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Marion Chombart de Lauwe CARNET DE BORD 2011 - 2018

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2011 - 2018

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:::Dernières heures des bâtiments

Ce document a pour objet de présen-ter le projet et ses fondements. C'est un carnet de bord qui rend compte des temps forts de ma démarche autour du territoire, de la métamorphose et de la mémoire. Il est actualisé au fur et à mesure de l'évolution du projet, per-mettant une vision d'ensemble : son développement, son actualité et ses perspectives…

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Dernières heures des bâtiments

Présentation de projet

Dessiner les dernières heures des bâtiments en suivant leur processus de démolition et inscrire la trace de ces lieux sur ce qu’il reste d’eux. Actualiser le devenir d’un espace muté, dans la perspective d’une pensée de la disparition, de la mémoire et de la transformation.

La réalisation de ce projet implique plusieurs étapes. En premier lieu, il y a la nécessité d'un cheminement autour de ces espaces

en mouvement. Ma présence répétée sur les lieux, sert à la fois à la réalisation des dessins faits in situ ; à la collecte d'éléments (prise de sons, entretiens, photos, vidéos…) mais elle permet surtout de choisir l’angle narratif, le jalonnement des «instants remarquables1». Une prise de contact avec les acteurs du chantier se met en place, ce qui facilite une approche de terrain approfondie et une meilleure com-préhension du processus de démolition. C'est alors que débute le travail de collecte. Il est question de récupérer des éléments issus du chantier afin d’imprimer la mémoire de cette disparition sur les matériaux des bâtiments eux-mêmes. L'étape de gravure des dessins se réa-lise en FabLab ou en atelier de fabrication à l'aide d'une découpe laser. À l’issue de ce pro-cessus de création, les dessins originaux ainsi que les gravures deviennent des échantillons témoins d’un espace disparu et de l’histoire d’un lieu qui a cédé la place.

Dessin-réflexion sur la démolition en vérinage Le haut du bâtiment est mis en mouvement par des vérins, son centre de gravité étant déplacé du point d’appui, il sert de « bélier » en écrasant sa partie inférieure, s’effondrant ainsi sur lui-même.

1 L'Image mouvement, Gilles Deleuze.

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C'est lors d'une exposition d'architecture à Montréal que ce projet a émergé. Je me suis arrêtée un long moment devant des

vidéos de démolition à l’explosif. Images répé-titives et obsédantes, les bâtiments avaient tous une façon propre de tomber et de disparaître, ils semblaient changer un instant de nature, leur chute était singulière. La déformation faisait ap-paraître une ultime signature et la marque d’une métamorphose définitive qui semblait exprimer une part importante de leur essence.

Un bâtiment en brique semblait devenir liquide, angles et perspectives s'effondrant en cascade. Le Kingdome de Seattle, quant à lui, dévoilait tout à coup ses points d’appui sous le signal des explosifs, minutieusement orchestrés, avant de s’effondrer sur lui-même à la rupture de ses articulations. Ces mouvements de masses gigantesques m'évoquaient l'ampleur de grands mythes comme la chute des titans, s'effaçant du paysage en un temps bref et insaisissable.

Comment rendre compte de cet instant fra-gile entre deux moments stables, deux espaces délimités ? Comment représenter le jeu de ces instants aux bords des choses ?

Dessins-réflexion pour projet en état d’incertitude Les explosifs sont placés à des points précis qui caractérisent les points de forces de la structure. Déclenchés dans un ordre particulier, ils permettent l’orientation de sa chute. Il y a dans ce mouvement une essence tragique, mythologique, universelle.

Idée de départ

Les paysages en œuvresLes lieux se creusent, ils émettent un signal et disparaissent. Être sur la brèche, dans un instant donné, un entre deux qui ne peut être reproduit.

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médiatique ou ère de transition ? Nous sommes en tout cas dans une dialectique d’apocalypse qui, si elle appartient pour une part à nos imaginaires, n’en est pas moins vivante et animée.

Le 11 septembre 2001 a aspiré tous les regards du monde, créant un phénomène d’images obsédantes, galvanisant les fan-tasmes et les peurs. Les guerres sont souvent inscrites dans les murs, je l’ai vu à Mostar, à Sarajevo… quand personne ne veut en parler, les rues et les lignes de front s’expriment par leur ter-ribles morsures.

L' attrait pour les ruines et la marque du chaos n'est pas sim-plement le lieu d'un fantasme macabre et de destruction, c'est également un principe de renouvellement et de formulation du devenir. Une curiosité et un besoin de comprendre et de per-cevoir nos limites. Révéler des points de force revient quelque part aussi à penser nos faiblesses. La vulnérabilité n’est pas une fatalité, c’est un contact avec les limites de l’être, dans l’espace et dans le temps. L’histoire de l’extinction des dinosaures est aussi l’histoire de notre développement, de l'émergence d'autres espèces… ferions-nous aujourd’hui place à d’autres ?

Dans ce projet, il y a le désir de rendre visible l’invisible, être témoin d’une transformation. Saisir cet espace en devenir qui a donné le signal de son départ ou de sa métamorphose pour faire place. Observer une disparition et la graver quelque part en elle-même et en nous. Faire un hommage de mémoire comme un rite de passage qui marquerait le corps du paysage.

Pochoir à la bombe sur un mur d’une image répétée : la chute d'une ville

Dessiner les dernières heures des bâtiments. C’est presque une formule ironique, une sorte d’anthropomorphisme de l’hommage au soldat inconnu, appliquée aux bâtiments.

