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Revue internationale du Travail, vol. 149 (2010), n o 3 Copyright © Auteur(s) 2010 Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2010 Activité des hommes âgés dans les pays de l’OCDE: réforme des retraites et «armée de réserve de travailleurs» Martin O’BRIEN* Résumé.  De nombreux gouvernements ont considéré les travailleurs âgés comme une «armée de réserve» et facilité par divers moyens leur retrait anticipé de la popu- lation active. Selon l’OCDE, il faut lutter contre la surcharge budgétaire associée au vieillissement de la population par une réforme des régimes de retraite, afin d’aug- menter le taux d’activité des tranches d’âge supérieures. Après avoir modélisé l’acti- vité des hommes âgés de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans dans douze pays de l’OCDE, sur la période 1967-2007, l’auteur conclut que les variables relatives au marché du travail ont un pouvoir explicatif supérieur à celles qui sont associées aux réformes des retraites et à d’autres déterminants spécifiquement nationaux. Faute de prendre en considération la situation des marchés du travail, les prescriptions types de l’OCDE en matière de réformes des retraites semblent donc vouées à l’échec. es gouvernements de nombreux pays développés sont confrontés au vieillis- L sement de leur population, ce qui représente de sérieux défis politiques. En effet, les sociétés vieillissantes sont confrontées à des modifications des struc- tures de la consommation, de la participation au marché du travail et de l’ex- ploitation des possibilités offertes par les régimes de santé et de retraite. Ce vieillissement a donc inspiré, tant dans les pays intéressés que dans les institu- tions internationales, des recherches et des analyses sur l’activité des travailleurs âgés et la façon dont sont utilisées les options attachées aux régimes de pensions. La première préoccupation tient à ce que la croissance de la proportion des per- sonnes âgées – qui traditionnellement relèvent de régimes publics de pensions et de santé –, associée à une diminution relative de la population en âge de travailler payant des impôts, mettra à l’avenir les budgets publics sous pression. La Banque mondiale, l’OCDE et l’OIT défendent des politiques diffé- rentes face à la question du taux d’activité des travailleurs âgés et de la réforme des pensions dans des sociétés vieillissantes. La Banque mondiale recommande *   Faculté d’économie, Université de Wollongong, courriel: [email protected]. Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’en- gagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Activité des hommes ǎgés dans les pays de l'OCDE: réforme des retraites et «armée de réserve de travailleurs»

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Revue internationale du Travail, vol. 149 (2010), no 3

Activité des hommes âgés dans les paysde l’OCDE: réforme des retraites

et «armée de réserve de travailleurs»

Martin O’BRIEN*

Résumé.  De nombreux gouvernements ont considéré les travailleurs âgés commeune «armée de réserve» et facilité par divers moyens leur retrait anticipé de la popu-lation active. Selon l’OCDE, il faut lutter contre la surcharge budgétaire associée auvieillissement de la population par une réforme des régimes de retraite, afin d’aug-menter le taux d’activité des tranches d’âge supérieures. Après avoir modélisé l’acti-vité des hommes âgés de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans dans douze pays de l’OCDE,sur la période 1967-2007, l’auteur conclut que les variables relatives au marché dutravail ont un pouvoir explicatif supérieur à celles qui sont associées aux réformes desretraites et à d’autres déterminants spécifiquement nationaux. Faute de prendre enconsidération la situation des marchés du travail, les prescriptions types de l’OCDEen matière de réformes des retraites semblent donc vouées à l’échec.

es gouvernements de nombreux pays développés sont confrontés au vieillis-L sement de leur population, ce qui représente de sérieux défis politiques.En effet, les sociétés vieillissantes sont confrontées à des modifications des struc-tures de la consommation, de la participation au marché du travail et de l’ex-ploitation des possibilités offertes par les régimes de santé et de retraite. Cevieillissement a donc inspiré, tant dans les pays intéressés que dans les institu-tions internationales, des recherches et des analyses sur l’activité des travailleursâgés et la façon dont sont utilisées les options attachées aux régimes de pensions.La première préoccupation tient à ce que la croissance de la proportion des per-sonnes âgées – qui traditionnellement relèvent de régimes publics de pensions etde santé –, associée à une diminution relative de la population en âge de travaillerpayant des impôts, mettra à l’avenir les budgets publics sous pression.

La Banque mondiale, l’OCDE et l’OIT défendent des politiques diffé-rentes face à la question du taux d’activité des travailleurs âgés et de la réformedes pensions dans des sociétés vieillissantes. La Banque mondiale recommande

*  Faculté d’économie, Université de Wollongong, courriel: [email protected] articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’en-

gagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sontexprimées.

Copyright © Auteur(s) 2010Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2010

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un remplacement progressif des régimes publics par répartition par un systèmeà plusieurs étages (Banque mondiale, 1994; Holzmann, 1997). Pour sa part,l’OCDE préconise à la fois de réformer les pensions et d’accroître le taux d’acti-vité des travailleurs âgés (OCDE, 1995 et 1998; Blöndal et Scarpetta, 1998; Ca-sey, 1998; Duval, 2003; Burniaux, Duval et Jaumotte, 2004). Selon les chercheursde l’OCDE, le taux d’activité des travailleurs âgés a chuté au cours des dernièresdécennies à cause de la générosité des prestations de sécurité sociale et des cri-tères d’ouverture des droits, ce qui a encouragé les travailleurs âgés à quitter pré-maturément la population active. Les politiques qu’ils proposent pour alléger lacharge budgétaire et accroître le taux d’activité de ces travailleurs consistentdonc à en finir avec les régimes de pension qui permettent un départ précoce, àréduire les autres incitations financières à ce départ et à augmenter l’âge légal dedépart à la retraite. Toutefois, ces propositions ne prennent pas en compte la si-tuation sur le marché du travail en tant que déterminant essentiel de l’activité destravailleurs âgés.

En revanche, l’OIT préconise une stratégie de plein emploi, la lutte contreles discriminations en fonction de l’âge et de la souplesse quant à l’âge de départ(BIT, 1995 et 2003; Auer et Fortuny, 2000). En outre, l’OIT s’oppose fermementà la logique des autres institutions qui conduit à passer de régimes publics à desrégimes privés par capitalisation (Gillion, 1997). Néanmoins, la plupart des payssemblent avoir adopté les stratégies de l’OCDE et de la Banque mondiale consis-tant à réduire la responsabilité publique dans le financement des pensions et àaugmenter le taux d’activité des travailleurs âgés par le truchement de modifica-tions des critères d’ouverture des droits à pension et la réduction des incitationsfinancières aux départs anticipés inhérentes à divers régimes de sécurité sociale.

Les efforts des gouvernements pour encourager ou dissuader l’activité decertaines catégories rappellent la notion d’«armée de réserve de travailleurs»,formule attribuée à Marx (Power, 1983). Naturellement, tandis que les écono-mistes «orthodoxes» expliquent l’activité des travailleurs âgés en mettant l’ac-cent sur la dimension microéconomique et les incitations financières associéesaux formes non salariales de revenu (par exemple, pensions, épargne privée), se-lon d’autres économistes l’Etat intervient activement sur l’activité, ou non, decertaines catégories marginales de la main-d’œuvre – dont les travailleurs âgés –en fonction de l’état du marché du travail (voir, par exemple, Offe et Hinrichs,1985; Laczko et Phillipson, 1991; Peck, 1996). En d’autres mots, certains mécanis-mes publics ont pour effet un retrait des travailleurs âgés de la population activedans les périodes d’excédent de main-d’œuvre, pour les mobiliser à nouveaulorsqu’il y a pénurie de bras. Au cœur de cette logique réside la notion d’«arméede réserve de travailleurs» disponible pour alléger les contraintes qui peuventfreiner une production en augmentation et réduire la pression à la hausse des sa-laires, dans l’intérêt du capital. Cette «armée» serait extensible dans les périodesde repli ou de stagnation.

