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Septentrion Danielle Brault L e B Ăątisseur Roman biographique Extrait de la publication

Danielle Brault

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Se p t e n t r i o n

Danielle Brault

LeBĂąt i s s e u rR o m a n b i o g r a p h i q u e

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LE BÂTISSEUR

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Se p t e n t r i o n

Danielle Brault

LeBĂą t i s s e u r

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Les Ă©ditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la SociĂ©tĂ© de dĂ©velop pement des entreprises culturelles du QuĂ©bec (SODEC) pour le soutien accordĂ© Ă  leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du QuĂ©bec pour son Programme de crĂ©dit d’impĂŽt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons Ă©ga lement l’aide financiĂšre du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au dĂ©veloppement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activitĂ©s d’édition.

Illustration de la couverture : Photo de M. Vanier, Collection Claude Beaulieu.

Illustration de la quatriÚme de couverture : Le chùteau Vanier, aquarelle de Louise Légaré

Révision : Simon Lamoureux et Chloé Deschamps

Correction d’épreuves : Carole Corno

Mise en pages et maquette de la couverture : Pierre-Louis Cauchon

Si vous dĂ©sirez ĂȘtre tenu au courant des publicationsdes Ă©ditions du Septentrion vous pouvez nous Ă©crire au

1300, av. Maguire, Québec (Québec) G1T 1Z3ou par télécopieur 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2

DépÎt légal : Ventes en Europe :BibliothÚque et Archives Distribution du Nouveau Mondenationales du Québec, 2008 30, rue Gay-LussacISBN 978-2-89448-544-6 75005 Paris

Membre de l’Association nationale des Ă©diteurs de livres

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Prologue

AoĂ»t 1934Ce matin du 19 aoĂ»t, le soleil est dĂ©jĂ  chaud dans le ciel de Sainte-Rose. Le chauffeur et la cuisiniĂšre de Joseph-Émile Vanier s’échangent les derniers potins du village. Leurs rires filtrent Ă  travers les persiennes de la maison de campagne de leur patron, le « chĂąteau Vanier » comme disent les villageois.

— Pas si fort, Alfred ! Je crois que monsieur n’a pas beaucoup dormi cette nuit, et la patronne a donnĂ© des ordres pour qu’on ne la dĂ©range pas avant midi.

— Tu as raison, Marie ! La lumiĂšre est restĂ©e longtemps allu-mĂ©e chez monsieur Émile cette nuit. J’espĂšre qu’il se sent assez fort ce matin pour aller faire un tour de bateau sur la riviĂšre. En attendant, on ferait mieux de retourner travailler.

En soupirant, les deux domestiques s’éloignent pour conti-nuer leur travail. Ils n’ont pas vu leur patron, habillĂ© depuis dĂ©jĂ  longtemps, qui fait quelques pas Ă  l’extĂ©rieur. Soutenu par son infirmiĂšre, garde Dugas, il arpente lentement des allĂ©es bordĂ©es de fleurs et de plantes exotiques. Cet homme de soixante-seize ans, malade et amaigri, n’a rien perdu des propos de ses deux employĂ©s. Il sait qu’il n’a mĂȘme plus la force de naviguer sur La Mouette. L’effort de marcher fait dĂ©jĂ  perler la sueur Ă  son front et c’est avec soulagement qu’il se dirige vers sa chaise Adirondak prĂ©fĂ©rĂ©e.

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— Je vous ai apportĂ© une bonne couverte, monsieur Vanier. Comme ça, vous ne serez pas mouillĂ© par le serein.

— Merci, garde. Vous ĂȘtes comme un ange gardien pour moi.

— Un ange
 Ça, je ne sais pas ! Mais une gardienne
 Là, vous pouvez compter sur moi !

Joseph-Émile s’assoit lourdement, reprend son souffle et jette un coup d’Ɠil sur la route principale, face au chĂąteau. Des habitants du village, en route pour la messe, le saluent et jettent un coup d’Ɠil admiratif Ă  sa maison d’étĂ© et aux parterres de fleurs, encore magnifiques au mi-temps de l’étĂ©.

— Je crois que les gens aiment beaucoup votre maison de campagne, monsieur. C’est vrai qu’elle a un air de petit chĂąteau de France. Vous ĂȘtes architecte, n’est-ce pas ? L’avez-vous dessinĂ©e vous-mĂȘme ?

— Oui, garde ! Je suis
 ou bien peut-ĂȘtre devrais-je dire j’étais architecte, ingĂ©nieur et arpenteur ! Mon beau chalet, j’en ai tellement rĂȘvĂ© et j’ai eu tellement de plaisir Ă  le dessiner et Ă  le faire bĂątir !

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Chapitre 1

Septembre 1873— Joseph-Émile Vanier ! Combien de fois faudra-t-il te dire

d’enlever tes bottines avant d’entrer dans la maison ! Pas plus tard que ce matin, ta mùre t’a encore averti de ne pas laisser de traces boueuses partout !

