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Copyright©2011ChelseaFineTitreoriginalanglais:AnewCopyright©2016ÉditionsAdAInc.pourlatraductionfrançaiseCettepublicationestpubliéeenaccordavecFirefallPublishing,Phoenix,AZTousdroitsréservés.Aucunepartiedecelivrenepeutêtrereproduitesousquelqueformequecesoitsanslapermissionécritedel’éditeur,saufdanslecasd’unecritiquelittéraire.Éditeur:FrançoisDoucetTraduction:SophieBeaume(CPRL)Révisionlinguistique:FémininplurielCorrectiond’épreuves:NancyCoulombeConceptiondelacouverture:MatthieuFortin,MathieuC.DandurandPhotodelacouverture:©ThinkstockMiseenpages:SébastienMichaudISBNpapier978-2-89767-431-1ISBNPDFnumérique978-2-89767-432-8ISBNePub978-2-89767-433-5Premièreimpression:2016Dépôtlégal:2016BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecBibliothèqueetArchivesCanadaÉditionsAdAInc.1385,boul.Lionel-BouletVarennes(Québec)J3X1P7,CanadaTéléphone:450929-0296Télécopieur:[email protected]:ÉditionsAdAInc.France:D.G.DiffusionZ.I.desBogues31750Escalquens—FranceTéléphone:05.61.00.09.99Suisse:Transat—23.42.77.40Belgique:D.G.Diffusion—05.61.00.09.99ImpriméauCanada
ParticipationdelaSODEC.Nousreconnaissonsl’aidefinancièredugouvernementduCanadaparl’entremiseduFondsdulivreduCanada(FLC)pournosactivitésd’édition.GouvernementduQuébec—Programmedecréditd’impôtpourl’éditiondelivres—GestionSODEC.CatalogageavantpublicationdeBibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecetBibliothèqueetArchivesCanadaFine,Chelsea,1982-[Anew.Français]Réveil(LesArcherd’Avalon;tome1)Traductionde:Anew.Pourlesjeunesde13ansetplus.ISBN978-2-89767-431-1I.Beaume,Sophie,1968-.II.Titre.III.Titre:Anew.Français.
PZ23.F56Re2016j813’.6C2016-941149-4
ConversionauformatePubpar:
www.laburbain.com
«Celivrem’aenchantée.Original.Haletant.Bouleversant…detouteslesfaçonspossibles.»—UtopYa
«Amusant,romantiqueetremplid’émotion,Réveilestunexcellentdépartpourcettesérie.Lespersonnagessontpleinsdevieetintéressants,l’intrigueestrempliedesecretsetlespagesnesetournentpasassezvite!»
—Amarilys(Goodreadsreview)
«ChelseaFineatotalementincendiémoncœuravecsontriangleamoureuxetsonscénarioétonnammentoriginaux.Pourmoi,elleaunefaçonuniquededonnervieàcettehistoireavecdeslarmes,desrires,unefabuleusehistoired’amouretunscénarioprofondetintense.»
—IHeartYABooks
«Envoilàuntriangleamoureuxincroyableetcompliqué!ChelseaFinesaitàcoupsûrcommentjouersurlacordesensible.Àlafin,j’aicrié:“Oh,non!Ahhhhh!Ilmefautabsolumentletomesuivant.MAIN-TE-NANT.”»
—Melissa(Goodreadsreview)
«Réveilest unehistoire d’amourparanormale complètement originale.Le concept de ce roman est innovant et fascinant, etChelseaFinemènemagnifiquement l’intrigue. Je vous ferais bien le résumé de l’histoire, mais cela vous priverait de tout le plaisir. À la place, je vaissimplement vous donner quelquesmots clés pour stimuler votre imagination : sorcière, jalousie, triangle amoureux,malédiction, deux frèressexy,laplushilarantedesmeilleuresamiesetimmortalité.»
—Reading,EatingandDreaming(Amazonreview)
«Réveil.Que puis-je dire de ce roman ?Oh, oui, J’ADORECELIVRE !ChelseaFine a tout simplement enflammémon cœur avec cetriangle amoureux et ce scénario incroyablement originaux… Réveil renouvelle assurément le triangle amoureux des romans d’amourparanormaux.Jevous recommandechaudementde lireRéveilet jesupplieChelseaFined’écrire lasuite,Égarement, leplusvitepossible.Aveccesuspenseàlafin,l’attentevaêtreinsupportable!»
—IHeartYABooks(Amazonreview)
«Réveilestbeaucoupdechoses:unehistoired’amour,untriangleamoureux,unmystèresurnaturel,unecoursepourbriserunemalédiction…ettoutesceschosessedéroulentdanslavieethorsdelavied’unefillededix-septansquiessaiejustedevivreunevienormale…J’aiaiméce livre. D’un côté, il correspond assurément au genre de roman d’amour et de fiction paranormale pour ados, mais d’un autre, il estcomplètementdifférentdecequ’ontrouveencemoment.Ilestassezfamilierpours’yassocier,maisassezdifférentpourfairesamarque.»
—CameronDodd(Goodreadsreview)
«J’aivraimentététransportéeparlepremierlivredeChelseaFine,Sophie&Carter,etj’aiattendusondeuxièmeavecimpatience.JeN’aiPAS été déçue ! Ce livre, Réveil, est drôle et nous amène dans un tout nouvel endroit. Il nous présente toute une nouvelle galerie depersonnages.Aprèsquelqueschapitres,cespersonnagesdeviennentdéjàcommedesamis…Réveilcouvrebeaucoupdeterritoireauquelnouspouvonsnousassocier.Suspense…Grrr!Maintenantnousattendonsencoreleprochain…Bontravail,ChelseaFine.J’aitrèshâteautomedeux.
—DJMurphy(AmazonandGoodreadsReviews)
«Unmerveilleuxlivre.Incroyable!J’aiaimél’idéedel’intrigue.Elleestoriginaleetunique.J’aiaimélespersonnages.Lerythmedel’histoireétaitparfait,etlafin,prometteuse!Beaucoupdestyleetunhumourenlevant!Justeparfait!Àlireabsolument!»
—HalynaHurdish(GoodreadsReview)
« Les immortels les plus sexy arrivés sur les étagères ! Qu’il est rafraîchissant de lire un roman paranormal qui s’éloigne de lamode «vampire/zombie» !Après seulement quelques chapitres, j’ai plongédans l’histoire.Mes émotions étaient en accord avec les personnages.QuandScarletétait triste, j’étaisauborddes larmes.QuandTristanétait furieux, j’avais les jouesrouges.QuandGabrielétaitamoureux, jepouvaissentirmonestomacsenouer.Celivrevoussaisitetvoustientenhaleinejusqu’àlatoutedernièrepage.»
—KieleLauterbach(Goodreadsreview)
«ChelseaFine l’arefait !Sophie&Carter, sonpremier roman,étaitgénialetChelseaa faitmonter lesenjeuxavecRéveil : Les Archerd’Avalon.DansRéveil,Chelseaacréédespersonnagesquisontmystérieux,pleinsd’esprit,sarcastiquesetnormaux…toutenmêmetemps.Ilssontcedontlesrêvesdesadossontfaits.»
—Erin(AmazonReview)
Réveilestfantastique:unmélangedeparanormal,d’histoired’amour,decomédieetunemagnifiquenarration!L’histoired’amourmêléedeparanormalestlivréedanslamêmeveinecontemporainequeSophie&Carter,cequirendlalecturesavoureuseetfacile.JerecommandechaudementRéveiletjesuisimpatientedelirelasuitedesArcherd’Avalon.
—Blauterb(Amazonreview)
«J’étaisvraimenttrèsinquiètedelirecelivre!J’avaisbesoind’unepetitepausedesromansparanormauxtypiquesdel’YA.Cettehistoirenem’apasdéçue!LapauvreScarletestsiconfuseetcesdeuxdélicieuxArchernelaluirendentpasplusfacile!HA!MonchoixpersonnelseraitdechoisirTristan(etsessupertatouages),maismalheureusement,nousdevronsattendrepourvoircequiarriveraaveccestrois-là!Leprochaintomedelasérie,Échec,serapubliéenété2012.CherchezaussiSophie&CarterdeChelseaFine.»
—TheAutumnreview
Celivreestdédicacéàmasœur,Cameron,quim’aaidéeàrendrecerêve,etcettehistoire,réel.Mercidet’êtresisouventcouchéetardetlevéetôt,etd’avoircruenmonlivreavantqu’ilaitune
fin…ouuneintrigue.Jetesuissireconnaissantepourtasincéritépendantlespremièresébauchesetpour avoir ri avecmoi dans la bibliothèque jusqu’à ce que j’en pleure. Tu as étéma plus grandepartisane tout au long de ma vie et je ne te remercierai jamais assez pour ton aide et tesencouragementssanslimites.Jet’aime,jet’aime,j’aimetonaudace!
Prologue
Elleseréveillalevisagecontrelaterrefroideethumide.Lespremiersrayonsdusoleilprojetaientunedoucelueursurlesol,etquelquepartàproximité,unoiseausemitàchanter.L’aube.Elleseredressalentementpours’asseoiretregardaautourd’elle,désorientée.«Oùsuis-je?»Degrandsarbresetdesarbustessauvagesl’entouraient.Ellesetrouvaitdansuneforêt.Uneforêtdéserteetinconnue.Elle se leva prudemment et se tourna, à la recherche de quelque chose qui pourrait l’aider à
comprendreoùelleétait.Ellescrutalesenvirons,maisrienneluiétaitfamilier.Riennedéclenchaitdesouvenirquiexpliqueraitpourquoielleavaitdormiseuledanslesbois.Riennedéclenchaitdesouvenirquiexpliqueraitcommentelleétaitarrivéelà.Riennedéclenchaitdesouvenir…Paslemoindre.Sa respiration devint plus rapide alors qu’elle tentait de se souvenir. Elle regarda désespérément
autourd’elle.Seslongscheveuxnoirssebalançaientautourdesatêtealorsqu’elletournaitenrond.Elle baissa les yeux vers ses habits et plissa le front, perplexe. Elle ne se souvenait pas de s’être
habillée.Ellecommençaàpaniquer.Davantage d’oiseaux chantaient à ce moment-là, et le soleil levant cédait la place à une pluie de
lumièrequiilluminaittoutdevantelle.Elle ne pouvait pas se rappeler la nuit précédente, ni la nuit d’avant, ni celle avant cela…Elle ne
pouvaitsesouvenirderien.Pasdesafamille,pasdesonpassé.Rien.Ellefouilladanssoncerveauàlarecherchedequelquechose,unequelconqueinformation.Ellepressa
sesdoigtssursestempespendantqu’ellepensait,priantpourquequelquechoseluirevienne,maissessouvenirssemblaientperdus.Volésmême.Commes’ilsavaientétéextirpésdesatêteavecuneprécisionhorsducommun,nelaissantrienquedu
vide.Elleétaitterrifiée.Ellefermalesyeuxetessayadepenser.Ildevaityavoirquelquechosedanslevide;quelquechose
danssatêtequipourrait luiramenerunsouvenir.Ellefouilladésespérémentdanssonesprit jusqu’àcequ’enfin…Clic.
Cachée loin à l’arrière de son cerveau se trouvait une bribe de connaissance.Elle voletait çà et làcommeuncolibri, la taquinant en lui faisantmiroiterdes réponses tandisqu’elle lapourchassait.Elleréussitenfinàlasaisir.Sesyeuxs’écarquillèrentsousl’effetdedeuxrévélations.Elles’appelaitScarletJacobsetelleavaitquinzeans.Misàpartcela,ellenesesouvenaitderien.
1
Deuxansplustard…
Pourlaplupartdesgens,latroisièmefindesemainedejuinnereprésentaitqu’unepériodedetroisjoursenété.Maispourleshabitantsd’Avalon,enGéorgie,elleétaitassociéeauFestivaldesbaisers.Pendanttrois nuits, les habitants se rassemblaient au centre-ville pour le divertissement, la nourriture…et lesbaisers.Beaucoup,beaucoupdebaisers.C’étaitlatraditiondesaluersonvoisin—outoutautreinconnuqu’onrencontrait—avecunbaiser.
Parfois,cesbaisersétaientunebiserapideetchastesurlajoue,etd’autresfois,uneétreintepassionnéeboucheouverte.Dansuncascommedans l’autre, ilétaitdifficiledepasserunesoiréeauFestivaldesbaiserssanssefairebécoter.CequiexpliquaitpourquoiScarletvoulaitrentrerchezelle.Ellesetenaitaumilieudecechaosdebaiserssurlaplacedel’hôteldevilleàattendrequeHeather,sa
meilleureamie—etautoproclaméeconsultanteenmode—sepointe.Scarlet jetaunœilauxfestivitésde lasoiréeautourd’elle.Deskiosquesdebaisers,desateliersde
baisers,desconcoursdebaisers…Danstoutelaville,lafêtebattaitsonplein.C’étaitcommeunréveillonduNouvelAn,maisàlaplacedugui,leshabitantsaccrochaientdesétoiles
enpapierau-dessusdeleursportes.Etaulieud’uneseulesoiréeavecduchampagneetdesconfettis,ilyavaittouteunefindesemaineavecdesdéfiléset,ehbien…desconfettis.Scarletsoupiratandisquelesoleilcommençaitàsecoucher.Heatherétaitenretard,cequin’étaitpas
une surprise,maisScarlet n’aimait pas rester seuleparmiune foulede citoyens avidesdebaisers.Sacrainted’êtreembrasséeparuneâmecharitables’accentuaitchaqueseconde.Elle donna un coup de pied dans le trottoir avec sa basket éraflée pour tenter de se donner l’air
indifférente.Tandisquelamusiquecommençaitàjouerauloin,ellesuivitdesesyeuxbleuslesdessinsfamiliersqu’elleavaitfaitsàl’encresurleboutetlescôtésdeseschaussures.Scarletavaittendanceàgriffonner.Elledessinaitsursesbras,sesjambesetn’importequelleserviette
surlaquelleellepouvaitmettrelamain.Maissurtout,elledessinaitsurseschaussures.Etelledessinaitunechoseenparticulier:unsymbolecirculaireavecunepointedeflècheaucentre.C’étaitleseulsouvenir—ouplutôtimage—quesonespritbriséavaitréussiàretrouverdepuisson«
grandréveil»danslesboisilyadeuxans.Il traversaitsoncerveau,etallaitetvenaitdanssesrêvessansrelâche.Scarletregardasespieds,oùelleavaitdessinélemystérieuxsymboledesdizainesdefois.Ilétaitévidentqu’ilvoulaitdirequelquechose.
IlétaitévidentquesiScarletavaitétécapablededéterrerl’imagedanslesdécombresdesonamnésie,cedevaitêtrepouruneraison.Maiscequ’ellevoulaitdire,Scarletneparvenaitpasàs’ensouvenir.Cequiétaitl’histoiredesavie.Sa poitrine se serra tandis qu’elle repensait aux vingt-sept derniers mois. Le jour où elle s’était
réveilléedanslaforêtenpériphéried’Avalonavaitétélejourlepluseffrayantdesavie.Aucunepeurnepouvaitsecompareràlapeurdel’inconnu.Surtoutquandl’inconnu,c’étaitelle.Les jours qui avaient suivi son réveil étaient encore flous. Scarlet se souvenait d’hôpitaux, de
travailleurssociauxetderapportsdepolice,maispasclairement.Sonpremiersouvenirnetétaitceluidujouroùelleavaitrencontrésafuturetutrice,LauraWalker.Lauraétaitunejeunefemmed’affairesséduisante,quiavaitréussiàobtenirlagardedeScarlet,malgré
les nombreux obstacles judiciaires associés aux mineurs abandonnés. Elle avait recueilli Scarlet, luiavaitdonnéunemaisonetavaitessayédeluirendrelavieaussinormalequepossible.Maisnormaleétaitplusfacileàdirequ’àfaire.Ne pas savoir de quoi était constitué son passé, c’était comme courir dans un labyrinthe les yeux
bandés.VoilàcommentScarletsesentait.Aveugleetperdue,àcourirdansunlabyrintheobscursansdirection,sansbut.Pendantdesmois,Scarletavaitétéhantéepardescauchemarsetdespenséesquidéfilaient.Elleétait
unepersonnedisparuequinemanquaitàpersonne,unfaitquiravageaitimpitoyablementsatoutenouvellevie.Desquestionssansréponseslatourmentaienttandisquelapeurseglissaitdanschaqueporedesonêtreetnarguaitsonâme.MaisLauras’étaitmontréecompatissante,bienveillanteetpleined’espoir.ElleavaitencouragéScarletànepasrenonceràsonpassé,persuadéequ’elleretrouveraitunjourla
mémoire.Lauraavait réussià luiapporter soutienetcompréhensionsans la traitercommeunepoupéecasséequiavaitbesoind’êtreréparée.SansLauraetHeather,Scarletseraitprobablementdevenuefolle.Lauraavaitétésonpointderepère.HeatheravaitempêchéScarletdesombrerdans ladépressionetdepleurer toutes les larmesdeson
corpstouslesjours.SansHeather,Scarletn’auraitprobablementétéqu’uneépavepathétiquequireniflaittoujours.MaisHeatherrefusaitdelaisserScarletsemorfondreetellelasortaitconstammentdulitpourqu’elle
entredanslemonderéel.Elleessayaitdefaireensortequ’elleaitdu«plaisir»etdu«bonheur».C’étaitagaçant.MaisScarletl’aimaitpourça.Heathers’étaitdonnécommemissiondes’assurerqueScarletprennepleinementpartà lavie.Voilà
pourquoiScarletparticipaitàcefichuFestivaldesbaisers.Elle«participaitàlavie».
EtoùétaitHeather?Elleétaitenretard.Scarlet regarda sans enthousiasme passer le défilé dans la rue principale.Un char orné de grandes
lèvres en papier mâché roulait en faisant de la publicité pour toute une gamme de rouges à lèvresaromatiséspendantquedescouples—etdesinconnus—s’embrassaienteffrontémentpartoutdanslaruesousdesétoilessuspendues.Scarlethaussalessourcilsetsecoualatête.Latraditiondesbaisersétaitétrange.«Bonjour,jesuisuninconnu.Etmaintenant,jevaisvousembrasser.Smack,smack.»Euh,nonmerci.Scarlet leva les yeux et remarqua trois étoiles en papier, qui flottaient au-dessus d’elle depuis la
branched’unarbre.Leshabitantsd’Avalondevenaientlégèrementfousdesétoilespendantlefestival.Ilsenaccrochaient
partoutoùc’étaitpossible.Auxarbres,auxportes…surleslignesàhautetension.Scarletquittarapidementsapositionquiincitaitauxbaiserspourrejoindreunendroitsansétoilessur
le trottoir.Elleregarda lespassantssesaluernonchalammentavecunbaisersur laboucheavantdeseséparer.Commesiéchangerunbaiseravecsoncoiffeuretsoncaissierdebanquen’avaitabsolumentriende
bizarre.Tandisqu’elleregardaitlaplacedel’hôteldeville,ellefutattiréeparquelquechose.Ouplutôt,quelqu’un.Del’autrecôtédelarue,au-delàdelaparadeetduchaos,setenaitungarçonvêtud’unT-shirtetd’une
casquettedebaseballnoire.Lacasquetteétaitrabattuesursesyeux,cequiempêchaitScarletdevoirsonvisage,maisellepouvait
sentirqu’illaregardait.Attentivement.Délibérément.Effrontément.IlpenchalatêtesurlecôtéetquelquechosedeprofondémentancrédansScarletsemitàremuer.L’agitationcommençadanslecreuxdesonestomac,sepropageadanssapoitrineets’enroulaautourde
soncœur;lecomprimantjusqu’àcequesarespirationfaiblisse.Soncœurs’emballatandisqu’ellelefixaitplusattentivement.Àlafaçondontilétaitvêtu,Scarletsupposaqu’ilavaitsonâge,environdix-septans,sinonquelques
annéesdeplus.Desmèchesdecheveuxnoirsressortaientdesacasquette,maisl’obscuritéempêchaitdevoirnettementsonvisage.Unemâchoirecarréeetdeslèvrescharnues,voilàlesseulstraitsqueScarletpouvaitdistinguer.Quelquechoseenluisemblaitfamilier.Àlafoisdangereuxetrassurantet…familier.LecœurdeScarlets’emballa.Quiétait-il?
Elleplissa le front sous l’effetd’uneprofonde réflexionquandHeatherapparut soudainementàcôtéd’elle,horsd’haleine.Ellesepliaendeux.HabituéeaucôtéthéâtraldeHeather,Scarletjetaàpeineuncoupd’œilàsameilleureamieavantde
leverdenouveaulesyeux.Elleespéraitjeterundernierregardaugarçonennoir.Maisilavaitdisparu.LesbattementsducœurdeScarlets’apaisèrenttandisquecedernierselibérait.—Ouf!Heatherseredressa.Sescheveuxblondsétaientplaquéssousunbandeauroseassortiàsachemiserose
etchaussuresroses.Elleportaitunejupecourteenjeansettoutunassortimentdebraceletsbrillants.Mêmeensueurethaletante,Heatheravaitl’airparfaite.Scarlet regarda sa propre tenue, des shorts et une chemise verte trop grande, et sut queHeather ne
seraitpascontente.Heatherprenaitlamodeausérieux.Scarlet,non.Heatherinspiraetdit:—Fluffy,lechienférocedeMmeAllen,m’apourchasséetoutlelongdePineStreetpouressayerde
medéchirerenlambeauxavecsescrocscoupantscommedesrasoirs.Jemesuisenfuiedejustesse.Scarletfronçalefront.—Fluffyn’estpasunChihuahua?Lesouffletoujourscourt,Heatherdit:—Oui.UnChihuahuapossédéparlediableetdévoreurd’humains.Scarletopina.—Biensûr.Commeellereprenaitsonsouffle,HeatherregardaScarletdehautenbas,oubliantmanifestementson
expériencedemortimminenteaveclaracedechienlapluspetiteaumonde.—Lachemiseverteample,Scarlet!Vraiment?Scarletrouladesyeux.—C’estleFestivaldesbaisers…pasleFestivaldelamode.—Ehbien,Dieumerci.Parcequetuteferaisjeterhorsd’Avalonsousleshuées.Heatherpassaunemainsursescheveuxbrillants.—Jeparlesérieusement.Tudisposesd’unplacarddelatailled’unchâteaupleindejolieschemisesde
labonnetaille…ettuaschoisiunhautgenreparachutepourleFestivaldesbaisers?Jenet’aidoncrienappris?— J’ai appris à ne pas approcher de Fluffy à moins de vouloir être dévorée vivante par le chien
démoniaquevenudesEnfers.—Jeteledis,j’aifaillimourir!—Jesuissûrequetun’espaspasséeloin.
Scarlet sourit et regardadenouveaupasser laparade.Lesoleil avaitplongéderrière lesmontagnesenvironnantes,striantlecieldescouleursdélavéesducrépuscule.Lesréverbèress’allumèrentpeuàpeuetlesminusculeslumièresblancheséparpilléesdanslavillesemirentàbriller,contrastantaveclanuitquitombait.Lespectacleétaitpittoresque.Delamusique,deslumièresscintillantesdansleciel,desruespavéeset
descollinesgazonnées…Onauraitditunecartepostale.—Alors,quidevrions-nousembrasserenpremier?Heatherplissaseslèvresexagérémentmaquilléesetbrillantes.—Euh…Tupeuxembrasserquituveux.Jesuisiciseulementpourlerince-bouchegratuit,ditScarlet
tandisqu’ellecommençaitàdescendrelarueprincipale,Heatheràcôtéd’elle.LescadeauxdufestivalétaientlesseuleschosesqueScarletappréciaitdel’événement:ledentifrice
gratuit,lespastillesàlamenthegratuites,lebaumeàlèvresgratuit…C’étaitcommedéambulerdansunepublicitépourlabouche.—Peuimporte.Heather rejeta ses cheveuxblonds sur son épaule avec le genrede culot que seules les jolies filles
possèdent.—Tuesiciparcequetuesmarranteetquetuaimesvraiment,vraimentembrasser.J’ensuiscertaine.—Ha,ditScarlet.Jesuiscertaineden’avoirjamaisaiméembrasserd’inconnus.Heathersouritd’unairtaquinetdonnaunpetitcoupdansl’épauledeScarlet.—Oh,maisc’estlabeautédel’amnésie.Tunesaispasvraimentcequetuaimes,alorsjesuislàpour
t’aideràtesouvenir.Scarletrouladesyeux.—Toinonplustunesaispascequej’aime.—Exact.Maisjeteconnais—ou,dumoins,letoiquiexistedepuiscesdeuxdernièresannées—et
cettefilleestsupercooletelleaimeprobablementembrasserdesinconnus.Scarletsecoualatête.—J’endoute.Heatherinsista:—Tuverras,Scarlet.Nousallonstetrouveruninconnusexyavecdedélicieuseslèvres.Deslèvresd’inconnu?Beurk.—Pourleslèvres,j’aitoutcequ’ilfaut.J’ailesmiennes,merci.Elles passèrent devant un kiosque de fortune qui faisait la publicité de nettoyages dentaires en
profondeurgratuits.Unhommechauveenblouseblanchesetenaitàcôtéd’unfauteuildedentiste.S’ilyavaiteudeséclaboussuresdepeinturerougepartout,onauraitditunescènedefilmd’horreur.Bien sûr lesnettoyages enprofondeur étaientgratuits.Quiallait payerun typedans la ruepour
fouillerdanssabouche?
LesgarçonsqueScarletreconnutdel’écolelesabordèrentavecdessourires.LeurattentionseportaitprincipalementsurHeather.Etpourquoienserait-ilautrement?Heatherressemblaitàunegommeàmâchergéanteetsexy.Scarlet,àl’opposé,ressemblaitàunpoisgéant.Heather, séductrice et joviale comme toujours, accueillit chaquegarçonavecunebise sur les joues.
Desbisesintimes,sitantestqu’unetellechoseexiste.EllelaissaàHeatherlesoindefairelesbisesindécentessurlajoue.Malheureusement,aprèslesbaiserséchangésavecHeather,lesgarçonss’avancèrentpourdonneraussi
àScarletunebisesurchaquejoue.Elleessayadefairecommesiembrasserdesinconnusdel’écoleétaitparfaitementnormal.Maisçanel’étaitpas.C’étaitun tâtonnementgênantde têtes inclinéesetdenezquisecognentqui laissaitScarletdesplus
perplexesetdégoûtées.LeFestivaldesbaisers:lapire–idée–detouslestemps.Après le départ des garçons, Scarlet se pressa d’essuyer ses joues tandis queHeather soupirait de
bonheur.—Tun’aimesvraimentpasleFestivaldesbaisers?Scarletmanquades’étouffer.—Non,vraimentpas.Jetrouvequec’estétrange.Etpleindemaladiesbuccalespotentielles.—Oui,mais on peut embrasser des types commeAaron, ditHeather, qui regardait un des garçons
s’éloigner.Scarlet plissa le nez. Heather avait essayé de caser Scarlet avec Aaron à quelques reprises l’an
dernier,avectoujoursdesrésultatsdésastreux.HeatheressayaittoujoursdecaserScarlet.—Iln’estpasmongenre,ditScarlet.—Quiest tongenre,hein?Jecontinueàessayerde tebrancheraveccesmecscanonet sexy,et tu
continuesàlesignorer.Turatesdefabuleusesoccasions,Scarlet.—Tu veux dire commeAaron là-bas ? Le type qui a commencé notre premier rendez-vous enme
demandantquelâgeavaitmamèresexy?Ouais,c’étaitvraimentuneoccasionenor.—Poursadéfense,tamèreestsexyetonluidonnevingtans.—C’estparcequeLauran’estpasmamère.C’estmatutriceetelleaseulement trenteans.Maisce
n’estpasleproblème.Leproblème,c’estquejeneveuxrencontrerpersonnemaintenant.—Peuimporte,ditHeather.— Non, sérieusement, soupira Scarlet. Toute cette histoire d’amnésie rend les rencontres juste…
bizarres.Etjenemesenspascapabled’yfairefacemaintenant.Nijamais.UnmomentpassatandisqueHeatherregardaitpensivementScarlet.
—Jecomprendsquetuaiespeurdetelieràd’autrespersonnes.C’estjustequejeneveuxpasquetuteservesde tonpassémystérieuxcommed’uneexcusepournepasvivre tavie, tucomprends?Tunepeuxpasjusteexister,Scarlet.Tudoisvivre.Scarletinclinalentementlatêtedevantlesparolesdesonamieavantdesoupirer.—Tuasraison.Enrèglegénérale,Heathern’étaitquemodeetséduction.Maisdetempsàautre,ellesurprenaitScarlet
endisantquelquechosequiavaitl’airintelligent.EtsiScarletaimaitsoncôtéexcentriqueetsasoifinsatiabledegarçons,elleétaitreconnaissantepour
lacapacitédesonamieàpasserdelaFantasqueHeatheràlaSageHeatherquandc’étaitnécessaire.—Maisçaneveutpasdirequejedoiverencontrerquelqu’unetm’yattacher.Heatherhochalatête.—Oui,çan’aaucunsensquetut’impliquesavecunquelconqueinconnu.—Exactement.Pasd’attaches,pasdepression.—Jesuistoutàfaitd’accord.HeatherhaussalessourcilsetallongealebraspourmontrerleparcFreemontenpleinmilieud’Avalon.—Heureusement, tuesarrivéeaubonendroit.Deskiosquesavecpleindegarçons sexyqu’onpeut
embrassersansaucunecomplication.Scarletcessad’avancerethaussalessourcils.Le parc gazonné était bordé de douzaines de kiosques de baisers. Des lumières scintillantes se
balançaiententrelesgrandsarbres,créantuncielétoiléau-dessusdestablesdebaisersrougesetrosesendessous.Desgensfaisaientlaqueueàchaquekiosque.Ilssemettaientdurougeàlèvresetduparfumtandisqu’ilssepréparaientpourleursbaisersachetables.Derrièreleskiosquessetrouvaitungrandpavillonblancoùsetenaitungroupedemusiciens.Tandis
qu’unechansond’amourjouait,descouplesentremêlaientleurscorpsetsuivaientlamélodie.Leparcétaitbondédecouplesquis’embrassaientderrièrelesarbresetquis’enlaçaientsurlesbancs
publics.Etilyavaitdesétoilesenpapierpartout:danslesarbres,surlesol,au-dessusdesgens,danslabouchedesgens…C’étaitcommelejourdelaSaint-Valentin.N’importequoi!Scarletregardaleskiosquesdebaisers,secoualatêteetsourit.—Horsdequestion!Tupeuxfairetonéchangedesalive,maismoi,jeresteici.Jen’aiaucuneenvie
depayerquelqu’unpourqu’ilaillemecollersalanguedanslagorge.—Ilsnet’embrasserontpasaveclalangue,ditHeatherensouriant.Àmoinsquetuveuillesqu’ilsle
fassent.EllehaussadenouveaulessourcilsetréussitàfairerirelégèrementScarlet.—Jevaisquandmêmepassermontour.Heatherfitlamoue.
—Allez,s’ilteplaît!Scarletsecoualatête.—Non.Heatherfitdenouveaulamoue,maisScarletrefusadecapituler.—T’espasmarrante.Heatherselissalescheveuxetsesbraceletstintèrentgaiement.—Jesupposequejevaisdoncdevoiryallersanstoi.—Jesuppose.—Maisjustepourquetusaches…HeatherpointaScarletdesondoigtparfaitementmanucuréetpritsavoixlaplusautoritaire.— Je réussirai à te faire embrasser—et je dis bien « embrasser »—un garçon sexy cette fin de
semaine.Çaarriveraettuaimerasça.Tandisqu’ellepivotaitetsedirigeaitversleskiosques,Scarletsouritetluicria:—Bonnechance!LaseuleréponsedeHeatherfutunreversdelamain.Scarletregardasonamies’éloigneretrestaseuledanslamaréedegensquis’embrassaient.Elleprit
uneprofonderespiration.Lesoleilavaitcomplètementdisparuducieletleparcétaitàprésentrecouvertd’unedoucenoirceurquitranchaitaveclesnombreusesguirlandeslumineuses.Lachaleurcollantedel’étésecramponnaitencoreàl’airdusoirtandisqueScarletparcouraitleparc
desyeux.Legroupesouslechapiteaupassad’unechansonentraînanteàuneballade.Une fois encore, son regard se porta sur l’inconnu au T-shirt noir et elle ressentit le même
chambardementqu’auparavantnaîtredanssapoitrine.Cettefois,l’inconnuétaitplusloinetsonregardétaitrivésurlesfestivitésplutôtquesurScarlet,lui
laissantunmomentpourl’observerdiscrètement.Levisagetoujourscachéparl’obscurité,ilsetenaitlàavecassurance,salargepoitrinebombéeetses
bras croisés dessus. Des mèches de cheveux noirs bouclaient légèrement autour de son cou dans lachaleurestivale…luirappelant…quelquechose.Qu’est-cequec’était?Ellesentitunsouvenirenellecommenceràprendreforme.Étoufféetemprisonné,illuttaitpourselibérer.Peut-êtrequesiellecontinuaitàobserverl’inconnu,il
feraitsurface…IlseretournabrusquementdansladirectiondeScarlet,etbienqu’ellenepouvaitpaslesvoir,elleétait
certainequesesyeuxétaientfixéssurlessiens.Elles’efforçadelevoirplusclairement.Quelque chose dans ce garçon lui était assurément familier. Comme si le souvenir captif en elle le
concernait,luispécifiquement.
Le cœur de Scarlet s’emballa tandis que son esprit commençait à s’exalter. Pendant un instant—pendant une merveilleuse fraction de seconde —, elle se sentit comme si elle était sur le point dedébloquerlesouvenir,ceprécieuxtrésorperduetenterréquelquepartdansl’abîmedesonesprit.Ellelaissasoncerveaus’agiter,parcourantsonâmeàlarecherchedequelquechoseàsaisir.Ilétaitlà.Ellelesavait.Ellepouvaitlesentir.Ilcherchaitàs’assembler…pourdevenirpresqueunepenséecomplète…Siprès…siprès…presquelà…—Unbaiserouunsort?demandaunevoixguilleretteprèsdeScarlet,interrompantsaquêteintérieure.D’uncoup,lesouvenirtombadenouveaudansl’oubli.Scarletmarmonnaintérieurement:«Siprès.»—Aimerais-tuunKissPop1?demandalavoix.Scarlet regardadebiais etvitune femme rondeavecun regardgentil etdes joues rosespousserun
chariot.Ellebranditunesucetteglacéeenformedebouche.ScarletcommençaitvraimentàdétesterleFestivaldesbaisers.—Euh,nonmerci.Elleessayad’avoirl’airsympathiquemalgrésafrustrationcauséeparl’interruption.Unefoislafemme
partie avec son chariot, Scarlet regarda de nouveau vers l’inconnu. Elle espérait que le voir feraitrenaîtresonderniersouvenircommeparmagie.Ilsetenaitauloin,levisageencoreperdudanslanoirceursoussacasquette.Lesouvenirrejaillitdesprofondeursdesoncerveauetsespenséess’emballèrentàsapoursuite.«Allez,jesaisquetueslà.»Legarçonennoirrestaimmobile.Scarlet avança d’un pas. Peut-être qu’elle devrait marcher vers lui. Peut-être qu’elle devrait se
présenteràluietvoirs’ilsavaitquelquechoseàsonsujet.Ellefitquelquespasdeplus.Peut-êtrequesielles’approchaitsuffisammentpourvoirclairementson
visage…—Tuparssitôt?demandaunevoixmasculinederrièreelle.Scarletsefigea.Lavoixdanssondosluiétaitfamilière.Évocatrice.Presqueparfaite.Cen’étaitpaslavoixdequelqu’unqu’elleavaitrencontrédepuissonréveilàAvalon.C’étaitunevoixdupassé.Unevoixqu’elleconnaissait.«Quesepasse-t-ilcesoir?Pourquoitoutmesemble-t-ilsoudainsifamilier?»Scarletlaissasonregards’attardersurlegarçonennoirpendantuninstantavantdepivoterpourvoir
lepropriétairede lavoix familière,convaincuequ’unevaguede souvenirsallait seprécipiterdans satête.
Maisnon.Iln’yeutnisouvenirfulgurantniilluminationsoudaine.Iln’yeutaucunereconnaissanceinstantanéeniaucunprofondsoulagement.Ilyavaittoutefoisuntypevraimentbeau,quisetenaitdevantelle.Probablementlapersonnelaplus
attirantequ’ellen’avaitjamaisvue.Avec son T-shirt bleu et son sourire désarmant, il semblait être un peu plus âgé que Scarlet. Ses
cheveux noirs, sesmâchoires carrées et ses yeux d’un brun soutenu complétaient parfaitement la peaubronzéequienveloppaitsoncorpsmusclé.Illuisouriait.Attendait.Elleclignadesyeuxàquelquesreprises.—Quoi?Sonsourires’approfondit,révélantdeuxadorablesfossettestandisqu’ilfaisaitunpasverselle.—Ondiraitquetuétaissurlepointdepartir.Scarlet jeta unœil vers l’endroit où le garçon ennoir s’était trouvé,mais une fois deplus, il avait
disparu.—Ah.Ellesecoualatête,ramenantsonespritàlaconversation.—Non,je…jenepartaispas.—Ehbien,danscecas,ditlebeaugarçonenluitendantlamain,jem’appelleGabriel.Nouveauau
Festivaldesbaisersetadeptedestéléréalités.J’aimeleslonguespromenadessurlaplageetjedétestemeréveilleravantmidi.Scarletsourit,àlafoisreconnaissanteetdéçuequ’ilaitchoisidelasalueravecunepoignéedemainà
laplaced’unbaiser.«Qu’est-cequej’aiquicloche?»Elleluiserralamain.—Jem’appelleScarlet.ContreleFestivaldesbaisersetferventebuveusedecafé.J’aimedessineret
jenesuispasmatinalenonplus.—Jet’aimedéjà,ditGabrieltandisqu’ilsseserraientlamain.LamaindeGabrielétaitfroideetsèchedanslachaleurdecettesoiréed’étéalorsqu’illuiprésentait
sesjoues.Elleydéposaseslèvresetlesembrassa,repensantsoudainàsachemiseverteetample.Ilsmirentfinàleurpoignéedemain,etGabrielenfonçasesmainsdanslespochesdudevantdeses
jeansparfaitementajustés.—Commeça,tun’espasuneadeptedufestival?demanda-t-ilavecdesétincellesdanslesyeux.Trop
degarçonsàrepousser?—Euhnon.Cenesontpasles«garçons»quimeposentproblème.C’esttoutelaville.Toutlemonde
esttellement…
Scarletessayadepenseràunmotplusagréablequedingue.Gabriell’interrompit:—Heureux?Excité?—Oui.C’estsibizarre,ditScarlet.Jesuisvenuel’annéedernièreet j’ai jurédene jamaisrevenir.
Maismameilleureamiem’aeffrontémentsuppliéedeveniretj’aicédé.Etmaintenant,jesuisentouréepar—Scarletmontralafouledansleparc—touscesgrosbêtasmaladesd’amour.Gabrielsemitàrire.—Ouais,jedétestelesgrosbêtasmaladesd’amour.Ilssontsiheureuxetennuyeuxetagréables…Ils
essaienttoujoursd’êtregentilsetamicaux.Illevalesyeux.—C’estsiagaçant.Scarletsourit.—Tais-toi.—Alors,pourquoias-tu jurédene jamais revenir?Est-ceàcausedu type, ledentiste?Parceque
c’esttoutàfaitcompréhensible.—Tul’asvuaussi?Ilesteffrayant,non?Scarlet sourit intérieurement. Quelque chose dans le fait de parler de ce type la faisait se sentir
joyeuse.Revigorée.SansmentionnerquelavoixdeGabrielétaitdivine.—Vraiment.Gabrielfeignitdefrissonner.Ellerépondit:—Non,enfait,jenevoulaispasrevenirparcequel’annéedernière,j’airegardélesjeuxderelaisde
baisersetj’aipresquevomi.Voilàpourquoij’aiessayétrèsfortderesteràlamaisoncesoir.—Etquandtudis«trèsfort»,tufaisallusionàtonmanquetotaldedéterminationquandtuascédéàta
meilleureamie,c’estça?Scarlethochalatête.—Exactement.Gabrielrit.—Jet’aimebien,Scarlet…?Ill’invitaàluidonnersonnomdefamille.—Jacobs.Bienqu’elleétaituneparfaiteinconnue,Gabriellafaisaitsesentirensécurité,etétrangement,Scarlet
luifaisaitinstinctivementconfiance.Cequiétaitprobablementstupide.Maisellenepouvaitpass’enempêcher.Quelquechoseàproposdeluilafaisaitsesentir…normale.Etçatombaitbien,carScarletvoulaitsesentirnormale.
—ScarletJacobs,dit-ilenyréfléchissantbien.J’aimebien.—Ettoi,c’est…?demanda-t-elle.Gabrielsouritlentement,attendantunpeucommes’ildécidaitquoirépondre.—Archer,dit-ilenlaregardantattentivement.GabrielArcher.Scarletinclinalatêtesurlecôté,espérantquelenomluirappellequelquechosedelamêmefaçonque
l’avaitfaitsavoixmusicale.Maisnon.—Alors,dit-ilalorsqu’ilregardaitautourdeluienfeignantd’êtresérieux.Oùsetrouvetameilleure
amie, ta complice ? Je tiens à la féliciter pour t’avoir embobinée afin que tu participes à cet absurdefestivaldel’amouretdubonheur.Scarlet sourit toutenmontrantdudoigt l’endroitoùHeather faisait la filedevant l’undesnombreux
kiosquesdebaisers.—Ah,dit-ilenhochantlatête.Elleressembleàungrosbêtamaladed’amour.Ellesembleheureuse.Scarletsourit.Heather étaitheureuse. Heureuse, pétillante et excitée pour tout. Et belle à la manière de laMiss
Americaquetouteslesfillesenvient.Ellen’avaitriendeScarlet.Heatherétaitbruyante,extravertie,caléeenmode,ettrèsfille.Scarlet,elle,étaitcalme,sarcastique,pasintéresséeparlesbijoux,ethabilléecommeungarçon.Maisleuramitiérésistait.Aussi différentes qu’elles fussent, Scarlet se sentait plus liée à Heather qu’à n’importe qui d’autre
qu’elleavaitrencontrédepuissonréveilàAvalon.ParcequeHeatheravaitacceptéScarlet,sonamnésieettoutlereste.Elless’étaientrencontréesvoilàdeuxétésaucentrecommercial,quelquessemainesavantledébutde
ladeuxièmeannée.LauraavaitemmenéScarletpouracheterunenouvellegarde-robe—parcequelanuitqueScarletavaitpasséedanslesboisnevenaitpasvraimentavecunearmoirepleinedevêtements—etavaitlaisséScarlets’occuperdechoisirsespropreshabits.Heather,quifaisaitlesboutiquesnonloin,avaitvuScarletlorgnerunepairedejeanspeuflatteurset
étaitimmédiatementintervenuedanslaviedeScarletcommesonacheteusepersonnelle.Peudetempsaprès,ellesétaientdevenuesdesamiesproches.LorsqueScarletavaitparlédesonamnésieàHeatherlapremièrefois,Heatheravaitétésaisie.Pasdanslegenre«MonDieu,tuesvraimentbizarre»,maisdanslegenre«MonDieu,onsecroirait
dansunfilm».ElleavaitpassédesmoisàparlersansarrêtdetrouverlesparentsdeScarlet.Elleavaitcommencépar
créerun fonds«QuiestScarlet Jacobs?»et à lui fairepasserdes testsd’ADNpourvoir siScarletvenaitd’uneautreplanète.Celaavaitétégênant.
Gentildelapartd’uneamieautoritaireettenace,maisgênant.Heatherpensaitquec’était«cool»queScarletn’aitpasdepassé.ElleétaitconvaincuequeScarlet
avaitétéuneespionnepourlegouvernementetqu’onluiavaiteffacélamémoireafind’assurerlasécuritédumonde.ParcequeHeatheravaitlesensdudrame.MaisilavaitétéplusfacilepourScarletdeseprêteraujeudelathéorieridiculedugouvernementde
Heatherquedes’apitoyersursonsort.Heatheravaitétéunedistractionbienvenue.D’unecertainemanière,elleavaitsauvélaviedeScarlet.Oudumoins,sonbien-êtreémotionnel.Elle
avaitdonnéàScarletdequoirireetuneamitiéenlaquellecroire.ElleavaitdonnéespoiràScarlet.Elleétaitpleined’entrainetd’optimisme.Parfois,elleétaitagaçante,maislaplupartdutemps,Scarlet
avait besoin de ça. Elle attachait une grande valeur au rôle de Heather dans sa vie et la respectaitbeaucoup.Mêmesi,àcemomentmême,Heatherpayaitpourembrasserungarçon.—Oui,continuaScarlettandisqu’elleregardaitHeatherappliquerplusdebrillantàlèvresaukiosque
desbaisers.Elleestassurémentheureuse.Unmoment de silence resta suspendu entre eux. Elle traîna les pieds, ne sachant pas trop comment
continuerlaconversation.—Donc,c’esttonpremierFestivaldesbaisers?Gabrielpassaunemaindanssescheveuxnoirs.—Oui.—Àquoipenses-tu?Scarletsouritethaussaunsourcil.—Honnêtement?Illuiadressaunsourireencoinethaussalesépaules.—Jepensequec’est…charmant.—Charmant?Cen’étaitpaslemotqueScarletauraitchoisi.Ilhochalatête.—Oui,c’est…Jenesaispas…agréable.Toutlemondeestsympaetauneattitudepositive.Lesgens
dansentetrient.C’est…rafraîchissant.Parfois,lemondeestunendroitfroid,maisici…c’estagréable.C’estchaleureux.Ilsourittandisqu’ilparcouraitleparcdesyeux.Scarletplissalefront.—Jesupposequeoui…Elle regarda parmi les couples heureux à proximité. Ils se chuchotaient à l’oreille, s’embrassaient
malicieusement sous les étoiles en papier ou encore partageaient des sucettes glacées en forme de
bouche.Deslumièresscintillaientau-dessusdesdanseurstandisquedeschansonsd’amourflottaientdanslesairs.C’étaitplutôtmignonfinalement.—Jesupposequetuasraison.C’estplutôt…agréable.Toutcetamouretcejeudeséduction.Scarletregardadenouveauautourd’elleetrepérauncoupleâgéquisenourrissaitréciproquementde
chocolats.Elle se pencha vers la droite et effleura accidentellement le bras de Gabriel. Ses sens furent tout
bouleversés à son contact. Scarlet rougit et se replaça immédiatement de sorte qu’il y ait de l’espaceentreeux.IlsregardèrentlafouleduparcsansseparlerpendantqueScarletattendaitquelachaleurquil’avait
envahies’apaise.Gabriels’éclaircitlagorge.—Limonadedesamoureuxgratuite!Unefemmequiportaitunerobed’étérosepassadevanteuxavecunplateaudelimonaderose.Elleleurentenditunverreets’enalla.Gabrielregardalegobelet,puisadressaunautresourireencoinàScarlet.—Tuveuxqu’onsepromèneensemble?Scarlethésita.Sesyeuxsemblaienttaquins.—Jeprometsdeteprotégerdudentistederue.Scarletsemorditleslèvrespouressayerdes’empêcherdesourire.Avait-ellevraimentlebéguinpouruncompletinconnu?Oui,c’étaitlecas.—Biensûr,dit-elle.Pendantuneminute,ilssebaladèrentensilence.—Alors,parle-moide toi,Scarlet,ditGabriel. Jeconnaisdéjà tonamourpour lecaféet lagrasse
matinée—cequiterendsuper,d’ailleurs—,maisquoid’autre?Elleinspiraprofondément,enpensantparoùcommencer.«Ehbien,ilyadeuxans,j’aiétéabandonnéedansuneforêtàl’extérieurdelaville,puisplacéechez
cettejoliefemmenomméeLaura,quim’adonnéunemaisonpourquejepuisseavoirunevienormaleetalleraulycée.Oh,etjesuisamnésique.Unevieordinaire,quoi!Oui,çan’étaitprobablementpaslameilleurefaçondegarderGabriel.Àlaplace,Scarletdécidad’y
alleravecdesfaitsanodins.—Ehbien,jeparleespagnol,dit-elle.Undesraresavantagesd’êtreamnésique,c’étaitquedetempsàautre,Scarletpouvaitredécouvrirun
talentcaché.Commel’espagnol.
Elleavaitdécouvertqu’elleparlaitcettelanguel’andernier.—C’estchouette,dit-ilenbuvantsalimonade.—Sinon,continuaScarlet,jeseraienterminaleaulycéed’Avaloncetteannée.Etj’aimelaglace.Et
toi?QuiestGabrielArcher?Ilrit.—Ehbien,tel’expliquerpourraitmeprendretoutelanuit.Laréponsecourte?Jeviensd’emménager
ici.Avant,j’étaisàNewYork.J’adorecettelimonaderose.Ilpritunegorgée.—Etjen’aimepaslesserpents.Scarlethochalatête.—Maisj’aimecefestival.Scarlethochalatête.—Exact,àcausedetoutcetamour,cetteattitudepositiveetcesgrosbêtas.Ilsourit.—Entreautres.Scarletsouritetgardalesyeuxrivéssurseschaussuresdessinéestandisqu’ilsmarchaient.Ilsmarchèrent lentementversunarrêt, et soudain,Scarlet futpleinementconscientedu faitqu’ils se
tenaientprèsl’undel’autre.Ellelevalesyeuxetvitdesétoilesdepapiersuspenduesàl’arbreau-dessusd’eux.Quelquechosedesemblableàlapaniques’emparad’elle.PourquoilaGéorgieavait-elleautantd’arbres?Lesétoilesenpapierétaientpartout.Soncœursemitàs’accéléreràlapenséedeGabrielquil’embrassait.Lamoitiéd’ellevoulaitqu’ille
fasse,maisl’autremoitié—lasained’esprit,lalogique,la«tun’aimespasembrasserdesinconnus»—voulaitfuirleparcetbrûlertouslesarbresdelaGéorgie.Qu’est-cequiclochaitchezelle?Ellenevalaitpasmieuxquetousceshabitantsfousdebaisers.Sesyeuxtombèrentdesétoilesjusqu’àlabouchedeGabrieletremontèrentrapidementverssesyeux.Gabrielremarqualesétoilesetpenchalatête.—Penses-tuqu’ilestbizarred’embrasserquelqu’unqu’onconnaîtàpeine?«Non,c’estparfaitementnormaletçanousdonneuneexcusefantastiquepourlefaire.Embrasse-moi!
»—Vraimentbizarre,dit-elleenvoulantimmédiatementsegifler.Ilacquiesçalentement.—Moiaussi.LecœurdeScarletseserralégèrement.Gabrielsouritlargement.
—Jesupposequej’aimaintenantunebonneraisond’apprendreàteconnaître,non?Scarletplissalesyeux.—Quiditquejetelaisseraim’embrassermêmesituapprendsàmeconnaître?Ilhochalatêteavecunsourire.—Défiaccepté.—Jesuisrevenuuuuue!HeatherseprécipitaversScarlet,complètementinconscientedeGabriel.—Je suisvenue, j’ai embrassé, j’ai triomphé.Occupons-nousmaintenantde te trouverunmec sexy
avecunebouchesavoureuse.ElletenditlebrasversScarlet,vitGabrieletsefigea.Ellerestabouchebéeunbonmomenttandisqu’ellelefixait.—Ou…ElleregardaGabrieleffrontémentdehautenbas.—Onpourraitrestericietparleràcecharmantgentleman.HeathertournavitelatêteetlançaàScarletunregardquivoulaitdire«OMG2,quiestcettebombe?».Scarletseraclalagorge.—Heather,voiciGabriel.Gabriel,Heather.HeatherrevêtitsonplusbeausourireetsetournaversGabriel.—Tiens,bonjour,Gabriel.Raviedeterencontrer.Gabrielditavecungrandsourire:—Moidemême,Heather.—Es-tunouveauàAvalon?J’aivécuicitoutemavieetjenepensepast’avoirdéjàvuauparavant.Je
suissûrequejem’ensouviendrais.Elleauraitaussibienfaitdebattredescilsvutoutelaséductionquiémanaitd’elle.Scarletrouladesyeux.—Oui.Jesuisnouveauenville.GabrielsouritpolimenttandisquesesyeuxbrunsdérivaientversScarlet.—Ehbien,alors,bienvenueàAvalon.EtbienvenueauFestivaldesbaisers.HeathersemitsurlapointedespiedsetembrassaGabrielsurlesjoues.—Merci,ditGabrielenluirendantlesbaisersaussigracieusementqu’illesreçut.— Aimerais-tu te joindre à nous pendant que nous allons voir la course de relais des baisers ?
demandaHeather, qui se frottait lesmains comme si les gens en sueur qui s’embrassaient entre deuxsprintsn’étaientpasdégoûtants.Gabrielhésita.—Tudevraisvenir,ditScarlet.Jepourraisvomir.Çaseraamusant.QuelquechoseenGabrielétait…chouette.Ellevoulaitqu’ilrestedanslesparagesetqu’ellecontinue
àparlerdesavoixfamilière.
Ilsourit.—Mêmesij’adoreraisteregardervomir,jenepeuxpas.Jedoisyaller.Scarlethochalatêteetessayadegardersonsourirepournepasmontrersadéception.Heatherdit:—Seras-tuicidemainsoir?—Euh…GabrielregardaScarlet,clignadesyeuxetdit:—Oui.Oui,j’yserai.—Fantastique!Nousvousverronsdemainalors.Heatherl’embrassadenouveausurlesjouespourluidireaurevoir.—Cefutunplaisirdeterencontrer,Heather,ditGabriel.IlregardaScarletuninstantetsourit.—Aurevoir,ScarletJacobs.—Aurevoir,dit-elleavecautantdedésinvolturequepossible,mêmesielleavaitenviedecrier:«Ne
parspas!Tumefaismesentirnormale!»GabrielsouritunedernièrefoisavantqueHeathersetourneversScarlet,laboucheàmoitiébéante.—OMG,Scarlet,«whattheheck»?Heatherparlaitenmessagestextes.IlavaitfallulongtempsàScarletpours’yhabituer—surtoutparce
queScarletavaitdûapprendrelejargondestextosafindedéchiffrerlesconversationsavecHeather.Biensûr,Scarlets’étaitréveilléedanslesboisenconnaissantparfaitementl’espagnol…mais«LOL»
?Rien.—Queveux-tudire?demandaScarletenravalantlesouvenirdesalimonaderosedansunsoupir.Gabrielétaitparti,etaveclui,lesentimentdenormalité,dontScarletavaitpubrièvementprofiter.—Euh…Allo?UngarçonsexydiscuteavectoiauFestivaldesbaisers?Oùl’as-tudéniché?—Déniché?Cen’estpasuncadeaudansuneboîtedecéréales,Heather.—Non,maisoh!Commeçaseraitgénial!OnouvreuneboîtedeTrixetpaf!Onenressortungarçon
sexy!Jemangerais tellementplusdecéréales. Il estmagnifique ! Jeveuxdire,commeunmagnifiquedieugrec!Commentl’as-turencontré?—Ils’estsimplementapprochéetacommencéàmeparlerpendantquej’attendaisquetuenfinisses
avecleskiosquesdebaisers.Commentças’estpasséaufait?—Çavalaitchaquesou,ditHeatherenrejetantsescheveuxenarrière.Dis-m’enplussurceGabriel.Ellespassèrentdevantunkiosquedepastillesàlamenthe.—Ils’appelleGabrielArcher.IlvientdeNewYork.Etiln’aimepaslesserpents.Heatherhaussalessourcilsetattenditautrechose.—C’esttout?C’esttoutcequetuassu?—Ehbien,àpeuprès.Cen’étaitpasuninterrogatoire.Nousavonsjuste…parlé.—Vousêtes-vousembrassés?
—Non,ditScarlet.—C’estnul.—Jesais.—Demain,ditHeather.Demain,jevaism’assurerquevousvousembrassiez.Etjem’occuperaiaussi
detatenue.Onnepeutclairementpastefaireconfiancepourt’habillerseule.Scarletbaissalesyeuxverssachemiseverteetditnaïvement:—Quoi?Tun’aimespasmachemiseverte?—Cen’estpasunechemise,c’estunrideau.Turessemblesàdesrideauxmochesdesannées70.Mais
net’inquiètepas!Demain,jevaism’assurerquetuaiesl’airéblouissante.Maintenant…Heathercommençaparluiadresserunsourireencoin.—…allonsvoirlesadultescouriretsepasserlesrelaisdesalive.Merveilleux.C’estpartipourlesvomissements!Scarletfeignitunhaut-le-cœur,maissuivitquandmêmesonamieàtraverslafoule.Quelque chose lors de sa rencontre avecGabriel avait mis Scarlet demeilleure humeur. Elle était
presquesurlepointdeneplusdétesterlefestival.Presque.Aumomentoùellesquittèrent leparcgazonné,Scarletaperçutdenouveausonmystérieuxgarçonen
noir.Ilétaitplusloincettefois,maiselledevinaitqu’illaregardaittoujours.LecœurdeScarletsemitdenouveauàbattrelachamade.Sonesprits’éveillaencoreunefoisdevantl’espoird’unsouvenirretrouvé.Elle ralentit le pas pour le regarder plus clairement,mais un groupe de gens passa devant elle, lui
bloquantlavue.Quandlafoulefutdissipée,ilétaitintrouvable.Scarlets’efforçadeparcourir leparcduregardaussi loinqu’elle lepouvait,maisne trouvarien. Il
avaitétélàunmomentdonnéetavaitdisparulemomentsuivant.Toutcommesamémoire.
2
La douleur familière se réintroduisit progressivement dans les veines deTristan alors qu’il quittait lefestivalenvoiture.Qu’ilquittaitScarlet.Auxprisesavecladouleurchroniquedontilsouffraitensonabsence,iltirasurlecoldesonT-shirt
noir.Cesoiravaitétéunaccident:voirScarlet…lasentirsiprochedelui.S’ilavaitsuqu’elleseraitàla
fête,iln’yseraitjamaisallé.Ils’étaitpresquehabituéàladouleurquiravageaitsoncorpsensonabsence;ilavaitpresqueapprisà
vivreaveccemal.Maiscettesoiréeavaitdétruittoutespoirqu’ilavaitdeconnaîtrelapaixsanselle.TristansefrictionnalanuquetoutenregardantdesesyeuxvertslarouteobscuredeGéorgiedevantlui.Ilyalongtemps,ilavaitétécondamnéàunsentimentdedésespoir.Undésespoircontinu,implacable.Il avait émergé de son cœur il y a deux ans, puis s’en était pris à son âme et lui avait asséché les
entraillesavecunsentimentdebesoin.Unbesoinsiimpossible,sidévorantqu’ilnepouvaitpaslenier.Etilnepouvaitpaslefairetaire.Lesondesonâme,quiréclamaitScarlet,étaitassourdissant.Ilyadeuxans,lessommationsavaientcommencécommeunmurmure:doux,légeretdiscret.Maisaufildutemps,ils’étaitintensifiéencri:desrâlementsavidesquirésonnaientsansrépitdanssa
poitrine.C’étaitlebruitducœurdeScarlet,vivantetéveillé,battantrégulièrementdanssapoitrineetrésonnant
danslesien.Lehantant.Commeunappel.Unedemandeimpitoyabledelatrouver—d’êtreavecelle.Ilavaitessayéd’ignorercetteforcesurnaturelle.Ilavaitessayédefeindrequesonâmenehurlaitpasà
causedelaséparation.Ilavaitrésistéaucripendantdesannées.Etilavaitfaillilerendrefou.LecriducœurdeScarletquil’appelait,lesuppliait.Commeill’avaittoujoursfait.Etilavaitcraquéetavaitrépondu.Commeillefaisaittoujours.IlétaitvenuàAvalon.Assezprèspoursoulagerlafièvre.Assezprèspourcalmersoncœurhurlant.Maisassezéloignépourpréserversasantémentale.Jusqu’àcesoir-là.
SaproximitéaccidentelleavecScarletaufestivalavaitadoucisontourment,maisl’avaitremplid’undésirqu’ilnepouvaitpassatisfaire.Ildevaitseteniràl’écart.Loin.Tristan fonça dans les bois épais en périphérie d’Avalon et se dirigea vers le grand chalet qu’il
partageaitavecsonfrère.AprèsavoirvuGabrielparleràScarletcesoir-là,Tristanétaitfurieux.Iltournadansl’alléeduchaletetsegara.Juranttoutbas,ilsortitdelavoitureetentra.Lechaletétaitérigésurhuithectaresdeforêtetavaitunétageprincipal,unsous-soletunétageenhaut.
Le rez-de-chaussée se composait d’une cuisine, d’un salon, d’une pièce de détente et d’un bureau.Lepremierétageetlesous-solavaientunagencementidentique:chacunavecunsalon,unesuiteparentaleetunechambred’amis.LepremierétageappartenaitàGabrieletlesous-sol,àTristan.Ilsn’aimaientpasvivreensemble,maisc’étaitnécessaire.Pourl’instant.Tristans’étiralecou.Maintenant qu’il était à des kilomètres de Scarlet, sa douleur physique s’intensifiait : le souvenir
constantqu’ilétait,etseraittoujours,sanselle.Aprèsavoirclaquélaportederrièrelui,Tristantrouvasonfrèredanslesalon.—Àquoias-tupensé?Gabriel,quiétaitàlarecherchedelatélécommandesouslescoussinsducanapé,levalesyeuxvers
sonfrère.—Dequoiparles-tu?—TuasparléàScarletcesoir!Tutemoquesdemoi?Tristanessayadesecalmer,maisilétaittropanxieuxpourbaisserleton.—Quoi,tum’espionnesmaintenant?Gabrielseremitàchercher.—C’estlouche.—Tuasfichuleplanenl’air,Gabe.Tristanbraquasesyeuxvertssursonfrère.—Tuasacceptédenepaslarencontreravantquelamalédictionsoitrompue.Lamalédictionest-elle
rompue?Non.Ilsemitàarpenterlesalon,lapeuretlanervositésemêlantàl’intérieurdelui.Voilàqueçarecommençait.Ladouleur…lafêlure…lamort…C’étaitledébutdelafin.
Gabrielrouladesyeux.—Ouais,ehbien,jenemesentaispasd’attendreencoredesannéespendantquetuessayaisderompre
lamalédiction.Tonplan—quiestcomplètementpourri,detoutefaçon—nefonctionnepas.—Monplann’estpaspourri.Ilestnécessaire.Etilfonctionnera.Abandonnantsarecherchedelatélécommande,Gabrielseleva.—Tonplanestcomplètementpourri.Tuessaiesdetuerquelqu’un.Tristanarrêtademarcher.—J’essaiedesauverlaviedeScarlet.Nousn’avonspasd’autrechoix.—Si,ilyaunautremoyen.Tristanrouladesyeux.—Nousn’avonspasletempsdecouriraprèsunelégende,Gabe.Àcausedelamalédiction,Scarletva
mourir.Ildéglutit,tempérantl’émotionquerevêtaitsavoix.—Monplanestleseulmoyendelasauver.Gabriellevasesmainsenl’air.—Tonplanconsisteàtuerquelqu’un.—Cen’estpascommesijetuaisungentilagneau.—Ehbien,commentpourrais-jelesavoir?Gabrielhaussalesépaules.—Tunet’espasvraimentmontrécommunicatifsurl’identitédetavictime.Toutcequejesais,c’est
quetuchassesunegentillevieilledame.Tristanrouladenouveaudesyeuxetcroisasesbrassursapoitrine.—Jenetuepaslesvieillesdames.—C’estunmeurtre.—Cen’estpasunmeurtre.JeparlesimplementdeprendreuneviepourqueScarletpuissegarderla
sienne.Ditcommeça,çasemblaitmal.MaisTristanferaittoutpoursauverScarlet.N’importequoi.—Ouais,ehbien…çanerendpaslachosemoinsimmorale.Gabrielseremitàlarecherchedelatélécommandetandisquelesilencetombaitentreeux.Tristansoufflaetdécroisasesbras.Ilavaitbesoindeplusdetempspourexécutersonplanetbriserlamalédiction.EtilavaitbesoinqueGabrielresteloindeScarlet.Tristansefrictionnalanuque.—Tuasétéimprudentcesoir,Gabe.Scarletauraitpuserappelerquitues.Elleauraitpuserappeler
quijesuis.
—Çan’apasétélecas.Gabrielhaussalesépaules.—Maisellelefera.Le cœur de Tristan se mit à battre de peur. Si Scarlet se souvenait de lui… si elle venait à le
chercher…Non,ilnepouvaitpaslaissercelaseproduire.—Tunedoispaslarevoir,ditTristanenespérantqueGabrielaccepte.Ilnelefitpas.—Ouais,exact.Gabrieltrouvalatélécommandeetlaposasurunetablebasse.—J’aiattendudeuxanspour«rencontrer»Scarlet.Jenevaispasdisparaîtredesaviemaintenant.Tristanprituneprofonderespiration.—S’ilteplaît?Était-ceàcelaqu’ilavaitétéréduit?Àsupplier?Avait-ilsipeurqueScarletsesouviennedelui?Lebruitdel’horlogesurlemurrésonnadanslesilence.Tic…tac…tic…Oui.Ilavaitpeur.—Non,ditGabrielensecouantlatête.J’aibesoind’elle,Tristan.—Moiaussi,Gabe.Maistunem’aspasvuluicouriraprès.—Mais…jel’aime,ditGabrielentournantsespaumesverslecield’unairimpuissant.Tristansoupirafortement.IlnevoulaitpascroirequeGabrielaimaitScarlet.IlcroyaitplutôtquecequeGabrielressentaitpour
Scarletn’étaitqu’unpetitbéguin.Maisilétaitplusavisé.Cequinefaisaitquerendresontourmentplusprofond.Tristansecoualatête.—Siturestesdanssavie,ellesesouviendradetout.—Etalors?—Etalors?Gabe!Scarletnepeutpassavoirpourmoi…nimerencontrer.C’esttroprisqué.Gabrielrouladesyeux.—Ellenevapasterencontrer.Arrêted’êtresidramatique.Etcessedemesuivrepartoutenville.Ça
faitbizarre.—Jenetesuispas,ditTristan.Jedevaisrencontrerunclientàlafêteetilsetrouvequejet’aivu.Gabrielhaussalessourcils.—Un«client»?Nevoudrais-tupasdireun«tueuràgages»?Tristanneréponditpas.
Il savait que Gabriel n’approuvait pas sesméthodes, mais il n’avait pas le temps de chercher desmoyensmoinsmacabrespourbriserlamalédiction.Scarletallaitmourir.Ildevaitsedépêcher.—Quelestleproblème?Gabrielagitalesmainsd’unairsarcastique.—LegrandméchantTristannepeutpascommettredemeurtretoutseul?Gabrielsecoualatêteetplissalesyeux.—Tuespitoyable.Tristanregardaleplafond,frustré.—Jecomprendsquetuaiesundilemmemoralavecmonplan,maisn’agispasdemanièresivertueuse.IlregardaGabrieletajouta:—Jefaisjustecequetun’espasassezcourageuxpourfairetoi-même.Gabrielfitunegrimacededégoût.—Lemeurtreneterendpascourageux,Tristan.Ilterenddésespéré.Tristanserenfrogna.«Jesuisdésespéré.»Ilavaitdésespérémentbesoind’êtreàl’abridelatourmentequidéchiraitsonâmejouraprèsjour,à
prierpourScarlet.Ilavaitdésespérémentbesoindepaix.Gabrielsecoualatête.—Tuesdésespéréettuessanscœur.Tristanritdoucement,soncœurtouchéparl’ironiedesparolesdeGabriel.—Siseulement!Peut-êtrequesiTristann’avaitpasdecœur,ladouleuretlanostalgiequil’empoisonnaientneseraient
pastoutàfaitaussiinsupportables.Peut-êtreques’iln’avaitpasdecœur,ilpourraitdormirlanuit.MaisTristanavaituncœur.Uncœurquibattaitàcemoment-làdedouleur.ParcequeScarletétaitloin.Gabrielsecoualatête.—Peuimporte.Vas-yetmetsàexécutiontonplandiabolique.Maisnet’attendspasàcequejet’aide.Tristantorditseslèvres—Jamaisjenem’yattendrais.—Etnet’attendspasàcequejemeretiredelaviedeScarlet.Tristancessademarcheretcroisalesbras.—Quevas-tufaire,alors?Luimentir?—Jenesaispas.Maisjetrouverai.Disàtoncœurmalveillantdesedétendre.LevisagedeTristansecrispa.
Gabrielnesavait rienàproposducœurdeTristan,malveillantoupas.C’était lameilleure—et lapire—partiedeleurrelation.Tristansecoualatête.—Peu importe ce que tu fais, surtout ne la laisse pas savoir que tu as un frère. Je ne veux pas la
rencontrer.Gabrielhaussalesépaules.—Trèsbien.Ilallumalatélévisionets’assit.Tristansetournaetsedirigeaverslacuisine.GabrielverraitScarlet.Luiparlerait.L’aimerait…Çaarriverait.Tristannepourraitpasl’empêcher.Et,s’ilsesouciaitvraimentdeScarlet,ilnedevaitpasl’arrêter.Maiscelanerendaitpaslapenséedelessavoirréunismoinsdéchirante.Tristanregardafixementlesoltandisqu’unepartiedesoncœursebrisait.Soncœurbienréel,bienvivant.Ainsicommencel’histoire.
3
Lesamediaprès-midisuivant,Scarletsetenaitenculotteetsoutien-gorgedevantlemiroirdesasalledebain à se faireunegrimace tandisqueHeather farfouillait dans sonplacard.Heather avait demandé àScarletde«nepasbouger»jusqu’àcequ’elletrouvelatenueparfaite.Maisc’étaitilyadixminutes.—Tusaisquec’est leFestivaldesbaisers,pas leFestivaldunu,n’est-cepas?Jedoisporterdes
habits,Heather.Malgrélesoleilestivalquifiltraitparlafenêtredesachambre,Scarletfrissonnait.LavoixdeHeatherluiparvintfeutréedederrièrelesnombreuxhabitsqueLauraavaitachetésàScarlet
quandellel’avaitrecueillieautoutdébut.—Gardetonpantalon!Jevaisessayerdecréerunchef-d’œuvre!—Jeseraisplusqu’heureusedegardermonpantalon,mais,oh,c’estvrai,jeneporteaucunpantalon!LesyeuxparfaitementfardésdeHeatheretseslèvresbrillantesémergèrentdelapenderiedeScarlet.—Veux-tuavoirl’airsensationnelleouveux-turessembleràdesrideaux?—Jeveuxavoirchaud.Trouve-moiaumoinsunpeignoir,uneparka,unmanteaudevisonoun’importe
quoi.—Oh,chérie,jeneseraispassurprisedetrouverunmanteaudevisonici.Mêmequejeneseraispas
surprisedetrouverunvisonentierici.UnmomentdesilencepassatandisqueHeatherregardaitdanslesprofondeursduplacardridiculement
surdimensionnédeScarlet.Satêtedépassadenouveau.—Qu’est-cequ’unvisonde toute façon ?C’est commeune créature des bois ou quelque chose du
genre?ScarletlançaunregardimpatientàHeather.—Jen’ensaisabsolumentrien,maisjesupposequ’unvisonpourraitchoisirunetenuebienplusvite
quetoi.Heatherdisparutdenouveaudanslamaréedevêtementsetmarmonna:—J’endoute.Tuasplusdevêtementsquemoi.Ettoutmonsalairemesertuniquementàsubvenirà
meshabitudesd’achat.Heather travaillait auMillhouse, un salon de coiffure du coin, et se faisait une séance de «Allons
acheterdavantaged’habitsàHeather»chaquejourdepaie.Scarlet frissonna de nouveau et décida de s’attaquer elle-même à sa penderie et de trouver ses
vêtements.Elleavançaen trottinantvers laporteàdeuxbattantsde sonplacardet rentra littéralementdansHeather.—Hé!Retourneàtonmiroir!Heatheravaitlesmainspleinesdechemises,deshorts,deceinturesetd’un…maillotdebain?
