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ÉMOTIONS ET DYNAMIQUE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES Boumédienne Bouriche Presses universitaires de Liège | « Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale » 2014/2 Numéro 102 | pages 195 à 232 ISSN 0777-0707 ISBN 9782875620507 DOI 10.3917/cips.102.0193 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie- sociale-2014-2-page-195.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Liège. © Presses universitaires de Liège. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses universitaires de Liège | Téléchargé le 10/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © Presses universitaires de Liège | Téléchargé le 10/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

Emotions et dynamique des representations sociales

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ÉMOTIONS ET DYNAMIQUE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES

Boumédienne Bouriche

Presses universitaires de Liège | « Les Cahiers Internationaux de PsychologieSociale »

2014/2 Numéro 102 | pages 195 à 232 ISSN 0777-0707ISBN 9782875620507DOI 10.3917/cips.102.0193

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2014-2-page-195.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Boumédienne BOURICHEDépartement G.E.A., Aix-Marseille Université, Gap, France

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Émotions et dynamique des Représentations Sociales

Le présent article propose un rapprochement théorique entre l’approche structurale des Représentations Sociales (RS) et les états affectifs. L’étude porte sur la représentation sociale du travail en équipe. S’appuyant principalement sur la Théorie du Noyau Central TNC (Abric, 1976) et considérant une représentation sociale comme un système de pré-décodage de la réalité déterminant des attentes, elle teste l’effet de l’expérience affective ressentie sur la dynamique représentationnelle. Les résultats indiquent que la valence de l’expérience affective est bien liée au niveau de conformité des attentes et qu’elle entraîne un effet de dynamique représentationnelle sur la structure de la représentation. Cet effet illustre le rôle de la signification symbolique portée par le système central dans l’attribution des états affectifs. Il met également en évidence le rôle déterminant du système périphérique dans le rapport à la réalité. Par ses fonctions de concrétisation et de régulation, la large implication de ce dernier dans la dynamique représentationnelle suite à une expérience affective constitue le signe d’une activation du processus d’ancrage. Les résultats sont discutés en référence au modèle structural et, en particulier, aux relations entre pratiques et représentations sociales sous l’angle des états affectifs.

Emotions and social representations dynamics

This research attempts to link the structural approach of social representations (SR) and affective states. Primarily based on the Central Core Theory (Abric, 1976), it considers social representation as a pre-decoding system of reality which determines expectations. From this theoretical framework, it investigates the effect on representational dynamics of emotional experience during a working group situation. The results indicate that the valence of emotional experiences is correlated to the level of compliance expectations and has an effect on the structure of the representation. This effect illustrates the role of the symbolic significance allocated by the central system on the attribution of affective states. It also highlights the role of the peripheral system in relation to reality. By its functions on concretization and regulation to social reality, the broad involvement of the peripheral system in representational dynamics following emotional experience appears clearly as an anchoring process activation. The results are discussed with reference to the structural model and in particular, the relationship between social representations and practices in terms of affective states.

Emotionen und Dynamik sozialer Repräsentation

Der vorliegende Beitrag schlägt eine theoretische Annäherung zwischen dem strukturellen Ansatz sozialer Repräsentationen und affektiven States vor. Die Studie beschäftigt sich mit der sozialen Repräsentation von Team-Arbeit. Sie stützt sich auf die „Théorie du Noyeau Central“ (TNC; Abric, 1976) und sie versteht soziale Repräsentation als ein System der Prädekodierung der Realität, das die Erwartungen bestimmt. Ausgehend von diesem theoretischen Hintergrund untersucht sie die Auswirkungen auf die Dynamik der Repräsentation affektiver Erfahrungen innerhalb von Arbeitsgruppen. Die Ergebnisse zeigen, dass die Valenz affektiver Erfahrungen eng mit dem Level der erwarteten Compliance verbunden ist und dass dies folglich eine Auswirkung der Repräsentationsdynamik auf die Struktur der Repräsentation zeigt. Dieser Effekt verdeutlicht die wichtige Rolle der symbolischen Bedeutung der vom zentralen System vermittelten Attribuierung affektiver States. Er unterstreicht ferner die Rolle des Einflusses des peripheren Systems für den Realitätsbezug. Im Hinblick auf damit einhergehende Funktionen der Konkretisierung und Regulation im Hinblick auf die soziale Wirklichkeit scheint die Bedeutung des peripheren Systems für die Dynamik der Repräsentation, die einer emotionalen Erfahrung folgt, die Aktivierung eines Verankerungsprozesses zu konstituieren. Die Ergebnisse werden im Hinblick auf das strukturelle Modell diskutiert, besonders aber auch die Beziehungen zwischen Handlungsweisen und sozialen Repräsentationen im Hinblick auf affektive States erörtert.

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Emociones y dinámicas de representaciones sociales

El presente artículo propone un acercamiento teórico entre en enfoque estructural de las representaciones sociales (RS) y los estados afectivos. El estudio trata de las representaciones sociales de trabajo en equipo. Apoyándose principalmente en la teoría del núcleo central (TNC-Abric, 1976) y considerando la representación social como n sistema de pre-codificación de la realidad determinando las expectativas, ella prueba el efecto de la experiencia afectiva experimentada, sobre la dinámica representacional. Los resultados indican que la valencia de la experiencia afectiva está relacionada al nivel de conformidad de las expectativas y que ella genera un efecto de dinámica representacional sobre la estructura de la representación. Este efecto ilustra el rol de la significación simbólica del sistema central en la atribución de los estados afectivos. Él pone igualmente en evidencia el rol determinante del sistema periférico en la relación a la realidad. Sus funciones de concretización y de regulación, la amplia implicación de esta última en la dinámica representacional luego de una experiencia afectiva, constituye la prueba de una activación del proceso de anclaje. Los resultados se discuten en referencia al modelo estructural y en particular a las relaciones entre prácticas y representaciones sociales bajo el ángulo de los estados afectivos.

As emoções e a dinâmica das representações sociais

Este trabalho apresenta uma aproximação teórica entre a abordagem estrutural das representações sociais (RS) e os estados afetivos. O estudo foca a representação social do trabalho em equipe. Com base principalmente na Teoria do Núcleo Central TNC (Abric, 1976), e considerando uma representação social como um sistema de pre-decodificação da realidade, determinando as expectativas, testa-se o efeito da experiência afetiva sentida sobre a dinâmica representacional. Os resultados indicam que a prevalência da experiência emocional está relacionada com o nível de conformidade das expectativas e suscita um efeito de dinâmica representação sobre a estrutura da representação. Este efeito mostra o papel da significação simbólica realizado pelo sistema central na atribuição dos estados afetivos. Destaca rambém o papel decisivo do sistema periférico na relação com a realidade. Pelas suas funções de realização e controle, a ampla implicação deste último na dinâmica representacional no seguimento de uma experiência emocional é o sinal de uma ativação do processo de ancoragem. Os resultados são discutidos tendo com referência aoo modelo estrutural e, em particular, às relações entre práticas e representações sociais em termos de estados afetivos.

Emozioni e dinamica delle rappresentazioni sociali

Questo articolo propone di accostare teoricamente l’approccio strutturale alle rappresentazioni sociali (RS) con gli stati affettivi. Lo studio riguarda la rappresentazione sociale del lavoro di gruppo. Lo studio riguarda la rappresentazione social del lavoro di gruppo. Poichè l’articolo si riferisce principalmente alla Teoria del Nucleo Centrale (Abric, 1976) e considera la rappresentazione sociale come un sistema di pre-codifica della realtà da cui nascono delle aspettative, sottopone a verifica l’effetto dell’esperienza affettiva vissuta in una situazione di lavoro di gruppo sulla dinamica delle rappresentazioni. I risultati indicano che effettivamente la valenza dell’esperienza affettiva si collega al livello di conformità con le attese e che la stessa valenza comporta un effetto di dinamica delle rappresentazioni sulla struttura della rappresentazione. Tale effetto mostra quale ruolo di significazione simbolica sia giocato dal sistema centrale rispetto all’attribuzione degli stati affettivi. L’effetto mette inoltre in evidenza il ruolo determinante svolto dal sistema periferico nel rapporto con la realtà. Attraverso le sue funzioni di concretizzazione e di regolazione, il sistema periferico è largamente implicato nella dinamica rappresentazionale che fa seguito a un’attivazione emozionale. Quest’implicazione è il segno di un’attivazione del processo di ancoraggio. Si discutono i risultati riferendoli al modello strutturale e, più in particolare, alle relazioni tra le pratiche e le rappresentazioni sociali considerandole dal punto di vista degli stati affettivi.

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La correspondance pour cet article doit être adressée à Boumédienne Bouriche, Département de Gestion des Entreprises et des Administrations, Aix-Marseille Université, 2 rue Bayard, Gap, France ou par courriel <[email protected]>.

« Je dédie cet article à Jean Claude Abric.

Je tiens à remercier Laurent Licata et les experts anonymes dont les remarques ont été très précieuses dans la rédaction de cet article. »

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L1. Introduction

Les travaux réalisés dans une approche cognitive de l’émotion ont permis d’abor-der l’émotion en tant qu’évaluation globale d’un objet de l’environnement social. La plupart des auteurs ont accordé, depuis une cinquante d’années, une place prépondérante au caractère évaluatif de l’émotion (Arnold, 1960 ; Frijda 1986 ; Lazarus, 1991 ; Schachter, 1964 ; Scherer 1984). Ils défendent l’idée que l’émotion ne se forme qu’à partir du moment où les individus ont préalablement été amenés à formuler une réponse évaluative à propos d’un objet donné. Les recherches sur les Représentations Sociales (RS) ont porté, de façon privilégiée, sur leur contenu et leur structure (Abric, 1994 ; Doise & Palmonari, 1986b ; Guimelli, 1994a ; Jodelet, 1989b). De nombreux chercheurs ont souligné l’importance de la dimension affec-tive dans la construction des RS (De Rosa 1993 ; Jodelet, 1989, 1997 ; Markovwa et Wilkie 1987 ; Moscovici, 1984, 1988 ; Paez, Echebarria et Villareal, 1989). Cepen-dant, on peut s’étonner du faible nombre de contributions empiriques concernant l’étude des relations entre états affectifs et RS (Campos et Rouquette 2000 ; Lheu-reux et Guimelli 2009 ; Lo Monaco, Rateau, et Guimelli, 2007). Après une analyse de la bibliographie générale sur les RS (Jodelet, 1997), Guimelli et Rimé (2009) font remarquer que la quasi-totalité des travaux ont été conçus dans une approche exclusivement cognitive ou sociocognitive. Ils précisent que «la composante émo-tionnelle des représentations sociales constitue un aspect important à prendre en compte si l’on veut mieux comprendre leur organisation et leur fonctionnement interne.» (Guimelli et Rimé, 2009, p.179). Campos et Rouquette ajoutent que « la difficulté de penser les rapports entre RS et charges affectives demeure liée à l’ab-sence d’une théorie de l’affectivité qui puisse être intégrée sans rupture dans le cadre théorique de l’étude des processus sociocognitifs » (Campos et Rouquette, 2000, p. 435).

Nous proposons de dégager dans un premier temps les lignes de convergence des quelques travaux qui ont porté sur la composante affective des RS. Puis, nous ver-rons que l’examen des principales fonctions qu’exercent les émotions et les RS peut nous permettre d’envisager leur rapprochement théorique. En effet, les RS et les états affectifs, dont les émotions sont les manifestations les plus saillantes, trouvent leur pertinence dans le rapport à la dynamique perception-action. Nous ferons alors une proposition d’articulation théorique que l’on soumettra à une vali-dation empirique.

