8. Lutte intégrée8.2. Régulation intégrée de la cochenillepulvinaire de l'hortensia (Eupulvinariahydrangeae Steinweden) (Homoptera Coccidae)

Tondeur R. Région de Bruxelles-CapitaleService du Plan VertWTC-Tour 3Boulevard Simon Bolivar 30B - 1210 Bruxelles

Verstraeten Ch. Faculté des Sciences agronomiques de GemblouxZoologie générale et appliquéePassage des Déportés 2B - 5030 Gembloux

Schiffers B. Faculté des Sciences agronomiques de GemblouxChimie analytique et PhytopharmaciePassage des Déportés 2B - 5030 Gembloux

Merlin J. Université libre de BruxellesLaboratoire de Biologie animale et cellulairec.e. 160Avenue Franklin D. Roosevelt 160B - 1050 Bruxelles

632.937.1: 635.937.174

Mots clés Lutte intégrée, Eupulvinaria hydrangeae (Hom. Coccidae), amitraze

265 Landbouwnjdschnft - Revue de l'Agncukure. 1992. Vol -+5. Numtro hors sene. Nummer buaen reeks

RésuméLes cochenilles pulvinaires, particulièrement Eupulvinaria hydrangeaeSteinweden, ont fait leur apparition dans la région bruxelloise vers1981. L'épidémie qui touche de nombreuses espèces végétalesligneuses (plus de 60) s'est rapidement étendue aux autres régionsdu pays; seule la province de luxembourg semble encore actuelle-ment indemne. L'invasion étant particulièrement dommageable à lavégétation des villes et des villages, la recherche de moyens pourcombattre ces ravageurs a été adaptée au contexte urbain ou péri-urbain selon trois méthodes appropriées à la régulation intégrée :d'abord la pulvérisation d'insecticides peu toxiques pour l'homme etsélectifs vis-à-vis des prédateurs, ensuite le lâcher de coccinelles etpour finir l'injection d'insecticides systémiques dans les troncs desgrands arbres.Dans ce contexte, une strategie originale de régulation intégrée a étémise au point par la mise en œuvre simultanée de méthodes delutte culturale, biologique et chimique.Le meilleur résultat de lutte chimique intégrée s'obtient par pulvéri-sation d'amitraze. Cette matière active procure, par une interventionunique, une efficacité pratiquement complète sur les cochenilles.Sélectif vis-à-vis des coccinelles, cet insecticide-acaricide permet auxprédateurs naturels de se maintenir et de recoloniser les sites traités,lors de la réapparition progressive des cochenilles les années sui-vantes.

1. IntroductionLes cochenilles pulvinaires ont fait leurapparition dans la région bruxelloise vers1981. L'invasion qui touche plus de 60 espè-ces végétales ligneuses s'est rapidement éten-due aux autres régions du pays, seule la Pro-vince du Luxembourg semble encoreactuellement indemne.Trois espèces de cochenilles pulvinairesfurent identifiées :- Eupulvinaria hydrangeue Steinweden (lacochenille pulvinaire de l'hortensia);- Chloropulvinaria floccifera Westwood;- Pulvinaria regalis Canard.Parmi ces trois espèces, la cochenille del'hortensia est la plus dommageable et laplus abondante.Les points saillants de la biologie de cettecochenille sont les suivants:

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- parthénogenèse thélytoque constante dansles population observées, les mâles quasiinexistants;- hibernation de la cochenille sous forme deiarves de troisième stade; toujours précédéed'une migration descendante;- cycle comportant trois stades larvaires etprécédant l'apparition de la femelle adulte;- toujours une seule génération par an.L'effet des attaques des cochenilles sur lasanté de ces végétaux ligneux et l'inconfortqui en résulte (jaunissement et chute pré-coce des feuilles, noircissement des feuillespar la fumagine, pluie de miellat sur lesimmeubles, trottoirs, toitures et voitures,voire piétons) sont incompatibles avec lavocation ornementale des arbres et arbustesdans les agglomérations.Deux paramètres prioritaires ont conditionné

