Upload
milan
View
236
Download
9
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Description des rocheset des massifs rocheux
Citation preview
Description des roches et des massifs rocheux Exploitation de deux bases de données
Jean-François SERRATRICE Chargé de recherche. Service de Mécanique des sols
Laboratoire régional des Ponts et Chaussées d"Aix-en-Provence
Jean-Louis DURVILLE Chef de la division Mécanique des sols
et géologie de l'ingénieur Laboratoire central des Ponts et Chaussées
RESUME
En vue d'illustrer la description des massi fs rocheux, deux ensembles de données sont exploités : l'un relatif aux essa is de laboratoire, l'autre aux relevés de fracturation en sondage.
O n présente d'abord quelques résultats d 'ensemble sur la masse volumique, la porosité, la v i tesse ultrasonique, l'indice de continuité, la résistance en compression uniaxiale, la résistance en traction indirecte, le module d 'Young et l'abrasivité : histogrammes de valeurs et corrélations entre couple de propriétés.
Les données de fracturation, issues de plus de 4 000 m de sondages carottés, sont représentées de diverses manières et exploitées à l'aide des paramètres c lass iques, tels que l'intervalle entre les discontinuités ou le Rock Quality Désignation (RQD) , et de diagrammes en fonction de la profondeur ou d'histogrammes. C e s derniers révèlent que la distribution des espacements est généralement voisine d'une distribution exponentielle.
MOTS CLÉS : 43-41 - Roche - Base de données - Essai - Laboratoire - Fracturation -Sondage - Mesure - Diagramme.
Introduction L e Laboratoire central des Ponts et Chaussées a développé une base de données sur les essais de roches et de granulats en laboratoire, dénommée Dataroc (Durville et al., 1991). Le Laboratoire régional d'Aix-en-Provence a engrangé les résultats des essais courants de mécanique des roches effectués sur des échantillons carottés, ainsi que des relevés de fracturation obtenus, eux aussi, à partir de sondages carottés (Serratrice, 1994). I l paraissait intéressant d'exploiter ces deux bases de données, qui rassemblent quelques milliers de mesures, dans l 'optique d'illustrer ce que l 'on appelle la description des roches et des massifs rocheux ( A F T E S , 1993 ; Durvil le et Héraud, 1995) et de donner une sorte de vue statistique d'ensemble sur leurs propriétés : valeurs typiques et extrêmes, corrélations simples, etc. I l ne faut pas cacher cependant les limites d'un tel exercice : un traitement de données rigoureux suppose que l 'échanti l lonnage soit représentatif, que les résultats soient issus d'essais réalisés suivant le m ê m e mode opératoire, etc., conditions qui ne sont guère réunies ic i ...
Les essais de laboratoire Les propriétés des roches prises en compte dans la suite sont les suivantes : - la masse volumique sèche (p d), - le poids volumique humide (y), - la porosité (n), - la vitesse ultrasonique (V,), - l ' indice de continuité (I c ) , - la résistance en compression uniaxiale ( R c ) , - la résistance en traction indirecte (R t b ) , - le module d 'Young (E), - l 'abrasivité L C P C ( A b r ) .
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 73
Détermination des propriétés géomécaniques des roches
Il n 'y a pas de norme française en mécanique des roches. Il est néanmoins possible de se référer à certaines normes pour les granulats, en particulier celle de l 'abrasivi té ( N F P 18-579) et celle de la vitesse ultrasonique (NF P 18-556). L ' A s sociation française pour les travaux en souterrains ( A F T E S , 1993) a publié des recommandations qui donnent des indications pour la détermination de V ; , R c , R t b , A b r .
Les recommandations de la Société internationale de mécanique des roches (SIMR) sont diffusées très largement. L e Laboratoire central des Ponts et Chaussées ( L C P C ) a publié deux projets de mode opératoire, pour la mesure de la résistance en compression uniaxiale ( L C P C , 1988) et pour la mesure de la résistance au fendage (essai brésilien, L C P C , 1985).
On dispose d'un certain nombre de données sur la dispersion des propriétés géomécaniques des roches. Dans le cas d'essais destructifs, cette dispersion est liée à la fois à la méthode d'essai et à l 'hétérogénéi té de la roche. Certains essais sont plus sensibles que d'autres aux défauts plus ou moins aléatoires, fissures en particulier, présents dans une éprouvette . Par exemple, les essais de dispersion effectués sur un basalte américain ( K i m et Gao, 1995), dont les résultats sont présentés dans le tableau I, montrent la faible dispersion du module d 'Young, comparée à celle des résistances.
TABLEAU I Dispersion des résultats d'essais mécaniques
effectués sur un basalte américain (d'après Kim et Gao, 1995)
E Rc
Nombre d'essais 86 58 77
Moyenne 74,9 G P a 229 MPa 12,5 MPa
Coefficient de variation 0,083 0,43 0,38
TABLEAU II Résultats de vingt compressions uniaxiales
pour quatre roches
Roche Moyenne de R c
(MPa) Coefficient de
variation
Calcaire poreux 76 0,06
Calcaire cristallin 107 0,02
Calcaire compact 138 0,19
Basalte 353 0,19
Quatre séries d'essais de compression uniaxiale, réalisés au L C P C i l y a quelques années, ont donné les résultats du tableau II, où la moyenne et la dispersion ont été obtenues pour vingt écrasements soigneusement réalisés selon le mode opératoire du L C P C . Une roche très homogène et peu fissurée telle que le marbre de Carrare (calcaire cristallin) donne des résultats très groupés, à l 'opposé du basalte, assez fissuré et hétérogène.
E n ce qui concerne la vitesse de propagation du son, une étude de répétabilité menée récemment au L C P C a donné un écart-type variant de 50 à 100 m/s selon les échantil lons.
Données disponibles
L a base de données Dataroc du L C P C compte plus de 650 enregistrements correspondant à des roches diverses, dont la moitié est représentée par des calcaires. Les résultats d'essais mis en mémoire ont été obtenus au L C P C ou ont été recueillis dans diverses publications. Compte tenu de l ' o r i gine multiple des données , les essais n'ont pas été réalisés selon un mode opératoire unique ; cependant, tous les essais mécaniques sont relatifs à la roche sèche. Dans un enregistrement, les valeurs fournies pour les différents essais, qui seront utilisées dans la suite, sont en fait une moyenne, calculée sur plusieurs essais (entre un et douze en général) .
