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C rise de régime, ou crise de société, voire crise morale, mais clairement crise sociale, et économique : les édito- rialistes, les chercheurs en débattent docte- ment jusqu’à plus soif. Mais dans la vraie vie, les mesures prises par le gouvernement Valls, qui affirme haut et fort « aimer l’entreprise », sont de plus en plus marquées par des choix austéritaires frappant les populations les plus vulnérables, mais aussi les classes moyennes. La sanction est éloquente : le niveau atteint en matière de cote de popularité du chef de l’État dans les sondages (13% de satisfaits) à mi-mandat est inversement proportionnel aux cadeaux offerts à un Medef insatiable. Le pacte de compétitivité (40 milliards) et le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi) n’apportent aucune embellie pour l’emploi (3.400.000 chômeurs officiels + 4% sur 12 mois) malgré le million de pos- tes promis par Pierre Gattaz. En dépit des cou- pes claires dans la protection sociale, notam- ment dans la branche famille et bientôt dans le budget de la Sécurité sociale, malgré le gel des salaires des fonctionnaires, le déficit se creuse avec une dette atteignant 2 000 milliards. D’autant que la croissance stagne avec un risque d’entrée de l’économie fran- çaise dans le cycle de la déflation. Mais si le pouvoir d’achat recule pour la grande majori- té des salariés, les dividendes, versés aux actionnaires du CAC 40, ont eux augmenté de 30% sur une année. Dans ces conditions, la majorité recule dans toutes les élections : municipales et Européennes et tout dernièrement à la Haute Assemblée qui est repassée à droite. Avec un phénomène inquiétant, marqué par l’entrée de deux sénateurs du Front National au Palais du Luxembourg, et ce pour la première fois, dans un contexte de dangereuse banalisation des idées du parti de Marine Le Pen dont les grands medias portent une lourde responsabilité. Ce n’est pas avec une nouvelle attaque en règle contre les acquis sociaux (travail du dimanche, travail de nuit, seuils sociaux abaissés, etc.) et une stigmatisation des chô- meurs que l’Elysée et Matignon regagneront les voix des salariés les plus modestes. La droite décomplexée, et de plus en plus proche des thèses frontistes, tente dans ces conditions de jouer son va-tout pour reprendre le pou- voir, avec un Nicolas Sarkozy de retour, prêt à faire don de sa personne pour refonder sa famille politique et surtout finir le sale boulot des réformes libérales. Le sort tragique d’un citoyen français, Hervé Gourdel, tué de façon atroce en Algérie par des émules des bandes sanguinaires de Daesh (E.I. en arabe) est opportunément invoqué pour justifier la politique d’intervention de la France contre l’État islamique, ce « monstre providentiel » comme l’écrit le Monde Diplomatique (septembre 2014) pour qui « la focalisation sur cet épouvantail commode épargne à tous des remises en question dou- loureuses ». En bon soldat de l’OTAN, hors de tout mandat de l'ONU, Paris s’est engagé derrière la coalition appelée par Barak Obama pour bombarder les positions djihadistes. Mais dans quels buts ? Et jusqu’où ? Et le mensuel de conclure : « Ces bombardements ne sont pas neutres pour autant… Par le hasard du calendrier macabre des tueries proche-orientales, ils surviennent après un mois de désintéressement forcené de Washington pour le sort des civils sous les bombes de Gaza ». 30/09/2014 De Charybde en Scylla FRANCE Loi de lutte contre le terrorisme P. Tartakowski p. 3 Aimer l’entreprise ? J. Lewkowicz p. 5 Travailleurs précaires contre patrons voyous L.L p. 5 UKRAINE Les fascistes à la manœuvre B. Frederick p.2 HISTOIRE / MÉMOIRE Les conseils juifs : II. L’UGIF, un judenrat à la française M. Cling p.6 Le Pen, Moati et moi NM p.6 Cycle ‘La Naïe Presse a 80 ans’ Édition du 22/02/1950 – UGIF, Xavier Vallat p.4 POINT DE VUE Cycle ‘Être juif au XXIe siècle’ Juif, je ne sais pas, mais de partout, à coup sûr P. Abramovici p.4 CULTURE Cinéma: ‘Mommy’ L. Laufer p.7 Théâtre ‘Pascal Descartes’, ‘La grande nouvelle’ S. Endewelt p.7 Entretien avec Gabriel Garran S. Endewelt p.8 La PNM signale (livres, expositions, lectures) pp. 5 et 7 L e 18 septembre, l'Assemblée a adopté un projet de loi dit de lutte contre le terroris- me prévoyant, entre autres, la possibilité d'in- terdiction de sortie de l'espace Schengen pour des ressortissants français. Lire en page 3 notre entretien avec Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme. Nos libertés en danger ? La culture juive est en deuil ! Charles Dobzynski n'est plus. L'homme s'en va, l’œuvre reste. Marianne Delranc qu'il appréciait parti- culièrement reviendra dans notre prochain numéro sur l'homme, son parcours, son œuvre. ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. PNM n° 319 - Octobre 2014 - 32 e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État. P. Kamenka

e FRANCE Nos libertés en danger ? La culture juive L est ...data.over-blog-kiwi.com/1/10/37/54/20141105/ob_c738da_319.pdf · l’Ukraine est aujourd’hui en tête, juste derrière

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Crise de régime, ou crise de société,voire crise morale, mais clairementcrise sociale, et économique : les édito-

rialistes, les chercheurs en débattent docte-ment jusqu’à plus soif. Mais dans la vraie vie,les mesures prises par le gouvernement Valls,qui affirme haut et fort « aimer l’entreprise »,sont de plus en plus marquées par des choixaustéritaires frappant les populations les plusvulnérables, mais aussi les classes moyennes.La sanction est éloquente : le niveau atteint enmatière de cote de popularité du chef del’État dans les sondages (13% de satisfaits) àmi-mandat est inversement proportionnel auxcadeaux offerts à un Medef insatiable. Lepacte de compétitivité (40 milliards) et leCICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité etpour l’emploi) n’apportent aucune embelliepour l’emploi (3.400.000 chômeurs officiels+ 4% sur 12 mois) malgré le million de pos-tes promis par Pierre Gattaz. En dépit des cou-pes claires dans la protection sociale, notam-ment dans la branche famille et bientôt dans lebudget de la Sécurité sociale, malgré le geldes salaires des fonctionnaires, le déficit secreuse avec une dette atteignant 2 000

milliards. D’autant que la croissance stagneavec un risque d’entrée de l’économie fran-çaise dans le cycle de la déflation. Mais si lepouvoir d’achat recule pour la grande majori-té des salariés, les dividendes, versés auxactionnaires du CAC 40, ont eux augmenté de30% sur une année.Dans ces conditions, la majorité recule danstoutes les élections : municipales etEuropéennes et tout dernièrement à la HauteAssemblée qui est repassée à droite. Avec unphénomène inquiétant, marqué par l’entrée dedeux sénateurs du Front National au Palais duLuxembourg, et ce pour la première fois, dansun contexte de dangereuse banalisation desidées du parti de Marine Le Pen dont les grandsmedias portent une lourde responsabilité. Ce n’est pas avec une nouvelle attaque enrègle contre les acquis sociaux (travail dudimanche, travail de nuit, seuils sociauxabaissés, etc.) et une stigmatisation des chô-meurs que l’Elysée et Matignon regagnerontles voix des salariés les plus modestes. Ladroite décomplexée, et de plus en plus prochedes thèses frontistes, tente dans ces conditionsde jouer son va-tout pour reprendre le pou-

voir, avec un Nicolas Sarkozy de retour, prêtà faire don de sa personne pour refonder safamille politique et surtout finir le sale boulotdes réformes libérales.Le sort tragique d’un citoyen français, HervéGourdel, tué de façon atroce en Algérie pardes émules des bandes sanguinaires de Daesh(E.I. en arabe) est opportunément invoquépour justifier la politique d’intervention de laFrance contre l’État islamique, ce « monstreprovidentiel » comme l’écrit le MondeDiplomatique (septembre 2014) pour qui « lafocalisation sur cet épouvantail commodeépargne à tous des remises en question dou-loureuses ». En bon soldat de l’OTAN, horsde tout mandat de l'ONU, Paris s’est engagéderrière la coalition appelée par Barak Obamapour bombarder les positions djihadistes.Mais dans quels buts ? Et jusqu’où ? Et lemensuel de conclure : « Ces bombardementsne sont pas neutres pour autant… Par lehasard du calendrier macabre des tueriesproche-orientales, ils surviennent après unmois de désintéressement forcené deWashington pour le sort des civils sous lesbombes de Gaza ». 30/09/2014

De Charybde en Scylla

FRANCELoi de lutte contre le terrorisme P. Tartakowski p. 3Aimer l’entreprise ? J. Lewkowicz p. 5Travailleurs précaires contre patrons voyous L.L p. 5

UKRAINELes fascistes à la manœuvre B. Frederick p.2

HISTOIRE / MÉMOIRELes conseils juifs :II. L’UGIF, un judenrat à la française M. Cling p.6Le Pen, Moati et moi NM p.6

Cycle ‘La Naïe Presse a 80 ans’ Édition du 22/02/1950 – UGIF, Xavier Vallat p.4

POINT DE VUE

Cycle ‘Être juif au XXIe siècle’Juif, je ne sais pas, mais de partout, à coup sûr P. Abramovici p.4

CULTURECinéma: ‘Mommy’ L. Laufer p.7Théâtre ‘Pascal Descartes’,‘La grande nouvelle’ S. Endewelt p.7Entretien avec Gabriel Garran S. Endewelt p.8La PNM signale (livres, expositions, lectures) pp. 5 et 7

Le 18 septembre, l'Assemblée a adopté unprojet de loi dit de lutte contre le terroris-

me prévoyant, entre autres, la possibilité d'in-terdiction de sortie de l'espace Schengen pourdes ressortissants français. ■ Lire en page 3notre entretien avec Pierre Tartakowsky,président de la Ligue des Droits de l’Homme.