Il existe une filiation avec l’image de la guerre à travers la mémoire, les médias, les murs des villes (Mostar, Hiroshima, Nagasaki, Dresde, Bagdad, le World Trade Center…) —images répétées, images actualisées— nous avons parfois le senti-ment, l'illusion ou le fantasme d’être témoin des dernières heures, témoins du désastre. Extinc-tion d’espèces, dégradation de l’environnement, catastrophes climatiques et nucléaires. Outrance

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Le processus de démolition avait débu-té depuis plusieurs mois déjà lorsque j’ai commencé à suivre ce chantier en sep-

tembre 2011. Je l'ai accompagné du regard et dessiné jusqu’en janvier 2012, moment de la disparition complète du bâtiment.

Premier chantier et expérimentation

Usine de chauffage urbainL’usine construite par CPCU dans les années 60 au bord du canal de l’Ourq à Paris dans le quartier de La Villette sera déconstruite au cours des années 2011-2012.

Schéma de captation, repères d'espace et de tempsUne méthode : je cherche des points qui vont donner l’angle par lequel je saisis, puis je m'enroule avec les mouvements du chantier, les contraintes du moment, la lumière… C’est à la fois structuré par le cadrage et une sorte de linéarité temporelle, mais aussi chaotique et spontanée.

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Dessins au trait

Pendant la réalisation des dessins de l'usine, et avec l'aide des ouvriers qui travaillaient sur le chantier, j'ai récupéré des plaques de métal provenant du bâtiment pour y im-

primer les dessins de la démolition. C'est au fablab Artilect à Toulouse que j'ai commencé ce travail de gravure à la découpe laser de façon expérimentale.

Le processus de disparition est imprimé sur des matériaux récupérés et si possible issus du chantier.

Gravure sur métal

Impression de la mémoire des lieux# Extrait de série : Usine de Chauffage urbain de la Villette

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Les travaux de réhabilitation du bâti-ment ont durés 2 ans. La structure est préservée mais subit de nombreuses

transformations. Les lieux se creusent et laissent entrer la lumière.

Une nouvelle peau

Magasins générauxLe bâtiment qui abritait les anciens entrepôts de la chambre de commerce et d'industrie de Paris à Pantin ont été réhabilités en 2016. J'ai parcouru ces espaces tout au long de leur métamorphose.

Schéma du bâtiment

Plan et dates de moments choisis

pour la réalisation des dessins au trait.

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Dessins au trait # Série 2 : Magasins généraux à Pantin

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Instant #18Les dessins originaux sont exécutés au rapidographe, à l'encre sur papier. Dimensions : 21 x 29,7 cm.

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Instant #21Dimensions : 21 x 29,7 cm.

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La taille-douce utilise la plaque —sou-vent en métal (zinc, cuivre, acier)— comme matrice pour l'impression

des gravures sur papier, c'est elle qui sert de passerelle entre le travail de créa-tion et l'œuvre transcrite à l'encre sur pa-pier. Ici, contrairement à cette technique très riche des arts appliqués, c'est le pa-pier via les outils numériques, qui devient un médium entre le moment saisie et la plaque finalisée.

Dans ce processus d'impression sur matériau issu des bâtiment —ici de l'acier— le dessin devient la matrice et la plaque de métal le support final.

Le dessin, une empreinte Work in progress

Le papier et l'encre comme matrice

Plaques-mémoire d'un rite de passage

Plaque-mémoire 1 instant #6Première plaque d'acier issue du bâtiments d'environ 2 kilos, pour 32 cm de large et 15 de hauteur.

Pour marquer ce moment de transi-tion où les bâtiments se préparent à une nouvelle vie, les éléments sélec-

tionnés —révèlateurs d'une essence pas-sée— imposent leur potentiel physique et plastique. Les matériaux choisis pré-sentent des contraintes et induisent des techniques particulières pour leur donner corps. L'étape d'impression à la découpe laser suffit parfois à faire vivre la rencontre entre le dessin et les matériaux mais elle pousse souvent à aller plus loin dans l'ex-périmentation. Certaines plaques sont travaillées un peu comme des bas reliefs —sous une forme adaptée aux outils et techniques contemporaines— puisqu'il est possible de sculpter à travers les diffé-rentes couches de revêtement.

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Étape de travail d'une plaquePlaque 6 instant #10 : 15 x 32 cm.

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Work in progress Expérimentations sur plinthes en acier issue du chantier

Variations sur un ensemble de paramètres : le traitement du revêtement, l'ajout et l'extraction de matière, le travail à l'eau-forte, l'oxydation et ses évolutions, la patine, les formats, les apprêts, les coupes…

Détails de plaquesZoom sur la rencontre entre matériau, dessin et traduction numérique au laser.

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Plaque-mémoire 48 instant #21Plaque d'acier issue des gardes-corps du bâtiments. Découpe au chalumeau. Gravure à la découpeuse laser à partir d’un dessin au trait original fait in situ, puis sculpture dans les couches du revêtement d’origine et patine. Environ 1 kilos 700, 15 cm sur 30. 2015.

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Présence dans l'espace publicPlace de la Pointe à Pantin

Plaque-mémoire 90 instant #10Une des six plaques installées le 31 décembre 2016 auprès des Magasins Généraux, sur la place de la Pointe à Pantin. Dimensions : 75 cm sur 45.

Que ceux qui parcourent ces paysages rencontrent au détour de leur promenade quelques empreintes du temps et des ces espaces mutés, donne une dimension profonde à ma démarche.

L'installation de ces œuvres au plus près des bâtiments qu'elles racontent est un accomplissement pour ce récit de mémoire en transition où se lirait en direct, les signes pour une archéologie future.

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Ce lieu datant des années 1920, au delà de son passé industriel lié aux activités des chantiers navals de la

ville, a également été un endroit symbo-lique du monde de la culture Nantaise pendant les années 90 où les friches à l'abandon s'ennuyaient et les projets ar-tistiques en mal d'espace fleurissaient.

