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Ann. Kinésithér., 1994, t. 21, nO 7, pp. 337-350 © Masson, Paris, 1994 MÉMOIRE Programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis (R.F.R.) : Pour une prise en charge active des lombalgiques chroniques Ph. VOISIN, J. VANVELCENAHER, J.-L. VANHEE, Ph. BIBRE, E. DIVA Y, P. STRUK C.R.F. L'Espoir, 25, pavé du Moulin, F 59260 Lille-Hellemmes. Les auteurs s'intéressent au traitement de la lombalgie chronique invalidante source de désordres physiques et psychosociaux bien connus. L'importance du problème, au regard des incidences économiques que cette patholo- gie engendre et compte tenu du peu de succès des méthodes traditionnelles de rééducation, a conduit à mettre en place un programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis (R.F.R.) sur des bases de traitement com- munes à la médecine sportive en général et au traitement des articulations périphériques en particulier. L'anatomo-physiologie nous invite à utiliser l'ensemble de la chaîne musculo-squelettique (tronc-membres) dans sa totalité. Chez le lombalgique chronique, la coordination de tous les maillons de la chaîne est perturbée par l'inhibition et l'enseignement « trop rigide» des positions de verrouillage entreprise sans distinction dans tous les gestes de la vie quotidienne. Il faut rétablir la souplesse, la force, l'endurance et la coordination. 55 dossiers ont été suivis de façon rétrospec- tive. Les résultats confirment les progrès enregistrés aux U.S.A. avec ce type de mé- thode. La clé du succès réside dans une dynamique d'équipe formée, convaincante et cohérente. Tirés à part: Ph. VOISIN, à l'adresse ci-dessus. Introduction La lombalgie est, dans le monde du travail, une des affections les plus préoccupantes puisque au États-Unis, 10 % des gens qui en sont affectés, en souffrent encore trois mois après l'épisode initial (1). Également le retour au travail, après six mois, s'effectue dans seulement la moitié des cas et les dépenses de santé liées à cette pathologie restent très importantes (2, 3). En France, douze millions de journées de travail seraient indemnisées chaque année pour cette pathologie et le coût financier représente annuellement plus de 8 milliards de francs pour le seul régime général de la Sécurité Sociale (4). Toutes les techniques habituelles (scan- ner, myélographie, scintigraphie, électromyo- gramme, I.R.M., etc.) sont mises en oeuvre pour essayer de poser un diagnostic et localiser les structures anatomiques qui souffrent. Or, bien souvent, il n'y a pas ou peu de corrélation entre les investigations paracliniques et la plainte des malades (5). On peut, d'autre part, douter de l'efficacité à long terme des traitements courants mis en oeuvre (massages, manipulations, immobilisa- tions et techniques de verrouillage lombaire, tractions vertébrales, électrothérapie antalgique, etc.). Ce type de prise en charge passive est remis en question (5). Les traitements chirurgicaux itératifs n'apportent pas non plus les résultats escomptés. Depuis plusieurs années, aux États-Unis, la prise en charge de ces malades, aidée par un

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Ann. Kinésithér., 1994, t. 21, nO 7, pp. 337-350© Masson, Paris, 1994

MÉMOIRE

Programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis (R.F.R.) :

Pour une prise en charge active des lombalgiques chroniques

Ph. VOISIN, J. VANVELCENAHER, J.-L. VANHEE, Ph. BIBRE, E. DIVA Y, P. STRUKC.R.F. L'Espoir, 25, pavé du Moulin, F 59260 Lille-Hellemmes.

Les auteurs s'intéressent au traitement de

la lombalgie chronique invalidante source dedésordres physiques et psychosociaux bienconnus. L'importance du problème, au regarddes incidences économiques que cette patholo­gie engendre et compte tenu du peu de succèsdes méthodes traditionnelles de rééducation,a conduit à mettre en place un programmede Restauration Fonctionnelle du Rachis(R.F.R.) sur des bases de traitement com­munes à la médecine sportive en général etau traitement des articulations périphériquesen particulier.

L'anatomo-physiologie nous invite à utiliserl'ensemble de la chaîne musculo-squelettique(tronc-membres) dans sa totalité. Chez lelombalgique chronique, la coordination detous les maillons de la chaîne est perturbéepar l'inhibition et l'enseignement « troprigide» des positions de verrouillage entreprisesans distinction dans tous les gestes de la viequotidienne. Il faut rétablir la souplesse, laforce, l'endurance et la coordination.

55 dossiers ont été suivis de façon rétrospec­tive. Les résultats confirment les progrèsenregistrés aux U.S.A. avec ce type de mé­thode. La clé du succès réside dans une

dynamique d'équipe formée, convaincante etcohérente.

