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• LOI PACTE • PLF 2019 • RGPD L’ ACTU RÉGLEMENTAIRE DE LA BLOCKCHAIN

ACTU RÉGLEMENTAIRE DE LA BLOCKCHAIN · attendant la loi de Finances 2019 sur la fiscalité Blockchain et les conclusions de la mission d’information parlementaire sur le sujet)

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•LOIPACTE•PLF2019•RGPD

L’ ACTU RÉGLEMENTAIREDE LA BLOCKCHAIN

ENTRÉE PRÉCIPITAMMENT DANS LA VIE DES PARTICULIERS ET DES ENTREPRISES......avec l’introduction de la technologie Bitcoin, la Blockchain n’a pas vraiment demandé la permission avant de promouvoir les échanges de cryptomonnaies inter-pays. Technophiles d’abord, gestionnaires de portefeuilles ensuite, entrepreneurs enfin, les plus avertis se sont emparés de ce nouvel univers pour développer leur offre de services, leur business plan… et leur compte bitcoin. Tout cela sous l’œil distant – mais méfiant – du régulateur.

Et pourtant : identification de l’émetteur, sécurisation du protocole, détermination de la preuve…. Les questions juridiques entourant la Blockchain (essentiellement publique) ne manquent pas. Par essence décentralisée, par construction internationalisée, la Blockchain est une technologie d’usage complexe qui renvoie ses utilisateurs à des enjeux de responsabilité et de propriété. Et l’absence de cadre réglementaire qui a jusqu’ici contribué au

développement de l’outil devient aujourd’hui un frein pour sa généralisation au cœur de l’économie.

Si l’Union Européenne reste à ce jour muette sur le sujet, la France a choisi de se positionner dans le groupe de tête des nations qui investiguent la question pour délimiter un cadre juridique et fiscal favorable : au développement des échanges, à l’innovation dans ce domaine et à la rétention des talents dans l’Hexagone…

2019 sera probablement une année clé pour entériner la construction de l’écosystème Blockchain dans le pays, et les nombreuses discussions entourant la loi PACTE prouvent l’intensité du débat suscité par cette technologie (en attendant la loi de Finances 2019 sur la fiscalité Blockchain et les conclusions de la mission d’information parlementaire sur le sujet).

Petit tour d’horizonde l’actu réglementairede la Blockchain.

L’absence de cadre

réglementaire qui a jusqu’ici

contribué au développement

de l’outil devient

aujourd’hui un frein pour sa

généralisation au cœur de

l’économie.

ACTU

LES PRINCIPAUX ENJEUX RÉGLEMENTAIRES DE LA BLOCKCHAIN

• Lareconnaissancedepropriétéd’unactifdanslaBlockchain

• Letraitementetl’exploitationdesdonnéespersonnelles

• Ledroitdelapreuvepourcertifierlestransactions

• L’identificationdesémetteursetledroitaucompte(ouverture,gestion)

• Lecadrefiscal

• Pourlablockchainprivée:lagouvernanceduréseau

1/ L’ordonnance« minibons »

La notion de Blockchain n’apparaît juridiquement dans les textes qu’à partir du 28 avril 2016, où une ordonnance autorise son utilisation pour des transactions limitées (les « minibons » ou titres de dettes réservés aux plateformes de financement participatif réglementées), ce qui entérine son exploitation pour le financement de l’innovation et le développement des start-up.

2/ La loi Sapin 2

La loi Sapin 2 qui intervient la même année cherche à étendre ce dispositif aux transactions d’actions et d’obligations de sociétés non cotées.

LE CADRE RÉGLEMENTAIREEXISTANT

LOI DU 9 DÉCEMBRE 2016 RELATIVE À LA TRANSPARENCE, À LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET À LA MODERNISATIONDE LA VIE ÉCONOMIQUE (DITE LOI « SAPIN 2 »)

Art 120 : Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance (…) les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :

1. Adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières afin de permettre la représentation et la transmission au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d’instruments financiers;

2. Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative favorisant la mise en œuvre et tirant les conséquences des modifications apportées en application de l’alinéa précédent.Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

ORDONNANCE N°2016-520 DU 28 AVRIL 2016 RELATIVE AUX BONS DE CAISSE

« Art. L. 223-12 du Code monétaire et financier : Sans préjudice des dispositions de l’article L. 223-4, l’émission et la cession de minibons peuvent également être inscrites dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’État. »