Nantes

Fabrique de glaceEntre deux-eaux pendant de nombreuses années, la Fabrique de Glace sur l'Île de Nantes à été démolie pendant l'hiver 2016.

La Fabrique sous la pluiePlaque-mémoire issue d'un

dessin au trait sans parapluie

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Dessins au trait Extraits de série : Fabrique de glace

Rendez-vous dans 8 ans, avec la mémoire des lieux disparus 4 plaques sont destinées à être installées dans les espaces publics alentours, lorsque la zone aura achevée sa reconstruction et accueillis son nouveau CHU.

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Plaque-mémoirePlaques découpées

au plasma, issues d'une porte.

Gravure sur matériaux de bâtimentsExtraits de plaques de la série #3 : Fabrique de glace

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Difficile d'accès et usé par le temps, l'édifice s'est effon-dré de façon fulgurante dès le début de l'intervention des démolisseurs. Laissant peu de prise quant au mo-

ment même de sa transformation. La restitution de ces ins-tants a donc exigé quelques détours à travers le souvenir. Ainsi, l'écriture et la composition des images est devenue semi-fic-tionnelle. D'une certaine façon, cela met en avant une question sous jacente dans ma démarche : la construction de la mémoire. Tout élément qui se rendrait témoin de notre patrimoine, n'est-il pas toujours empreint de fiction ou du moins d'un récit partiel, voir recomposé ?

Une histoire à strates multiples

Château de RomainvilleLe château de Romainville datait de 1630, trop abimé par le temps, il a été démoli au printemps 2017.

Deuxième dessin du châteauUn instant de son histoire

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Dessins au trait Extrait de série #4 : Château de Romainville

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Plaque 6#6Sur matériaux du château

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Notes générales autour du paysage et du territoire

Quelques pistes de lecture d’un siteC’est par l’art de la mémoire —Ars memorativa,

inventé par les Grecs et actualisé entre autre par Sébastien Marot dans l’art de la mémoire— le terri-toire et l’architecture, que j’alimente ma démarche, pour matérialiser la dimension spatiale et tem-porelle d’une mémoire collective au sein d’un paysage. La mémoire et l’image mentale servant d’outils d’actualisation.

Un aspect du territoire qui offre des mutations représentablesDans les paysages, des milliers de mémoires

se sont accumulées, se sont laissées transfor-mer et inventer. Il s’agit de mettre à disposition des regards, « des images qui impressionnent la mémoire ». Ce qui était d’une importance capi-tale avant l’imprimerie reste le fondement de la pensée humaine.

Un territoire : des idées enfilées Accessible/inaccessible // Opacité/apparition //

La démolition brouille les frontière du visible, lève les obstacles au regard, créée des percées… // Rythme subtile entre espaces ouverts et espaces fermés autrefois intimes, proches ou lointains // Curiosité qui stimule l’imaginaire // Effets corro-sifs de l’action humaine // Le ré-agencement de la matière // Des bâtiments comme des trophées de chasse ? // Actualisation et attachement sym-bolique // Variations physiques et symboliques du paysage // La continuité des images comme repro-duction d’espaces perdus ou rêvés…

Correspondances et bibliographie autour du projetJean-Claude Ameisen, « La sculpture du vivant »

Bernd et Hilla Becher

Walter Benjamin

John Brinckerhoff Jackson « De la nécessité des ruines et autres sujets »

Peter Brook, « L’espace vide »

Camille Claudel

Gilles Deleuze, « L'image mouvement »

Barbara Glowczewski

Rem Koolhaas, « New York délire »

Sébastien Marot

Gordon Matta-Clark

Nicolas Moulin

Georges Pérec, « Espèces d'espaces »

Claude Régy, « Espaces perdus » et « L'état d'incertitude »

Auguste Rodin

Le pli d’une civilisation: la crise. (France culture 16/12 les nouveaux chemins…)

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Perspectives et devenirPartout… le monde

Les perspectives de ce projet se déploient à mesure qu'il se développe. Un processus d'accumulation de matériaux (plastiques, visuels, sonores…) enrichissent considérablement les possibilités de l'exposer, de le lire, de l'éprouver. Les lieux sont racontés et remémo-rés offrant éventuellement une rencontre surnaturelle avec un espace-temps disparu que l'on pourrait un peu toucher, sentir…

Il se développera dans différents contextes et environnements, là où le travail de mémoire se fait témoin de changements radicaux et

définitifs : d'anciens lavoirs à charbon classés et condamnés en Bourgogne ? Les vestiges des sites industriels de l'ère Ceausescu en Roumanie ? Vieilles villes qui font peau neuve ? Paris, Pantin, Romainville, Montceau-les-Mines, Leipzig, Montréal, Johannesburg…

Garder une trace —plaques imprimées, publi-cations, création sonore, interviews— mais éga-lement, aménager des moments uniques et éphémères… comme un rite de passage qui marque une rupture dans ces paysages par une célébration —exposition, scénographie, vidéo, installation, performance…

Tout autour de paysages anodins ou remar-quables, j'espère faire vivre ce travail en faisant hommage à la poésie des espaces, à l'imagi-naire des lieux que l'on quitte, à l'espérance des espaces qu'ils libèrent…

Captation vidéo : extraitsRépercutions sonores et vibratoires du bâtiment transmises par l'eau, lu par les lignes du filet de protection.

