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Investissement Grands crus : analyse & perspectives Classement, Top 5, Bordeaux primeurs 2012, évolution du goût... Interview exclusif avec l'un des plus célèbres critiques français de vin de Bordeaux. A l'occasion de la sortie de son livre, Jean Marc Quarin nous livre ici quelques secrets sur l'évolution du goût, de la qualité des grands crus et... ses meilleurs recommandations. Jean Marc bonjour. Vous êtes l'un des plus grand critique français de vins. Au milieu de beaucoup d'anglo- saxons.... Ne vous sentez-vous pas à l'étroit ? Beaucoup de gens écrivent sur le vin. Parmi eux il existe très peu de critiques indépendants. J’entends par là, d’une part des gens qui ne goûtent pas une seule fois le même vin, mais le suivent depuis les primeurs jusqu’après la mise en bouteilles et tout au long de sa vie, d’autre part des personnes dont les revenus ne dépendent pas de la publicité des châteaux. Combien sommes-nous dans le monde à faire ce travail ? Très peu ! Pourquoi si peu de français? les meilleurs sommeliers du monde sont français, pourquoi si peu de critiques reconnus ? Quelle est la différence ? Critique indépendant, c’est difficile sur le plan humain et long pour faire sa place. Pourquoi moi et pas les autres ? Mes lecteurs ou ceux qui participent à mes dégustations devraient pouvoir vous répondre. Parlez-nous de l’évolution dans la conception et vinification du vin ces dernières années, quels sont les tendances ? On a l'impression que les grands millésimes se suivent les uns après les autres. Est-ce que c'est justifié ? Concernant ma spécialité le vignoble Bordelais, je dirai que le niveau moyen de qualité a tellement monté depuis 2000 que la discrimination qualitative classique, celle effectuée sur la base de la valeur du millésime perd de son sens. On découvre qu’il existe un facteur d’amélioration majeur : la main de l’homme. En période économique florissante pour le vin, dès que l’homme investit dans le travail viticole, dans la sélection, il tamponne les effets climatiques et obtient plus souvent de bons résultats. En l’occurrence, l’homme joue ici le rôle d’un second terroir. Le consommateur doit comprendre cela pour échapper à certains dictats erronés. Par exemple, le prix est lui aussi calqué sur la représentation médiatique du millésime. Or, ce système généraliste peut devenir obsolète. Autrement dit, il existe de superbes réussites dans des millésimes peu réputés et donc peu chers. En étant au plus prés du terrain ( J’habite Bordeaux) mon travail est de remarquer qui sort

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Investissement Grands crus : analyse & perspectives

Classement, Top 5, Bordeaux primeurs 2012, évolution du goût...

Interview exclusif avec l'un des plus célèbres critiques français de vin de Bordeaux. A l'occasion de la sortie de son livre, Jean Marc Quarin nous livre ici quelques secrets sur l'évolution du goût, de la qualité des grands crus et... ses meilleurs recommandations.

Jean Marc bonjour. Vous êtes l'un des plus grand critique français de vins. Au milieu de beaucoup d'anglo-saxons.... Ne vous sentez-vous pas à l'étroit ?

Beaucoup de gens écrivent sur le vin. Parmi eux il existe très peu de critiques indépendants. J’entends par là, d’une part des gens qui ne goûtent pas une seule fois le même vin, mais le suivent depuis les primeurs jusqu’après la mise en bouteilles et tout au long de sa vie, d’autre part des personnes dont les revenus ne dépendent pas de la publicité des châteaux. Combien sommes-nous dans le monde à faire ce travail ? Très peu !

Pourquoi si peu de français? les meilleurs sommeliers du monde sont français, pourquoi si peu de critiques reconnus ? Quelle est la différence ?

Critique indépendant, c’est difficile sur le plan humain et long pour faire sa place. Pourquoi moi et pas les autres ? Mes lecteurs ou ceux qui participent à mes dégustations devraient pouvoir vous répondre.

Parlez-nous de l’évolution dans la conception et vinification du vin ces dernières années, quels sont les tendances ? On a l'impression que les grands millésimes se suivent les uns après les autres. Est-ce que c'est justifié ?

Concernant ma spécialité le vignoble Bordelais, je dirai que le niveau moyen de qualité a tellement monté depuis 2000 que la discrimination qualitative classique, celle effectuée sur la base de la valeur du millésime perd de son sens. On découvre qu’il existe un facteur d’amélioration majeur : la main de l’homme. En période économique florissante pour le vin, dès que l’homme investit dans le travail viticole, dans la sélection, il tamponne les effets climatiques et obtient plus souvent de bons résultats. En l’occurrence, l’homme joue ici le rôle d’un second terroir. Le consommateur doit comprendre cela pour échapper à certains dictats erronés. Par exemple, le prix est lui aussi calqué sur la représentation médiatique du millésime. Or, ce système généraliste peut devenir obsolète. Autrement dit, il existe de superbes réussites dans des millésimes peu réputés et donc peu chers. En étant au plus prés du terrain ( J’habite Bordeaux) mon travail est de remarquer qui sort

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des sentiers battus. Je pense à Palmer 2002, Latour 2002, La Conseillante 2001, Domaine de Chevalier 2004, Haut Bailly 2006, Mouton Rothschild 2007, La Clotte 2008, Eglise Clinet 2008 etc…Il faut le voir de suite, avant que le marché ne s’en aperçoive et que le prix se corrige naturellement à la hausse.

