère qui serait triangulable.

R : En tout cas, je pense que cette formule est vraie.

T : Mais après, est ce que tout quadrilatère est triangulable ?

R : je pense que c’est oui. Pour un triangle c’est simple. Pour un quadrilatère, il suffitde relier les points opposés. Pour un hexagone, je ne sais pas. Est ce que s’il n’est pasrégulier ça marche ?

Le groupe a donc découvert la formule. Ils ont aussi trouvé le principe de l’additivité de laformule et une approche de la preuve par induction. Mais hormis des vérifications paressais, ils ne parviendront pas à amorcer la rédaction de la preuve.

Groupe 3

Ils sont aussi trois étudiants au sein de ce groupe. Nous les désignons par A, B, C dans lasuite du texte. Dès les premiers échanges, ils se sont convenus d’écarter l’utilisation des formulesclassiques, car les consignes exclues ces méthodes. L’estimation de l’aire du polygone estévoquée (S_es-dén). Mais ils ne s’attardent pas la dessus (voir figure 14a).

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Figure 14a. Copie de l’étudiant A

Voici une transcription des échanges :

C : On peut prendre tous les carrés entiers.B : Le grand carré est une majoration.

A : Il y a des points intérieurs, extérieurs, bords. On peut prendre des cas simples audépart.

Le groupe adopte donc assez vite une recherche empirique (S_rec-f) pour déterminer unerelation entre l’aire et les points de la grille. Ils aboutissent à la formule de Pick. Voici unrésumé de la démarche :

─ Fixer le nombre de points intérieurs et faire varier celui des bords. Les différentsessais (voir figure 14b) leur permettent d’obtenir deux conjectures :

Conjecture 1 : l’aire d’un polygone sans point intérieur vaut A= b2−1 avec

b = nombre de points de la grille sur le bord du polygone.

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Figure 14b. Copie de l’étudiant A - Conjecture 1

─ Faire varier à la fois les points intérieurs et ceux du bord (voir figure 14c). Ilformule la conjecture suivant :

Conjecture 2 : l’aire d’un polygone avec des points intérieurs vaut : A= b2+i−1 ,

avec i = nombre de points intérieurs et b = nombre de points sur le bord.

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Figure 14c. Copie de l’étudiant A - Conjecture 2

Contrairement au groupe 2, on observe que le groupe 3 ne se fixe pas de figuresparticulières pour effectuer les conjectures.

Figure 14d. Dessins de référence des deux conjectures

Ils sont assez vites convaincus des deux conjectures. La formule est alors appliquée sur lepolygone donné. En trouvant : i = 36, b = 23, alors : Aire (P)=46 ,5 .

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Mais étant donné qu’ils ne disposent pas de moyen de « contrôle », ils ne peuvent seconvaincre de ce résultat. Ils tentent alors de vérifier la formule sur des figures familières.Le rectangle, le trapèze, le pentagone régulier sont essayés.

Dans le travail de ce groupe, il nous semble que l’étudiant « A » a déjà travaillé sur laformule de Pick. La détermination de la formule s’est déroulée beaucoup « trop vite » ausein du groupe. Lorsqu’on se retrouve dans une telle situation, l’enjeu de la SiRC peut êtreréduit considérablement. Mais il reste toujours à trouver une preuve de la formule.L’observateur relance le groupe sur la recherche d’une preuve de la formule.

Le groupe s’intéressent alors au cas particulier du triangle. La récurrence est évoquée pouraboutir à une preuve. Ils se proposent de fixer un côté du triangle et d’augmenter les pointssur un autre côté (voir figure 14e).

Figure 14e. Copie étudiant B

L’étudiant A affirme : « En démontrant la formule pour le triangle. Nous pourrons par la suite, découpern’importe quelle figure en triangle. ».

Cet extrait montre qu’ils ont compris l’intérêt de la triangulation pour aboutir à une preuve.Mais ils ne parviennent pas à donner une justification.

Le principe de la preuve descendante (en utilisant l’additivité de la formule) est aussiexploré. On retrouve les traces de cette piste de recherche au bas de la copie de l’étudiantA. (voir figure 14f).

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Figure 14f. Copie de l’étudiant A

Malgré un schéma de la preuve trouvé et les relances de l’observateur, le groupe neparvient pas à rédiger une preuve.

L’institutionnalisationDurant cette phase collective, chacun des groupes a présenté au tableau ses résultats. Leséchanges ont porté non seulement sur la résolution du problème, mais également sur lesdémarches, les conjectures obtenues et les raisonnements qui ont été produits.

La solution détaillée du problème n’est pas donnée aux étudiants. Les parties de preuvesqui sont prouvées et celles qui restent à prouver ont été précisées. Il a aussi été mis auclair, les stratégies menées par les étudiants, des précisions sont données particulièrementsur le raisonnement par récurrence.

3.3 - 3.3 - Résultats de Résultats de l’expérimentationl’expérimentation

Globalement sur le plan du changement de registre, la troisième expérimentation a permisd’amener les étudiants à passer du registre du continu de la géométrie euclidienne, auregistre du discret. Chacun des groupes a débuté la résolution par une méthoded’estimation de l’aire (S_es-dén) puis l’a prolongé sur la rechercher d’une relation entrel’aire et les points de la grille. Bien entendu, le temps mis pour faire ce pont est différentselon les groupes. Par exemple, le Groupe 3 a été très rapide (dès le début de la premièreséance) alors que le Groupe 1 n’est passé au discret qu’à la fin de la seconde séance.

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Concernant l’activité de recherche, elle est mise en œuvre durant les deux séances et parchacun des groupes. On retrouve des essais, des expérimentations sur des cas particuliers,des transformations et reconstitutions de figures. Deux groupes ont d’ailleurs pu aboutir àla découverte de la formule de Pick.