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la régulation intégrée de ces nouveauxravageurs:- le premier concerne la possiblité de tirerprofit de la présence d'ennemis naturels dela cochenille;- le deuxième paramètre est relatif aux con-traintes de risques particulièrement strictes àrespecter lors de la mise au point d'unsystème de lutte chimique applicable enmilieu urbain.Il est très vite apparu que le recours auxméthodes de contrôle biologique des popula-tions de pulvinaires n'était pas suffisant pourjuguler les infestations de cochenilles, lesméthodes de contrôle biologique restent tou-tefois un outil potentiellement intéressant àcombiner avec des traitements chimiques.Deux méthodes de lutte chimique complé-mentaires ont été mises au point. G pre-mière est le traitement par pulvérisation avecdes produits insecticides présentant un ris-que aussi réduit que possible pour l'hommeet les animaux à sang chaud. La seconde estle traitement par injection d'insecticidessystémiques dans les troncs des grandsarbres. En marge de la première méthode, ona testé les possibilités d'utilisation des régu-lateurs de croissance particulièremertt bienadaptés à la lutte contre les cochenilles. Cesproduits ont une très grande spécificitéd'action mais leur utilisation est assez com-plexe et nécessite une connaissance précisedu cycle de l'insecte à contrôler. Par contre,ils sont très peu toxiques pour l'homme.

2. Le contrôle par pulvérisation d'insectici-des de contactCompte tenu du contexte urbain ou subur-bain, la méthode de lutte par pulvérisationd'insecticides avait à répondre aux objectifssuivants:- sélectionner des produits efficaces mais detoxicité faible pour l'homme;- optimaliser la technique de pulvérisation,étant donné l'action de contact des insectici-des retenus;- vérifier l'adéquation de cette méthode dansun système de régulation intégrée, notam-ment au point de vue de la sélectivité desproduits vis-à-vis des auxiliaires et desmoments d'application les plus adéquats.Six matières actives, issues d'un screening de22 composés, ont été retenues dans les der-niers essais de sélection, il s'agit de :- de deux pyréthrinoïdes de synthèse, là per-méthrine et la .bifenthrine;

- de deux organe-phosphorés, le fénitrothionet le pyrimiphos-méthyl;- d'une formamidine, l'amitraze qui a la par-ticularité d'être avant tout considérée commeun acaricide;- d'un carbamate, le pirimicarbe dont l'inté-rêt réside principalement dans sa propriétéde sélectivité vis-à-vis des coccinelles.Finalement, il s'est avéré que la perméthrineet l'amitraze sont à utiliser, éventuellementen alternance, pour lutter efficacement con-tre les cochenilles pulvinaires. Le concentréérnulsionnable à 190 g d'amitraze/I apparte-nant à la classe toxicologique 'B' et la solu-tion à 250 g de perméthrine/I étant nonclassée, ces préparations commerciales sontpratiquement sans danger pour l'homme etles animaux à sang chaud. L'amitraze est àutiliser à la dose de 5 ml de produit corn-mercial/l d'eau, tandis que ta perméthrinedoit l'être à celle de 0,5 ml de solutionémulsionnable/l d'eau.La technique de pulvérisation est aussiimportante. Il importe que la pression depulvérisation soit suffisamment élevée dansles traitements en grand (parcs et arbresd'avenue). Dans ces lieux, il faut des pres-sion de plus de 15 bars. Dans les simplespetits jardins, une pression de 3 bars peut.suffire, mais l'application doit être faite soi-gneusement.L'époque -Ia plus favorable aux traitements depulvérisation se situe tout au début du prin-temps, avant le débourrement des feuilles.

3. Le contrôle par pulvérisation des régula-teurs de croissanceLes régulateurs de croissance d'insectes sontdes composés naturels affectant spécifique-ment la croissance et la morphogenèse deslarves. Leur présence plus ou moins abon-dante dans l'organisme des insectes est régiepar des mécanismes d'équilibres complexesqui assurent le bon déroulement de leursphases de mue. Toute perturbation de ceséquilibres, généralement très sensibles,entraîne de graves altérations souvent létalesdu développement de la larve.Actuellement, il existe, sur le marché, deuxsortes de régulateurs de croissance qui sedistinguent par leur mode d'action: la modi-fication des équilibres endocriniens (actionde différentes hormones) et le blocage de lamise en place de la cuticule.Sur les cochenilles, deux de ces matièresactives ont été testées: le fénoxycarbe (action

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du premier type ou analogue d'hormonejuvénile) et le buprofézin (action du secondtype ou inhibiteur de chitine).Les préparations commerciales utilisées sontd'une part, la suspension concentrée à 250gI 1 pour le buprofézin, d'autre part, la pou-dre mouillable à 25 % pour le fénoxycarbe.L'efficacité des deux produits a été évaluée àtrois périodes différentes de l'année corres-pondant à trois stades de développement descochenilles.Les deux produits testés ont une bonne effi-cacité quelle que soit la dose de dilution uti-lisée (de 0,4 à 1 gllitre d'eau). Les essais ontpermis aussi de cerner les périodes del'année les mieux adaptées à l'application dechaque produit. Le fénoxycarbe a la meil-leure efficacité au printemps tandis que lebuprofézin fournit de meilleurs résultatslorsqu'il est appliqué en été. Ces deux pro-duits ont une efficacité égale à celle de l'ami-traze et sont nettement moins toxiques quece dernier. Malheureusement le prix desdeux régulateurs de croissance est encoreprohibitif.

