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COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER BUD POWELL THE QUINTESSENCE LIVRET EN FRANÇAIS - ENGLISH NOTES INSIDE THE BOOKLET NEW YORK 1944 - 1949 FRÉMEAUX & ASSOCIÉS

COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER BUD POWELL · New York City, 29 janvier 1946. SAVOY S 5878-2. 6. Jay Bird. JAY JAY JOHNSON’S BE BOPPERS : Johnson (tb, lead), Cecil Payne (as),

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Page 1: COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER BUD POWELL · New York City, 29 janvier 1946. SAVOY S 5878-2. 6. Jay Bird. JAY JAY JOHNSON’S BE BOPPERS : Johnson (tb, lead), Cecil Payne (as),

COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER

BUDPOWELL

THE QUINTESSENCE

LIVRET EN FRANÇAIS - ENGLISH NOTES INSIDE THE BOOKLET

NEW YORK1944 - 1949

FRÉMEAUX & ASSOCIÉS

Page 2: COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER BUD POWELL · New York City, 29 janvier 1946. SAVOY S 5878-2. 6. Jay Bird. JAY JAY JOHNSON’S BE BOPPERS : Johnson (tb, lead), Cecil Payne (as),

DISCOGRAPHIE

Bud Powell (p) dans toutes les plages

CD I

1. Floogie Boo. COOTIE WILLIAMS AND HIS ORCHESTRA : Williams (tp, lead), Eddie “Cleanhead”Vinson (as), Eddie “Lockjaw” Davis (ts), Norman Keenan (b), Sylvester “Vess” Payne (dm). NewYork City, 4 janvier 1944. HIT CR-346.

2. Honeysuckle Rose. Même formation que pour Floogie Boo. New York City, 6 janvier 1944. HITCR-352.

3. Blue Garden Blues (Royal Garden Blues). COOTIE WILLIAMS AND HIS ORCHESTRA :Williams (tp, lead), Ermit V. Perry, George Treadwell, Lamar Wright, Tommy Stevenson (tp), EdBurke, Robert Horton, Ed Glover (tb), Eddie “Cleanhead” Vinson, Frank Powell, Sam “The Man”Taylor, Lee Pope, Eddie de Verteuil (reeds), Leroy Kirkland (g), Carl Pruitt (b), Sylvester “Vess”Payne (dm). New York City, 22 août 1944. HIT T-451.

4. Reverse The Charges. FRANK SOCOLOW’S DUKE QUINTET : Socolow (ts, lead), FreddyWebster (tp), Leonard Gaskin (b), Irv Kluger (dm). New York City, 2 mai 1945. DUKE.

5. Long Tall Dexter. DEXTER GORDON QUINTET : Gordon (ts, lead), Leonard Hawkins (tp),Dillon “Curley” Russell (b), Max Roach (dm). New York City, 29 janvier 1946. SAVOY S 5878-2.

6. Jay Bird. JAY JAY JOHNSON’S BE BOPPERS : Johnson (tb, lead), Cecil Payne (as), LeonardGaskin (b), Max Roach (dm). New York City, 26 juin 1946. SAVOY S3309.

7. Jay Jay. Même séance que pour Jay Bird; SAVOY S3311.

8. Bebop In Pastel (Bouncing With Bud I) . SONNY STITT ALL STARS (BE-BOP BOYS) : KennyDorham (tp), Sonny Stitt (as), Al Hall b), Wally Bishop (dm). New York City, 23 août 1946.SAVOY S3338.

9. Serenade To A Square. Comme pour Bebop In Pastel, mais Kenny Clarke (dm) remplaceBishop . New York City, 4 septembre1946. SAVOY S3342.

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10. Good Kick. Même séance que pour Serenade To A Square. SAVOY S3343.

11. Epistrophy. KENNY CLARKE AND HIS 52nd STREET BOYS : Clarke (dm), Kenny Dorham (tp),Sonny Stitt (as), Ray Abrams (tss), Eddie De Verteuil (bars), John Collins (g), Al Hall (b),Walter “Gil” Fuller (arr, lead). New York City, 5 septembre 1946. SWING D6 VB 2792-1.

12. Rue Chaptal (Royal Roost). Même séance que pour Epistrophy. SWING D6 VB 2795-1.

13. Boppin’ A Riff. BE-BOP BOYS : Fats Navarro, Kenny Dorham (tp), Sonny Stitt (as), MorrisLane (ts), Eddie De Verteuil (bars), Al Hall (b), Kenny Clarke (dm), Walter “Gil” Fuller (arr).New York City, 6 septembre 1946. SAVOY S-3346 (Part One) et S-3347 (Part Two).

14. Webb City. Même séance que pour Boppin’ A Riff. SAVOY S-3352 (Part One) et S-3353 (PartTwo).

15. I’ll Remember April. BUD POWELL TRIO : Dillon “Curley” Russell (b), Max Roach (dm).New York City, 10 janvier 1947. ROOST 2291.

16. Indiana. Même séance que pour I’ll Remember April. ROOST 2292.

17. Somebody Loves Me. Même séance que pour I’ll Remember April. ROOST 2293.

18. Bud’s Bubble (Crazeology). Même séance que pour I’ll Remember April. ROOST 2295.

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CD II

01. Off Minor. Même séance que pour I’ll Remember April. ROOST 2296.

02. Everything Happens To Me. Même séance que pour I’ll Remember April. ROOST 2298.

03. Cheryl. CHARLIE PARKER ALL STARS : Parker (as, lead), Miles Davis (tp), Tommy Potter (b),Max Roach (dm). New York City, 8 mai 1947. SAVOY S3422-2.

04. Tempus Fugue-It (Tempus Fugit). BUD POWELL TRIO : Ray Brown (b), Max Roach (dm).New York City, janvier ou février 1949. CLEF 242-5.

05. Celia. Même séance que pour Tempus Fugue It. CLEF 243-3.

06. Cherokee. Même séance que pour Tempus Fugue It. CLEF 244-1.

07. I’ll Keep Loving You. Solo de piano. New York City, février ou printemps 1949. CLEF 245-1.

08. Strictly Confidential. Même personnel que pour Tempus Fugue It et même séance que pourI’ll Keep Loving You. CLEF 246-4.

09. All God’s Chillun Got Rhythm I. Même personnel et même date que pour StrictlyConfidential. CLEF 247-3.

10. Bouncing With Bud II. BUD POWELL’S MODERNISTS : Fats Navarro (tp), Sonny Rollins (ts),Tommy Potter (b), Roy Haynes (dm). New York City, 8 août 1949. BLUE NOTE 360-3.