Par rapport aux savoirs notionnels identifiés dans l’étude mathématique, nous avons trouvéqu’ils sont presque tous mobilisés ou évoqués : polygone (définition, intérieur, bord),formules classiques de calcul d’aire de figures géométriques, le théorème de Pythagore,Théorème de Bolyai, la triangulation, les nombres premiers entre eux.Par rapport aux savoirs transversaux, les essais, l’exhibition de contre-exemple, desformulations de conjectures apparaissent clairement. Toutefois nous ne sommes pasparvenu à faire rédiger des preuves. Les étudiants ont tout de même découvert des schémasde preuves (notamment la récurrence). Le principal obstacle que nous avons observé est latriangulation d’un polygone. Elle est évoquée par les étudiants sous différentes formes.Mais aucun groupe ne parvient à la justifier.

Quand au modèle SiRC, nous trouvons qu’elle est tout à fait pertinente pour effectuer cetteétude.Par ailleurs, même si cela n’est pas précisé dans nos hypothèses de recherche, lesinterventions de l’observateur lors de la conduite de l’expérimentation sont apparuesdéterminantes. Elles ont permis à chaque fois d’inciter les étudiants à approfondir leurspistes de résolutions et à trouver des arguments de validation ou d’invalidation.

VII.4 - VII.4 - CCONCLUSIONONCLUSION

L’analyse mathématique du problème a permis d’identifier que la résolution permet deconvoquer de nombreux savoirs notionnels, à des niveaux de connaissances différents. Onpeut rappeler entre autres, des notions sur le polygone (définition, intérieur, bord), desformules « habituelles » de calcul d’aire de figures géométriques, le théorème dePythagore, le théorème de Bolyai, la triangulation, le théorème de Bézout. Des savoirstransversaux aussi peuvent être mobilisés : expérimenter, faire des essais, étudier un casparticulier, décomposer et restructurer une figure, faire une conjecture, utiliser des types ououtils de preuve. L’expérimentation a montré que ses savoirs (notionnels et transversaux)sont presque tous mobilisés ou évoqués. En plus de l’utilisation des théorèmes et propriétéci-dessus cités, tout au long de l’expérimentation, il y a eu des essais, étude de casparticuliers, des décompositions et restructurations de figures, des formulations deconjectures, utilisation de types ou outils de preuve.

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Les valeurs de variables de recherche ont été choisi pour inciter à une activité de rechercheet de passer du registre du continu de la géométrie euclidienne à celui du plan discret.L’expérimentation a montré que la situation est bien efficace pour mener une activité derecherche et qu’elle permet le passage du registre continu au discret. En effet, pour entrerdans le problème, diverses stratégies sont apparues. Cela nous semble lier au fait qu’il aété demandé de « trouver une méthode simple » et non « de trouver une formule ». Larésolution s’est finalement centrée sur la recherche de stratégies liées aux points de lagrille. Pour ce passage au registre discret, la demande explicite d’utiliser les points de lagrille a été déterminante, au regard de la prégnance du continu préalablement identifié (enréférence aux pré-expérimentations).

Le modèle SiRC a été privilégié pour mener l’étude. L’expérimentation montre que cechoix est tout à fait pertinent. Le problème est bien apparu « ouvert » (les étudiants neconnaissaient pas le théorème de Pick). Les stratégies initiales n’ont pas permis derépondre à la question posée. Cela a conduit d’abord au développement de différentsregistres (continu, discret). Puis à la recherche de propriétés qui lient les points entiers dela grille et l’aire du polygone. Les essais ont permis de construire de solutions partielles(cas des figures particulières), de formuler des conjectures et de donner des éléments depreuves. Il faut noter que tout ce travail ne pouvaient être mené dans les conditions d’uneséance de durée limitée (habituellement).

Du point de vue du concept d’aire de polygone, l’étude a permis de construire une autrefaçon d’étudier l’aire. Le calcul d’aire est habituellement réduit à l’application de formulesusuelles (par les longueurs des figures). L’expérimentation a permis à des étudiants des’interroger sur « qu’est-ce que l’aire d’un polygone ? »

L’expérimentation montre aussi que la situation est intéressante pour aborder la preuve etle raisonnement en mathématique. La récurrence a été identifiée par exemple comme étantun moyen de preuve de la formule de Pick. Mais les hypothèses permettant d’amorcer larédaction de la preuve n’ont pu être formulées par les étudiants. Ce blocage peut être lié àl’absence de ce type de situation dans la pratique de la preuve par récurrence dans lesenseignements. Il faut dire que, habituellement la récurrence s’applique à des situations oùla propriété à démontrer est déjà établie ou donnée dans le problème.

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CCONCLUSIONONCLUSION ETET PERSPECTIVESPERSPECTIVES

Cette thèse étudie la problématique de changement de registres dans l’enseignement desmathématiques. Notre intérêt pour ce thème est lié à une motivation professionnelle. Nouscherchons des éléments épistémologiques et didactiques qui pourraient avoir un apportpour l’enseignement de l’arithmétique ou enrichir les ressources.

Pour mener cet étude, nous avons commencé par une étude épistémologique qui a montréqu’il existe de liens forts entre l’arithmétique et la géométrie. Nous avons choisispécifiquement, d’étudier les interactions entre ces deux domaines à travers les registresdu continu et du discret.

Cette thèse montre, en particulier, que les situations adidactiques / didactiques« classiques » ne permettent pas de mettre en œuvre de telles interactions. D’ailleurs lestravaux didactiques antérieurs n’abordent pas ces questions de changement de registresconcernant l’arithmétique et la géométrie. Ce travail est donc une contribution innovanteen didactique des mathématiques sur cette problématique.

Nous avons montré, qu’il y a une forte prégnance du continu dans les conceptions desétudiants et même une résistance à considérer le discret. Nos expérimentations ont étéréalisées auprès d’étudiants de Licence mathématiques et de formateurs en France et auMali.

Sans doute les choix d’enseignement que l’on a identifié dans les manuels et lesprogrammes (France et Mali), sont l’une des causes de ces conceptions. De plus, dansl’enseignement supérieur, l’arithmétique est peu présente et la géométrie quasimentabsente.

Une des raisons de la résistance du passage au discret est que les questions d’arithmétiquene sont considérées que dans des exercices sur les entiers. L’essentiel des contenus et lestypes de tâche proposés concerne le calcul numérique.