— Excusez-moi, papa ! J’étais si Ă©nervĂ© Ă  l’idĂ©e de vous annoncer une grande nouvelle que j’ai encore oubliĂ© ses recom-mandations.

Émilien Vanier et Lucie Soucy sont plus que fiers de ce fils nĂ© en pleine tourmente hivernale, le 20 janvier 1858. ConsidĂ©rĂ© comme un brillant Ă©lĂšve par ses professeurs du cours primaire, douĂ© pour les mathĂ©matiques et le dessin Ă  l’école commerciale du Plateau, il ne se rĂ©sout pas Ă  prendre la succession de son pĂšre dans l’épicerie familiale. Il ne tient pas en place, donne son avis sur tout et met rĂ©guliĂšrement les nerfs et la patience de ses parents Ă  rude Ă©preuve. De taille moyenne, dĂ©jĂ  bien bĂąti, il laisse tout sens dessus dessous dĂšs qu’il quitte une piĂšce. Son visage ouvert, encore joufflu, prĂ©sente des traits harmonieux et des yeux brillants qui se posent sur les gens et les forcent Ă  rĂ©pondre Ă  ses Ă©ternelles questions. MalgrĂ© l’excellente Ă©ducation chrĂ©tienne dispensĂ©e gĂ©nĂ©reusement par sa mĂšre, il rĂ©ussit Ă  grand-peine Ă  maĂźtriser son tempĂ©rament ardent : les femmes l’intĂ©ressent autant que la nourriture, au grand dĂ©sespoir de madame Vanier.

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Pour l’instant, ce sont d’autres considĂ©rations qui allument les yeux du jeune homme. Son pĂšre sourit en constatant que Joseph-Émile reste plantĂ© devant lui sur ses bas, n’attendant qu’un mot d’encouragement pour partager l’immense joie qui semble le faire frĂ©mir de la tĂȘte aux pieds.

— Alors, mon garçon, quelle est cette grande nouvelle ?— Je vais m’inscrire
 si vous le voulez bien, papa
 à l’École

polytechnique de MontrĂ©al ! Messieurs Pfister et Archambault de l’AcadĂ©mie commerciale du Plateau se sont mis d’accord pour ouvrir ce nouveau cours scientifique et industriel en janvier. Comme ils n’ignorent pas mes aptitudes, ils m’accepteraient parmi les tout premiers Ă©lĂšves.

— Quand cesseras-tu de harceler ces pauvres hommes ? Tu as dĂ» certainement aller les voir une dizaine de fois pour leur demander la date exacte du dĂ©but des cours. Je n’aurais jamais dĂ» te tenir au courant de leurs dĂ©marches ! Un peu plus et tu m’aurais demandĂ© la permission de les accompagner au bureau du ministre GĂ©dĂ©on Ouimet pour le persuader de leur allouer des fonds.

— Papa
 Je sais que vous considĂ©rez mes dĂ©marches comme exagĂ©rĂ©es mais
 rendez-vous compte ! Mon rĂȘve d’étudier les sciences appliquĂ©es Ă  la construction et au gĂ©nie civil va enfin pouvoir se rĂ©aliser. Si vous saviez combien de plans me trottent dans la tĂȘte. Je deviendrai peut-ĂȘtre un grand ingĂ©nieur ou un architecte rĂ©putĂ©. Je veux bĂątir des ponts, construire des maisons, des chĂąteaux peut-ĂȘtre


— Des chĂąteaux en Espagne, oui, voilĂ  ce que sont tes projets, Joseph-Émile ! Tu rĂȘves, tu rĂȘves, mais as-tu seulement pensĂ© que tu vas me laisser tomber au moment oĂč j’ai le plus besoin de toi ? Tu en as pour au moins trois longues annĂ©es d’études ! RĂ©flĂ©chis, mon garçon ! Ton cours commercial est bien suffisant pour faire ton chemin dans la vie.

— J’ai toujours travaillĂ© avec vous et je vais continuer dĂšs que mes cours me laisseront quelques heures de libertĂ©. Je suis dĂ©solĂ©, papa, je ne veux pas devenir Ă©picier. Je souhaite faire partie des premiers Ă©lĂšves qui feront des Ă©tudes d’ingĂ©nieur en français Ă  MontrĂ©al. Monsieur Pfister et monsieur Archambault planifient mĂȘme de faire reconnaĂźtre le cours par l’UniversitĂ© Laval.

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— Écoute-moi bien ! Si Charles Pfister et Urgel Archambault t’acceptent comme Ă©lĂšve, je consens Ă  te donner la permission de suivre ce cours, mais je t’avertis : tu paieras toi-mĂȘme tes Ă©tudes en travaillant ici dĂšs que tu sortiras de l’école. En attendant, je te conseille de disparaĂźtre avant que ta mĂšre ne revienne du marchĂ©. Elle est bien capable de te faire laver le plancher Ă  grande eau pour effacer tes traces boueuses, tout gĂ©nie que tu sois.