ACTU1/ Blockchain et RGPD

La mise en application du RGPD le 25 mai 2018 a amené les acteurs de la Blockchain à étudier de plus près les enjeux de privacy au cœur de cette technologie. Car son ouverture massive à de nombreux intermédiaires pose de nombreuses questions…

> Le 24 septembre dernier, la CNIL publie un communiqué pour apporter quelques éléments de réponse :

• Le RGPD est applicable en l’état à la Blockchain lorsque celle-ci utilise des données personnelles (ex : dossier médical d’un patient)

• La responsabilité de la protection des données incombe à l’entité responsable de l’entrée et du stockage de la donnée dans la blockchain (donc à celui qui utilise la Blockchain pour créer une transaction qu’il soumettra à validation = l’utilisateur Blockchain)

• La Blockchain permet l’exercice effectif du droit d’accès et du droit à la portabilité.

Mais elle se déclare encore incompétente pour répondre à certains enjeux, conditionnant son avis à la réalisation d’études d’impact :

• Le statut des mineurs et l’étendue de leur responsabilité sont encore difficiles à évaluer : peuvent-ils être assimilés à des « sous-traitants » (et donc bénéficier du même régime de responsabilité que l’entité responsable du traitement ?)

• Le droit à l’effacement est par nature impossible dans la Blockchain puisqu’une donnée est inaltérable une fois enregistrée dans la blockchain. Cependant, la CNIL préconise des solutions de contournement impliquant la suppression de l’accès à la donnée via des techniques de cryptographie.

L’autre enjeu qui se dessine est celui de la territorialité car le RGPD ne s’applique que sur le sol européen, alors que les traitements ont lieu massivement dans d’autres zones géographiques.

ANNÉE 2018 : LE BIG BANG JURIDIQUE

« Cette innovation (la Blockchain) et la

protection des droits fondamentaux des

personnes ne sont pas deux objectifs antagonistes.

En effet, le RGPD n’a pas pour objectif de réguler

des technologies mais les usages qui en sont faits par les acteurs dans un

contexte impliquant des données personnelles. »

Communiqué de la CNIL, 24 septembre 2018

LES PRINCIPALES QUESTIONS SOULEVÉES

• Peut-onappliquerlesdispositionsduRGPDsurlaBlockchain,notammentenmatièrededroitsnouveaux:effacement,portabilité…?

• QuiestresponsabledesdonnéesplacéesdanslaBlockchain?Quelsdroitsetdevoirspourlesautresparticipants?

• Oùcommenceetoùs’arrêtel’applicationterritorialeduRGPD?

ACTU

BLOCKCHAINET RÉGULATIONDES ÉCHANGES : LA LOI PACTE

Après les travaux conduits sur l’ordonnance d’avril 2016 et sur la loi Sapin 2 de décembre 2016, un besoin de régulation plus important s’était fait sentir pour permettre le développement sécurisé des échanges, utilisant ou non des cryptomonnaies.

Parmi les raisons invoquées : le développement exponentiel des opérations d’ICO (Initial Coin Offering), de plus en plus prisées par les entrepreneurs…

En septembre 2018, l’examen

du projet de loi PACTE (plan

d’action pour la croissance

et la transformation des

entreprises) occasionne de

nombreux débats et relectures

à l’Assemblée Nationale

concernant le volet Blockchain,

inscrit à l’article 26.

QU’EST-CE QU’UNE ICO ?

Il s’agit d’une levée de fonds utilisant des cryptoactifs (tokens) pour financer le lancement d’un projet / produit. Concrètement, une start-up qui souhaite lancer un produit va émettre des jetons (tokens) qu’elle va proposer à d’autres utilisateur de la blockchain. Si ceux-ci s’intéressent au produit en cours de développement, ils vont acquérir ces tokens pour un certain montant de cryptomonnaie (bitcoin, ether) qui va ainsi financer le développement du produit.

L’intérêt pour l’acheteur est de pouvoir ensuite bénéficier de services liés au produit de manière préférentielle : le token étant inaltérable, il pourra revendiquer ce droit bien après le lancement du produit. D’autre part, ces tokens sont échangeables dans la Blockchain et peuvent donc créer un marché de revente intéressant d’un point de vue valorisation.

LE CHIFFREEn2017,lemontanttotaldesICOestpasséde100millionsdedollarsen2016à 5,6 milliards de dollars.

Au cœur des débats

• Le droit à l’ouverture et la gestion des comptes : le texte souhaite favoriser la création d’un tissu économique bancaire utilisant la Blockchain tout en apportant suffisamment de garanties dans l’identification des émetteurs et la sécurisation des actifs.

