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Laurent COUTELIER François COUTELIER AVOCATS ASSOCIES Le Cygne IV 155. Av. Franklin Roosevelt 83000 TOULON Tel. 04.94.46.92.30. Fax : 04.94.42.24.23. Aff : 0700381 LE BER/ETAT FRANCAIS Requête N°23905/07 DEMANDE DE SATISFACTION EQUITABLE A Messieurs les Président et Conseillers composant la 5 ème Section de la COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME POUR : Madame Lélia Hortense LE BER, née le 15 décembre 1921 à PORQUEROLLES (Var), de nationalité Française, domiciliée Villa Fournier, Ile de Porquerolles, 83400 HYERES. Ayant pour Avocat Monsieur le Bâtonnier Laurent COUTELIER Avocat au Barreau de TOULON, y demeurant Le Cygne 4 155 avenue Franklin Roosevelt. Et Maître Laurent CHAMBAZ – UGCC & ASSOCIES, Avocat au Barreau de Paris, y demeurant 47 Rue de Monceau. CONTRE : L'ETAT FRANCAIS 1

ECHR : Case Le Ber v. France : observation Art.41 applicant

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ECHR CEDH Case Le Ber v. France (23905/07) Lawyer : Me Laurent CoutelierObservations art. 41 from applicant

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Laurent COUTELIERFrançois COUTELIERAVOCATS ASSOCIES

Le Cygne IV155. Av. Franklin Roosevelt

83000 TOULONTel. 04.94.46.92.30.

Fax : 04.94.42.24.23.

Aff : 0700381 LE BER/ETAT FRANCAIS

Requête N°23905/07

DEMANDE DE SATISFACTION EQUITABLE

A Messieurs les Président et Conseillers composant la 5ème Section de la COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME

POUR :

Madame Lélia Hortense LE BER, née le 15 décembre 1921 à PORQUEROLLES (Var), de nationalité Française, domiciliée Villa Fournier, Ile de Porquerolles, 83400 HYERES.

Ayant pour Avocat Monsieur le Bâtonnier Laurent COUTELIER Avocat au Barreau de TOULON, y demeurant Le Cygne 4 155 avenue Franklin Roosevelt.

Et Maître Laurent CHAMBAZ – UGCC & ASSOCIES, Avocat au Barreau de Paris, y demeurant 47 Rue de Monceau.

CONTRE :

L'ETAT FRANCAIS

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PLAISE A LA COUR

Art 41 de la Convention Européenne :

Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable.

A) Du bien fondé de la demande de satisfaction équitable

1) De la violation de la propriété des biens (Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne)

L’Etat s’est engagé aux termes d’un contrat de vente entériné en 1971, à garantir de manière effective le droit à construire sur les parcelles de terrains conservées par Madame LE BER (pièce 9).

Le contrat de vente précise les trois opérations immobilières dans les termes suivants (pièce 9- page 4) :

« Il est précisé que la cession de ce droit a pour objet non de permettre à l’Etat de construire sur les dites parcelles, mais de limiter ainsi qu’il suit les possibilités de construire conservées par la venderesse.

Celle-ci aura la faculté de construire sur les dites parcelles :

A. Les bâtiments nécessaires à l’extension de l’hôtel et du restaurant dénommés « Mas du Langoustier » dans la limite du doublement des superficies développées existantes actuellement.

B. Des bâtiments à usage d’habitation d’une superficie de 1200 mètres carrés. Cette superficie est exprimée en mètres carrés de plancher développée hors œuvre au sens de l’article 20 du décret n 70 -1016 du 28 octobre 1970 relatif aux plans d’occupation des sols. Il est précisé en ce qui concerne les bâtiments a usage agricole que leur importance devra rester en rapport avec les seuls besoins de l’exploitation agricole de la venderesse sur l’île.

C. Un bâtiment pour un établissement pour personnes handicapées sans limite de surface imposée (…) »

Les termes « limiter ainsi qu’il suit » renvoient directement à l’énumération -par définition limitative- des trois opérations immobilières évoquées.