Nos libertés en danger ? La culture juiveest en deuil !

Charles Dobzynskin'est plus. L'homme s'en va,l’œuvre reste. MarianneDelranc qu'il appréciait parti-culièrement reviendra dansnotre prochain numéro surl'homme, son parcours, sonœuvre. ■

ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.PNM n° 319 - Octobre 2014 - 32e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 €

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

P. Kamenka

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rale], dit-il, n'a rien en commun avecdes élections libres et démocratiques.Certaines régions ne voteront pas (leDonbass et Lougansk avec une popula-tion de près de 7 millions de personnesont près de 2,5 millions d'électeurs, c’estun sixième de l'Ukraine). Dans 40régions, il est impossible de tenir lesélections en général. Et sur le territoiredu Sud-est occupé par les forces coerci-tives de Kiev, les élections seront falsi-fiées. Finalement, les nationalistes del’extrême droite auront la majorité dansla nouvelle Rada ».

Pour rappel : le 13 décembre 2012, unerésolution du Parlement européen, indi-quait à propos du parti Svoboda, que« les opinions racistes, antisémites etxénophobes sont contraires aux valeurset principes fondamentaux de l’Unioneuropéenne » et il invitait « les partisdémocratiques siégeant à la Rada à nepas s’associer avec ce parti, ni àapprouver ou former de coalition avecce dernier ». Mais ça, c’était avant…

NDLR Cette statue de Petlioura trônedans plusieurs ville d’Ukraine (ici, àRivne). Héros national dans l'Ukraine d'au-jourd'hui (timbres à son effigie, statue enbonne place), Simon Petlioura est un anti-sémite fanatique, responsable de nombreuxpogroms, dont celui de Kichinev en 1903.Il fut assassiné à Paris, en 1926, parSamuel Schwartzbard qui voulait vengerles siens. Soutenu par l’Humanité, défendupar l'avocat communiste Henri Torres,Schwartzbard fut acquitté.

2 PNM n°319 - Octobre 2014

LA PRESSE NOUVELLE

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(clandestine de 1940 à 1944)1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U.J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

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Ukraine : les fascistes à la manœuvrepar Bernard Frederick

Le président du parti d’extrêmedroite Svoboda (en français“liberté” sic !), Oleg Tiagnibok, a

mandaté son avocat allemand pourdéposer une plainte au bureau du procu-reur de Berlin contre Gregor Gysi,député de Die Linke (La Gauche) auBundestag. L'avocat n'est pas uninconnu : Ulrich Busch était le défen-seur du Kapo John Demjanjuk, l’anciengardien du camp d’extermination deSobibor, condamné en 2011 à Munichpour avoir participé au meurtre de27 900 Juifs.

Gregor Gysi, lors d’une séance auParlement allemand, il y a quelquesmois, avait accusé Angela Merkel desoutenir des fascistes à Kiev. Il avaitnotamment cité une phrase, deTiagnibok : Prenez les armes, combat-tez les ces truies de Russes, combattezles Allemands, combattez ces porcs dejuifs et tous les autres indésirables.Aux élections parlementaires du 26octobre, Svoboda, qui a quitté la coali-tion au pouvoir pour précipiter deslégislatives, entend bien obtenir uneplace de choix. Mais la concurrence s’a-

vère sérieuse. Deux autres groupes fas-cistes, le Pravy Sektor (Secteur droit) etle Parti radical du « führer » OlegLiachko sont à la manœuvre, forts deleur participation physique à l’opéra-tion « antiterroriste » dans le sud-est dupays. Le 6 août dernier, AmnestyInternational a publié un rapport dénon-çant le fait qu’Oleg Liachko filme et dif-fuse sur Internet des vidéos dans les-quelles on le voit, accompagné de grou-pes paramilitaires, pénétrer dans deslieux publics ou privés pour y enleverdes personnes, les humilier et lescontraindre par la force à exécuter sesordres.

Tous ces gens se réclament ouvertementde la division SS « Galicie » et del’Armée insurrectionnelle ukrainienne(UPA) collaboratrice des nazis. Un desleurs, le journaliste BogdanBoutkevitch, déclarait, il y a peu, sur lachaîne hromadske.tv, « Le Donbass estune région dépressive (…). En ce quiconcerne la région de Donetsk dans sonensemble, il y a 4 millions de personnesdont une bonne partie est inutile. Demanière générale, le Donbass doit êtreutilisé comme une ressource (…) car ilconvient avant tout de songer aux inté-rêts nationaux ukrainiens. Comment le

faire ? Si cruel que cela puisse paraître,il faudrait tuer 1,5 millions de person-nes ».

On compte déjà plus de 2600 mortsdans cette région. Des civils. Plus de300 000 personnes ont fui notammenten Russie. Tout le monde est touché, lesJuifs aussi. Sur les 200 000 Juifsd’Ukraine, 30 000 résidaient, avant laguerre « punitive » soutenue parl’Occident, dans la région de Donetsk,dont 11 000 dans la ville même. Or,l’Ukraine est aujourd’hui en tête, justederrière la France, pour le nombre dedéparts vers Israël. Durant la périodecomprise entre janvier et avril 2014, 762Juifs ukrainiens ont émigré en Israël,contre 315 personnes durant la mêmepériode de 2013. En mars cette haussea triplé, s'élevant à 222 émigrés, contre74 au cours de l'année précédente.

En tout cas, ces immigrants ne voterontpas le 26 octobre. Ils ne seront pas lesseuls. Comme l’explique à la radio Voixde la Russie le député de la RadaSuprême del ' U k r a i n eA l e x a n d r eG o l o u b .« Cette cam-pagne [électo-

Raymonde Baron* Michel Sablic, Un orphelin dans la secondeguerre mondiale - Varsovie, Moscou, Alma-Ata,Jérusalem... Paris !, Éd. l’Harmattan, Paris,2012, 250 p., 25 € dont une critique deMadeleine Radzynski figure en p. 4 de la PNMn° 303 de 02/2013.

** Patronages et colonies de vacances de la Commission Centrale de l’Enfanceauprès de l’UJRE.

Après le succès en Avignon cet étédu spectacle Valises d'Enfance*

- que nos lecteurs ont pu découvrir enpremière à Andrésy (cf. PNM ...) - lacompagnie Pipa Sol* peut enfin pournotre plus grand bonheur se produireà Paris**.

Le samedi 6 décembre2014 en matinée (15h.),l’UJRE vous propose d'as-

sister ensemble à cette représentationqui sera suivie d'un débat sur la trans-mission de la mémoire du sauvetagedes enfants juifs et sur leur recons-truction. ■

Tarif : 10 € ou 8 € pour nos adhérents.

Réservation auprès de l'UJRE :01 47 70 62 16

* Prix « Coup de cœur » du Festival mondialdes Théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières (off 2011)

** Le Lucernaire - 53, rue Notre-Dame desChamps Paris 6e

Charles Dobzynskinotre ami n'est plus

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Monde

Vie des associations

Carnet

Les nombreux amis de Michel Sablic sont affligés par sa disparition sur-venue au mois de juin 2014. Beaucoup d’amis fidèles l’ont connu dès son arri-

vée à Paris. Je ne résumerai pas le livre* que Michel a écrit, mais un peu de sonenfance extraordinaire. Né en 1937 à Varsovie, qu’il quitte avec ses parents dès lespremiers bombardements pour gagner l’URSS, il se retrouve au Kazakhstan. Sonpère s’engage dans l’Armée rouge dès l’entrée en guerre de l’URSS, le laissantavec sa mère qui meurt bientôt. Sans nouvelles de son père, il passe d’orphelinat enorphelinat, de pays en pays et arrive à Jérusalem chez des juifs religieux ortho-doxes. En 1950, il cherche et retrouve, à Jérusalem, des membres de sa famille dontil apprend que son père a survécu et habite Paris. Nous l’avons ainsi connu à sonarrivée à Paris, quand il le rejoint en 1951. Il porte encore une casquette, signe reli-gieux, mais très vite, il acquiert la conviction de l’ineptie de toute croyance en Dieu.Mais, ainsi que le font remarquer ses fils, « à supposer que Michel se soit trompé,et qu’il se retrouve devant Dieu, nous plaignons ce dernier. Tous ceux qui ont connunotre père savent que discuter avec lui était une épreuve redoutable. Il ne lâchaitrien, sur les faits comme sur les principes. Nous le croyons capable de trouver lesarguments pour prouver à Dieu qu’il n’existe pas. » Très vite aussi, entouré de «copains », de la « bande », il ap-prend le français, va au « patro » du XIe, part encolonie de vacances**, rencon-tre l’amour de sa vie, Suzanne, et se marie trèsjeune. L’amitié était un mot sacré pour Michel, le communisme aussi. Didier etLaurent précisent : « notre père était un homme de principe. Il était en colère, cont-re le monde tel qu’il est organisé, contre la bêtise, contre l’injustice, mais il ne setrompait pas de colère : il nous a transmis et fait partager son exigence morale,politique et sociale. » Michel est un ami cher que l’on ne peut oublier. ■