ScarletexaminalebutindeHeather.—Jenevaispasporterdemaillotdebain.—Détends-toi.C’estpourmoi.Jetel’emprunte.—Ah,fitScarletenhochantlatête.Compris.—Ça,ditHeatherentendantàScarletunepairedeshortsenjeansetunT-shirtdélavébleupâle,c’est
pourtoi.J’aichoisibleupouralleravectesyeux.Tuasdesyeuxd’enfer.OK,lestylequ’onauracesoirseramignonetdécontracté.Scarletsourit.—Parfait.Tupeuxrentrercheztoi.Jesaiscommenttrouverdu«mignonetdécontracté».—Non,ditHeatherensecouantlatête.Non,tunesaispas.Tucroisquetupeuxfairedansle«mignon
etdécontracté»,maisjet’aivueessayeretçaajustefiniparfaire…Heathertapotasonmentonavecsononglebrillant.—Paresseux.Scarletmaugréa.—Jenem’habillepascommeuneparesseuse.Hier,j’aipassédixminutesàchoisirmeshabits.—Hiertuportaisunechemiseample.Scarletfronçaleslèvres.—C’estvrai!Heatherrouladesyeux.—C’estpourçaquejedevraisêtreicichaquefoisquetudoist’habiller.Jeveuxdiretouslesmatins,
septjourssursept.Mêmesiunjourtunevasnullepart,jedevraisquandmêmesupervisertatenue.Scalerrittandisqu’elleenfilaitsesshortsconfortablesetsonT-shirtdécontracté.—OK,tuferasça.Heathers’affairadanslachambredeScarletàinstallerunespaceoùellepourraitmaquillersonamie.—Allez,assieds-toi.Nousavonsvingtminutespourterendreéblouissantepourledieugrec.—Jet’enprie,Gabrielneseraprobablementpaslà.Maiselleespéraittellementqu’ilysoit.Ellevoulaitréentendresavoix.—Ehbien,alors,jevaism’occuperdetefairebellepourn’importequelautredieugrecquipourrait
engagerlaconversationavectoipendantquej’embrasseraidesgarçons.Maintenant,assieds-toietsoissage.Scarletseprêtaaujeuets’assitenfacedeHeather,quiétaitmunied’unpinceaudemaquillage,d’une
palettedepoudresdetoutessortesetd’uneattitudepragmatique.Scarletessayadenepastousseroudereniflerlapoudretandisquesonamieenappliquaitsurtoutsonvisage,cequiluichatouillaitlenez.—Alors,ditHeather,quipassadelapoudreàl’ombreàpaupières,DonJuannet’adonnéaucundétail
sursaviehiersoir.Parconséquent,notreobjectifdecesoir,c’estdedécouvrirquiilest.Scarlet essaya de ne pas fermer les paupières quand Heather y donna de petits coups avec de
minusculespoilsdepinceau.
Heathercontinua:—NousdevonsconnaîtrelevraiGabriel…Tuasditquec’étaitquoisonnomdefamille?—Archer.—GabrielArcher?Heatherrouladesyeux.—Bonsang,mêmesonnomestsexy!ElledéplaçasamainversleslèvresdeScarletetsemitàluiordonnerdefairedeschosescomme«
DisAhhh»,«Faisuncercleavectabouche»et«Nesourispas».—SiGabrielArchersepointeauFestivaldesbaiserscesoir,j’aitouteunelistedequestionspourlui.
Àcommencerpar«As-tuunfrère?».Scarletrouladesyeux.—Tuessifolledesgarçons.—Etfièredel’être!HeatherterminaleslèvresdeScarletetsemitàébouriffersescheveuxnoirs.Quelquesminutesetbeaucoupdetiraillementsplustard,Heatheravaitfini.— Voilà ! Tu es magnifique. Tu es bien habillée et tu ne ressembles pas à un rideau. Mission
accomplie.Scarletseregardadanslemiroir.Lemaquillageétaitunpeutropchargé,maissescheveuxetsatenue
étaient…mignons.—Merci,Heather.—Quandtuveux,réponditHeather.Etquandjedis«quandtuveux»,cequejeveuxdire,c’esttoutle
temps.Commetouslesjours.Scarletsecoualatête.—Peuimporte,allons-y.Lesfillessedirigèrentverslecentre-villejusteaumomentoùlanuittombait.
4
Le deuxième soir du festival, Gabriel se tenait aux abords du parc à regarder Scarlet et Heatherapprocherdela«marchedesbaisers».La«marchedesbaisers»étaitenfaitunjeugéantdechaisesmusicales,maissansleschaises.Commela«marchedugâteau3»,maisàlaplacedugâteau,legagnantrecevaitdesbaisersgratuitsauxkiosquesdebaisers.Super!Bienqueleshabitantsd’Avalonétaientsympathiquesetsincères,Gabrieln’étaitpasparticulièrement
fou de la ville en tant que telle. C’était un endroit simple, pittoresque et tranquille, avec un taux decriminalitébasetuntauxdeparticipationauxévénementslocauxélevé—biensûr!—,maisc’étaitpetit.Gabrielpréféraitlesgrossesvilles,bruyantesetilluminées.Pasparcequ’ilavaitungoûtpourlechaos,
maisparcequ’ilavaitparcourulemondeetquelavietranquillen’étaitpassontruc.ScarletJacobs,toutefois,étaitsontruc.Grâceàlafouleinfiniequipassaitdevantlui,Gabrielfutcapablederegarderlesfillesàla«marche
desbaisers»pendantuneminutesansêtrerepéré.Heather,quiressemblaitàunepoupéeBarbiedesannées1950avecsescheveuxblondsenqueuede
chevaletsapairedeshortsminusculesrougesmoulants,semblaitdésireusedejouer;tandisqueScarletcroisaitlesbrasetsetenaitsurlecôté.LaScarlethabituelle.Sitêtue.Avec un sourire, Gabriel inspira et l’examina.Même après toutes ces années, elle continuait à lui
couperlesouffle.Était-ilunincorrigibleromantique?Peut-être.Illaissasonespritvagabonderjusqu’àunsouvenirquidataitdelongtemps,quandilétaitconstamment
entourédesonrireetdesagaieté.Uneépoqueoùelleletaquinaitetpassaitsesmainsdanssescheveux.Unemeilleureépoquequemaintenant.ScarletetTristanétaientaffectésparlamalédiction,maislamalédictionelle-mêmeétaitdirigéecontre
Gabriel.Ilétaitcondamnéàvivresansamour.Ilnepourraitjamaisaimerouêtreaiméparquelqu’und’autrequeScarlet.Cequineseraitpassimal
siellen’avaitpasétécondamnéeàmourir.Enfait,aimerScarletpourlerestedesaviefaisaitpenserauparadis.Siseulementilpouvaitlagardervivante…Lamalédictiondevaitêtrerompue.Bientôt.LeplandeTristanfonctionnerait-il?Probablementpas.
MaisGabrielallait-ilfaireobstacleàTristan?Non.Parcequ’auplusprofonddelui,Gabrielétaitreconnaissantdumanqued’humanitédeTristan.Situer
quelqu’unàlaplacedeScarletpouvaitvraimentdéfairelamalédiction,alorsGabrielétaitheureuxqueTristann’aitaucunscrupuleàprendreunevieinnocente.Gabriel,lui,avaitdesscrupules.Alors,pasdemeurtrepourlui.Il regarda Scarlet se mordre la lèvre tandis qu’elle regardait le parc autour d’elle. Elle était
incroyable.Faillible,attendrissanteet…ravissante.Toutenelleétaitfragileetparfait.IlavançadanslechampdevisiondeScarletetattenditqu’ellelevoie.Quandellecroisasonregard,
ellesourit.Elleétaitmagnifique.Ilsourittandisqu’ils’approchaitd’elle.—Salut.—Salut.Sesyeuxbleusétincelaient.—Jesuisheureusequetusoisvenu.—Moiaussi.Ilregardaversl’endroitoùHeatherdiscutaitaveclejugedela«marchedesbaisers».—Quesepasse-t-ilparlà-bas?— Ils ne veulent pas laisser Heather jouer parce que le jeu a déjà commencé. Elle essaie de
l’amadouer.—Mmh.Heathervintlesrejoindreaupasdecourse.—Ehbien!dit-elleàboutdesouffle.C’étaitinutile.Pasdebaisersgratuitspourmoi,apparemment.—Qu’est-cequeturacontes?demandaScarletenhaussantunsourcil.Lesgensdonnentdesbaisers
gratuitspartout.Tun’asqu’àembrasseruninconnu.— J’en ai fini d’embrasser des inconnus. Je veux embrasser des mecs sexy dans les kiosques de
baisers.HeatherregardaGabrieletluiadressaunsourireéclatant.—Bonjour,Gabriel.Jesuistrèsheureusedeterevoir.Ellesemitsurlapointedespiedsetl’embrassasurlesjoues.Gabrielluirenditsesbaisers,sentantsonparfumdevanille.—Oh!LesyeuxdeHeatherétincelèrent.
—Desgâteauxbaisers!Gabrielsuivitsonregardetrepéraunetenteblancheavecdesétoilesrougessuspenduesausommet.—Desgâteauxbaisers?répéta-t-ilenregardantScarlet.—Oui,cesontcommedespetitsgâteaux,maisaveclaformed’unebouche.—Etbienmeilleurs,ditHeather.Allonsenchercher.Gabrielsuivitlesfillesverslatenteetjetauncoupd’œilàScarlet.Elleétaitsipetiteetdélicate.Il
auraitvoulul’enlacer.Si seulement elle se souvenait de lui. Si seulement elle pouvait immédiatement se souvenir de tout.
Peut-êtrequ’alorsellesouriraitetrirait,etqu’ilspourraientvivreheureuxpourtoujoursoupeuimporte.Peut-êtreques’illuidisaitlavérité…GabrielréfléchitàexpliquersonhistoireàScarlet.Àluidonnertouslesfichusdétailsetàessayerde
mettredupositifdanstoutecettehistoiredemalédiction.Non.Ilferaitmieuxdelalaisservivreunjourdeplussansqu’ellesoitsousl’égidedelamortimminente.La
malédiction était cruelle et injuste, et Gabriel voulait la protéger de son destin aussi longtemps quepossible.Ilsatteignirentlatenteetilpritungâteaubaiserpourchacun.—Alors,Gabriel,commençaHeathertandisqu’ildistribuaitlesgâteaux.Scarletm’aditquetuvenais
deNewYork.Dequelquartier?IlcroquaunmorceaudegâteaubaiseretexaminalesosiedelablondeBarbietandisqu’ilavalaitsa
bouchée.—Lecentre-ville.—Àquoiressemblelecentre-ville?demandaScarlet.Gabrielsourit.— C’est bruyant. Une animation incessante et du bruit. Mais ça grouille d’activités et de gens
intéressants.Ilsepassetoujoursquelquechose.Onnes’yennuiejamais.Heathersoupira.—Çasemblemerveilleux.Scarletfronçasonadorablenez.—Çasembledonnermalàlatête.Gabriel rit. Scarlet n’avait jamais aimé les grandes villes. Elle avait toujours préféré les endroits
tranquillesoùletempspassaitlentement.DesendroitscommeAvalon.—Oui,dit-ilensouriantàScarlet.NewYorkneconvientpasàtoutlemonde.—Alors,pourquoias-tudéménagéici?demandaHeatherenprenantunebouchéedesongâteau.Gabriel prit un moment pour réfléchir. Il devait trouver une excuse plausible pour être à Avalon,
quelquechosepourlegardericijusqu’àcequelamalédictionsoitrompueetqu’ilpuissedirelavéritéà
Scarlet.—L’entreprisefamiliale.C’étaitunebonneréponse.Uneréponsesansdanger.—Vraiment?Dansquelgenred’entreprisetravailletafamille?Scarletleregardapar-dessusleglaçagedesongâteaubaiser.—L’histoire,dit-ilenhochantlatête.Insuffisant.—Juste,tusais,l’histoiregénérale.Ilauraitvraimentdûpenseràsapetitehistoireavantdevenircesoir.Ilnevoulaitpasavoirl’aird’un
idiot.Heatherhaussalessourcils.—Tafamilleauneentreprised’histoiregénérale?Ouah!C’est…vague.Ellesepinçaleslèvresetleregardaattentivement.—Pourrais-tupréciser?GabrielavaitlesentimentqueBarbieallaitêtreunproblème.—NefaispasattentionàHeather.Elleesttropcurieuse.ScarletrouladesyeuxavantdelestournerversGabriel.—Était-cedurdequitterNewYork?—Unpeu.J’aimelaville,leslumièresetl’effervescence.Maisj’étaistrèsheureuxdevenirici.Çava
mieux.—Alors,tunevaspasdonnerdeprécisionssurl’entreprisefamiliale?demandaHeather,quiplissa
les yeux. Est-ce que c’est, comme, des trucs d’import-export ? Êtes-vous des trafiquants de drogue ?Faites-vouspartiedelapègre?Oui,Barbieallaitassurémentêtreunproblème.—Heatherrrr.Scarletlançaunregardréprobateuràsonamie.—Impolie.—Euh,non,ditGabriel.Riendetoutça.Nousnefaisonsriend’illégalsic’estcequetuveuxsavoir.Dumoinspasencore.Tristanplanifiaitunmeurtre,alorslafamilleexemptedecrimesseraitbientôtternie.StupideetmaléfiqueTristanavecson«plan».—Mmhmmh.Heatherlefixaduregardcommesielleessayaitdejaugercombienilétaitdignedeconfiance.—Ehbien,j’espèresincèrementquenon.Danstonintérêt.Gabrielsourit.Heatherétaitunpeuagaçante,maisill’aimaitbien.
Ses questions étaient désagréables et elle allait probablement lui rendre difficile d’apprendre àconnaîtreScarlet,maisilappréciaitsonscepticisme.Elleétaitvive.EtprotectricepourScarlet.Unebonnechose.—OK, je crois que nous avons terminé d’interroger le nouveau, dit Scarlet en adressant un regard
mauvaisàHeatheretunsourired’excuseàGabriel.Heathersourit.—Exact.Complètement.Désoléepourça.Elleritlégèrement.—Uneautrequestion,toutdemême…Sonsourires’approfondit.—As-tudesfrères?—Pourquoi?Gabrielregrettaimmédiatementd’avoirrépondusivite.Ilauraitdûattendreunpeu.Ilauraitdûdiresimplementnon.Les yeux de Scarlet s’écarquillèrent tandis qu’elle donnait un coup de pied dans la chaussure de
Heather.—Sérieusement?HeatherignoraScarletetréponditàGabriel:—Euh…parcequejesuisàlarecherched’unbeaugarçonpourêtremoncadeaudeboîtedecéréales.
Alors…,tuenasun?Uncadeaudeboîtedecéréales?Gabrielclignadesyeuxàquelquesreprises.—Non,dit-il.Pasdefrères.Heatherl’examinauninstantavantdedire:—C’estdommage!— Mmh, dit Scarlet, qui finissait son gâteau baiser et épargnait à Gabriel le regard insistant de
Heather.Allonsfaireautrechose.Commen’importequoid’autre.Onpourraitregarderletournoidejeudelabouteille.Allons-y.ElletirasurlebrasdeHeather.—Çaserachouette.Toiaussi,Gabriel,viens.Elleluisourit.Iladoraitsonsourire.—Passezdevant.GabrielsuivitScarletetHeatherdansleparcjusqu’àcequ’ilpensaitêtreunezoneouverte.
Il avait besoin degagner la confiancedeScarlet. Plus vite elle se fierait à lui, plus vite tout seraitfacile.Lesyeuxbaissésversleurspiedstandisqu’ellesmarchaient,GabrielaperçutleschaussuresdeScarlet
etclignadesyeux.Ouplutôt,lescroquisqu’elleavaitdessinéssurledessusdeseschaussures.Lescroquisd’unsymbolequiressemblaitexactementà…Gabrielclignadesyeux.C’étaitimpossible.Pourquoi?Parmitoutesleschosesdesonpassé,pourquoiseserait-ellesouvenuedececi?Àmoinsque…Gabrielcalmasoncœur,quis’étaitemballé,etprituneprofonderespiration.Cen’était pas lemomentde s’inquiéterde lamémoire sélectivedeScarlet.Pour l’instant, il devait
s’inquiéterdefaireensortequeScarletl’aimebien.Ilprituneprofonderespirationtandisqu’ilsarrivaientàunendroitgazonnéoùavaitlieuuntournoide
jeudelabouteilleorganisécommeuntournoidepoker.Scarlethaussalessourcils.—Personnellement, je trouve troublant de regarder les personnes âgées parier sur qui embrasse le
mieuxàlatable.Gabrielregardalejeupendantunmomentavecunsourireencoin.—Quoi,tunetrouvespasçafascinantetsexy?Scarletrit.—Jetrouveçaaussisexyqueledentistederue.Gabrielritàsontour.Oh,cequ’elleluiavaitmanqué!Alors que le jeu se poursuivait, les concurrents fougueux devenaient de plus en plus amusants.Qui
avait besoin d’une téléréalité quand on pouvait aller au centre-ville et regarder deux vieilles damesconvoiterviolemmentunvétérandelaDeuxièmeGuerremondialenomméJimmy?Classique.Quandlejeufinit,touslestroispartirentensembledanslarueprincipale.Deslumièrespendaientaux
arbresetdesgenss’embrassaientpoursesaluertoutlelongdelaruependantquedelamusiquejouaitfortdepuislekiosqueàproximité.Heatherdiscutaitinlassablementdel’étéquitiraitàsafin,del’écolequicommenceraitbientôtetde
combienc’était«nul»etbla-bla-bla…Gabrielcommençaittoutjusteàneplusl’écouterquandelleditd’unevoixplusfortepours’adapterau
volumedelamusique:—Alors,GabrielArcher,quelâgeas-tu?Plusdequestions.Génial.—Dix-septans,répondit-il.—Vraiment?
Heatherhaussaunsourcil.—Tufaisplusvieux.Gabrielravalaunsoupir.FréquenterHeatherallaitassurémentdevenirunproblème.Elleétaittropcurieuse.Ettandisqu’ilétait
reconnaissantqu’elleinterrogelesgensquientraientdanslaviedeScarlet,ilnepouvaitpassepermettred’êtrel’und’eux.—Onmeleditsouvent.IlluiadressasonplusbeausourireetseretournaversScarlet.—Tuasététrèstranquille.LescheveuxnoirsdeScarleteffleurèrentsonpetitvisagetandisqu’elleesquissaitunsourire.—Vraiment?Jesupposequec’étaitsimplementtropbruyant.CefutlàqueGabrieldécidaspontanémentdeluidemanderdesortiraveclui.C’étaitrisqué.Ilyavaitunepossibilitéqu’ellerefuse.Cequiseraitnul.MaisGabrielavaitattendulongtempspourrevenirdanslaviedeScarletetilnevoulaitpasvivreune
minutedeplussanselle.«Joue-lacool,nel’effraiepas.»—Ehbien…Gabrielavalasasaliveetessayad’avoirl’airaussiinsouciantquepossible.—Peut-être que toi etmoi, on pourrait sortir ensemble des fois…quelque part où ce seraitmoins
bruyant.Illuiadressasonsourireleplussincèreetretintsonsouffle.—Tusais,justenousdeux.Gabrielregrettaimmédiatementsadécisionaudacieuse.C’étaitbizarre.Ellenesesouvenaitpasdelui.Elleneleconnaissaitpas.Elleallaitprobablementrefuser,etensuite,oùenserait-il?Condamnéàvivresansamour,voilà.«Mauvaiseidée,Gabe.»Lentement,silentementqueGabrielpensaqu’ilallaitsuffoquer,Scarletréponditavecunsourire:—Oui.Ceseraitsympa.Lesoulagementl’envahit.—Demainsoir,alors?Scarletleregardaavecsesbeauxyeuxetsourit.—Entendu.Ilsourit.Leschosesallaientêtredifférentescettefois.
Mieux.Formidables.Toutcequ’ilavaitàfairemaintenant,c’étaitdetrouverunmoyendegarderScarletenvie.
3.N.d.T.:référenceau«cake-walk»,dansesousformedemarchenéeparmilesNoirsdeVirginie.Lescolonsblancsrécompensaientlesmeilleursdanseursavecungâteau.
5
Tristanfixaitsesyeuxvertssursaplusrécenteacquisitiondanslalumièretamiséedelapiècededétente.Ilretournalalameanciennedanssamain,lapoignéeornéepesantlourddanssapaume.Lalonguelamebrillaitdanslafaiblelueurdelapiècealorsqu’ilcontinuaitàlaretourner.Ilavaitpassédesannéesàcherchercettedague.Unedaguecenséeavoiruneénergiemagique.Oudespouvoirsmystiques.Ouvaudousouautres.Tristan n’en était pas certain. Mais il ne se préoccupait pas du genre de pouvoirs que la dague
possédaitpourvuqu’elleprennelaviequ’ilessayaitderavir.Uneviequis’avéraitbienplusobstinéeàvouloirvivrequ’ilnel’avaitpensé.Ilastiquasoigneusementl’épéetoutenrevoyantsonpland’exécutiondanssatête.Ilyavaittantdedétailsenjeuquandils’agissaitdecommettreunmeurtre,tantdechosesàrégler.Tuer
impliquaituneplanificationsoignée,delapatience,etpar-dessustout,delaténacité.Ilnepouvaitpasabandonner.Peu importecombiensamissionétaithorribleet impardonnable, ilne
pouvaitpass’arrêter.Lamalédictiondevaitfinir.Il terminadel’astiqueretfituneplacesurlemurdusaloncôtéouestpourladagueparmilesautres
armes.Lemur,quimesuraitdixmètresdelongetcinqmètresdehaut,étaitcouvertdusolauplafondavecun
arsenal qui datait des cinq derniers siècles. Les armes allaient desmatraques les plus primitives auxpoignardslesplusmodernes.Maisaucunpistolet.C’étaitunepréférencepersonnellequelesfrèrespartageaient.Unedesquelques-unes.Tristan accrocha la dague et recula pour voir la collection d’armes. Il essayait de rompre la
malédictiondepuisprèsdedeuxans.Ilavaitutilisépresquechaquearmequ’ilpossédaitpoursaquêteviolenteettoutesl’avaientfaitéchouer.Avecunpeudechance,ceneseraitpaslecasdeladague.Tristansoupiratandisqu’ilsortaitdelapiècededétentepourentrerdanslegrandbureaumitoyen.Ilse
dirigeaverslefonddelapièceets’assitderrièrelegrandbureauenacajou.Ilcliquasurl’ordinateur.Puis il se frotta la nuque alors qu’il se préparait à commencer ses recherches sur Internet. Voici
quelquesmois,ilavaitdécouvertquelameilleurefaçonderéalisersamissionétaitd’engageruntueuràgages.Pasparcequ’ilaimaitinclured’autrespersonnesdanssatâchemacabre,maisparcequ’ilnepouvait
simplementpasyparvenirseul.Ilavaitessayé—etéchoué—tropsouvent.
Etletempsétaitprimordial.Sonordinateur s’allumaet l’avisaqu’unnouveaumessage l’attendaitdanssaboîtedecourriels,une
réponseferventeenprovenanced’undesassassinsqu’ilavaittrouvés.C’étaitincroyablecequ’onpouvaittrouversurCraigslist4.Lemessagecontenaituneheureetunendroitpour se rencontrerde sortequ’ilspuissent effectuer le
paiement.LagorgedeTristanétaitenfeu.Ilétaitplusfacilequ’ilnel’auraitjamaisimaginédetrouverquelqu’un
qui acceptait de tuer pour de l’argent. Et, bien qu’il était dégoûté par les canailles qui s’étaientempresséesderépondreàsademandeenligne,ilétaitreconnaissant.Parcequ’ilnepouvaitpaslefairesansaide.Peut-êtrequecettefois,çafonctionnerait.Peut-êtrequecettefois,ilyauraituncadavre,uneâmevide.
Une chance pour Scarlet d’exister vraiment, et pour Tristan, d’être définitivement libéré de lamalédiction.Tristanréponditaucourrieldel’assassin.
J’yserai.
Ilfermal’écrandel’ordinateuretparcourutlebureaudesyeux,espérantquetoutseraitbientôtfini.4.N.d.T.:siteWebaméricaindepetitesannonces.
6
Lelendemainmatin,ScarletseréveillaausonstridentdelavoixbientropguillerettedeHeather,cequiétaitmieuxquedeseréveillerseuledanslaforêt,maispastantqueça.—Deboutlà-dedans,paresseuse!Avantmêmed’ouvrirlesyeux,ScarletdevinaitqueHeathersouriait.—Va-t’en,marmonna-t-elle.—Impossible,beautéendormie.Nousavonsdeschosesàfaireaujourd’hui.Allez,debout!Scarletentrouvritunœil.—Es-tusérieusemententraindemeréveillerunsamedimatin?Enété?—C’estpourtonbien.Scarletseretournaetrefermalesyeux.—Jerenienotreamitié.Tuesmortepourmoi.Heatherseprécipitadel’autrecôtédugrandlitdeScarletets’assitsurlebord.—Mortedanslegenresympa?Commeunefillezombiesexy?IgnorantlablaguedeHeather,Scarletmitlatêtedanssonoreiller.—Etd’abord,quit’alaisséerentrerchezmoi?—Laura.Traitresse.—Toiaussituesmortepourmoi.Heathers’approchadeScarlet.—Maisj’aiapportéducaféduMillhouse.LemeilleurcafédeGéorgie.Heathercontinuadesavoixjoyeuse:—Est-cequ’unzombiet’apporteraituncafé?Probablementpas.Parcequeleszombiesnesontpas
trèsattentionnés.Ilsessaienttoujoursdemangernoscerveauxettout.Scarletouvritunœil,regardalegobeletduMillhousedanslamaindeHeatheretrenifla.—Tueslediableincarné.Elleseredressalentementetpritlecafédanssesmains.—C’est ceque jedisais.Une fille zombie sexyetmaléfique. Je croisque jeviensde trouvermon
costumed’Halloween.Heatherhaussalessourcils.Scarletpritunegorgéedecafémoka,émitun«mmh»etregardaHeather.—Alors,pourquoies-tuiciàcetteheureindue?HeatherregardaleréveilàcôtédulitdeScarlet.—Ilest11h,Scarlet.
—C’estlematin,bonsang.Etc’estl’été.Tuferaismieuxd’avoirunebonneraisondeperturbermonsommeil.—C’estlecas.Aujourd’hui,toietmoiallonsfairelesboutiques.—Pourquoi?Cen’estpaslejourdepaie.—Pourquoi?Heathersemblaitperplexe.—Parcequenousdevons te trouverquelque chosede fabuleux àporter pour ton rendez-vous avec
Gabrielcesoir.Scarletprituneautregorgée.—Cen’estpasunrendez-vous.—C’esttellementunrendez-vous.Scarletsecoualatête.—Nousnefaisonsque…tusais,sortir.—Ouais,vousnefaitesquesortir.Touslesdeux.Seuls.Vousallezaucinéma.Vousmangezensemble.
Vous allez au Festival des baisers. Ouais, rien de tout ça n’a l’air romantique ni ne ressemble à desrendez-vous,riendutout.Scarlethaussalessourcils,maisneréponditpas.C’étaitunrendez-vous.Scarletlesavait.Ilyadeuxjours,ellenevoulaitsortiravecpersonne.MaisquelquechoseàproposdeGabriell’avait
complètementfaitchangerd’avis.Peut-êtreétait-celamanièredontillaregardait.Peut-êtreétait-cesavoixfamilière…Pourquoisavoixluisemblait-ellesifamilière,alorsqueriend’autreenluinedéclenchaitdesouvenirs
?Heathercontinua:—EtmêmesijecroisqueGabrielestpleindesecrets,jecontinueraiàt’aiderpourtesrendez-vous
aveclui.Essentiellementparcequetudoistefaireembrasser.Danslegenre,intense.—Gabrieln’estpaspleindesecrets.Alorsmêmequ’elledisaitcela,unesonnetted’alarmeretentitdanslatêtedeScarlet.Unealarmeque
ScarletréprimaaveclessouvenirsdesadorablesfossettesdeGabrieletdesesyeuxd’unbrunprofond.—Euh,si.Ilétaittrèshésitantetsursesgardesl’autresoirquandiladonnédevaguesinformationssur
savie.Ilcacheassurémentquelquechose.—Le simple fait qu’il neveuillepaspartager l’histoirede savie avecnousneveutpasdirequ’il
cachequelquechose.Scarletpritunegorgéedecafé.Heatherréfléchitunmomentetsecoualatête.
—Non.Non, c’est plus que ça. Je peux le sentir. Il cache…quelque chose.C’est simplement quej’ignorequoi.L’alarmehurladenouveaudanslatêtedeScarlet.Tais-toi,alarme.Scarletroulavolontairementdesyeux.—Nepourrais-tupasm’aidercommeunemeilleureamienormaleetsimplementdire:«Oh,Gabriel
estsibeauettudevraisvraimentl’épouseretavoirdestasdebébésdieuxgrecsaveclui?»—Oh,tudevraisvraiment.Touslesdeux,vousauriezàcoupsûrdesbébésdieuxgrecs,ditHeather.
Etjevaist’aider.Jet’emmènefairelesboutiques.—Àl’aube.—Tuveuxdireàmidi?Oui,c’estmoi.Moiquiteréveilleavantlecoucherdusoleil.Quepourrais-je
dire?Jesuisunzombiemaléfique.Scarletbâilla.—Tuasdelachancequejet’aime.—Eneffet.Bon,ditHeather,quiselevadulitetarrangeasarobed’été,nousavonsdixminutesavant
d’aller faire les boutiques. Habille-toi. Et quand je dis « Habille-toi », je veux dire : « Laisse-moichoisirteshabits».Heather disparut dans la penderie de son amie tandis que Scarlet déposait son gobelet de café et
retournaitseréfugiersouslesdraps.
7
PrêtpoursasoiréeavecScarlet,Gabriel sifflaitendescendant l’escalier.Aussi idiotqueceluipuisseparaître,sespaumesétaienthumides.Pasdenervosité,maisd’excitation.LapenséederevenirdanslaviedeScarletlerendaitincroyablementheureux.Tristan,vêtutoutennoiravecunlongpoignarddanslamain,sortaitdusalonquandGabrielarrivaau
rez-de-chaussée.Gabrielcessadesifflerets’arrêta.—Jet’enprie,dis-moiquetuparspouruncongrèssurlesninjas.—Non.Tristann’établitpasdecontactvisuelquandilpassadevantsonfrèrepourentrerdanslacuisine.Gabriellesuivit.—Alors,pourquoies-tuhabilléenninja?Danslacuisine,Tristansepréparaducafé.—Jenesuispashabilléenninja.—Pantalonsnoirs,chemisenoire…arme…?Laparfaitetenueninja.Tristanhaussalesépaules.—Etpourquoifais-tuducafélesoir?Gabrielregardasonfrèreuninstantavantdecomprendresubitement.—Bonsang,vas-tutuerquelqu’uncettenuit?—Avecunpeudechance,ditTristan,quiposal’épéeetpritunetasseàcafé.Gabrielgrommela.Sonfrère,unassassin.Çanesemblaitpasréel.AppropriéétantdonnélapersonnalitésombreetamèredeTristan,maispasréel.Maisqu’allaitfaireGabriel?L’arrêter?Non.SiTristanrompaitlamalédiction,Scarletvivraitetc’estcequeGabrielvoulaitvraiment.Ce qu’il nevoulaitpas, c’était que son frère fou taillade les habitants de la ville pendant que lui
essayaitdepasserdubontempsavecScarlet.—Allons,Tristan.Çanepourraitpasattendreunjouroudeux?Commentsuis-jecensémedétendre
pourmonrendez-vousavecScarletdecesoirsijesaisquetut’apprêtesàjouerlesassassinsninjasenville?—Oh,jesuisdésolé.Jedétesteruinertesrendez-vousavecmonplangênantquiconsisteàessayerde
sauverlaviedeScarlet.—Ets’ilnefonctionnepas?Etsitutuescepauvretypeetqueriennechange?—Çavafonctionner.
—Commentlesais-tu?—ParcequeNatel’adit.Gabrielrouladesyeux.—Nateestfou.NathanielFletcherétaitleurplusvieilamietilétaitenquelquesorteexpertenmalédictions.Ilessayait
d’aideràrésoudrelessortsdepuisdesannées.Sansrésultats.—Natenesaitpasdequoiilparle,Tristan.Ilspécule.—Non,c’estfaux.Sijeréussiscesoir,lamalédictionserarompueetScarletvivra.Tristansemblaitdécontracté.Commesimettrefinàunevien’étaitpasgrave.Gabrielsecoualatête.—Cequetufaisestmal.Tristanseversauncaféetpritunegorgée.—Peut-être.Maisçaenvautlapeine.Ildéposasatasse.—Jen’arrêteraipastantqueceneserapasfini,Gabe.Ilfautqueçaarrête…pournoustous.Gabrielrestabouchebée.Iln’aimaitpassondévouementàtoutecetteaffairede«meurtre».Bienque…Tous les trois souffraient de la malédiction depuis longtemps, et une solution— n’importe quelle
solution—semblaitattrayante.Tristanfinitsoncaféetsepréparaàquitterlacuisine.Maisd’abord,ilpritlepoignardsurlecomptoir
etl’attachadanssondos.Super!Gabrielhaussaunsourcil.—Vas-tusérieusementsortiravecunedagueattachéedansledos?Tupourraisaussibienporterun
panneauquidirait«Regardez-moi,jesuisunassassin».—Jesaisqueçaal’airbizarre,maisjedoisprendreladague.Gabrielfitunsourirenarquois.—Ehbien, jenepaierai pas la cautionpour te faire sortir deprisonquand tu te feras arrêterpour
excèsdevitesseetque tudevrasexpliquerpourquoi tuasuncouteaumédiévaldans ledoscommeunpsychopathe.Tristanhaussalesépaules.—Avecdelachance,tun’auraspasàlefaire.—Tuesfou,ditGabriel.—L’undenousdoit l’être,ditTristan tandisqu’ilprenaitsesclésetsedirigeaitvers laportepour
sortir.—Jetehais,luicriaGabrielsansconvictionquandTristansortit.
Avantquelaportesereferme,GabrielentenditTristanhurleràsontour:—Moiaussi!Gabrielserralespoingstandisqu’ilrestaitdanslacuisine.Toutcequ’ilvoulait,c’étaitsedétendrecesoiravecScarlet.Uneoccasiond’apprendreàlaconnaître
denouveauetdesefaireconnaîtred’elledenouveau.Commentétait-ilcensésedétendrequandsonfrèreétaitdehorsàtailladerquelqu’unenmorceauxavecunearmebarbare?
8
Lerendez-vousdeScarletavecGabrielsedéroulaitbien.Enpartieparcequeledîneravaitétédélicieuxetquelefilmqu’ilsavaientvuavaitétédrôle.MaissurtoutparcequeGabrielmettaitmystérieusementScarletàl’aiseavecsaprésence.Etsavoix.Il lui posait des questions et écoutait ses réponses. Il opinait quand elle parlait des choses qu’elle
aimait,commes’ilcomprenaitsesréponsesets’yattendait.Ilfaisaitdesplaisanteriesetlafaisaitrire.Etillaregardait.Illaregardaitvraiment.Commesielleétaitquelquechosequ’ilchérissait.Scarletnes’étaitjamaissentiesiprécieuse.Elle n’était pas nerveuse, ni anxieuse, ni peu sûre d’elle avec lui. Elle n’était pas étourdie ou trop
exubéranteàchacundesesmots.Elleétaitsimplement…normale.Etelleensavouraitchaqueminute.Quand elle était près de Gabriel, Scarlet oubliait son passé mystérieux et les questions qui la
consumaient.Ilétaitcommemagiqueetelleavaitbesoindemagie.Aprèslefilm,ilsavaientmarchéensembledanslarueprincipalepourregarderlafinduFestivaldes
baisers,soitsimplementuneparadesuiviedefeuxd’artifice.—Alors,parle-moidetafamille,ditGabrieltandisqu’ilpayaitdeuxcornetsdeglaceàladamequi
vendaitégalementdessucettesenformedelèvres.Scarletpritunebouchéedeglacependantqu’elleréfléchissaitàsaréponse.Elleavaitdeuxchoix.Elle
pouvaitmentiretagircommesisaviedefamilleétaittoutàfaitnormale:«J’aideuxparentsmerveilleuxquim’inondentd’amour.Nousnousasseyonsaupianotouslessoirset
chantonsdeschansonsensembleavantdefairedesbiscuitsàpartirderien.»Ouellepouvaitdirelavérité:«Sij’aiunefamille,ellem’aabandonnéedanslesboisilyaquelquesannées.»Lemensongeétait toujoursplussûr,maisparcequeGabriel la faisaitsesentirà l’aise,Scarletopta
pourlavérité.—Jen’aipasvraimentdefamille,maisj’aiquelqu’undesuperquis’occupedemoi.IlluisemblaitappropriédeseconfieràGabriel.Logiquement, il était absurde de s’ouvrir à un garçon qui était pratiquement un étranger.Mais son
instinctluidisaitqu’ellepouvaitluifaireconfiance.Etl’instinctétaittoutcequ’elleavait.—Tuasunetutrice?C’estchouette.Parle-moid’elle.Gabrielpritunebouchéedesaglace.PourquoiGabrielprésumait-ilquec’étaitunefemme?
Connaissait-ilLaura?UnealarmesedéclenchadenouveaudanslatêtedeScarlet.Elleinclinalatête,regardalebeauvisagedeGabriel,puiséteignitl’alarme.—Elle s’appelleLaura et elle est très jolie et très jeune.Elle travaillepourunegrosse compagnie
internationalepourquiellefaitdesgenresd’achats.C’estunehorriblecuisinièreetelleestpluscommeunesœurpourmoiqu’unemère.Gabrielsourit.—Elleal’airparfaite.—Ellel’est.ScarlethochalatêteetattenditqueGabrielposel’inévitablequestion.Lafameuse:«Pourquoias-tu
unetutriceetpastesparents?»Scarletétaitprêteàrépondrehonnêtement.Parcequesoninstinctleluidisait.MaisGabrielneposapaslaquestion.Étrange.Pourquoiessayait-ild’êtrepoli?Avait-ilpeurdesaréponse?Scarletnelesavaitpas,maisdanstouslescas,elleétaitsoulagée.Parlerdesonabandondanslesbois
étaitplutôtdéprimant.Etellenevoulaitpasperturberleurrendez-voussiagréable.Ellelevalesyeuxverslui.—Parle-moidetafamille.—Iln’yapasgrand-choseàdire…Ilprituneautrebouchée.—Mafamilleestoriginaired’Angleterreetmesparents sontmortsquand j’étais jeune,alors jeme
débrouille,disons,seuldepuisuncertaintemps.Scarletfronçalessourcilsensignedecompassion.—Jesuisvraimentdésolée.Ilhaussalesépaules.—C’étaitilyalongtemps.Scarleteneut lecœurserré.Enunsens, ilvalaitprobablementmieuxnejamaisconnaîtresafamille
quedebienlaconnaîtreetlaperdre.—Alors,tut’esretrouvé…seul?—Euh…J’aivécuavecd’autresmembresdemafamillependantuncertaintemps.Gabriels’éclaircitlagorge.—Bon,parle-moidel’école.Tuaimeslelycéed’Avalon?—Çava,ditScarlet.C’estl’école,tusais!—Oui,jesais.L’école,c’estnul!—Iras-tuaulycéed’Avaloncetteannée?demandaScarlet.
Gabrielsouritlargementetsesyeuxs’illuminèrent.—Oui,dit-il,commes’iln’yavaitpaspenséavantcemoment-là.Oui,j’irai.Scarlethochalatêteetsourit.—Peut-êtrequ’onauradescoursensemble.Gabriellaregardaavecunsourireencoin.—Jel’espèrebien.Commeilsterminaientleurglace,unboumrésonnaauloin.Ils cessèrent demarcher et levèrent les yeuxpour voir les feuxd’artifice.L’orchestre du lycée, qui
menaitlaparade,semitàjouerunechansonvaguementpatriotiquetandisquedesétincellesexplosaientdansleciel.Ils restèrent là à regarder en silence jusqu’à ce que la chanson finisse et que le bouquet final
commence.Boum-boum-boum!Le ciel s’illumina de couleurs brillantes et de lumière. Partout, les gens semirent à s’embrasser, à
s’étreindre,àapplaudiretàrire.Etquelquepartau-dessus,desconfettiscommencèrentàtomberautourd’eux,flottantdanslescheveuxdeScarletetatterrissantsursescils.Lesyeux toujours fixés sur le ciel, elle sentit lamaindeGabriel atteindre lentement la sienne.Elle
glissasapetitemaindanslasienneetsouritintérieurement.Qu’yavait-ilenGabrielquilafaisaitsesentirsi…entière?Elledévialeregardetvitcinqétoilessuspenduesjusteau-dessusd’eux.Soudain,ellenedétestaplustouslesarbresdeGéorgie.SonregardseportasurceluideGabriel,etpendantuninstant,elleretintsonsouffle.«Bonsang,ilvam’embrasser.»Scarletnesavaitpassielleétaitnerveuse,excitéeouapeurée.Gabriel,l’inconnuquilafaisaitsesentirensécuritéetnormale,l’inconnuaveclavoixfamilière,allait
l’embrasser.Toutàcoup,Scarletn’eutplusaucunehésitation.EllevoulaitqueGabriell’embrasse.Ellelevoulaitplusquen’importequoi.Il tourna son visage pour lui faire face avec ses jolies fossettes et Scarlet leva les yeux vers lui,
l’excitationbouillonnantenelletandisqu’ellesouriait.Ilsepenchaetdéposalentementseslèvressurlessiennes.Doucesetcharnues,ellesreposaientsursabouche, luienvoyantde lachaleuretnouantsonestomac
alorsqu’ellel’embrassaitenretour.Toutenlui…,sonparfum,songoût…lamanièredontilplaçaitsesgrandesmainssurseshancheset
sesdoigtsdanssondos…,toutétaitmerveilleux.
Quelque part au loin, la musique jouait et les confettis continuaient à tomber. Un morceau atterritdélicatementsurlenezdeScarlet.Elle garda ses mains sur les épaules musclées de Gabriel et se mit sur la pointe des pieds pour
rencontrersaboucheencoreplusgoulument.Elleenvoulaitplus.Mêmelesyeuxfermés,Scarletpouvaitvoirlesfeuxd’artifice.Etilsétaientmagiques.LeFestivaldesbaisers:Lameilleure.Idée.Àjamais.
9
Lelendemainmatin,Tristanrinçaitladagueanciennerecouvertedesangtoutenessayantdecontrôlerlarageetlapeurquilebouleversaient.Tantdemagievaudou.Ildevraitréessayer.Gabriel,quisifflait«Zip-A-Dee-Doo-Dah»,entradanslacuisine.AussiagaçantsqueGabrieletsabonnehumeurcontinuellepouvaient-ilsêtre,Tristanvoulaitparfois
être comme lui. Avancer gaiement et sans souci dans la vie tout en sifflant des airs ridiculementoptimistes.LasituationdeTristannepermettaitcependantpasvraimentunbonheurcontinu.—Salut,ditGabriel.Il entra dans la cuisine et regarda le sang dilué dans l’eau tourbillonner dans l’évier. Il demanda
prudemment:—Alors…Commentças’estpassé?—Duresoirée,futtoutcequeTristandit.Trèsdurenuit.—D’accoooord.Gabriels’adossaaucomptoir.—L’as-tufait?C’estfini?—Non.Tristanterminad’essuyerladagueetcommençaànettoyerlesangdansl’évier.—Ques’est-ilpassé?—Rien.—Maisilyadusang…vraimentbeaucoupdesang…partout.Commentest-ilpossiblequeletypene
soitpasmort?Tristanneréponditpas.Ilnefitquecontinueràfrotterl’évier.Gabrielattendituninstantavantdedire:—Trèsbien,peuimporte.Faisdescachotteries.Ils’éclaircitlagorgeetretrouvasagaietéhabituelle.—J’aidécidédem’inscrireaulycéed’Avalon.Tristanlevalesyeux.—Quoi?Gabrielhochalatête.—C’estlàqueScarletvaàl’école,alorsjevaiscommencerenterminale.Tristangrimaça.
—Etfairequoiexactement?Desdevoirs?Tejoindreauclubd’échecs?Alleraubaldefind’année?Tristansecoualatête.—Cen’estpasunjeu,Gabe.—Jesaisquecen’estpasunjeu.Voilàpourquoijevaisàl’école…pourmerapprocherdeScarlet.Tristan rouladesyeux.Alorsqu’il sortiraitmanierde lourdspoignardsetdéferaitdesmalédictions,
Gabrielferaitdesinterrogationssurprisesetbavarderaitdanslescouloirs.Fantastique.—Jecroisquec’estunemauvaiseidée,ditTristan.—Ehbien,Scarletsembleenchantéeparl’idée.Gabriels’adossacontrelemurdelacuisineetsouritenregardantdebiais.—Ellemordilleencoreseslèvresquandelleestnerveuse.Tristanserralesdentsetfrottavigoureusementl’évier.IldétestaitquandGabrielétaitsiamoureux.C’étaitagaçant.Gabrielcontinua:—Noussommessortishiersoir.J’avaisoubliécombiensesyeuxsontbeaux…—Sais-tu quoi ? l’interrompitTristan en levant les yeux de l’évier. Jem’en fiche. Je ne veux rien
savoirdesesyeuxnidequoiquecesoitd’autre,compris?Gabrielhaussalessourcils.—Oh,monsieurestdemauvaisehumeur.Ilserepoussadumurettraversalapiècejusqu’aucomptoirdelacuisine.—TuneveuxriensavoirdeScarletdutout?Tristansecoualatêteetretournaàl’évier.—Non.Gabrielsemblaitconfus.—Tuneveuxriensavoir?Tutefichesdequoielleal’airousiellem’aprésentéàsafamille?Tristanenfinitavecl’évieretessayadenepaslancerladagueàproximitédanslecœurdesonfrère.—Jemefichedesavoirsiellet’aprésentéàunlutin.Jeneveuxpasl’entendre.Alors,tais-toi.—D’accord,réponditGabriel.Tristansoupira.—Luias-tudéjàditquelquechose?— Qu’est-ce que je pourrais lui avoir dit exactement ? « Devine quoi ? On s’est connus il y a
longtemps!»Gabrielsimulaunsourirenunuche.—Non,j’aidécidéd’attendrequelamalédictionsoitrompue.«Tupourraisattendrelongtemps.»Tristanramassalepoignardetentradanslesalon.
—Ilauraitétébienplusappropriépour toid’avoirdécidéçaavantd’entrerdanssaviecommeunsupertombeur.Gabrielhaussalesépaules.—Cequiestfaitestfait.—J’espèrequetusaiscequetufais,Gabe.Tujouesàunjeudangereux.Tunepeuxpasjustesortir
avecelleett’attendreàcequ’ellenesesouviennederien.Çavaarriver.Sessouvenirsvontrevenir,etquandçaarrivera,elleserafâchéequetuluiaiesmenti.Sansoublierqu’elleseracomplètementpaniquéeàl’idéedemourir.LecœurdeTristans’emballaàcettepensée.—Tuauraisdûattendrequetoutsoitrégléavantdelarencontrer.Maintenant,toutestfichu.Gabriellesuivitdanslecouloirjusqu’ausalon.—Pourquoies-tusistressé?Nousrègleronsçaettoutirabien.Tristanseretourna,sesyeuxvertscroisantlesbrunsdeGabriel.—Jeviensjustederentreravecunearmepleinedesangetaucuncorps.Leschosesnevontpasbien,
Gabe.Gabrielgrimaça.—Nesoispassisombre.Çavafonctionner.Si tonplancontinueàéchouer,alorsnousreprendrons
peut-êtrenotreplaninitial…—Non,ditTristan,quientraitdanslapiècededétentepouraccrocherladagueaumuràcôtédeleurs
nombreusesautresarmes.—Bien,peuimporte.Gabrielsetournapourquitterlapièce,maiss’arrêtasurleseuil.— Tu sais quoi ? Je suis heureuxque ton plan ne fonctionne pas. On ne devrait pas avoir à tuer
quelqu’unpoursauverScarlet,c’estmal.Etelleneseraitjamaisd’accordavecça.LavéritédanslesmotsdeGabrielpiquaTristanauvif,maisilhaussalesépaules.—Alors,jesupposequec’estunebonnechosequ’ellenesoitpasaucourant.Gabrielsecoualatêteetdisparutduseuil.Tristanclignadesyeuxàplusieursreprisesetpassaunemaindanssescheveux.Ladouleurlatentedanssapoitrineseréveillatelunrappelconstantquesoncorpsnepouvaitgérerune
silonguepériodeloindeScarlet.Leplustôtlamalédictionseraitlevée,leplustôtilpourraitêtrelibérédesasouffrance.EtleplustôtScarletseraitlibredevivre.Avecunedéterminationrenouvelée,ilsortitsontéléphonecellulaireetappelaleurami,Nate.Aprèsla
débâcledelanuitdernièreaveclepoignard,Tristanavaitdesdoutesausujetdesonplan.Nateréponditàlatroisièmesonnerie.—Quoideneuf,mec?Tristanpouvaitentendredescoupsdefeuetdelamusiqueétrangeenbruitdefond.
—Est-cequetujouesàdesjeuxvidéo?—Biensûrque je joueàdes jeuxvidéo.Sinon,commentsuis-jecenségagner lechampionnatde la
MajorLeagueGaming?Tristansecoualatête.—Écoute,jedoissavoiràquelpointtuescertainderomprelamalédiction.—Attends,j’aipresquetuéleroidémon…LavoixdeNates’estompa,remplacéepardavantagedecoupsdefeu.Tristanrouladesyeux.—Prendsça!Natesemoquadesonjeuavecunevoixdémoniaque.—Quiestleroidel’Enfermaintenant,blaireau?LavoixdeNaterepritsontonnormal.—Lamalédiction?Oh,jesuisàcentpourcentcertainquelaFontainedeJouvencevaguérirlecœur
deScarletetdéfaireainsitousleseffetsdelamalédiction.Tudoisjustelatrouver.Tristan soupira. Trouver la Fontaine de Jouvence était une idée absurde. Et complètement hors de
question.Ils’éclaircitlagorge.—Non,jeveuxdirel’autrefaçond’annulerlesort.Lafaçonmeurtrière.Àquelpointenes-tucertain
?—Holà.Nate devait avoir interrompu son jeu vidéo, parce que les coups de feu et la musique s’étaient
brusquementarrêtés.—Tunepensespashonnêtementessayerdetuer…—Si,ditTristan.Maisjedoissavoirqueçavavraimentfonctionner.Natepoussauncristrident.—Tuesfou.—Jesais.IlentenditNatesoupirer.—Tristan,écoute-moi.JesaisquetuasunfaiblepourScarletet,crois-moi,monvieux,jecomprends.
Tuneveuxpasqu’ellemeureetbla-bla-bla,maiscequetuprévoisfaireestfou.—Dis-moijustesiçavafonctionner,ditTristan.—Jenemesenspasvraimentàl’aiseaveclefaitquetu…—Est-cequeçavafonctionner,Nate?Tristanavaithausséleton.Ilattenditensilencequesonvieilamiréponde.NatedéglutittellementfortqueTristanl’entenditàtraversletéléphone.—Oui.Oui,aveclabonnearme,çavafonctionner.Tristaninspira.
10
—Bonjour,ditScarletàsatutrice,Laura,tandisqu’elleentraitdanslacuisine.Lauraétaitassiseàlatableentraindeboiresoncafédumatinetdelirelejournal.Selon Heather, Laura ressemblait à Jessica Rabbit, une femme sexy de dessin animé dont Scarlet
n’avait jamais entendu parler.Mais avec ses longs cheveux roux et ses grands yeux de biche, Laurapouvaitfacilementpasserpourunpersonnagededessinanimésensuel.Malgré son apparence de Jessica Rabbit, Laura était une femme indépendante et pragmatique. Elle
connaissait une réussite professionnelle incroyable, y compris financière à en voir la vastemaisondedeuxétagesqu’ellespartageaient.DepuisqueLauraavaitrecueilliScarlet,elleavaitessayédeluioffrirunevienormale:desvêtements,
deschaussures,delamusique,unevoiture…Iln’yavaitrienqueLauran’achèteraitpaspourScarlet.Malheureusement,toutesleschaussuresdumondenepouvaientfaireretrouverlamémoireàScarlet.Elle appréciait toutefois les efforts deLaura. Sans elle, Scarlet n’aurait pas d’esprit de famille.Et,
pourcela,ellel’aimeraittoujours.CommeScarletsedéplaçaitdanslacuisine,ellesouriaitintérieurement.Sonrendez-vousavecGabriel
l’avaitrevigorée,commes’ilavaitréveilléunepartiedesonancienmoi,quelquechosedeprofondémentancréenelle.Quelquechosed’heureux.Lesévénementsdelasoiréed’hierfaisaientencoreleureffet.Elleavaitembrasséungarçon.Elleavaitembrasséungarçonsexy.Surleslèvresettout.Etcelanelui
avaitpasparubizarreoudégoûtant.Celaluiavaitparu…presqueparfait.LesouriredeScarlets’élargit.Laurahaussaunsourcild’unairsoupçonneux.—Tut’eslevéetôt.Scarlet s’était réveillée plus tôt que d’habitude, trop excitée pour dormir profondément. Son esprit
avaitétéagitétoutelanuitparlapenséedeGabrieletdeleurbaiser.Cetteeffervescenceavaitnuiàtoutsommeilprofond,maisl’avaitmised’excellentehumeur.—Jesais,réponditScarletàLaurad’unevoixchantante.LauraexaminaScarletpar-dessussatassedecafé.—Quies-tuetqu’as-tufaitdeScarlet?—Quoi?Jenesuispasautoriséeàêtredebonnehumeurlematin?Lauraposasatasse.—Jesupposequetonrendez-vouss’estbienpasséalors?HeatheravaitparléavecgrandenthousiasmeàLauradu«grandrendez-vous»deScarletlaveille.—Trèsbien,ditScarlet.
—Oh,dis-m’enplus,ditLauraensecalantdanssachaiseavecunsourire,sonattentionentièrementfixéesurScarlet.—Ilestmerveilleux,Laura.Dans legenrebeau,douxetdrôle. Ila lescheveuxnoirsetdesyeuxà
tomberparterre.Ah!Scarletfermalesyeuxetsourit.—Et?demandaLauraensouriant.Scarletouvritlesyeux.—Queveux-tudirepar«et»?Laurarit.—Jeveuxdire :«Etquoid’autre?»Tues tropheureusepourqu’ilsoitsimplementdouxetbeau.
Qu’est-cequetunemedispas?Scarletsemorditlalèvre.—Nousnoussommesembrasséspourdevrai.Laurafitungenrederoucoulement.—Jelesavais!Etc’étaitspectaculaire?—Complètement.—Ah,jesuissijalouse!Scarletrouladesyeux.Laura n’avait pas demari ou de petit ami,mais pas parmanque d’intérêt.Les hommes la suivaient
partoutetl’invitaientàsortir.Laurasoutenaitquesaréticenceàaccepterdesrendez-vousétaitdueàtousles voyages qu’elle faisait pour son travail. Elle allait en Europe plusieurs fois par mois en voyaged’affairesetprétendaitqu’aucunerelationnesurvivraitauxvoyagesetauxlonguesheuresqu’ellepassaitàtravailler.Apparemment, quand venait le moment de choisir entre l’amour et le travail, Laura choisissait le
travail.—Alors,quelleestsonhistoire?Lauramitsoncoudesurlatableetposasonmentondanssamain.Scarletneputs’empêcherdesourire.—Iladix-septans.IlvaallerenterminaleàAvaloncetteannée.IlvientdedéménagerdeNewYork
avecsafamille.Ildétestelesserpents.Ilaimelestéléréalités.Etilsentlamenthe.Ett’ai-jementionnéqu’ilestbeau?Laurasoupira.—Ilal’airmerveilleux.Quelestsonnom?Scarletinclinalatêtesurlecôté.—Heathernetel’apasdithier?Laurasecoualatête.
—Non,elleajustedit:«CedieugrecademandéàScarletdesortiravecelle».Alors,j’aisupposéquesonnométaitZeusouApollonouquelquechosedugenre.Scarletrit.—Euhnon.Ils’appelleGabriel.GabrielArcher.Pendantunbrefinstant,ScarletpensavoirquelquechoseétincelerdanslesyeuxdeLaura.Unsouvenir,
peut-être?Uneconscience?Maisl’impressiondisparutenuninstant.LauraetGabrielseconnaissaient-ils?Scarlets’éclaircitlagorge.—Est-cequetuleconnais?—Non.Pasencore,ditLaurad’unairconvaincant.Maisavecunpeudechance,tumeleprésenteras
bientôt.Certainequ’elledevaitavoirmalinterprétécequ’elleavaitvudanslesyeuxdeLaura,Scarletdit:—Net’emballepas.Onnesortpasensemblenirien.—Eneffet,ditLauraensouriant.UnmomentpassaavantqueLauraselèvedetable.—Bon,jedoisallertravailler.Elleattrapasamalletteetenfilaunepairedechaussuresdontlestalonsétaienttropgrandsetsexypour
lecodeprofessionneld’une«femmed’affaires».Maisc’étaitLaura:laJessicaRabbitfemmed’affaires.—Passezunebonnejournée,ditLaura.—C’estcertain,luiréponditScarlet.Scarletsoupiraintérieurement,repensantàsonbaiseravecGabriel.Elleallaitassurémentpasserune
bonnejournée.
11
Unesemaineplustard,Scarletserenditàsonpremierrendez-vousofficielavecGabriel.Danslaforêt.—Oùallons-nous?demandaScarletavecunsourire.Elle se pencha sous unebranchequeGabriel avait levée pour elle. Il faisait presquenuit et le ciel
estivalrevêtaitdesteintesorangéesetroses,tandisqueScarletsuivaitGabrielplusprofondémentdanslesboisàl’extérieurdelaville.—C’estunesurprise,ditGabrielavecunsourirecachotiertoutenajustantunebretelledesonsacà
dos.Scarlet,toujourssouriante,rouladesyeux.—Est-cequelasurpriseconsisteenunerandonnéede45minutesdanslaforêtparunejournéed’été
collante?Ilrit.—Serais-tuentraindeteplaindre?—Peut-être.Çadépenddelasurprise.Etsiouiounonjevaismefairemangerparunours.Ouune
arméedemoustiques.Elleneseplaignaitpasdutout.Enfait,elleétaitexcitée.Aucungarçonnel’avaitjamaisinvitéeàunrendez-vous-surpriseauparavant.—Jeteprometsquelasurpriseserabienutilecontrelespiquresdemoustiquesquetun’aspas.Illuisouritostensiblement.Scarletn’avaitpasencoreétépiquéeparunmoustique.Nimordueparunours.Leventsoufflaitàtraverslesarbresettourbillonnaitautourd’euxalorsqu’ilsmarchaient.Lajournée
avaitétéchaude,maislesoleilcouchantavaitôtélaplusgrandepartiedelamoiteuretouvertlavoieàlabrisefraîchedelanuit.Dixminutesplustard,etuncielpourpreaprès,ilsarrivèrentàunbouquetd’arbres.Gabriels’arrêta.—Voilà,dit-ilensetournantpourlaregarderavecunsourire.Voilàtasurprise.Scarletregardalesarbresdevantelle.—Un…murdepins?—Oui.Ilsourit.—Jepensaisqu’onpourraitprendredel’avancepournossapinsdeNoël.Scarletrit.—Quoi?Ilritàsontouretsecoualatête.—Fermetesyeux.
Scarlethésita,réprimantsonsourire.—Allez…,insista-t-il.—Mais,etlesours?Gabrielhaussalessourcils.—T’es-tuenduitedemielavantqu’onparte?—Non,maisjemesuisrouléedansdel’eausucrée.—Euh.Gabrielessayad’avoirl’airsérieux.—Ehbien,c’estcequiexpliquelesmoustiques.Scarletrit.—Allez,ditGabrielenposantsamainsursesyeux.Fermelesyeux.Scarletsoupiratoutensouriantetbaissalespaupières.—Jetefaisconfiance.Ellelesentitembrassersajoue.—Tupeuxtoujoursmefaireconfiance.Toujourslesourireauxlèvres,ScarletpensaàquelpointellefaisaitconfianceàGabrieletàcombien
ellesesentaitbienaveclui.Elleneleconnaissaitquedepuispeudetemps,maisilavaitl’air…bien.Aprèsavoirentenduungenrededémarchetraînante,ScarletsentitlesbrasmusclésdeGabrielseposer
danssondosetlapousseràavancer,laguidantàtraverslemurd’arbres.Quelquesmètresplusloin,ilss’arrêtèrent.Scarletécoutatandisqu’unoiseauchantaitladernièrechansondujour.Lesfeuillesbruissaient,levent
sifflaitdoucementetquelquepartàproximité,onpercevaitledouxclapotisde…l’eau?—Voilà,ditlavoixmusicaledeGabrielderrièreelle.Ouvrelesyeux.Scarletouvritlesyeux,etseslèvressedivisèrent.Ellese trouvaitaubordd’ungrand lacentouréd’arbresmajestueux,quisebalançaientpaisiblement
dans lecielducrépuscule.Età l’horizons’érigeait l’énormepleine lunesuspenduebasdans lecieletbrillantd’unorangebrûlé.Ellerépandaittoutesadoucelueursurlasurfaceplanedulac.Lascènesemblaitirréelle.—Tuaimes?Gabrielsetenaitàcôtéd’elleàl’admirer.—C’est…àcouperlesouffle.Ducoindel’œil,ellevitGabrielsourire.—Surprise.LespremièresétoilesdelanuitcommencèrentàémergerducielpourprequandScarletdit:—Çavauttotalementlespiquresdemoustiques.Gabrielritdoucement.—Bon,maintenant,ilesttempsdedîner.
—Dîner?—Oui.Ehbien,c’estpluscommeunpique-niqueparcequetusais,onnepeutpassefairelivrerde
pizzaici.Gabrielenlevasonsacàdosetl’ouvrit.Ilensortitunegrandecouverture,dessandwichsetdel’eauen
bouteille.Ilétenditlacouverturesurlapartiesècheduborddulac,lissalesplisetfitsigneàScarlet.—Ledînerestservi.Scarletsouritlargement.Unpique-niquesouslesétoiles,lalunegéante,lebordd’unlacserein?Le.Meilleur.Rendez-vous.À.Vie.Leclairde lune illuminait la forêtautourd’euxcommeScarlet s’asseyait sur lacouverturedouceet
prenait lesandwichqueGabriel lui tendait. Il s’assitàcôtéd’elledesorteque tous lesdeuxfaisaientfaceàlamagnifiquelune.Scarletpritunebouchée.—Mmm.Beurred’arachideetconfiture.Monpréféré.Gabrielsouritetpritunebouchéedesonsandwich.Laforêtpourpreétaitpaisibleendehorsdesdouxclapotisdel’eauquiheurtaitlerivageetdesgrillons
cachés.—Alors,ditGabrielenavalantsasalive.Dis-moiquelquechosederéel.Scarletavalaaussisasalive.—Quelquechosederéel?Ilhochalatêteavecunsourireencoin.—Dis-moiquelquechosequin’estpasvide.QuelquechosedesincèreetdespécifiqueàScarlet.—Jesupposequemacouleurpréféréenesuffiraprobablementpas?Scarlethaussaunsourcild’unairtaquin.—Non.Ilfautquecesoitsignificatif.LesyeuxdeGabrielétincelèrent.—Etenplus,tacouleurpréféréeestlebleu.—Heureuxhasard.Scarletsourit.—D’accord…quelquechosedesignificatif…Devrait-elle simplement se jeter à l’eau et tout lui dire ? Lui dire toute l’histoire de « Je suis une
amnésique».Elle lui faisait confiance, se sentait en sécurité près de lui et il paraissait assez mature pour
comprendre.Probablement.Gabriellaregardaaimablement,dansl’expectative.Scarlets’éclaircitlagorge.Ilallaitsoits’asseoiretécoutersonhistoire,soits’enfuirenhurlant.
« Oh, bon sang, j’espère qu’il ne s’enfuira pas. Surtout parce que j’ignore complètement commentquittercesboisetqu’ilfaitmaintenantnuitetquejevaisàcoupsûrmefairedévorerparunloupsijeresteseuleici.»—Amnésie?demanda-t-iltoujourssuruntonamical.Scarletopina.—Oui.Jenemerappellederienavantilyadeuxans.—Etcommentçasepasse?Scarletréfléchit.—Mieux.Audébut,c’étaitvraimentdéroutanteteffrayant.Maismaintenant…ehbien,maintenant,j’ai
commeacceptéquejepuissenejamaisretrouverlamémoire.Unecompassionsincèretraversasonvisage.—Çasemble…injuste.Scarletopinadenouveau,puishaussalesépaules.—Peut-être,maisçavamaintenant.Audébut,j’étaiseffrayée.Puisj’étaisencolère.Etensuite, j’ai
étésimplementcurieuse.Jevoulaismesouvenirdequij’étais,tusais?Ils’arrêtademangeretlaregardaintensément,cherchantàcroisersonregard.Ils’éclaircitlagorge.—Quies-tumaintenant?Scarletmâchaetavalauneautrebouchée.—Queveux-tudire?Gabrielfitlamoue.—Quituétaisn’estjamaisaussiimportantquequitues.Alors…,quies-tu?demanda-t-ilensouriant.Scarletsemorditlalèvre,pensive.—Jesuis…ScarletJacobs.J’aidebonnesnotesetjemefondsdanslafoule.J’aiunemeilleureamie
unpeufollequimefaitrireetnemelaisse—jamais—bouder.J’aiunephobiedesours.Scarletluisourit.—…etaucunsensdelamode.Maisjesuisétonnammentbonnepourfaireducafé.Scarlets’arrêtaetregardalalune.—Parfois,jenemesenspasàmaplacequandd’autresjeunesparlentdeleurenfance,maisjenesuis
pasamère.Jesuisjuste…différente.J’aiquandmêmedelachanceparcequej’aiLaura,quim’aime,etuntasdegensviventtouteleurviesansêtreaimés,tusais?ElleregardaGabrieldontlesyeuxhumideslaregardaient.Ilopina.—Tuestrèsaimée,enfait.Unsouriretraversalentementsonvisage,exposantsesfossettes.—Jet’aimebien,ScarletJacobs,justecommetues.Lavien’estpaslepassé,c’estl’avenir.Lavie,
c’estregarderenavant.Notrepassé,dit-ilenhaussant lesépaules,n’estqueça : terminé.Lepassénenousdéfinitpas,tusais?
Scarletopina,lesyeuxrivéssurlessiens.—Tavieseramerveilleuse,continua-t-il.Avecousanstessouvenirs,tavieseraincroyable.EtcefutexactementlàqueGabrielArchergagnasoncœur.Scarletplissalesyeuxdevantlebeaugarçonàcôtéd’elle.—Mercidenepasavoirpaniqué.—Àquelsujet?—Monamnésie.J’aicruquetut’enfuiraisencriantunefoisquejet’enauraisparlé.—Qui,moi?Gabrielsecoualatêteavecunsouriretaquin.—Jamais.Etenplus,sijem’enfuis,quiteprotègeraitdesours?Scarletessayadenepassouriretandisqu’elleluidonnaituncoupdecoude.—Tais-toi!Gabriel se rapprocha et mit sa main dans la sienne tandis qu’ils regardaient tous deux la lune en
mangeantleurssandwichs.Desluciolesallumaientlanuitcommedesétoilesscintillantesetdel’eaudoucepercutaitlerivage.Scarletnesesouvenaitpasdenes’êtrejamaissentiesiheureuse.Soudain,sonpasséétaitdel’histoireancienne.Etsonavenirs’annonçaitprometteur.
12
Troissoirsplustard,Scarletavaitunsommeilagité,auxprisesavecunrêve.Gabrieletelleétaientdansunchampetillafaisaitdoucementtournerenchantant…fortetfaux.Scarletsetordaitderireetexigeaitqu’illarelâche.—Non.Pasavantquetuacceptesdedanseravecmoietdechanteràtue-tête.Etilseremitàchanter.Ellepouvaitàpeineparlertantelleriait.—Jenepeuxpaschanter.Jechantecommeuncanard.—Uncanard?Illafitdenouveautourner.—Lescanardsnechantentpas.Ilscancanent.Alorsqu’elleriaittoujours,Scarletdit:—Exactement.—Trèsbien.Gabriel la prit dans ses brasmusclés et commença à valser en feignant d’être sérieux.—Nous
allonscancaneralors.Ilentrepritdelafairetourner,seslongscheveuxvolantdansleventcommeilcancanait.—Coin,coin.Coin,coin.L’imitationducanarddeGabrielétaitexcellente.Scarletriaitsifortquesonventreetsesjouescommençaientàluifairemal.—Arrêtedecancaner.—Pasavantquetudansesavecmoi.—D’accord,d’accord.Scarletcontrôlasonrireuninstant.—Iltesuffitdemedéposer.Gabriellaregardadeprès,appuyantsonnezsurlesientandisqu’ilparlait.—Sijetedépose,danseras-tuavecmoi?Scarletsourit.—Seulementsituarrêtesdecancaner.Ilsouritlargement.—Trèsbien.Illaremitsursespiedsetlaregardaattentivement.Scarletéclataderireetsemitàcourir.—Maisd’abord,tudoism’attraper…
Et elle courut, riant jusqu’àcequedes larmes coulent sur ses joues,avecGabriel justederrièreelle.Quicancanait.Scarletseréveillaensursaut.Quediable…?Toutsourire,ellesecoualatête.Lerêveavaitsemblésiréel.Commes’ilavaitvraimenteulieu.Elleritintérieurementtoutensetournantsurlecôté.Gabrielquicancane?Quelrêveidiot!Ellesecouadenouveaulatêteetreplongeadanslesommeil,levisagetoujourssouriant.