— Merci, papa. Je vous jure que vous ne le regretterez pas.Émilien Vanier sourit en constatant la joie de son fils qui

monte quatre Ă  quatre l’escalier menant aux chambres. La famille habite sur la rue Saint-Laurent, non loin de la barriĂšre Ă  pĂ©age qui marque les limites du village de Saint-Jean-Baptiste. Cette munici-palitĂ© est entourĂ©e, au nord, par les villages de Saint-Louis du Mile End et de Coteau-Saint-Louis, au sud, par la ville de MontrĂ©al, Ă  l’est, par la municipalitĂ© de la CĂŽte-de-la-Visitation, et Ă  l’ouest, par le mont Royal. Les gens s’y Ă©tablissent de plus en plus nom-breux, parce que les taxes sont moins chĂšres qu’à MontrĂ©al et que l’air y est meilleur. Le commerce de monsieur Vanier occupe une partie du rez-de- chaussĂ©e du 21, rue Saint-Laurent et la famille s’arrange du reste de l’espace et du deuxiĂšme Ă©tage pour vivre le plus confortablement possible. MĂȘme si son fils ne se plaint jamais de toutes les heures qu’il consacre Ă  l’aider, Émilien sent bien qu’il n’est pas heureux. Comment lui refuser de finir ses Ă©tudes puisque son garçon lui a dĂ©jĂ  prouvĂ© qu’il a du talent et de l’endurance. Il se souvient avec nostalgie du jour oĂč il a inscrit son fils Ă  l’école primaire situĂ©e prĂšs de l’école normale Jacques-Cartier, dont les locaux occupent une partie du chĂąteau Ramesay Ă  MontrĂ©al. Cette petite Ă©cole servant de laboratoire aux apprentis-professeurs a permis au fils du commerçant de prouver sa valeur. MĂȘme le directeur de l’école normale, Hospice Verreau, a vu en lui un gĂ©nie et a suggĂ©rĂ© de lui faire suivre un cours classique, ce qui n’a pas Ă©tĂ© possible, bien sĂ»r !

Janvier 1874— Joseph-Émile Vanier ! Combien de fois faudra-t-il te dire

d’enlever tes pardessus d’hiver en entrant dans la maison ?— Excusez-moi, maman ! J’avais tellement hñte de vous ra-

conter ma journĂ©e que j’ai encore oubliĂ© vos recommandations.

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Ne vous sauvez pas ! J’en ai pour une minute et je reviens vous expliquer le tout en dĂ©tail.

RĂ©signĂ©e, Madame Vanier s’assoit le plus confortablement possible sur un fauteuil. Pour cette femme des annĂ©es soixante-dix, toutes les positions sont inconfortables, engoncĂ©e qu’elle est dans des vĂȘtements superposĂ©s, strictement boutonnĂ©s jusqu’au cou. Le froid de janvier combinĂ© Ă  l’humiditĂ© du redoux a rendu les maisons Ă  la fois surchauffĂ©es et glaciales, ce qui l’a obligĂ©e Ă  porter plusieurs Ă©paisseurs de vĂȘtements. Pour ajouter Ă  l’in-confort, la mode de l’époque suggĂšre de porter un corset et une tournure. Tout ce qu’elle a gagnĂ© en Ă©chappant aux armatures rigides des crinolines des annĂ©es soixante, c’est de se retrouver avec un coussin « faux-cul ». En soupirant, elle se prĂ©pare avec patience Ă  Ă©couter le rĂ©cit de la journĂ©e du nouvel Ă©tudiant. Elle sait qu’il est inutile de tenter d’y Ă©chapper et que son fils rĂ©pĂ©tera son histoire intĂ©gralement quelques heures plus tard quand son mari les rejoindra pour le souper.

Pendant que Joseph-Émile se lance Ă  corps perdu dans son rĂ©cit Ă  grands coups de gestes et d’exclamations, elle constate qu’elle le voit pour la premiĂšre fois tel qu’il sera toute sa vie : enthousiaste, dĂ©bordant d’énergie, capable d’affronter les inĂ©-vitables embĂ»ches et douĂ© pour trouver des solutions Ă  tous les problĂšmes. Elle ressent Ă©galement la passion qui l’habite et la difficultĂ© qu’il aura Ă  surmonter ce feu intĂ©rieur qui risque de le consumer tĂŽt ou tard. Elle a veillĂ© Ă  l’éduquer sĂ©vĂšrement et en bon chrĂ©tien, mais les Ă©tudes scientifiques qui intĂ©ressent son fils l’inquiĂštent, car elles alimentent ses interrogations. De plus, la frĂ©quentation des autres Ă©tudiants risque de bouleverser le fragile Ă©quilibre de sa moralitĂ©.