2. Relations RS et émotions

Un certain nombre de travaux concernant les relations entre RS et états affectifs ont souligné les fonctions perceptive et d’orientation de l’action exercées par les émotions (Banchs, 1996 ; Guimelli et Rimé, 2009 ; Lheureux et Guimelli, 2009 ; Methivier, 2012 ; Roque, 1998). Dans la plupart des travaux, l’émotion a été abor-dée en tant que composante affective de la RS. Dans cette perspective structu-raliste, Rouquette (1994), Campos et Rouquette (2000) proposent le concept de « nexus » qu’ils qualifient de « noyau de sens irraisonné » caractérisé par sa valeur de signification hautement symbolique. La « liberté », la « justice » ou encore la

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« patrie » sont des exemples de « nexus ». Le « nexus » est qualifié de « nœud affectif prélogique » fortement lié à la mobilisation des foules. Associé aux objets de représentation, il en constitue la composante affective, notamment si l’objet ou une partie de l’objet de représentation le renforce ou le menace. Lo Monaco et al. (2007) reconsidèrent le « nexus » en le présentant comme une structure de connaissance en amont, point d’origine privilégié de la composante affective des RS et déterminante dans la signification attribuée à l’objet de représentation. Dans leur étude sur les objets de représentation « sensibles », tels que l’insécu-rité des biens et des personnes, Deschamps et Guimelli (2002) ont montré que « la prise en compte de la composante émotionnelle peut se révéler capitale pour la compréhension de l’organisation interne du champ de la RS correspondante » (Deschamps et Guimelli, 2002, p. 84). Ils considèrent, en référence aux travaux de Frijda (1986) et Frijda, Kuipers et Ter Shure (1989), que le rôle de cette composante porte principalement sur la mise en œuvre des pratiques. Dans leur recherche sur la représentation de la conduite sur route, Lheureux et Guimelli (2009) constatent que les éléments de la RS n’entretiennent de relations de connexité fortes qu’avec les éléments caractérisés par les mêmes sentiments et concluent que l’organisation interne des RS répond tout autant à une logique cognitive qu’affective.

Ce bref aperçu des travaux entrepris dans l’étude des relations entre émotions et RS fait apparaître que les recherches s’accordent sur deux points importants : le rôle de la composante affective dans la signification attribuée à un objet de représentation et celui de déterminant des conduites. Ces deux points concourent à la mise en évi-dence d’une logique affective dans l’organisation d’une RS. Mais de quelle logique s’agit-il ? Il ne peut pas s’agir d’une logique constitutive de la représentation dans la mesure où, comme le font remarquer Lheureux et Guimelli (2009), les RS sont des constructions sociales qui se caractérisent par une certaine stabilité dans le temps alors que les émotions sont des manifestations individuelles brèves. L’analyse des rôles exercés par les RS et les émotions suggèrent plutôt des fonctions communes. Ce dernier point nous invite à privilégier une approche fonctionnaliste des relations entre émotions et RS.

3. Homologie fonctionnelle dans la perception et l’action

Émotions et RS s’inscrivent dans une dynamique de continuité de l’interaction entre un individu et l’environnement social (Moscovici, 1969, p.9 ; Rimé, 2005, p.57-60). Elles assurent toutes deux une fonction de savoir par rapport à la réalité (Abric, 1994, p.13 ; Rimé, 2005, p.378). Il est important pour un individu d’être capable de capter et comprendre la réalité dans ses transactions avec le milieu, qu’il le fasse grâce à une vision commune véhiculée au sein de son groupe d’appartenance (RS) ou de sa propre expérience (émotions).

Elles constituent également des guides pour l’action. Outre leur rôle dans l’organi-sation des connaissances, la maîtrise de l’environnement, et l’identification sociale, la principale fonction des RS réside dans la formation et l’orientation des communi-cations et des conduites sociales (Moscovici, 1961 ; Abric, 1994 ; Flament,1994a, 1994b). Concernant les émotions, Rimé, s’appuyant sur le modèle cybernétique

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de l’action (Carver et Scheier, 1990, 2001) et en référence à un certain nombre de travaux (Mandler, 1975, 1984 ; Miller, Galanter et Pribram, 1960 ; Oatley et John-son-Laird, 1987 ; Simon 1967), précise qu’elles trouvent leur raison d’être dans la dynamique du couple perception-action. Elles se distinguent au sein de l’univers des manifestations affectives par une «rupture de continuité» dans l’interaction individu-milieu pour l’atteinte des objectifs (Rimé, 2005, p.52). Elles assurent alors une fonction informative de l’état de l’interaction individu/milieu dans la progres-sion vers les objectifs et permettent la mise en place d’actions d’ajustement néces-saires à la bonne «syntonie du couple» (Rimé, 2005, p.84). En abordant la contri-bution majeure de l’émotion à l’adaptation et la survie, et s’appuyant sur l’exemple de la promenade en apparence anodine, Rimé évoque le « guidage silencieux des affects » pour traduire l’idée que la valence de l’expérience affective passée marque les éléments du milieu au point de devenir les « signaux les plus puissants qui soient » pour le guidage de l’action, sans que l’individu en ait conscience (Rimé, 2005, p. 81-83). Il est donc peu probable de voir des pratiques d’un individu évoluer dans un environnement dénué de tout balisage ou marquage affectif.

Les dynamiques représentationnelle et émotionnelle partagent une même origine d’activation : la perception d’un écart à la réalité équivalant à une infirmation des attentes. Pour la dynamique des RS, comme pour les émotions, l’élément déclen-cheur est le non familier, l’inattendu, la nouveauté, l’étrange, ou l’inconnu, qui constituent autant de défis de production de sens. Dans la dynamique des RS, c’est le processus d’ancrage qui assure la fonction d’assignation de sens en intégrant le non familier à la représentation. Les émotions, elles, « interviennent fondamentale-ment à des moments où le savoir du sujet sur le monde a rencontré ses limites ou a été remis en question » (Guimelli et Rimé, 2009, p. 173).

Elles sont également impliquées dans la construction et l’affirmation de l’iden-tité sociale. En reliant les individus à la réalité sociale, les émotions remplissent une fonction identitaire participant à la construction de l’image de soi privée et publique. Pour Rimé, les expériences émotionnelles constituent des « évènements identitaires » (Rimé, 2005 p. 175) dans la mesure où elles sous-tendent des pro-cessus de positionnement personnel et d’adaptation à la réalité sociale généra-teurs potentiels de changements chez un individu. Le partage social des émotions, s’appuyant sur l’identification nécessaire pour autrui de celui qui vit une expé-rience émotionnelle particulièrement marquante, remplit également une fonction de mise à jour identitaire. En permettant l’identification des acteurs sociaux et la régulation de leurs interactions, les expériences émotionnelles et le partage social de ces expériences constituent un reflet de l’environnement social et culturel dans lequel évoluent les individus. Pour Moscovici (1961), les RS sont, avant tout, des constructions sociocognitives propres à un groupe social donné. Par le partage d’un ensemble de significations symboliques, elles contribuent à définir l’identité sociale des membres d’un groupe. On peut alors aisément comprendre pourquoi RS et émotions entretiennent un lien très fort avec les processus de communication. Moscovici (1961) a particulièrement souligné le rôle déterminant des rapports de communication dans la formation et la transformation des RS. De son côté, Rimé

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(2005) a clairement mis en évidence le processus de propagation du partage social de l’expérience émotionnelle et ses fonctions dans la construction sociale de la réalité.

Cette forte homologie fonctionnelle entre RS et émotions nous amène à penser qu’elles servent de mêmes enjeux adaptatifs, à la fois épistémiques et identitaires. Cette idée a été insuffisamment soulignée dans les recherches sur leurs relations et nous conduit à envisager des liens d’interdépendance très étroits entre ces deux dimensions.

4. De l’interdépendance au rapprochement théorique

Ces liens très étroits ont conduit Rimé à considérer le processus individuel de pro-duction de sens lié aux expériences émotionnelles et le processus collectif de pro-duction des RS face au non familier comme relevant d’une même finalité : l’élabo-ration « d’un monde habituel, familier, rassurant que les individus partagent » ainsi que la préservation des « digues symboliques » héritées du passé (Rimé, 2005, p. 379). Il conclut, à ce propos, qu’« il n’y a pas d’autre lieu que l’expérience indi-viduelle pour mettre l’univers virtuel à l’épreuve. Et c’est seulement au cœur de chaque individu que des détecteurs existent pour repérer et pour signaler les écarts entre le monde escompté et le monde observé… C’est en ce sens-là sans doute que chaque émotion de chaque individu est pertinente pour le monde social. L’huma-nité ne dispose pas d’autre moyen que les émotions des individus qui la composent pour assurer la préservation de ses constructions » (Rimé, 2005, p.390-391). Cette idée est centrale dans le rapprochement théorique et les modalités d’articulation des émotions et des RS. Elle illustre leur participation à une même dynamique. Cette dynamique concerne principalement le rapport à la réalité.

On doit cependant souligner une différence importante entre RS et émotions dans leur participation à cette dynamique. Selon Abric, une RS est un « système de pré-décodage de la réalité, qui détermine un système d’anticipations et d’attentes » (Abric, 1994b, p. 13). Ainsi, en tant que cadre générateur de sens, elle produit des attentes qui permettent à l’individu de guider ses actions et d’exercer son contrôle sur l’environnement. L’efficacité de la planification et du contrôle de l’action, né-cessitant une attention et une réflexivité constantes difficiles à maintenir, justifie le recours à un système d’anticipation et d’attentes. Weick (1995) a clairement explicité le rôle du système d’attentes en tant que stratégie d’économie cognitive et comportementale dans le rapport à la réalité. Pour lui, le bénéfice principal d’un système d’attentes est de réduire les situations de déclenchement de recherche de sens coûteuses sur le plan cognitif et de faciliter l’accès aux ressources disponibles pour la production de sens (Weick, 1995, p. 145-146). Or, lorsque ce système d’attentes se révèle défaillant, il peut remettre en question les savoirs construits. C’est précisément ce type de situation qui motive l’individu à rechercher et à pro-duire du sens pour rester en phase avec la réalité. Son attention est alors orientée sur le traitement de la situation jusqu’à obtenir des indications pertinentes quant à la conduite à tenir. Weick a également clairement précisé le lien entre l’activation de production de sens et l’activation émotionnelle. Il présente l’activation émo-

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tionnelle comme un signal de défaillance du système d’attentes, première phase du processus d’adaptation à la réalité qui doit motiver l’individu à mobiliser ses ressources attentionnelles dans la recherche et la production de sens (Weick, 1995, p.45-47). Ce rôle de signal de défaillance du système d’attentes attribué aux émo-tions conduit Rimé à les qualifier d’« opérations perceptivo-cognitives complexes de surveillance et d›évaluation de la réalité » (Rimé, 2005, p.35). Elles seraient à l’origine de l’activation d’un processus de traitement cognitif visant la production de sens dans une finalité adaptative.

5. Approche structurale des RS

Nous proposons de traduire cette dynamique adaptative à partir de l’approche structurale des RS car celle-ci est en mesure de fournir les modalités d’articulation des RS et des émotions.

