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1 INCONTINENCE, CALCULS, CYSTITES… EPARGNEZ VOTRE CHIEN EN PRENANT SOIN DE SES REINS Arcle d’Audrey Dulieux, comportementaliste et naturopathe canin. Audrey a suivi diverses formaons en naturopathie et phytothérapie, notamment à l’Ecole des Plantes de Bailleul. Elle conseille aujourd’hui les propriétaires de chiens sur les soins naturels qu’ils peuvent apporter à leur animal au quodien. Les reins font pare des organes vitaux du chien avec le cœur, les poumons, le foie, le pancréas et le cerveau. Prendre soin des reins de son chien, c’est lui garanr une bonne santé et mulplier ses chances d’augmenter son espérance de vie. SOMMAIRE Prendre soins des reins de son chien Inconnence, calculs, cystes… (p.1) Agressivité territoriale et protecon de ressource : Une méthode simple pour apprendre le partage à son chien (p.7) Premiers secours Quand la vie de votre chien est entre vos mains (p.13) Alerte grand froid Remèdes naturels pour protéger les coussinets (p.16) Ecoles vétérinaires Premier terrain de chasse des lobbys? (p.19) A quoi servent les reins ? Les reins sont des organes qui font pare de l’appareil urinaire. Ils sont au nombre de deux et sont situés dans la pare arrière de l’abdomen au niveau des deux dernières côtes. Ils sont chacun entourés d’une enveloppe externe de protecon, appelée “capsule fibreuse”. Chaque rein mesure en moyenne 6 cm de long et 3 cm de large (pour un chien de 20 kilos). Les reins ont principalement une foncon d’éliminaon : ils filtrent les déchets de l’organisme par le biais de l’excréon urinaire. De cee façon, ils assurent l’équilibre hydroélectrolyque du sang en veillant aux bons rapports entre les différents électrolytes comme le sodium, le potassium, le chlore, le calcium, le magnésium ou encore le phosphore. Ils garanssent ainsi l’équilibre de tout l’organisme en général, leur rôle est donc primordial. Ils possèdent également une foncon hormonale par le biais des glandes surrénales, qui elles ne font pas pare du système urinaire mais endocrinien (ou hormonal). Les glandes surrénales sont situées juste au-dessus de chaque rein et ont pour rôle de réguler notre taux de sucre et de sodium. Elles sécrètent n°10 - Décembre 2019 La Revue Chien Vie et Santé

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INCONTINENCE, CALCULS, CYSTITES… EPARGNEZ VOTRE CHIEN EN

PRENANT SOIN DE SES REINS

Article d’Audrey Dulieux, comportementaliste et naturopathe canin. Audrey a suivi diverses formations en naturopathie et phytothérapie, notamment à l’Ecole des Plantes de Bailleul. Elle

conseille aujourd’hui les propriétaires de chiens sur les soins naturels qu’ils peuvent apporter à leur animal

au quotidien.

Les reins font partie des organes vitaux du chien avec le cœur, les poumons, le foie, le pancréas et le cerveau. Prendre soin des reins de son chien, c’est lui garantir une bonne santé et multiplier ses chances d’augmenter son espérance de vie.

SOMMAIRE

Prendre soins des reins de son chienIncontinence, calculs, cystites… (p.1)

Agressivité territoriale et protection de ressource :Une méthode simple pour apprendre le partage à son chien (p.7)

Premiers secours Quand la vie de votre chien est entre vos mains (p.13)

Alerte grand froidRemèdes naturels pour protéger les coussinets (p.16)

Ecoles vétérinairesPremier terrain de chasse des lobbys? (p.19)

A quoi servent les reins ?

Les reins sont des organes qui font partie de l’appareil urinaire. Ils sont au nombre de deux et sont situés dans la partie arrière de l’abdomen au niveau des deux dernières côtes. Ils sont chacun entourés d’une enveloppe externe de protection, appelée “capsule fibreuse”. Chaque rein mesure en moyenne 6 cm de long et 3 cm de large (pour un chien de 20 kilos).

Les reins ont principalement une fonction d’élimination : ils filtrent les déchets de l’organisme par le biais de l’excrétion urinaire. De cette façon, ils assurent l’équilibre hydroélectrolytique du sang en veillant aux bons rapports entre les différents électrolytes comme le sodium, le potassium, le chlore, le calcium, le magnésium ou encore le phosphore. Ils garantissent ainsi l’équilibre de tout l’organisme en général, leur rôle est donc primordial.

Ils possèdent également une fonction hormonale par le biais des glandes surrénales, qui elles ne font pas partie du système urinaire mais endocrinien (ou hormonal). Les glandes surrénales sont situées juste au-dessus de chaque rein et ont pour rôle de réguler notre taux de sucre et de sodium. Elles sécrètent

n°10 - Décembre 2019La Revue

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des glucocorticoïdes naturels qui sont la cortisone et le cortisol. Ces hormones ont notamment pour rôle de libérer le glucose stocké dans l’organisme afin de lui apporter l’énergie nécessaire à son bon fonctionnement. Elles permettent également une bonne régulation de la pression sanguine et l’élimination des toxines.

Les principales maladies du rein et leurs conséquences

Plusieurs pathologies peuvent atteindre les reins. Leur mauvais fonctionnement altère progressivement et plus ou moins rapidement l’état de santé global du chien. Les symptômes les plus généralement observés sont l’augmentation de la prise d’eau (polydispie), une envie d’uriner fréquente (pollakiurie), l’apparition de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées) et une modification de l’appétit avec un amaigrissement.

L’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale chez le chien se manifeste lorsqu’un ou deux reins ne fonctionnent plus normalement. Il existe deux types d’insuffisance rénale :• L’insuffisance rénale chronique (IRC), qui est

progressive avec un rein qui se dégrade au fur et à mesure

• l’insuffisance rénale aiguë (IRA), qui apparaît brutalement. Si elle est très impressionnante, elle est cependant réversible.

Les causes de l’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale du chien peut apparaître suite à une infection bactérienne des voies urinaires provoquant une inflammation des reins appelée néphrite, mais aussi à des calculs rénaux, à une hyperplasie de la prostate, à la maladie de Lyme, à un traumatisme, ou encore à une intoxication (ingestion d’un produit toxique, effet secondaire d’un médicament, etc.)

Les symptômes de l’insuffisance rénale

Les symptômes de l’insuffisance rénale sont nombreux et communs avec la plupart des pathologies rénales : augmentation de la prise d’eau, augmentation des mictions, troubles de la digestion (vomissements, diarrhées), anorexie, et présence de sang dans les urines. Ces symptômes nécessitent absolument une consultation chez le vétérinaire. Celui-ci procédera à un bilan sanguin afin de contrôler le taux d’urée (urémie) et le taux de créatinine dans le sang (créatininémie). Une échographie abdominale ou une radiographie pourront être également réalisées afin d’observer d’éventuelles lésions ou une obstruction des voies urinaires. En fonction de la cause de l’insuffisance rénale du chien, un traitement adapté ou une chirurgie sont envisagés : dans le cas d’une insuffisance rénale aiguë, le traitement d’urgence consiste à perfuser le chien pour injecter des diurétiques afin de “nettoyer” et de relancer les voies urinaires. Dans le cas d’une insuffisance rénale chronique, le chien est sous traitement à vie dans le but non pas de guérir, car la guérison est impossible, mais de ralentir l’évolution de la maladie.

Reins

Vessie

Urêtre

Uretère

Système urogénital

→ →→

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Les calculs rénaux

Les calculs rénaux, également appelés lithiases urinaires, sont relativement fréquents chez les chiens. Il s’agit de petits cristaux qui se forment dans l’appareil urinaire, au niveau du rein ou de la vessie. Les lithiases urinaires chez le chien se localisent principalement dans la vessie. Les cristaux les plus fréquemment rencontrés sont les calculs de struvite (phospho ammoniaco-magnésien), d’oxalate de

calcium, d’urates ou de cystines.