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Cette garantie constituait la condition à laquelle était soumis l’accord de Madame LE BER relatif à la vente d’une grande partie de ses terrains à l’Etat, à un prix très nettement inférieur à leur valeur réelle estimée par le Service des Domaines, reprise dans le rapport du 18 janvier 1971 établi par Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE pour le compte de l’Etat (pièce 29 - page 10).

Sauf à avoir perdu la raison, Madame LE BER n’avait aucun intérêt à céder son bien à l’Etat pour un prix inférieur aux offres émanant des promoteurs privés et même à l’estimation des Services des domaines, qui était elle-même inférieure à ces offres.

L’Article 545 du Code Civil dispose : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation ».Les droits à construire fixés ne varietur dans le contrat de vente constituaient la contrepartie de l’insuffisance du prix de vente par rapport à la valeur réelle des terrains.

Le Rapport de Monsieur Jérôme MONOT du 4 janvier 1971, délégué à l’Aménagement du territoire de l’action régionale, désigné comme interlocuteur unique des propriétaires de l’île, précise qu’il est impossible d’envisager que les propriétaires de ces terrains s’en dessaisissent à un prix bien inférieur à celui espéré sans aucune contrepartie, à savoir les droits à construire énumérés (pièce 22 – pages 3 à 5) :

« Si l’on prend comme base d’évaluation la valeur agricole (environ 3 FF le m2) et celle des droits de construire relevant du groupement d’urbanisme des Maures (environ 250 FF le m2 constructible), on parvient à un total théorique se situation entre 50 et 60 millions. L’étude des options prises par le Groupe BLITZ sur la propriété Richet confirme que c’est une somme de cet ordre qui représentait l’objectif des héritiers FOURNIER.

Même en retenant l’évaluation la plus modeste faite par le Service des Domaines (42 millions pour la totalité des terrains leur appartenant, soit 3,75 FF le m2), on était au départ très au-dessus des possibilités financières de l’Etat. »

De plus, le délégué Monsieur MONOT rapporte qu’il a « promis de proposer au Gouvernement de donner les autorisations nécessaires pour que les trois opérations immobilières que j’ai évoquées ci-dessus et qui d’ailleurs me paraissent souhaitables puissent être réalisées. » (pièce 22 - page 5).

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Le Rapport de Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE auprès de la Commission Nationale des Opérations Immobilières et de l’Architecture (C.N.O.I.A) de l’audience du 18 janvier 1971 indique en outre que les résultats de la négociation concernant Madame LE BER étaient les suivants (pièce 29 – page 17) :

« Madame LE BER qui demandait 7.500.000 F au départ, désire conserver 59 ha 38 a 98 ca, et à développer son exploitation agricole. Elle est disposée à céder à l’Etat 164 ha 40 a 38 ca ainsi que 4.800 m2 de droit de construire sur les 6.000 m2 correspondants aux biens conservés moyennant le prix de 5.500.000 F., à la condition de pouvoir en outre agrandir son hôtel et entreprendre la réalisation d’une institution en faveur des inadaptés. »

D’autre part, la Commission nationale des opérations immobilières et de l’architecture (C.N.O.I.A.), précise lors de son audience du 18 janvier 1971, que les droits à construire sont figés et ne sont pas liés aux règles de l’urbanisme (pièce 23 page 3) :

« L’Etat doit pouvoir acquérir la maîtrise foncière de Porquerolles et, pour cela se rendre propriétaire non seulement des terrains à vendre, mais obtenir en outre qu’une série de concessions soit acceptée par les propriétaires sur les terrains appelés à rester dans leur patrimoine. Des servitudes contractuelles assez lourdes ont été ainsi imposées aux propriétaires.

En particulier, le droit de construire sera figé et ne sera pas lié au règlement d’urbanisme. Monsieur LEFEVRE1 précise que le prix global obtenu de 29.959.000 FF est inférieur aux prétentions initiales des vendeurs et à l’évaluation des Domaines… Monsieur PHILIPPE2 signale ensuite que les négociations ont été difficiles en raison des promesses très généreuses par les promoteurs privés aux propriétaires (de l’ordre de 60 millions de francs)… »

Les stipulations du contrat doivent donc être qualifiées d’élément exorbitant du droit commun contenu dans le contrat visé.