Notre première ingénierie aborde l’étude des points entiers d’une droite du plan. Elle a misen évidence l’obstacle à reconnaître une caractérisation géométrique des solutions del’équation de Bézout (existence et exhaustivité).

Cela montre, que pour franchir cet obstacle de changement de registres, il est nécessaire deproposer un type de situation plus « ouverte » et concernant un problème mathématiqueépistémologiquement consistant. Ce type de situation nécessite d’être proposée dans uncontexte adidactique sur une durée « longue », ce qui permet, aussi, d’aborder des aspectsliés à l’activité de recherche (modélisation, expérimentation, conjecture, preuve...).

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Dans cette thèse, nous avons étudié la possibilité de faire la dévolution d’un changementde registre continu/discret et arithmétique/géométrie dans le cadre du modèle « SituationRecherche pour la Classe ». C’est un des objectifs de notre seconde ingénierie portant surl’aire de polygones à sommets entiers (en référence au théorème de Pick).

Deux pré-expérimentations ont permis de cerner les conditions de prise en compte duregistre discret pour une question relevant de la géométrie. Nous avons ensuite construitune dernière expérimentation en tenant compte de ces conditions.

L’analyse didactique de la situation sur Pick nous permet d’affirmer que, d’une part, lemodèle SiRC est adapté à l’ingénierie de situations de changement de registres. D’autrepart, elle montre aussi que l’arithmétique et la géométrie sont des domaines mathématiquespertinents pour les interactions de registre et le travail sur la preuve et le raisonnement.

Parmi les conditions pour une bonne dévolution des changements de registre, la « nature dela question » joue un rôle essentiel. Nous avons choisi dans l’ingénierie sur le problème dePick (en référence au problème sur l’aire et les points d’un polygone) de demander dechercher une « méthode » ou une « formule » sans préciser les variables et les registresconcernés.

Notre expérimentation a montré que ce type de question a permis le développement denombreuses stratégies identifiées dans l’analyse mathématique du problème.

Une des perspectives à cours terme de notre thèse serait de modifier la première ingénieriesur « les points entiers sur une droite » en tenant compte aussi de ces conditions.Autrement dit étudier ce problème dans le modèle SiRC. On pourrait donner par exemple,comme variable de recherche, la nature de la droite (aucun point entier, exactement unpoint entier ou une infinité dénombrable de points entiers).

Une des perspectives à long terme serait d’identifier des questions qui permettent detravailler sur l’activité de recherche en mathématique et la représentation de ce que c’estque « faire des mathématiques ». Une telle recherche permettrait de comprendre le rôle desquestions « ouvertes » dans le modèle SiRC. Nous avons déjà repéré que, une question dutype « chercher une méthode » ou « une formule » présente des similitudes avec lessituations de définition développées dans la thèse de Ouvrier-Buffet (Ouvrier-Buffet, 2003).

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Page 113: Entre arithmétique et géométrie discrète, une étude

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AANNEXESNNEXES

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Description détaillée de l’expérimentation de la situation 2

(la formule de Pick)

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Groupe 1Les étudiants seront désignés par E1, E2 et E3 et le polygone distribué pour les recherchessera nommé P dans la suite du texte.

Dans un premier temps les étudiants essaient de retrouver un exercice sur lequel ils onttravaillé qui apparemment liait le produit scalaire et l’aire d’une figure.L’un d’eux décide de définir un polygone vert inclus dans P, qui est composé d’une réunionde carrés strictement inclus P. Puis définit un polygone rouge qui est le plus petit contenant P,et étant une réunion de carrés.

Voici l’illustration pour expliquer ce qui a été fait :

Figure 2

Ce dessin ne leurs donne aucune information sur le lien entre point intérieur, point extérieur,point du bord et l’aire de la figure. Ils abandonnent rapidement celui-ci pour retrouver leursformules sur le produit scalaire.Le chercheur intervient et pose quelques questions pour savoir quelles sont les informationsque ce dessin peut apporter pour leurs recherches, et est ce qu’ils sont finalement sûr qu’on nepeut rien en tirer ?

E2 « si par exemple on veut l’aire d’un triangle, ‘fin si le polygone c’est un triangle donc sion décide que c’est un truc comme ça, ben l’aire rouge sera zéro et l’aire verte ce sera lerectangle. » Chercheur « Donc ? »

E2 « Donc ça donne pas vraiment d’information, pour.. » Chercheur « Ah bon ? »

E2 « ‘fin ça majore déjà mais… » Chercheur « Oui mais est-ce que tu peux me dessiner, je sais pas moi, un polygone tel quec’est 18 fois ton aire verte et 18 fois l’air de ton polygone, 18 fois ou un nombre quelconquede fois parce que là ce que tu me dis c’est en gros la moitié. Tu peux me dire « je suis à lamoitié de l’optimum » »

E2 « Oui »

Figure 3

Chercheur « j’ai quand même cette approche. Est-ce que c’est toujours vrai ? je dis pas quec’est toujours vrai hein, mais est-ce que c’est toujours vrai. Sinon… Par contre ce que çamontre c’est qu’effectivement le rouge, il est arbitrairement mauvais parce que là il vaut 0 » E2 « Oui oui voilà »

Chercheur « Donc ce que ça montre, que le rouge… effectivement ce dessin la, que le rougepeut être arbitrairement mauvais mais montre pas que le vert… »

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E2 « Oui je vois je vois »Cette discussion les amène à remarquer que l’aire du polygone étudié est égale au maximum àl’aire du polygone rouge dans la figure 1, et au moins égale à l’aire du polygone vert. Lanotion de « au plus » et « au moins » est évoqué rapidement. L’un d’eux décide de s’intéresseruniquement aux points intérieurs. Il partage l’idée suivante :

E1 « si je prends des points… un nuage de point quelconque, et je considère une figure quin’a que ces points en coordonnées à l’intérieur.. à coordonnées entières à l’intérieur je pensequ’elle est unique. Je pense pas que tu puisses en avoir deux. Si tu as unicité de la figure, tu asunicité de l’aire » E2 « C’est-à-dire par exemple ces points rouge là y a que… »