Les symptômes les plus courants sont des difficultés et des douleurs lors de la miction. Un chien en bonne santé urine entre 20 et 40 mL/kg/jour en 2 à 3 fois (hors marquage). Lors de la présence de calculs, le chien peut souffrir d’un inconfort important pouvant se traduire par des cris lorsqu’il urine. Si le calcul est bloqué dans l’urètre, la miction est impossible : le chien n’arrive alors plus à uriner ou très peu : le jet urinaire est faible ou constitué seulement de quelques gouttes. Des traces de sang sont souvent visibles à ce stade. La rétention d’urine (stase urinaire) est très grave et constitue une urgence, elle peut entraîner une infection du rein (pyélonéphrites) pouvant aller jusqu’à l’insuffisance rénale, au choc septique ou à l’éclatement de la vessie.

Les calculs de struvite (les plus courants)

Les calculs de struvite sont fréquents chez les chiens et peuvent être à l’origine de cystites chroniques ou

Les plantes alliées des reins

Les plantes diurétiques sont les amies des reins de nos chiens : elles vont aider les reins à mieux éliminer l’urée et à mieux fonctionner. Parmi elles :

L’artichaut, draineur hépatorénal hors-pair

La prêle des champs, diurétique

Le cassis, diurétique et anti-inflammatoire

La reine des prés, diurétique et anti-inflammatoire

La piloselle, bactériostatique

BON À SAVOIR

Ces plantes peuvent être consommées sous forme d’infusion ou d’EPS. Du côté des macérats glycérinés, le bouleau pubescent et le cassis peuvent être donnés sous forme de cure, notamment en cas d’insuffisance rénale. D’un point de vue calendaire, le drainage des reins doit avoir lieu lorsque la lune est dans le signe de la balance.

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d’obstructions de l’urètre. Dans la majorité des cas, ils se forment lorsque le pH urinaire est trop basique (> à 7,5). Il est important de les identifier, car les conséquences sur les reins peuvent être très graves.

Prévenir par l’alimentation : les calculs de struvite sont souvent liés à une alimentation de qualité moyenne, contenant un excès de minéraux, et particulièrement un excès en magnésium. Il convient donc de bien analyser la teneur en minéraux de la nourriture donnée au chien et de l’ajuster si besoin. L’apport en protéines doit être de 15 à 20%. Les fibres doivent être limitées pour diminuer les pertes en eau. L’apport en sodium doit, quant à lui, être légèrement augmenté.

Remèdes naturels : la prise de vitamine C est préconisée car cette dernière inhiberait la cristallisation des struvites. La teinture mère de garance des teinturiers donnée sous forme de cures permettra par ailleurs de drainer les voies urinaires grâce à ses propriétés diurétiques et luttera contre la formation de cristaux.

Les calculs d’oxalate de calcium

Les calculs d’oxalate de calcium ne peuvent pas être dissous une fois formés, il est indispensable de les retirer par voie chirurgicale. Prévenir leur apparition est d’autant plus important que le risque de récidive est grand (+ de 50%).

Prévenir par l’alimentation : la formation des calculs à oxalate est influencée par la saturation de l’urine en calcium et en oxalates. L’alimentation doit être alcalinisante (pH urinaire élevé) et l’apport en protéines, calcium et phosphore équilibré.

Remèdes naturels : la vitamine B6 pourrait diminuer l’excrétion urinaire d’oxalate. L’avis d’un vétérinaire est requis pour connaître les contre-indications éventuelles et avoir la posologie la plus adaptée.

Les calculs d’urates d’ammonium

Une alimentation acidifiante de médiocre qualité et une consommation insuffisante d’eau favorisent les calculs d’urates d’ammonium. Les dalmatiens sont particulièrement touchés par ce type de calcul car ils ont la particularité métabolique d’exécrer dans leurs urines des urates d’ammonium en quantité importante. A noter également que tout dysfonctionnement hépatique grave peut conduire à la formation de calculs d’urates chez le chien.

Prévenir par l’alimentation : les protéines animales doivent être d’excellente qualité pour laisser le moins de résidus possible, les abats sont donc à proscrire. Le poisson peut être mis au menu à l’exception de la sardine.

Remèdes naturels : le bicarbonate de soude est un alcalinisant naturel de l’urine, il peut être ajouté aux croquettes à raison d’1 g pour 1 kg en moyenne. Les plantes à visée diurétique comme la sève de bouleau sont préconisées. Le macérat glycériné de hêtre permettra quant à lui de drainer les reins et de limiter l’apparition de calculs.

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Les calculs cystiniques

Les calculs cystiniques sont dus à un trouble génétique (détecté dans près de 60 races, cf encadré).

Prévenir par l’alimentation : un régime alimentaire avec un faible apport protéique est recommandé pour favoriser la formation d’urine alcaline et la dissolution des calculs de cystine. Les aliments suivants (riches en cystine) sont à éviter : viande, produits laitiers, poisson, œufs et levure de bière.

Remèdes naturels : le bicarbonate de soude pour alcaliniser l’urine est indiqué dans ce type de

lithiase.

En cas de lithiase avérée et si le chien n’arrive pas à éliminer le calcul par voie naturelle, une intervention chirurgicale est nécessaire. En cas de calculs dans la vessie, l’opération consistera à inciser la vessie pour accéder aux calculs afin de les retirer. Si l’urètre est complètement bouché ou s’il s’agit de calculs d’oxalate de calcium insolubles, le vétérinaire placera une sonde urinaire dans l’urètre afin de faire écouler l’urine de la vessie pleine.

Les cystites

La cystite est une inflammation de la paroi de la vessie du chien, causée par une bactérie, le plus souvent, des calculs ou une tumeur. Un chien atteint de cystite va présenter différents symptômes : il va uriner fréquemment mais en petites quantités et montrer des signes de douleur au moment de la miction. Le léchage intempestif de la zone périanale est également fréquemment observé. En cas de cystite, il est important de consulter le vétérinaire. Celui-ci va effectuer une analyse urinaire puis, si les cystites se répètent, rechercher la cause avec des examens complémentaires (radio, échographie) pour écarter l’éventuelle présence de calculs.

BON À SAVOIR

Certaines races sont davantage prédisposées aux lithiases urinaires que d’autres :

• Le Dalmatien, le Bouledogue Français, le Bulldog et le Yorkshire sont touchés par les urolithiases à urates.

• Le Teckel, le Yorkshire, le Cairn Terrier, l’Irish Terrier, le Basset Hound, le Chihuahua, le Pékinois, le Terrier Tibétain, le Boxer, le Labrador, l’Epagneul Breton, le Caniche, le Terre-Neuve et le Bulldog sont prédisposés aux lithiases cystiniques.

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Les remèdes à la cystite du chien

Une cystite due à une infection bactérienne sera soignée à base d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires et éventuellement d’acidifiants des urines. Il est possible d’acidifier naturellement les urines du chien en lui faisant boire du jus d’agrumes (orange, citron, pamplemousse) ou encore en ajoutant du vinaigre de pomme dans sa gamelle, cependant pas plus d’une fois par jour.

Certaines plantes ont des vertus antibactériennes et antiseptiques ayant une action efficace sur la sphère urinaire, c’est notamment le cas des plantes de la famille des Ericacées. Les macérats glycérinés d’airelle, de canneberge ou de busserole (antibactérien des voies urinaires) sont recommandés à titre préventif chez le chien ayant déjà souffert d’infections urinaires. Ces remèdes doivent être utilisés sur le court terme et ne remplacent en aucun cas un traitement vétérinaire.

Sur le plan hygiéno-diététique, il est important que le chien boive beaucoup d’eau afin d’éliminer les bactéries de ses urines.

L’incontinence urinaire

L’incontinence urinaire peut avoir plusieurs causes : une malformation, une mauvaise tonicité du sphincter urétral (notamment chez les chiennes stérilisées), une tumeur ou encore des troubles du comportement. Selon le type d’incontinence, des remèdes naturels peuvent être utilisés. Dans le cas d’une chienne stérilisée dont l’incontinence est due à un niveau d’œstrogènes bas, un mélange d’EPS à base de sauge sclarée et d’alchémille peut être administré. Le trèfle des prés est également une plante utilisée étant donné qu’elle a une action similaire à celle des hormones, et permet de renforcer les muscles pelviens.

Les bons gestes et les bons réflexes !

