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DIALOGUE SUR LE RÔLE SOCIAL DU NOTAIRE DANS LA PROTECTION DES AÎNÉS EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ Christine MORIN et Robert SIMARD* Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 1. Maltraitance et personnes aînées . . . . . . . . . . . . . .7 1.1 Développements récents porteurs de changements . .8 1.2 Retour sur des pistes d’action proposées aux notaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 1.3 Théories et approches en matière de maltraitance . . 18 2. Intervention sociale du notaire . . . . . . . . . . . . . . . 21 2.1 Éléments de prévention : miser sur la relation de confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 2.2 Repérage des situations : la communication au-delà de l’acte notarié . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.3 Processus d’intervention : s’ajuster selon la situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Chambre des notaires du Québec 1 * Christine Morin, notaire émérite et professeure titulaire, titulaire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de la Faculté de droit de l’Université Laval et Robert Simard, B. Serv. soc., conseiller à la direction du soutien aux personnes aînées en situation de vulnérabilité et coordonnateur régional spécialisé en matière de lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées de la Capitale nationale, Secrétariat aux aînés, ministère de la Famille. Les auteurs remercient Katherine Champagne et Marie-Hélène Dufour, membres de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de l’Université Laval, pour leur contribution à la recherche.

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DIALOGUE SUR LE RÔLE SOCIAL DUNOTAIRE DANS LA PROTECTION DES

AÎNÉS EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ

Christine MORIN et Robert SIMARD*

Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1. Maltraitance et personnes aînées . . . . . . . . . . . . . . 7

1.1 Développements récents porteurs de changements . . 8

1.2 Retour sur des pistes d’action proposéesaux notaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.3 Théories et approches en matière de maltraitance . . 18

2. Intervention sociale du notaire . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.1 Éléments de prévention : miser sur la relationde confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.2 Repérage des situations : la communicationau-delà de l’acte notarié . . . . . . . . . . . . . . . 23

2.3 Processus d’intervention : s’ajuster selon lasituation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Chambre des notaires du Québec 1

* Christine Morin, notaire émérite et professeure titulaire, titulaire de la Chaire derecherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de la Faculté dedroit de l’Université Laval et Robert Simard, B. Serv. soc., conseiller à la directiondu soutien aux personnes aînées en situation de vulnérabilité et coordonnateurrégional spécialisé en matière de lutte contre la maltraitance envers les personnesaînées de la Capitale nationale, Secrétariat aux aînés, ministère de la Famille. Lesauteurs remercient Katherine Champagne et Marie-Hélène Dufour, membres dela Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés del’Université Laval, pour leur contribution à la recherche.

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3. Esquisses de situations . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

3.1 La donation de la résidence de monsieur Lafortune . 29

3.2 Le testament et la donation de madame Groleau . . . 30

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Annexe – CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAUDU QUÉBEC, Lignes directrices sur l’intervention du notaireet de l’avocat auprès des aînés et des majeurs en situation devulnérabilité, 2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

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SYNTHÈSE

Est-il nécessaire de parler encore de protection des personnesaînées ? Le notaire est-il vraiment un acteur concerné par la maltrai-tance financière des aînés ? Il faut répondre positivement aux deuxquestions. La maltraitance financière des aînés existe, encore.Récemment, le gouvernement du Québec a présenté son secondPlan d’action pour contrer la maltraitance envers les personnesaînées. Une Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînéset toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité estentrée en vigueur en 2017. Quelles sont les implications pour lesnotaires ? Après avoir présenté ces nouveautés et leurs impacts, untandem conseiller en maltraitance et notaire discute de pistesd’intervention pour le notaire qui est interpellé par la protection desdroits des personnes vulnérables dans le respect de leur intérêt et deleur droit à l’autodétermination, notamment à l’aide de situationsconcrètes. L’objectif est à la fois de sensibiliser et de soutenir lesnotaires en matière de maltraitance matérielle et financière desaînés.

La lutte à la maltraitance demande une réponse sociale où tousles intervenants et partenaires, peu importe leur discipline, ont unrôle à jouer et où ils doivent travailler en collaboration et en complé-mentarité. La confiance reconnue du public envers les notaires leuroctroie un rôle prépondérant dans la prévention, la détection et laprotection des personnes aînées face à cette problématique.

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INTRODUCTION

Le phénomène du vieillissement de la population soulève despréoccupations diverses que ce soit de nature économique, sociale,éthique ou juridique, notamment au Québec1. La question de lamaltraitance des personnes aînées figure parmi ces préoccupations.

Si le vocable « maltraitance » relève davantage des sciencessociales que juridiques, on peut certainement le rapprocher d’unterme apparenté qui est mieux connu des juristes, celui d’« exploita-tion »2. Le terme « exploitation » est notamment utilisé à l’article 48de la Charte des droits et libertés de la personne, qui dispose que« Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d’êtreprotégée contre toute forme d’exploitation »3. Les tribunaux ontgénéralement conféré une large portée au terme « exploitation » defaçon à en couvrir toutes les formes, notamment l’exploitationd’ordre physique, psychologique, social, moral ou financier4. Étant

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1. Les Nations Unies présentent le vieillissement de la population comme « l’une desplus importantes transformations sociales du XXIe siècle ». L’organisme préconisedes actions pour mieux protéger les droits des personnes aînées. Voir :<http://www.un.org/fr/sections/issues-depth/ageing/index.html>.

2. La maltraitance s’apparente à l’exploitation au sens de l’article 48 de la Charte desdroits et libertés, voir Raymonde CRÊTE et Christine MORIN, « La protection juri-dique des personnes aînées contre l’exploitation financière – Introduction », (2016)46 Revue générale de droit 5, 7 ; Marie-Hélène DUFOUR, « Définitions et manifes-tations du phénomène de l’exploitation financière des personnes âgées », (2014)44:2 Revue générale de droit 235, 252-275. L’expression « exploitation financière »est aussi utilisée par le gouvernement fédéral. FORUM FÉDÉRAL, PROVINCIALET TERRITORIAL DES MINISTRES RESPONSABLES DES AÎNÉS, Ce que tous lesCanadiens âgés devraient savoir au sujet de l’exploitation financière, Gouverne-ment du Canada, en ligne : <www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/ministere/aines/forum/exploitation-financiere.html>.

3. La Charte des droits et libertés utilise l’expression « personne âgée ». Charte desdroits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12. Christine MORIN, « La progressionde la Charte québécoise comme instrument de protection des personnes aînées »,dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 405, Le Tribunaldes droits de la personne : 25 ans d’expérience en matière d’égalité, Montréal,Éditions Yvon Blais, 2015, p. 87. Voir aussi Marc BILOCQ, « La Commission desdroits de la personne : un recours contre l’exploitation des personnes âgées », dansJean CARETTE et Louis PLAMONDON (dir.), Vieillir sans violence, Sillery, Pressesde l’Université du Québec, 1990, p. 269.

4. Voir notamment Commission des droits de la personne du Québec c. Brzozowski,[1994] R.J.Q. 1447 (T.D.P.Q.) ; Commission des droits de la personne et des droitsde la jeunesse c. Gagné, [2003] R.J.Q. 647 (T.D.P.Q.), par. 81-82 ; Coutu c. Com-mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, J.E. 98-2088 (C.A.),p. 12. Voir également : Marie-Hélène DUFOUR, « Définitions et manifestations

(à suivre...)

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donné que le terme « maltraitance » est celui qui a été retenu par legouvernement du Québec, nous le préfèrerons aux fins de ce texte.

La loi définit la maltraitance comme « un geste singulier ourépétitif ou un défaut d’action appropriée qui se produit dans unerelation où il devrait y avoir de la confiance et qui cause, intention-nellement ou non, du tort ou de la détresse à une personne »5. Leplan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance des per-sonnes aînées explique qu’il existe sept types de maltraitance6. L’und’eux est la maltraitance matérielle et financière, qui est souventprésentée comme le type de maltraitance le plus répandu. Il est celuiqui est le plus fréquemment rapporté à la ligne d’écoute et de réfé-rence Aide Abus Aînés, soit dans 32,7 % des situations7. La Com-mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ainsique le curateur public ont fait le même constat quant à la prévalencede la maltraitance matérielle et financière au Québec8. La situationest semblable ailleurs au Canada9.

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(... suite)du phénomène de l’exploitation financière des personnes âgées », préc., note 2,p. 255. Me Drapeau, avocat plaideur de la Commission des droits de la personne etdes droits de la jeunesse dans les dossiers d’exploitation de personnes âgées ouhandicapées, milite pour la reconnaissance explicite de la maltraitance en tantque forme d’exploitation par les tribunaux. Maurice DRAPEAU, Contre l’exploita-tion des personnes âgées ou handicapées, Montréal, Wilson & Lafleur, 2014.L’auteur utilise le terme « maltraitance » pour désigner « toutes les formes d’abusautres que financiers qui portent atteinte au droit à l’intégrité et à la dignité despersonnes âgées ou handicapées » et prône la création d’une « jurisprudencereconnaissant que toute forme de maltraitance est couverte et sanctionnable parce régime de protection ».

5. Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personnemajeure en situation de vulnérabilité, L.Q. 2017, c. 10, art. 2, par. 3. Cette défini-tion de la maltraitance est inspirée de la Déclaration de Toronto sur la préventionglobale de la maltraitance envers les aînés, de l’Organisation mondiale de la santé.WORLD HEALTH ORGANIZATION, The Toronto Declaration on the Global Preven-tion of Elder Abuse, 17 novembre 2002.

6. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer lamaltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, Québec, ministère de laFamille – Secrétariat aux aînés, 2017, p. 21-23.

7. Ibid., p. 11 et 23. Sur les manifestations de la maltraitance matérielle et finan-cière, voir Raymonde CRÊTE et Marie-Hélène DUFOUR, « L’exploitation financièredes personnes aînées : une mise en contexte », (2016) 46 Revue générale de droit13, 15-23.

8. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer lamaltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, préc., note 6, p. 23. Lesintervenants au projet pilote d’intervention sociojudiciaire pour contrer la mal-traitance envers les personnes aînées en Mauricie-Centre-du-Québec arrivaientau même constat.

9. Lisa HA et Ruth CODE, Une étude empirique sur la maltraitance des aînés : un exa-men des dossiers de la Section contre la violence à l’égard des aînés, du Service depolice d’Ottawa, Ottawa, ministère de la Justice du Canada, 2013, à la p. 10, enligne : <www.justice.qc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/rr13_1/rr13_1.pdf>. Cette étude

(à suivre...)

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La maltraitance matérielle et financière est définie comme une« obtention ou utilisation frauduleuse, illégale, non autorisée oumalhonnête des biens ou des documents légaux de la personne,absence d’information ou mésinformation financière ou légale »10.Cette définition renvoie expressément aux documents légaux ainsiqu’à l’absence d’information ou à la mésinformation légale. De tellesréférences confirment que les notaires sont interpellés au premierplan.

Comme tous les professionnels, le notaire doit être sensibiliséau problème social de la maltraitance envers les personnes aînées.La grande confiance du public envers les membres de la professionnotariale leur octroie un rôle prépondérant dans la prévention, ladétection et la protection des personnes aînées11.

Ce texte a pour objectif de sensibiliser et de soutenir les notai-res dans leurs interventions auprès de personnes aînées en situa-tion de vulnérabilité. Après avoir fait état des développementsrécents en matière de maltraitance des aînés et toute autre per-sonne majeure en situation de vulnérabilité et de leurs impacts pourles notaires, nous explorons quelques pistes d’intervention, notam-ment à l’aide de mises en situation.

1. MALTRAITANCE ET PERSONNES AÎNÉES

La question de la maltraitance des personnes aînées, notam-ment sur le plan financier, est discutée depuis plusieurs années.Récemment toutefois, on a pu observer plusieurs initiatives pourlutter contre ce problème social, notamment de la part du gouverne-

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(... suite)indique que le type de maltraitance répertorié le plus fréquemment étaitl’exploitation financière (62 % des dossiers révisés). Voir également ElizabethPODNIEKS, Kark PILLEMER, J. Philip NICHOLSON, Thomas SHILLINGTON etAlan FRIZZEL, Une enquête nationale sur le mauvais traitement des personnesâgées au Canada, Toronto, Institut polytechnique Ryerson, 1990. Voir égale-ment CENTRE CANADIEN D’ÉTUDES SUR LE DROIT DES AÎNÉS, Passer del’enquête à la stratégie : examen de cas représentatifs de mauvais traitements etde négligence envers les aînés dans la jurisprudence canadienne, rapport pré-paré pour la Division du vieillissement et des aînés, Agence de la santé publiquedu Canada, dans le cadre de l’Initiative fédérale de lutte contre les mauvais trai-tements envers les aînés, 2011, en ligne : <https://bcli.org/sites/default/files/FR_Counterpoint_Project_discussion_paper.pdf>.

10. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer lamaltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, préc., note 6, p. 18.

11. Selon le baromètre des professions 2016 de la firme Léger, 86 % des personnesinterrogées ont répondu avoir confiance aux notaires. Voir Jacques DEFORGES,« Baromètre des professions 2016 – les Québécois se disent encore plus confiantsenvers les notaires », (2016) 25 no 4 Entracte 6.

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ment du Québec. Après avoir dressé un portrait sommaire de cesnouveautés, nous reviendrons sur quelques pistes d’action propo-sées aux notaires, eu égard aux développements récents. Nous dis-cuterons également de certaines théories et approches en matièrede maltraitance qui sont susceptibles d’éclairer les interventions.

1.1 Développements récents porteurs de changements

Le gouvernement québécois se préoccupe de la maltraitanceenvers les personnes aînées, et ce, depuis plusieurs années. Diffé-rentes politiques publiques qui ont été mises en place par le gouver-nement en témoignent12. En 2010, le gouvernement a déposé unpremier Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitanceenvers les personnes aînées13. C’est dans la foulée de ce premierplan d’action qu’une ligne téléphonique provinciale d’écoute et deréférence spécialisée en matière de maltraitance envers les person-nes aînées a été créée. L’objectif de cette ligne téléphonique est devenir en aide aux victimes, à leurs proches, aux intervenants et auxprofessionnels14.

Un Guide de référence pour contrer la maltraitance envers lespersonnes aînées a aussi été élaboré et publié à la suite de travauxvisant à dresser le portrait de la maltraitance envers les aînés auQuébec (ci-après « guide »)15. Ce guide, qui est à sa seconde édition,

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12. Marie BEAULIEU et Marie CREVIER, « Contrer la maltraitance et promouvoir labientraitance des personnes aînées. Regard analytique sur les politiques publi-ques au Québec », (2010) 133 Gérontologie et société 69 ; Marie BEAULIEU,« Contrer la maltraitance envers les personnes aînées au Québec. Bilan histo-rique des politiques publiques et inventaire des principales actions », (2012) 9(4)Risques & qualité 59.

13. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer lamaltraitance envers les personnes aînées 2010-2015, Québec, ministère de laFamille et des Aînés, 2010. Ce plan a été reconduit jusqu’en 2017. C’est à la suitedu premier plan d’action qu’une équipe d’intervention spécialisée en matière delutte contre l’exploitation des personnes âgées, dans laquelle œuvre des enquê-teurs et une conseillère juridique, a été mise sur pied à la Commission des droitsde la personne et des droits de la jeunesse. En ligne : <www.cdpdj.qc.ca/fr/droits-de-la-personne/pratiques/Pages/exploitation.aspx>.

14. Voir : <http://www.aideabusaines.ca/>. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Pland’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées2010-2015, préc., note 13, p. 53 et 56.

15. Robert Simard, coauteur de ce texte, est l’un des instigateurs de ce guide. Il faitégalement partie du comité de rédaction. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DESSERVICES SOCIAUX, Guide de référence pour contrer la maltraitance envers lespersonnes aînées, 2e éd., Québec, Direction des communications du ministèrede la Santé et des Services sociaux, 2016, en ligne : <https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/13-830-10F.pdf>. C’est le constat d’unevolonté d’intervenir chez plusieurs intervenants qui ne disposaient pas desoutils pour le faire qui a guidé les réflexions entourant le guide. D’ailleurs, lors deson déploiement, plusieurs ont affirmé y avoir trouvé une source d’inspirationpour agir. Voir supra, section 2 « Intervention sociale du notaire ».

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vise à soutenir les efforts dans la lutte contre la maltraitance ets’adresse à tous les types d’intervenants et de partenaires, quel quesoit leur domaine ou discipline. Il y est notamment question de jus-tice et de la contribution des notaires et des avocats dans la luttecontre la maltraitance16.

Une Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés ettoute autre personne majeure en situation de vulnérabilité (projet deloi 115, ci-après « Loi contre la maltraitance » ou « la Loi ») a étéadoptée en 201717. La Loi contre la maltraitance a été présentée àl’Assemblée nationale le 19 octobre 201618. Des consultationspubliques ont eu lieu du 17 au 20 janvier 2017, auxquelles ontnotamment participé la Chambre des notaires et la Chaire Antoine-Turmel19. La Loi a été adoptée le 30 mai 2017 à la suite d’un votenominal unanime à l’Assemblée nationale. Elle est entrée en vigueurle même jour20.

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MORIN et SIMARD Dialogue sur le rôle social du notaire...

16. Ibid., p. 1. Sur le sujet, voir également : Christine MORIN, « Réflexions sur la luttecontre la maltraitance envers les aînés et le rôle des conseillers juridiques »,(2018) Revue du Barreau (à paraître).

17. L.Q. 2017, c. 10. La France a également légiféré pour contrer la maltraitance,mais elle l’a fait à l’intérieur d’une loi sur le vieillissement. Voir : Loi no 2015-1776du 28 déc. 2015 portant adaptation de la société au vieillissement, J.O. 29 déc.2015, p. 24268, dont l’article premier dispose « l’adaptation de la société au vieil-lissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiquespubliques de la nation ». Sur cette loi : Claire HÉRIN, « Droit gérontologique : ledéveloppement du volet social et sanitaire », Droit de la famille – Revue mensuelleLexisNexis Jurisclasseur, octobre 2016 ; Anne-Laure FABAS-SERLOOTEN,« Vieillissement de la population : le point sur la réforme », (2016) A.J. Famille 90.

18. Rappelons qu’un projet de loi sur ce sujet avait aussi été présenté en 2013, parMarguerite Blais, sans toutefois être adopté : ASSEMBLÉE NATIONALE DUQUÉBEC, Loi visant à enrayer la maltraitance des personnes vulnérables héber-gées dans le réseau de la santé et des services sociaux, première session, qua-rantième législature, 2013 (projet de loi 399).

19. CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC, Mémoire sur le projet de loi 115 – Loivisant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personnemajeure en situation de vulnérabilité, présenté à la Commission des relationsavec les citoyens de l’Assemblée nationale de Québec, janvier 2017, 37 p. ;Raymonde CRÊTE, Marie-Hélène DUFOUR et Christine MORIN, Mémoire de laChaire Antoine-Turmel sur le projet de loi 115, Loi visant à lutter contre la maltrai-tance envers les aînés et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité,présenté à la Commission des relations avec les citoyens, Gouvernement duQuébec, 18 janvier 2017. Pour lire l’ensemble des mémoires déposés ou vision-ner les interventions en commission parlementaire, voir : <http://www.ass-nat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CRC/mandats/Mandat-36723/memoires-deposes.html> et <http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-par-lementaires/projets-loi/projet-loi-115-41-1.html>.

20. L.Q. 2017, c. 10. Sur cette loi, voir également : Jean-Pierre MÉNARD, « Le projetde loi 115 pour lutter contre la maltraitance : quels impacts sur la maltraitancesystémique dans le système de santé », dans Service de la formation continue,Barreau du Québec, La protection des personnes vulnérables (2017), vol. 424,Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, EYB2017DEV2445 (La référence) ; Chris-tine MORIN, « Réflexions sur la lutte contre la maltraitance envers les aînés et lerôle des conseillers juridiques », préc., note 16.

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Comme son nom l’indique, cette loi a pour objet de lutter contrela maltraitance envers les personnes aînées et toute autre personnemajeure en situation de vulnérabilité grâce à des mesures qui visentà faciliter la dénonciation des cas de maltraitance et à favoriser lamise en œuvre d’un processus d’intervention21. Cette loi invite tousles prestataires de services de santé et de services sociaux de mêmeque tous les professionnels à lutter contre les différents types demaltraitance envers les personnes aînées ou en situation de vulné-rabilité, les notaires ne faisant pas exception.

La Loi contre la maltraitance ajoute à la législation en place et àla protection prévue par la Charte québécoise22. Elle réitère la néces-sité d’agir pour lutter contre la maltraitance des personnes aînées ettoute autre personne majeure en situation de vulnérabilité en pré-voyant différentes actions concrètes23. Parmi celles-ci, la Loi prévoitdes changements concernant l’accès à certains documents et laprotection des renseignements personnels et traite du secret profes-sionnel24. Normalement, tout renseignement dévoilé à un profes-sionnel et toute information reçue dans le cadre de sa relation

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21. Pour une présentation de la Loi, voir : Christine MORIN, « Contrer la maltrai-tance : les notaires des alliés pour les aînés et autres personnes en situation devulnérabilité », (2017) 26 no 3 Entracte 10.

22. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, notamment les arti-cles 48 et 49. L’exploitation au sens de la Charte nécessite trois éléments, soit :1) une mise à profit, 2) d’une position de force, 3) au détriment d’intérêts plusvulnérables. Commission des droits de la personne du Québec c. Brzozowski,[1994] R.J.Q. 1447 (T.D.P.Q.). Voir Marie-Hélène DUFOUR, « Définitions etmanifestations du phénomène de l’exploitation financière des personnes âgées »,préc., note 2 ; Christine MORIN, « La progression de la Charte québécoise commeinstrument de protection des personnes aînées », préc., note 3, p. 87. Voir égale-ment : Christine MORIN et Katherine CHAMPAGNE, « Quelques exemples demodifications législatives récentes visant à favoriser la protection des droits despersonnes aînées », Repères, juin 2017, EYB2017REP2233.

23. Les six grandes mesures sont : l’adoption obligatoire d’une politique de luttecontre la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité par lesétablissements du réseau de la santé et des services sociaux ; une bonificationdu rôle du commissaire local aux plaintes et à la qualité des services ; la possibi-lité de lever la confidentialité ou le secret professionnel lorsqu’il y a risquesérieux de mort ou de blessures graves, une protection contre les représailles etune immunité de poursuite ; l’encadrement réglementaire de l’utilisation desmécanismes de surveillance, par un usager ou son représentant, dans les instal-lations du réseau de la santé et des services sociaux ; la mise en place d’unprocessus d’intervention concerté en matière de maltraitance ; le signalementobligatoire de certaines situations de maltraitance. Signalons que l’Entente-cadre nationale pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées aété signée le 7 février 2018.

24. Sur le secret professionnel et la maltraitance des personnes aînées, voir : Ray-monde CRÊTE et Marie-Hélène DUFOUR, « L’exploitation des personnes aînées :pour un élargissement des dérogations au secret professionnel », (2016) 46Revue générale de droit 397.

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professionnelle sont protégés par le secret professionnel25. La Loicontre la maltraitance vient modifier d’autres lois afin de, suivantson préambule, faciliter la dénonciation des situations de maltrai-tance et de clarifier les circonstances où la levée du secret profes-sionnel est permise. Cette mesure vise l’ensemble des intervenantset des professionnels, que ce soit dans le réseau de la santé et desservices sociaux ou ailleurs.

L’article 14.1 de la Loi sur le notariat26, qui prévoit une déroga-tion au secret professionnel pour prévenir un acte de violence, estlégèrement modifié pour prévoir qu’un notaire peut communiquerun renseignement protégé par le secret professionnel : « en vue deprévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif rai-sonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures gra-ves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable etque la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence »27.

Rappelons que la dérogation au secret professionnel pour pré-venir un acte de violence, dont un suicide, a été introduite au Codedes professions en 2001 ainsi que dans les lois régissant les ordresprofessionnels28. Ce que fait la Loi contre la maltraitance, c’est deremplacer les termes « danger imminent de mort ou de blessuresgraves » initialement prévus par « risque sérieux de mort ou de bles-sures graves » et d’ajouter que la nature de la menace doit inspirerun sentiment d’urgence. La Loi prévoit également une définition del’expression « blessures graves ». Elle dispose qu’on : « entend par“blessures graves” toute blessure physique ou psychologique quinuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ouau bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identi-fiable »29.

Malgré ces modifications, il n’y a pas de véritables change-ments à l’état du droit. La Cour suprême avait déjà associé le facteurde l’imminence au caractère sérieux du risque et elle avait précisé

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25. Voir la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 9, ainsique les lois et codes de déontologie applicables aux professionnels.

26. RLRQ, c. N-3.27. Art. 25 et 29 de la Loi contre la maltraitance (nos soulignements).28. Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de rensei-

gnements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes, L.Q. 2001,c. 78. Sur ce changement, voir notamment : Raymonde CRÊTE et Marie-HélèneDUFOUR, « L’exploitation des personnes aînées : pour un élargissement desdérogations au secret professionnel », préc., note 24, p. 425-430 ; Yves D.DUSSAULT, « Divulguer des renseignements confidentiels en vue de protéger despersonnes », dans Conférence des juristes de l’État, Actes de la XVIe Conférencedes juristes de l’État, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 141.