Tirés à part: Ph. VOISIN, à l'adresse ci-dessus.

Introduction

La lombalgie est, dans le monde du travail,une des affections les plus préoccupantes puisqueau États-Unis, 10 % des gens qui en sontaffectés, en souffrent encore trois mois aprèsl'épisode initial (1). Également le retour autravail, après six mois, s'effectue dans seulementla moitié des cas et les dépenses de santé liéesà cette pathologie restent très importantes (2, 3).

En France, douze millions de journées detravail seraient indemnisées chaque année pourcette pathologie et le coût financier représenteannuellement plus de 8 milliards de francs pourle seul régime général de la Sécurité Sociale (4).

Toutes les techniques habituelles (scan­ner, myélographie, scintigraphie, électromyo­gramme, I.R.M., etc.) sont mises en œuvre pouressayer de poser un diagnostic et localiser lesstructures anatomiques qui souffrent. Or, biensouvent, il n'y a pas ou peu de corrélation entreles investigations paracliniques et la plainte desmalades (5).

On peut, d'autre part, douter de l'efficacitéà long terme des traitements courants mis enœuvre (massages, manipulations, immobilisa­tions et techniques de verrouillage lombaire,tractions vertébrales, électrothérapie antalgique,etc.). Ce type de prise en charge passive est remisen question (5). Les traitements chirurgicauxitératifs n'apportent pas non plus les résultatsescomptés.

Depuis plusieurs années, aux États-Unis, laprise en charge de ces malades, aidée par un

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développement des outils de mesure de lamécanique dorso-lombo-pelvienne (6-17), s'esttournée vers une rééducation active basée sur

le traitement du syndrome de déconditionne­ment (18-30).

En Europe, les mêmes moyens d'évaluationsont exploités et leur utilisation permet dedéboucher sur des programmes adaptés.

Le syndrome de déconditionnement associe :- perte de flexibilité (fibrose épidurale, tissus

cicatriciels, raideur articulaire, ligamentaire etmusculaire) ;

- incompétence musculaire et inhibition neu­romusculaire (les muscles extenseurs du troncsont très affectés et l'attitude de surprotectionen verrouillage associée au stress limitent énor­mément les capacités de force et de coordinationdu rachis) ;

- réduction des capacités fonctionnelles(toute la chaîne biomécanique « membressupérieurs-tronc-membres inférieurs » ainsique le système cardio-vasculaire ne sont plussollicités diminuant ainsi les capacités d'endu­rance aux efforts).

La douleur est au centre des problèmes (31).Il s'agit d'un phénomène subjectif très complexeet l'anxiété, l'émotion, l'inquiétude et le stresssont capables d'en moduler la perception. Ladépression est, d'autre part, reconnue commeétant un facteur amplificateur. Un profil psycho­logique fragile, la perte du statut social, l'intérêtau travail et les soucis financiers majorentégalement bien souvent les signes. La perte descapacités fonctionnelles constitue le problèmemajeur et l'incapacité est synonyme de handicap.La prise en charge des lombalgiques chroniquesdoit s'intéresser à la fonction en dépit de ladouleur. Il s'agit d'accommoder le lombalgiqueà la douleur pendant que se restaure la fonction,levant l'inhibition qu'elle exerçait, l'informantdes mécanismes sous-jaçants et lui apprenant lesmoyens de contrôle qu'il peut exercer lui-même.

La colonne vertébrale est trop souvent sollici­tée en protection et en verrouillage et pourtantla majorité des situations fonctionnelles de la viede tous les jours se déroulent en enroulementet en redressement. L'anatomie et la physiologienous apprennent que la colonne vertébralepossède une structure et un fonctionnement

similaires à une articulation conventionnelle. Les

facettes articulaires postérieures, la plaque carti­lagineuse vertébrale, les ligaments, les structuresnerveuses présentent des réactions aux trauma­tismes identiques à celles retrouvées dans lesarticulations périphériques. Ainsi, une lésion auniveau de ces structures doit « cicatriser »suivant les principes reconnus en biomécanique:mise en tension des fibres de collagène etnutrition cartilagineuse par les phénomènes decompression-dépression (32). Deux structuresanatomiques du rachis sont spécifiques : lesdisques intervétébraux et le fascia thoraco­lombaire.

Les disques résistent à la translation et à latorsion, pourvu que leur hydratation soit cor­recte. Cette hydratation s'effectue lors des cyclesde compression-dépression. Ce sont les mouve­ments combinés de flexion-inclinaison-rotation

qui les fragilisent le plus.Le fascia thoraco-Iombaire (33) est responsa­

ble de l'efficacité du système musculaire mis enjeu dans les exercices de freinage de l'antéflexionet le redressement (34, 35).