Les deux principales approches structurales (Abric, 1976 ; Doise, 1986b) envi-sagent une RS comme un cadre de référence commun qui peut être modulé par des variations individuelles (Doise, 1986b ; Abric, 1994b ; Guimelli, 1994b). Les chercheurs s’accordent également largement sur l’interdépendance des RS et des pratiques. À ce propos, Abric souligne que : « les pratiques sociales sont largement orientées par les RS, car RS et pratiques sont indissociablement liées : elles s’en- RS et pratiques sont indissociablement liées : elles s’en-RS et pratiques sont indissociablement liées : elles s’en-gendrent mutuellement ; les représentations guident et déterminent les pratiques et ces dernières agissent en créant ou en transformant des représentations » (Abric, 1996, p. 12). Tout écart entre représentations et pratiques entraîne nécessairement la transformation de l’une ou de l’autre, car « l’action est un attribut nécessaire du sujet connaissant, c’est-à-dire un instrument concret pour faire et une dimension qui participe constamment à l’élaboration des cognitions » (Abric, 1994c, p. 238).

Les pratiques confrontent donc l’individu, et ses systèmes de représentation, à la réalité. Or, il est difficile de rester en phase avec une réalité sociale par nature instable. Cet équilibre est fragile. Les RS définies comme des reconstructions de la réalité sociale peuvent, dès lors, apparaître comme des reconstructions plus ou moins adaptées à la réalité. Aussi, les RS et les pratiques doivent être considérées comme un seul et même processus de construction sociale de la réalité, les unes induisant les autres, et réciproquement. Par les pratiques, l’individu peut tester la bonne adéquation de ses cadres de référence. La bonne adaptation des RS à la réa-lité conditionne la qualité d’adaptation de l’individu à son environnement social. Rimé (2005) fait remarquer que cet environnement se caractérise par sa variabilité et l’individu, s’il veut poursuivre ses objectifs, doit être capable de s’y adapter. Pour cela, « celui-ci doit activer une structure de connaissance - connexion, schème, représentation, modèle, postulat, théorie, principe, croyance, stéréotype, ou autre - qui lui permettra d’identifier le changement intervenu et de mettre en œuvre des structures de comportement propres à assurer son adaptation à ce changement » (Rimé, 2005, p. 58). Il ajoute que : « pour la plupart des variations ordinaires du milieu, l’individu dispose des structures de connaissance et d›action appro-priées…Mais quand il s›agit de variations qui sortent de l›ordinaire, ou quand les variations du milieu rencontrent un état d›impréparation de l›individu, les struc-

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tures de connaissance et d›action appropriées peuvent lui faire défaut » (Rimé, ibid.). Une telle rupture ou un tel « déphasage » sont propices à l’apparition des émotions, considérées par Rimé comme des « structures automatiques de réponse qui prennent le relais de structures acquises qui font défaut » (Rimé, 2005, p. 58-59). Les émotions constitueraient alors des alertes (Oatley et Johnson-Laird, 1987, cité par Rimé, 2005), qui viendraient signifier à l’individu une défaillance entre ses savoirs construits, dont les RS, et la réalité sociale. Cette fonction de signal, assurée par les émotions, permettrait ainsi d’estimer la qualité d’adapta-tion des représentations à la réalité. Les émotions générées par des défaillances de représentations, orienteraient les conduites d’ajustement, elles-mêmes génératrices de représentations plus adaptées. Elles joueraient alors un rôle de régulation dans l’interaction entre un individu et son environnement. C’est ainsi qu’en assistant les individus dans l’adaptation de leurs représentations, les émotions trouveraient leur sens dans les pratiques et l’action.

6. Émotions et processus d’ancrage

Dans cette perspective, il faut souligner l’importance du rôle attribué au processus d’ancrage dans la dynamique représentationnelle. Le processus d’ancrage consiste à l’inscription de l’inattendu, du non familier, de l’inconnu ou de l’étrange dans des savoirs pré-existants. L’ancrage peut être vu comme un processus d’assignation de sens qui confère à la représentation une certaine fonctionnalité dans la mesure où celle-ci constitue un système de catégorisation, d’interprétation et d’anticipation traduisant un « pré-décodage » de la réalité sociale (Abric, 1994b). Abric a sou-ligné, par ailleurs, les relations étroites entre l’ancrage et le système périphérique d’une RS. Ce dernier est déterminé de « façon plus individualisée et contextualisée et beaucoup plus associé aux caractéristiques individuelles et au contexte immé-diat et contingent dans lequel sont baignés les individus. Il permet une adaptation, une différenciation en fonction du vécu, une intégration des expériences quoti-diennes » (Abric, 1994b, p.28). Le système périphérique autorise largement les « modulations personnelles vis-à-vis d’un noyau central commun, générant des représentations sociales individualisées » (Abric, ibid.). Ainsi, plus en rapport avec le contexte, et dans son rôle de défense de la signification symbolique de la repré-sentation, il permet plus facilement d’intégrer la nouveauté, le non conforme, le non familier ou l’étrange. Le système périphérique d’une représentation est donc « fondamental puisque, associé au système central, il en permet l’ancrage dans la réalité » (Abric, ibid.). Le processus d’ancrage deviendrait essentiel dans l’articu-lation théorique entre RS et émotions. En effet, l’activation émotionnelle, signa-lant une défaillance de sens et conduisant l’individu à mobiliser ses ressources attentionnelles, constituerait un déclencheur possible du processus d’ancrage. Dans la mesure où les émotions sous-tendent des processus de positionnement et d’adaptation individuels à la réalité sociale, l’ancrage psychologique (Doise, 1992) sera plus particulièrement impliqué dans la dynamique représentationnelle en rapport à une expérience affective. À ce propos, Rimé souligne l’analogie dans la recherche de sens entre l’ancrage dans la dynamique représentationnelle et les conséquences d’un évènement émotionnel sur l’activation de « la base de données

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théoriques de l’individu ou de la communauté » (Rimé, 2005, p. 379). Dans cette base de données théoriques, les RS devraient figurer en bonne place. On pourrait alors envisager les émotions comme des variables individuelles qui, en activant le processus d’ancrage, auraient pour principale fonction de relier la dynamique représentationnelle à la réalité sociale. Les émotions se présenteraient comme des signaux d’évaluation de la qualité des systèmes de représentation dans leur fonc-tion d’anticipation de la réalité. Transformer son environnement étant une tâche bien plus ardue, on peut supposer que les changements puissent davantage affecter les systèmes de représentation. C’est ainsi que les émotions participeraient à la construction sociale de la réalité en permettant à l’individu d’opérer les change-ments nécessaires par une évolution ou une transformation des RS. L’importance de la fonction adaptative des émotions justifierait alors l’intérêt que les individus accordent au partage de leur expérience émotionnelle (Rimé, 1989, 2005, 2009).

La prise en compte du rôle des émotions, en tant que déclencheurs du processus d’ancrage, permet d’apporter un éclairage nouveau à l’articulation pratiques-repré-sentations. Elle peut constituer un moyen de rendre compte de l’effet des pratiques sur la représentation. Aussi, nous proposons de considérer les émotions comme des dispositions évaluatives individuelles basées sur l’application des cadres de réfé-rence communs que constituent les RS. En tant que telles, les émotions constitue-raient des variables individuelles de la dynamique représentationnelle. Cette pro-position nous semble conciliable avec une approche des RS tant du point de vue de leur genèse (Moscovici, 1976, 1984) que de leur dynamique (Flament, 1994a).

On peut alors s’attendre à ce qu’une activation émotionnelle, liée à la perception d’un écart par rapport aux attentes, entraine un traitement cognitif de la situation se traduisant probablement par des processus d’attribution. L’attribution se mani-feste avant tout lors d’incohérences ou de variations de l’environnement (Heider, 1958) et elle est surtout déclenchée par des événements inattendus (Bohner et al., 1988 ; Hastie, 1984 ; Langer et al.,1978 ; Weiner, 1985). Pour Deschamps, l’étude des émotions est un domaine particulièrement représentatif de l’application des théories attributionnelles (Deschamps, 1996, p.249-253). Moliner (2009) souligne, par ailleurs, que les émotions, au même titre que les comportements et les renfor-cements, font fondamentalement partie des objets à propos desquels les individus font des attributions. À partir de la proposition de Deschamps et Clémence de considérer les représentations comme la « toile de fond sur laquelle les processus d’attribution peuvent se manifester » (Deschamps et Clémence, 1987, p. 166), il doit être possible de distinguer les effets des émotions sur l’activation d’un objet de représentation. L’attribution des émotions aux divers éléments du champ représen-émotions aux divers éléments du champ représen- aux divers éléments du champ représen-tationnel permet ainsi de rendre compte du niveau d’activation de ses éléments. Cette attribution renvoie à un processus que Moliner qualifie d’« attribution en aval » qui constitue une « actualisation d’explications contenues dans les RS » (Moliner, 2009, p. 81). Il s’agit alors d’étudier la dynamique représentationnelle en rapport à une expérience affective et, plus précisément, la façon dont une ex-périence affective, issue d’une situation en rapport à un objet de représentation donné, affecte les éléments constituant et structurant cet objet.

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Dans la Théorie du Noyau Central (TNC), il est désormais acquis que le système central possède deux fonctions essentielles dans la dynamique représentation-nelle : un rôle stabilisateur, au sens où il assure le maintien de la représentation et un rôle structurant, au sens où il détermine sa signification symbolique (Abric, 1994b, 1994c). On peut envisager, ici, un rapprochement entre les rôles stabili-sateur et structurant des RS et la définition de la « syntonie » proposée par Rimé (2005) pour traduire l’équilibre dans l’interaction individu-milieu. Le système de représentation constituerait un élément du couple (« univers virtuel » chez Rimé), l’autre correspondant au milieu (« univers réel »). Par ailleurs, Flament (1994a) a proposé, également dans le cadre de la TNC, un modèle de la dynamique représen-tationnelle dans lequel des changements intervenant du côté du milieu pourraient entraîner l’adoption de pratiques nouvelles constituant le principal facteur d’adap-tation des RS. Selon lui, ce processus affecterait d’abord le système périphérique, constitué par des croyances conditionnelles.

En nous appuyant sur les propositions de Weick (1995), Rimé (2005) et sur les pro-priétés de la TNC (Abric, 1976, 1987 ; Flament, 1994a), nous proposons une série d’hypothèses conceptuelles concernant les conditions de production de l’expé-rience affective et les rôles respectifs que peuvent jouer le système central et le système périphérique dans la dynamique représentationnelle en rapport à cette expérience affective.

Notre hypothèse principale réside dans l’idée que les états affectifs traduisent un positionnement individuel résultant de la confrontation à la réalité d’un cadre de référence commun. Puis, nous pensons que le degré de confirmation/infirmation des attentes influencera la nature (valence, activation, contrôle) de l’expérience affective ressentie. Si elle dépend de la pertinence des structures de sens dans la compréhension de la réalité, l’expérience affective devrait largement impliquer le système central sur lequel repose la signification symbolique de la RS. Elle devrait rendre plus saillants les éléments centraux comparativement aux éléments péri-phériques en raison des fonctions structurante et stabilisatrice du système central. Cependant, nous pensons qu’elle produira un effet contrasté de dynamique repré-sentationnelle. Une expérience affective positive, induite par une confirmation des attentes, orientera davantage la dynamique représentationnelle sur le système cen-tral (fonction de justification) par une sur-activation de ses éléments alors qu’une expérience affective négative, induite par une infirmation des attentes, entrainera une dynamique impliquant davantage les éléments du système périphérique (fonc-tions concrétisation et régulation).