L a base de données du Laboratoire régional d'Aix-en-Provence rassemble les résultats d'essais de laboratoire sur des carottes prélevées dans plus de 300 sondages, dans divers massifs rocheux du sud-est de la France. Il s'agit principalement de calcaires, de calcaires marneux et de marnes, mais aussi de grès et de gneiss. Les mesures de y, R c , R t b
sont obtenues sur des éprouvettes humides, le plus souvent simplement débitées dans les échantillons (élancement 2 pour R c et élancement 1 pour R t b , diamètres variant de 50 à 100 mm). Les mesures sont rassemblées par lots d'essais, triés par nature de roche et regroupant de une à plus de cinquante éprouvettes. Pour les roches résistantes, la mesure du module d 'Young est effectuée en compression simple à l'aide d'un extensomètre, sur des éprouvettes carottées dans les échantillons à un diamètre de 50 mm. Pour les marnes, les sols indurés, les roches tendres, les roches fracturées, les mesures du module d 'Young sont effectuées à l 'appareil triaxial à haute pression.
74 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87
Fig. 1 - Histogrammes de densités des roches
Fréquence (%) 30 r
Fréquence
a. Masse volumique sèche b. Poids volumique humide (données de Dataroc : 412 valeurs). (données du LRPC d'Aix-en-Provence : 182 lots
représentant 2 575 éprouvettes).
Quelques constatations tirées des bases de données
La densité
Les données de la base Dataroc montrent que p d
possède une distribution caractérisée par (fig. la) : >- un mode autour de 2 700 kg/m 3 , valeur voi sine de la masse volumique des minéraux courants (quartz, calcite) ; ce mode correspond aux roches les plus répandues (granités, gneiss, calcaires compacts, etc.), à l 'état sain ;
>- une dissymétrie marquée ; si les roches plus denses que le mode sont peu nombreuses (basaltes compacts, amphibolites, etc.), i l existe au contraire un nombre important de valeurs comprises entre 1 600 et 2 600 kg/m 3 , correspondant en particulier à des calcaires et grès poreux.
L'histogramme des poids volumiques y (fig. lb) obtenus au laboratoire d'Aix-en-Provence présente un mode vers 25,5 k N / m 3 et une allure dissymétr ique. Cette valeur, légèrement plus faible que pour Dataroc, s'explique probablement par la prise en compte au Laboratoire régional des Ponts et Chaussées ( L R P C ) de roches altérées dans les parties superficielles des sondages, alors qu'au L C P C arrivent surtout des échantil lons sains.
La vitesse ultrasonique
Rappelons que l ' indice de continuité est défini comme le rapport de la vitesse ultrasonique mesurée sur la roche à la vitesse théorique d'un assemblage minéral de même composition et sans défaut (NF P18-556). L a figure 2 présente le diagramme classique donnant l ' indice de continuité en fonction de la porosité ; les porosités les plus élevées sont obtenues sur des craies et des calcaires tendres. On vérifie que toutes les roches se situent sous la droite des milieux purement poreux d 'équat ion :
I c = 100 - 1,5 n
et l 'on distingue bien les roches fissurées non poreuses (famille des granités en particulier) dont les points s'accumulent au voisinage de l 'axe des ordonnées. Par exemple, les quatre points en triangle représentent trois granités dans un état de très forte altération et une éprouvette de marbre de Carrare ayant subi une fissuration artificielle par chauffage à 400 °C. A titre de comparaison, on a placé quelques points représentatifs d'un verre fritte soigneusement préparé à partir de billes de verre de 100 à 300 u,m. Ces points se placent au voisinage de la droite représentant les milieux purement poreux.
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 • SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 75
50 Porosité (%)
Fig. 2 - Diagramme porosité / indice de continuité (données de Dataroc). On a indiqué la droite des milieux purement poreux. Les carrés représentent des mesures sur verre fritte. Les triangles représentent trois granités très altérés et un marbre de Carrare fissuré par chauffage.
Fréquence 35
Fig. 3 - Histogramme des résistances en compression simple pour un lot de 68 éprouvettes de calcaire de la région d'Aix-en-Provence (plateau du Realtor). Moyenne : 61,7 MPa. Coefficient de variation : 0,53. Groupement des résistances suivant la classification AFTES, (données du LRPC d'Aix-en-Provence).
La résistance en compression uniaxiale
L a figure 3 représente l'histogramme des mesures de compression simple (R c ) effectuées sur soixante-huit éprouvettes d'un calcaire, d ' âge paléogène, prélevé en plusieurs sondages carottés le long d'un tracé d'une dizaine de ki lomètres dans la région d'Aix-en-Provence. L a présentation de ces résultats répond aux recommandations de l ' A F T E S (1993). L 'échel le , placée en-dessous du graphique, indique que ce calcaire se classe dans la catégorie R 2 (3) des roches possédant une résistance élevée à moyenne. L a dispersion est liée en bonne partie
aux variations de faciès ou d 'état d 'al térat ion de ce niveau calcaire. Une analyse plus fine montre que la distribution des valeurs de R c est assimilable à une distribution log-normale ; on sait que la valeur de R c est commandée par les défauts de l 'éprouvet te , répartis un peu au hasard, et l 'obtention d'une distribution log-normale corrobore l ' idée que l'influence de chacun de ces défauts n'est pas simplement additive.
Diverses tentatives ont été effectuées pour estimer R c à partir de paramètres plus facilement accessibles à l 'expérience (V,, n, etc.). Les essais de corrélations entre R c et V 7 ne montrent qu'une tendance très floue mais, si l 'on se limite à un groupe restreint de roches, la corrélation s ' améliore. El le est optimale pour les roches dont l'espace poreux est fait de pores et non pas de fissures, comme les calcaires, par exemple. Sur la figure 4, relative à un ensemble de roches sédi-mentaires (calcaires et grès, essentiellement), i l est possible d'observer une certaine corrélation entre R c et V 7 , qui peut s'exprimer en cordon-nées logarithmiques par la formule :
log(R c ) = 2,879 log(V y ) - 8,612 (r = 0,914)
R c ( M P a )
400
1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000
Vitesse du son (m/s)
Fig. 4 - Relation entre résistance en compression simple et vitesse du son : cas des roches sédimentaires (données
de Dataroc).