E1 « Y a que cette figure qui peut les contenir »E2 « tu comptes ceux qui sont à la frontière ? Ils sont dedans ou dehors ? »

E1 « moi je les considères pas en fait. Je considère que les points intérieurs. J’ai pasl’impression que je puisse construire d’autres… » E2 « si par exemple si tu prends ce point-là. Si ce truc là tu le places ici. »

Figure 4

E1 « J’aurai pas un nouveau point intérieur » E2 « Tu auras des nouveaux points sur la frontière »

E1 « Ah non tu as peut-être pas unicité » E2 « je sais pas »

E1 « oui, j’ai un doute »E2 « si tu comptes les points qu’il y a sur la frontière, il y a pas unicité »

E1 « si tu prends deux figures qui ont les mêmes points intérieur alors elles ont la même aire.»E2 « Pourquoi il y aurait ça ? »

E1 « ah ça m’apparaît… Si tu essaies de faire des dessins, deux figures qui ont les mêmespoints intérieurs et qui ont pas la même aire. Déjà faire des figures qui ont que les mêmespoints intérieurs et qui se ressemble pas c’est compliqué, et je pense qu’elles ont la mêmeaire.Après plusieurs essais pour trouver un contre-exemple à cette idée un étudiant propose cedessin, qui montre que le nombre de points intérieur est bien identique sur les deux polygones(celui de base, et le deuxième auquel on a ajouté l’air bleu) :

Figure 5

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A la suite de cette démonstration, ils décident de s’intéresser uniquement aux points intérieursdans le cadre des triangles. Mais le cas du triangle d’aire 1/2 leur pose toujours problème caril n’a pas de point intérieur. L’un d’eux leurs suggère de considérer qu’un polygone contientau moins un point intérieur.E2 « Si tu prends un triangle rectangle qui fait ça et un carré qui fait ça »

Désigne le carré unité de la grille et le triangle rectangle d’aire 1/2 E1 « Oui mais ils ont pas la même aire »

E2 « Peut-être qu’il faut considérer la frontière » E1 « Oui ou considérer qu’il y a au moins un point intérieur »

Cela remet donc en cause pour eux l’intérêt des points intérieurs. Plutôt que de chercher unlien entre ces points et l’aire de la figure, ils décident de partir sur la triangulation, qui leurspermettrait à partir du polygone proposé de se ramener à un ensemble de triangle « plussimple » à étudier. Plusieurs manières de trianguler sont alors étudiées :La première consiste à découper la figure en triangles quelconques et de sommer toutes leursaires, après quelques essaies ils pensent que le choix des triangles risque d’avoir desconséquences sur les calculs. C’est pourquoi ils cherchent à mettre en place une autreméthode qui ne dépendrait selon eux pas du choix de ces triangles.

E1 « Tu te ramènes à une découpe où tu as pas de choix à faire, parce que là on est obligé defaire des choix, et comme ça t’as des triangles déterminés. Tu prends un point random dans lafigure pour avoir des triangles déterminés. Et ensuite bah après à savoir déterminer l’aire d’untriangle dans un quadrillage en fonction d’à priori... ça ça va, en théorie on sait faire… »

Figure 6 Figure 7

Cette seconde méthode consiste à rendre le polygone P convexe en lui ajoutant des triangles.(figure 6) Ils considèrent cela toujours réalisable car ils l’ont vue en cours bien qu’il faudraitle démontrer. Ensuite il faut calculer l’aire α de ce nouveau polygone. Ils choisissent un pointintérieur (celui qu’on veut) et le relient à tous les sommets ce qui leurs permet de trianguler lafigure « simplement » (figure 7) et d’ensuite sommer les aires de tous ces triangles. Puis ilreste à soustraire à cette aire α, l’aire des triangles que l’on a ajouté pour construire cepolygone convexe.Ils s’aperçoivent que le problème revient au même que le précédent et c’est à dire sommer desaires de triangles sans s’intéresser aux points.

Une question se pose alors sur le choix du découpage de la figure. Au lieu de choisir destriangles quelconques, pourquoi ne pas choisir une figure, la plus petite possible dont onpourra déterminer « simplement » l’aire et qui pave tout polygone du plan. Ils excluentrapidement les carrés pour paver n’importe quel polygone, et choisissent finalement lestriangles rectangles d’aire 1/2. Mais il leurs parait difficile de paver tout polygone avecuniquement des triangles rectangles. Leurs recherches se terminent sur la recherche d’uneautre figure qui puisse paver n’importe quel polygone et l’un d’eux propose « un quart decarré».----→ début Séance 2

Cette séance dure 30 minutes de recherche. L’étudiant E1 de la séance précédente n’est pasprésent, mais un étudiant n’ayant pas suivis les recherches la fois dernière rejoint le groupe. Ilsera désigné dans la suite comme l’étudiant E4.

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Les étudiants ne repartent pas sur leurs recherches établies la fois précédente. Tout de suitel’un d’eux propose de remarquer cela :E2 « tous les cotés sont la diagonale d’un rectangle »

Figure 8

Avec cette observation il est plus simple pour eux de calculer l’aire du triangle qui est l’intérieur du polygone. Cependant en continuant leurs recherches sur tous les côtés du polygone, ils remarquent que certains rectangles « se chevauchent ».

Figure 9E4 « On utilise les formes, on utilise pas les points, le nombre de point…Ah ! euh..»