11. Wail. Même séance que pour Bouncing With Bud. BLUE NOTE 361-3.

12. Dance Of The Infidels. Même séance que pour Bouncing With Bud. BLUE NOTE 362-2.

13. 52nd Street Theme. Même séance que pour Bouncing With Bud. BLUE NOTE 363-1.

14. Ornithology. Même séance que pour Bouncing With Bud, mais sans Navarro ni Rollins. BLUENOTE 365-1.

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15. Parisian Thoroughfare. Même personnel et même date que pour Ornithology. BLUE NOTE366. (Interprétation inachevée).

16. All God’s Chilldren Got Rhythm II. SONNY STITT-BUD POWELL QUARTET : Stitt (ts), Dillon“Curley” Russell (b), Max Roach (dm). New York City, 11 décembre 1949. PRESTIGE 1000A.

17. Sonny Side. Même séance que pour All God’s Chillun Got Rhythm II. PRESTIGE 1001.

18. Bud’s Blues. Même séance que pour All God’s Chillun Got Rhythm II. PRESTIGE 1002B.

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“QUELQUE CHOSE DEBEAUCOUP PLUS PROFOND”

Monk reste unique : on ne peutle singer sans faire la bête, et

plutôt tristement. L’individualismenon moins farouche de Bud - qui nevoulait même pas (surtout pas)composer avec Parker, à bien deségards son alter ego - sembles’éparpiller dans les innombrablescopies de sa manière que ses dévotsont répandues durant plus de quinzeans. Mais cette impression ne résistepas à l’analyse. Si rien n’est plus aiséque de confondre les disciples entreeux (au point qu’un blindfold testportant sur des powelliens mèneraitles champions de ce sport droit à ladéconfiture), il est impossible à uneoreille exercée de prendre n’importelequel de ces pianistes pour leurmaître.

Les fils ont beau être le portraitcraché du père, le père s’obstine àne pas reconnaître ses enfants. Il seretrouve en eux, trait pour trait. Etcependant, on ne les retrouve pas enlui, comme on retrouve par exempleDizzy Gillespie dans Armstrong, ouMax Roach en Baby Dodds. Par sonmystère, cet engendrement a quelquechose d’une immaculée conception :la reproduction n’y attente pas à lavirginité du modèle.Powell, par moments, peut êtretatumien ou, par éclairs, monkien.En tout cas, il n’est jamais powellien.Powellien selon le dogme et laliturgie. Les fidèles se sont appropriéjusqu’au dernier lambeau du saintsuaire, jusqu’à l’ultime écharde de lavraie Croix : le Verbe leur échappe.Ou plutôt, ils ont confondu le Verbeavec un vocabulaire, une syntaxe,une graphie et une encre. De Bud, ils

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ont tout pris, sauf l’essentiel. On lescompare à des voleurs de feu quin’emporteraient que les cendres, lethermomètre et le casque ducapitaine des pompiers.C’est que, pour flamboyer comme ille fit, Bud se calcinait lui-même. Lebûcher où il avait élu domicile étaitle grand, le terrible secret de lasorcellerie que nous lui prêtonsvolontiers. Mais le grand secret deson incandescence ne résidaitcertainement pas dans les charbons,les vestiges noircis qu’elle laissaitderrière elle. Désirait-on vivre unpeu de sa passion, il fallait ou bienbrûler Bud (ce que personne ne s’estrésolu ou risqué à faire, pas mêmeCecil Taylor), ou bien grimper à sontour sur les fagots, alimenter laflamme de sa propre substance.Jusqu’à un certain point, quelques-uns d’ailleurs y sont parvenus : ceux

que Monk hantait aussi (HerbieNichols, Randy Weston) et quelquesorthodoxes heureusement dévoyéstels que Sonny Clark, Elmo Hope ouHorace Silver. Et puisqu’on parled’autoconsomption, comment ne pasciter Bill Evans ? Bill avait comprismieux que quiconque que le feu deBud Powell était un feu de glace, unfeu de miroir brisé (glassenclosure) renvoyant en éclatsl’image d’une beauté pourtantindivisible. Dans un entretien donnéà Randi Hultin, journaliste norvégien,en 1964, on l’entend dire à peu prèsceci : “Il y a plusieurs sortes d’émotion - la facile, la superficielle, etl’autre, qui ne vous fait ni rire nipleurer, qui ne vous fait rienéprouver si ce n’est un sentimentd’absolue perfection. C’est ce queBud me faisait ressentir. Unesensation que nous donne

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quelquefois Beethoven... Ca n’est pasque c’est beau, au sens de joli ou debrillant : il s’agit d’autre chose, dequelque chose de beaucoup plusprofond. Quand ils évoquent lesgéants du jazz - Bird, Dizzy, Miles,Bud - je pense que les gensn’accordent pas à ce dernier toutel’importance qui est la sienne.”Encore faut-il s’entendre sur l’absolude la perfection powellienne. Jamais- on peut le constater ici - cetteperfection n’a supposé une absencede défauts. En revanche, elle a surendre ces défauts comme néces-saires. Elle a su promouvoir en euxcette nuance d’humanité qui d’unecertaine manière en effet, pour lesmortels que nous sommes, perfec-tionne le divin.

Alain Gerber

A propos de la présente sélection

Bud, Monk et Cootie WilliamsNé à New York le 27 septembre1924, bénéficiaire de leçons depiano (classique) depuis l’âge de sixans, Earl Rudolph “Bud” Powellquitta le collège à quinze ans poursuivre l’orchestre de son frèreWilliam. Par la suite, il complètera saformation musicale sur le tas, auprèsde la chanteuse et trompettisteValaida Snow, travaillera dans lesbars harlémites et ne tardera plus àse lier d’amitié avec TheloniousSphere Monk, son aîné de sept ans etl’un des pianistes qui avec Art Tatumet Billy Kyle (pilier du sextette deJohn Kirby) auront exercé sur lui laplus profonde et durable influence. A ce débutant au jeu plein d’audacemais au tempérament timide, Monk

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ouvrit les portes d’un des deuxgrands laboratoires du bebop, celuioù officiaient notamment CharlieChristian et Kenny Clarke : le fameuxMinton’s Playhouse (1). Plus tard, ilévoquera son jeune compère dansune de ses compositions, In WalkedBud, et en écrira une autre à sonintention expresse, le bopissime52nd Street Theme, que lui-mêmes’interdira toujours de jouer pourbien marquer qu’il lui en avait faitprésent. De son côté, après avoirenregistré Off Minor en janvier1947 (2), Powell conservera jusqu’àsa mort, le 1er août 1966, quelquesmélodies monkiennes à sonrépertoire, signant même à Paris, en1961, un album intitulé A Portrait OfThelonious où l’on retrouve OffMinor aux côtés de Ruby My Dear,Thelonious et Monk’s Mood.L’altiste Jackie McLean a confié à Ira