Les récentes réformes des pensions visant à augmenter l’activité des tra-vailleurs âgés avaient pour premier motif les préoccupations suscitées par levieillissement de la population plutôt que l’état du marché du travail. En ce sens,

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elles ne s’accordent pas parfaitement avec la notion d’«armée de réserve de tra-vailleurs». En outre, les résultats de la modélisation donnent à penser que la ré-forme des pensions proposée par l’OCDE serait inefficace en tant qu’outilpolitique pour stimuler l’activité des travailleurs âgés dans de nombreux pays.Certains gouvernements de l’OCDE entendent donc mobiliser les travailleursâgés par la seule réforme des pensions, sans considération de l’état du marchédu travail. En effet, les résultats du présent article suggèrent que de nombreuxpays tireraient avantage de suivre les recommandations de l’OIT pour stimulerla demande globale de travail plutôt que de s’en remettre exclusivement aux po-litiques de l’offre.

La suite du présent article est organisée en sept parties. Dans la première,nous observons l’évolution de l’activité des hommes âgés dans les pays del’OCDE et présentons ses diverses explications théoriques. Nous y dépeignonsaussi la toile de fond des récentes réformes qui sont censées jouer sur cette acti-vité. La deuxième est consacrée à la méthodologie de notre modélisation de l’in-fluence des variables relatives à la sécurité sociale et au marché du travail sur letaux d’activité des hommes âgés de 55 à 64 ans dans une série de pays del’OCDE. A la différence des modélisations précédentes de l’OCDE, les diversesspécifications proposées intègrent des termes relatifs aux intersections à l’ori-gine et aux pentes spécifiques à chaque pays. En outre, l’analyse est étendue auxquestions de stationnarité et de co-intégration, également négligées dans lesprécédents modèles de l’OCDE (Blöndal et Scarpetta, 1998; Duval, 2003). Celapermet d’estimer à la fois des modèles de long terme et des modèles dynamiquesde court terme, avec des mécanismes de correction des erreurs. Dans la troi-sième partie sont présentés des données et des tests de racine unitaire, tandisque les trois parties suivantes sont consacrées à un exposé critique des résultatsdes estimations des divers modèles macroéconométriques. Nous concluons en-fin par un résumé des résultats et leurs implications politiques.

Activité des hommes âgés, vieillissementde la population et politiques associéesLa figure 1 présente les taux d’activité moyens des hommes de 55 à 59 ans et de60 à 64 ans, dans les pays de l’OCDE et par région, de 1960 à 2008. Comme onpouvait le prévoir, les taux d’activité des 60-64 ans sont nettement inférieurs àceux des 55-59 ans. On observe aussi que la baisse tendancielle des taux d’activi-té entre les années 1970 et 1990 est plus spectaculaire pour les 60-64 ans quepour les 55-59 ans. Ensuite, on constate une remontée de l’activité depuis 2000,notamment pour les 60-64 ans. Enfin, les taux d’activité en Europe sont nette-ment plus faibles que la moyenne des pays de l’OCDE, les taux de l’Amériquedu Nord étant relativement plus élevés. Toutefois, ces données agrégées mas-quent de nombreuses variations nationales.

Parmi les explications théoriques classiques de l’activité des travailleursâgés, on trouve les effets des choix du côté de l’offre de main-d’œuvre, lademande de travail et les politiques publiques en matière de sécurité sociale et

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d’activité. Le modèle orthodoxe de base sur l’activité est dérivé du modèle géné-ral de la demande du consommateur, il repose donc sur les choix individuels en-tre travail et loisirs en mettant l’accent sur les réactions individuelles aux prixrelatifs (variable financière) qui à leur tour sont conditionnés par les goûts et pré-férences des individus (Hicks, 1946). Ces propositions sont généralement esti-mées à partir de données microéconomiques. Le modèle statique de base a étéétendu à un cadre dynamique avec le modèle de l’activité sur le cycle de vie (voir,par exemple, Ghez et Becker, 1975).

Certaines théories avancent que d’autres éléments – exogènes dans ce mo-dèle fondé sur les choix en matière d’offre de travail – sont fondamentaux pourexpliquer l’activité des hommes âgés, à savoir la demande de main-d’œuvre et lecadre institutionnel. Parmi ces théories, on trouve la théorie néoclassique de lademande de main-d’œuvre et la théorie de la segmentation du marché du travailqui prennent en considération: la configuration des incitations financières del’entreprise, le rôle potentiel des changements de la structure de l’emploi au ni-veau de la branche d’activité et les changements de stratégie des employeursdans l’utilisation de la main-d’œuvre au sein d’une même branche (voir, parexemple, Lazear, 1979; Standing, 1986 et 1997; O’Brien, 2005). D’autres expli-cations tenant au marché du travail considèrent l’hypothèse des travailleursdécouragés et la notion d’«armée de réserve de travailleurs» qui, toutes deux,

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mettent l’accent sur l’état général du marché du travail, sur la position margi-nale ou désavantagée des travailleurs âgés ou sur l’intervention publique systé-matique pour influer sur le niveau d’activité des travailleurs âgés (voir, parexemple, Bowen et Finegan, 1969; Standing, 1978; Peck, 1996).

L’activité des travailleurs âgés a récemment connu un regain d’attentionde la part des pouvoirs publics, en rapport avec le vieillissement de la populationet les réformes associées. La population de nombreux pays développés est en ef-fet vieillissante du fait du déclin des taux de fécondité et de l’augmentation del’espérance de vie. Par exemple, le taux moyen de fécondité dans les paysde l’OCDE a décliné de 3,23 enfants par femme âgée de 15 à 49 ans en 1960 àmoins de 1,65 en 2006. Cette tendance est exacerbée par l’augmentation de l’es-pérance de vie, qui en moyenne est passée, pour les hommes et les femmes res-pectivement, de 65,8 et 70,8 ans en 1960 à 76 et 81,7 ans en 2006 (OCDE, 2009a).Le principal problème des pays dont la population vieillit est d’apporter un sou-tien à une population croissante de citoyens âgés qui dépendent en général desdeniers publics pour leur pension de sécurité sociale et leurs dépenses de santé;problème aggravé par le rétrécissement de la population en âge de travailler, àsavoir les 15-64 ans.

Trois institutions internationales ont proposé des plateformes politiquespour s’attaquer à ce dilemme, à savoir la Banque mondiale, l’OCDE et l’OIT.Leurs ordres du jour et recommandations politiques diffèrent, comme leurs im-plications sur le taux d’activité des hommes âgés et la façon dont sont utiliséesles possibilités offertes par les régimes de pension de la sécurité sociale.

L’implication de la Banque mondiale dans la réforme des retraites découlede son rôle de prêteur à des pays dont les systèmes de pension fonctionnaientmal, notamment en Amérique latine et en Europe centrale et orientale. La Ban-que mondiale recommande une disparition graduelle des régimes publics par ré-partition, qui sont la norme dans ces pays. Elle plaide au contraire pour dessystèmes à plusieurs étages composés d’un régime public obligatoire sans ca-pitalisation (par répartition) accompagné d’un régime privé par capitalisationet complété par des plans d’épargne volontaire (Banque mondiale, 1994; Holz-mann, 1997).

Les recherches de l’OCDE en la matière mettent essentiellement l’accentsur le versant de l’offre. Son approche peut être décrite comme un processus àtrois étapes. Vient en premier l’identification des risques budgétaires associésau vieillissement de la population, spécialement en ce qui concerne les régimesde pension à financement public (Leibfritz et coll., 1995; Roseveare et coll.,1996). En deuxième lieu, on examine les conditions d’ouverture des droits et lavaleur des pensions auxquelles peuvent prétendre les travailleurs âgés de 55 à64 ans, en tant que déterminants du déclin de leur taux d’activité (OCDE, 1995;Blöndal et Scarpetta, 1998; Duval, 2003). Troisièmement, ces résultats sont uti-lisés pour justifier le rôle premier de la réforme des retraites dans le renverse-ment de la tendance aux départs anticipés, avec comme moyens le durcissementde ces critères et l’abaissement du montant des pensions versées par la sécuritésociale, ce qui justifie par là-même la diminution du financement public. Plus

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spécifiquement, l’OCDE préconise: i) l’abandon des dispositions autorisant lesdéparts anticipés; ii) l’orientation vers une neutralité actuarielle des systèmes deretraites; iii) une «convergence» des âges de la retraite vers 67 ans (Burniaux,Duval et Jaumotte, 2004). Malgré les plaidoyers pour la levée des obstacles àl’emploi auxquels se heurtent les travailleurs âgés, c’est la réforme des retraitesqui reste la première recommandation de l’OCDE (2006).

