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S59 Résumé L’autosurveillance glycémique nécessite une prise en charge éducative globale du patient diabétique. C’est le travail de toute une équipe en partant du patient : ce qu’il est, ce qu’il sait, ce qu’il est capable de faire, ce qu’il veut faire, dans le but d’améliorer l’équilibre de son diabète. Autosurveillance glycémique Diabète Éducation thérapeutique du patient Approche multidisciplinaire Mots-clés Autosurveillance glycémique : Point de vue infirmier Self monitoring of blood glucose: A nurses’point of view Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2010 – Vol. 4 – Suppl. 1 © 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. C. Denizot, C. Mourey Infirmières en diabétologie, Service de diabétologie-endocrinologie, Groupe hospitalier Le Creusot – Montceau, Le Creusot, France. Correspondance : Christiane Mourey Service de diabétologie-endocrinologie (Docteur S. Clavel) Groupe hospitalier Le Creusot – Montceau Site Harfleur 26 rue d’Harfleur F-71200 Le Creusot France [email protected] Summary Efficient self-monitoring of blood glucose requests a global educational management approach of the diabetic patient. This is a multidisciplinary task patient’s centered: who he is, what he knows, what he is able to perform, what he wants to do, with the aim to improve his diabetes control. Self-monitoring of blood control Diabetes Therapeutic patient education Multidisciplinary approach. Key-words Introduction L’autosurveillance glycémique (ASG) est l’une des premières étapes de « délé- gation de pouvoir, de responsabilité et de contrôle » du soignant vis-à-vis du patient diabétique. Le transfert d’une « simple acquisition » technique va bien au-delà de la gestuelle réalisée, en ce sens où le patient s’engage alors dans un véritable processus d’intégration de sa maladie (« je peux constater de visu ce que je ne sens pas forcément »), de responsabilisation (« je ne peux pas dire que je ne le sais pas »), de réflexion et d’analyse des résultats obtenus pour aboutir à une possible démarche décisionnelle (adapter un traitement et ou un mode de vie), pour lesquels il convient d’être attentif : est-il prêt à le faire ? Le rôle infirmier ne consiste donc pas seulement en un apprentissage de manipulation de matériel, mais aussi, et surtout, à une appréhension globale du patient dans cette démarche édu- cative [1]. Quels patients éduquer à l’autosurveillance glycémique ? Il est entendu que l’ASG concerne directement un certain nombre de patients diabétiques, atteints de dia- bète de type 1 ou de type 2, mais éga- lement le diabète gestationnel, selon les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) [2, 3] ; mais si l’ASG est incontournable pour le diabète de type 1 (ASG pratiquée par les parents pour les jeunes enfants) dans la nécessité

Autosurveillance glycémique : Point de vue infirmier

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RésuméL’autosurveillance glycémique nécessite une prise en charge éducative globale du patient diabétique. C’est le travail de toute une équipe en partant du patient : ce qu’il est, ce qu’il sait, ce qu’il est capable de faire, ce qu’il veut faire, dans le but d’améliorer l’équilibre de son diabète.

Autosurveillance glycémique •

Diabète •

Éducation thérapeutique du patient •

Approche multidisciplinaire •

Mots-clés

Autosurveillance glycémique :Point de vue infirmierSelf monitoring of blood glucose: A nurses’point of view

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2010 – Vol. 4 – Suppl. 1

© 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

C. Denizot, C. MoureyInfirmières en diabétologie, Service de diabétologie-endocrinologie, Groupe hospitalier Le Creusot – Montceau, Le Creusot, France.

Correspondance :Christiane MoureyService de diabétologie-endocrinologie (Docteur S. Clavel)Groupe hospitalier Le Creusot – MontceauSite Harfleur26 rue d’HarfleurF-71200 Le [email protected]

Summary

Efficient self-monitoring of blood glucose requests a global educational management approach of the diabetic patient. This is a multidisciplinary task patient’s centered: who he is, what he knows, what he is able to perform, what he wants to do, with the aim to improve his diabetes control.

Self-monitoring of blood control •

Diabetes •

Therapeutic patient education •

Multidisciplinary approach. •

Key-words

Introduction

L’autosurveillance glycémique (ASG) est l’une des premières étapes de « délé-gation de pouvoir, de responsabilité et de contrôle » du soignant vis-à-vis du patient diabétique. Le transfert d’une « simple acquisition » technique va bien au-delà de la gestuelle réalisée, en ce sens où le patient s’engage alors dans un véritable processus d’intégration de sa maladie (« je peux constater de visu ce que je ne sens pas forcément »), de responsabilisation (« je ne peux pas dire que je ne le sais pas »), de réflexion et d’analyse des résultats obtenus pour aboutir à une possible démarche décisionnelle (adapter un traitement et ou un mode de vie), pour lesquels il convient d’être attentif : est-il prêt à le faire ? Le rôle infirmier ne consiste donc

pas seulement en un apprentissage de manipulation de matériel, mais aussi, et surtout, à une appréhension globale du patient dans cette démarche édu-cative [1].