E2 « Ouais ? … T’avais l’air d’avoir une idée fulgurante ! » E4 « Ouais mais elle est partie aussi vite »

E2« Parce qu’on avait déjà fait des trucs avec des points intérieurs, je vois pas trop trop.. » E2 « Mais c’est quoi ton idée vas y ? »

E4 « C’était de voir si on pouvait calculer une aire avec juste les points.. en comptant lenombre de point » E2 « Ouais je sais pas »

E4 « Donc la on arrive.. L’aire de ce machin c’est 6, donc c’est 8-2 » E2 « Après ouais le truc c’est que tu peux toujours faire des figures et des triangles avec 0point intérieur… ah, ou que 3 points intérieurs si tu comptes les côtés. Tu pourras toujours enfaire comme ça »

A partir de cette dernière phrase de l’étudiant E4, ils se mettent à essayer de trouver unerelation sur les figures suivantes :

Figure 10Ils observent les relation suivantes pour chacun de ces triangles : Le premier nombre étant à chaque fois le nombre de point du bord.

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Aire de A = (8-2)/2 Aire de B = (6-2)/2 Aire de C = (5-2)/2 Aire de D = (3-2)/2

-------------Fin de la séance------------

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Groupe 2Les étudiants sont désignés par R, S, T.

R « on va hachurer les carrés strictement contenus dans le polygone. Ensuite, on s’intéresseau bord, si on peut reconstituer les carrés ou pas ». Les deux autres consentent.

R « on peut dire que les carrés pleins sont d’aire 1. » S « oui c’est ça, pour tous les carrés intégralement contenus »

Les étudiants hachurent chacun sur leur fiche « Exemple de polygone », les carrés identifiéscomme strictement contenus dans le polygone. Mais aucun ne dénombre ces carrés.R continue son explication. Il montre sur sa fiche, des carrés sur un bord dont la somme desaires (selon lui) est égale à 1.

R « J’ai l’impression que cet aire là, si tu la complète avec celle - ci tu obtiens 1. Celui-là etcelui - là aussi font un. Les deux autres…. Ha non il en manque une! C’est pas gagné. Cen’est peut être pas vrai ! ».T « pourtant, je trouve que celui-là et celui-là ce complète ». Tout en indiquant des portionsde carrés.

S n’est pas convaincu par la méthode de R, pour ce qui concerne le calcul de l’aire desportions de carrés des bords. Il propose de faire des rectangles sur les bords et de calculerl’aire à partir des formules.R « ce que tu proposes va être trop long ! Si on trouve un moyen de retrouver les parties quise complètent en 1, cela serait beaucoup plus simple »

Ils poursuivent donc sur la proposition de R. Ils trouvent finalement que les portions de carrésdu bord ne se complètent pas toujours pour donner une valeur entière. Ils se lancent alors à larecherche de conditions pour lesquelles les portions de carrés se complètent pour un bord.En faisant des calculs sur quelques cas, ils font l’observation suivante :

« Si le coté du polygone est la diagonale d’un rectangle (impair*impair) alors la somme desaires de portions de carrés est un entier+1/2. Sinon l’aire est égale un entier ». L’étudiant R rajoute qu’ils ne savent pas pour le moment si cela peut être généralisé ou pas.

Il formule alors cette conjecture : « L’aire des portions de carrés du bord est soit un entier, soitun entier + 1/2 ».On vient faire 26 minutes depuis le début. Les étudiants ne font toujours aucune référence auxpoints de la grille.

Le chercheur intervient alors pour une faire une relance.Chercheur « Ce que vous avez fait jusqu’à présent est intéressant mais selon l’énoncé duproblème, on voudrait savoir s’il y a une relation entre l’aire du polygone et les points de lagrille »

Les étudiants semble avoir oublié les consignes du début de la séance.L’un demande : « qu’est ce qu’on nous donne au départ pour faire ce calcul ? Lescoordonnées des sommets ? »

Chercheur « tout ce qu’on a c’est que le polygone est sur une grille carrée régulière. Nouspouvons tout simplement déduire de cela qu’il y a des points de la grille qui sont intérieurs aupolygone, des points extérieurs au polygone ou sur ses bords »R « Avec ces histoires de points intérieurs et tout ça, je ne vois pas trop où est ce que ça peutnous amener »

Ils commencent alors à construire des polygones sur la grille et à marquer des points. R « je trouve que si on construit un polygone sur la grille, il y a des points intérieurs,extérieurs et sur la frontière » ;

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(Après un moment d’observation sur leurs fiches, R indique que les points extérieurs nedoivent pas intervenir pour déterminer l’aire.) S « je trouve que si on devait chercher une majoration ou une minoration de l’aire, les pointspeuvent nous aider. »

R « oui, je pense que pour une minoration de l’aire, les points intérieurs correspondent auxcarrés que nous avons coloriés à l’intérieur. Mais après pour trouver l’aire exacte... Leproblème me fait penser à du carrelage ».T « je ne comprends pas trop l’histoire de point extérieurs... »

S « et si on faisait une figure régulière et on essaye de s’intéresser aux points intérieurs si çanous donne une information sur son aire. Par exemple si on prend ce triangle, on peut regarderles points intérieurs et sur les cotés. Puis on calcule l’aire »R et T, consentent à explorer cette piste.

C’est le tournant de leur résolution. Nous sommes à 35min depuis le début de la séance. Ils commencent alors à construire des figures familières (triangles, carré, parallélogramme)sur la fiche « grille » et à marquer les points intérieurs, les points du bord.

R « construit un parallélogramme et essaye de faire un lien avec un cours d’algèbre. » Il s’en suit alors une exploration par les étudiants de différent cas sur le triangle:

- Triangle sans point intérieur et 3 points au bord (sommets) ;- Triangle sans point intérieur et 4 points au bord ;

- Triangle sans point intérieur et 5 points au bord ;- Triangle avec 3 points au bord, 1 point intérieur ;

- Triangle avec 3 points au bord, 2 points intérieurs.Ils en ont déduit les observations suivantes pour le triangle :

C1. « Un triangle sans point intérieur et qui n’a que ses sommets sur la grille, a pour aire 1/2 »C2. « Dans un triangle, si le nombre de point intérieur est fixé, en augmentant le nombre depoint du bord de 1, l’aire du triangle augmente de 1/2

C3. « Dans un triangle, si le nombre de point du bord est fixé, en augmentant le nombre depoint intérieur de 1, l’aire du triangle augmente de 1.Chercheur « Pensez-vous que votre observation (C1) est vraie pour tous les triangles decette forme sur la grille ?