29. Art. 25 et 29 de la Loi contre la maltraitance.

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que la nature de la menace devait inspirer un sentiment d’ur-gence30. Quant à la précision relative au sens de l’expression « bles-sures graves », la Cour suprême avait expliqué qu’une blessure psy-chologique peut constituer une blessure grave31. Le changementnous apparaît néanmoins utile au plan pédagogique puisque lamention est explicite.

La Loi contre la maltraitance a pour effet de préciser les cir-constances permettant de déroger au secret professionnel pour pré-venir un acte de violence32. Les dérogations au secret professionneldemeurent fondées sur le consentement du bénéficiaire du secret,sur une obligation ou une autorisation législative ou encore, surl’objectif de prévenir un acte de violence. Les obligations des conseil-lers juridiques eu égard à leur secret professionnel demeurent doncinchangées. Nous y reviendrons.

La seconde mesure novatrice que nous souhaitons mentionnerest celle qui impose le signalement obligatoire de certaines situa-tions de maltraitance. La nouvelle Loi dispose :

Tout prestataire de services de santé et de services sociaux ou toutprofessionnel au sens du Code des professions (chapitre C-26) qui aun motif raisonnable de croire qu’une personne est victime d’un gestesingulier ou répétitif ou d’un défaut d’action appropriée qui porteatteinte de façon sérieuse à son intégrité physique ou psychologiquedoit signaler sans délai ce cas pour les personnes majeures suivantes :

1o toute personne hébergée dans une installation maintenue par unétablissement qui exploite un centre d’hébergement et de soins delongue durée au sens de la Loi sur les services de santé et les servicessociaux ;

2o toute personne en tutelle ou en curatelle ou à l’égard de laquelle unmandat de protection a été homologué.33

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30. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 84 : « Le danger de blessures graves oude mort doit être imminent pour que les communications entre l’avocat et sonclient soient divulguées. C’est-à-dire que le risque lui-même doit être sérieux : unrisque sérieux de blessures graves. La nature de la menace doit être telle qu’elleinspire un sentiment d’urgence. » Au sujet de la dérogation au secret profession-nel pour prévenir un acte de violence, voir Raymonde CRÊTE et Marie-HélèneDUFOUR, « L’exploitation des personnes aînées : pour un élargissement desdérogations au secret professionnel », préc., note 24, 423-438.

31. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 83 : « Il convient de faire remarquerqu’une blessure psychologique grave peut constituer une blessure grave [...] ».

32. Pour un regard critique sur la Loi contre la maltraitance, voir Christine MORIN,Marie-Hélène DUFOUR et Raymonde CRÊTE, Mémoire de la Chaire Antoine-Tur-mel sur le projet de loi 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers lesaînés et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité, préc., note 19.

33. Art. 21 de la Loi contre la maltraitance.

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Le signalement doit être effectué auprès du commissaire auxplaintes et à la qualité des services de l’établissement si la personnevictime de maltraitance y reçoit des services, sinon, au corps depolice concerné34.

Cette obligation est importante, mais on observe qu’elle ne viseque deux catégories de personnes, soit celles qui sont hébergéesdans un CHSLD et celles qui ont un régime de protection ou dont lemandat de protection est homologué. Il n’existe donc toujours pasd’obligation de signaler une situation de maltraitance qui seraitvécue par une personne aînée qui n’a pas été déclarée inapte etqui, par exemple, vit dans une résidence privée pour aînés. Bienentendu, l’absence d’une obligation ne doit pas être interprétéecomme une justification pour ne rien faire. Nous verrons plus loinque le repérage précoce d’une situation de maltraitance est utile afind’intervenir de façon efficace face à une situation de maltraitance.

La Loi contre la maltraitance ajoute que l’obligation « s’appliquemême aux personnes liées par le secret professionnel, sauf à l’avocatet au notaire qui, dans l’exercice de leur profession, reçoivent desinformations concernant un tel cas »35. Cette nouvelle obligation designaler fait en sorte que certains témoins de situations de maltrai-tance sont maintenant tenus d’agir36. On pense ici, entre autres,aux travailleurs du domaine de la santé et des services sociaux quisont souvent perçus comme les personnes les mieux placées pourdétecter les situations de maltraitance et pour identifier les person-nes aînées les plus vulnérables37.

Contrairement aux autres professionnels qui doivent signalerla maltraitance dans les situations prévues par la Loi – c’est-à-direpour toute personne hébergée dans un CHSLD ou pour toute per-sonne qui a un régime de protection ou dont le mandat de protectionest homologué –, les notaires, comme les avocats, n’ont toujours pascette obligation. Ils ne sont donc pas visés par cette mesure majeureprévue par la Loi, ce qui ne signifie pas qu’ils sont impuissants niqu’ils doivent demeurer inactifs. Malgré leur situation particulière,les notaires peuvent jouer un rôle déterminant en matière de mal-

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34. Ibid.35. Ibid. (Nos soulignements).36. Une obligation de signaler existe également en droit français : Anne-Laure

FABAS-SERLOOTEN, « Vieillissement de la population : le point sur la réforme »,préc., note 17.

37. CENTRE CANADIEN D’ÉTUDES SUR LE DROIT DES AÎNÉS, Passer de l’enquêteà la stratégie : examen de cas représentatifs de mauvais traitements et de négli-gence envers les aînés dans la jurisprudence canadienne, préc., note 9, p. 5 et 76.

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traitance, particulièrement lorsqu’il est question de maltraitancematérielle et financière, comme nous le verrons ultérieurement38.

Outre la Loi contre la maltraitance, le gouvernement duQuébec a présenté son second Plan d’action gouvernemental pourcontrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022 le15 juin dernier, date de la journée mondiale de la lutte contre la mal-traitance des personnes âgées39. Avec ce nouveau plan, le gouverne-ment du Québec dit réitérer son engagement à lutter contre lamaltraitance envers les personnes aînées et à encourager les com-portements bientraitants40. Signalons que plusieurs des mesuresprévues dans ce nouveau plan d’action portent sur la maltraitancematérielle et financière en raison de sa prévalence.

Une des mesures prévues dans le plan d’action est un engage-ment du Secrétariat aux aînés d’organiser un forum portant exclusi-vement sur la maltraitance matérielle et financière41. Ce forum a eulieu le 22 février 2018. Il a été organisé en collaboration avec unComité consultatif sur la maltraitance matérielle et financière com-posé des organisations suivantes :

– l’Autorité des marchés financiers ;

– la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridiquedes aînés ;

– la Chambre des notaires du Québec ;

– le Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité duQuébec ;

– la Conférence des Tables régionales de concertation des aînés duQuébec ;

– le Curateur public ;

– la Financière Banque Nationale ;

– le ministère de la Justice ;

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38. Infra.39. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer la

maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, préc., note 6.40. Ibid., p. 10.41. Ibid., p. 11, 21 et 64 (mesure no 44).

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– l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec ;

– l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux etfamiliaux du Québec.

Le forum a réuni une centaine de représentants des milieuxfinancier, juridique, gouvernemental et de la recherche, ainsi quedes membres de différents groupes de défense des droits des person-nes aînées42. Le forum a permis aux participants d’échanger sur lesmeilleures façons de prévenir, de repérer et d’intervenir en matièrede maltraitance matérielle et financière.

À l’issue du forum, la ministre responsable des Aînés et dela Lutte contre l’intimidation, madame Francine Charbonneau, aannoncé un financement supplémentaire de cinq millions de dollarspour assurer le maintien et l’opérationnalisation de la Ligne AideAbus Aînés43. Le gouvernement a fait savoir qu’il analysera égale-ment la possibilité d’élargir le mandat de la Ligne pour développerson expertise en matière de maltraitance matérielle et financière. Laministre a aussi confirmé la pérennité du Comité consultatif afind’assurer un suivi au forum. Le Comité a le mandat : « d’analyser lesidées qui ont émergé lors du forum, de formuler des recommanda-tions et des suggestions, de suivre la mise en œuvre des mesurespour contrer la maltraitance matérielle et financière, de validerla réalisation des actions privilégiées dans leur champ d’expertiseet de s’assurer que les objectifs sont en voie d’être atteints »44.La Chambre des notaires du Québec et la Chaire de rechercheAntoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de l’UniversitéLaval continueront donc de participer à l’effort collectif pour luttercontre cette forme de maltraitance.

Le plan d’action souhaite que différents groupes ou personnessusceptibles d’être les témoins de maltraitance matérielle et finan-cière, dont les notaires, soient mieux outillés et soutenus45. Il s’agitd’un des objectifs de ce texte, qui n’est cependant pas le premier às’adresser aux notaires.

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42. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Forum sur la maltraitance matérielle et finan-cière : cahier du participant, Québec, ministère de la Famille – Secrétariat auxaînés, 22 février 2018.

43. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, en ligne : <https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/ministere/centre-presse/Nouvelles/Pages/nouvelle-2018-02-22-5.aspx>.

44. Ibid.45. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer la

maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, préc., note 6, p. 54.

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1.2 Retour sur des pistes d’action proposées aux notaires

C’est à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi contre la maltrai-tance que la Chambre des notaires et le Barreau ont conjointementrédigé des Lignes directrices sur l’intervention du notaire et de l’avo-cat auprès des aînés et des personnes majeures en situation de vul-nérabilité (ci-après « Lignes directrices »)46. La Chambre des notairesexplique que les Lignes directrices visent à clarifier le cadre àl’intérieur duquel les notaires et les avocats peuvent « participer àl’effort collectif mis de l’avant par l’entrée en vigueur de la nouvelleLoi »47. Inspirées du Guide de référence pour contrer la maltraitanceenvers les personnes aînées48, les Lignes directrices proposent despistes de réflexion sur le rôle du notaire face à la maltraitance ainsiqu’une marche à suivre afin de leur permettre « d’agir dans le respectdes limites établies par la loi et la jurisprudence en matière de secretprofessionnel et de maintenir la confiance du public à cet égard »49.Ces Lignes directrices confirment le rôle déterminant que sont appe-lés à jouer les notaires dans la lutte contre la maltraitance matérielleet financière.

Outre ces Lignes directrices, d’autres textes qui s’intéressentau rôle des notaires auprès des personnes aînées ou en situation devulnérabilité ont été publiés dans les dernières années50. Malgré les

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46. Voir en annexe : CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAU DUQUÉBEC, Lignes directrices sur l’intervention du notaire et de l’avocat auprès desaînés et des majeurs en situation de vulnérabilité, 2017. Du côté des comptables,voir : <http://cpaquebec.ca/fr/membres-cpa/encadrement-de-la-profession/signalement-de-la-maltraitance/>.

47. Ibid., p. 1.48. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référence

pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15.49. CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAU DU QUÉBEC, Lignes

directrices sur l’intervention du notaire et de l’avocat auprès des aînés et desmajeurs en situation de vulnérabilité, préc., note 46, p. 1.

50. Outre les textes que nous présentons et qui portent précisément sur le rôle dunotaire face à l’exploitation ou à la maltraitance des aînés, d’autres textes trai-tent aussi du sujet, notamment : Claire BERNARD, « Le droit des personnesâgées d’être protégées contre l’exploitation : nature et portée de l’article 48 de laCharte des droits et libertés de la personne », communication présentée le3 novembre 2005 au colloque « L’exploitation des aînés : problématique et pistesde solutions » de la Chaire du notariat, Université de Montréal ; COMMISSIONDES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, L’exploita-tion des personnes âgées : vers un filet de protection resserré, rapport de consul-tations et de recommandations, Montréal, CDPDJ, 2001 ; Raymonde CRÊTE etMarie-Hélène DUFOUR, « L’exploitation des personnes aînées : pour un élargis-sement des dérogations au secret professionnel », préc., note 24 ; DanielGARDNER, « Revue de jurisprudence 2009 en droit des obligations », (2010) 112R. du N. 61, 84-85 ; Emmanuelle GRIL, « Clientèle vulnérable. Le notaire : unphare dans la nuit », (2017) 26 no 3 Entracte 40 ; Christine MORIN, « Contrer la

(à suivre...)

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nouvelles politiques publiques, les plans d’action gouvernementauxet l’entrée en vigueur de la Loi contre la maltraitance, ces textesdemeurent pertinents et les notaires ne doivent pas hésiter à s’yréférer.

En 2005, Pierre Bohémier et Gérard Guay publiaient un texteintitulé « L’exploitation des personnes âgées : prévenir pour ne pasêtre complice »51. Rédigé par un travailleur social et un notaire,l’objectif du texte était de fournir un guide en matière de protectiondes personnes aînées aux notaires. Il y est question des aspects psy-chosociaux de la maltraitance et des dispositions législatives quiassurent une forme de protection aux personnes aînées, mais ausside différents moyens de prévenir la maltraitance et de la détecter. Letexte se conclut par un appel à la collaboration entre notaires etautres intervenants afin de protéger plus adéquatement les person-nes aînées. Malgré le passage des années, ce texte fournit plusieursinformations qui conservent leur utilité52.