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Marion chombart de Lauwe

Démarche artistique

Tandis que mon apprentissage du dessin et des arts plas-tiques se fait en auto-didacte (depuis le plus jeune âge), puis auprès d'un peintre professionnelle ; je me forme au

théâtre à partir de 1999 à la faculté de Toulouse parallèlement à des études d'anthropologie, je me consacre pleinement aux arts de la scène en suivant la formation professionnelle d'ac-teur du Théâtre 2 l'Acte, Vers un acteur pluriel, en 2002. Mon travail artistique s'est donc épanoui au sein des arts vivants du-rant une dizaines d'années, développant une écriture plastique, poétique, expérimentale au travers de rencontres et de projets foisonnants. En 2010, je commence la gravure en taille-douce.

Ma pratique continue du dessin me conduit à réaliser les objets de communication visuelle des projets dans lesquels je suis enga-gée. C'est ainsi que je découvre ce qui deviendra par la suite une part de ma vie professionnelle : le design graphique. Après une formation, en 2010, je décide de l'intégrer à ma pratique artistique, sans cloisonnement. Atouts artistiques, culturels et techniques sont alors des outils d'écriture au service d'idées et de signes propres à stimuler la pensée et le regard actif, éta-blissant une correspondance entre diffuseur et acteur (usagers, citoyens, consommateurs, passants…).

Contrairement à l'attention du graphisme portée à la commu-nication d'un message, ma démarche artistique se veut libre et personnelle.

J'y développe un sens de l'exploration et de l'occupation des lieux. Lorsqu'une piste attire mon attention, je cherche l'occur-rence, observe le contexte choisi —inspirée des méthodes eth-nographiques— et développe alors une relation et une approche

Mon parcours artistique s’est développé et épanoui dans un contexte d’interdisciplinarité et de mariage entre les arts vivants et les arts visuels. Cela caractérise mon tra-vail et l’enrichit d’un regard croisé.

de terrain où le dessin au trait trouve une place prépondérante comme mode d'écriture et de prélèvement.

Ce processus organise et développe mon travail, trace une topographie qui s'actualise dans l'action et la présence sur les lieux. Cette notion d'espace est une caractéristique importante de ma démarche. Je me positionne volontiers comme plasti-cienne de terrain, ressentant le besoin d'habiter temporairement et symboliquement les sujets qui m'occupent pour dégager un dessein susceptible de se donner à voir et donc à penser.

Je travaille en premier lieu à partir du dessin car il permet un rapport simple et immédiat ; il autorise une grande mobilité et souplesse d'action. C'est par la synthèse de l'approche sur les lieux et des résultats obtenus que le récit s'organise. Le sujet mêlé à l'expérience vécue trouve un mode de transposition et se traduit par une forme qui l'expose.

En ethnologie, j'ai appris à aborder la notion de terrain par différents modes de prélèvements et d'occupation puis par la prise de distance nécessaire au positionnement théorique ; au sein des arts vivants j'ai développé une relation à l'espace à tra-vers l'engagement du corps, notamment par le biais de l'instal-lation et la performance, enfin par le design graphique ce sont les objets créés en amont qui occupent des espaces donnés. Dans mon travail plastique —nourrit de toutes ces expériences et réflexions— le rapport de l'espace à l'objet et à sa représen-tation, est permanent. Cette relation s'exprime par un aller-re-tour continuel entre le travail d'atelier et une présence directe du corps en création, enrichi par le contact avec les occupants ou usagers des lieux. La finalisation des œuvres peut s'opérer en FabLab (atelier de fabrication) ou dans toute autre structure mettant à disposition des artistes, les moyens d'une recherche et concrétisation de projet.

Mon travail s'inscrit donc dans une démarche artistique pluri-disciplinaire et s'efforce de prendre la température de ce monde à travers l'espace et sa représentation, gérant si possible avec humour et sincérité les paradoxes et complexités d'une société qui questionne continuellement les lieux qu'elle occupe.

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De novembre 2010 à janvier 2012, la démolition de la chaufferie de la Villette (également appelée usine CPCU), construite dans les années 1960, a suscité un véritable intérêt des riverains, des ouvriers et d’artistes divers (photographes, vidéastes, dessinateurs). Marion Chombart de Lauwe, graphiste et illustratrice, s’est emparée du sujet. Entre septembre 2011 et janvier 2012, elle revient régulièrement sur le site pour en faire une série de dessins au trait, que l’on peut feuilleter par ordre chronologique dans un Moleskine accordéon, s’intégrant ainsi dans la « communauté autour de l’usine », qui suit, étape après étape, le démontage de la chaufferie. Cette série n’est pas encore terminée : « Il est difficile de s’arrêter, parce qu’après la démolition, il y a la ville en creux. » Peut-être continuera-t-elle à dessiner le site « jusqu’au retour au plat ».

Travail de décortication, digne de planches d’entomologie, Marion se dit également influencée par ses lectures de Jean-Claude Ameisen, chercheur en biologie et immunologie, notamment par La Sculpture du vivant, où il affirme : « Il y a une raison essentielle à cette absence de cadavre : le monde vivant élimine les morts. Le monde vivant se nourrit des morts. » Ce qu'elle a transposé sur la ville. Bien que fascinée par la mise en scène d’une disparition, ce n’est pas le morbide qui la retient, mais bien ce que la ville a de vivant, dans son renouvellement, dans l’énergie de son chaos, dans la faiblesse de ses anciens « points de force ».

Rigueur et influence scientifiques donc, pour cette ancienne étudiante en anthropologie, mais, pourtant, pas de rigueur de point de vue. La dessinatrice s’adapte au meilleur angle en fonction du temps de la démolition. Il s’agit bien de « prendre quelque chose par plusieurs bouts », accompagnant la mise à nu du bâtiment, le creux, le plat, jusqu’au devenir du site, certainement des logements et des jardins.