— Imaginez ça, maman : nous ne sommes que dix Ă©lĂšves, mais nous voulons tous rĂ©ussir ! Aujourd’hui, c’était messieurs Charles Pfister et Joseph Haynes qui nous donnaient des cours et


— Excuse-moi, Joseph-Émile, mais je dois vĂ©rifier si le souper est prĂȘt et


— Ne vous ne gĂȘnez pas pour moi, maman. Je vais vous suivre Ă  la cuisine et continuer Ă  vous raconter ma journĂ©e. Je vous disais donc


En soupirant de nouveau, Madame Vanier rĂ©ussit Ă  se lever dignement et s’éloigne vers la cuisine, talonnĂ©e de prĂšs par

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l’orateur infatigable, qui ne manque pas d’écraser le rebord de sa robe Ă  plusieurs reprises tout en continuant son rĂ©cit. Elle a un peu de rĂ©pit chaque fois qu’un membre de la famille fait son apparition Ă  la porte d’entrĂ©e : il est immĂ©diatement accueilli par un flot d’explications que chacun Ă©coute plus ou moins patiem-ment. Durant le souper, Joseph-Émile est traitĂ© tour Ă  tour avec indulgence, avec exaspĂ©ration, avec patience ou avec agacement selon les diffĂ©rents caractĂšres des membres de sa famille. Ils sont tous au bord de la crise de nerfs lorsqu’Émilien Vanier les rejoint un peu plus tard. Il vient de quitter son commerce et la fatigue laisse des marques profondes sur son visage.

— Bonsoir papa ! Attendez que je vous fasse un exposĂ© sur ma premiĂšre journĂ©e à


— Tiens ! VoilĂ  le jeune homme qui m’avait promis de me rejoindre lorsque les cours seraient terminĂ©s !

— Je m’excuse, papa ! J’étais si content de ma journĂ©e que j’ai pris mon temps pour en parler Ă  maman. Laissez-moi vous la raconter en dĂ©tail.

— Non ! Je suis fatiguĂ© et j’ai faim. Tu as sĂ»rement reçu des livres, des cahiers, aujourd’hui ?

— Oh oui ! J’ai un livre d’algĂšbre, un livre d’arithmĂ©tique, un livre de


— TrĂšs bien ! Va donc les recouvrir avec le papier brun que j’ai rapportĂ© pour ne pas qu’ils se dĂ©tĂ©riorent. Quand tu auras fini ton travail, tu pourras venir me rejoindre au salon.

— Vous avez raison. Je vais y aller tout de suite et je reviendrai dĂšs que j’aurai terminĂ©.

Une heure plus tard, c’est un Joseph-Émile bouillant d’éner-gie qui reprend son rĂ©cit, dĂ©crivant les modifications apportĂ©es aux locaux de l’école rĂ©servĂ©s au premier groupe d’une dizaine d’étudiants. Tout en arpentant le salon et en faisant tinter les breloques de verre qui garnissent les lampes, il ne lui Ă©pargne ni les remarques sur les professeurs ni la description des appareils servant aux expĂ©riences. Lorsque l’orateur s’arrĂȘte enfin, son pĂšre rĂ©ussit Ă  prendre la parole Ă  son tour.

— Eh bien, mon garçon, le moins qu’on puisse dire, c’est que tu sembles avoir fait le bon choix ! Va te reposer maintenant et rappelle-toi que tu vas avoir besoin de travailler Ă  l’épicerie pour

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t’acheter beaucoup d’encre, si on en croit les taches laissĂ©es sur tes mains !

— Merci papa et bonne nuit. Je vais me lever tît demain matin pour vous aider et pour jeter un coup d’Ɠil dans mes livres.

Joseph-Émile tient parole et continue de donner un coup de main Ă  son pĂšre au long de l’hiver 1874 tout en suivant ses cours Ă  l’École polytechnique. Ses parents ont droit au rĂ©cit quotidien du jeune Ă©tudiant, ce qui leur permet de constater que son enthousiasme pour les Ă©tudes en gĂ©nie civil ne se dĂ©ment pas. Cette demi-annĂ©e d’essai permet aux professeurs d’adapter le contenu de leurs cours et laisse le temps aux Ă©lĂšves de se faire Ă  ces nouvelles exigences. Une seule ombre au tableau vient tempĂ©rer l’enthousiasme des fondateurs de l’école : la succursale de MontrĂ©al de l’UniversitĂ© Laval ne sanctionne pas encore leurs cours. Les nĂ©gociations vont bon train, mais pour l’instant les sciences appliquĂ©es ne sont pas reconnues de niveau universitaire au mĂȘme titre que le droit, la mĂ©decine et la thĂ©ologie.

Toutes ces tracasseries administratives ne dĂ©rangent pas le futur ingĂ©nieur, qui suit avec intĂ©rĂȘt ses cours d’arithmĂ©tique, de gĂ©omĂ©trie et d’algĂšbre, dans lesquels il excelle ; par contre, les cours de gĂ©ographie, d’histoire naturelle, de physique, de mĂ©cani-que et de chimie lui valent des prises de bec avec son frĂšre Joseph, avec qui il partage sa chambre. Celle-ci s’encombre de bocaux contenant des spĂ©cimens dont Joseph ne veut pas savoir les noms et d’appareils miniatures qui s’accumulent sur les bureaux.