Toutes ces notions nous ont conduits à utiliser

les principes de la médecine sportive et à lesappliquer aux lombalgiques chroniques : lemouvement est seul capable de permettre unecicatrisation contrôlée, une souplesse musculo­articulaire correcte et un reconditionnement

musculaire de bonne qualité. Les Américainsdisent du rachis: « use it or loose it » (utilise-le,sinon tu le perds) et nous apprennent qu'il fautarrêter de ne solliciter un rachis douloureux

qu'en statique, pourvu que l'entraînement endynamique soit contrôlé.

Partant de ces principes, le programme deRestauration Fonctionnelle du Rachis (R.F.R.)que nous avons mis en place (36), doit permettrede reconditionner nos malades afin de faciliterun retour rapide au travail.

Évaluation du lombalgique chronique

L'évaluation des paramètres physiques etpsychologiques reste un temps très importantde la prise en charge. C'est à cette occasion que

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l'on détermine le degré de déconditionnementet l'importance de la composante psychologique.C'est également ce type de bilan qui nous permetde « sélectionner » nos malades. Nous réalisonssystématiquement avant l'hospitalisation uneEvaluation Physique d'Inclusion (E.P.I.) et uneÉvaluation Psycho-Sociale (E.P.S.). Ces deuxapproches doivent permettre de définir un profiltype du lombalgique chronique justifiant denotre prise en charge : déconditionnementphysique avec ou sans retentissement psycho­logique et arrêt de travail prolongé. La motiva­tion et les objectifs de reprise du travail doiventêtre clairement affichés. Un test d'effort estsouvent demandé de façon à s'adapter à latolérance du malade.

Les mêmes bilans vont se répéter tout au longde la prise en charge et serviront ainsi de guidesaux thérapeutes et aux malades eux-mêmes.

FLEXIBILITÉ

A côté des mesures « distance doigts-sol »et « test de Schober », nous utilisons l'inclino­métrie. Cette mesure détermine, dans les épreu­ves de flexion et extension du tronc, ce quirevient plus précisément au rachis lombaire etau pelvis (37, 38). Les mesures d'extensibilité desdifférents groupes musculaires complètent lebilan de la souplesse.

La diminution de souplesse affecte le rachisdorso-Iombaire mais aussi très fortement lamusculature lombo-pelvi-fémorale. L'hypo­extensibilité est systématique sur les musclesischio-jambiers et souvent présente sur lestriceps suraux, les fléchisseurs de hanche et lesadducteurs. La distance doigts-sol est fréquem­ment de 20 ou 30 cm. L'inclinométrie confirmela tendance à l'enraidissement : les amplitudesdu pelvis et du rachis lombaire sont inférieureschacune à 40°.

CAPACITÉ MUSCULAIRE

Évaluation isocinétique

Deux unités Cybex à un seul axe de mouve­ment (<< Trunk Extension-Flexion» et « TrunkRotation ») permettent l'évaluation en toute

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sécurité du recrutement global des extenseurs­fléchisseurs et rotateurs du tronc.

Le mouvement est pur car il guidé par l'axedu bras de levier et par la vitesse. Les contactsrésistants sur la machine T.E.F. sont situés auplus près de l'axe général du corps interdisanttout porte-à-faux. L'adaptation aux possibilitésde recrutement musculaire est permanente etl'enregistrement des efforts se fait avec fiabilitéet reproductibilité.

Les interprétations sont qualitatives et quanti­tatives.

Les évaluations sont réalisées dans des ampli­tudes actives avec un maximum de 0°-75° pourla flexion-extension et un maximum de 90° pourles rotations droite et gauche associées.

Les vitesses de test sont de 300/sec, 600/sec,900/sec et 1200/sec pour la T.E.F. et de 600/sec,900/sec, 1200/sec et 1500/sec pour la T.R. Nouscomparons les résultats obtenus aux valeursnormatives retrouvées sur une populationsaine (39).

Ces résultats montrent:- une chute importante des extenseurs et

essentiellement à vitesse rapide,une chute moins marquée des fléchisseurs,

- l'inversion du ratio fléchisseurs-extenseurs,- la perte de l'aspect rectangulaire caractéris-

tique des courbes normales,- une diminution d'environ 35 % des valeurs

des rotateurs du tronc à toutes les vitesses.

Autres évaluations

- Test chronométré en position « gar­gouille » de Biering-Sorensen (40). Le maintiende cette position est rendu difficile par la pertede l'endurance des muscles extenseurs.