L’exposition Exaggerated realities présentera ces dessins, parmi d’autres, du 28 août au 9 septembre 2012 au Signal Arts Centre de Bray, en Irlande (comté de Dublin).

http://chombart.net/

From November 2010 to January 2012, the demolition of La Villette’s boiler room (also called CPCU factory), built in the 1960s, stirred up real interest among the residents, workers and various artists (photographers, video-makers, illustrators). Marion Chombart de Lauwe, a graphic designer and illustrator, took possession of the subject. From September 2011 to January 2012,

she returned regularly to the site to create a series of line drawings, which you can leaf through by chronological order in a Moleskine accordion sketchbook, therefore, becoming a part of the “community around the factory”, following the dismantling of the boiler room, step by step. This series is not yet complete: “It is difficult to stop, because after the demolition, there is a hollow in the city.” Perhaps she will continue to draw the site “until it becomes level again”.

A work of dissection, worthy of entomology plates, Marion says she is also influenced by her reading of Jean-Claude Ameisen, a biology and immunology researcher, and particularly La sculpture du vivant (The Living Sculpture), in which he asserts: “There is an important reason for this absence of a corpse. The living world gets rid of the dead. The living word

feeds on the dead.” She transposed this to the city. Although fascinated by the portrayal of loss, she is not held back by the morbid, but by what is alive in the city, its renewal, the energy of its chaos, the weakness of its former “points of strength”.

Therefore, there is precision and scientific influence for this former anthropology student, but, nonetheless, no strict point of view. The artist adapts to the best angle depending on the demolition time. It is really a question of “taking something bit by bit”, following the baring of the building, the hollow, the level, up to the future of the site, most probably apartments and gardens.

The Exaggerated Realities exhibition will show these drawings, among others, from 28 August to 9 September 2012 at the Signal Arts Centre in Bray, Ireland (Dublin county).

Fanny LégLise

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Article dans 'A'A'L'Architecture d'Aujourd'hui, mars 2012, n°388, p.102-105

Travail de décortication, digne de planches d’entomologie, Marion se dit également influencée par ses lectures de Jean-Claude Ameisen, chercheur en biologie et immunologie, notamment par La Sculpture du vivant, où il affirme : « Il y a une raison essentielle à cette absence de cadavre : le monde vivant élimine les morts. Le monde vivant se nourrit des morts. » Ce qu’elle a transposé sur la ville. Bien que fascinée par la mise en scène d’une disparition, ce n’est pas le morbide qui la retient, mais bien ce que la ville a de vivant, dans son renouvellement, dans l’énergie de son chaos, dans la faiblesse de ses anciens « points de force ».

Rigueur et influence scientifiques donc, pour cette ancienne étudiante en anthropologie, mais, pourtant, pas de rigueur de point de vue. La dessinatrice s’adapte au meilleur angle en fonction du temps de la démolition. Il s’agit bien de « prendre quelque chose par plusieurs bouts », accompagnant la mise à nu du bâtiment, le creux, le plat, jusqu’au devenir du site, certainement des logements et des jardins.

L’exposition Exaggerated realities présentera ces dessins, parmi d’autres, du 28 août au 9 septembre 2012 au Signal Arts Centre de Bray, en Irlande (comté de Dublin).

Article écrit par Fanny Léglise.

Article bilingue.Rubrique Inspiration. Dessins de Marion Chombart de Lauwe sur la démolition de l’usine CPCU.

Texte :

De novembre 2010 à janvier 2012, la démolition de la chaufferie de la Villette (également appelée usine CPCU), construite dans les années 1960, a suscité un véritable intérêt des riverains, des ouvriers et d’artistes divers

(photographes, vidéastes, dessinateurs). Marion Chombart de Lauwe, graphiste et illustratrice, s’est emparée du sujet. Entre septembre 2011 et janvier 2012, elle revient régulièrement sur le site pour en faire une série de dessins au trait, que l’on peut feuilleter par ordre chronologique dans un Moleskine accordéon, s’intégrant ainsi dans la « communauté autour de l’usine », qui suit, étape après étape, le démontage de la chaufferie. Cette série n’est pas encore terminée : « Il est difficile de s’arrêter, parce qu’après la démolition, il y a la ville en creux. » Peut-être continuera-t-elle à dessiner le site « jusqu’au retour au plat ».

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Émission France Culture

World radio Paris

Le 27 septembre 2016 à 14h, 1 heure

Sun 14 Feb 2016 | running time : 10 minutes

Émission radio « A sunday at the atelier » by Christina Maximoff.Rencontre dans l’atelier de Marion Chombart de Lauwe.

Les nouvelles vagues de Marie Richeux « Suivre le lieu à la trace ».

Deuxième temps de cette semaine qui sonde des lieux. Aujourd’hui, avec deux artistes, nous nous penchons sur le souvenir de lieux devenus invisibles ou démolis : faire de leurs vestiges un matériau pour la photographie ou la gravure numérique...

Avec Alexandre Gurkinger, photographe, il a travaillé sur les vestiges invisibles de la Ligne Maginot. Son travail était exposé aux Rencontres Photographiques d’Arles cet été, jusqu’au 25 septembre ; Marion Chombart de Lauwe, plasticienne, elle arpente les lieux en chantier pour en récupérer des matériaux. Son projet Dernières heures des bâtiments consiste à suivre le processus de démolition de lieux comme les Magasins Généraux à Pantin ou les anciennes Usines de Chauffage urbain à la Villette, afin d’inscrire leurs traces sur ce qu’il reste d’eux. Nous parlons avec eux de la façon dont ils travaillent les territoires, leurs métamorphoses, leurs disparitions.

www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-vagues/les-lieux-24-suivre-le-lieu-la-trace

