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F. OTTMANN Professeur à la Faculté des Sciences Laboratoire de Géologie marine (Nantes) Professeur de Géologie Appliquée aux Travaux Publics à l'Ecole Nationale Supérieure de Mécanique (Nantes) A. MAHÉ Assistant au Laboratoire de Mécanique des Sols à l'Ecole Nationale Supérieure de Mécanique (Nantes) C. METREAU Ingénieur d'Etude aux Ateliers et Chantiers de Bretagne (Nantes) une nouvelle plate-forme semi-submersible pour l'étude géologique et géotechnique des vasières littorales La plate-forme à sa mise à l'eau, encore sur roues. 101 Bull. Liaison Labo. Routiers P. et Ch. 31 - Mal 1968 - Réf. 508

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F. OTTMANN P r o f e s s e u r à la F a c u l t é d e s S c i e n c e s

L a b o r a t o i r e d e G é o l o g i e m a r i n e ( N a n t e s ) P r o f e s s e u r d e G é o l o g i e A p p l i q u é e a u x T r a v a u x Pub l i c s à l 'Eco le N a t i o n a l e S u p é r i e u r e d e M é c a n i q u e ( N a n t e s )

A. MAHÉ A s s i s t a n t a u L a b o r a t o i r e d e M é c a n i q u e d e s S o l s

à l ' E c o l e N a t i o n a l e S u p é r i e u r e d e M é c a n i q u e ( N a n t e s )

C. METREAU I n g é n i e u r d ' E t u d e

a u x A t e l i e r s e t C h a n t i e r s d e B r e t a g n e ( N a n t e s )

une nouvelle plate-forme semi-submersible pour l'étude géologique et géotechnique des vasières littorales

La plate-forme à sa mise à l'eau, encore sur roues.

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B u l l . L i a i s o n L a b o . R o u t i e r s P. e t C h . n ° 3 1 - M a l 1 9 6 8 - R é f . 5 0 8

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P R E S E N T A T I O N

A. PASQUET Directeur du Laboratoire Central

Nous avons le plaisir de présenter ci-après, un article préparé sous la direction de M. O T T M A N N , Professeur à la Faculté des Sciences et à l'Ecole Nationale Supérieure de Méca­nique de Nantes.

Cet article présente pour nous un double intérêt.

Le matériel qui y est décrit retiendra tout d'abord, sans aucun doute, l'attention des Chefs de Laboratoires Régionaux, des Ingénieurs des Ponts et Chaussées et, d'une façon générale, de tous les organismes qui ont la responsabilité de projets dans des zones marécageuses.

Il est, d'autre part, un exemple de ce que peut apporter un laboratoire d'enseignement, et doit encourager les efforts que nous avons entrepris depuis plusieurs années pour créer et développer des liens avec l'Université, les écoles, le Centre National de la Recherche Scien­tifique.

Je me réjouis personnellement que M . O T T M A N N ait choisi notre Bulletin de Liaison pour cette publication. Ceci montre que certains Universitaires recherchent le dialogue et travail­lent dans le même sens que nous. D'un autre côté, de tels articles ne peuvent qu'accroître Vau-dience du Bulletin et intéresser davantage nos lecteurs en leur ouvrant des centres d'intérêt nouveaux.

Je souhaiterais que ce bon exemple soit suivi et je remercie beaucoup M . O T T M A N et son équipe de cette initiative.

INTRODUCTION

Depuis quelques années, les études géotechni­ques ont pris un très grand essor, grâce surtout aux travaux des Ponts et Chaussées, et ont même commencé à pénétrer dans certaines Universités. Parallèlement, les études de sédimentologie se développaient dans de nombreux laboratoires uni­versitaires, orientées vers les formations continen­tales, ou au contraire vers les sédiments marins récents ou actuels.

Toutefois, peu de laboratoires s'étaient orientés vers la géotechnique des sédiments marins. Or, Nantes, vil le maritime par excellence, avait l'avan­tage de réunir deux laboratoires complémentaires, celui de Mécanique des Sols de l'E.N.S.M. (Ecole

Nationale Supérieure de Mécanique), et celui de Géologie marine de la Faculté des Sciences, nou­vellement installée. C'est pourquoi nous avons décidé d'aborder ensemble ce problème.

Un projet de Recherche Coopérative sur pro­gramme fut présenté conjointement au C.N.R.S. (Centre National de la Recherche Scientif ique) en 1967 et accepté par la Commission d'Océanogra­phie. Ainsi, le C.N.R.S. nous accordait son aide financière, dans le cadre de la R.C.P. 144 « Géo­technique des sédiments marins ».