Quels patients éduquer à l’autosurveillance glycémique ?

Il est entendu que l’ASG concerne directement un certain nombre de patients diabétiques, atteints de dia-bète de type 1 ou de type 2, mais éga-lement le diabète gestationnel, selon les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) [2, 3] ; mais si l’ASG est incontournable pour le diabète de type 1 (ASG pratiquée par les parents pour les jeunes enfants) dans la nécessité

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d’adaptation du traitement insulinique, elle devient beaucoup plus négociable pour les patients atteints de diabète de type 2 en fonction des individus, de leur traitement (insuline ou médicaments antidiabétiques stimulant la sécrétion d’insuline), de leurs complications et de leur relation à la maladie (certains préfè-rent ne pas savoir). Il convient d’abord d’apprendre à connaître le patient pour savoir ce qu’il est prêt à faire pour lui-même et sa maladie en tenant compte de ses craintes ou de ses angoisses et d’évaluer ses capacités physiques et intellectuelles (vision, motricité, compréhension, mémoire…). Dans ce cas, l’ASG peut amener à une prise de conscience de la maladie, représenter un système d’alerte (vigile) permettant de faire « attention », ou encore être un élément de valorisation par rap-port à la maladie ou par rapport à son entourage. L’éducation de l’entourage sera envisagée en renforcement (pour sécuriser une personne craintive, par exemple), en accompagnement (auto-nomie limite ou encouragement), ou en substitution.

Qui éduque le patient diabétique à l’autosurveillance glycémique ?

L’autosurveillance glycémique ne s’arrête pas au simple apprentissage technique. Il appartient à toute l’équipe soignante de participer à cette prise en charge édu-cative : en instituant le traitement et en fixant les objectifs glycémiques propres à chaque patient, en aidant à analyser la corrélation entre les prises alimen-taires et les montées glycémiques ou inversement, en guidant pour le choix de l’appareil de lecture de glycémie et en surveillant la bonne exécution de l’ASG, ainsi que la retranscription sur le carnet d’autosurveillance. L’intérêt de l’éducation des aidants est un facteur de renforcement de l’action éducative. Il est indispensable que le soignant ait une parfaite connaissance technique des dif-férents appareils de lecture de glycémie et soit formé à l’éducation thérapeutique et à l’écoute du patient [1].

Quoi et comment éduquer à l’autosurveillance glycémique ?

Le patient est au centre de toute prise en charge, il doit être actif dans sa prise en charge et donc dans la prise en compte des données de l’ASG [3]. Sa participation dans le choix des matériels est un facteur de motivation à la prise en charge de l’ASG (autopiqueur, appareil de lecture de glycémie, carnet de glycé-mie ou autre méthode) : il sera cependant nécessaire de s’assurer de ses capaci-tés sensorielles, surtout visuelles, ainsi que motrices, pour le guider dans ses choix (petites bandelettes difficile à saisir, flacon facile ou non à ouvrir, affichage des résultats…) [4]. Le temps d’appren-tissage doit respecter le rythme d’ap-prentissage de chaque individu ; il doit porter sur les manipulations successives de l’autopiqueur avec la réalisation du prélèvement capillaire (appréhension de la piqûre au doigt), de l’appareil de lec-ture de glycémie, de la retranscription sur le carnet de glycémie avec la détermi-nation des moments les plus pertinents pour la réalisation des contrôles capillai-res, de l’élimination des déchets de soins (DASRI) face aux risques de contamina-tion, et enfin de l’entretien de l’appareil et du contrôle de fiabilité avec une solution de contrôle [4]. Ce temps d’apprentis-sage est très variable en fonction de l’âge des patients, des problèmes de compré-hension ou de langage, et de l’angoisse que peut engendrer cette délégation de pouvoir par rapport à un résultat médical à analyser soi-même (crainte ou honte de ne pas être à la hauteur). Amener le patient à identifier l’intérêt du contrôle glycémique (que sait-il ?) : surveiller l’équilibre du diabète, reconnaître une hypoglycémie en cas de doute, et par sécurité avant une activité physique ou de prendre la voiture, surveiller son ali-mentation. Amener le patient à faire sa propre analyse des résultats et ses pro-pres déductions : est-il dans les objectifs fixés avec le médecin, sinon pourquoi ? Quels sont les moments de la journée où les glycémies sont les plus élevées ou les plus basses, et pourquoi ? Quels médi-caments adapter ? Pourra-t-il le faire ou osera-t-il le faire ? Le soignant devra être