Afin de prévenir les maladies rénales, notamment

chez le chien vieillissant, ou d’éviter leur aggravation, quelques réflexes sont à adopter au quotidien. Le poids est un indicateur santé important : si votre chien maigrit ou grossit sans raison, c’est à surveiller.

La quantité d’eau journalière consommée par le chien doit également être sous contrôle. Un chien doit boire, en moyenne, 50 à 70 ml d’eau par kg de poids et par jour, ni plus, ni moins. Si votre chien boit peu, il faut l’inciter à boire davantage, notamment en changeant l’eau de la gamelle quotidiennement (même s’il en reste), en la nettoyant une fois par semaine minimum, en mettant plusieurs points d’eau à différents endroits, en utilisant des gamelles en céramique plutôt que des gamelles en plastique car elles préservent mieux la fraîcheur ou encore en achetant une fontaine à eau.

Par ailleurs, l’alimentation joue un rôle primordial. Les pathologies rénales sont souvent liées à une alimentation de qualité moyenne ou médiocre, d’où l’importance d’une alimentation de qualité, et non d’une alimentation de supermarché. Une nourriture spécifique et adaptée aux besoins du chien est à adopter de toute urgence, d’autant plus s’il a déjà eu des problèmes rénaux. A titre préventif, vous pouvez ajouter des acides gras oméga 3 (huile de poisson) dans la gamelle, ceux-ci ont un effet protecteur sur les reins.

En conclusion, il est important de souligner qu’une bonne hygiène de vie participe au bon fonctionnement des reins. En cas de doute ou de symptômes, il ne faut pas hésiter à consulter son vétérinaire. Un suivi particulier doit être mis en place en cas de pathologie rénale avérée afin de retarder la maladie et de protéger son compagnon le plus longtemps possible.

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Agression territoriale, protection de ressources : mon chien est-il atteint ?

Avant de rentrer dans le vif du sujet, précisons un peu ce qu’on entend par agression territoriale et protection de ressource.

Selon Kaufmann, le territoire est «Une zone dans laquelle le résident a la priorité d’accéder à des ressources limitées dont il ne dispose pas ailleurs». Cela peut être le jardin, la maison ou encore les lieux de couchage.

AGRESSION TERRITORIALE ET PROTECTION DE RESSOURCES : UNE MÉTHODE SIMPLE POUR APPRENDRE LE PARTAGE À SON CHIEN

Par Sara Garcia Galan, comportementaliste et éducatrice canine diplômée en Cynologie, formée à l’école du Dr Vétérinaire Joël Dehasse. Elle exerce depuis plusieurs années

en éducation bienveillante, et a permis à des centaines de personnes d’éduquer leur chien

avec respect et complicité.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi tant de chiens aboyaient sur le facteur ? Pourquoi votre chien vous grogne dessus, ou essaye de mordre lorsque vous vous approchez de sa gamelle, ses jouets ou encore son panier ? Que votre chien défende son territoire ou ses ressources, vous trouverez des pistes dans cet article pour vous aider à résoudre ces problématiques.

Le chien, contrairement au chat, n’a pas un territoire défini. Son territoire est souvent délimité par l’humain (clôtures, pièce…). L’agression territoriale en tant que telle a donc pour but d’empêcher un « intru » d’entrer sur le territoire (ou plus rarement d’en contrôler la sortie). L’agression territoriale est plus souvent à l’encontre des inconnus.

La protection de ressource quant à elle va être la défense d’objets ou de personnes spécifiques. Le chien qui protège ses ressources le fait dans le but de ne pas les perdre ou les partager. Elle peut survenir aussi bien avec des inconnus qu’avec les membres de la famille. Dans les deux cas, le chien tentera d’éloigner les « intrus » ou le « voleur potentiel » de son territoire et de ses ressources.

Pourquoi mon chien développe-t-il ce(s) comportement(s) ?

L’agression et les morsures font peur (à juste titre !). Dès le plus jeune âge, les propriétaires veulent éviter à tout prix que leur animal développe des comportements agressifs. Mais savez-vous exactement ce qui déclenche ces agressions ?

Bien souvent, le manque de connaissance en communication et comportement canin fera que ces comportements se développeront malgré toute la bonne volonté des propriétaires pour les éviter.

Pour vous aider à mieux comprendre ces problématiques, je vous ai donc listé les causes

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principales du développement de ces comportements.

L’impact de la génétique

Lorsque nous parlons d’agression territoriale, il est important de prendre en compte les paramètres génétiques. Certaines races ayant été sélectionnées pour cela, sont plus à même de développer ce type d’agression. Tous les chiens de garde et de protection (berger allemand, malinois, montagne des Pyrénées, …) sont prédisposés à défendre leur territoire/troupeau des intrus potentiels. Le choix de la race est donc à prendre en compte lorsqu’on décide d’accueillir un chien.

Le manque d’activité

Lorsque les besoins d’activités ne sont pas comblés, le chien peut développer ces comportements pour s’occuper. C’est un comportement fréquent chez les chiens laissés dans les jardins qui en sortent peu (ou pas du tout !) par exemple. Le manque d’activité joue directement sur l’état émotionnel du chien qui est plus facilement irritable et aura plus de mal à se contenir.

Un comportement appris

Bien qu’il soit évident qu’un chien entraîné à protéger/garder va faire des agressions territoriales, il est parfois moins évident de déterminer un apprentissage non voulu de la part des propriétaires !

Les chiens peuvent apprendre par mimétisme et donc apprendre à défendre une ressource ou un territoire simplement en regardant un autre congénère le faire. Cela aura d’autant plus d’impact lorsqu’ils voient leur maman produire ces comportements.

Ils peuvent également apprendre de leurs expériences passées. Ainsi, une mauvaise expérience dans une situation peut déclencher une agression systématique pour chaque situation un tant soit peu similaire. C’est très commun dans la protection de ressource, lorsque les propriétaires retirent de force les choses que le chiot/chien a dans sa gueule. Cet acte sera interprété par le chien comme la perte d’un objet de valeur. C’est susceptible de développer des comportements agressifs, afin de dissuader les personnes de lui prendre ce qu’il détient.

Enfin, le simple fait de produire le comportement peut être satisfaisant pour le chien. Prenons l’exemple du chien qui aboie derrière le grillage. Lorsque quelqu’un approche, il s’énerve et la personne s’éloigne. Son objectif est atteint : l’intrus est parti. Bien que nous sachions que les gens ne font que passer, le chien, lui, retient que son comportement a été efficace et il sera donc amené à le répéter.

L’anxiété

Lorsque le chien agresse, il répond à ce qu’il considère comme une menace. Le stress et l’anxiété sont donc des facteurs aggravant ces comportements.

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Lors du 33eme « World Small Animal Veterinary Congress », le « Wylie veterinary center » en Angleterre mettait en évidence que des punitions et disciplines non appropriées utilisées normalement pour réduire les agressions étaient en fait un facteur déclenchant les morsures. En effet aujourd’hui les études révèlent que l’utilisation de la punition augmentait le stress général de l’animal. Ainsi un animal souvent réprimandé et stressé se sentira plus facilement menacé qu’un chien zen. En parallèle, les exercices d’obéissance n’aident pas à réduire les agressions, contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Mon chien défend son territoire ; que faire ?

Ici nous allons parler des chiens qui ne laissent pas rentrer des inconnus dans la maison et ceux qui aboient dans le jardin à chaque personne/chien qui passe devant chez eux. Les agressions ne sont jamais à prendre à la légère, même si le chien n’a jamais mordu. Agissez dès les premiers signes et n’hésitez pas à faire appel à un professionnel pour vous épauler.

Préparez-vous

Changer les comportements d’agression demande une certaine organisation. Vous devez savoir qui vient, qui passe devant chez vous et éviter toute

« surprise ». Vous devez toujours être prêt à agir et anticiper. Plus vous aurez le contrôle de la situation et plus le travail ira vite. Cela vous demandera de l’énergie et du temps, mais surtout de ne pas relâcher vos efforts.

Sachez aussi que le chien qui progresse peut à certains moments régresser. Ne perdez pas espoir, cela est tout à fait normal dans l’apprentissage. Il faut persévérer.