• L’encadrement des ICO : de la même façon, le texte vise à encourager le développement des financements de start-up par ICO tout en encadrant leur utilisation pour limiter le risque de volatilité des cryptoactifs.

Comme l’évoque Jean-Noël Barrot, l’un des rapporteurs du projet : « Ce qui n’est pas sûr, ce n’est pas la Blockchain, c’est la qualité des émetteurs et la qualité des plateformes : c’est sur ces deux points-là que le texte essaye de faire des avancées ».

Les mesures de la loi PACTEen bref

• La loi exige la création d’une personne morale de droit français pour émettre une ICO, ainsi que la mise sous séquestre des fonds récoltés pour garantir l’existence de liquidités.

• Elle confère à l’Autorité des Marchés Financiers la compétence pour superviser les ICO et lui octroie un rôle de « label » sur les émetteurs : en effet, pour les émetteurs qui souhaitent prouver leur conformité et

leur sérieux auprès des investisseurs, l’AMF peut délivrer un visa/certification sous la forme d’une inscription sur une liste blanche.

• Enfin, si elle vise à encourager l’accès au compte dans les établissements bancaires à travers ce système de labellisation, elle crée aussi un mécanisme de recours auprès de la Caisse des dépôts et consignations en cas de refus d’ouverture de compte de la part des établissements bancaires. Cette dernière mettrait en place un « service de dépôt et de paiements » qui jouerait ainsi le rôle de garant (amendement n° 2728).

Parmi les points qui restent encore en suspens, on évoque la question de la labellisation des ICO antérieures à la loi PACTE qui, pour l’instant, ne peuvent obtenir ce visa de la part de l’AMF. Le caractère obligatoire du visa était également débattu pour ne retenir finalement que sa dimension optionnelle.

De plus, les débats ont été particulièrement vifs concernant la liste blanche, certains députés exigeant en complément la publication d’un document de référence pour entériner la fiabilité d’un émetteur d’ICO. Mais le ministre de l’Economie et des Finances Brunon Le Maire a tranché : « Je crains que l’ajout d’un document de référence annuel ne soit trop lourd. »

Enfin, les discussions sur l’autorité compétente pour assurer le recours en cas de refus des banques ont oscillé entre la Caisse des dépôts et consignations et la Banque de

Les prochaines étapes

La loi PACTE ayant été adoptée en première lecture à l’Assemblée le 9 octobre dernier, elle poursuit désormais son parcours au Sénat où elle est actuellement étudiée en Commission (première lecture devant le Sénat prévue en janvier 2019).

En attendant sa finalisation, les représentants du texte ont salué son caractère innovant et audacieux et son équilibre entre incitation économique et besoin de régulation. Il traduit des avancées réglementaires qui n’avaient pas encore été observées dans les autres juridictions nationales.

« Il faut de la liberté technique et de la sécurité juridique (...) deux piliers qui feront que le modèle français pourra inspirer d'autres nations. La France va être un modèle pour beaucoup de pays européens »

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances

« Une première mondiale et donc un grand moment pour notre pays »,

Valéria Faure-Muntian, députée de la Loire (LREM)

France, la première l’emportant finalement en première lecture.

ACTU

C’EST EN COURS DE DISCUSSION…

1/ La fiscalité de la Blockchain

Dans le domaine de la fiscalité de la Blockchain, les prochains développements attendus devraient voir le jour sous le forme d’amendements au Projet de Loi de Finances 2019.

Le ministre de l’Economie et des Finances a en effet exprimé son souhait de voir « dans le projet de loi de finances l’introduction d’un régime fiscal et comptable qui va être particulièrement favorable à la Blockchain et aux nouvelles technologies financières ».

Une des questions soulevées porte notamment sur l’imposition des plus-values obtenues lors de transactions de cryptomonnaies. Celles-ci sont aujourd’hui imposables sous trois régimes différents :

• impôt sur le revenu,• impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), • ou impôts sur les plus-values de cessions de biens

meubles.

Cette accumulation de régimes d’imposition conduirait à un sur-prélèvement de ces transactions et à un effet désincitatif, perçu comme confiscatoire.

2/ La création d’un cadre long terme

En parallèle de cet examen et afin d’envisager un cadre clair pour la Blockchain sur le long terme, deux missions d’information ont été créées à l’Assemblée Nationale :

• La première, présidée par Julien Aubert (LR) concentre ses travaux sur les usages de la Blockchain indépendamment de l’utilisation des cryptomonnaies.