13
Lerestedel’étépassavitepourScarlet.ElleconsacralaplupartdesesjournéessoitàHeather,soitàGabriel— parfois les deux—, à nager, à aller au cinéma et à savourer autant de soleil estival quepossible.Gabrieletelleavaienteuplusieursrendez-vousets’entendaientparfaitement. Ils riaient,discutaient,
s’amusaient.C’étaitmagnifique.HeatheravaitencoredesréservessurGabriel,maisScarletn’étaitpasinquiète.Biensûr,quelquechoseaufondd’ellelatourmentaitàsonsujet.Maisautrechoseaufondd’elleluidisaitqueGabrielétaitdignedeconfiance.Quelquechoseluidisaitquec’étaitquelqu’undebien.Ellechoisitd’écouterlecôtépro-Gabrielenelleetdesnoberlecôtésuspicieux.ParcequeScarletetGabrielsecomplétaient.Ilsétaientassortiscommedesmorceauxdecasse-tête,commes’ilsétaientfaitsl’unpourl’autre.Gabriel était incroyable. Dans toutes les conversations qu’ils avaient eues, c’était comme s’il la
connaissait.Toutcequiconcernaitleurrelationétaitfacileetsanstracas,etScarletn’imaginaitpasungarçonplus
parfaitpourelle.Toutefois,l’ététiraitàsafin,etScarletdevaitdireaurevoirauxaprès-midid’étéàparesseretbonjour
àunnouveaumondededevoirs.L’écolecommença,etScarletsentitquesaviesemettaitenplace:ellecommençaitenfinàassumer
uneidentitépropre.Pluscelled’unefilleamnésique.Pluscelled’unefillemystérieuse.Elle étaitdevenueScarlet Jacobs : une lycéennenormale avecunemeilleure amieexcentriqueetun
petitamisexy.Unpetitamisexyquetoutel’écolesemblaitadorer.DirequeGabrielfitsensationdèslapremièrejournéed’écoleétaituneuphémisme.Partoutoùilallait,
lesfilleslesuivaientdesyeux,sinonphysiquement.Même pendant les premières semaines du semestre, elles avaient continué à le lorgner, à faire des
messesbassessurluietàbattredescilssansvergogneenleregardant.Scarletn’étaitpasjalouse,maisellen’étaitpasnonplustrèsheureuseduclubd’admiratricesdeson
petitami.Surtoutparcequ’elleétaitpresquecertainequ’ilyavaitunclub«JedétesteScarletJacobs»quise
retrouvaitaprèsl’écolepourplanifiersecrètementsadisparitionafindepouvoirsedisputerl’affectiondesonpetitami.Petitami.
LemotfaisaitsourireScarlet.ElleétaitfolledeGabriel.Nonseulementparcequesesyeuxlafaisaientfondreetqu’ilsentaitbon,maisparcequ’ellepouvait
êtreelle-mêmeaveclui.Illafaisaitsesentirparfaitejustecommeelleétait,avecsamémoiredétraquéeettout.Scarletentradans lehallaprès ledeuxièmecoursetespionnaGabrielquiétaitadosséàsoncasier,
affichantunsourireàbriserlescœursetàvolerlesâmes.—Bonjour.Elleluisouritaussi.—Bonjour.Elles’approchaetsemitsurlapointedespiedspourl’embrassersurlajoue.—Bonjour,beauté,dit-ilenserepoussantducasier.IlbaissalesyeuxversleschaussuresdeScarletetlesexamina.Ilrestaainsilongtemps.—Tufixesencoremeschaussures,letaquinaScarlet.Gabriellevalesyeuxverselle.—Pardon.C’estjuste…intéressant.Tunetesouviensvraimentpasoùtuasvucesymbole?Scarlethaussalesépaules.—Non.C’estjustecomme…venuàmoi.—Mmh,ditGabriel.Ilsemblaperdudanssespenséesunmomentavantdelaregarderavecunsourireaffectueux.—Quoi?Ilinclinalatêteuninstant,toujourssouriant.—Sais-tuquetutemordslalèvrequandtuesnerveuse?C’estadorable.J’adoreça.Scarletarrêtadesemordrelalèvreetsourit.Gabrielcontinua:—Tusaiscequej’aimed’autre?Tonsourire.Ettonjoliminois.Ettoutdetoi.Soncœurfondaitmaintenant.Scarletappuyaseslèvresl’unecontrel’autreetessayadenepasrougir.Elleétaitlafillelapluschanceuseaumonde.ElleregardaGabriel,gênée.—Ehbien,moi,j’aimetesfossettes.Etlesondetavoix.Unevoixquichantaitencoreens’adressantàsonâmeetquiapaisaitsessouvenirsperdus.—Tumefaismesentir…précieuse.—Tuesprécieuse.Illaregardaavecsérieuxetsepenchapourl’embrasser…
—Pouah!Jevaisvomir!ditHeatherenlesséparantcommeelleseplaçaitentreeuxpourserendreàson casier. Vous êtes dégoûtants tous les deux. Ne vousméprenez pas, c’est tout à fait mignon, maispourriez-vousbaisserd’uncran?Ceuxd’entrenousquinesontpasamoureuxsontentraindevomirdanslescouloirs.Scarletregardasameilleureamie.—Etbonjouràtoi,aussi.Heather,vêtued’unhautvertflatteuretportantdelonguesbouclesd’oreille,refermaviolemmentson
casier.—Iln’yariende«bon»aujourd’hui.Heather avait été un peu grognon au cours des dernières semaines. Elle et un garçon nommé Ryan
avaientvécuuneaventured’étéqui s’était terminéedans les larmes, les juronsetunechaussurechèrejetéeparlafenêtredelavoituredeRyantandisqu’ilsroulaientensemblesurl’autoroute.Apparemment,sionfâcheHeatherenvoiture,elleenlèvesachaussureetvouslajetteauvisage.Mais
dommagepourelle:ellevisaitmaletlafenêtredelavoituredeRyanétaitouvertequandelleluiavaitbalancésontalonhaut.LachaussuredeHeatheravaitétévictimedelacirculation.Voilàpourquoionnedevraitjamaislancer
dechaussuressurquelqu’unquandlevéhiculeestenmarche.Scarletgrimaça.—Est-cequeçava?Heathersoupira,regardaScarletetdit:—Ouais,c’estjustequejesuisvraimenttriste.Àcausedemachaussure.EllefitlamouetandisqueScarlethochaitlatête,feignantdecompatir.HeatherregardaScarletdehautenbaspourlapremièrefoiscejour-là.—Lachemisebrune,Scarlet…Ouah!Jesaisquetut’esdéjàemparéedelachoselaplusdélicieuseà
avoirjamaisfoulécetteterre,ditHeatherenadressantunsourireàGabriel,maistudoisencoreessayerdetesoucierdetonapparence.Pasdebrun.Jerépète:pasdebrun.Lebrunfaitpenseràlamortsurtoi.Scarletsouritlégèrement.—Oh!Jemesenssijoliemaintenant.LetéléphonedeHeathervibra.—Oh!Jedoisyaller.C’estRyan.Elledisparutentournantlecoin.ScarletetGabrielseretournèrentl’unversl’autre.— Alors, commença Scarlet, je pensais que tu pourrais peut-être venir après l’école demain et
regarderunemauvaisetéléréalitéavecmoi.Ilsourit.—Çam’al’airparfait.
—Bien.Etavecunpeudechance,Lauraseralàcettefois.Commeça,tupourraslarencontrer.Elleaététrèsoccupéeàvoyagerpoursontravailcesdernierstemps.— C’est sûr ! On se voit au déjeuner, dit-il avant de l’embrasser sur la joue et de disparaître en
tournantlecoin.Scarletsoupiraquandelleentrapoursontroisièmecours.Sonpetitamiétaitmerveilleux.Audéjeuner,HeatheretScarletdiscutèrentpendantqueGabrielfaisaitlaqueueàlacafétéria.Heatherpritunegorgéedeyoghourt.—AngieWoodsm’aditqu’elleavaitvuGabrielhierdanslanuitentraindeparleràuntypeloucheau
parcFreemont.Scarlethaussaunsourcil.—Vraiment?Ilétaitauparc?Lanuit?Heatheropina.—Ondiraitlecomportementdequelqu’unquiaquelquechoseàcacher,n’est-cepas?Quelqu’undans
lapègrepeut-être?ElleimploraScarletduregard.CommesiScarletallaitembarquerdansletrainfoude«Gabrielestuntruand»parcequ’AngieWoods
avaitditqu’ellel’avaitvuquelquepart.—Non,c’estjuste…étrange,c’esttout,ditScarlet.Angieest-ellesûrequec’étaitlui?—Oui.ElleaditqueletypeloucheetluidiscutaientdequelquechoseavantqueGabrielparte.Scarletplissalefront.—C’estbizarre.—Jesupposequeçaaquelquechoseàvoiravecla«vague»entreprisefamilialedeGabriel.Sinon
pourquoirencontrerait-iluntypeauparcaumilieudelanuit?—Heather,soupiraScarlet,pourrais-tulelaissertranquille?Jesuiscertainequ’ilyauneexcellente
explicationpourlanuitdernière.Comme…Scarletnepouvaitpenseràrien,maiselleétaitcertainequeGabrielavaitunebonneraisondes’être
trouvéauparc.Presquecertaine.—Demandons-lui,veux-tu?HeatherhaussaunsourciltandisqueGabrielquittaitlaqueueàlacafétériaets’asseyaitàleurtable.ScarletsouritàGabriel.—Hé,es-tu…— Alors, Gabriel, l’interrompit Heather en lançant un regard « Laisse-moi m’occuper de ça » à
Scarlet.Qu’as-tufaitlanuitdernière?—J’aisecourudesbébéschats,sauvélemonde…Laroutine.
Heatherfeignitderire.—Tueshilarant.Maisenvrai,ajouta-t-elleensepenchantverslui,qu’as-tufait?Gabrielmâchaetavalaunebouchéedesonsandwichpendantqu’ilréfléchissait.—Jesuisrentréchezmoiaprèsl’école.J’aicherchélatélécommandependantuneheure.J’airegardé
latélé.J’aimangéunepizzapourledîner.Jemesuislavélesdents…—Es-tualléauparc?demandaimpatiemmentHeather.Gabrielsouritdevantsacuriosité.—Non.Toi,es-tualléeauparc?ScarlettouchalebrasdeGabriel.—Tun’espasalléauparcFreemontlanuitdernière?«S’ilteplaît,nemenspas.S’ilteplaît,nemenspas.»Gabrielsecoualatêteetprituneautrebouchée.—Non.Pourquoi?ScarletetHeatheréchangèrentunregard.—Pourrien,ditHeatherensouriantjoyeusement.Simplecuriosité.ElleretournaàsonyoghourtsansregarderScarlet.Gabrielneluimentiraitpas…Si?AngieWoodsdevaitavoirvuquelqu’und’autre.Oupeut-êtrequ’ellementait.Oui,c’étaitprobablementça.Angiementait.LapetiteclochesonnadenouveaudanslatêtedeScarletalorsqu’elleexaminaitsonpetitami.Même
s’ilsavaientpassébeaucoupdetempsensemblecesderniersmois,elleneleconnaissaitpasaussibienqu’ellelevoudrait.Maisquandmême.Gabrieln’avaitrienàcacher.Pasvrai?
14
Tristantintfermementsonarc,letenditetlançauneautreflèche.Laflècheeutàpeineletempsdevoleravantqu’ilreprenneposition,tendesonarcdenouveauetenlanceunedeuxième.Lesdeuxfirentmouche,àseulementquelquescentimètresl’unedel’autre.Flècheaprèsflèche,Tristantirasurlacibleencartonqu’ilavaitclouéesurungrandarbreauloin.Ilétaitfurieux.Ilétaitfrustré.Etilétaitcomplètementpaniqué.Riennefonctionnait.Aucoursdesdernièressemaines,ilavaitessayédemultiplesarmesettactiques.
Maistoujoursrien.Scarletallaitmourir.Àcausedelui.Zoum.Danslemile.Naten’avaitencoretrouvéaucunearme,alorsenattendant,Tristanessayaittoutcequiétaitimaginable.Sanssuccès.Zoum.Danslemile.Gabrielsortitduchaletetseplaçaensilenceàcôtédelui.Zoum.Zoum.Deuxfoisdanslemile.Tristanrefusaderegardersonfrère.Ilnevoulaitpasenparler…delamalédiction,del’avenir.Mais,apparemment,Gabrielsi.—Alors,toujourspasdechance?Commesilachanceavaitquelquechoseàvoirlà-dedans.Tristanneréponditpas.Ilalignauneautreflèchecontresonarcettira.Zoum.Danslemile.Gabrielserralespoings.—Jecroisqu’ondevraitreveniràlacasedépart,Tristan.Tristanlaissauneautreflèchevoleravantderépondre.—Lacasedépart?Tuveuxdire trouver laFontainedeJouvence?La fontainequenouscherchons
depuisdesannées?Lafontainequenousnepouvonspastrouver?Biensûr,mettons-nouslà-dessustoutdesuite.Gabrielhaussaunsourcil.—Préfères-tulalaissermourir?
Zoum.Danslemile.LecœurdeTristans’emballa.Ilnevoulaitpasparlerdecela.—Écoute…GabrielavançaversTristan.—Étant donné que ton plan demeurtre ne fonctionne pas comme prévu, nous devons repenser nos
options.Alors,quedis-tudeça?Iljoignitsesmains.—JevaisrestericiavecScarlet,ettupeuxretournerenFlorideàlarecherchedelafontaine.Encore
unefois.Tristanpritunegrandeinspirationetlevasonarc.Iltirauneautreflèche.—Jenepeuxpaspartir.Illaissalaflèchevoler.Gabriels’appuyasursonautrejambe.—Cen’estcommesitudevaisallerloin.C’estseulementàquelquescentainesdekilomètresd’ici.Réalisant qu’il était à court de flèches, Tristan abaissa son arc et s’éloigna pour récupérer celles
plantéesdanssaciblelaplusproche.—Non,Gabriel.Gabriellesuivit,ramassantunbâtonenchemin.—Pourquoipas?Tristancontinuaàregarderenavant.—ParcequeA:nousavonsdéjàessayédetrouverlafontaineetqu’ellenesemblepasexister.EtB:
c’estpirecettefois.Jenepeuxpaspartir.Gabriel arrêta de marcher alors que Tristan approchait des flèches. Après les avoir récupérées, il
revintàl’endroitoùsetenaitGabriel.—Qu’est-cequiestpire?Ladouleur?demandaGabrielenhaussantunsourcil.Tristanhochalatêtesansregardersonfrère.—Jeneseraipascapabledepartir.Jepeuxàpeineresterauchalet.Sonafflictionprogressaitsanspitié.Quand il était arrivé à Avalon au début, la douleur avait assez disparu pour qu’il puisse respirer
facilement. Il pouvait dormir assez profondément et il pouvait vivre au chalet, à une quinzaine dekilomètresdeScarlet,avecunminimumd’inconfort.Maismaintenant…Maintenantilnepouvaitpasbougersanssouffrir.C’étaitcommesil’âmedeScarletquileréclamaitsavaitqu’ilétaitàproximitéetqu’elleessayaitde
l’attirerplusprèsàchaqueinstant.
Lasouffrance legardaitéveillé lanuit.Tantetsibienqu’ilavaitenvisagédeconduire jusqu’àchezelle,desegarerdanssarueetdedormirdanssavoiture.Justepourquesonâmepuisseavoirunpeudepaixetpeut-êtremêmeréussiràdormirunpeu.Jouraprèsjour,lecœurdeScarlethurlaitsonbesoindelui.Maisilnepouvaitpascéder,peuimportecombienl’appelétaitviolent.Gabrielhochalatêteetplissalefront.—D’accord,alors.Nousmèneronsdesrecherches,etsinouslatrouvons,j’irai.JevaisdireàScarlet
quejeparsenvacancesenfamilleouquelquechosedugenre.Tristansoupira,baignédefrustrationetd’impuissance.—Est-cequ’elles’estsouvenuedequelquechose?Gabrielfitlamoue,unenoirceurtraversantsonregard.—Quoi?Gabrielleregardaavecsuspicion.—Elles’estsouvenuedececi.Gabrieldessinaunsignefamilierdanslaterreaveclelongbâtonqu’iltenait.—Elleendessinepartoutsurseschaussures.C’estincomplet,maisassezressemblant.GabrielregardadenouveauTristan,avecdeladuretédanssavoix.—N’est-cepas…intéressant?LesyeuxvertsdeTristantombèrentsurledessinetsoncœurseserra.IlcomprenaitpourquoiGabriel
étaitbouleversé.Maisilgardaunairinexpressif.Cen’étaitpaslemomentdeluiexpliquerpourquoicesymboleétaitassezsignificatifpourqueScarlet
s’ensouvienne.Tristanfitdesonmieuxpourselajouerdésinvolte.—Etalors?Gabrielleregardadurement.—Tunecroispasqu’ilestétrangequelapremièreetseulechosedontellesesouviennesoitceci?Gabrielindiqualedessindanslasaleté.Tristann’avaitpasbesoinderépondreàGabriel.Pasmaintenant.Peut-êtrejamais.Cequ’ilavaitbesoindefaire,c’étaitderomprelamalédiction.Dèsquepossible.Tristanhaussalesépaules.—Jecroisquenousdevonsnousconcentrersurlafaçondedétruirelamalédiction.GabrielregardaTristanpendantplusieurslonguessecondes.—Exact.
—Alors,tupeuxrecommenceràchercherlafontainesituveux.Maisjevaisquandmêmepoursuivremonplan.Gabrielgardalesyeuxplissésencoreunmomentavantdefinirparhocherlatête.— Très bien alors. Je vais commencer par communiquer avec nos anciennes relations et voir si
quelqu’unadenouvellesinformationssurlafontaine.EncommençantparNate.Tristanhochalatête.Avecunpeude chance,Natenedonnerait pas lesdétailsduplandeTristan àGabriel.Ladernière
chosedontTristanavaitbesoin,c’étaitqueGabriels’enmêle.Gabrielsetournapourrepartirauchalet.AvantqueGabrielnepuisseplusl’entendre,Tristandemanda:—Commentsontsesyeux?IlrepartitverssonpostedetirsansadresserunregardàGabriel.Gabrielseretournaetfitjouerlebâtondanssamain.—Bleus.Tristanbaissasonarc,regardaGabrieletattendit.Gabrielrouladesyeux.—Bleusnormaux,clarifia-t-il.—Elleestencoreenbonnesanté.Tristandéglutit.Pourl’instant.Bientôt, cependant, la couleurdesyeuxdeScarlet allait s’intensifier, signalde la finde savie.Ses
yeuxdeviendraientd’unbleuélectriqueettoutespoirseraitperdu.Sespaumescommencèrentàsuer.—Nousdevonsencorenousdépêcher.Gabrielopinaetretournadanslechalet.Tristanseconcentrasurlegrandarbreaulointoutenalignantuneautreflèche.Cesoir,ilauraituneautrechance.Uneautrepossibilitédetuer.Cesoir,ilnepourraitpaséchouer.Zoum.Danslemile.Letempsétaitcompté.
15
Aucune observation suspecte par rapport àGabriel ne fut rapportée pendant deux semaines et Scarletcommençaàpenserquesesdoutesàproposde luiétaient ridicules.Mais sescraintes refirent surfacequandHeathers’écroulasurunsiègeàcôtéd’elleavantledeuxièmecoursetdit:—Gabriels’apprêteàfairequelquechosedelouche.Scarletlevalesyeux.—Tunevaspasrecommencer,Heather.—Si,jesuissérieuse.Net’a-t-ilpasdithierqu’ilnepouvaitpassortirparcequ’ildevaittravailler
sursonexamend’anglais?—Ouais.—Ehbien,jel’aivu.Justeaprèsl’école.Danslequartierdesentrepôts.Lequartierdesentrepôtsétaitconsidérécommeleghettod’Avalon.MaisAvalonavaitunepopulation
deseulementdixmillehabitants,alors«ghetto»étaituntermeplutôtexagéré.Danstouslescas,ilétaitétrangepourquiconque,enparticulierunlycéend’Avalon,desetrouverdanslequartierdesentrepôts.—Ettoi,quefaisais-tudanslequartierdesentrepôts?demandaScarletendéposantsoncrayon.—Jemefaisaisfaire lesongles,biensûr,ditHeather,commesiScarletétaitcenséesavoirqueson
amieallaitdanslesbidonvillespoursespédicures.Maisjel’aivu,Scarlet.Etilnetravaillaitassurémentpassursonexamend’anglais.—Quefaisait-il?Heathersepenchaenavant.—Ilparlaitàuntypebizarredansunbâtimentabandonné.Elleclignadesyeux.—Unbâtimentabandonné.Quibavardedanslequartierdesentrepôts?—Quisefaitfairelesonglesdanslequartierdesentrepôts?répliquaScarlet.—Tunemeprendspasausérieux,Scarlet.Gabrielcachequelquechose.Scarlet se tut,pensantaux raisonspossiblespour lesquellesGabriel rencontreraitquelqu’undansun
ancienentrepôt.Ellen’entrouvaaucune.—Ildoityavoiruneraisonpourlaquelle…—Ilestlouche,l’interrompitHeather.Jeteledis,Gabriels’apprêteàfairequelquechose.Ilvendde
ladrogueoudesorganessurlemarchénoirouquelquechosedugenre.Ilestmalintentionné.LecœurdeScarlets’emballa.Gabrielnepouvaitpasêtremalintentionné.Iln’avaitpasl’airmalintentionné.Si?
Scarletfronçalessourcils,laconfusions’infiltrantdanssapoitrine.—Non.Ellesecoualentementlatête.—Sinon,pourquoiaurait-ilmentietditqu’iltravaillaitpoursonexamen?Etpourquoirôderait-ildans
unentrepôtsinistre?Heatheragitasesonglesfraîchementmanucuréssurlebureau.Scarletsecouadenouveaulatête.—Çan’asimplementpasl’airpossible…—Bonjour,mesdemoiselles,ditGabrielenentrantdanslaclasse.Salut,beauté.IlsepenchaetembrassalajouedeScarletavantdeprendrelesiègelibreàcôtéd’elle.ScarletvoulaitdirequelquechoseàGabriel.Ellevoulaitluiposerunmilliondequestions.Maisellen’étaitpassûredevouloirentendrelesréponses.—Salut,Gabriel,ditHeather, lentement.N’étais-tupas,parhasard…dans lequartierdesentrepôts
aprèsl’écolehier?Scarletdévia le regardversHeatherdans l’espoirdemettreun termeà l’enquêtede sonamie.Elle
n’étaitpasprêteàentendrelaréponsedeGabriel.Ellen’étaitpasprêteàcequ’illuimente.Gabrieldéglutitetattendituncourtinstant.—Non.Ilsecoualatête.—J’avaismonanglaisàréviser.—Ah.Heatherhaussalesépaules.Laclochesonna,signalantledébutducours,etScarletsetournaversGabrielpourleregarder.Ilavaitlesyeuxrivéssursoncahiertandisqu’ill’ouvraitàunenouvellepage.Pourquoimentirait-il?
16
Plusieurssemainespassèrent,etScarletneparvenaitplusàs’ôterdelatêtesonsentimentdeméfiance.Peu importecequ’elle faisait,peu importecombienGabrielétaitmerveilleux, ilyavait toujoursun
sentimentdesuspicionquiluirongeaitlesentrailles.AssiseenfacedeHeatherdanslabibliothèquedel’écoleàpenseràcombienelleensavaitvraiment
peusurGabriel,Scarletgriffonnaitdanssoncahier.Ellerépétalesymbolefamilieràplusieursreprises.Griffonnerl’aidaitàpenser.—JenesaispasoùvitGabriel.Scarletarrêtadedessineretattenditquesameilleureamieréponde.Heathernelevapaslesyeuxdumagazinequ’ellefeuilletait.—Ouais,c’estbizarre.Scarletsemorditlalèvreinférieure.—Etjen’airencontréaucundesmembresdesafamille.—Ah,non?Ellepoussaunprofondsoupir,succombantàcequesoninstinctluidisait.—Gabrielmecachequelquechose,n’est-cepas?Heatherlevalesyeux.—C’estcequej’aiessayédetedire.GabrielArcherestundélicieuxgarçonsexy,mystérieux.Etpeut-
êtreuntruand.Scarletpenchasatêteenarrière.— Je ne veux pas d’un garçonmystérieux.Ni d’un truand. Je veux un petit ami lycéen normal qui
m’invitechezluipourvoirsesanimauxdecompagnieetregardersacollectiondecartesdebaseball.—Descartesdebaseball?Vraiment?Gabrieladix-septans,pasdouze.Etpuis,est-cequelesgens
achètentencoredescartesdebaseball?Heatherretournaàsonmagazine.—Tusaisceque jepense?Jepensequ’il t’endoitune.Jeveuxdire, tu luiasditàproposde ton
amnésie,n’est-cepas?—Ouais.—Ehbien,c’estsuperpersonnel.C’estcommeleplusgrandsecretquetuas.Ettul’aspartagéavec
lui.Jepensequelemoinsqu’ilpuissefaire,c’estdeseconfieràtoiausujetde…oh,jenesaispas…sonadresse.Scarletneregrettaitpasd’avoirparlédesonamnésieàGabrielparcequec’étaitcequelespetitsamis
etlespetitesamiesfaisaient.Ilsseconfiaientl’unàl’autre.MaisellesouhaitaitqueGabrielluifasseautantconfiancequ’elleluifaisaitconfiance.—Tuasraison,Heather.
—Oui,jesais.Heathers’emparad’unnouveaumagazineetregardaScarlet.—Aufait…—Cesbouclesd’oreillesnevontpasaveccehaut.Scarletposaundoigtsursesbouclesd’oreille.—Tusaiscequejedoisfaire?—Acheterdenouvellesbouclesd’oreille?—Jedoism’intégrerpleinementdanslaviedeGabriel.JedoisapprendreàconnaîtrelevraiGabriel
Archer.—Tudoisacheterdenouvellesbouclesd’oreille,ditHeather.ScarletignoraHeatheretcontinua:—Plusd’excuses.Letempsestvenu.Aujourd’hui,jevaischezGabrielaprèsl’école.—Bravo!Maintenant,parlonsdeteschaussures.Heatherposasonmagazine.—Ellescraignent.
17
Gabrielavaitoubliécombienildétestaitl’école.Lesdevoirs,l’éducationphysique,lanourrituredecafétéria…Dansquois’était-ilembarqué?L’écoleavaitétéunetrèsmauvaiseidée.Ilattrapasondéjeuner,retintunsoupirdedésespoiretsedirigeaversl’endroitoùScarletetHeather
étaientassises.—Salut!Scarlet lui souritavecses lèvresparfaites,quidonnaientenvied’êtreembrassées,et sesyeuxbleus
lumineux.Illesétudiauninstant.Étaient-ilsplusbleusqu’hier?C’étaitdifficileàdire.Unaccèsd’inquiétudes’abattitsurluiet,toutàcoup,ilfutsubmergéparledésirdelaprotéger.—Salut,beauté,dit-il.—Justement,jemedisais…Scarletsepenchaenavant.—Etsij’allaischeztoiaprèsl’écoleaujourd’hui?Ellesourit.—Onpourrait«étudier»danstachambrecettefois.Ehbien,celaneseproduiraitcertainementpas.Tristanletuerait.Scarletbattitdescils.—S’ilteplaît…Etmerde!Ilallaitpasserpouruncrétin.—J’aimeraisbeaucoup,maisaujourd’hui,c’estimpossible.«Pourquoiimpossible?Trouvequelquechosedevalable.Allez,allez…»—Vraiment?LesgrandsyeuxdeScarletsemblaientblessés.—Malheureusement,aujourd’hui…«Quesuis-jeentraindedire?Allez,réfléchis…»—Onestentraindedésinfectermamaison.«Ouah!superexcuse!»Heathertoussa.Scarlethaussalessourcils.—Désinfecter?Ilétaitobligédecontinuermaintenant.—Oui,tusais,nousavonsbeaucoupdecesgros…insectesdeGéorgie.Quediabledisait-il?
Scarlethochalentementlatête.—Ah.—Peut-êtrelasemaineprochaine,dit-ilenmettantautantdecharmequepossibledanslesourirequ’il
luiadressa.Scarletfitlamoueetopina.—Oui.Biensûr.Lasemaineprochaine.GabrieldévialeregardetsurpritHeather,quilefoudroyaitdesyeuxtoutenhaussantunsourcil.«Jesais.Jesais.»Grillé.
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Scarletdécidadenepastraîneraprèsl’école.Gabrielauraitvouluregarderunfilmou«étudier»avecelle—chezelle,biensûr—,maisScarletn’étaitpasd’humeur.Désinfecter?Ellevoulait lecroire,mais lemensongeétait simauvaisqu’elleavaitpresquehontede lui.Que lui
cachait-il?Qu’est-cequipourraitêtresiterriblechezluipourqu’ilneveuillepasqu’elleyaille?Pensive,Scarletserenditaucentre-ville.Lecentre-villed’Avalonétaitconstituépourl’essentieldela
placeduvillage,duMillhouseetdelabibliothèquemunicipale.HeathertravaillaitauMillhouseaprèsl’école,alorsleplandeScarletconsistaitàallerychercherun
caféavantdeserendreàlabibliothèquepourétudier.Levraigenred’études.Ceciprouvaitcombienelleétaitdéprimée;ellevoulaitvraimentétudier.LepetitamideScarletétaitunmenteur.Grrr…Ellealla segarerdans le stationnementduMillhouseenattendantqueHeatherarrive.Lavoiturede
Heathern’étaitvisiblenullepartparcequ’elleétaitenretardautravail.Biensûr.Scarlettapotasursonvolantetécoutalaradiopendantqu’elleregardaitlesgenssepromenerenville.Ellesentitqu’elleallaits’apitoyersursonsortetsepermitdes’abandonneruneminute.«Regardetouscesgens.Heureux,contents.Aucund’entreeuxnesouffred’amnésie.Aucund’entreeux
n’adeproblèmesd’identité.Aucund’entreeuxn’adepetitamimenteur.»PauvreScarlet.Perdue,abandonnée,trahieparsonpetitami.Sicen’avaitpasétésipathétique,Scarletauraitpleuré.Peut-être.Scarletn’étaitpasvraimentunepleureuse,maisellepouvaits’imaginerpleurerparcequeGabriellui
mentait.Peut-être.Assisedanslavoiture,elleessayadefaireapparaîtrequelqueslarmes.Riennevint.Ellesoupira,regardadel’autrecôtédelarueetsefigea.C’étaitGabrielquisortaitdelabibliothèque,
aussisexyquejamais.Soncœursemitàbattreparà-coupsQu’avait-ilétéfaireàlabibliothèque?Avait-ilétudié?
Apparemment, Scarlet et Gabriel devaient vraiment « étudier » lors de leur prochaine session d’«études».Scarletleregardamarchersurletrottoiretneputs’empêcherdesoupirer.Ilétaitsiparfait.Sibeau.Ellefaillitsortirdelavoiturepourl’appeler.Peut-êtrepourraient-ilsprendreuncaféensemble.Peut-
êtrepourraient-ils parler des secrets deGabriel.Peut-êtreque lamaisondeGabriel était vraiment entraindesefairedésinfecter.Peut-êtrequeScarletétaituneidiote.Ellefitungestepourouvrirsaportequandunepenséelasaisit.Oupeut-être…pourrait-elleespionnerGabrieletvoiroùilallait.C’étaitunevilainepensée.C’étaitmal.Etc’étaitabsolumentcequeScarletallaitfaire.Sinon, comment allait-elle apprendre des choses à propos de Gabriel ? Il n’avait clairement pas
l’intentiondeseconfier.Ellemitseslunettesdesoleil—uneformeuniversellementadmisededéguisement—etdémarrasa
voiture.Gabrielmarchaencoreuneminutejusqu’àcequ’ilatteigneunevoiturenoirequ’ellenel’avaitjamais
vuconduireavant.Étrange.ScarletrouladiscrètementderrièreGabriel,gardantunebonnedistanceentreeux,etlesuivithorsdu
centre-ville.Heatheraimeraitça.CelacorrespondaitexactementàsathéorieselonlaquelleScarletavaitétéuneespionne.Gabrielsortitdes limitesdelavillepourallerdansl’épaissezoneboiséeà l’extérieurd’Avalon, la
mêmezoneoùScarlets’étaitréveilléesansplusaucunsouvenir.Trèsétrange.Elle le suivit plus profondément dans la forêt jusqu’à ce que les chemins de terre et lemanque de
voituresneluipermettentplusd’êtrediscrète.Elle sortit de la route et attendit jusqu’à ce que celle deGabriel ait disparu dans les bois.Elle lui
laissaunegénéreuselongueurd’avanceavantdeselancersursapiste.Commesic’étaitunassassin.Peut-êtreavait-ellebeletbienétéuneespionne.Elleconduisitàtraverslaforêtpendantquelquesminutesjusqu’àcequ’ellesoitsûredes’êtreperdue
et de se trouver sur lamauvaise piste.Elle ne voyait plus la voiture noire nulle part.Tout ce qu’ellevoyait,c’étaientlesinnombrablesarbresdeGéorgie.Ellel’avaitperdu.
Peut-êtreavait-elleéchouécommeespionnedanssonautrevieetquec’étaitlaraisonpourlaquellesessouvenirsavaientétéeffacés.Peut-êtrequeHeatheravaitraison.PuisScarlet le repéra.Lavoiturenoire roulait surune longueallée, àquelques centainesdemètres
devantelle.Elle se rapprocha lentement en essayant de garder sa petite voiture aussi cachée que possible dans
l’épaisfeuillage.ElleregardaGabriels’arrêterlelongd’unimposantchalet,puissegarer.Ilsortitdelavoiture,sedirigeaverslaporteprincipaleetentra.Laporteduchaletsefermaderrière
luietScarlets’émerveilla.Legrandchalet,entièrementenpinnoueux,ressemblaitàunerésidencehuppéeavecdesdizainesde
fenêtresetungaragepourquatrevoitures.Ilavaitdeuxétagesavecjustequelquesmarchesquimenaientàunegalerieetàuneénormeported’entrée.«CedoitêtrelamaisondeGabriel.»Unemaisonquin’apasétésoumiseàunedésinfectionparfumigation.Elleavaitofficiellementdécouvertsonmensonge.Scarletétait-ellesatisfaite?Non.PourquoiGabrielluicacherait-ilceci?Scarlettrouvaunendroitsombrepourgarersavoiture.C’étaitassezprèspourmarcherjusqu’àlaporte
duchalet,maisassezloinpourqueGabrielnesoitpasavertidesaprésence.Elleavaitdeuxchoix.Ellepouvaitmarchercourageusement jusqu’à laporteavecuneexcusepourexpliquerpourquoielle
l’avaitsuivi.«SalutGabriel.Tuaslaissétonlivred’histoirechezmoietjemesuisditquejepourraism’arrêteren
passant et te le rendre,parceque, tu sais, j’étaisdans le coin. Jemepromène souventdans les forêtsprofondesdeGéorgieseuleaprèsl’école…»D’accord,elleauraitmanifestementàtravaillersursonexcuse.Ouellepourraitrepartiretrentrerchezelle.Commeunepoulemouillée.Scarlettapotasurlevolantpendantuneminute.Elledétestaitlesmystères.Lessiens.Ceuxdesautres.Elleavaitpassélesdeuxdernièresannéesàavoirpeurdetout.Peurdesonpassé,peurdenejamais
retrouverlamémoire,peurden’êtrejamaiscapabledevivreunevienormale…peurdelavie.Avoirpeurétaitépuisant,etScarletenavait finidesmystères.Aujourd’hui,elleallait fairequelque
chosedecourageux.Aujourd’hui,elleallaitobtenirdesréponses.Scarletsortitdesavoitureetsedirigeatranquillementverslaporteduchalet,lerythmedesoncœur
augmentant à chacunde sespas.Bienqu’il y avait beaucoupde fenêtres à l’avant de lamaison, ellesétaienttoutesferméespardesrideauxetdesstores,cequirendaitimpossibledevoiràl’intérieur.
Maisaussides’assurerquepersonneneregardaitàl’extérieur.Gabrieln’avaitaucuneidéequeScarletsetrouvaitsursonperron.Ellecommençaalorsàreconsidérersonplan.Qu’allait-ellefaire?Frapperàsaporteetdire«Surprise!J’avaispenséfaireunsautetteprendreen
flagrantdélitdemensonge»?Touteunemanièredefairebonneimpressionsurlesmembresdesafamille!Non,Scarletdevaitpartir.Gabrieln’avaitpasvoulupartagercelaavecelle,etelledevaitrespectersonchoix.Cen’étaitpascourageux.C’étaitstupide.Scarletlevaunedeseschaussuresgriffonnéesetétaitsurlepointdetournerledosquandelleentendit
lapoignéedeportetourner.«Ohnon!Non,non,non.»Scarletn’avaitpasencoreaméliorésonexcuse.Laseulechosequ’elleavaitdanssonarsenal,c’étaitle
trucdelapromenadedansleboisaprèsl’école.Etcelan’allaitassurémentpasfonctionner.Gabriellaverraitplantéelàetelleauraitàexpliquerqu’ellel’avaitsuiviaumilieudenullepartparce
quecommepetiteamie,elleétaitfolle.Ensuite, ilauraitpeuret laquitterait.Ellepouvaitvoir soncœursebriser juste là, sur leperrondu
luxueuxchaletdeGabriel.Scarletdevaitfuir.Troptard.Laportes’ouvritetScarletneputs’empêcherderegarderlapersonnequil’avaitsurpriseàrôder.C’étaitGabriel.Il la regardait avec confusion et incrédulité. Un millier d’émotions traversèrent son beau visage
pendantqu’ilentrouvraitleslèvresetladévisageait.LecœurdeScarletsemitàbattrelachamade,tapantcontresapoitrinecommeunanimalsauvageen
cage.Commes’ilavaitsoifdeselibérer.Soifde…Gabriel?Incontrôlableetexalté,soncœurremontadanssapoitrine,commes’ilseréveillaitd’unsommeillourd
etprofond.Queluiarrivait-il?Ellenepouvaitpasdétachersonregarddelui.Ellen’avaitjamaisétéplusattiréeoucaptivéeparlui.Debrefssouvenirsincohérentsassaillirentsonespritetpiquèrentsaconsciencecommedeminuscules
fléchettes.Unemillisecondepassa,puisuneautre.Elleétaitfigéelà,prenantunelongueinspirationcommesiellerespiraitpourlapremièrefois.
Maisquandsesyeuxserivèrentsurlessiens,soncœuragités’arrêtapresque.Lesyeuxquilafixaientàleurtourn’étaientpasbruns.Ilsétaientvertclair.Scarlet,perplexe,compritsubitement.Cen’étaitpasGabriel.C’étaitsonfrèrejumeau.
19
Tristanauraitdûsavoir.Ilauraitdûdevinerquequelquechoses’étaitarrêtélorsquesonâmeensouffrances’étaitsoudainement
calmée,lorsquelaguerrequifaisaitrageàl’intérieurdeluis’étaitapaisée.IlauraitdûsavoirqueScarletétaitàproximité.Il avait couru chez lui pour récupérer quelques papiers avant de retourner à la bibliothèque pour
poursuivresesrecherchessur lesarmeset,quandilavaitouvert laportepoursortir, ilétait tombésurScarlet.Commesielleavaitétélivréeàsaporte.Ellerestaitlààledévisager.Tristancrutqu’ilallaitmourir.Ilcrutenfaitquelapartiedesonâmequiluilacéraitinlassablementles
entraillesallaitmourirdebonheurdufaitqueScarletsoitsiprès.Il lui fallut chaque once de volonté qu’il possédait pour ne pas la toucher et s’assurer qu’elle était
réelle.Maiselleétaitlààleregarder,médusée.Plusbellequejamais.Enuninstant,ilsaisitladouceurdesesyeuxetlafragilitédesesfossettes…seslèvrespulpeuseset
sonmentondélicat…Toutenelleétaitfamilier…précieux…etcomplètementinterdit.Ellen’étaitpascenséelerencontrer.Levoir.C’était exactement la raison pour laquelle Gabriel n’aurait pas dû la rencontrer. Il l’avait conduite
directementàlaportedeTristan.LefaitqueScarletvoieTristanpouvaittoutgâcher.PourquoiGabriell’avait-illaisséevenirici?Pourquoinel’avait-ilpastenueàl’écart?OùétaitGabriel?Tristanessayadepenseràcequ’ilallaitdireetenvisageamomentanémentl’idéed’essayerdesefaire
passerpourGabriel,quandScarletparla.—Jeteconnais.Elleentrouvritlabouche,écarquillalesyeuxetinclinalatêtealorsqu’ellefaisaitunpasdeplusvers
lui.Elle regarda sonvisagedehaut enbas, s’attardant surcertainsendroits, tandisqu’elleparaissaitde
plusenplusperplexe.—Je…te…connais,répéta-t-elleenfaisantunpasdeplus.Le vent soufflait sur le porche, soulevant unemèche de ses cheveux noirs, qui traversa son visage
parfait.Ilperçutl’odeurdesonshampoingauxfraisesetinspiraspontanément.
Unflotdesouvenirs—tapisdanslesprofondeursdel’âmemauditedeScarlet—selibéraetinondal’espritdeTristan.Des souvenirs d’amour…Des souvenirs de vie…Des souvenirs de tourments…Des souvenirs de
mort…Scarletfitunautrepasverslui,etilravalasonémotion.Ilnepouvaitpassepermettredemontrerune
quelconquefaiblesse.Ilnepouvaitpassepermettredesetrahir.Ilseforçaàrevêtirunairindifférentetpritunelenterespiration.Elleparladenouveau, sonvisageà seulementquelquescentimètresdu sien, et il crutque soncœur
allaitblesserl’intérieurdesapoitrines’ilbattaitplusfort.Maissoncœurnetambourinapasfrénétiquementdemanièreparanormale;ilbattitd’unemanièrequi
étaitindéniablementnaturelle,enharmonieaveclatragédiequ’ilvivait.—Quies-tu?demanda-t-elle.Cen’étaitpasuneaccusation,maisunedemande.C’étaitdelacuriosité.Commesielleétaitentranse,fascinéeparcequisetrouvaitdevantelle.Ilconnaissaitcesentiment.Sesyeuxbleuss’illuminèrent.Leurbleunormaldevintélectrique—etlecœurdeTristans’arrêta.Çaseproduisait.Lacouleurdesesyeuxchangeait,passantdubleudelavieaubleudelamort.Lacouleursurnaturelledesesyeuxneduraqu’unesecondeavantdereveniràuneteintenormale,mais
Tristanétaitdéjàenpleinmodepanique.Ellel’avaitvuetmaintenantsoncœurbattaitpourlui,lamartelantviolemmentjusqu’àsedéchireren
deux,larapprochantdelamort.Ildevaitfuir…Allerquelquepartloindelamagnifiquejeunefilledevantlui.Ildevaitlaprotégerdesonproprecœur.Maisàlaplace,ilsetenaitlà,s’abreuvantd’ellecommes’ilétaitunhommeassoifféetelle,del’eau
dansledésert.Parcequesonâme…sonâme irrationnelleetpleined’espoir…lavoulait toutautantqueScarlet le
voulait.Ilfallaitabsolumentqu’ilsemaîtrise…immédiatement.
20
Gabrielavaitunjumeau.Unvrai jumeau,semblait-il.Leursyeuxétaientdecouleurdifférenteet lescheveuxnoirsdeGabriel
étaientpluscourtsqueceuxdesonfrère,maistouslesautresdétailsdeleurapparenceétaientidentiques.LecœurbattantdeScarletrefusadesecalmer.Ellerestaperplexequandelleréalisaquelegarçonquisetrouvaitdevantelleétaitsansaucundoutele
mêmegarçonmystérieuxenT-shirtnoirdufestival.Legarçonquiluiavaitcoupélesouffle.Legarçondontlaprésencel’avaittourmentée,carelleavaitcruàlarésurgenced’unsouvenir.Scarletn’avaitpasvusonvisageau festival,maisd’unemanièreoud’uneautre,ellesavait qu’elle
regardaitlemêmegarçon.Etelleétaitincroyablementattiréeparlui.Scarletpouvaitàpeinecontrôlersoncorps.Sesmainsvoulaientsedéplacersursapoitrine,sesjambes
voulaients’envelopperautourdessiennes,etsabouchevoulaitalleretvenirdanslasienne.CefutparpurmiraclequeScarletréussitàcontrôlersesmainsetsespieds.Sabouche,toutefois,n’étaitpasaussiobéissante.Ses lèvres se pressèrent presque contre sa joue tandis qu’elle approchait son visage du sien pour
l’examiner.Elleleconnaissait.Instinctivement.Complètement.Touteslesfibresdesonêtreétaientenphaseaveclessiennesetattirées.Ellesledésiraientmême.Si,avecGabriel,Scarletsesentaitnormale;aveccegarçon,lejumeaudeGabriel,ellesesentait…
extraordinaire.Ilétaitindéniablementfamilier,cequilaterrifiaitetl’excitaitenmêmetemps.Ellenepouvaitpass’empêcherdecontinueràledévisager.Sansvergogne.Elledemandaànouveau:—Quies-tu?Ilfitunepauseavantderépondre:—Tri…—TristanArcher,ditScarletdansàpeineplusqu’unmurmure.Elleconnaissaitsonnom.Elleconnaissaitsonnom.Commentconnaissait-ellesonnom?
—TristanArcher,répéta-t-elleensentantsonnomsurseslèvres.Sonnomsonnaitbien.Ilsemblaitsûr.Ilsemblaitparfait.Son cœur bondit dans sa poitrine à plusieurs reprises. Comme s’il essayait de s’échapper… qu’il
essayaitdes’extirperdesoncorps.Pourquoiréagissait-elledemanièresipuissanteàcetétranger?—TristanArcher,répéta-t-elle.Commentsefait-ilquejeteconnaisse?Elleinclinalatêteetseforçaàreculerdequelquescentimètres.Ilcherchasonregarduninstantavantdedemander:—Sais-tuoùsetrouveGabriel?Clic.LesyeuxdeScarletsefermèrentinvolontairementautimbredesavoix.SavoixétaitcommecelledeGabriel.Ellesedéversaitdanssesoreillesavecfamiliaritéetréconfort.MaissilavoixdeGabrielétaitpresqueparfaite,celledeTristanétaitirréprochable.Unsonenlignedirecteavecsoncœur.Elleyétaitenquelquesortereliéeetavaitbesoindel’entendredavantage.Lesbribesdemémoirequ’elleavait recouvréequand ilavaitouvert laporteavaientétééphémères.
Tropglissantespours’accrocher,maisassezconsistantespourêtreplusquejustesonimagination.Tristan avait un lien avec son passé. Il était là, à errer dans ses souvenirs. Elle avait juste à le
trouver…—Scarlet,ditTristan.Ilconnaissaitsonnom.—Scarlet,répéta-t-ilenseraclantlagorge,commesiparlerluifaisaitmal.Elleouvritlesyeux,revenantàlaréalité.Aïe.Venait-ellejustedefermerlesyeux?«Bravo,Scarlet!»Ellelevalesyeuxversluietessayadesemaîtriser.—Est-cequeGabrielestvenuavectoi?poursuivit-il.Scarletfronçalenez.—Euh…Non…?Commentétait-ellecenséeexpliquerqu’elleavaitsuiviTristan,unparfaitinconnu,jusqu’àsonchalet
danslesbois,touteseule?Qu’allait-elleraconterpournepasavoirl’airdel’avoirtraqué?Ilclignadesyeux.—Alorsoù…?Çanefaitrien.Entre.TristanreculaetfitsigneàScarletd’entrer.
Ellehésitauninstant.Non pas parce qu’entrer dans le chalet d’un inconnu aumilieu de nulle part était généralement une
mauvaiseidéeetsouventledébutd’unfilmd’horreur.Maisparcequ’ellesentait—non,ellesavait—qu’entreràl’intérieurdecechaletallaitchangersa
viepourtoujours.Etparcequesoninstinctsemanifestaitparanticipation.Elleauraitpurestersurleperronetdélibérertoutelajournée,maisellechoisitdefaireconfianceà
soninstinctàlaplace.Mêmesicelasignifiaitqu’elleétaitfolle.Elle entra lentement et s’arrêta dans le hall voûté.Devant elle se dressait un grand salon avec des
piliersenboispolimassifsetdumobilierencuir.Àsadroite,deuxescaliers:unquimontaitetunautrequidescendait.Unsous-solpeut-être?Tristan ferma laportederrière eux, et pendantunmomentgênant, aucund’euxneparla. Il s’éloigna
d’elleetsedirigeaversl’autreboutduhall.Commes’ilnevoulaitpasêtreprèsd’elle.Ilsortitsontéléphone,envoyauntextoetleremitdanssapoche.Ils’éclaircitlagorgesanslaregarder
etdit:—Gabrieldevraitbientôtarriver.Tuasprobablementbeaucoupdequestions.C’étaituneuphémisme.Scarletdansad’unpiedsurl’autreetessayades’exprimer.—TueslefrèredeGabriel,jesuppose?Ilopina.—Euh…,hésitaScarletenhochantaussilatête.Gabrieln’apas,euh…,parlerdetoi.Ilopinadenouveau.—Bien.SonregardcroisaenfinlesienetScarleteutuninstantpourregarderattentivementsesyeux.Ilsétaientd’unvertbrillant,presqueinhumain.Maisbeaux.Enchanteurs,même.Misàpartlesyeux,Gabrieletluiétaientvraimentidentiques.Ilsavaientlesmêmescheveuxnoirs,les
mêmescorpsmusclésmaisminces.Lesmêmesmains.Lesmêmeslèvres…C’étaitunpeudéconcertantderegarderunvisagesifamiliersansriensavoirdugarçonenarrière.Était-ilgentil?Était-ilcruel?Soninstinctluiendisaitpeuendehorsde«Tul’aimes.Tuveuxletoucher.»Cequin’étaitpasutiledutout.—Suis-moi,ditTristan,quis’éloignadelaporte.Il laconduisitdanscequiressemblaitàunsalonluxueuxmaismassif.Elleavait lechoixentredeux
grandscanapésetunfauteuilrembourré.Surunmurétaitfixéeunegrandetélévisionàécranplatetsurun
autres’érigeaitunecheminéeenpierre.ScarlettrouvaétrangedesetrouverdanslamaisondeGabrielsanslui.C’étaitcommeunetrahison.Enfait,çaettoutle«JeveuxtoucherTristan».Elle opta pour un des canapés et se percha sur le bord, essayant de ne pas être trop à l’aise.
PrincipalementparcequeTristannel’avaitpasexactementfaitsesentiraccueillie.Etpourquoil’aurait-ilfait?Ellel’avaitsuivijusqu’àsamaisoncachéedanslaforêtetavaitrôdésur
lepasdesaporte.Elleétaitassurémentuneinvitéeindésirable,alorsellerestasurlebordducanapépourêtrepolie.Et
enpositionpours’enfuirsi,parexemple,Tristans’avéraitêtreuntrèsbeautueurensérie.Ilneluienvoyaitpaslesondesd’untueur,maisilneluienvoyaitpasexactementd’ondesrassurantes
nonplus.OùétaitGabriel?Il allait être tellement en colère. Attendre qu’il rentre chez lui et qu’il panique en la voyant était
probablementunemauvaiseidée.—Tusaisquoi?demandaScarletenselevantdesonperchoir.Jecroisquejedevraispeut-êtrepartir.
Jepourrais…parleràGabrielplustard.—Non,ditTristan.C’étaitunordre,pasunedemande.Scarlet ne fut pas parcourue de frissons de peur,mais ellecommençaà regarder autour d’elle à la
recherchedesorties.Justeaucasoù.—Jeveuxdire…,ajoutaTristan,qui essayaitmanifestementdecontrôler son ton insistant. Je crois
qu’ilestimportantqueturestes.Aumoinsjusqu’àcequeGabrielrevienne.Scarlethochalatêteetserassitlentement,àlafoisméfianteenversTristanetincapablededéterminer
s’ilétaitdangereuxoupas.Elleattendituneseconde.—Tuconnaismonnom.Tristanlaregardaenhaussantunsourcil.—Monnom,précisa-t-elle.Tusaisquijesuis…Comment?Mêmesiellevoulaitparaîtreautoritaire,savoixsortitcalmeetcurieuse.Pendantunlongmoment,ilneditrien.Sesyeuxétaientpeinés,maissavoixnemanifestaaucuneémotionquandilfinitparparler.—Parcequejeteconnais.Jet’aiconnuepresquetoutemavie.Scarletenfutbouchebée,etunmilliondepenséesfusèrentdanssonesprit.LefrèredeGabriellaconnaissait?Laconnaissaitdepuisdesannées?LavoixdeScarletsortitétoufféeetvoiléequandelledemanda:
—Tum’asconnuetoutemavie?—Oui.Celasignifiait-il…?Non,c’étaitimpossible…—Est-ceque…Scarletdéglutit.—Est-cequeGabrielmeconnaissaitaussi?Hésitant,Tristanserraleslèvres.Ilhochalentementlatête.PourquoiGabrielluiavait-ilmenti?Scarletinspiraavecdifficulté.Gabrielétaitaucourant?Toutcetemps,Gabrielsavaitàproposdesonpassé—savaitquielleétait
—etneleluiavaitpasdit?Commentavait-ilpuluifaireça?Commentavait-ilpu?Despenséesfragmentéesetdesquestionss’accumulèrentàl’intérieurdeScarlet.Ellen’arrivaitplusàrespirer.Ellenevoulaitplusrespirer.Maissoudain,touteutunsens.LavoixfamilièredeGabriel,l’instinctdeScarletdeluifaireconfiance,sonabsencetotaledepanique
quandelleluiavaitparlédesonamnésie.Gabrielluiavaitmenti.Depuisdesmois.Sesyeuxsemirentàbrûler.JusteaumomentoùScarletpensaitqu’elleallaitpleurer,oucrier,oulancerquelquechose,Gabrielfit
irruption sur le seuil avec l’aird’unchiot coupablequand il avançadans le salon. Il regardad’abordScarlet,puisTristan.Ilditàsonfrère:—Jeneluiaipasdit.Jelejure.Scarlet,incrédule,regardaGabriel.— Scarlet, dit Gabriel, qui s’approchait d’elle. Je sais que c’est bizarre. Mais tu dois me faire
confiance.Elleécarquillalesyeux,incrédule,etselevapourluifaireface.—Tefaireconfiance?Es-tu fou?Pourquoidevrais-je tefaireconfiance?Tumeconnais?Tume
connaisdepuisdesannées?Tum’asmentiettuaseudessecretspourmoi,Gabriel!Degrossecrets!—Oui.Oui,jel’aifait,maistunecomprendspas…—Non, toi, tu ne comprends pas, dit-elle en pointant son doigt vers lui. Je vis comme un fantôme
depuisdeuxans. Je tourneen rondàessayerdedécouvrirqui jesuisetd’où jeviens. Jesuisperdue,Gabriel.Monidentitéestperdue.Ettudébarquesdansmavieaveclesréponsessansprendrelapeinedemelesdonner?—Jesais,çaparaîtinjuste…—C’estuneévidence!
—Maisilyauneraison…—Çavautmieux!Scarlet hurlait maintenant. La voix calme qu’elle avait utilisée avec Tristan était partie depuis
longtemps,remplacéeparcelledelacolère,delapeuretdeladouleur.Tristan,quisetenaitenretrait,ditàGabrield’unevoixfaible.—Luias-tuditquelquechose?Gabrielsecoualatête.Tristanjuraetsefrottalanuqueuninstant.—Tudoisluidire,Gabe.Maintenant.Scarletréalisaquemêmesiellenesavaitriendelui,ellefaisaitdavantageconfianceàTristanqu’à
Gabriel.Parceque,jusqu’ici,Tristanneluiavaitpasmenti.Etquelecontourdesaboucheétaitdivin.Gabrielopina.—D’accord.Scarletprituneprofonderespirationetessayadenepaspaniquer.«Gabrielsaitquijesuis.Gabrielsaitquijesuis.»Gabrielpritunsiègeenfaced’ellesurl’autrecanapé,maisTristanrestaàl’autreextrémitédelapièce.—S’ilteplaît,Scarlet,assieds-toi.Laisse-moit’expliquer.Gabriels’éclaircitlagorge.—Expliquerquoi?Tesraisonspourm’avoirmenti?Gabrieldéglutitetplissalefront.—Non.Jeveuxterévélertonpassé.D’oùtuviens…etpourquoitunet’ensouvienspas.Unmomentpassa,rempliseulementparlebruitd’unehorlogeàproximité.Tic…tac…tic…Scarletn’avaitpasdemots.ToutcequeScarletvoulaitdepuislesdeuxdernièresannées,c’étaitconnaîtresonhistoire.EtGabriel
détenaitlaréponsedepuistoutcetemps?Etlaluicachait?Ellevoulaitluilancerquelquechosedecoupantetdelourdpourl’avoirtrompée.Maisellevoulaitaussidesréponses.Larageetlacuriosités’affrontèrentenellealorsqu’elleregardaitfroidementGabriel.Tic…tac…tic…ScarletdécidaquelesréponsesétaientplusimportantesquedesobjetslancésàlatêtedeGabriel.Elle
trouveraitunchandelierencristalouunecléàmolettepourluifairemalplustard.Àl’instantprésent,ellevoulaitlavérité.Scarletplissalesyeux.—J’écoute.
—S’ilteplaît,répétaGabriel.Assieds-toi.Scarletsoupiraets’assitlentementsurlecanapé.—J’espèrequeçavautlecoup.Gabrielhochalatêtealorsqu’ilserraitnerveusementlespoings.Scarlet parcourut la pièce des yeux. Toujours stoïque dans son coin, Tristan croisa les bras sur sa
poitrine.C’étaitétrangedevoir les jumeauxdans lamêmepièce.C’étaitcommeregarderdeuxGabriel.Sauf
quelevéritableGabrielavaitl’airdésespéréetquel’autreGabriel—Tristan—avaitl’airfurieux.—Qu’est-cequipouvaitbienlerendrefurieux?C’étaitScarletqu’onavaittrompée.—Bon,ditGabriel,quidéglutit.Çavatesemblerfou,alorss’ilteplaît,resteavecmoi…Scarletbougeasurlecanapé.—OK,commençaGabrielenjoignantsesmains.Tuesnéeilyalongtemps,trèslongtemps.Ilattendit.—Oui,et…?ditScarlet.Gabrielscrutasonvisageetditlentement:—Comme…ilyadessiècles.Scarletrouladesyeux.—Gabriel,cen’estpasuneplaisanterie.Jen’aipasletempsde…—Chut,intervintGabriel,quilevaunemain.Écoute-moi.Scarletsetut,maishaussaunsourcildevantsonfuturex-petitami.«Vient-iljustedemefairetaire?»—Scarlet,dit-ilenlaregardantattentivement.Tuesnéedanslesannées1500.Scarlethaussalesépaules,attendantqueGabrielpoursuiveavecquelquechosecomme:«C’estune
blague!»ou«Jet’aieue!»oumême«Jesuisunmenteurpathologique!».Maisiln’enfitrien.Ilrestaassislà,àregarderScarlet,avecunairsérieuxfigésursonvisage.Ilavalasasalive.—Jesaisqueçasemblefou,mais…tuesnéeen1523.Scarletpinçaseslèvres,deplusenplusfrustrée.—Tuasraison.Çasemblefou.Çasemblaitfou.Çasemblaitridicule.Çasemblait…Clic.LesyeuxdeScarletsebrouillèrenttandisqu’unsouvenirsedéveloppaitdanssonesprit…Elleétaitpetite fille, sescheveuxétaientnouésenune tresse,etelledonnait lamainàunebelle
femme.Samère?Ellesétaientdansuneforêtetportaientdelonguesrobestandisqu’ellesmarchaientdansune clairière où les villageois affairés portaient des costumesmédiévaux et parlaient avecdedrôlesd’accents.Auloins’érigeaitunédificegigantesque…Unchâteau?
Scarlet cligna des yeux pour revenir au présent. Son souffle était irrégulier tandis qu’elle essayaitd’enveloppersonespritautourdecequ’ellevenaitdevoirdanssatête.Sesyeuxlabrûlaient.Unsouvenir…sonpropresouvenir.Impossible.Scarletessayad’écarterlogiquementlesouvenir,maisquelquechoseenellesemitenplace.Quelque chose de réel et d’indéniable. Comme un morceau de son esprit qui se réveillait pour la
premièrefois.LesmainsdeScarletsemirentàtrembler.Parcequ’aufonddesonêtre—danslecreuxdesonâmelàoùlessouvenirserraientdanslanoirceur
—,ScarletsavaitqueGabrieldisaitlavérité.Cequisignifiaitqu’elleétaitpresqueâgéedecinqcentsans.CC5!
5.N.d.T.:abréviationpour«Çacraint»danslesmessagestextes.
21
«Jesuisnéeen1523.»C’étaitimpossible.Pourtant,si.Scarlet pouvait sentir lavérité s’infiltrer en elle et elle était terrifiée.Elle laissa échapperun léger
soufflesaccadéetsesentitétourdie.Scarletnedit rientandisqu’ellefixaitunpetitaccrocsur lecanapéoùétaitassisGabriel.Elleétait
incapablederespirer.—Scarlet?LavoixdeGabrielsemblaitlointaine.—Scarlet,tum’entends?Jevaistoutt’expliquer.Elle se concentra sur l’accroc et commençaà secouer la tête.Sespoumons labrûlaientparmanque
d’oxygène.Ellenevoulaitpasqu’illaramèneàlaréalité.Ellenevoulaitpasqu’illuiexpliquetout.Ellevoulaitrentrerchezelle.RetrouverLauraetsestalonshauts.RetrouverHeatheretsesconseilscontinuelssurlamode.Ellenevoulaitpasêtrenéeen1523.Ellenevoulaitpasêtre…—Scarlet.LavoixcalmedeTristanlaramenaausalonduchalet.Ellelevalesyeuxpourcroisersonregard.—Toutvabiensepasser.Sesyeuxvertsplongèrentenelle,réchauffantlesmusclesdesapoitrineetramenantdel’airdansses
poumons.Elleopina,hochantlatêtedehautenbastandisqu’elleinspiraitetsentaitunepaixlatraverser.EllecontinuaàregarderTristanjusqu’àcequesesmainscessentdetrembler.Quelquechosechezlui—saprésence,sasilhouetteimmobilequisetenaitlà,discrèteetsombredans
lecoin—lafaisaitsesentiràl’aiseetassezcourageusepourregarderdenouveauGabrieletexpulserlesmotshorsdesabouche:—Je…necomprendspas…—Viens-tud’avoirunsouvenir?demandaGabriel,quisepenchaverselle.—Jecroisqueoui.—Et…tutesouviensdetout?Gabriellaregardaitattentivement.
Scarletgrimaça.—De tout ? Jeme suis vue petite fille et jemarchais avec une femme dans un village. Près d’un
château.«Ouah.Jedoisavoirl’airstupide.»GabrieletTristanéchangèrentunregardavantqueGabrielseretourneverselle.—Est-cetoutcedonttutesouviens?Scarletseconcentra.—Oui.C’est…c’esttout.Gabrielexpiralonguement.—D’accord.Mmh…Bon,avecunpeudechance,tuaurasplusdesouvenirsbientôt.Enattendant…
Euh,toutvabiensepasser.Scarletledévisagea.«Jevaisavoirdessouvenirsquis’étalentsurcinqcentsans?«Toutnevapasbiensepasser!»Scarletpinçaseslèvres.—Jesuisdéstabilisée.LevisagedeGabrielfuttraverséparuneexpressiond’inquiétude.—Moi aussi. Je pensais que tu te souviendrais de tout une fois que je t’aurais dit ton année de
naissance.Çafonctionnecommeçahabituellement.Scarlethaussalessourcils.—Ça?Dequoiparles-tu?GabrielregardadenouveauTristan,maissonjumeauneditrien.Gabrielsefrottalajoue.—Bien.Scarlet,jevaistedirequelquestrucsquiaurontl’airfous,maisilssontvrais.Ilfautjusteque
tu…m’écoutes.D’accord?Scarlethochalatête,parcequetoutlereste—commepartirduchaletàlacourseencriantavecles
mainsenl’air—nécessitaitqu’elleselève.Cequ’ellenepouvaitpasfaireparcequesesjambesétaientcommedelagelée.Gabrielprituneprofondeinspiration.—Scarlet,tuesnéeen1523etnous…IlfitungestequiincluaitTristanetlui.—…Noussommesnésen1521.Ilsefrottalesmainssursonjean.—Tristanetmoisommes…immortels.Scarletclignadesyeux.—Vousêtesquoi?—Immortels,ditGabrielavecsérieux.
Detouteévidence,Gabrielétaitfou.Scarletcroisasesmainsethaussalesépaules.—Vousêtesimmortels.Biensûr.Gabrielsepenchaverselle.—As-tudéjàentenduparlerdelaFontainedeJouvence?Scarletrouladesyeux.—Gabriel,jet’enprie…Illevalamainànouveau.—Non,jesuissérieux.Écoute-moi,c’esttout.Ilinspira.—LaFontainedeJouvenceestcenséedonnerlavieéternellesionboitdesoneau,n’est-cepas?Toujoursdanslecoin,Tristanricana.ScarletregardaGabrielavecimpatience.—C’estunelégende.Ilacquiesça.—Tuasraison.C’estunelégende.Etlalégendeestfausse.Lafontainenedonnepaslavieéternellesi
onboitdesoneau.Mais…siunefemmeenceinteenboit,commenotremèrel’afait…GabrielrefitungestequiincluaitTristanetlui.—…elledonneaubébé—ouauxbébés—l’immortalité.L’horlogesurlemursefitdenouveauentendredanslapiècesilencieuse.Tic…tac…tic…Scarlethaussalessourcilsetsecoualatête.—Ehbien,c’esttoutsimplementimpossible.Tristanmarmonna:—J’espère!Gabrielsetournaverssonfrère.—Tunem’aidespas,Tristan.Scarletlaissatombersonvisagedanssesmainsavecungrognementdefrustration.—Quesepasse-t-il?ElleregardadenouveauGabriel.—Es-tuen traind’inventerunehistoirestupide justepourque jenesoispasencolèreparceque tu
m’asmenti?LaFontainedeJouvence,Gabriel!Vraiment?C’estlepiredesmensonges.—Non.Gabrielsemblaitsincère.—Jeteprometsquejenetemenspas.Je…j’essaiejustedet’aideràt’ensouvenir…C’esttout.Scarlettournasesmainsversleciel.—Etalors…Ensuite,c’estquoi?Suis-jecenséecroirequejesuisimmortelleaussi?
—Pasexactement.Gabrielhésita.—Tues…semi-immortelle.—Jesuissemi-immortelle?Toutlemondeàborddutrainfou!Gabrielrevêtitunairsérieux.—Oui.Tuessemi-immortelle.Ildéglutit.—Tumeurs…etpuistureviensàlavie.…Etletrainfouquittaofficiellementlagare.—Biensûr.Ellehochalatête.—Çaatellementdesens.Jemeursetjereviensàlavie.Toutàfaitnormal.Elleétaitsurlepointdefaireuneblaguesurleszombiesquand…Clic.QuelquechosedanslesparolesdeGabrieltouchaunecordesensibleenelle.Çasemblaitjuste.Çasemblaitvrai.«Non.Enaucunefaçon.»Gabrielétaitunfou.Maislàencore,quelquechoseenellelecroyait…presque.Elleinspiraparlenez,laconfusion,l’espoiretlacolèreselivrantbatailleenelle.Non.C’étaittropfou.EllenepouvaitpasaccepterquelquechosedesiabsurdesimplementparcelajoliebouchedeGabriel
l’avaitdit.Sajolieboucheavaitditbeaucoupdechosesrécemment.Scarletsepenchaenavantetplissalesyeux.—Dis-moi quelque chose. Est-ce que je reviens à la vie de lamême façon que… tamaison a été
désinfectéeparfumigation?Gabrielsemitlatêtedanslesmains.—Bon,d’accord,ça,c’étaitunmensonge.Tum’asprisenflagrantdélitaujourd’hui.Illevalesyeux.—Maisjenemenspasàproposdececi.—Parfait.Ellenelecroyaitpas.Si,ellelecroyait.Non,ellenelecroyaitpas.Si,ellelecroyait.
Non,ellenelecroyaitpas.Çasemblaitfou,maissoninstinctluidisaitquec’étaitvrai.Grrr…Ellenesavaitpascequ’ilfallaitcroire,etsatêtecommençaitàluifairemal.Sansparlerdesoncœur,quitambourinaitcommeunenfantenbasâgeavecunmaillet.Scarletsecoualatêteetseleva.—Jenepeuxpasfaireçamaintenant.Jecrois,euh…,quejevaism’enaller.Elle était tellement désorientée par les secrets et lesmensonges deGabriel qu’elle ne pouvait pas
écouterd’histoire idiotesur le faitd’être immortel,ousemi-immortel,oupeu importe,mêmesic’étaitvrai.Cequin’étaitpaslecas.Àpeinesefut-ellelevéeducanapéqueTristanparla.—Scarlet,attends.Sesmotsdérivèrentsursapeauetflottèrentdanssespores,cequifitvibrersonventredeplaisiret
intensifialesbattementsdesoncœur.Savoixétaitpuissante,familièreetreliéeàelled’unemanièresurnaturelle.Ellepouvaitpresque…lasentir.Etellevoulaitlasentir.Mais,làencore,ellevoulaitsentirbeaucoupdechoses.CommelesbicepsdeTristan.—S’il teplaît, continuaTristan,qui la suppliait avec sesyeuxémeraude. Je t’enprie, rassieds-toi.
ÉcouteGabrieletlaissetoninstinctdécider.Situcroisquenoussommesfous,dangereuxoumenteurs,alorstupourraspartir.EtGabriel…Tristanregardasonjumeaud’unsaleœil.—…netedérangeraplusjamais.Jetelepromets.Scarletregardalesjumeauxuninstant.Faireconfianceàsoninstinct?Soninstinctluidisaitàcemoment-làdepassersesmainsdanslescheveuxfoncésdeTristan.Ellen’étaitpastrèssûredelafiabilitédesoninstinct.Scarlet regarda attentivement Tristan. Il n’avait aucune raison, pour autant qu’elle le sache, de lui
mentir.Iln’avaitaucuneraisondelamenerenbateau.Alorspourquoilefaitqu’elleresteluiimportait-il?Tic…tac…tic…Scarletserassitlentement.—D’accord,jevaist’écouter.ElleregardaGabriel.—Maispasdemensonge.
Gabrielhochalatête.—Pasdemensonge.Scarletcroisalesmainsdenouveauetregardasonpetitami.Ilavaitl’airdésespéré,pleind’espoiret
depeur,toutàlafois.Ellesesentaitmalpourlui.Ellesavaitqu’ilsesouciaitd’elleetqu’ilvoulaitqu’ellelecroie.Maispouvait-ellelefaire?Pourrait-elleluifaireconfiance?Devait-elleluifaireconfiance?—Permets-moiderecommencer.Gabrielseraclalagorge.—Danslesannées1500,nousvivionstouslestroisenAngleterre.Ilfitungesteenglobantchacund’eux.—Ettoietmoi,ajouta-t-ilenfaisantunsignedetêteversScarlet,nousétionsfiancés.—Quoi?Gabriel,immortel?Biensûr,pasdeproblème.Gabrieletelle,fiancés?Im-pos-sible.Gabrielopina.—Maistues…morteen1538,dit-ilendéglutissant.Etpuis,tuesrevenueàlavie…—Jesuisdésolée.Scarletlevaunemainetsecoualatêteavecinsistance.— J’ai l’impression que tu passes sous silence certains détails. Comme toute cette histoire de
fiançailles.Ellehaussalesépaules.—Etcommentjesuismorte?Etcommentdiablejesuisrevenueàlavie?Situveuxmefairecroire
cettehistoireridicule,alorstudoisaumoinsmedonnerplusd’informations.ElleavaitétéfiancéeàGabriel…ilyacinqcentsans…avantde«mourir»…etdereveniràlavie?Aïe.Saprésuméeviesemblaitsistupide.C’estvrai…disaitsoninstinct.«Tais-toi,instinct.Tuesridicule.»Gabrielhochalatête.—Exact.Essayonsencore.Tristansoupiraetdécroisasesbras.Tristanregardapar-dessussonépauleversTristanetdit:—Toi,veux-tuessayerdeluiexpliquer?TristanregardaGabriel,l’airsceptique.