La partie des Ă©tudes de Joseph-Émile qui perturbe le plus la quiĂ©tude de sa famille consiste en des cours de callisthĂ©nie. Ces derniers provoquent l’hilaritĂ© gĂ©nĂ©rale de ses frĂšres Joseph et Justinien et font rougir sa sƓur Marie et sa mĂšre : installĂ© en plein milieu du salon, Joseph-Émile n’éprouve aucune gĂȘne lorsqu’il fait des exercices physiques dont il dĂ©taille chaque particularitĂ© Ă  son public, Ă©bahi. Il explique Ă©galement les avantages de pra-tiquer des Ă©tirements destinĂ©s Ă  corriger les problĂšmes reliĂ©s Ă  un travail effectuĂ© sur une planche Ă  dessin pendant de longues heures. Toutes ces dĂ©monstrations mettent les nombreux bibelots de l’époque victorienne en grand danger. Ils sont sauvĂ©s in extremis par le pĂšre du nouvel athlĂšte, qui lui conseille de faire ses exercices dans la petite piĂšce servant de remise Ă  son commerce. Au milieu de tous ces bouleversements, Joseph-Émile, parfaitement heureux

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Ă  l’école, ne perd pas une miette d’explications et dĂ©croche sou-vent les meilleures notes lors des examens.

Durant l’annĂ©e 1874-1875, il continue Ă  suivre ses cours dans une maison de brique tout Ă  cĂŽtĂ© de l’école du Plateau. Des locaux beaucoup plus vastes ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s et sont beaucoup mieux adaptĂ©s Ă  l’enseignement des sciences. Il en sera ainsi tout le long des Ă©tudes de Joseph-Émile : pour mieux rĂ©pondre aux besoins acadĂ©miques du cours scientifique, l’école s’agrandira. Les trois annĂ©es de formation passent rapidement, et le futur ingĂ©nieur doit affronter plusieurs Ă©preuves Ă  la fin de son apprentissage : il passe deux examens, l’un oral, l’autre Ă©crit, sur la physique indus-trielle, les travaux publics, les constructions civiles, le droit civil, le droit administratif et l’économie politique, devant les professeurs de l’école et trois commissaires nommĂ©s par le gouvernement.

Juin 1877ÂgĂ© de seulement dix-neuf ans, Joseph-Émile Vanier dĂ©croche son diplĂŽme d’ingĂ©nieur civil avec la mention distinction. Ce diplĂŽme signifie Ă©galement qu’il a la compĂ©tence d’un architecte puisqu’il est apte Ă  faire des plans dans tous les domaines de la construc-tion, autant du cĂŽtĂ© rĂ©sidentiel que commercial. Joseph-Émile fait partie de la premiĂšre promotion et dĂ©tient le titre de l’élĂšve ayant accumulĂ© le plus de points durant ses annĂ©es d’études. Lorsque le nouveau diplĂŽmĂ© reçoit la mĂ©daille d’or, il se fait photographier dans son plus beau costume. La mode de l’époque ne convient guĂšre Ă  ce jeune homme, dont la carrure trahit dĂ©jĂ  son goĂ»t pour la bonne chĂšre et dont les cols rĂ©sistent peu de temps Ă  son cou de taureau. Mais quel feu dans son regard et quelle dĂ©termination dans ce menton volontaire ! Il a rĂ©ussi Ă  dompter sa chevelure et adoptera cette coiffure gominĂ©e avec la raie Ă  gauche jusqu’à la fin de sa vie. MalgrĂ© cette allure de conquĂ©rant et son Ă©nergie, il ne se doute pas des difficultĂ©s Ă  affronter lorsqu’il se cherchera de l’emploi au cours des mois qui suivront car il a peu d’expĂ©rience et son jeune Ăąge ne joue pas en sa faveur. De plus, le diplĂŽme qu’il a reçu n’est sanctionnĂ© par aucune universitĂ©.

GrĂące Ă  ses nombreuses dĂ©marches, il rĂ©ussit Ă  dĂ©crocher un poste d’assistant Ă  la municipalitĂ© d’Hochelaga, mais cet emploi ne lui suffit pas. Au mois d’aoĂ»t, il s’assoit, dĂ©couragĂ©, dans le bureau d’Urgel-EugĂšne Archambault, le principal de

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l’École polytechnique, et lui fait part de ses difficultĂ©s Ă  trouver des contrats lucratifs.

— Ne ne te laisse pas dĂ©courager, Joseph-Émile. Tu es bien jeune et les responsables de projets ne te prennent pas encore au sĂ©rieux. Encore chanceux que tu aies dĂ©crochĂ© un emploi !