Cependant, le 22 août 1977, l’Etat refuse la demande de permis de construire présentée par Madame LE BER le 10 juin 1977, sur le motif principal de la préservation de l’environnement et la limitation des constructions sur un site naturel exceptionnel (pièces 12 et 13), alors que ces motifs ont justement présidé à la signature de l'acte de vente.

1 Inspecteur des Finances (Rapporteur lors de l’audience du 18 janvier 1971)2 Directeur Divisionnaire des Impôts (Rapporteur lors de l’audience du 18 janvier 1971)

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De plus, le Ministère de l’Urbanisme et du Logement rapporte que le Plan d’Occupation des sols (P.O.S) reprend jusqu’en 1978, « l’ensemble des droits accordés par un regroupement sur un terrain mis à disposition à l’Etat », alors qu’en Novembre 1979, il est indiqué que le P.O.S n’intéresse plus les droits en questions, « suite à la prise de position de l’Etat… ». (pièce 10 – page 6).

Or l’argument de la préservation de l’île de Porquerolles est inopposable en l’espèce, car l’Etat, au cours de la négociation contractuelle initiale, avait déjà tenu compte de cet impératif.

En effet, c’est justement du fait de la prise en compte de la préservation de l’île, qu’une partie des droits à construire que Madame LE BER détenait avait été cédée, et que ses droits résiduels sur les parcelles restantes ont été figés par énumération dans le contrat de vente.

Cela est d’ailleurs précisé dans le rapport de Monsieur Jérôme MONOT précisant les motivations des héritiers FOURNIER (pièce 29 – page 16) :

« L’attitude des trois autres propriétaires, Madame LE BER, Madame PRODROMIDES et Mlle Doria FOURNIER était toute différente. Elles entendaient continuer à participer à la vie de Porquerolles. Une des conditions qu’elles ont posée, était d’ailleurs qu’il leur soit précisé par lettre les intentions générales de l’Etat quant à l’avenir de l’île. Elles faisaient, en outre, une condition sine qua non de la conservation d’un domaine personnel d’une certaine importance (une cinquantaine d’hectares en moyenne) qui leur permettrait de poursuivre à la fois une exploitation agricole (et pour Madame LE BER la gestion d’un hôtel restaurant de qualité) et de garder la disposition de leurs propriétés personnelles éventuellement agrandies en fonction des besoins de leur assez nombreuse famille. J’ai la conviction qu’il eût été inutile et maladroit de tenter de les faire revenir sur cette position car cela eût été nier du même coup leur attachement à Porquerolles. En revanche, l’expérience m’a prouvé qu’il était possible en utilisant positivement ce facteur psychologique, d’obtenir la cession de la plus grande partie des droits de construire attachés aux parcelles conservées et d’aborder dans un climat favorable les questions financières. »

Aussi, en invoquant l’impératif de préservation de l’environnement pour supprimer les droits à construire dont est titulaire Madame LE BER aux termes du contrat, l’Etat violait de manière manifeste ses engagements contractuels clairement précisés.

Il n’existait aucune nouvelle cause d’utilité publique pour que l’Etat puisse limiter les droits de construire de la propriétaire, exorbitants du droit commun.

Madame LE BER rappelle qu'elle a tout mis en œuvre pour assurer la sauvegarde des droits de construire qui lui conférait l'acte de vente.

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En effet, Madame LE BER, lors de l'élaboration du POS de la ville d'HYERES a écrit, le 11 septembre 1984 (pièce n°11), en demandant l'intégration de ses droits de construire dans le futur plan d'occupation des sols.

L'Etat n'a pris aucune mesure pour appuyer la démarche de Madame LE BER.

Le plan d'occupation des sols (POS), approuvé par délibération du Conseil Municipal du 27 décembre 1985, a méconnu les droits de Madame LE BER, sans que l'Etat, autorité de tutelle, n'intervienne.