- Évaluations musculaires concentriques etexcentriques sur machines à charge constanteet moment variable. Elles concernent les musclesdes membres et du tronc. Les lombalgiqueschroniques qui ont verrouillé leur dos présententun déconditionnement musculaire des muscleset plus particulièrement ceux qui participent auredressemen t.

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CAP ACITÉ CARDIO-VASCULAIRE

Le bilan sur bicyclette ergométrique évaluel'adaptation cardio-vasculaire aux efforts. Cebilan est basé sur les épreuves d'efforts sub­maximaux triangulaires. Nous obtenons uneévaluation indirecte de la consommation maxi­

male d'oxygène suivant le protocole d'As­trand (41). En début de séjour, les sujetsmasculins se révèlent plus touchés (20 % dedéficit) que les sujets féminins (6 %).

CAP ACITÉ FONCTIONNELLE

On cherche à évaluer toute la chaîne bioméca­

nique musculo-articulaire mise en jeu dansl'épreuve du soulever de charges. Cette épreuvereflète bien l'importance du déconditionnementgénéral. Elle représente chez les travailleurs deforce et chez les gens qui manutentionnent, une« épreuve-vérité » ; c'est en effet souvent danscette situation que le premier accident s'estproduit et c'est cette tâche qui a, la plupart dutemps, été interdite dans les suites.

Évaluation isocinétique

L'unité d'évaluation trimensionnelle Lif Task(L.T.) autorise un mouvement simulé parl'intermédiaire d'un filin, muni d'une poignée,solidaire d'un dynamomètre isocinétique (jig. 1).On retrouve ici tous les principes et avantagesde l'isocinétisme. Les vitesses de déroulementdu filin s'échelonnent de 15 cm/sec à 90 cm/secet sur un débattement sol-mains au zénith. On

retrouve, comme pour les machines à un seulaxe, des courbes et des chiffres déficitaires; ily a, par contre, dans cette situation, unepossibilité de suppléance par les membres. Cetteépreuve n'est réalisée qu'après plusieurs joursd'entraînement physique.

Évaluation iso-inertiale

Un test de soulèvement et dépose de chargesprogressivement croissantes permet de juger leniveau d'endurance.

Le sujet doit déplacer quatre fois, du soljusqu'à un plateau à hauteur pelvienne et

FIG. 1. - Évaluation isocinétique fonctionnelle (LifTask).

inversement, une caisse avec une charge de 5 kgpour les hommes et 2,5 kg pour les femmes dansun temps moyen de 20 secondes. Le mouvementse poursuit sans temps d'arrêt sur un mêmerythme avec augmentation de 5 kg ou 2,5 kgjusqu'à impossibilité de suivre la cadence. Lanorme calculée détermine une charge limiteéquivalant à 45 à 60 % du poids du corps. Lesmalades 10mbalgiques présentent à l'entrée desvaleurs de déficits très importants. Ce testP.I.L.E. (Progressive Isoinertial Lifting Evalua­tion) détermine, par comparaison avec desvaleurs normales (42, 43), l'importance dudéconditionnement fonctionnel.

DOULEUR

- «pain drawing » : autobilan manuscrit parinscriptions des zones douloureuses sur unschéma de corps humain. Une grille superposéepermet de comptabiliser les cases concernées parle dessin et ainsi de chiffrer l'importance de laplainte. Ce test est refait sans contrôle à la sortie.

- cotation de l'intensité de la douleur sur une

règle non graduée.

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TESTS PSYCHOMÉTRIQUES ET BILANSOCIOPROFESSIONNEL

Certaines échelles estiment correctement lesaspects psychopathologiques impliqués dans ladouleur et ce, de façon la plus objective possible.Nous utilisons les échelles d'appréciation del'anxiété et de la dépression (44-47). L'échelled'Hamilton mesure l'intensité « objective » dela dépression et le questionnaire de Beck mesurepar contre son intensité « subjective ». LaH.S.C.L. 90, qui est un inventaire de dix échellescliniques majeures, peut apporter une ébauchede profil de personnalité du 10mbalgique.

Un entretien systématique de départ est réaliséavec le psychiatre. L'appréciation de l'influencedu profil psychologique sur le vécu de lalombalgie permet de guider l'équipe dans sonapproche des problèmes adjacents aux désordresphysiques.

Le service social, au travers d'une écoute« démédicalisée », tente d'appréhender lesréalités familiales, professionnelles et psycho­logiques. Les contacts extérieurs (médecine dutravail et employeur) sont le garant d'un lienentre la structure de soins et le milieu profes­sionnel.