Il leur propose un cas de triangle (sans point intérieur ) très aplatit. En leur demandant detrouver l’aire. R trouve trouve 1/2 comme solution en reconfigurant le triangle. Chercheur « Comment construisez-vous donc ce type de triangle ? Autrement commentconstruire un segment qui n’a que ses sommets sur la grille ?

Après un moment de recherche,S propose : « je trouve qu’il faut que le segment corresponde à la diagonale d’un rectangledont les cotés sont premiers entre eux. »

La séance 1 s’arrête sur la recherche de preuve de l’observation C1----------→ début séance 2

L’étudiant T est absentChercheur « est ce que vous vous rappeler de ce que vous avez fait la séance dernière ? »

R « oui, on voulait trouver une relation. En fait, on essayait de la conjecturer. Quand on a unefigure, notamment le triangle, il y a une relation entre le nombre de points intérieurs, lenombre de points au bord, avec l’aire. Donc, ce qu’on disait, sait que, à point intérieur fixé,lorsqu’on augmente le nombre de points au bord de 1, ça faisait 1/2 de plus pour l’aire etlorsqu’on augmentait le nombre de points intérieurs de 1, ça augmentait l’aire de 1. »

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Chercheur « je pense que vous avez trouvé aussi quelque chose sur l’aire d’un triangleparticulier. »R « oui, on avait trouver que lorsqu’on a un triangle qui n’a que ses trois sommets sur lagrille, son aire fait 1/2. On l’a fait sur plusieurs cas, l’aire faisait toujours 1/2. Et on voulaitmontrer que cela est vrai tout le temps ! »

Chercheur « vous avez effectivement fait sur plusieurs cas. On vous avait d’ailleurs donnéaussi le cas d’un triangle très aplati. »R « oui, j’avais trouvé que l’aire fait 1/2 pour ce cas aussi. Du coup, ça l’air d’être vrai tout letemps. Enfin, il faudrait qu’on arrive à le démontrer donc ! »

Chercheur « ce qu’on vous demande durant ces 20mn, c’est de rassembler vos résultats de laséance dernière ou d’approfondir l’exploration d’une piste de solution. »R « on se disait que sur ça (cas du triangle d’aire 1/2), on a pas trop d’idée sur comment leprouver. Du coup, on s’est dit qu’on allait le laisser à part et essayer de revenir à la figure etde trouver, de relier cette histoire de points intérieurs, points au bord avec (vraiment) pas quepour un triangle mais avec l’aire d’une figure quelconque pour essayer d’aller jusqu’au bout.Alors, on aura pas prouver ce qu’on dit. Enfin, ça à l’air d’être vrai. Il reste à le prouver maisau moins on serait allé jusqu’au bout pour arriver à un résultat concret, même si on a pas lapreuve. Afin qu’on ait quelque chose à présenter. »

Chercheur « d’accord. »S « l’idée ça sera donc de compter pour les triangles (qui restent), les points intérieurs, lespoints au bord ? »

R « ça voudrait dire par exemple, qu’il faudrait qu’on arrive à le trianguler, à transformer lafigure qu’en des triangles comme ça, tu vois. »(Il commence la triangulation de la figure).

S « je pensais qu’on allait prendre une figure centrale au maximum et on ne laisse que destriangles. »R « en fait, on doit trouver une relation, en enlevant pas les carrés pleins, mais juste encomptant tous les points à l’intérieur de la figure. Et je pense que ça doit revenir à la mêmechose. Tu vois, si tu fais des triangles commence ça. »

(Il construit un triangle à partir des sommets de la figure donnée).S « ha d’accord ! Les sommets des triangles correspondent à des sommets de la figure ? Etcarrément, on a que des triangles. »

R « oui. Du coup, comme on peut l’appliquer ici et ici, on aura l’aire de tout ça. »(Il montre à S deux triangles qu’il vient de construire.)

Figure 1. Deux premiers triangles construits

R : par exemple, pour ce triangle, on a deux points intérieurs et 3 points au bord. Cela veutdire qu’on a une aire de 2+1/2 c’est à dire 5/2. (Cf. Figure 1 – triangle du haut)

S : c’est vrai ça ?

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R : oui. Deux points intérieurs ça fait 2 unités et 3 points au bord (c’est le minimum). Donc çafait 5/2.

(Il essaye d’appliquer la même méthode sur un autre triangle )

R : là, on a 6 à l’intérieur et 3 à l’extérieur, donc 6+1/2. C’est à dire 13/2 (l’aire totale). Du coup l’aire de cette partie là (il montre la partie qui regroupe les deux triangles). Elle fait5/2+13/2=9.

Mais si au lieu de séparer ça (il montre la partie qui regroupe les deux triangles – Figure 1).On dit (il compte les points) 8 points à l’intérieur, 4 points au bord. Du coup, on a bien l’aire :8+1/2 (pour 3 points bord)+1/2 (1 point au bord ajouter), ce qui donne 8.S suit attentivement les explications.

R « du coup, je pense que pour toute la figure, il suffit de compter tous les points intérieurs etles points au bord. Là, je pense qu’on va trouver une petite formule sympa, je pense. »Ça pourrait être : si on appelle b le nombre de points au bord et pour l’intérieur i.