La recherche présentée dans cet article porte sur les relations entre la RS du travail en équipe chez des étudiants en gestion des organisations et les affects reportés en situation réelle de travail en équipe. Deux raisons justifient le choix de cet objet de représentation : d’une part, il présente un enjeu évident pour la popula-tion concernée, et d’autre part, il s’inscrit dans des objectifs de formation clôturés par une simulation de gestion. Cette simulation de gestion permet de créer une situation quasi-naturelle de production d’évènements susceptibles de générer des

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états affectifs sans recours à l’induction expérimentale. En effet, désignée, y com-pris par les formateurs, comme une situation de gestion de flux d’informations de nature technique, financière, commerciale, ou encore sociale, elle est avant tout présentée aux étudiants comme une situation collective de prise de décisions rationnelles. Préalablement à la situation de travail en équipe, les étudiants défi-nissent leur stratégie et leurs objectifs afin d’orienter les processus décisionnels. Se déroulant sur trois jours, la situation du travail en équipe a donné lieu à 9 périodes décisionnelles. Durant la simulation, un certain nombre d’évènements, imprévus ou provoqués pour les besoins de l’animation, sont susceptibles de remettre en cause les objectifs et d’infirmer les attentes des participants. Or, pour Weick (1995), c’est précisément le type de situations potentiellement génératrices de défaillance de sens et donc d’émotions.

7. Méthode

7.1. Participants

Cent trois étudiants (âge moyen = 19.34, écart-type = 1.82) de licence 1ère et 2nde année en Gestion des organisations ont participé à la phase 1 de la recherche. Cette phase constitue une étude préalable permettant un étayage du champ séman-tique de la représentation du travail en équipe.

Les phases 2 et 3 concernent uniquement les étudiants de L2, c’est-à-dire quarante trois étudiants (20 étudiantes, 23 étudiants, âge moyen = 20.76, écart-type = 1.30).

Lors de ces deux phases, après avoir défini collectivement leur stratégie et leurs objectifs, les étudiants s’engagent dans un travail d’équipe par groupes de 6 ou 7 et doivent gérer une entreprise fictive durant trois jours. Cette simulation de ges-tion vise l’application des connaissances transmises au cours de leur formation de deux ans en gestion des organisations. Le travail de l’équipe consiste à prendre des décisions de gestion durant 9 périodes. Pour chaque période, le cycle du processus de travail est le même : analyse de la situation de l’entreprise, prise de décision, connaissance des résultats.

7.2. Procédure et matériel

La figure 1 (page suivante) présente le schéma général de la procédure et le maté-riel utilisé pour le recueil de données.

Phase 1 : étayage du champ sémantique

de la représentation du travail en équipe (N = 103 étudiants de Gestion des Organisations)

7.2.1. Tâche d’associations

Lors de cette phase, les sujets effectuent une tâche d’associations verbales (Abric, 2003) qui sert de premier repérage du contenu de la représentation. Ils associent au moins cinq termes ou expressions se rapportant au mot inducteur “travail en

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équipe”. Pour chaque association, ils fournissent une explication qui en précise le sens. Les associations ainsi obtenues ont été catégorisées et ont permis de dégager 18 items caractérisant, dans cet échantillon, le champ représentationnel du travail en équipe. Le questionnaire de caractérisation a été élaboré avec ces dix-huit items.

Phase 2 : Repérage et analyse de la structure

de la RS du travail en équipe (N = 43 sujets)

Les techniques utilisées, dans la phase 2, se composent, du questionnaire de ca-ractérisation (Flament, 1994) et d’un test de centralité (le Test d’Indépendance au Contexte, TIC ; Lo Monaco, Lheureux et Halimi-Falkowicz, 2008). Ces deux tech-niques permettent l’analyse et le repérage de la structure d’une RS par l’identifica-tion du statut central vs périphérique de ses éléments (Abric, 2003).

Figure 1. Schéma général de la procédure et matériel

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7.2.2. Le questionnaire de caractérisation

Le questionnaire de caractérisation est un outil d’analyse de la hiérarchisation des différents items associés à un objet de représentation. Il permet le repérage des items à forte «saillance» à partir de courbes de fréquences le plus souvent assez dissymétriques. Il est constitué d›une liste d›items dont le nombre est un multiple de 3 (dans notre étude, 18). Les sujets doivent, dans un premier temps, sélectionner les 6 items les plus caractéristiques de l›objet étudié. Puis, ils choisissent parmi les 12 items restants les 6 les moins caractéristiques de l›objet étudié. Chaque item obtient alors une note de « 1 » à « 3 » : « 3 » s’il a été choisi comme caractéristique, « 1 » s’il a été choisi comme non caractéristique, et « 2 » s’il n›a pas été choisi.

Les items qui ont une moyenne élevée et une distribution très dissymétrique orien-tée vers la modalité «caractéristique» (courbes en J) ont alors une forte probabilité d’obtenir le statut de croyances centrales (Vergès, 1995). Vergès (2001) insiste sur les modalités de réponse typiques du questionnaire de caractérisation qui intro-duisent une contrainte statistique. Il fait remarquer que la probabilité théorique qu›un item soit codé « 3 » (caractéristique) est 0,33 et que l’on doit donc compa-« 3 » (caractéristique) est 0,33 et que l’on doit donc compa-3 » (caractéristique) est 0,33 et que l’on doit donc compa- » (caractéristique) est 0,33 et que l’on doit donc compa- (caractéristique) est 0,33 et que l’on doit donc compa-rer les résultats obtenus à cette valeur. Dans le but de limiter un effet d’ordre de présentation des items, nous avons utilisé des questionnaires avec des ordres de présentation aléatoires.

7.2.3. Le Test d’Indépendance au Contexte

Le Test d’Indépendance au Contexte T.I.C. (Lo Monaco, Lheureux et Halimi-Falkowicz, 2008) constitue un test de centralité. Il permet un repérage du noyau central identique à celui offert par d’autres techniques de repérage de la structure d’une représentation (technique de Mise En Cause M.E.C., Moliner, 1989 et tech-nique des Schèmes Cognitifs de Base S.C.B., Guimelli et Rouquette, 1992) mais avec un moindre coût cognitif pour les sujets.

Pour le diagnostic de centralité d’un item, par exemple « le travail en équipe est une activité qui demande de l’efficacité », les sujets répondent à la question : « À votre avis, le travail en équipe, est-ce toujours, dans tous les cas, une activité qui demande de L’EFFICACITÉ ? ».

Les sujets évaluent chaque item sur une échelle en 4 points : « 1. Certainement non », « 2. Plutôt non », « 3. Plutôt oui » et « 4. Certainement oui ». Les modalités 3 et 4 constituent une affirmation de la RS du travail en équipe. De par le caractère consensuel des éléments centraux, seuls les items ne se différenciant pas significati-vement du taux théorique de 100% peuvent être considérés comme centraux avec certitude. Pour cela, on utilise le test Dmax de Kolmogorov-Smirnov préconisé par Abric (2003)1.

Nous avons utilisé la même procédure que dans l’étape de caractérisation pour limiter l’effet d’ordre de présentation des items.

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Phase 3 : expérience affective et dynamique représentationnelle

(N = 40 sujets)

Le recueil des données a eu lieu juste après la communication des résultats de la prise de décision collective et pour chacune des 9 périodes. Ces 9 périodes sont potentiellement génératrices de variations dans la confrontation à la réalité. Pour analyser cette variabilité, nous avons défini une variable indépendante, inti-tulée « fréquence de confrontation situationnelle », qui permet d’étudier les dyna- « fréquence de confrontation situationnelle », qui permet d’étudier les dyna-, qui permet d’étudier les dyna-miques émotionnelle et représentationnelle, ainsi que leur relation, à chacune des 9 périodes. Cinq types de mesure ont été effectués. Les sujets devaient indiquer le niveau de conformité des résultats par rapport à leurs attentes, leur expérience affective sur une échelle dimensionnelle, les affects ressentis à partir d’une liste de 17 affects et procéder à l’attribution des affects reportés à partir des 18 croyances retenues pour caractériser le travail en équipe. À l’issue de chacune des 9 périodes de recueil de données, nous avons demandé aux sujets de caractériser à nouveau le travail en équipe selon la même procédure que dans la phase 2 (test de centralité).

7.2.4. Niveau de conformité par rapport aux attentes

Pour la mesure de l’écart perçu par rapport aux attentes, les sujets devaient pro-duire une évaluation globale de l’écart en répondant à la question « Par rapport à vos attentes, vous estimez que les résultats sont : ». Leur réponse était recueillie sur une échelle numérique en 7 points allant de (0) « pas du tout conformes » à (6) « tout à fait conformes ». Le recueil de données s’est effectué à la fin de chacune des 9 périodes. On a observé une perte de trois sujets entre la phase 2 et la phase 3 de l’étude. Nous avons donc recueilli un corpus total de 360 individus statistiques.

7.2.5. Report de l’expérience affective : approche discrète

Pour le recueil de l’expérience affective, les sujets étaient invités, à la fin de chaque période, à reporter les affects ressentis à partir d’une liste de 17 affects. La valence a été utilisée pour classer les affects reportés en deux catégories : les affects positifs et les affects négatifs. Pour constituer la catégorie des affects positifs, nous avons regroupé 8 affects : la satisfaction, la joie, l’enthousiasme, la fierté, la sérénité, l’intérêt, l’espoir et le soulagement. Pour constituer la catégorie des affects négatifs, nous avons également regroupé 8 affects : le regret, la colère, le mépris, le dégoût, la culpabilité, la honte, la peur et la tristesse. Nous avons alors effectué une ana-lyse de régression linéaire en prenant comme variable indépendante, le niveau de conformité par rapport aux attentes, et comme variable dépendante, la fréquence de la valence des affects reportés.

7.2.6. Report de l’expérience affective : approche dimensionnelle

Pour étudier l’effet du niveau de conformité des attentes à partir d’une approche dimensionnelle des émotions, nous avons utilisé l’échelle SAM (Self-Assessment Manikin scale, Bradley et Lang, 1994). L’échelle SAM est une échelle graphique

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d’autoévaluation de 3 dimensions impliquées dans le ressenti affectif : la valence, l’activation physiologique (que l’on peut assimiler à l’intensité ressentie) et la per-ception de contrôle. Pour chaque dimension, l’état d’une figurine est graphique-ment décliné en 9 degrés (5 degrés et 4 intermédiaires). Par exemple, concernant la valence, à une extrémité de l’échelle se trouve un visage joyeux et à l’autre extrémité un visage renfrogné. Les sujets répondent en choisissant le degré qui correspond le plus à leur état du moment. Nous avons effectué une analyse de régression linéaire en prenant comme variable indépendante, le niveau moyen de conformité reporté par rapport aux attentes, et comme variables dépendantes, les scores moyens reportés aux 3 dimensions de l’échelle SAM.

7.2.7 Niveau d’activation du champ représentationnel

Après le report de leur expérience affective, les sujets devaient attribuer les affects reportés en référence à la liste des 18 croyances retenues pour caractériser le travail en équipe en répondant à la question : « Est-ce que ce que vous venez de ressentir repose sur les aspects suivants du travail en équipe ? ».