BILAN VIDÉO

Trois activités élémentaires (marche, flexionantérieure genoux tendus et épreuve debout­allongé au sol-debout) sont filmées en début eten fin de traitement afin de juger de l'évolutionsur le plan de la dynamique fonctionnelle.

En conclusion

L'ensemble des résultats du bilan d'entrée estcommenté au malade et interprété par l'équipequi exploite les données chiffrées pour définirles objectifs du traitement. La démarche théra­peutique est illustrée par une informationsuccincte de la mécanique humaine et desdésordres liés à la pathologie. Le patient connaîtle programme à venir, est l'acteur principal desa guérison et est guidé par une équipehomogène (médecin, psychologue, kinésithéra­peute, ergothérapeute, professeur d'éducationphysique, personnel soignant, assistant social).

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Le programme Restauration Fonctionnelledu Rachis (R.F .R.)

La prise en charge est basée sur trois principesdirecteurs :

- une utilisation permanente des résultats desefforts réalisés en situation de test oud'entraînement;

- une ambiance de travail résolument dyna­mIque ;

- un aspect éducatif de l'entraînement.Tout doit concourir à organiser autour du

patient une dynamique proche de celle que l'onretrouve dans le milieu sportif : structurationd'un entraînement, suivi de la progression,adaptation des séances en fonction des objectifs,contrôle diététique, apprentissage des méthodesde récupération après l'effort, soins d'hygiènecorporel et entretien des acquis.

Cette prise en charge doit amener le patient10mbalgique chronique à retrouver des sensa­tions perdues (ancien sportif) ou à découvrir despossibilités physiques insoupçonnées (48). L'ob­jectif est de fournir des moyens de « narcissisa­tion » étroitement liés avec la reprise de laconfiance en soi et du bien-être. Il suffit de voirce que le simple port du survêtement peutchanger dans l'allure générale des patients.

La rééducation physique et les entretienspsychosociaux occupent le malade 6 heures parjour. Tout traitement passif (antalgiques, mas­sages, électrothérapie, etc.) est exclu du pro­gramme interdisant ainsi toute forme de dépen­dance du patient vis-à-vis du thérapeute. Seuleparfois la cryothérapie (comme en médecinesportive) a sa place comme technique desoulagement des efforts musculaires.

Le programme R.F.R. se déroule sur 5 se­maines et se donne pour objectif essentiel leretour au travail et si possible sur le mêmeposte (49).

RESTAURATION DES PARAMÈTRES PHYSIQUES

C'est un des objectifs prioritaires (50).- La récupération de la flexibilité comporte:

les étirements myotendineux, le rodage dans lesplans sagittal et horizontal sur machine isociné­tique, le travail dynamique du tronc par

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FIG. 2. - Exercice de ramassage d'objets dans le plan sagittal.

ramassage d'objets à des hauteurs adaptées auxmesures de la distance doigts-sol (fig. 2).

- La récupération du potentiel musculairenécessite une progression de l'entraînement. Plusqu'une musculation, les premières séances repré­sentent une phase de désinhibition et de récupé­ration de la mobilité contrôlée. Sur les machinesiso-inertiales, l'entraînement se fait à 50 % dela charge maximale. Sur machine isocinétique,les premières semaines ne concernent quel'entraînement à vitesse rapide.

Dans un deuxième temps, le programme seraaxé sur le gain de force : répétitions limitées etcharges lourdes. En condition articulaire isoci­nétique, on aborde les vitesses lentes.

- La récupération du potentel cardio-vas­culaire est développée au début par des exercicesà une puissance de travail de 70 à 85 % sur15 mn (travail de la puissance aérobie), puisaugmentation de la durée (20 mn) et variationdes tâches (simulateur de montée d'escalier etactivités physiques et sportives).

- La récupération des capacités fonction­nelles se réalise sur machine isocinétique L. T.(vitesses rapides puis vitesses lentes, dans un seulplan puis dans un plan oblique) et par le portde charges. Ce renforcement musculaire globalutilise les acquis des exercices analytiques pourune meilleure coordination gestuelle. Dans les

activités de soulever de charges lourdes (etuniquement dans celles-ci), les précautions habi­tuelles de protection lombaire sont enseignées.

- L'intensité du programme physique néces­site des soins de récupération : étirements etcryothérapie après chaque épreuve, jet subaqua­tique en piscine en fin de journée, hydratationimportante (deux litres d'eau par jour).