Contrôlez l’environnement

La gestion de l’environnement et du chien est un facteur clé dans la rééducation de comportements agressifs. Le but est que le chien ne puisse plus du tout produire les comportements proactifs d’agression. Ainsi, le chien ne sera plus laissé seul dans le jardin et la laisse sera obligatoire afin qu’il ne puisse aller aboyer au grillage.

Informez également votre entourage qu’il ne sera pas possible de venir chez vous à l’improviste. Lorsque quelqu’un vient, vous devez être préparé. S’il le faut, accueillez les gens à l’extérieur avant de rentrer. Ainsi, votre chien ne défendra pas son territoire.

Si votre chien agresse également en dehors de son territoire il s’agit sans doute d’un autre type d’agression. Les conseils donnés ici ne seront donc pas adaptés.

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Restez zen

N’oubliez pas que vos émotions ont un impact sur les émotions de votre chien. Si vous n’arrivez pas à garder votre calme, votre chien aura plus de mal à garder le sien. Crier, s’énerver peut paraître fonctionner sur le coup (il peut arriver que le chien s’arrête), mais sur le long terme cela ne sera pas productif. Le but est d’apprendre à votre chien qu’il n’y a pas de danger, si vous vous énervez vous lui montrez le contraire.

Changez la menace en bonne nouvelle

Apprenez à votre chien que lorsque quelqu’un s’approche du grillage ou de la maison, c’est une bonne nouvelle pour lui. Rappelez-vous que si le chien défend c’est parce qu’il se sent en danger. Si le facteur venait déposer des steaks plutôt que des lettres, il serait très certainement mieux accepté par la gente canine !

Pour réaliser cela, vous devez déjà trouver ce qui motive votre chien. Préparer sa/ses récompenses favorites. Viande fraîche, fromages, saucisses fumées, pâté, jouets préférés… Lorsque l’intrus apparaît, distribuez les récompenses jusqu’à ce que celui-ci disparaisse.

Répétez cette action SYSTÉMATIQUEMENT à chaque visite/passage. Pour les invités qui rentrent dans la maison, distribuez abondamment les récompenses lorsque la personne rentre. Une fois installée, si le chien est calme, diminuez les récompenses ou proposez-lui une friandise à mâchouiller qu’il pourra manger tranquillement.

Mon chien protège ses jouets, sa gamelle, la nourriture… Comment l’arrêter ?

La protection de ressources est un comportement tout à fait normal chez le canidé. Dans la nature, il permet à l’animal de ne pas se faire voler son

repas et donc de survivre. Nos chiens aujourd’hui peuvent donc encore instinctivement protéger leurs ressources s’ils pensent qu’ils peuvent potentiellement les perdre.

Réinstaurer la confiance

Pour que le chien arrête de protéger ses ressources, il est primordial qu’il reprenne confiance. Plus question de lui enlever des objets de la gueule même s’il se laisse faire. Lorsqu’il est en train de manger, ne lui retirez jamais sa gamelle, ne le caressez pas, ne trifouillez pas sa nourriture.

Bien que sur internet, vous verrez de nombreux conseils aller dans ce sens, ces gestes ne feront qu’accroître la défense des ressources et sont souvent déclencheur de morsures. Laisser son

Mettre en place des apprentissages

Si votre chien a tendance à prendre des choses dans sa gueule que vous souhaitez qu’il rende apprenez-lui au préalable le « lâche ». Voici comment procéder en 3 étapes :

1. Associez la commande à une super récompense. Pour cette étape, pas besoin que le chien ait quelque chose en gueule. Dites simplement « lâche », et jetez plusieurs récompenses au sol. Répétez plusieurs fois cette étape durant quelques jours.

2. Attendez que votre chien ait quelque chose de faible valeur en gueule et dites « lâche ». S’il lâche, jetez les récompenses au sol et répétez. Sinon retournez à l’étape précédente. Durant cette étape, variez un maximum vos postures (accroupi, debout, penché…). La variation dans l’exercice permettra qu’il généralise par la suite plus facilement à toutes les situations. Vous pouvez également lui indiquer avec les doigts où se trouvent les récompenses lancées pour l’habituer à votre main qui s’approche de son jouet sans qu’il ait peur que vous le lui repreniez.

3. Augmentez progressivement la valeur des objets qu’il détient, et recommencez l’étape précédente (utilisez votre liste pour vous repérer).

Note : Les récompenses n’apparaissent qu’après le « lâche ». Le but n’est pas de leurrer le chien (ou qu’il lâche car il voit les friandises), mais bien qu’il réponde au signal.

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Les erreurs à éviter

Erreur 1 : Retirer les ressources

Lorsqu’un chien protège une ressource, le premier réflexe est de retirer cette ressource afin d’éviter le problème. Bien que cette solution doive être mise en place dans les situations à risque, elle n’est qu’une solution temporaire.

Plus une ressource est rare et plus elle aura de valeur pour votre chien, alors multipliez les ressources. Votre chien protège ses os ? Donnez-lui-en plusieurs et régulièrement. Vous verrez que très rapidement votre chien s’acharnera moins à les défendre. Si vous avez plusieurs chiens, mettez toujours plus de ressources que de chiens.

Erreur 2 : Utiliser la force/ l’intimidation

Quand nous sommes démunis, l’énervement prend souvent le dessus. Peut-être qu’en vous fâchant, votre chien finira par ne plus réagir lorsque vous souhaitez récupérer une ressource ou lorsqu’un inconnu rentre… mais le problème de fond sera toujours présent.

Il sera toujours mal à l’aise dans ces situations. Dès lors plusieurs risques se présentent : le chien qui se contient peut un jour ne plus se contenir. Lorsque cela arrive, la réaction est en général plus intense et les conséquences bien plus graves.

L’autre risque est que le chien se contienne en présence des personnes qui « l’impressionnent ». Mais qu’en sera-t-il lorsqu’il sera seul avec une personne qui ne l’intimide pas ? Ce dernier cas de figure est très fréquent dans les familles avec enfants. Dans une grande majorité des cas d’agression, le chien s’en prendra à un enfant plutôt qu’à un adulte.

Nos techniques d’éducation ont toujours un impact sur les comportements et émotions de nos chiens. Choisissez toujours de traiter le problème à la source. Si vous décidez d’instaurer un rapport de force, le risque de morsure sera d’autant plus élevé.

Erreur 3 : Ecouter les idées reçues

De nombreux conseils circulent sur internet, et il est parfois compliqué d’identifier le vrai du faux. Vous aurez aussi toujours des amis et de la famille pour vous dire comment faire parce qu’avec leur chien ça avait fonctionné. Si vous cherchez des réponses concrètes, faites appel à un professionnel compétent.

chien tranquille est donc le meilleur moyen de diminuer le stress lié à la peur de perdre une ressource. Hiérarchisez les ressources

Si votre chien protège des ressources, il sera important de les lister et de les classer par ordre d’importance. Mettez en premier les ressources qui ont le moins de valeur et finissez par la ressource qu’il défend le plus.

Lorsque vous commencerez à travailler sur ce problème, il faudra impérativement commencer avec les ressources qu’il défend le moins. On commence toujours par les situations les plus simples. Ainsi, lorsqu’on arrive à la situation la plus complexe, on a déjà donné au chien les compétences pour y arriver également. Cela facilitera l’apprentissage et on gagnera du temps.

Le voleur devient généreux

Comme pour l’agression territoriale, changer la perception du chien est primordial. Si on veut que le chien n’ait plus de raison de craindre qu’on lui vole ses ressources, il faut qu’il comprenne que le « voleur potentiel » a en réalité plein d’autres ressources à lui donner. Peu à peu, voyant que la personne qui s’approche lui apporte des ressources de valeur, il n’aura plus de raison d’être sur ses gardes.

Pour la gamelle par exemple, plutôt que de mettre la main

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dans la gamelle lorsqu’il mange, ajoutez quelque chose à sa gamelle comme des morceaux de poulet.

Très vite, en voyant votre main approcher, il ne se sentira plus menacé, tout au contraire. N’oubliez pas de respecter les distances de sécurité de votre chien. Si votre chien se met à grogner lorsque vous êtes à moins de 3 mètres, commencez à travailler à 4 mètres de lui en lui lançant la nourriture plutôt que de la lui apporter dans sa gamelle. Peu à peu, quand il sera plus détendu, vous pourrez réduire ces distances.