La professeure Philips-Nootens a aussi publié un texte sur lerôle des notaires face à l’exploitation financière des aînés eu égard àleur secret professionnel53. Elle s’intéressait principalement ausecret professionnel du notaire qui peut représenter un obstacle àson intervention dans certaines situations de maltraitance. Elletraitait du risque de dénoncer une situation malgré ce secret, aunom de l’éthique, et elle soulevait la possibilité de modifier la législa-tion afin d’élargir les exceptions au secret professionnel. Nous avonsvu que la législation a effectivement été modifiée depuis, mais queles règles demeurent à peu près les mêmes. Les dérogations restentfondées sur le consentement du bénéficiaire du secret, sur une obli-gation ou une autorisation législative ou encore, sur l’objectif de pré-

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(...suite)maltraitance : les notaires des alliés pour les aînés et autres personnes en situa-tion de vulnérabilité », préc., note 21 ; Nicole POULIN, « L’exploitation des person-nes âgées », (2004) 13 no 1 Entracte 14 ; Catherine ROSSI, Jennifer GRENIER,Raymonde CRÊTE et Alexandre STYLIOS, « L’exploitation financière des person-nes aînées au Québec : le point de vue des professionnels », (2016) 46 Revuegénérale de droit 99 ; Bertrand SALVAS, « Le virage gris porte à réfléchir – et sinous prenions le contrôle du web ? », (2016) vol. 25 no 5 Entracte, en ligne :<http://entracte.cnq.org/article/author/bertrandsalvas/>. Voir également :AMERICAN BAR ASSOCIATION, Practical tool for lawyers: Steps in supportingdecision-making, 2016, en ligne : <www.ambar.org/practicaltool>.

51. Pierre BOHÉMIER et Gérard GUAY, « L’exploitation des personnes âgées : préve-nir pour ne pas être complice », (2005) 1 C.P. du N. 121.

52. En 2012, un texte complémentaire et présentant certaines nouveautés étaitpublié. Voir : Gérard GUAY, « Problématiques et nouveautés quant à la protec-tion des personnes vulnérables », (2012) 1 C.P. du N. 155.

53. Suzanne PHILIPS-NOOTENS, « Entre secret professionnel et protection de l’aînévulnérable : un dilemme pour le notaire ? », (2010) 1 C.P. du N. 213.

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venir un acte de violence. Les obligations des notaires eu égard àleur secret professionnel demeurent donc inchangées et le texte dela professeure Philips-Nootens mérite toujours d’être consulté54.

Plus récemment, une présentation sur le vieillissement et surdifférentes stratégies pour mieux communiquer avec les personnesaînées a aussi été proposée aux notaires55. Il fournit des pistes pourmieux intervenir auprès de cette clientèle.

On le constate donc, les notaires ont eu plus d’une occasiond’entendre parler de maltraitance et de leur rôle auprès des aînés ensituation de vulnérabilité. Si les notaires – comme la population engénéral – semblent plus sensibilisés au problème de la maltraitanceenvers les aînés, cette maltraitance existe toujours. Comme elle estsusceptible de porter une atteinte significative et parfois irréversibleà l’intégrité physique et psychologique des personnes aînées qui ensont victimes, à leur qualité de vie de même qu’à leur capacité dejouir de leur patrimoine et de s’épanouir socialement, les notairesdoivent à nouveau être interpellés et poursuivre le dialogue.

1.3 Théories et approches en matière de maltraitance

Pour intervenir plus efficacement auprès d’une personne aînéequi est victime de maltraitance, il importe de comprendre le contextedans lequel peut se vivre une situation de maltraitance. Différentesthéories contribuent à expliquer la maltraitance. Bien que ces théo-ries ne soient pas exhaustives, elles permettent de soutenir l’analyseet l’évaluation de la situation et de guider les interventions56.

1re théorie : le stress de l’aidant. Avec le passage du temps, ilpeut devenir difficile de gérer les responsabilités associées au rôled’aidant, notamment auprès d’une personne aînée. Bien entendu,un proche aidant peut vivre beaucoup de stress sans devenir mal-traitant pour autant. Par contre, un proche aidant épuisé peut aussidevenir inadéquat.

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54. Supra. Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre per-sonne majeure en situation de vulnérabilité, L.Q. 2017, c. 10, art. 23 à 36.

55. Matey MANDZA, « Stratégies de communication pour mieux accompagner lesaînés », (2017) 1 C.P. du N. 237.

56. Ces différentes théories ont été présentées aux formateurs de la Ligne Aide AbusAînés, voir : Sarita ISRAEL et Maryse SOULIÈRES, Lutte contre la maltraitanceenvers les aînés : Dépistage et intervention, Formation à distance des formateursde la Ligne Aide Abus Aînés, 2010 (présentation PowerPoint), mis à jour en ligne :<www.aideabusaines.ca/.../DÉPISTAGE-ET-INTERVENTION-MAJ-27-09-2016.pptx>.

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À l’inverse, lorsqu’un aidé présente des comportements pertur-bateurs, ce peut être le proche aidant qui subit la maltraitance.

2e théorie : approche féministe en violence conjugale. Unedynamique de violence déjà installée dans une relation conjugale semaintient généralement à l’âge avancé. Certains événements liés auvieillissement peuvent même faire escalader la violence dans lecouple (retraite, perte d’autonomie, perte du permis de conduire,etc.). Rappelons que les femmes ne sont pas toujours les « victimes »et les hommes ne sont pas toujours les « agresseurs ».

3e théorie : interdépendance et échanges sociaux. Il s’agitde la théorie la plus importante dans l’approche d’intervention enmatière de maltraitance envers les personnes aînées. Normalement,les relations se construisent sur un principe d’équilibre entre les« coûts » et les « bénéfices » de la relation (niveau psychologique,social, financier, etc.) Une relation déséquilibrée peut entraîner lavulnérabilité de l’une des personnes.

Il peut être difficile pour une personne extérieure à la relationd’évaluer les « coûts » et les « bénéfices » de celle-ci, car ils sont sub-jectifs57. Il est donc nécessaire de valider la perception de la situa-tion avec la personne en situation de vulnérabilité, d’où l’importanced’entrer en relation avec la personne afin de lui permettre des’exprimer sur sa situation. Par exemple, est-il acceptable qu’unproche soit rémunéré par son parent qu’il aide ? Il est possible que laréponse soit positive dans l’éventualité où ce parent est apte àconsentir, que ses besoins sont réellement comblés, que le montantversé est proportionnel à l’aide offerte et que son budget lui permetde le faire.

4e théorie : pathologie. On cherche souvent à identifier, chezles aînés et les personnes maltraitantes, les caractéristiques per-sonnelles qui peuvent les rendre plus à risque de se trouver en situa-tion de maltraitance58. Certains travaux récents montrent que lescaractéristiques qui prédisposent à la maltraitance se trouventdavantage chez les personnes qui maltraitent que chez la personnemaltraitée et que toute personne peut être victime de maltraitance :femmes et hommes, de milieu favorisé ou défavorisé, d’originesethnoculturelles diverses, vivant à domicile ou en hébergement59.

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57. Ibid.58. Ibid.59. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Plan d’action gouvernemental pour contrer la

maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, préc., note 6, p. 26.

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Le plan d’action gouvernemental identifie néanmoins certainsfacteurs de vulnérabilité chez la personne aînée tels : « son état desanté physique, de pertes cognitives ou de problèmes de santé men-tale qui la placent alors en situation de dépendance à l’égardd’autrui pour certaines activités de la vie quotidienne ou pour sesbesoins de base »60. Il énumère également des facteurs de risque,c’est-à-dire des facteurs qui sont davantage liés à l’environnementde la personne qui subit la maltraitance :

Une personne aînée impliquée dans des conflits familiaux, récents oude longue date, ou cohabitant avec un ou plusieurs proches, est plussusceptible de vivre une situation de maltraitance. Une tension dansla relation entre la personne aînée et celle qui lui donne de l’aide peutaussi mener à de la maltraitance. L’isolement et un réseau social peudéveloppé peuvent aussi favoriser des situations de maltraitance,notamment de nature financière.61

Une meilleure connaissance de ces facteurs de risque et de vul-nérabilité à la maltraitance financière permet de mieux détecter lessituations problématiques et de poser les actions appropriées62.

Soulignons que les quelques théories évoquées proposent sur-tout des questions auxquelles réfléchir en présence de situations demaltraitance ; elles ne fournissent pas les réponses. Chaque situa-tion est unique. Sans être la « cause directe » de la maltraitance,certains auteurs soulignent également l’influence de l’âgisme : « Undénominateur commun : les représentations négatives de la vieil-lesse. La cause des maux serait dans l’exclusion sociale des vieux,de leurs problèmes, et de ceux qui les prennent en charge »63.

Amener la personne aînée à faire sa propre analyse de la situa-tion, fondée sur ses perceptions et ses besoins, peut l’aider à chemi-ner vers l’arrêt de la situation de maltraitance.

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60. Ibid., p. 26 et 27.61. Ibid., p. 27.62. Marie BEAULIEU, Roxanne LEBŒUF et Raymonde CRÊTE, « La maltraitance

matérielle ou financière des personnes aînées – un état des connaissances »,dans Raymonde CRÊTE, Ivan TCHOTOURIAN et Marie BEAULIEU (dir.),L’exploitation financière des personnes aînées : prévention, résolution et sanction,coll. « CÉDÉ », Montréal, Éditions Yvon Blais, 2014.

63. Claire SCODELLARO, « La lutte contre la maltraitance des personnes âgées :politique de la souffrance et sanitarisation du social », (2006) 55 Lien social etPolitiques 77, 84.

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2. INTERVENTION SOCIALE DU NOTAIRE

À titre de conseillers juridiques de proximité, les notaires sontappelés à participer à la lutte contre la maltraitance envers les per-sonnes aînées de différentes façons, qu’il s’agisse de la prévenir, dela repérer ou d’intervenir64. Ces différentes contributions du notairesont discutées dans le Guide de référence pour contrer la maltrai-tance envers les personnes aînées, duquel sont tirées les principalespistes d’action présentées ci-dessous65.

2.1 Éléments de prévention : miser sur la relation deconfiance

La meilleure façon de contrer la maltraitance est assurémentde la prévenir. Les notaires peuvent contribuer à prévenir la maltrai-tance auprès de leurs clients de différentes façons, notamment :

• sensibiliser à la problématique et aux bonnes pratiques pour seprotéger ;

• valider avec la personne aînée la connaissance de sa situationfinancière ;

• donner à la personne aînée de l’information ou des recommanda-tions lui permettant de protéger ses avoirs ;

• mettre en place des mesures permettant de protéger les avoirs.

Le guide de référence explique que les notaires font partie desacteurs susceptibles de jouer différents rôles auprès d’une personnequi est victime de maltraitance parce qu’ils ont généralement accèsà la personne, à l’expression de ses souhaits et de ses volontés,ainsi qu’à son histoire s’ils prennent le temps nécessaire pour laconnaître66. Cette position des notaires est favorable à la confidenceet elle permet aux notaires de développer des pratiques préventivesde la maltraitance, en plus de faciliter le repérage.

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64. À noter que les termes « intervenant » et « intervention » utilisés dans ce texte réfè-rent à toute personne qui peut intervenir dans la lutte contre la maltraitancesans se limiter aux spécialistes.

65. Rappelons à nouveau que Robert Simard, coauteur de ce texte, est l’un des insti-gateurs de ce guide. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX,Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées,préc., note 15.

66. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15, p. 399.

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Par leur travail, les notaires sont en mesure de reconnaître etde comprendre les motifs de la transmission du patrimoine de lapersonne aînée, de la gestion de ses biens et des impacts de ses actessur ses liens familiaux. Connaître la dynamique familiale danslaquelle une personne aînée évolue permet de mieux la conseiller.Rappelons que la dépendance de la personne à un de ses proches estun des facteurs de risque de maltraitance.

Les conséquences de la maltraitance sur une personne aînée,qu’elles soient sur le plan physique, psychologique ou financier,peuvent être importantes et perdurer dans le temps. C’est pourquoiles notaires doivent mettre à profit leur rôle de conseiller juridique etl’aspect préventif de leur profession dans la lutte contre la maltrai-tance, comme souligné dans les Lignes directrices de la Chambredes notaires67. Grâce à l’information qu’ils transmettent à toute per-sonne qui les consulte, à leurs conseils, mais aussi à la rédaction dedocuments et d’actes juridiques, les notaires peuvent faire une diffé-rence68.

Qu’il suffise de donner l’exemple des procurations qui méritentune attention particulière puisqu’elles peuvent entraîner l’exploi-tation ou la maltraitance financière69. En effet, une procurationpeut se transformer en un permis de voler – a licence to steal – en rai-son de son utilisation par une personne insouciante, négligente, malinformée ou mal intentionnée70. Lorsqu’il prépare une procuration,

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67. CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAU DU QUÉBEC, Lignesdirectrices sur l’intervention du notaire et de l’avocat auprès des aînés et desmajeurs en situation de vulnérabilité, préc., note 46.

68. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15,p. 397-402.

69. Marie-Josée NORMAND-HEISLER, « L’encadrement des procurations accordéespar les personnes aînées au Québec : une appréciation critique », (2016) 46Revue générale de droit 341 ; Catherine ROSSI, Jennifer GRENIER, RaymondeCRÊTE et Alexandre STYLIOS, « L’exploitation financière des personnes aînéesau Québec : le point de vue des professionnels », préc., note 50, p. 122 ; MirandaL. DAVIES, Mary L. M. GILHOOLY, Kenneth J. GILHOOLY, Priscilla A. HARRIESet Deborah CAIRNS, « Factors Used in the Detection of Elder Financial Abuse: AJudgment and Decision-Making Study of Social Workers and their Managers »,(2011) 54-3 International Social Work 404, 412. Voir également une étude réa-lisée par Option consommateurs avec la collaboration de la Chaire Antoine-Tur-mel à Christine MORIN, « Réflexions sur la lutte contre la maltraitance envers lesaînés et le rôle des conseillers juridiques », préc., note 16. L’étude a mené à lapublication d’un guide pour les aînés, voir OPTION CONSOMMATEURS, Vosfinances en toute sécurité. Guide à l’intention des aînés, 2018, en ligne :<https://option-consommateurs.org/wp-content/uploads/2018/02/guide-aines-option-consommateurs-2018.pdf>.

70. Hans A. LAPPING, « License to Steal, Implied Gift-Giving Authority and Powers ofAttorney », (1996) 4 Elder Law Journal 143. Voir notamment Mirry M. HWANG,

(à suivre)

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le notaire peut voir à ce qu’elle soit adaptée aux besoins précis dumandant et que les pouvoirs du mandataire soient circonscrits71.Par exemple, il est facile de restreindre le type de transactions auto-risé ou de limiter les montants d’argent qui peuvent être retirés parpériodes de temps (jour, semaine, année)72.

Une personne en situation de vulnérabilité, quel que soit sonâge, ne prend pas toujours les meilleures décisions. Le rôle deconseiller du notaire est essentiel pour supporter la réflexion de sonclient et contribuer à prévenir certaines situations à risque. En casde besoin, les notaires peuvent proposer à un client qui semble ensituation de vulnérabilité d’en discuter avec ses proches ou de ren-contrer un travailleur social pour l’accompagner dans sa réflexionavant de signer un document important73.

2.2 Repérage des situations : la communication au-delàde l’acte notarié

La communication est un élément essentiel que ce soit dans ladémarche de repérage, de validation, d’accompagnement et dereconnaissance d’une situation de maltraitance. Une personneaînée maltraitée financièrement hésite souvent à en parler, que cesoit par peur des répercussions d’une dénonciation, en raison desentiments de honte, de culpabilité, d’humiliation, de tristesse et decolère, de sa dépendance à l’égard de la personne maltraitante, de saperte d’autonomie, de sa méconnaissance de la maltraitance, derésignation ou de la banalisation de la situation, de la méconnais-

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(...suite)« Durable Powers of Attorney: Financial Planning Tool or License to Steal ? »,(1996) 15(2) Journal of Long-Term Health 13 ; Lisa NERENBERG, « Forgotten Vic-tims of Financial Crime and Abuse: Facing the Challenge », (2002) 12(2) Journalof Elder Abuse & Neglect 49, 61.

71. Michel BEAUCHAMP, « La procuration : utile mais... dangereuse ? », dans Col-loque : L’exploitation des aînés : problématique et pistes de solutions, Chaire dunotariat de l’Université de Montréal, 3 novembre 2005, en ligne : <www.chaire-dunotariat.qc.ca/files/sites/74/2017/07/michelbeauchamp2005.pdf>. Voirles pistes de solution suggérées par Marie-Josée NORMAND-HEISLER, « L’enca-drement des procurations accordées par les personnes aînées au Québec : uneappréciation critique », préc., note 69, p. 381-393. Au Québec, voir le modèle deprocuration suggéré par L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Modèle deprocuration et note explicative, en ligne : <https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/publications/consommateurs/gestion-affaires-tiers/procuration-simple-fr.pdf>.

72. Michel BEAUCHAMP, « La procuration : utile mais... dangereuse ? », préc., note71.

73. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15,p. 142-143.

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sance des ressources disponibles pour lui venir en aide ou de saméfiance à les utiliser ou encore pour protéger l’honneur de lafamille74. Toutes démarches qui peuvent mener l’aîné à prendreconscience de la situation, à en parler et à la dénoncer sont bénéfi-ques.

Le repérage consiste à observer les indices qui seront validésdurant l’intervention et qui deviendront parfois des indicateurs demaltraitance ou non75. Le repérage s’avère utile pour plusieurs rai-sons :

• la maltraitance est souvent cachée ;

• la maltraitance est parfois méconnue de la personne aînée mal-traitée elle-même ;

• les aînés consultent rarement pour cette problématique ;

• les conséquences sont graves et il y a des risques d’escalade ;

• la dénonciation est difficile76.

Le notaire, comme tous les autres professionnels, doit être vigi-lant et éviter de s’adresser principalement à la personne qui accom-pagne un client aîné plutôt qu’à son client. Il est important dereconnaître le pouvoir de la personne aînée en lui laissant le tempsde s’exprimer (empowerment)77. Le notaire doit également s’auto-riser à questionner son client sans craindre de commettre une indis-crétion. Il s’agit d’une marque d’attention et de professionnalismequi doit être proportionnelle au service professionnel rendu et à sesimpacts sur le patrimoine et les conditions de vie de la personneaînée.

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74. Ibid., p. 21.75. Sarita ISRAËL et Maryse SOULIÈRES, Formation des formateurs Ligne Aide Abus

Aînés, Québec, CSSS Cavendish, 2013.76. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référence

pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15, p. 78.77. William A. NINACS, L’empowerment et l’intervention sociale : document d’accom-

pagnement : créer des liens pour comprendre et agir sur notre monde favoriserl’inclusion, Communication présentée à Les journées d’animation 2003, Mont-réal, Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition fémi-nine, en ligne : <http://catalogue.cdeacf.ca/Record.htm ?record=19237371124910555539>. Le Guide réfère au « pouvoir d’agir » de l’aîné. MINISTÈRE DE LASANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référence pour contrer la maltrai-tance envers les personnes aînées, préc., note 15, p. 98.

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Le guide pour contrer la maltraitance indique différents indicesà surveiller pour repérer la maltraitance financière, notamment :

• l’insuffisance de fonds pour payer les factures ;

• toute manifestation d’anxiété ou d’agitation chez la personneaînée lorsqu’on la questionne sur la gestion faite par un tiers ;

• la signature suspecte de chèques ou de documents ;

• l’ajout ou le retrait d’une procuration (changements rapides) ;

• la vente subite de la propriété ou d’un bien ;

• la signature de documents par la personne aînée sans qu’elle encomprenne toute la portée ;

• l’héritage avant terme (dons entre vifs) ;

• l’accompagnateur qui semble faire de l’ingérence dans les affairesde l’aîné78.

Pour réussir à mieux accompagner les aînés en toutes circons-tances, le notaire doit faire preuve d’habileté et d’efficacité dans sonsavoir-être. Dit autrement, il doit faire preuve de compétence rela-tionnelle79. Afin d’éviter que les questions et les initiatives du notairesoient interprétées d’emblée comme de l’âgisme, de la discrimina-tion à l’égard des aînés ou de la suspicion indue à l’égard des pro-ches et qu’elles minent la relation de confiance, le notaire peutprésenter son intervention comme une pratique préventive pourtous ses clients. Ne pas aborder un sujet sensible sous ces prétextesest tout aussi discutable. Il faut considérer la situation de vulnéra-bilité de la personne, indépendamment de son âge. Fermer les yeuxc’est être complice, tendre la main, c’est faire le choix de s’impliqueret d’offrir un véritable choix à la personne.

Favoriser la création d’un lien de confiance avec la personneaînée est un atout incontournable pour arriver à repérer plus rapi-dement une situation de maltraitance. Être alerte, prêter attentionaux indices, décoder les messages, être attentif aux comportementset attitudes des proches qui accompagnent la personne ou qui

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78. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15, p. 87.

79. Matey MANDZA, « Stratégies de communication pour mieux accompagner lesaînés », préc., note 55, p. 241.

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initient la démarche chez le notaire sont des éléments qui aidentaussi le repérage. Sans présumer des mauvaises intentions de quique ce soit, lorsqu’une personne n’a rien à se reprocher, elle colla-bore généralement avec les différents professionnels, dont lenotaire, dans l’intérêt de la personne aînée. Si des suspicions et desmécanismes de défense s’installent devant les questions du notaire,c’est peut-être parce que la situation est nébuleuse. Elle pourraitmême cacher de la maltraitance.

Lorsqu’il s’agit de valider des indices ou soupçons de maltrai-tance, certains professionnels craignent parfois de faire de l’ingé-rence dans la vie de leur client. Ils ne savent pas toujours jusqu’oùaller dans leurs échanges. Malgré ces craintes, il est souhaitable deparler ouvertement de la situation qui est préoccupante avec la per-sonne aînée, car cette dernière pourra confirmer ou infirmer les indi-ces de maltraitance. Elle pourra également signifier son désir de nepas aborder le sujet. Le fait de nommer les inquiétudes au sujet de lamaltraitance favorise le développement de la confiance80. Pour lenotaire, cette validation devrait faire partie de l’exercice rigoureuxentourant la signature de documents légaux ayant un impact sur lepatrimoine et la qualité de vie de la personne aînée. Le notaire se doitde poser certaines questions qui lui permettront d’apprécier lecaractère libre et éclairé du consentement de son client.

2.3 Processus d’intervention : s’ajuster selon la situation

Lorsqu’un notaire repère une situation de maltraitance, sonintervention est susceptible de varier selon les circonstances.

Entre autres, le notaire doit tenter de déterminer si la personneaînée victime de maltraitance est apte. Si la personne est inapte, savulnérabilité est accrue. Un notaire devrait d’ailleurs refuser derecevoir un acte s’il croit qu’une partie est inapte ou qu’elle n’est pasen mesure de donner un consentement libre et éclairé. Comme l’asouligné la Cour d’appel en matière de testament : « le rôle du notairen’est pas de vérifier la capacité du testateur, sauf que, évidemment,si celui qui veut tester est manifestement incapable, le notairedevrait refuser de recevoir l’acte »81. Nous croyons que la même pru-

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80. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15, p. 81.

81. Pagé c. Henley, 2016 QCCA 964. Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 43 : « Lenotaire doit, par tout moyen raisonnable, vérifier l’identité, la qualité et la capa-cité des parties à un acte notarié dont il reçoit la signature. » Sur le sujet : Chris-tine MORIN, « Libéralités et personnes âgées : entre autonomie et protection »,(2013) 59(1) R.D. McGill 141.

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dence s’impose pour tout acte juridique qu’un notaire est suscep-tible de recevoir. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit d’apprécier l’aptitude oul’inaptitude, certains juges font un parallèle entre le fardeau depreuve en matière de capacité de tester et ce même fardeau quant àl’aptitude à consentir à d’autres actes juridiques, comme le mandatde protection82.

Rappelons que si une personne a été déclarée inapte, la Loicontre la maltraitance prévoit que la situation de maltraitance doitêtre signalée par tout professionnel ou intervenant, à l’exception desnotaires et des avocats83. Comme le notaire demeure tenu de préser-ver le secret professionnel, il doit déterminer s’il s’agit d’une situa-tion exceptionnelle où la loi l’autorise à lever le secret. La loiprévoit – et les lignes directrices de la Chambre des notaires le rap-pellent84 – que le notaire peut lever son secret professionnel « en vuede prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motifraisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessuresgraves menace une personne ou un groupe de personnes identi-fiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’ur-gence »85. La Loi sur le notariat précise que les « blessures graves »incluent les blessures tant physiques que psychologiques qui nui-sent à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personneou d’un groupe de personnes identifiable d’une manière impor-tante86. Le notaire ne peut communiquer un renseignement protégépar le secret professionnel qu’à la ou aux personnes exposées à cedanger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leurporter secours et qu’il ne peut transmettre que les renseignementsnécessaires aux fins poursuivies par la communication87. Comme leprécisent les Lignes directrices, le notaire qui souhaite lever sonsecret professionnel devrait d’abord contacter le syndic de son ordreprofessionnel afin de s’assurer qu’il respecte ses obligations déonto-logiques.