Cette situation a été admise par l'Etat dans une "Etude d'impact sur l'Ile de Porquerolles", réalisée par le Bureau d'Etudes et de Réalisations Urbaines (BERU) (pièce 28 – préambule, page 1), dans laquelle, la Cour lira :

"Or, lors des acquisitions des sols, et pour en faciliter la négociation, l'Etat a conclu avec les vendeurs des accords aux termes desquels des droits de construire ont été reconnus à certaines parcelles qui sont restées leur propriété personnelle : il s'agit de volumes assez importants dont on trouvera le détail ci-après et dont l'impact sur le paysage risque d'être fort."..."- De proposer, éventuellement des modifications qu'il serait possible d'apporter dans l'affectation des volumes à bâtir, ou dans la localisation du programme afférent à chaque cas."..."- Que l'Etat, lors de la signature des conventions d'acquisition ne pouvait attribuer aux héritiers FOURNIER "des droits publics". ..."-Que cette non consécration par le plan d'occupation des sols pouvait conduire les héritiers FOURNIER à demander soit l'annulation des conventions passes (ce qui entrainerait de leur part la restitution des sommes encaissées), soit l'attribution de dommages intérêts correspondant au préjudice subi."

Dans ces conditions, Madame Le Ber s’est vue privée de ses droits sur ses biens tels que protégés par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention, ainsi que de leur exploitation.

2) Le droit interne français ne permet pas d’effacer les conséquences de cette violation

Or le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation, après une procédure au fond dans les deux ordres de juridictions français, ont refusé toute indemnisation à la famille LE BER.

Le Conseil d’Etat a considéré dans un arrêt du 10 mars 1989, qu’aucune disposition du contrat ne présentait un caractère exorbitant de droit commun et que le contrat n’avait pas pour effet de lui confier l’exécution d’un service public, ce qui rendait les tribunaux judiciaires seuls compétents pour connaître de sa demande (pièce 16 – page 3).

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La Cour de Cassation dans un arrêt du 19 décembre 2006, débouta les parties de leur demande de reconnaissance de leur droit à construire développée dans un mémoire ampliatif (pièce 21 – page 9).

Les parties se sont donc vues privées, depuis la vente de leurs terrains à l’Etat, de leur droit à construire, et de toute indemnisation du préjudice subi par la non exécution des engagements contractuels promis par l’Etat depuis les actes de vente du 4 et 17 mai 1971.

Aussi, Madame Le Ber est bien fondée à solliciter une satisfaction équitable en application de l’article 41 de la Convention.

B) De l’évaluation de la satisfaction équitable

1) Rappel des principes

L’article 41 de la Convention dispose que « Si la Cour déclare qu’il a eu violation de la Convention et de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

La satisfaction équitable doit prendre la forme de l’octroi d’un montant destiné à compenser, en équité, le préjudice subit par le requérant gagnant.

Sont indemnisables au nom de l’article 41 de la Convention et selon la jurisprudence de la CEDH, le préjudice matériel simple et le préjudice matériel résultant de la perte des revenus futurs (CEDH 24 juin 2993, Stretch c/ Royaume-Uni, paragraphe 47-48). Le préjudice moral est aussi indemnisable sur le fondement de la satisfaction équitable.

2) Application du principe à l’espèce

En l’espèce, l’Etat français a enfreint de manière évidente son engagement conventionnel en ne permettant pas la concrétisation du droit de construire qu’il avait accordé.En conséquence, Madame LE BER a été dépossédée de ses terrains sans que le prix octroyé ne soit plus assimilable à une indemnité équitable.

En réparation de ce manquement de l’Etat, il convient d’évaluer le montant de la satisfaction équitable dont peut se prévaloir Madame LE BER.

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I – Sur le dommage matériel

Remarque liminaire : le calcul du dommage matériel subi par Madame LE BER repose, non sur ses propres évaluations, ni même sur des documents produits pour les besoins de la cause, mais sera exclusivement calculé à partir des documents émanant de l'Etat Français lui-même ou de ses services contemporains ou antérieurs à la vente.