C’est peu de dire que sa récentedisparition nous attriste. Charles étaitpoète. La perte du poète est irrempla-çable. Et parce qu’il était poète, iltraduisit les poètes. Ceux d’expres-sion yiddish en particulier, puisque leyiddish fut pour lui langue maternel-le, langue source de toute langue.Notre pensée va vers les siens, tousles siens. L’UJRE s’est jointe àl'hommage rendu lors de la cérémo-nie de son enterrement. ■ PNM

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PNM n°319 - Octobre 2014 3

PNM « Ce texte, soumis en réponseaux événements du Proche-Orient,notamment au chaos syrien et auxactes barbares de l'EI, ne risque-t-ilpas de contribuer à stigmatiser unepartie de la population, de confessionmusulmane clairement, et partant,d’alimenter la théorie de guerre descivilisations?

Pierre Tartakowsky : C’est une loi decirconstance ; en même temps, elles’inscrit dans l’air du temps. La circons-tance, c’est évidemment l’attentat com-mis fin mai par Medhi Memmouche auMusée juif de Bruxelles. Suite à l’é-motion légitime que cela provoque, legouvernement français rôde son dis-cours sur les dangers du djihadisme etsort une loi ad hoc. Le gouvernementprécédent déjà s’était fait une spécia-lité de « pondre » une loi chaque foisqu’un fait divers défrayait la chro-nique. La méthode peut satisfaire untemps l’opinion publique, ou une par-tie d’entre elle, mais elle n’est passérieuse et amène à légiférer trop viteet à improviser sur des sujets extrême-ment sensibles dont la complexité exi-gerait au contraire que l’on prenne letemps de la démocratie. Cela dit, unetelle réactivité n’est possible que parcequ’elle cristallise des thèmes flottants,des éléments de langage, un champsémantique qu’on a inscrit dans lepaysage médiatique, champ défini parles termes « musulman », « islam radi-cal », « islamiste » et « terroriste »,dont le moulinage permanent créeamalgame de fait dans les conscien-ces. Le tout dans un climat déjà très

travaillé par les thématiques d’extrêmedroite. Ce qui m’amène à répondreque le risque de stigmatisation desmusulmans de France est bien réel etd’autant plus grand que la loi sera, onpeut le craindre, sans effet majeur dansla lutte contre le terrorisme, alors qu’ils’agit évidemment d’un combat quidoit être mené. Mais cela suppose toutautre chose qu’une loi, qui offre ladouble caractéristique de sous-esti-mer la nature des problèmes posés etde les affronter à travers une logiqueliberticide.

PNM Inutile et liberticide, telle estl’appréciation de la LDH ?

Pierre Tartakowsky : En un mot :oui. D’abord parce que la logiquesous-jacente au texte est d’attribuer àInternet la majeure partie des problè-mes qui menaceraient notre pays. Les« loups solitaires » sont présentés,dans ce cadre, comme des « égarés »de l’informatique. Il ne s’agit pas denier les risques inhérents à la libre cir-culation d’une propagande haineuse,mais on ne peut pas ramener le problè-me à cette seule dimension. La conclu-sion affichée par la loi c’est de faireprévaloir la censure, en impliquantque toutes celles et ceux qui vont surdes sites qualifiés de djihadistes sontdes terroristes en puissance. Cela suf-fit a faire planer une menace redouta-ble sur les journalistes, les chercheurset… les curieux. Car se renseignern’est pas un délit. Ensuite, cette loi estliberticide parce qu’elle se veut pré-dictive ; elle vise à limiter la liberté de

personnes dont on a des « raisonssérieuses » de penser qu’elles pour-raient avoir le projet de passer à l’ac-te… Là encore, on met en œuvrequelque chose que le gouvernementprécédent avait voulu inscrire dans ledroit et qui avait fait renâcler l’opinionpublique. Enfin, prétendre limiter ledroit de circulation en raison de cessoupçons est totalement contraire àl’État de droit. Quitter son pays, fût-cepour aller participer à une guerre, cen’est pas un délit. Enfin, il faut ajouterune double dimension : d’une part lapolice voit ses prérogatives augmenterau détriment de celles du juge ; d’autrepart, et contrairement à ce qui est affir-mé, le terrorisme n’est pas la seulecible puisque deux articles visentexplicitement le grand banditisme.Comme souvent lorsqu’il s’agit detextes répressifs, on « élargit » sanstrop le dire le champ d’application.Demain, on risque de l’élargir encoreet ce faisant, de passer d’une loi d’ex-ception à un texte qui fasse norme surtout le champ pénal.

PNM Peut-on considérer qu’à lafaveur de ce texte le gouvernementcultive le déni de démocratie ?Pierre Tartakowsky : Formellement,non. Le Parlement a été consulté, lapresse a pu critiquer le texte – et LeMonde ne s’en est pas privé –, le Sénatva se prononcer… Mais la qualité dudébat public n’est pas au rendez-vouset tout se passe comme si le gouverne-ment se saisissait de vrais problèmesinternationaux pour affirmer une auto-rité par ailleurs contestée et agiter de

grandes peurs pour faire passer ausecond plan de vieux et sérieux pro-blèmes, qui tiennent à la fois à la crisesociale, à un héritage post-colonial fortmal géré et encore plus mal digéré, àun refus de fait de tenir des promessesd’égalité… La démocratie en Francesouffre de maux bien antérieurs auprojet de loi antiterroriste. Disons sim-plement que celui-ci ne risque pasd’arranger les choses, même combinéà des appels a l’union sacrée, tels queles multiplient le gouvernement Valls2, y compris sous l’œil intéressé desdirigeants du Front national.

PNM Peut-on dans ce cadre considé-rer que le musulman d'aujourd'huiest le suspect tout comme l'était le juifdes années 1940 ?Pierre Tartakowsky : comparaisonn’est certainement pas raison et il fautse méfier des parallèles trop facilesqui, de surcroît, étriquent la dimensionsingulière de ce que fut l’antisémitis-me des nazis ou des collaborateurs. Cequi est certain c’est qu’il flotte dansl’air un parfum non plus des annéestrente mais des années quarante.Reflux des solidarités progressistes,faiblesses des organisations démocra-tiques, délégitimation, démocratiedélégataire, parlementaire… tout celaest inquiétant au regard de l’état desanté florissant des entrepreneurs enhaines diverses et variés qui descen-dent sur le pavé. Les musulmans sontune cible privilégiée de ces flux réac-tionnaires parce qu’ils cristallisent surleurs personnes les veilles rancunescoloniales et raciales et les nouvellespeurs nées d’un monde entré enrecomposition au travers de soubre-sauts tragiques. Mais ils ne sont pas lesseuls : la haine ne se cantonne jamaisà une seule cible : il existe un conti-nuum entre ceux qui détestent lesroms, les homosexuels, les pauvres,les noirs et bien évidemment les juifset les musulmans, qui sont tous deuxune figure honnie de l’Autre. Face àquoi toute la difficulté consiste à réaf-firmer que l’humanité est une et queses combats ne doivent en aucun casse fragmenter au gré de hiérarchiesvictimaires. Ce sont les droits de tou-tes et tous qu’il s’agit de faire respec-ter. C’est un combat difficile. Legagner suppose de le mener toutes ettous, solidairement. ■

* Il s’agit du projet de loi antiterroriste dépo-sé par le ministre de l’Intérieur et voté parl’Assemblée le 18 septembre qui prévoit, entreautres dispositions, une interdiction de sortiedu territoire Schengen, à l’initiative du minis-tère de l’Intérieur et sur simple suspicion

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme, répond aux questions de Patrick Kamenka à propos de la loi dite delutte contre le terrorisme*.

1934-2014 : de la Naïe Presse à la Presse Nouvelle…

Après la guerre, la Naïe Presse a mené une vigoureuse campagne contre la libération de Xavier Vallat et des crimi-nels de guerre nazis. En même temps, elle dénonce les méfaits des anciens collaborateurs juifs de l’UGIF. peut-

on lire sur une banderole brandie lors du défilé du 14 juillet. Condamné le 2 décembre 1947, Vallat sera pourtantlibéré en décembre 1949. « La politique de pardon aux collaborateurs commence » titre alors la Naïe Presse. Le 22février 1950, avec l’’UJRE, le quotidien appelle à réagir…

Yiddish translittéré

Mekhtiker protest-mitingfoun yidichn pariz oun der frantsoyzicher demokratiè

kegn bafrayoung foun talion Ksaviè Vala

Yiddish translittéré

UGIF Di chendlèkhè rol oun tètikayt foun youdenrat in Frankraykh

bes der natsicher okoupatsiè

Traduction - Puissant meeting de protestation des juifs parisiens et des démocrates françaiscontre la libération du criminel Xavier Vallat

Traduction “UGIF” Le rôle honteux et la réalité du

Conseil juif de France sous l’Occupation nazie

Loi de lutte contre le terrorismeLibertés

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baroque. Jugez plutôt ! Née turque,ma grand-mère a épousé un Turc toutaussi juif qu’elle. Mais dans lesannées trente, désireux de s’installerau Luxembourg, conscients qu’ilsallaient vivre dans un pays chrétien,ils se sont rendus au lieu de culte leplus proche du domicile. Ils sontainsi devenus… orthodoxes. Cela n’apas empêché ma grand-mère de finircatholique, par je ne sais quelle opéra-tion du Saint Esprit. D’ailleurs, j’aiaussi retrouvé son certificat d’aryanité !