Gitler qu’à la fin des années 40encore, Bud lui parlait sans cesse du“Prophète” et insistait pour lui faireentendre sa musique, qu’il allaitrecueillir à la source, dans le petitappartement où Monk expérimentaitdes idées dont on peut dire qu’enpleine révolution bop elles repré-sentaient l’insoumission au seinmême de la dissidence. Des idées quifaisaient peur, mais des idées qui,grâce à Powell et Gillespie surtout,allaient faire souche.“L’influence harmonique de Monksur Powell - a noté André Hodeir -reste considérable ; mais le secondoublie volontairement le côté agressifdu langage de son aîné. De même,bien que Bud Powell soit un maîtrede l’accentuation, ses accompa-gnements, moins disjoints, dynami-quement moins découpés, ne vontpas aussi loin dans l’exploration de

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l’espace musical que ceux de Monk.”C’est aussi, répondrons-nous, queBud, plus qu’il n’explore un ter-ritoire vierge, sillonne l’univers pré-existant que son génie a créé detoute pièce. Il n’est pas plus soucieuxde confort que son mentor.Simplement, dans ses improvisations,à sa grande époque, il est toujourschez lui - alors que Monk, mêmejouant Monk (3), semble progresserà l’aveugle en terrain miné. Pour lereste, Hodeir a cent fois raisond’opérer une distinction, au moinsimplicite, entre l’anguleux et ledisjoint. Car la principale singularitéde Powell, son apport le plusparadoxal et le plus fécond, fut deconjuguer une articulation des plusaccidentées à une fluidité excep-tionnelle (la seule de ce temps, peut-être, que ne ridiculisait pas la com-paraison avec la coulée tatumienne).

En 1942, succédant à Kenny Kerseyet précédant Thelonious, l’adolescentest engagé dans le big band dutrompettiste Cootie Williams. Celui-ciavait décidé de voler de ses propresailles, après avoir quittésuccessivement Duke Ellington etBenny Goodman. On notera que,même si sa contribution a dû selimiter à inscrire ce paraphe sur lapartition, Cootie est le cosignataired’Epistrophy, qu’il grava dès le 1eravril 1942 sous le titre de Fly Right(avec Kersey) et de ‘Round Midnightdont, là encore, il offrit au public lapremière version enregistrée, le 22août 1944. Bud, qui n’y tient qu’unrôle subalterne, aurait beaucoupinsisté, croit-on, pour que son chefassurât la promotion de cette oeuvre.De tous les solos de piano quitémoignent de son séjour chezWilliams, certains annoncent plus

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nettement que d’autres le musicienqui allait triompher à partir de 1946,ce musicien défini par PhilippeBaudoin comme “le plus grandpianiste bebop et l’un des rares (...)contemporains de Charlie Parkerque l’on puisse hisser au mêmeniveau que Bird pour l’émotion, leswing, l’inventivité et l’ébouriffantetechnique.” On fait parfois mentionde I Don’t Know et de Do Some WarWork, Baby, du 4 janvier 1944, oude My Old Flame, voire de SweetLorraine, donnés deux jours plustard. On ne peut pas ne pas citer lestrois plages auxquelles nous noussommes arrêtés : Floogie Boo, oùson demi-chorus propose uneremarquable anticipation sur lesconquêtes à venir ; HoneysuckleRose, agrémenté dès l’introductionde touches “modernistiques”; RoyalGarden Blues, rebaptisé Blue

Garden Blues, qui n’est sans doutepas la pièce la plus bopisante destrois mais renferme, à notre sens,son intervention le mieux construite.Interviewé par Stanley Dance unquart de siècle plus tard, Williams amontré qu’il avait à l’égard de Bud lamême bienveillance (et la mêmeadmiration un peu perplexe) queColeman Hawkins à l’endroit deThelonious. Pour lui, “c’étaitquelqu’un de différent. (...) ungénie.” Au cours du même entretien,le trompettiste a rapporté une assezécoeurante affaire dont son sidemanfut victime à l’époque : “Noussommes allés jouer à Philadelphie, ilétait un peu en retard et il est arrivécamé à mort. Et il n’est pas rentréavec nous cette nuit-là après letravail. Le lendemain, le FBI m’atéléphoné pour me dire qu’il était enprison. Je leur ai donné le numéro

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de téléphone de sa mère. Elle aappris qu’ils l’avaient tellementfrappé sur la tête qu’il lui fallait allerle chercher. Elle n‘a pas pu le menerau train et elle a dû louer unevoiture. Il avait la tête si abîmée qu’ila fini à Bellevue : c’est comme çaque sa maladie a commencé.”

Be Bop BoysLe 2 mai 1945, au bénéfice de Duke,un label confidentiel comme il ennaissait beaucoup à New York dansl’excitation générée par le nouveaujazz, B.P. répond à l‘appel d’un bonsaxophoniste du rang, FrankSocolow, et trouve ainsi l’occasion dedonner la réplique au trompettisteFreddie Webster (4), partenaire trèsspécial puisqu’à moins de trente ans,il était une légende parmi sesconfrères les plus exigeants, aupremier rang desquels Dizzy

Gillespie et Miles Davis. Selon cedernier, il possédait “le plus beauson de trompette que vous puissiezentendre de toute votre vie”; pourDiz : “le plus beau son de trompettedepuis qu’on avait inventél’instrument”. La prise de son de cedocument irremplaçable, cependant,ne lui rend pas vraiment justice.Reverse The Charges fait entendreun Bud Powell qui, bizarrement, semontre beaucoup plus proche deBilly Kyle que dans HoneysuckleRose onze mois plus tôt.Le même homme a les yeuxrésolument fixés sur l’avenir, enrevanche, lorsqu’il enregistre, entrejanvier et septembre 1946, avec cesprécoces enfants du bebop quefurent les trompettistes Fats Navarroet Kenny Dorham, le trombone JayJay Johnson, les saxophonistes SonnyStitt, Cecil Payne (encore altiste à