—Pourquoivoudrais-jelefairealorsquetufaisuntravailfantastiquetoutseul?—Tais-toi.GabrielseretournaversScarlet.—Quoiqu’ilensoit…Nousétionsfiancés…—Etpuistuesmorte,intervintTristandemanièreprosaïque.LeregarddeScarletserivasurTristan.Gabriellançaunregardfurieuxàsonjumeau.—Jecroyaisquetunevoulaispasluiraconter.—J’aichangéd’avis.TristanhaussalesépaulesetregardaScarlet.—Gabriel et toi étiezpartispourvivreheureuxet avoir beaucoupd’enfantsquand l’ex-petite amie
cingléedeGabrielt’aviséeavecuneflèche…—Tonex-petiteamiem’atuée?ScarletregardaGabriel.Gabrielseretourna.—C’estunelonguehistoire…—Non,çanel’estpas.Jevaisrésumer.Tristanfitunpasenavantetcroisalesbrassursapoitrine.—Gabrielcourtisaitunejeunefilled’unvillagevoisinnomméeRaven…—Jenelacourtisaispas,ditsèchementGabriel.—Peuimporte.Tristanrouladesyeux.—Donc,RavenapenséqueGabrielvoulaitl’épouser.Maisensuite,ilt’arencontrée.Ilhaussadenouveaulesépaules.—Soudain,Gabrielnes’estplusintéresséàRaven.Alors,qu’a-t-ellefait?Scarletouvritlaboucheetdit:—Alors,ellem’a…tuée?Tristanopina.—Etelleaaussilancéunsortàlaflèchequit’atuée.ScarletdéviasonattentionversGabriel.—Quoi?Ilétaitquestiondesortsmaintenant?L’immortalité,laFontainedeJouvence,lessorts…Etensuite,desdragons?—Jesuisensorcelée?ScarletregardaGabriel.—Pasexactement.
Gabrielfitunegrimace.—Lamalédictionn’étaitpasdirigéecontretoi,maistusouffresencored’uneffet…secondairedela
malédiction.Àcausedelaflèche.—Tucomprends,ditTristan,Ravenétantunepetitesorcière…—Ellen’étaitpasunesorcière,ditGabriel.Tristanhaussalessourcils.—Elleajetéunsort,Gabe.C’estcequefontlessorcières.Ellesmontentsurdesbalais,jouentavec
leschatsetensorcèlentlesgens.Gabrielrouladesyeux.—Pourquoi fais-tu toujoursça?Pourquoidois-tuargumenteravecmoi surabsolument tout ?C’est
commeàchaquefoisquenous…Lesdeuxfrèrescommencèrentàsequereller,etsoudain, la têtedeScarletsemità tourneravecdes
couleursetdesbruits.Clic.Unautresouvenirsurgitdanssonesprit.Elleétaitadolescenteetportaitunelonguerobe.Ellen’étaitpasenGéorgie,elleétaitquelquepart
loin.Quelquepartoùil faisaitplusfroid…etoùlesarbresétaientplusdenses.Sescheveuxétaientpluslongsetelletenaitlamaindequelqu’un…Commepournepasperturberlesouvenirquiserévélait,ellemurmura:—Jemesouviensdequelquechose…Lesgarçonsseturentimmédiatementetconcentrèrenttouteleurattentionsurelletandisqu’elleessayait
des’imprégnerdavantagedecequ’ellevoyait.Elletenaitlamainde…Sonregardremontalelongdelamainpuisdubrasprèsd’elleetrencontradeuxyeuxbrunsfamiliers.Gabriel.Elle tenait lamain deGabriel. Il souriait et elle riait de quelque chose qu’il venait de dire. Ils
étaientbien.Ilsétaient…réels.Scarletclignadesyeuxrapidement,essayantdecomprendrecequesignifiaitsonsouvenir.Elleregarda
Gabriel,lesoufflecoupé.—Jemesouviensdetoi.Nousmarchionsdanslaforêt.Mescheveuxétaientpluslongs…ettuétais
bizarrementhabillé.Gabrielsepencha,unsourireserépandantlentementsursonvisage.—Tutesouviens?Tristaninclinalatête.—Oui,continuaScarlet.Ilfaisaitfroid,lesoleilallaitsecoucheretje…Ellesereplongeadanslesouvenirpourrassemblerautantd’informationsquepossible.—Jeportaisunelonguerobe…etunebaguedefiançailles…
«Étais-jevraimentfiancéeàGabrieldansuneviepassée?»C’étaitsiétrange.—Oui,ditGabriel,quihochalatête,enthousiaste.—Tesouviens-tud’autrechose?Scarletessayaderéfléchirencoreplusfort,defaireensortequesoncerveaucoopèreavecsavolonté
de se rappeler, mais le souvenir commença à se dissiper. Les bruits et la couleur tiraient à leur fin.Lentement,ilseretiraaufonddesonesprit,làoùilreposaitsilencieusementparmilesquelquesautressouvenirsprécieuxqu’ellepossédait.—Non,dut-elleadmettre.C’esttout.Satêteétaitperplexetandisqu’ellerevenaitversleprésent.Scarletregardalesol,pensive.C’étaitvrai.ToutcequeGabrieletTristanluiavaientditétaitvrai.Elleavaitvécuilyadessiècles.ElleavaitétéfiancéeàGabriel.Ellesesouvenait.Ellenepouvaitpaslenier.Scarletprituneprofonderespiration.Toutétaitvrai.Cequivoulaitdireque…ScarletregardaGabriel,puisTristan.—Bonsang!Vousêtesimmortels!Sapetitevoixsebrisa.Lesfrèresacquiescèrent.—Etmoi…,jemeursetjereviensàlavie!Scarletpouvaitàpeineprononcerlesmotssanss’étouffer.Outousser.Oufrissonner.Parcequemouriretreveniràlavieétaittotalementeffrayant.Etmonstrueux.Gabrielhochalatêted’unaircompatissant.Scarletpritquelquesautresprofondesrespirations.Bon,doncelleétaitsemi-immortelle.Ellemourait
etrevenaitàlavie.Ellepouvaitaccepterça,non?Sesmainsrecommencèrentàtrembler.Gabriels’assitprèsd’elleetposasamainréconfortantesursongenou.—Tunetesouviens…derienparrapportàça?Riendutout?Scarletsecoualatête,atterrée.—Non,Gabriel.Detouteévidence,jenemesouvienspas.Jesupposequesijemesouvenais,jene
seraispasassiseici,paniquée!—Hé…Hé.
Savoixétaitapaisantetandisqu’ilessayaitdelacalmer.—Çava.Ilhochalatêtedemanièrerassurante.—Toutirabien.Jetelepromets.Tupeuxlefaire.Tupeuxlegérer.Tun’asqu’àmefaireconfiance…
D’accord?Scarletscrutasesyeuxbrunsetessayadetrouverlaforcederespirersanspleurer.Ou,àtoutlemoins,
sansvomir.Elleopinaetprituninstantpourrassemblersesespritsetaborderrationnellementsasituation.Cequiétaitimpossible,parcequelarationalitén’avaitpassaplacedansleshistoiresd’immortalité,
demalédictionsetd’elfes.Bond’accord,peut-êtrequ’aucunelfen’était impliqué,mais ilyavaitdesmalédictions,cequiétait
toutaussifou.Scarletexpira.Elle avait juste besoin d’intégrer et d’accepter sa nouvelle réalité, même si elle était totalement
bizarre.Ellepouvaitlefaire.—D’accord,ditScarlet,qui se levapourchasser lanervositéenelle.Donne-moi juste…justeune
minutepourquematêtesefasseàtoutça…»Oupeut-êtrequejevomisse.»«Non,seréprimandaScarlet.Jenevaispasvomirdevant lesdeuxgarçons lesplusattirantsque je
connaisse.Scarletsemitàarpenterlapièce.»J’aicinqcentsans.»Jemeursetjereviensàlavie.»Monpetitamiestimmortel.»Et…ahoui,ilyaunemalédiction.»C’estratépourlanormalité!»Elle semit bien droite et prit quelques profondes respirations jusqu’à ce que sesmains arrêtent de
trembler.Elleavaitdesquestions,beaucoupdequestions.—Bien.Donc,jemeurs.Elleessayadeledirecommesic’étaitunfaitetpasunfunestedestin.Gabrielhochalatête.—Oui,maisturevienstoujoursàlavie.Commesic’étaitcensélafairesesentirmieux.— Est-ce que je reviens à la vie immédiatement ? Ou est-ce que je meurs quelques secondes, et
ensuite,jerevienstoutdesuitedansunenouvellevie?
—Euh,non.Gabrielfrottasesmainssursonjeanunefoisencore.— C’est différent à chaque fois. Parfois, tu meurs pour une centaine d’années, parfois seulement
quelquesdécennies.«Jeresteparfoismorteunecentained’années?Là,c’estofficiel,cettejournéeestvraimentnulle.»Elledéglutit,essayantdenepaspenseràsoncorpsendécompositiondansunetombeavecdesinsectes
quirampentpartoutsurelle.—Et…pourquoiest-cequejerevienstoujoursàlavie?LavoixdeGabrielétaitimprégnéederegrets.—Parcequetuasdusangimmortelentoi.— D’accord, approuva Scarlet. Parce que je suis semi-immortelle. Est-ce que je suis, genre, née
commeça?Suis-jeunemutanteouquelquechosedugenre?Lesdeuxfrèresremuèrent,malàl’aise.—Pasexactement,ditGabriel,quis’éclaircitlagorge.LaflèchequeRavenautiliséepourtetuerétait
recouvertedesangimmortelquandellet’atranspercée.Cesangs’estdoncinfiltrédanstoncœur.Lesangimmortelnemeurtjamais,alorsquandtoncorpsmeurt,lesangàl’intérieurdetoicombatpourterameneràlavie.Desquestionssebousculèrentdansl’espritdeScarlet.—Lesangimmorteldansmoncœurmeramèneàlavie?Gabrielacquiesça.—Alors,pourquoiest-cequejecontinueàmourir?—Parcequelesangimmortelnet’appartientpas.C’estunélémentsurnaturelquiesttropfortpourque
toncorpslecontienne,donc,àchaquenouvellevie,lesangcombatpourselibérerdetoncœur.Ilobligetoncœuràbattreplusviteetplusfortquelecœurdel’hommeneledevrait,forçanttoncœurjusqu’àcequ’ilcommenceàsedéchirer.Aufildutemps,toncœursebriselentementjusqu’àceque…tumeures.Encoreunefois.Tristanregardaleplafond,levisagecrispé.Scarletclignarapidementdesyeux,nesachantpastropquoidire.—Jecontinueàmourird’avoirlecœur…brisé?Gabrielhochalatête.—Maislesangimmortelàl’intérieurdetoiteramèneàlavie.—Jusqu’àceque,ditTristan,quilaregardaitdepuissoncoinsombre,lemêmesupersangdéchireton
cœurendeuxencoreunefoisettetue.Enfait,lesangtedonnelavie,puistel’enlève.LesparolesdeTristansemblaientempreintesdecolère,maissesyeuxavaientl’airblessés.—Tumeurs…Tureviensàlavie…Tumeurs…Tureviensàlavie.C’estuncerclevicieux.ScarletdéglutitetregardaGabriel.
—C’estçal’«effetsecondaire»donttuparlais?Gabrielhochalatête.—D’accord…D’accord,d’accord.Ellepassaunemainnerveusedanssescheveux.—Alors, pourquoi…Quel est sonnom?Raven ? Pourquoi voulait-elle que je revienne à la vie ?
Pourquoia-t-ellemisdusangimmortelsurlaflèche?Gabrieldit:—Elle…nel’apasfait.—Alorsqui?Tic…tac…tic…Scarletregardalesfrèressilencieuxàtourderôle.—C’estlesangdequidansmoncœur?EllejetaunœilversGabriel.—Letien?Gabrielregardalesol.«Bon,çaauguremal.»Gabrielseraclalagorge.—Lesangsurlaflèchen’étaitpaslemien.C’étaitceluideTristan.LesyeuxdeScarletserivèrentsurTristan,—quifixaitaussilesol.Malàl’aise,GabrielbougeaetregardaScarlet.—Àl’époque,Tristanetmoinesavionspasquenousétionsimmortels.Donc,nousignorionsquele
sangdeTristant’emprisonneraitdansuncycledemortetdevie.Tristannesavait—nousnesavions—…rien,enfait.Gabrielsefrottalajoueetregardadenouveaulesol.—Commentpouvais-tunepassavoirquetuétaisimmortel?ElleregardaTristanetserenfrogna.—Etpuispourquoidiableas-tumistonsangsurlaflèche?Gabrieldéglutit.—Personnen’amisdélibérémentlesangsurlaflèche,Scarlet.C’était…unaccident.Latensionenvahitlapièce.—Unaccident?ScarletregardaTristanetattenditquesesyeuxrencontrentlessiens.Ilavaitl’airhagard.Peiné.Son cœur vibrait tandis qu’elle sentait quelque chose de triste grandir en elle. Cette chose lourde,
chaudeetpleinederegretsmurmuraquelquechoseàsonâme.Quelquechosedepuissant.Quelquechosedetriste.
QuelquechosedontScarletnepouvaitsesouvenir.Ellescrutasonvisage,espérantdesréponses,maisilneditrien.Unmomentdesilencepassa.Tristansetournalentementetquittalapièce.LesyeuxdeScarlets’attardèrentsurluialorsqu’ildisparaissait.Sonrythmecardiaquerapidesecalma
pendantqu’ils’éloignait.Gabrielregardasonfrèresortiravecunsoupir.—Euh…Tristanadesproblèmes.Alors,essaiejustedel’ignorer.«Oui,biensûr.»Lentement,ScarletserassitetregardaGabriel.—CommentlesangdeTristans’est-il«accidentellement»retrouvésurlaflèche?Gabrielpinçaseslèvres.—QuandRavent’avisée,Tristanafait…ungenre…desautdevantlaflèchepourtesauver.Laflèche
a traversé soncœurpourallerdans le tien.Donc, la flècheaété recouvertede son sangquandelleafrappétoncœur.Scarletsepenchaenarrière,perplexe.—Maistuasditquevous,lesgarçons,nesaviezpasquevousétiezimmortels.—Nousl’ignorions.—Alors…LecœurdeScarletseserra.—Si Tristan ne savait pas qu’il était immortel, pourquoi a-t-il sauté devant une flèche ? Pourquoi
aurait-ilrisquésavie…pourmoi?SielleétaitfiancéeàGabriel,pourquoiTristanavait-ilétéprêtàmourirpourelle?Était-ceuncomportementnormalpourunfrère?Était-ceuncomportementnormalpour…quelqu’un?Gabrielhésita.—Tudevraisleluidemander.Scarletplissalesyeux.Quesepassait-il?
22
Tristanserenditdanslebureauets’arc-boutacontrelebureauancienenacajou.Ilétaitfurieux.Ilétaiteffrayé.Etilétaittriste.FurieuxparcequeGabrielavaitrencontréScarletavantquelamalédictionsoitbrisée,etmaintenant,
elleétaitdanssonsalon,complètementperdue.L’idiot.EffrayéparcequelessouvenirsdeScarletpourraientluireveniràtoutmoment,commeentémoignaient
ceuxqu’ellesavaienteusdanslesalon,etilnepouvaitpaslalaissersesouvenirdelui.Pascomplètement,dumoins.Et triste parce que, encore une fois, il n’y avait rien qu’il puisse faire—ouqu’ildevrait faire—
concernantlarelationdeGabrielavecScarlet.Sauflaregardersedéroulerdevantlui.Iljuradanssabarbe.Letempsétaitcompté.Ildevaitbriserlamalédictionimmédiatementavantqueleschosesdeviennenthorsdecontrôle.Ilsortitsontéléphonedesapocheetenvoyauntextoauplusrécentassassinqu’ilavaitengagé.
Changementdeprogramme,onsevoitcesoir.
Tristan glissa le téléphone dans sa poche et prit quelques profondes respirations. Son cœur battaitpérilleusementenlui.Ilattendituninstant,espérantquesapoitrinesecalmerait,maisc’étaitinutile.Scarletétaitàdeuxpiècesdelui,etsonâmen’avaitjamaisétéplusheureuse.Ouavide.LesangimmortelquicoulaitaucentreducœurdeScarletl’appelaitavecsonmartèlementpuissantet
brisaitlecœurdeScarletpeuàpeuàchaquepulsation.Il ne pouvait pas contrôler son sang dans la poitrine de Scarlet. Il ne pouvait pas l’empêcher de
déchirersoncœur.Etplusilseraitprèsd’elle,plusilferaitdedommages.Etcelaneferaitqu’empirersiellesesouvenaitdelui.Ildevaitresteràdistance.
23
Scarlettapotasursesgenoux.Ellenesavaitpasparoùcommencer—Donc,nousétionsfiancés.Tonex-petiteamiefollem’atiréedessus.Tristanaessayédemesauver
lavie,maisenfait,cequ’ilafait,c’estmetransformerenunefillesemi-immortellequiseréincarne.Ettunem’asjamaisriendit…riendetoutça?Elleleregarda,perplexeetblessée.Gabrielpritunelongueetprofonderespiration.—J’espéraisquelamalédictionseraitbriséeavantquetutesouviennesdetout.Jevoulaisavoirde
bonnesnouvellespourtoi.Jenevoulaispast’effrayer.—Maistum’aseffrayée.Jesuiscomplètementeffrayée,Gabriel.Ilhochalatêteetlaregardaattentivement.—Jesuistellementdésoléquetuaiespeur.Maisjetelejure,jenepensaispasqueçasepasseraitsi
mal.Habituellement,quandtureviensàlavie,tutesouviensdetoutimmédiatement.Scarletplissalefront.— Tu m’as menti. Tu m’as trompée. Tu es entré dans ma vie et tu as fait semblant que tu ne me
connaissaispas.Tuasjouéavecmatête,tuasjouéavecmoncœur,Gabriel.C’étaitmal.—Jesais.Savoixsebrisasousl’émotion.—Maistudoismecroire.Jesaisquetunetesouvienspasdemoi,quetunetesouvienspasdenous
ensemble,avant,maisjesuisfoudetoi,Scarlet.Jejurequejen’essayaispasdetetromper.C’estjusteque…tumemanquais.Etjenevoulaispast’effrayer.Jet’enprie,pardonne-moi.Scarlet serra ses lèvres. Elle était parcourue par une myriade d’émotions. Elle était en colère et
blessée.Mais,malgrétoussesefforts,ellenepouvaitpashaïrGabriel.Étrangement, elle compatissait presque à son désir d’entrer dans sa vie. Comme si elle comprenait
jusqu’oùonpouvaitallerpourlespersonnesqu’onaime…Scarletsecoualatête,perplexeetfrustrée.— J’en ai fini avec les mensonges. Je n’en veux plus. À partir de maintenant, tu vas devoir être
honnête.Parcequeça…Scarletfitungestepourmontrerlapièce.—Çan’estpascool.Tun’auraispasdûmelecacher.Çan’étaitpasjuste.Gabrielressemblaitàunanimalblessé.—Jesais.—Plusdemensonges,ditScarlet.Gabrielacquiesça.—Plusdemensonges.
—Alors,jetepardonne.EllesetutuninstantpourpenseràsesrelationspasséesavecGabriel—cellesdontellenepouvaitpas
sesouvenir.—Avons-nousété…,euh…,ensembledanstoutesmesvies?Ilhaussalesépaules.—Laplupart.—Et…combiendeviesai-jeeues?demanda-t-elleavecuneminerenfrognée.Deux?Trois?Quatre-vingts?—Six.«Six?D’accord,pasmal.Sixvies.»Moinsqu’unchat.»Jepeuxgérerça.»Scarletsecoualatête.— Et qu’en est-il des quinze premières années de cette vie-ci ? Pourquoi est-ce que je ne m’en
souvienspas?Gabrielavaitl’airdecompatir.— Quand tu meurs, ton corps n’est pas enterré et ne se décompose pas. Il fait juste comme…
disparaître.Ehbien,c’étaitbonàsavoir.Aumoins,ellenepourrissaitpasdansunefosseaprèschaquevie.—Etquandtureviensàlavie,continuaGabriel,toncorpsfaitjustecomme…réapparaître.Scarletétaitperplexe.—Quoi?—Tunenaispasdansunenouvellevie,dit-il.Tute…disons,matérialisesdansdesendroitsauhasard
ettuteréveillessansaucunsouvenir—commec’estarrivéilyadeuxans—ettuastoujoursquinzeansquandtu…réapparais.Scarletétaitbouchebée.—J’aieusixvies,maisaucuned’ellesn’avaitétéuneviecomplète?—Sauftapremièrevie,ditGabriel.Tuesnéedanscelle-là,biensûr.Avecunefamilleettout.Soncœurseserra.Unefamille.Sitoutcelaétaitvrai,alorsplusaucunmembredesafamillen’étaitvivant.Personnedesafamillene
l’avaitabandonnéedansleparc.Aucunefamillenelarechercherait,jamais.— Attends, intervint Scarlet en levant la main. Si je me matérialise dans des endroits au hasard,
commentas-tusuquej’étaisiciàAvalon?—Parceque…Gabrielremuasursonsiège.—ParcequeTristanpeutteretrouver.
—Quoi?Comment?Gabrielserraleslèvresuninstant.—CommentTristanpeut-ilmeretrouver?—Cen’estvraimentpasmonrôledeteledire…—Gabriel!Scarletenavaitvraimentassezdetoutescesdemi-véritésetdecessecrets.—D’accord,trèsbien.Ilseretournaetcriadanslecouloir:—Tristan!UnlongmomentpassaavantqueTristanapparaisseàl’entréedusalon,l’airagacé.—Quoi?—Scarlet veut savoir comment tu fais pour la retrouver, ditGabriel, qui regardait partout sauf son
jumeau.Tristanplissalesyeux.—Non.Ilrepartitdanslecouloir.—S’ilteplaît?Touscessecretsl’étouffaient.Elledevaitsavoir.Tristanrestadosàellependantplusieurslonguessecondes,etpendantuncourtinstant,cefutcommesi
elleétaitmomentanémentàl’intérieurdelui,sentantcequ’ilfaisait.Lapeur,l’anxiété,l’impuissance…ledésir?Maisl’assautaffectifdisparutaussivitequ’ilétaitvenu.Perdait-ellelatête?Probablement.Ceciexpliqueraitcertainementbeaucoupdechoses.Tristanseretournalentementetrencontrasonregard.Sesyeuxétaientdénuésd’émotionquandildit:—Jesuis…liéà toi.Àcausedusang.Jepeuxtesentir.Si jesuiscequejeressens…jete trouve
toujours.TristanjetaunœilversGabriel.—Tupeuxmesentir?Scarletinclinalatête.Tristanacquiesça.—Puis-jetesentiraussi?—Jenesaispas.—Ah,ditScarlet,nesachanttropquoifaireaveccetteinformation.Unmomentdélicatpassa.Scarlets’éclaircitlagorge.
—Est-cepourçaque…est-cepourçaquetavoixsemblesi…Parfaite?Belle?Familière?—Probablement,ditTristan.—EtlavoixdeGabriel?Scarletregardasonpetitami.—Ellesonneexactementcommelamienne,ditTristan.Lesjumeauxontdesvoixpresqueidentiques,
alorstonsang—oumonsang,oupeuimporte—enregistreprobablementnotrevoixets’yidentifie.—D’accord,acquiesçaScarlet.Parcequetonsangvitenmoi.Tristandétournalesyeuxethochalatête.—Lemêmesang,ditScarlet,perplexe,quidéchirelittéralementmoncœur.Ilopinadenouveau.ScarletregardaGabriel.—Ettupenses…quemoncœursebriseraànouveau?Commeill’afaitdanstoutesmesautresvies?
Tupensesquejevaismourir?Savoixétaitàpeineplusqu’unmurmure.Gabriellaregardaavecdeladouleurdanslesyeux.—Seulementsinousn’arrivonspasàbriserlamalédiction.—Cequenousferons,ditTristan,quiadressaunregardsévèreàsonjumeau.Scarletregardaentrelesdeuxfrèresuneseconde.—Avez-vousessayédebriserlamalédictionavant?—Nousavonsessayédelabriserpendantdescentainesd’années,ditGabriel.Laclépourdéfairela
malédictionestdetrouverlaFontainedeJouvence—lamêmefontainequinousadonnéàTristanetàmoil’immortalité.Maisnousn’avonspaseubeaucoupdechance.—La fontaine est censée se trouver en Floride,mais nous avons passé l’État au peigne fin et rien
trouvé.Nousavonscherchédanstoutel’Europe,leMoyen-Orient,l’AmériqueduSud.Nousavonssuivichaquelégendeserapportantàlafontaine,maisnousn’avonspasencoretrouvé.Scarletdit:—Maiselleexiste,non?Jeveuxdire,tamèreabudesoneau,doncn’aurait-ellepasdûsavoiroù
ellesetrouve?Gabrielsecoualatête.—Non, elle n’a jamais été à la fontaine. Elle a bu un flacon d’eau de la fontaine rapporté d’une
expéditiondansleNouveauMonde.L’hommequivendaitlesflaconsn’ajamaisditàpersonneoùilavaittrouvél’eau,alorsc’estrestéunmystère.—Desflacons?Ilyavaitplusd’unflacond’eaudelafontaine?Gabrielhochalatête.—Ilyavaittroisflaconsentout.—Oùsontlesflaconsmaintenant?
—Deuxsontvidesetl’autreest…manquant.«Biensûr.»—Donc, il ne reste plus de flacons et personne ne sait où se trouve la fontaine. Et si nous ne la
trouvonspas,jevaisprobablement…mourir.LevisagedeGabrielétaitpeiné.—Lafontaineestleseulmoyensûrdeteguérir.Unsentimentdepeuretd’échecparcourutScarlet.—Çan’arriverapas,ditTristan.J’aiunnouveauplanetilestgénial.—Jenepensepasquegénialsoitlemotjustepourça.Gabrielregardasonjumeau,l’airsévère.Tristanhaussalesépaules.—IlestàtouteépreuveetilvasauverlaviedeScarlet.—Quelesttonplan?ScarletregardaTristan,pleined’espoir.—Crois-moi,ditGabrielensecouantlatête.Tuneveuxpaslesavoir.Exaspérée,Scarletdit:—Tuviensjustedemepromettredeneplusmefairedesecrets.—Jesais,mais…—Gabriel t’a peut-être promis de ne plus te faire de secrets, ditTristan en regardant Scarlet avec
fermeté.Maispasmoi.Etils’agiticidemonsecret.EllefixaTristanunlongmoment.Ellevoulaitdébattreaveclui,maiscurieusement,ellesavaitqu’elle
perdrait.—Trèsbien.Gardetonpetitsecret.Maises-tusûrquetonnouveauplanvafonctionner?Tristanopina.Gabrielgrimaça.—Ilpourraitfonctionner.Maisjecroisquenousdevrionscontinueràchercherlafontaine.IlregardaScarletavecunsourirerassurant.—Etmaintenantquetusaisàproposdetout,nouspourrionschercherensemble.Scarletn’étaitpasrassurée.Elleavaitpeur.—Maistuviensdedirequevousaviezcherchépendantdessièclesetquevousn’aviezpasréussi.Ilacquiesça.—Maisçaneveutpasdirequ’ellen’estpaslà.Nousn’avonsqu’àcontinueràchercher.—Mais…etsionnelatrouvepas?Etsimonsang,oulesangdeTristanoujenesaisquoi,metueen
premier?Etsijemeurs?Scarletrepensaaumatindanslaforêtilyadeuxans.Lapeur…laconfusion…l’impuissancequ’elle
avaitressenties.Toutluirevenaitavecuneteinteetuneémotionvives.
Ellenepasseraitpas—nepouvaitpaspasser—parcetteexpérienceterrifianteencoreunefois.Elleétaitauborddeslarmes.— Hé, hé, dit Gabriel, qui passa son bras autour d’elle. Ça n’arrivera pas. Nous allons trouver
commenttegarderenvie,jetelepromets.Ilsemblaitdéterminé.—N’aiepaspeur.Scarlet,avecunelèvretremblante,rouladesyeuxalorsqu’elleselevait.—Jevaisprobablementmourir,Gabriel.Alors,pardonne-moisij’aipeur.Si elle restait uneminutedeplus, elle allait éclater en sanglots et s’effondrerait complètement.Elle
devaitsortirdelà.
24
Gabriel regarda Scarlet se diriger vers la porte d’entrée. Ses yeux bleus étaient grands ouverts etbrillants.Elle avait l’air effrayéeetbouleversée.Dansun instantdepanique,Gabriel entrepritde la suivreà
l’extérieur.—Scarlet,attends!Tristanluiadressaunregardvisantàl’avertiretavançapoursemettresursonchemin.Gabrielpoussaunsoupirdefrustration,maislaissaScarletpartir.Sielleavaitbesoindeplusd’espace,ilpouvaitleluiaccorder.Dumoins,pourlemoment.Scarletouvrit silencieusement laported’entrée etdisparut à l’extérieur.Lagrandeporte se referma
lentementderrièreelle.UnmomentdesilencetendupassaentreGabrieletTristan.—Ehbien…Ças’estbienpassé!Tristancroisalesbrassursapoitrine.Gabrielsecoualatête.—Necommencepas.—Tuesunidiot,ditTristan.Gabrielrouladesyeux.—Si, tu en es vraiment un, dit Tristan.D’abord, tu vas vers elle pour te présenter alors que nous
avions expressément accepté de la laisser vivre en paix jusqu’à ce que la malédiction soit brisée.Ensuite,tuinterfèresdanssavieaupointoùelleenvientàmesuivredanslesboisoù—Surprise!—elleapprendquetuasunfrèrejumeauetqu’ellevamourir.Échectotal,monvieux!Gabrielsecoualatête.—J’aiessayédelateniràl’écart,jetejure.—Çan’apasd’importance,Gabe.Elleestintelligente.Ellel’auraitprobablementdécouvertdetoute
manière.Gabrielexpira,lesyeuxtournésverslaporteduchalet.—Elleapaniqué.—Tupensaisqu’elleallaitfairequoi?Sauterdejoie?Onvientdeluidirequ’elleestcondamnéeà
mourir.Encore.—Oui,maisd’habitude,ellesesouvientdetoutunefoisqu’onluiditquandelleestnée.Ques’est-il
passé?Pourquoinesesouvient-ellederiencettefois?Tristansecoualatête.
—Jenesaispas.Maisc’estexactementpourquoijenevoulaispasquetularencontres.Elleapeuretonestmalbarrés.Unmomentpassa.Tristandit:—Tuasomisquelquesdétails,tusais.Tuneluiaspasditenquoiconsistaitlamalédictionenfait.Gabrielsecoualatête.—Qu’étais-jecenséfaire?Luidirequ’elleestmaseulechancedevivrelegrandamour?Çaaurait
étémaladroit.—Maistuneluiaspasparlédemoinonplus.Gabrielhaussalesépaules.—Jenevoulaispaslafairepaniquerplusquenécessaire.Etjenevoulaispasqu’elleaitpeurdetoi.«
Désolé, Scarlet,mais quand tu es près deTristan, tes problèmes cardiaques empirent.En fait,Tristandéchiretoncœurendeuxparsaseuleprésence.»Non,jeneveuxpasqu’ellepensequetupourraislatuer.—Maisjepeux.—Maistuneleferaspas.Etc’estcequicompte.Tunel’aspasencorerenduemalade.Toutvabien.Ilexpira.LevisagedeTristansecrispa.—Tudoisluidirederesterloindemoi.—Si elle commence à tombermalade, jem’assurerai qu’elle sache qu’elle doit rester loin de toi.
D’icilà,jeneveuxpasaugmentersapeur.Gabrielsepassalamaindanslescheveux.—Elleesttellementeffrayée.Quepuis-jefaire?—Rien,ditTristan.Ilsuffit…deluidonnerunpeud’espaceetdelalaisserdigérertoutcequetului
asditaujourd’hui.Tunepeuxpast’attendreàcequ’elleterefasseconfianceimmédiatement.Tuluiasditdeschosesquiontprobablementl’airfolles.Laisse-latranquilleuncertaintemps.Quandelleseraprête,ellereviendra.Gabrielsecoualatête.—Jenepeuxpasresterassislàetnerienfairealorsqu’elleestpaniquéeàl’idéedemourir.Jedois
trouverunmoyendelarassurer.Jedoisfairequelquechose.Ledésespoirl’envahit.IlparcourutlapiècedesyeuxuninstantavantderegarderdenouveauTristan.—Jedoisimmédiatementtrouverunmoyenderomprelesort.Nousdevonstrouverlafontaine.Tristanrouladesyeux.—Ildoityavoirquelquechosequenousavonsmanquéavant…—Non,Gabriel.Nousavonscherchépartout.Lafontaineestuneénigme.—Non.Gabrielsecoualatête.
—Jerefused’abandonner.Jelatrouverai.PourScarlet.Tristansoupira.—Bonne chance, alors ! En attendant, je vais continuer avecmon plan d’assassinat pour que nous
puissionsvraimentbriserlamalédiction.Ilsedirigeaverslaportedederrière.—Oùvas-tu?Tristanneseretournapas.—M’exercerautiràl’arc.Çaaétéunerudejournée.TristansortitparlaportedederrièretandisqueGabrielmontaitpourretourneràsesrecherchessurla
FontainedeJouvence.LeplandeTristanfonctionneraitpeut-être,maisGabrieln’avaitpasletempsd’attendrequesonfrère
rentreàlamaisonavecuncadavre.Scarletétaitprobablementterroriséeetavaitbesoind’êtrerassurée,cequeGabrielétaitdéterminéà
faire.
25
LecœurbattantdeScarletsemblaitsecalmertandisqu’elles’éloignaitduchalet.Ellepensaitqu’elleseseraitmiseàpleureraumomentoùelleauraitfranchileseuilduchalet,mais
non.Elleétaittropenétatdechocpourpleurer.Del’airentraitetsortaitdesespoumons,maisellenesentaitrien.Ellesedirigeaverssavoituresansavoirdeplan.Qu’était-ellecenséefaire?Rentrerchezelleetdîner
avecLauracommesirienn’avaitchangédanssavieaujourd’hui?Euh,non.«Jevaismourir.»Lamalédictionexistaitdepuisdescentainesd’années,etpersonnen’avaitétéenmesuredelabriser.
C’étaitsansespoir.LecœurdeScarletallaitlatuer.Oui,ellereviendraitàlavie,maispassanslamêmehorribleetdéroutantepertedemémoirequ’elle
avaitconnueilyadeuxans.Savie?Foutue.Quandellearrivaàsavoiture, lesmanuels scolairessur sonsiègepassager lui rappelèrent lavie«
normale»qu’elleavaitàlamaison.Ellen’étaitpasencoreprêteàréintégrerunevie«normale».Spontanément,ellepartitdanslesbois,sansbut.Elleavançaàtraverslaforêtdenseetlesfeuillesqui
jonchaientlesol,sansrienvoirautourd’elle,sansrienressentiràl’intérieurd’elle.Ellenefaisaitque…marcher.Lesoleilétaitbasdanslecieletlanuittomberaitbientôt.Crac,crac.Lesfeuillesmortesetlesbrindilleséclataientsoussespas.Scarletétaitseule.Seuleavecsondestin.Seuledanslavie.Ellen’avaitpersonneversquisetourner,personnesurquisepencher.Ellen’avaitrien.Saufuncœurbrisé…littéralement.Aïe.Elleesquivaunebranched’arbreetseretrouvadansunepetiteclairière.Réalisantoùelleétait,ellese
figea.C’étaitl’endroitexactoùelles’étaitréveilléedeuxansplustôt.Elles’ensouvenaitparfaitement.
Scarletparcourutlaclairièredesyeuxuninstant.Ilsemblaitappropriéd’êtrearrivéedistraitementaupointd’originedetoutesaconfusionetdesapeur,
carelleétaitplusperplexeetcraintivequejamais.Lecorpsengourdi,elles’assitsurlaterrehumideetfermalesyeux.Ellevoulaitsentirleventbalayersescheveux.Ellevoulaitsentirl’airfroiddelaforêtetfrissonner.Ellevoulaitsentirquelquechose.N’importequoi.Etellevoulaitpleurer.
26
Tristanalignasapremièreflècheetvisalacibleauloin.Zoum.Danslemile.Lorsque Scarlet avait quitté le chalet, son estomac s’était serré en son absence, ce qui rendait sa
respirationlaborieuseetdouloureuse.Cen’étaitlàriendenouveau.Mais,pouruneraisonquelconque,ilsouffraitplusqued’habitude.Et,enplus,ilétaitstressé.Ilreculasonbrasetlaissavoleruneautreflèche,espérantsoulagerneserait-cequ’uneoncedetension.Zoum.Danslemile.Pasdesoulagement.Enfait,ilsesentitplusanxieux.Plusimpuissanteteffrayé.Aujourd’huiavaitétéundésastre.Sarencontre-surpriseavecScarlet,lefaitqu’ellenesesouviennepasdupassé,Gabrielquiluiavait
parlédelamalédiction,oudumoins,d’unepartiedelamalédiction…Undésastre.Ilsoupirafortementetarmauneautreflècheavantdedesserrersesdoigtspourlalibérer.Quelquechoseattirasonattention.À travers l’épaisseurdesgrandsarbres,Tristanvitunmouvement. Il futbref et informe,mais il sut
immédiatementcedontils’agissait.Scarlet.Quefaisait-elledanslesbois?Ilrestaperplexeuninstantavantdesecouerlatête.Ilreculadenouveaulaflèche,essayantdenepas
penseràelle.Zoum.Laflècheratacomplètementlacible.Ils’arrêtauninstant,auxprisesavecsoninstinctd’allerlaréconforter.Ilétaitattiréparellesurunplanphysiqueetsurnaturelqu’ilconnaissait.Maiscequ’ilressentaitàcemoment-làn’étaitpassurnaturel.C’étaitquelquechosed’ancienetdeprofond,quelquechosedontiln’avaitjamaisétéenmesuredese
séparer.Ilsecouadenouveaulatête,repoussantlachaleurdanssapoitrinejusquedanslesfossesglacialesde
sonâmeauxquelleselleappartenait.
Gabrielétaitsonpetitami.IldevraitêtreleseulàallerconsolerScarletdanslesbois.Et en plus, Tristan ne venait-il pas juste de faire la leçon àGabriel en lui disant de lui laisser de
l’espace?Tristanseraisonna.Non.Ilrefusad’allerverselle,mêmes’illuiétaitdouloureuxderesterlàoùilétait.Cequiétaitlecas.Vraiment.Tristanprituneautreflècheetl’alignasoigneusementcontresonarc.Zoum.Encoreraté.Ilmarquaunepauseavantd’abaissersonarcetdejurer.Nonpasparcequesesflèchess’étaientégarées.Mais parce que la pièce manquante de son âme— le sang qui lui appartenait, mais qui battait à
l’intérieurdeScarlet—étaitblottiequelquepartdanslaprofondeurdesbois,tristeetapeurée.Tristanposasonarcsurlesoletsemitàmarcherdanslaforêtépaisse.IlnepouvaitpasvoirScarlet,maisilpouvaitlasentir.Etc’étaittoutcequ’illuifallaitpourlaretrouver.
27
Uneseulelarme,voilàtoutcequeScarletfutenmesured’extrairedesaparalysieémotionnelle.Maiscefutsuffisant.Ellelaissalalarmemontersoussapaupièrebaisséeavantdedébordersursajoue.«Jevaismourir.»Seule.»Lalarmeglissasursonvisagetandisqu’unebrisefraîcheeffleuraitsapeau,refroidissantl’humiditéle
longdesajoue.Paralyséepartoutailleurs,Scarletsedélectadelasensationdefroidsursonvisage.Siseulementellepouvaitfaireapparaîtreuneautrelarmepourfairecoulerlentementdufroidsursa
peau.Elleessaya,maisaucuneautrelarmenevint.Soncorpsétaitsiengourdiquelesquestionssansréponsedanssatêtesebrouillèrent.Elleinspiraprofondément,etsespenséesdevinrenttelunmantraqu’onrépète.«Jevaismourir.»Seule.»Àquoiservait-ildevivresic’étaitpourmourir?Lesyeuxtoujoursfermés,Scarletécoutalaforêt.Crac,crac.Plusdefeuillescraquaient,leurtexturesefragmentantsouslepoidsdequelquechosederéel,quelque
chosedelourd.Quelquechosequis’approchaitd’elle.Crac,crac.Unécureuil?Unours?Scarletnes’ensouciaitpas.Ellelaisseraitl’ourslamangerpuisqu’ellen’avaitplusderaisondevivre.«Parcequejevaismourir.»Seule.»Scarletpenchalatêtealorsquelerythmedesoncœurs’accélérait.Elleentenditquelqu’unrespirer,etpendantuninstant,lesonlaremplitd’espoir.Commesielleavait
uneraisonderespirer.Unsouffledoux,lentetrégulierdérivadanssesoreilles.ElleouvritlesyeuxetvitTristandeboutau-dessusd’elle.Soncœurs’emballaencoreplus,battantlachamade.Presquecommes’illereconnaissait.Etc’étaitpeut-êtrelecas.Peut-êtreque lesangdeTristan,quise trouvaitaucentredesapoitrineàelle,savaitqu’ilétait tout
prèsetréagissaitàsaprésence.
—Salut,dit-il.—Salut.Savoixétaitfaible.Ilfixasesyeuxvertssursonvisageetl’examinauneminute.—Commeça,aujourd’hui,çacraint!Ellelaissaéchapperunrirecrispé.—Ouais.Sesyeuxs’attardèrentsurlecorpsdeScarlet,assiselesjambescroiséessurlesfeuillesdéchiquetées
etlaterre.—Tun’aspasfroidparterre?Scarlethaussalesépaules.—Jeveuxavoirfroid.Ellen’aimaitpasavoir froid,mais le froid—et lepassagede l’airde la forêtdansethorsde ses
poumons—étaitlaseulechosequ’ellepouvaitsentiràcemoment-là.Etelleavaitdésespérémentbesoinderessentirquelquechose.Ilhésitauninstant.Puisilpritdoucementplaceàcôtéd’elle,àmêmelesol.—J’aimelefroidaussi,dit-il,lachaleurdesoncorpschatouillantlecôtédubrasdeScarlet.Scarletregardadroitdevantelleethochalatête.Elleétaitsûrequ’iln’aimaitpasplusavoirfroidqu’elle.Pourtant,ilétaitassisàcôtéd’elle.Plusieursminutespassèrent,s’évaporantdanslesairsaveclesoleilcouchant.Aucund’euxneditrien
alorsqu’ilsétaientassisensemble.Àrespirer.Unoiseaugazouillait,quelquesfeuillestombaientetleventbruissaitdoucementàtraverslesarbres.Sinon,cen’étaitquesilence.Scarlet tourna la tête pour regarder le garçon à côté d’elle. Il était beau et fort.Exactement comme
Gabriel,mais…non.Ilsetournaetlaregardaenface,leursvisagesàseulementquelquescentimètresl’undel’autre,etdit
avecdouceur:—Toutvabienaller.Ellescrutasonvisage,etsoncœursecalmatandisqu’elleréalisaitquelquechose.Ellen’étaitpasseule.Elleétaiteffrayéeetbouleversée,maisellen’étaitpasseule.ElleavaitHeather,quilafaisaitsesentirnormaleetaimée.ElleavaitLaura,quiluiavaitdonnéunemaisonetunestabilité.ElleavaitGabriel,quis’intéressaitàelledepuisdessiècles,apparemment.
EtelleavaitTristan,qui…Ehbien,ellenesavaitpasquelétaitlerôledeTristandanssavie.Maisilétaitlà,danslaforêtfroideavecelle,etc’étaitsuffisant.Quelquechoseenluil’apaisait.Etelleavaitbesoindepaix.Parcequ’elleallaitmourir.—Jesuiseffrayée,ditScarletdistraitement.Tristanregardalesarbresuninstanttandisqueleventsoufflaitdoucement.—Jesais.Savoixétaittriste.Parcequ’elleavaitpeuretparcequ’ellevoulaitsedécharger,Scarletdit,pensive:—Àquoibonvivresionnevitquepourmourir?Sijen’aipasdepassé,etjen’auraiprobablement
pasd’avenir,alorsmavien’aaucunvéritable…sens,si?Àquoibontoutça?Tristanrestasilencieuxquelquesinstants,àregarderlesfeuillesdevanteux.—Ilnes’agitpaslàdepasséetd’avenir.Lavie,c’estaujourd’hui.Ilfitunepause.—C’est jusqu’à environ cinqminutes à partir demaintenant et il y a deux secondes. Ce sont des
moments,tusais?Pasdesannées.Lesannéesnesontpascequinousdéfinit.Scarletplissalefront.—Mais…sionsaitquenotretempsestcompté,peut-onvraimentvivrepleinement?—Ohoui,dit-ilsérieusement.Plusencorequeceuxd’entrenousquipensentquenousavonsunevie
inépuisable.Savoirquelamortestàproximitédonneunechancedevivre…sciemment.Scarletregardalesfeuillestombersurlesol,gisantparmilesautresfeuillessurleparterredelaforêt.—Uneviecourtesembleinutile.Tristanréfléchituninstant.—N’est-cepascequelavieest,pourtant?Uneoccasionbrèved’exister?Uncadeaudecourtedurée
?Scarletinspira.—Peut-être.Maisj’aitoujourspeur.Delamort.Ilpassaunemainsurlesfeuillesdéchiquetéesdevanteux.—Lamort,dit-ilenregardantdenouveaulesarbres,n’esteffrayantequepouruneviesansaucunsens.Scarletaussiregardalesarbres.—Maisc’estjusteque…mavien’apasdesens…Elleest…vide.Ducoindel’œil,ellevitunsouriretristesedessinersurlabouchedeTristan.—Tavieaeuplusdesensquemilleviesréunies.Davantagedefeuillestombèrent.—Tunetesouvienspascombientavieaétébelle…Maisunjour,tutesouviendras.Et…je…Ilseraclalagorge.—Gabrieletmoi…netelaisseronspasmourircettefois.
Ilsetournapourlaregarder.—Donc,tun’asrienàcraindre.ScarletdévialeregarddeTristanpendantquelquesinstants.Unebrisepassaetellefutparcouruedefrissons.Scarlet le regarda, sentant la profondeur et la sincérité de ses paroles reposer contre son cœur
défaillant.Ellen’étaitpasseuledutout.Àcemoment-là,alorsqu’ellefixait lesyeuxvertsd’uninconnufamilier,quelquechosegranditdans
Scarlet.Quelquechosedebon,dechargéd’espoiretdecourageux.Sapoitrineseserraetsoncœurbattitplusfortalorsqu’uneforceremplissaitsonâme.Sapeurétaitpartie,étoufféeparlesparolesdeTristan,sonintonationetlachaleurdesoncorpsàcôté
dusien.Toutallaitbiensepasser.Pasfacilement.Pasparfaitement.Maiscorrectement.Lesderniers rayonsde lumière,dansdes teintesbrillantesd’orangeetde rose, seglissèrentdans la
noirceurtandisquelesoleilsecouchaitderrièrelesmontagneslointaines.Lacouverturefroidedelanuits’abattitsurlesarbresetseglissalelongdusolforestier,maisScarletn’avaitplusfroid.La chaleur du corps deTristan s’infiltra dans sa peau et s’enroula autour de la poitrine de Scarlet,
réchauffantjusqu’àsoncœur.Lasensationrepartitverssesbras,sesjambes,sesdoigtsetsesorteils,commeleventfroidselevaitet
faisait tournoyer ses cheveux noirs derrière elle. Une fois encore, elle inspira profondément et unesensationderenouveauremplitsespoumonsavecl’airvif.Scarlet étaitvivanteetprête à affronter lemonde,peu importe combien sombreet injuste cemonde
pouvaitêtre.Parcequ’ellen’étaitpasseule.Etqu’ellepouvaittoutsentir.
28
IlfaisaitcomplètementnoirquandScarletarrivachezelle.Lauraregardaitlatélévisiondanssatenuedetravail.Seschaussuresàtalonshautstraînaientàcôtéducanapédusalon.—Oùétais-tu?demanda-t-elleavecunsourire.LauraignoraittotalementcombientoutelaviedeScarletvenaitdechanger.Ellenesavaitpasquela
jeune fille debout devant elle était semi-immortelle et qu’elle risquait demourir soudainement chaqueseconde.—J’étaischezGabriel,ditScarletparcequec’étaitvraietdénuédetoutdétail.La dernière chose que Scarlet voulait faire, c’était bavarder demalédictions et d’immortalité avec
Laura.ElleauraitprobablementenvoyéScarleten thérapie.Oupire,elle l’auraitplacéedans lecircuitdes
famillesd’accueil.UnsentimentdepaniqueintensesaisitScarletàcetteidée.SiLaurapensaitqueScarletétaitfolle,ellepourraitvouloirrenonceràsagardeetremettreScarletaux
mainsdel’État.Etquisaitcequiluiarriveraitalors?«Non,pensaScarlet.JenepeuxenaucuncasdirelavéritéàLaura.»Pasencore,dumoins.—ChezGabriel?demandaLaura,quisouriait.As-turencontrésafamille?Scarlethochalentementlatête.—Oui.Ilaunfrère.«Unfrèresecret.»—Vraiment?ditLaura,quihaussalégèrementlavoix.Scarletcontinuaàopiner.—Unfrèrejumeau.Elleréfléchituninstant.PourquoiGabrielavait-ilgardéTristansecret?Voilàuneautrequestionsansréponse.Laurafronçalessourcils.—Tunesavaispasàproposdesonjumeau?Bizarre!—Oui,jenesaispaspourquoi.Gabrielestvraimentdiscretsursafamilleettout.Scarletdevaits’arrêterdeparleravantdevidersonsacetqueLauralaplacedansunasiledefous.Lauralaregardaattentivement.—Tuasl’air…fatiguée.Est-cequeçava?—Oui…Jedoisjusteallerdormir.
Scarletclignadesyeuxetmontaàl’étage.—Bonnenuit,luilançaLaura.Scarlet arrivaà sachambreet s’effondra sur songrand lit, espérantque savie seraitmoins folleet
désordonnéedanslamatinée.Ellefermalesyeux,maislesommeilnevintpas.Leslarmes,oui.
29
Tristansetenaitdanslaruellehumided’unentrepôtabandonnéàattendretranquillement.Àproximité,lalueurtroubleorangéed’unréverbèrevacillaitdanslanuitnoire.Ilavaitapprisdernièrementquelesgensassezfouspourtuerquelqu’undonnaienttoujoursrendez-vousdansdeslieuxlugubres.Tristantoléraitcettesituationseulementparcequ’ilétaitdésespéré.Un rat passa vivement à côté de ses chaussures. La lueur sinistre du réverbère projeta une ombre
menaçantedurongeursurlesol,commeildisparaissaitderrièreunebenneàordures.Tristandevait vraiment trouverdes criminels qui auraient plus degoût pour les lieux.Le trucde la
ruellecommençaitàvieillir.Cesoir,ildevaitrencontreruntypenomméManiaque.Et«Maniaque»étaitenretard…Cequin’était
pas étonnant. On ne peut pas s’adjoindre les services d’un psychopathe et s’attendre à ce qu’il soitponctuel.Dessirènes retentissaientau loin,etTristansemità faire lescentpas le longdumurdebriquesen
ruineàcôtédelui.Ilpassaunemaindanssescheveuxhirsutesetessayadesecalmer.Scarletsavaitmaintenant.Ellel’avaitvu,elleavaitentendul’histoire.Cen’étaitplusqu’unequestion
detempsavantqu’ellesesouviennedetout.Ilnepouvaitpas risquerquesessentimentspour lui—ouréciproquement—compromettentcequi
devaitêtrefait.Avecunpeudechance,lamalédictionseraitrompueavantleleverdusoleiletlecœurdeTristanallait
enfintrouverlapaix.CommeceluideScarlet.L’idéequeTristanvivetouttypedepaixsansScarletétaitabsurde,maisc’étaittoutcequ’ilpouvait
espérer.Il ferma les yeux jusqu’à ce qu’il ne voie rien que des souvenirs. Des souvenirs qui dataient de
longtemps,quandTristanvivaitsaviecommesielleétaitunprécieuxsablier,symboledel’écoulementdutemps.Avantqu’ilsachequ’ilétaitimmortel.Avant,quandlavieétaitplusfragile.C’étaitunepériodeoùlaviesignifiaitvraimentquelquechose.Quandlavieétaitdifficile,maisutile,etquel’amourétaitprécieux,carlesjoursétaientcomptés.C’étaitçalavie.Ilrepensaauxannéesoù…Scarletétaitpleined’amouretderires.Quandellesecouchaitàcôtédelui
dans l’herbe et qu’ils jouaient tous les deux à s’éclabousser dans l’océan.Quand elle était pleine debonheuretquesesyeuxtrouvaienttoujourslessiens…
Lessouvenirsl’inondèrent,leremplissantdenostalgieetdechaleur.Commentpourrait-ilyavoirunevieplusparfaitequelesnombreusesqu’ilavaitvécues?Sansprévenir,lessouvenirsdedouleur,detourmentsetdemortlebombardèrent,emportantaveceux
toutréconfort.S’asseoir à côtédeScarlet dans la forêt aujourd’hui avait étéune erreur.Unebelle et irrémédiable
erreur.Tristanouvritlesyeux,etrésolu,ilregardalesol,maudissantlaréalitéquinarguaittoujourssesrêves.Cetteréalitéétaitlaraisonpourlaquelleilétaitlà,dansl’obscurité,avecunratetunebenneàordures.Scarletavait tropsouffert, troplongtemps.Ilfallaitmettreuntermeaucycleridiculeet injustedesa
vie,etsileschosessedéroulaientbiencesoir—cequiétaittrèspeuprobable,maisquivalaitlecoup—,ceseraitfait.Avecunedéterminationrenouvelée,TristanseredressaetattenditManiaque.Finalement,unegrandesilhouetteapprochadeluidepuisl’autreboutdelaruelle.Tristanavançaavec
désinvoltureendirectiondel’homme,ettandisqu’ilapprochait,ilvitqueManiaqueétaitungrandtypemuscléaveclesyeuxfuyants,unelonguemoustacheetdesondesmaléfiques.ExactementcequeTristanimaginait.—VousêtesManiaque?LavoixdeTristanrésonnadanslaruelle.Encore une autre raison pour haïr les ruelles. Comment était-on censé être discret quand les voix
portaientsurunkilomètre?—Ouais.Toi,c’estBrooker?Non,maisManiaquen’avaitpasbesoindelesavoir.—Oui.—Tuasl’argent?Maniaquecrachasurlesolavantdeparcourirlaruelledesyeux.Était-ilnerveux?CedontTristanavaitbesoinici,c’étaitd’uncriminelenthousiasteprêtàfairen’importequoi.Pasd’un
prétenduassassinmoustachuquinageaitentredeuxeaux.Maniaquenepouvaitpasrevenirsursaposition.Tristan donna une enveloppe remplie de gros billets à l’homme et attendit que Maniaque compte.
Tristanétaitdégoûtédecequelesgensétaientprêtsàfairepourdel’argent.Cesoir,cependant,ilétaitreconnaissantd’autantdedépravation.Satisfaitdumontant,ManiaqueregardaTristan.—Alors,donne-moilesdétails.Tuveuxquejem’enprenneàqui?Tristanprituneprofondeinspiration.C’étaitlapartiedifficile.—D’abord,jedoissavoirsivousêtescapabledecommettreunmeurtre.Maniaquesemblas’offenserdelaquestion.
—Évidemmentqueoui.Jedescendraisn’importequipourlebonprix.Tristanhochalatête.—Maisleplusimportant,c’estd’allerjusqu’aubout.Jedoissavoirquevousavezterminéletravail.
Cen’estpasuneciblefacile.Maniaques’offusqua.—Jel’achèverai.Quelgenred’hommecommenceunmeurtreets’arrêteàmi-chemin?«Vousseriezsurpris.»—Entendu,ditTristan.J’aiapportévotrepoignard.Iltenditlamainderrièresondosetdégainalepoignardfraîchementaiguiséqu’ilavaitapportédechez
lui.Sondernierpoignardn’avaitpasfonctionné.Avecunpeudechance,celui-cileferait.— Un poignard ? demanda Maniaque, perplexe. Pourquoi pas simplement une arme à feu ? Les
pistoletssontplusrapides.—Non.Lespistoletsnefonctionnentpas.TristantenditlepoignardàManiaqueetattendit.Maniaqueexaminal’armeuninstantavantdedire:—C’estunsupercouteau.Maisjepréfèrenettementlespistolets.LevisagedeTristan,frustré,secrispa.—J’ensuiscertain.Maisjenevouspaiepaspourtirerdesballes.Jeveuxquevousutilisiezceci.Tristanagitalalonguelamedesortequ’ellereflètelelampadaire.Maniaquehésitaavantdetendrelamainverslepoignard.Tristansoupiraintérieurement.SiManiaquenepouvaitpastirerpartidesoncôté«maniaque»,lanuit
allaitêtrelongue.Maniaquemanipulalalamequelquesinstantsavantdedire:—D’accord,çaira.Quiestlacible?TristanpassasonT-shirtpar-dessussa têteetsentit l’airde lanuitse jetersursapoitrinenue. Ilse
redressa,détenditsoncouetrépondit:—Moi.Maniaqueleregarda,troublé.—Tuveuxquejetetue?Tristanhochalatête.—Oui.Prenezcepoignardetplantez-le-moidirectementdanslecœur.Ensuite,faitesglisserlalame.
Nevouscontentezpasdemepoignarder.Vousdevezcoupermoncœurendeux,compris?Mêmeaveclabonnearme,unimmortelnepouvaitpasmouriràmoinsquesoncœuraitétécoupéen
deux.ManiaquemaugréaetregardaattentivementTristan.—Qu’est-cec’estquecejeudemalade?
—Cen’estpasunjeu.Jenevaispasvousbattre,jenevaispasvousfairedemaletjenevaispascrier.Maisjedoismourir.Donc,quoiquevousfassiez,nevousarrêtezpasjusqu’àcequejesoismort.Est-cequevouscomprenez?CommeManiaquesemblaitréfléchir,Tristanparladefaçonplusagressive.—Soitvousfaitescequejevousdemande,soitvousfoutezlecampd’ici.Lebruitdespattesderongeursquidétalaientrésonnadanslaruelle.Enuninstant,lesyeuxdeManiaques’illuminèrentaveccequeTristannepouvaitdéfinirquecomme
une«faim».Lecôté«maniaque»avaitenfinfaitsurface.QuandManiaquerépondit,savoixétaitmêléedeveninetdemalice.—Sicequetuveux,c’estlamort.Jesuisplusqu’heureuxdetel’accorder.Pourlapremièrefoisdepuisdenombreusesannées,Tristanétaitpleind’espoir.Peut-êtrequecetype
étaitjusteassezfoupourmeneràbiensoncrime.—Jesuisprêtquandvousvoulez!ditTristan,commeilavançaitd’unpas.Unautrerattraversalaruelleencourantetenémettantdesbruitsaigusderongeur.L’odeurdesordures
etdelaterrehumideflottaitdansl’allée,portéeparleventdelanuit,etlalueurdulampadairevacillaitàunrythmequisemblaitcalculé.Allumé,éteint.Allumé,éteint.Allumé,éteint.C’étaitainsiqueTristanallaitmourir.Aveclesrats,lesorduresetleslampesstroboscopiquesorange.Toutcelasemblaitapproprié.Maniaque fit tourner lepoignardquelques fois, ajustant lepoids et lapréhension sur lemanche.Un
sourirediaboliquesedessinaitsuruncôtédesaboucheetonpouvaitlirel’excitationdanssesyeux.Savoixétaitbasseetgraveleuse.—Tuessûrquetuesprêtàmourir?Àvraidire,Tristann’étaitpasprêt.Tropdechosesrestaientnonachevées,tropdemotsnondits.MaisilpermettraitàScarletdeneplus
souffrir.Iln’étaitpasprêtàmourir.Maisilétaitrésolu.—Faites-le,ditTristanenregardantl’assassindanslesyeux.Il resta immobile et observa anxieusementManiaque saisir le poignard, reculer son brasmusclé, et
d’unseulmouvementrapideetpuissant,enfoncerlalamedirectementdanslecœurdeTristan.
30
Lelendemain,Scarletnequittapassachambreunefois.Ellerestadanssonlitàregarderleplafondetàessayer de comprendre comment elle allait s’adapter à la viemaintenant qu’elle était une fille semi-immortelleavecuncœurmourant.Laura,inquiète,luiapportadelanourritureplusieursfoisdanslajournéeetessayadeluifairequitter
sachambre.MaisScarletétaittropaccabléepours’exécuter.Ilyavaittellementdequestionscaptivesdanssatête.Combiendetempsfaudrait-ilavantquesoncœurn’atteignelepointfatal?Lesfrèreslaretrouveraient-ilsdanssaprochainevie?Serait-ellepiégéedanssoncycledevieetdemortpourtoujours?Lamalédictionserait-ellebriséeunjour?Lamalédictionpourrait-elleêtrebriséeunjour?PourquoiGabrielavait-ilcachéTristan?Pourquoinepouvait-ellepasserappelerautrechosequelesbribesdesouvenirsqu’elleavaiteuesau
chalet?SiGabrieletelleavaientétéfiancés,celasignifiait-ilqu’elleétaitamoureusedeGabriel?EtsielleétaitamoureusedeGabriel,alorspourquoiétait-ellesiattiréeparTristan?Lesquestions sebousculèrent dans son esprit jusqu’à cequ’elle ait un terriblemal de tête et aucun
moyendesedétendre.Son téléphonene cessait de sonner et d’émettre desbips,maisScarlet ignora tous les appels et les
textos.Ellen’avaitpaspeurdesavie,maisellen’yétaitpaspréparéenonplus.Elleavaitjustebesoind’unpeuplusdetemps…Scarletseretournaetcachasatête,quiluifaisaitmal,soussonoreiller.Lajournéeallaitêtrelongue.
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LachambredeTristanétaitmeubléed’untrèsgrandlitaucentre,d’unearmoireanciennedanslecoinetelleavaituneimmensesalledebainenmarbreadjacente.Bienqu’ellese trouvaitdanslesous-sol,sachambreétaitbienéclairéeetneressemblaitpastoutàfaitaucachotqu’onauraitcru.Etelleparaissaitsouventcommeuncachot.Unlieusouterrain.Unlieusansespoir.Unlieupleindecauchemars.Descauchemarscommelanuitdernière.Tristanregardasapoitrinenuedans lemiroirde lasalledebainetsoupira.Sesmultiplesblessures
guérissaientàleurnormal,rapiderythme.Merde!Maniaqueavaitétépersévérant.IlavaitentaillélecorpsdeTristanpendanttroisheures.Cequiétait
exactementcequeTristanavaitvouluqu’ilfasse,maisçan’avaitmanifestementpasfonctionné.Etçaavaitfaitsacrémentmal.Il fallait accorder àManiaque le fait quemême lorsque les plaies ouvertes sur le corps deTristan
avaientdégoulinéetquelesangavaitjailli,iln’avaitpasvomi.Tristannepouvaitpasendireautantdesdeuxderniersassassinsqu’ilavaitembauchés.MaisManiaqueavaitfiniparpaniquer,jeterlepoignardsurlesoletaccuserTristand’êtreunvampire.
Cen’étaitpaslapremièrefoisqu’ilsefaisaitprendrepourunetellecréature.Maniaque,effrayé,avaitprissesjambesàsoncou.Tristan était resté dans la ruelle toute la nuit à observer, avec souffrance, son corps guérir seul
lentement.Quand lematin fut venu, ses organes et sesmuscles s’étaient ressoudés,mais il était tropmal pour
tenterdesedéplacer.Alors,toutelajournée,ilétaitrestéausolparmilesrats,jusqu’àcequ’ilsoitassezfortpourréussiràserendreàsavoiture.Leretourchezluiavaitétélong…commetoujours.Tristan souffrait, était fatigué et déprimé. Il regarda son lit dans le reflet du miroir et soupira. Le
sommeil ne viendrait pas,même s’il essayait. Lorsque Scarlet était vivante, le sommeil était toujoursfugaceetagité.Maiscestemps-ci,ilétaitpresqueimpossible.Il prit une douche pour se débarrasser du sang, de la sueur et de la saleté partout sur son corps et
s’essuya. Bientôt, les cicatrices de la nuit dernière disparaîtraient complètement, laissant son torsepresqueimpeccable.Qu’est-cequ’ilnedonneraitpaspourêtreendécompositionàcôtédecettebenneencemoment!
Ilenfilaunepairedejeansetunechemisepropre,s’emparadupoignardensanglantésursacommodeetmontaàl’étage.Ilavaitbeaucoupdetravailàfaire.Ildevaittrouverunnouvelassassinetunenouvellearme.Lajournéeallaitêtrelongue.
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Dimanchematin,ScarletseréveillaàcausedelavoixaiguëdeHeather.Encore.—ScarletMarieJacobs!Scarletn’avaitpasdedeuxièmeprénom,dumoinspasundontellesesouvenait,maisHeatherluien
avait donnéunquandmême.Probablement pour qu’elle puisse crier aprèsScarlet à certainsmomentscommecelui-ci.—Quoi?grommelaScarletsoussonoreillermoelleux.Lalumièredusoleildanssachambreétait troplumineuseetgaie.Scarletvoulutdisparaîtredansles
ténèbresdusommeil.—Jet’envoiedestextosetjet’appelledepuisdeuxjours!CC!—J’étaisoccupée.Scarletroulapourseretrouverdosàsafenêtreensoleillée.HeatherseglissasurlecôtédulitdeScarletets’assitàcôtédesonvisage.—Occupée?Àfairequoi,exactement?Lauram’aditquetuétaisrestéeaulittoutelajournéed’hier.Lauraluiavaitditça?Grrr…Satutriceetsameilleureamieétaientdemèche.—J’aipasséunefindesemainedifficile,ditScarletenfermantlesyeuxdansunevainetentativede
ramenersonespritverslesommeil.—Difficilecomment?Scarletsoupiraetouvritlesyeux.Lesommeilétaitunecauseperdue.—Juste…untrucavecGabriel.—UntrucavecGabriel?Heatherplissalesyeux.—Ques’est-ilpassé?Scarletfitlamoue.—Ehbien…Qu’allait-elledireàHeather?Lavérité?HeatherserapprochadeScarlet.—Tuasdécouvertqu’iltecachaitquelquechose,c’estça?Sesyeuxs’écarquillèrentetdevinrentaccusateurs.Scarletplissalefront,surlepointdenier,maiselleréalisaqu’ellepouvaittournercelaàsonavantage.—Ehbien,oui…Il…
—Jelesavais!l’interrompitHeatherensecouantlatête.Ilestdanslapègre,n’est-cepas?Cebâtard!Jesavaisqu’ilfaisaitdutraficdedrogue…—Non.Scarletsecoualatête.—Iln’estpasdanslapègre.—Alors,quecache-t-il?ditHeatherd’unsouffle.Est-ilmarié?—Quoi?Scarletfronçalessourcils.—Non.Non,iln’estpasmarié.Maisill’étaitpresque.Avecmoi.Grrr…—Non,il…ScarletpensatoutdireàHeather.Sesviesmultiples,sesmortsmultiples…Maisellenepouvaitpas.Dumoinspasencore.Heatherpourrait-ellecroirel’histoiredeScarlet?Peut-être.Probablement.Heatheraimaitlesextraterrestres,lesvampiresetlesovnis,alorsellepouvaitprobablementcroireà
desjumeauximmortelsetàunemeilleureamiequiressuscitait.MaisScarletn’étaitpasprêteàimpliquerquelqu’und’autre.Et,pourêtrehonnête,elleétaitencoresi
perplexequ’ellenesavaitpasparoùcommencer.«Ehbien,figure-toiqu’àcaused’unemalédiction,jevaismourir.Moncœursebrisependantquenous
parlons et je pourrais m’écrouler à tout instant, mais n’aie pas peur ! Je ressusciterai dans quelquesdécennies.Çan’estpasgrave.Oh,etaufait,Gabrielesttotalementimmortel.»Non,ellenepouvaitpasdire lavéritéàHeather.Dumoins,pas jusqu’àceque lavéritéaitplusde
sens.ElledécidadoncdedireàHeatherunedemi-vérité.—Gabriela…unfrère.Ils’appelleTristan.Voilà.C’étaitplutôtbien…pasvrai?Gabrielavaitmentiausujetdesonfrère.C’étaitsongrandsecret.Heatherallaitgoberça,non?—Ilaunfrère?ditHeatherencored’unsouffle.Pourquoicepetitsalauddementeur…Attends…Heathers’arrêta,passantdelaHeatherprotectriceàlaHeatherdragueuse.—Sonfrèreest-ilsexy?Est-cequ’ilhabiteloin?Heatherhaussalessourcils.—Est-cequ’ilvoitquelqu’un?Scarletpoussaunsoupirdesoulagement.Pourunefois,elleétaitcontentequesameilleureamiesoit
folledesgarçons.
—Euh,ditScarletenpinçantseslèvres,c’estlefrèrejumeaudeGabriel,alors…oui,ilestséduisant.Etjesuissûrequ’ilvitavecGabriel.Maisjenesaispass’ilvoitquelqu’un…UnpincementaucœurtraversalapoitrinedeScarletàlapenséequeTristanaitunepetiteamie.Elleseréprimandarapidement.«Pourquoimesoucierais-jedesfréquentationspotentiellesdeTristan?»Heatherécarquillalesyeuxetrestabouchebée.—Gabrielaunjumeau?Etilnetel’apasdit?Ellesecoualatêtefrénétiquement.—Pourquoinet’a-t-ilpasparlédesonjumeau?Ellebaissalavoixavecunairsoupçonneux.—Est-cequesonfrèreestcomme…unjumeaumaléfique?Est-celuiquiestdanslapègre?—Non,Heather!Personnen’estdanslapègre.Scarletseredressaetpassaunemaindansseslongscheveux.—Ah!LesyeuxdeHeatherbrillèrent.—Peut-êtrequ’Angien’apasvuGabrieldansleparcàminuit,aprèstout!Peut-êtrequ’elleavuson
jumeau!Etjepariequec’étaitlejumeaumaléfiquequej’aivudanslequartierdesentrepôtsaussi.Ellehochalatêtecommesiellevenaitderésoudreungrandmystère.Scarletréfléchit.—Oui…C’étaitprobablementTristan.Heatherplissalesyeux.—Mais… pourquoi le frère de Gabriel traînait-il dans le parc et pourquoi faisait-il des affaires
louchesdanslequartierdesentrepôts?Àmoinsqu’il…—Iln’estpasdanslapègre,Heather.Heatherhaussalesépaulesetsecoualatête.—Peuimporte.Jedisjustequesoncomportementestbizarre.LejumeaudeGabrielestbizarre.Scarletacquiesça.Ilavaituncomportementbizarre.ElledevraitinterrogerTristanàcesujetplustard.—Etcommentas-tudécouvertqu’ilavaitunfrère?Est-cequeGabriels’estjuste,comme,confessé?Scarletfitunemoueembarrassée.Heathersourit.—Ohnon!Qu’as-tufait?Scarlet raconta àHeather qu’elle avait suiviGabriel/Tristan dans les bois, en omettant la partie où
ScarletavaitvouluapposersesmainssurtoutlecorpsdeTristan.—Tul’assuividanslesbois…commeunepsychopathe?Heatherhaussaunsourcil.Scarlethochalatêtehonteusement.Heatherrit.