Comment éviter la protection de ressources et de territoire chez un chiot

Votre chiot vient d’arriver chez vous et vous souhaitez faire au mieux pour qu’il ne développe pas ces comportements. Vous avez bien raison ! La prévention est le meilleur moyen de construire une relation sereine avec votre chiot. Voici quelques conseils :

Socialisez-le

La socialisation est indispensable pour avoir un chien bien dans ses pattes. Un chien qu’on n’aura pas socialisé sera susceptible d’être mal à l’aise en présence d’inconnu et sera plus stressé au quotidien qu’un chiot qui aura bénéficié d’une bonne socialisation.

Pour socialiser un chiot il faut non seulement lui montrer des personnes, des congénères et des environnements différents, mais surtout il faut que

ceux-ci soient associés à une expérience positive. Si les expériences sont neutres ou mal vécues, cela aura l’effet inverse dans la majorité des cas.

Habituez-le à ces situations en douceur

Si vous ne voulez pas que votre chien empêche vos invités de rentrer, préparez-le à cette situation dès son arrivée. Si vous n’avez jamais invité quelqu’un chez vous et que du jour au lendemain quelqu’un vient, il y a de fortes chances pour que cet événement soit perçu comme « anormal » par votre chien. Bien sûr, chaque visite doit être agréable pour votre chiot. Si votre chiot attrape quelque chose que vous voulez qu’il lâche, pratiquez le troc le temps qu’il apprenne à lâcher. Surtout, ne lui courez pas après, ne lui ouvrez pas la gueule de force (sauf si évidemment il a pris quelque chose qui le met en danger).

Récompensez les bons comportements

Pour qu’un comportement se répète, il faut que celui-ci soit bénéfique au chien. Si le comportement ne lui apporte rien et qu’un autre comportement s’avère être plus intéressant, le chien décidera de produire ce dernier. Ainsi, quand quelqu’un passe devant le grillage et que votre chiot ne dit rien, récompensez-le ! N’attendez pas que les comportements gênants apparaissent pour agir. Le comportement des jeunes chiens change au fil du temps, renforcer les comportements de calme l’aideront à les conserver, car la « non-action » est une action.

Chaque année ce sont près de 200 000 morsures recensées dans les hôpitaux en France. À l’heure où le chien est de plus en plus présent dans nos foyers, les morsures sont elles aussi en hausse. Selon une étude de l’Institut de Veille Sanitaire, les morsures sont plus fréquentes au sein du foyer et les enfants sont les premières victimes de ces drames. Bien que le chien soit le meilleur ami de l’homme, il est souvent incompris par celui-ci. Si nous voulons diminuer les risques, il est important de prendre le temps de comprendre nos compagnons à quatre pattes et d’instaurer une éducation basée sur la confiance et la motivation plutôt que sur un rapport de force qui pourrait mettre en danger tous les membres de la famille.

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Bonjour Dr Bedossa, et merci d’accepter cet interview pour la revue Chien Vie et Santé. Première question : Pourquoi est-il important de se former aux premiers secours ? N’est-il pas plus utile de se rendre immédiatement chez son vétérinaire ?

C’est une très bonne question. En France, l’entraînement d’un jeune vétérinaire dure au minimum 6 ans. Pourtant, au moment où ils sortent de l’école, la plupart de ces jeunes vétérinaires ne sont pas capables de prendre en charge une urgence vitale.

Alors oui, se former aux soins de premiers secours peut, dans certaines situations d’urgence, sauver la vie de son animal de compagnie (chien, chat, voire même son oiseau, serpent…).

Mais attention, cela ne dispense absolument pas de l’expertise du vétérinaire. J’insiste bien sur ce point -et pas par souci corporatif, ou parce que je cherche à protéger ma profession. C’est une réalité. Il faut au moins, à mon avis, 7 ou 8 ans d’entraînement intensif pour être capable de faire face à toutes les situations d’urgence. Donc évidemment, un particulier qui se forme au travers de telle ou telle formation aux premiers secours n’aura jamais le niveau d’expertise qu’ont les vétérinaires pour sauver des vies.

Il y a néanmoins 2 contre-exemples d’urgence vitale, ou l’intervention avisée d’un propriétaire peut sauver la vie du chien.

Le premier est le coup de chaleur. Le chien est particulièrement vulnérable à la chaleur, car il ne peut pas transpirer. Il ne peut évacuer l’excès de chaleur qu’avec la respiration. Or, dès que la température de l’air dépasse les 28°, et que le chien fait un effort physique ou est en plein soleil, sa température corporelle monte de manière inexorable. Cela devient une urgence vitale : il peut en mourir.

Comment sauver un chien qui fait un coup de chaleur ? En le plongeant dans l’eau froide, et en arrosant sa tête avec de l’eau froide. C’est ça qui lui sauve la vie. Donc pas la peine de perdre du temps à le mettre dans la voiture et l’emmener chez le vétérinaire. Il faut agir vite, et le temps du trajet, il peut mourir. Pour lui sauver la vie, il faut le plonger au plus vite dans une baignoire d’eau froide.

Deuxième contre-exemple où un propriétaire peut lui-même agir en cas d’urgence vitale : les cas d’hypothermie. Les chiots et les chiens de toute petite taille, surtout les plus âgés, y sont particulièrement sensibles. Si, par temps froid, votre chien montre des signes de fatigue excessive ; qu’il refuse de vous suivre ; s’il tremble ; alors il faut immédiatement le réchauffer de manière appropriée. Ici, encore, c’est au propriétaire de le sauver, sans avoir besoin de l’intervention d’un vétérinaire.

Dans un cas d’hypothermie, réchauffez votre chien avec des couvertures ; des frottements ; des massages…

Mais hormis ces deux cas d’urgence vitale, il faut impérativement faire intervenir le vétérinaire.

Pour illustrer mes propos, je vous

Le Docteur Thierry Bedossa est vétérinaire et comportementaliste. Il a fondé sa clinique à Neuilly sur Seine, où il exerce depuis 25 ans. Dr Bedossa est également le fondateur du refuge AVA (Aide à la Vie Animale), qui accueille des centaines d’animaux dans son refuge en

Normandie. Auteur de nombreux ouvrages, et notamment « Tout sur le Toutou », il partage son savoir au sein d’Animal University – un organisme

de formation pour les futurs professionnels du monde animal.

PREMIERS SECOURS QUAND LA VIE DE VOTRE CHIEN EST ENTRE VOS MAINSUne interview du Dr Thierry Bedossa

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donne un exemple de soin de premiers secours face auquel un propriétaire est totalement impuissant, et a besoin de se rendre dans une structure vétérinaire au plus vite. Son chien se fait piquer par une guêpe, et fait un œdème de Quincke. Il s’agit d’un œdème dans les voies respiratoires supérieures, au niveau du larynx. Cela nécessite une intubation intratrachéale. Impossible pour un propriétaire de chien de réaliser une telle intubation, même en étant formé aux premiers secours. Dans ce cas, il faut impérativement se rendre chez son vétérinaire pour sauver son chien.

Donc, si j’ai bien compris, à moins d’un coup de chaleur ou d’un cas d’hypothermie, on ne peut rien faire si son chien montre des signes de mauvaise santé - hormis se rendre chez le vétérinaire ?

S’il s’agit d’une urgence vitale : oui.

Pour les urgences non vitales, les premiers secours, c’est autre chose. Il y a des petits bobos pour lesquels vous pouvez agir vous-même en tant que propriétaire.

Par exemple : votre chien se coupe un coussinet, ou bien se tranche la peau sur un objet contondant comme un bout de métal, et il saigne. Un soin de premiers secours accessible à la compétence d’un propriétaire est de savoir correctement réaliser un pansement compressif ; et désinfecter une plaie.

Mais il y en a d’autres : les injections sous-cutanées, les soins d’oreilles,

assister son animal pour marcher s’il n’est plus ambulatoire… Un propriétaire peut se former à tous ces soins, pour les réaliser sans l’intervention d’un vétérinaire.