— Oui, mais je veux travailler davantage, monsieur Archambault, je suis prĂȘt Ă  accepter n’importe quel travail qui me permettra de faire valoir mes connaissances et augmentera mes chances de pouvoir m’ouvrir un bureau.

— Dis-moi
 Pourquoi n’enseignerais-tu pas ici, dans ton alma mater ? Les inscriptions augmentent et nous aurons besoin de nouveaux professeurs. Je te verrais trĂšs bien donner des cours d’arithmĂ©tique.

— Mais
 vous l’avez dit vous-mĂȘme : je suis si jeune. Les Ă©lĂšves ne peuvent pas prendre au sĂ©rieux une personne de mon Ăąge.

— Tu es peut-ĂȘtre jeune, mais je connais ta valeur. Pour ce qui est de ta capacitĂ© Ă  enseigner, je te crois capable de prendre en charge les dĂ©butants.

— Je le crois aussi monsieur ! Je me vois dĂ©jĂ  leur suggĂ©rant des travaux pratiques sur le terrain et


— Écoute ! VoilĂ  ce que je te propose : tu continues ta recher-che d’emploi et moi, de mon cĂŽtĂ©, je vais voir ce que je pourrais trouver pour toi. Si tu es prĂȘt Ă  t’expatrier pour prendre de l’expĂ©-rience sous d’autres cieux, je vais mĂȘme Ă©crire Ă  Prudent Beaudry, l’entrepreneur Ă©tabli Ă  Los Angeles. Il cherche une personne qui n’a pas froid aux yeux pour l’aider Ă  dĂ©velopper des rĂ©seaux d’aqueduc dans les nouveaux quartiers qu’il construit dans cette nouvelle ville de la Californie.

— Je vous l’ai dit : toute proposition honnĂȘte est la bienvenue !— Bien, mon garçon ! Je lui Ă©crirai dĂšs que possible et, cet

automne, si tu n’as toujours pas trouvĂ© d’emploi, je soumettrai ta candidature Ă  notre comitĂ© comme professeur. Qu’est-ce que tu en dis ?

— Votre suggestion me convient parfaitement, monsieur. Vous savez, mĂȘme si je trouve du travail ailleurs, je vous promets qu’un jour je partagerai mes connaissances avec vos Ă©lĂšves.

— Alors, c’est entendu ! Au revoir Joseph-Émile !

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— Au revoir, monsieur le Principal
 et encore merci de toutes vos bontĂ©s.

Septembre 1877— Papa ! Maman ! Regardez ! Il y a une lettre qui m’est adres-

sĂ©e au soin de monsieur Émilien Vanier. Elle vient de monsieur Archambault de l’École polytechnique.

Émilien Vanier et son Ă©pouse se retiennent pour ne pas Ă©clater de rire Ă  la vue du jeune homme qui vient d’entrer par la porte de la cuisine : couvert de boue, garni de « craquias », il est de retour d’un chantier de la rue voisine, oĂč il est allĂ© admirer la construction d’un nouvel Ă©difice. Comme Ă  l’habitude, il s’est prĂ©sentĂ© trĂšs tĂŽt sur le chantier, s’est dĂ©brouillĂ© pour parler avec l’ingĂ©nieur responsable des travaux et a suivi les ouvriers jusqu’à ce qu’on lui indique poliment, mais fermement, la sortie. Il ne s’est pas dĂ©couragĂ© pour autant et est revenu Ă  la maison pour se changer avant d’aller hanter les bureaux municipaux. Il est passĂ© par la porte avant, a happĂ© le courrier, pensĂ© Ă  son aspect nĂ©gligĂ© et aux recommandations de sa mĂšre et a finalement dĂ©cidĂ© de faire le tour de la maison pour entrer par la cuisine.

— Bon. Nous voyons ta lettre, mais j’imagine que tu ne feras pas que nous la montrer ? Tu peux l’ouvrir et la lire, je t’en donne la permission.

Au fur et Ă  mesure que les lignes dĂ©filent devant lui, Joseph-Émile prend un air ahuri qui inquiĂšte ses parents.

— Joseph-Émile, ne nous fais pas languir ! Que se passe-t-il ?— C’est une lettre de M. Archambault qui vous demande si

vous ĂȘtes d’accord pour que je rejoigne Prudent Beaudry Ă  Los Angeles


— Pas si vite mon garçon ! MĂ©nage ta mĂšre et mes oreilles ! Tu as dit monsieur Archambault et monsieur Beau


— Monsieur Prudent Beaudry, papa ! Vous souvenez-vous de ce Canadien français qui a offert une bourse de 150 $ Ă  l’École polytechnique en 1875 ? Il travaille dans une ville des États-Unis ap-pelĂ©e Los Angeles. C’est encore une petite bourgade, mais le climat est trĂšs doux et beaucoup de gens veulent s’y Ă©tablir. Monsieur Beaudry a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© maire de la ville et, Ă  prĂ©sent, il dĂ©veloppe des projets immobiliers et des rĂ©seaux d’égout et d’aqueduc. À ce sujet, monsieur Archambault vous Ă©crit que monsieur Beaudry se montre

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trĂšs satisfait des rĂ©sultats que j’ai obtenus et qu’il serait d’accord pour me prendre Ă  l’essai comme aide-ingĂ©nieur et


Lucie Vanier qui, jusque-lĂ , Ă©coutait la conversation d’une oreille distraite en faisant l’inventaire de ses provisions, s’adresse avec brusquerie Ă  son fils.