.••.Le contrôle par injection d'insecticidesdans les troncs d'arbresLes campagnes de pulvérisation, parfois diffi-cilement réalisables, voire proscrites pourdes raisons de salubrité publique, ne permet-tent pas de traiter la haute végétationligneuse infestée de cochenilles. Une luttepar injection dans les troncs d'arbres peutêtre envisagée.Les essais réalisés montrent que le traitementdes -cochenilles par injection d'insecticidessolubles dans l'eau est possible et permetd'obtenir des résultats très satisfaisants pourautant qu'un certain nombre de consignesd'emploi soient respectées:- utiliser l'acéphate comme matière active;- la dose varie en fonction de la circonfé-rence du tronc mesurée à 1,5 mètres;- le volume de solution à injecter est de 140ml par trou d'injection;- avoir une fréquence de points de pénétra-tion d'au moins un par 20 cm de circon-férence.Cependant cette méthode ne constitue pasune réponse absolue permettant de résoudrele problème posé par les invasions descochenilles pulvinaires dans les arbres desagglomérations. Le maniement délicat desappareils d'injection et les coûts relativementélevés qu'engendre leur utilisation font de

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cette technique une méthode de lutte margi-nale.Son emploi ne se justifiera que dans desconditions très particulières quand les traite-ments par pulvérisations ne satisfont pas àtoutes les exigences de sécurité et d'efficacité.La lutte par injection se limitera à des traite-ments ponctuels d'arbres remarquables dontla taille dépasse les limites d'accessibilitésdes appareils de pulvérisation et de ceuxdont la situation ne permet pas la réalisationd'un traitement classique sans risque pourles personnes ou l'environnement.

5. Le contrôle par lutte biologiqueParmi les prédateurs et parasites étudiés parl'équipe du Professeur J.M. Pasteels (Univer-sité libre de Bruxelles), trois espèces de coc-cinelles peuvent être utilisées pour limiterles invasions de cochenilles.Exochomus quadripustulatus L. est une espèceindigène, naturellement présente sur la plu-part des sites infestés de cochenilles. Sesprincipales caractéristiques sont un cycleunivoltin, une fécondité modérée (une cen-taine d'œufs/femelle) et une prédation pré-coce. Ce comportement implique une préda-tion assez marginale mais dont l'impact n'estpas à négliger en cas de combinaison avecd'autres moyens de lutte chimique.Cryptolaemus montrouzieri Mulsant et Rhyzo-bius [orestien sont deux espèces importéesd'Australie qui ont un comportement multi-voltin et une fécondité élevée. Ces propriétéspermettent d'obtenir, p<'.rdes lâchers, uneprédation très importante sur les sites ciblés.Toutefois, leur inaptitude à survivre en hiverà nos latitudes, ne permet pas de les utilisercomme agents de contrôle biologique per-manent.

6. Le contrôle par des méthodes culturalesL'élagage peut constituer une pratique phyto-sanitaire très efficace. Toutefois, bien qu'ellesoit intéressante pour son faible impact surl'environnement, cette méthode qui consisteà couper tous les rameaux de diamètre infé-rieur à 2 cm présente les inconvénientsmajeurs de ne pas être applicable à toutesles espèces végétales. Elle peut s'envisagerdans les traitements de massifs constituésd'espèces buissonnantes de taille modérée(Deutzia spp., Comus spp ... ).

7. Le contrôle par une lutte intégréeDans de bonnes conditions d'utilisation,

l'amitraze procure une très bonne efficacitésur les cochenilles pulvinaires. Sa sélectivitévis-à-vis des coccinelles prédatrices combi-née à son emploi facile tant au niveau del'application qu'au niveau des risques toxico-logiques en font un insecticide particulière-ment bien adapté à la mise en place d'unsystème de lutte intégrée.Son utilisation a été essayée en conditionsnaturelles en présence des trois espèces decoccinelles citées ci-dessus et a permis de

définir la stratégie d'intervention la plus effi-cace et la mieux adaptée au contexte quiprévaut en matière de lutte intégrée contre lacochenille pulvinaire de l'hortensia.Une pulvérisation unique, au tout début duprintemps, à la dose prescrite, entraîne desdiminutions de populations proportionnelleschez le ravageur et son prédateur, permettantainsi aux coccinelles d'éventuellement reco-Ioniser le site au fur et à mesure des nouvel-les expansions de cochenilles.