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Reportage Museum TVDiffusé le samedi 06 janvier 2 à 21h

et le dimanche 08 janvier à 17h et 22h, 30 minutes

Documentaire inédit « Femmes artistes sur terrain masculin » avec Agnès Thurnauer, Marion Chombart de Lauwe et Laurence de Leersnyder

Ce documentaire s’intéresse aux femmes artistes dont les démarches s’inscrivent sur des terrains traditionnellement masculins. Dans l’espace public, sur des chantiers de construction ou dans les squats, mais aussi encore dans les fonderies où travaille un personnel majoritairement masculin, de jeunes peintres, dessinatrices ou sculptrices ont soutenu des démarches artistiques devant des regards interrogateurs, bienveillants ou parfois moqueurs.

www.museumtv.fr/portfolio/girls-only/

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nenni. « Je ne pleure pas sur la disparition de quelque chose. Je veux me promener sur la crête des choses, là où ça bascule, entre le “tiens, c’est là” et le “tiens, ce n’est plus là”. C’est cet entre-deux qui m’intéresse. » « L’art est un engagement du corps, pour-suit-elle. Sur le terrain, au bord du canal, on sent l’humidité, le vent, le froid, les doigts s’engourdissent. » Le poids de l’acier, transporté dans un sac à dos et à coups de pédaliers entre la rive de l’Ourcq, le WoMa (pour l’imprimante laser) et Paris ateliers (pour la taille douce), meurtrit le corps et use le vélo. « Les contraintes sont réelles », s’amuse Marion Chombart de Lauwe, qui espère voir aboutir des partenariats avec des acteurs concernés par l’aventure (BETC, Nexity, entreprises, collectivités). « C’est la première fois de ma vie que la diversité de mes formations – théâtre, eth-

« Y’avait une ville. Et y’a plus rien »Les vers de Claude Nougaro résonnent dans la démarche artistique. Avant les maga-sins généraux, l’artiste avait accompagné la déconstruction de l’usine de chauffage urbain à La Villette (Paris 19e). Le projet, développé dans un FabLab de Toulouse, avait donné lieu à la création de gravures numériques réalisées sur des plaques en métal récupérées sur le chantier.Une fascination pour la pierre et les paysages urbains qu’un voyage en Bosnie aurait éveil-lée : « Je suis arrivée en Bosnie cinq ans après la guerre civile. Personne ne parvenait à en parler. Seuls les bâtiments de la ville, les murs cassés, défoncés, brisaient le silence. Ce sont eux qui racontaient l’histoire que les humains ne pouvaient pas dire. »Un attrait pour la démolition et le chaos dénué de toute morbidité : « Ce ne sont pas les ruines et la destruction qui m’interpellent, mais la transformation de la matière. Les vidéos d’implosion de bâtiments m’obsèdent ; ce moment où le solide semble se liquéfier, juste avant de s’effondrer. »

« Je veux me promener sur la crête des choses »On pourrait croire l’artiste nostalgique d’un passé qui s’évanouit, mélancolique, aspirant à immortaliser la fugacité des instants que l’on sait évanescents. Que

Sur des matériaux glanés au cours du chantier de rénovation des magasins généraux, Marion Chombart de Lauwe imprime, au laser, des dessins qu’elle a croqués en arpentant les lieux. Le geste artistique se faufile dans la brèche que constitue la transformation du bâtiment industriel pour saisir transition et mouvement. Souvenir de la bâtisse converti en gravure de la mutation : l’œuvre témoigne de métamorphoses et les engendre, tisse la mémoire de l’avenir.

Depuis près d’un an désormais, Marion Chombart de Lauwe arpente le chantier de reconversion des bâtiments des douanes qui accueilleront, en 2016, l’agence de commu-nication BETC. « Je me familiarise avec le lieu, je discute avec les ouvriers, je repère des matériaux que je pourrais réutiliser. Je choi-sis des angles, je fais des photos. Et surtout, je dessine. »Les dessins réalisés sur le terrain sont par la suite encrés – « plus je dessine, plus je vois des choses, plus je comprends la structure du bâtiment » – et numérisés, avant qu’un logiciel les transforme en informations sus-ceptibles d’être comprises à leur tour par le faisceau laser qui les imprimera sur des plaques en acier.

Gravure numérique et pas seulementLes pièces en acier sont les anciennes plinthes des garde-corps longeant les cour-sives qui ceignent le bâtiment principal. « Le chef de chantier me les met de côté. Une cen-taine de morceaux d’1,70 m qui ont échappé au ferrailleur grâce au don d’AMTP démo-lition et l’aide de ses employés! Je demande également aux ouvriers de m’en découper quelques bouts, en tailles plus petites, au chalumeau. »À la sortie de l’imprimante, les plaques – d’une trentaine de centimètres de largeur, une vingtaine de hauteur – laissent deviner les traces de leur vie passée, « c’est à chaque fois, une surprise ! ». Les couches successives

de peintures et revêtements, façonnées par la rouille, les intempéries, l’usure du temps se déclinent en blancs, rouges et bleus.« Les pièces ne sont pas toutes exploitables en l’état, juge Marion Chombart de Lauwe. Je retravaille la plupart des imprimés avec les techniques de la taille douce classique pour obtenir davantage de contrastes, de textures, de grains, de perspectives. Je suis toujours en phase expérimentale. »

Projet artistique

Réminiscences à venir

nologie, arts visuels – et de mes expériences de travail convergent, s’enthousiasme l’artiste. C’est un horizon de perspectives professionnelles qui s’ouvre. C’est très sti-mulant. » Patricia de Aquino

l Marion Chombart de Lauwe52, rue d’Aubervilliers 75019 Paris& 06 82 75 78 71 et 01 77 12 24 [email protected] www.mcdl.net