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cette époque), Dexter Gordon, EddieDe Verteuil, le contrebassiste CurleyRussell, le batteur Max Roach et lecompositeur-arrangeur Walter “Gil”Fuller. Sans parler de l’homme qui,alors âgé de 32 ans, avait été l’un despères du mouvement : KennethSpearman “Kenny” Clarke, desurcroît l’un des percussionnistesmajeurs du siècle, tous styles ettoutes cultures confondues - “Klook”pour qui le mot de musicalité sembleavoir été forgé. Le genre d’artiste quin’épate pas forcément les badauds,mais catapulte au septième ciel lescréateurs qu’ils accompagnent -d’autant plus haut, d’ailleurs, qu’eux-mêmes font assaut de créativité.D’évidence, Powell est le plus avancédes jazzmen à qui l’on doit Long TallDexter. Le plus mature aussi, le plussûr de son fait. S’il reste à MaxRoach, par exemple, du chemin à

parcourir pour correspondre àl’image que l’Histoire donne de lui,Bud est parvenu au sommet de sonart. Ce que démontrent mieux encoreles réalisations qui suivent. La façondont il marque son territoire au seuilde Jay Bird, avec Johnson, est d’untrès grand seigneur ; le solo qui vientaprès le chorus de tromboneconstruit un univers en à peine plusde trente secondes. Encore peut-onlui préférer celui de Jay Jay, sur lesharmonies de I Got Rhythm, quidégage une énergie supérieure. Nousavons désormais affaire à l’un desimprovisateurs les plus denses et lesplus intenses du siècle. Sa redoutablemaîtrise technique lui permetd’exploiter sans déperdition, sur destempos à perdre le souffle, lesressources d’une intelligence musi-cale et d’une imagination qui ne secomparent qu’à celles de Charlie

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Parker. A l’image du Bird (et endépit de quelques “accrochages”,encore véniels à ce stade de sacarrière) non seulement il ne paraîtpas ressentir l’inconfort de cescourses éperdues, non seulementcelles-ci ne troublent en rien sonintimidante lucidité, mais il donnel’impression que la gageure alimenteson inspiration. Même quand sondiscours adopte un débit demitrailleuse, il ne perd rien de saconcision, de son éloquence, de sonémotion ni de sa profondeur. B.P. estcelui qui ne bavarde jamais - unetrop rare vertu, qu’il ne partageguère qu’avec Kenny Clarke dans lesfaces signées par les Boys (ceux dubebop ou ceux de la 52e Rue) à lafin du mois d’août ou au début dumois de septembre, et qui ont pourpoint commun de présenter deuxdébutants prometteurs : le trom-

pettiste Kenny Dorham et le saxo-phoniste Sonny Stitt, dont il est trèsinstructif de suivre les progrès dejour en jour, voire d’un morceau àl’autre d’une même séance(notamment d’Epistrophy à RueChaptal).Les éditions de Bebop In Pastelcréditent en général cettecomposition à Stitt, incontestableauteur de Good Kick. A l’instar deSerenade To A Square (basé surCherokee), il s’agit pourtant d’uneoeuvre powellienne. D’une des pluscélèbres en outre : Dancing WithBud, qu’il enregistrera sous sapropre responsabilité deux ans plustard (cf. CD II, plage 10). A l’écoutede ces trois faces, on dirait denouveau, surtout lorsque Bishopoccupe le siège de Clarke, que lepianiste s’est égaré dans la cour despetits. La concurrence sera plus rude

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les 5 et 6 septembre, ne serait-ce queparce que Fats Navarro est entrédans la danse. De surcroît, jouant cerôle d’éminence grise qui sembleavoir été créé pour lui, Walter “Gil”Fuller, l’arrangeur en chef du bigband de Dizzy Gillespie (5), fournitune part importante du matériel etdirige les opérations de la coulisse. A propos des 52nd Street Boys, AlainTercinet fera dans son Be-bop (6)une série de remarques trèsinstructives : “réunis en un groupeassez hétéroclite, aucun desparticipants n’était présent dans lesenregistrements consacrant la prisede parole des boppers, ni n’avaitappartenu à l’une ou l’autre desformations cardinales du bop. KennyClarke et Bud Powell auraient dû ytenir leur place mais la conscription,pour le premier, la maladie (7),pour le second, les en avaient

empêchés. Pour l’occasion, ilspartageaient l’affiche avec quelquesJeunes-Turcs bien décidés à seménager une place au soleil enservant au mieux le bop - quitte àpréjuger de leurs capacités.” Ainsi, lebaryton Eddie De Verteuil se laisse-t-il quelquefois déborder dans sesmonologues monologues. MaisPowell n’en a cure. Il est de cescréateurs bâtis sur le modèled’Armstrong : les défaillances del’entourage ne les empêchentnullement de se surpasser. Et c’estencore une qualité qu’il partage avecParker. Concentrées en tout sens duterme (quintessentielles, en somme),les interventions de piano retiennenttoutes l’attention, singulièrement lafulgurante échappée qui précède lechorus de Stitt sur Epistrophy. Onregrette seulement que les limites du78 tours n’autorisent pas un

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improvisateur de cette stature àéblouir plus longuement. Dans RueChaptal (8) il occupe toutefois ledevant de la scène plus souvent queses partenaires (Navarro, marchantsur les talons d’un Dorham incertain,est magnifique). Le lendemain, Bud, “Fat Girl” et“Klook” s’électrisent réciproquementdans Boppin’ A Riff, mais c’est aucours de l’interprétation de WebbCity, à la fin de la séance, que lepianiste délivrera un chorus regardépar beaucoup comme paradig-matique. L’un de ceux en tout cas oùl’on entend avec la plus grande clartésa chanson : la formidabledimension lyrique, la formidabletendresse de cet art que d’aucunsrecevaient alors comme uneagression, peut-être parce qu’ilignorait, comme celui de Monk, lasentimentalité et proposait de la

sensualité une version dénuée detout empoissement - oserait-on direune sensualité abstraite ?En studio, Powell et Parker ne sesont hélas rencontrés qu’une seulefois, le 8 mai 1947. Nous avons diten présentant le volume de cettecollection consacré à l’altiste (9)que si leurs musiques étaient faitespour s’entendre, les deux hommespréféraient quant à eux se tenir àdistance respectable l’un de l’autre.Par crainte - ou par souci ? - de sefaire de l’ombre, ils ont rarementadditionné leurs lumières, entre cettedate et le concert hallucinogène duMassey Hall de Toronto, le 5 mai1953 (10). S’il faut en croire MilesDavis - témoin toujours suspect maissouvent capital -, Bud se montra leplus acharné dans ce concours detêtes de cochon. On s’accordegénéralement pour citer Cheryl

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comme celui des quatre morceauxédités par Savoy où il exhibe sonmeilleur profil. Comment ne pasobserver cependant qu’une touchede mélancolie, voire de lassitude,nuance le rayonnement dont WebbCity s’était fait le reflet.