— Tu ne vas pas t’en aller travailler chez des inconnus qui ne sont pas catholiques ! Tu risques de perdre ta foi et ton Ă©ducation. Et puis tu es encore si jeune ! Et, en plus, tu vas perdre ton emploi Ă  la municipalitĂ© d’Hochelaga !

— Voyons, maman ! J’habiterai chez M. Beaudry, il n’y a pas de danger
 Et puis, je vais prendre beaucoup plus d’expĂ©rience que si je restais Ă  Hochelaga
 Et puis, je vais perfectionner mon anglais
 Et puis, je ne serai probablement pas absent plus d’un an
 Et puis, il y a des Ă©glises catholiques lĂ -bas
 Et puis, il y a beaucoup de Français et des Espagnols


— Un an ! Des Espagnols ? Tu viens de dire que tu voulais travailler en anglais !

Le pĂšre de Joseph-Émile, voyant que la conversation risque de sombrer dans un ocĂ©an de larmes et d’inquiĂ©tudes maternelles, se contente de mettre la main sur l’épaule de son fils.

— Je trouve que M. Beaudry est bien bon de s’intĂ©resser Ă  toi et que c’est une excellente occasion de prouver aux AmĂ©ricains que nous avons les meilleurs ingĂ©nieurs civils dans notre pays. Je suis d’accord avec la proposition de monsieur Beaudry et je vais Ă©crire Ă  monsieur Archambault que j’approuve ton choix d’aller travailler aux États-Unis. Entretemps, charge-toi de le remercier de son intĂ©rĂȘt pour toi. Je te souhaite bonne chance mon garçon !

— Vous allez ĂȘtre fier de moi, papa, je vous en fais le serment. Quant Ă  vous, maman, vous savez bien que je vais rester fidĂšle Ă  ma langue et Ă  ma foi !

Joseph-Émile se dirige vers sa mĂšre et lui embrasse tendre-ment le front. Elle voudrait bien le serrer contre elle comme elle le faisait autrefois, mais les convenances de l’ùre victorienne ne permettent pas de si grands Ă©lans de tendresse lorsque les enfants ont presque atteint l’ñge adulte. En toutes circonstances, elle s’oblige Ă  conserver une attitude neutre, et les Ă©motions qu’elle a laissĂ© paraĂźtre un peu plus tĂŽt lui font honte. Elle se contente de ravaler ses larmes et de suivre son fils des yeux avec indulgence lorsqu’il arrache littĂ©ralement la patĂšre du sol en prenant son

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manteau pour aller remercier son bienfaiteur. Si sa mĂšre s’appli-que Ă  garder son calme, Joseph-Émile, lui, ne peut s’empĂȘcher de cabrioler dans la rue, provoquant la curiositĂ© des passants et les quolibets des cochers. Peu lui importe qu’on le trouve trop dĂ©monstratif et qu’il mette les pieds dans le crottin de cheval, il est le seul Ă  comprendre l’importance de la chance qui s’offre Ă  lui.

Novembre 1877DĂšs que la rĂ©ponse enthousiaste de Prudent Beaudry parvient sur la rue Saint-Laurent, Joseph-Émile commence Ă  faire ses bagages et, quelques semaines plus tard, il s’embarque pour l’aventure. Il voyage d’abord jusqu’à Chicago avec la compagnie du Grand Tronc. Ce sont ensuite diffĂ©rentes compagnies amĂ©ricaines qui prennent le relais jusqu’à San Francisco. Enfin, la Southern Pacific Company, qui vient de terminer le tronçon San Francisco–Los Angeles, mĂšne le voyageur jusqu’à la ville des Anges. Tout en rĂ©flĂ©chissant aux merveilleuses possibilitĂ©s offertes par les transports modernes, il n’en revient pas de la beautĂ© des paysages canadiens et amĂ©ricains qui s’étalent de part et d’autre de la voie ferrĂ©e. L’immensitĂ© des Grands Lacs lui donne l’envie de naviguer sur l’ocĂ©an tandis que les vastes paysages du Wyoming, de l’Utah et du Nebraska lui confirment son choix de prĂ©fĂ©rer la convivialitĂ© des villes et des villages Ă  l’isolement des grands espaces ruraux. Tout au long du voyage, il Ă©tonne pĂ©riodiquement les autres passa-gers en se penchant dangereusement Ă  la fenĂȘtre pour admirer les ponts et les viaducs. Il marmonne des calculs dans sa tĂȘte, sort des instruments bizarres et adore passer dans les tunnels. Il passe de longs moments Ă  examiner les petites localitĂ©s Ă©tablies le long de la voie ferrĂ©e : toutes sont peuplĂ©es de gens affairĂ©s, plutĂŽt rustres et occupĂ©s Ă  survivre dans un monde tout neuf. Ses yeux brĂ»lent tant il s’applique Ă  ne rien manquer du voyage, mais il s’ennuie de sa famille et de ses amis, Ă  qui il donne de ses nouvelles en Ă©crivant de longues lettres.