PRISE EN CHARGE PSYCHOSOCIALE

- L'éducation concerne toute l'équipe théra­peutique. Elle relève de l'enseignement desmécanismes physiopathologiques du mal de doset de ses conséquences sur la fonction, desconseils d'hygiène (soulever de charges lourdes),de l'intérêt du mouvement dans la restauration

physique. Les réunions d'information hebdoma­daire dévoilent la progression. La participationde l'entourage familial (très concerné par l'éti­quette « handicapé » antérieure) est le garantdu maintien des acquis.

Nous attachons une importance énorme ausuivi des patients après la prise en charge. Uneconsultation systématique est souhaitée à 3 se­maines, 3 mois, 6 mois et un an. Ces reconvoca­tions permettent de surveiller l'évolution(conseils d'entretien physique et évaluations decontrôle) et de guider les personnes dans les aléasde la vie socio-professionnelle.

- La gestion de la douleur et du stress : ilfaut démontrer et expliquer les mécanismes dela douleur. Nous expliquons au malade qu'unentraînement physique peut générer des dou­leurs musculaires; ce sont ce que l'on appelleles « bonnes douleurs » que connaissent lessportifs. Il faut savoir les différencier des autresperceptions qui vont progressivement, par lemouvement et l'approche dynamique (théorie dugate control), régresser et devenir secondairespar rapport à l'amélioration fonctionnelle.

Nul doute que la gestion de la douleur est engrande partie sous la dépendance de la motiva­tion du patient : « the gain in pain lies mainlyin the brain » (les progrès sur la douleur ontun point de départ cérébral) (51).

La relaxation, si besoin, est un des moyensque nous mettons en œuvre pour traiter

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l'anxiété, guider la prise de conscience corporelleet aider à résoudre d'éventuels troubles dusommeil.

- Le projet professionnel (reprise de l'emploiantérieur ou dynamique de recherche du travail)est abordé par l'assistant social, en collaborationavec le psychologue et le psychiatre afin demultiplier les contacts avec l'employeur, lemédecin du travail et les organismes de reclasse­ment professionnels.

Les relations structure de soins-employeurpermettent de déboucher sur des visites enentreprise pour une étude de poste ou un simplecontact sur le terrain.

Les résultats

Une étude récente nous avait permis dedonner des résultats préliminaires concernant laprise en charge R.P.R. (52). Malgré le nombrede cas limités, nous avions tiré les conclusionssuivantes :

- Progression des paramètres physiques deflexibilité et de capacités musculaires analytiqueset globales.

- Nette amélioration du « vécu » de ladouleur. De globalement intolérable initialementet justifiant arrêt de travail et incapacité, elleest devenue plus gérable, comme faisant partiedes petites douleurs de tout un chacun. C'esten tout cas le gain fonctionnel qui a pris le paset la plainte douloureuse est passée en arrière­plan.

- La reprise du travail a été possible dans lagrande majorité des cas (22 cas sur 26) et le délai

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moyen de reprise est de 5 semaines en moyenne.Ces résultats encourageants nous ont incités

à poursuivre dans la voie que nous nous étionstracée.

Nous présentons les résultats d'une série de55 lombalgiques chroniques (33 hommes et22 femmes) ayant suivi la totalité du programmedepuis l'entrée (TO) jusqu'à la sortie (T5).Certains patients ont pu être revus à 6 mois(T6M) et à 1 an (TIA) (tableau 1).

PARAMÈTRES PHYSIQUES

Flexibilité

Tant pour la mesure de la distance doigts-solque pour la mesure par inclinométrie de lasouplesse lombo-pelvienne, les valeurs à TO età T5 (tableau 11) confirment l'amélioration dela flexibilité de l'ensemble des patients. Lesrésultats sont proches de ceux d'une populationsaine de référence. La prise de mesure del'extensibilité des différents groupes musculaires

TABLEAUI. - Synthèse du planning de reconvocation pour lesréévaluations physiques des malades, six mois (T6M) et un an(TlA) après la sortie.

Recul insuffisantSujets évalués

Femmes

T6M11Il sur 11

n = 22

TlA135 sur 9

Hommes

T6M914 sur 24

n = 33

TlAIl14 sur 22

TABLEAUII. - Souplesse lombo-pelvienne en flexion au début (TO) et en fin de programme (T5)pour les hommes (n = 33) et les femmes (n = 22).

Distance doigts-sollnclinométrie lombo-pelvienne en flexion

(en cm)(en degrés)

Hommes

19 ± 14-2±-736 ± 1643 ± 1579 ± 2359 ± 1051 ± 12110 ± 16

Femmes

19 ± 19-6±-739 ± 1942 ± 1781 ± 2571 ± 1050 ± 12117 ± 23

Hanche

LombaireTotaleHancheLombaireTotale

Ta

T5 Ta T5

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140 ~ -- - ------

120

11111

811

611

411

211

o

FIG. 3. - Évolution, pour la population féminine, de l'inclinométrie lombo-pelvienne en flexion six mois (T6M) et un an (TlA)après la sortie. En abscisse: H pour Hanches, L pour Lombaire et T pour Totale. En ordonnée: amplitudes en degrés.