Signé Bud PowellQuelques mois auparavant, le 10janvier 1947, Bud gravait pourRoost, compagnie phonographiquede création récente elle aussi, lapremière série d’interprétationséditée sous son nom. En trio avecCurley Russell à la contrebasse et,derrière les tambours, un Max Roachdéjà beaucoup plus dégagé qu’enjanvier 1946 des influences“classiques” (celle de Big Sid Catletten premier lieu) qu’à son honneur, ilne cessera d’ailleurs jamais de

revendiquer (cf. Indiana). Letriangle piano-basse-batterie repré-sente aujourd’hui la plus convenuedes géométries du jazz en petiteformation. En ce temps-là, c’étaitencore une nouveauté. La formuleéprouvée, réclamée par le public etles producteurs, celle que Tatum enpersonne avait avalisée, préférait auxinstruments à percussion la guitareque chez Nat King Cole, Oscar Mooreavait, croyait-on, rendue indis-pensable (11). Mais, dans unecertaine mesure, le renouveau dubop consista aussi à limiter, voiredans la plupart des cas à annuler(12), l’influence - qui avait été plusque sensible - des guitaristes sur lessections rythmiques. Et ceci,paradoxalement, en dépit du fait queCharlie Christian avait été, comme dureste King Cole, l’un des précurseursdu mouvement (1). L’idée de mêler

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une batterie à l’aventure du pianoaccompagné venait en droite lignedes expériences menées dèsnovembre 1938 (How Long, HowLong Blues, The Dirty Dozens, Hey!Lawdy Mama, The Fives), puisrééditées en janvier 39 (Oh! Red,Fare Thee Honey, Fare Thee Well,Dupree Blues, When The Sun GoesDown, Red Wagon - 13), par CountBasie et la rythmique de sonorchestre : Freddie Green, WalterPage, Jo Jones. En fait nous avonsassisté avec plusieurs enregistre-ments d’Erroll Garner (lequeltoutefois n’était pas un bopper) àpartir du 18 décembre 1944, puisavec les premiers disquesmontréalais du tatumo-colien OscarPeterson en avril 45 (mais on nedevait guère les connaître à NewYork), à une grande première. Nonqu’il n’y eût déjà eu au cours de la

décennie précédente quelquestentatives sporadiques d’associer unpiano à une contrebasse et unebatterie, mais elles étaient restéessans lendemain. Au contraire - etplus encore que les oeuvres deGarner et Peterson - I’ll RememberApril, Indiana, Somebody Loves Me,Bud’s Bubble, Off Minor, EverythingHappens To Me et le reste dumatériel Roost (I Should Care, NiceWork If You Can Get It) devaientsusciter chez les jeunes pianistes uneépidémie de vocations qui continuede faire des ravages à plus d’undemi-siècle de distance. Bien qu’avecces pièces, la rupture avec latradition, voire avec la convention,soit loin d’être consommée (sur cepoint, Powell, comme le prouve sontraitement du blues et de la ballade,apparaît beaucoup moins radical queParker), c’est toute la “philosophie”

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du trio moderne qui, d’un seul élan,s’y ébauche et s’y impose.Dans cet ensemble qui fait date, ons’arrêtera au passage sur le jeu debalais autoritaire et raffiné de MaxRoach (il s’octroie un solo dansIndiana et Bud’s Bubble, aliasCrazeology), mais aussi sur laqualité dansante de I’ll RememberApril, liée à un art du récitexemplaire qu’on retrouve notam-ment dans Bubble ; sur le feu roulantd’Indiana, la technique du rebond etdu suspense à l’oeuvre dansSomebody Loves Me, la sombreallégresse de Off Minor ou lanostalgie qui, sans avoir l’air d’ytoucher, imbibe puis submerge unEverything Happens To Me pour lereste des plus gracieux.Au début de l’année 1949, B.P. dirigeune nouvelle séance en trio. RayBrown y succède à Curley Russell au

côté de Max Roach. Et le producteurn’est autre que le très entreprenantNorman Granz, pour qui le pianisteenregistrera plus de cent inter-prétations, entre cette date et le 13septembre 1946 (14). Les pièces lesplus admirées de cette collectionsont celles qui furent proposées lespremières, c’est-à-dire au plus tarden février 1951. Nous avons retenules six oeuvres de 1949, même siStrictly Confidential, au thème siplaisant, ne se hisse pas tout à fait auniveau - vertigineux - qu’atteignentTempus Fugue-It, Celia, Cherokeeet All God’s Chillun Got Rhythm. Lamême remarque vaut pour I’ll KeepLoving You (démarquage d’une destrès belles ballades du répertoire :You Are Too Beautiful) dont lechoix s’imposait néanmoins dans lamesure où il s’agit du premier solosans accompagnement figurant dans

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la discographie de l’artiste.All God’s Chillun équivaut à une“master class” d’articulationpianistique, mais ce n’est pas sonseul atout, il s’en faut. La pulsationémerveille. L’attaque également : elleest phénoménale. Et aussi lacontinuité de la pensée. La limpiditéde l’expression. La substance dechaque phrase et la cambrure duphrasé, qui s’allient pourtransformer chaque ligne en ligne àhaute tension. Sans parler du travailde la main gauche ni, bien sûr, decette façon propre à Bud decombiner le liquide et le métallique.La suprême élégance de Cherokeeest d’avoir, à pareille allure, un petitair frivole. Le déboulé est impres-sionnant et pourtant une certainenonchalance marque ce sprintéchevelé, comme si la musiqueflottait au-dessus du tempo. Dans

Tempus Fugue-It, la charge, enrevanche, a quelque chose dehaletant et d’impitoyable. CommeParker une fois de plus, Powellpouvait se montrer féroce. Jouer,non pas dans, mais de l’urgence. Etil savait aussi, Celia le prouve, fairenaître le charme sans recourir à lacomplaisance. Sans renoncer aumordant, ou plutôt, dans le casprécis, au tranchant. On appréciera,enfin, ses talents de compositeur. Ilest clair que des mélodies comme I’llKeep Loving You - où poignent ledésenchantement, l’inquiétude, voirl’angoisse qui, bientôt, ajouterontune nuance tragique à sa palette(15) - mériteraient d’être plus etmieux exploitées par ses successeursqu’elles ne le sont aujourd’hui. Auvrai, pour l’heure, pas un des grandsthèmes powelliens passés à lapostérité (Un Poco Loco, Dusk In

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Sandi, Hallucinations, Oblivion,Dance Of The Infidels, ParisianThoroughfare, Bouncing With Bud,The Fruit, etc.) ne jouit dans les faitsdu statut de standard. Ce qui revientà dire qu’étant à redécouvrir, ils onttout l’avenir devant eux.Le 8 août, un nouveau trio, complétépar Tommy Potter et Roy Haynes(lequel vient de quitter la formationrégulière de Lester Young ets’apprête à épauler Charlie Parker -16) grave, à la fin d’une nouvelleséance historique consacrée pourl’essentiel (voir plus bas) à uncombo où l’on retrouve “Fat Girl” etoù se fait les dents un certain SonnyRollins, saxophoniste de dix-huit anset demi, You Go To My Head, deuxversions d’Ornithology (17) et unetentative à moitié manquée, maispourtant captivante (18) à partir deParisian Thoroughfare. Cette oeuvre

inachevée “met en évidence, selonAndré Hodeir, les données fonda-mentales de l’improvisation jazzis-tique et, parallèlement, ses insuf-fisances : la perfecton du tempoappelle la rigueur du phrasé, alorsmême que, dans le vif del’improvisation, certaines phrasesavortent, d’autres tournent court”.Dans la master take d’Ornithology,c’est sur la science de l’accentuation(l’équilibre par l’asymétrie) que toutjazzman débutant est invité àréfléchir.Plus encore que le trio piano-basse-batterie, le quintette trompette-saxophone-rythmique fait partie del’héritage que nous ont légué lesboppers. Earl Rudolph Powell,cependant, n’a jamais été fou decette configuration, du moinslorsqu’il était libre de ses choix. C’estce qui explique qu’en studio, il n’ait