L’OIT se préoccupe du sort des travailleurs âgés depuis bien plus long-temps que la Banque mondiale ou l’OCDE. Par exemple, elle a pris une part ac-tive à l’amélioration des pensions d’invalidité pour les travailleurs âgés dans lesannées 1930, puis dans la promotion de politiques facilitant le départ anticipé, laformation et le placement des travailleurs âgés dans les années 1960, et enfin ensoutenant la promotion de l’emploi des travailleurs âgés dans les années 1970.La recommandation (no 162) sur les travailleurs âgés, 1980, de l’OIT appelle àintégrer ces éléments dans une stratégie de plein emploi, tout en s’assurant quele chômage ne soit pas transféré d’une catégorie de travailleurs à l’autre. Sontaussi recommandées: des dispositions contre la discrimination en raison de l’âgeet en faveur d’emplois adaptés aux compétences, à l’expérience et aux qualifica-tions des travailleurs âgés; des mesures pour leur permettre de rester en emploidans des conditions satisfaisantes; une transition graduelle du travail à la retraiteet de la souplesse dans la fixation de l’âge ouvrant droit à la retraite (BIT, 1995et 2003; Auer et Fortuny, 2000). Toutefois, il semble bien que les gouverne-ments se soient largement ralliés aux recommandations de l’OCDE pour réfor-mer leur système de retraite. Les politiques de relance de la demande globalen’ont été mises en place que récemment pour combattre la crise financière mon-diale et non pour résoudre le problème du vieillissement de la population.

MéthodologieNous spécifions ici les modèles de panels macroéconométriques expliquant letaux d’activité des hommes âgés, à partir de données annuelles couvrant la pé-riode 1967-2007, pour douze pays de l’OCDE. Pour éclairer la discussion qui vasuivre, notre hypothèse est que le taux d’activité des hommes des tranches d’âgeconsidérées est une fonction de variables financières susceptible de les «attirer»hors de la population active, conformément à la théorie orthodoxe, ainsi que decontraintes globales du marché du travail qui peuvent les «pousser» hors de l’ac-tivité, comme le suggèrent l’hypothèse des travailleurs découragés ou l’idée del’existence d’une «armée de réserve de travailleurs». Les variables choisies re-flètent aussi les propositions de l’OCDE et du BIT qui mettent respectivementl’accent sur la réforme des retraites et sur l’état général du marché du travail.Des modèles séparés sont estimés pour les hommes de 55 à 59 ans et de 60 à64 ans, prenant en compte les diverses règles d’ouverture des droits associéesaux modalités de départ anticipé, ainsi que les différences d’âge légal de départà la retraite selon les pays. Les modèles de base à effets fixes sont ainsi spécifiés:

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Où LFPR est le taux d’activité, k la tranche d’âge (55-59 ans ou 60-64 ans), i lepays membre de l’OCDE (i = 1, …, 12), t le temps (1967 à 2007), ITAX la taxe im-plicite sur cinq ans de travail continu sur la voie du «retrait anticipé» pour chaquetranche d’âge (%), SSRR le taux de remplacement de la sécurité sociale fondésur la valeur des allocations chômage (%), RETAGE l’âge légal de départ à la re-traite avec pension, UNEMP le taux de chômage des hommes de 25 à 54 ans (%)et PRIME le pourcentage des 25-54 ans dans la population totale des hommes de15 à 64 ans.

Deux variables sont incluses dans la spécification du modèle pour rendredes incitations financières au retrait anticipé de la main-d’œuvre, à savoir la taxeimplicite sur la poursuite de l’emploi (ITAX) et le taux de remplacement de lasécurité sociale (SSRR). Selon les travaux de Stock et Wise (1990), Gruber etWise (1998), Kapteyn et de Vos (1998), Blundell et Johnson (1998), Börsch-Su-pan et Schnabel (1998) et plus récemment de Duval (2003), la taxe implicite surla poursuite de l’emploi est calculée comme le changement net de valeur de lapension découlant de cinq années de travail supplémentaire (exprimé en pour-centage) 1. Si les contributions additionnelles surpassent la valeur de la presta-tion additionnelle, il y a imposition implicite. En théorie, l’effet de cette variabledevait être ambigu du fait d’effets de revenu et de substitution opposés. Toute-fois, les faits donnent à penser que cette taxe a un effet négatif sur le taux d’acti-vité (Lumsdaine et Mitchell, 1999). Les taxes implicites sont calculées pour lesmodalités «typiques de départ anticipé»: retraites anticipées, pensions d’invali-dité et allocations de chômage sans recherche d’emploi sur une période précé-dant immédiatement l’ouverture du droit à la retraite, équivalant à une sortie del’activité. Elles sont calculées séparément pour les tranches d’âge de 55 et 60 anspour chacun des modèles de la tranche d’âge. Les réformes proposées parl’OCDE impliquent une réduction de cette taxe implicite. Les taux de rempla-cement (SSRR) servent d’indicateur de remplacement de la générosité finan-cière du système de pension de la sécurité sociale en tant que source non salarialede revenu. Le taux de remplacement des allocations chômage est utilisé pour ex-primer la valeur des prestations de la sécurité sociale par comparaison avec lesgains obtenus sur le marché du travail, afin de prendre en compte un détermi-nant du choix des travailleurs âgés de rester ou non actifs. Ici encore, on atten-drait un coefficient négatif si la générosité des pensions incite les travailleurs à seretirer de l’activité. On considère le taux de remplacement des allocations chô-mage comme une bonne approximation de celui des autres dispositifs de la sé-curité sociale permettant aux travailleurs âgés de quitter prématurément lapopulation active, comme les pensions d’invalidité ou les retraites anticipées,pour la période considérée. Premièrement, le taux de remplacement des allo-cations chômage est corrélé positivement et significativement aux autres pres-tations associées aux situations de non-emploi, comme les pensions d’invalidi-té qui sont les prestations prédominantes de ce genre auxquelles ont recours les

1 Les données relatives à cette taxe implicite ont été obtenues directement auprès de Duval(pour plus de précisions sur le calcul de cette taxe, voir Duval, 2003, annexe 2).

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personnes de 55 à 64 ans. Deuxièmement, de nombreux régimes de chômagen’exigent pas que les hommes âgés recherchent activement un emploi (Blöndalet Scarpetta, 1998). Dans ce cas, les bénéficiaires sont supposés ne pas faire par-tie de la population active lors des enquêtes sur la main-d’œuvre. ITAX et SSRRsont utilisés dans des spécifications séparées, car on peut s’attendre à une fortecorrélation positive entre ces deux variables. Le taux de remplacement rend di-rectement compte des effets de remplacement du revenu, tandis que la taxe im-plicite rend compte de l’âge d’ouverture des droits et de l’accumulation desdroits à pension.

L’âge légal de départ à la retraite (RETAGE) est inclus dans le modèlepour rendre compte des différences d’âge d’ouverture des droits à pension. Dansla plupart des pays, il est de 65 ans, bien que certains, comme le Canada, la Franceet l’Italie, l’aient abaissé à 60 ans. On peut donc s’attendre à ce que ces pays aientdes taux d’activité plus bas, notamment pour la tranche d’âge 60-64 ans. Cette va-riable a pris de plus en plus de pertinence ces dernières années, compte tenu desrecommandations de l’OCDE, consistant à repousser l’âge de la retraite à 67 ans.