Lorsque la personne est apte, la situation est différente. Àmoins d’une situation exceptionnelle, l’autonomie décisionnelle et ledroit à l’autodétermination de la personne doivent être respectés. Il

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82. Voir : Succession de Boivin c. Couture, 2017 QCCS 5043, par. 98, 99 ; T. (M.) c. T.(L.-G.), J.E. 97-1187 (C.S.) ; Gariépy c. Pitre, J.E. 96-340 (C.S.).

83. Supra, section 1.1 « Développements récents porteurs de changements ».84. CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAU DU QUÉBEC, Lignes

directrices sur l’intervention du notaire et de l’avocat auprès des aînés et desmajeurs en situation de vulnérabilité, préc., note 46.

85. Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1. Voir également : Loi sur le barreau,RLRQ, c. B-1, art. 131, par. 3.

86. Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1, al. 4.87. Ibid., art. 14.1, al. 2.

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faut éviter que l’intervention du notaire vienne empirer la situation.Une personne a le droit de prendre de mauvaises décisions, quel quesoit son âge. Cette personne doit cependant être conseillée et sup-portée dans sa prise de décision, surtout lorsqu’elle est en situationde vulnérabilité. La Loi contre la maltraitance définit ainsi la per-sonne en situation de vulnérabilité :

[P]ersonne majeure dont la capacité de demander ou d’obtenir del’aide est limitée temporairement ou de façon permanente, en raisonnotamment d’une contrainte, d’une maladie, d’une blessure ou d’unhandicap, lesquels peuvent être d’ordre physique, cognitif ou psycho-logique.88

La personne apte en situation de vulnérabilité qui est victimede maltraitance a généralement besoin d’être accompagnée. Avec lapermission de son client, le notaire peut contacter les autres interve-nants au dossier afin d’avoir un portait global de la situation ou ilpeut référer son client à d’autres ressources. Selon l’endroit oùhabite la personne – résidence privée, résidence pour aînés, CHSLD,etc. –, les ressources pouvant être interpellées vont varier. Par ail-leurs, si la personne concernée refuse l’aide du notaire, le notairedevra, à nouveau, déterminer s’il s’agit d’une situation où la loil’autorise à agir malgré la protection du secret professionnel.

L’un des éléments importants à considérer par le notaire quiveut intervenir est le lien qui unit la personne maltraitante et la per-sonne maltraitée. Nous avons vu que la définition de la maltraitanceprévoit que cette dernière « se produit dans une relation où il devraity avoir de la confiance »89. Lorsque la personne maltraitante est undispensateur de services, le risque qu’il y ait plusieurs victimes estgrand. Par contre, si la personne maltraitante est une personneproche de l’aîné, il est peu probable qu’il y ait plus d’une victime, carla personne qui maltraite profite du lien privilégié qu’elle entretientavec l’aîné pour lui soutirer, par exemple, de l’argent ou des biens.

La définition de la maltraitance dispose également qu’elle peutêtre causée intentionnellement ou non. En effet, il arrive que la per-sonne maltraitante ne se voie pas ainsi. Elle peut croire qu’il est nor-mal qu’elle « bénéficie » de l’argent ou des biens de la personne aînée.De même, il est possible que la personne qui est victime de maltrai-tance ne se considère pas comme maltraitée et qu’elle juge qu’il estnormal d’aider un parent ou un proche en difficulté. Rappelons qu’il

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88. Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personnemajeure en situation de vulnérabilité, L.Q. 2017, c. 10, art. 2, par. 4.

89. Ibid., art. 2, par. 3.

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importe alors de s’assurer que le don ou le service est consenti libre-ment, sans pression indue et de façon éclairée, en toute connais-sance des conséquences sur son patrimoine. Le rôle du notaire iciest primordial.

Différents travaux montrent que la personne aînée qui est vic-time de maltraitance est susceptible de résister à une intervention.Le consentement de la personne peut être obtenu en laissant dutemps à la personne et en lui exprimant ses inquiétudes face à lasituation. Le notaire peut évaluer si le consentement est empreint derésistances, de malaises ou d’inquiétude. Il peut amener la per-sonne à prendre conscience de la situation en nommant ses obser-vations. Encore une fois, pour intervenir lors d’une situation demaltraitance, il faut d’abord partir de la perception que la personneaînée a de sa propre situation. Le notaire peut alors aider l’aîné àreconnaître ses limites et à jauger les conséquences de ses actes sursa situation financière, sans toutefois le juger.

Ainsi toute démarche humaine, empathique, accueillante, quivise à comprendre la problématique et à accompagner la personnemaltraitée est utile. Chaque geste peut avoir un impact sur la pour-suite ou non de la situation de maltraitance. Il n’y a pas de doute, lenotaire peut jouer un rôle proactif.

3. ESQUISSES DE SITUATIONS

À partir des pistes d’intervention présentées ci-dessus, nousdiscutons de deux scénarios susceptibles de se présenter dans uneétude de notaires : celui de l’achat d’une résidence et celui d’unedonation entre vifs et de la rédaction d’un testament.

3.1 La donation de la résidence de monsieur Lafortune

Un notaire s’occupe des affaires de monsieur Lafortune qui estâgé de 84 ans depuis plus de 20 ans. Ce dernier n’a pas de famille etest plutôt isolé. Depuis un an, monsieur Lafortune fait des deman-des inhabituelles à son notaire. Par exemple, il mentionne régulière-ment qu’il désire modifier son testament, mais sans le faire. Iltéléphone au bureau à des heures inhabituelles, à l’extérieur desheures d’ouverture, en oubliant ensuite qu’il a téléphoné. Il sembleconfus concernant ses avoirs et ses placements.

Monsieur Lafortune demande un rendez-vous à son notaire,car il veut faire l’achat d’une résidence pour un ami. La transaction

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serait faite en échange de services rendus par l’ami. Le notaire a desdoutes quant aux capacités cognitives de monsieur Lafortune. Il sedemande comment agir et qui contacter, tout en respectant sonsecret professionnel. Devrait-il simplement acquiescer à lademande de monsieur Lafortune ? Respecter la volonté qu’il aexprimée ?

Pistes d’intervention. Ici le notaire connaît bien le client etson histoire. Monsieur Lafortune présente certains facteurs de ris-que et de vulnérabilité puisqu’il est isolé et qu’il semble confus.

Le notaire devrait s’assurer que monsieur Lafortune est apte àconsentir à l’achat de la résidence pour son ami de façon libre etéclairée avant de procéder. Le lien qu’il a développé avec son client àtravers les années est susceptible de faciliter les échanges. Ce lienpeut également aider le notaire à obtenir le consentement de mon-sieur Lafortune à rencontrer un travailleur social ou une autre res-source pour recevoir une aide psychosociale. Il pourrait aussi luidemander un billet médical qui confirme son aptitude à consentir àla transaction. Le contexte de l’achat de l’immeuble et le lien qui unitle client et son « ami » semblent questionnables. Il y a lieu de sedemander si l’achat et le don sont compréhensibles dans les cir-constances, mais surtout, s’ils sont faits de façon libre et éclairée.Le notaire peut agir pour accompagner et protéger monsieurLafortune.

3.2 Le testament et la donation de madame Groleau

Madame Groleau est veuve depuis un an. Au moment du décèsde son conjoint, elle a hérité d’un patrimoine immobilier : un duplexde 300 000 $ et un chalet de 150 000 $. Peu de temps après le décès,elle a contacté son notaire pour donner le chalet à son fils, pour luivenir en aide, ce qui a été fait. Aujourd’hui, madame a à nouveaucontacté son notaire pour fixer un rendez-vous pour donner la moi-tié du duplex à son fils. Elle souhaite aussi apporter des change-ments à son testament.

Le notaire est surpris de la démarche de madame Groleau.Celle-ci lui explique, rapidement et nerveusement, « mon fils, ça neva pas très bien » et « c’est normal d’aider son enfant ». Elle ajoute que« c’est son héritage de toute façon ».

Pistes d’intervention. Ici, les indices suivants sont à considé-rer : changement soudain dans la gestion des avoirs ; nervosité liée

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aux questionnements du notaire ; expression d’inquiétude à l’égarddu fils sans pour autant préciser ce qui se passe. De plus, madameGroleau déclare qu’il est « normal » d’aider son enfant. Madame Gro-leau est apte et elle ne perçoit pas de maltraitance financière.

Le notaire, adoptant une attitude rassurante, arrive à échangersur la situation avec madame Groleau. Elle lui confie que son filsa des dettes de drogue et qu’il la menace de ne plus voir sespetits-enfants si elle ne consent pas à la donation et si elle ne modifiepas son testament. Le notaire prend le temps d’écouter la dame quilui partage ses inquiétudes. Il lui explique les impacts qu’aurait ledon sur sa propre situation. Enfin, il lui fait part de ses observationsfavorisant, chez madame Groleau, la reconnaissance de la situationproblématique. À la suite de cet échange, madame Groleau exprimele désir de reprendre le contrôle qui lui revient et demande de l’aide.Le notaire la réfère aux ressources appropriées et lui offre del’accompagner.

Dans les deux situations présentées, le questionnement dunotaire conduit soit à affirmer les choix libres et éclairés de sonclient, soit à faire ressortir des problèmes susceptibles d’entraînerun abus ou une situation de maltraitance financière. Le notaire nedoit pas hésiter à ouvrir la communication pour permettre à la per-sonne de s’exprimer. Son intervention ne peut qu’être utile.

CONCLUSION

La Chambre des notaires identifie la protection des « clientèlesvulnérables » comme l’un des champs de pratique à haut potentielpour le notariat, soulignant que les notaires sont, « en tant que spé-cialistes, les mieux placés pour conseiller [leurs] clients dans cettenouvelle réalité de notre société »90. Les notaires sont invités àmettre à profit leur relation de confiance privilégiée avec leursclients du grand âge afin de lutter contre la maltraitance envers lesaînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

La Loi contre la maltraitance vient soutenir et renforcer lesleviers légaux existants. Elle confirme la volonté de protéger les per-sonnes en situation de vulnérabilité grâce à un effort collectif.Comme le signale le Guide de référence pour contrer la maltraitance

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90. Voir la bibliothèque notariale, sous « champs à haut potentiel ». Les trois autreschamps de pratique ainsi qualifiés sont le droit corporatif, la fiscalité et la média-tion.

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envers les personnes aînées, tout le monde peut jouer un rôle pourprévenir la maltraitance, la repérer et intervenir pour la contrer91.

Quel que soit le domaine d’activité ou la discipline, les meil-leurs outils d’intervention demeurent l’accueil, l’écoute, le dévelop-pement d’un lien de confiance et le soutien. Dans le cas des notaires,il faut ajouter la connaissance des droits, des lois, des règlements etdes ressources disponibles. S’il est convaincu qu’il y a une situationde maltraitance, le notaire ne doit pas hésiter à nommer la situationcomme telle. Dans certains cas, sa prise de position est susceptibled’aider la personne aînée à cheminer.

La maltraitance envers les personnes aînées porte une atteintesignificative et parfois irréversible à leur intégrité physique et psy-chologique, à leur qualité de vie de même qu’à leur capacité de jouirde leur patrimoine et de s’épanouir socialement92. Le vieillissementde la population québécoise accentue le risque que se multiplient lessituations de maltraitance envers les personnes aînées au cours desprochaines années. Tous sont interpellés. La contribution desnotaires est primordiale.

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91. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référencepour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, préc., note 15.

92. Ibid., p. 1.

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ANNEXE

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC ET BARREAU DUQUÉBEC, Lignes directrices sur l’intervention du notaire et

de l’avocat auprès des aînés et des majeurs en situationde vulnérabilité, 2017.

Lignes directrices

Objet Intervention du notaire et de l’avocat auprès des aînéset des majeurs en situation de vulnérabilité et levée dusecret professionnel dans le contexte de la lutte contrela maltraitance envers ces clientèles

Adoption Conseil d’administration29 et 30 septembre 2017 (CAD-50-5-3.16)

Mise en contexte

Sanctionnée le 30 mai 2017, la Loi visant à lutter contre la mal-traitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situa-tion de vulnérabilité1 met en place une série de mesures permettantde prévenir, lutter et dénoncer les cas de maltraitance envers lesaînés ou les personnes majeures en situation de vulnérabilité, dansle respect de leur intérêt et de leur autonomie.

Afin d’atteindre cet objectif, la loi vient faciliter la dénonciationdes cas de maltraitance. Pour ce faire, elle oblige notamment les pro-fessionnels ayant des raisons de croire qu’un aîné ou une personnemajeure en situation de vulnérabilité est victime de maltraitance àsignaler cette situation aux autorités compétentes, même s’ils sontliés par le secret professionnel, lorsque cette personne est hébergéedans un CHSLD ou encore qu’elle est sous tutelle, curatelle ou queson mandat de protection a été homologué. Cette obligation de

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1. L.Q. 2017, c. 10.