WoMa et Paris ateliers : des espaces ouverts à tous

l WoMa pour « working » et « making ». Un espace de 180 m2, bien équipé (scie circulaire, à onglet radiale, fraiseuse numérique, découpe et imprimante laser 3D), animé par une équipe aux compétences diverses (architectes, designers, sociologues, communicants), ayant vocation à impulser des pratiques collaboratives. Plusieurs offres de services, formations. Tarifs de 10 € HT/heure à 700 € HT/an. w WoMa 15bis, rue Léon-Giraud, Paris 19e & 01 40 18 59 21 [email protected] l Paris-Ateliers est une association subventionnée par la ville de Paris qui propose la pratique d’une centaine d’activités dans les domaines des métiers d’art, des arts plastiques, numériques, et du texte. 160 artistes, 580 cours, 30 sites. Les tarifs varient suivant les moyens mis à disposition des usagers, les ressources de l’inscrit (quotient familial calculé à partir de l’avis d’imposition), l’âge, et la situation sociale (bénéficiaire du RSA). Auxquels s’ajoutent les frais d’inscription : 17 €.w Paris Ateliers & 01 44 61 87 91 www.paris-ateliers.org

À la sortie de l’imprimante laser, l’artiste rince la plaque en acier pour la « dépoussiérer ».

Matière première des œuvres : des plinthes récupérées sur le chantier.

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Article dans Canal PantinCanal Pantin, avril 2015, p. 28-29

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L E M AG A Z I N E D E R O M A I N V I L L E - AV R I L 2016 n 31

Ils font la ville

30 n L E M AG A Z I N E D E R O M A I N V I L L E - AV R I L 2016

Marion Chombart deL a u w e a e n t e n d u parler du château de Romainville pour la

première fois alors qu'elle travail-lait sur les Magasins généraux dePantin, dans le cadre d'un projetartistique baptisé « Les dernièresheures des bâtiments ». Intéresséepar tout édifice promis à la démo-lition, la jeune femme a été particulièrement séduite par la de-meure des Ségur. « Jusque-là,j'avais dessiné des bâtiments plusrécents. L'âge du château me plaîtcar il implique des couches et dessous-couches de mémoire ; lescouches de papier-peint superpo-sées sont autant d'époques etd'histoires. Et puis il a une dimen-sion romantique du fait qu’il est enruines, ça ne gâche rien. »L’artiste a donc réalisé ses premiersdessins du château il y a un an. LesRomainvillois l’ont peut-être déjàaperçue, crayons à la main ; ils

vont la croiser souventces prochaines se-maines puisque les tra-vaux de démolitionvont commencer (lirepage 19) et qu’elle vaen saisir les différentesétapes. « Ce que jedessine, c’est le mo-ment très bref et trèssubjectif de la transfor-mation, de la dispari-

tion. Je fige un instant fragile entredeux moments stables. »

Comme pour l’usine CPCU situéeau bord du canal de l’Ourcq àParis, et comme pour les Magasinsgénéraux de Pantin (photo), l’ob-jectif de Marion Chombart deLauwe est d’imprimer ses dessinssur des matériaux récupérés sur lechantier de démolition, à l’aided’une découpeuse laser. Pour cela,elle va collaborer avec les entre-prises et les ouvriers qui serontchargés de ce chantier. « Je ne saispas encore ce que je vais pouvoirutiliser. Peut-être du métal, de latomette, ou du bois. Pour moic’est une étape importante car ellepermet la rencontre entre le dessinet le bâtiment. »Elle assure que son regard sur lesédifices qu’elle dessine n’a rien denostalgique. Ce qui l’intéresse,c’est le moment vivant que consti-tue une démolition. « Les transi-tions font toujours réagir : certainsne peuvent admettre le vide, d’autres apprécient l’inconnu

de l’avenir. Je respecte tous les ac-teurs des territoires sur lesquels jetravaille, tous les points de vue. Jene suis ni dans le le passé ni dansle futur, je suis dans le présent. »

Figer l’instant fragiled’une disparition

L'âge du château me plaît car il impliquedes couches et des sous-couches de mémoire.

Marion Chombart de Lauwe travaille actuellement sur un projet artistique autour de la démolition du château de Romainville. Elle va saisir les différentesétapes de sa disparition et les imprimer sur des fragments du bâtiment.

PORT

RAIT

Découvrir le travail de Marion Chombart de Lauwe

Marion Chombart de Lauwe

organise « Cercle extra-po-

laire », une exposition et un

événement autour de son pro-

jet « Les dernière heures des

bâtiments », le samedi 23 avril

à partir de 15h à l'Ourcq blanc

(29, rue de l'Ourcq à Paris) ;

entrée libre.

Plus de renseignements sur www.mcdl.net

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Article dans le Mag' RomainvilleJournal de Romainville, avril 2016, n°63, p. 30-31

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Article dans Le ParisienJournal, mardi 16 mai 2017, n°22610, p. 23

Romainville : cette artiste croque « lesdernières heures des bâtiments »

Entre le bâtiment debout et les débris qu’il laisse au sol, il y a ce temps de déconstruction

que Marion Chombart de Lauwe souhaite capter. Depuis 2011, cette artiste se plaît à

croquer les « dernières heures des bâtiments ».

Elle s’est récemment attelée au château de Romainville. Il n’en reste aujourd’hui plus rien

mais avant que la vieille bâtisse ne soit démolie, Marion Chombart de Lauwe s’est

installée, carnet en main, pour le dessiner.