—C’estgénial!Tuesvraimentfolle!Elleritdenouveau,puisfronçalessourcils.—MaispourquoiGabriell’a-t-ilgardésecret?Pourquoitel’a-t-ilcaché?—Jenesaispastrèsbien.—Tun’aspaspenséàdemanderàGabrielpourquoiilamenti?Scarletsecoualatêteenmarmonnant.—Jen’avaispasl’espritclair,tucomprends?Ellelaissatombersatêteenarrièresursonoreiller,ressentantunfardeaus’abattresurelle.—Mavieestfolle.Heatherrouladesyeux.—Ellen’estpassifolle.«Tun’enasaucuneidée.»Heathercontinua:—Gabrielt’amenti…Etalors?Iln’yaaucuneraisonpourquetuboudes.C’estjusteunfrèreidiot…
Unfrèreidiot,sexyetsecret.Tut’enremettras.Scarletnesesouciaitpasdufrèreidiot,sexyetsecret.Ellesesouciaitdesamortimminente.MaisHeathern’étaitpasaucourantdececi.EtScarletn’étaitpasprêteàcequeHeathercommenceà
travaillersurunélogefunèbre.Quepouvait-elledireàHeatherquijustifieraitsoncomportementémotionnel?Scarletréfléchituninstant.—J’aiaussidécouvertqueGabrielétaitfiancéàquelqu’un.«Etmerde!Pourquoiavait-elleditça?—Ilétaitquoi?Fiancé?Tutemoquesdemoi!C’estdingue!Ilestado,bonsang!Bon,detouteévidence,letrucdesfiançaillesallaitfonctionnercommelacouvertured’unmagazinesur
lecomportementperturbédeScarlet,maisilnefaisaitqu’ajouteruneautresériedemensongesàlatoilefragilequeScarlettissait.Scarlethochalatête,sesentantcommelapireamiedetouslestemps.—Ilétaitfiancé,etjenelesavaispas.—Ehbien,oùsetrouvecettegarcemaintenant?Est-elleàAvalon?Vit-elleàNewYork?Est-elle
allergiqueauxfraises?Parcequejevaisluienvoyerunpanier-cadeauquiluiferaregretterd’avoirposélesyeuxsurlecorpsperfide—bienqu’exquis—deGabriel!Scarletsecouarapidementlatête.—Non.EllenevitpasàNewYork.Elle,euh…,estmorte.«Qu’onm’achèvesur-le-champ!»Ilyadeuxjours,Scarletavaitétéexaspéréeparlesdemi-véritésetlessecretsdeGabriel.Etvoilàque
maintenantellefaisaitexactementlamêmechoseàsameilleureamie,unefillequiavaitacceptéScarlet
sansposerdequestionetsanslajuger.Scarletneméritaitpassonamitié.Heatheradoucitsonairvengeur.—Ah,ehbien,pasdepanier-cadeaudanscecas-là.ElleregardaScarletaveccompassion.—Jesuisdésolée,Scarlet.Çacraint.Est-cequeçava?Scarletopina.—Ouais,jedoisjuste…jedoisjustemeressaisir,tusais?Heather,compréhensive,acquiesçatandisqueScarletseglissaitsouslescouverturesetsedétournait.Ellevoulaitêtreseule.Ellevoulaitassimilertoutcequ’elleavaitapprisdeGabrieletcomprendrece
qu’elleallaitfairedansuneprochaineétape.Etellevoulaitpleurerpouravoirmentiàsameilleureamie.Heatherrestaàsescôtésencoreuneminute,etScarletsupposaqu’ellelalaisseraitseuleàpleurerdans
sonoreiller.Non.—D’accord,lève-toi.HeathersautahorsdulitdeScarletetfrappadanssesmains.Scarlet,latêtetoujourssoussonoreiller,regardadiscrètement.—Pourquoi?—Parcequeeee,ditHeather,tut’esassezmorfondue.Etaussiparcequejesuispresquecertaineque
çafaitdeuxjoursquetuesenpyjama.Beurk!Scarletregardasonpyjamaconfortableethaussalesépaules.Heatherrouladesyeux.—Voicicequetuvasfaire:tuvastelever,t’habilleretmelaissert’emmenerettefairepasserune
journéedefilles.Nousallonsfairelesboutiques,mangerdelaglace,pleureroupeuimporte.Çavaêtregéant!Scarletgrommeladenouveau.—Jeneveuxpasmelever.—Ehbien,c’estdommage!Heather tira les couvertures, les laissa retomber sur le sol et entra dans la pièce-penderie. De là,
Scarletentendit:—Tunevaspasteréfugierdanstachambreettelamentertoutelajournéeparcequetonpetitamit’a
menti,Scarlet.Tun’espasunbébésansdéfense.Heathersortitlatêtedelapenderieetregardasonamie.—Tuesunebellebrunesuperintelligente,etcen’estpasunpetitamiunpeuidiot,menteuretsexyqui
vachangerça.Elleclignadesyeux.
—Etjenevaispasresterlààtelaissermijoterdansunpyjamasaleencotonuneminutedeplus.Scarletserenfrogna.—Cen’estpascommesij’étaiscouvertedeboueetdesueur,Heather.Mespyjamassontpropres.HeatherregardaScarlet,l’airabasourdi.—Évidemment,lasaletét’estmontéeàlatête.LecœurdeScarletseserra.LajoiepersistantedeHeatheretsonobstinationétaientexactementcedont
elleavaitbesoinaujourd’hui.ScarletdécidaalorsimmédiatementdedirelavéritéàHeather.Bientôt.Heatherméritaithonnêteté.EtdèsqueScarletauraittrouvécommentluiexpliquersasituationsansla
fairepaniquer,elledemanderaitàHeatherdes’asseoiretavouerait.Heatherdisparutencoreuneminuteavantdesortirdelapièce-penderieavecunetenuesurlebras—,
qu’ellejetaàScarlet.—Prendsunedoucheethabille-toi.Scarletpritlesvêtementsenbâillant.—Cequetuesautoritaire!Heatherposaunemainsursahanche.—Ehbien,quelqu’unabesoindeprendreleschosesenmain.Ça,dit-elleenfaisantungrandcercleen
facedeScarletpourindiquerl’apparencedeScarlet,çan’estpasbon.Ondiraitquetuasétéélevéeparunemeutedeloupssauvagesenpyjama.ScarletlançaunregardagacéàHeatheravantderouleràcontrecœurhorsdulitetdesedirigerversla
salledebain.—Jet’aime!luicriaHeather,dontlavoixavaitretrouvésadésinvolturehabituelle.—Tantmieuxpourtoi,réponditScarlet.MaiselleaimaitHeather.EtHeatheravaitraison.Elleavaitbesoindeprendreunedouche.
33
Lundi matin arriva, et Gabriel n’avait pas encore parlé avec Scarlet depuis le chalet. Sa tentatived’expliquerleschosesnes’étaitpasbienpassée,surtoutparcequ’ellenesesouvenaitdepresquerien.Non préparé à l’absence demémoire de Scarlet, il n’avait pas su comment l’apaiser par rapport à
l’idéede,ehbien,demourir.Etilnesavaitpascommentluidireàproposdesamalédiction.LamalédictionquileprivaitdetoutgrandamourendehorsdeScarlet.Quelquechosedanslefaitdele
luidiresemblaitjuste…égoïste.Ilnevoulaitpaslaforceràl’aimer.Ilvoulaituneaffectionsincère,pasuneaffectionfeinteparpitiéou
parobligation.Ilattendraitjusqu’àcequ’ellesesouviennedetout.Aumoins,decettefaçon,elleserappelleraitaussi
commentilss’étaientfiancésetcombienill’avaitaiméeavantmêmelamalédiction.Jusque-là,ilavaitfaitattention,espérantqueScarletluireviendraitetluiconfieraitsondestin.Assisdansl’attentequesontroisièmecourscommence,ilsoupira.Toutàcoup,quelqu’unluidonnaunetapesurl’arrièredelatête.—Oh,lementeur!ditHeather,quifitletourdesonbureauets’assitenfacedeGabriel,avantdese
tournerverslui.Elleplissalesyeux.—Tuétaisfiancéavant?Ettuasunjumeausecret?Bonsang,Gabriel!Il se frotta l’arrièrede la tête.Scarlet luiavaitenvoyéunbref textopour lui fairesavoircequ’elle
avaitditàHeather,alorsils’étaitattenduàça.Ehbien,pasautrucdelaclaquederrièrelatête,maisàlaconfrontationverbalemuscléedeHeather.Ilsoupira.—Jesais.Jesuisnul.J’aicompris.Heathersepencha,etsonparfumvanilléflottadanssesnarines.—As-tud’autressecretsdefamillequetuvoudraisconfesser?Unonclemortpeut-être?Uncochon
domestiquequiparle?Ilauraitbienaimé.Sisonplusgrandsecretdefamilleavaitétéuncochondomestiquequiparle,savieseraitdugâteau.Gabrielsefrottalajoue.—J’aimentiàScarletetj’aieutort.Mais…Ilsepenchaenavant,soudainsoucieuxdesedéfendreauprèsdequelqu’un.—Jeneluiferaisjamaisdemal.Jamais.Ilserecula.—Jetiensàelle,Heather.Etcen’estpasunmensonge.
Heather pinça ses lèvres et l’examina, dubitative. Après quelques instants, elle laissa échapper unsoupir.—Jetecrois.Ellerejetasescheveuxsurlecôtéetfronçalessourcils.—Jedétestetecroire.Ceseraitbeaucoupplusfacilesijepensaisquetuesuneracaillequimentpour
quejepuissemerévoltercontretoi.Gabrielrouladesyeux.—Ehbien,mercidemecroire.Heatherricanacommesielleessayaitdenepasl’aimer.—Mais,tuétaisfiancé?C’estvraimentbizarre,Gabriel.Tuesaulycée!—C’étaitilyalongtemps.—Longtempsàquelpoint?Tuavaisquoi?Dixans?Ilsoupiradenouveau.—Çan’aplusd’importancemaintenant,d’accord?Toutcequiimporte,c’estScarlet.Heatherplissalesyeux.—Tuferaismieuxdenepastemoquerd’elle,parcequejetetuerai.Lentement.Etdouloureusement.
Etjecommenceraiprobablementpararrachertessourcilssivirils.Alors,soisprévenu!Ellen’estpasqu’unefillemignonneavecquituvasàl’école,Gabriel.ElleestScarlet.Neluibrisepaslecœur.Gabrielclignadesyeux,remplid’admirationpourlapetiteblondeassisedevantlui.HeathersesouciaitvraimentdeScarlet.Ilgardasonairgrave.— Je promets que je traiterai Scarlet comme si elle était mon âme sœur prédestinée et que je la
convoitaisdepuiscinqcentsans.Heatherhaussalessourcils.—Ouah!Elleclignadesyeux.—Bonneréplique.Très…poétique!Gabrielexpira.—Commentva-t-elle?Avanttoutechose,ilespéraitqueScarletfaisaitface.Ellepouvaitlehaïr,ellepouvaitmêmechoisirde
neplusjamaisluireparler,maisGabrielavaitbesoindesavoirqu’ellenes’écroulaitpas.Heatherditdansunsoupir:—Euh,pasbien.Elleesttoutecalmeetpensive.C’estcommetraîneravecunmathématicien.Ilfaut
que tu lui parles, Gabriel. Excuse-toi auprès d’elle et dis-lui que ton ex avait une jambe de bois ouquelquechosedugenre.Ramène-laàlavie.Ilpinçaseslèvres.—Est-elle…triste…ouquelquechosecommeça?
—Bien sûrquenon,ditHeatherd’unair renfrogné.Cen’estpasunepleurnicharde, çava.Elleestjuste…loin,tusais?Ellefitclaquersesdoigtsdevantsonvisage.— Donc, arrange ça. J’ai besoin que ma meilleure amie revienne. Et aussi, j’ai besoin qu’elle
commenceàporterdeschaussettesassorties.Aujourd’hui,elleenamisuneblancheetuneblanccassé.Heatherlevasesmainsdanslesairs.—Inacceptable.Gabrielretintunsourire.—Jel’aiappeléeetluiaienvoyédestextostoutelafindesemaine.Elleveutdel’espace.Heatherhochalatêteetfitlamoue.—Ouais,ehbienalors,donne-luidel’espace.Maisquandtuluiparles,pourrais-tuymettreuncertain
charmesupplémentaire?LevisagedeHeatherdevintcompatissant.—Sacourtevieaétéplutôtdifficileetfolle,tusais?Soisgentil.Soncœurramollit.Heatherétaitprotectrice,fougueuse,agaçanteetbrusque.MaiselleaimaitScarlet.Laclochesonnaetlesétudiants,nonchalants,prirentplace.Avantdeseretourner,Heatherchuchota:—Bonsang,j’adoretachemise.Ettaceinture.Bravo!GabrielsourittandisquelescheveuxblondsdeHeatherflottaientdevantluipendantqu’ellesetournait
pourfairefaceàl’avantdelasalle.HeatherétaitunebonneamiepourScarlet,mêmesielleétaitunpeufolle.
34
Lespremiersjoursaulycéed’Avalondepuisqu’elleenavaitapprissursonpassésurnatureletsonavenircondamnéà l’échecétaient flouspourScarlet.Maiselleavait réussiavecsuccèsàéviterGabrieletàesquiverlaplupartdesquestionsdeHeather.Jusqu’àjeudi.Scarlet s’assit en classe et regarda distraitement l’avant de la salle. Pour elle, suivre les cours
d’anglaisausérieuxs’avéraitdifficile.Quandonestcondamnéàmouriretqu’onressusciteenvirontouteslesdécennies,lesdissertationsne
semblentplustrèsimportantes.Unepetitebouledepapierheurtasonépaule,etScarletrouladesyeux.Heatherétaitunelanceusedenotesinvétérée.Scarletregardasameilleureamieavantderamasserlanotesurlesoloùelleétaittombée.
As-tuparléàtonpetitamimenteursupersexyaujourd’hui?
ScarletlançaunregardfurieuxàHeatheretsecoualatête.ElleignoreraitGabriel—ettouteautrepartiedesonpasséridicule—jusqu’ànouvelordre.ElleavaitenvoyéuntextoàGabrielilyavaitquelquesjourspourluifairesavoirqu’elleavaitbesoin
d’espaceetdetempspourdigérerleschosesetsefaireuneidéedesonavenir.Gabrielavaitrépondupolimentendisantqu’ilcomprenait,maiselleétaitsûrequ’unepartdeluiétait
déçue.Lafindesemaineavaitétéassezimproductive.Scarletenétaitvenueàtrèspeudeconclusions,mais
unechoseétaitsûre:elledevaitagirnormalement.Qu’allait-ellefaire?S’enfuiravecGabrielpourpartiràlarecherchedelaFontainedeJouvence?Peuprobable.Lauraappelleraitlapoliceetrempliraitunrapportdepersonnedisparue.OnretrouveraitScarletetles
chosesempireraient.C’était drôle comme, il y avait quelques années, Scarlet avait passé des semaines à souhaiter que
quelqu’unremplisseunrapportdedisparitionpourelle.Maintenantqu’elleavaitdesgensquil’aimaientdanssavie,ellenepourraitpassimplementdisparaîtreetlesquitter.Scarletsouritintérieurement.Ilétaitréconfortantdesavoirqu’elleétaitaimée.C’étaitaussiunpeugênant.Maissurtoutréconfortant.Ellenepouvaitpasquitterlaville,maisellenepouvaitpasnonplusdemanderlapermissiondeLaura
departiràl’aventureavecsonpetitamiàlarecherched’unefontainemythique.
Alors, à la place, Scarlet décida de la jouer cool. Elle irait à l’école, ferait ses devoirs et secomporteraitcommeuneadolescentenormale,nonmaudite,jusqu’àcequ’elleaitunmeilleurplan.Malheureusement,unepartieduplanquiconsistaitàlajouercoolimpliquaitdementiràHeather.Cequiétaitnul.Heather était la seule personne, en plus deLaura, qui avait donné une chance à Scarlet. Luimentir
n’était pas juste, et cette pensée brisait le cœur de Scarlet. Mais elle n’était pas prête à introduirequelqu’und’autredanssafolie.Heatherdevraitresterdansl’ombre,dumoinsjusqu’àcequeScarletaitunemeilleurecompréhension
delasituation.La cloche sonna, signalant la fin du cours, et tout lemonde rassembla ses affaires.Heather aborda
Scarletavecunregarddepitié.—Est-cequeçava?Tuasl’air…ramollie.—Ramollie?—Ouais,acquiesçaHeather.Commeunspaghettisurladéprimeouquelquechosedugenre.—Jevaisbien.—Tun’aspasl’airbien.Tuasl’air…triste.Etunpeucommeunepoupéedechiffon.Qu’est-cequise
passeavectescheveuxaujourd’hui?As-tuperdutabrosse?—Pasmaintenant,Heather,ditScarletenpassantrapidementdevantelle.Elleavaitdeschosesplusimportantesàréglerquesescheveuxenbataille.Commemourir.—Scarlet,ditHeather,quialla seplaceràcôtéd’ellealorsqu’ellesmarchaientvers leurscasiers.
Quepuis-jefairepourt’aider?Dequoias-tubesoin?Veux-tuquejetabasseGabrielpourt’avoirmenti?Parcequejeleferais.Jepourraismêmemecasserunonglesic’estcequ’iltefaut.ScarletsouritàlapenséedelaminusculeHeatherquiessayaitd’avoirledessussurlegéantGabriel.—Non.Non,jenesuismêmepasvraimentencolèrecontreGabriel.Jesuis…folledelui.Maisj’ai…
j’aijustebesoindetemps.Heatherfitunsignedetêteenregardantdanslecouloir.—Ehbien,tuferaismieuxdeprofiterdesquelquessecondesquiviennentparcequejesuissûreque
Gabrielvientparici.Scarlet leva lesyeuxet vitGabriel avancerdans le couloir, sonbeauvisage rivévers le sien.Elle
voulaitsetourneretfuir,trouverduréconfortdansunplacardàbalaisoun’importequoi,maisellen’enfitrien.Parcequ’elleignoraitcomplètementoùsetrouvaitleplacardàbalaisleplusproche.Etaussiparceque,endépitdelafoliedecesderniersjours,elles’ennuyaitdeGabriel.Elles’ennuyaitdesonparfum,desabellevoixetdesonsourireparfait.Scarletleregardaapprocher.Ellerestaimmobileàcôtédesoncasier.—Salut,ditGabrielalorsqu’ilapprochait.
Scarlethochalatête.—Salut.Unmomentdélicatpassa.—Euh…LesyeuxdeHeatherpassèrentdeGabrielàScarlet,puisdenouveauàGabriel.—C’estbizarre.Etj’aimeraisbeaucoupresteretcommenterlesjeansfantastiquesdeGabriel,dit-elle
enregardantlepantalondeGabrielavecunsourire.Maisjevais…m’enaller.Ellequittalatensiongênanteetavançajusqu’àsondeuxièmecours.—Alors,ditGabriel,enregardantScarletavecdegrandsyeuximpuissants.Jesaisqu’encemoment,
tuveuxplusd’espaceetjeneveuxpasm’immiscerencoreunefoisdanstavie,mais…Ilsourittristement.—S’ilteplaît,nemerejettepascomplètement.Scarletleregardauninstantetréalisaquesapoitrineluifaisaitmal.Ellenevoulaitpasl’exclure.Elle
voulaitretrouversonpetitami.Elleavaitessayéd’êtreencolèrecontrelui,elleavaitessayédelehaïrparcequ’illuiavaitmenti,maisellenepouvaitpas.Elles’étaittropennuyéedelui.Nesachantpasquoidirenicommentdissoudrelatensionentreeux,ellesemitsurlapointedespieds
etcollaseslèvressurlessiennes,sesyeuxsefermantàleurcontact.Il l’embrassadoucement luiaussi,presque timidement,commes’ilcraignaitpeut-êtrequ’ellechange
d’avis et se détache complètement. Il posa ses mains sur sa taille et la rapprocha doucement de luijusqu’àcequeleurslèvresseséparent.ToujoursdanslesbrasdeGabrieletsurlapointedespieds,Scarletouvritlesyeuxetlevitluisourire.Elleneputs’empêcherdesourireelleaussidevantcerictusenfantin.—Quoi?—Rien.Tum’asmanqué,c’esttout.Ellerougit.—Leschosesvonts’arranger,Scarlet.Jetelepromets.Scarlethochalatête,sonsourirefaiblissantpendantunbrefinstant.—Jel’espère.—C’estvrai,ditGabrielavecassurance.Àcesmots,Scarletretrouvasonsourire.Ellevoulaitlecroire.Peut-êtrequ’unjour,elleleferait.ScarletrabaissasesyeuxsurlesoltandisquelamaindeGabrieltombaitdesataillepourprendresa
mainetlatenirdélicatement.Maintenant,elleprendraitleschosesunjouràlafois.Aujourd’hui,elletiendraitlamaindesonbeaupetitamietlelaisseraitrevenirdanssavie.Demain,peut-êtrequ’ellesebrosseraitlescheveux.
35
Demain arriva, et Scarlet réussit à brosser ses cheveux, au grand plaisir de Heather. Elle décidaégalementdefaireunevisiteimpromptueauchaletdeGabrielaprèsl’école.ElleavaitdesquestionsetlesfrèresArcheravaientlesréponses.Scarletgarasavoituredansl’alléedeterreduchalet,prituneprofondeinspirationetsortit.Elleavançajusqu’auxmarchesduperronetattenditdevantlaporte.Illuisemblaitquecelafaisaitdes
années qu’elle s’était trouvée sur ce porche et qu’elle avait rencontré Tristan. Tant de choses avaientchangédepuis.Aprèsavoirfrappéàquelquesreprises,laporteduchalets’ouvritpourrévélerTristan.Quitenaituneépée.Unetrèslongueettrèstranchanteépée.LecœurdeScarletsemitàtambourineràl’intérieurdesapoitrine.Elleregardal’épée,puisTristan,
—quinefournitaucuneexplication—,etdenouveaul’épée.—Euh…Quefais-tuaveccettearme?demandaScarlet.Tristanregardalalamedanssamainethaussalesépaules.—Veux-tuvraimentlesavoir?Scarletréfléchit.—Non.Elle avait trop en tête en cemoment. Elle n’avait pas besoin d’ajouter des faits étranges relatifs à
Tristanàlapagailledanssoncerveau.Il se recula de la porte, lui fit signe d’entrer et ferma la porte derrière elle après qu’elle se soit
exécutée.Gabrielapparutdansl’entréeetsouritchaleureusement.—Salut!Jenesavaispasquetuviendrais.Tristandisparutdanslecouloir.—J’aibeaucoupdequestions,commençaScarlet.Tusais,àproposde lamalédictionet…ehbien,
tout.Gabrielhochalatête.—Biensûr.Entre.Scarlet pénétra dans le salon et s’assit sur lemême canapé qu’auparavant. La dernière fois qu’elle
s’étaitassiselà,toutsonmondeavaitétéanéanti.Espéronsquecettefois,sonmonde—sifragileetsibizarrepuisse-t-ilêtre—resteraitenunseulmorceau.
36
Gabriels’assitàcôtédeScarletsurlecanapé,reconnaissantqu’ellesoitrevenueluiposerdesquestions.Illaplaignait.Ilnepouvaitpasimaginercombienelledevaitsesentirterrifiéeetdésorientée.Scarletcroisasesmainssursesgenoux.— Je ne sais pas trop par où commencer… Je suppose qu’on devrait y aller avec cette histoire
d’immortalité.Tuasditquevousnesaviezpasquevousétiezimmortels,n’est-cepas?—Exact.—Alors,commentl’avez-vousdécouvert?Gabrielprituneprofonderespiration.—NotrepremierindiceaétéqueTristanasurvécuàuneflècheenpleincœur.C’étaitfou.Uneminute,
ilsaignaitsurlesolàcôtédetoi,etlasuivante,sablessureserefermait.Quelquesminutesplustard,toncorpsadisparu,etTristanetmoiavonspaniqué.Nousavonspenséque
lamalédictiondeRavenavaitassurémentagisurTristanettoi,maisnousnesavionspascomment.»C’estlàquenousavonsrecherchéuntypequivivaitdansunvillageàproximité,NathanielFletcher.
Quand nous étions enfants, Tristan etmoi avons vuNate se couper accidentellement lamain avec uncouteauetguérirmiraculeusement.Nousavonspenséquepeuimportecequil’avaitguéri,celaauraitpujouerunrôledanslaguérisondeTristan.» Nous avons rencontré Nate et lui avons expliqué qu’on t’avait tirée dessus, que ton corps avait
disparuetqueTristanavaitimmédiatementguériaprèsavoirététranspercéparlaflèche.»Nateaémisl’hypothèsequeTristanetmoiétionsimmortels.Naturellement,nousavonspenséqu’il
étaitfou,maiscommentexpliquerautrementqueTristanavaitsurvécuàuneflècheenpleincœur?Nousavons laisséNate faireun…genrede test, surnotresang,pourconfirmersessoupçons.Tristanetmoiétionsimmortels.Toutcommelui.—CeNateétaitimmortelaussi?Gabrielhochalatête.—OnavaitdonnéàlamèredeNateunflacond’eaudelafontaine,toutcommeànotremère,etelle
l’avaitbuealorsqu’elleétaitenceintedelui.—CeNateesttoujoursdanslesparages?—Ohoui!C’estnotreami.IlvitàNewYork.Scarletfronçalessourcils.—Combienya-t-ild’immortels?Gabrielhaussalesépaules.—Pourautantquenous le sachions, iln’yaquenous trois.Noussommes les seulespersonnesque
nousconnaissonsnéesdemèresquiontbul’eaudelafontaine.Scarlethochalatête.
—Troisimmortels.Compris.Bon,parlonsdelafontaine.Sionlatrouve,jeguérirai?Gabrielopina.—Complètement.Enfait,j’aiappeléNatel’autrejour.Ilensaitbeaucoupsurlessortsetilnousaide
aussi à essayer de trouver la fontaine depuis des siècles. Peut-être qu’ensemble, nous réussirons à latrouvercettefois-ci.Gabrielluiadressasonplusbeausourire,essayantdelarassurer.Ellesouritfaiblement.Soncœur se serra.Cequ’il désirait leplus aumonde, c’était guérirScarlet, qu’elle reste enbonne
santéetqu’ellen’aitpluspeur.Maisilsesentaittellementimpuissant.Scarletseraclalagorge.— Disons que nous ne trouvons pas la fontaine et que je meurs. La prochaine fois que je vais
ressusciter,meretrouverez-vousencore?—Biensûr!Gabriellaretrouveraittoujours.Oudumoins,Tristanlaretrouveraitetillesuivrait.—Ceneserapascommecettefois.Tristanetmoi,nousviendronsimmédiatementdanstaprochaine
vie.Situmeurs.Cequin’arriverapas.Sespaumesdevinrentmoites.—Attends,vouspouvezmetrouvertoutdesuite?Gabrielhochalatête.—Alors,pourquoiavez-vousattendudeuxanspourmerencontrer?Scarletsemblaitencolère.—Pourquoim’avez-vouslaisséevivredanslapeuretlaconfusionpendantsilongtemps?Ildéglutit.—C’étaitl’idéedeTristan.Ilvoulaitattendrequelamalédictionsoitbriséeavantdeterencontrer.—Pourquoi?—Parcequ’ilpensaitqueleschosesseraientplusfacilesainsi.—Ehbien,cen’estpaslecas.Gabrielopina.—Jeteprometsqueçan’arriveraplusjamais.—J’espère.Elleavaitraison.Ilsn’auraientpasdûlalaisservivresilongtempssanseux.Celan’avaitpasétéjuste
pourelle.—Jen’auraisjamaisdûécouterTristan,continuaGabriel.C’estunidiot.Scarletsecoualatêteetfronçalessourcils.—Pourquoias-tugardéTristansecretsilongtemps?Pourquoinem’as-tupasparlédelui?Gabrielbougea,malàl’aise,essayantdeformuleruneréponsequineparaîtraitpasinsensible.—Tristanm’ademandé…denepasteledire.
—Pourquoi?Gabriel haussa les épaules, espérant qu’elle accepterait son absencede réponse et passerait à autre
chose.Ellenelefitpas.—A-t-ilfaitpareildansmesviespassées?Essayait-ilderestercachéparrapportàmoiavant?—Non.—Alors,pourquoimaintenant?—Jenesaispas.Ilajusteditqu’ilnevoulaitpasterencontrercettefois,ditGabrielavecdouceur.—Pourquoipas?Est-cequ’ilmedétesteoujenesaisquoi?GabrielsavaitqueTristannedétestaitpasScarlet,maisilnesavaitpascequeTristanvoulaitqu’elle
croie.—Jenesaispastrop,tudevraisluidemander.Scarlethochalatête,maissonregardsemblaitdistant.Tristanentradanslesalonenagitantsontéléphonecellulaire.—Désoléd’interromprecerapprochementancestral,maisGabrielaunappel.GabrielregardaTristan,perplexe.—C’estNate,ditTristanenregardantGabrielavecinsistance.Ilm’aappelésurmontéléphonepour
discuterdemon…plan.Etmaintenant,ilveutteparler.Gabriel attendit plus d’explications,mais commeTristan ne développa pas, il se leva à contrecœur
pours’éloignerdeScarletetpritletéléphonecellulairedeTristandanssamain.—J’enaipouruneminute,dit-ilàScarletdontlesyeuxbleusétaientécarquillés.Peut-êtrequeNateavaitdesinformationssurlaFontainedeJouvence.Cequipourraitêtredebonnesnouvelles.
37
TristanjetaàpeineunœilversScarletavantdesetournerpourquitterlesalon.Ilfallaitqu’ellesortedelamaison.Bientôt.Ilétaittropdifficilepourluideresteroccupéetencontrôledelui-mêmequandelleseprélassaitsuruncanapéàcinquantemètresdelui.—Tristan,l’appelalavoixdeScarlet.Attendsuneseconde.«Non,non,non.»Pasdebavardage.Il ne pouvait pas s’occuper d’ellemaintenant. Il avait besoin d’aller ailleurs…, aussi loin qu’il le
pouvaitsanstropdedouleur…,pourqu’ilpuisseplanifiersaprochainetentativedesuicide.Ceciétaitnécessairepourmettreuntermeàtoutçadèsquepossible.Ilseretourna,toutraide,faisantdesonmieuxpourparaîtreindifférent.—Quoi?Ellenesemblaitpasaffectéeparsonattitudedésagréable…Cequin’étaitpasbonsigne.—Euh…Ellemordit sa lèvre inférieure, et chaquenerf du corps deTristan voulut passer à l’acte et aller la
mordillerluiaussi.Elleseraclalagorge.—Pourquoinevoulais-tupasmerencontrercettefois-ci?Danscettevie?Elleavaitl’airpréoccupée.Mêmepeusûred’elle.«Merde.»Soncœursefissuratandisqu’ilsepréparaitpourcequ’ilétaitsurlepointdefaire.Ilallaitdevoirlui
mentir.Ilallaitlarepousser.Ilallaitluibriserlecœur.Etcelaletuerait,maislagarderaitenvie.Il attendit jusqu’à ce qu’une expression d’apathie absolue traverse son visage avant de trouver le
couragededire:—Parcequejeneveuxpasdetoiici.Scarletavaitl’airdéconcertée.Blessée.Ladouleurbrilladanssesyeux,etTristanfaillitimmédiatementperdrepresquetoutesadétermination.
Ilpritunelonguerespiration,letempsdemaîtrisersesémotions.Scarletsecoualatête.—Jesuis…jesuisdésolée.Jenemesouvienspas…—Jesais,dit-ildesavoixtoujourssévère.Jenesuispasencolèrecontretoi.C’estjustequejene
veuxpasdetoidanslecoin.Ilétaitméchantetméritaitdemourir.Avecunpeudechance,celaluiarriverait.
LesyeuxdeScarletétaientbrillants,surleborddeslarmes.Ilpouvaitsentirladouleuretlechagrinricocher en elle. Il pouvait sentir la tristesse… la colère…Il pouvait sentir lesdégâts causéspar sesparoles.Ellenesesouvenaitpasdelui,maissonâme,oui.Soncœur,oui.Etlesdeuxserompaient.«Jet’enprie,nepleurepas.»Tristan garda son regard fixé sur le sien, ferme, désinvolte, en priant pour qu’elle n’éclate pas en
sanglots.Siellepleurait…Ehbien,siellepleurait,touslesparisétaientouverts.Ellenepouvaitpaspleurer.— Alors…, dit Scarlet, qui déglutit, pourquoi… es-tu venu t’asseoir près de moi dans la forêt ?
Pourquoiétais-tusigentilavecmoil’autrejour?Tristanvoulutseblâmerpoursadéfaillancelafindesemainedernière.S’ilnepouvaitpasconvaincre
Scarletqu’ilnes’intéressaitpasàelle,alorselleredeviendraitunefillenormaleetravissante.Sicelaseproduisait,ilneseraitpasenmesuredeluirésisteretellemourrait.La pensée de samort lui donna la force dont il avait besoin pourmettre fin à leur conversation en
disant:—JefaisaisunefaveuràGabriel. Ilpensequ’il t’aime.Alors, il teveut ici.Voilàceque jefaisais
danslaforêt…Jetegardaisici.Unmomentdesilencepassa,lesgrandsyeuxdeScarletposantmillequestions.—Quoiqu’ilensoit…,ditfroidementTristan,cariln’avaitpasencorebrisésonâme.J’aideschoses
àfaire.Là-dessus,ilpartit,laissantScarletpiquéeetinsultéeparsesmotsacerbes.L’estomacdeTristansenouacommeils’éloignaitd’elle.Ilétaitunmenteuretunméchant.Ilétaitaussiamoureuxdelafillesursoncanapé.Etc’étaitcequileforçaitàs’éloignerdudouxvisagedeScarletpourallerverslaseulechosequ’il
devaitfaire.Mourir.
38
Scarlets’assit,méduséeetvidée,danslesillagedesparolesdeTristan.Ellenes’étaitjamaissentieaussimal,sipersonnellementoffensée.Pourquois’ensouciait-elle?Tristann’étaitpersonnepourelle.Ilétaitjustelefrèredesonpetitami.Alorspourquoisepréoccupait-ellequ’illadéteste?Pourquoisepréoccupait-ellequ’ilneveuillepas
d’ellelà?ScarletessayaderéajustersessentimentsetdemettrelesmotsdeTristanenperspective.«Ilnesignifierienpourmoi.»C’estunétranger.»C’estunétrangerméchantetjemefichedelui.»Sespenséesfirentéchoenelle,latraitantdementeuse.Malgré lesmots tranchants deTristan,Scarlet se sentait encore attiréevers lui et cela lui brisait le
cœur.Elledevaitlehaïrdèsmaintenantou,àtoutlemoins,neplusrienressentirpourlui.Maisnon.Soncœurseserradanssapoitrinejusqu’àcequ’ellenepuisseplusrespireretsesyeuxsetroublèrent
souslamenacedeslarmes.Elleentenditdespasapprocherdans lecouloiretsoncœur idiotespéra—espéravraiment—que
c’étaitTristanquirevenaitpourluiprésenterdesexcuses.Elles’essuyalesyeuxetseredressa,nerveuse.Maiscen’étaitpasTristanquirevenait.C’étaitGabriel.Soncœurseserra.—Désolépourtoutàl’heure,ditGabriel.Elleluiadressasonplusbeausourirefeint.—Qu’aditNate?Ill’examinapendantuninstant.—Est-cequeçava?LesentraillesdeScarletsaignaientdepuissaconversationavecTristan,maisellen’avaitpasenviede
partagersadouleuravecGabriel.—Biensûr.Qu’aditNate?Gabrielsecoualatête.—Iln’apasdenouvellesinformationssurlafontaine.Maisilaquelquechoseàtedonner.—Qu’est-cequec’est?—Iln’apasvoulumeledire,maisiladitqu’iltel’enverrait.
Scarletpenchalatête.—Ah.Gabrielhaussalesépaulesavantdeserasseoiràcôtéd’elleetpassasonbrasmuscléautourd’elle.—Peuimporte,revenonsàtoi.Quellesautresquestionsas-tu?Scarletclignadesyeux.Elleavaitplusdequestions,maistoutceàquoiellepouvaitpenser,c’étaitaumystérieuxcadeaude
Nate.EtauxparolesglacialesdeTristan.—Euh…Jecroisquec’esttout.Pourl’instant.Scarletluiadressaunautrefauxsourire.—Jeteleferaisavoir.Ilsetutuninstant.—Tuessûre?Scarletopina.—Ehbien,danscecas,jecroisquenousdevrionsfaireunesortie.Cesoir.Faisonsquelquechosede
normal.Quelquechosequin’arienàvoiraveclesmalédictionsetlesfontaines.Qu’endis-tu?Scarletlaissaéchapperunrire.—Çamesemblemerveilleux.Etçal’était.Ou,dumoins,çasemblaitmieuxqueresterassisedansunemaisonoùTristannevoulaitpaslavoir.Unesortieseraitunebonneidée.Scarletavaitbesoind’unpeud’amour.
39
Lafindesemainesuivante,Scarletsouritintérieurementalorsqu’ellefrappaitàlaporteduchalet.Elleavaitunrendez-vous«secret»prévupourGabrieletnepouvaitpasattendredeluifairelasurprise.Elleallaitlerameneràleurairedepique-niquedanslesboisetpasserlerestedelajournéeàdiscuter
etàrire.Avecunpeudechance,ilsvérifieraientdenouvellespistespossiblesconcernantlafontaine.Ilsavaientpassé ladernière finde semaineàmenerdes recherches surdifférentes légendesetScarlet sesentaitpleined’espoir.Ellefrappadenouveau.Tristanréponditàlaporte.Quefaisait-il?Portier?LebonheurdeScarletsedégonfla.—Quefais-tuici?demanda-t-il.Scarletclignadesyeux.—Excuse-moi?«Malpoli.»—Pourquoies-tuici?Tristanparcourutleperrondesyeux,commes’ils’attendaitàcequequelqu’unsoitavecelle.—Euh…Monpetitamivitici.Alors,jesuisvenueicipourlui.—Pourquoin’as-tupasenvoyédetextoavant?Scarlethaussalessourcilsd’unairincrédule.—Oh,jesuisdésolée.Jesupposequejeneconnaissaispaslesrègles.Donc,jedoist’envoyeruntexto
avantdemeprésenterchezGabriel?Quoid’autre?Dois-jet’appelerpourobtenirtonapprobationavantdel’embrasser?Tristanrouladesyeux.—Qu’estcequetuveux?—JeveuxvoirGabriel.Est-cequeçavaouest-cequelesheuresdevisitesontterminées?Scarletfitunpasenavant.SoncerveauvoulaitpousserTristanhorsdesoncheminetentrerdanslechaletpouryattendreleretour
deGabriel.MaissoncorpsvoulaitsecollerenpermanenceàlapoitrinedeTristanetfairecourirsesdoigtslelong
desondos.Scarletreculad’unpas.—Gabrieln’estpasici.Tristanplissalesyeux.
—Ah,d’accord.Tuauraispujustemedireça.Inutiled’aboyeraprèsmoicommeunchiendegardemécontent.Tristanexpira.—Onenafini,là?Scarlet se sentit comme si on l’avait frappéedans le ventre.Tristan la détestait-il au point qu’il ne
pouvaitpaslasupportersursonperron?—Oh,oui,ditScarlet,sarcastique,alorsqu’ellerassemblaittoutlecouragequ’ellepouvait.Onena
fini.Etlà-dessus,elletournalestalonsetpartit.Elleentenditclaquerlaporteduchaletderrièreelleetattenditdeseretrouverdanslasécuritédesa
voitureavantdepermettreàsesmainsdetrembler.Nonpasparcequ’elleétaitencolère.Maisparcequ’elleessayaitderetenirseslarmes.PourquoiTristanl’affectait-ilautant?Letéléphonesonnatoutàcoup.ScarletregardaetvituntextoprovenantdeGabriel.
«Jesuischeztoi.Oùes-tu?»
Scarlet soupira. Gabriel avait probablement voulu la surprendre, tout comme elle avait voulu lesurprendre.Parcequ’ilétaitgentil.Sonjumeau?Passigentil.
«Jesuisenroute.»
Scarletenvoyasontextoetquittalaforêt.Soncœurbattitàmilleàl’heuretoutlelongjusqu’àchezelle.
40
Lesprochainessemainespassèrentsansencombre.Scarletretournaàsonrythmedevie«normale»etcommença à s’adapter à sa vie « Je vaismourir ».Gabriel et elle avaient diligemment cherché toutenouvelle information sur l’endroit où pouvait se trouver la fontaine, et Heather avait presquecomplètementpardonnéàGabrield’avoirmentiàScarlet.Leschosesallaientbien.Cequiétaittoujoursunsignecertainquequelquechosedemalétaitsurlepointdeseproduire.C’étaitunfroidvendredid’octobreetdescitrouillesdécoraienttoutelavilled’Avalon.Halloweenétaitproche,etHeatherétaitpréoccupéeparsoncostume.—Penses-tuqueleszombiesfillesmaléfiquesportentdesbijoux?Parceque,sansbouclesd’oreilles,
jeressembleàungarçon.Peut-êtrequejedevraisjusteêtreCléopâtre.IlsétaientauMillhouseavec,cequisemblaitêtre,toutlemondeenville.Lefroiddel’automneétait
arrivé,ettoutlemondevoulaitunetassedecaféchaud.—N’étais-tupasdéguiséeenCléopâtrel’annéedernière?Scarletregardaparlafenêtre,attendantGabriel.Scarletetluiavaientprévud’alleraucinéma.—Si,acquiesçaHeather.Etj’étaissupersexy.Elletapotasonmenton.—Jenesuispassûredesavoircommentmerendresexyenfillemorte.—Pasévident,approuvaScarlet.—Lafêted’Halloweend’Angievaêtretellementamusante!Tuvasfairequoi?— Je vais dormir. Ou manger de la glace. Mais certainement pas me déguiser pour une fête
d’Halloween.Heatherfitlamoue.—Allez,Scarlet.Tudoisvenir.—Non,jen’iraipas,ditScarletensouriant.Es-tuexcitéeàproposdetonvoyagedemain?Il n’y avait pas d’école la semaine prochaine en raison des vacances d’automne, et Heather avait
attenduavecimpatiencesesvacancesenfamilletoutel’année.Heathersourit.—Totalement.J’aivraimentbesoindevacancesàlaplage.Qu’allez-vousfaire,Lauraettoi,pourles
vacances?Scarletsoupira.—Lauravoyagebeaucoup.—C’estsontruc.Heatherregardaparlafenêtre.—Regarde,c’estMargelaclocharde.
—Nel’appellepascommeça,Heather.C’estméchant.Scarletregardaparlavitrineducaféendirectiondelasans-abriàlaquelleHeatherfaisaitallusion.—D’accord,quedirais-tudeMargelafollequiparleàseschaussures?ditHeather.—Ellen’estpasfolle,c’estjuste…unesans-abri…etelleestprobablement…seule.LecœurdeScarletseserradecompassion,puiss’emballa.—EtvoilàGabriel,ditHeatherenfaisantunsignedetête.Scarlet,quiregardaitàl’extérieur,espionnaGabriel,quimarchaitdanslarue.IldépassaMargedequelquespas,hésitaetseretournalentement.Lesfillesl’observaienttandisqu’ildisaitquelquechoseàMargequilafitsourire.IlsdiscutèrentpendantuneminuteavantqueMargeriedeboncœur.Scarletn’avaitjamaisvuMarge
rireavant.Gabrielsourit.Scarletétaitperplexe.Ce n’était pas Gabriel qui parlait à une sans-abri par une journée glaciale dans le centre-ville
d’Avalon.C’étaitTristan.Ellen’avait jamaisvuTristansourireavant.Sesfossettesétaientcreuséesetséduisantes,etsesyeux
brillants.Sonsourireétait…magnifique.LemêmeTristanquinevoulaitpasdeScarletlàetquiétaitdésagréableàchaquefoisqu’elleallaità
sonchaletsetrouvaitlà,danslefroid,àfairerireunefemmesans-abri.Scarletétaitheureuseettriste…etcomplètementdésorientée.—C’estlefrèredeGabriel.Heather,quivenaitjustedeprendreunegrossegorgéedethéchaud,avalabruyamment.—C’est…Tristan?Scarlethochalatête,lesyeuxtoujoursrivéssurlesdeuxpersonnesquidiscutaientdel’autrecôtédela
vitrineducafé.HeatherdéposasatasseetexaminaTristandeplusprès.—Commentfais-tupourlesavoir?En réalité, Scarlet ignorait totalement comment elle savait qu’il s’agissait de Tristan. C’est juste
qu’elle…lesentait.—Jenesaispas…,maisc’estassurémentTristan.Elledevaitêtreliéeàluid’unemanièrequelconque…Non?Heatherouvritlabouche.—Ehbien,Tristanestsexy.ScarletdétournalesyeuxdelafenêtreetregardaHeather,contrariée.Heatherhaussalesépaules.—Quoi?Ill’est.Scarletsecoualatête.—Lève-toi.
Heathersemitànettoyerleurpetitetableetcommençaàrassemblersesaffaires.—Quoi?Pourquoi?demandaScarlet,delapaniquedanslavoix.EllesavaitexactementpourquoiHeathers’affairait,etellen’avaitaucuneintentiondecoopérer.—Parcequejeveuxrencontrerlefrèremystérieux.Scarletsecoualatête.—Enaucunefaçon.Tristanmedéteste,Heather.Elleplissasonvisage.—Ilnetedétestepas,ilestjuste…impoliavectoi.C’esttout.C’estprobablementjusteunepersonne
méchantedenatureouquelquechosedugenre.Lesdeuxjeunesfillesregardèrentparlafenêtre,versTristan,quiparlaitencoreàMarge.—Ou,ditHeather,quiregardait toujoursparlafenêtre,c’est justeungarçonvraimentdouxavecun
grandcœurquiéprouveune…aversionpourtoi.Scarlet secoua la têtedenouveau,perplexe.CommentTristanpouvait-il être si chaleureuxavecune
inconnuedanslarueetsifroidetdistantaveclapetiteamiedesonfrère?—Nousn’ironspasàlarencontredeTristan,Heather.Jeneveuxpasluiparler.Heathersemorditleslèvrespendantuneseconde.—D’accord,dit-elle,puiselleavançaverslaported’entrée.—Où…oùvas-tu?luicriaScarlet.Heatherhaussadenouveaulesépaules.— Je veux rencontrer le jumeaumystérieux. Alors, tu peux ou bien rester ici comme une lycéenne
froussardeoubienveniravecmoietm’empêcherdediredeschosesinappropriéesaunouveaubeaumecenville.Ellehaussalessourcils.—Allons,Heather.—Quevas-tuchoisir,Scarlet?Scarlethésita,frustréeparsonamiefolledesgarçons.EllenevoulaitpasparleràTristan.MaisellenevoulaitpasnonplusquesameilleureamierencontreTristanetsemontreindiscrète.Qui
saitcequeTristanrévèleraitsurScarlet?OuGabriel?—Tuesunvraityran,ditScarletavecunsoupirtandisqu’elleselevaitpourretrouverHeather.Tuas
delachancequejet’aime.LesouriredeHeathers’élargit.—Jesais.Maintenant,allonsdiscuteravecTristan,lejumeausexy.Le cœur deScarlet semit à battre la chamade comme elles quittaient le café et se dirigeaient vers
Tristan.Enfait,soncœurbattaitdeplusenplusfortaufuretàmesurequ’elleapprochaitdelui.Elleessayadenepastropanalyserlephénomène.
—Tristan!criaHeather,commesiTristanetelleétaientdevieuxcopainsd’écoleprimaireouquelquechosedugenre.Tristan se retourna et regardaHeather avec curiosité. Il aperçut Scarlet et son visage se rembrunit
immédiatement.«Génial!»HeathersautasurTristanetMarge.—SalutMarge,ditHeatherensaluantladame,quivivaitsurlarueprincipaledepuisaussilongtemps
queScarletpouvaitsesouvenir.MargeluiadressaunsourireédentéethochalatêtequandScarletallaseplacerlentementàcôtéde
Heather.—SalutMarge,ditScarletavecdouceur.—Gentillesfilles,ditMarge,enfrappantdanssesmainsetenroucoulant.Gentillesfilles!ElleregardaTristan.—Toi,monchergarçon,tuesgentilaussi.Maismesbottesseconduisentmal.Jedoism’enoccuper.Margeselevadusolets’éloigna,gloussantenmarchant.Tristan,HeatheretScarletlaregardèrentpartir,sesgloussementssetransformantenunechansonavec
unevoixquichantaitfauxtandisqu’elledisparaissaitaucoin.TristanseretournapourregarderScarlet.Ilsoutintsonregardpendantunbrefinstantavantderegarder
Heather.—JesuisHeather.Heathertenditlamain.Tristanlaluiprit.—Tristan.—Jesais.TueslefrèrejumeausecretdeGabriel.Ellebattitdescils.Scarletrouladesyeux.— Je suis lameilleure amie de Scarlet, expliquaHeather pendant qu’ils finissaient de se serrer la
main.Elleregardasesyeux.—Ouah.Tuasvraimentlesyeuxverts.Commentest-cepossible?Gabrielalesyeuxbruns.N’êtes-
vouspascensésêtre…desvraisjumeaux?Tristansouritlégèrementetditavecunegravitéfeinte:—Croirais-tuqu’unefemmefollem’atiréuneflèchemagiquedessusetqu’elleauraitainsichangéà
jamaislacouleurdemesyeux?LesyeuxdeHeathers’écarquillèrenttandisqueScarletregardaitTristan,bouchebée.Quefaisait-il?TristanjetaunœilversScarlet,maisrestaimpassible.
Heatherhaussaunsourciletimitasontonsarcastique.—Jelecroirais.Ettoi,croirais-tuque je t’aivudans lequartierdesentrepôts traîneravecunmec
loucheilyaquelquessemaines?Ellehaussaunsourcilavecunairprovocateur.LesouriredeTristans’amincit.—Jelecroirais.—Ehbien,çaal’airsympa,ditGabriel,quiapparutàcôtédeScarletetmituntermeàlatensiontrès
inconfortablequis’étaitinstalléeentreHeatheretTristan.—Quesepasse-t-il?IlregardaTristanetinclinalatête.Tristanregardasonjumeau.—Rien.—Ehbien,danscecas,ajoutaGabriel,quiembrassaScarletsurlajoue,ilvafalloirqu’onpartesion
veutarriveraucinémaàl’heure.Scarletleregardaetsourit.Unfilm.Exact.—D’accord,ehbien,c’étaitsympa.«Faux.»ScarletsetournaversHeather,évitantdélibérémentderegarderTristan.—Àplustard?Elle donna une brève accolade àHeather et vit Tristan tourner les talons et s’éloigner sans unmot
pendantqu’elless’étreignaient.«Ouais.Ilmedéteste.»Alorsqu’ils’éloignait,lecœurbattantdeScarletcommençaàsecalmer.
41
Tarddanslasoirée,Scarletétaitplongéedansunsommeilprofondetpaisiblequandelleentenditunbruitenbas.Elleouvritlesyeuxets’assitsursonlitpourécouter.Ilyavaitquelqu’undanslamaison.Elleentenditdefaiblesbruitsdepasetuncraquementsurleplancherdurez-de-chaussée.Bien sûr, quelque chose de totalement bizarre arriverait pendant que Laura était à des millions de
kilomètres!Lentementetcalmement,Scarletseglissahorsdulit.Elleparcourut sachambredesyeuxà la recherchede son téléphonecellulaireetvoulutmarmonner.
Ellel’avaitlaisséenbas,surlatabledelacuisine.Commentallait-elleappelerlapolice?«Bond’accord.Pasdepanique!»Elleentenditunsecondcraquementdansl’escalieretréalisaquel’intrusmontait.Scarletpaniqua.«Devrais-jemebattre?»Non.«Devrais-jemecacher?»Peut-être.«Devrais-jem’enfuir?»Assurément.Figéedans l’obscuritédesachambreàcoucher,Scarletélaboraunplanpourquittersamaisonsans
ameuterl’intrus.Elle avança sur la pointe des pieds jusqu’à la porte entrebâillée de sa chambre et regarda dans le
couloirnoir.Siellepouvaitfurtivementquittersachambreetsecacherdanslasalledebaindesonétageenhautdel’escalierjusqu’àcequel’intrussoitpassé,ellepourraitensuitecourirenbasetsortirparlaporteprincipaleencriantcommeunefolle.Oui.C’étaitunbonplan.Elleouvritlaportedesachambrejusteassezpourpassersoncorpsélancéàtravers.Crac.L’inconnumontaitl’escalier…Elledevaitsedépêcher.Scarletsefaufilaparlaporte,longealemurducouloirsombreetentradanslasalledebain.Ellese
cacha derrière la porte de la salle de bain ouverte et regarda entre les charnières, les yeux rivés surl’escalier.Sarespirationétaitirrégulièrealorsqu’elleattendaitensilence.Toutesleslumièresétaientéteintesdanslamaison,cequiempêchaitScarletdevoirquoiquecesoit.
Leclairdelune,quifiltraitparlesfenêtres,étaitleseuléclairage.
Unesilhouetteapparutenhautdel’escalierets’arrêta.C’étaitunphysiquemasculin…unesilhouetteetuncorpsqu’ellen’avaitjamaisvusauparavant.Uninconnu.Scarletsemitàtrembler,semaudissantpouravoirlaissésontéléphoneenbas.Lasilhouette,dontlestraitsétaientindiscernablesdansl’obscurité,penchalatêtesurlecôté,commesi
l’intrusécoutaitquelquechose.Scarletretintsonsouffle.Lentement,ilavançadanslecouloir.Quandilpassadevantlasalledebain,Scarletfutsûrequeson
cœurbattantlatrahirait.Maiscenefutpaslecas.L’étrangeravança,passadevant lasalledebain,devant lachambredeLaura…Maisils’arrêtaà la
chambredeScarletetsetintdevantsaporte.Scarletavaitenviedecrier.Ilpensaitqu’elleétaitlà.Ilpensaitqu’elledormaitdanssonlit.Seule.Vulnérable.Ilétaitplusquejusteunintrus.C’étaitquelqu’unquienavaitaprèsScarletpersonnellement.Elleleregardaentrersilencieusementdanssachambresombre.Spontanément,Scarletquittasacachettederrièrelaportedelasalledebainetpartitsurlapointedes
piedsdanslecouloir.Ellevoulaitcourir.Ellevoulaitcrier.Maissurtout,ellevoulaitvivre.Aussisilencieusementquepossible,Scarlettournaledosàsachambreetseprécipitaversl’escalier.Elle en avait tout juste atteint le haut quand unemainmasculine imposante couvrit sa bouche et la
ramenaenarrièrecontreuncorpsmassif.«Jevaismourir.»
42
Tristanputàpeinecontrôlersapeurquandilchuchotaàl’oreilledeScarlet:—Sorsd’ici.IlyavaitunhommeinconnudanslachambredeScarlet.Aumilieudelanuit.Alorsquepersonned’autren’étaitàlamaison.Tristanl’avaitvuentrerdanslamaisondeScarletilyavaitquelquesminutesetl’avaitimmédiatement
suiviàl’intérieur.Ilavaitvul’inconnusedirigerdirectementverslachambredeScarletetavaitfailliperdrelatête.Tristannesavaitpascequevoulaitl’intrus,maisilnes’ensouciaitpas.IlétaitunemenacepourScarlet.Etilallaitmourir.
43
Scarletsecalmaaussitôtqu’ellereconnutlavoixdeTristandanssonoreille.SiTristanétaitlà,elleétaitensécurité.Commentellelesavait,aucuneidée!Maisellelecroyaitdetoutsoncœur.Toujours enveloppée dans ses bras, Scarlet laissa son corps sombrer dans le sien tandis qu’elle
expirait.Ellecessadetrembler,maissoncœursemitàbattrecommesiellefaisaitunecrisecardiaque.Etsansprévenir,sesyeuxdevinrentaveuglésparunsouvenir.ElleétaitdanslaforêtavecTristan.Ilssetenaientdelamêmemanière:lesbrasdeTristanautourd’elletandisqu’elleétaitdoscontre
sapoitrine.Maisilsn’étaientpasendanger.Il faisaitnuitetunmilliond’étoiles leur faisaientdesclinsd’œildepuis leciel.Lesarbresde la
forêtobscuredansaientdoucementdansleventchaud,etlavoixdeTristaneffleurasonoreillequandildit:—Jetelepromets.Lesouvenirs’effaçaetScarletétaitànouveauchezelle,enhautdel’escalier.DanslesbrasdeTristan.
Il la libéra, et pour la première fois depuis qu’il l’avait saisie, Scarlet réalisa queTristann’était pasl’intrus.Cequisignifiaitqueleméchantétaitencoredanssachambre…Pendantunbrefinstant,Scarletnebougeapas.Tristanluicriaalorsd’unevoixsoutenueetautoritaire:—Cours!Scarlethésitajusteunesecondeavantdes’exécuter.Ellecourut.Elleavaitpresqueatteintlebasdel’escalierquandelleentenditunbruissementsuiviparunesériede
coupsetdegrognements.Ellecompritsubitementquandelleseretournapourregarderverslehautdel’escalier.L’éclairagedelaluneluipermettaitdevoirTristansebattreavecl’étranger.Leursbrasetleursjambes
s’agitaientdansl’obscurité.Leclairdelunesereflétaitsurlalamed’uncouteaudanslamaindel’intrus,unearmeaveclaquelleilpoignardaitTristan.Unemontéed’adrénalinetraversalesveinesdeScarletcommeelleatteignitlerez-de-chaussée.Ellese
précipitaverslatabledelacuisineettrouvasontéléphoneportable.Elle venait de composer le numéro d’appel d’urgence quand elle se retourna et vit Tristan sortir
quelquechosedesapochearrièreetl’enfoncerdansleventredel’inconnu,cequiaffaiblitgrandement
sonadversaire.L’inconnucriaettombaàlarenverse.Songrandcorpsdégringolal’escalierjusqu’auhalld’entrée.Scarletsefigea,paralyséeparlapeur.Elleregardaitlascèneavechorreurtandisquel’inconnu,quisetenaitleventre,serelevait.Ilregarda
Scarletets’enfuitparlaporteprincipale.Le téléphone encore dans sesmains, Scarlet tâtonna lemur à côté d’elle jusqu’à ce qu’elle trouve
l’interrupteur.ElleallumaetvitTristanseprécipiterenbasdel’escalieretlaregarder,l’œilhagard.—Scarlet,sorsd’ici!Elleremarquauneprofondeentaillesursonfrontdontlesangcoulaitsursajoue.Plusieurscoupures
marquaientsesbrasetsapoitrine,recouvrantsachemisedesang.Ilavaitbesoindepointsdesuture.Oud’unmédecin.LesmotssebousculèrentlesunslesautrestandisqueScarletlespoussaitàquittersabouche.—Qu’est-cequi…?Çava…?Quiétait-ce…?Elletremblaitetellesentaitsespoumonscomprimésparlapeur.Tristanmontravivementlaported’entréedesamainensanglantée.—Sors!Sesyeuxvertsscrutèrentlessiens.Ilsétaientsanspitié,coupantcourtàtoutediscussion.—Maintenant!Scarlethésitauneseconde,puisseprécipitahorsdechezelle,Tristansursestalons.—Vaàmavoiture,ordonnaTristan,dontlesoufflechaudcaressaitlanuquedeScarlet,tandisqu’ils
couraientsurlapelousedevantchezelle.Sansposerdequestion,ScarletsedirigeaverslavoiturenoiredeTristan.Illadétestait.Ilnevoulaitpasd’ellelà.Maispouruneraisonquelconque,Scarletluifaisaitconfiancesansréserve.S’illuidisaitdemonterdanslavoiture,ellemonteraitdanslavoiture.LarespirationdeScarletdevintplusirrégulièreetrapide.Tristanaboyadesordrescomme«Gardelatêtebaissée.»et«Neregardederrièretoi.»,maisScarlet
l’entendaitàpeineàcausedubruitdesoncœurbattantetdesarespirationdifficilequicomprimaitsapoitrine.Lesyeuxbrûlants,ellecourutdansl’obscuritéetmontadanslavoituredeTristan.Illuiemboîtalepas,
sautasurlesiègeduconducteuretilsquittèrentimmédiatementleslieux.Cene fut pas avant qu’ils soient loindu très petit, et habituellement très sûr, quartier d’Avalonque
Scarletfutenmesuredereprendresonsouffle.—Qu’est-ce…qu’est-cequivientdesepasser?Tristangardalesyeuxrivéssurlaroute.—Jenesaispas.Ilsemblaitàboutdesouffle,aussi.
Ilsemblait…encolère.Eteffrayé.LapaniqueparcourutlecorpsdeScarlet.—Est-cequequelqu’unnoussuit?—Non.Iljura.—Jenesaispas.Scarletseretournasursonsiègepourregarderparlepare-brisearrière.—Quefais-tu?Retourne-toietgardelatêtebaissée!TristanfixaScarletavecunelueurdangereusedansleregard.Elleseretourna,levisageversl’avant,etserapetissasursonsiège.Elleétaitterrifiée.NonpasparcequeTristanluicriaitaprèscommesielleétaitunchiotdésobéissant,
maisparcequeTristanavaitpeur.Etsiluiavaitpeur,alorsilyavaitquelquechoseàcraindre.Plusieursminutespassèrentensilenceavec,pouruniquebruit,legrondementdumoteurdelavoiture.—Tuvasbien?demandaTristand’unevoixrauquesanslaregarder.Es-tublessée?Scarletsecoualatêteetregardalaroute.Soncorpstremblaitencore.—Quiétaitcetypedansmamaison?Était-ilunvoleur?Quevoulait-il?—Jenesaispas.Tristan remua sur son siège. Il grimaça de douleur alors qu’il fouillait dans sa poche arrière. Il
commençaparposeruncouteau,imbibédesang,surletableaudebord.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrent.Puisilbranditunobjetinconnu.—As-tudéjàvuquelquechosecommeçaavant?L’objetressemblaitàunlargebandeau.Ilétaitnoir,enplastiqueetbordédefils.D’uncôtédubandeau
setrouvaitcequiressemblaitàuntoutpetitcristalpointu.Scarletleregarda,deplusenplusperplexe.—Non.Qu’est-cequec’est?Tristansecoualatête,sansjamaisquitterlaroutedesyeux.—Jen’ensaisabsolumentrien.—Quecrois-tuqu’ilvoulait?demanda-t-elleànouveauparcequ’elleétaiteffrayée.Etnerveuse.Etperplexe.—Jenesaispas,dit-ilsèchementavecdelacolèredanslavoix,commesilesquestionsdeScarlet
l’ennuyaient.Scarlethaussaunsourcil.—Ehbien,toi,quefaisais-tuchezmoi?S’ilvoulaitêtrearrogant,ellepouvaitl’êtreaussi.
—Jenet’aicertainementpasinvité.Tristanlaissaéchapperunsoupirdefrustrationetregardadanssonrétroviseursansrépondre.—Quefaisais-tuchezmoi,Tristan?C’estGabrielquit’aenvoyé?Samâchoiresecrispa.—Non.Scarletsetournasursonsiègepourleregarder.—Alors…,quoi?Tutepromenaiscommeçaàl’étagependantquejedormais?C’estlouche.Tristansecoualatête.—J’étaisdevantcheztoiquandj’aivucetypefranchirtaported’entrée.Scarletécarquillalesyeux.—Tul’asvurentrer?Tristanhochalatête.—Jetrouvaisbizarrequ’uninconnurentrecheztoiaumilieudelanuit,alorsquetatutriceavaitquitté
laville,doncjel’aisuiviàl’intérieur.Ils’estavéréquec’étaitunmalfaiteur.Grossesurprise!Scarletleregarda.—Quecrois-tuqu’ilvoulait?Tristanhésita.—Jenesaispastrop.Maisilsavaitquetuétaisàl’intérieuretilétaitprêtàmetuerpourt’avoir.Scarlethaussalesépaules.—Ilfautappelerlapolice.—Non.—Quoi?Elleleregardad’unairincrédule.—Quelqu’unvientdefaireirruptionchezmoietaessayédemetuer…Nousdevonsappelerlesflics.Tristansecoualatête.—Non.—Tuesfou.Scarlet sortit son téléphonepour composer le numérodes services d’urgencepour la deuxième fois
cettenuit-là.Tristanluiarrachaletéléphonedesmains,etd’ungesterapide,baissasavitre.Iljetalecellulairedans
lazonetrèsboiséesurlecôtédelaroute.—Bonsang,quefais-tu,Tristan?Elleleregardaavecincrédulité.—Tunepeuxpastéléphonermaintenant.Tudoism’écouter,etattentivement.Tristanlaregardarapidement,sesyeuxencontactaveclessiensd’unemanièrequilaréconfortaitet
quiluifichaitlatrouilleenmêmetemps.
—Cetypelà-basn’étaitpasuncambrioleurbanal,normal.Ilvoulaits’enprendrespécifiquementàtoietilétaitprêtàutiliser…Tristanbranditdenouveaul’espècedebandeautoutenregardantlaroute.— … ceci sur toi. Alors, tu ne peux plus faire semblant d’avoir une vie d’adolescente normale
maintenant.Tuesdifférente,Scarlet.Quelqu’unenavaitaprèstoicettenuit.Tuauraispumourir.Oupire.Quelques moments de tension passèrent, silencieux si ce n’était du moteur de la voiture et des
battementsdecœurdeScarlet.Ellepinçaseslèvres.—Maisquandmême,devais-tuvraimentjetermontéléphone?Nepouvais-tupasjustemedemander
deleposeretmeparlercommeuneadulte?—Non.—Tuesnul.—Situledis.—Tumedoisunnouveautéléphone,dit-elled’untonmalicieuxTristanserenfrogna.—Lestéléphonespeuventêtreretracés,Scarlet.Decettefaçon,siquelqu’unestàtarecherche,ilse
retrouveraaubordd’uneroutelongeantlaforêtgéorgienneloindetoi.—Tuesparanoïaque.—Peut-être,ditTristanenjetantunœilverselle.Scarletluilançaunregardglacialtandisqued’autresquestionss’accumulaientdanssatête.—Quefaisais-tuchezmoi?—Jen’étaispaschez…Scarletrouladesyeux.—Quefaisais-tudevantchezmoi?À…Elleregardal’horlogedutableaudebord.—…troisheuresdumatin?Tristanpenchasatêted’avantenarrièrequelquesfois.—Jedormais.Scarletpinçaseslèvres.—Tudormais?—Oui.Jedormais.Oudumoins,soupira-t-il.J’essayais.—Bien.Scarletsecoualatête.«Menteur.»Ellescrutal’obscuritédelavoitureetpritconsciencedetout.Lessiègesétaientencuiretl’intérieur
était trèspropre.Les lumièressur le tableaudebordprojetaientune lueursurnaturellesur leprofildeTristan,etScarleteutlesoufflecoupé.
Ilsaignait.Gravement.Sonregards’attardasursoncorpsoùdestachessombrestraversaientsachemiseetsonpantalon.Ilétaitcouvertdesang.Sonbeauvisage…sonbeaucorps…,toutchezluisaignait.Elleleregardaencoreuneminuteavantdedéglutiretd’êtreenvahiedegratitude.Ils’étaitbattupourellecettenuit.Ilavaitétépoignardéetblessépourqu’untypebizarreneluifassepasdemal.Tristanl’avaitprotégée.Elleserappelalesouvenirbrefqu’elleavaiteuenhautdel’escalieretelles’attendrit.IldevaityavoirplusenTristanquedelafroideur.Lefaitqu’illadétestaitn’avaitaucunsens.Quelquepart, il y a longtemps, il l’avait tenuedans sesbras et lui avaitpromisquelquechose.Les
typesquinoushaïssentnefontpasdepromessessouslesétoiles.LecœurdeScarletsebrisacommeellel’observait.Unepartied’ellevoulaitseréfugierdanssesbras
etembrassertoutessesblessures.Elleétaitpathétique.—Tusaignes.Elleparcourutduregardlesnombreusescoupuresettachesdesangsursoncorps.—Tudoisalleràl’hôpital.Ilneréponditrienpendantuninstant,commeperdudanssespensées.—Tristan,dit-elle,enessayantd’attirersonattention.Ilclignadesyeuxetfronçalessourcilsavantdelaregarder.—Quoi?—Tudoisvoirunmédecin.Elletenditlamainpourtoucherlecôtédesonvisageoùunemèchedecheveuxétaitcolléedansleflux
desangsursonfront,maisils’esquivabrusquement.Commesisamainétaitdupoison.Commes’ilétaitdégoûtéàl’idéedesoncontact.SonrejetpiquaScarlet,quiretirarapidementsamain.Ilsecoualatête.—Non.Non,jesuisimmortel,tutesouviens?Jen’aipasbesoindemédecin.—Maistu…Scarletregardalesangsuintersurlecôtédesapoitrine.—Tusaignesbeaucoup…ettusouffresprobablementbeaucoup…—Jevaisbien,dit-ilsèchement.Scarlethaussaunsourcil.—Trèsbien.Saigneàmort.Peuimporte.«Tupeuxbienmourir,pourcequeçamefait!»
Cettepenséedérobal’airdesespoumons,etScarletseréprimandasilencieusement.Enregardantparlafenêtre,elleremarquaquelarouteétaitsombreetfamilière.—Oùallons-nous?—Auseulendroitsûrquejeconnais.Tristanbifurquasurunchemindeterre.—Tonchalet?Ilacquiesça.—Laisse-moiclarifier la situation.Nousn’appelonspas les flicset tucroisque tonchalet isoléau
milieudenullepartestlelieuleplussûrpourmegarder?Quelplangénial!—Lechalet—etleterrainautour—estsécurisé.Etsinousappelonslapoliceetquenousexpliquons
cequiestarrivé,ilsvontouvriruneenquête.Nousnepouvonspasnouspermettred’avoirdesinconnusindiscretsdans tavie,Scarlet.Si lesgenscommencent à s’intéresser à toide tropprès, ilspourraients’intéresseràGabrieldetropprès.Etcegenred’attentionneferaquemettreenpériltoutecettehistoiredemalédiction.Donc,jevaisteconduireàGabrielafinqu’ilpuisseprendresoindetoicommetoutbonpetitamiettunevaspasappelerlesflics,compris?—Tuesunpauvremec,ditScarletparcequ’ellesesentaitl’âmebagarreuse.EtunpeublesséeparTristan,quis’étaitdérobéàelleilyauninstant.Sesyeuxcommencèrentàbrûler
denouveau.—Jesuisunpauvremec.Tristansortitsontéléphone—untéléphonequin’étaitpasaumilieudelaforêt—delapochedeson
jeanetenvoyauntexto.Dèsqu’ilsarrivèrentdansl’alléeduchalet,Gabrielseprécipitasur leseuildelaporteet lessuivit
jusqu’augarage.IlarrivaitaucôtépassagerdelavoiturequandScarletouvritlaportière.—Tuvasbien?Gabrielpassasesmainssursatête,sesépaulesetsondosalorsqu’ellesortaitdelavoiture.—Quelqu’unt’a-t-ilfaitdumal?Qu’est-ilarrivé,bonsang?Ilfitunepause,regardantsesyeuxaveccuriosité.—Commenttesens-tu?Scarletsecoualatête,appréciantlecontactaffectueuxdeGabrielsursoncorps.—Jevaisbien.Vraiment,jevaisbien.Maisellementait.Biensûr,ellen’avaitpasdecicatrices sur lecorpsetellen’avaitpasdesangséchécoagulésur sa
chemisecommeTristan,maissoncœurbattaitfrénétiquement.Quelqu’uns’enétaitprisàellecettenuit.Etvoiciqu’ellepensaitquesonplusgrosproblèmeétaitd’essayerdesurvivreàunemalédiction.