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signalement ne s’applique toutefois pas aux notaires et aux avocatsqui reçoivent des informations dans le cadre de leur profession.

Les notaires et les avocats sont des acteurs clés dans la lutte àla maltraitance envers les aînés et les majeurs en situation de vulné-rabilité en raison de la relation de confiance et de proximité qu’ilsentretiennent avec ces derniers. Ils accompagnent ces personneslorsqu’elles vivent des situations difficiles et font souvent figure deconfidents et de personnes ressources vers lesquelles se tournerafin d’obtenir de l’aide. Il est donc primordial de rappeler aux notai-res et aux avocats le rôle central qu’ils occupent dans la bientrai-tance de ces personnes et la lutte contre leur maltraitance, et declarifier le cadre à l’intérieur duquel ils pourront participer à l’effortcollectif mis de l’avant par l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi.

La Chambre des notaires du Québec (« Chambre ») et le Barreaudu Québec (« Barreau »), dans le cadre de leur mission et leur rôlesocial, ont donc élaboré les lignes directrices suivantes qui permet-tront aux juristes d’agir dans le respect des limites établies par la loiet la jurisprudence en matière de secret professionnel et de mainte-nir la confiance du public à cet égard.

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2. Sommaire inspiré de : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Guide de référence pourcontrer la maltraitance envers les personnes aînées, 2e éd., 2016, <https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/13-830-10F.pdf>, p. 131.

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1. Repérer les indices de maltraitance

Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire doit être en mesurede rapidement identifier une situation de maltraitance. Pour cefaire, il doit déceler les signes pouvant indiquer qu’une personneaînée ou un majeur en situation de vulnérabilité est victime de mal-traitance de la part de proches ou de tiers. La Loi définit la maltrai-tance comme « un geste singulier ou répétitif ou un défaut d’actionappropriée qui se produit dans une relation où il devrait y avoir de laconfiance et qui cause, intentionnellement ou non, du tort ou de ladétresse à une personne »3.

Le notaire devra donc porter une attention particulière auxindices suivants4 :

• La personne désire rapidement conclure une transaction ou faireinstrumenter un acte en faveur d’un proche5.

• La personne entretient des liens affectifs avec le ou les agresseurspotentiels (membre de sa famille, amis, etc.) et craint d’être aban-donnée ou de briser les liens familiaux ou d’amitié si elle men-tionne certains éléments ou dénonce certains actes commis parcette ou ces personnes6.

• Le comportement de la personne change de façon radicale en peude temps et celle-ci dévient craintive, repliée sur elle-même etanxieuse7.

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3. Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personnemajeure en situation de vulnérabilité, L.Q. 2017, c. 10, art. 2(3o). La maltraitances’apparente à l’exploitation au sens de l’article 48 de la Charte des droits et libertés,voir Raymonde CRÈTE et Christine MORIN, « La protection juridique des person-nes aînées contre l’exploitation financière – Introduction », (2016) 46 hors sérieR.G.D. 5, p. 7.

4. Pour une liste exhaustive des signes, symptômes, comportements et attitudesconcernant une personne aînée et les agresseurs potentiels, voir Gérard GUAY etPierre BOHÉMIER, « L’exploitation des personnes âgées : prévenir pour ne pas êtrecomplice. Guide du notaire en matière de protection des personnes âgées », (2005)1 C.P. du N. 121, p. 138 à 143 ; GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Guide de réfé-rence pour contrer la maltraitance enversles personnes aînées, 2e éd., 2016,<https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/13-830-10F.pdf>,p. 125 et s. ; Christine MORIN, « La capacité de tester : tenants et aboutissants »,(2011) 41 R.G.D. 143, par. 66 à 70 et Christine MORIN, « Libéralités et personnesâgées : entre autonomie et protection », (2013) 59(1) R.D. McGill 141.

5. Suzanne PHILIPS-NOOTENS, « Entre secret professionnel et protection de l’aînévulnérable : un dilemme pour le notaire ? », (2011) 1 C.P. du N. 213, p. 226.

6. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Venne(T.D.P.Q., 2010-06-02), 2010 QCTDP 9, par. 72.

7. G. GUAY et P. BOHÉMIER, préc., note 4, p. 139.

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• La personne nie l’existence de problèmes et refuse de parler de sasituation, lorsque questionnée sur ce sujet8.

• Le ou les proches tiennent absolument à être présents lors desrencontres et s’expriment à la place de la personne aînée ou dumajeur en situation de vulnérabilité, faisant valoir des intérêtssemblant être en contradiction avec la volonté de la victime poten-tielle9.

Il va sans dire que la présence d’un ou de plusieurs de cessignes ne permet pas de conclure inévitablement à l’existence d’unesituation de maltraitance. Le notaire devra donc user de son juge-ment et mettre en contexte les indices de maltraitance repérés afinde ne pas porter inutilement préjudice à la personne aînée ou ensituation de vulnérabilité, ou à ses proches10.

Le notaire ou l’avocat doit être en tout temps vigilantafin de rapidement identifier les signes indiquant laprésence possible de maltraitance.

2. Dresser un portrait global de la situation

Dès lors qu’il repère un ou plusieurs indices de maltraitance, lenotaire ou l’avocat doit s’assurer que la personne aînée ou le majeuren situation de vulnérabilité vit bel et bien de la maltraitance. Pource faire, le juriste doit être en mesure de dresser un portait global dela situation en utilisant, notamment, les moyens suivants :

• Discuter seul à seul avec la personne pour valider les indices

En discutant seul avec la personne, le notaire ou l’avocat sauraêtre en mesure de connaître ses réelles intentions et volontés.Pour ce faire, le notaire ou l’avocat devra prendre le temps néces-saire pour informer la personne des étapes menant à la réali-sation du mandat donné et des conséquences juridiques,économiques et fiscales11 découlant de ce même mandat, tant surelle que sur ses proches. Lors de cette discussion, il est essentielque le juriste s’assure de fournir les explications nécessaires afinque la personne soit en mesure de bien comprendre le dossier et

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8. Ibid.9. G. GUAY et P. BOHÉMIER, préc., note 4, p. 138.10. S. PHILIPS-NOOTENS, préc., note 5, p. 229.11. Ibid., p. 227.

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les services professionnels qui seront rendus par le juriste12.Dans le cas des notaires, ces derniers devront, de plus, s’assurerde vérifier la capacité de la personne aînée ou du majeur en situa-tion de vulnérabilité. Si cette personne souhaite s’engager juridi-quement, elle doit être en mesure de consentir de façon libre etéclairée, autrement, le notaire ou l’avocat doit s’abstenir derecevoir un acte juridique avec la personne inapte.

• Se renseigner sur le contexte familial

La connaissance du contexte familial est un élément qui permet-tra au notaire ou à l’avocat de mieux connaître la finalité desdemandes faites par la personne ou par ses proches, et deconnaître la dynamique familiale dans laquelle la personneévolue. Ce faisant, le juriste sera plus en mesure de déterminer siles actes, procédures, conseils juridiques ou autres demandesadressées relèvent de motivations personnelles basées sur dessentiments d’amour, de respect ou de loyauté13, ou relèvent del’abus et perpétuent un cycle de maltraitance.

S’il soupçonne la présence de maltraitance, le juriste pourraitrecommander à la personne aînée ou en situation de vulnérabilitéde contacter un proche de confiance, un travailleur social outoute autre personne qui pourrait l’accompagner dans sesdémarches.

• Contacter les autres intervenants au dossier

La lutte à la maltraitance devant être menée sur plusieurs frontset par différents intervenants, le notaire ou l’avocat ayant desdoutes relativement à une possible situation de maltraitancedevra demander l’autorisation de son client pour contacter lesautres intervenants au dossier afin d’avoir un portrait global de lasituation. À titre, d’exemple, le contact de l’institution financièrede la personne aînée ou du majeur en situation de vulnérabilitépourrait permettre au notaire ou à l’avocat d’identifier la présenceou non de fraude ou d’abus financiers envers la personne14.

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MORIN et SIMARD Dialogue sur le rôle social du notaire...

12. Ibid., p. 228 ; Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 24 ; Codede déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 38.

13. Financial Arrangements Between Older Adults and Family Members, 2004, p. 16 ;Lorna FOX O’MAHONY et James DEVENNEY, « Undue Influence, the Elderly andEquity release Schemes », (2008) 5 Elder Law Review – Article 8, en ligne :<http://www.austlii.edu.au/au/journals/ElderLawRw/2008/8.html> (sitevérifié le 15 août 2017).

14. S. PHILIPS-NOOTENS, préc., note 5, p. 226.

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Avant de contacter d’autres intervenants et d’échanger des infor-mations obtenues dans le cadre de sa profession, il est primordialque le juriste obtienne l’autorisation de la victime potentielle pourle faire15, et ce, afin de s’assurer qu’il respecte ses obligationsrelativement au secret professionnel (voir ci-dessous). Advenantle refus de cette personne de donner une telle autorisation, lenotaire ou l’avocat ne pourra pas contacter les autres interve-nants16. Il devra toutefois consigner ces informations à son dos-sier afin de démontrer qu’il a rempli son devoir de conseil17 et a agiavec diligence18.

Le notaire ou l’avocat doit faire le portrait global de lasituation afin de déterminer si son client est victime demaltraitance et doit consigner le résultat de son éva-luation dans son dossier.

3. Informer la personne sur ses droits et sur les recoursdisponibles

Dans sa lutte contre la maltraitance envers les personnesaînées ou vivant une situation de vulnérabilité, le notaire ou l’avocatdoit favoriser l’autonomie de ces dernières et veiller à ne pas prendrede décisions pour elles. Comme mentionné ci-dessus, le juriste doitdonc prendre le temps de leur expliquer clairement la situation encours et exposer les conséquences qui en découlent. De plus, il doitles informer de leurs droits et de leurs recours, et leur demander cequ’elles souhaitent faire. Il doit aussi les diriger vers les ressourcesappropriées, tels le Commissaire local aux plaintes et à la qualité desservices, la Commission des droits de la personne et des droits de lajeunesse, le Curateur public, le service de police, etc.

Ces mesures mettent la personne aînée ou vivant une situationde vulnérabilité au cœur de la prise de décision pour lui permettrede faire ses propres choix en fonction de ses besoins, de ses intérêtset de son autonomie, tels que visés par la Loi. C’est donc seulementlorsque la personne refuse d’agir ou n’est plus en mesure de le faireque le notaire ou l’avocat devra considérer l’option de lever le secretprofessionnel afin de faire cesser une situation de maltraitance.

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Cours de perfectionnement du notariat (2018) 1 C.P. du N. 1

15. G. GUAY et P. BOHÉMIER, préc., note 4, p. 189.16. Raymonde CRÊTE et Marie-Hélène DUFOUR, « L’exploitation des personnes

aînées : pour un élargissement des dérogations au secret professionnel », p. 440.17. Ibid. et Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 7 ; Code de déon-

tologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 37 et 68.18. Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 20.

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Le notaire ou l’avocat doit informer la personne sur sesdroits et ses recours et la référer aux ressources dispo-nibles

4. Obtenir le consentement de la personne à la levée dusecret professionnel

Le notaire ou l’avocat qui réalise qu’il fait face à de la maltrai-tance envers une personne aînée ou un majeur en situation de vul-nérabilité et que la personne est incapable d’agir ou qu’elle refused’agir peut transmettre des informations aux autorités compétentesafin de dénoncer cette situation à certaines conditions. Toutefois,afin de favoriser l’autonomie de la personne ainsi que de ne pas ris-quer des sanctions disciplinaires, il doit obtenir au préalable leconsentement de la personne en question19. Dans le cas des notai-res, l’autorisation de la personne concernée doit être donnée parécrit20. Dans tous les cas, ce consentement à la levée du secret pro-fessionnel doit être donné de façon claire et volontaire21.

L’obtention du consentement à la levée du secret professionnelpar la personne aînée ou le majeur en situation de vulnérabilitérisque toutefois d’être difficile en pratique. En effet, un ensemble defacteurs liés à la situation de vulnérabilité de la personne victime demaltraitance laisse présager que cette dernière sera peu disposée àdonner un tel consentement22. Que ce soit en raison de la réticence àdénoncer un proche, de la peur de représailles ou de la honte liée à ladivulgation de renseignements confidentiels23, il se peut que lenotaire ou l’avocat ne puisse obtenir le consentement voulu qui luipermettrait de dénoncer une situation de maltraitance. Dans ce cas,le juriste devra respecter la décision de la personne considéréecomme étant apte, même si cela va à l’encontre de ses intérêts et desa protection24, sous réserve de la possibilité de la levée de son

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MORIN et SIMARD Dialogue sur le rôle social du notaire...

19. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art.9, al. 2 ; Code desprofessions, RLRQ, c. C-26, art. 60.4, al. 2 ; Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1, art.131 ; Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1, al. 2, Code de déontologie desnotaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 36, al. 1 ; Code de déontologie des avocats,RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 65(1).

20. Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 36, al. 1.21. Glegg c. Smith & Nephew Inc. (C.S. Can., 2005-05-20), 2005 CSC 31, par. 18

(renonciation au secret professional medical).22. R. CRÊTE et M.-H. DUFOUR, préc., note 16, p. 418 à 420.23. Ibid., p. 418 et 419.24. Ann SODEN, « Ethical Issues and Dilemmas in an Elder Law Practice », dans Ann

SODEN, dir., Advising the Older Client, Markham (Ont.), LexisNexis Butther-worths, 2005, p. 13 aux p. 21-22 [SODEN, « Ethical Issues and Dilemmas in anElder Law Practice »].

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secret professionnel tel que présenté ci-dessous. Nonobstant sonchoix, le notaire ou l’avocat se trouvant dans une telle situation doitinformer l’aîné ou le majeur en situation de vulnérabilité de sesdroits et des recours à sa disposition afin de les faire valoir.

Le notaire ou l’avocat doit obtenir le consentement dela personne aînée ou du majeur en situation de vulnéra-bilité victime de maltraitance avant de communiquerdes renseignements soumis au secret professionnel

5. Déterminer si la Loi permet la levée du secretprofessionnel

Lorsqu’il est impossible d’obtenir le consentement de la per-sonne victime de maltraitance, le notaire ou l’avocat peut lever lesecret professionnel si la Loi le lui permet25. Cette entorse au privi-lège du secret professionnel du notaire ou de l’avocat est justifiéelorsque la sécurité publique est menacée26, et qu’un acte de violencedoit être prévenu27. Ainsi, avant de transmettre des informationsaux autorités compétentes, le juriste devra être certain que la situa-tion devant laquelle il se trouve représente un risque sérieux pourla victime de maltraitance. Pour ce faire, le notaire ou l’avocatdevra s’assurer de la présence de trois facteurs cumulatifs : 1) laclarté ; 2) la gravité et 3) l’imminence.

1) Personne ou groupe de personnes identifiable28 ;

Le notaire ou l’avocat doit être en mesure d’identifier clairementla ou les victimes de maltraitance. Les menaces à leur endroitdoivent aussi être précises et permettre de penser que cette per-sonne ou ce groupe de personnes encourent un risque pour leursécurité, leur santé ou leur vie.

2) Risque sérieux de mort ou de blessures graves29 ;

Le notaire ou l’avocat doit déterminer si la ou les victimes demaltraitance risquent la mort ou des blessures graves. Dans

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25. Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 60.4, al. 2 ; Loi sur le Barreau, RLRQ,c. B-1, art. 131 ; Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1, al. 2, Code de déonto-logie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 36, al. 1 ; Code de déontologie des avo-cats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 65(6).

26. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 76.27. R. CRÊTE et M.-H. DUFOUR, préc., note 16, p. 430.28. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 79 à 81.29. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 82 et 83.

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l’analyse de ce facteur, le notaire ou l’avocat doit être en mesured’identifier la présence d’élément de violence afin de conclure àla gravité de la situation30.

La définition de « blessures graves » dépasse la notion d’intégritéphysique de la personne : la violence psychologique que peutsubir une personne aînée ou un majeur en situation de vulnéra-bilité victime de maltraitance, peut très bien mener à des bles-sures graves. En effet, la Loi visant à lutter contre la maltraitanceenvers les aînés et toute autre personne majeure en situation devulnérabilité est venue modifier les différentes lois profession-nelles31 s’appliquant, entre autres, aux notaires et aux avocats,afin de définir la notion de blessure grave de la façon suivante :

toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manièreimportante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’unepersonne ou d’un groupe de personnes identifiable.(nos soulignés)

La présence de violence psychologique subie par la victime demaltraitance pourrait ainsi permettre au notaire ou à l’avocat deconclure à la présence de blessures graves puisque ce genre deviolence peut « souvent avoir des effets plus pénétrants et per-manents qu’une blessure physique »32. Le juriste devra doncporter une attention particulière à ce type de violence souventtrès répandue dans les cas de maltraitance.

Peuvent notamment être considérés comme des actes de vio-lence psychologique :

La maltraitance matérielle ou financière mettant en péril lasanté et la sécurité de la personne en la privant des ressour-ces essentielles pour subvenir à ses besoins.

La manipulation, l’infantilisation, les menaces verbales etnon verbales ou la privation de pouvoirs faisant en sorte quela personne ne peut exprimer ses besoins aux intervenants ouaux autorités compétentes afin d’obtenir l’aide nécessairepour faire respecter ses droits.

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MORIN et SIMARD Dialogue sur le rôle social du notaire...

30. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 82.31. Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 60.4, al. 4 ; Loi sur le Barreau, RLRQ,

c. B-1, art. 131(4) ; Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1, al. 2,32. R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72, p. 81.

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Les insultes, le dénigrement et l’humiliation de façon con-tinue contribuant à diminuer de façon considérable la con-fiance et l’estime de soi de la personne33.

3) Sentiment d’urgence34

Le notaire ou l’avocat devra finalement déterminer si la menacequi plane sur la ou les victimes de maltraitance est imminente,c’est-à-dire si elle inspire à ces personnes un sentiment d’ur-gence et risque d’être mise à exécution très prochainement.

La présence de ces trois facteurs cumulatifs permettra aunotaire ou à l’avocat de déterminer s’il est en présence d’une situa-tion de maltraitance pouvant donner lieu à la levée du secret profes-sionnel afin d’éviter que la ou les victimes de maltraitance nesubissent un acte de violence. Dans l’analyse de ces facteurs, lejuriste devra toutefois se baser sur de l’information sérieuse et desrenseignements dignes de foi et corroborés35 lui permettant raison-nablement de croire à l’existence d’un danger réel pour la ou les vic-times de maltraitance36.

Le notaire ou l’avocat doit déterminer si la Loi lui per-met de lever le secret professionnel lorsqu’il est témoind’une situation de maltraitance en l’absence de consen-tement de la personne.

6. Contacter le syndic de l’ordre professionnel

Avant de transmettre des informations protégées par le secretprofessionnel aux autorités compétentes, le notaire ou l’avocatdevrait contacter le syndic de son ordre professionnel lorsque les cir-constances le permettent, afin de s’assurer que ses obligationsdéontologiques sont respectées37. De cette façon, le juriste vientlimiter les risques de fautes déontologiques, ces fautes pouvantavoir de graves conséquences sur le public et le professionnel en rai-

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33. G. GUAY et P. BOHÉMIER, préc., note 5, p. 130.34. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 84.35. Yves D. DUSSAULT, « Divulguer des renseignements confidentiels en vue de pro-

téger des personnes », dans Conférence des juristes de l’État, Actes de laXVIe Conférence des juristes de l’État, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2004,p. 157.

36. Raymonde CRÊTE et Marie-Hélène DUFOUR, préc. note 16, p.431.37. L’article 70 du Code de déontologie des avocats (chapitre B-1, r. 3.1) prévoit cette

situation.

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son de l’importance du secret professionnel du notaire et de l’avocaten droit québécois et canadien.

Le notaire ou l’avocat devrait valider avec le syndic deson ordre professionnel avant de transmettre des infor-mations protégées par le secret professionnel.

7. Limiter la divulgation aux éléments essentiels

Le notaire ou l’avocat qui écarte le secret professionnel devralimiter strictement les informations communiquées aux autoritéscompétentes aux éléments essentiels afin de prévenir le dangerimminent de blessures graves ou de mort chez la ou les victimes demaltraitance38. Ainsi, lors de la transmission des renseignementsprotégés par le secret professionnel, le juriste devra mesurer l’im-pact de chacune des informations afin de s’en tenir uniquement àcelles permettant d’éviter que la victime de maltraitance ne subissedes blessures graves ou la mort.

Le notaire ou l’avocat devra aussi s’assurer que les informa-tions protégées sont transmises seulement aux personnes pouvantporter secours à l’aîné ou au majeur en situation de vulnérabilité (auservice de police de la municipalité de la victime, par exemple).

Le notaire ou l’avocat doit s’assurer de divulguer uni-quement les informations essentielles pour éviter quela personne aînée ou le majeur en situation de vulnéra-bilité ne subisse des blessures graves ou la mort.

8. Produire un document à la suite du signalement etle consigner au dossier

La Loi oblige le notaire39 ou l’avocat40 qui communique un ren-seignement protégé par le secret professionnel en vue de prévenir unacte de violence, à produire un écrit. Ce document devrait contenir,entre autres, les éléments suivants :

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38. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, par. 86 ; Code des professions, RLRQ,c. C-26, art. 60.4 al. 3 ; Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1, art. 131(3) ; Loi sur lenotariat, RLRQ, c. N-3, art. 14.1, al. 2 ; Code de déontologie des avocats, RLRQ,c. B-1, r. 3.1, art. 65(6).

39. Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 36, al. 2.40. Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 68.

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• l’identité de la personne exposée au danger ;

• les circonstances dans lesquelles les informations protégées luiont été communiquées et la qualité en raison de laquelle ces infor-mations lui furent transmises ;

• les motivations qui l’ont incitée à transmettre ces informations et,le cas échéant, l’identité de la personne qui l’a incitée à les trans-mettre ;

• la teneur de ces informations ;

• le nom et les coordonnées de la personne à qui ces informationsfurent communiquées ;

• la date, l’heure et le mode de cette communication.

Dans le cas de l’avocat, la déclaration doit faire état du nom dela personne consultée au bureau du syndic du Barreau du Québec,de l’avis fourni par cette personne ainsi que la date et l’heure de cettecommunication, le cas échéant41. Cette information est égalementutile pour le cas du notaire.

Consignée au dossier du client, cette déclaration permettra dedémontrer que le juriste a respecté ses obligations déontologiquesrelativement à ses devoirs de conseil et de respect du secret profes-sionnel.

Le notaire ou l’avocat doit produire une déclarationdécrivant les circonstances entourant la levée dusecret professionnel et consigner cette déclaration audossier du client.

9. Effectuer un suivi

Le notaire ou l’avocat ayant levé le secret professionnel en vuede prévenir une situation de maltraitance envers une personneaînée ou un majeur en situation de vulnérabilité devrait effectuer unsuivi auprès de cette personne et auprès des autorités auxquelles ila transmis les informations protégées. Ce suivi pourrait se fairequelques semaines après le signalement. Ce faisant, le juriste sera

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41. Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 68.

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plus en mesure de bien conseiller la victime de maltraitance ou sesproches et de répondre à leurs besoins, en tenant compte des der-niers développements ayant eu lieu dans le dossier. Ces développe-ments devraient aussi être consignés au dossier.

Le notaire ou l’avocat devrait faire un suivi des dévelop-pements dans le dossier auprès de la victime de mal-traitance et des autorités auxquelles il a transmis lesrenseignements protégés par le secret professionnel.

Outils pratiques à la disposition des notaires, des avocatset du public

Pour les notaires :

• La Bibliothèque notariale contient plusieurs articles sur lessujets traités dans ces lignes directrices.

• Les questions d’ordre déontologique sont traitées par le Bureaudu syndic (514-879-1793 ou 1-800-263-1793, poste 5913).

• Plusieurs publications sur les droits des aînés se retrouvent sur lesite Internet de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la pro-tection juridique des aînés de l’Université Laval.

Pour le public :

• Les notaires agents du 1-800-NOTAIRE pourront répondre àl’ensemble de leurs questions concernant ce sujet d’importance.

• Par l’outil de recherche « Trouver un notaire » accessible sur le siteWeb <www.cnq.org> ou en appelant au 1-800-NOTAIRE, le publicpeut faire une recherche d’un notaire pour les aider.

• Le site Aîné-Avisé de la FADOQ contient beaucoup d’informationssur ce sujet ainsi qu’une liste de ressources : <http://ainea-vise.fadoq.ca/>.

• La ligne Aide Abus Aînés, au 1-888-489-ABUS (2287) peut vousréférer à des ressources adéquates pour vous aider.

• Un Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les per-sonnes aînées fut produit par le gouvernement du Québec afin

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d’aider les intervenants de façon très détaillée à prévenir, repérer,intervenir et coordonner les actions pour cesser la maltraitance.Malgré son nom, il est applicable également à des cas impliquantdes majeurs en situation de vulnérabilité.

• La Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-nesse (CDPDJ) a une équipe d’intervention spécialisée en matièrede lutte contre l’exploitation de personnes âgées. Vous pouvezcontacter la CDPDJ au 1-800-361-6477.

• Le Curateur public du Québec peut intervenir dans les situationsde maltraitance envers une personne sous tutelle ou curatellepublique et une personne qui n’a pas encore de mesure de protec-tion mais qui dont l’évaluation médicale constate l’inaptitude. Ilpeut être rejoint en communiquant au (514) 873-4074 ou au1-800 363-9020.

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