Pour chaque affect reporté, les réponses concernant les croyances choisies étaient recueillies sur une échelle dichotomique oui/non. Ainsi, l›attribution des affects aux diverses croyances va permettre de rendre compte de leur niveau d’activation. Nous définissons, de façon opérationnelle, l’activation d’une croyance donnée comme le fait que les sujets se réfèrent à cette croyance pour justifier leurs affects. Cette défi-nition renvoie à une acception spécifique du terme d’activation qui s’appuie sur la fonction justificatrice des représentations sociales (cf. Abric 1994). Pour contrôler un éventuel effet de l’ordre de présentation des croyances, nous avons utilisé 3 ques-tionnaires caractérisés par des ordres de présentation aléatoires. Les sujets étaient alors répartis au hasard dans une de ces 3 configurations ordinales. Chaque sujet conservait le même ordre de présentation des items durant les 9 périodes de recueil de données. Pour évaluer le niveau d’activation des croyances, nous avons défini un taux moyen d’activation calculé sur le rapport entre le nombre de croyances activées en fonction de leur statut (central vs périphérique) sur le nombre d’affects reportés, le tout pondéré par le nombre maximum de croyances selon leur statut (6 pour les croyances centrales et 12 pour les croyances périphériques)2. Nous avons effectué une analyse de variance en prenant comme variables indépendantes le statut struc-tural des croyances (central vs périphérique) et la fréquence de confrontation situa-tionnelle (9 périodes) et, comme variable dépendante, le taux moyen d’activation des croyances. Concernant l’expérience affective ressentie, les variations situationnelles liées au nombre de périodes de travail en équipe peuvent se traduire par des diffé-rences dans les niveaux de valence, d’activation et de contrôle reportés. Le choix de disposer de plusieurs périodes, qui sont autant de situations potentiellement variées, s’appuie directement sur les propositions théoriques de Rimé concernant les condi-tions de déclenchement des manifestations émotionnelles. Ces conditions, liées aux variations du milieu et/ou de l’individu, constituent des menaces potentielles de rupture de continuité dans l’interaction individu-milieu (Rimé, 2005, p. 58-60). En plaçant les sujets dans une succession de situations nécessitant une constante adap-

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tation stratégique pour l’atteinte de leurs objectifs, l’on accroit les probabilités de production de ces variations. Cette variabilité situationnelle est précisément l’objet de nos différentes hypothèses concernant l’apparition des manifestations émotion-nelles et leurs effets sur la dynamique représentationnelle. Par conséquent, plutôt que l’agrégation de ces situations par le calcul d’indices moyens qui conduirait à estom-per fortement leurs variations, c’est davantage l’effet de leur variabilité intra et inte-rindividuelle qui est étudiée ici. Pour cette raison, nous avons choisi de travailler sur les individus statistiques dans l’analyse des relations entre l’expérience affective et la dynamique représentationnelle. Par ailleurs, en référence au « guidage silencieux des affects » (Rimé, 2005), il paraît peu probable qu’un individu puisse évoluer dans une situation de travail collectif sans être influencé, consciemment ou pas, par la mémoire de cette expérience. Aussi, compte tenu de la difficulté de dissocier une situation où l’expérience affective serait totalement absente de celle susceptible de générer des affects, nous avons pris le parti de différencier les effets de l’expérience affective sur la dynamique représentationnelle à partir du niveau reporté de l’affec-du niveau reporté de l’affec-tivité sur l’échelle SAM. Nous avons pour cela effectué une analyse de régression linéaire en prenant comme variable indépendante, le niveau reporté de l’affectivité sur l’échelle SAM et, comme variable dépendante, le taux moyen d’activation des croyances en fonction de leur statut (central vs périphérique).

7.2.8. Évolution de la représentation

Nous voulions également étudier l’évolution de la représentation du travail en équipe à la suite d’une expérience affective. Nous avons effectué des comparaisons entre la représentation initiale (G0) du travail en équipe et la représentation après une expé-rience affective selon le niveau reporté de cette expérience. Pour cela, nous avons procédé au calcul d›un score différentiel basé sur les réponses au TIC avant et après l’expérience affective (TIC2 – TIC1 pour chaque croyance). Ce score différentiel nous permet d’estimer l’amplitude de la dynamique représentationnelle. Nous avons tout d’abord effectué une analyse de variance en prenant comme variables indépendantes le statut structural des croyances (central vs périphérique) et la fréquence de confron-tation situationnelle (9 périodes) et, comme variable dépendante, les scores différen-tiels moyens en valeur absolue. Puis, pour évaluer l’effet de l’expérience affective sur la dynamique représentationnelle, nous avons procédé à des analyses de régression linéaire en prenant comme variable indépendante le niveau reporté de l’expérience affective et comme variables dépendantes les scores différentiels moyens distingués selon le statut structural des croyances (central et périphérique). Comme nous le ver-rons, les résultats de cette dernière analyse nous ont conduits à préciser les croyances sur lesquelles porte la dynamique représentationnelle et les effets que cette dernière met à jour. Nous avons opéré pour cela une partition de notre échantillon en fonction du niveau d’extrémité de valence reportée. Les sujets ayant reporté les scores « -4 » et « -3 » constituent le groupe à valence négative extrême (G1, N = 30), ceux ayant les scores « -2 » et « -1 » le groupe à valence négative modérée (G2, N = 35), ceux ayant les scores « 1 » et « 2 » le groupe à valence positive modérée (G3, N = 125) et ceux ayant reporté les scores de « 3 » et « 4 » le groupe à valence positive extrême (G4, N = 105).

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Nous avons soumis les réponses données au TIC des phases 2 et 3 à une analyse des distances entre les distributions cumulées (test de Kolmogorov-Smirnov). Elle permet d’évaluer pour chaque groupe les modulations opérées sur les croyances constituant le champ représentationnel du travail en équipe. Ces modulations peuvent caractériser un effet de valence ou encore un effet d’extrémité de valence. Pour rendre compte d’un effet de valence ou d’extrémité de valence et les distin-guer d’un simple effet de pratique, nous nous appuyons sur le tableau 1 qui précise les types d’effet et leurs caractéristiques.

Un effet de pratique se caractérise par des variations significatives entre les taux d’affirmation initiaux (TIC G0) et les taux d’affirmation post-situationnels indépen-damment de la valence reportée (TIC G1, G2, G3, et G4) et sans différence entre les taux post-situationnels. Un effet de valence (positive ou négative) se définit à la fois par des variations significatives entre les taux G0 et les taux d’affirmation post-situationnels regroupées selon la valence reportée (valence négative : TIC G1/G2 ou valence positive : TIC G3/G4) ainsi que par des variations significatives entre les 2 modalités de la valence (TIC G1/G2 vs TIC G3/G4). Un effet d’extrémité de valence (positive ou négative) est marqué à la fois par des variations significatives entre les taux G0 et les taux d’affirmation post-situationnels ayant les valences reportées les plus extrêmes (valence négative extrême : TIC G1 et valence positive extrême : TIC G4) et des variations significatives entre les 2 modalités extrêmes de la valence (TIC G1 vs TIC G4).

Tableau 1. Type et caractéristiques des effets attendus sur la dynamique représentationnelle

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8. Hypothèses

8.1. Effets du niveau de conformité aux attentes et approche affective discrète (H1)

La valence de l’expérience affective ressentie est directement proportionnelle au niveau de confirmation/infirmation des attentes. Plus l’écart perçu par rapport aux attentes sera important et plus les sujets ressentiront des émotions négatives. Inversement, plus le rapport à la réalité sera perçu comme conforme aux attentes et plus les sujets ressentiront des émotions positives.

8.2. Effets du niveau de conformité aux attentes et approche affective dimensionnelle (H2)

Nous nous attendons à ce que les niveaux reportés de valence et de contrôle de l’échelle S.A.M. soient directement proportionnels à l’importance de l’écart perçu par les sujets. Plus les résultats du travail en équipe seront conformes aux attentes et plus la situation sera vécue comme positive et sous-contrôle. Moins les résultats se-ront conformes et plus la situation sera vécue négativement et échappant au contrôle. C’est également dans cette dernière condition, traduisant l’écart le plus important aux attentes, que l’on s’attend à observer le report d’une activation physiologique.

8.3. Effets de l’expérience affective sur l’activation du champ représentationnel (H3 et H4)

Dans la mesure où ce sont les croyances centrales qui déterminent la stabilité et la signification symbolique de l’objet de représentation, et à partir de notre proposi-tion de considérer les émotions comme des dispositions évaluatives individuelles basées sur l’application des cadres de référence communs que constituent les RS, nous faisons l’hypothèse (fonction justificatrice) que l’expérience affective impli-quera un niveau d’activation des croyances centrales plus important que celui des croyances périphériques (H3). La fonction justificatrice d’une RS est rattachée à l’idée de concevoir cette dernière comme un cadre de référence permettant aux individus de justifier leur position vis-à-vis d’un objet de leur environnement. Cette hypothèse nous invite, par conséquent, à considérer l’affectivité et la centralité comme deux dimensions interdépendantes.

On s’attend par ailleurs à un effet contrasté de l’expérience affective sur le ni-veau d’activation du champ représentationnel (H4). Une expérience affective positive devrait produire un effet de justification marqué par une sur-activation des croyances centrales comparativement à leur activation après le report d’une expérience affective négative (effet de valence positive) alors qu’une expérience affective négative entrainera une activation plus importante des croyances périphé-riques comparativement à leur activation lors du report d’une expérience affective positive (effet de valence négative).

8.4 Effets de l’expérience affective sur la dynamique représentationnelle (H5, H6 et H7)

A la suite des propositions de Flament (1994a), il faut s’attendre à constater une cer-à constater une cer-constater une cer-taine stabilité dans l’évolution de la représentation avant et après une expérience affective. Par conséquent, quelle que soit la valence de l’expérience affective, les

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croyances centrales devraient être plus résistantes que les croyances périphériques (H5). On s’attend également à observer un effet contrasté de la valence sur la dynamique représentationnelle (H6). Une expérience affective positive, confirmant les attentes, affectera plutôt les croyances centrales par une sur-activation de ses éléments (effet de valence positive s’appuyant sur la fonction justificatrice) alors qu’une expérience affective négative, révélant une inadéquation du système d’at-tentes, entrainera une dynamique impliquant davantage les éléments du système périphérique (effet de valence négative illustrant les fonctions de défense et de régulation). Cet effet sera plus marqué lors du report d’une valence extrême (H7 : effet d’extrémité de valence).

9. Résultats

9.1. Structure de la représentation du travail en équipe

Le tableau 2 (page suivante) présente la liste des 18 croyances constituant le ques-tionnaire de caractérisation.

Compte tenu du critère retenu par Vergès (2001), six croyances peuvent revendi-quer le statut de croyances centrales dans la représentation du travail en équipe : les « décisions collectives » (tx d’affirmation : 88.4%), l’« efficacité » (88.4%), l’« entraide » (81.4%), le « partage des informations » (90.7%), les « objectifs com-muns » (83.7%) et le « partage des rôles et des responsabilités » (83.7%).

Le test de centralité révèle que le statut de croyances centrales est confirmé pour les 6 croyances préalablement repérées par la méthode de caractérisation. Chacune de ces 6 croyances obtient un taux d’affirmation non significativement différent du taux théorique de 100%.

Le système central ainsi identifié met en évidence une vision participative du travail en équipe et définit, selon nous, le système d’attentes des participants quant à la dimension opératoire du travail en équipe. Ainsi, si nous formalisions ces attentes à partir du système central, nous dirions qu’ils espèrent travailler « efficacement » en se « répartissant les rôles et les responsabilités », en prenant des « décisions collec- « répartissant les rôles et les responsabilités », en prenant des « décisions collec-répartissant les rôles et les responsabilités », en prenant des « décisions collec-tives » relatives à des « objectifs communs », en « s’entraidant », et en « partageant les informations ».

Nous avons confronté notre échantillon, et sa représentation, à la réalité d’une situation de travail en équipe. Cela nous a permis d’étudier les effets de cette confrontation sur le vécu affectif et le traitement cognitif et évaluatif des sujets.

9.2. Affectivité et conformité par rapport aux attentes

Le tableau 3 présente les différents affects reportés tout au long de la situation vécue du travail en équipe. 608 réponses ont été reportées. Parmi les affects les plus reportés, on trouve la satisfaction (18.4%), l’espoir (14.1%), l’enthousiasme (12.7%), l’intérêt (12.2%) et le regret (10.4%).