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Danslechalet,Tristanexpliquacequiétaitarrivéàsonfrère.LaréactiondeGabrielétaitprévisible.—NousdevonsconduireScarletquelquepartoùelleseraensécurité.Peut-êtrequ’ellepourraitrester
dansl’undenosautresendroits,oùpersonnenepourraitlatrouver…—Non,Gabe.Nousne laconduisonsnullepart.Cequenousdevons faire, c’estdéterminerceque
c’estquecetruc.Tristanlançalebandeaunoirsurlatablebassedusalon.—Peuimportequiétaitcetypecettenuit,ils’apprêtaitàfairequelquechoseàScarletavecça.Nous
devonsdécouvrircequec’estetcequeçafait,afindepouvoircomprendreexactementcequ’ilchercheàfaire.Gabrielramassalebandeaunoiretl’examina.—Jen’aijamaisrienvudetelauparavant.—Moinonplus,maisçan’avraimentpasl’aird’untrucsympa.IlregardaScarlet,quisetenaitlà,effrayéeetperplexedanssonpyjama.Gabrielpassasonbrasautourdesesfrêlesépaules,etTristanvoulutmarmonner.LaisserScarletêtreprotégéeparGabrielétaitladernièrechosequ’ilvoulaitfaire.Maisquandn’avait-iljamaisobtenucequ’ilvoulait?—Bon,ditTristan,quidétournalesyeuxdeGabrieletregardasachemiseensanglantée.J’aibesoinde
prendreunedouche.—Tuasbesoindevoirunmédecin.LavoixdeScarletétaitferme,cequiremplitTristandeconfiancequ’elleiraitbien.Lasoiréeavaitétéeffrayante,maisScarletpourraitlagérer.Elleétaitforte.Elleétaitcourageuse.Mêmesiellenesesouvenaitpasqu’elleenétaitpourvue,saforceétaittoujourslà,aufondd’elle.Ce
quilerendaitfier.Tristaninspiralentement,essayantdenepasavoirl’aird’unidiotquandildit:—Je.N’ai.Pas.Besoin.D’un.Docteur.—Maistoutlesang…LeregarddeScarletdescenditlelongducorpsdeTristan,cequiremuaquelquechoseenlui.Quelquechosed’interdit.Ilfallaitqu’ellecessedeleregarder.Ilfallaitqu’ellecessedes’intéresseràlui.—Tusaignespartout,dit-elle.
Ellenesesouvenaitpascommentilguérissait, ilétaitdoncjustepourluideleluirappeler.Commel’entailleàsatêtesaignaitencore,ilchoisitd’abaisserlecoldesonT-shirtafinqueScarletpuissevoiruneprofondecoupuredanslehautdesapoitrineserefermerlentement.—Gabrieletmoiguérissons.Descoupsdecouteau,desblessuresparballe…Riennenous tue.Tu
vois?—Ehbien,presquerien.Scarletfitunpasenavantetlevalesyeuxverssaclaviculeoùsaplaieouverteserefermaitlentement.
LachaleurdesoncorpssedéposasurceluideTristantandisqu’elleapprochait,etilserralesdents.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrentsousl’émerveillement.—C’est…incroyable.Sonsoufflecaressasaplaieetleconduisitpresqueàlafolie.En un instant, les yeux de Scarlet devinrent bleu électrique. Ils brillaient alors qu’elle regardait sa
claviculedénudéeetenvoyèrentunealarmeàtraverstoutlecorpsdeTristan.Sesyeuxavaientpalpitédeleurcouleurbleuesurnaturelletoutelanuit,faisantdesappelsàTristanet
envoyantunsentimentdeterreurdanssesveines.—Bon, dit-il en relâchant sonT-shirt et en reculant. Le spectacle est terminé. Je vais prendre une
doucheetmedébarrasserdetoutcesang.Etavecunpeudechance,medébarrasserdelapeur,del’impuissanceetdudésirquis’échappentde
moncœur.SansregarderScarlet,ilquittalapièceetdescendit.
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Scarlet,ausalonavecGabriel,tombavolontiersdanssesbras.Ilsentaitsibonetsemblaitsiréconfortantetsifortqu’ellenevoulaitpasquittersonétreinte.Mêmesielleétaitensécuritédepuisprèsd’uneheure,soncœurbattaitencorefrénétiquement.Gabrielembrassalehautdesatêteàplusieursreprises.Savoixétaitchargéed’émotionsquandildit:—Jesuistellementheureuxquetunesoispasblessée.Scarletenfouitsonvisagecontresapoitrine.—Jenecomprendspascequisepasse.—Moinonplus.Gabriels’écartad’elleetlaregardadanslesyeux.—Maisjevaisledécouvrir.Jeteprometsquejeteprotégerai.Ilembrassadenouveausatête.—Pourl’instant,onvat’installer.Nousélaboreronsunplandemain.Gabrielluipritlamainetlaconduisitàl’étage.Scarletn’avaitencorerienvuduchaletendehorsdu
salon,alorselleobservaattentivementcequil’entourait.—Qu’ya-t-ilausous-sol?Elleregardal’escalierquimenaitàl’obscuritéendessousd’eux.—LachambredeTristan.Gabrielsedirigeaàl’étage.Tristanvivaitdansunsombresous-sol.Biensûr.Lepremierétageorganisécommedansunemaison,avectoutsaufunecuisine.Ilyavaitungrandsalonavecunecheminéeéteinteetdeuxchambressur lecôté.EllesuivitGabriel
danssagrandechambrevisiblementtrèsmoderne.Sonmobilierétaitd’unnoirélégantetlesmursétaientd’ungrisdoux.Surlecôtésetrouvaitunearchemenantàlasalledebaindesmaîtresavecdescomptoirsnoirs,unerobinetteriechromeetunetrèsgrandedouche.Elleregardasongrandlit,recouvertd’undessus-de-litnoirmolletonneux,etauraitsouhaitésetrouver
danssachambredansdescirconstancesdifférentes.Hier,elleauraitaiméseglisserdanslelitavecGabrieletsetrémousserdanssesbras.Cesoir,cependant,ellevoulaitjusteallerdormirsansquepersonnen’essaiedelatuer.Scarletsoupira.Cesoir,çacraignait.LamaindeGabrieldescenditlelongdesonépaulejusqu’àcequ’ellerejoignesamain.Illaconduisit
verslegrandlit.—Tudoistereposer.Pourquoin’essaies-tupasdedormirunpeupendantquejechercheàcomprendre
?
Illuisouritgentimenttoutenreplaçantlesoreillersetlescouverturespourluifaireunpetitnid.Scarletleregarda,sceptiquesurlefaitderéussiràdormirpaisiblement.—Crois-tuquecetypeessayaitdemetuercettenuit?Gabrielyréfléchit.—Non.Sincèrement,non.Maispuisquenousnesavonspascequ’ilessayaitdefaire,nousdevonsêtre
prudents. Et ici, ditGabriel en luimontrant la chambre, c’est l’endroit le plus sûr aumonde pour toimaintenant.Ilsouritdenouveaualorsqu’ellegrimpaitdanssonlitets’allongeaitsurlesoreillersmoelleux.IlpassasamainlelongdesonvisageetScarletembrassasesdoigtsaupassage.Sesyeuxdeplusen
pluslourdssefermèrentdeleurproprechef.Elle sentitGabriel embrasser sa joue avant d’entendre ses pas quitter la chambre.Même si elle ne
voulaitpasêtreseule,elleneparvenaitpasàtrouverlaforcedeparleroud’ouvrirlesyeux.Elleétaitjuste…trop…fatiguée…Contresonmeilleurjugement,Scarlets’abandonnaausommeiletpriapournepastrouverd’inconnus
avecdescouteauxdanssesrêves.
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Deretourdanslesalon,Gabrielexaminal’objetnoirpendantunelonguepériode.Quelqu’uns’enétaitprisàScarlet.Quelqu’unsavaitqu’elleétait seulechezelleet il s’étaitglissédanssamaisonpendantqu’elledormait.Quelqu’undevaitsavoirqu’elleétaitspéciale.CettepenséeterrifiaGabriel.Scarletétaitsivulnérable,sifaible.Ellen’auraitjamaispusedéfendrecontreunhommeadulte.Elle
auraitpuêtreblesséeouenlevée,etGabrieln’auraitjamaissucequiluiétaitarrivé.SiTristann’avaitpasétélà,Scarletn’auraiteuaucunechance.SiTristann’avaitpasétélà,lemondedeGabrielauraitimplosé.CequisoulevaitlaquestiondesavoirpourquoiTristansetrouvaitlà.Gabrielserralespoingstandisqu’unsoupçonfamiliers’installaitenlui.Il entendit Tristan remonter du sous-sol et attendit que son jumeau soit à portée de voix avant de
demander:—Pourquoiétais-tuchezScarletcettenuit?Sespaumescommencèrentàsuer.Fraîchementdouchéetportantdesvêtementspropres,Tristansefrictionnalanuque.—Jetentaisdetrouverlesommeil.Gabrielhaussaunsourcil.—Dansmavoiture.Devantchezelle.Tristanrouladesyeux.—Net’inquiètepas,cen’estpascommesij’avaisdormidanssonlit.Voilàdeuxnuitsmaintenantque
jeneparvienspasàdormir,alorsj’aicruquemetrouverprèsd’ellepourraitm’aider.Gabrielhochalatête.—C’estsiterrible,maintenant?—C’est…terrible.C’estpirequejamais.—Pourquoi?Tristanhaussalesépaules.—Jenesaispastrop.Gabriel regarda le sol, hésitant sur cequ’il fallait dire. Il savait queTristan souffrait quandScarlet
était loin,maiscommesamaisonn’étaitqu’àquelqueskilomètresduchalet, ildevraitêtrecapablededormirsansgêne.—Alors,ditTristan.Notrepetitdilemmenefaitqu’empirer.Quedevrions-nousfaire?Gabrielsefrottalajoueetregardalebandeaunoirsurlatable.—Nousdevonsdécouvrircequ’estcettechose.
Tristanhochalatête.—Etnousdevonsnousassurerquepersonned’autrenes’enprendraàScarlet.Unmomentpassa.—NousdevonsparleràNate,ditGabriel.—Oui…Nateauraprobablementunemeilleureidéequenous.Gabrielsortitsontéléphonecellulaireetappelaleuramidelonguedate.LemessagevocaldeNatesefitentendreàlatroisièmesonnerie.—Salut,c’estNate.Jesuisactuellementdanslagrottedeconcentration.Laissez-moiunmessageetje
vousrappelleraidansseptàdixjoursouvrables.Quelaforcesoitavecvous.Unlongbipsuivit.Gabrielposasontéléphoneavecunsoupir.—Alors?TristanregardaletéléphonedeGabriel.—Nateestdansla«grottedeconcentration».Tristanrouladesyeux.—Ils’exerceprobablementpourlesOlympiquesdujeuvidéooujenesaisquoidugenre.—LesOlympiquesdujeuvidéo?— Ouais, il m’a dit quelque chose à propos d’un championnat il y a quelques semaines. Nous
n’arriveronspasàcommuniqueraveclui.Tusaiscommentilestquandilestdansla«grotte»!Gabrielsecoualatête,frustré.NatedisparaissaittoujoursdelasurfacedelaTerrependantdebrèves
périodesdetempsquandiltravaillaitsurquelquechose.Parfois,c’étaitadmirable.Encemoment?C’étaitennuyeux.—Ilfautqu’onparleàNate.Quedevrions-nousfaire?Gabrielsoupira.—Jenesaispas.—Laisse-moiyréfléchir.Noustrouveronsquelquechosedanslamatinée.Cettenuit,nousdevonsjuste
nousassurerdelasécuritédeScarlet.Tristansouritd’unairnarquoiscommeilseretournaitpourpartir.—Ehbien,danscecas,jeseraienbas,aussiloind’ellequepossible.Gabrielrouladesyeux.—N’enfaispasundrame!Tristanseretournaavecunregardféroce.—Tun’aspasvusesyeuxcettenuit?Ilsilluminaienttout.—Elleétaiteffrayée.GabrieltentadecalmerTristan.—Détends-toi.Ellevabien.
Tristansecoualatêteetexpira.—Chaquefoisquejesuisprèsd’elle,soncœurbatplusfort,cequiledéchireendeuxbeaucoupplus
vite.Necomprends-tupas?Jesuisentraindelatuer,Gabe.Pendant une seconde, Tristan parut aussi vulnérable et apeuré que Gabriel. Mais, en un instant, le
regarddeTristansedurcit.—Scarletdoitresterleplusloinpossibledemoi.—Tristan.Gabriellevasespaumes,surprisparlapaniquedesonfrère.Çaneluiressemblaitpas.—Calme-toi.LesyeuxdeScarletbrillaient,maisellen’estpasencoremalade.Ellevabien.Scarletallaitbien.Vraiment?LevisagedeTristansecrispaetilquittalapièceendisant:—Danssonintérêt,j’espèrequetuasraison.GabrielpensaauxrépercussionsdeTristanàproximitédeScarlet.Sonétatpouvait rapidement empirerprèsdeTristan simplementparceque le sangdans le corpsde
Tristanétaitpluspuissantquelesien.Maisquelquesheures—mêmeunenuitentièreprèsdeTristan—nedevraientpasdonnerlieudes’inquiéter…Si?Gabrielmontaavecunnœuddansl’estomac.
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Scarlets’assitsursonlit,envahieparlapeur.Non,paslapeur.L’inquiétude.Elleétaitmaladed’inquiétude.Ellesesentait…impuissante?Scarletclignadesyeuxetregardalachambreplongéedansl’obscurité.Gabrieldormaitpaisiblementà
côtéd’elle.Elleentendaitsarespirationdouceetrégulière.Ellenesesouvenaitpasdesonretourdanslachambre,maisilétaitlà.Scarletserecouchaetprituneprofondeinspiration,espérantquesoncœurallaitsedétendre.Ilbattait
follementdanssapoitrine.ElleserapprochadeGabriel,absorbantleréconfortdesoncorpschaud.Elleétaittotalementensécurité.Alors…,pourquoiétait-ellesiinquiète?
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Tristanseregardadenouveaudanslemiroirdelasalledebain,incapabledecalmersesnerfs.Sonestomacsetordaitd’inquiétude.Tout ce qu’il avait voulu faire cette nuit, c’était dormir un peu…, trouver un peu de paix dans son
tourment.Etmaintenant queScarlet était à seulement deux escaliers au-dessus de lui, il avait enfin lesoulagementphysiquequ’ilavaitrecherché.Mais il n’y avait aucune chance qu’il trouve le sommeil cette nuit-là. Quelqu’un s’en était pris à
Scarlet.Quelqu’unétaitentrédanssachambre…Tristanvoulaitcrier.Laissantéchapperunsoupirdefrustration, ilquittalasalledebainetarpentasagrandechambre,sa
crainteaugmentantàchaquepas.Ilsesentaitimpuissant.Troppourdormir.
49
Le lendemain, Scarlet descendit l’escalier du chalet et retrouva Tristan, qui faisait du café dans lacuisine.Enlevoyant,ellefitimmédiatementdemi-touretsedirigeaàl’étage,lecœurbattant.Tristan,commepremièrechosedelamatinée,étaitunemauvaiseidée.—Bonjour,beauté,ditGabrielderrièreelle.Ouplutôt,bonaprès-midi.Elle se retourna pour voir Gabriel, qui sortait d’une pièce au bout du couloir principal du rez-de-
chaussée.— Salut, dit-elle, en redescendant quelques marches. Est-on déjà l’après-midi ? Ai-je dormi si
longtemps?—Ouais.Ilsouritetluidonnaunbrefbaiser.Maisjesuiscontentquetuaiesputereposer.As-tubiendormi?Scarletréfléchit.Ellen’avaitfaitaucuncauchemar,maisaprèssonréveil,elleavaitétésaisieparla
peuretl’inquiétude,etelleavaiteudumalàserendormir.—Trèsbien,dit-elle,carquepouvait-elledired’autre?«Jesuismortedetrouille»?Elleleregardapendantuninstant.Ilétaitentièrementhabillé.—Vas-tuquelquepart?Gabrielsouritd’unairrassurant.—Oui.JedoisallertrouverNate.—Votreamiimmortelquis’yconnaîtenmalédictions?Gabrielhochalatête.—Ils’yconnaîtenbeaucoupdechoses,pasjustelesmalédictions.Jecroisqu’ilvaêtreenmesurede
nousaideràcomprendrecequisepasse.Maiscommeilne répondpasau téléphone, jevaisaller luirendrevisite.Ilpourraitêtreenmesuredemedirecequ’estcebandeauetdenousaideràcomprendrecommentmieuxteprotéger.Scarletécarquillalesyeux.—Non,non.Neparspas.AttendsaumoinsqueLaurarentreàlamaison.Jenepeuxpasyarriversans
toi…J’aipeur,Gabriel.Illaregardaavecdouceur.—Jesais.Etjeteprometsquejenetequitteraispassijeneledevaispas.Maisceserajustepourun
jouroudeux,jelejure.Scarletrestabouchebée.—Quelqu’unaessayédeme tuerhiersoiret tuvasquitter lavilleaujourd’hui?Tuvasme laisser
seuleavectouslesmaladesquisontlàdehorspours’enprendreàmoi?
C’étaitunpeufouàdire,maisScarletnepouvaitpasimagineressayerderentrerchezelleetdormirpaisiblementsansGabriel.—Personnenechercheàtetuer.Dumoins…Gabrielyréfléchit.—…jenecroispasquequelqu’unessaiedetetuer.Illuisouritetl’embrassasurlajoue.—Toutirabien,net’inquiètepas.Etjenevaispastelaisserseule.Illaconduisitdanslacuisine.—J’aiunplan.Tristanlesregardatouslesdeuxenlevantlesyeuxdesatasseàcaféetsedirigeaversl’autreextrémité
ducomptoir.LoindeScarlet.Peuimporteoù!ElleévitasesyeuxvertsetregardaGabriel.—Quelplan?Gabrielhaussalesépaules.—TuvasrestericiavecTristanpendantquej’iraiàNewYork.Tristantoussadanssatasse,etScarletécarquillalesyeux.—Non,ditTristan.Horsdequestion.Gabrielleregardasévèrement.—Si.—Jenesuispasunegardienned’enfants,Gabe.ScarletregardaTristan,fâchée.—Tunelagardespas,Tristan.Tut’assuresquepersonnenelatue.Scarletpaniqua.—Jecroyaisquepersonnenevoulaitmetuer.Gabrielsoupira.—Exact.Maispuisquenousnesavonspascequ’il,ouelle,ouils,essayaitdefairede toi,nousne
pouvonspasprendrederisques.Tristandéposasatasse.—Jeneferaipasça.—Tuleferas.Nateestdanssa«grotte»pourquisaitcombiendetemps,alorsquelqu’undoitallerle
trouver.Nousdevonscomprendreàquoinousavonsaffaire.GabrielregardaTristanlongtempsetdurement.—Alors,queTristanyaille,suggéraScarlet.Problèmerésolu.
Tristanpourraitdisparaîtreetemportersaméchancetéaveclui,etGabrieletellepourraientavoirleromantiquechalettoutàeux,àl’abridestueurspotentiels.TristanetGabrieléchangèrentunregardtendu.—Tristan…nepeutpaspartir,ditGabriel,sesyeuxpassantdeTristanàScarlet.Donc,j’yvaisàsa
place.—Alors,emmène-moi,avectoi.Scarletseredressa.Gabrielsoupira.—Tunepeuxpaspartirnonplus.Etmêmesitulepouvais,jeneseraispasenmesuredeteprotéger
pendantquenousvoyagerions.Sansunmot,Tristanclaqualaportedelacuisine.ScarletleregardapartiretsetournaversGabriel,frustrée.—JenecomprendspaspourquoiTristannepeutpaspartiràtaplace.GabrielregardaScarletavecunairdésolé.—Peux-tuattendreiciuneminute?Sansattendresonaccord,Gabrielquittalacuisine.Scarletmaugréaetsefitunetassedecafé.Elles’assitavecsatassechaudedanslesilencedéplaisant
etdécidaqu’ellen’aimaitpasêtrelaisséeseuledanslacuisine.Ellevoulaitsavoircequisepassait.Quittantlacuisine,ScarletentenditlavoixdeGabrieldanslapiècevoisine.—Monvieux,tudoislefaire!Lesfrèresétaientdanslesalon,àquelquesmètresd’elle,etpensaientprobablementqu’elleétaithors
deportéedevoix.Scarletn’avaitpasl’intentiondelesespionner,maiscefutcequ’ellefit.Parcequelessecretsn’étaientplussontruc.—Non,ditTristan.Jenedoispaslefaire.Etjeneveuxpaslefaire.SituessidéterminéàvoirNate,
alorstrouveunautreendroitpourycaserScarlet.Ellenerestepasici.—Jenepeuxpasfaireça,Tristan.C’esttropdangereux.—Scarletnerestepasiciavecmoi.Findeladiscussion.Illadétestaitencore.Formidable.Scarlettrouvauneplacecontrelemurducouloiretpassalatêtedetellesortequ’ellepuissevoirles
frères.—Quelesttonproblème?GabrielsetenaitenfacedeTristan,lecorpstendu.—Nousavonsunvraiproblèmeici.Nousavonsbesoind’aideetNateestnotremeilleureoption.Et
puisquetun’espasenmesured’allerlechercher…—Pourquoidevons-nousaller«chercher»quelqu’un?DemandeàNatedevenirici.—Nous ne disposons pas du temps nécessaire pour attendre que Nate nous rappelle. Nous avons
besoinderéponsesmaintenant.
Tristansecoualatêteetsemitàrired’unairnarquois.—Tuesunidiot.—J’essaiedesauverlaviedeScarlet.—Moiaussi!criaTristan.Ladifférence,c’estquejecomprendscommentleschosesfonctionnent.Si
Scarletrestechezelleavectoijusqu’àcequenousayonsdesnouvellesdeNate,elleirabien.Mais…TristanapprochaprèsduvisagedeGabrieletbaissa lavoixaupointoùScarletnepouvaitpresque
plusl’entendre.—…siScarletresteici,avecmoi,ellemourra.Elle.Mourra.Scarleteneutlesoufflecoupé.«Bonsang,qu’est-ceque…?»—Écoute,ditGabriel,quiadoucitsavoix.Jecomprendsquetusoisinquiet,maisnousavonsletemps,
Tristan.Scarletestencoreenbonnesanté.Rienneluiarriverapendantmonabsence.Enbonnesanté?Étaient-ils inquietsàproposdesoncœur?Était-elleplusprochedelamortqu’ils
l’avaientamenéeàcroire?Soncœurlamartela.Tristanlevalesmainsenl’air.—C’estleproblème,Gabe.Tuestoujourssidisposéàprendredesrisquesstupides!—Çan’estpascommesijepartaispourunan,Tristan.C’estjustepourunjouroudeux.Quelqu’un
s’enestprisàellelanuitdernièreetnousdevonssavoirpourquoi.Nousavonsbesoindel’aidedeNate,immédiatement. Je préfère risquer qu’elle soit deux jours dans lamaison avec toi que deux semainesavecdesinconnusquis’enprennentàelle.Pastoi?Tristanarpentalesalonuncourtinstant.Sesdéplacementsétaientlefruitdelatensionenlui.Scarletnecomprenaitpaspourquoiilétaitsiencolère.Ellenevoulaitpasvraimentresterauchalet
avecluinonplus,maisaumoins,ellen’enfaisaitpastoutunplat.Finalement,Tristanexpira.—Trèsbien.Laissetaprécieusepetiteamieici.Jelaprotègeraidesméchantsetdesmonstres.IlsepenchadenouveauversGabriel.—Maisjenepeuxpaspromettredelaprotégercontremoi.Quefairesisoncœurs’affaiblitetqu’elle
estdangereusementmaladequandturentreras?«Dangereusementmalade»?Est-cequelefaitdesetrouverprèsdeTristan…empiraitl’étatdeson
cœur?Gabrielhésitaavantd’acquiescer.—Jepréfèrequ’ellesoitmaladeetensécuritéquemorteparcequenousnesavonspascontrequoila
protéger.Morte?Donc,Gabrielpensaitquesavieétaitendanger?Scarletréprimaungémissement.«Super.»
—Soit!Tristansecoualatêteetquittalapièce.Scarlet,qui se tenaitcontre lemur,attenditqueTristanaitdisparupar laportedederrièreavantde
repartir dans la cuisine. Elle se rassit au comptoir, feignant de ne l’avoir jamais quitté, d’être restéeassiselààregarderlemurblanccommesic’étaitlachoselaplusfascinantequ’elleaitjamaisvue.Gabrielentradanslacuisineavecunsoupir.— Je suis désolé, Scarlet. Je sais que tout cela est vraiment bizarre pour toi et probablement plus
confusquejenepourraijamaislecomprendre.Scarletneditrien.Honnêtement,ellenesavaitpassielleétaitfolleoueffrayée.—Voici le truc. Je dois te protéger, et pour ce faire, je dois aller àNewYork et trouverNate.Tu
comprendsça,n’est-cepas?«Nonpasdutout.»— Euh…Ne pourrais-tu pas attendre quelques jours ? Je ne veux pas vraiment rester ici avec…
Tristan.Scarletfitsesyeuxtristes,espérantqueGabrielseplieraitàsademande.—Tristan est inoffensif. Il est grincheuxet impoli, ditGabriel,mais il ne laisserait jamaisquelque
chosedemalt’arriver.Scarletvoulutironiser.Legarçon avait pratiquement juréqueScarletmourrait entre sesmains.Celane faisait pas en sorte
qu’ellesesenteensécurité.Elleselevadesonsiègeetposasoncafé.—JepensequejevaisjusteappelerLauraetluidemanderderevenir.Commeça,jepourrairesteràla
maisonjusqu’àcequetureviennes.—Non.Gabrielsecoualatête.—TunepeuxpasappelerLaura.TunepeuxriendireàLaura.—Etpourquoi?PourquoilesfrèresArcherluidisaient-ilstoujourscequ’ilfallaitfaire?—ParcequecelapourraitmettreLauraendanger.GabrielfitunpasversScarlet.—Sicetype—peuimportedequiils’agit—découvrequeLaurasaitquelquechose,ilpourraitlui
fairedumalpourarriverjusqu’àtoi.Tunepeuxrienluidire.Scarlet réfléchit.EllenevoulaitpasmettreLauraendanger,maisellenevoulaitpas rester iciavec
Tristan.—Alors,jeresteraiàl’hôtel.Gabrielbaissalatête.
—S’ilteplaît,nerendspasleschosesdifficiles.Tusaisqu’unhôteln’estpasaussisûrqu’unchaletavecungarçonimmortelquiyvit.—Oui,maisTristanneveutpasdemoiici.Ilne…m’aimepas.Scarletessayadenepasressembleràuneélèveduprimaireoffensée.Maisc’étaitexactementcommecelaqu’ellesesentait.—CequeTristanressentpourtoin’apasd’importance.Cequiimporte,c’estdeteprotéger.S’il te
plaît,laisse-moiteprotéger.Gabriellaregardaavecsesjolisyeuxbrunsremplisd’unamoursincèreetd’inquiétude.—S’ilteplaît,resteicipourquejesachequetuesensécurité.Scarletleregardaunlongmomentavantd’expirer.—D’accord.Elleétait réticenteà l’idéed’accepter,mais ellene savaitpasoùellepouvait aller ailleurs sans se
faireattaquerpardespsychopathes.Gabrielsouritetl’embrassasurlatête.—Mais,ditScarlet,siTristanestméchantetgrossier…«Ous’ilessaiedemetuerdansmonsommeilouquelquechosedugenre.»—…,jepars,c’estsûr.Compris?Gabriellaissaéchapperunrire.—C’est juste.Maintenant,dit-ilenmettant sesmainsdans lessienneseten lesportantà sabouche
pourlesembrasser,laisse-moitefairevisiter.Scarlethochalatête,contrariéedenepasavoirétéenmesuredeconvaincreGabrielderester.Il la conduisit à l’étage principal jusque dans une pièce qui ressemblait à un bureau. Des livres
bordaientlesmursetungrandbureausetrouvaitdanslefond.On aurait dit une pièce qu’on voyait dans les films, avec des fenêtres impressionnantes du sol au
plafondetdesmeublesencuirnoblepartout.Àcôtédubureau,ilyavaituneportefermée.—Cettepièce,ditGabriel,quisetenaitdevantlaportedemanièrehésitante,c’estl’endroitoùnous
gardonsnotrecollectiond’armes,alorsnepaniquepas,ajouta-t-ilentournantlapoignéeIlouvrit laporte,etScarletdécouvritunmurgigantesque remplid’unarsenalvisiblementmeurtrier.
Descouteaux,desépées,deshaches,desflèchesetdenombreusesautresarmesbordaientlegrandmur.Etcertainesd’entreellessemblaientavoirservi.Ellecommençaàpaniquer.—Euh…Pourquoienavez-voustant?Sepréparaient-ilsàcombattre?Gabrielhaussalesépaules.—C’estunpasse-temps.Maisc’estplusletrucdeTristanquelemien.Logique.
—Pourquoipasdepistolets?demandaScarlet,enlesregardant.—Lespistoletssontpourlesperdants,ditGabriel.—Et,ajoutaScarletenregardant l’arme laplusprèsavecunsourireencoin, leshachesdecombat
tachéesdesangsontpourlesgagnants?Gabrielpenchalatêteetsouritàsontour.—Exactement.Après la pièce macabre remplie de poignards, Gabriel conduisit Scarlet au sous-sol. Il alluma
plusieurs lumières comme ils descendaient dans la partie du chalet où vivait Tristan, de sorte qu’iln’avaitpasl’airaussisombrequeScarletl’auraitcru.Maisildonnaituneimpressiondenoirceur.Pourcequiétaitdel’agencement,c’étaitlarépliqueexactedesquartiersdeGabrielenhaut.Unvaste
salonavecunecheminéesouventutiliséesetrouvaitsurlagaucheetdeuxportesétaientferméesàdroitedeScarlet.Dans la conception et l’apparence générale, cependant, les espaces de vie du frère étaient
complètement différents. En haut, le salon de Gabriel était rempli d’œuvres d’art partout, de tapisluxueux, et d’un canapé et d’une table basse qui coûtaient probablement plus cher que la voiture deScarlet.Le salondeTristan, lui, étaitbordéd’étagèresde livresetdans lecentrede lapièce se trouvaitun
pianofermédontlaqueuemajestueuseattiraitlapoussière.D’une certainemanière, unpiano à queuene semblait pas correspondre à la perceptionqueScarlet
avaitdeTristan.Ellel’imaginaitplutôtcachéausous-solavecquelquesgargouillesetpeut-êtreentraindesouleverdes
poidspendantqu’ilécoutaitdelamusiqueforte.Pasentraindechatouillerdestouchesenivoireavecunverreàcognacaprèsavoirluunromanclassique.—Ici,c’estl’étagedeTristan,ditGabriel.Jet’auraisbienmontrésachambre,maisilestdemauvaise
humeuraujourd’huietjepréfèrenepaslecontrarier.Scarlethochalatête.EllenevoulaitpasvoirlachambredeTristandetoutefaçon.Vraiment?Vraiment.EllesuivitGabriel,quiremontaitl’escalier,sonregards’attardantsurcequ’ellepensaitêtrelaporte
delachambredeTristan.Ellesereprit.«Non,jeneveuxpasvoirlachambredeTristan.»QuandGabrieletelleatteignirentl’étageprincipal,Gabrielsetournaverselle.—Etvoilàlechalet.Sens-toilibredefouilleretd’utilisercequetuveux.IlembrassaScarletsurlajoue.—Bien.Jedoispartir.
Scarletenfutbouchebée.—Quoi?faillit-ellecrier.Toutdesuite?Gabrielhochalatête.—Jenepeuxpasattendre,Scarlet.Nousn’avonspasdetempsàperdre.JedoistrouverNate.Leplus
tôtseralemieux.Gabriell’embrassaànouveau.—Net’inquiètepas,jeseraiprobablementderetourdemain.Etcesontlesvacancesd’automne,tute
souviens?Iln’yapasd’école,alorstupeuxsimplementtedétendre,relaxerjusqu’àcequejerentreàlamaison.«Medétendre?»Relaxer?»Était-ilfou?Unmaladeavaitfaitirruptionchezellependantqu’elledormaitetalorselleétaitforcée
desortiravecuntypequiladétestait,aumilieudenullepart.Commentétait-ellecenséesedétendre?Scarlet vit l’expression rassurante sur le visage de Gabriel et elle laissa filer son aspiration à
argumenter.Rienneleconvaincraitderester.Ilessayaitdel’aider,delasauver.Etelledevaitlelaisserfaire.Alorspourquoisesentait-ellecommesiGabriellasacrifiait?«ProbablementparcequelegrandméchantTristanvivaitenbas.»Après avoir dit au revoir, Gabriel laissa Scarlet pieds nus et seule dans le grand hall d’entrée du
chalet. Sa voiture disparut dans l’allée jusqu’à ce que tout ce qui reste ne fut plus qu’une traînée depoussièreetunchaletvide.Ehbien,videendehorsdesdeuxpersonnesàl’intérieur.Scarletregardaautourd’elleuneminute.Elledétestaitl’idéedesetrouver,disons,prisonnièredanslesboisavecTristan.Biensûr,ilétaitbeauetincroyablementattirant.Maisc’étaitaussiungoujat.Scarletsoupiraintérieurementetsedirigeaenhaut,verslachambredeGabriel.Elleavaitbesoindetrouverunefaçond’occupersontempsdanslechalet.Ellecommençaparprendreunedouche.
50
Tristanrepritsesflèchesaucentredelaciblepourlacinquièmefoiscematin-là.Letiràl’arcnel’aidaitpas.Celaauraitdû.Çafonctionnaitd’habitude.Maisquelquechoseétaitéteint.EtTristansavaitexactementcequec’était.Le vent froid dumatin fouettait son crâne alors qu’il revenait au champ de tir. Il pourrait rester à
l’extérieurtoutelajournéesinécessaire.EtilleferaitsicelaluipermettaitderesteréloignédeScarlet.Gabrielétaitunimbécile.PlusScarletétaitàproximitédeTristan,plussonsangluibriseraitlecœur.Ilavaitjustebesoindegardersesdistancespendantlesvingt-quatreprochainesheuresetespérerque
soncœurnes’affaiblissepasplusquenécessaire.Zoum.Danslemile.Zoum.Encoredanslemile.Ilentenditladoucheàl’étagesemettreenroute—ladouchedeGabriel.ScarletétaitdansladouchedeGabriel.Tristandéglutitetsepréparaàtireruneautreflèche.Zoum.Raté.Ilbaissalatête.Lesvingt-quatreprochainesheuresallaientêtreplusdifficilesqueprévu.
51
Scarlet traînadans lachambredeGabrielpendantquelquesheures,àessayerdese teniroccupée.Soncœurbattaitencoresansrelâche,maiselles’étaitpresquehabituéeàsonmartèlementincessant.Presque.Aprèssadouche,elleavaitmisdesvêtementspropresàGabriel,maisilsétaienttropgrandsetellese
sentait…mal.Alors,elleavaitmissonpantalondepyjamaetsonT-shirtdelaveilleàlaplace.Gabrielavaitquelqueslivressursacommodequ’ellefeuilleta,maisilstraitaienttousdegastronomie,
d’événementssportifsetdumarchéboursier.Ennu-yeux.Ses manuels scolaires étaient sur un bureau dans le coin, et Scarlet envisagea brièvement l’idée
d’étudier,maisellelarejetarapidement.Ellenes’ennuyaitpasàcepoint.Toutefois,elleprituncahieretunstylodanssapiledemanuelsscolairesetsemitàgriffonner.Elledessinainlassablementlesymboleancrédanssoncerveaujusqu’àcequ’elleenaitremplideux
pages.Ilétaitétrangequ’ellesesouviennesiclairementdumotif,alorsqueGabriel,—quilaconnaissaitdepuiscinqcentsans—,nel’avaitpasreconnu.Scarletréfléchituninstant.Àmoinsque…ill’aitreconnu?Ilavaitétéintéresséparsondessinaudébutdel’année,avantqu’illuiaitracontéleurhistoire,alors
peut-êtrequ’ilsavaitcequec’étaitetqu’ilneluiavaitpasencoredit.QuandGabrielrentrerait,elleluireposeraitlaquestionàproposdelasignificationdusymbole.Scarletarrêtadegriffonneretcommençaàdresserunelistedechosesdontelleavaitbesoinprovenant
dechezelle.Vêtements.Chaussures.Maquillage…«Pourquoiaurais-jebesoindemaquillage?Quisuis-jeentraind’essayerd’impressionner?Tristan?
»Jamaisdelavie.Elleraya«maquillage»etleremplaçapar«nouveautéléphone».Scarlet secoua la tête enpensant à ladésinvoltureavec laquelleTristanavait jeté son téléphone, sa
planchedesalut.ElleposalecahieretquittalachambredeGabriel.Tristanluidevaitunnouveautéléphone.Aujourd’hui.
Pieds nus, elle descendit doucement l’escalier et erra dans le salon et la cuisine à la recherche deTristan.Comme la cuisine et le salon s’avérèrent vides, Scarlet avança dans le hall. Elle passa devant
l’escaliermenantausous-soletrejetaimmédiatementtouteidéedes’aventurerenbasdansleterritoiredeTristan.Ellel’attendraitàl’étagetoutelajournéesinécessaire.Ellen’iraitpasdanslecachotArcher.Enfaced’elle,laportedubureauétaitentrouverte.Scarletregardadansl’embrasure.Tristanétaitassisaugrandbureau,sesyeuxbalayantunécrand’ordinateur.Elle tapa doucement à la porte, s’en voulant d’être si délicate, — surtout étant donné qu’elle
connaissaitTristandepuisdessiècles—etentracommesielleavaittoujoursconnucetendroit.Ellerefusaitd’agircommeunesouriseffrayéeaveclui.—Tumedoisunnouveautéléphone,déclaraScarlet,exigeantl’attentiondeTristan.Aujourd’hui.Iljetaunœilverselleavantderegarderdenouveaul’ordinateur.—Çanerisquepasd’arriver.Scarletselaissatombersurunechaiseenfacedubureauetsepenchaenavant.—Écoute,jecomprendsquetutefichescomplètementdemoi,maisjesuiscoincéeicietjevoudrais
unmoyendecommuniqueraveclemondeextérieur.Tristanfermasonordinateurportableetcroisasonregard.—Le«mondeextérieur»essaiedetefairedumal.Alors,pardonne-moisijenemeprécipitepasà
l’idéederépondreàtademandepourunnouveautéléphone.LevisagedeScarletsecrispaetelleseleva.— Tu vas me trouver un nouveau téléphone. Et aussi, je dois passer chez moi pour prendre des
vêtements.Jen’aipasvraimentpufairedevaliselanuitdernière.Tristanlaregarda.Ilétaitprobablementjusteentrainderéfléchirauxvêtementsqu’elleavaitavecelle,maisçaparaissait
pluspersonnelqueça.Sonregarddescenditjusqu’àsonpyjama.Lentement.Intimement.LecœurdeScarlets’emballad’uncrantandisqu’ellefutsubmergéededésir.Ellevoulaitlegifler.Ouelle-même.Ellenesavaitpastrop.—Non,ditTristanendétournantleregardetenrouvrantsonordinateur.Pasdesortiesdanslemonde
extérieur.Scarletappuyasesmainsàplatsurlebureauau-dessusdeTristan.Elleétaitencolère,etiln’étaitpas
sonpatron.—Tunepeuxpasmegardericicommeuneprisonnière.—Alors,va-t’en.Elleplissalesyeux,maisneditrien.
—SituveuxtepromenerdanslefinfonddelaGéorgietandisqu’undétraquétecherche,alorsvas-y.LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent.—JediraiàGabrielquetuespartie.Scarletpinçaseslèvres.Elleétaitpiedsnus, sansargentni téléphonecellulaire, etportaitunmincepyjamaencotondans le
froidautomnaldelaGéorgie.Quitterlechaletàpiedn’étaitpasuneoption.Est-cequ’ilbluffait?Ellesepenchapourexaminersesyeuxprovocateursdeplusprès.L’odeurducuiretdusavonrencontrasesnarines,envoyantdelachaleuretunesoifdanssesveines.«Qu’est-cequinevapasavecmoi?»Sesyeuxlabrûlaientalorsqu’elletentaitdegardersonregardfixe.Tristansepenchasurlebureau,sonvisageàquelquescentimètresdusien.Ilditd’unevoixmenaçante:—Tudoispartir.Scarletsoutintsonregarduninstantdeplusavantdedéglutiretdesereculer.Elleétaitprisonnièreetiln’yavaitrienqu’ellepouvaitfaire.—Ouais.Ellesoufflaetquittalebureauenfurie.Mêmealorsqu’elles’éloignait,furieuseetfrustrée,elleressentaitencoreunsoupçondenostalgiedans
sonventre.QuelquechoseenellevoulaitcourirversTristanet…l’étreindre.Ouplus.Scarletsecoualatêteetremontajusqu’àlachambredeGabrieloùellepassalerestedelajournéeà
feuilleterdeslivresennuyeux.Ehoui,àétudier.
52
Tristanseréveillaaumilieudelanuit.Affamé.Cequiétaitimpossible,carilavaitmangéjusteavantd’allersecoucher.Safaimnepouvaitsignifierqu’unechose:Scarletavaitfaim.Ilmaugréa.Sonlienavecelledevenaitplusfortdejourenjour.Etdeplusenplusridicule.Maintenant,ilpouvait
sentirquandelleavaitfaim?Pouah!Il leva lesyeuxvers leplafondde sachambreetpensaà la filledeuxétagesau-dessusde lui.Elle
dormaitprobablementencorepaisiblement,rêvantdeGabriel,auxarcs-en-cielouautres.Ilfermalesyeuxdansunevainetentativepourserendormir.Échec.Avecunsoupir,ilselevapéniblementetmontad’unpaslourd.Ildevraitresteraulit.Ildevraitaumoinsfairesemblantdenepasressentirlafaim…Ilsavaitqu’il
n’avaitpasfaim.Alors,pourquoisedirigeait-ilverslacuisinepourfairedescrêpes?Parcequ’ilétaitfaible.EtparcequeScarletaimaitlescrêpes.Danslacuisine,ilsortittranquillementtouslesingrédientsdontilavaitbesoinetessayadenepastrop
réfléchiràcequ’ilfaisait.Peut-êtreques’ilsedépêchaitetlaissaitsimplementuneassiettedecrêpessurlecomptoir,ilpourrait
retourneraulitetfeindrenepasêtreunimbécilepathétique.Ilregardal’horloge.1hdumatin.Voilàcequ’ilallaitfaire.Fairedescrêpesetdéguerpir.
53
Scarletseréveillatarddanslanuittellementellesouffraitd’avoirfaim.Alors qu’elle avait passé sa journée à bouder hier, elle avait oublié demanger. Etmaintenant, son
estomacétaitencolèrecontreelle.EllequittalelitconfortabledeGabrieletfouilladanssonsacàdosdansl’espoirdetrouverunebarre
chocolatée,unebananeoun’importequoi.Rien.Elleregardalelitchaud.Avait-ellevraimentenvied’allerenbasetdechercherdelanourriture?Sonestomacgargouilla.Oui.Elleallaitlefaire.Scarletsoupiraetsefrottalesyeuxavantdesedirigerenbas.Elletrouveraitunebouchéeàmangeret
sedépêcheraitderetournerdanslachambredeGabriel.Soncœurbattait fort,mais sespas restèrent silencieux tandisqu’elleavançait au rez-de-chausséeet
tournaitlecoinpourentrerdanslacuisine.Ellerestafigée.Là,dosàelle,setrouvaitTristan.Ilfaisaittranquillementàmangeraumilieudelanuit.LepremierinstinctdeScarletfutdecouriràl’étageetdel’évitercomplètement.Elletrouveraitbien
unegommeàmâcheroun’importequoiquilaferaittenirjusqu’aumatin.Maisl’odeurdescrêpesl’arrêtadanssonélanetluidonnal’eauàlabouche.Tristanseretourna,etvoyantScarletauboutdelacuisine,s’interrompit.Aucund’euxnebougeapendantuninstantalorsqueleursregardsétaientrivésl’unsurl’autre.Quelquechoseremuaàl’intérieurdeScarlet.Quelquechoseàproposde l’obscuritéà l’extérieur,du réconfortde lanourritureà l’intérieur,etde
Tristanquilaregardaitcommes’ilnes’étaitpasattenduàcequ’ellearrive,fitsentirScarlet…Aimée?«Jesuisfolle.Évidemment,mafaimaprislecontrôledemoncorpsetadévorétouteslescellulesde
moncerveau.»EllepinçaseslèvresetregardalescrêpesqueTristanretiraitdelapoêle.—Tutefaisunen-casdeminuit?Elleessayad’avoirl’airlégèreetdécontractée.Normale.Amicale.NonpasparcequeTristanleméritait,maisparcequ’ellevoulaitdescrêpes.EtTristan,apparemment,
étaitlemaîtredescrêpes.IldétournalesyeuxdeScarlet.—Quelquechosecommeça.
Ilétaittendu.Ellepouvaitpresque…lesentir.Scarlettransférasonpoidssursonautrepied.—Ah.Tristannelaregardaitpas.—As-tufaim?Ils’éloignadelacuisinièrejusqu’àuneassietteoùétaientempiléesdescrêpes.—Unpeu,mentitScarlet,quiétaitaffamée.Tristan,dosàelle,hochalatête.—Netegênepaspourenmanger,alors.Scarleteutencoreplusl’eauàlabouche,excitéeàl’idéedeplongerdansunemontagnedecrêpesau
beurre.Nevoulantpasresterlàcommeuneprincessequiattendd’êtreservie,ScarletavançaderrièreTristan
pourprendreuneassiettesurlecomptoiretseservirelle-même.Maisquandelleapprochadesondos,ilseretourna,inconscientqu’ellesetrouvaitsiprèsderrièrelui.Leurspoitrinessefrôlèrentpendantunefractiondeseconde,etlesyeuxdeScarletfurentaveugléspar
unéclairdecouleurs.Clic.Unsouvenirseformadanssatête.Tristanétaitvêtud’habitsmodernesetfaisaitsescrêpes.Ilfaisaitnuitetilavaitlescheveuxpluslongs,maissesyeuxétaienttoujoursd’unvertbrillant.Il
souritendéposantuneassiettedecrêpesdevantelleetellerit.Surledessusdescrêpessetrouvaitunvisagesouriantfaitdefruits…—Désolé,marmonnaTristanens’éloignantd’elleetenlaramenantàlaréalité.Tandisqu’ellerevenaitàelle,elleclignadesyeuxetregardaTristan.—Jemesouviensdetoi…LesyeuxdeTristans’écarquillèrent.Elleinclinalatête.—Jemesouviensquetu…faisaisdescrêpespourmoi…avant.LapoitrinedeTristans’affaissatandisqu’ilexpiraitlentement.—Oui,ehbien…IldétournalesyeuxdeScarletetfrottasesmainssursonpantalon.—Jetefaisaisàmangeravant.Scarlethaussalessourcils,sedemandants’ilétaitpossiblequeTristannel’aitpastoujoursdétestée.Peut-êtremêmequ’ill’avait…aimée…danslepassé.Danssonsouvenirde lanuitdernière, il la tenaitdans la forêt.Dans lesouvenirdecettenuit, il lui
faisaitàmangeretsemblaitheureuxd’êtreavecelle.Alors,qu’est-cequiavaitchangéentreeux?
Tristansefrottalanuque.—Gabrielestunpiètrecuisinier.Alors,tusais,jel’aideparfois.Scarletplissalefront.Quelquechosedanssesparolesnesonnaitpasvrai.Ellehochalatêteetseservitdeuxcrêpeschaudessuruneassiette.—Puis-jetedemanderquelquechose?Elleposal’assietteets’adossaaucomptoir,faceàTristan.Ilhésita.Elledevinaitqu’ilvoulaitpartir.Ellepouvaitsentirqu’ildélibéraitintérieurement.Leur«lien»devaitêtredanslesdeuxsens.C’étaitlaseulemanièred’expliquercommentellepouvait
ressentircequ’ilressentait.Savoixétaittenduecommes’ildevaitforcerlesmotsàsortirdesabouche.—Oui,biensûr.Scarletdemandainnocemment:—M’as-tutoujoursdétestée?Ce n’était pas une bonne question et elle était un brin immature,mais Scarlet ne s’en souciait pas.
Tristanl’avaitfaitsesentirindésirableetimportune…,maisilétaitprêtàpartagersescrêpesavecelle?Celan’avaitpasdesens.LevisagedeTristanétaitimpassible.—Tupensesquejetedéteste?Scarlethaussalesépaules.—C’estlecas?Tristanregardalesol,puislemur,etenfin,Scarlet.—Non.Leurs regards se croisèrent à nouveau, et la poitrine de Scarlet se serra. Il était si beau et sur ses
gardes,commes’ilavaitmillesecretsetpersonneàquifaireconfiance.Elleregardasesyeuxvertsetsesentit…triste.Ilyavaitquelquechosedevideetdedésespérédansla
façondontillaregardait,etellevoulaitl’aider.LavoixdeScarletsefitdoucequandelledit:—Tunemedétestespas.Illaregardafixement.—Non.QuelquechosedechaudetderéconfortantenvahitScarletalorsqu’ellescrutaitsonvisage,essayantde
déterminerquiétaitTristanArcher.IlétaitplusquelefrèredeGabriel.Ilétaitplusqu’ungarçonavecdusangimmortel.Àl’arrièredesatête,etaucentredesoncœur,ilétaitquelquechose…deplus.
Sesyeuxobservèrentlessiensunlongmomentavantdesedirigerverslalignedesamâchoirecarrée.Ilsdescendirentjusqu’àsonmenton…puisremontèrent…pourfinirparseposersurseslèvres.DeslèvrespareillesàcellesdeGabriel,charnuesetparfaitementdessinées.MaisquelquechosedanslabouchedeTristansemblait…plussexy.Tristansecoualatêteetditd’unevoixrauque:—Scarlet.Cen’étaitniunequestionniunedemande.Justesonnom.Surseslèvresparfaites.Etl’estomacdeScarletsenoua.Respirait-ilplusdifficilementqu’avant?Scarlet regarda sa poitrine, recouverte d’un T-shirt blanc, qui montait et descendait à chaque
respiration.Ilavaitunbeautorse.Sifortetsûr.Sifamilier…etpourtantdifférentdeceluideGabriel…Ellefitunpasdepluspours’approcherdelui,laissantsesyeuxglisserlelongdesaclaviculeetdeses
largesépaules.Elles’attendaitàcequ’ilaitunmouvementdereculetsedétournedesoncorpsquiapprochait,maisil
n’enfitrien.Ilrestalàparfaitementimmobile,sonsouffleinégal.Scarletregardaànouveausesyeux,maintenantàseulementquelquescentimètresdessiens,etadoucit
encoredavantagesavoix.—Quies-tu,Tristan?Ses yeux semblaient désespérés tandis qu’ils plongeaient dans les siens. Unmoment passa, rempli
seulementparlebruitdelarespiration.—Personne,dit-il.Scarletsecoualentementlatête.—Non…,tun’espaspersonne.Tues…quelqu’un…Ellepouvaitsentirlachaleurdesoncorpsvibrercontresoncouetsapoitrinealorsqu’ellesetenait
devantlui.Ilétaitgrandetchaud,etellevoulaitletoucher.Pasdemanièredéplacée.Ellevoulaitjuste…appuyersamain…contresapoitrine…Scarletnebougeapas,maiselleypensa.Elle essaya de puiser dans le lien qu’elle avait avec lui, si tant est qu’il y en ait un. Elle voulait
ressentircequ’ilressentait.Ellelaissasonâmeatteindrelasienneetsentit…Del’hésitation…Desconflits…Dudanger…LeregarddeTristans’obscurcittandisqu’ilquittaitsesyeux.Ildescenditlelongdesonvisagejusqu’à
soncou.Ellepouvaitsentirsesyeuxs’attarderlà,commesisoncou—chacunedesesimpulsions—luiappartenait.Àcettepenséesoncœurs’emballa…Dedésir…depossession…
Le regard deTristan remonta… lentement etméthodiquement… jusqu’à ce qu’il atteigne ses lèvres.Elleleregardaétudiersabouche,etledésirenflammasesjouesavantdeserépandredanssapoitrine.…L’envie…Ettoutàcoup,lesentiment—lessentiments—futmutuel.Elleledésirait.LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent,toujoursrivéssursabouche,etScarletsentitsoncœurseserrer.Pourquoiledésirait-elle?Sesyeuxbrûlaient.LesyeuxdeTristans’attardèrentsursaboucheet,sanspenserniraisonner,Scarletécartaseslèvres…LeregarddeTristanremontaverssesyeux,remplisdefaimetdedésir…Soudain,ilseraidit.Sonvisagefuttraverséparuneexpressiondecraintetandisqu’ilexaminaitsesyeux.Sessentimentssetransformèrenten…peur…colère…douleur…etScarletsefigea,perplexe.Ilnebougeapas.Ilnereculapas.Ilnefitqueregarderfixementsesyeux.—Jedoisyaller.Unesecondepassa,Tristandéglutitets’éloignad’elle,emportantlachaleurdesoncorpsaveclui.—Jecroyaisquetuavaisfaim.Scarletfitbasculersonpoidssursonautrejambe.—C’étaitlecas.Tristanseretournapourpartir.—Maisjevaisbienmaintenant.Sansregarderderrièrelui,ilquittalacuisine.Scarletétaitperplexe.«Qu’est-cequivientdesepasser?»Aussifouquecelapuisseparaître,Scarletsesentaitabandonnée.Maispirequecela,ellesesentaitlecœurbrisé.
54
Gabriel frappa à la porte de l’appartement terrasse deNate. Il pouvait entendre lamusique forte, descoupsdefeuetlechaosgénéralàl’intérieur.«Génial!»CommeNateneréponditpas,Gabrielfrappaencore.—Nate!C’estGabriel!—Pasmaintenant,monvieux.Jesuisdanslagrotte!ditunevoixétouffée.Gabrielrouladesyeux.—J’aibesoinquetusortesdelagrotte,Nate.—Impossible,monpote!J’aipresque…vaincu…legrandsorcier.Gabrielfrappaencore.—Situn’ouvrespascetteporte, jevaislafairetomberetverserdelaboissongazeusesurtoustes
ordinateurs.Laportes’ouvritimmédiatement.—Pasbesoindemenaces,mec.Lesordinateurssontnosamis.Nate, vêtu de chaussettes dépareillées, de shorts de basket-ball, d’unT-shirt avec imprimé et d’une
paired’écouteursavecmicrophone,setenaitdevantGabrieletavaitl’airdenepasavoirdormidepuisdesjours.Malgrélebruittoujoursàpleinvolumeenarrière-fond,Gabrieldit:—Désoléd’interrompre…Ilregardalegrandécrandetélévisionoùunelfepoignardaitundragonetajouta:—…tagrotte,maisj’aibesoindetonaide.—Bonsang,meeec.NaterouladesyeuxetfitsigneàGabrield’entrer.Iléteignittouslesbruitsetretirasesécouteurs.—Jeneveuxpasêtrele«sérieux»Natemaintenant,d’accord?Jeveuxêtrele«joueur»Nate.Oula
« vedette de rock »Nate…Oumême le « cruciverbiste »Nate.Maispas le « sérieux »Nate. Le «sérieux » Nate finit toujours par se retrouver impliqué dans des malédictions étranges à essayer detrouverdesfontainesetàregarderlesgensmourir,etblablabla.Çacraint.Alors,pourquoineserais-tupasle«fêtard»Gabriel,soulignaNateavecunclind’œil.Jeseraisle«comique»Nateetoniraitjouerauxquilles.Jevaischerchermonmanteau.Ilsetournabrusquement.—Nate.Gabrielretiralebandeaunoirdesapocheetleposasurlatablebasse.—Quelqu’unafaitirruptionchezScarletlanuitdernièrealorsqu’elledormaitetilavaitça.Sais-tuce
quec’est?
Nateseretournaetregardalebandeau.Sonairheureuxlequitta.—Envoilàfinidesquilles.Gabrielregardasonami.—Pourquoi?Tulereconnais?Natehochalatête.—Ouais.C’estuncapteurdecerveau.—Unquoi?—Onl’utilisepourextrairedes informationsducerveau.Quiconques’est faufilédans lamaisonde
Scarletvoulaitprobablementsessouvenirs.Ilsoupira.—Cequiveutdirequ’ilsconnaissentprobablementsonpassé.—Quipourraitconnaîtresonpassé?Elleaseulementétéenviependantdeuxansetmêmeelleenest
àpeineconsciente.Natesecoualatête.—Jenesaispas,mec.Maislescapteursdecerveausontillégauxettrèsdifficilesàtrouver.Celuiqui
s’enestprisàScarletneplaisantepas.Peut-êtrequ’ilssaventquenoussommesimmortels.Oupeut-êtrequ’ilscherchentlafontaine.LatêtedeGabrieltournaittellementqu’elleétaitpleinedequestions.Quelqu’und’autreessayait-ildetrouverlaFontainedeJouvence?Etcommentpouvait-onsavoirqu’ils
étaientimmortelsd’abord?Ouqu’ilsconnaissaientScarlet,d’ailleurs?Elleétaitnoviceenlamatièreetneconnaissaitriensurl’endroitoùsetrouvaitlafontaine.Pourquoivoulaient-ilssessouvenirs?LapaniquemontadanslapoitrinedeGabriel.—Nate,faistesbagages.NousallonsenGéorgie.—Oui,meeec.Pourquoitoutesceshistoiresarrivent-ellestoujoursquandjesuisdansmagrotte?Gabrielleregarda.—Laissetomberlagrotte,Nate.Quelqu’unenveutàScarlet.Onn’apasdetempspourjouer.—Onatoujoursdutempspourjouer!ditNateavecpassion,enpointantundoigtenl’air.Gabrielleregarda,perplexe.Natesoupira.—Trèsbien.Jevaisprendremonmanteau.Maisj’apportemonsystèmedejeuavecmoi.—Commetuveux.Gabrielluifitsignedepartiretsortitsontéléphone.IldevaitappelerTristan.
55
Lelendemainmatin,Tristanpassadeuxheuresàtirerdesflèchessursaciblepouressayerdeselibérerl’esprit.AprèssarencontreavecScarletdanslacuisinelanuitdernière,GabrielavaitappeléetaviséTristan
decettehistoiredecapteurdecerveau.Pasunebonnechose.Quelqu’un essayait d’obtenir les souvenirs de Scarlet, ce qui signifiait que Tristan ne pouvait pas
procéderàsonplandesuicide.Dumoinspasjusqu’àcequ’ilsaientcompriscequel’intrusrecherchaitdanslatêtedeScarletetcompriscommentlaprotéger.MaischaquejourquipassaitsansquelamalédictionsoitannuléerapprochaitScarletdelamort.Tristanjura.Sonétatétaitdéjàentraind’empirer.La nuit dernière, dans la cuisine, ses yeux avaient presque brillé dans le noir alors qu’elle l’avait
regardéavecseslèvrespulpeusesetsonâmeempliededésir.Ilnepouvaitpaslaissercelasereproduire.Zoum.Danslemile.Gabrieldevaitrevenirauchalet.Vite.TristannepensaitpaspouvoirsetenirloindeScarletbeaucouppluslongtemps.Lanuitdernièreavait
étéuneerreur.Iln’auraitpasdûpréparerdescrêpes.Ilauraitsimplementdûlalaisserpillerlacuisineettrouversonpropreen-cas.Ilavaitéténégligentet,àcausedecela,sesyeuxbleusavaientbrûlépourlui.Heureusement,c’étaitunsouvenirplutôtinsignifiant,maistoutdemême.Sessouvenirspouvaientruinersonplan.Zoum.Danslemile.Àpartird’aujourd’hui,ilallaits’exerceràunemeilleuremaîtrisedelui-même.
56
Scarletregardalatélévisionplusieursheuresdanslamatinée.ElleessayaitdesedistrairepournepluspenseràTristan.Lanuitdernière,danslacuisine,elleavaitressentiquelquechoseaveclui.Quelquechosed’ancien,defortet…debeau.Tristanneladétestaitpas.Etelleneledétestaitpas.Pasdutout.Maiselleneprendraitprobablementplusjamaisd’en-casànouveauenpleinenuitaveclui.Laportedederrière s’ouvrit, etScarletgarda lesyeuxsur la télé tandisqueTristanpassaitdans le
salon.Hier,elleavaitvoulul’éviterparcequ’ilétaitungoujat.Aujourd’hui,ellevoulaitl’éviterpournepasfairequelquechosedestupide.Commeluilécherl’oreille.Ilentradanslebureauetfermalaportederrièrelui.ScarletrestaassiseencoredeuxheuresdevantlatéléàregarderdesinfopubsetScooby-Doo,maispas
uneseulefois,sonespritneselibéradelapenséedeTristan.Elleétaitunepetiteamievraimentpourrie.Alorsquelesdessinsanimésjouaientenarrière-plan,ScarletparcourutlesalondesArcherdesyeux.
Unegrandecheminéeoccupaitlamajoritédumurdufondetunebanquetteenpierres’étendaitsurtoutesa longueur.Au-dessusde la cheminéeétait accrochéeunehorloge sculptée,quibattait inlassablementdans la pièce chaleureuse.Les canapés étaient brun clair et disposés sur un immense tapis.Une tablebassefaçonnéeàlamainsetrouvaitaucentredelapièce.Dansl’ensemble,c’étaitdouillet.SiScarletnes’étaitpassentiesiprisonnièredanslesbois,elleauraitsansdouteaimélechalet.Son
regardtombasurlatablebasseàcôtéd’elleetrepéraunstylo.Ellesaisitlaplumeetsemitàdessinerdistraitementsonsymbolehabituelsursacheville.Elletraçale
motifautourdesontalon,sepenchaenarrièreetleregarda.Ilparaissaitbienenbiais.Parennui,elledécidadedessiner lemotifsursahancheaussi.Ellesoulevasachemisedequelques
centimètres et dessina les mouvements circulaires le long de sa taille. Après quelques minutes, elleallongea le motif et le fit remonter jusqu’à sa cage thoracique avant de redescendre brusquement auniveaudelatailledesonpantalonetdelaissersonœuvres’aventurerverssonbas-ventre.Uneimagesurgitdanssonespritetelledécidad’ajouterquelquechosedenouveauauboutdusymbole.
Semordantlalèvre,ellegriffonnalesnouveauxtraitsplusbassursahancheet…—Quefais-tu?
Scarletredescenditimmédiatementsachemiseetremontasonpantalon,couvrantsapeauexposée.ElleregardaTristanenrougissant.—Est-cequetudessinessurtoncorps?Ilavaitl’airfurieux.Plusfurieuxquecequ’ilavaitledroitd’être.Scarletfronçalessourcils,troublée.—Ouais.Pourquoi?As-tu…?Scarletleregarda,pleined’espoir.—As-tudéjàvucesymboleavant?Ellemontrasacheville.Peut-êtrequeTristanauraitlesréponsesqu’ellecherchait.Tristan,deboutenfaceducanapé,croisalesbrassursapoitrine.Ilignorasaquestion.—Tun’espasàlamaternelle,Scarlet.Situveuxdessiner,dessinesurunmorceaudepapier.Allez,
nettoieça.Scarlethaussaunsourcil.Sesjouesn’étaientplusdutoutrougesdevantletonqu’ilutilisait.—Non,dit-elleensoulevantdenouveausachemise.Ellesemitàajouterdesdétailsaumotifsursahanche.—Si,ditTristan.Elleessayad’entrerenlui,deressentircequ’ilressentait…Toutcequ’elletrouva,cefutdelacolère
etdelapeur.Ilétaitfurieux.Etmaintenant,elleaussi.— Hors de question, dit Scarlet sèchement. Tu n’as pas à me dire quoi faire, Tristan. Si je veux
dessinersurmoncorpsavecunstyloousijemecouvredegoudron,tunepeuxpasm’enempêcher.Ellecontinuaàgriffonner.—Pourquoit’ensoucies-tu,detoutefaçon?Bonsang!Tristanlaissaéchapperunsoupirfrustré.—Enlèveça.—Non.—Enlève.Ça,insista-t-il.—Tu.Es.Fou,répliqua-t-elleenattendantuninstantavantdeleregarder.Tristanlevalesyeuxauciel.—S’ilteplaît?Ill’imploraitduregard.Scarletplissalesyeuxetsongea.—Ya-t-ilquelquechosedansmondessin,dit-elleenmontrantlecôtédesoncorps,quetunemedis
pas?Tristanfitlamoueethaussalesépaules.—Gabrielseraàlamaisondansuneseconde.
—Etalors?—Peuimporte.Illevalesmainsaucielenmaugréantavantdequitterlesalon.Scarletcontinuaàdessinersursahancheetsonbas-ventre,déterminéeàacheverlesymboleparpure
provocation.Tristanétaitsiétrange.Etautoritaire.Et…méchant.C’enétaitfinideCuistoTristan.GoujatTristanétaitderetour.
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Gabriel tapotait avec impatience sur son accoudoir. Le vol de retour pour laGéorgie prenait trop detemps.IldevaitretrouverScarletimmédiatement.Ellecouraitungravedanger.—Donc,Scarletnesesouvientderiendutoutcettefois?demandaNateensegrattantl’arrièredela
tête.—Pasvraiment.—C’estbizarre.—Ouais.—Quelestleproblèmealors?Scarletettoi,sortez-vousensemblemaintenant?AssisàcôtédeGabriel,Natesaisitsonsacàdoscommes’ilétaitremplidetrésorsperdusplutôtque
dematérieldejeuxvidéo.Gabrielsoupiraetsepenchaenarrière,forçantsesdoigtsàarrêterdebouger.—Ouais.—Alors, pourquoi l’as-tu laissée au chalet avecTristan ? Pourquoi ne l’as-tu tout simplement pas
envoyémechercher?—Ilsouffretrop.C’estpirecettefois.Natehaussalessourcils.—Àquelpoint?—Jecroisqu’ilnepeutplusdormir.MaisScarletnevitqu’àunequinzainedekilomètres,alorsjene
comprendspas.—Ettul’aslaisséedanslechaletavecTristan?Seule?—Eh bien, oui, dit Gabriel, perplexe.Que devais-je faire ? L’emmener, avecmoi ? Tristan aurait
souffert sans elle.Et je n’allais certainement pas voyager avec les deux.Les aéroports et les grandesvillesnesontpassûrs,etilauraitétéimpossibledeprotégerScarletdansleszonessurpeuplées.Nateréfléchit.—Peut-être.Maiss’ilnepeutpasêtreloind’elle,alorsleurlienestplusfortqu’ilnel’ajamaisété.
LaprésencedeTristanpourraitlarendrevraimentmalade.Gabrielsecoualatête.—Maispasendeuxjoursseulement.Si?Natepinçaseslèvres.—Non.Saufs’ilssetouchentàplusieursreprises,dit-ilenregardantauloin.Gabriel fermabrièvement lesyeux, refusantdepenseràTristanqui toucheraitScarlet.Un frisson le
parcourut.—Peut-êtrequecen’étaitpaslemeilleurplan,maisj’avaisbesoindetonaidepourcettehistoirede
capteurdecerveau.Çanepouvaitpasattendre.
Natehochalatête.L’estomacdeGabrielsenoua.TristannetoucheraitpasScarlet…Si?Gabrieldéglutit.—Noussommespresquearrivés.JesuissûrqueScarletvabien.Maisàsesmots,l’inquiétuderemplitlesveinesdeGabriel.Ilseremitàtapoterl’accoudoir.
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ScarletdessinaitsuruneservietteenpapierlorsqueGabrielentradanslechaletavecunhommequ’ellen’avaitjamaisvuauparavant.—Salut.Gabrielsouritetsedirigeavers l’endroitoùScarletétaitassiseaucomptoirde lacuisine. Il laprit
danssesbrasetcommençaàl’embrasserdepartout.Soulagéequ’ilsoitrentré,Scarletsemitàrire.—Qu’est-cequiteprend?—Rien.Gabrielsereculasonpeu,regardasesyeuxavecintérêt,puisparutsoulagé.—Jesuisjusteheureuxquetusoisensécurité.Oh,etj’aioubliédetedemanderquelquechosedetrès
important.—Quoi?demanda-t-ellesoudainnerveuse.«Génial!Encoreuntrucsurlavieetlamort!»Illuiadressaunlargesourire.—Veux-tualleraubald’hiveravecmoi?Pleinementsoulagée,Scarletsourit.—Non.—Quoi?Allez!Jen’étaispasaulycéependantdesannées.Çavaêtretellementsympa.—Çaneserapassympa.Çaseranul.Etpleindegensquidansent.Ellesourit.—Jenedansepas.—Maissi,tudanses.Ilhaussalessourcils.—JesaispertinemmentqueScarletJacobsestunevraiebêtededanse.Elleritencore.—Vraiment?—Vraiment.L’hommeàcôtédeGabrielhochalatête.—J’enaiététémoin.Scarletenfutperplexe,etGabrielallaseplacersurlecôté.—Scarlet,j’aimeraisteprésenterNathanielFletcher.Nathanielétaitunhommequiavaitl’airrigolo,avecdescheveuxhirsutesramasséssuruncôtédesa
têtecommes’ilvenaitdeseréveilleretdesvêtementsagencésn’importecomment.Iln’avaitaucunsensdelamode.