140

1

---120

111118060402110

FIG. 4. - Évolution, pour la population masculine, de l'inclinométrie lombo-pelvienne en flexion six mois (T6M) et un an (T1A)après la sortie. En abscisse: H pour Hanches, L pour Lombaire et T pour Totale. En ordonnée: amplitudes en degrés.

du bassin et des membres apportent un éclaircis­sement supplémentaire sur le rôle joué par legain en longueur des muscles de la chaînepostérieure dans l'obtention de cette souplesselombo-pelvienne.

Nous avons cherché à savoir si les gains ensouplesse, progression physique semble-t-il laplus significative à T5, s'étaient maintenus dansle temps.

Les mesures des distances doigts-sol (ta­bleau III) et les valeurs d'inclinométrie (fig. 3et 4) semblent confirmer, malgré une sérielimitée, que l'extensibilité dorso-Iombaire s'estmaintenue à un bon niveau, l'amplitude totale

en degrés restant dans les deux populations trèsvoisines de la normale.

TABLEAU III. - Évolution de la « distance doigts-sol»six mois (T6M) et un an (T1A) après la sortie.

Distance doigts-sol(en cm)Hommes

19,13+13,88- 2,2± 7,5O±ll- 1+9,8(n ~ 33)

(n = 33)(n = 14)(n =-14)

Femmes

19,4+19-6±7,5- O,33±8,5O±8,7(n =-22)

(n = 22)(n = Il)(n = 5)

TO

T5T6MTlA

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tllO'!'<+ - - -- -

50"!.

HOMMES

Ann. Kinésithér., 1994, t. 21, nO 7 345

FEM,MES

extenseurs extenseurs fléchisseurs

T8 T5 T8 T5 TO T5 T8 T5

FIG. 5. - Moment de Force Maximale/Poids Du Corps des fléchisseurs-extenseurs du tronc en pourcentagepar rapport à la norme à TO et T5 pour les deux populations (masculine n = 33 et féminine n = 22) et à la vitesse de 30o/sec.

HOMMES

10070 .•• - - - - - - - - - - - - - - - - - - -.- - - - - - - - - - - -

50'!'.

FEMMES

TO T5 TO TS

FIG. 6. - Moment de Force Maximale/Poids Du Corps des rotateurs du tronc en pourcentage par rapport à la norme à TO et T5pour les deux populations (masculine n = 33 et féminine n = 22) et à la vitesse de 60o/sec.

Capacité physique

Nous donnons pour tous les malades les prisesde mesure des moments de force maximum

rapportés au poids du corps (M.F.M./P.D.C.)pour les fléchisseurs-extenseurs et rotateurs dutronc. Les enregistrements sont effectués àvitesse lente (30o/sec) dans le plan sagittal et60o/sec dans le plan horizontal (jig. 5 et 6).

Les valeurs représentent un pourcentage des.valeurs normatives; elles sont en général dimi­nuées à TO. Cette diminution est à mettre surle compte de l'association faiblesse musculaire­inhibition-douleur-limitation angulaire. C'est

l'extension qui est la plus affectée par ladiminution. L'ensemble des forces externes

mesurées par le matériel isocinétique est aug­menté à T5.

Au cours des reconvocations (T6M et TIA),nous avons pu juger du maintien ou pas desacquis (jig. 7 et 8). L'évaluation des extenseursà vitesse rapide et sur le paramètre puissancerapporté au poids du corps montre une stabilisa­tion des résultats sans toutefois, et surtout chezles hommes, un retour à la normale. Les autresgroupes musculaires conservent des valeurs aussibonnes qu'à la sortie.

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346 Ann. Kinésith ér., 1994, t. 21, nO 7

EXTENSION

100'70

50'70

0%

TO T5 T6M TI R

FLEXION

TO T5 T6M TI R

ROTATION

TO T5 T6M TI n

FIG. 7. - Évolution, pour la populationjéminine, lors de l'évaluation isocinétique du tronc à vitesse rapide 020o/sec enjlexion-extensionet 150o/sec en rotation) du paramètre Puissance/Poids Du Corps rapporté à la norme, six mois (T6M) et un an (T1A) après lasortie.