Ce phénomène de progression moyenne de la qualité, je l’ai estimé pour chaque propriété (Voir Le guide Quarin des vins de Bordeaux). Sur les 14 derniers millésimes on remarque de suite qui stagne, régresse ou progresse et de combien vis-à-vis de l’indice de progression moyen. Cette connaissance permet de savoir quels sont les crus appliqués dont le prix montera. En effet, entre le début d’un changement qualitatif et sa reconnaissance par le marché, il s’écoule en moyenne 10 ans. Le temps de faire de bonnes affaires…

Cette régularité fait apparaître des valeurs jusqu’alors inconnues liées à la marque et à son style de goût plutôt qu’au millésime. Par exemple, si le consommateur aime le goût de Château Palmer, ce point de repère devient plus fort que tel ou tel millésime de Palmer. Dans ces conditions, autant prendre du 1999, sous estimé par le marché, que du 2000 sur estimé par le même marché de façon irrationnelle parce que encouragé par les marchands et même certains producteurs qui répètent inlassablement qu’ils ont produit le millésime du siècle. Qui y croit encore ?

Enfin, apparaît sur le marché ce que je nomme les Outsiders : des vins dont le goût est supérieur à ce que leur étiquette laisse paraître. En période économique florissante, des propriétaires de crus situés dans des appellations moins connues, ou des crus non classés entament des efforts qualitatifs. Or, à Bordeaux, le prix est basé sur la valeur des appellations. On voit que si un producteur change la façon moyenne de travailler sur ces appellations, s’il s’applique comme le font les crus plus argentés, la représentation qualitative de l’appellation s’en trouve modifiée à un point insoupçonnable ! Par exemple si vous travaillez une vigne dans l’appellation Médoc avec les mêmes soins et le même coût que sur les appellations plus prestigieuses Saint-Estèphe ou Pauillac, ces vins deviennent de sérieux compétiteurs pour les crus connus, surtout si ces derniers vivent sur leur réputation. La dégustation valorise ces outsiders qui deviennent les vraies valeurs de demain. Ces crus sont aujourd’hui de fantastiques affaires.

Quelle différence entre vieux et jeunes millésimes. Est-ce que le goût a changé ?

Oui, le goût change. Il est lié aux conditions économiques et aux développements des savoir- faire des époques. Par exemple, on ne retrouve plus dans les vins l’acidité volatile qui les caractérisait avant les années 1950. Ne sachant pas la prévenir elle faisait partie du paysage gustatif, de la norme. Si vous goûtez les grands crus de 1986, ce n’est pas si vieux, vous percevez des tanins plus carrés que ceux d’aujourd’hui, ou plus de maigreur, d’acidité. Aujourd’hui les vins sont plus charnus, plus moelleux, moins austères parce que les raisins sont vendangés plus mûrs. La conséquence est qu’ils sont plus agréables à boire jeunes, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne tiendront pas dans le temps. On a longtemps recommandé d’attendre les vins parce que les

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producteurs ne savaient pas les faire bon jeunes. Ils ont demandé aux amateurs de finir le travail en les gardant en cave tant le temps arrondit les angles…Or le temps peut aussi gommer le caractère fruité. Cet éclat du fruit est la différence principale entre vin vieux et vin jeune. Cependant, rien ne vaut un grand vin à maturité, entre 15 et 30 ans, quand le tanin est patiné ( ce que la jeunesse empêche), le fruit encore présent, le bouquet apparent ( ce que la jeunesse empêche aussi), et que le charme induit par la douce sucrosité qu’apporte la garde opère ( ce que la jeunesse empêche encore).

Quels sont les ingrédients pour réussir un grand vin ?

Une application à la vigne, des cépages et porte-greffes adaptés, une bonne densité de plantation, un âge moyen des vignes situé autour de 30 ans, un bon terroir, des outils de vinification adaptés, un climat favorable, un réseau de distribution efficace, un discours sur le goût, de la passion et un bon pilote pour harmoniser le tout. Avec un peu d’argent, c’est plus facile encore.

Votre spécialité sont les bordeaux, pourquoi ne pas associer les bourgognes, les champagnes...?

Au départ j’ai estimé qu’un terrain d’observation de 120 000 ha, avec plus de 6O appellations, des vins blancs secs, des liquoreux et 30 appellations de vin rouge étaient suffisamment grand pour y passer du temps, comprendre, expérimenter, juger. Je goûte tous les vins de France et d’ailleurs, mais c’est les Bordeaux que je suis systématiquement depuis 20 ans. Ceci dit, j’adore les bons et grands vins où qu’ils soient et je les signale à mes lecteurs. Peut-on être spécialistes de plusieurs régions ? Il faut du temps pour découvrir.