Un matin oĂč il est occupĂ© Ă  rĂ©diger une missive Ă  son pĂšre, lui racontant son isolement et sa hĂąte d’arriver Ă  destination, il est interrompu par un Ă©tranger qui est montĂ© Ă  bord Ă  Chicago en mĂȘme temps que lui et qu’il a surpris plusieurs fois Ă  le regarder avec intĂ©rĂȘt.

— Bonjour mon gars ! Tu es canadien toi aussi ?

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— Bonjour monsieur. Comment avez-vous devinĂ© que je suis canadien ?

— Tu parles en français dans ton sommeil ! Je m’appelle Henri Meunier et je viens de Longueuil.

— EnchantĂ©, Monsieur Meunier. Je m’appelle Joseph-Émile Vanier et je viens du village de Saint-Jean-Baptiste, en banlieue de MontrĂ©al. Je ne m’attendais pas Ă  rencontrer un compatriote durant mon trajet.

— Moi non plus. OĂč vas-tu, Joseph-Émile ? Moi, je rejoins mon frĂšre qui travaille dans une mine Ă  San Francisco.

— Je vais Ă  Los Angeles. J’espĂšre travailler avec monsieur Prudent Beaudry, ancien maire de la ville, qui voit Ă  dĂ©velopper de nouveaux quartiers. Je suis ingĂ©nieur civil.

— Bon sang, quelle chance tu as d’avoir Ă©tudiĂ© mon garçon. Tu peux me croire, le travail dans les mines n’est pas de tout repos.

— Mais qu’est-ce que vous cherchez dans ces mines monsieur Meunier ?

— De l’or ! Des tonnes d’or !— De l’or ? Mais la ruĂ©e vers l’or est terminĂ©e depuis au moins

vingt ans.— La ruĂ©e, oui. L’exploitation systĂ©matique et les mĂ©thodes

modernes de recherche du minerai, non.— Au cours de mes Ă©tudes, j’ai appris qu’on utilise des techni-

ques basĂ©es sur la force de l’eau pour exploiter des sites aurifĂšres, est-ce que c’est encore le cas ?

— Tu l’as dit ! Bien sĂ»r, il y a encore des gens qui croient qu’il suffit de se baisser pour ramasser des pĂ©pites dans les riviĂšres, mais ce temps-lĂ  n’existe plus, sauf peut-ĂȘtre pour quelques irrĂ©-ductibles
 Regarde ce vieil homme lĂ -bas, dans le fond du train ! On voit tout de suite que c’est un orpailleur qui sasse la boue des riviĂšres. Pour l’instant, il dort entourĂ© de toute sa fortune : son sac Ă  dos, sa pelle, son pic, ses batĂ©es de fer-blanc, sa couverture, ses poĂȘles Ă  frire, sa cafetiĂšre, ses armes et sa paire de botte de rechange !

— Je me demande s’il rĂȘve de montagnes de pĂ©pites d’or ! Dites-moi, monsieur Meunier, savez-vous s’il y a des mines d’or Ă  Los Angeles ?

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Table des matiĂšres

Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Chapitre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9Chapitre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Chapitre 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . 85Chapitre 4 . . . . . . . . . . . . . . . . 124Chapitre 5 . . . . . . . . . . . . . . . . 159Chapitre 6 . . . . . . . . . . . . . . . . 198Chapitre 7 . . . . . . . . . . . . . . . . 238Chapitre 8 . . . . . . . . . . . . . . . . 275Chapitre 9 . . . . . . . . . . . . . . . . 305Chapitre 10 . . . . . . . . . . . . . . . 344Chapitre 11 . . . . . . . . . . . . . . . 381Chapitre 12 . . . . . . . . . . . . . . . 410Chapitre 13 . . . . . . . . . . . . . . . 448Chapitre 14 . . . . . . . . . . . . . . . 489Chapitre 15 . . . . . . . . . . . . . . . 528Chapitre 16 . . . . . . . . . . . . . . . 573Chapitre 17 . . . . . . . . . . . . . . . 607Chapitre 18 . . . . . . . . . . . . . . . 642Chapitre 19 . . . . . . . . . . . . . . . 674Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . 708

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cet ouvrage est composé en new baskerville 11.25selon une maquette de pierre-louis cauchon

et achevĂ© d’imprimer en octobre 2008sur les presses de l’imprimerie marquis

Ă  cap-saint-ignacepour le compte de gilles herman

Ă©diteur Ă  l’enseigne du septentrion

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