Mon arrière-grand-père maternel et sonépouse sont, à ma connaissance, restésjuifs mais je dispose d’un étonnant cer-tificat d’aryanité attestant que MarcoRosenthal, fils de Léon Rosenthal etRachel Lipkowitch, sont aryens depuisquatre générations…comme l’exi-geaient les lois du moment.

Juif, pas juif, tout est question d’op-portunité surtout en ces temps trou-blés des années trente et quarante.Mon père est né à Tanger, juif luiaussi comme son frère, apatrides rou-mains tous deux. Mon père, qui nesavait pas nager, est resté au Marocpendant la guerre. Mon oncle, quisavait nager, a rejoint un bateauanglais au large, puis Londres, puisle général de Gaulle, puis les troupesbritanniques. À 93 ans, il se rappellefort bien sa rencontre avec le général,qui recevait volontiers les recrues,surtout à l’hiver 1941 : « Abramovici,Tanger, apatride, juif : n’oubliez pasque vous travaillez pour la Francemon garçon ! » Juif, donc.

Quant à mon père, il est devenu jour-naliste à la Vigie Marocaine, un jour-nal pétainiste ! Ainsi, on peut êtrejuif et n’avoir aucun sens politique,dès lors que la menace reste lointaine(en 1940, Tanger est occupé par lesEspagnols).

Mon grand-père paternel était unaventurier. Son père était, paraît-il,rabbin en Roumanie. Est-ce pourcela qu’il est devenu libre penseur,marxiste, et qu’il a épousé ma grand-mère, née à Bagdad, dont aujourd’huiencore nul ne sait si elle était juive,chrétienne ou musulmane ? J’aime àpenser qu’elle fut musulmane, aumoins pour donner à mon grand-pèreRuben une touche d’originalité sup-plémentaire.

Récapitulons : du point de de la reli-gion, c’est n’importe quoi et, entrenous, personne ne croyait à rien. Mafamille est donc un authentique grou-

pe de métèques sans patrie et d’origi-ne douteuse. D’ailleurs, c’est ainsique je me suis toujours revendiquédans ma jeunesse. Juif, je ne sais pasmais de partout, à coup sûr.

Précisons que je suis né à Monaco,mes parents ayant imaginé que celieu de naissance me faciliterait uneéventuelle émigration vers quelquepart, toujours au cas où… À 18 ans,donc, me voilà obligé de choisirentre la nationalité française, puisquej’habite en France et que ma mère aété naturalisée française en 1947, etune hypothétique nationalité moné-gasque à laquelle je n’ai pas droitpuisque je ne réside plus sur leRocher. Entre être français ou apatri-de, le choix était facile. Mais c’estaussi l’un des fondements essentiels

de mon identité.

Je me sens français, j’ai étéélevé en France et je croisaux valeurs républicaines,notamment à la laïcité.D’ailleurs quand je vois de jeunesjuifs brandir le drapeau israélien, jene me sens pas proches d’eux. Je suisfrançais, pas israélien. Si j’avaisvoulu être israélien, j’aurais émigré.Israël n’est pas ma patrie au seulmotif que je suis juif…

Récapitulons : je suis catholique,français… et juif. Mais qu’est-ce quecela peut bien vouloir dire ? J’ai poséla question à ma femme qui, vousl’aurez compris, est dans le mêmecas que moi, à ceci près qu’elle apassé deux ans dans un kibboutz enIsraël et qu’elle en est revenue, danstous les sens du terme. Pour elle, êtrejuif, c’est être névrosé.

Une névrose obsessionnelle à laquelleon n’échappe pas : la guerre évidem-ment. Tout nous y ramène. Aujourd’huiencore, ma mère continue à être obs-édée par les nazis et les fascistes... etpar la déportation de quelques memb-res de la famille qui ont oublié de seconvertir à temps, si tant est que cela aitpu convaincre la Gestapo.

Donc la guerre. Professionnellement,j’ai été un journaliste spécialisé dansl’enquête et l’investigation internationa-le. Un sujet sur deux traitait de l’extrêmedroite et de ses liens internationaux.Devenu historien, un sujet sur deuxporte sur la Seconde Guerre mondiale.

Quant à la tradition familiale, j’ai faitbaptiser ma fille. Elle n’est pas

Suis-je juif ? Étrange question !Pendant longtemps cela m’alaissé indifférent.

S’appeler Abramovici implique for-cément quelque chose mais porterconjointement comme prénom celuidu premier disciple de Jésus et être,visiblement, un fils d’Abraham porteévidemment à réflexion. Rappelonsque Jésus était juif et par là Pierreégalement, donc je suis juif de toutesles façons possibles.

Personne ne m’a jamais parlé de monjudaïsme durant mon enfance ou monadolescence, mais j’ai tout récem-ment pris conscience que TOUS mescopains de jeunesse étaient juifs !

Juif ?

Mais je suis né catholique !J’aurais juste dû me douter quequelque chose clochait le jour où mamère a fait un scandale chez le curéde la paroisse qui refusait de me lais-ser faire ma communion solennelleau prétexte que je séchais le catéchis-me (pour aller à la piscine !).Naturellement, devant la fureurmaternelle, le prêtre a capitulé et j’aipu accomplir mon rite initiatique.Par une curieuse coïncidence, celaeut lieu immédiatement après laGuerre des six jours que nous sui-vions heure par heure pendant ce quel’on appelle la retraite.

Quelle importance… ?

C’est ce que j’allais comprendre desannées plus tard.

Lors de mon mariage, ma femme etmoi avons classé les papiers impor-tants. Naturellement, se trouvait chezmoi l’essentiel certificat de baptême,prélude à ma vie de vrai croyant dansla foi chrétienne. Mon épouse medonna le sien et nous avons enferméle tout dans un coffre puisque nosparents respectifs nous avaientenjoint de le faire. Fortuitement, nousavons découvert qu’aucun chrétien nepossédait de certificat de baptême.Encore moins dans un coffre !

J’en déduis que seuls les juifs persé-cutés préparent, à tout hasard, cegenre de passeport…

A propos de religion, justement : jesuis non croyant, ce qui est difficile àporter par les temps qui courent. Mamère est née catholique ainsi, je crois,que son frère. Ses parents, nés juifs,se sont convertis, de façon plutôt

croyante et se sent juive. Sachant queparfois, cela l’aide à éviter de mangerdu porc qu’elle n’aime pas !

Mais pas parce qu’elle s’appelleAbramovici. Elle invoque le judaïs-me culturel.

Nouvelle piste... Mais enquoi la culture juive meconcerne ? Les livres, sans doute : chez moi,c’est une bibliothèque. C’était le caschez mes parents, mes grands-parents, mes collatéraux. Personne neconçoit de vivre sans livre, sans cultu-re de l’écrit. Là, se trouvent peut-être,mes racines juives. Mais des non-juifs lisent aussi…

Je n’ai pas été élevé dans ce que j’ap-pellerais le judaïsme commémoratif -Kippour, shabbat ou autres, pas plusque dans un environnement juif parl’objet - chandelier à sept branches,mezuzah, ou autre. Sans compter, etje révèle ainsi mon intimité, que je nesuis pas circoncis et que je mangeallègrement du porc…

Alors névrosé de la guerre ? Ce seraitdonc seulement cela être juif ?

Au vrai, je n’ai jamais considéré quece soit un élément majeur de monidentité puisque je me suis toujours etexclusivement défini par mon identitéfrançaise. En revanche, le seul faitque l’on me pose la question aujour-d’hui m’interpelle. Car désormais,être athée est quasiment un crime ; nepas appartenir à une communauté,une faiblesse ; contester la politiqued’Israël, une forme d’antisémitisme…bref il faut être quelque chose.