Une entreprise qui a duré moins longtemps que prévue, tant le bâtiment était dégradé

et s’est effondré comme un château de cartes. Peu importe : « C’est un travail de

mémoire sur des moments très courts, fragiles, explique-t-elle. C’est de l’ordre du

souvenir reconstitué. »

En plus des croquis, la jeune femme récupère des pièces sur les chantiers et elle y grave

ensuite les dessins à la découpe laser. « La découpeuse va brûler le revêtement, cela crée

des ambiances. » Et cela donne des pièces uniques qui, à Romainville, pourraient trouver

leur place sur le domaine de la future île de loisirs de la Corniche des forts. C’est en tout

cas le souhait de la municipalité, qui « réfléchit avec le syndicat de l’île de loisirs » mais

qui « les utilisera de toute façon ».

Ailleurs, les œuvres de Marion Chombart de Lauwe ont déjà trouvé place dans l’espace

public. Sur la place de la Pointe à Pantin par exemple, des yeux avertis auront repéré six

plaques au pied des Magasins généraux, le long du canal de l’Ourcq.

Romainville, le 18 avril. Marion Chombart de Lauwe a croqué les derniers instants du château de Romainville, situé juste àcôté de la mairie. Il n’en reste aujourd’hui plus rien. LP/Elsa Marnette

Romainville : cette artiste croque « les dernières heures des bâtime... http://www.leparisien.fr/pantin-93500/romainville-cette-artiste-cr...

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Article dans Est ensemble le mag'Carte blanche à… MCdL, juillet-août-septembre 2017, n°31, p. 19

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CARTE BLANCHE À… MARION CHOMBART DE LAUWE

1978 Naissance aux Lilas 1999-2010 Pratique artistique au sein des arts du spectacle 2011Début du projet artistique Dernières heures des bâtiments 2011-2012 Démolition de l'usine de chauffage urbain de la Villette 2013-2016Travail sur les Magasins généraux de Pantin 2016 Derniers moments de la Fabrique à glace de Nantes 2016 Installation de 6œuvres sur la place de la pointe auprès des Magasins généraux à Pantin 2017Disparition du château de Romainville

Bio express«Être témoin d’une transformation… rendre visible un fragment d’invisible… dessiner sur la brèche – entre deux moments stables– et saisir cet espace en devenir qui a donné le signal de son départ ou de sa métamorphose pour faire place. Observer une disparition et la graver quelque part en elle-même et en nous. Faire un hommage de mémoire comme un rite de passage qui marquerait le corps du paysage.

Dernières heures des bâtiments est un projet artistique qui dessine le processus de transformation de lieux en cours de mutation et grave à l'aide d'une découpe laser, les dessins effectués au cours du chantier, sur les matériaux issus des bâtiments racontés…»

Site Internet: mcdl.netFacebook: facebook.com/marion.chombartdelauwe

L’artiste lilasienne Marion Chombart de Lauwe travaille actuel-lement sur le château de Romainville, après s’être illustrée par ses dessins gravés des Magasins généraux de Pantin.

Dessin au trait de la disparition du château de Romainville – Instant #3

LE MAG’ / LE MAGAZINE D'EST ENSEMBLE

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merci

Aux ouvriers et employés des Ateliers de Pantin (Didier, Christophe, Marc, Franc Le Cesne, Éric Grillot, Ludovic, Marc Béague, Laurent Caillet…), aux ateliers Moret, à Abdel, Guillaume Attal, Bellastock, Simon Benita, au CDT 93, à Axelle Chombart de Lauwe, Pascal Chombart de Lauwe, Karol Claverie, Valérie Coppet, Laurent Cusey, Goliath Dyèvre, Vincent Coyette, Dataproduction, Léopold Fradin, Antoine Johanet, Charlotte Desrousseaux, Claire Deniau, Romaric Duriez, Clément Duroselle, Adrian Gandour, Julien Garrido, Alexandre Gardon, Erwann Guennec, Éric Hadacek, Kinkin Huerta, Klervi des Jamonières, Nicolas des Jamonières, Gwénaël Jézéquel, Pierre Jobard, Michaël Jouet, Frédéric Jung, LAP (Lycée auto-géré de Paris), Malek Ladjouze, Léa Lambert, Fanny Léglise, Martine Legrand, Anne-Laïs Lemarchand, Lilly Lulay, Madjid, Minh Man, Caroline Martin, Audrey Martin, Marguerite Marquet, Pia de Maupeou, Christina Maximoff, Cyril Mercier, Guillaume Merzi, Geneviève Michel, Aurélien Nicolas, Céline Olaso, Daniel Orantin, Nico Pêche, Rui Peixoto, François et Sally Picard, Olivier Pons, Corentin Quicke, Samuel Remy, Marc Ribis, Jean-Pierre Richard, Anne Ridard, Anne Roland, Stéphane Rouxel, Ximena Rodriguez, Karim Sannak, Olek Sander, Arnaud Schelstraete, Nicolas Sochos, Annabelle Tambour, Paul Teyssier, Boris Tissot, Patrick Tymen, Déborah Tournier, Val, Antoine Vincens de Tapol, Edgar Viseur, Julien Vouilloux, Franck Yoman, WoMa…

ExPoSiTioN DANS L’ESPACE PUBLiC

:: Place de la Pointe ::Six œuvres issues du projet sont visibles en permanance dans l’espace public à Pantin, sur la place de la Pointe (entre le Chemin de Halage et la rue de l’ancien Canal), prêt des batiments représentés : les Magasins Généraux.

iNFoRMATioNS éVèNEMENTS

:: Site internet ::Page actualisée au fil des évènements et des expositions en cours dans l’onglet « infos » du site www.mcdl.net http://www.mcdl.net/pages/a-propos.html

:: Réseau social ::Actualités récentes et photos publiées régulièrement sur la page facebook : Marion Chombart de Lauwe.

Marion Chombart de Lauwe

www.mcdl.net06 82 75 78 [email protected]

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© Marion Chombart de Lauwe