Le découragement cyclique de la main-d’œuvre est exprimé par la variableUNEMP, taux de chômage des hommes dans la force de l’âge. On s’attend ici àun coefficient négatif si le découragement a une influence significative sur le tauxd’activité des hommes âgés. On considère le taux des hommes dans la force del’âge pour éviter les problèmes d’endogénéité, le taux d’activité des travailleursâgés ayant des déterminants communs avec leur taux de chômage. En outre, desrecherches passées ont identifié un chômage masqué significatif parmi les tra-vailleurs âgés (voir, par exemple, Beatty, Fothergill et MacMillan, 2000; Fother-gill, 2001; O’Brien, 2001). Le taux de chômage des travailleurs âgés aurait doncpar définition conduit à l’erreur.

Comme cela a été proposé pour la première fois par Blöndal et Scarpetta(1998), le pourcentage d’hommes dans la force de l’âge au sein de la populationtotale des hommes en âge de travailler (PRIME) est inclus dans la spécifica-tion en tant qu’elle exprime une contrainte supplémentaire du marché du travail.Son influence est similaire au découragement de la main-d’œuvre sur le longterme (et non cyclique), concept proposé par Standing (1978), le BLMR (1983)et Peck (1996). L’hypothèse selon laquelle toute augmentation de la proportiondes hommes dans la force de l’âge évincera du marché du travail les travailleursâgés implique un coefficient négatif. Cette proposition repose sur deux hypo-thèses. La première est que les travailleurs dans la force de l’âge sont plus attrac-tifs pour les employeurs que les travailleurs âgés, sans doute en termes d’instruc-tion et de productivité. La seconde est que, si le marché du travail est rigide, lesemployeurs réserveront les emplois disponibles aux travailleurs les plus attrac-tifs, les salaires relatifs ne pouvant s’ajuster pour mettre le marché à l’équilibre.

Comme l’a noté Duval (2003), les modèles macroéconométriques de panelexpliquant l’activité des travailleurs âgés sont rares. La spécification présentée icipartage certaines similarités avec les modèles de panel à effets fixes antérieurs del’OCDE, tout en intégrant les points forts de Blöndal et Scarpetta (1998) etDuval (2003). Une différence notable est que Blöndal et Scarpetta (1998) ont

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modélisé l’activité des travailleurs âgés de 55 à 64 ans en bloc et ne les ont passubdivisés en deux catégories, 55-59 ans et 60-64 ans. Par ailleurs, Duval (2003) aspécifié la variable expliquée comme la différence des taux d’activité des deuxgroupes d’âge consécutifs et non comme le taux d’activité de chacun de ces grou-pes. Toutefois, les restrictions imposées à ces modèles pour obtenir des coeffi-cients de pente communs à tous les pays, même avec effets fixes, peuvent avoirété trop simplificatrices étant donné les spécificités de chaque pays de l’OCDEen ce qui concerne le taux d’activité, les régimes de sécurité sociale et les caracté-ristiques du marché du travail. En conséquence, un des apports du travail présen-té ici est d’estimer à la fois des modèles de base à effets fixes et d’autres modèlesavec des coefficients de pente spécifiques à chaque pays. Cela permet de déter-miner si l’activité est fonction d’influences communes ou spécifiques aux pays del’OCDE, ce qui peut, en retour, avoir des implications sur les politiques à menerpour augmenter le taux d’activité dans ces pays.

D’autres aspects qui n’étaient pas pris en compte dans les modèles précé-dents de l’OCDE sont la stationnarité, les tests de racine unitaire et la co-intégra-tion. Cela pouvait être une lacune majeure étant donné la longueur relative desséries chronologiques utilisées et la disponibilité de tests qui peuvent être effec-tués directement avec les logiciels économétriques d’aujourd’hui. Notamment, lefait que Duval (2003) inclut la différence entre les taux d’activité de deux groupesd’âge consécutifs comme variable dépendante supposée être I(0) avec des va-riables explicatives supposées être I(1) pourrait relever d’une grave erreur despécification.

Plusieurs tests de racine unitaire ont été réalisés sur les données présentéesici. Le test de Levin, Lin et chu (LLC) et le test de Breitung (BR) supposent unprocessus de racine unitaire pour toutes les catégories (pays) (Levin, Lin et Chu,2002; Breitung, 2000). De plus, plusieurs autres tests de racine unitaire ont étéutilisés ici, permettant à ρi de varier selon les pays; il s’agit des tests de Im, Pesa-ran et Shin (IPS) et des tests de Fisher-ADF et Fisher-PP (Im, Pesaran et Shin,2003; Maddala et Wu, 1999; Choi, 2001). L’hypothèse nulle suppose une racineunitaire pour tous les i, l’autre terme de l’alternative étant que certaines catégo-ries (pays) n’ont pas de racine unitaire. Conformément à la pratique normaledans les tests de stationnarité, toutes les variables sont d’abord testées en niveau.S’il y a racine unitaire, le test est alors répété à la différence première. Si la va-riable est alors stationnaire, alors elle est supposée être intégrée d’ordre 1, I(1).

Il faut noter qu’aucune tentative n’a été faite pour tenir compte de rupturesstructurelles dans ce travail. Perron (1989) a noté que les résultats de certainstests de racine unitaire pouvaient être biaisés en faveur du non-rejet de l’hypo-thèse nulle d’existence d’une racine unitaire, en cas de rupture structurelle. Tou-tefois, les tests de racine unitaire de panel incorporant les ruptures structurellesn’ont été formulés que relativement récemment (Im, Lee et Tieslau, 2005; Hadriet Rao, 2008) et non pas encore été inclus dans les principaux logiciels économé-triques.

Les données non stationnaires ne devraient pas être modélisées en niveauen tant que relation de long terme à moins qu’une combinaison linéaire de ces

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variables ne soit stationnaire, c’est-à-dire que les variables sont co-intégrées(Engle et Granger, 1987). Si les variables sont non stationnaires et modéliséesen niveau, il y a un risque que les résultats de la régression soient trompeurs.L’existence d’une relation de co-intégration peut être vérifiée par un test de ra-cine unitaire sur les résidus de l’équation de long terme, qui devrait ressemblerà un bruit blanc et être I(0).

En outre, si les variables sont co-intégrées, un modèle avec correction deserreurs constitue une spécification dynamique valable (Engle et Granger, 1987).Cela suppose l’estimation d’une relation de court terme avec des variables spé-cifiées à la différence première et incluant aussi le résidu retardé (terme de cor-rection d’erreur) tiré du modèle de long terme spécifié en niveau. Le coefficientdu terme de correction d’erreur devrait être négatif et donc représenter la vi-tesse d’ajustement au modèle de long terme, c’est-à-dire:

Où ECM est le résidu stationnaire du modèle de long terme.La modélisation comporte un certain nombre d’apports. Premièrement,

elle relâche les restrictions relatives aux paramètres communs et permet d’in-tégrer à la fois des ordonnées à l’origine (effets fixes) et des termes de pentespécifiques à chaque pays, afin de mieux rendre compte des caractéristiques na-tionales des systèmes de sécurité sociale et des marchés du travail. On peut doncsimuler des changements dans le régime des pensions (comme suggéré parl’OCDE) ou sur le marché du travail (comme suggéré par l’OIT) pour chaquepays. Deuxièmement, on tient compte du caractère chronologique des données,ce qui avait été négligé dans les modélisations précédentes de l’OCDE, et lesproblèmes de stationnarité sont traités à la fois par des tests de racine unitaire etdes tests de co-intégration. En outre, ces tests sont menés pour l’ensemble dupanel et pour les catégories (pays) indivivuellement. Enfin, des modèles dyna-miques de court et de long terme sont spécifiés et estimés, incorporant des mé-canismes de correction des erreurs.