L'Etat a en effet, toujours admis et reconnu que des offres de 60.000.000 FF soit 9.146.941,03 € avaient été faites à la famille FOURNIER pour l'acquisition de la quasi totalité des terrains.

Madame LE BER a subi un préjudice du fait de la perte de l’usage effectif du droit à construire pendant trente-sept années. En conséquence, Madame LE BER a subi non seulement une perte mais également un manque à gagner, contrairement à ce qu’elle pouvait s’attendre à la suite des négociations et à la lecture des termes du contrat.

Par l’octroi de la satisfaction équitable, le requérant est placé dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si la violation ne s’était pas produite, par application du principe restitutio in integrum.

Aussi, la satisfaction équitable allouée à Madame LE BER doit consister en la réparation de la perte effectivement subie à savoir l’inexécution des obligations contractuelles par l’Etat français, damnum emergens.

A cela s’ajoute le manque à gagner auquel il faut s’attendre pour l’avenir, lucrum cessans, à savoir la perte d’exploitation des terrains appartenant à Madame LE BER par la suppression pure et simple de ses droits à construire promis dans le contrat de vente.

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I. 1. Sur la valeur réelle des terrains cédés et des droits cédés par Madame LE BER

La Cour ne saurait disposer de meilleures évaluations que celles émanant de l'Etat lui-même.

De nombreux éléments se trouvent au dossier.

1. Rapport du service des domaines du 14.11.1969.

Ce service spécialisé de l'Etat (dont les évaluations sont cependant régulièrement jugées comme étant sous évaluées par le Conseil d'Etat) a procédé à la détermination de la valeur vénale 2 ans avant la vente et a retenu, en fonction des termes de comparaison qui constituent la méthode la plus équitable, qui aboutissait pour l'ensemble de la propriété FOURNIER aux sommes suivantes :

• Zone d'habitation 5.335,72 € x 100..........................................................533.571,56 €• Zone rurale : a. 60.979,61 € x 15...........................................................914.694,10 € b.304.898,03 € x 8........................................................2.439.184,28 €• Zone forestière 609.796,07 € x 4........................................................2.439.184,28 € 718.034,87 € x 2........................................................1.436.069,74 €

Ensemble.......................................................................................................7.762.703,96 €

2. Comité Interministériel restreint d'aménagement du territoire

Le Comité a d'abord rappelé la situation de l'époque dans les termes suivants :

"Par contre, depuis quelques mois se dégagent de nouvelles et plus concrètes perspectives d'aménagement, dues à l'initiative de Messieurs BLITZ et TRIGANO (agissant à titre personnel, semble t-il) et un important groupe financier serait disposé à de larges (sinon totales) acquisitions financières dans l'ile : il s'agit du groupe EMPAIN, agissant avec la Banque de l'Union Européenne en liaison avec la société pour le développement du Tourisme (SODETO) et une participation du Crédit Agricole.

Le Comité Interministériel a rappelé que des remous auraient été provoqués l'été précédent par la mise aux enchères (à partir de 120.000 FF soit 18.293,88 €) des deux hectares de l'ilot domanial du petit Langoustier.

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A titre indicatif, si les 164 hectares, 40 ares et 38 centiares de Madame LEBER avaient été cédés sur la base de cette simple mise à prix, cela aurait représenté à l'époque, 19.728.456 FF soit 3.007.583,73 €, une somme sans commune mesure avec celle acquittée par l'Etat de 5.500.000 FF soit 838.469,59 €.

Le Comité Interministériel n'hésitait pas à rappeler (pièce n°4, page 8) :

"Une procédure de classement, outre sa lourdeur et son aspect quelque peu "stérilisant", serait également génératrice d'indemnisations et n'assurerait pas automatiquement l'ouverture de l'ile.

Une expropriation nécessiterait une juste définition de "l'utilité publique" et les indemnités fixées par le Juge sont fréquemment supérieures aux évaluations des Domaines (42 millions dans le cas présent)."

Le Comité Interministériel écrivait à l'époque "un niveau réaliste serait de l'ordre de 40 à 45 millions pour 900 hectares."