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plus jamais adopté ce module.Comme si l’expérience d’août 49 luiavait laissé un souvenir cuisant. Maiscomment une telle dépréciation eût-elle été possible ? Car, nul n’endoute, Bouncing With Bud, Wail,Dance Of The Infidels et 52nd StreetTheme comptent parmi ses exploitsphonographiques (autant que parmiceux d’un Navarro bouleversant degrandeur et d’humanité - 19). Desurcroît, ainsi que l’a souligné avecbonheur Carl Woideck en présentantune réédition de 1995 (20), cesoeuvres préfigurent l’esthétiquehard-bop qu’illustreront à partir de1954 d’autres quintettes : celui deClifford Brown et Max Roach et lesJazz Messengers codirigés parHorace Silver et Art Bakey. Bud lui-même n’est jamais moinsqu’étourdissant : dans l’abandonsurveillé de Bouncing aussi bien que

dans la rumination décrispée de52nd Street. 11 décembre : il retrouve l’équipe deson disque Roost (Roach et Russell)et, en la personne de Sonny Stitt, l’undes Be Bop Boys restés les plusactifs. En peu d’années, l’altiste s’estaffranchi de toutes le servitudestechniques qui lui mettaient naguèreun fil à la patte. Il est devenu, aprèsParker, le principal virtuose del’instrument. Et comme lacomparaison avec l’inatteignableBird, qu’on ne manquait jamais defaire à son propos, commençait à luiporter sur les nerfs, il s’était lancé àla conquête du saxophone ténor(accessoirement du baryton). Cetteinitiative se révélera d’autant plusfructueuse que Sonny appartient àcette catégorie de musiciens quichangent de planète lorsqu’ilspassent d’un outil à un autre. Ténor,

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toutes proportions gardées, c’estdavantage au Président qu’à l’Oiseauqu’il fait songer. L’exposé de Bud’sBlues, par exemple, se concevraitmal sans le précédent de LesterYoung. Mais surtout, Stitt recueille decette mutation instrumentale deuxbénéfices contradictoire : au ténor, ilest davantage lui-même qu’à alto,bien qu’il sollicite avec moinsd’insistance son impressionnantecollection de clichés personnels. Sibien qu’à beaucoup d’égards, il n’estpas interdit de considérer sesretrouvailles avec Bud (21) commele plus précieux de sa contributionau jazz enregistré. Dès l’introduction de All God’sChildren Got Rhythm, on découvreun pianiste powellissime. Quant àson chorus sur le même thème,stupéfiant échantillon de “conver-sation with myself” sans re-

recording, c’est un pur joyau. SonnySide offre en un nombre réduit demesures l’exemple du “coulé” et dutuilage fort subtil qu’il combinaitpour animer un flux par vaguessuccessives, se déroulant l’une del’autre. Le principal intérêt de Bud’sBlues réside dans l’appropriation etle déniaisement d’une rhétoriquequi, chez tout autre, sembleraitconventionnelle. Dizzy Gillespie (en 1979) : “Tousceux qui jouent du piano aujourd’huisonnent comme Bud. Parce que Bud,Ooooooh, c’était vraiment quelquechose de flambant !”

Alain Gerber

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1. Cf. Quintessence FA 218.

2. Thelonious lui-même ne signerases premiers enregistrements qu’enoctobre de la même année, pourBlue Note. Sa propre version de cethème fut gravée en trio au cours desa deuxième séance, le 24 de cemois.

3. Cf., entre bien d’autres pièces, le‘Round About Midnight’ réalisépour Vogue à Paris, le 7 juin 1954.

4. Sa contribution phonographiquela plus célèbre se trouve dans un IfYou Could See Me Now gravé parSarah Vaughan pour Musicraft le 7mai 1946, avec Bud au piano etKenny Clarke à la batterie (cf. lecoffret Quintessence consacré à lachanteuse - FA 228).

5. Dizzy, comme Parker, avait étépressenti par Charles Delaunay pourla séance Swing du 5. Mais le Bird setrouvait sur la côte ouest et “Birks”déclina l’invitation. “Probablementpour des raisons contractuelles”,suppose Philippe Milanta.

6. Dans la collection Birdland, auxéditions P.O.L.

7. Pour parler net : les suites dumatraquage évoqué plus haut.

8. Rebaptisé Royal Roost par lasuite.

9. FA 225. On y entend le précieuxtandem dans Donna Lee et ChasingThe Bird.

10. Avec Gillespie, Roach et CharlesMingus à la contrebasse.

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11. Cf. le coffret Quintessence FA227.

12. La guitare est absente de laplupart des oeuvres qui fondentl’esthétique bop, en big band commeau sein des unités plus modestes. Aupoint qu’il faudra attendrel’émergence d’un Jimmy Raney (ilsera engagé par Woody Herman etenregistrera sous la direction de StanGetz en 1948) pour que l’instrumentaccomplisse l’avancée stylistique queBarney Kessel avait à peine esquisséeauprès de Parker, en février 47 (cf.Relaxin’ At Camarillo et Carvin’The Bird in Quintessence FA 225).

13. Cf. Quintessence FA 202.

14. Cf. le coffret The Complete BudPowell on Verve, édité par Polygram(Verve 314 521 669-2).

15. Cf. par exemple GlassEnclosure, pour Blue Note, le 14août 1953, avec George Duvivier etArt Taylor.

16. Il l’accompagnera pour lapremière fois le 24 décembre de lamême année.

17. How High The Moon cuisiné à lasauce bop par le trompettisteBenjamin “Little Benny” Harris,lequel avait conjugué les accords dela chanson au chorus de CharlieParker (de ce fait cosignataire del’oeuvre) sur The Jumpin’ Blues,avec Jay McShann.

18. C’est pourquoi nous l’avonspréférée à You Go To My Head,interprétation plus aboutie maismoins révélatrice.

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19. En particulier sur Wail (pour lagrandeur) et sur Dance Of TheInfidels (pour l’humanité).