L a corrélation n'est cependant pas satisfaisante aux vitesses et aux résistances élevées, du fait de la dispersion de ces dernières (sensibilité aux défauts déjà signalée).
L a figure 5a met en évidence une certaine corrélation entre la porosité et la résistance en compression uniaxiale pour les roches calcaires. Il est intéressant de constater que la dispersion est d'autant plus forte que la roche est moins poreuse. Les roches à faible porosité sont plus ou moins fissurées et ont une résistance variable ; les roches très poreuses sont en revanche peu fissurées et leur résistance est principalement déterminée par le pourcentage des vides.
76 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87
Fig. 5 - Relation entre la résistance en compression simple et la porosité ou le poids volumique
R c ( M P a )
R c (MPa)
300-
250
200
150H
100
50
Roches calcaires
0
7 1
V
0 10 20 30 40 50
Porosité (%)
a. La porosité (données de Dataroc : roches calcaires uniquement).
2 0 0 -
150-
100
5 0 -
Marne Calcaire marneux Calcaire dolomie Grès Granité Schiste
M Gneiss X Basaltes > Gypse 4 Poudingue brèche Y Divers
X
Poids volumique y (kN/m 3)
b. Le poids volumique humide (données du LHPC ).
L a figure 5b représente la résistance en compression simple en fonction du poids volumique y de la roche, par lots d 'éprouvet tes et par natures de roches. Globalement, la résistance moyenne augmente avec le poids volumique moyen, mais la dispersion est très grande. Cette dispersion doit être attribuée aux différences pétrographiques et aussi, pour une même roche, à l'influence des défauts de la roche (microfissures ou fissures).
L a figure 6 montre la relation entre la résistance obtenue sur des éprouvettes saturées ( R c w ) et
0 50 100 150 200 250 300 350 R c (MPa)
Fig. 6 - Étude du rapport des résistances en compression simple sur éprouvettes saturées et sur éprouvettes sèches. Les quatre points entourés représentent des
craies (données de Dataroc).
celle obtenue sur des éprouvettes sèches (R c ) . E n moyenne :
R 0,825 R f
Le rapport R c w / R c présente des valeurs plus faibles pour les calcaires tendres, notamment pour les craies (les quatre points entourés dans la figure 6 sont des craies). L'affaiblissement des roches dû à l'eau est un phénomène complexe ; l 'explication doit probablement être recherchée dans l 'action des couches de molécules d'eau en fond de fissures, qui facilitent la propagation de ces dernières (diminution de l 'énergie superficielle de rupture sous l 'action de l'eau).
La résistance en traction indirecte
L a figure 7 présente la relation entre la résistance en compression uniaxiale et la résistance en traction indirecte pour la base Dataroc. Ces données confirment la relation, souvent admise en première approximation :
R , 10 R„
avec toutefois une large dispersion autour de la droite correspondante. S i l 'on y regarde de plus près, on constate que ce rapport dépend de la nature pétrographique ; par exemple, i l vaut en moyenne 10,1 pour les calcaires, et 12,7 pour les roches magmatiques grenues et les grès.
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES • 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 77
R,b (MPa) 40
400
Rc (MPa)
Fig. 7 - Relation entre la résistance en traction indirecte (essai brésilien) et la résistance en compression simple ; on a tracé la droite d'équation : R,b = Rc / 10 (données de
Dataroc).
Avec les données du L R P C d'Aix-en-Provence, les conclusions sont analogues. Sur la figure 8, les roches ont été classées en trois groupes :
les marnes, les calcaires marneux, les calcaires et les dolomies,
^ les grès et les granites,
>- les schistes et les gneiss (précisons que les résistances R c et R t b sont mesurées sur des éprouvettes cylindriques dont les axes sont, au moins approximativement, perpendiculaires à la schistosité).
L e rapport R c / R t b prend des valeurs différentes, égales à 10, 13 et 6 respectivement, pour ces trois groupes de roches, que l ' on peut qualifier de roches homogènes , roches formées de grains ou de cristaux, et roches fissurées anisotropes pour le dernier groupe.
L a forme de l'enveloppe de rupture de la roche, dans le repère a - x de Mohr-Coulomb, incorpore cette relation entre les résistances en compression simple et en traction R c / R t b : la pente moyenne de cette enveloppe au voisinage de l 'axe des contraintes x peut être représentée par un angle de frottement. Les valeurs observées de R , / R t b sembleraient confirmer la nature frottante des roches siliceuses et au contraire les frottements plus réduits souvent observés avec les roches riches en minéraux micacés .
Fig. 8 - Relation entre la résistance en traction indirecte (essai brésilien)
et la résistance en compression simple
Rtb (MPa) 20
15 -
10 -
+ Marne x Calcaire marneux • Calcaire dolomle
1 ' ' I 1 1 1 1 i 150 200
Rc (MPa)
a. Pour les marnes, les calcaires marneux, les calcaires et les dolomies.
R» (MPa) 20
15 -
10 -
1-150 200
R0 (MPa) b. Pour les grès et les granites.
R* (MPa) 20
V
M V v M *
M M
M
V Schistes M Gneiss
100 150 200 R c(MPa)
c. Pour les schistes et les gneiss (données du LRPC).
78 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87
Cette variation des rapports R c / R t b peut aussi être attribuée à la méthode de mesure. Les défauts, présents en plus grand nombre dans les schistes et les gneiss à l 'échelle des éprouvettes, peuvent avoir une influence plus grande pour les compressions simples qui sont effectuées sur des éprouvettes ayant un volume double de celui des essais brésiliens ; par ailleurs, ces derniers sont, rappelons-le, des essais à plan de rupture imposé.