Pouvez-vous nous donner un exemple spécifique d’un soin très commun qu’un propriétaire de chien peut réaliser lui-même ?

Oui : le cas des infections cutanées, qui est très rependu. Le chien a une maladie de peau, comme une dermatite atopique ou séborrhéique,

qui nécessite l’application de soins et lotions. La peau est rouge, et il y a une surproduction de sébum, donc le poil est gras.

Il faut alors traiter le chien avec 3 lotions :• Une lotion apaisante, par

exemple à base d’aloe vera ;• Une lotion antiseptique

à base de chlorhexidine (un bactéricide), qui va diminuer la quantité de levure Malassezia et des bactéries Staphylocoques.

Ce sont elles qui prolifèrent sur le pelage en cas de dermatite.

• Une lotion contre la séborrhée (la sécrétion excessive de sébum).

Pour ça, il va falloir mouiller abondamment tout son pelage, verser la première lotion, frotter très délicatement en insistant bien avec l’extrémité des doigts et en passant sous le pelage, surtout si le chien a un pelage épais. Laisser agir la mousse 5 à 10 minutes, rincer, puis verser la 2ème lotion et faire de même en frottant délicatement avec les doigts et en veillant à bien soulever les poils. Puis rincer à nouveau, verser

la 3ème lotion, et faire de même : rincer et sécher.

Ce sont des soins qui demandent du temps,

car s’ils sont mal administrés, ils ne permettent pas au chien de bénéficier des principes actifs présents dans les lotions. Or, beaucoup

de propriétaires ne délivrent pas ces soins

locaux de manière appropriée. Résultat : les

vétérinaires privilégient les soins par injection ou par

voie orale. C’est dommage, car l’écrasante majorité des problèmes de peau chez le chien peuvent se traiter par l’application convenable de lotions, ce qui préviendrait des effets délétères des comprimés et injections.

Les soins cutanés sont donc un très bon exemple de premiers soins que le propriétaire peut administrer lui-même s’il y est bien formé.

Admettons maintenant que mon chien est dans un cas d’urgence vitale. Ce n’est

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ni un coup de chaleur ni de l’hypothermie, donc je l’emmène chez le vétérinaire. Quels sont les gestes à faire et à éviter entre l’incident et l’intervention du vétérinaire ?

Si le chien fait par exemple une crise cardiaque, et qu’il est en détresse respiratoire : il faut lui offrir les conditions de transport les moins stressantes et les moins anxiogènes possible. Sinon, hélas, cela va augmenter sa consommation d’oxygène, et aggraver la sévérité de sa crise cardiaque.

Si votre chien se fait renverser, et il souffre de plaies, de fractures, de contusions… La meilleure manière de le transporter est de le mettre sur un drap qui fera office de brancard, tenu par 2 personnes aux extrémités, pour diminuer au maximum les positions et mouvements qui pourraient aggraver les traumatismes.

Nous avons quelques lecteurs dont les chiens sont épileptiques. Comment réagir en cas de crise d’épilepsie ?

Un chien qui fait une crise d’épilepsie est extrêmement impressionnant, mais contrairement à l’Homme, le chien ne risque pas de s’étouffer avec sa langue. Si la crise dure quelques minutes, il ne risque pas d’en mourir. Il faut donc lui permettre de passer la crise avec le plus de calme possible autour de lui. Mieux vaut le transférer sur un sol plus mou.

Le danger existe si la crise d’épilepsie dure, car la température corporelle monte : au-delà d’une certaine température, il peut y avoir des lésions cérébrales irréversibles. Si après quelques minutes, la crise continue, il faut impérativement consulter son vétérinaire. On met son animal dans une serviette pour

ne pas se faire mordre, et on le transporte dans les conditions les moins stressantes possible jusqu’au cabinet.

Selon vous, que doit impérativement contenir la trousse de secours de mon chien ?

De quoi faire des pansements (compresses, lotions désinfectantes, et bandes velcro), une pommade désinfectante, des produits antiparasitaires internes et externes si son chien présente le risque d’en attraper, un peigne à puces pour détecter leur présence, et une lotion oculaire pour nettoyer les yeux.

Les chiens qui ont des coussinets fragiles ou qui vivent dans des zones verglacées nécessitent également une lotion à base de graisses pour protéger les coussinets. Plus elle est épaisse, mieux c’est !

Pour conclure : je souhaite avoir les bons gestes pour sauver mon chien en cas d’urgence vitale. Comment m’assurer que je fais les bons choix en cas d’urgence ? Puis-je m’y former en pratique

sans être vétérinaire ?

Encore une fois, avec toutes les réserves que j’ai exprimées, faisons un parallèle avec la médecine humaine. Admettons qu’une personne fait une crise cardiaque. En attendant l’arrivée du SAMU, une personne qui a été formée au massage cardiaque peut lui sauver la vie.

Il en va de même avec un propriétaire de chien qui a appris à faire un massage cardiaque, et à ventiler son chien (c’est-à-dire faire du bouche-à-bouche). Donc oui, se former ainsi peut faire gagner du temps en attendant l’arrivée du vétérinaire – et sauver la vie de votre chien.

BON À SAVOIR

Si vous souhaitez avoir une expérience pratique sur les soins de premiers secours, le Dr Thierry Bedossa et son équipe ont créé une formation aux premiers secours au sein d’Animal University. N’hésitez pas à les contacter à [email protected] pour en savoir plus.

Si le chien fait une crise cardiaque, et qu’il est en détresse respiratoire : il faut lui offrir les conditions de transport les moins stressantes et les moins anxiogènes possible.

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Rôle et importance des coussinets

Recouverts d’une corne épaisse, les coussinets sont de véritables semelles pour le chien. Ils protègent ses pattes, ses articulations, et ont un effet amortissant et isolant.

Les coussinets possèdent aussi un système antidérapage ainsi qu’un amortisseur de bruit - très utile à l’époque où le chien chassait encore pour se nourrir (et aujourd’hui, pour aller se servir dans la poubelle en catimini !).

Les coussinets sont très tactiles, avec un système sensoriel ultradéveloppé. Autrement dit : ils permettent au chien de distinguer

ALERTE GRAND FROID REMÈDES NATURELS POUR

PROTÉGER LES COUSSINETS

Par Claude Lefevre, propriétaire de chiens aguerri et enthousiaste

les différents types de terrains.

Ils lui servent aussi pour communiquer grâce aux glandes podales qui sécrètent des phéromones et qui se trouvent entre les coussinets. Avec les glandes podales, le chien régule sa température. C’est aussi par les coussinets qu’il libère la transpiration.

Coussinets : des échangeurs thermiques adaptés au froid

Les coussinets des chiens sont formés d’un réseau de vaisseaux qui leur permettent de conserver leur température corporelle autour de 38/39C°. Leur surface est entièrement irriguée, ce réseau fonctionne comme un véritable échangeur thermique. Grâce à la proximité des artères et des veines, la chaleur s’échange facilement et se diffuse. L’artère, chargée de sang chaud venant du cœur transmet une partie de cette chaleur aux veines qui remontent le sang “froid” vers le cœur.

Ainsi, les pattes des chiens restent chaudes jusqu’à une température extérieure de -35° !

Gerçures, crevasses, engelures, irritation par le sel… L’hiver est sans aucun doute la saison la plus douloureuse pour les pattes de nos chiens. Pourtant, il existe des solutions faciles et naturelles pour permettre à votre chien de préserver ses coussinets – malgré le froid.

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Fissures, gerçures et empoisonnement : gare aux grands froids

L’hiver approche, les balades dans la neige aussi ! Même si elles sont très amusantes pour vos chiens, restez vigilants. Les coussinets de nos chiens sont solides ; mais mal entretenus, le froid peut finir par en avoir raison – surtout chez les chiots et les vieux chiens. Les gerçures et crevasses peuvent alors devenir très douloureuses et handicapantes.Notez également que nos chiens ont des coussinets naturellement adaptés au froid… Mais pas au sel, très agressif, que nous jetons sur les routes, trottoirs et chemins pour les dégivrer. Les résultats peuvent être catastrophiques. D’abord, parce qu’il est très toxique pour les animaux. Si le chien mange la neige sur les routes, ou se lèche les pattes après les sorties, il est susceptible d’avaler du mercure ; du plomb ; ou du ferrocyanure, hautement cancérigène. Ces produits chimiques sont conçus pour lutter contre le gel, mais sont hautement toxiques pour les animaux.