C'est donc grâce au C.N.R.S., que nous remer­cions ici, que nous avons pu ainsi nous équiper, organiser nos recherches et faire réaliser l'appareil décrit ci-après.

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LE PROBLEME DES VAS1ERES LITTORALES

Un des premiers thèmes d'étude qui retint notre attention fut les vasières littorales :

— tout d'abord parce qu'elles sont importantes géographiquement dans la région nantaise et sur le littoral atlantique,

— ensuite parce qu'elles donnent lieu à de nom­breux travaux publics dans le cadre de l'aména­gement du littoral (dragage, remblaiement, cons­truction, etc.),

— enfin, parce qu'elles semblaient plus facile­ment accessibles que les « fonds marins » propre­ment dits, et devaient permettre la mise au point des techniques et méthodes de travail.

Toutefois, le problème s'est heurté dès le début à des difficultés techniques assez particulières. En effet, les vasières littorales sont en général :

— trop molles pour que l'on s'y déplace à pied et encore moins qu'on y roule à marée basse,

— trop peu profondes pour que l'on puisse y naviguer à marée haute, et utiliser par exemple les carottiers à piston d'un emploi courant en géologie marine, ou l 'électrocarottier de l'I.F.P.,

— trop agitées à pleine mer (déferlement souvent fort) pour que l'on puisse y travailler avec de fai­bles embarcations.

Aussi, la nécessité de disposer d'un engin per­mettant le carottage et l'étude in situ dans ces conditions très particulières, nous est-elle apparue comme le premier problème à résoudre.

REALISATION D'UN ENGIN ADAPTE

Principe Le Laboratoire de Mécanique des sols de

l'E.N.S.M. employait couramment en terrains mous un « carottier à piston stationnaire » semblable à celui mis au point par le Laboratoire Régional de Saint-Brieuc. C'est donc cet engin léger et efficace dans les sédiments mous, d'un maniement connu, que nous avons décidé d'utiliser.

L'idée directrice était de venir s'échouer sur les vasières à mi-marées et utiliser les heures de morte-eaux pour faire un carottage avec le carottier à piston stationnaire.

Dans l' impossibilité d'ancrer le bâti de carottage ou un radeau dans les vases molles, nous avons alors songé à compenser l'effort de pression exercée sur le carottier par l ' introduction d'un poids d'eau équivalent dans des ballasts et son expulsion en­suite pour rendre sa flottabilité au radeau.

Si le principe était simple, de nombreuses ser­vitudes contradictoires compliquaient la réalisation. C'est pourquoi le responsable du projet en a con­fié l'étude et la construction au « Département Techniques Nouvelles » des Ateliers et Chantiers de Bretagne à Nantes.

Spécif ications particulières

Cet engin devait réunir de nombreuses condi­tions :

1° Etre amphibie et donc remorquable sur route comme une remorque normale, sans permis spécial, ni autorisation, c'est-à-dire :

— poids inférieur à 750 kg — largeur < 2,5 m — longueur < 6 m

2° Etre de mise à l'eau, ou à terre, facile et sans engin de levage.

3° Avoir une bonne flottabil ité pour recevoir la charge nécessaire, et des conditions de navigation satisfaisantes pour pouvoir s'arracher à la « suc­cion » des vases.

4° Présenter une large superficie et avoir un fond plat pour ne pas s'enfoncer dans les vasières.

5° Présenter un volume de ballasts suffisant pour que la plate-forme compense par son poids la pres­sion exercée sur le carottier.

6° Présenter une surface de plate-forme complè­tement dégagée permettant à 4 personnes de tra­vailler à l'aise.

7° Etre doté d'un moyen de navigation autonome, par exemple un moteur hors-bord.

8° Enfin, le tout d'un prix aussi économique que possible.

Etude et construction (Eté 1967)

Les solutions techniques retenues furent les sui­vantes :

— Une plate-forme auto-portante en tubes métal­liques carrés soudés électriquement, portant un plancher par panneaux amovibles, et des rambardes.

— Un système de deux roues escamotables mon­tées sur un essieu à suspension élastique, manceu-vrées par un vérin hydraulique et verrouil lées par une goupille en position haute et basse.

Le vérin est oblique sous le plancher et la pompe hydraulique reportée dans un coin pour ne pas en­combrer la plate-forme.

Les roulements hermétiques noyés dans la graisse évitent l 'oxydation par l'eau de mer.

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Fig. 1 - Schéma de la plate-forme en position route.

— La flottabilité est assurée par quatre grands caissons flotteurs rectangulaires (servant aussi de ballasts) boulonnés au châssis. Ils sont construits en contreplaqué, enduits intérieurement de résines stratifiées armées de fibres de verre.