Il faut rappeler que la vente totale a porté sur 923 hectares 16 ares et 79 centiares.

3. Rapport du délégué à l'aménagement du territoire Jérôme MONOD

Monsieur Jérôme MONOD indiquait :

"Je vous rappelle que les conversations auxquelles l'administration avait paru souscrire avec le Groupe de Porquerolles pendant le 1er semestre 1970 avaient contribué à persuader les propriétaires qu'ils pourraient vendre leurs terres au prix du terrain à bâtir.

Si l'on prend comme base d'évaluation la valeur agricole (environ 3 FF le m²) et celle des droits de construire relevant du groupement d'urbanisme des Maures, (environ 2,50 FF le m² constructible), on parvient à un total théorique se situant entre 50 et 60 millions."

Le délégué à la DATAR écrivait dans son rapport :

"Même en ne retenant que l'évaluation plus modeste faite par les Domaines (42 millions pour la totalité des terrains leur appartenant, soit 3,75 FF le m²), on était au départ, très au-dessus des possibilités financières de l'Etat."

4. Commission Nationale des opérations immobilières et de l'Architecture : procès-verbal du 18.01.1971 (pièce n° 23)

Cette commission a émis un avis favorable à l'acquisition de l'ile de Porquerolles par l'Etat après avoir rappelé que le prix global de 29.950.300 FF pour les 923 hectares, 16 ares et 79 centiares était inférieur à l'évaluation du Service des Domaines (pièce 28 page 3), mais également que des promesses avaient été faites par des promoteurs privés aux propriétaires de l'ordre de 60.000.000. FF.

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5. Rapport de Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE auprès de la Commission Nationale des Opérations Immobilières et de l’Architecture, (pièce n° 29, page 17)

«- Mme LE BER :

Mme LE BER qui demandait 7.500.000 F au départ désire conserver 59 ha 38 a 98 ca, et à développé son exploitation agricole. Elle est disposée à céder à l’Etat 164 ha 40 a 38 ca ainsi que 4.800 m² de droit de construire sur les 6.000 m² correspondants aux biens conservés moyennant le prix de 5.500.000 F, à condition de pouvoir en outre agrandir son hôtel et entreprendre la réalisation d’une institution en faveur des inadaptés.

L’estimation domaniale portant sur les terrains est de ...........................5.900.000 F à laquelle il faut ajouter la valeur du droit de construire que l’on peut arbitrer sur la base minimale de 200 F par mètre carré, soit 4.800 x 200 :..................................................960.000 F................................................................................................................................__________.............................................................................................................................6.860.000 F »

La différence entre le minimum minimorum auquel pouvait prétendre Madame LE BER et le prix offert par l’Etat s’élève donc à (6.860.000 F – 5.500.000 F = 1.360.000 F), soit 207.330,66 €.

I. 2. Sur la différence entre la valeur équitable et le prix payé par l’Etat : la demande de satisfaction équitable

Ainsi, il apparaît en résumé que la famille FOURNIER s'était vu offrir pour les 923 hectares 16 ares et 79 centiares, 60.000.000 FF soit 9.146.94103 € par des promoteurs privés, ce que l'Etat ne saurait aujourd'hui utilement contester puisque cette affirmation résulte de son propre aveu.

En conséquence, l'évaluation des droits de construire consentis par l'Etat dans l'acte de vente doit être fixée comme représentant la différence entre le prix équitable (celui offert par les promoteurs privés) et celui offert par l'Etat.

Cette différence pour la seule partie de l'ile appartenant à Madame LE BER, doit se calculer comme suit :

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60.000.000 FF (Valeur équitable ensemble des terrains Famille FOURNIER) X 164 hectares 40 ares et 38 centiares = 923 hectares 16 ares et 79 centiares (superficie totale vendue) (pièce n° 8)

= 10.685.193 (valeur équitable du terrain de Madame LE BER)

La perte éprouvée par Madame LE BER s'élève donc à 10.685.193 FF soit 1.628.947,17 € (valeur équitable) – 5.500.000 FF soit 838.469,59 € (prix payé) = 5.185.193 FF soit 790.477,58 € valeur en 1971. (1545,50 indice 1er trimestre 2009) (222 indice 2ème trimestre 1970) = 5.503.077 €.