La déformabilité
L e module d 'Young E est une propriété élastique, déterminée en petite déformation sur les roches. Il n'est donc pas étonnant de déceler une liaison entre E et V ; (fig. 9). Dans un matériau élastique, linéaire et isotrope, ces deux paramètres sont reliés par la relation :
E = p V , 2 (1 + v ) ( l - 2 v ) / (1 - v )
où : - p est la masse volumique de la roche, - v son coefficient de Poisson.
L a parabole correspondante est représentée sur la figure 9 avec p = 2 600 kg /m 3 et v = 0,25.
En raison des effets de serrage, les roches fissurées font apparaître souvent des courbes contrainte-déformation non linéaires. Il n'est donc plus possible de définir un seul module d 'Young dans ce cas : on définit un module au début du chargement ( E m i n ) et un autre dans la partie la plus pentue de la courbe contrainte-déformation ( E m a x ) . Pour les mêmes raisons, la vitesse ultrasonique varie avec le niveau de contrainte appliqué. A i n s i , les mesures de vitesse peuvent être réalisées sous des niveaux de chargement croissants. L a dispersion des mesures est plus forte pour les faibles vitesses.
Les mesures du module d 'Young disponibles (117 éprouvettes) dans les données du L R P C d'Aix-en-Provence sont représentées sur la figure 9b en fonction de la vitesse sonique et par nature de roches. Il s'agit du module E m a x et de la vitesse V 3 mesurée sous faible contrainte axiale (de 2 à 5 MPa) .
L a courbe théorique de la figure 9b paraît borner par valeur supérieure les données expérimentales, et semble s 'écarter de celles-ci pour les faibles modules. L a différence entre les figures 9a et 9b peut s'expliquer par les natures différentes des roches testées et surtout par les conditions d'essai : roches sèches pour les données Dataroc, roches humides pour les données du L R P C d'Aix-en-Provence ; on sait que la présence d'eau peut produire une élévation de la vitesse ultrasonique (cas des roches fissurées), et parfois une diminution de leur module (cas du gypse ou de calcaires poreux par exemple).
Fig. 9 - Relation entre module d'Young et vitesse ultrasonique
Module d'Young (MPa) 120000,-
1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 Vitesse ultrasonique (m / s)
a. Données de Dataroc.
E m a x ( M P a ) 100000-1
Vitesse sonique V3 (m/s)
b. Données du LRPC (v 3 : vitesse ultrasonique sous contrainte) ; les symboles sont les mêmes que dans la
figure 8.
Comme pour la résistance en compression, on a cherché à estimer le module E à partir de paramètres plus simples à mesurer. Le module augmente globalement avec le poids volumique de la roche (ou diminue lorsque la porosité augmente) mais, comme pour les mesures de la résistance, les résultats sont très dispersés. L a densité ne renseigne donc pas, ou ne renseigne que globalement, sur la déformabilité ; les fissures n'ont guère d'influence sur la densité de la roche, alors que le module E m i n est affaibli par cette fissuration.
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 79
L'abrasivité
L'abrasivi té rend compte de l'aptitude des roches à user les pièces métall iques de concasseurs, les molettes de machines foreuses, les taillants d'outils de forage, etc. L'essai L C P C (NF P 18-579) donne des valeurs qui s ' échelonnent de 0 (calcaires purs) à près de 2 500 (quartzites compacts).
L a figure 10 présente la relation entre l'abrasivité L C P C et la résistance en compression uniaxiale. On sait que l 'abrasivité d'une roche est fonction de deux éléments principaux : la dureté de ses constituants et la cohésion de l 'ensemble.
"br 3000
2500
2000
1500
1000
500
0
Roches non calcaires Roches calcaires
• • •
o
Fig. 10
100 200 300 400 500 R c (MPa)
- Relation entre résistance en compression uniaxiale et abrasivité (fichier Datarne).
L a calcite est un minéral non abrasif, aussi les calcaires sont-ils tous situés au voisinage de l 'axe des abscisses. L a tendance croissante visible pour les roches non calcaires, donc en bonne partie siliceuses, illustre le rôle de la cohésion de la roche.
La fracturation en sondage carotté
L'exploitation d'un sondage carotté comprend la description pétrographique des faciès rencontrés et la description des discontinuités (nature géologique, espacement, remplissage, rugosité, orientation). Des recommandations à ce sujet ont été publiées par la S I M R (1978) et par l ' A F T E S (1993). L'orientation des carottes est assez peu pratiquée ; les techniques d'imagerie de paroi se développent , mais i l semble qu'elles ne « voient » qu'une partie des discontinuités (Genter et al., 1997).
L a densité de discontinuités, examinée en détail ci-dessous, contrôle en partie la taille des blocs individuels du massif rocheux, ainsi que la stabilité, la déformabili té et la perméabil i té de celui-ci.
La densité de discontinuités De façon générale, la densité de discontinuités peut être définie comme le rapport S v de l 'aire cumulée des portions de discontinuités comprises dans une région représentative (donc suffisamment grande) du massif rocheux, rapportée au volume de cette région. L a densité de discontinuités a donc pour dimension l'inverse d'une longueur. Mais cette quantité, qui englobe à la fois l'espacement des discontinuités et leur persistance, n'est guère accessible directement.
E n général, i l faut se contenter d 'évaluer la densité de discontinuités à partir du relevé sur une ligne, en comptant les longueurs des parties massives de la roche, d'une discontinuité à la suivante, après avoir éventuellement classé les discontinuités en familles. Dans la pratique, cette ligne est matérialisée par un f i l tendu sur un affleurement, un front de carrière, ou une paroi d'excavation. Ces informations peuvent aussi être obtenues à partir d'un sondage carotté, ou par endoscopie en sondage destructif.
La quantification des discontinuités en sondage carotté Il est recommandé de représenter les paramètres de fracturation sous forme de diagrammes en fonction de l'abscisse de la ligne de levé (Four-maintraux, 1976 ; Clouet, 1988). Le diagramme intégral de carottage, où sont reportées les longueurs des éléments carottés en fonction de la profondeur, fournit la totalité de l 'information puisque chaque carotte y est représentée. Ce diagramme permet d'identifier la présence de zones homogènes , ou des contrastes entre zones plus ou moins fracturées.