Scarletl’aimatoutdesuite.Nathanieltenditlamainenl’air.—C’estbondetevoir,Scarlet.Topelà!Elletapamaladroitementdanssamain.—Est-cequ’onseconnaît?—Ouais.Tunetesouvienspasdemoi,maispasdesoucis.Jesuissupergénialettuvasm’aimer.Scarletrit.—Super.—Peuimporte.Alors,taréponse,c’est…oui?Tuvasm’accompagneraubal?demandaGabriel,qui
hochaitlatêteavecinsistance.Ellesecoualatêteavecunsourire.—S’ilteplaîîîîît?Ilseremitàl’embrasserpartout.AprèsavoirétécoincéedanslechaletavecTristanetsonoppression,Scarletétaitreconnaissanteque
Gabrielsoitrevenudansunétatd’espritsijoyeux.—D’accord,d’accord,trèsbien.Scarletritdenouveau.—J’iraiavectoi.Maisseulementsituarrêtesdebaversurmoicommeunchiot.Gabrielsepenchaimmédiatementenarrièreetlevalesmainsenl’air.—Ha!Victoire.—Tuessibêta!Scarletsecoualatêteavecunsourire.—Jesuisunbêtaquiaunrendez-vouspourunbal,ditfièrementGabriel.—Unbal de lycée, ditTristan, qui entra dans la cuisine, apportant sonhumeur sombre avec lui, et
saluaNathaniel.Quoideneuf,Nate?—Quoideneuf?Ehbien,jesuiscenséêtredansmagrotteencemoment,maisapparemment,vous
avezeuuneautredevos«urgences».Natesecouasesmainsdanslesairs,commesiuneintrusiondanslamaisondeScarletétaitunechose
frivole.—Lagrotte,çan’estpasbonpourtoi,Nate.Tunousremercierasplustard.TristanseplaçaàcôtédeGabriel.Envoyantlesjumeauxàcôtél’undel’autre,lecœurdeScarletseserra.Rienn’avaitchangédansleurs
apparences;ilsétaienttousdeuxencoreridiculementattirants.Mais,alorsqu’ellelescomparait,l’âmedeScarletréclamaitlefrèreauxyeuxverts.Cequifaisaitd’elleunetraîtresse.«Qu’est-cequinevapasavecmoi?»LesyeuxdeTristanserivèrentsurlessiens,etelleregardaimmédiatementailleurs.
—Dis-nous-enplusàproposducapteurdecerveau.TristanregardaNateetcroisalesbrassursapoitrine.—Jesuisdésolé…Lecapteurdecerveau?Scarletregardaautourd’elled’unairinterrogateur.—LetrucnoirqueTristanaréquisitionnéàtonintruss’appelleuncapteurdecerveau,expliquaNate.—Réquisitionné?Vraiment?Tristanhaussaunsourcil.Gabrieldit:—C’estundispositifconçupoursoutirerlessouvenirsducerveau.Nouscroyonsquetonintrusavait
l’intentiondecapturerunepartie,ou la totalité,de tessouvenirs.Trèsprobablement,dessouvenirsserapportantàlafontaineouàlamalédiction…peut-êtremêmeànous.Natesortitlebandeaunoirdesonsacàdos.Scarletdéglutit.—Peut-onvraimentfaireça?Est-cequecette…chosefonctionnevraiment?Nateacquiesça.—Ohoui. J’ai entenduparlerde ce capteurde cerveauvoiciquelques annéesmaintenant. Joli truc
high-tech.Connuseulementdesconnaisseurs.Tuvoiscetruc?Iltirasurletoutpetitcristalpointusurlebandeau.—Ceciestenfaitunetrèspetiteseringuecontenantunsérumdesommeil.—Çafichelafrousse,ditScarlet.Natehochalatête.—Ouais,ehbien,c’estutile.Onnepeutpassimplementmettrelecapteurdecerveausurunepersonne
endormieetattendrequ’ilextirpesessouvenirspournous.Ondoitd’abordplongerlapersonnedansunétat de sommeil profond.Le sérumde sommeil doit être injecté juste derrière l’oreille de la victime,commeuncoupdefeu.Ilmontrajustederrièresonoreillegauche.—Aïe,ditGabrielenfaisantunegrimace.Natehaussalesépaules.—Çanefaitpasmal.Lapointedel’aiguilleesttrèsminceetpointue,vousvoyez?Illevalecristaldefaçonàcequ’ilspuissenttousregarder.—Lavictimetombeimmédiatementdansunsommeilprofondetrestecommeçapendantquatreàsix
heuresoujusqu’àcequ’onluidonnel’antidote.LesyeuxdeScarlets’écarquillèrent.—Cetype-làallaitmemettreenétatdesommeilprofondpendantdesheures?—Probablement,ditNate.Maisl’antidoteestjusteici.Ilmontrauneextrémitédubandeauoùunautrecristal—unnoir—étaitfixé.—Alors,peut-êtrepas.Peut-êtrequ’ilavaitprévudet’ensortir.Jenesaispas.
Tristansefrottalanuquetandisqu’ilsoupirait.Scarletprituneprofondeinspiration.—Donc,qu’est-cequeçaveutdire?—Çaveutdirequetuesendanger,ditTristan.Scarletdéglutit.—Çaveutdireaussiquetuasprobablementun—oudes—souvenirsquequelqu’unveut.Natesouritlégèrement.—Tunetesouviendraispas,parhasard,desecretscroustillantsquequelqu’unpourraitvouloir?Scarletsecoualatête.—J’aimeraisbien.Croyez-moi,personneneveutsavoircequiestdansmatêteplusquemoi.Natehochalatête.—Nousdevonsprésumerque tonagresseura l’intentionde revenir.Cequi signifiequenousavons
besoindevousprotéger,toiettessouvenirs.Gabriels’appuyasursonautrejambe.—JecroisqueScarletdevraitrestericiavecnousjusqu’auretourdeLaura.Tristanavançajusqu’àl’autreboutdelacuisine.—Enaucunefaçon.Ouah!—Tuesungoujat,ditsèchementScarletàTristan.Ilhaussalesépaules.NateapprochadeScarlet.—Commentontététesyeux?Ilsontl’airassezsainsencemoment,maisas-turemarquédesétincelles
dedanscesdernierstemps?Unchangementdanslacouleur?Scarletleregarda,complètementperplexe.—Quoi?NatehaussalessourcilsetregardaGabriel.—S’ilteplaît,dis-moiquetuluiasexpliquécommentsesyeuxchangent.Gabrielsecoualatête.—Elleétaitdéjàpaniquéeàproposdel’idéedemourir,etjenevoulaispas…—Voyons!Natelevalesmainsauciel.—C’estunechose,disons,importanteàluidire.Elledoitsavoir.—Jedoissavoirquoi?demandaScarlettandisquelapaniquemontaitdanssapoitrine.Nate approcha et plaqua ses deux mains contre ses joues, lui donnant l’air d’avoir des lèvres de
canard.Ilsepenchaetlaregardafixement.Vraiment.Bizarre.Scarletsefigea.
—Euh…,quefais-tu?Sesmotssortirentdéformésàtraversseslèvresétrangementplissées.—Jeregardetesyeux.Ilutilisasonpoucepourtirerlapeausoussonœildroitverslebasetl’examinacommesielleétaitune
créatureextraterrestre.—Ilsontl’airenbonnesanté.Natelâchasonvisageetrecula.—Dis-moi,Scarlet,est-cequetesyeuxontbrûlédernièrement?T’ont-ilsparuchauds?Scarletfrottasonvisagelàoùilavaitposésesmains.—Euh…Non,pasvraiment.Elleréfléchit.—Ehbien,peut-êtrequelquesfois.Commequandj’aidessouvenirsouquand…Ellesesouvintquesesyeuxétaientdevenuschaudsquandelles’étaittrouvéesiprèsdeTristandansla
cuisinelaveille.«Tristanprovoqueunechaleurdansmesyeux.»Non,ellen’allaitpasrévélerça.Natelaregarda.—Quandquoi?Scarletsecoualatête.—C’esttout.Justeaumomentoùj’aidessouvenirs.Pourquoi?Quelestleproblèmeavecmesyeux?
Suis-jeentraindeperdrelavue?«Merveilleux.»Nonseulementjesuisentraindemourir,maisjedeviensaveugleaussi.»C’estcommesilamalédictionenrajoutaittoutletemps.»—Non,ditNateensecouantlatête.Tunevaspasdeveniraveugle.Tuesentraindemourir.Scarletfutperplexedevantsonfranc-parler.—Jesais.—Etplustuterapprochesdelamort,plustoncœurdevientfaible.Aufildutemps,lacouleurdetes
yeuxs’intensifie,cequiindiquequetoncœurestsurlepointdelâcher.Donctesyeuxvontdevenirdeplusenplusbrillants…jusqu’àcequetumeures.Scarletenfutbouchebée.—Sérieusement?Natehochalatête.Elleseprécipitahorsdelacuisinepourallerdanslasalledebainseregarderdanslemiroir.Lesgarçonslasuivirent.Ellesepenchaetregardasesirisdeprès.—Ohmond…Ilssontdifférents.Mesyeuxnesontpasbleuscommeçad’habitude!Ilssontdifférents
maintenant.Ilssont…bizarres.
Soncœurs’emballa.TristaneutunaircontrariéquandilsepenchaversGabriel.—Jetel’avaisdit.ScarlettournalatêteetregardaNate.—Qu’est-cequeçaveutdire?Ellemontrasonœil.—Suis-jepresquemorte?Pourrais-jemouriràtoutinstant?Savoixétaitprécipitéeetaiguë.Elleétaitofficiellemententraindepaniquer.—Non,ditNate.Ellesecalmaunpeu.—Maistuvasassurémentmourir,poursuivitNate.Ellepaniquadenouveau.—Saufsinoustrouvonsunmoyendeteguérir.Scarletregardalestroisimmortelsquisetrouvaientdanslasalledebainavecelle.—Alors,qu’est-cequ’onattend?Allonstrouvercettefichuefontaineetmeguérir!Scarletavaitpresquecrié,passantdevantlemurdegarçonspourallerdanslecouloir.Cen’étaitpaslemomentdediscuterdansunesalledebainnidegriffonnersurdesserviettesenpapier.
Quelquechosedevaitêtrefait.Immédiatement.—Cen’estpassisimple,ditNate,quilasuivaitdanslesalon.—Pourquoipas?—Parcequenousnesavonspasoùchercher.Onnepeutpassimplementfairenosvalisesaujourd’hui
et trouver lafontainedemain.Jepensequenotremeilleureoptionestdetrouverunnouveauplanetunmoyenpourteprotégerentretemps.—J’aidéjàunnouveauplan,ditTristaneninclinantlatête.—Personnen’aimetonplan,intervintGabrielsansregardersonfrère.—Tonplancraint,convintNate.Scarletnepouvaitpascroirecequ’elleentendait.—Qui se soucie si un plan—peu importe le plan— craint ?Corrigez-moi si jeme trompe ! Je
pourraismouriràtoutinstant?—Ohnon.Tuasaumoinsquelquessemaines,ditNate.Scarletditenmaugréant:—Çan’ariendetrèsréconfortant.Ilbaissalatête.—Tuasraison.Jesuisdésolé.Maissituveuxêtreguérie,cequenousdevonsfaire,c’esttrouverun
plan.J’aiappeléundemesancienscontactspourqu’ilnousenvoiedesphotosd’unecarteduNouveauMondequ’ilarécemmenttrouvée,cequipourraitêtreunbonpointdedépartpournous.
Nateregardasamontre.— Je devrais avoir de ses nouvelles dans les prochaines heures. Peut-être qu’alors nous pourrions
trouverunenouvellestratégiederecherche.Maispourl’instant,dit-ilenouvrantsonsacàdos,jedoismettreenplacemesjeuxvidéo.
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Quarante-cinqminutesetdeux-centscâblesplustard,Nateavaittransformélachambred’amisàl’étageen un havre de jeux vidéo. Scarlet écouta les trois garçons se disputer à propos de la façon la plusefficacededétruireunrobotennemietréalisaqu’ellepréféraitécouterHeatherseplaindredesstylesdechaussuresdel’annéedernièrequ’uneminutedeplusdediscussionsd’amateursdejeuxvidéo.Natesortitquelqueshaut-parleursdesonsac.—Unsonambiophonique,Nate?Vraiment?Gabrielmontralecouloir.— Ma chambre est juste à côté. Comment suis-je censé dormir pendant que tu fais sauter des
extraterrestrestoutelanuit?Pourquoin’utiliserais-tupastoutsimplementlachambreenbas?—Premièrement,ditNateenajustantunhaut-parleuretenregardantGabriel, lesextraterrestresfont
partiedemonéquipe,doncjenelesfaispas«sauter».Deuxièmement,ajouta-t-illesyeuxécarquillés,tusaisquej’aiunepeurmonstrueusededormirsousterre.Lessous-solssontpourleschauves-sourisetlesmeurtriersàlahache.IlregardaTristan.—Sansvouloirt’offenser.Tristanhaussalesépaules.LetéléphonedeNatesonnaetilsedéplaçapéniblementpourrépondre.Ilentamaensuiteunelongue
conversation—enfrançais—àpropos…Ehbien,Scarletnelesavaitpasparcequ’elleneparlaitpasfrançais,maiselleétaitàpeuprèssûrequ’ilsparlaientdecartes.Finalement,Nateraccrochaetsetournaverseux.—Pierrevientjustedem’envoyerdesphotosdelacartequ’ilatrouvée.Descendonslesimprimeret
trouvonsunplanderecherche.«Enfin,pensaScarlet.»TouslesquatreredescendirentetattendirentqueNateimprimelesphotos.Lacarten’avaitpasdesenspourScarlet,maisellehochalatêteetessayadecomprendrecequeles
garçonssedisaientlesunslesautrestandisqu’ilsparcouraientlesimages.Uneheureetplusieursargumentssurlacarteplustard,Natesoupira.—Ehbien,çacraint.Iln’yarieniciquenousn’avonspasvuavant.Scarletfutenvahied’inquiétude.—Donc,lacarteestuneénigme?Nateopina.—Etmaintenant?—Maintenant,nousagironsselonmonplan,ditTristanlesbrascroiséstandisqu’ils’adossaitaumur.GabrieletNatel’ignorèrent.
—Jecroisquenotremeilleureoptionestderepartirdezéro.Nousrépartironsdesresponsabilitésderecherche et nous verrons ce que ça aura donné d’ici les prochaines semaines. Qui sait ? Peut-êtredécouvrirons-nousquelquechosequenousavonsratéavant.Ilspassèrentlesheuressuivantesàplanifier,argumenteretdéléguerdesmissionsderecherche.Nate
allait essayer de communiquer avec tous les chasseurs de trésors des tempsmodernes. Gabriel allaittrouveretanalyserlescartesanciennesqu’ilsn’avaientpasencorevues.Tristanétaitresponsabledeliredevieillesrevuesetdesjournauxdebord.EtScarletferaitdesrecherchessurl’existencedelafontaineenligne.Àlafindeleurséance,Scarletsesentaitpleined’espoir.Comme la nuit et la froideur de l’automne tombaient sur le chalet, tout le monde commença à se
disperser,àseretirerdanssachambre.Tristan,quiavaitétédesmoinsenthousiastesàproposdelarecherchedelafontainedepuisledébut,
descenditl’escalierverslesous-solavecuneombremenaçanteau-dessusdelatête.Riend’étonnant.Natecourutàl’étagepourcontinueràcombattrelespiratesmutantsouquoiquecesoitquecomportait
sondernierjeuvidéo.EtScarletetGabrielallèrentjusqu’àlachambredeGabriel.Gabrielfermalaportederrièreeuxetlaregardaaveccompassion.—Commentvas-tu?As-tuencorepeur?—Unpeu.Maisjemesensbienensachantquenousallonstoustravaillerensemblepourtrouverla
fontaine.C’estmieuxquejuste…tusais,attendredemourir.Ellesourit,essayantdedétendrel’atmosphère.Gabrielluisouritenretouretlapritdanssesbras.—Tunevaspasmourir.Nousnelaisseronspascelaseproduire.Scarletsoupiracommeelleposaitsatêtecontresapoitrine.—Jeveuxresterenvie.Jeveuxvieillir,terminerlelycéeetfairelesboutiquesavecHeatherlejour
desapaie.Gabrielsemitàrire.—Ah,lesboutiqueslejourdepaie.Çavautlapeinedevivrepourça.Scarletritlégèrement.—N’oubliepasleFestivaldesbaisers.Jedoisresterdanslecoinsuffisammentlongtempspourvivre
çaaumoinsunefoisencore.—Sansaucundoute.—Etlecafé.Sijemourais,jem’ennuieraisducafé.Ellesoupira,toujoursdanssesbras.—Qu’enest-ildesdevoirs?Turateraisça?—Ungrandmoment!
—Etlanourrituredelacafétéria?—Totalement.—Qu’enest-il…desbalsdulycéeavectonmerveilleuxpetitami?Scarletleregarda.—Non.Jenem’ennuieraispasderaterdesbals.—Oh,si,tut’ennuieraisdesbals.Ilsemitàlafairebougerdanssesbrasetellerit.—Tut’ennuieraisdetelaisseremporter.Illafittourneretcommençaàvalseravecelle.ScarletserappelasonrêveoùGabrielfaisaitcoincoin…àmoinsquecesoitunsouvenir?Elleritencore.—Enaucunefaçon.Jenevoudraispasrateruneseulemesurededanse.Ilcontinuaàvalseravecelledanssesbrasmusclésethaussalessourcils.—T’ennuierais-tudesbaisers?—Euh…Scarletleregardaavecespièglerie.—Jenesaispastrop.Çadépenddequim’embrasse.Ill’embrassasurlajoue.—Est-cecorrect?Ellehochalatête.—Ehbien, je suppose,dit-il encommençantà faire remonter sesbaisers jusqu’à sonoreille tandis
qu’ellegloussait,quejevaisdevoirm’assurerquemesbaisers…Seslèvresdescendirentjusqu’àsabouche.—…soientmémorables.Ill’embrassapassionnémentsurleslèvres.Ellel’embrassaenretour,enfermantlesyeux.Entreleurslèvresunies,Scarletsourit.—Mmm…Oui,trèsmémorables.Leslèvresencorecollées,ilsreculèrentdesaporteettombèrentsursonlit.Scarletseblottitcontre lesoreillerset lesdraps,appréciantsoncorpsmuscléquirampait lentement
avecelle.Ilpassasesbrasautourd’elleetl’embrassaplusfort,sesmainsglissantversseshanches.L’aspectludiqueamorçalepassageversquelquechosedeplusintense.LarespirationdeScarletdevint
irrégulièretandisqu’elleluiagrippaitledos,happéeparledésirdeluiôtersesvêtements.Ellel’embrassaavecplusdefouguetandisqu’ilfaisaitremontersamaindesahanchepourlaposer
soussafinechemisedecoton.Lamêmechemisequ’elleavaitportéependanttroisnuits.Excitéeparsamainchaudequiremontaitsursoncorps,Scarletsecambra…EtGabriels’écartad’elle.
Brusquement.Ils’assitsurlelit,souslechoc,fixantsonventre.Scarlet,àboutdesouffleetperplexe,baissalesyeux.Sachemiseétaitrelevéeàmi-hauteur,dévoilant
lapeausurlaquelleelleavaitdessinéplustôtcematin.LesyeuxdeGabrielétaientfixéssurledessin.«Ahoui,jevoulaisl’interrogerlà-dessus.»Elleouvritlabouche,seslèvresencoregonfléesdesonbaiser,maisfutcoupéeparsavoix.—Qu’est-cequec’estqueça?Scarletbaissalesyeux,perplexe.—Euh…juste,tusais,mongriffonnage.Tul’asdéjàvu.Surmeschaussuresetdestrucs.LecœurdeScarletsemitàs’emballercommesielleavaitdesennuis.—Maispourquoi…pourquoil’as-tudessinésurtapeaucommeça?Scarletleregarda.—Quoi?Jedessinesurmapeautoutletemps.Nesoispasbizarre,Gabriel.J’ailedroitdedessiner
surmaproprepeau.Décidément.Lesgensdoiventarrêterde…—Jemefichequetuaiesdessinésurtapeau.Gabrielsecoualatêtesansjamaisquittersontorsedesyeux.Jem’inquiètequetuaiesdessinéçasurta
peau.Ildit«ça»commesic’étaitlamarquedeSatanouquelquechosedugenre.Etçaauraittrèsbienpul’être.Scarletétaitamnésiqueaprèstout.Peut-êtrequedanssesviesantérieures,elleavaitétéunechasseusededémons.Ellesoupiraetdescenditsachemise.—Quelestleproblèmeaveclesymbole,Gabriel?Pourquoipaniques-tu?Est-ceunesortedemarque
dudiable?Gabrielsecoualatête.—Non.—Alors,qu’est-cequec’est?C’estinjustedetemettreencolèrecontremoiquandjenesaismême
pascequec’est.Ellesoulevadenouveausonchemisieretexaminalemotif.—Ilestcool.Ilestartistique.Jenesaispas…,jel’aimebien.Etj’aimeça.C’estquoi?Gabrielsegrattalajoue.—Cen’estrien.Scarletbaissalatêtesurlecôté.—Oh,allez.Qu’est-cequec’est?—Non,sérieusement,ditGabriel,dontlavoixmontait.Cen’estrien.Cen’estlittéralementrien.C’est
justeunstupideagencementdeformesetdelignes.C’estbête,vraiment.—Alorspourquoipaniques-tupourça?
—Parceque…Sonregardsaisitsoudainementlapartieinférieuredutatouage.—Attends,attends…Gabrieldéglutitetsepenchaverselle.Samaindescenditlelongdesacagethoraciqueetdesahanche,
suivantlemotifquiplongeaitendessousduhautdesonpantalondepyjama.Ildescenditlecôtédesonpantalon,découvranttoutesahancheetsonbas-ventre.—Gabriel,bonsang!Qu’est-cequ’il…?—Tu sais à quoi ressemble l’ensemble de cemotif ? dit-il, plus pour lui-même que pour elle. Tu
n’avaisjamaisesquissélapartieinférieureavant.Tusais,toutledessinparfaitement.Les mains de Gabriel tracèrent les lignes du bas du symbole jusqu’à ce qu’elles tombent sous sa
hanche,bienendessousdesonnombril.Sicen’avaitpasétésimaladroit,Scarletauraitététotalementtransforméeàsoncontact.Maisc’étaitmaladroit.Etdoncellen’enfutpastransformée.Gabriellâchasonpantalonetarrêtadecaressersapeausensible.Ils’accroupitetregardalelit.—Quesepasse-t-il?Scarletdevenaitfrustrée.—Quelestleproblèmeaveccesymbole?Gabrielsecoualatête,regardanttoujourslelit.—Gabriel!Scarletfitclaquersesmainssurlesdrapsdouxenfacedelui.—Dis-moicequeçareprésente.Ilhésitaetlevalesyeux.Savoixétaitdouce.—Cen’estrien.Ilsetutuninstant.Sesyeuxbrunsexprimaientdouleuretconfusion.—Cen’estrien.Ilseprécipitahorsdulit.—Où…oùvas-tu?demandaScarletensetenantdroite.—Je…jedoisfairequelquechose.Ettuasbesoinderepos.Alors…,repose-toi.Nousparleronsdans
lamatinée.Gabrielquittalachambreetfermalaportederrièrelui.Scarlets’assitetregardalaportefermée,parcourueparunsentimentdeculpabilité.Avait-ellefaitquelquechosedemal?Aprèsquelquesminutesdepenséesirritantes,Scarletdécidadelaissertomber.SiGabrielnevoulait
pasluidirecequesignifiait lesymbole,alorselledemanderaitàquelqu’und’autre,commeTristanouNate,danslamatinée.Elles’étenditdenouveausurlesoreillers,lecœurtriste.C’enétaitfinidelanuittorrideavecGabriel.
60
Tristansetenaitdevantl’unedesesétagèresausous-solàchercherquelquechosequ’iln’avaitpasdéjàluunmillierdefois.Ilavaitvraimentbesoindenouveauxlivres.—Qu’as-tufait?LavoixduredeGabrielarrivaderrièrelui.Tristanseretournapourtrouversonfrère,quilefusillaitduregard,lespoingsserrés.—Dequoiparles-tu?—Sais-tucequejeviensdevoir?Gabrielplissalesyeux.—JeviensdevoirunmotiftrèscomplexeetvraimentparfaitsurlahanchedeScarlet.Tristanneditrien.Ilsavaitquecelaarriverait.PourquoiScarletavait-elledessinésursoncorps?Gabrielhaussalesépaules.—Vas-tumedirecequiestarrivépendantmonabsence?—Rienn’estarrivépendanttonabsence,jetelejure.Jenel’aipastouchée.«Dumoins,pasintentionnellement.»Dumoins,jevoulais…»—Alors,commentexpliques-tuledessin?Tristansoupira.—Ellel’avuavant,Gabe.Nousl’avonstousvu.Ilhaussalesépaules,espérantqueGabriellaisseraittomber.Iln’enfitrien.Gabrielhochalatête,levisagecrispé.—Ouais,maiselleavulafindudessin.Unepartiequejen’aijamaisvue.Unepartiequeseulsles
éluspeuventvoir.Tristaninspiraprofondémentetrestasilencieux.—Quoi?Aucuncommentaire?Tuneniespas?LesyeuxdeGabrielétaientfousderage,cequeTristann’avaitpasvudepuisdesannées.C’étaitplutôtchouette.EndehorsdufaitquesarageétaitdirigéecontreTristan.Tristangardaunevoixneutre.—Tun’asrienàcraindre.Gabriel serra les poings tandis qu’il approchait, et pendant un instant, Tristan crut qu’il allait le
frapper.
—Resteloind’elle.Tristanplissalesyeuxenretour.—C’estcequej’aiessayédefaire.Tutesouviens?Gabrielbaissalavoix.—Siellemeurtpartafaute…Ilfitunpasdeplus,lesyeuxrivéssurTristan.—…Jetehaïraipourtoujours.Ilsseregardèrentpendantunmoment, la tensionremplissant lapièce,avantqueGabrielse tourneet
quittelesous-sol.Cen’étaitqu’unequestiondetempsavantqueScarletsesouviennedecequesignifiaitledessin.Ildevaitmourir.
61
Lelendemain,l’interactiondeScarletavecGabrielfut,aumieux,tendue.Ilétaitencoresecouéparsontatouagetemporaire,maisilrefusad’enparler.Cequilacontrariait.Ce n’était pas juste pour lui de lui cacher des informations. Elle ne savait pas ce que signifiait le
symbole.Elleétaitamnésique,bonsang!Elleméritaitdesréponses.Maisaucunenevenait.EtelleétaittropnerveusepourinterrogerNateouTristanàcesujet.Gabrieletellepassèrentlamajoritédelajournéeàparlerdetrouverlafontaine,maisGabrielentrait
rarementencontactvisuelavecelle.Cequilafaisaitsesentirbizarre.Commes’ilprévoyaitderompreavecelle.Lesheurespassèrent lentement etmaladroitement, et tout cequeScarlet voulait faire, c’était rentrer
chezelle.En conséquence, lorsqueHeather, paniquée, semit à envoyer des textos àGabriel parce qu’elle ne
pouvaitpasrejoindrele téléphonecellulairedeScarlet—«Mercibeaucoup,Tristan.»—,Scarletfitl’impossiblepouravoirsontéléphone.LesvacancesdeHeatheravaientétéécourtées,cequiétaitunedéceptionpourelle,maisuneexcellente
nouvellepourScarlet.ParcequeScarletnevoulaitpasresteruneminutedeplusdansunchaletavecsonpetitamiencolère,
sonfrèredemauvaisehumeuretunmordudejeuxvidéoquivenaitdepasserdeuxheuresà«vaincreledragondefer».Elle utilisa le retour anticipé de Heather comme une chance de proposer un nouveau plan pour «
protégerScarlet»:HeatherresteraitchezScarletavecelle,etlesgarçonspourraientmonterlagardelanuitàtourderôle.Problèmerésolu.Biensûr,toutlemondepiquaunecolèreendisantqueScarletétait«endanger»,ettouslesgarçons
essayèrentdelaconvaincrederester.Maisellefinitpargagner.LorsqueGabriellaramenachezelle,elleeutl’impressionqu’ilétaitpresquesoulagédelafairesortir
duchalet.Cequinefitrienpourcalmersesidéesnoires.EllecroyaitencorequeGabrielallaitlalaissertomber.ScarletessayadesaisircommentellesesentiraitàlapossibilitédeperdreGabriel.Ilétaitentrédans
savieetluiavaitdonnébien-êtreetnormalité.Illafaisaitrire.Illafaisaitsesentirensécurité.Illafaisaitsesentiraimée.Ellenevoulaitpasleperdre.
Aprèss’êtreassuréquesamaisonétaitsûre,GabrielembrassaScarletmaladroitementpourluidireaurevoiretavecmoinsdepassionqu’unoiseauquiembrasseraitunpoisson.Puisilpartitpourcommencersarondedenuit.Lesgarçonsnesesentaientpasàl’aiseavecScarletetHeatherseulesdanslamaison,alorsilsallaient
monterlagardeàtourderôle.Ilétaitunpeuétrangedepenserqu’ungarçonlasurveilleraitchaquenuitpendantqu’elledormait,maisc’étaitmieuxquedesesentirpriseaupiègedanslechaletdesArcher.SurtoutquandellenecomprenaitpaspourquoiGabrielétaitsimalheureuxavecelle.LecœurdeScarlettremblacommeelleleregardaits’éloignerdechezelleetseposterenfacedansla
rue.«Ondiraitqu’iln’estmêmepasavecmoi.»Dixminutesplustard,Heatherétaitàsaporte,avecsesvalises,prêteàresterpourlafindesvacances
d’automne.ScarletlaissaentrerHeatheretl’écoutatandisqu’elleseplaignait.—Puis-jetedirequelesouragans,çacraint?Mesvacancesontététotalementruinées!Etdireque
j’ai dépensé deux mois de salaire dans une tenue de plage que je ne serai pas en mesure de portermaintenant.Sauf,biensûr,sijeveuxdesengelures.Jesuistellementheureusequetuaiessuggérécetteescapadecheztoi.JevaispouvoirpasserunpeudetempsavecmaScarlet.Heathersetutalorsqu’elleregardaitsonamiedehautenbas.«Etc’estparti!»—MonDieu!Portes-tucepyjamadepuis…,dit-elleenreniflantlapoitrinedeScarlet,troisjours?
Ai-jebesoindet’acheterdenouveauxvêtementsdenuit?Scarletrit.ElleritsincèrementtoutenserrantvigoureusementHeatherdanssesbras.L’obsession de Heather pour la mode était agaçante, mais c’était hilarant par rapport à la mort
imminentedeScarlet.—Heather,jet’aime.Jet’aiditàquelpointtuessuperrécemment?Tuessuper.Ehoui,jeportece
pyjamadepuistroplongtemps.Quedirais-tusijemechangeaispendantquetudéfaistesvalises?—Fantastique,ditHeather,qui s’écartadeScarlet avecun sourire.Maintenant, arrêtedeme serrer
avec tonpyjamadégoûtantpourqu’onpuissecommencer la fête.Jevaismettremonmaillotdebainetmonterlechauffage.Scarlethaussaunsourcil.—Quoi?demandaHeather,quifeignaitl’innocence.Sijenepeuxpasportermonnouveaubikiniàla
plage,alorscrois-moi,jevaisleportercheztoi.Scarletouvritlabouche,maisdécidadenepasargumenter.Parcequel’idéesemblaitdrôle.Etliéeàaucunemalédiction.—Peut-êtrequejevaismettremonmaillotdebainaussi,dit-elleenhaussantlesépaules.—Génial!
Dixminutesplustard,lesfillesétaientassisessurleplancherdechambredeScarletàpasserenrevueunepilegéantedechaussettesorphelinespourfairedespaires.Toutenportantdesbikinis.HeatheraimaitorganiserlesvêtementsdeScarlet.Etleschaussures.Etlesbijoux.C’étaitbizarre.—Alors,qu’as-tufaitpendantmonabsence?Est-cequetonamoureuxettoivousêtesenfuisensemble
ouquelquechosedugenre?Jesaisqu’ilest,disons,adeptedumariage.Heatherfouilladansletasdechaussettes.—Euhnon.«Pasdutout.»—Gabrielestpartiunegrandepartiedelafindesemaine,alorsjesuisrestéeauchaletavecTristan.Heatherhaussalessourcils.—Excitant!Scarletsecoualatêtetoutenassortissantuneautrepairedechaussettes.—Pasvraiment.C’estungoujat,etildétestequandjesuisdanslecoin.—Ha!Cegarçonnedétestepasdutoutquandtuesdanslecoin.Ilnedétesteriendetoi.—Ehbien,ilmetraitecommesij’étaislapeste.Heatherpouffa.—Lapestesupersexyquisortavecsonfrère,peut-être.—Ouais,c’estça.—Je suis sérieuse,Scarlet.Tristancraque sur toi.Etd’aprèsmoi, il craquebeaucoup.As-tuvu la
façondontilt’aregardéequandonétaitdevantlecafélasemainedernière?—Euh,non.Jetentedenepasétablirdecontactvisuelaveclui.Heathersecoualatête.—Ehbien,ilteregardedelafaçondontjeregardedesjeansdestyliste,avecdelabavequicoulesur
monmenton.—Peuimporte.—Non,sérieusement.EtquandGabrielacommencéàt’embrasser,Tristanacommepétéunplomb.Je
l’aivusursonvisage.Jeveuxdire,çan’aduréque,genre,uneseconde,maisjel’aivraimentvu.Ilnepeut pas supporter de vous regarder tous les deux. Ce n’est pas le comportement d’un garçon qui net’aimepas,Scarlet.C’estlecomportementd’ungarçonquicraquecomplètementpourtoi.HeatherregardaScarletetsefigea.—Holà!Scarletlaregardaàsontour,pétrifiée.—Quoi?Qu’est-cequinevapas?—Tesyeux.Heatherabandonnaleschaussettesdanssamainetsepenchaenavant.
—Tesyeuxontl’air…fous.Est-cequeçava?Scarlet se relevaet seprécipitavers lemiroirdesachambre.En regardant son reflet, sesmains se
mirentàtrembler.Sesyeuxcommençaientàbriller.Bleuélectriqueetlumineux,ilsregardaientversellesanspitié.«Ohnon.Non,non,non.»HeatherarrivaàcôtédeScarletetregardadanslemiroiravecelle.—Scarlet…Est-cenormal?Es-tu…malade?«Oui,jesuistrèsmalade.Jemeurs.»Scarletcommençaàsecouerlatête,auborddelapanique,quandtoutàcoupsesyeuxretrouvèrentleur
nuancenormaledebleu.Scarletclignadesyeux.Heatherclignadesyeux.Etlesilencetombaentreellestandisqu’ellescontinuaientàregarderdanslemiroir.—MonDieu!ditHeather,quiprituneprofondeinspiration.C’étaiteffrayant.Incapabledetrouveruneexplicationpoursesyeux,Scarletmentit.—Jesupposequec’estdûàmesnouvellesgouttespourlesyeux.«Jesuisunehorribleamie.»—Desgouttespourlesyeux?ditHeather,quiregardaattentivementScarlet.—Ouais,j’enaiessayédenouvellesetjesupposequ’ellesontdeseffetssecondaires…étranges.«Ouah,jesuisvraimentunebêtedumensonge!»Heatherréfléchit.Scarletétaitsûrequesonamiepouvaitsentirlemensongesurseslèvres,maissitel
étaitlecas,ellelaissatomber.—Ehbien,peut-êtrequetudevraisresterloindecesgouttesàl’avenir.C’étaitbizarre.Heathersecoualatêteetserassit.Scarletpinçaseslèvres.Ellesedétestait.—Ouais.Elleserassitetcontinuaàassortirleschaussettes,espérantqueHeatherneremarquaitpassesmains
quitremblaient.
62
Heather venait de partir pour aller chercher un café auMillhouse quandScarlet entendit frapper à saporte.Enregardantparlejudas,ellevitNate.Elleouvritlaporte.—Salut!—Bonjour,dit-il.Ellel’invitaàentreretfermalaportederrièrelui.Elleluidemandapoliment:—Puis-jet’offrirquelquechose?Del’eau?Dujusdefruits?—Aurais-tudesLuckyCharms?Scarletentrouvritleslèvres.—Euh…,peut-être.Veux-tuvraimentdesLuckyCharms?—Situenas.Scarletsouritetleconduisitdanslacuisinepourluipréparerunboldecéréalescommes’ilavaitàpeu
prèsquatreans.—Alors,quoideneuf?demandaScarletenversantlesLuckyCharmsdansunbol.—Je suis ici aunomdeTristan.Parceque c’est ce que je fais. Je parcours la ville en faisant des
chosespourlesfrèresArcher.Jesuiscommeunassistantdedirectionsous-payé.Saufqu’ilsnemepaientpasdutout,alors,oui,jesuispluscommeundomestique.Ilsouritettenditunepetiteboîte.—Tristanvoulaitquejet’apporteça.Scarlets’emparadulaitdanslefrigo,enversaunpeudanslebol,remitunecuillèreàNateetluiprit
laboîtedesmains.Ellel’ouvritettrouvaunnouveautéléphonecellulaire.—Ilvoulaitquejetedisequ’il«neregrettepasd’avoirlancétontéléphone»,maisqu’ilest«désolé
qu’illuiaitfallusilongtempspourt’entrouverunnouveau».Natefitlesignedeguillemetsdanslesairs,puispritunegrossebouchéedecéréales.ScarletétaitsurprisequeTristansesoitsouvenuderemplacersontéléphone.—Ehbien,mercidemel’avoirapporté.Ilhochalatête.—Alors,commentt’ensors-tuavectoutecetteaffairedemalédiction?—Oh,tuveuxparlerdemamort?Çavatrèsbien.Ilacquiesça.—Non,jeveuxparlerdelavraiemalédiction.LamalédictiondeGabriel.—Attends,quoi?Gabrielestmaudit?Natearrêtademâcher.
—Ilnet’apasparlédesamalédiction?—Ilm’aditquelaflècheétaitmaudite.Paslui.Jepensaisquec’étaitmoiquiétaismaudite.Scarletcomprittoutàcoup.—Donc,tunesaisrienàproposdesamalédictiond’amour?Scarletfutbouchebée.—Samalédictiond’amour?Euh,non.Quediable…?Nateterminalentementsabouchée,commes’ilpensaitàquelquechosedeplus,etavala.—Lefaitque tune tesouviennespasdupasséestétrangepournous tous.Jeveuxdire,nousavons
vécucelaplusieursfoisettut’enrappelaistoujours.Toujours.JepariequeGabrielnet’enapasparléparcequ’ilnesavaitpascomment.Elledevenaitimpatiente.—Quelleestlamalédictiondel’amour?Natepinçaseslèvres.—Lamalédictionsurlaflèchequit’atuéeétaitdirigéecontreGabriel,pastoi.Ta«malédiction»est
justeuneffetsecondaire.Gabrielaétémaudit,maisTristanettoi,vousêtesretrouvéscommeliésdanstoutecettepagaillequandTristanestintervenupourteprotégeravecsoncorps.—D’accord.Donc,jenesuispasvraimentmaudite,jemesuisjustefaitpiéger.Génial.Quelleestla
malédictiond’amourdeGabriel?—LamalédictiondeGabriell’empêchedeconnaîtrel’amour…sanstoi.—Quoi?—Ouais.RavenamauditGabrielenl’empêchantdeconnaîtrel’amoursanstoi,etpuis,ellet’atuée—
dansunetentativedelefairevivresansamourpourlerestedesavie.Nateprituneautrebouchée.—Biensûr,Tristanacommeperturbé leplanquand il a sautédevant la flècheparceque, surprise,
Scarletrevientàlavie!Ilagitasesmainsenl’airavecunsourireexagéré.Scarletrestaperplexe.—Gabrielnepourrajamaisaimerque…moi?Nateagitasacuillèredanslesairs.—Ehbien,ilpeutfairedesrencontres,flirterettoutça,maislevéritableamour,oujesupposequ’on
pourraitdirel’amourvrai,luiestimpossible,àmoinsquecenesoitavectoi.Scarletsecoualatêteetfitunpasenarrière.—Maisc’est…c’estsiinjustepourGabriel.Nateprituneautrebouchéeetfarfouilladanssonbol.—Ehbien,c’estça,lesmalédictions.Ellessontrarementjustes.Ilfitungesteverslesguimauvesdanssonbol.
—Mespréféréessontlesvertes.Scarletréfléchitavantdesecouerlatête.—Ets’ilneveutpasm’aimer?Ets’ilveutêtreavecquelqu’und’autre?—Ilneveutquetoi.Tulerendsheureux,tusais?Scarletrestabouchebée.—Maisêtreheureuxnesuffitpas.Ilméritel’amour.—Oh,jepensevraimentqu’ilt’aime.—Maisa-t-illechoix?Scarlet n’arrivait pas à se faire à l’idée de lamalédiction de Gabriel. Il ne pouvait pas connaître
l’amoursanselle?ToutescesannéesoùScarletn’étaitpasvivantefurentdesannéesdedésespoirpourlui.C’étaitcruel.Pluscruelquetoutemalédictiondevaitl’être.Scarletsecouadenouveaulatête.—Ilaétésansamourtoutescesannées,etmaintenantjesuisenvie,etilalapossibilitéd’unamour
vrai,mais…cetamourest-ilbienréel?S’iln’apasd’autreoption,sessentimentspourmoisont-ils…honnêtes?Natesourit.—Bon,d’accord.Jecroisquetupensestropàlamalédiction,Scarlet.Cen’estpascommeça.Gabriel
étaitfoudetoimêmeavantd’avoirétémaudit.Touslesdeux,vousétiezfiancés,tutesouviens?—Maisçafaitcommecinqcentsans.Leschoseschangent.—Ha…Nateprituneautrebouchéedecéréales.—Onpourraitpenserqueleschoseschangent,maiscrois-moi.Quandils’agitdesfrèresArcheretde
leursamours,riennechange,jamais.Illevalesyeux,saisitsonregardetfermalabouche.Scarletpassaunemaindanssescheveux.—Toutçan’estqu’untelgâchis.Sesyeuxs’écarquillèrenttandisqu’elleleréalisait.—Sijemeursànouveau,est-cequeçaveutdirequeGabrielneserapluscapabled’aimerquelqu’un
pendantdesannées?Desdécenniespeut-être?—Euh,non.Ildevraattendrejusqu’àcequetureviennesàlavie.Encore.Scarlettournasesmainsversleciel,encolère.—Ettoutçaàcausedesonex-petiteamiejalouse?Commentunefillepeut-elleréussirà lancerun
sortaussiterrible?—Ehbien,c’étaitunefillepuissante.EtellenesavaitpasqueGabrielétaitimmorteletqu’ilserait
piégé sans amour pendant des siècles.Bien que si elle était en vie aujourd’hui, je suis sûr qu’elle serégaleraitdecettesituation.Scarletsemorditlalèvre.
—Maiscommentsefait-ilquelamalédictionn’aitpasétébriséequandjesuisrevenueàlaviepourlapremièrefois?Jeveuxdire,jen’étaisplusmorte.Lamalédictionauraitdûêtrelevée.—Cela aurait sans doute pu arriver, sauf queTristan s’estmis en travers. La flèchemaudite a été
recouverte du sang deTristan, alors en substance, lamalédiction a été scellée avec du sang immortelquandelleatranspercétoncœur.Etlesangimmortelnemeurtjamais…donclamalédictiondeGabrielnonplus.Scarlet se dirigea vers l’autre bout de la cuisine et s’adossa au comptoir.Une partie d’elle voulait
pleureràcausedelasolitudedeGabriel.L’autrepartievoulaitremonterletempsetétranglercetteRavenpouravoirétésimesquineetméchante.—Alors,Gabrieln’estjamaistombéamoureux?Natemâchauninstant.—Justedetoi.Scarletfermalesyeux,découragée.—Mais,hé!NousallonstrouverlaFontainedeJouvence,alorstoutirabien.LavoixdeNateétaitjoyeuse.Scarletsecoualatêteetouvritlesyeux.—Non,Nate.Toutn’irapasbien.LaFontainedeJouvencemegarderapeut-êtreenvie,maisellene
donnerapasàGabriellalibertéd’aimerquiilveut.Cequ’ilméritait.—Toutd’abord,Gabrielteveut,toi.Findeladiscussion.Ensuite,lafontainevatoutrégler.Elleva
complètementannulerlamalédictiondeGabriel.Scarletseragaillardit.—Comment?—Lamalédictionaétéscelléeavecdusangimmortel,non?Donc,toutcequenousavonsàfaire,c’est
faire disparaître le sang immortel de ton cœur et la malédiction sera défaite. La fontaine peut faireexactementça.—Ellepeutenleverlesangimmortelàl’intérieurdemoi?—Oui.ÀpartlamortdeTristan,c’estleseulmoyendetuerlesangàl’intérieurdetoi.Lafontaineest
cequinousadonné,àTristan,Gabrieletàmoi,lavieimmortelle,non?Alors,l’eaudelafontainepeutcontrecarrertouslesélémentsimmortelsauxquelselleadonnévie.Çaveutdirequ’ellepeutneutraliserles effets immortels du sang de Tristan à l’intérieur de ton corps, en le faisant correspondre pourl’essentiel au tien.Le sangdeTristanmourraà l’intérieurde toi et lamalédiction sera levée, libérantGabrieldusortentepermettantdevivre,etlibérantTristandeseffetsdusort.—D’accord,ditScarlet,quisepermettaitunpetitpeud’espoir.Donc,sinoustrouvonslafontaine,je
nemourraipas,etGabrielseralibred’aimerquiilveut.Natehochalatête.—EtTristannesouffriraplus.
—Attends,quoi?Scarletsedécaladucomptoir.—PourquoiTristansouffre-t-il?Naterouladesyeuxetlaissatombersacuillèredansleboldecéréalespresquevide.—Net’ont-ilsriendit?Scarletpinçaseslèvres.—Apparemmentnon.QuelestleproblèmeavecTristan?Natesoupira.—Commesonsangestàl’intérieurdetoi,Tristann’estpascomplet.Soncorpsaconstammentsoifde
lapiècemanquantede lui-mêmequivitdans toncœur.Voilàcomment ilest liéà toi.Maisce lienestphysiquementdouloureuxpour lui.Quand il est loinde toi, ça lui faitmal.Plus ladistanceestgrandeentrevousdeux,plusladouleurestintensechezTristan.Scarletinspiraensilence.«Super,commeça,ilsouffreàcausedemoi!Pasétonnantqu’ilmedéteste.»—C’estpourçaqu’ilnepouvaitpasalleràNewYorkpourtetrouver?Parcequ’ilnepouvaitpasme
quitter?—Oui.Mêmes’ilvoulaitresterloindetoi,ladouleurfiniraitpardevenirtropintenseetilenviendrait
àtetraquerpourêtresuffisammentprocheetnepasdevenirfoudedouleur.—Maispourquoiveut-ilresterloindemoialors?—Parcequ’ilneveutpasquetumeures.Plusilestprèsdetoi,plustoncœurbatfortpourlui.Une
partiedetonsangappartientàsoncorps,etlapartiedeluiquivitàl’intérieurdetoitientabsolumentàleretrouver.Donc,toncœurbatfrénétiquementtandisquesonsangimmorteltentedes’extirperdetoncœuretderéintégrerlesien.Aufildutemps,toncœursedéchireendeux.LorsqueTristanestprèsdetoi,ceprocessuss’accélère.Enfait,saprésence…tetue.LavoixdeScarletétaitàpeineplusqu’unmurmure.—Ilempiremonétat?Natehochalatête.—Dansvosviesantérieures,çan’apasétéuntelproblème,maisdernièrement…,ilsemblequetous
lesdeux,vousêtes…plusliés.IlfitunepauseetregardaScarlet.Ellenepouvaitpasparler.Sapoitrineseserra,commetriste.Tristansouffraitquandilétaitloind’elle,maissoncœuràellesouffraitquandilétaitprèsd’elle?Un frère souffrait d’amour quand elle était morte. L’autre souffrait physiquement quand elle était
vivante.La.Pire.Malédiction.À.Jamais.—Oh,enpassant,ditNateensortantunpetitobjetbrillantdelapochedesonpantalon,j’aiquelque
chosepourtoi.J’allaisleposter,maiscommejesuisici…
IlselevadelatableetposalepetitbijoudanslamaindeScarlet.C’étaitunanneau,mais tropgrandpour tenirsurundoigt.Àunendroit ilyavaitun toutpetitmotif,
maisàpartcela,cen’étaitqu’unanneau.Scarletfixal’objetpendantuninstant.—Qu’est-cequec’est?—Jenesaispas,ditNateenfronçantlessourcils.Jepensaisquepeut-êtretut’ensouviendrais.Tume
l’asdonnédanstadernièrevieettum’asditdelegarderensécuritéjusqu’àcequetureviennes.Scarletsecoualatête,vraimentperplexe.—Maisjenet’aipasditcequec’était?—Non.Jetel’aidemandé,maistuasditquejeseraisplusensécuritésijenesavaisrien.Scarletgrimaça.—Plusensécurité?Noussommesendangerouquoi?—Pasquejesache.Mais,tusemblaiseffrayée.Maislàencore,tuétaisvraimentmalade,alorsj’aicru
quetuétaisinquiète,tusais,demourir.Scarletinspiraavecdifficulté.Ilétaitfoudepenserqu’elleavaitvécuplusieursviesàattendrelamort.
Mêmeàlapréparer.Maisilétaitencoreplusfoudepenserqu’ellepourraitvivreplusieursviesdeplusdelamêmefaçon.—Ehbien…,mercidemel’avoirredonné…Jesuppose.Scarlet,songeuse,regardal’anneaubrillant.Elleignoraittotalementdequoiils’agissait.—Pasdeproblème.Elleregardalegarçonimmortelenfaced’elleetessayad’imaginervivrependantcinqcentsans.Ça
semblaitexcitant,maisçafaisaitaussi…solitaire.Peut-êtremêmevide.Surtoutsionn’étaitpaslibred’aimerquionveut,ousiunmorceaudenotreâmeétaitprisaupiège
dansunefillequiseréincarnait.Lamalédictionavaitruinédesviespendantundemi-millénaire.—Nate.Scarletleregardafixement.—Cettemalédictiondoitcesser.Jemefichedecequenousdevonsfaire,maisnousdevonstrouver
cettefontaine.Ilsouritlargementetfitunclind’œil.—Ça,c’estlaScarletquejeconnaisetquej’aime.J’aimequandturéagis.—Jeneplaisantepas.Sesyeuxbrillaienttandisqu’elleleregardait.Sonsouriredisparut.—Bien.Détends-toi,jesaisquetuneplaisantespas.Ilfitunpasenavantettenditlesmainsverssonvisage.Réalisantquesesyeuxdevaientbriller,ScarletdéplaçasatêteloindesmainsdeNate.
—Jevaisbien.—Non,tunevaspasbien.Laisse-moivoirtesyeux.Ilserapprochad’elleetrelevasonmentonafindepouvoirregarderdirectementsesiris.—Scarlet.Tonétatempire.—Jelesais,dit-ellesèchement.—Non.Tunecomprendspas.Habituellement,tesyeuxnedeviennentsilumineuxqu’àlatoutefin.À
quellefréquenceest-cequeçaarrive?—Jenesaispas.Unefoisparjour,peut-être?—Est-cequetonnezadéjàcommencéàsaigner?—Quoi?—Tonnez.Tun’aseuaucunsaignementdenez?Scarletsecoualatête.—Non.Monnezvabien.Jevaisbien.Illaregardaavecuneréelleinquiétude.—Jenesaispaspourquoitonétatprogressesivitecettefois.Quelquechosenevapas.Quelquechose
est…différent.Scarletécartabrusquementsamainetrecula.—Bon,ehbien,nousnepouvonspasarrangertoutcequiestdifférentenmoi.Donc,nousdevonsnous
concentreruniquementsurlarecherchedelafontaine.Commeça,nousenfinironsavectoutça.Lentement,Natehochalatête,regardanttoujourssesyeux.—Bien.—NousdevonstrouverlaFontainedeJouvence,répétaScarlet.Aprèsunlongmoment,ildéglutitetluiadressaunfaiblesourire.—Alors,c’estcequenousferons.
63
Gabriels’assitàcôtédeNateàlatabledelacuisinepourleregarderdémonterlecapteurdecerveau.—Combiendetempspenses-tuquenousavons?LesyeuxdeNaterestèrentrivéssurl’objetnoir.—Quatresemaines.Peut-êtrecinq.LesyeuxdeScarletsontpluslumineuxqued’habitude,etjesuis
presque certain qu’ils s’illuminent plus qu’elle ne veut bien l’admettre. Son nez n’a pas commencé àsaigner,mais…elleestmalade.GabriellançaunregardnoiràTristan,quis’assitenfaced’eux.«C’estentièrementdesafaute.»TristancroisaleregarddeGabriel,maisilrestaimpassible.Ledessinqu’ilavaitvusurlecorpsdeScarletl’autrenuitl’avaitinquiété.Lefaitqu’elleconnaissece
motifimpliquaitqu’ill’avaitpeut-êtredéjàperdue—unepenséequiluinoual’estomacdechagrin.Ilnepouvaitpaslaperdre.Ilavaitpassédessièclesàl’aimer,àladésirer,àprendresoind’elle.Ettoutcelaauraitétéenvain.Cettepenséelemettaitpresqueautanthorsdeluiqu’elleluibrisaitlecœur.Nateôtalescristauxdubandeauetlesposasurlatable.—Ondevraitlesgarderdansunendroitsûr.Séparésducapteurdecerveau.Gabrielopina.—Devrait-onlescacher?—Non, juste lesmettre à un endroit facile d’accèsmais pas trop évident.Comme dans un plat de
bonbonsouunflacondepilules.—Unplatdebonbons?Nate,onneveutpasquequelqu’unlesmangeaccidentellement.Tristansoupira.—Jepeuxlesmettredansmonarmoireàpharmacietoutsimplement.Nateopina.—Ouais,bonneidée.Espéronsquel’intrusdeScarletn’apasd’autrescapteursdecerveau.Gabrielexpira.—Penses-tuqueletypes’enestprisàelleparcequ’ilsaitqu’ellevamourir?—Peut-être.NateregardaTristan.—Dequoitesouviens-tuàproposdecetype?Tristansecoualatête.—Pasdegrand-chose.Ilétaitgrand.Fort.Particulièrementfort.Maissesmusclesétaientétranges,et
ilsentaitune…drôled’odeur.Ilnesentaitpasmauvais,mais…fort.
—Commequoi?Natenelevapaslesyeuxducapteurdecerveau.Tristanhaussalesépaules.—Jenesaispas.—L’eaudeCologne?Legelpourlescheveux?Larose?—Jenesaispas,Nate.Cen’estpascommesijeluiavaisreniflélespoilsdutorse.J’étaistropoccupé
àessayerdel’éloignerdeScarlet.—Comments’est-ilenfui?demandaGabriel.—Ilm’abattu…Jel’aipoignardé,ditTristanensecouantlatête.Gabrielenfutbouchebée.—Tul’aspoignardé?Tristanhaussalesépaules.Onn’estpasauFarWest,Tristan.Ilyadeslois.Tunepeuxpasdécouper
lesgensquandçatechante.—Quandçamechante?Vraiment?ditTristanenroulantdesyeux.Ilm’apoignardélepremier.Etce
n’estpascommesijel’avaistué…bienquejel’auraisfait.Iladéboulél’escalier,s’estrelevéets’estenfuiparlaporte.Commesiuncouteaudansleventren’étaitriendeplusqu’uneégratignure.Natelevalesyeux.—Penses-tu…qu’ilestimmortelcommenous?demandaGabrielenfronçantlessourcils.Tristanyréfléchit.—Non.Peut-être.Jenesaispas.Ils’appuyasursonautrejambe.—Toutenluin’était…Jenesaispas.Toutsimplementpashumain.Gabrielsefrottalajoue.—Es-tuentraindedirequetucroisauxêtressurnaturelsmaintenant?Commelesloups-garous?Ou
est-cequeletypechezScarletétaitpluscommeunrobot?LevisagedeTristan,quiregardaitdurementsonjumeau,secrispa.—Jenesaispascequ’ilétait.Maisjenecroispasqu’ilétaithumain.Jenepeuxpasl’expliquer.Ses
yeuxétaient…étranges.Etilbougeait…bizarrement.Jenesaispas.NateregardaTristan.—Crois-tuqu’ilexisted’autresêtressurnaturels?Desêtrescommenousquisont…plusqu’humains?Tristansemblaitmalàl’aise.—Vousêtesentraindemefairesentircommeunidiot.Jenedispasquejecroisauxcroque-mitaines
oujenesaisquoi.Jedisjustequenousdevonsêtreprudents.Aucasoù.Gabrielfutsoudaintrèsinquiet.IlespéraitvraimentqueTristansetrompait.
64
TristanattenditqueGabrielquittelechaletpourfairesontourdegardenocturneavantd’allerretrouverNate.Illetrouvaàl’étagedanssagrotterécemmentrénovée.—Salut!TristansetintsurleseuiletattenditqueNatemettesonjeusurpause.—Quoideneuf?demandaNate,quiseretourna.—Nousdevonsparler.Tristanentradanslachambre.Naterouladesyeux.—Jedétestenos«discussions».Tristansoupira.—Crois-moi.Moiaussi.Ils’adossaaumur.—As-tuétéenmesuredetrouverdesarmespotentielles?—Non.Tristans’écartadumur.—J’ailesentimentquetun’aspasvraimentessayé,Nate.L’étatdeScarletempire.—J’ai communiquéavec tousceuxque je connais etquipourraient être enmesuredenousaider à
trouverlafontaine.J’aicréédessites,desblogues,despetitesannoncesetdesprimespourlalocaliser.Gabrielexaminechaquecarteanciennequ’ilpeut trouveret tuaspasséenrevuedevieux journauxdebordetrevues.Nousfaisonstoutcequenouspouvons,Tristan.LevisagedeTristansecrispa.—Pourtrouverlafontainepeut-être.Maispaspourm’aideràtrouverlabonnearme.—Jenevaispast’aideràtetuer.—Oh,allons.—Horsdequestion.Tristanmaugréa.—S’ilteplaît?—N’implorepas,monvieux.C’estnul.—Alors,quoi?Vas-tusimplementlalaissermourir?Encoreunefois?Savoixsebrisaetiltentaimmédiatementdesereprendre.Natesoupira.—Jenesaispastropquelleestlabonnechoseàfaire.—Labonnechose,c’estdeluisauverlavie.
—Auprixdelatienne?Houla!Jenepensepas.Gabrielmetuerait.EtpuisScarletmetuerait.Etilspourraientsimplementcontinueràmetuerinlassablementparcequejenemeursjamais.Sais-tucombiençaseraitnul?— Pense à ça, dit Tristan, qui fit un pas vers lui. Ce truc que tu viens de mentionner… mourir
inlassablement?VoilàcequeScarletafaitpendant…cinqcentsans.Lesilencetombaentreeux.—Tun’aspasàlefairepourmoi,soupiraTristan,mais…pourrais-tulefaire…pourelle?Natehésitaavantdesecouerlatête.—Jenepeuxpast’aideràtrouverunmoyendetetuer.Çasemble…mal.Tristanserralamâchoireetsepréparaàpartir.—Hé,ditNate.Tristanseretourna.—Gabrieladitquetusouffraispluscettefois?Quetunepouvaispasdormir?Tristanhaussalesépaules.—Çan’estpassigrave.Nateplissalesyeux.—Iln’yapasque toi.LamaladiedeScarletempireplusvitequeprévu.Qu’est-cequiachangé?
Qu’est-ilarrivédanssadernièrevie?Tristanessayad’avoirl’airinnocent.Raté!—Nejouepasavecmoi,monvieux.JesaiscommentfonctionnelamalédictionetjesaisqueScarlet
nedevraitpasêtreaussiliéeàtoiqu’ellel’estdevenuetoutd’uncoup.Ques’est-ilpassé?Tristanparcourutlapiècedesyeuxcommeilsoupirait.—Disonssimplementque…jenemesuispasbeaucoupexercéà…memaîtriserladernièrefois.Natehochalatête.—C’estpourçaqu’elleestmortesivite?—Jenesaispas.Tristandéglutit.—Maisjecroisquec’estpourçaqu’elles’estenfuie.Ilsentitunvidedanssapoitrinetandisqu’ilpensaitàladernièrefoisoùScarletétaitmorte.Natesecoualatêteetfermalesyeux.—Tuesuneâmetourmentée,monvieux.—Alors,pourquoin’aides-tupascetteâmetourmentéeetpourquoinetrouves-tupasunmoyendeme
tuer?Nateleregardaavecunaird’excuse.—Non.Situveuxmourir,débrouille-toiseul.Sachantqu’ilneseraitpasenmesuredefairechangerNated’avis,Tristandécroisalesbras.
—Parfait.Ilquittalapièce,assailliparlessouvenirsquiprovoquaientenluiculpabilitéetchagrin.Tandisqu’ildescendaitl’escalier,sesmainssemirentàtrembler.
65
Gabriel bâilla alors qu’il regardait par son pare-brise vers la maison de Scarlet. Il n’était pas trèsheureux du plan de surveillance, mais Scarlet avait insisté pour rester dans sa propre maison avecHeather,mêmesicelaétaitstupideetqu’ellerisquaitdesefairetuer.Ilallumalaradioetparcourutleschaînestoutengardantlesyeuxrivéssurlaported’entréedeScarlet.
C’était la pleine lune.Elle étincelait sur la rue sombre et projetait des ombres douces contre la forêtdensejustederrièresamaison.C’étaitcalme.Etennuyeux.Bang!Bang!Bang!Gabrielsursautalorsquequelqu’unfrappaàlavitredesavoiture.Envoyantquifrappait,ilsoupiraetbaissasafenêtre.—Qu’estcequetufaislà?Tristanhochalatête.—Nousdevonschanger.—Cesoir,c’estmanuitdegarde.C’esttoiquiassurveillélanuitdernière.—Oui,ehbien,jenepeuxpasdormir.Alors,ilvautaussibienqueturetournesauchalettereposerun
peu.Jevaisresterici.—Tunepeuxpasdormir…dutout?Tristanneditrien.—Bonsang,c’estbizarre.Tudevraisêtrecapablededormir.Nousnevivonspassiloind’elle.—Jesais,Gabe.Jenesaispascequisepasse,maisjesaisqu’ilesthorsdequestionquejeretourne
auchaletcesoir.Alors,tupeuxresteravecmoitoutelasoiréeoutupeuxrentreràlamaisonetprofiterd’unsommeilréparateur.Gabrielrouladesyeux.—Unsommeilréparateur?Unvrai…—Chut!TristanmontralamaisondeScarlet,etGabrielfutimmédiatementassailliparlapanique.UnesilhouettemasculinequiarrivaitdelaforêtsedirigeaitverslamaisondeScarlet.—C’estletype?demandaGabrielenplissantlesyeuxdanslanuit.—Sansaucundoute.GabrielouvritdoucementlaportièreetsortitcommeTristans’éloignait.Lesjumeauxsecachèrentdans
l’ombreàproximitéetregardèrentl’intrusapprocherdelaported’entrée.Gabrielchuchota:—Allons-y!
Tristanhésita.—Non.—Non?—Non.Faisons-luipeur,etensuite,suivons-lejusqu’àl’endroitd’oùilestvenu.—Lesuivre?Es-tufou?Gabrielrevêtitunairincrédule.—Peut-être.Maisnousvoulonssavoircequ’ilcherche,non?Alors,suivons-le.—Etcomment,exactement,allons-nousluifairepeur?Tristanregardaautourdelui.—J’aiunplan.Il ramassauncaillouet l’envoyavolerdans lanuit. Ilatterritsur leporchedeScarletavecunbruit
sourd.Gabrielsemontradubitatif.—Lancerdescailloux?C’estçatonsuperplan?L’intruss’arrêtaetregardaautourdelui.Tristanjetaundeuxièmecaillouettouchacettefoisledosdel’étranger.Visiblementeffrayé,l’intrusquittasournoisementleporcheetrepartitverslaforêt.—Non,ditTristanenpartantdelazoneombragée.Monplanestdansmoncoffre.—Tuasunplandanslecoffre?Gabrielquitta sacachetteet sedirigeavers lavoiturenoiredeTristan touten regardant l’agresseur
atteindrelalisièredelaforêt.—Siondoitlesuivre,ilfautyallermaintenant.Ilsesauve.Tristanregardal’étrangeravecdésinvolture.—Non,pasdutout.Cebouquetd’arbresestpratiquementuneimpasse.Soit ilhabitequelquepartà
proximité,soitilvitdansunetente.Onvalesuivre.—Onvalesuivre?Avecquoi,notreflair?—Nesoispasridicule!Onvasuivresestraces.Gabriel,furieuxquel’étrangers’éloigne,secoualatête.—Génial!Onluilancedescaillouxdessus,etensuite,onjoueàSherlockHolmesdanslesbois.—Ilnevapass’enaller.Jesaisquetun’aspaseuàtuerpourtenourrirdepuisunsièclemaintenant,
mais tu es un chasseur, Gabriel. Nous en sommes tous les deux.Nous pouvons le faire. Rappelle-toiquandonlefaisaitpoursurvivre?—Tuveuxdireavantlamédecinemoderneetlepapierdetoilette?Ouais, j’essaiedenepasm’en
rappeler,justement.Tristanrouladesyeux.—Ehbien,alors,jesuisunchasseur.EtjevaistraquerlevisiteurdeScarlet.Es-tuavecmoi?Gabrielsoupira.
—Entendu.Tristanvoulaitdireaffronter,paschasser…Hein?Ilouvritlecoffre.Gabrielbaissalesyeux.—Sérieusement,Tristan?Tuconduisavecuncoffrepleind’armes?—Biensûr.—Pourquoi?—Parcequejesuisleméchantdelafamille.Gabrielsefrottalajoueetmurmura:—Commentpouvons-nousêtreparents?— Oh, s’il te plaît ! N’agis pas comme si tu étais fâché que j’aie justement une voiture pleine
d’artilleriequandonenabesoin.Prendsunearme.—Quoi?—Tupourrais avoirbesoind’unearmeaucasoù l’agresseurdeScarlet essaiede tepoignarder. Il
avaitlecouteaufacileladernièrefoisquejel’airencontré.Gabrielpassaenrevuel’artillerie.Desarcs…despoignards…deshaches…—Pourquoias-tuautantd’armes?Tristanhaussalesépaules.—Onnesaitjamaisquandonpeutavoirbesoinderenforts—Quefais-tudanstestempslibresquinécessitentdesrenforts?Tristanfitunrictus.—Jetue.Allez,choisisunearmeetonyva.—Calme-toi,Cœurvaillant.Gabrielfouilladanslesarmes.—Jevaisessayerdetrouverquelquechosedepastoutàfaitaussifatalque…Unefaux?Vraiment?Gabrielpritl’immenselameendemi-luneetregardaTristan.—Quies-tu,laFaucheuse?—Oui,Gabriel.JesuislaFaucheuse.Tum’aseu.Jemepromènedansunevoiturepleined’armespour
collecterlesâmes.Gabrielsecoualatêtetandisqu’ilsedécidaitfinalementpourl’undesarcsàpoulies.Tristanpritl’autrearc.—Qu’est-cequinevapas?Tuaspeurdeteservirdelafaux?—Lafauxaencoredusangsurelle,etj’aimequemonarmesoitpropre.—Commetuveux.Gabriel fouilla denouveaudans le coffre à la recherchede flèches factices—des flèches conçues
pourblesser,maispaspourtuer.—Toutescesflèchessontpointues…etontdestracesdesang.
—Oui,ehbien,j’ailaissémesflèchesdebarbeàpapaàlamaisonàcôtédemonoursenpeluche.GabrielsetournaversTristan.—Onnevapastuercetype-là.—Onpourrait.—Tristan,c’estunhomicide.—C’estdelalégitimedéfense.—Cen’estpasdelalégitimedéfense.Ilnes’enestpasprisàtoi.—Maisils’enestprisàScarlet.Ettechniquement,Scarletestunepartiedemoi.Doncvoilà.C’estde
l’autodéfense.Tuviensavecmoioupas?—Jeneveuxpasletuer.Jeveuxjusteluifairemal.Oulecapturer.—Oupeut-êtrequetupourraisluifaireungroscâlin.Tristanpartitendirectiondubois.—Tupeuxresterlàetnettoyerlesarmesoufairecequetuveux,maismoi,jeparsm’occuperdenotre
intrus.Gabriel prit les seules flèches propres qu’il put trouver et maugréa tandis qu’il fermait le coffre.
Tristanétaitfou.Lesgarçonspénétrèrentdanslazoneboisée,etTristansemitàchercherdestraces.Sérieusement.LevisagedeGabrielsecrispa.—Tristan,ilfaitnuit.Tunevasrientrouver.Ilsoupiradefrustration.—Jesavaisqu’onauraitdûs’attaqueràluiquandilétaitdevantsaporte.Tristanneditrienets’accroupitàterre.Gabrielregardasonfrère.Ilyavaitbienlongtemps,ilschassaientensemblepourdelanourriture,pour
lasurvieetpourlaliberté.Avalon,enGéorgie,nemanquaitd’aucunedeceschoses.Gabriels’appuyasurl’autrejambe.Ilsesentaitcommeunimbécilelà,danslesbois,avecunarc.—Bingo!s’exclamaTristanenmontrantdestracesprofondesdanslaboue.Gabrielfutbouchebée.—Jenepeuxpascroirequetuasréellementfaitça.Tristanplissalesyeux.—Peut-êtrequesitun’étaispassisoucieuxdetonapparence,tupourraislefaireaussi.Gabrielsemoqua:—Lefaitquejeneveuillepastraquerlesfousdanslesboisparunenuitdepleineluneneveutpas
direquejesuissoucieuxdemonapparence.Çaveutdirequejesuisnormal.—Peuimporte,murmuraTristan.
Ils se faufilèrent discrètement dans les grands arbres, guidés uniquement par le clair de lune et lesempreintesboueusesdechaussures.Ilsmarchèrentpendantquelquesminutesensilencejusqu’àcequ’ilsarriventàuneclairièreetqu’ilsrepèrentunesilhouettesombrequis’élançaitentrelesarbres.TristanetGabrieléchangèrentunregard,etGabrielpassainstinctivementenmodechasse.Ilbandason
arc à poulies et se glissa lentement vers la droite, tandis que Tristan se faufilait dans la directionopposée.Le bruissement des feuilles et le hululement d’une chouette rompirent le silence comme Gabriel
regardaitautourdelui.Entendantunbruitàsagauche,Gabrielseretournaavecsonarcenposition,prêtàtirer.Maisseulementpoursedéfendre.Iln’avaitaucuneintentiondetuerquelqu’un.Prendreuneviehumainen’étaitpasuneminceaffaire,etGabrieln’étaitpasunmeurtrier.Soncorpsfuttraverséparunedouleuraiguë.Gabrielpoussaungrognementetbaissalesyeux.Unlong
poignardsortaitducôtédroitdesapoitrine,etlesangcommençaitàsuinteràtraverssachemise.Quelqu’unluiavaitlancéuncouteau.«Etmerde!»Grimaçant de douleur,Gabriel abaissa son arc et retira la lame de sa poitrine. Il la glissa dans sa
ceinture. Il scruta l’obscurité à la recherche de son attaquant et remit son arc en position avec unenouvelledétermination.Peut-êtres’était-ilunpeutropprécipitédanssadécisiondenepastuerquelqu’uncesoir.Commesablessurecommençaitàguérir,Gabrielobservalaprofondeobscurité.Soudain,l’intrusdeScarletapparutàseulementquelquesmètresdelui.Ilvenaitàsarencontre.Ille
chargeaitpresque.Gabriel visa attentivement et tira deux flèches, l’une dans la cuisse de l’individu, l’autre dans son
côté…,maisaucuneneralentitsonadversaire.Gabrieln’étaitpasprêtàletuer…,dumoins,pasencore.Aprèstout,Gabrielétaitimmortel.Cen’étaitpasexactementuncombatloyal.Maisl’étrangercontinuaitàcharger.Etdanssamainsetrouvaitunautrecouteau.L’intrusseprécipita,etaumomentoùGabrielfutsurlepointdelanceruneautreflèchedanslecorps
desonagresseur,ilentenditunclac.L’étrangertombamortaupieddeGabriel.Unelongueflèchemortelleressortaitdesondos.GabriellevalesyeuxducorpsetvitTristanavecsonarcencorebandé.—Tristan.LesyeuxdeGabrielseremplirentd’horreur.—Tul’astué.Tristanabaissasonarc.—Jesais.