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Le « travail en équipe » est une activité :Le plus

caractéristique%

d’Affirmation

1dans laquelle les membres prennent des DECISIONS COLLECTIVES

74,4% 88,4%*

2 qui demande de L’EFFICACITE 62,8% 88,4%*

3 dans laquelle les membres S’ENTRAIDENT 65,1% 81,4%*

4dans laquelle les membres PARTAGENT DES INFORMATIONS

60,5% 90,7%*

5dans laquelle les membres ont des OBJECTIFS COMMUNS

62,8% 83,7%*

6dans laquelle les membres se répartissent DES RÔLES ET DES RESPONSABILITES

65,1% 83,7%*

7 qui demande de PLANIFIER LE TRAVAIL 37,2% 72,1%

8 qui demande de GERER DES CONFLITS 39,5% 65,1%

9 qui demande de gérer des COMPETENCES 30,2% 72,1%

10dans laquelle les membres SE RECONNAISSENT les uns les autres

20,9% 69,8%

11dans laquelle les membres PARTAGENT DES MÊMES IDEES ET OPINIONS

25,6% 9,3%

12 qui demande DES METHODES DE TRAVAIL 11,6% 76,7%

13dans laquelle les membres PARTAGENT DES VALEURS COMMUNES

11,6% 25,6%

14qui demande de gérer un LIEU, des HORAIRES, des OUTILS (MATERIELLE)

7,0% 51,2%

15 qui demande d’appliquer des NORMES, des REGLES 9,3% 55,8%

16dans laquelle les membres sont DEPENDANTS les uns des autres

9,3% 11,6%

17 qui demande de la HIERARCHIE 7,0% 16,3%

18 qui demande d’EXERCER DU POUVOIR 0,0% 2,3%

*Eléments identifiés centraux sur la base du test Dmax de Kolmogorov-Smirnov avec un seuil de centralité pour le TIC (N = 43) de 79.3%

Tableau 2. Liste des 18 croyances relatives au travail en équipe, distributions en % et dia-gnostic de centralité des croyances de la représentation sociale du « Travail en équipe »

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La simulation de gestion, plaçant les sujets dans une situation de travail en équipe, s’est révélée être une expérience affective globalement positive. En effet, elle est marquée par un large report d’affects positifs (74.7% du total des affects) compara-tivement au report des affects négatifs (18.4%). Les 6.9% restants concernent la sur-prise que l’on n’a pu classer dans l’une des deux catégories du fait de l’incapacité de notre outil de recueil à l’identifier comme une bonne ou une mauvaise surprise.

Nous faisions l’hypothèse (H1) que la valence de l’expérience affective des sujets serait directement liée à la conformité perçue aux attentes des résultats du travail en équipe. Par conséquent nous nous attendons à ce que les affects positifs soient liés à la perception de résultats conformes aux attentes alors que les affects négatifs seraient quant à eux associés à des résultats non conformes aux attentes.

On doit tout d’abord constater que très peu de sujets estiment que leurs attentes ne sont pas du tout confirmées (conformité moyenne = 3.87, écart-type = .48)

Tableau 3. Fréquence des affects reportés lors de la situation de travail en équipe

Affects reportés N %

SATISFACTION 112 18,4%

ESPOIR 86 14,1%

ENTHOUSIASME 77 12,7%

INTERET 74 12,2%

REGRET 63 10,4%

SURPRISE 42 6,9%

SOULAGEMENT 35 5,8%

JOIE 28 4,6%

SERENITE 23 3,8%

FIERTE 19 3,1%

COLERE 17 2,8%

PEUR 11 1,8%

DEGOUT 9 1,5%

CULPABILITE 4 0,7%

TRISTESSE 4 0,7%

MEPRIS 2 0,3%

HONTE 2 0,3%

608 100,0%

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9.3. Conformité aux attentes et valence des affects (approche discrète, H1)

Sur 454 affects positifs (74.7% du total des affects reportés), les affects positifs les plus reportés sont : la satisfaction (24.7%) puis l’espoir (18.9%), l’enthousiasme (17%), l’intérêt (16.3%). Conformément à l’hypothèse proposée (H1), les résultats indiquent que le niveau de conformité des attentes contribue de façon significative à la prédiction de la fréquence des affects positifs reportés par les sujets : R² = .40; F(1,358) = 342.58, p < .0001. Plus les sujets estiment leurs résultats conformes aux attentes et plus ils reportent d’affects positifs (β = .636, t(358) = 15.58, p < .0001).

Sur 112 affects négatifs (18.4% du total des affects reportés), les plus reportés sont : le regret (56.3%) puis la colère (15.2%), et la peur (9.8%). Conformément à l’hypo-thèse proposée (H1), on constate que le niveau de conformité des attentes contri-bue également de façon significative à la prédiction de la fréquence des affects négatifs reportés : R² = .27; F(1,358) = 134.19, p < .0001. La valeur négative du β indique que moins les sujets estiment leurs résultats conformes aux attentes et plus ils reportent d’affects négatifs (β = -.522, t(358) = -11.58, p < .0001).

Ces premiers résultats confirment notre hypothèse sur la relation entre le niveau de conformité aux attentes et la fréquence de la valence des affects reportés. Le niveau de conformité des attentes semble être un bon prédicteur de la valence reportée.

9.4. Conformité perçue par rapport aux attentes et affectivité ressentie (approche dimensionnelle, H2)

Les niveaux moyens reportés sur les dimensions de l’échelle SAM confirment que l’expérience affective est assez positive pour les sujets (niveau moyen de valence : 6.21, écart-type : .96 et niveau moyen de contrôle : 5.87, écart-type : 1.08) sans pour autant être intense (niveau moyen d’activation : 3.70, écart-type : 1.83).

Par ailleurs, nous avons effectué des analyses de variance (mesures répétées) en pre-nant, comme variable indépendante, la fréquence de confrontation situationnelle et, comme variables dépendantes, chacune des 3 dimensions émotionnelles. Elles révèlent une variabilité de l’expérience affective reportée au cours des 9 périodes sur le niveau de la valence (F(4.42, 172.27) = 4.20 p < .01, correction Greenhouse-Geisser ε =.55), sur celui de l’activation physiologique (F(5.99, 233.48) = 3.29 p < .01, correction Greenhouse-Geisser ε =.75) mais pas sur celui de la perception de contrôle (F(5.18, 201.93) = 1.74 p = .125, correction Greenhouse-Geisser ε =.65).

Les résultats concernant la relation entre l’approche affective dimensionnelle et la conformité perçue par rapport aux attentes ne confirment que partiellement l’hypo-thèse H2. On constate en effet que le niveau de conformité des attentes contribue de façon importante à la prédiction de la valence reportée : R² = .50; F(1,38) = 39.61, p < .001. Plus les sujets estiment leurs résultats conformes à leurs attentes et plus ils reportent une valence positive (β = .71, t(38) = 6.30, p < .001). Il ne contri-bue que très modérément à la prédiction du niveau de contrôle reporté : R² = .10; F(1,38) = 5.37, p < .05. Plus les sujets estiment leurs résultats conformes à leurs attentes et plus ils ont tendance à reporter du contrôle sur la situation (β = .35, t(38)

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= 2.32, p < .05). En revanche, le niveau de conformité des attentes n’exerce pas de contribution sur le niveau d’activation physiologique reporté : R² = .06; F(1,38) = 3.47, ns. Concernant cette dernière dimension, son niveau relativement bas (3.70) révèle que le ressenti des sujets renvoie davantage à la sphère des affects qu’à celle des émotions proprement dites. Aussi, on emploiera désormais le terme d’affect plutôt que d’émotion pour qualifier la dimension affective reportée par les sujets.

Les analyses de régression concernant l’approche affective discrète et dimension-nelle suggèrent principalement que le niveau de conformité des résultats par rap-port aux attentes est surtout un bon prédicteur de la valence reportée par les sujets. En conséquence, seule cette dimension affective sera retenue dans la suite de nos analyses. Au moment d’aborder les relations entre dimension affective et RS, les résultats obtenus quant à la relation étroite existant entre les attentes et la valence affective nous confortent dans l’idée d’une forte interdépendance entre valence affective et RS. À ce propos, Rimé a souligné l’analogie entre la dynamique repré-sentationnelle et la dynamique émotionnelle sur les processus cognitifs et sociaux. Il précise que « la dynamique des représentations sociales se met en route quand les individus sont confrontés à des éléments en rupture avec leurs attentes » et que « cette dynamique répond aux mêmes conditions de déclenchement que les émotions » car « les représentations sociales se trouvent au cœur d’un processus de production de sens, comme c’est le cas pour les processus cognitifs et sociaux suscités par l’émotion » (Rimé, 2005, p.378-379). En nous appuyant sur la position de Rimé et sur l’idée que les RS déterminent des systèmes d’attentes (Abric, 1994), nous devrions constater des effets non négligeables de la valence affective sur la dy-namique représentationnelle. Cette proposition est à l’origine des hypothèses 3 à 7.

9.5. Valence et activation du champ représentationnel

Pour tester nos hypothèses concernant les effets de l’affectivité sur l’activation des croyances (H3, H4), nous nous sommes appuyés sur le report de la valence, compte tenu du niveau de prédiction de la conformité aux attentes sur cette dimension.

La figure 2 présente les taux moyens d’activation des croyances centrales et péri-phériques en fonction du niveau de la valence reportée.

On doit, tout d’abord, faire remarquer que l’ordre de présentation des croyances n’a pas d’effet significatif sur leur niveau d’activation (F(2,37) = .11, ns). Il en est de même pour la fréquence de confrontation situationnelle (F(5.27, 195.09) = 1.13, ns).

On constate un effet significatif du statut sur le niveau moyen d’activation des croyances (F(1,37) = 182.47, p < .001, ηp² = .83). Les croyances centrales sont glo-balement plus activées (C.C. = 27.1%, écart-type = .15) que les croyances périphé-riques (C.P. = 5.9%, écart-type = .06). Les résultats indiquent que les sujets se réfèrent davantage aux croyances centrales dans l’attribution de la valence affective.

La régression linéaire effectuée entre la valence reportée et l’activation des croyances centrales montre que la valence contribue de façon significative à la prédiction de l’activation des croyances centrales : R² = .06; F(1,358) = 21.97, p <

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.0001. Plus l’expérience est positive et plus les croyances centrales ont tendance à être activées (β = .24, t(358) = 4.59, p < .0001).

Les résultats indiquent que la valence contribue également de manière significative à la prédiction de l’activation des croyances périphériques, bien que l’estimation se révèle plus faible : R² = .01; F(1,358) = 4.24, p < .05. La valeur négative du β indique que les croyances périphériques ont tendance à être plus activées après une expérience négative (β = -.11, t = -2.06, p < .05).

Les résultats obtenus confirment globalement nos hypothèses. Ils indiquent que, quelle que soit la valence reportée, l’expérience affective active davantage le sys-tème central (H3), c›est-à-dire la signification symbolique de la représentation caractérisée par la vision participative du travail en équipe. Notre hypothèse d’un effet contrasté de la valence sur le niveau d’activation des croyances (H4) est glo-balement confirmée. On obtient effectivement un effet de justification du système central après le report d’une expérience positive et une activation plus marquée du système périphérique après celui d’une expérience négative.