L'exploitation des données de fracturation s'effectue au moyen de différents indices et de traitements statistiques. L ' indice ID, dénommé intervalle entre les discontinuités, est défini comme la moyenne des intervalles découpés par les discontinuités successives le long d'une ligne de direction donnée. L a fréquence de discontinuité F D , inverse de l ' indice ID, représente le nombre de discontinuités par mètre de sondage ; elle est donc homogène à l'inverse d'une longueur.
L ' indice R Q D (Rock Quality Désignation), proposé par Deere en 1963, est défini comme le pourcentage de la somme des longueurs des éléments carottés ei de longueur supérieure à 10 cm (et, plus généralement, supérieure à la longueur /) par rapport à la longueur de la passe de sondage s :
R Q D = 100 (e, > /) s
Une classification des massifs rocheux est proposée par l ' A F T E S (1993) à partir du R Q D .
80 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - pp. 73-87
Difficultés du relevé des discontinuités en sondage
Comme la mesure d'une propriété sur échantillon, le relevé des discontinuités en sondage pose d'abord un problème de représentativité. Le sondage, comme la ligne de levé, doit posséder une longueur suffisante par rapport à l'espacement moyen des discontinuités. Il est souvent utile de procéder à la mesure des espacements dans des directions différentes du massif (sondages horizontaux ou inclinés, lignes de levé orthogonales), car un biais dû à l'anisotropie du massif rocheux peut se manifester.
Le relevé des longueurs de carottes présente plusieurs difficultés pratiques :
i l ne faut pas confondre les discontinuités naturelles avec celles qui sont provoquées par le carottage ; le suivi du sondage et un examen attentif des carottes permettent en général de trancher, mais le problème reste délicat dans les roches schisteuses (fig. 11) ; i l est recommandé ( A F T E S , 1993) de veiller à une récupération de carottage totale, et de carotter en diamètre supérieur à 50 mm ;
Fig. 11 - Caisses de sondage carotté dans une formation ardoisière : l'existence du clivage ardoisier et le fort pendage de celui-ci rendent problématique le relevé des
longueurs de carottes.
*- la décompression, mais aussi le retrait ou le gonflement de certaines roches, entraînent une ouverture supplémentaire des fissures et fausse la mesure de l'espacement : le relevé doit être effectué dès que possible après l 'exécut ion du sondage ;
>- les discontinuités coupant l 'axe du sondage sous un angle faible ne permettent pas de définir une longueur de carotte : elles sont donc exclues du décompte ;
»- dans le cas du carottage incomplet, ou de la présence de vides entre les discontinuités, dans le cas des zones de massif où la roche est broyée, ou très fracturée, ou altérée sous la forme d'un sol (marno-calcaires, poches argileuses, etc.), la notion de longueur perd toute signification ; pour
pallier ces inconvénients et pour permettre néanmoins le traitement des autres parties rocheuses du sondage, diverses conventions peuvent être adoptées, en admettant par exemple que ces passées sont formées de carottes de 1 cm de longueur ; cette borne constitue alors la résolution du levé de fracturation.
Exemples de données issues d'un sondage L a figure 12 donne un exemple de visualisation de la fracturation en fonction de la profondeur pour un sondage carotté : le diagramme intégral de carottage est représenté graphiquement à l'aide d'une échelle racine carrée, F D à l 'aide d'une échelle logarithmique, et R Q D à l'aide d'une échelle ari thmétique. Dans le cas de ce sondage, la fréquence de discontinuité F D a été calculée pour deux valeurs de la base b, déplacée à un pas donné p en fonction de la profondeur z. L ' indice R Q D a été calculé au même pas et avec / = 10 cm. D'autres valeurs de b, p ou Z auraient pu être adoptées de façon à quantifier ces grandeurs selon un procédé de moyenne mobile. En raison de la présence de zones broyées ou argileuses, la convention a été adoptée ic i de considérer de telles zones comme formées de morceaux de 1 cm de longueur. Autrement dit, la taille minimale des morceaux considérés pour le calcul de F D et de R Q D est de 1 cm.
Ce type de représentation des données de fracturation permet de délimiter des zones homogènes du sondage. Il permet aussi de comparer la fracturation à des mesures de diagraphie réalisées dans le même sondage, diagraphie sonique en particulier (Allard, 1978). Il est utile de juxtaposer tous les graphiques des résultats d'un m ê m e sondage, car ces différentes méthodes se complètent dans l'analyse de la fracturation.
E n complément de la présentation des différents indices en fonction de l'abscisse de la ligne de levé, les données de fracturation peuvent être traitées d'un point de vue statistique à l'aide d'histogrammes. L a figure 13 représente un histogramme des longueurs des éléments carottés d'un sondage réalisé dans un massif de gneiss. Dans de nombreux cas et comme dans cet exemple, la distribution des longueurs des éléments carottés possède une forme exponentielle. Cette distribution correspond à une répartition des intersections des fractures avec le sondage suivant un processus de Poisson, donc sans corrélation spatiale : ceci n'est guère satisfaisant si l 'on considère une famille de discontinuités, en général assez régulière ou présentant des groupements, mais se conçoit mieux si l 'on envisage la superposition de plusieurs familles d'orientations différentes.
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 81
Fig. 12 - Caractérisation de la fracturation d'un massif calcaire (marno-calcaire) à partir d'un sondage carotté vertical de 52,5 m de profondeur
Profondeur (m) 0
Profondeur (m) 0
10
20
30
40
50
0 10 40 90 1 Longueur des carottes (cm)
100 FD
1 10 100 0 FD
25 50
a. Diagramme intégral de carottage. b. Fréquence de discontinuité (exprimée en m"1), pour une base de 1 m.
75 100 RQD (%)
c. Fréquence de discontinuité, pour une base de 4 m (calculée tous les mètres). d. RQD (Rock Quality Designation), pour une base de 4 m (Données du LRPC).