Décision d'acquisition de l'ile de Porquerolles parle Ministre des Finances en date du 19 février 1971.

Cette somme soit être réévaluée au jour de l'indemnisation en fonction de l'indice du coût à la construction, s'agissant de l'équivalent de droits de construire, soit arrêté au 1er trimestre 2009.

Très subsidiairement, si la Cour Européenne ne devait pas retenir la somme de 60.000.000 FF soit 9.146.941,03 € comme représentant la valeur équitable de l'ensemble des terrains vendus par la famille FOURNIER, l'indemnisation de Madame LE BER ne saurait être fixée à une valeur inférieure à la différence entre le prix payé soit 838.469,59 € et la valeur vénale réelle telle qu'elle résulte de l'aveu de l'Etat Français (compte rendu de la Commission Nationale des Opérations Immobilières), soit 1.307.645 €.

La satisfaction équitable ne saurait être inférieure à 1.307.645 € - 838.469 € = 469.176 € revalorisée en fonction de l'indice du coût à la construction depuis 1971, soit la somme de 469.176 x 1545,50 (indice du 1er trimestre 2009 : 222 (indice du 2ème trimestre 1970) : 3.266.268 €.

En tout état de cause, l'indemnisation de Madame LE BER ne saurait en aucun cas être à minima à la différence entre le prix de vente payé (5.500.000 FF) et l'évaluation la plus basse de ses terrains faite par les rapporteurs de l'Etat lui-même lors de la séance restreinte de la Commission Nationale des Opérations Immobilières et de l'Architecture du 18 Janvier 1971 (pièce 29 – page 17) et 6.860.000 FF, soit 1.360.000 FF (207.330,66 €) réactualisée en fonction de l'indice du coût de la construction (pièce 30), soit :

1.360.000 FF (207.330,66 €) X 1545,50 = 1.443.469 € 222

Pièce n° 8. Le total des terrains acquis par l'Etat représente 923 hectares 16 ares et 79 centiares.

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Madame LE BER tient à attirer l'attention de la Cour sur le fait qu'elle avait déposé une demande de permis de construire le 26 août 1977 (pièce n°12) qui lui a été refusée le 6 janvier 1978 (pièce n° 13)

En outre, Madame LE BER, avait demandé par courrier du 11 septembre 1984 (pièce n°11) que les droits de construire dont elle bénéficiait, soient repris dans le POS conformément aux engagements contractuels de l'Etat.

Cette demande qui équivalait à une demande de permis de construire n'a cependant pas été prise en considération, privant définitivement Madame LE BER, de la valeur desdits droits de construire c'est à dire d'une partie du prix de la vente de sa propriété.

La demande de satisfaction équitable de Madame LE BER est légitime et fondée et la Cour y fera droit en lui allouant à ce titre, la somme de 5.503.077 € outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

II – SUR LE PREJUDICE MORAL

Madame Lélia LE BER, aujourd’hui âgée de 88 ans, a subi un très important préjudice moral en étant privée depuis plus de 37 ans de droits de construire très importants.

Cette privation a empêché le développement de l’activité de l’hôtel du Mas du Langoustier, ainsi que de l’activité agricole de sa famille.

Ce préjudice est aggravé par le cynisme dont a fait preuve l’Etat français à son égard, y compris dans les moyens de défense devant la CEDH (par exemple en reprochant de ne pas avoir demandé la résolution de la vente, alors que lorsqu’elle le demandait, l’Etat lui opposait la renonciation à cette action contenue dans l’acte ainsi que la prescription).

Ce préjudice moral ne saurait être évalué à moins de 150.000 €.

III – SUR LES FRAIS ET DEPENS

Madame Lélia LE BER a été dans l’obligation de faire appel à deux Avocats pour faire valoir ses droits devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

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Elle devra, ainsi que ses Conseils, exposer des frais pour faire valoir ses observations devant la Cour.