Données et tests de racine unitaireLa plupart des données pour les douze pays considérés couvrent une périodemaximale allant de 1967 à 2007 et ont été collectées directement sur le site del’OCDE (OCDE, 2009b). Les données relatives aux taux d’activité et de chô-mage, ainsi que les proportions des catégories de la population ont été calculéesà partir des données annuelles disponibles, mais les taux de remplacement de lasécurité sociale (SSRR) n’étaient disponibles que sur une base bisannuelle(OCDE, 2009c). Les données relatives aux taux de remplacement pour les an-nées manquantes ont donc été calculées par interpolation entre les années dispo-nibles. Cela semble acceptable parce que cette variable présente peu de volatilitésur le court terme. Les taux de taxes implicites et les âges légaux de départ à la re-traite ont été obtenus directement auprès de Romain Duval, pour les pays de

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 271

l’OCDE et les périodes 1967-1999, 2002 et 2004 (voir aussi Duval, 2003). Lesdonnées manquantes pour 2000, 2001 et 2003 ont été calculées par interpolationdes données disponibles. Ces données n’ont pas été extrapolées au-delà de 2004.Du fait que toutes les variables n’étaient pas disponibles pour les périodes consi-dérées et pour chaque pays de l’OCDE, les données utilisées dans les modèlesconstituent un panel non cylindré. Les pays choisis pour l’analyse l’ont été sur labase de la disponibilité des données: seuls les pays pour lesquels existaient aumoins vingt-cinq années d’observation pour toutes les variables ont été sélection-nés. Cela en donne douze: Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Etats-Unis,Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Suède.

Les statistiques descriptives pour chaque pays sont présentées au tableau 1.Comme attendu, le taux d’activité est plus élevé pour la tranche 55-59 ans quepour la tranche 60-64 ans dans tous les pays. Toutefois, il y a plus de variations

Tableau 1. Statistiques descriptives (moyenne et écart type) pour douze paysde l’OCDE (1967 à 2007*)

LFPR55 LFPR60 SSRR ITAX55 ITAX60 RETAGE UNEMP PRIME

Allemagne 80,458(4,615)

41,279(12,877)

28,110(1,656)

40,568(16,867)

44,564(15,636)

65,195(0,601)

5,155(2,812)

63,404(1,077)

Australie 79,327(6,816)

55,718(11,796)

22,537(4,056)

–0,108(1,657)

3,345(6,525)

65,000(0,000)

4,292(2,338)

61,862(2,238)

Canada 76,862(4,812)

53,345(7,263)

16,963(2,864)

  1,521(4,027)

5,822(8,340)

65,183(0,581)

7,175(1,814)

63,466(3,335)

Espagne 79,029(5,648)

53,972(11,633)

29,049(8,547)

58,225(6,486)

66,033(9,018)

65,000(0,000)

8,955(4,387)

62,466(3,192)

Etats-Unis 81,226(4,086)

60,273(7,380)

12,585(1,608)

4,577(0,332)

7,382(2,001)

65,390(0,802)

4,351(1,489)

63,285(3,653)

Finlande 68,773(7,338)

40,552(14,878)

28,829(9,915)

55,647(20,087)

57,317(19,819)

65,000(0,000)

5,999(3,534)

62,726(3,474)

France 72,842(8,860)

34,440(19,414)

32,927(6,385)

49,161(14,054)

69,821(17,180)

61,890(2,236)

5,210(2,792)

61,883(2,236)

Italie 62,241(6,444)

36,103(5,113)

11,366(13,500)

54,950(20,366)

83,780(22,937)

61,305(2,049)

3,969(1,919)

64,184(4,130)

Norvège 84,516(2,319)

68,502(6,703)

28,073(13,696)

13,003(3,728)

13,647(7,029)

67,329(0,872)

2,529(1,629)

63,364(3,484)

Pays-Bas 71,412(7,634)

37,260(17,307)

49,427(5,289)

54,298(28,626)

73,882(17,844)

65,000(0,000)

4,516(2,852)

63,335(3,124)

Portugal 75,386(4,103)

58,424(7,637)

22,220(16,830)

33,666(21,374)

50,741(27,013)

65,000(0,000)

3,598(1,451)

59,711(2,444)

Suède 86,992(2,860)

66,884(7,716)

24,610(9,647)

28,247(17,133)

48,332(29,685)

65,463(0,000)

3,547(2,793)

63,237(2,324)

* ITAX de 1967 à 2004.

Notes: LFPR55 = taux d’activité des hommes de 55 à 59 ans; LFPR60 = taux d’activité des hommes de 60 à64 ans; SSRR = taux de remplacement de la sécurité sociale; ITAX55 = taxe implicite sur 5 ans de poursuited’activité pour les hommes de 55 ans; ITAX60 = taxe implicite sur 5 ans de poursuite d’activité pour les hommes de60 ans; RETAGE = âge légal de départ à la retraite; UNEMP = taux de chômage des hommes de 25 à 54 ans;PRIME = pourcentage des hommes de 25 à 54 ans dans la population masculine en âge de travailler (15 à 64 ans).Sources: OCDE (2009b et 2009c), Duval (2003), et calculs de l’auteur.

272 Revue internationale du Travail

dans les taux d’activité des 60-64 ans au cours du temps. La générosité de la sécu-rité sociale varie grandement d’un pays à l’autre et est généralement plus impor-tante dans les pays d’Europe qu’en Australie, au Canada ou aux Etats-Unis.Toutefois, l’âge de départ à la retraite est constant à 65 ans pour de nombreuxpays (avec un écart type égal à zéro). Cette caractéristique interdit l’utilisationdes termes de pente de la variable RETAGE pour chaque pays. Toutefois, laFrance a un âge légal de départ à la retraite de 60 ans depuis 1983, ce qui expliqueson exclusion du modèle concernant la tranche d’âge 60-64 ans, le premier objetde l’exercice étant de chercher à quantifier l’influence des retraites anticipées. Le

Tableau 2. Tests de racine unitaire

Variables IPS ADF PP LLC BR

LFPR55it 5,798[1,000]

8,064[0,999]

8,005[0,999]

2,431[0,993]

5,131[1,000]

ΔLFPR55it –14,152***[0,000]

196,195***[0,000]

375,330***[0,000]

–15,57***[0,000]

–9,810***[0,000]

LFPR60it 6,204[1,000]

11,326[0,987]

10,827[0,990]

2,492[0,994]

7,0772[1,000]

ΔLFPR60it –12,926***[0,000]

175,800***[0,000]

270,550***[0,000]

–13,39***[0,000]

–7,758***[0,000]

SSRRit 0,331[0,630]

26,949[0,307]

10,080[0,994]

0,862[0,806]

2,187[0,986]

ΔSSRRit –13,690***[0,000]

197,242***[0,000]

153,574***[0,000]

–13,62***[0,000]

–10,89***[0,000]

ITAX55it 4,214[1,000]

18,882[0,758]

8,962[0,998]

–0,763[0,223]

3,157[0,999]

Δ ITAX55it –5,998***[0,000]

87,706***[0,000]

44,616***[0,007]

–5,608***[0,000]

–2,352***[0,009]

ITAX60it 2,604[0,995]

22,274[0,563]

8,650[0,998]

0,941[0,827]

4,940[1,000]

Δ ITAX60it –4,698***[0,000]

75,009***[0,000]

46,965***[0,003]

–5,007***[0,000]

–1,662**[0,048]

RETAGEit 0,576[0,718]

3,611[0,729]

0,847[0,991]

–0,916[0,180]

–0,374[0,354]

ΔRETAGEit –2,476***[0,007]

18,119***[0,006]

11,591*[0,072]

–3,001***[0,001]

–3,044***[0,001]

UNEMPit –1,051[0,147]

43,859***[0,008]

10,124[0,994]

0,132[0,553]

0,884[0,812]

ΔUNEMPit –8,143***[0,000]

106,492***[0,000]

84,864***[0,000]

–6,656***[0,000]

–6,872***[0,000]

PRIMEit –0,788[0,215]

40,784**[0,018]

2,547[1,000]

–2,227**[0,013]

0,484[0,686]

ΔPRIMEit –4,036***[0,000]

68,020***[0,000]

71,165***[0,000]

–2,053**[0,020]

–1,221[0,111]

*** Significative au seuil de 1 pour cent. ** Significative au seuil de 5 pour cent. * Significative au seuil de 10 pourcent.

Notes: valeur p entre crochets. IPS = Im, Pesaran et Shin W-Stat; ADF = Fisher ADF; PP = Fisher PP; LLC =Levin, Lin et Chu; BR = Breitung.