Fréquence 90
Fig. 13 - Histogramme des longueurs des éléments carottés dans un massif de gneiss, avec prise en compte des petits éléments. Longueur du sondage 33 m. - Nombre d'éléments 304, longueur maximale 59 cm, longueur moyenne 10,8 cm, écart-type des longueurs 10,2 cm - Distribution exponentielle avec X = 0,0923 m''. (Données du LRPC).
30 45 60 Longueur des éléments carottés (cm)
82 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87
L'util isation d'une telle distribution a été préconisée par différents auteurs. L a distribution des longueurs x des éléments d'un sondage carotté ou distance entre les discontinuités est donnée par la densité de probabilité suivante :
f(x) = X e-Xx
Cette distribution statistique a pour principales propriétés : - espérance mathématique : 1 / X - écart-type : 1 / X - coefficient de variation : 1
et ne dépend que du paramètre X, inverse de la longueur moyenne des éléments, qui représente une fréquence moyenne de discontinuités. Pour l'ensemble du sondage : F D m o y = X. En raison de sa forme, la distribution exponentielle prédit l'existence de carottes isolées de grandes dimensions (5 % des carottes devraient avoir une longueur supérieure à trois fois la longueur moyenne). Des exemples ont en effet montré, notamment dans des massifs calcaires, la présence d 'é léments de longueur très supérieure à la moyenne.
Les recommandations de l ' A F T E S (1993) préconisent de représenter l'histogramme des espacements entre discontinuités en échelle logarithmique et dans des classes de longueur
prédéfinies suivant l ' indice ID. L a figure 14 en donne une illustration (à comparer à la figure 13) avec la classification du massif en indice ID, d 'après la longueur moyenne des éléments, comme indiqué sur l 'échelle représentée en-dessous du graphique.
Dans la pratique, la représentativité de la distribution exponentielle n'est pas toujours assurée et i l est préférable dans ce cas de choisir une distribution gamma ou une distribution de Weibul l ; la distribution exponentielle est d'ailleurs un cas particulier de chacune de ces familles. En fait, plusieurs types de fonction de distribution ont été utilisés pour décrire la répartition des longueurs des éléments d'un sondage carotté dans un massif rocheux ou l'intervalle entre les discontinuités d'une ligne de levé sur affleurement. Priest et Hudson (1976, 1981), Hudson et Priest (1979), Wall is et K i n g (1980), Shapiro et Delport (1991) préconisent l 'utilisation d'une distribution exponentielle. Sen (1984) considère des distributions uniforme, exponentielle, log-normale et gamma, Rouleau et Gale (1985), Bardsley et al. (1990) la distribution de Weibul l . L a figure 15 représente l'histogramme des longueurs des carottes prélevées dans un massif calcaire. L a répartition des longueurs est correctement approchée par une distribution gamma.
Fréquence (%) 30
10 100 Longueur des éléments carottés (cm)
ID4 ID3
Fig. 14 - Histogramme des longueurs des éléments carottés dans un massif de gneiss, sans prise en compte des petits éléments (même sondage que dans la fig. 13). Nombre d'éléments 245, longueur maximale 59 cm, longueur moyenne 13,2 cm, écart-type des longueurs 10,1 cm. - Classification de l'AFTES : ID4,
fracturation forte.
Fréquence (%) 60
30 45 60 Longueur des éléments carottés (cm)
Fig. 15 - Histogramme des longueurs des éléments carottés dans un massif calcaire, sans prise en compte des petits éléments (présents sur 1,85 m au total). Longueur du sondage 30 m. - Nombre d'éléments 213, longueur maximale 58 cm, longueur moyenne 13,2 cm, -écart-type des longueurs 9,1 cm - Distribution gamma
avec a = 1,13 et b = 6,21 (données du LRPC).
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 83
Du sondage linéaire au massif à trois dimensions
Il est bien connu que l 'on ne peut pas, à partir de données linéaires, remonter à la distribution tridimensionnelle des discontinuités sans hypothèses supplémentaires.
Le modèle poissonien définit une distribution aléatoire de plans dans l'espace, qui se trouve ainsi divisé en blocs polyédriques. Ce modèle n'est pas très bien adapté aux massifs naturels dans la mesure où, dans ce modèle , les plans sont répartis indépendamment les uns des autres : i l ne peut rendre compte des concentrations locales de fractures, souvent observées. De plus, les discontinuités réelles ne sont que des portions limitées de plans. Cependant, le modèle poissonien peut constituer une approximation acceptable, et son traitement mathémat ique est relativement simple.
L'intersection des plans poissoniens avec une droite fixe fournit des intervalles qui suivent une loi exponentielle. On peut donc, à partir de l'ajustement d'une loi exponentielle (paramètre X) à la distribution des longueurs de carottes en sondage, estimer le paramètre d'une distribution isotrope de plans de Poisson.
On en déduit en particulier des informations sur la distribution des volumes des blocs délimités par les plans de discontinuités (Serra, 1982). Le volume moyen vaut 1,91 X - 3 , avec un coefficient de variation de 3,5 ; par exemple, avec une longueur moyenne de 3 dm (partie inférieure du sondage présenté figure 12), on obtiendrait un volume moyen de 52 dm 3 . Mais la valeur élevée du coefficient de variation traduit l ' ex t rême dispersion des volumes et fait supposer la possibilité de rencontrer de très gros blocs comme de très petits. D'autre part, la densité de discontinuités S v définie plus haut est égale à IX, relation valable pour toute distribution de plans isotrope et stationnaire.
Avec un modèle de Voronoï (Serra, 1982), dans lequel le massif est divisé en blocs polyédriques (les discontinuités sont les faces communes à deux polyèdres adjacents et possèdent donc une extension finie), le volume moyen des blocs est de 3,08 X 3 (soit 84 d m 3 pour l'exemple c i -dessus).
Certains auteurs ont proposé d'utiliser le R Q D pour estimer la déformabilité du massif, à l 'échelle d'un ouvrage. Par exemple, Deere et al. (1967) donnent une relation empirique du type :
E = f (RQD)
où :
- E m est le module d 'Young du massif, - E r celui de la roche mesurée en laboratoire.