N’est-ce pas trop dur d’être critique et de vivre à Bordeaux en même temps ?

Finalement non. Il suffit de savoir garder de la distance tout en étant proche et de justifier ses critiques. Ceci dit, je vis des situations assez cocasses !

Vous classez Margaux au top de votre liste, pourquoi, comment en arrivez-vous là ?

Château Margaux offre un style aromatique très parfumé, une bouche aux atouts tactiles remarquables, toujours soyeuse, un fruité éclatant, un grain de tanin raffiné, une finale sapide, longue et un caractère général incrachable même jeune. La puissance se manifeste toujours en douceur au point qu’on peut ne pas la remarquer. C’est un vin subtil et extraordinaire dans les grands millésimes tant il associe à merveille le comble du luxe : le raffinement et la puissance en même temps. Voyez actuellement le 2003. Sa première place tient aux résultats qu’il a obtenus dans de nombreuses dégustations comparatives avec les plus grands Bordeaux réalisées à l’aveugle et en public, avec des bouteilles achetées dans le commerce, non fournies par le château.

Je crois aussi que le goût de Château Margaux n’est pas bien connu des amateurs. Pour certains, la rencontre avec ce style a été une profonde révélation dans ces dégustations. La note plaisir est très forte dans ce cru.

Quel est votre TOP 5 ?

L’extravagant de Doisy-Daëne Sauternes-Barsac; Château Margaux; Château Latour; Château d’Yquem; Petrus.

Votre avis sur le millésime des Bordeaux 2012 ?

Bordeaux a produit un millésime très hétérogène. Il se caractérise par un accès à la maturité très lent qui aurait nécessité un bel été indien en septembre et octobre pour mûrir

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parfaitement les tanins des raisins. Ce n’a pas été le cas. Dans ces conditions très classiques à Bordeaux, les terroirs précoces, plus chauds seront avantagés, le merlot aussi. Deux critères qui, sur le papier, placeraient Pomerol en tête. Ensuite, il existe des exceptions liées à des choix viticoles. Partout où les rendements étaient faibles et permettaient ainsi au raisin de mieux mûrir, le millésime avait plus de chance de ressortir. Certains cabernets francs de la rive droite sont pourtant aussi très réussis. Les situations divergent et 2012 se présente comme le millésime idéal pour un critique qui cherche à trouver la perle rare. D’autant plus que sur le plan médiatique, l’année ne devrait pas susciter d’enthousiasme particulier. Aujourd’hui Il se dit à Bordeaux que les prix baisseront. Dans ce contexte, il pourrait y avoir quelques bonnes affaires à réaliser, plus pour les buveurs que les spéculateurs.

Parlez nous de votre livre, en quelques mots ?

Ce guide présente d’abord ma méthode de dégustation dans laquelle la bouche compte plus que le nez et explique simplement comment distinguer un vin rouge jeune mal fait et sans avenir, d’un vin rouge jeune bien fait qui deviendra très bon. Il permet ensuite de faire la différence entre ce qui est simplement bon et bien fait et ce qui est grand. Je présente aussi Bordeaux et son vignoble avec de nouvelles vues. Enfin j’aborde dans le détail le goût et la note de 5500 bouteilles sur 329 châteaux entre 1994 et 2010. Je distingue les outsiders. Pour chaque cru depuis le millésime 1994 jusqu’à l’année 2010, un tableau donne les notes sur 20, sur 100, les dates de consommation, le prix grand public, le classement, l’indice de progression qualitative. Un graphe permet de visualiser la qualité des millésimes en un coup d’œil. On peut le commander sur mon site www.quarin.com avec une dédicace.

Selon vous, quelles sont les valeurs montantes. Pour quelles raisons ?

Léoville Poyferré, Pichon Baron qui prennent la tête des seconds crus classés du Médoc. Clos l’Eglise à Pomerol, La Clotte à St Emilion, Branon et Seguin à Pessac-Léognan.

Vos 3 derniers coups de cœur en Bordeaux, Bourgogne et Champagne ?

2 bordeaux, 2 Bourgognes, 2 Champagnes. Clos Manou 2009 Outsider No 1 dans le Médoc; La Conseillante 2001 à Pomerol qui sort devant Petrus; La Tâche 2005; Meursault La Goutte d’Or 2011 et 2010 de chez Buisson-Charles. Krug 1988, extraordinaire! Krug 1996, le successeur au 1988.

On ne peut pas vous laisser sans vous demander...l’après Parker, comment vous l'envisagez ?

Probablement, une redéfinition du goût.

Jean Marc merci d'avoir pris le temps de nous répondre. Nous vous souhaitons tout le succès que mérite votre livre! European Millésime le recommande fortement à tous les passionnés de vin.

Regis Paul

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