20. The Complete Blue Note AndCapitol Recordings Of Fats NavarroAnd Tadd Dameron (Blue Note CDP7243 8 33373 2 3).

21. Prestige aura l’heureuse idée deles réunir une fois de plus le 26janvier de l’année suivante, avec lemême tandem rythmique. Un chef-d’oeuvre supplémentaire, Fine AndDandy, naîtra de cette péripétie.

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Appendice : la formation et les goûtsmusicaux de Bud (d’après deuxentretiens réalisés au sanatoriumde Bouffémont par Henri Renauden janvier 1963, par FrancisPaudras en mai, et qu’on trouvecondensés dans la présentation dudisque Elektra/Musician Inner Fires- The Genius of Bud Powell.)Art Tatum aurait été selon lui sonprofesseur de piano, mais dans quelsens l’entendait-il ? Le grand homme,précise-t-il seulement, l’emmenait“faire un tour dans sa grosse Lincolnbleu ciel”. Al Haig répondait à l’idéequ’il se faisait d’un pianiste parfait. Ilse voulait aussi fidèle admirateur deBilly Kyle et de Hank Jones, montraitde l’intérêt pour la maîtrisetechnique de Toshiko Akiyoshi et, sion lui posait la question, disaitapprécier Bill Evans (“he can play”).Monk était, on l’aurait deviné, son

compositeur préféré. La musique deCharles Mingus, en compagnieduquel il s’était produit au festivald’Antibes-Juan-les-Pins, était decelles qui avaient retenu sonattention à l’époque. Au nombre deses instrumentistes préférés, il citaitMiles Davis (trompette), JohnnyGriffin (saxophone), Max Roach(batterie) et - ce n’est certainementpas insignifiant - trois contre-bassistes : Oscar Pettiford, TommyPotter et Max Roach, tous à l’oeuvredans cette anthologie.

Alain Gerber

Remerciements à Philippe Baudoinet Isabelle Marquis.

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‘SOMETHING MUCH DEEPER’

Monk was unique in his kind - any attempt toimitate him could seem rather inadequate.

Bud’s individualism, which was equally striking,has also been unsuccessfully copied by hisdisciples. As a son can be the splitting image ofhis father, the father cannot be found in the son.A reproduction is never identical to the model.One may find occasional flashes of Tatum orMonk in Powell, but he is never dogmaticallyspeaking Powellian. His followers fought in vainto capture his spirit - they took all except his trueessence. In order to blaze as he did, he burnt uphimself and the secret of his incandescencecannot be retrieved in the blackened cinderswhich remained. To experience a morsel of hispassion would entail feeding the flame with one’sown substance, which has been achieved to acertain point by some : those whom Monk alsofrequented (Herbie Nichols, Randy Weston) andseveral orthodox artists who had thankfullystrayed from the beaten track such as SonnyClark, Elmo Hope and Horace Silver. And as weare on the subject of autocombustion, weshould not omit Bill Evans, who had understoodmore than anyone else that Bud Powell’s fire wasone of ice, one of glass enclosure which threwout fragments of an image which was ofindivisible beauty. In a 1964 interview he once

stated, ‘There are different kinds of emotion - theeasy, superficial kind, and another kind, thatdoesn’t make you laugh or cry, that doesn’t makeyou feel anything but a sense of sheer perfection.That’s what I felt with Bud. It’s a feeling wesometimes get from Beethoven... It’s not that it’sbeautiful, in the sense of pretty or brilliant, it’ssomething else, something much deeper. Whenpeople talk about the giants - Bird, Bud, Dizzy,and Miles - I think they underestimate Bud.’Naturally, Powell’s perfection is not totallyflawless, but the defects are included in a waythat makes them seem necessary, giving a mortaltinge to the divine.

Bud, Monk and Cootie WilliamsBorn in New York on 17th September 1924, EarlRudolph “Bud” Powell took piano lessons fromthe age of six, then left school at fifteen to followthe orchestra of his brother William. Hismusical training was subsequently completed onthe job alongside singer and trumpeter ValaidaSnow. He played in Harlem dives and soonbefriended the pianist Thelonious Sphere Monk,who along with Art Tatum and Billy Kyle, was tohave a profound and long-lasting influence onhim.For this audacious yet shy debutant, Monkopened the doors to one of the two large beboplaboratories where Charlie Christian and Kenny

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Clarke presided - the famous Minton’sPlayhouse. After cutting Off Minor in January1947, Powell retained several Monkian melodiesin his repertory right up to his death in August1966, and even brought out a 1961 albumentitled A Portrait Of Thelonious reuniting OffMinor, Ruby My Dear, Thelonious and Monk’sMood. Powell was greatly influenced by Monk’s ideas ofharmony but chose to omit the aggressive side ofhis style and explored the universe of sound to alesser degree. This hesitation was not for thesake of comfort, but he preferred to remain onhis personal territory whereas Monk appeared toadvance blindfolded on dangerous ground.Powell’s greatest skill, however, was his ability tocombine a rugged articulation with exceptionalfluidity. In 1942, the youngster was hired in trumpeterCootie Williams’ big band. The latter haddecided to venture out alone after playing withDuke Ellington then Benny Goodman. Althoughhis contribution was undoubtedly limited, Cootiedid co-sign Epistrophy, recorded in April 1942under the title Fly Right and also ‘RoundMidnight, cut in August 1944. So the story goes,Bud, the underling, had to insist for his boss topromote this latter piece.During his period with Williams, certain pianosolos reflect the outstanding musician that he

was to become, ranked with Bird for hisemotion, swing, imagination and technique. Inthe present collection we have selected FloogieBoo, Honeysuckle Rose with its modernisticapproach and Royal Garden Blues, renamedBlue Garden Blues, no doubt the most boppyof the three.Twenty five years later Williams was interviewedand recalled how Powell’s illness came to be.They had gone to play in Philadelphia, but Budarrived late, completely doped up and did notreturn with the other members after work. Thefollowing day, Williams received a call from theFBI informing him that his musician was inprison. His mother had to fetch him butdiscovered that he had sustained severe headinjuries which necessitated hospital treatment.