ConclusionsTous nos essais de contrôle de la cochenille pulvinaire de l'hortensiamontrent- la totale innocuité de l'amitraze vis-à-vis de la coccinelle Exocho-mus quadripustulatus tant au stade larvaire qu'au stade adulte ainsique sur la descendance des individus traités;- que les interventions chimiques par pulvérisation à l'amitraze entraî-nent inévitablement une diminution importante des populationsnaturelles de coccinelles par manque de nourriture. Les populationsrestantes de ce prédateur ont une mobilité accrue et se retrouventtant sur les végétaux qui n'ont pas été traités que sur ceux qui l'ontété mais sur lesquels un certain nombre de cochenilles ont échappéà l'insecticide. A moyen terme, les coccinelles devraient réapparaîtresimultanément avec les cochenilles qui recolonisent progressivementles sites traités.

RemerciementsLes auteurs tiennent à marquer toute leur gratitudeau Secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, M.Didier Gosuin, pour avoir financél'étude sur les cochenilles pulvinaires, ainsi qu'àM.Philippe Basiaux, Ingénieur-principal et Chef deservice au Plan Vert. Ils remercient également lesfirmes Schering, I.CI. Belgium, Protex et Ciba-Geigy pour la fourniture des produits utilisés dansle cadre de ces essais. Enfin, ils veulent remercierMlle Nathalie Squerens pour les résultats apportésau contrôle des cochenilles pulvinaires dans lecadre de son mémoire de fin d'études.

BibliographieMERLIN, j., DOLMANS,M., GERARD, D. et PAS-TEELS, j.M. 1992. Analyses des potentialités des

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coccinelles Exochomus quadripuslUlatus L. etCryptolaemus montrouzieri Mulsant en tant qu'auxi-liaires dans la lutte contre la cochenille Eupulvina-ria hydrangeae (Steinw.). Mémoires de la Sociétéroyale belge d'Entomologie, 35, 541-547.

SQUERENS, N., TONDEUR, R., VERSTRAETEN,Ch. et SCHIFFERS, B. 1992. Lutte contre la coche-nille pulvinaire de l'hortensia (Eupulvinariahydrangeae Steinweden) (Homoptera: Coccidae) àl'aide d'un régulateur de croissance des insectes: lefenoxycarbe. Mededelingen van de Faculteit Land-bouwwetenschappen, Rijksuniversiteit Gent, 57/3a,791-800.

TONDEUR, R., VERSTRAETEN, Ch. et SCHIFFERS,B. 1990. Lutte contre les cochenilles pulvinaires

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par injection de solutions insecticides des troncs-d'arbres d'alignement. 2nd International Confe.-renee on Pests in Agriculture. Annales del'A.N.P.P., ml n. 3, 681-689.

TONDEUR, R., VERSTRAETEN, Ch. et SCHIFFERS,B. 1992. Méthode actuelle de contrôle de la coche-nille pulvinaire (Eupulvinaria hydrangeae Steinwe-den) en Belgique. Mémoires de la Société royalebelge d'Entomologie, 35: 555-559.

Summarylntegrated softscales (Eupulvinaria hydrangeae Steinweden) management

Since 1981, the softscales, specially Eupulvi-naria hydrangeae Steinweden cause seriousinjuries ta different woody species (morethan (0) in Brussels area. Nowadays thesoftscales have been spread to other parts ofBelgium excepted Luxembourg province.The softscales are mostly detrimental taurban and peri urban plants and the controlagainst these· pests has been evolved in thiscontext. There are 3 methods in agreementwith an integrated control as the applicationof insecticide having a low toxicity to theman and the predators, the spreading of

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ladybird and the injection of systemic insec-ticides in the truncs of great trees.A original control has been defined combi-ning the cultural, biological and che mi calcontro\' The best result of integrated controlis obtained by amitraze application. Onlyone interventionwith this active ingredientis able to almost have a complete action tathe softscales. The low toxiciry to ladybirdallow ta maintain an adequat population intreated area to control the progressiv reap-pearance of softscale for the following years.

landbouwu)dschnlt - Revue de l'Agncuhurt. 1992, Vol. .• ~. Numèrc hors serre. Nummer êuuen tecks