Dison simplement, à la différence desannées d’avant-guerre, que si un cré-tin me traite de « sale juif » ce quipeut se produire par les temps quicourent, je me réserve le droit de luicasser la gueule. Et si un assassin tuedes juifs parce qu’ils sont juifs, alorspeut-être irai-je m’inscrire à un clubde tir… Sait-on jamais ! ■

* Ancien reporter et journaliste d’investigation àTF1, auteur de nombreux documentaires, aujour-d’hui historien, PierreAbramovici a notam-ment publié Un rocherbien occupé : Monacopendant la guerre –1939-1945, Le Seuil,2001 ; Le Putsch desgénéraux, Fayard, 2011 ;Szkolnikoff, le plus grandtrafiquant de l'Occupa-tion, Nouveau MondeEditions, 2014

4 PNM n°319 - Octobre 2014

Juif, je ne sais pas mais de partout, à coup sûr.par Pierre Abramovici

« Être juif au XXI e siècle »

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permet de créer des emplois. Quant à laseconde erreur, elle consiste à croireque les équipements matériels sont sus-ceptibles de créer de la valeur au mêmetitre que la force de travail des salariés.Mais, on voit bien qu’il ne suffit pas dedoter les ouvriers d’une usine de deuxfois plus de machines pour qu’ipsofacto la production double. En réalité,les machines, ont besoin de salariéspour fonctionner. Cela étant admis, on doit considérerl’entreprise comme un lieu de créationde valeur caractérisé par l’exploitation,l’accumulation et la circulation de lavaleur. Contrairement à ce qui est parfoisperçu, l’exploitation ne résulte pasd’une vente de la force de travail endessous de sa valeur, mais bien à savaleur, celle des marchandises néces-saires à sa reproduction. Simplement, laforce de travail est la seule marchandi-se susceptible de créer une valeur supé-rieure à la sienne propre. Ce supplé-ment de valeur donnera lieu, après paie-ment de dividendes aux actionnaires, àune accumulation de profit qui peutêtre utilisée soit en vue de l’achat denouvelles machines soit pour se livrer àdes spéculations financières. Lorsque

cette accumulation, laquelle réclame unprofit en proportion de la masse decapitaux accumulés, dépasse un seuil,la capacité de l’économie à fournir unprofit suffisant en regard du volume descapitaux accumulés est insuffisante.C’est ce qui s’est produit en France audébut des années 70 et qui est lointaine-ment à l’origine de la crise actuelle. Mais l’entreprise est également un lieude circulation de la valeur et, ceci, à undouble titre. D’une part, comme indi-qué ci-dessus, la réalisation du profitsuppose l’existence d’une demandelaquelle, elle-même, provient des salai-res versés aux travailleurs d’autresentreprises. Si les salariés de celles-cise trouvent disposer d’un niveau desalaire insuffisant, leur capacité d’a-chat sera elle-même insuffisante vis àvis des marchandises produites, ce quialimentera le processus de suraccumu-lation décrit ci-dessus. On voit, dans ces conditions, l’absurdi-té, du point de vue de l’intérêt général,d’une politique d’austérité réduisant lesmoyens dont disposent les salariés etapportant de nouveaux capitaux, sousforme de cadeaux fiscaux, destinés àêtre accumulés par les entreprises, l’en-semble accentuant encore la suraccu-

Aimer l’Entreprise ?par Jacques Lewkowicz

A la suite de l’expression d’une divergence par le ministre de l’Économie Arnaud Montebourg, un nouveau gouvernement a été nommé, toujours prési-dé par Manuel Valls mais permettant notamment l’accession d’Emmanuel Macron, ancien banquier, au poste de ministre de l’Economie et des Finances.Il ne fait aucun doute que ce gouvernement va poursuivre et aggraver la néfaste politique d’austérité symbolisée par l’expression, prononcée par Premierministre à l’université d’été du MEDEF : « J’aime l’entreprise ». Mais quelle est la réalité de ce qui déclenche ainsi l’affect de Manuel Valls ?

Livres

Henri Malberg,Incorrigiblementcommuniste, Éd.de l’Atelier, 203 p,16 €

C h r i s t i a nL a n g e o i s ,Mineurs de char-bon à Auschwitz-Jawischowitz, 15août 1942 – 18janvier 1945, Ed.du Cherche-Midi, 267 p., 17 €

E l i s a b e t hR o u d i n e s c o ,Sigmund Freud enson temps et dans lenôtre, Ed. Scienceshumaines (H.C.),592 p., 25 €

Lectures

A VOIX HAUTE ET NUE© :

Michèle Venard lit des nouvelles ettextes brefs d’auteurs très, peu, pas,ou mal connus de la littérature mon-diale. Prochaines séances* : 6 nov.2014 (Alice Munro) - 4 déc. 2014(Gabriel Garcia-Marquez).

* Atelier permanent de lectures etd’écoute. La lecture débute à 19h 30précises et dure 55’ au ThéâtrePandora 30 rue Keller Paris 11°(code 3256)

Réservation : 01 42 39 21 61. Tarifréduit pour les adhérents UJRE.

Expositions• Admirable expo-sition « De Berlinà New York, 1920-1975 » de RomanVishniak auMAHJ, jusqu’au25 janvier 2015

• Exposition Jean-Pierre Jouffroy àl’espace Oscar Niemeyer (jusqu’au 5janvier)

• Les bêtes au Musée Singer-Polignac*jusqu’au 30 novembre 2014. Par unchoix d’œuvres de la Collection d'ArtBrut de Sainte-Anne, et d'artistes con-temporains dont Anne Gorouben**,« Cette exposition se propose d'évoquerles Bêtes : les belles bêtes, les bêtes noi-res, la Belle et la Bête, les bêtes humai-nes, le dialogue des bêtes, les bêtes quifont peur, celles qui fascinent et cellesqui rassurent (…) Elle s’organise enquatre sections distinctes qui font cha-cune appel à des espaces particuliersde notre vie psychique. Les bêtes fami-lières et intimes, imaginées, fantas-tiques et les monstres…

* Musée Singer Polignac au Centre d’Etudeet de l’Expression du Centre hospitalierSainte Anne - 1 rue Cabanis Paris 14e – 01 4565 85 41 - www.centre-etude-expression.com

** Anne Gorouben, artiste plasticienne,écrivain, développe une œuvre inspirée parl'enfance, la littérature (Kafka), la poésie(Paul Celan), la difficulté à communiquer etla Shoah (cf. PNM N° 305 et 310). Elle ani-mera aussi l’atelier "Le colporteur est un pas-seur" le 16 novembre 2014 au Mémorial

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France

On peut décrire l’entreprisecomme un lieu de rassemble-ment de moyens de production

à la fois matériels (machines et équipe-ments) et humains (les salariés). Lespremiers font, généralement, l’objetd’une appropriation privée tandis queles seconds travaillent dans une relationde subordination vis-à-vis de ces pro-priétaires.Au-delà de cette description, l’analyseéconomique dominante donne une pré-sentation de l’entreprise entachée dedeux erreurs. Elle prétend que ce sontles entreprises qui créent les emplois.Elle envisage l’entreprise comme étantcomposée de « facteurs de production »contribuant, chacun pour leur part, à laproduction. La première de ces deuxerreurs a déjà fait l’objet d’une réfuta-tion dans un précédent numéro de laPNM. Rappelons seulement l’essentiel :si les emplois sont créés dans l’entrepri-se, c’est uniquement parce que celle-ciest confrontée à une demande de pro-duits ou services grâce, principalement,aux salaires versés par d’autres entrepri-ses ou administrations. Ce n’est doncpas l’entreprise en tant que telle maiscette perspective de profit offerte à l’en-treprise par la vente de ses produits qui

mulation. Mais que ne ferait on pas pour elle lors-qu’on « aime l’ entreprise » ? D’autre part, les entreprises peuventdéplacer leurs capitaux comme bon leursemble et délocaliser leur productionpour bénéficier de conditions de rentabi-lité supérieures dans d’autres pays, sansparler de l’évasion fiscale : il s’agit desrègles de « compétitivité » auxquelles lapolitique gouvernementale souhaiteastreindre notre pays lesquelles serontencore aggravées par le traité TAFTA(Traité de libre-échange transatlantique)actuellement en négociation entrel’Union européenne et les USA.

Travailleurs précairescontre patrons voyous

Un grand bond en avant

Nous les croisons tous les jours dansnotre 10e arrondissement, les sans

papiers. Nos aînés les ont précédés danscette lutte opiniâtre pour la dignité. LaPNM avait signalé le succès de grévis-tes sans papiers. Des Chinoises avaientoccupé une onglerie en février, exigeantle versement d’arriérés de salaires.« C’est le premier conflit collectif quenous soutenons dans la communautéchinoise » a souligné un élu CGT. Enavril, régularisation de leur situation aubout de trois mois de grève. En septem-bre, les intéressés reçoivent fiches depaie et contrats à plein temps.L’employeur contre-attaque. Occupa-tion de son salon. Les conflits ne sontpas terminés. Menaces contre des élus.Mais la victoire est acquise car la vic-toire, c’est de se mettre debout pour ladignité.