Be Bop BoysOn 2nd May 1945 Bud Powell was called up bysaxophonist Frank Socolow, and thus had theopportunity of playing with trumpeter FreddieWebster, who was much appraised by othersincluding Dizzy Gillespie and Miles Davis. Thesound take of this irreplaceable document ishowever substandard. Strangely enough, inReverse The Charges Powell resembles BillyKyle more than in Honeysuckle Rose elevenmonths previously.This same man was staring ahead in anticipation

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when he recorded, between January andSeptember 1946 with the precocious children ofbebop, namely Fats Navarro, Kenny Dorham, JayJay Johnson, Sonny Stitt, Cecil Payne, DexterGordon, Eddie De Verteuil, Curley Russel, MaxRoach and Walter “ Gil ” Fuller. Not forgettingone of the fathers of the movement : KennethSpearman “ Kenny ” Clarke, one of the mostnoteworthy percussionists of the century, whowas capable of transporting those whoaccompanied him over the moon.The extent of Powell’s talents can be appreciatedin Long Tall Dexter. His maturity and self-confidence also deserve recognition. Hemanaged to reach the summit of his art as can beheard in the following titles. The way he markshis territory in Jay Bird is astounding - the solofollowing the trombone chorus creates auniverse in just over thirty seconds. Some mayprefer Jay Jay which generates even moreenergy. We discover one of the most intensemasters of improvisation of the century, whosetechnique, musical intelligence and imaginationcan only be compared to Charlie Parker. Evenwhen adopting the fastest of tempos, he remainsconcise, eloquent, emotional and deep. In thesetitles interpreted by the Boys (Bebop and 52nd

Street) the progress of two promising debutantsis worthy of interest : the trumpeter KennyDorham and saxophonist Sonny Stitt, whose

evolution is apparent from one tune to the next(particularly from Epistrophy to RueChaptal).It is generally believed that Stitt was thecomposer of Good Kick, but in reality theauthor was Powell, who was also behindSerenade To A Square and Dancing WithBud (cut two years later). In these three sidesthe pianist’s abilities appear to overbear those ofhis fellow musicians, unlike in the Septembersessions when Fats Navarro came on the sceneand Walter «Gil» Fuller, arranger for DizzyGillespie’s big band, took things in hand. Evenwhen in modest company, however, Powell wasdoted with a certain strength not unlike that ofArmstrong, enabling him to surpass his limits. Itis only regrettable that his stupendousimprovisations on the piano were restricted bythe limits of 78’s.On 6th September Bud, «Fat Girl» and «Klook»excelled with reciprocity in Boppin’ A Riff thenat the end of the session in Webb City, the pianistpresented a chorus considered by many asparadigmatic, one where his personal style isdistinct - presenting an exceptional lyricaldimension, an exceptional tenderness whichcould almost be depicted as abstract sensuality.Alas, Powell and Parker teamed up in the studiosonce only, on 8th May 1947. Their music mayhave been compatible but the two men preferred

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to keep their distance. Not wanting to shadowthe other, they rarely got together between thisdate and the hallucinogenic concert held inMassey Hall, Toronto on 5th May 1953. Of thefour titles issued by Savoy, Cheryl is usuallyquoted as showing him at his best. Yet a touch ofweariness seems to tarnish his exuberance.

Signed by Bud PowellSeveral months previously, on 10th January 1947Bud cut his first series of interpretations issuedin his name. The triangle formed with CurleyRussel and Max Roach (piano-bass-drums) maynow be considered as a standard jazzcombination but was a novelty in those dayswhen the guitar tended to replace the percussioninstruments. This cocktail of drums and pianohad already been experimented with by CountBasie and his orchestra in 1938, then by ErrollGarner (although he was not a bopper) fromDecember 1944 and again by Oscar Peterson inApril 1945. The previous decade had indeedwitnessed other attempts to associate thesesounds, but they had not born fruit. On theother hand, the titles recorded for the Roostlabel (including I’ll Remember April,Indiana, Somebody Loves Me, Bud’sBubble, Off Minor, Everything HappensTo Me) gave rise to a new movement amongother pianists which still prevails to this day.

Whereas tradition and even convention were stillrespected, the entire ‘philosophy’ of the moderntrio had a different profile. In the above-mentioned pieces we can appreciate MaxRoach’s authoritative and refined display ofbrushwork (note his solo in Indiana and Bud’sBubble, alias Crazeology), the quality of dancemusic in I’ll Remember April, linked with anexemplary recital of art particularly found inBubble, the drumfire in Indiana, the techniqueof rebound and suspense in Somebody LovesMe, the sombre liveliness of Off Minor and thedevelopment of nostalgia in the gracefulEverything Happens To Me.Early 1949 saw another trio session, this timewith Ray Brown replacing Curley Russell andwith the enterprising Norman Granz standing asproducer. Six of the tunes have been selectedhere, even though Strictly Confidential doesnot reach the same vertiginous heights asTempus Fugue-It, Celia, Cherokee and AllGod’s Chillun Got Rhythm. The samecriticism applies to I’ll Keep Loving Youwhich, nevertheless, includes the firstunaccompanied solo appearing in the artist’sdiscography. All God’s Chillun is a masterpieceof pianism where every line is loaded with highvoltage. The supreme elegance of Cherokeestems from its frivolity - it comes over as adishevelled sprint bearing a certain nonchalance

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as though the music floats above the tempo. Thepace of Tempus Fugue-It, however, is breathlessand unmerciful whereas in Celia the artist givesa demonstration of charm. Moreover, his talentsas a composer deserve recognition. It is truethat melodies such as I’ll Keep Loving You,tinged with worry and even anguish, merit abetter following by his successors than they havehad. In fact, not one Powellian theme (Un PocoLoco, Dusk In Sandi, Hallucinations, Oblivion,Dance Of The Infidels, Parisian Thoroughfare,Bouncing With Bud, The Fruit, etc.) hasentered the realms of the standards. Whichnaturally implies that they are to be rediscoveredand therefore have a future ahead of them.On 8th August we discover a new trio, completedby Tommy Potter and Roy Haynes, but where wealso find «Fat Girl» and the debuting SonnyRollins. The principle objective was to recordYou Go To My Head but in the same session twoversions of Ornithology were made as well asa partial attempt, which is nonethelesscaptivating, at Parisian Thoroughfare.The legacy of the boppers also included thetrumpet-saxophone-rhythmic quintet, thoughPowell was never overly keen on this type ofconfiguration and adopted it only once in thestudios. Notwithstanding, the resultingBouncing With Bud, Wail, Dance Of TheInfidels and 52nd Street Theme are classed

amongst his greatest achievements put to disc.On 11th December he again met up with hisRoost partners (Roach and Russell) as well asBe Bop Boy Sonny Stitt who had meanwhileswapped his alto saxophone for a tenor. Hisinitiative paid off as he seemed more at homewith his new instrument and this teaming up withBud could be considered as one of his finestcontributions to recorded jazz.Right from the introduction of All God’sChildren Got Rhythm, we find Powell in fullglory. The chorus of the same tune, a stupefyingsample of a ‘conversation with myself’, is a truegem. The same session witnessed the flowingSonny Side and Bud’s Blues with itsinteresting use of the rhetoric.

Adapted by Laure WRIGHTfrom the French text

by Alain GERBER

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