(Il commence à poser un formule.) S « Donc rien que pour un triangle, on a la formule de l’aire, en fonction des points intérieurset des points au bord ? »

R « oui. On avait, un point intérieur, il vaut 1. C’est à dire à chaque fois que tu ajoutes unpoint à l’intérieur, tu ajoutes 1 à l’aire. Et pour les points au bord, on commence à 3. »S « donc ça fait : i+(b-3)*1/2. Mais il faudrait ajouter 1/2 puisque l’aire de départ fait 1/2. »

Ils notent sur leur copie : A(b, i) = i+(b-3)*1/2+1/2 = i+b/2 – 1R « cette formule s’applique à un triangle, mais pour un carré ou n’importe quel quadrilatèretu peux l’appliquer. Et même pour la figure qu’on a. »

S ne semble pas très convaincu. S « vérifions pour des cas. »

R « par exemple, si on prend ce quadrilatère (il le construit sur la grille un quadrilatère avecb=5, i=11). (cf. Figure 2)

Figure 2. Polygone (b=5,i=11)

Ils se partagent les calculs. E1 calcule l’aire de façon « classique » et E2 applique la formulequ’ils viennent de trouver. Ils obtiennent le même résultat : 25/2.R « cette formule qui est vraie pour un triangle, est vraie pour n’importe quelle figure parlinéarité, en recollant, en additionnant en fait. Par exemple, cette figure là, on peut la diviseren des triangles. »

Il commence la triangulation de la figure, mais il est bloqué après la construction de quelquessegments.Chercheur « mais est ce que cela sera toujours possible ? »

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R « ah ! Bonne question ! »Il parvient finalement à trianguler la figure. Il essaye alors de trouver une justification.

R « étant donné une figure avec un certain nombre de sommets, ça me paraît assez naturelqu’on parvienne, qu’on puisse le faire. Mais je ne sais pas si c’est vrai ! »Chercheur « vous pouvez me résumer votre idée ? »

S « notre idée, c’est que si la formule marche pour un triangle et que n’importe quelquadrilatère est triangulable. On pourrait extrapoler la formule à n’importe quel quadrilatèrequi serait triangulable. »R « en tout cas, je pense que cette formule est vraie. »

S « mais après, est ce que tout quadrilatère est triangulable ? » R « je pense que c’est oui. Pour un triangle c’est simple. Pour un quadrilatère, il suffit derelier les points opposés. Pour un hexagone, je ne sais pas. Est ce que s’il n’est pas régulier çamarche ? »

Il construit un hexagone, puis un premier triangle (intérieur à l’hexagone).R « peut être que ça se fait avec une espèce de récurrence. Parce que là, on a fait un premiertriangle. Et là, on se retrouve avec le cas d’un quadrilatère qu’on a traité juste avant. »

S « mais avec ça, il faudrait qu’on le fasse avec toutes les formes géométriques possibles! »R « oui c’est vrai. Mais je pense qu’il suffit d’un ensemble de sommets, juste avec lessommets. On ne pourra pas le faire avec les coordonnées. Mais par exemple, si on a unpolygone à 5 sommets, on peut relier forcement 3 d’entre eux. »

Ils se mettent à construire des cas. S « mais en fait, comment se fait que la formule soit linéaire ? Parce que si tu comptes lespoints intérieurs ça va, mais pour ces points au bord, on les compte pour ce triangle et pour cetriangle. »

R « ah oui ! »S « donc pour un point au bord, il sera compter plusieurs fois. Mais pourquoi ça marche ? Ona bien le même résultat. Mais c’est un peu bizarre non ?

R « pour autant, on trouve la même chose ! Ah, ce n’est pas trivial que ça soit linéaire ! »S « oui c’est ça. »

S (au chercheur) : qu’est ce que vous pensez de ça ?Chercheur « je suis observateur ! »

R « peut être que le cas qu’on a choisi est particulier. »S « oui c’est possible. »

R « choisissons un autre. Si c’est vraie pour ce cas, on aura deux cas. On pourrait dire quec’est vraie peut être. On le fait pour être sûr au moins que la formule marche. Ils se lancent alors à vérifier leur formule sur un second polynôme : A(b=6, i=6)=15/2.

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Figure 2. Polygone (b=6, i=6)

En conclusion, ils trouvent que la formule marche sur ce cas aussi.

--------------Fin de la séance 2------------

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Groupe 3Ils sont trois dans ce groupe. Les étudiants sont désignés A, B, C.

i = points intérieurs et b = point du bord.B : on connaît l’aire d’un carré.

A : y a des points intérieurs, extérieurs, bords. Il faut prendre des cas simples.B : l’aire d’un triangle, on connaît. Ils ne veulent pas qu’on fasse ça.

C : prendre les carrés entiers.B : le grand carré est un bonne majoration.

A trace un tableau avec : nombre de points intérieur – extérieur – bord – aire C n’a pas compris « intérieur »

A dessine

B dessine un carré unité : A dessine un triangle rectangle et calcul : 1*2/2

B : si on prend le rectangle :

A observe les données du tableauB : si on te donne le nombre de point …. toujours 0 à l’intérieur..

A : 1ère supposition : b/2-1. Il vérifie la formule sur les 4 exemples.B : pour ne pas avoir de points intérieurs

A à B : infinité de points intérieursChercheur : et en travers ?

A : dessine b=1, i=1 (fig.5). Il fait un 2è tableau.

A : fig 6. Veut même nombre de points aux bord mais intérieur différent de 1 (b=4, i=4)

A : j’avais tendance à dire que aire=5B et C : vérifie, oui c’est bon

A : remplit le tableau. Oublions les points du bord. 4/2-1+4=5A : hypothèse b/2+i-1 ?

B : oui

A : maintenant essayer avec , , ,pas particulier

(Ils reviennent sur le polygone exemple donné)

A : trace un

C : dessine un triangle rectangle ?

B : pas obligé il est isocèle

A : numérote les figuresB : fig7 a, i=4, b=8, → 9 ça marche !

C : fig8 en travers

B : (base *hauteur)/2.. Rires !

C : compte b=6

A : prend un feutre vert et partitionne en

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B : passe par hauteurA : tu veux faire base*hauteur toi ?

A et B compteC : on peut calculer ? Il y a un problème, la formule donne 6, nous on trouve 5.

A : c’est exacte à la formule ? Puis il hachure un des petits triangles intérieurs pour l’étudier.A, B, C, essaient de calculer les # aires

A : preuve que l’aire de la flèche, ça fait unC : C’est pareil que ça. Pour lui la formule elle marche.