Les symptômes d’empoisonnement au sel de déneigement sont les suivants :• Brûlures autour de la gueule• Déshydratation (soif intense ; quand vous

pincez sa peau au niveau de la nuque, elle ne se retend pas immédiatement après que vous l’ayez lâchée)

• Diarrhées et vomissements• Les pattes sont à vif et douloureuses• Insuffisance rénale et hépatique• Pancréatite

Le sel est également très irritant pour les coussinets, et notamment entre les doigts. Il assèche la peau, la fissure, et peut aller jusqu’à la brûlure. Si le sel pénètre dans les plaies existantes des coussinets (d’où l’importance de balader votre chien avec des pattes saines), il assèche les couches cornées, donc aggrave les lésions et rend l’appui très douloureux.

Gestes simples pour protéger et soigner les pattes de vos chiens

Votre chien mérite qu’on s’attarde sur la santé de ses coussinets : ils lui sont primordiaux et une blessure y deviendrait très handicapante et douloureuse. Pour

éviter cela, un petit entretien quotidien s’impose.

Entretenez les poils

Même s’il s’agit d’une des parties les moins garnies en poils, veillez à couper ceux qui poussent en trop grand nombre entre les coussinets, notamment si vous avez un chien à poils longs. Ces derniers retiennent les glaçons et une fois mouillés, empêchent le séchage.

Surveillez les griffes

Si votre chien sort souvent et marche/court sur des surfaces dures comme le bitume ou même les chemins de balade, ses griffes se liment naturellement. Mais si vous avez un chien qui passe la plupart de son temps dans votre maison, alors il serait bon de vérifier que les griffes ne sont pas trop longues avant de partir en promenade. En effet, il arrive que les griffes se cassent ou se coincent sur un sol froid ou gelé. Vous pouvez couper vous-même les griffes de votre chien à l’aide d’un coupe-griffe – en prenant soin d’en faire un moment agréable pour votre chien, riche en récompenses. Si vous sectionnez la griffe trop haut, et qu’elle saigne, utilisez de la farine pour coaguler le sang et mettre fin au saignement.

Protéger la peau

Vous disposez de plusieurs solutions pour prévenir les bobos d’hiver. Le secret ? Renforcer et hydrater les coussinets, grâce à un baume nourrissant, un spray protecteur ou une couche de cire. Ces trois éléments peuvent être appliqués juste avant la balade, pour éviter que le chien n’ait envie de lécher sa patte ou n’en mette partout dans votre maison. Enfin, une lotion tannante est très utile puisqu’elle renforcera la couche cornée du coussinet. Mieux vaut appliquer cette lotion avant les grands froids pour renforcer la plante des pattes en amont des premières balades enneigées.

Chaussures pour chiens : une fausse bonne idée ?

Il existe des bottines, ou chaussons spécialement conçus pour les chiens en hiver. Ils font fureur sur internet, notamment grâce aux vidéos ‘amusantes’

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de chiens qui marchent de manière un peu ridicule avec leurs nouvelles bottines au pied. Si ces vidéos font rire, avec un peu de recul on peut questionner l’utilité de ces bottines. Les marques qui les commercialisent les vendent en expliquant qu’aujourd’hui, les chiens passent plus de temps à faire des activités avec leur maître qu’à l’extérieur – et qu’ainsi on sollicite leurs coussinets plus que leurs gènes ne le permettent. C’est oublier que le chien partage quand même 99,9% de son génome avec le loup, qui lui parcours des kilomètres tous les jours, souvent dans des conditions météorologiques extrêmes. Si une botte peut protéger les coussinets des coupures et crevasses, elle peut également causer des boiteries et grosses ampoules chez le chien, qui n’est pas un animal conçu pour porter des chaussures...

Votre chien est tout à fait capable de marcher dans la neige. Je suis d’avis qu’un bon baume protecteur est largement préférable à un chausson. Ne choisissez la botte que si :• Votre chien souffre déjà d’une blessure au

coussinet, qui peine à cicatriser ;• Il effectue un exercice physique intensif

quotidiennement, résultant en des coussinets douloureux (20km de course quotidienne par exemple).

Massez les pattes

Vous pouvez prendre l’habitude de masser les coussinets de votre compagnon à 4 pattes. Cela permet une meilleure circulation du sang et donc un meilleur réchauffement de cette partie du corps lors des fraîches promenades d’hiver.

Après la promenade

Il est important d’éliminer le sel et la glace qui auraient pu se poser sur les coussinets. Pensez à sécher les pattes de votre chien, et les nettoyer avec une lingette. Mieux : vous pouvez passer les pattes de votre compagnon sous l’eau tiède avant de les sécher au sèche-cheveux (air tiède). La neige peut provoquer

des microcoupures donc après le bain de pieds, vérifiez l’état des coussinets !

Remèdes naturels pour soigner et protéger les coussinets

• La peau de banane adoucit les coussinets. Il suffit d’en frotter l’intérieur sur les coussinets pour les protéger d’éventuelles gerçures ou crevasses. • La rondelle de pomme de terre calme les brûlures et permet une meilleure cicatrisation. • Le miel apaise lui aussi les brûlures et toutes autres blessures, en leur permettant une cicatrisation plus rapide. • L’huile d’olive hydrate et calme les inflammations des coussinets. • L’huile de coco vierge répare les coussinets abîmés et calme les démangeaisons.

Après lecture de cet article, vous voilà rodés pour affronter l’hiver. Alors, à vos baumes, à vos ciseaux et heureuse manucure à tous nos amis à 4 pattes !

Cire protectrice de coussinets : la recette Chien Vie et Santé

Dans une casserole, mélangez environ :• 125g de cire d’abeille ;• 2 cuillères à soupe d’huile d’olive ; • 2 cuillères à soupe d’huile de coco• une cuillère à soupe de beurre de karité.

Mélangez à feu doux, le temps que la cire fonde dans les différentes matières grasses. Puis, versez dans un récipient et laissez refroidir. Le mélange va durcir, et former une sorte de beurre gras et protecteur que vous pourrez appliquer sur les coussinets de votre chien avant chaque départ en promenade.

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Bonjour Marine, et merci d’avoir accepté cet interview pour la revue Chien Vie et Santé. Première question : comment la médecine vétérinaire a-t-elle évolué depuis les 20 dernières années ? Les médecines naturelles prennent-elles une place plus importante, ou est-ce l’inverse ?

Premier gros changement : il y a beaucoup plus d’outils technologiques qu’avant.Autre évolution : les élèves se spécialisent beaucoup plus par la suite. Normalement, dans notre cursus de futurs vétérinaires, on démarre par :• deux ans de prépa BCPST

(Biologie, Chimie, Physique, et Science de la Terre), ou

• une licence en biologie à la

ECOLES VETERINAIRES PREMIER TERRAIN DE CHASSE DES LOBBIES ?

Interview d’une élève

fac, ou encore• un DUT génie biologique.Ensuite on est 5 ans à l’école vétérinaire pour obtenir notre doctorat d’exercice, c’est-à-dire le titre de Docteur Vétérinaire. Après avoir obtenu notre titre, on peut choisir par exemple d’effectuer un an en internat pour pratiquer tout en restant encore très encadré. Il est également possible de se spécialiser, par exemple en ophtalmologie, en comportement,... ce qui prend plus de temps qu’un internat.

Il n’y a pas de spécialisation “médecines naturelles”, mais il existe des formations en acupuncture, en ostéopathie ou encore en phytothérapie. Les propriétaires d’animaux s’intéressent de plus en plus à ces médecines naturelles. Mal utilisées elles peuvent être nocives. C’est

pour ça que de plus en plus de vétérinaires prennent l’initiative de se former eux-mêmes en médecines complémentaires, afin de renseigner leurs clients.

Pourquoi avoir eu l’envie de présider l’association étudiante de médecines complémentaires au sein de l’école nationale vétérinaire d’Alfort ?