La PNM signaleCulture

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Entendu sur France Inter

David et Zara …

Histoire

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Il se définit comme socialiste, franc-maçon et juif. Après 25 ans de tournage surl’antisémitisme, il publie un livre dédié à son père « qui fut un point de détail »,

livre intitulé Le Pen vous et moi : tout est dit dans le titre : « c’est des gens commevous et moi, simplement on pense pas pareil ». Banalisons l’ennemi de toujours.Vous apprendrez qu’il est souvent passionnant de dialoguer avec Le Pen. « Comprendre ce qui se passe à l’extrême droite, l’autre rive, revisiter l’histoire deFrance, et avec quel témoin, pensez donc : les guerres coloniales perdues etMendès, et Tixier, et tout ça : c’est quand même formidable ! ». Vous apprendrezque Jean-Marie Le Pen est un homme intelligent, cultivé, excellent conteur, que safille est une femme moderne, à preuve, elle vit en concubinage, excellente oratri-ce comme son père. C’était une erreur de les diaboliser. Il fallait écouter ce qu’ilsont à dire. Le Pen, il assume tout, il assume le point de détail. Il trouve les chantsdu IIIe Reich très artistiques et si on lui avait ordonné de torturer, il l’aurait fait sansproblème. Quand Serge Moati prend la peine (ou le plaisir) de l’écouter, il décou-vre que son bonhomme est humain, marrant même. Il a d’ailleurs expliqué que lesjuifs sont les fourriers de l’antisémitisme à force de se croire d’une essence supé-rieure. Moati sèche sur un point : il pense que Le Pen joue avec l’antisémitismemais n’arrive pas à déterminer s’il est antisémite. Voilà, vous savez tout. Sur lesamitiés de M. Moati. Parce que Le Pen raciste, Le Pen « anticommuniste primai-re, secondaire et tertiaire », c’est tout de même le père fondateur d’un parti d’ex-trême droite qui a toujours prôné une politique de droite. Et par exemple, bienavant tout le monde, le dépérissement de l’Etat façon FMI. Or ce qui importe, est-ce la qualité de sa table, le plaisir de sa compagnie, ou la politique dont il est l’ins-tigateur et que sa fille, tout en se disant anti-européenne, organise à l’échelle del’UE en cherchant à créer un groupe avec les fascistes d’Aube dorée ou le FIDESZ,en attendant leurs camarades ukrainiens ? Allez, perdez pas votre temps, il y a demeilleures lectures. ■ NMPS : Vérification faite, le livre coûte 14 €. Une somme que vous pouvez utilement verser à la PresseNouvelle Magazine, qui vous informe sans doute plus sérieusement.

Le Pen, Moati et moi

Contrairement aux idées reçues, les hauts responsables nazis n’étaient pasdes monstres, des brutes, des sadiques, des fous (voir, par exemple, le per-sonnage d’Hitler ou la thèse de « la folie criminelle des nazis » de Chirac).

La plupart d’entre eux étaient des hommes très intelligents, bien informés, compé-tents, et à certains égards fort sympathiques (vie familiale, amour des chiens, de lamusique, etc.). Grâce à leurs experts et agents locaux, et avec le concours de leurs« collaborateurs », ils surent adapter leur modèle de judenrat aux divers pays occu-pés ou annexés. Dans le cas de la France, ils surent habilement tenir compte du rap-port de forces, du passé du pays, respectant certaines formes dans le cadre de leursprojets d’avenir européens, tout en imposant l’essentiel au gouvernement de Vichy.L’UGIF illustre parfaitement cette politique.

Après la création laborieuse de diverses organisations provisoires, les associationsjuives furent dissoutes et l’Union générale des Israélites de France (UGIF) insti-tuée le 21 novembre 1941 par le gouvernement de Vichy, sur injonction des auto-rités allemandes. L’emploi du mot « israélite » est particulièrement révélateur : onsait que la population juive de la France hexagonale était profondément diviséeavant la guerre. D’un côté, les juifs français dits « de souche » n’employaient quel’euphémisme « israélite » d’origine biblique utilisé depuis le Concordat de 1808 ;de l’autre, les immigrés, surtout originaires d’Europe de l’Est, se définissaientcomme « juifs ». Les nazis surent tirer profit de ces rapports conflictuels entre lesdeux communautés : ils se servirent des premiers afin de pouvoir déporter plusfacilement les seconds, les notables français étant susceptibles d’accepter de pour-suivre leurs œuvres charitables dans le cadre du régime de Vichy. Ils ne s’en réser-vèrent pas moins de les déporter, eux et leurs familles, une fois leur tâche accom-plie, ou pour affirmer leur autorité en cas de velléité de désobéissance. Quand lecitron est pressé, on le jette.

Les autorités vichyssoises utilisaient donc souvent le mot « israélite », jusqu’à l’é-poque de Darquier, qui dans son Commissariat imposa le mot « juif », tandis queles allemands l’utilisaient constamment dans leur propagande virulente et leursdécisions politiques (par exemple l’étoile, l’exposition Le JUIF et la FRANCE auPalais Berlitz, le film Le juif Süss)*. Mis en accusation à la Libération par les résis-tants, et notamment ceux de l’UJRE, les responsables de l’UGIF parvinrentcomme les Papon à tirer leur épingle du jeu, et pour les mêmes raisons et par lamême méthode, et le problème des responsabilités demeure depuis « controversé »,,

II. L’UGIF : Un judenrat à la française(Suite du n° 317 de juin 2014) par Maurice Cling

comme le disent ceux qui ne souhaitent pas que l’on aille au fond des choses.Notons que c’est aussi ce que certains disent du rôle de Pie XII durant la DeuxièmeGuerre mondiale, qui trouvent la cause entendue pour la Révolution française, laCommune, l’Union soviétique : là, pas de controverse. Analyser l’UGIF, c’est aussiévoquer en effet l’attitude du Consistoire et de l’élite « israélite » depuis les années30, puis envers Vichy sous l’Occupation, attitude sur laquelle on préfère jeter levoile.

Ainsi s’explique vraisemblablement la remarquable discrétion officielle qui aentouré l’institution durant près de quarante ans après la Libération. A preuve lapart infime qui lui est consacrée en 1979 dans l’important colloque sur La Franceet la question juive sous l’Occupation. Après le pavé dans la mare que constitua laparution en 1980 de l’ouvrage de Maurice Rajsfus, Des Juifs dans laCollaboration**, il fallut bien argumenter en faveur de l’UGIF. Ce fut le cas, entreautres, d’André Kaspi – co-organisateur du Colloque – qui cette fois ne consacrepas moins de 24 pages à l’UGIF dans son ouvrage Les Juifs sous l’Occupation***,non sans avoir au préalable attaqué les juifs de la résistance communiste en lesexcluant de la résistance proprement juive : ils auraient combattu pour une autrecause, « qui a provoqué des millions de victimes » etc. Ce qui permet de présenterensuite les organisations juives officielles comme étant investies, elles, d’une « lourde responsabilité ». La ficelle est un peu grosse, certes, mais examinons lesarguments de l’auteur :

En premier lieu, et tout comme Murmelstein au ghetto de Terezin, les dirigeantsde l’UGIF espéraient, selon lui, sauver ce qui pouvait être sauvé et cherchaient àatténuer les souffrances de leurs coreligionnaires (on sait que la théorie du « bou-clier » fut après la guerre, lors de leur procès, la ligne de défense de Pétain, deVallat et d’autres). Soucieux de leur trouver des circonstances atténuantes, il s’in-terroge : « des “collaborateurs”, victimes de leurs propres erreurs,ou bien des héros ? » ■■■ (à suivre)

* Georges Wellers, André Kaspi et Serge Klarsfeld (dir.), La France et laquestion juive. 1940/1944, Actes du colloque du CDJC tenu du 10 au 12 mars1979, Éd. Sylvie Messager, 1981

** Maurice Rajsfus, Des Juifs dans la Collaboration, l'UGIF, 1941-1945,préf. Pierre Vidal-Naquet, Éd. EDI, 1981

*** André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Éd. Le Seuil, 1991, p. 325

RWANDA. Des déportés sont venus dire, par leur présence :"Plus jamais ça".

A l’initiative de l’Association Française Buchenwald-Dora et Kommandos,des rescapés de la déportation sont venus assister à l’audience du 19 marspour « inscrire leur présence » en souvenir du serment : « Nous continue-rons jusqu’à ce que le dernier responsable soit condamné devant le tribu-nal de toutes les Nations ».

Après David et Goliath, voici David et le Shérif. C’est Zara, marque de prêt-à-porter espagnole qui le dit, à propos de sa dernière marinière pour enfants : ce« design était uniquement inspiré des étoiles de shérifs dans les films de wes-tern ». Le 27 août, au nom de la loi, Zara s’est pourtant retrouvée outlaw(hors-la-loi), contrainte de retirer de la vente en magasin et sur Internet, cettemarinière qui rappelait par trop l’uniforme des déportés juifs… ■

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« Pascal Descartes » de Jean-Claude

BrisvilleDaniel et William Mesguich se met-tent en scène de manière éblouissantedans un texte de haute volée quidonne la part belle à l’intelligence.