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 273

taux de chômage moyen des travailleurs dans la force de l’âge se situe au-dessousde 10 pour cent pour tous les pays, malgré des variations relativement impor-tantes au cours du temps, dues aux fonctions des fluctuations cycliques, commeon pouvait s’y attendre. Enfin, se situant autour de 62-64 pour cent, le pourcen-tage moyen des travailleurs dans la force de l’âge dans la population masculinetotale en âge de travailler est très proche d’un pays à l’autre et n’a évolué que trèslentement au cours du temps comme pouvaient le laisser penser les données dé-mographiques.

Les tests de racine unitaire sont présentés au tableau 2. Les faits suggèrentque toutes les variables sont I(1), c’est-à-dire qu’une racine unitaire est pré-sente en niveau, une stationnarité apparaissant à la différence première pourchaque variable. Ces variables I(1) seront donc modélisées en niveau, les rési-dus faisant l’objet d’un test de stationnarité avant la modélisation avec correc-tion des erreurs.

Les modèles de base à effets fixesLes résultats des estimations des modèles de base à effets fixes figurent au ta-bleau 3. Ils présentent des R2 ajustés relativement élevés, des résidus station-naires et généralement comparables, des coefficients significatifs pour lesspécifications relatives à chaque groupe d’âge, ce qui indique que les résultatssont assez robustes. Les coefficients de pente augmentent généralement avec legroupe d’âge, ce qui suggère que les taux d’activité des hommes de 60 à 64 anssont plus sensibles à la valeur des pensions ainsi qu’à la situation du marché dutravail. Les coefficients sont comparables à ceux obtenus avec les modèles deBlöndal et Scarpetta (1998) et Duval (2003), compte tenu des différences de va-riables expliquées et de cadre temporel. Dans Blöndal et Scarpetta (1998), lescoefficients de la variable SSRR variaient de 0,15 à 0,25, ceux de UNEMP de0,57 à 1,64 et PRIME de 0,47 à 0,93, selon la spécification choisie pour le grouped’âge 55-64 ans. Du fait que la variable expliquée est différente, les coefficientsde Duval (2003) ne peuvent être directement comparés, mais la valeur relativedes coefficients de ITAX et de UNEMP est du même ordre de grandeur.

Les résultats de l’estimation indiquent qu’une augmentation du taux deremplacement de la sécurité sociale (SSRR) de 1 point de pourcentage induiraune réduction du taux de participation de 0,162 point de pourcentage pour leshommes de 55 à 59 ans et de 0,277 point de pourcentage pour ceux de 60 à 64 ans.Par comparaison, une augmentation de 1 point de pourcentage du taux de taxeimplicite (ITAX) induira une diminution du taux d’activité de 0,081 point depourcentage pour les hommes de 55 à 59 ans et de 0,177 point de pourcentagepour ceux de 60 à 64 ans. Le coefficient de l’âge légal de départ à la retraite eststatistiquement significatif seulement lorsque les modèles comprennent la va-riable SSRR. Selon ces modèles, prolonger de deux ans l’âge de départ à la re-traite – comme c’est le cas dans les pays où il est passé de 65 à 67 ans – induiraitune augmentation du taux d’activité d’environ 1,4 point de pourcentage pour les55-59 ans et 2,6 points de pourcentage pour les 60-64 ans.

274 Revue internationale du Travail

Le coefficient de la variable exprimant le découragement de la main-d’œuvre (UNEMP) indique qu’une augmentation de 1 point de pourcentage dutaux de chômage des travailleurs dans la force de l’âge réduit le taux d’activitédans une proportion allant de 0,75 à 0,88 point de pourcentage pour les hommesde 55 à 59 ans et de 1,82 à 2,16 points de pourcentage pour ceux 60 à 64 ans. Fi-nalement, il apparaît un phénomène d’éviction des travailleurs âgés par ceux quisont dans la force de l’âge. Une augmentation de 1 point de pourcentage de laproportion d’hommes dans la force de l’âge au sein de l’ensemble de la popula-tion masculine en âge de travailler réduit le taux d’activité dans une proportionallant de 0,8 à 1 point de pourcentage pour les 55-59 ans et de 1,45 à 1,64 point depourcentage pour les 60-64 ans.

Entre 1996 et 2007, le taux d’activité des hommes de 55 à 69 ans a augmen-té en moyenne de 4,58 points de pourcentage dans les douze pays examinés ici.Le modèle incorporant la variable SSRR prévoyait une augmentation de3,72 points de pourcentage, ce décomposant ainsi: –0,19 point découlant d’unelégère augmentation moyenne du taux de remplacement de la sécurité sociale,0,46 point d’une élévation de l’âge normal de départ à la retraite, 2,44 points

Tableau 3. Modèles de base à effets fixes

55 à 59 ans 60 à 64 ans

Ordonnée à l’origine 92,067***[0,000]

147,045***[0,000]

73,919***[0,000]

217,429***[0,000]

SSRRit –0,162***[0,000]

–0,277***[0,000]

ITAXit –,081***[0,000]

–0,177***[0,000]

RETAGEit 0,685***[0,000]

0,007[0,971]

1,310***[0,004]

–0,683[0,189]

UNEMPit –0,752***[0,000]

–0,879***[0,000]

–1,820***[0,000]

–2,163***[0,000]

PRIMEit –0,819***[0,000]

–1,011***[0,000]

–1,450***[0,000]

–1,636***[0,000]

Nombre d’observations 442 406 415 382

R2 0,852 0,857 0,825 0,838

R2 0,846 0,852 0,818 0,832

Statistique F 162,938***[0,000]

156,874***[0,000]

134,294***[0,000]

135,851***[0,000]

LLC –5,425***[0,000]

–5,343***[0,000]

–7,272***[0,000]

–7,359***[0,000]

ADF 56,868***[0,000]

56,834***[0,000]

88,324***[0,000]

91,723***[0,000]

PP 60,975***[0,000]

59,141***[0,000]

73,622***[0,000]

67,639***[0,000]

*** Significative au seuil de 1 pour cent. ** Significative au seuil de 5 pour cent. * Significative au seuil de 10 pourcent.

Note: valeur p entre crochets.

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 275

d’une réduction du chômage et 1,01 point de la diminution de la proportiond’hommes dans la force de l’âge sur le marché du travail. Par comparaison, lemodèle incorporant ITAX prévoyait une augmentation du taux d’activité de5,91 points de pourcentage se décomposant ainsi: 1,82 point provenant d’une ré-duction de la taxe implicite moyenne, 2,86 points de la réduction du chômage et1,23 point de la réduction de la proportion de travailleurs dans la force de l’âge.Dans chacun de ces modèles la contribution de la levée des contraintes sur lemarché du travail – en particulier l’abaissement du taux de chômage – surpassede loin les effets estimés de la réforme des pensions sur la période 1995-2007. Ilest significatif d’observer que les réformes de pensions ont été très importantesdurant cette période, la taxe implicite décroissant de 22,7 points de pourcentageen moyenne.

Toujours entre 1995 et 2007, le taux d’activité des hommes de 60 à 64 ans aaugmenté en moyenne de 9,29 points de pourcentage dans les douze pays. Pourcette tranche d’âge, le modèle incluant la variable SSRR prévoyait une augmen-tation de 8,47 points de pourcentage se décomposant ainsi: –0,37 point pour letaux de remplacement de la sécurité sociale, 0,87 point pour l’élévation de l’âgelégal de départ à la retraite, 6,17 points pour la baisse du chômage et 1,80 pointpour le déclin de la proportion de travailleurs dans la force de l’âge. Le modèleincorporant la variable ITAX prévoyait une augmentation du taux d’activité de12,73 points de pourcentage. Ici encore, la contribution de l’abaissement de lataxe implicite – que les réformes des pensions ont réduite de 21,1 points de pour-centage en moyenne – est relativement faible, le modèle estimant une augmen-tation résultant du taux d’activité de 3,59 points. En revanche, le modèle estimaitque la réduction du chômage augmenterait le taux d’activité de 7,27 points, enallégeant les effets d’évitement, ce qui contribuait à une augmentation supplé-mentaire de 1,87 point.