attentif à dépister l’angoisse, à rassurer le patient, le carnet de glycémie étant un outil d’aide avant tout, mais également d’échanges avec les soignants (où la mémoire de l’appareil, qui peut répon-dre aux oublis ou aux interrogations), et non pour une note appréciative, une éva-luation de ce qui est « bien » ou « mal » fait.Si l’éducation thérapeutique indivi-duelle permet de totalement s’adapter au rythme du patient, l’éducation théra-peutique en groupe permet de dédra-matiser l’apprentissage : les échanges d’expériences avec les autres patients rassurent, encouragent et confortent dans le fait qu’on n’est pas isolé avec ses difficultés [5].

Comment motiver le patient à l’autosurveillance glycémique ?

Notre regard (percevoir le patient là où il en est, sans jugement), notre écoute (respecter ses choix matériels, ses pos-sibilités et ses souhaits dans la réalisa-tion et la prise en charge de son ASG, avec des objectifs fixés avec lui, réalisa-bles, en terme de nombres de contrôles et de résultats et en rapport avec ses conditions de vie), nos encouragements (voir avec lui ce qui marche ou ce qui a marché, les bénéfices et les contrain-tes), notre soutien (accompagner le patient dans le temps en assurant, s’il le faut, un suivi régulier et rapproché en fonction des besoins et de sa demande) et notre propre motivation en tant que soignant, sont des facteurs favorisant à l’adhésion du patient à effectuer l’ASG régulièrement.

Conclusion

L’ASG n’est pas un geste anodin. Ce geste journalier nécessite une prise en charge éducative globale qui ne peut être envisagée que si le patient est prêt à le faire. Cette approche éducative globale repose sur la connaissance du patient pour savoir ce qu’il est prêt et capable de faire, et nécessite l’établissement d’un

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diagnostic éducatif réalisé avec l’ensem-ble de l’équipe soignante afin d’éviter un rejet ou une passivité de l’automesure glycémique. Elle est une des clés per-mettant d’aboutir à l’amélioration et au maintien du bon contrôle glycémique et de l’équilibre du diabète.

Conflits d’intérêtLes auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec le contenu de cet article.

RéférencesAlfediam Paramedical. Recommandations de [1]

bonnes pratiques. Surveillance glycémique et technique d’injection d’insuline. Octobre 2006 (Mise à jour). www.alfediam.org

A F S S A P S - H A S . R e c o m m a n d a t i o n [2] Professionnelle. Traitement médicamenteux du diabète de type 2 (Actualisation). Novembre 2006. Recommandation de Bonne Pratique (Synthèse, Recommandation et Argumentaire). Diabetes

Metab 2007;33(1-cahier 2):1S1-1S105. www.has-sante.fr

Haute Autorité de Santé (HAS). Recommandations [3] de la HAS. Indications et prescription d’une auto-surveillance glycémique chez le patient diabétique; 14 novembre 2007. www.has-sante.fr

Agence française de sécurité sanitaire des [4] produits de santé (Afssaps). Recommandation envoyée à l’ensemble des établissements

hospitaliers sur le choix d’un lecteur de glycé-mie (24/08/2006). www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/Diabete/Systemes-de-surveillance-de-l-equilibre-glycemique.

Mosnier-Pudar H, Hochberg-Parer G. [5] Éducation thérapeutique, de groupe ou en indi-viduel : que choisir ? Médecine des maladies Métaboliques 2008;2:425-31.

L’autosurveillance glycémique (ASG) n’est pas un geste anodin.• Ce geste journalier nécessite une prise en charge éducative globale qui • ne peut être envisagée que si le patient est prêt à le faire.Cette approche éducative globale repose sur la connaissance du patient : • savoir ce qu’il est prêt et capable de faire. Elle nécessite l’établissement d’un diagnostic éducatif réalisé avec l’ensemble de l’équipe soignante afin d’éviter un rejet ou une passivité de l’automesure glycémique.L’éducation thérapeutique du patient au bon usage de l’ASG est une des • clés permettant d’aboutir à l’amélioration et au maintien à long terme du bon contrôle glycémique.

Points essentiels

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