—C’estunepersonne,Tristan.Onn’estpasdansl’Angleterremédiévaleoùtudevaisprotégertonpainetteschèvres.Tunepeuxpastoutsimplementtirersurdesgensetlestuer.—Jelepeuxs’ilsseglissentdanslachambredeScarletetessaientdetuermonfrère.Gabriellaissatombersonbras,l’arcpendantlelongdesoncorps.Ilsecoualatête.— Qu’allons-nous faire maintenant ? Tu viens de commettre un meurtre, et maintenant, il y a un
cadavre…LecadavreaupieddeGabrielcommençaàs’effriter.Lesjumeauxregardèrent,incrédules,lapeauetlesosdel’intrusperdrepeuàpeudeleurcouleuretse
transformerencendres.Unerafalesoufflaà travers lesarbresobscurs,et lescendress’éloignèrenten tourbillonnantdans la
nuit,nelaissantderrièreellesquelesvêtementsdel’étrangeretlestroisflèchesquesoncorpsnetenaitplus.Gabrielclignadesyeux.—Quevient-ildesepasser?Tristansecoualentementlatête.—Jen’enaiaucuneidée.Les frères marchèrent lentement en cercle. La cendre avait presque complètement disparu. C’était
commesiaucuncadavren’avaitjamaisétélà.—Ils’estjuste…ils’estjustedésintégré.Tristanhochalatête.—N’as-tujamaisvuquelquechosecommeçaavant?—Non.Tristancessademarcherets’accroupitàl’endroitoùreposaientlesvêtementsdel’étranger.—Jet’aiditqu’iln’étaitpashumain.Gabrielhaussalessourcils.—Jesupposequenon.—Ehbien…Tristansereleva.—Problèmerésolu.Pasdecorps,pasdecrime.Donc,tun’aspasàt’inquiéterd’allerenprison.Gabrielsecoualatête.—Iln’étaitpashumain.Qu’est-cequeçaveutdire?Tristanexpiralentement.—Çaveutdirequenotrepetitmondedefousdevientjusteplusflippant.Tristandonnauncoupdepieddanslesvêtementssurlesoljusqu’àcequesachaussureheurtequelque
chosedenoir.Uncapteurdecerveau.Tristanjuraetpassaunemaindanssescheveux.
Gabrielregardalecapteurdecerveau.—Ilenavaitunautre?Oùlesprend-il?Tristansecoualatête.—Quedevrait-onfairemaintenant?demandaGabriel,perplexe.—Jenesaispas…Peut-êtredevrait-onrapportercecapteurdecerveauàNateetlaisserlesvêtements
commeilssont.Peut-êtrepourrait-onreveniricidanslamatinée.Gabrielhochala têteet ramassa lecapteurdecerveau,puis lesfrèresrepartirentrapidementà leurs
voitures.Gabrielmitlemoteurenmarcheetcommençaàs’éloignerquandilremarquaqueTristannepartaitpas.—Quefais-tu?IlfautrentrercheznousetparleràNate.Maintenant.—JeneveuxpasencorelaisserScarlet.Gabrielfronçalessourcils.—Penses-tuqu’elleestencoreendangermêmesituastuécetype?—Jenesaispas.Maisdetoutefaçon,jeneseraipascapablededormircettenuit.Donc,vas-y.Jevais
restericietnousrésoudronscettehistoiredanslamatinée.Gabrielenvisageade resteravecTristan,mais il était trop impatientd’entendrecequeNateavait à
diresurlenon-humainquiseréduisaitencendres.
66
Lelendemainmatin,TristanetGabrielconduisirentNateàl’endroitoùl’intrusétaitmort.Tristanapportaunlongpoignard,justeaucasoù.Iln’allaitpasse faire tailladerdepartoutencoreunefoisparcequ’unecertainecréatureétaitmunie
d’uncouteaudeboucher.Laforêtétaitdéserteetdénuéedetouteréelleinformation,misàpartlesmorceauxdevêtementsrestés
entassurlesol.—Tupensesquec’étaitquoicetype?demandaGabrielàNate.—Jenesaispastrop.Nates’accroupitpourexaminerlesquelquescendresrestantes.Ilenrecueillitavecprécautionunpetit
échantillon,puislevalesyeuxversTristan.—As-tuvérifiélescrocs?Tristanclignadesyeux.—Vérifierlescrocs?Non,jenel’aipasretournépourmettremesdoigtsdanssabouche.Cen’était
pasunvampire,Nate.—Ehbien,onnesaitjamais.—Lesvampiresn’existentpas.—Nilesêtresimmortels,ajoutaNateavantdesourire.Tristanrouladesyeux.—Donc,ils’estjuste…évaporé?—Non,ils’estdésintégré.Commes’ilétaitfaitdecendres,ditGabriel.Tristansecoualatête.— Ce gars-là n’estpas fait de cendres. Je me suis battu avec lui l’autre nuit, et il n’a eu aucun
problèmeàmetaperdessusetàmetaillader.Iln’estcertainementpasencendres.Nateréfléchituninstant.—Ehbien,jesupposequ’ilétaitpeut-êtrecommenous…maisplusvulnérable.C’estpeut-êtrecequi
sepassequandunepersonneimmortellemeurt.Peut-êtrequenousnoustransformonsencendres.Etpeut-être qu’il en cherchait d’autres comme lui. Ça expliquerait certainement pourquoi il s’en est pris àScarlet.— Il n’était pas immortel, dit Tristan. Ma flèche n’aurait pas été en mesure de le tuer s’il était
immortel.Croyez-moi.NateadressaunregardacerbeàTristan.—Oùcrois-tuqu’ilaeulescapteursdecerveau?demandaGabriel.Nateseredressa.
—Jenesaispas,maisilestétrangequ’ilenaiteuplusd’un.Avez-vousvuquelqu’und’autreavecluilanuitdernière?D’autres…étrangers?Lesdeuxfrèressecouèrentlatête.Gabrielsoupira.—Crois-tuqu’ilyaplusqu’untypequiveuts’enprendreàScarlet?Natefitunrictus.—Jenesaispas.J’aimeraiscroirequec’étaitunincidentisolé…,maisjenesaispas.Peut-êtrea-t-il
rencontréScarletdanssadernièrevieetqu’ilsavaittoutsurelle.Peut-êtrequ’elleluiadit.—Elleneferaitpasça.Natehaussalesépaules.—Onnesaitjamais.Scarletadessecrets,toutcommechacund’entrenous.Personneneditrienpendantuninstant.—Pourlemoment,ditNate,nousallonssimplementavoirunœilsurelleetfaireattentionàd’autres…
personnes-cendres.«Despersonnes-cendres?»Fantastique!»
67
Lessemainess’écoulèrentendouceur.L’automnes’étaittransforméenhiveretapportaitdesventsglacéset des nuits silencieuses. La soirée d’Halloween de Kristy s’était déroulée sans véritable drame, àl’exceptiondeHeather,quidutexpliqueràtoutlemondequelétaitsoncostume.—Jesuisunereinezombieégyptienne,avait-elleinlassablementrépété.Commesilesgensauraientpudeviner.Personnen’avaittentédepénétrerdanslamaisondeScarletdepuislanuitoùTristanetGabrielavaient
tuéletype-cendresbizarre.Cequiétaitunebonnenouvelle.Lefaitquecesgens-cendres,cesfous,existentetcourentdanslesboisderrièresamaisonétaitsuper
effrayant.Scarletfutsoulagéedeneplusavoiràs’inquiéterdel’intrus.Les garçons et elle avaient travaillé sans interruption à la recherche de la fontaine, et ses yeux
n’avaientpasbrillédepuissaconversationavecNatedanslacuisine.Toutallaitbien.Ehbien,toutàl’exceptiondelamortinévitabledeScarlet,—quiseprofilaitencoreàl’horizon.Scarlettentaderepousserlamortdesonespritautantquepossible.Aulieudecela,elleseconcentra
surlarecherchedelaFontainedeJouvence.Ellelutdeslivres,fitdesrecherchesenligneetparlaàtousceuxqu’elleputtrouverdesmythesetdeslégendes—toutceladansl’espoirqu’ilspourraienttrouver,etqu’ils trouveraient, la fontaine avant qu’elle succombe. Ce qui, selon Nate, pourrait arriver dans lesprochainessemaines.EtHeathern’enavaitpaslamoindreidée.IlétaitdifficilepourScarletdevivreunedoublevie.EllevoulaittellementtoutdireàHeather,mais
quelquechoselafaisaittoujourshésiter.Peut-êtrequec’étaitlapeur.Peut-êtrel’égoïsme.Scarletneparvenaittoujourspasàs’yrésoudre.Lauraavaitétébizarreàproposdel’obsessiondeScarletpourlaFontainedeJouvence,alorsScarlet
s’était résignéeàmenerses recherchesà labibliothèque.C’était làqu’elle se trouvait lematindubald’hiver.MalgrélarelationtendueentreGabrieletelledepuisl’incidentdusymbole,ilavaitinsistépourqu’ils
aillentaubalensemble.Parcequec’étaituneexcellentefaçondepasserleurtempslibrequandtoutcequ’ilsfaisaient,c’était
chercherlafontaine.Scarletnevoulaitpasyaller,maisellenevoulaitpasdécevoirGabrielnonplus.Ilsemblaitimpatient
d’alleraubaletellenevoulaitpaslelaissertomber.DepuisqueNate luiavaitparléde lamalédictiondeGabriel,Scarletessayaitd’êtreune trèsbonne
petiteamie.Elleavaitessayédeluitémoignerautantd’amourqu’ellelepouvait.MaisGabrielsemblait
encore…distant.Commes’ilneluifaisaitplusconfiance.Alors,elleallaitaubaldel’hiveravecungarçonsexyquin’avaitpasconfianceenelle,maisquiétait
probablementamoureuxd’elle,parcequ’iln’avaitpasd’autrechoix.Merveilleux.Scarletregardal’heure.Lauraétaitprobablementdéjàpartieenvoyaged’affaires.Elleseraitabsente
presquedixjourscettefois.Ondiraitquesesvoyagesd’affairesdevenaientdeplusenpluslongs…PauvreLaura.Avec Laura absente de la maison, cependant, Scarlet serait libre de poursuivre son enquête sur la
fontainechezelle.Elleregardadenouveaul’horloge.Elledevraitrentrerbientôt.Encorequelquesminutesàlabibliothèqueetpuisellerentreraitchezelle
pourfinirsalectureetcommenceràsepréparerpourlebal.Scarlet continua ses recherches jusqu’à cequ’elle tombe surunpassage en ligne sur laFontainede
Jouvence.Onydisaitqu’ellesetrouvaitdansuneforêtdegrandsarbresetpénombre.Scarletouvritsoncahierpourlamillionièmefois,dansl’espoirdetrouverquelquechosequ’elleavaitraté.Ellecommençaàlire,maisdevintaveuglequandunnouveausouvenirlafrappa.Elleavaituneflècheetelles’enfuyaitavecelle,essayantdesauver…quelqu’un.Ellecouraitsanss’arrêter…jusqu’àcequ’ellearriveàunemaison familière.Elleseprécipitaà
l’intérieuretregardapartoutàlarecherched’unecachette.Cedevaitêtreunebonnecachette…unecachettepermanente.Elleentradansunechambreetsedirigeaversunearmoirefamilière.Unegarde-robe.Elleenleva le tiroirdubas,puisun faux fondetposa la flèchecontre levieuxbois.Elleremit le
doublefonddessus,letiroiretrecula,lesoufflecourt.Laflècheétaitdangereuse—elleétaitmortelle.Elledevaitlagarderensécurité…Elledevaittoutgarderensécurité.Scarletclignadesyeuxpourrevenirauprésentetsesurpritàrespirerdifficilement,lesyeuxbrûlants.Elleavaitpeur.Vraimentpeur.Commesielleavaitcachélaflèchevoiciàpeinequelquessecondesplutôtqu’ilyadesannées.Scarletessayadesecontrôler,maiselleétaitperplexe.Qu’yavait-ildesidangereuxàproposdela
flèche?Toutàcoup,elleeutlesentimentquequelqu’uns’apprêtaitàmourir.Quelqu’und’autrequ’elle.Iln’yavaitqu’uneseulefaçondelesavoir.ElledevaitparleràGabriel.Scarletsortitsontéléphoneetl’appela.Pasderéponse.
ElleappelaNate.Pasderéponse.«Allez,lesgarçons!»Scarlettapotasurlebureaudelabibliothèqueenfaced’elle.Elleavaitbesoindeparleràquelqu’un
immédiatement.Quelqu’unétaitendanger.Ellepouvaitlesentir!EllerepritsontéléphoneetenvoyauntextoàGabriel.
J’aieuunsouvenir.Jesuisenrouteverscheztoi.C’estimportant!
Elleappuyasur«envoi»etrassemblasesaffaires.Celanepouvaitpasattendre.Quelqu’unallaitmourir.
68
Aprèsavoirfrappéàlaporteduchaletpendantdeuxminutessansréponse,Scarlettournalapoignée.Elleétaitdéverrouillée.«Voilàdesgarçonsvraimentrassurants!»ElleentraetappelaGabriel.Rien.Ellecourutàl’étageetlechercha,maiselletrouvasachambrevide.Elle redescendit, frustréedenepas avoir réussi àmettre lamain surquelqu’unet denepaspenser
qu’ellepouvaitattendrepluslongtempsavantdeledireàquelqu’un.Àmoinsque…Elle regarda l’escaliermenant au sous-sol. Pouvait-elle attendre que Gabriel arrive au chalet pour
obtenirdesréponses?Non.Lentement, avec précaution, Scarlet descendit l’escalier vers le sous-sol. Tristan n’était pas son
premierchoix,maisilensavaitcertainementplusqu’elle.Scarlet se sentait commeun intrus dans l’antre du lion.Tristan avait dit clairement qu’il n’était pas
heureux quand elle était présente chez lui et encore moins dans ses quartiers privés. Mais c’étaitimportant.Elleavaitbesoind’aide,etGabrielétantintrouvable,Tristanferaitl’affaire.Elleessayad’ignorerlapetitevoixaufondd’ellequicritiquaitsonraisonnement.Pourêtrehonnête,
une partie d’elle— une partie d’elle toute petite et idiote— était secrètement heureuse d’avoir uneexcusepourvoirTristan.Pouravoirbesoindelui.Pourêtreprèsdelui.Elleétaitlapirepetiteamieàjamais.Réprimantsaculpabilitéetrevenantàsonexcusedetoutàl’heure«J’aibesoindel’aidedequelqu’un.
», Scarlet emprunta le couloir du sous-sol jusqu’à la chambre de Tristan. La seule autre fois où elles’étaittrouvéedanscettepartieduchalet,c’étaitlorsqueGabriellaluiavaitfaitvisiter.Lesous-solsemblaittellementdifférentsansGabriel.Ilavaitl’air…interdit.Elleentrasansbruit.Ellesesentaitmalvenuedansl’espacedeviedeTristan.Sondégoûtévidentpour
ellen’étaitpascompatibleavecsadéterminationàlechercher.Ilyavaitdebonneschancesqu’ilcrie,semoque,oupire,l’ignore.Lapossibilitéqu’illarejettelafâcha.Maisilyavaitplusimportantquesonaversionpourelle:ily
avaitlatristessequecelaprovoquait.Quelquechoseàl’intérieurd’elleperdaitunpeudeviechaquefoisqueTristanlafuyait.
Cequiarrivaitàpeuprèsàchaquefoisqu’ellen’étaitpasloin.C’étaitpeut-êtrepoursaprotection,commeNateavaitdit,maisçafaittoujoursmal.Scarlet prit une grande respiration, tendit la main vers la porte de chambre de Tristan, qui était
entrouverte,etsansbruit,ellefitunseulpasàl’intérieur.Legrandlitsituédanslecentredelapièceétaittrèsornementéetinvitantdanssaconception.La structure acajou était sculptée avec des anglesmasculins compensés par des détails complexes,
gravésdanslesquatrepiliersquisetenaientaugarde-à-vousàchaquecoin.Toutdanslastructurecriait«homme», tandisque toutcequiavait traità la literiebleumarinechuchotait«femme».Descoussinsmoelleuxsetrouvaientausommetd’unmatelassurélevé,dedrapsdesoieetd’unecouverturedevelours.Scarletdéglutit.Malgrésoncôtémenaçantetdestructeur,Tristansavaitvraimentcommentassemblerunlit.Leplafond
du sous-sol était beaucoup plus élevé que dans ses souvenirs. La chambre de Tristan était voûtée etdégagée.Unearmoiresetrouvaitdanslecoinlepluséloigné,etScarletmarquauntempsd’arrêt.C’étaitlagarde-robedesonsouvenir.Elleavaitcachélaflèchedangereusedansl’armoiredeTristan.Maispourquoi?Elles’apprêtaitàcrierlenomdeTristanlorsqu’unmouvementattirasonattention.Justeenfacedulit,unearchemenaitàlasalledebainprincipale.Danslazonejustederrièrel’archeet
visible de la porte, elle vit un long comptoir de salle de bain enmarbre. Au-dessus de l’évier étaitaccrochéunmiroirdesalledebainsurdimensionnéavecuncadreenacajouidentiqueaulitmajestueux.Cefutàl’intérieurdecemiroirquel’attentiondeScarletfutattiréeparunmouvement.Tristansetenaitdevantlemiroir,sontorsenuparfait,commeilterminaitdelaversonvisage.Soncorpsétaitsuperbe.Sesmusclesforts,virilsetpurs.Scarletouvritlabouchetandisquesesyeuxseconcentrèrentsurquelquechosedecurieux.Cen’était
passoncorpsàmoitiénuparfaitementsculptéquiattiraitsonattention.C’étaitletatouagenoirenrouléautourducôtégauchedesacagethoraciqueetdescendantau-dessous
desataillequicaptivaitScarlet.Sesyeuxsuivirentsonmotifdansl’incrédulité,regardantsansvergognesontorsenu.Scarleteutlesoufflecoupé.LetatouagesurlecorpsdeTristanétaitlesymbolemystérieuxdeScarlet.Exactementlemême.C’étaitlegriffonnagequ’elledessinaitsurseschaussures,sursapeauetsursoncahier.Lemotifqui
flottaitdansethorsdesespenséesetdesesrêves.Lesymbolequiavaitréussiàsurvivreàsapertedemémoire.LesymboleauquelScarletsavaitqu’elleétaitliée.EtTristanl’avait,définitivementancrésursoncorpsmusclé.
Ils’étaitlégèrementestompé,cequilaissaitpenserqueletatouageavaitétéincrustédanssapeauilyabienlongtemps.Tristansaisitsonregarddanslemiroir,etpendantunefractiondeseconde,ellepensaquetoutallait
biensepasser.Dèsqu’il lavit, levisagedeTristans’adoucit,maiscet instantpassarapidementet futremplacéparunefroideurtangible.Ilfinitdeséchersonvisage.—Quefais-tu?dit-ilaurefletdeScarlet,neprenantpaslapeinedesetourneretdelaregarderen
face.Elleclignadesyeuxplusieursfois,essayantdecalmeràlafoissasurpriseparrapportàsontatouage
etlechocdûàsonton.Mêmesielleessayaderépondred’unevoixferme,sesmotssortirentlentementetdoucement.—Pourquoias-tucetatouage?Tristanseretournapourluifairefaceetilbaissalesyeuxsurlemotiftatouésursacagethoracique.
Sesyeuxrestèrentbaissés,bienqu’ilsquittèrentsontatouagepourdescendreversunendroitquelconquesurlesol.Ilinspiraparlesnarinesetlebasdesonvisagesecrispa.Ilétaitcontrarié.Ellepouvaitsentirsapeuretsacolère.LorsquesonregardremontaverslevisagedeScarlet,ilyavaitunebrutalitédanssesyeuxquilafit
souffrirplusqu’ellenel’effraya.—Toi,d’abord.Pourquoim’espionnes-tu?Scarlethaussaunsourcil, laissantsacuriositéàproposdutatouageprimersadouleur.Elledit,avec
autantdedéterminationqu’ellepouvaitrassembler:—T’espionner?N’importequoi!JecherchaisGabriel.Scarlet fitquelquespasconfiantsversTristanetpencha la têtepourexaminer le tatouage.C’estune
répliqueexactedesondessin,aumoindredétailprès.—Tum’asvuedessinerexactementlemêmemotifsurmahanche.Pourquoiai-jefaitça?Sonregardnefaiblitpas,pasplusquesontonaustère.—Jenesaispas.Scarlet l’observa unmoment, ne sachant pas trop ce qu’il fallait penser. Si lamarque qu’elle avait
griffonnéependantlesdeuxdernièresannéesétait lareproductiondutatouageducorpsdufrèredesonpetitami—untatouagequidescendaitdesacagethoraciquejusquedanssonpantalon,alors…EllebaissalesyeuxetdévialeregarddeTristan.PasétonnantqueGabrielaitétébouleversélorsqu’ilavaitvuledessinsursahanche.Elle n’avait pas de mots. Pourquoi serait-elle entrée dans cette nouvelle vie avec presque aucun
souvenir,alorsqu’elleserappelait—danslesmoindresdétails,enplus—letatouagedeTristan?TouteslesréponsestendaientversquelquechosequeScarletn’étaitpasprêteàaccepter.Ellereleva
progressivementlatêteetleregarda,plusattentivementcettefois.
Sonvisageétaitencorecrispé,hostile.Soncorpsétaittoujourstenduetfroid.Maissesyeux,d’unvertbrillantprofond,souffraient.Iln’yavaitpasdehaineeneux,aucuneapathie.Justedelatristesse.LestraitsdeScarletdevaientavoirreflétésespenséesparcequeTristansecouasilencieusementlatête
etplissalefrontensigned’avertissement.Presquecommepourdire:«Neparlepasdeça».LapoitrinedeScarletsegonflaets’affaissacommeelleleregardaitensilence.—Quemecaches-tu?Sesyeuxcommencèrentàbrûler.Ilsétaientprobablementbleuélectrique.«Génial!»Elledéglutit.—Dequoiest-cequejenemesouvienspas?LesyeuxvertsdeTristanétincelèrent,etlecœurdeScarletsemitàpomperavecuneferveurcomme
jamaisauparavant.Frappantimprudemmentcontresacagethoraciquecommes’ilneluiappartenaitpas.Commes’ilavaitbesoindeselibérer.Commes’ilpouvaitdéchirersonâmeendeuxpours’échapper…—Scar,dit-il,savoixsebrisantquandilvitsesyeuxbrûlants.Tu…—Commentm’as-tuappelée?Sa belle voix vint à ses oreilles et heurta quelque chose de profond et chaud à l’intérieur d’elle.
Quelquechosedontellesesouvenait…l’amour.—Tudoissortird’ici,dit-ilfermement,alorsquesesyeuxavaientl’airpaniqués.—Tum’asappelée…Scar…Elle fitunautrepasvers lui, soncœur lapoussantàavancer tandisqu’ilmartelait frénétiquementà
l’intérieurdesapoitrine.Ellelevalesyeuxverssonbeauvisageetinclinalatête.Savoixsefitdouce,curieuseetconsciente.—Tum’asappeléeScar.C’estmonnom…Scar…Elleouvritlabouchecommes’ilallaitparler.—Scarlet!LavoixdeGabrielsurgitdel’escalierdusous-solpourpénétrerdanslachambredeTristan,brisantle
silence.Ilsdévièrentleregardl’undel’autreetsedirigèrentdansdesdirectionsopposées.Tristansetournaet
seretiradanslasalledebainprincipale.Scarletcommençaàmarcher,lentementetdansunétatdechoc,verssaporte.«Ilm’aappeléeScar…Jemesuissouvenuedesontatouage…Qu’est-cequeçaveutdire?Pourquoi
nepuis-jepasm’enrappeler?»Lafrustrationremplitsesveines.Elledétestaitsoncerveaufêlé.ElledétestaitlessecretsqueTristanluicachait.
Etelledétestaitquesesyeuxsoientencoreenfeu.Tristanarrivaderrièreellevêtud’unechemisepropreet,sansétablirdecontactvisuel,ilssortirentde
lachambreàcoucheretmontèrentl’escalierpourrejoindreGabrieletNate,quicherchaientScarlet.LecœurdeScarlettambourinait,refusantdesecalmer.Enpartieàcauseduchocd’avoirvuletatouagedeTristan.Maisaussiparcequ’elleavaitquelquechosed’importantàdireauxgarçons.Quelquechosed’essentiel.
69
GabrieletNateparcouraientlavilleàessayerdecomprendrecequipourraitprovoquerlatransformationimmédiated’unepersonneencendresunefoismorte,lorsqueGabrielavaitreçulestextosdeScarlet.En voyant Tristan et Scarlet remonter du sous-sol ensemble, le premier sentiment deGabriel fut la
jalousie.MaisilfutrapidementremplacéparlapeurquandilvitlesyeuxdeScarlet.Sesyeuxtrèslumineux,trèsbleuélectrique.Lesgens-cendresn’étaientpluslapréoccupationprincipaledeGabriel.—Scarlet,çava?IlregardaTristan.—Qu’as-tufait?Tristanluiadressaunregardnoir.—Jen’airienfait.—Regardesesyeux!Scarletsemitàsecouerlatête.—Oubliemesyeux.J’aieuunsouvenir.Ellesentitquelquechosedechauddescendrelelongdesonvisageetposaunemainsursonnez.Dusang.Ellesaignaitdunez.Tristanjuraetdétournaleregardenserrantlespoings.Nateinspiraprofondément.Gabrielapprochad’elleetpritsonvisagedanssesmains.—Tuesmalade,Scarlet.C’estgrave.—Jevaisbien.Ellesedégageadesesbras,reculaetessuyasonnez.—Écoute-moi,j’aieuunsouveniretj’ail’impressionquequelqu’unestendanger.Scarletprituneprofonderespiration.—J’aicachéuneflèche.Dansunedemesautresvies,jemesouviensdem’êtreenfuieavecuneflèche
etdel’avoircachéeparcequejesavaisqu’elleétaitdangereuse.Laflèchemefaisaitpeur,etjevoulaisdésespérémentlamettreàl’abri.Touslestroislaregardèrentattentivement.—Laflèchevatuerquelqu’un…ouquelquechose.Jenesaispas.Scarletmaugréadefrustration.—Jen’arrivepasàmesouvenirpourquoi,maisjesaisqu’elleestdangereuse.Laflèchemerendait
tristeetj’avaispeur,alorsjel’aicachée.Vous,lesgarçons,savez-vousdequoijeparle?Ilssecouèrenttouslatête.
—Tupensaisquelaflècheétaitdangereuse?demandaNateenlaregardantattentivement.—Tunem’asjamaisparléd’uneflèchecachée,ditTristand’unevoixdoucealorsqu’ilregardaitson
nez.Saignait-elleencore?—Niàmoi.Àsonregard,Gabrielsemblaitinquiet.—Scarlet,es-tucertainequec’étaitunsouvenir?Tesyeuxsontbrillantsettonnezsaigne,cequiveut
direquetuestrèsmalade.Serait-ilpossiblequetuaiesmélangédeuxsouvenirs?—Jesuispeut-êtremalade,maisjenesuispasfolle,Gabriel.J’aicachéuneflèche!J’aiparcouruune
vieillemaison,j’aicherchéunendroitsûretjel’aicachée!Tousnefirentquelafixerduregard.—Grrr…Scarletserappelasoudainl’armoirequ’elleavaitvuedanslachambredeTristan.—Jevaisvousmontrer.ElletournalestalonsetseprécipitaenbasverslachambredeTristan.Touslasuivirent.Scarletpénétradanslapièceinterditeetseruaversl’armoiredanslecoin.Elleparaissaitparfaitement
identiqueàcelledesessouvenirssaufsonusure.Elleenlevaletiroirdubasetvidasoncontenusurleplancher.—Quefais-tu?demandaTristan,quilaregardaitattentivement.—Jevaisvousprouverquejenesuispasfolle.Scarlet tâtonna le fond du tiroir jusqu’à ce qu’elle trouve une encoche.Elle regarda les garçons en
haussantunsourciletenlevaledoublefond.—Vousvoyez?Toutlemondedanslapiècefixaitlecompartimentsecret,bouchebée.Là,commesiletempsn’avaitpaspassé,reposaituneflèchedélicatedontl’extrémitéétincelaitdansla
lumièredelachambre.—Qu’est-ce…?Gabrielsepenchapourregarderlaflèche.Tristantenditlamainetpritrapidementlaflèche.—Tuascachéçadansmonarmoire?Scarlethaussalesépaules.—Jesuppose.—Tristan,ditNatelentement.Peut-êtredevrais-tumelaisserm’enoccuper.Tristanneditrien.—As-tuuneidéedelaraisonpourlaquelleScarletpensaitquelaflècheétaitdangereuse?ditGabriel
enregardantNate.
NateregardaTristan.—Aucuneidée.Tristans’éclaircitlagorge.—Jusqu’à cequenous sachionspourquoiScarlet l’a cachée,nousdevrionsprobablementmettre la
flècheàl’abri.Jevaisl’enfermerdanslapiècededétenteaveclesautresarmes.NateregardafurieusementTristan.—Quedirais-tusijel’enfermais?Tristanluiadressalemêmeregard.—Non,merci.Jevaisprendresoind’elle.Surce,Tristanquittalachambre,apportantlaflècheaveclui.
70
ScarletregardaTristanpartiretsetournaversGabriel.—Laflècheestdangereuse.Elle n’avait aucune idée de la raison pour laquelle elle le savait,mais c’était vrai. La flèche était
mortelle.Gabrielhochalatêteetlaregarda,inquiet.—D’accord.Ehbien,tun’asplusàt’inquiéteràcesujet.JesuiscertainqueTristanlamettradansun
endroitsûr.Ilobservaattentivementsesyeux,sesyeuxbrûlants.—Commenttesens-tu?Quelquechosedechaudcouladenouveaudesonnez,etlesyeuxdeGabriels’écarquillèrentdepeur.—Jemesensextrêmementbien.Scarlets’essuyalevisageetretrouvasamainensang.Ellenesesentaitpasextrêmementbien.Ellese
sentaitnerveuse.Etfragile.—Scarlet,tesyeuxbrillentdemanièreincontrôlée.Gabrielposasamaincontresajoueetlaregardaavecinquiétude.NatefitunpasversScarlet.—Tudevraissortirduchalet.LaprésencedeTristanvaseulement…—Jesais!lecoupaScarlet.Pourquois’enprenait-elleàNate?Iln’avaitrienfaitdemal.Personned’ailleurs.Alorspourquoipaniquait-elle?—Jesais,jesais,repritScarlet,quis’éloignadelamaindeGabriel.Tristanmetue.J’aicompris.Je
vaispartir.Elleétaitencolère.Etfrustrée.Et…triste?Quesepassait-ilavecsesémotions?Scarletsepréparaàquitterlapièce.—Jedoismepréparerpourlebaldetoutefaçon.Gabrieltenditlamainverslasiennepourlaretenir.—Jenecroispasquenousdevrionsalleraubal.Jecroisquetudevraisyallerdoucement.Prendredu
repos…—Etquoi?Boiredujusd’orangeetmangerdelasoupepouletetnouilles?Non,Gabriel!Jen’aipas
lagrippe.J’aiunproblèmecardiaquerareliéàdusangimmorteletjenepeuxguérirqu’avecdel’eaumagique.Jenesuispasmalade,jesuisjusteentraindemourir.Gabrielparladoucement:—C’estpourquoijenecroispasquenousdevrionsalleraubalcesoir.
Leplusdrôle,c’étaitqueScarletn’avaitpasvoulualleraubalaudébut.Maisquelquechoseàproposde Gabriel qui disait de ne pas y aller lui donnait envie de lui montrer simplement qu’elle étaitresponsabledesavie—etdesamort.—Non.Jenevaispasrestercachéedansmonlitcommeunemauvietteàattendrequelamortvienne
mechercher.Jeveuxalleraubal.«Ouah!Jamaisdelaviejenepensaisdirecescinqmots.»—Non,ditsévèrementGabriel.Ilfauttereposer.Scarletavançad’unpasversluietfixasonséduisantvisagesurprotecteur.—Jevaisaubal,Gabriel.Avecousanstoi.Ellese retournaet repartitvers l’escalierpourmonteraurez-de-chaussée,soncœurbattant toujours
sauvagementenelle.EllenevoyaitTristannullepart,maisellesavaitqu’ilétaitàproximité.Soncœurlesavait.Elle claqua la porte derrière elle, partit dans l’allée,montadans savoiture et partit vers chez elle.
Avecchaquekilomètreparcouru,soncœurenfuries’apaisaitlégèrement.Maissesyeuxcontinuaientdebrûler.
71
—Quiestexcitéeparlebald’hiver?criaHeather,quifitirruptiondanslachambredeScarletavecunerobebleueridiculementbouffante.Ellebranditunelonguehoussedevêtements.—Yé,ditScarletsansenthousiasme.Ellen’étaitpasvraimentd’humeuràs’habiller.Niàallerdanser.Niàfairequelquechose,enfait,sauf
êtrestresséeàproposdelaflèchequ’elleavaittrouvée.Etdufaitquetouslesgarçonsdanssavieessayaientdeluidirequoifaire.—Çanesonnepasexcité.Çasonnedéprimé.C’estimportant,Scarlet!Soisheureuse!ScarletfeignitunsouriredevantlesbonnesintentionsdeHeather.—Jesuisheureuse.C’estjustequejen’aimepasm’habillerchic.— Pouah, c’est parce que tu es nulle là-dedans. Mais n’aie pas peur ! Je suis ici pour te rendre
éblouissante.HeathersedirigeaavecnonchalanceverslelitdeScarletetouvritlahousse.—Attendsdevoircequej’aichoisipourtoi.C’estin-cro-ya-ble.—S’ilteplaît,nemedispasquetunousasprisdesrobesassorties,ditScarlet,véritablementterrifiée
dedevoiralleraubalhabilléecommeunemyrtillesurdimensionnée.—Non.Maisjeleferailaprochainefois,carjepeuxdireàtonintonationcombientuseraisravieà
l’idéed’êtrehabilléeexactementcommemoi.Heatherluiadressaunsouriretaquinalorsqu’ellesortaitdestissusgrisetnoirs.—Ta-da!Scarletregardalarobeélégantedanslesmainsdesonamie.—Heather,çaressembleàunerobedebaldefind’études.—C’enestune.—Maiscen’estpascetypedebal.C’estlebald’hiver.Heather,incrédule,enfutbouchebée.—C’esttonpremierbalavecunvraigarçonenchairetenosquienpincepourtoietquiesttrèssexy!
Tuasbesoind’unerobequitue.Elleagitalecintre.—You-hou!Scarletsecoualatête.—Jeserairidiculelà-dedans.Jevaisavoirl’air…d’unepoupée.—Ouais!Unepoupéebranchéesupersexy!Allez,mets-la.Scarletserenfrogna.Heatherinclinalatête.
— Que vas-tu porter d’autre, Scarlet ? Cette robe d’été jaune pâle dans ton placard qui te faitressembleràunebananetriste?Jenepensepas.Habille-toi.Heatherjetalarobesurlelit.Scarletregrettasoncoupdecolèreauchaletplustôt.Elleauraitpréféréavoirétémoinscatégorique
surlefaitdeparticiperaubalparceque,maintenant,ellenevoulaitabsolumentplusyaller.Maisellenepouvaitpaschangerd’avismaintenant.Soncherorgueilmalplacéétaitenjeu.Scarletpritdoncàcontrecœurlarobeéléganteetl’enfila.Elleavaitunbustiernoir—beaucouptrop
serrépourqueScarletpuisserespirernormalement—etunelonguejupefourreaudetaffetasgris.Scarletseregardadanslemiroir.Endehorsdesonincapacitéàprendreuneprofonderespirationsansdéchirerendeuxsoncorsetajusté,
Scarletparaissaiteffectivement…bien.Elleétaitjolie.Etparaissaitenbonnesanté.Cequiétaitincroyablementtrompeur.Heather frappadans sesmains et cria denouveau.Onaurait dit unemeneusede claquepour le bal
d’hiverquiporteraitunpomponbleu.—J’adoreça!Bon,occupons-nousdetescheveux.Scarletregardaseslongscheveuxnoirsdanslemiroir.—Ilsontl’airbiencommeça.—Euh…Oui.Si tuveuxalleraumini-golf !Cequ’il leur fautcesoir,cesontdesbouclesetde la
tenue.—Mescheveuxn’ontbesoinderien.Heatherfitlamoue.—S’ilteplaît,nemeprivepasduplaisirdecebal.Laisse-moim’amuseravectescheveux…S’ilte
plaît?Malgrésonhumeurmaussade,Scarletsourit.—Trèsbien.« C’est ce que les filles normales, celles qui ne vont pasmourir, les adolescentes, font. »Elles se
préparentpourlebaletfontsemblantqueleplusgrosproblèmedanslavie»consisteàtrouverduvernisàonglesquin’écaillepas.»ScarletsuivitHeatherdans lasalledebainetendura trenteminutesde tiraillementetdeferà friser
avantqueHeatheraitfini.Lerésultatfinalétaitunamasgéantdegrossesbouclesbrunes.Etriendeséduisant.Scarletregardasescheveuxgonflésdanslemiroir.—Jeressembleàunlion.Àunlionsauvagebrun.Heatherexaminasescheveuxindisciplinésenfaisantclaquersalangue.—Tuasraison.Tuasbesoind’unebarretteoud’épinglesouautrechose.Suis-moi.
ScarletsuivitHeatherdanssachambreoùellesedirigeaimmédiatementverssonmiroir.—Pouah!Jesuisridicule.—Net’inquiètepas,jevaisarrangerça.HeatherfouilladanslaboîteàbijouxsurlacommodedeScarlet.—Aha!Ellebranditquelquechosederondetbrillant.C’étaitl’anneauqueNateavaitdonnéàScarlet.— C’est beau ! On va juste attacher quelques-unes de tes boucles fofolles avec ça, et tu seras
magnifique.—Non,ditScarlet,paniquéesansvéritableraison.—Non?s’étonnaHeather.Scarlet,regarde-toi.C’estn’importequoi!Ilfautdomptertescheveux.—Exact.Maispasavecça,dit-elleenmontrantl’anneau.Cen’estpasunepinceàcheveux.Heatherleregarda.—Peut-êtrepas,maisc’estunetrèsjoliebague…oubroche…oujenesaisquoi,et jen’aiqu’àla
fixeravecunetonned’épinglesàcheveux.Scarletfitlamoue.—Jenecroispasquec’estunebonneidée.Heatherplissalesyeux.—Alors,quoi?Ellehaussalesépaules.Ellen’enavaitaucuneidée,maiselleétaitcertainequecetanneaun’étaitpas
unaccessoiredemode.Heathersoupira.—Ehbien,peuimportecequec’est,c’estbeau.Ettuesbelletoiaussi.Alors,jevaisvousréunir.Je
reviens.Heathercourutverslasalledebainetrevintavecunarsenald’épinglesàcheveux.Ellepritquelques
mèchesdecheveuxquiretombaientsur levisagedeScarletet lesplaçaderrièresa têteen lesprenantdanslebijou—Scarletseplaignitdel’anneautoutlelong.DecequeScarletensavait,l’objetmystérieuxétaitunebaguemagiquedelamortquiconvoquaitles
démons depuis la Terre du Milieu, ou quelque chose du genre. Scarlet déclencherait probablementcertainssortsanciensenleportantetprovoqueraitaccidentellementuneguerredansuneautredimension.LadernièrechosedontScarletavaitbesoindanssavie,c’étaitdeplusdedramesvaudou.Ellecommençaàtirerl’anneaubrillantdesescheveuxquandHeathertapasursamain.Fort.—Heather!s’exclamaScarlet,contrariée.—Tunevaspasanéantirtoutmontravail,ScarletMarie!Maintenant,ajoutaHeatherenbattantdes
cils,aide-moiàregarderdanstaboîteàbijouxpourtrouverdesbouclesd’oreillesassortiesàmarobe.
HeathersedirigeaverslacollectiondebijouxdeScarletetfarfouillaparmisesnombreusesbouclesd’oreillestandisqueScarletsetournaitpourseregarderdanslemiroir.Sesyeuxétaienttrèsbleus.Plusbleusqu’hier.Ouquelaveille.Sonétatempirait,maisaumoins,sesyeuxavaientcessédebriller.Ellen’avaitpasbesoinqueHeather,
quiavaitunebonneintuition,labombardedequestionsausujetdesonchoixdegouttespourlesyeux.Soncœurs’accéléra,luirappelantquequelquechosen’allaitpas.Quelquechoseendehorsdesoncœurmourantetdesesyeuxélectriques.Quelquechosen’allaitpasaveclaflèchequ’elleavaittrouvée.Quelquechosen’allaitpasavec…Tristan.Scarletfutinterloquéeparcettepensée.Ellen’avaitaucunsens,maisellesavaitque,inexplicablement,sanslemoindredoute,quelquechose
n’allaitpasavecTristan.Ellenesavaitjustepasquoi.Scarlet essaya de rassembler ses pensées qui s’entrechoquaient. Pourquoi est-ce que quelque chose
n’iraitpasavecTristan?Puis,ellesesouvintdesparolesdeNatesurlaFontainedeJouvence.«ÀpartlamortdeTristan,c’estleseulmoyendetuerlesangàl’intérieurdetoi.»SilesangdeTristanmourait,elle…vivrait.Et,toutàcoup,ellesutpourquoilaflècheétaitdangereuse.Ellepouvaittuerlesimmortels.LesimmortelscommeTristan.«LaflèchepeuttuerTristan,etilétaitimpatientdemelaprendreaujourd’hui.»Scarletpritunedifficilerespiration,détournantlesyeuxdumiroir.Tristanallaitsetueraveclaflèchequ’elleavaittrouvée.Uneflèchequ’elleluiavaitpratiquementremiseaujourd’hui.Enquelquesorte,ellesavaitcequ’ilallaitfaire.Soncœurcommençaàs’emballer.«Pourquoiferait-ilunetellechose?»Laréponsen’avaitpasd’importance.Cequiimportait,c’étaitdes’assurerqueTristannefaisaitrien
destupide.Personnen’allaitdonnersaviepourelle.SurtoutpasTristan.—Bon,lesclassiquesbleuesoulesfantaisiesbleues?Heathersedétournadelaboîteàbijouxetlevadeuxpendentifsàsesoreillesavantderoulersesyeux.—Attends, pourquoi je te pose la question à toi ? Tu suggèrerais probablement que je porte des
bouclesd’oreillesenformedebonhommedeneigeouuntrucdugenre…—Tristan,ditScarletdistraitement,sentantsesyeuxcommenceràbrûler.SansregarderHeather,elleseprécipitahorsdelachambre.
— Que fais-tu ? Scarlet, je ne vais pas porter Tristan à mes oreilles ! C’est juste bizarre. Etprobablementimpossible.Savoixs’estompacommeScarletdescendaitl’escalier.—Bienquejeleporteraiscertainementd’autresmanières…Scarlet!Oùvas-tu?Scarletneréponditpas.Ellesedirigeaverslaported’entréeetsaisitsesclésetseschaussureschics
avantdepartir.Ellen’avaitpasletempspourdesbouclesd’oreilles.Tristanallaitmourir.
72
TristanentenditNateentrerdanslapiècededétente,maisrefusadefairedemi-tour.Ilcontinuaàregarderlemurremplid’armes,tenantlaflèchequeScarletavaitcachéedanssamaind’immortel.—Nefaispasça,ditNate.Tristanrestadosàlui.—As-tuvulesyeuxdeScarlet?Sonnezensang?Savoixsebrisa,maispeuluiimportait.Une fois que le nez de Scarlet commençait à saigner, elle vivait habituellement seulement quelques
jours—ensupposantque…IlentenditNatefaireunpasenavant.—Nouspouvonsencoretrouverlafontaine.Tristansecoualatête.—Onmanquedetemps.Etsoyonshonnêtes,lafontainen’existeprobablementpas.Quesuis-jecensé
faire?Tristanseretournaetregardasonamidelonguedate.—Lalaissermourirunecentainedefoisdeplusparcequejesuistropégoïstepourmourirpourelle?
Non.Ilsecoualatête.—Jedoislefairemaintenant.Naterestasilencieuxunlongmomentàregarderleplancher.—Toietmoiavonseubeaucoupdevies,ajoutaTristan.MaisScarlet,non.Elleaeuunepoignéede
vies partielles, passant chacune d’elles perdue et perplexe. Aucune d’entre elles n’a été pleine etheureuse.Elleméritequejelefasse,Nate.Tristandéglutitetditdoucement:—Tusaisquej’airaison.Natelevalesyeuxetditlentement:—Tun’aspasàfaireça.—Si,affirmaTristan.Jeledois.Lentementetdemanièrehésitante,Natedit:—Maisc’estpourtoujours.Iln’yaaucunretouraprèsça.Tristanfittournerlaflèchedanssamain.—C’estleplan.Natebougea,malàl’aise.—Queveux-tuquejediseàGabrieletàScarlet?Tristanravalasonémotion.
—Lavérité.Ilsortitdeuxenveloppesdesapochearrièreetlesremitàsonvieilami.— Je les ai gardées en sécurité ces dernières années. Ce sont mes derniers mots pour Gabriel et
Scarlet.Jeveux…qu’aucund’euxnepensequej’aivouluquitterleurmonde.LesyeuxdeNatesemblaientpeinésquandilpritlesenveloppes.Tristanprituneprofondeinspiration.—Merci,monami.Nateneditrien,etTristanquittalapièce.Pourladernièrefois.
73
Scarlet trébucha sur sa longue jupe grise quand elle entra dans le chalet sans frapper avant de seprécipiterdansl’escalierverslesous-sol.—Tristan!Elleatteignit lesous-soletseruadanssachambre.Sesbouclesstratégiquementplacéesretombaient
sursonvisageetsonbustiercomprimaitsarespiration.—Tristan!cria-t-elleàtue-tête.Ellevitunarcmonté,appuyécontresonarmoireetlaflèchemortellesursoncomptoirdesalledebain.
Ilapparutdansl’arche,habilléd’unechemisenoireunieetd’unpantalonnoir.Habillépourmourir.«Pourmonpropresalut.»—Tunepeuxpas…Non,tuneferaspasça,ditScarlet,quipassaentrombedevantsonbeaugrandlit
pourentrerdanslasalledebainets’emparerdelaflèchesurlecomptoir.Tristan,quisemblaitstupéfaitetperplexe,dit:—Tudoispartir,Scarlet.Tuesmalade.—Non!Elleluifitface,laflèchedanslamain.—Tu ne réussiras pas àme repousser cette fois ! Je sais ce que tu as l’intention de faire et je ne
permettraipasqueçaarrive.Ilécarquillalesyeuxetellesutqu’elleavaitraison.Ilavaitvraimentl’intentiondemourir.Illaregardasévèrement.—Va-t’en!Ellesecoualatêteetpointalaflècheverslui.—Tunepeuxpastetuer.LamâchoiredeTristansecrispa.—Pars.Elleabaissalaflècheetinclinalatête,essayantdelesentir.Ilavait…peur…etétait…résolu.Ilsedirigeaversl’autrecôtéducomptoiretsemitàouvrirtiroirsetarmoires.—Non.Scarletsecoualatête.—Jenetelaisseraipasfaireça.Ilseretourna,serraseslèvres,etleregardtriste,dit:—Tunepourraspasm’arrêter.
Scarletrestabouchebée.Sesyeuxbrûlaientcommejamais.—Jesuisresponsabledemavie.Jesuisresponsabledequandjevisetdequandjemeurs.Pastoi !
Tun’aspasàdonnertaviepourlamienne.Jenetelaisseraipasmebriserlecœur—briserlecœurdeGabriel—commeça!L’airtristedeTristansetransformaenuneexpressiondepeurquandilditdoucement:—Regardetesyeux,Scar.Regarde-les.Scar.IlavaitencoreappeléScar,etc’était…parfait.Ellesetournaetseregardadanssonmiroirgéant.Sesyeuxétaientenfeu.Unfeubleuétincelant.Alors
qu’elles’examinait,unegouttedesangtombadesonnezetellel’essuyarapidement.LavoixdeTristanétaitétoufféeetvoilée.—Tuesentraindemourir.Elleprituneprofondeinspirationtandisqu’elleregardaitdanslemiroir.SevoiràcôtédeTristan,leurscorpscôteàcôte,luibrisalecœur.Ilsétaientbeaux.Lesvoirtouslesdeux,ensemble,commes’ilsappartenaientl’unàl’autre,c’étaitbeau.Etilallaittout
emporter.Elle regarda ses yeux bleus lumineux pendant encore un instant avant de croiser son regard dans le
miroir.Ellemaîtrisasavoixautantquepossible.—Jemefichedemourirmillefoisdeplus.Ellesetournapourluifaireface.—J’aibesoindetoipourvivre.Ellenesavaitpaspourquoielleavaitbesoindeluipourvivre,c’étaitcommeça.Tristanse tournaet ilsse tinrent faceàface,àseulementquelquescentimètres.Sapoitrine tremblait
soussarespirationinégale,etsesyeuxluirenvoyaientdeladouleuretundéchirement.Ellerisquaitdepleurer.Elleallaitpleurer.—Tun’aspasbesoindemoi,Scar.Tuasbesoindelavie.Ettoutcequejefais,c’esttelaprendre.Ellesecoualatêteavecinsistance,lesentantluiéchapper.—Maistumedonnesaussilavie.—Oui,ettuesvivanteencemoment,ici…Il la regarda avec amour et regret, et Scarlet pensa qu’elle allait mourir d’avoir le cœur brisé
immédiatementsurlecarrelagedesasalledebain.—…parcequemonsangt’aramenée.Maisjenelelaisseraiplusjamaist’emporter.Scarletouvritlabouchepourcrier,hurler,donnerdescoupsdepiedetsebattre,maistoutcequisortit
futuneimplorationhésitante.—S’ilteplaît?
Unelarmetombasursonvisage,unelarmequ’ellenesavaitpasposséder.Ilallaitlalaisserpourtoujours.Elleposasesmainsfrêlessursalargepoitrineetlevalesyeuxverslui,désespérée.—S’ilteplaît?Tristandéglutit,etellefermalesyeux,sentanttoutcequ’ilsentait.Del’amour…ilétaitcomplet,réeletbrisaitTristanendeux.Delapeur…quinouaitsonestomacetletourmentaitavecdelaculpabilité.Delahaine…pourl’injusticedanslaviedeScarletetlasienne.Etdel’espoir…l’espoirdequoi…?—Quepeux-tuespérer?demanda-t-elle,d’unevoixàpeineplusfortequ’unmurmure.Unlongmomentdesilences’écoulaavantqu’ilréponde:—Jeveuxquetuaiesunevraiechancedeconnaîtrelasérénité.—Non,chuchotaScarletenrouvrantlesyeux.Jeneveuxpasdesérénité…passanstoi…Quedisait-elle?Scarletnesavaitpaspourquoiellevoulaitsidésespérémentlegarderenvie,maisrienn’avaitjamais
étésiimportantpourelle.LesyeuxvertsdeTristan,quidéversaientdanslessienslemanqueetlatristesse,sepenchèrentvers
sonvisage.Sa mâchoire carrée s’inclina à côté de sa tête, et ses lèvres parfaites hésitèrent juste en face des
siennes.Était-cemalsiellel’embrassait?Oui.Maisellelevoulaitquandmême.Siunbaiserpouvaitlegarderdanssonmonde—siunbaiserpouvaitlefairechangerd’avis—,elle
l’embrasseraitpassionnément.Parcequ’elleavaitbesoindelui.Ellenesesouvenaitpasdelui,maisellesavaitqu’ellenepouvait
pasvivresanslui.LeslèvresdeTristaneffleurèrentlessiennestandisquesamainchauderemontaitderrièresoncoupour
caressersatête.Elleouvritlaboucheetinspira,essayantd’absorberautantdeluiqu’illeluipermettrait.Ilsentaitle
cuir,lesavonettoutessortesdechosesmerveilleusesquandilapposaseslèvressurlessiennes.Ilmurmuracontresabouche:—Jesuistellementdésolé.Ellesentitunepiqûrederrièresonoreilleetsutimmédiatementqu’elleavaitperdu.—Non…,dit-elled’unevoixrauquependantquesoncorpstombaitmollementengourdidanssesbras.Lecristal.Ildevaitl’avoirpiquéeaveclecristaldesommeil.Elleentenditlaflèchetomberdesamainetheurterlecarrelageàsespieds.
TristanredressadélicatementScarlet.Ellenepouvaitrienfairesaufleregarder,incréduleethorrifiée.Ilallaitsetuer.Alorsqu’elledormait.Illacouchasursonlitmajestueuxetlabordadesesmainstremblantes,lesyeuxhumides.—Jesuistellementdésolé,Scar.Il se pencha et embrassa son front de ses lèvres douces pendant qu’elle reposait dans unemer de
couverturesetdedrapsquisentaientcommeluietremplissaientsoncœurd’amour.Ilallaitsetuer,etellenepouvaitpasl’enempêcher.Elles’endormait…Uneautrelarmetombasursajouetandisquesesyeuxlourdsdesommeilleregardaientrécupérerl’arc
etlaflèche,etquitterlapièce.La porte de la chambre se ferma doucement derrière lui, et alors que son monde commençait à
s’estompersousl’effetdusommeil,ellevitunelarmeruisselersursajoueàluiaussi.IlallaitdétruirelaplusbellechosedontScarletnepouvaitsesouvenir.
74
—Scarlet!criaGabrielenétatdepaniquealorsqu’ilsortaitdesavoituredansl’alléeetouvraitlaporteduchalet.Ils’étaitrenduchezellepourlaconvaincredenepasalleraubaletavaittrouvéuneHeatheragitéeet
morose,quiseplaignaitdebouclesd’oreillesetducomportementfantasquedeScarlet.Quand Heather avait raconté comment Scarlet avait mentionné le nom de Tristan, Gabriel s’était
immédiatementdirigéverslechalet,lapeurauventre.Scarletétaitmaladeetprobablementdésorientée.Oupire.—Scarlet!cria-t-ildenouveauencourantàl’étagepuisenvérifiantlerez-de-chaussée.Ilfinitparseprécipiterausous-soletfitirruptionchezTristan.IltrouvaScarlet,belleetimmobile,surlelitdesonfrère.Sesjouesétaientbaignéesdelarmes,sarespirationétaitprofondeetrégulière.Ilavançaverselleetla
secouadoucement.—Scarlet…Scarlet,chérie.Rien.Aucunmouvement.Aucuneréponse.Illasecouaencoreunefois,maiselleneseréveillatoujourspas.«OùestTristan,etpourquoiScarletdort-elledanssonlit?»SurlesdrapsàcôtédelatêtedeScarletsetrouvaitlepetitcristalblancducapteurdecerveau.Tristanl’avaitdroguée.Gabrieljura,alimentéparlarage.Ilvérifiasonpoulsetexaminatoutsoncorpspours’assurerqu’elle
allaitbien.PourquoiTristanferait-ilunechosepareille?GabrielcourutfrénétiquementverslapharmaciedeTristanpourchercherl’antidote.Aprèsl’avoirtrouvé,ilseruaverslelitetinclinadoucementlatêtedeScarlet.Ilpiquaàl’arrièrede
sonoreilleaveclecristalnoir,réveillantsoncorpsaveclesérum.Scarlets’éveillaetsemitimmédiatementàfairedel’hyperventilation.Denouvelleslarmesjaillirent
desesyeuxtandisqu’elleditdansunsoufflesaccadé:—Tristan…va…se…tuer.Gabrielenfutperplexe.—Quoi?—Ilva…setuer…aveclaflèche…pourbriserlamalédiction.Nousdevons…l’arrêter!Pendantuninstant,GabrielrejetalesmotsdeScarlet.Elleétaitmalade.Elleétaitperplexe.—Scarlet,es-tusûre…—Oui!Laflèche…peuttuer…lesimmortels.C’estpourquoi…jel’aicachée.Ilfautsedépêcher!
LesyeuxdeScarletéclairaientlachambre.Gabriels’apprêtaitàargumenterquand,soudain, toutavaitunsens.LesecretdeTristanàproposde
l’identitédesavictimedemeurtre…LapeurdeScarletparrapportàlaflèche…Tout.LesyeuxdeGabrielbrûlèrentdepeuretdecolère.Commentpouvait-ilêtreaussiégoïste?Scarletseredressaetcommençaàtremblerdetoussesmembres.—Nousdevonsyaller.Maintenant!—Horsdequestion,ditGabriel.Tunevasnullepart.Cemécréantvientdetedroguer.Turestesici.Sesyeuxélectriquesilluminèrentlapièce.—Impossible!Scarletquittapéniblementlelit,sescheveuxnoirsretombantendésordreautourdesonvisage.—Nousdevonsl’arrêter.Gabrielvoulutargumenteravecelle,maisilcraignitqueladiscussionpuisseêtretroplourdepourelle
émotionnellementetquecelabrisesoncœurencoreplusvite.—Trèsbien.Allons-y.Illaconduisithorsduchaletpourserendreàsavoiture,dontlemoteurtournaitencore.—Sais-tuoùilestallé?Scarletsecoualatête.—Aucuneidée.—Alors,nouscommenceronsparchercheraucentre-ville.GabrielmontaitdanslavoiturequandilvitScarlets’arrêterauborddel’allée.Illavitfermerlesyeuxetinclinerlatête.Ilattendit.C’estalorsqu’ellepartitencourantdanslesbois.«Etmerde!»Gabrieléteignitprécipitammentlemoteuretpartitàsapoursuitedansl’obscurité.
75
ScarletcouraitaveuglémentetdésespérémentàtraversunbosquetquiformaitleseulobstacleentreelleetlavieprécieusedeTristan.Ellenesavaitpasoùilétait.Maisellepouvaitlesentir.Etellesuivaitcettesensationsanshésiter.Elle courait à travers lesbuissons, les flaquesdeboue et les feuillesdéchiquetées.Levent d’hiver
glacialfouettaitsescheveuxdécoiffésetlibéraitsesboucles.Ellesentitl’anneauenargentsedétacheretlesaisitpournepasleperdre.Aufuretàmesurequ’ellecourait,elleséchaitseslarmesetgardaitlatêtehaute.Cen’étaitpaslemomentdes’effondrer.Lemomentétaitvenudeseconcentrer.Elleapprochait,ellepouvaitsentirsonanxiété…,sapeur…,sonamourpourelles’échapperdeson
âmepourdevenirdeuiletregrets.«Oh,Tristan,quefais-tu?»S’ilteplaît,nemeurspas.Sespiedsmartelaientlaterretandisqu’elleavançaitaussivitequesestalonshautsleluipermettaient.«Audiable!»,pensa-t-elle,etelleenlevaseschaussurespourcourirpiedsnusàtraverslesarbres.Terrifiéeetgelée,ellecouraitverslaseulepersonneassezstupidepourmourirpourelle.TristanArcher.
76
Tristanterminademontersonarcenmodeautomatiqueetdirigealaflècheverslacibleauloin.Ilvérifiadeuxfoissescalculsjusqu’àcequ’ilsoitcertainquelaflèchetransperceraitsoncœurenpleinmilieu,lecoupantendeux.Aprèsavoirvérifiélevent,illaissal’arcetavançapourallerseplacercontrelacible.Onauraitdit
qu’unmilliondekilomètresleséparaientdel’arbrecontrelequelilmourrait,maisillesparcourutquandmême.Unefoisarrivé,ilplaçasondoscontrelacibleetfitfaceàlaflèchepointéeversluiauloin.Ilprit
quelquesprofondesrespirations,fermalesyeuxetattenditquesavieachève.Laminuterieautomatiqueluidonnaitseulement90secondes,etpendantcecourtlapsdetemps,ilchoisitderepenseràlabelleviequ’ilavaitconnue.Scarlet,savoix,sonrire,sonamour,sonpardon,sonespoir…Ilavaitétébéniplusquen’importequel
autreêtreayantvécu.Etilavaitvécu.Maintenant,ilétaittempspourluidefermerlesyeuxetdedonneràScarletlachancedefairelamême
chose.Lesmainstremblantesetlecœurnerveux,ilsetintbiendroit.SesyeuxétaientencorefermésquandilvisualisaledouxvisagedeScarlet.Ilpouvaitpresquel’entendrel’appeler.Ilpouvaitpresquesentirsaproximité,etlapaixquiallaitavec
elle.Unedernièreimpressiondesérénitéavantquesavies’efface.Il entendit le mécanisme de détente de la flèche s’enclencher, prêt à tirer, et prit une dernière
respiration.Surcettedernièrepensée,ilpriapourqueScarlettrouvedanssoncœurlaforcedeluipardonnerun
jourdeluiavoirsauvélavie.
77
—Tristan,non!Scarletvitlaflècheauloinetcriad’unevoixrauque.—Tristan!Soncœurbattaitfrénétiquement,plusfortquen’importequelautrebruitdanslaforêt.Ilnebougeapas.Ilneréponditpas.Commes’ilétaitsourdetaveugle…déjàperdupourelle.L’idée lui brisa le cœur et la fit courir plus vite. Elle atteignit son corps juste aumoment où elle
entenditundéclicauloin.Avant qu’elle réalise ce qui se passait, elle sentit quelque chose de pointu pénétrer dans son dos,
coupant l’oxygène dans ses poumons et anéantissant tout sauf la vue des beaux yeux de Tristan, quis’ouvraientavecuneexpressiond’horreurabsolue.—Scarlet…La voix deTristan resta coincée dans sa gorge tandis qu’il attrapait son corps, qui tombait pour la
deuxièmefoiscettenuit-là.—Scarlet…?Savoixtremblaitpresqueautantquesesmainslorsqu’illadéposadoucementsurlesol.Ques’était-ilpassé?LamaindeScarlettombasurlecôté,tenanttoujoursl’anneautandisqu’illasecouaitdoucement.Elle
vitunelarmetomberd’undesesyeuxvertbrillant.Scarletlevalesyeuxverslui,détachée.Ellenesentaitaucunedouleur,aucunetristesse…justedela
curiositédevantsonvisagepeiné.«PourquoiTristanpleure-t-il?Pourquoiest-iltriste?Ilestvivant!»Unejoiepaisibles’installachezScarletquandellepritconsciencequeTristann’étaitpasmort.Ilétaitvivant.Ellel’avaitsauvé.Sesyeuxsemirentàbrûler,etlevisagedeTristansedéformatantilsouffrait.—Non,non,non…Scar…Non,non.Çanepeutpasseproduire…Oh,Scar…Ilsepenchaverselleetcommençaàembrassersonvisagetoutencaressantsescheveux.Maisellenesentaitrien.LavoixcasséedeTristanarrivaàsonoreille:—Jesuistellementdésolé…Jesuistellementdésolé…Jesuistellementdésolé…Iltoussait,pleurait,tremblaitetilétaitfroid.Ilétaitvraimentfroid.Etsafroideurs’infiltraitenelle.Scarletclignadesyeux.Non.
Elleétaitfroide.Partout.Etellenepouvaitpassentirsesmains,nisespieds,nisatête…—Tristan…?dit-elle,désorientée.Ilembrassasonfrontàtraversseslarmes.—Jesuistellementdésolé…tellementdésolé.Ils’étouffasousl’émotion.—Jesuistellementdésolé,Scar…Latristessel’envahitalorsqu’ellevoyaitlasouffrances’abattresurlecorpsagitédeTristan.Sesyeux
brûlantscommencèrentàdeveniraveuglesquandunsouvenirl’assaillit.Elles’enabreuva,essayantd’eningérerautantqu’ellelepouvait.Aprèsunmoment,elles’éloignadusouveniretrevintauvisagedouxethumidedeTristan.Lanoirceurquis’abattaitsurellefaisaitreculerTristandansuntunneletl’éloignaitdeplusenplus.—Tristan…dit-elled’unevoixlointaineetétouffée.Elleréunitchaqueparcelledeforcequiluirestaitetmurmura:—Jesaisoùestlafontaine.Etlà,toutdevintnoir,froidetmort.
1
TristanregardalalueurbleuebrillantedisparaîtredesyeuxdeScarlet.—Scar!cria-t-il.«Non,non,non!»Illadéplaçadoucementpourlarapprocherdavantagedesoncorps,ettoutensanglotant,ilpritlecôté
desonvisagedanssamaintremblante.—Scar?Savisionétaitfloue.—Reviens-moi,Scar.Allez.Ilclignadesyeuxpourchasserseslarmes.—S’ilteplaît…LecorpsdeScarletétaitmoudanssesbras,etunepaniqueintenseparalysasespoumons.Ilsecentra
surl’intérieurdelui-mêmepouressayerdetrouverlespulsationscardiaquesdeScarletaumilieudeladouleuretdelasensationd’oppressiondanssapoitrine.Ilchercha…etchercha…Ilchassadavantagedelarmesetcherchaencore…Enfin,iltrouva.Briséetfaible,lecœurfragiledeScarletbattaitàunrythmetrèsralenti.Elleétaitencoreenvie.Ilentenditquelqu’uncriersonnomauloin,maisleseulbruitquiintéressaitTristan,c’étaitlesouffle
quisortiraitdelabouchedeScarlet.Iln’yenavaitaucun.Ellenebougeaitpas.Ellenerespiraitpas.Maissoncœurbattait.Il passa samain sur la peau douce de son dos, là où la flèchemortelle dépassait encore.Du sang
coulaitdelablessure,baignantsesdoigtsdechaleur.«Non,non,non…»Ilnepouvaitplusrespirer.Ilnevoulaitplusrespirer.—Scar…?Le ciel nocturne de décembre était rempli d’étoiles, qui passaient furtivement à travers les arbres
majestueuxdelaforêt,etleclairdeluneprojetaitunedoucelueurcontrelajouedeScarlet,luidonnantunairtranquilleetensanté.Leclairdelunementait.—Scarlet!Tristan entendit son frère jumeau,Gabriel, crier dans la forêt. Le son coupa à travers les arbres et
transperçal’estomacdeTristan.
—Scarl…Gabrielémergeadel’obscuritéetcourutdanslaclairière.Àboutdesouffle.Cherchantdésespérément
Scarlet.Quand Gabriel l’aperçut blottie dans les bras de Tristan, il s’arrêta dans son élan. Son regard se
déplaçadehautenbasducorpsdeScarletetilpâlit.—Non!Savoixrésonnacontrelesmontagnessilencieusesetdérivajusqu’àlalunemensongère.TristanôtasamaintremblantedelajouedoucedeScarlet.—Non!répétaGabrieltandisqu’ilcouraitverseuxettombaitàgenouxàcôtédeScarlet.Qu’est-il
arrivé?demanda-t-ild’untonsecàTristanalorsqu’ilregardaitScarlet.Scarlet?Qu’est-il…?GabrielaperçutlaflèchequisortaitdudosdeScarletetlamarenoiredesangsoussoncorps.Ilsuffoquaetpassasesmainssursoncorps.—S…Scarlet?IllevalesyeuxversTristan.—Qu’est-ilarrivé?Tristanessayad’avalersasalive,maisilnepouvaitpas.Savoixsecassaetsedéforma.—Jenevoulais pasqu’elle soit touchée.Elle n’était pas censée être ici. Je ne savais pas…Jene
savaispas…UnecolèrenoireobscurcitlevisagedeGabrieltandisqu’ilplissaitlesyeux.—Ques’est-ilpassé?—Laflècheétaitcenséemetoucher,moi.Jenesavaispasqu’elleétaitici.Jenesavaispas…Jene
savaispas…Maiselleestencoreenvie.DesmilliersdesouvenirssurgirentdevantlesyeuxdeTristan.Ilnepouvaitpaslaperdre.Pasencore.Pascommeça.— Elle est encore vivante, répéta Tristan, comme si le dire à haute voix était assez puissant pour
permettreenquelquesorteàsoncœurdecontinueràbattre.—Scarlet?LavoixdeGabrielétaitdoucecettefoisetmêléedesouffrancequandilregardasonvisageéteint.—Scarlet…Tum’entends?Tristan ferma ses yeux, essayant de s’accrocher aux faibles battements de cœur dans la poitrine de
Scarlet:lesbribesdeviequisedébattaientetqu’ilaimaittant.—Poussez-voustouslesdeux!Cettefois,c’étaitlavoixdeNatequigrondaitdanslanuit.Tristannesavaitpasd’oùarrivaientGabriel
etNate,maisils’enfichait.Ilsefichaitdetout,saufdeScarlet.—Gabriel,pousse-toi!
Nates’accroupitdevantScarlet,écartantGabriel.—Tristan,lâcheScarlet!Natesemblaitfairepreuved’autorité,desérieux.Ilyavaitàpeineunsoupçondepaniquedanssavoix.Tristanouvritlesyeuxpourregardersonami,maisilrefusadelaisserScarlet.—Tristan.Natebaissasavoix.—Lâche.Il posa sesmains sous le corps de Scarlet et tira doucement pour tenter de la dégager des bras de
Tristan.—Lâche-la,Tristan!aboyaGabriel,dontlavoixbrûlaitdechagrinetdecolère.Tristanmurmura:—Ellen’estpasmorte,Nate.Jepeuxlasentir.Ilregardasonamidansl’expectative.—Elleadit…Elleaditqu’ellesavaitoùétaitlafontaine…et…etensuite,elleafermélesyeux…,
maisellen’est…ellen’estpasmorte…,ellen’estpasmorte…Jepeuxencorelasentir.Sespensées,sonraisonnement,soncœur,sonâme…tousétaientperdus.Tousétaientvides.Lui-mêmeétaitvidedetout,saufdel’échofeutréducœurdeScarlet.NatesepenchaetregardaTristansévèrement.—Tudoisarrêterdelatoucher,Tristan.Tuesentraindelatuer.Tristanclignadesyeux.LeregarddeNatesedurcit.—Plustulatouches,pluselles’affaiblit.Laisse-la.Tristan libéra Scarlet à contrecœur et regardaNate la soulever lentement. Il fit attention de ne pas
déplacerlaflècheetrepartitàtraverslesarbres.Gabriellesuivit.Tristanessuyasonvisaged’unemaintremblante,serelevaet trébucha.Laterrecommençaàtourner.
Lesnuagessombreset lesétoilesscintillantesau-dessustournoyaientlesunsdanslesautrescommeunbainàremouslaiteux.Ilessayadetrouversonéquilibre,maiscen’étaitd’aucuneutilité.Riendecequiavaittraitaumondenefonctionnaitplus.L’équilibreétaitimpossible.Scarletétaitsurlepointdemourir,etc’étaitsafaute.Entièrement.Sa.Faute.Lecœurserréetlespoumonscomprimés,Tristanrepartitverslechalet.VerslefaibleappelducœurmourantdeScarlet.