A : truc hyper-mocheIls sont très sûr de leur « conjecture 1 »

A : prouver ?(Ils reviennent sur l’exemple proposé)

A colorie tous les carrés entiers à l’intérieurC vérifie - en fait rajoute un – hésite sur un qui est un peu coupé

B compte 22 carrésB et C comptent les points, les colorient pour mieux les voir

Pour les points frontières :C : compte les points frontières : b=23

A et B vérifientPour le points intérieurs :

B fait un petit rondC colorie

A : compte de manière ordonnée sur chaque ligne. i=36C : je pense qu’on peur recompter

(A a fait un cours sur les graphes à Genève)B et C recompte les points intérieurs, en trouve 36.

A : aire=46,5. Au vue de nez, ça a l’air juste. Ça va être horrible.

A demande une nouvelle feuille exemple et fait une partition différente en faciles

→ 6, 3/2B : j’aurais fait qu’avec des bords

A : pas grave, mais c’est un bord.A : (le 4° triangle) : ça va être horrible

Abandon sur le 5° triangle, trop compliquéA : il vaut mieux prouver directement.

Chercheur : d’où viennent les formules conjecturées en particulier « -1 ».A : trace une nouvelle figure plus simple

montrer que la triangulation n’affecte pas notre formule.C : problème. Les points intérieurs, ils sont plus intérieurs,..

point intérieurs jamais comptés.A explique, les points bords comptés 2 fois mais comme divisé par 2 (ok?)

A : si point au bord, il reste au bordB : oui, mais de 2 triangles

A : donc ah oui va compter deux fois ?A fait un rectangle et la diagonale

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On regarde la formuleA dessine un polygone, effectue un découpage hyper-compliqué

C, B comptent → ça marche : 8/2+1-1=4A : 4 points au bords. Aire=4/2+0-1=1

B : maintenant, il faut la montrer la formule.C dessine un pentagone régulier pour voir si ça marche ?

A : est ce qu’on peut ?A et B : non !

En diagonale ça ne marche pasC dessine un pentagone pas régulier

B dessine un trapèzeA revient aux triangles

B dessine un en augmentant plus les points du bordA : un triangle son aire base*hauteur/2

C : Si on ..A fait le théorème de Pythagore quelque soit le triangle (rires?)

C redit ah c’est intéressant !A : ah quelque soit le triangle, on le découpe en de triangles rectangles

C prononce « récurrence ».. preuves un tordues

B : y a pas une récurrence à faire. Si → A : je suis chaud (?)

Montrons pour un triangle rectangle 1*n et après quelque soit la figure on découpe.B : tout triangle peut se découper en triangles rectangle 1*n.

C : sûrs de çaA, B : pas sûrs

C : on écritB : connaît que tout polygone se décompose en triangle

A : admisB : tout triangle m*n

A : montrons que la formule est invariante par rapport triangulation B : déjà ?

C : ?B : on sait que la somme des aires des triangles est égale à l’aire

A : pas évident que « tout polygone se partitionne en triangle »

pour ok, mais pour c’est pas évident.

A : dessine un triangle quelconque à sommets entiers (presque rectangle).B : on cherche l’aire ?

(ils appliquent la formule)B : b=4, i=13 donc aire=14

A : comment on va prouver

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21 n

2

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(ils reprennent les calculs)(Le Chercheur reparle de la récurrence)

A : on prouve de P(n) à P(n-1)B : pour le triangle ?

C : montrons que ça marche pour les triangles d’abord – on a gagné(Ils tentent d’écrire P(n))

C : il faut faire intervenir n dans la formule ?(rires)

On rajoute un sommet ? Un triangle ? C’est la même chose ?B : le nombre minimal de triangle ?

Chercheur : c’est quoi une triangulation ?Discussion sur définition de triangulation

---------- fin de la séance 1---------Durant la séance 2, le groupe recentre ses recherche sur la preuve par récurrence. Il n’y arrivepas.

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RésuméCette thèse étudie la problématique de changement de registres dansl’enseignement des mathématiques. Plus spécifiquement, nous avons choisid’étudier les registres de l’arithmétique et de la géométrie avec des interactionsdes domaines du continu et du discret.

Cette thèse montre, en particulier, que les situations adidactiques / didactiques« classiques » ne permettent pas de mettre en œuvre de telles interactions. Nous avons montré, de plus, qu’il y a une forte prégnance du continu dans lesconceptions des étudiants et même une résistance à considérer le discret. Nosexpérimentations ont été réalisées auprès d’étudiants de Licence mathématiqueset de formateurs.

Notre première ingénierie aborde l’étude des points entiers d’une droite du plan.Elle a mis en évidence l’obstacle à reconnaître une caractérisation géométriquedes solutions de l’équation de Bézout (existence et exhaustivité). Cela montre, que pour franchir cet obstacle de changement de registres, il estnécessaire de proposer un type de situation plus « ouverte » et concernant unproblème mathématique épistémologiquement consistant.

Dans cette thèse, nous avons étudié la possibilité de faire la dévolution d’unchangement de registre arithmétique/géométrie dans le cadre de « SituationRecherche pour la Classe ». C’est un des objectifs de notre seconde ingénierieportant sur l’aire de polygones à sommet entier (en référence au théorème dePick). Deux pré-expérimentations ont permis de cerner les conditions de prise encompte du registre discret pour une question relevant de la géométrie.

Nous avons construit une dernière expérimentation en tenant compte de cesconditions. L’analyse didactique de la situation sur Pick nous permet d’affirmer que, d’unepart, le modèle SiRC est adapté à l’ingénierie de situations de changement deregistres. D’autre part elle montre aussi que l’arithmétique et la géométrie sontdes domaines mathématiques pertinents pour les interactions de registre et letravail sur la preuve et le raisonnement.

Parmi les conditions pour une bonne dévolution des changements de registre, lanature de la question joue un rôle essentiel. Nous avons choisi dans l’ingénieriesur le problème de Pick de demander de chercher une « méthode » ou une« formule » sans préciser les variables et les registres concernés. Notre expérimentation a montré que ce type de question a permis ledéveloppement de nombreuses stratégies identifiées dans l’analysemathématique du problème.

Mots clés : didactique, arithmétique, géométrie discrète, changement de registre