« La grande nouvelle » de Jean-Louis Bauer etPhilippe Adrien, mise en scène Philippe AdrienUn hypocondriaque connecté à Internet entre peur de la mort et désir d’éternité

Daniel et William Mesguich © Brigitte Enguérand

La chronique Théâtre de Simone Endewelt

La chronique Cinéma de Laura Laufer

Petite salle, petite scène, mais repré-sentation théâtrale immense. Le

texte de Jean-Claude Brisville estmagnifique, plein de finesse et d’à-propos. Durant une heure nous pre-nons plaisir à voyager au plus profondde l’humain et de ses contradictions.Blaise Pascal, 24 ans, et RenéDescartes, 51 ans, se sont rencontrés àhuis clos à Paris dans le couvent desMinimes, le 24 septembre 1647. Onsait très peu de choses de cette rencon-tre sinon qu’elle s’est mal passée.Brisville a imaginé une conversationentre ces deux hommes d’exceptionqui se découvrent progressivement.Tout les oppose : le premier, qui fuitl’ennui, est maladif, tout en souffran-ce, mystique, intransigeant, insom-niaque ; le deuxième, qui aime le loisiret la paresse, reste longtemps à médi-ter dans son lit, est un bon vivant pleind’esprit, sans attache, qui aime voya-ger et croit en la pensée et les mathé-matiques. Ils abordent de façon trèsincarnée les sujets sur lesquels ils sonten désaccord : la foi, Dieu, la raison, lareligion et la science, la mort, la finitu-de, le doute et la certitude, les jansé-

nistes et les jésuites, l’ignorance,l’Univers et le ciel, la pensée, l’intelli-gence et la misère de l’homme, l’éter-nité, l’amour et la haine, croire etsavoir… Mais c’est tout un morceau devie et de monde qu’ils dévoilent.Descartes, Daniel Mesguich, apparaîtaussi comme un père, un psychana-lyste. Pascal, William Mesguich s’ex-pose et se confesse. La mise en scènesouligne le rythme du texte en octosyl-labes ; le jeu des acteurs est travaillé aumillimètre près.

Pour ceux qui l’ont vu à l’Odéon en1985, avec Virlogeux dans Descartes,et Daniel Mesguich dans Pascal,comme pour ceux qui ne l’ont pas vu,courez vite voir ce Pascal Descartes,un bijou de théâtre et d’intelligence.C’est sublime et rare. Et l’on en a bienbesoin pour éclairer les vacillementsde notre époque. Et puis, nous ne pou-vons nous empêcher de faire un clind’œil à Antoine Vitez qui a formé tantde comédiens et de metteurs en scènedevenus si talentueux. ■* Réservation : 01 45 44 50 21. Théâtre dePoche-Montparnasse jusqu’au 2 novembre.

Culture

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François Truffaut, Exposition à la Cinémathèque françaisedu 8 octobre au 25 janvier 2015

www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/francois-truf-faut/evenement-truffaut.html

Comme chaque nouveau film dutrès jeune cinéaste, Mommy témoigne d’un fort

désir de cinéma où s’expérimente une forme différen-te et où s’incarne une idée forte. De film en film,Dolan nous surprend, s’affirme et se confirme commeun cinéaste majeur. Mommy fait le récit d’une relation tumultueuse entreune mère, son fils et une voisine, soit des coups, descris, de la tendresse, de la violence. Ce film très phy-sique par la présence et le mouvement des corps et desvoix, dit le douloureux besoin d'amour de ces troisbeaux personnages, forts et fragiles tout à la fois. Lecinéaste les suit avec intensité, de manière incisive etsans répit. Le format qu’il a choisi, un carré 1/1, inso-lite au cinéma permet d'être au plus près des visageset de saisir le trio dans sa relation complexe. Dolanbrasse ici autant l’intime que la rage. Comme dans sesfilms précédents, il choisit rigoureusement ses troisacteurs lesquels ont déjà travaillé avec lui. AnneDorval dans le rôle de Diane, la mère, incarne autantla force que la fragilité. Son jeu de paroles dites enjoual, - un dialecte populaire du Québec issu du fran-çais, où l’on trouve de nombreux mots orduriers -donne un formidable dynamisme au film. On admireaussi la belle composition de Suzanne Clément - loin

Mommy de Xavier Dolan avec AnneDorval, Suzanne Clément,

Antoine Olivier PilonDuras Song au Centre Pompidou15 octobre - 12 janvier 2015Marguerite Duras, centenaire de sa naissance. Exposition, filmswww.bpi.fr/fr/agenda/expositions/duras_song_portrait_d_une_ecriture.html

Quel serait un malade imaginaireaujourd’hui? Un hypocondriaque

égocentrique avec un désir de jeunesse,voire d’éternité ? Philippe Adrien etJean-Louis Bauer se sont penchés pen-dant trois ans sur l’écriture d’une piècequi ne serait pas du tout une transposi-tion du Malade imaginaire de Molièremais plutôt une mise en perspectived’un même sujet qui prendrait unedimension tout à fait autre au XXIe siè-cle. Quel serait le piège, la duperie, lasupercherie, l’aveuglement dans lequelserait pris notre Argan contemporain,quelles seraient ses peurs, ses fantas-mes, ses désirs, sa relation à la finitude,face à tous ces espoirs portés par lamédecine et les nanotechnologies ?C’est ainsi que nous entrons dans lemonde de la finance, qui est incompé-tente comme l’était la médecine autemps de Molière. Toutes ces promes-ses d’un être humain bionique, aseptisé,parfait ont un coût et des profits.Chirurgiens esthétiques et industriepharmaceutique, psy aussi, financiers(placements) ne manquent pas d’attirerdans un creuset sans fin, via un écranconnecté, cet aventurier hypocon-driaque qui se plaît à des rêveries trans-humanistes* et anticipe l’avenir ens’exclamant : vivre « mille ans ».D’ailleurs, il regarde avec attendrisse-ment sa seconde femme qui ne cesse de

se refaire le corps, au prix d’une souf-france inouïe, en utilisant l’argent de sabelle-fille, qu’elle dilapide ainsi. C’est sur un ton jovial, qui rappelle levaudeville, en tous cas le divertisse-ment, avec ses rebondissements et leit-motivs, que le metteur en scène nousmontre, sur un plateau ultra-connecté,un homme en lien à son laboratoire, àun psy manipulateur, à son conseilfinancier.La mise en scène inclut la vidéo dansune scénographie ingénieuse. Deuxcomédiens, Patrick Paroux, Argan, etArno Chevrier, Charly, amant d’Angèle,sont particulièrement remarquables. Si les avis peuvent être partagés, nous,nous avons aimé. Quelle bonne idée qued’avoir écrit et monté une pièce sur un telsujet de société, ce n’est pas si courant. ■* Le Dr Laurent Alexandre, president de DNAVision, en est un adepte, lui qui a ecrit " la mortde la mort".Théâtre de la tempête, jusqu'au 12 octobre.Réservation: 0143283636

L’œuvre littéraire de l’auteure est connue ; l’œuvrecinématographique qui ouvre des voies nouvelles

avec dix-neuf films de 1966 à 1984, l’est moins.Duras, qui fut aussi l’épouse du déporté-résistantRobert Antelme, auteur de L’espèce humaine, fait duthème de la déportation une question majeure et ob-sédante, notamment à travers le personnage d’AuréliaSteiner. Les juifs occupent aussi une belle place dansl’imaginaire filmique de la cinéaste avec l’évocationsuperbe de Césarée, la ville dont il ne reste, aprèsrépudiation de Bérénice, reine de Judée, que le nom.Nous reviendrons sur ce cinéma dans notre prochainnuméro. ■

On y verra de nombreuses archives(entretiens, dessins, photos, scéna-

rios annotés) et une rétrospective de sesfilms, relayée le 22 octobre par MK2

Bibliothèque. Ancien critique aux Cahiers du cinéma,François Truffaut, reçoit le Prix de la mise en scène àCannes pour le très émouvant long métrage Les 400coups où débute Jean-Pierre Léaud. Dans un cinémade l’oralité marqué par celui de Sacha Guitry,François Truffaut a continué le classicisme au cinéma.Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur latrajectoire de l’œuvre et sur celle du cinéaste. Enfantnaturel, Truffaut avait découvert en 1968, aprèsenquête, que son père biologique, un certain Lévy,était un dentiste juif de Bayonne issu d’une vieillefamille portugaise. On pourra interroger l’impact decette découverte sur un artiste qui, dans sa jeunesse,avait commencé par être un admirateur de Rebatet etde Brasillach. ■

de son rôle dans Laurence anyway du même Dolan -par la création d’un personnage bègue et timide, Kyla,la voisine qui s’impose autant par sa force tranquilleque par sa violence. Quant au personnage du fils,atteint de troubles psychiatriques (Antoine - OlivierPilon), il possède assez de sauvagerie et de tendressepour donner des coups qui vont droit au cœur.

Si dans ce film, s’exprime un fort besoin d'amour,Dolan montre aussi par une incroyable séquence derêve combien l’idée d’un bonheur conventionneldevient utopique dans un monde de plus en plus dé-sespéré. Devant ce film ovni, riche du spectacle de lavie qui jaillit, s’apaise ou explose, nous sommessecoués et émus. Incroyablement. ■

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trouvé qu’assez rapidement, ce quime tentait le plus à travers ces colo-nies de vacances, c’étaient les lectu-res, les jeux dramatiques, les théma-tiques. À la fin, je lisais des pièces dethéâtre. J’ai d’ailleurs chez moi unprojet de scénario, qui n’a jamais vule jour, qui s’appelait « L’ange duParadis ». Les colos de l’UJRE,c’était une ambiance de fête perma-nente, jeux, rencontres, programma-tions, tout était formidable. Notre désirde culture imbibait tout. C’était unestimulation intellectuelle, des projets.

PNM L’UJRE, le groupe Espoir,c’était la naissance d’une vocationthéâtrale ?GG Quand j’aicommencé à tou-cher à l’universthéâtral, au mêmemoment où j’en-trais dans le grou-pe Espoir, on m’ademandé dem’occuper d’ungroupe théâtral « Travail et Joie »où j’allais rue deParadis : il yavait Daniel,Noël Kupferman,Jean devenu JeanLescot. Je don-nais des cours etfaisais des petitsmontages despectacles. C’était une sorte de troupequi se fabriquait, un point d’ancrage.J’ai monté une pièce de Henri Slovèssur la Résistance, « L’écriture de droiteà gauche » traduite du yiddish.