Ces résultats montrent clairement que les variables relatives au marchédu travail jouent un rôle plus important dans l’explication du taux d’activité deshommes âgés que les variables relatives à la réforme des pensions. Les recom-mandations de l’OIT en faveur du plein emploi ou, pour le moins visant à sti-muler la demande de travail, apparaissent donc comme des moyens efficacesd’augmenter le taux d’activité des travailleurs âgés pour résoudre les problè-mes posés par le vieillissement des sociétés. Il faut noter toutefois que cemodèle ne prend pas en considération les effets inflationnistes possibles desmesures proposées, ni le taux naturel de chômage (NAIRU). Ainsi, une politi-que centrée sur la demande de main-d’œuvre serait facilitée par l’allégementdes incitations à l’éviction par les travailleurs dans la force de l’âge. Une carac-téristique évidente des populations vieillissantes d’aujourd’hui est que la pro-portion des travailleurs dans la force de l’âge à tendance à baisser, ce qui allègela pression qui, dans le passé, poussait à l’éviction des travailleurs âgés. End’autres mots, si la génération du baby-boom a pu évincer les travailleurs plusâgés dans les années 1970 et 1980, il est peu vraisemblable qu’une telle pressionà quitter le marché du travail se manifeste aujourd’hui à l’égard des travailleursâgés.

276 Revue internationale du Travail

Modèles avec calcul de pentes par paysNous avons levé la contrainte de termes de pente communs à tous les pays, va-riable par variable pour ITAX, UNEMP et PRIME. A chaque étape, les testsont révélé des différences significatives de coefficients de pente entre les douzepays. En fin de compte, c’est la spécification la plus générale qui a été choisie, enétendant le modèle de base à effets fixes à un modèle avec termes de pente parpays pour les trois variables citées ci-dessus. La contrainte imposant des termesde pente communs à tous les pays – comme c’était le cas dans toutes les modéli-sations précédentes de l’OCDE – n’est donc pas justifiée par les données. Lesrésultats des modèles avec termes de pente par pays sont présentés au tableau 4:les valeurs du R2 sont supérieures à celles du modèle de base à effets fixes, ce quiindique un pouvoir explicatif supérieur. En outre, la forte variation des pentesimplique aussi qu’une politique de type «taille unique», telle que proposée parl’OCDE, n’est pas appropriée.

Pour les hommes âgés de 55 à 59 ans, le coefficient de ITAX n’est pas si-gnificatif au seuil de 5 pour cent et son signe n’est pas celui prévu dans huit desdouze pays, à savoir Australie, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Italie,Norvège et Suède. Il en va de même pour la tranche 60-64 ans au Canada, en Es-pagne, aux Etats-Unis, en Italie, en Norvège et en Suède. Tandis que l’Austra-lie, le Canada, les Etats-Unis et la Norvège ont des taxes implicites relativementbasses sur la période, celles de l’Italie, de l’Espagne et de la Suède partant de ni-veaux élevés ont été réduites sensiblement, apparemment en vain. Ces résultatsindiquent en outre que la réforme d’ampleur proposée par l’OCDE pour ré-duire les taxes implicites risque de ne pas avoir les effets espérés sur l’activité destravailleurs âgés dans la plupart des pays. En revanche, les coefficients deUNEMP et PRIME sont significatifs au seuil de 5 pour cent dans la majorité despays et pour les deux tranches d’âge.

Comme cela a été fait pour les modèles de base à effets fixes dans la partieprécédente, les changements de taxes implicites de chaque pays, ainsi que duchômage et de la composition de la population active entre 1995 et 2007 ont étésimulés avec les modèles à pente par pays (tableau 5). Les variables dont lescoefficients n’étaient pas significatifs au seuil de 5 pour cent ont été exclues del’analyse. Les prévisions de taux d’activité par pays sont en général très correc-tes et se situent dans une fourchette de 5 points de pourcentage par rapport auxchangements réellement observés, avec quelques exceptions comme l’Alle-magne et la France pour la tranche d’âge de 55 à 59 ans, et l’Allemagne, les Pays-Bas et le Portugal pour les 60-64 ans.

Pour la plupart des pays, les résultats viennent de nouveau à l’appui de laprédominance des variables du marché du travail sur celle de la réforme des pen-sions pour expliquer l’accroissement du taux d’activité des travailleurs âgés aucours de la période. Il n’y a qu’en Allemagne et au Portugal que l’effet de labaisse de la taxe implicite surpasse l’influence de l’amélioration de la situationsur le marché du travail. Le taux de chômage des hommes dans la force de l’âgea augmenté de façon marginale dans ces deux pays entre 1995 et 2007, ce qui a eu

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 277

l’effet attendu de réduire le taux d’activité des tranches d’âge supérieures. Danspratiquement tous les autres pays, toutefois, la levée des contraintes sur le mar-ché du travail a beaucoup plus contribué à augmenter ce taux d’activité par com-paraison avec les réformes des retraites (aucun effet dominant en Norvège et en

Tableau 4. Modèles à effets fixes avec pente par pays1

ITAXit 55 à 59 ans ITAXit 60 à 64 ans

UNEMPit PRIMEit UMEMPit PRIMEit

Allemagne –0,063***[0,010]

–1,25***[0,000]

–1,73***[0,000]

–0,408***[0,000]

–4,35***[0,000]

–1,348*[0,062]

Australie 0,766***[0,000]

–1,86***[0,000]

–0,98***[0,000]

–0,321***[0,013]

–4,62***[0,000]

0,407[0,446]

Canada –0,306[0,338]

–,062[0,829]

–1,15***[0,000]

0,351[0,551]

0,060[0,926]

–2,54***[0,001]

Espagne 0,190**[0,043]

–1,26***[0,000]

–0,98***[0,000]

–0,052[0,733]

–2,25***[0,000]

–2,42***[0,000]

Etats-Unis 2,110[0,309]

–1,09***[0,000]

–1,02***[0,000]

–0,169[0,693]

–2,51***[0,000]

–1,40***[0,000]

Finlande –0,173**[0,032]

0,221*[0,099]

–1,195*[0,014]

0,208**[0,023]

–0,226[0,401]

–5,09***[0,000]

France2 –0,097*[0,092]

–1,014**[0,012]

–0,046[0,872]

Italie 0,097*[0,075]

–2,59***[0,000]

–1,44***[0,006]

0,087*[0,082]

–3,27***[0,000]

–0,234[0,375]

Norvège –0,170[0,532]

–0,926*[0,083]

–0,054[0,759]

–0,169[0,619]

–1,242[0,162]

–1,067[0,175]

Pays-Bas –0,113***[0,000]

–1,11***[0,000]

–1,66***[0,000]

–0,120**[0,042]

–2,80***[0,000]

–4,71***[0,000]

Portugal –0,201***[0,000]

–1,14***[0,001]

–0,400*[0,077]

–0,231***[0,000]

–1,763**[0,014]

–2,70***[0,000]

Suède 0,002[0,950]

–0,245[0,440]

–0,558[0,137]

–0,024[0,551]

–0,311[0,637]

–2,59***[0,000]

Nombre d’observations 406 382

R2 0,942 0,930

R2 0,934 0,921

Statistique F 119,910***[0,000]

101,609***[0,000]

LLC –8,984***[0,000]

–11,068***[0,000]

ADF 118,789***[0,000]

155,763***[0,000]

PP 117,124***[0,000]

117,181***[0,000]

***Significative au seuil de 1 pour cent. ** Significative au seuil de 5 pour cent. * Significative au seuil de 10 pourcent.1 Les coefficients de la constante et de RETAGE ont été estimés, mais ne sont pas présentés.    2 La France estexclue des estimations pour la tranche d’âge de 60 à 64 ans du fait que son âge de départ à la retraite est de 60 ans.

Note: valeur p entre crochets.

278 Revue internationale du Travail

Suède). Les taux de chômage ont décliné dans tous les pays sauf l’Allemagne etle Portugal, compensant l’effet de découragement qui avait prévalu au cours desdécennies précédentes. De même l’éviction des travailleurs âgés par les hommesdans la force de l’âge s’est atténuée dans tous les pays, sauf l’Espagne, l’Italie et lePortugal, ce qui a facilité l’augmentation du taux d’activité des travailleurs âgés.