Figure 2. Taux moyen d’activation des croyances selon leur statut structural et le niveau de la valence reportée

1 EP : Effet de Pratique ; EVP : Effet de Valence Positive ; EEVN : Effet d’Extrémité de Valence Négative ; NS : Non Significatif

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9.6. Dynamique représentationnelle selon la valence affective (H5, H6 et H7)

L’étude comparative pré et post-situationnelle des taux d’affirmation au TIC nous permet d’analyser l’orientation et l’amplitude de la dynamique représentationnelle selon le niveau de la valence reportée.

L’ordre de présentation des croyances n’a pas d’effet significatif sur les scores diffé-rentiels en valeur absolue (F(2,37) = .06, ns). Il en est de même pour la fréquence de confrontation situationnelle (F(8,296) = 1.08, ns).

On constate un effet significatif du statut sur les scores différentiels en valeur abso-lue (F(1,37) = 62.60, p < .001, ηp² = .63). Les croyances centrales obtiennent un score différentiel absolu moyen significativement plus faible que les croyances périphériques (score moyen C.C. = .68, écart-type = .22 vs score moyen C.P. = .99, écart-type = .15). Ces résultats indiquent que les croyances centrales sont plus stables et résistantes que les croyances périphériques suite à l’expérience vécue de travail en équipe.

La régression linéaire effectuée entre la valence reportée et les scores différentiels bruts montre que la valence ne contribue pas à la prédiction de la modulation des croyances centrales : R² = -.002; F(1,358) = .29, ns. La valence n’a aucun effet de modulation sur les croyances centrales (β = -.03, t(358) = -.54, ns). En revanche, elle contribue de manière significative à la prédiction de la modulation des croyances périphériques : R² = .02; F(1,358) = 5.78, p < .02. La valeur négative du β indique que plus la valence est négative et plus les croyances périphériques ont tendance à être modulées (β = -.13, t(358) = -2.40, p < .02).

Les résultats confirment notre hypothèse de stabilité des croyances centrales (H5). En effet, celles-ci se révèlent plus stables et plus résistantes que les croyances péri-phériques quel que soit le niveau de la valence reportée. Notre hypothèse d’un effet contrasté de la valence (H6) n’est que partiellement confirmée. Si nous avons bien constaté une dynamique impliquant davantage la modulation des croyances péri-phériques lors du report d’une valence négative, nous n’avons pas observé la sur-activation attendue des croyances centrales après le report d’une valence positive.

L’implication du système périphérique dans la dynamique représentationnelle nous conduit à identifier les croyances sur lesquelles s’opère cette dynamique et quel type d’effet cette dernière révèle en fonction de la valence reportée. Nous avons pour cela effectué une analyse des distances entre les distributions cumulées (test de Kolmogorov-Smirnov) à partir des réponses aux TIC 1 et 2. Les résultats du test de centralité et du test K-S sont reportés dans le tableau 4 (page suivante).

Les résultats du test K-S permettent de préciser les conclusions de l’analyse de variance sur les scores différentiels. Sur les 6 croyances préalablement repérées comme constitutives du système central de la représentation du travail en équipe (en gras dans le tableau 4), 5 d’entre-elles restent stables (« efficacité », « objectifs communs », « entraide », « décisions collectives » et « partage d’informations »). Le test K-S selon la valence reportée sur ces 5 croyances centrales se révèle non significatif. La valence ne semble avoir aucun effet de modulation significatif sur

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Émotions et dynamique des représentations sociales 223

ces croyances. Les analyses révèlent par contre un changement de statut structural de la croyance « gestion des rôles et des responsabilités ». La confrontation à la situation réelle de travail en équipe a entrainé le passage de cette croyance ini-tialement centrale à un statut de croyance périphérique. Le changement de statut de cette croyance est probablement lié à un effet de pratique car les comparai-sons intergroupes à partir du niveau de la valence révèlent toutes des différences significatives et homogènes avec la condition pré-situationnelle. La situation réelle a amené les sujets à considérer cette croyance comme significativement moins caractéristique du travail en équipe. Cet effet a conduit les sujets, qui s’attendaient sans doute à une répartition plus concertée de leurs rôles et responsabilités, à ne plus l’intégrer à leur vision participative du travail en équipe.

Il faut noter qu’une autre croyance centrale change de statut structural sans révéler d’effet particulier : la croyance « décisions collectives » mais uniquement pour le groupe G1 (valence négative extrême). Les comparaisons intergroupes sur cette croyance ne présentent aucune différence significative.

Puisque la stabilité d’une RS dépend de la stabilité de son système central, on peut considérer que la représentation du travail en équipe suite à une expérience affec-tive reste globalement stable quelle que soit la valence reportée.

L’analyse précise également les différentes croyances périphériques (marquées par un astérisque) impliquées dans la dynamique représentationnelle. Plus de la moitié des croyances périphériques (7 sur 12) sont concernées par des effets de dynamique représentationnelle. On peut tout d’abord distinguer des effets de pra-tique sur deux croyances périphériques. La situation vécue, indépendamment de la valence reportée, a conduit les sujets à juger les croyances concernant le « partage des mêmes idées et opinions » et la « dépendance entre les membres » comme significativement plus caractéristiques du travail en équipe.

L’analyse révèle également un effet de valence positive pour deux croyances péri-phériques. La situation vécue positivement (G3+G4) a conduit les sujets à évaluer la croyance relative au « partage des valeurs communes » comme significativement plus caractéristique et celle relative à la « gestion des conflits » comme moins caractéristique du travail en équipe.

On note également un effet d’extrémité de valence négative pour trois croyances périphériques. La situation vécue très négativement (G1) a amené les sujets à éva-luer comme plus caractéristique du travail en équipe les croyances concernant l’ « exercice du pouvoir », la « hiérarchie » et la « gestion matérielle ».

Par ailleurs, deux croyances périphériques changent de statut structural sans révéler d’effet particulier : la croyance « gestion des compétences » pour les groupes G2 (valence négative modérée), G3 (valence positive modérée) et G4 (valence positive extrême) sans présenter toutefois de différence significative dans les comparaisons intergroupes, et la croyance « méthodes de travail » qui présente une seule dif-férence intergroupe entre G4 (valence positive extrême) et G1 (valence négative extrême).Ta

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Page 31: Emotions et dynamique des representations sociales

CIPS n°102 – 2014 – pp. 195-232 224

Les résultats ne font apparaître aucun effet de valence négative sur la dynamique représentationnelle. La situation vécue négativement (G1+G2) n’a pas semblé suffisante pour déclencher des modulations du champ représentationnel.

On ne distingue également aucun effet d’extrémité de valence positive sur la dynamique représentationnelle. La situation vécue très positivement (G4) ne dé-clenche aucun effet de modulation sur les croyances centrales ou périphériques.

Les résultats, obtenus par la comparaison des distributions des croyances à partir du test de centralité, confirment globalement nos hypothèses sur l’effet de l’expérience affective et la dynamique représentationnelle. À l’exception de la croyance portant sur la « gestion des rôles et des responsabilités », les croyances centrales se révèlent plus stables et plus résistantes que les croyances périphériques. Ce résultat suggère que les sujets utilisent un cadre de référence commun dans l’attribution de leurs affects quelle que soit la valence considérée (fonction génératrice et justificatrice de sens). Il semble donc que la significa-tion symbolique du système central joue bien un rôle stabilisateur dans la dyna-mique de la représentation en rapport à une expérience affective. Nous avons également constaté que cette dynamique représentationnelle affecte principa-lement le système périphérique, confirmant ainsi sa fonction de concrétisation et de régulation du champ représentationnel. Les résultats attestent en ce sens le rôle déterminant du système périphérique dans la modulation du champ représentationnel préfigurant le lien étroit avec le processus d’ancrage après confrontation à la réalité.

Nos hypothèses sur l’effet contrasté de la valence sur la dynamique représen-tationnelle sont partiellement confirmées. On s’attendait (H6) à un effet de valence positive sur la dynamique représentationnelle concernant unique-ment le système central et un effet de valence négative orientant davantage la dynamique vers le système périphérique. Si l’on a bien constaté, suite à une expérience affective négative, que l’essentiel des modulations portait sur des croyances périphériques, nous n’avons constaté aucun effet de valence posi-tive sur la sur-activation du système central. Les résultats ont plutôt révélé que l’expérience affective positive active également une dynamique sur le système périphérique en rendant plus ou moins saillantes certaines croyances. Ce résul-tat tend à indiquer que les pratiques, qu’elles donnent lieu à des expériences affectives négatives ou positives, entraîneraient dans tous les cas une dyna-mique représentationnelle impliquant largement le système périphérique.

L’hypothèse H7 n’est également que partiellement confirmée. On a constaté un effet d’extrémité de valence, mais uniquement pour la modalité négative. Ce résultat suggère que, dans l’activation d’une dynamique représentationnelle orientée sur le système périphérique, une valeur extrême semble être néces-saire dans le cas d’une valence négative alors qu’elle ne l’est pas forcément dans celui d’une valence positive.

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Page 32: Emotions et dynamique des representations sociales

Émotions et dynamique des représentations sociales 225

10. Discussion

Cette recherche conforte l’idée que les états affectifs constituent des variables indi-viduelles qui s’expriment dans le rapport d’un individu à la réalité. Pour cela, nous avons placé les sujets dans une situation potentielle de confirmation ou d’infirma-tion des attentes envers un objet de représentation donné. La confirmation/infir-mation des attentes suite à des pratiques en rapport à un objet de représentation donné peut être considérée comme une validation/remise en cause des cadres de référence sur lesquels s’appuient les individus. Lorsque cette validation/remise en cause est suffisamment importante, elle peut constituer une consolidation/dé-faillance de sens susceptible de générer des émotions. On a pu constater, en effet, que le niveau de conformité des attentes explique dans une large mesure la valence des affects reportés.

Les résultats obtenus au regard de l’activation du champ représentationnel vali-dent également, à notre avis, l’hypothèse principale selon laquelle les états affectifs traduiraient le positionnement individuel résultant de la confrontation à la réalité d’un cadre de référence commun. Dans cette étude, on a pu dégager du champ représentationnel de notre échantillon la signification symbolique du travail en équipe caractérisée par une vision participative du travail en équipe en relation avec « l’efficacité », « les décisions collectives », « le partage d’informations », « les objectifs communs » et « l’entraide ». La représentation du travail en équipe ainsi caractérisée semble fournir le cadre de référence à partir duquel les sujets attribuent leurs affects. Les croyances centrales qui composent cette dimension ont été nettement plus activées que les croyances périphériques, et cela quelle que soit la valence reportée. Ce résultat met clairement en évidence la relation d’interdé-pendance entre dimension affective et centralité de la représentation. Cette rela-tion explique, selon nous, la logique affective observée dans certaines recherches sur les RS (Guimelli et Deschamps, 2002 ; Lheureux et Guimelli, 2009). Elle tend à confirmer l’idée que, dans l’ancrage de la dynamique représentationnelle, les sujets se réfèrent principalement à la signification symbolique de la représenta-tion dans l’attribution des états affectifs ressentis. Les études sur les épisodes post-traumatiques ont également mis à jour la relation très étroite entre la dimension symbolique et la dimension affective de la vie humaine. A ce propos, Rimé affirme « que le cœur de l›expérience émotionnelle se situe au niveau cognitif-symbolique. Il est dans l’aperception par l’individu de limites à ses systèmes de sens, de lacunes de son monde présumé, de failles de son univers virtuel » et qu’une intervention efficace pour la résolution ou la récupération émotionnelle doit principalement concerner le traitement du processus cognitif-symbolique (Rimé, 2005, p.336-337). La relation étroite entre dimension symbolique et dimension affective permet alors de comprendre pourquoi le « nexus » a été qualifié de « nœud affectif prélo-gique » constituant la dimension affective d’une RS (Campos et Rouquette, 2000 ; Rouquette, 1994). Présenté comme un cadre de référence commun à haute valeur symbolique, il n’est pas étonnant que la dimension affective en soit une compo-sante principale. Les travaux sur les « nexus » sont particulièrement éclairants sur ce point (Delouvée, 2006 ; Kalampalikis, 2001 ; Campos & Rouquette, 2000).