Ce système de construction avait l'avantage de la légèreté et de ne pas exiger la fabrication d'un moule.

Deux petits f lotteurs, en polyéthylène expansé enrobé de plastique, disposés le long des roues, sont amovibles pour permettre l'accès aux roues en cas de crevaison.

— Le système d'attelage est très simple et amo­vible : un t imon équipé de crochet, béquille et feux de stationnement de remorque ou caravane. L'en­semble se retire en navigation.

— Une petite moto-pompe d'arrosage à gros dé­bit assure le remplissage et le vidage des ballasts.

— Un « tableau » permet à l'arrière la fixation du moteur hors-bord, arbre long : Johnson 15 CV — Work Horse — Hélice de traction.

La plate-forme en position route.

Caractéristiques techniques En position route ( f ig . i ) :

longueur hors tout 6 m largeur 2,5 m hauteur 1 m poids sans accessoire 740 kg

En navigation ( f i g . 2) :

poids total 1 500 kg (avec 4 per­sonnes et carottier)

surface de la plate-forme 4,6 x 2,5 m hauteur des flotteurs 0,70 m tirant d'eau (à vide) 0,26 m jauge 0,92 T moteur hors-bord Johnson 15 CV - « W o r k Horse » ballastage : à volonté - maximum : 2 t environ.

Nota : Après visite de l'Inscription Maritime et essais, cette plate-forme a reçu son certificat de navigabilité à Nantes.

Problème de nomenclature

Pour satisfaire aux exigences des services rou­tiers et maritimes, nous avons appelé cet engin :

« Plate-forme semi-submersible pour carottage léger ».

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m

4 , 6 2 0 m

Fig. 2 - Schéma en position navigation.

UTILISATION

Remorquage Il est fait par une fourgonnette Citroën 1 500 kg

ou J7 Peugeot 1 450 kg, qui transporte, outre le personnel, le matériel et les accessoires de la plate­forme, cette dernière devant être remorquée nue pour ne pas dépasser les 750 kg prescrits.

Mise à l'eau ou à terre

Afin de facil iter sa manœuvre sur les berges naturelles, l'engin est dirigé sans accessoire pour être le plus léger possible (en fait dans sa « position route »).

Les planchers, rambardes, moteur, pompe, carot-tier, etc. sont mis en place (ou retirés) à bord.

En cas de berges vaseuses, on utilise deux pla­ques à sables (surplus américain).

Durée de l'opération : 1 h environ avec 4 hommes.

Navigabilité — Satisfaisante en eaux calmes (léger clapot). — Bonne maniabilité au moteur mais une cer­

taine prise aux vents forts. — Puissance du moteur suffisante : il remonte le

courant de la Loire.

La plate-forme en navigation,

équipée du carottier.

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Le châssis métallique, roues « en position route »

Un canot pneumatique Zodiac accompagne la plate-forme pour des raisons de sécurité.

La plate-forme est dotée des engins de sécurité, bouées, 2 ancres, pot fumigène, etc. prescrits par l'Inscription Marit ime.

Echouage sur la vasière — Etallastage

A l'endroit choisi, on immobilise la plate-forme par deux ou quatre tubes d'acier passés dans les cou-lisseaux de coin et plantés dans la vase.

Dès qu'il n'y a plus que 50 cm d'eau, on com­mence à remplir les ballasts et on provoque l'échouage.

Durée du remplissage (ou vidage) des ballasts : 20 minutes.

Positionnement : il est fait par relèvement sur la côte à la boussole ou mieux au cercle hydrogra­phique.

Nota : Malgré les craintes de nombreux < pes­simistes » la plate-forme n'est jamais restée « collée » à la vase, au cours des 25 essais réa­lisés jusqu'à présent.

On peut admettre que ceci est dû : — à la grande surface portante, — aux déplacements incessants du personnel

sur la plate-forme, —• à la présence d'une pellicule d'eau expulsée

de la vase, qui liquéfie la couche superficielle. De toute façon, il était prévu, dans le cas

contraire, d'utiliser la moto-pompe pour injecter de l'eau sous les flotteurs.

Carottage Le carottage s'effectue normalement comme à

terre.

Nota : En cas de vasière en pente, il faut échouer la plate-forme dans le sens de la pente et réta­blir la verticale du carottier par action sur les tendeurs latéraux.

On ne peut, malheureusement, faire qu'un carot­tage par marée basse.

Pendant la période d'essai, en septembre 1967, la profondeur maximum atteinte fut de 8,50 m et une centaine de mètres de carottes ont été obtenus au total. Nous espérons atteindre 10 m ultérieurement.