Modèles de court terme avec correctiondes erreursJusqu’ici, tous les modèles spécifiés en niveau représentaient des relations delong terme. Le fait que ces modèles présentent des résidus stationnaires indiquedes relations très stables et bien spécifiées. Toutefois, il est aussi intéressant dese pencher sur les relations de court terme, ou dynamiques, entre les variableschoisies, relations qui n’ont jusqu’à présent guère été explorées. Les résultats deces modèles de court terme figurent au tableau 6. Leurs résidus sont encore une

Tableau 5. Evolution prévue du taux d’activité des hommes, 1995 à 2007

ITAXit UNEMPit PRIMEit Prévu Effectif Différence

55 à 59 ansAllemagne   2,200 –1,716     0,214   0,698 10,644 –9,946

Australie –4,310   7,435     2,286   5,411   3,079   2,332

Canada     3,716   3,716   5,488 –1,772

Espagne –1,214 12,497   –7,370   3,913   5,215 –1,302

Etats-Unis   0,740     4,087   4,827   0,393   4,434

Finlande   3,659     7,428 11,087   8,673   2,414

France   2,481   2,481 –4,201   6,682

Italie   6,462   –6,241   0,221   0,072   0,149

Norvège   0,000   2,319 –2,319

Pays-Bas   7,636   3,121     6,709 17,466 18,982 –1,516

Portugal   7,143 –0,757   6,386   1,855   4,531

Suède   0,000   2,438 –2,438

60 à 64 ansAllemagne 13,535 –6,021   7,514 16,900 –9,386

Australie –7,228 18,568 11,340   9,702   1,638

Canada     8,206   8,206 10,648 –2,441

Espagne 22,317 –18,199   4,117   7,333 –3,216

Etats-Unis   1,697     5,610   7,307   6,064   1,243

Finlande –8,347   31,568 23,221 19,918   3,303

Italie –7,329   8,158   0,830 –1,519   2,349

Norvège   0,000   2,405 –2,405

Pays-Bas   7,274   7,943   19,036 34,254 18,167 16,087

Portugal 13,755 –1,169 –16,298 –3,711   2,098 –5,809

Suède   14,121 14,121 10,455   3,665

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 279

fois stationnaires. Les valeurs des R2 sont notablement inférieures à celles desmodèles de long terme, mais on ne peut pas directement les comparer à cause dela différence de variable expliquée. Au-delà, ce faible pouvoir explicatif est engénéral attendu d’un modèle dynamique de court terme spécifié à la différencepremière.

Tous les coefficients ont le signe attendu, mais ceux des variables finan-cières relatives aux pensions (SSRR et ITAX) ont une faible valeur absolue et nesont pas significatives au seuil de 1 pour cent. Cela suggère que la plupart des po-litiques de réforme des pensions visant à réduire la valeur de celles-ci n’aurontpas d’effets immédiats. Curieusement, un changement de l’âge légal de départ àla retraite aurait, selon l’estimation, des effets à court terme. Toutefois, il n’y aguère de marge pour modifier cette variable, et toute politique visant à augmen-ter l’âge de départ à la retraite sera, comme le veut l’usage, programmée sur unepériode relativement longue. En revanche, les coefficients attachés aux variablesdu marché du travail (UNEMP et PRIME) sont significatifs et plus élevés queceux qui se rapportent aux variables financières relatives aux retraites. Enfin, les

Tableau 6. Modèles de court terme avec correction des erreurs

ΔLFPR55it ΔLFPR60it

Ordonnées à l’origine –0,172**[0,021]

–0,228***[0,004]

–0,522***[0,000]

–0,672***[0,000]

ΔSSRRit –0,031[0,258]

–0,076**[0,031]

Δ ITAXit –0,0329**[0,0478]

–0,018[0,315]

ΔRETAGEit 0,841***[0,001]

0,7853***[0,003]

1,484***[0,000]

1,369***[0,000]

ΔUNEMPit –0,305***[0,000]

–0,308***[0,000]

–0,550***[0,000]

–0,529***[0,000]

ΔPRIMEit –0,541***[0,000]

–0,536***[0,000]

–0,377***[0,004]

–0,355***[0,000]

ECMit–1 –0,111***[0,000]

–0,117***[0,000]

–0,101***[0,000]

–0,110***[0,000]

R2 0,140 0,156 0,241 0,262

R2 0,106 0,120 0,212 0,231

Statistique F 4,187***[0,000]

4,356***[0,000]

8,445***[0,000]

8,636***[0,000]

LLC –18,248***[0,000]

–18,006***[0,000]

–13,223***[0,000]

–13,944***[0,000]

ADF 325,387***[0,000]

309,837***[0,000]

240,655***[0,000]

236,062***[0,000]

PP 325,361***[0,000]

310,449***[0,000]

275,841***[0,000]

254,254***[0,000]

***Significative au seuil de 1 pour cent. ** Significative au seuil de 5 pour cent. * Significative au seuil de 10 pourcent.

Note: valeur p entre crochets.

280 Revue internationale du Travail

termes de correction des erreurs indiquent que toute déviation du modèle delong terme n’est corrigée ou ajustée que d’environ 10 pour cent l’année suivante,ce qui indique un ajustement relativement lent de la relation à long terme. Enbref, l’influence extrêmement peu significative des variables financières, combi-née à l’influence très significative des variables du marché du travail et à l’ajuste-ment relativement lent vers le modèle de long terme, renforce le point de vueselon lequel il faut se concentrer sur le marché du travail, comme le recommandel’OIT.

Conclusions et implications politiquesLes résultats des modèles économétriques, tant de long terme que dynamiquesà court terme, mettent en évidence le rôle de la situation du marché du travail,plus que celui des variables relatives à la sécurité sociale, ou des déterminantsnationaux, pour expliquer le taux d’activité des travailleurs âgés dans les pays del’OCDE. Les résultats des estimations montrent notamment que l’accroisse-ment du taux d’activité des hommes âgés, observé depuis le milieu des années1990, est très largement dû au déclin du chômage des hommes dans la force del’âge et à l’allégement des pressions à l’éviction des travailleurs âgés du marchédu travail plutôt qu’au résultat des réformes des retraites et des réactions destravailleurs âgés aux incitations financières.

Toutefois, les pays continuent de mettre l’accent sur les réformes des re-traites, sans considération de la situation du marché du travail, et le rôle im-portant de ce dernier est ignoré dans les prescriptions de l’OCDE face auvieillissement des sociétés. Tandis que certaines recherches de l’OCDE sem-blent reconnaître les handicaps dont sont victimes les travailleurs âgés sur lemarché du travail – y compris par des estimations incluant les variables du mar-ché du travail –, cette organisation se refuse à plaider pour une politique activeen matière de demande de main-d’œuvre et d’emploi. Elle se focalise sur laseule réforme des retraites, ce qui implique qu’une politique de l’offre touchantaux prix relatifs et aux revenus non salariaux reste sa prescription politique do-minante pour les sociétés vieillissantes. Même si elles peuvent alléger les inquié-tudes sur l’avenir des budgets – et c’est là le principal résultat de notre travail –,les réformes des retraites risquent d’échouer si elles ne sont pas complétées pardes politiques du marché du travail.

Les réformes des retraites en cours, inspirées par l’OCDE, risquent de don-ner des résultats inéquitables, en transférant simplement la responsabilité finan-cière du chômage ou des retraites sur les individus, tout en ne se préoccupantguère de la faiblesse de la demande globale et des handicaps des travailleurs âgéssur le marché du travail, qui sont précisément la première raison des retraites an-ticipées; risque qui sera aggravé en cas de récession. Il est donc suggéré que denombreux pays auraient avantage à adhérer aux orientations politiques de l’OIT,visant à se soucier de l’état du marché du travail, plutôt que de se fixer seulementsur la réforme des retraites, comme le préconise l’OCDE.

Activité des hommes âgés et réforme des retraites 281

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