• La seconde, présidée par Eric Woerth (LR) se focalise sur les cryptoactifs.

Ces deux missions d’information devraient rendre leurs premières conclusions lors de l’hiver 2018-19.

HUBERT DE VAUPLANE, AVOCAT ASSOCIÉ,

KRAMER LEVIN INTE

RV

IEW

Hubert de Vauplane est avocat associé au sein du cabinet Kramer Levin où il accompagne les entreprises et fonds d’investissement dans leurs opérations financières sur les marchés primaires et secondaires. Il s’est penché sur la technologie Blockchain dès 2011 et a vu l’écosystème juridique se construire progressivement, notamment autour des opérations d’ICO.Il revient pour nous sur les chantiers encore « en travaux ».

1. Le droit actuel est-il compétent pour encadrer les opérations liées à la Blockchain ?

Ma conviction, c’est que l’on a dans les textes actuels suffisamment de bagage pour pouvoir répondre aux problématiques de la Blockchain. Il faut bien évidemment adapter légèrement les dispositions aux spécificités de la technologie mais globalement, il y a très peu de « nouveau droit » à créer. Les deux

seuls éléments qui peuvent poser problème à mon avis sont ceux ayant trait au droit de la propriété et au droit de la preuve.

2. Qu’entendez-vous par « droit à la propriété » ?

Tout simplement, il s’agit de déterminer si une information de propriété inscrite dans la Blockchain vaut bien propriété sur le bien dans le droit du pays. Et là-dessus, les réponses peuvent différer selon le droit du pays car les régimes de propriété dépendent des juridictions nationales. D’autant que la répartition des nœuds sur plusieurs territoires peut encore complexifier la question…

Par exemple, si la circulation des minibons dans la Blockchain a été autorisée dans la loi française, ce n’est pas le cas de tous les pays. Donc il suffit qu’un nœud soit à l’étranger pour que des questions juridiques émergent.

3. Il faudrait donc mettre en place des conventions internationales ?

Ce serait sûrement le plus sage pour éviter les conflits et harmoniser l’approche juridique sur les opérations effectuées dans la Blockchain. Aujourd’hui le besoin n’est pas encore suffisamment identifié par les entreprises car on manque de cas d’usage. Mais les besoins business vont vite émerger et obliger les acteurs à se mettre autour de la table (d’ailleurs on en voit un exemple avec le consortium R3 dans le milieu bancaire).

Si demain un intermédiaire fait faillite sur le marché du bitcoin, qu’adviendra-t-il au portefeuille du détenteur de ces bitcoins ? A l’étranger (en Russie et aux Pays-Bas), deux cours d’appel ont statué en faveur du détenteur, en les autorisant à revendiquer ces bitcoins mais on voit que ce statut est encore assez fragile.

> Sensible à cet argument, l’orientation du gouvernement porterait sur une imposition au régime du prélèvement forfaitaire unique (PFU), conduisant à une flat tax dont le taux est encore en discussion. Celle-ci serait acquittée sous la forme de monnaie FIAT.

Réponse au cours de l’automne avec l’examen du PLF 2019 à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

ACTU

4. Concernant le droit de la preuve, vous voulez parler de la valeur juridique de la signature électronique ?

Oui car il faut pouvoir authentifier une opération de paiement engagée sur la Blockchain et savoir si

cette dernière présente toutes les garanties de sécurité pour permettre l’authentification. En cela, la signature électronique peut être considérée comme une « preuve » de la propriété et de la transaction. En France comme en Europe, si la signature électronique est reconnue dans le droit civil, tel n’est pas encore le cas de la propriété sur une blockchain : quand on procède à l’achat d’un bien (par exemple une maison) via la blockchain, le transfert de propriété doit obéir au droit commun. C’est la raison pour laquelle en matière de titres financiers, le législateur a modifié le code monétaire et financier pour faire reconnaître le transfert de propriété

des titres via la blockchain (Loi Sapin 2, cf. encart p. précédente). D’où le besoin accru de faire évoluer le cadre normatif sur cette question au-delà des seuls titres financiers.

5. Tous ces enjeux portent sur les blockchains publiques. Mais qu’en est-il des blockchains privées ?

Pour les blockchains privées, la question centrale est celle de la gouvernance. Donc, par définition, c’est le droit des contrats qui s’applique. L’avantage étant qu’il comporte moins d’incertitudes réglementaires que pour la Blockchain publique.

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«En France comme en Europe, si la signature électronique est reconnue dansle droit civil, tel n’est pas encore le cas de la propriété sur une blockchain.»