Les frais devront forfaitairement être arbitrés à 50.000 €.

Madame LE BER demande que le montant des condamnations soit versé sur le compte n°30077 02103 0000111477 U 80 ouvert à la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT.

IV – DEMANDE DE PRESENTER DES OBSERVATIONS ORALES

Madame Lélia LE BER demande que ses Conseils, Monsieur le Bâtonnier Laurent COUTELIER et Maître Laurent CHAMBAZ, puissent faire des observations orales lors de l’audience qui sera fixée par la Cour.

Présentée à Strasbourg, le

Mr le Bâtonnier Laurent COUTELIER Maître Laurent CHAMBAZ

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BORDEREAU DE PIECES

N°1 (1 page) – Lettre du Ministre chargé du plan en date du 29 Octobre 1969N°2 (2 pages) – Lettre du Ministre chargé du plan en date du 20 Janvier 1971N°3 (4 pages) – Rapport du Service des Domaines du 14 Novembre 1969N°4 (15 pages) – Rapport de Communication sur l'île de Porquerolles établi par le Comité Interministériel restreint d'aménagement du territoire en Février 1970N°5 (1 page) – Discours de Chicago du Président POMPIDOUN°6 (1 page) – Lettre du Ministre chargé du plan en date du 4 Mars 1970N°7 (8 pages) – Option de vente du 17 Décembre 1970N°8 (2 pages) – Décision d'acquisition de l'île de Porquerolles par le Ministre des Finances en date du 19 Février 1971)N°9 (11 pages) – Acte d'acquisition amiable par l'Etat en date du 14 Mai 1971N°10 (3 pages) – Rapport de présentation du plan d'occupation des sols publié le 30 Septembre 1982N°11 (2 pages) – Lettre de Madame LE BER du 11 Septembre 1984N°12 (1 page) – Demande de permis de construireN°13 (1 page) – Refus de permis de construire du 6 Janvier 1978N°14 (8 pages) – Recours gracieux adressé au Préfet du Var le 6 Janvier 1981N°15 (3 pages) – Jugement du Tribunal Administratif de Nice du 8 Juin 1983N°16 (3 pages) – Arrêt du Conseil d'Etat du 10 Mars 1989N°17 (1 page) – JurisclasseurN°18 (12 pages) – Assignation devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon du 9 Décembre 1994N°19 (17 pages) – Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon du 13 Décembre 1999N°20 (11 pages) – Arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 26 Mai 2005N°21 (9 pages) – Arrêt de la Cour de Cassation du 19 Décembre 2006N°22 (7 pages) – Rapport de Monsieur Jérôme MONOD du 4 Janvier 1971N°23 (10 pages) – Procès-verbal de la séance de la C.N.O.I.A. du 18 Janvier 1971N°24 (32 pages) – Conclusions récapitulatives prises par Madame LE BER devant la Cour d'Appel d'Aix-en-ProvenceN°25 (1 page) – Photographie aérienne des constructions réalisées par l'Etat français au cœur d'un espace boiséN°26 (1 page) – Photographie aérienne des constructions réalisées par l'Etat français au cœur d'un espace boiséN°27 (1 page) – Photographie aérienne des constructions réalisées par l'Etat français au cœur d'un espace boiséN°28 (33 pages) – Etude d'impact de l'île de Porquerolles réalisée par le Ministère de la Culture et de l'Environnement en Mars 1977N°29 (22 pages) – Rapport de Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE auprès de la Commission Nationale des Opérations Immobilières et de l'ArchitectureN°30 (6 pages) – Indice du coût de la constructionN°31 (39 pages) – Plan d'Occupation des SolsN°32 (1 page) – Procuration de Madame Lélia LE BER en date du 3 Juin 2007N°33 – Relevé d’identité bancaire de Madame Lélia LE BERN°34 (2 pages) – Extrait de l’ouvrage « VOCABULAIRE JURIDIQUE » publié sous la Direction de Gérard CORNUN°35 (1 page) – Indice du coût à la construction de 1970 à 2009N°36 (8 pages) – Jurisprudence de la Cour de Cassation relative aux Notaires

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