ADAPTATIONS ET UTILISATIONS ACTUELLES ET FUTURES

Matériel utilisé

Cette plate-forme permet dès à présent d 'ut i l iser:

• Un carottier à piston stationnaire, analogue à celui du Laboratoire Régional de Saint-Brieuc. Cons­truit dans les Ateliers de l'E.N.S.M., il présente quelques améliorations de détail, notamment une boîte à 3 vitesses pour actionner la crémaillère d'entraînement.

• Un scissomètre in situ, conçu et réalisé par l'E.N.S.M. puis étalonné en laboratoire avec un tor-siomètre. Dérivé du type SIMEC, il présente les caractéristiques ou améliorations suivantes :

— Utilisation des tubes et tiges hexagonales du

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carottier permettant le fonçage à partir du bâti du carottier.

— Suppression pratique des frottements au ni­veau du moulinet par l'installation dans le tube de butées et roulements.

— Grande réduction du système d'entraînement permettant l'utilisation d'une faible vitesse de mise en charge.

— Anneaux dynamométriques de 10 à 25 daN en traction, avec comparateur au 1/100e.

— Présence de contrepoids réglables pour équi­librer les bras de mesure, et de butées à bille entre les bras.

• Une petite tarière à moteur Stihl du Labora­toire de ^Géologie, permettant de faire des prélève­ments de sables et de traverser une couche résis­tant au carottier à piston.

• Une sonde portative avec capteurs permettant la mesure in situ de la température, de la salinité par résistivité, du pH et Eh du sédiment, en cours de construction par les Etablissements Ponselle.

Equipements ultérieurs prévus

Nous pensons pouvoir adapter ultérieurement sur la plate-forme et selon nos possibil ités :

— une petite sondeuse légère type Minute-Man ou autre pour atteindre et identifier le rocher sous-jacent aux vases,

— un pressiomètre, — un petit bouchon batteur Delmag, — un système de langage hydraulique pour la

localisation rapide du rocher sous la vase, ou juger des possibil ités de dragage.

Utilisation

Sur les vasières marines

Conçue pour cette util isation, cette plate-forme a donné pleine satisfaction. Au cours de sa pre­mière campagne d'essais, en septembre 1967, de nombreux sondages ont été faits, certains atteignant 8,5 m, et plus de 100 m de carottes « intactes » ont été prélevées (vasière du Mean près de Saint-Nazaire, et Baie de Bourgneuf).

Sur les rivières et marécages

De nombreuses zones de notre littoral, telles la Grande Brière, le Lac de Grand Lieu, les marais de la Loire, etc. sont peu accessibles même en été

et recouvertes d'eau en hiver. Le faible tirant d'eau de cette plate-forme devrait permettre son utilisa­tion dans ces régions interdites aux engins lourds.

S'il y a peu d'eau — moins de 50 cm — on peut songer à utiliser la plate-forme dans les mêmes conditions que sur les vasières, c'est-à-dire avec ballastage.

Par contre, dans le cas des rivières, ou d'eaux plus profondes, on ne peut l'employer que comme engin flottant.

Néanmoins, grâce à sa grande masse et à sa sur­face, on peut l'utiliser pour le carottage de vases et argiles molles ou de tourbes comme nous l'avons fait dans le Brivet, près de Saint-Nazaire, avec 2 m d'eau.

CONCLUSIONS

Il s'agit là d'un engin très polyvalent permettant de nombreuses investigations géologiques et géotech­niques in situ, dans les vasières littorales ou les marécages.

Sa simplicité d'emploi, son poids réduit, sa grande facilité de déplacement à terre, son autonomie sur l'eau, permettent de le mettre en œuvre un peu n'importe où, et par 4 ou 5 personnes, sans aucun matériel spécial ou engin de levage.

Bien entendu, il ne permet que des installations légères Qusqu'à 25 ou 300 kg environ) et d'utilisa­tion rapide puisque l'on est limité par le temps d'une basse mer.

C'est certainement le facteur temps qui limite le plus la profondeur atteinte. Pour le moment et avec nos moyens actuels, nous n'estimons possible de travailler que jusqu'à une dizaine de mètres.

Nous serions heureux que les laboratoires privés, les laboratoires des Ponts et Chaussées et les constructeurs de divers appareils de mesures nous suggèrent de nouvelles utilisations ou des essais in situ à partir de notre engin.

C'est très volontiers que nous le mettrons à leur disposition pour des études nouvelles en collabo­ration avec eux.

Rédigé en novembre 1967.

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