Au cours de cette période, j’ai faitmes premières rencontres, je me suisreconstruit, refait. J’avais trois universdifférents, tout à la fois les mouve-ments de jeunesse, le militantisme, leciné-club, mon activité pédagogiquede la CCE, qui m’ont donné, addition-nés les uns aux autres, une sorte derespiration. Et quand même, la leçongénérale c’est que cette générationperturbée, déstabilisée, a reçu unesorte de nourriture. Mais surtout, onest presque tous parvenus à s’accom-plir. Notre choix était culturel : vous yaviez Cyrulnik, Jean-ClaudeGrumberg, Robert Bober… Il y amême eu une espèce d’apothéoseautour d’un spectacle qui s’appelaitLE TRÉSOR DE CHÂTEAUCLOCHE,écrite par une goy, qui a été donné àPleyel. Cela avait été instrumentalisédans toutes les colonies de vacances (5ou 6). Il y a eu 800 enfants qui sontmontés sur le plateau avec les moni-teurs. La mise en scène était collecti-ve : il y avait Robert Bober, HenriWeinstein, Darès, Jean Lescot… Ça a

eu un énorme succès. Avec le petitgroupe de la rue de Paradis, on faisaittout un travail à partir d’articles dejournaux, de mises en situation : théâ-tre-journal. On a travaillé sur la guerrepicrocholine d’après Rabelais. Le grou-pe était prestigieux à l’époque :Clément Harari, Kaminski, MarcelKlemens, qui nous ont fait travailler surTchékhov. Parmi les jeunes, il y avaitMaurice Kuperman, Maurice Muller…des gens qui allaient me suivre dans l’a-venture d’Aubervilliers*. C’était uneécole de formation, initiatrice plutôt.Jean Lescot a fait mes premiers specta-cles, d’autres se sont joint à moi àAubervilliers. Quand il est devenu évi-

dent que je n’étaispas fichu de faireautre chose quedu théâtre…

PNM Vous ne lesaviez pas avant ? GG Non, je pen-sais plutôt à êtrei n s t i t u t e u r ,bibliothécaire,agronome (je medemande si je neconfondais pasavec astronomecar j’adorais l’as-tronomie, le cos-mos me faisaitrêver).

PNM Et votremère ?

GG Ma mère est restée très long-temps à la Chorale populaire, jusqu’àce qu’elle ne puisse plus chanter. Onsortait beaucoup avec elle. Je l’ac-compagnais à toutes les manifesta-tions rue de Paradis.

Pour revenir aux activités théâtrales,on avait monté des lectures à partir duJournal d’Anne Franck avec DanielDarès et Véra Belmont. L’HôtelModerne, place de la République,était le rendez-vous annuel où l’onjouait une représentation. Le déclicthéâtral vient de cette époque-là. Cequi est un loisir devient un plaisir, leplaisir se transforme en quelque chosequi occupe plus de place que le reste.Après, cela devient une nécessité etun jour, l’on se rend compte que c’estune vocation.

PNM Et le groupe Espoir ? Le groupe Espoir était le groupe cul-turel de l’UJRF. Au groupe Espoir,j’ai rencontré Émile Herlicq qui a étéun grand administrateur théâtral, etDasté. Il y avait un groupe de danse,un groupe de photographie, et le grou-pe théâtral.

Conjointement à cela, j’en étais à mon14e métier pour vivre. Dans le groupe

PNM Comment s’est effectué votreretour sur Paris ? Gabriel Garran Nous sommes reve-nus dans notre appartement fin 1944.J’avais alors 16 ans. Ma mère, quiavait une très belle voix, est entréedans la chorale du groupe Espoir. Masœur a épousé en 1949 un vague cou-sin avec qui elle est partie au Québec.

PNM Et votre père ? Vous n’en par-lez jamais.GG Vous savez, il y a un très beaulivre de Marguerite Duras, La douleur,où elle raconte comment elle attendson mari. Ma mère me tient par lamain d’un côté, les déportés arrivent,et elle montre la photo de mon père ;ça a duré 10 à 15 mois avant qu’elle sefasse à l’idée qu’il ne reviendrait pas.

PNM Comment vous êtes-vousreconstruit ?GG Géographie française est leroman d’une solitude enfantine, depersonnes constamment déplacées ;personne à qui parler. J’étais un peudéboussolé d’arriver dans une villegrouillante.

La rue de Paradis méritait pleinementson nom pour notre génération. Je merappelle les kermesses qu’on y organi-sait, le dispensaire, la Presse Nouvelle(Naïe Presse) quand elle était quoti-dienne. C’était le havre des jeunes res-capés. Mes premiers repères, c’étaitl’UJRE et l’UJRF que j’ai connuegrâce à mon oncle. Ils ont joué un rôledans mon retour à la vie sociale. Terréjusque-là, je n’existais aux yeux depersonne, je n’existais donc pas à mespropres yeux. Je ne pouvais reprendremes études. Partir à 12-13 ans et reve-nir à 16-17, que voulez-vous qu’onrattrape ! Ça contribue à notre déstabi-lisation. C’est donc le militantisme quia été l’un des éléments de ma revivifi-cation : c’était le double thème deMarx et de Rimbaud : « Changer lavie et changer le monde ». L’UJRE etl’UJRF étaient le giron de tous cesenfants qui avaient perdu père, mère,toute une génération qui a mis dutemps à sortir... Ça a été l’école de larenaissance. Ma sensibilité allait plusvers l’UJRE avec sa Commission cen-trale de l’enfance : c’est là que je mesuis fait mes premiers copains dontcertains l’ont été tout au long de mavie : Daniel Darès, Véra Belmont,Jean Lescot… Et là-dedans, les colo-nies de vacances que j’ai faites jusqu’àla trentaine, d’abord moniteur, puismoniteur-chef, puis codirecteur àCelles-sur-Plaine dans les Vosges avecBlanche Prager. Il y avait Tarnos,Savernes, Aix-les-Bains, La Féclaz ;j’ai refait la géographie française avecune variante plus pédagogique. C’estmon canal historique parce qu’il s’est

Espoir, je me suis occupé de l’organi-sation, de l’administration, des mani-festations. Puis un jour je suis devenule secrétaire du groupe théâtral Espoir.Puis j’ai amené Jean-Pierre Chabrolqui est devenu mon ami et qui nous aécrit la pièce de théâtre LesAmerloques, une sorte de Roméo etJuliette, les amours d’un lieutenantaméricain avec une jeune paysanne.Paulette Endewelt y a tenu le rôle prin-cipal féminin.

Ensuite il y a eu fusion avec le groupeGuy Môquet pour le projet À l’assautdu ciel sur la Commune de Paris dontJoseph Kosma a fait la musique.

Et tout est allé très vite : groupe de rueavec Véra Belmont et Daniel Darès,écriture de La couleur du pain, miseen scène de La P. respectueuse, 1er prixattribué à notre groupe 14 juillet dansun concours national de théâtre ama-teur, invitation officielle dans un théâ-tre de Varsovie. En rentrant deVarsovie, le petit groupe décide que lethéâtre sera notre vie et tous changentde nom : Gabriel Gerszternkorndevient Gabriel Garran, Danieldevient Daniel Darès, Jean devientJean Lescot, Hélène devient VéraBelmont. Puis Darès a pris des courschez Tania Balachova et m’y a présen-té. Je suis devenu coach de ceux quiprésentaient des séquences. J’ai ren-contré Vitez, Terzieff.

PNM Pourquoi avoir écritGéographie française si tard ? GG J’ai eu un accident en 2008. Jesuis resté 135 jours à l’hôpital. J’aidemandé un carnet, un crayon, et c’estlà qu’est venue l’envie de savoir lapremière vie, et là que la mémoire aémergé. Cinq ans après, je me suissouvenu de ce carnet où je ne notaisque les faits, et de ce que ma mèreaussi a pu me dire. La matière avaitbeau être dramatique, c’était pour moitrès festif de revenir à l’enfance, à toutcela. Et évidemment, m’était restée,comme indissoluble, l’Occupation.

Et puis, le tard de l’homme recherchele début. Il est possible que la dispari-tion de ma mère en 1995, à l’âge de 91ans, ait contribué à ce livre. Il y a desmoments de sa vie où l’on est avec sapropre histoire. On n’est éternelqu’autant qu’il y a quelqu’un devantnous. C’est pour cela que j’ai voulufaire ce roman, parce que l’on vienttous de quelque part. Ce roman vécu,c’est le socle. ■

Propos recueillis parSimone Endewelt

* Le 8 mai 1945, Gabriel apprend le métier demétallo avec l’ORT (association juive) ; ilentre à l’UJRE fin 1946 et au groupe Espoiren 1951. En 1949, il fait son service militairedurant 14 mois. En 1965, il crée le Théâtre dela Commune d’Aubervilliers.

8 PNM n°319 - Octobre 2014

Entretien avec Gabriel Garran

L’après « Géographie française » et le « 14 rue de Paradis »Itinéraire