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Page 33: Emotions et dynamique des representations sociales

CIPS n°102 – 2014 – pp. 195-232 226

Les résultats obtenus concernant les effets de la valence sur la dynamique représen-tationnelle suggèrent que la stabilité du couple individu-milieu repose en grande partie sur la stabilité de la signification symbolique de la représentation. C’est ainsi que l’on a pu observer que les croyances centrales se révèlent plus stables et plus résistantes que les croyances périphériques quelle que soit la valence reportée. La structure de la représentation reste sensiblement la même que l’on ait eu une expérience affective positive ou négative. Ce résultat illustre une fois encore le rôle de la signification symbolique de la représentation et son étroite relation avec les états affectifs.

Si, dans la confrontation à la réalité, les sujets se réfèrent largement à un cadre de référence commun, en revanche, l’effet de l’expérience affective s’est nettement traduit par des modulations du système périphérique. L’approche structurale offre un cadre interprétatif à ce résultat. En effet, de par ses fonctions de concrétisation, de défense et de régulation (Abric, 1994b), le système périphérique est fondamen-talement impliqué au niveau de l’ancrage de la représentation dans la réalité et donc largement soumis aux variations du milieu. C’est ainsi qu’il permet, comme le précise Abric, « une adaptation, une différenciation en fonction du vécu, une intégration des expériences quotidiennes. Il permet des modulations personnelles vis-à-vis d’un noyau central commun, générant des représentations sociales indi-vidualisées. Beaucoup plus souple que le système central, il le protège en quelque sorte en lui permettant d’intégrer des informations, voire des pratiques différenciées » (Abric, 1994a, p.28). Si l’expérience affective doit avoir une influence sur une RS, c’est sur le système périphérique que pourront apparaître ses premiers effets afin d’intégrer les variations du milieu.

Dans le cas d’une expérience affective négative suite à une invalidation des attentes, on aurait pu penser que la remise en cause du cadre de référence, constituant une menace de défaillance de sens, entraîne des modifications plus profondes de la représentation. Or, cela n’a pas été le cas. Ce résultat tend à confirmer l’impor-tance du rôle stabilisateur et structurant du système central d’une représentation. En effet, une transformation de la représentation impliquerait un traitement coûteux de restructuration cognitive sur le plan symbolique. Elle signifierait alors le renon-cement au système d’attentes hérité de l’expérience collective passée et qui régit la dynamique d’interaction entre un individu et son environnement. Par conséquent, pour des raisons d’enjeux épistémiques et identitaires, il est peu probable qu’un individu se sépare subitement de ses cadres de référence. Aussi, nous proposons une interprétation en nous appuyant sur le modèle de la dynamique représen-tationnelle proposé par Flament (1994b). Se basant sur le principe d’économie cognitive, Flament a avancé l’idée que l’individu ne peut pas se permettre de remettre en cause ses systèmes de représentation à la moindre inadéquation. À ce titre, l’invalidation des attentes constitue bien une inadéquation susceptible de remettre en cause la représentation. Selon Flament, dans la théorie du noyau cen-tral, les croyances périphériques jouent un rôle essentiel dans la dynamique repré-sentationnelle. Ce sont elles qui inscrivent la conditionnalité dans les systèmes de représentation. Une invalidation des attentes, même si elle constitue une remise

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en cause des systèmes de représentation, sera d’abord traitée par l’individu sous un principe de conditionnalité et n’entraînera pas de transformation de la repré-sentation. Dans les situations soumises à la conditionnalité, l’individu choisirait d’opérer des modulations sur le système périphérique dans le but de se donner, dans un premier temps, la possibilité d’intégrer à ses systèmes de représentation les écarts constatés avec la réalité. On mesure alors l’importance du rôle défensif du système périphérique dans la préservation du système central garant lui de la signification symbolique d’une RS et à laquelle il serait trop coûteux de renoncer. Cependant, si une RS venait à être durablement ou définitivement inadaptée à la réalité, elle subirait alors des transformations profondes qui se traduiraient tôt ou tard par une modification de son système central. Ainsi, le système périphérique, permettant l’ancrage de la représentation dans la réalité, pourrait jouer un rôle fondamental dans le repérage du travail cognitif effectué par les individus à la suite d’une expérience affective.

On voit alors, sous l’angle de la dimension affective, les rôles joués dans l’ap-proche structurale par le système périphérique et le système central. Dans cette perspective, les états affectifs se révèlent bien être des signaux permettant d’évaluer le niveau d’adéquation des systèmes de représentation à la réalité. Ils peuvent alors constituer des variables susceptibles d’annoncer l’activation du processus d’an-crage. La dimension affective soulignerait donc bien un processus d’évaluation individuelle à visée sociale ayant pour finalité l’adaptation des individus et des groupes sociaux à leur environnement.

11. Conclusion

La recherche que nous avons menée est encore largement exploratoire. Elle pré-sente, à ce titre, une limitation importante. Elle ne concerne pas des émotions pro-prement dites mais plutôt des affects que Rimé qualifie de « formes incipientes de l’émotion ». En effet, les niveaux d’activation physiologique reportés sont relative-ment moyens, ce qui laisse penser qu’il ne s’agit pas d’états affectifs intenses carac-térisant typiquement les émotions mais plutôt de « bouffées positives ou négatives moins différenciées que les émotions » (Rimé, 2005, p.52). Il sera donc intéressant de pouvoir étudier l’effet d’une émotion sur le niveau d’activation des systèmes de représentation et ses conséquences sur la dynamique représentationnelle. On pourrait alors raisonnablement s’attendre à un niveau d’activation plus marqué des émotions comparativement aux affects. Plus précisément, on devrait constater une activation encore plus importante du système central quelle que soit la valence émotionnelle. On prévoit également qu’une émotion positive conduirait à une plus large justification de la signification symbolique de la représentation comparative-ment à une émotion négative. Enfin, bien qu’une émotion positive puisse égale-ment entrainer une dynamique représentationnelle de concrétisation orientée sur le système périphérique, nous pensons qu’une émotion négative, constituant une menace potentielle de défaillance de sens, entrainera, en réponse à cette menace, des modulations périphériques plus importantes traduisant des mécanismes défen-sifs de la signification symbolique de la représentation.

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La recherche fait également preuve d’une carence quant au recueil d’émotions positives plus intenses. L’échelle de niveau de conformité aux attentes mériterait d’être améliorée sur ce point. Elle se contente de ne traduire qu’une situation géné-rale de conformité aux attentes susceptible de produire des manifestations affec-tives telles que la satisfaction, l’enthousiasme ou le soulagement. Elle ne prend pas en compte les conditions de la confrontation à la réalité qui confirment sou-dainement ou plus rapidement que prévu les attentes et qui sont caractéristiques des émotions plus intenses telles que la joie ou l’exaltation. Les dispositifs futurs devront intégrer cet aspect méthodologique.

Malgré ces deux limites majeures, la recherche semble suffisamment prometteuse pour permettre plusieurs orientations de recherche concernant la dynamique représenta-tionnelle en rapport à l’expérience affective. Tout d’abord, elle a l’avantage de montrer qu’il est possible d’envisager l’étude des RS et des émotions sur un terrain quasi-na-turel. La technique de recueil des données qui a été utilisée ici est celle des réponses auto-rapportées suite à une situation vécue. Les sujets, lors des différentes phases de recueil, n’ont pas exprimé de difficultés particulières face à ce type de technique.

Mais l’apport principal de cette recherche est qu’elle suggère que l’approche struc-turale est en mesure de fournir les bases d’une articulation théorique entre états affectifs et RS. Cette articulation repose sur l’hypothèse principale que les états affectifs renvoient à un positionnement individuel d’un cadre de référence com-mun confronté à la réalité. Dans cette perspective, tout en confirmant le rôle sta-bilisateur et structurant du système central, elle a mis en lumière celui non moins fondamental du système périphérique dans l’ancrage de la représentation. Dans son rôle de régulation, c’est par lui que s’opère l’adaptation de la représentation aux multiples variations du milieu. Mais son rôle le plus fondamental réside, selon nous, dans la défense de la signifi cation symbolique de la représentation. Il consti- défense de la signification symbolique de la représentation. Il consti-. Il consti-tue, selon l’expression utilisée par Flament, le « pare-choc » de la représentation dans sa confrontation à la réalité. Si le système central traduit la signification sym-bolique de la représentation, c’est le système périphérique qui, en permettant à l’individu de réguler ses transactions avec le monde, en assure la défense et la préservation. On voit alors, sous l’angle des états affectifs, l’étroite complémen-tarité du système central et du système périphérique dans la stabilité d’une RS. Une RS doit sa stabilité à la capacité de son système périphérique d’endiguer les menaces symboliques potentielles envers son système central. La prise en compte du système périphérique dans son rôle fondamental de défense et de protection de la signification symbolique de la RS apparaît comme un moyen de mettre à jour l’état d’activation du « processus cognitif-symbolique » (Rimé, 2005, p.337) de recherche et de production de sens résultant de l’expérience émotionnelle.

L’approche structurale a l’avantage de fournir un cadre expérimental solide pour mener à bien les recherches futures qui mettront à l’épreuve la validité de ces premiers résultats.

Finalement, la recherche met plus généralement en perspective l’étude des rela-tions entre RS et pratiques sous l’angle des états affectifs et des émotions en par-ticulier. À ce titre, nous avons pris le parti de considérer les RS et les pratiques

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comme un seul et même processus de construction sociale de la réalité. Cela a des implications importantes quant à la place à accorder aux émotions dans l’étude des conditions d’évolution et de transformation des RS et du processus d’ancrage en particulier. Elles peuvent, notamment, nous permettre d’étudier les rapports d’interdépendance entre la dynamique représentationnelle et le partage social de l’émotion (Rimé, 2005). En effet, les raisons qui motivent les individus à être particulièrement enclins à partager leurs expériences émotionnelles reposent essentiellement sur des enjeux d’ordre épistémique et identitaire. Comme le sou-ligne Rimé, « l’expérience émotionnelle de l’un des membres active alors l’un des résonateurs de la pensée sociale. Et le processus de partage social qui s’ensuit n’est pas seulement la recherche de sens d’un individu désemparé. Il est aussi l’initia-tion du processus commun par lequel les membres du groupe mettront à jour les représentations qu’ils partagent. Le graphe de la propagation sociale du partage de l’émotion qui se développe à la suite du partage primaire, secondaire et tertiaire est aussi l’illustration du développement d’une dynamique des représentations so-ciales » (Rimé, 2005, p.380).

Élaborée dans le cadre de la TNC, cette recherche fournit, nous semble-t-il, des premiers éléments d’éclairage des liens étroits qu’entretiennent la dimension sym-bolique de la représentation, la dynamique représentationnelle et l’expérience affective.

Notes

1. La formule est la suivante: Dmax = [(1 – (1,36 ⁄ √n)) 100] (Kanji, 1999).

2. Tx activation Croyances Centrales (Tx CC) = (Nb CC activées/Nb affects reportés)/6

Tx activation Croyances Périphériques (Tx CP) = (Nb CP activées/Nb affects reportés)/12

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