L’association a été créée quand j’étais en première année, et ces médecines complémentaires de la médecine allopathique m’intéressaient beaucoup. On a formé ce groupe avec d’autres étudiantes, on s’occupe d’organiser des conférences sur le sujet, mais aussi des travaux pratiques, des sorties. On fait du bénévolat dans des congrès à l’extérieur.

L’élève qui présidait l’association est entrée en 4ème année et elle travaille donc uniquement en clinique. Elle n’avait plus le temps de gérer l’asso alors j’ai pris le relais. Je suppose que l’année

Marine Driant est étudiante vétérinaire, actuellement en 3ème année à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort. Présidente de l’Association Étudiante de Médecines Complémentaires, aujourd’hui Marine alterne entre les cours théoriques et la mise en pratique à clinique de l’école.

Elle a accepté d’échanger avec nous sur le sujet sensible des lobbys en école vétérinaire.

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prochaine, je passerais la main à mon tour.

Qu’en est-il des enseignements suivis par les futurs vétérinaires ? Votre école est-elle ouverte aux médecines naturelles ? Quelle place prend cette discipline dans le cursus ?

On a seulement quelques heures de cours sur les médecines naturelles et pas de spécialisation possible. Ensuite, une fois par mois des consultations de phytothérapie ont lieu au centre hospitalier de l’école, et nous pouvons y assister en nous inscrivant. Dans le cadre de notre formation nous nous rendons également au centre de physiothérapie situé dans l’école lors de nos rotations cliniques. Il est également possible d’y réaliser des stages.

Aujourd’hui, on sait que les laboratoires et les grandes entreprises comme Mars Petcare (Royal Canin) investissent dans les écoles vétérinaires. Comment s’exprime cette influence ? Qu’en pensez-vous ? Est-ce que cela affecte réellement la formation des futurs vétérinaires ?

Les laboratoires et grandes entreprises sont bien moins présents qu’avant avec les nouvelles lois éditées. Il est vrai qu’ils aident financièrement pour nos associations, pour les conférences… mais je ne me suis jamais sentie obligée d’acheter leurs produits. En vérité on ne les voit jamais, ils sont présents lors de certains évènements, font

un petit discours avant le buffet (qu’ils offrent), et ça s’arrête là.

Ressentez-vous une quelconque pression à représenter des marques comme Royal Canin, Hill’s, ou Virbac au sein de votre école ? Et vos confrères ?

Pas du tout, nous n’avons aucun cours avec eux. Dans mon école, un de mes professeurs travaille avec Royal Canin, il nous l’a dit, mais cela n’affecte pas nos enseignements. J’ai de la chance d’être dans une école très ouverte. Mes amis tout comme moi, choisissons nous-mêmes nos marques de croquettes pour nos animaux, sans l’influence de qui que ce soit. Nous avons nos propres critères qui nous permettent de faire nos propres choix.

À ce jour, il est bien notifié sur l’emballage des vaccins de base qu’ils sont efficaces au minimum 3 ans. Les vétérinaires sont-ils tous au fait de cette modification ? Vos professeurs vous sensibilisent-ils à la survaccination, à la

durée de validité des vaccins ?

Nous avons effectivement des cours sur les protocoles vaccinaux. Le changement dans la réglementation est extrêmement récent ! Il existe par exemple maintenant un vaccin contre la rage pour lequel le rappel a lieu tous les trois ans. En revanche celui pour la leptospirose c’est toujours un an. Tout dépend de la notice du vaccin, nous on se tient à cette notice et on adapte le protocole en fonction.

Les douanes ne sont pas toutes au courant de ce changement par rapport à la rage, ça c’est plus embêtant, mais c’est normal, le changement est encore très récent. On apprend en tout cas à respecter les délais, car trop d’écart entre les rappels signifie qu’on doit reprendre à zéro tout le protocole de vaccination. L’important, c’est de suivre l’AMM, l’Autorisation de Mise sur le Marché.

Il y a des vaccins efficaces très longtemps et d’autres au contraire qui ne durent que quelques mois. Tout dépend du vaccin et c’est ce qu’on apprend à bien regarder.

« Seulement dans des circonstances exceptionnelles et si aucun médicament disponible ne correspond, là on peut passer au naturel. »

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Beaucoup accusent les écoles vétérinaires de faire l’impasse sur la nutrition, et sur les méthodes d’alimentation naturelles (BARF). D’autres affirment que les programmes ont été mis à jour, qu’il y a eu énormément de progrès dans ce domaine. Qu’en pensez-vous ? Est-ce le cas dans votre école ?

Aujourd’hui nous avons des cours de nutrition, qui évoquent aussi les rations ménagères et le BARF.

Bien sûr, tout dépend de ce que les gens entendent par “BARF”. Nous avons des Travaux Dirigés où nos professeurs en parlent, où ils abordent le sujet du BARF et définissent comment équilibrer la ration correctement, avec des tableaux qui calculent comment nourrir tel animal qui a telle activité physique, par exemple. On se tient très au courant des différentes tendances actuelles en matière de nutrition et on en discute. Le BARF, si mal proportionné, n’est pas une bonne idée ! Et mieux vaut une bonne croquette à la place.

Personnellement je ne suis pas prête pour le BARF, je juge qu’il nécessite de grandes connaissances nutritionnelles et une vraie préparation, ce n’est donc pas accessible à tous et encore moins du jour au lendemain. C’est pour cela que les vétérinaires sont parfois un peu réfractaires à cette manière de faire.

Adhérez-vous à l’idée que certains professeurs soient « fournis » par les grandes marques de croquettes ? Comment le vivent la plupart des étudiants ?

Dans mon école, on sait parfaitement qui travaille avec qui. Mon professeur, celui qui travaille avec Royal Canin, ne nous l’a jamais caché. Et ça ne l’empêche pas de parler d’autres marques, il parle de Royal Canin autant que des autres qui peuvent exister sur le marché, il reste très ouvert. Alors ça ne nous dérange pas.

Déontologiquement, un vétérinaire a-t-il le droit de prescrire un traitement naturel plutôt que chimique quand c’est possible ?

Nous avons un article de notre code de déontologie qui précise (R242-33) « I - L’exercice de l’art vétérinaire est personnel. Chaque vétérinaire est responsable de ses décisions et de ses actes. II - Le vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. » Autrement dit, un vétérinaire a le droit d’exercer comme il l’entend, et ne peut pas être forcé à donner un médicament plutôt qu’un autre.

La différence, c’est que le médicament prescrit va être validé légalement, et contrôlé par des experts, alors que la préparation phytothérapique artisanale non. Le vétérinaire applique dans ces cas-là le principe de la cascade : “Le système de la cascade offre au vétérinaire la possibilité de s‘écarter de l’utilisation stricte des médicaments enregistrés”… mais seulement s’il n’y a pas d’alternative thérapeutique disponible, ou s’il s’agit d’un traitement indispensable pour soulager des souffrances inacceptables.

En bref, seulement dans des

circonstances exceptionnelles et si aucun médicament disponible ne correspond, là on peut passer au naturel. Il existe des vétérinaires qui n’exercent qu’en phytothérapie, mais pour des soucis de santé ne nécessitant pas un médicament spécifique. Le propriétaire a toujours le choix en fonction de ce qu’a son animal.

Est-ce une médecine qui a du sens et qui a de l’avenir, d’après-vous/vos professeurs ?

Oui, ça peut être un moyen d’aider nos animaux nous-mêmes en tant que propriétaires, en complément de la médecine allopathique, par exemple pour soutenir l’animal lors d’une chimiothérapie. La médecine naturelle peut devenir un réel complément, un soutien de la médecine classique. Plusieurs professeurs de l’école s’intéressent aux médecines complémentaires, notamment à la phytothérapie, à l’aromathérapie, à la physiothérapie. Des thèses sont parfois proposées sur ces sujets.

L’école est ouverte à toutes ces alternatives, mais on a déjà tellement de cours en médecine classique qu’il est très difficile de trouver le temps d’étudier ces nouvelles pratiques. L’école vétérinaire est un parcours bien rempli avec énormément d’informations à retenir, c’est fatigant, et les élèves n’ont pas forcément le temps d’étudier encore autre chose : d’où l’existence de l’association des médecines complémentaires, qui nous permet tout de même de rester informés.