C'est évidemment une estimation sommaire, qui ne pas tient compte de la raideur des discontinuités. Avec les données de la partie inférieure du sondage de la figure 12, dans laquelle le R Q D est d'environ 75 %, on aurait un rapport de réduction E m / E r de l'ordre de 0,5.
Exploitation d'un ensemble de sondages
Les données de fracturation ont été recueillies entre 1980 et 1992 dans 128 sondages carottés qui représentent une longueur cumulée de 4 500 m environ. L a profondeur de la plupart de ces sondages est de l'ordre d'une cinquantaine de mètres ; quelques-uns dépassent 100 m. Ces sondages ont été réalisés dans divers sites de la zone d'action du L R P C d'Aix-en-Provence à l 'occasion de projets autoroutiers. Ils ont permis de prélever divers types de roches, principalement des calcaires et des gneiss, mais aussi des calcaires marneux, des dolomies, des granités et des schistes.
L a figure 16 représente l 'écart- type des longueurs de carottes en fonction de la moyenne de ces longueurs pour les 128 sondages considérés. Le regroupement assez net des points autour de la bissectrice indique que le choix de la distribution exponentielle pour caractériser la répartition des discontinuités dans un massif rocheux semble assez raisonnable.
Ecart-type (cm)
15
0
+ Marne • / X Marno-calcaire • Calcaire dolomie O Grès • / ùk Granité V Schiste M Gneiss
j § •
i
0 15 30 45
Longueur moyenne (cm)
Fig. 16 - Relation entre la longueur moyenne des éléments carottés et l'écart-type de ces longueurs, pour 128 sondages carottés dans différentes roches (données
du LRPC).
84 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87
Fig. 17 - Histogrammes des principales caractéristiques de fracturation pour 128 sondages carottés dans différentes roches
Fréquence 35 r-
0 5 10 15 20 25 30 Longueur moyenne (cm)
a. Longueurs moyennes des éléments.
L a récapitulation des mesures de longueur de carottes pour les 128 sondages fait apparaître une longueur moyenne de 11,7 cm. Cette valeur assez faible s'explique par le fait que les reconnaissances géotechniques sont plus particulièrement orientées vers l 'é tude des massifs de mauvaise qualité, en particulier en zones tectonisées et dans les terrains superficiels. L'histogramme des longueurs moyennes par sondage (fig. 17a) montre que dans les cas les plus fréquents, la longueur moyenne est comprise entre 8 et 10 cm (33 sondages sur 128) puis entre 10 et 12 cm (24 sondages sur 128). S i l 'on sépare les différents types de roches, on trouve des longueurs moyennes de carottes un peu différentes : 15,3 cm pour les calcaires et dolomies (valeur probablement en relation avec l 'épaisseur moyenne des bancs), 10,2 cm pour les granités, et 9,2 cm pour les gneiss (leur foliation peut expliquer cette valeur plus faible).
L ' indice R Q D est très sensible au choix de la longueur / (conventionnellement égale à 10 cm). A i n s i , à une série d 'é léments égaux de 9 cm correspond un R Q D nul, tandis q u ' à une série d 'é léments de 11 cm correspond un R Q D égal à 100 %. Cette brutale variation est gênante, d'autant plus que la borne conventionnelle de calcul de l ' indice R Q D se situe justement entre les deux classes les plus représentées de la figure 17a.
Fréquence 35 r-
0 50 100 150 200 250 300 Longueur maximale (cm)
b. Longueurs maximales (données du LRPC d'Aix).
L a figure 17b donne l'histogramme des longueurs maximales rencontrées dans les 128 sondages. Les longueurs les plus grandes sont obtenues pour les calcaires. De façon générale, on constate que ceux-ci présentent de grands éléments et peu d 'é léments centimétriques. Comparés aux roches du socle cristallin, ces matériaux sont plus récents et souvent moins tec-tonisés.
Conclusion L a description et la caractérisation des massifs rocheux, illustrées dans les paragraphes qui précèdent, s 'opèrent sur les deux composants principaux de ces massifs, la matrice rocheuse et les discontinuités. A partir de là, i l faut ensuite construire un modèle géomécanique, et estimer les propriétés globales du massif : tâche encore bien délicate dans l 'état actuel des connaissances en mécanique des roches.
Parmi les essais de laboratoire sur éprouvette, on soulignera l ' intérêt des essais d'identification, simples et porteurs d'information s'ils sont analysés avec soin : avec la description pétrographi-que, ils permettent une estimation approchée des caractéristiques mécaniques de la matrice rocheuse. Les corrélations entre deux propriétés, rarement valables de façon universelle, s 'amélio-
B u L L E T I N D E S L A B O R A T O I R E S D E S P O N T S ET C H A U S S É E S - 211 - S E P T E M B R E - O C T O B R E 1997 - RÉF. 4154 - P P . 73-87 85
rent bien souvent lorsque l 'on restreint les données à une famille de roches issues d'une m ê m e région. Pour un dimensionnement, i l est nécessaire d'effectuer des mesures directes sur échantillons prélevés sur le site, mais le tracé d'histogrammes à l'issue d'une campagne d'essais et la mise en relation de propriétés deux à deux permettent de contrôler les résultats obtenus, d'attirer l'attention sur un comportement atypique, etc.
Les sondages carottés offrent bien souvent le seul accès au massif rocheux et à sa fracturation dont la connaissance est fondamentale en mécanique des roches. Il est donc du plus grand intérêt d'essayer d'exploiter les données de sondages au maximum, à l'aide de statistiques simples sur les espacements. L a réduction de l ' infor
mation issue d'un sondage à un seul indice, le R Q D par exemple, n'est pas très satisfaisante, et i l est peut être utile de présenter des données plus complètes , telles que l'histogramme des intervalles, avec moyenne et écart-type, ou l 'évolution d'un indice de fracturation en moyenne glissante le long du sondage. Il faut rappeler que l 'on n 'a pas accès en général à l'orientation des discontinuités, pourtant essentielle dans tous les problèmes de stabilité.
Enfin on peut noter, au vu des différents graphiques présentés, l 'allure caractéristique des distributions statistiques de certaines propriétés géomécaniques des roches et de la fracturation des massifs rocheux.
Remerciements
J. -L Durville remercie MM. J. Lacube et E. Massieu pour leur contribution à la banque de données Dataroc.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
A F N O R (1990a), Granulats - essai d'abrasivité et de broyabilité, Norme NF P 18-579, 6 pages.
A F N O R (1990b), Granulats - détermination de l'indice de continuité, Norme NF P 18-556, 5 pages.
A F T E S (Association française des travaux en souterrain) (1993), Texte des recommandations pour une description des massifs rocheux utile à l'étude de la stabilité des ouvrages souterrains. Tunnels et ouvrages souterrains, supplément au n° 117, p. 12-31, mai-juin.
A L L A R D P. (1978), Étude des discontinuités dans les massifs rocheux, C.R. 3 e Congrès int. de Géol. de l'Ingénieur (AIGI), Madrid, IV, vol. 2, pp. 93-107.
B A R D S L E Y W . E . , M A J O R T . J . , S E L B Y M . J . (1990), Note on a Weibull property for joint spacing analysis. Int. J. Rock Mech. Min . Sei. & Geomech. Abstr., vol. 27, 2, pp. 133-134.
C L O U E T A . A . (1988), Sur la représentation graphique de la fracturation des sondages carottés en terrain rocheux, Bulletin AIGI, 37, pp 107-112.
D E E R E J . , H E N D R O N , P A T T O N (1967), Design of surface and near-surface construction in rock, Proc. 8th Symp. on Rock Mechanics, University of Minnesota, pp. 237-301.
D U R V I L L E J . - L . , L A C U B E J . , M A R T I N E A U F. (1991), Une banque de données physico-mécanique sur les roches. Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, 173, pp. 91-95.
D U R V I L L E J . - L . , H É R A U D H . (1995), Description des roches et des massifs rocheux, Techniques de l'ingénieur, Chapitre C 352, 12 pages.
E V R A R D H., A L L A R D P., C H E V A S S U G . , R O B E R T J . ,
V I L L A I N j . (1989), Les enrochements, Publication LCPC-SETRA Paris.
F O U R M A I N T R A U X D . ( 1976), Quantification des discontinuités des massifs rocheux, in La Mécanique des Roches appliquée aux ouvrages de Génie Civi l , Presses ENPC, Paris, IV, pp. 69-77.
F R O S T J . D . , K Y O c . Y . (1996), Automated determination of the distribution of local void ratio from digital images, Geotechnical Testing J., vol. 19, 2. pp. 107-117.
C E N T E R A . , C A S T A I N G C , M A R T I N P . (1997), Évaluation de la fracturation des réservoirs par forages : comparaison entre les données de carottes et d'imagerie de paroi, Revue de l'Institut français du Pétrole, vol. 52, 1, pp. 45-60.
H U D S O N J A . , P R I E S T S . D . (1979), Discontinuities and rock mass geometry, Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., 16, pp. 339-362.
I S R M (International Society for Rock Mechanics), (1978), Suggested methods for the quantitative description of discontinuities in rock masses. Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., 15, 6, pp. 319-368.
K I M K . , G A O H . (1995), Probabilistic approaches to estimating variation in the mechanical properties of rock masses, Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., 32, 2, pp. 111 - 120.
L C P C ( 1988), Roches et granuláis. Essai de résistance en compression uniaxiale, Projet de méthode d'essai 33, 10 pages.
86 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - pp. 73-87
L C P C ( 1 9 8 5 ) , Roches et granultats. Essai de traction par fendage, Projet de méthode d'essai, 6, 6 pages.
P A N E T M . ( 1 9 6 7 ) , Étude de la structure des massifs rocheux, Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, vol. 2 8 , pp. 2 - 1 , 2 - 1 2 .
P R I E S T S . D . , H U D S O N J . A . ( 1 9 7 6 ) , Discontinuity spa-cings in rock. Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., 13, pp. 1 3 5 - 1 4 8 .
P R I E S T S . D . , H U D S O N J . A . ( 1 9 8 1 ) , Estimation of discontinuity spacing and trace length using scanline surveys. Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., 18, 3, pp. 1 8 3 - 1 9 7 .
R O U L E A U A . , G A L E J . E . ( 1 9 8 5 ) , Statistical characterization of the fracture system In the Stripa granite, Sweden. Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., vol. 2 2 , 6, pp. 3 5 3 - 3 6 7 .
S E R R A J . ( 1 9 8 2 ) , Image analysis and mathematical morphology ; Academic press, 6 1 0 pages.
S E R R A T R I C E J . - F . ( 1 9 9 4 ) , La représentation et l'exploitation des données de fracturation, Session de formation continue de l 'ENPC, Travaux et ouvrages en milieu rocheux, 7 0 pages.
S H A P I R O A . , D E L P O R T J . L . ( 1 9 9 1 ) , Statistical analysis of jointed rock data. Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., vol. 3 1 , 1, pp. 3 7 5 - 3 8 2 .
W A L L I S P .F . , K I N G M . S . ( 1 9 8 0 ) , Discontinuity spa-cings in crystalline rock, Int. J. Rock Mech. Min. Sci. & Geomech. Abstr., vol. 17 , 1, pp. 6 3 - 6 6 .
S E N z. ( 1 9 8 4 ) , RQD models and fracture spacing. J. Geotech Engrg., vol 110 , 2, pp. 2 0 3 - 2 1 6 .
ABSTRACT
Description of rocks and rock masses Exploitation of two databases
J.-F. SERRATRICE, J.-L. DURVILLE
Two data sets are exploited in order to illustrate the description of rock masses , one involves laboratory tests and the other the fracturing of a sample.
First of al l , a few general results are given which relate to density, porosity, ultrasonic velocity, index of continuity, uniaxial compress ive strength, indirect tensile strength, Young 's modulus and abras iveness: histograms of values and correlations between pairs of characterist ics are also presented.
Fracturing data, from 4,000 metres of core samples, has been presented in a variety of ways and exploited using conventional parameters such as the spac ing between cracks or the Rock Quality Designation (RQD), and depth diagrams or histograms. The latter show that the distribution of spac ings is usually practically exponential.
BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 • SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. 4154 - PP. 73-87 87