100 '70

50%

0%

EXTENSION

T

TO TS T6M TI n

FLEXION

TO TS T6M TI R

ROT A TION

TO T5 T6M TI R

FIG. 8. - Évolution, pour la population masculine, lors de l'évaluation isocinétique du tronc à vitesse rapide 020a/sec enjlexion-extension et 150a/sec en rotation) du paramètre Puissance/Poids Du Corps rapporté à la norme, six mois (T6M) et un an(TlA) après la sortie.

Capacité cardio-vasculaire

Les femmes ne sont pas déficitaires et leshommes voient leur VOz max progresser durantle programme (fig. 9).

Capacité fonctionnelle

Les mesures isocinétiques à vitesse lente(30 cm/sec) des pics de force par rapport aupoids du corps (P.D.F./P.D.C.) montrent(fig. 10) pour les hommes et les femmes une nettedifférence de résultats entre le bilan initial et lebilan de sortie.

La progression confirme une capacité plusgrande de développement de force de l'ensemblede la chaîne musculo-squelettique. Les progrèssont à mettre sur le compte des gains mus­culaires analytiques de chacun des maillons maisaussi d'une amélioration de la coordination decette chaîne, amélioration directement liée à lalevée d'inhibition.

A distance du programme (fig. 11 et 12), lerecrutement tridimensionnel mesuré à vitesse

rapide et sur le paramètre puissance rapportéau poids du corps (situation délicate car souventempreinte d'une connotation de mouvement àrisques) reste bon puisque les malades ontconservé des capacités très bonnes qui sont le

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100'7'0

50%

0%

TO

HOMMES

T5 TO

Ann. Kinésithér., 1994, t. 21, n° 7 347

FE~S

T5

FIG. 9. - V02 max par rapport à la norme à TO et T5 pour les deux populations (masculine n = 33 et féminine n = 22).

100%

50%

0'7'0

T0

HOMMES

T5 TO

FEMMES

T5

FIG. 10. - Pic De Force/Poids Du Corps sur LifTask en pourcentage par rapport à la norme à TO et T5 pour les deux populations(masculine n = 33 et féminine n = 22) et à la vitesse de 30 cm/sec.

100%

50%

0'7'0

T0 (n=22) T5 (n=22) T6M (n=111 T1R (0=5)

FIG. 11. - Évolution, pour la population féminine, lors de l'évaluation fonctionnelle isocinétique à vitesse rapide (90 cm/sec)du paramètre Puissance/Poids Du Corps rapporté à la norme, six mois (T6M) et un an (TlA) après la sortie.

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348 Ann. Kinésithér., 1994, t. 21, nO 7

100%

50%

0%TO (n=33) T5 (n=33) T6M [n=14) 11 R (0=14)

FIG. 12. - Évolution, pour la population masculine, lors de l'évaluation fonctionnelle isocinétique à vitesse rapide (90 cm/sec)du paramètre Puissance/Poids Du Corps.

garant de possibilités physiques intactes et d'unemémoire du geste bien conduit (plus la puissancephysique est haut située et la coordination affinéeet plus la marge de sécurité est grande vis-à-visde l'accident de surcharge).

LA DOULEUR

Nous quantifions l'importance de la douleurà l'entrée et à la sortie. Nous confirmons quedans la majorité des cas la progression sur ceversant a été nette durant le programme.

Le « pain drawing » est globalement amélioréà T5. Le vécu de cette douleur est de toutes les

façons modifié. La gêne fonctionnelle et lehandicap proviennent beaucoup plus de l'incapa­cité physique à fonctionner que de la douleuravec laquelle le patient compose depuislongtemps.

TABLEAU IV. - Synthèse de l'évolutionde la situation socioprofessionnelle.

Personnes

DuréeReprise

Délai moyenayant

moyennedu travailde reprised'arrêt un deouaprès

emploitravail

formationla sortie

Hommes

n = 33n = 268 moisn = 2515 jours

Femmesn = 22

n = 165 moisn = 1621 jours

LES ASPECTS SOCIOPROFESSIONNELS

Malgré une durée moyenne d'arrêt de travailimportante (8 mois pour les hommes et 5 moispour les femmes), une grande majorité desmalades hommes et femmes a repris le travailou une formation professionnelle dans un délaitrès court suivant la sortie (tableau IV).

Conclusion

Le programme R.F.R. appliqué aux lombal­gies chroniques est basé sur une prise en chargephysique et psychosociale. L'ensemble des per­turbations liées à la pathologie (syndrome dedéconditionnement, handicap psychique, socialet professionnel) doit être appréhendé globale­ment. C'est l'objectif du travail de l'équipepluridisciplinaire qui cherche à restaurer tousles paramètres déficitaires.

Une colonne vertébrale qui « souffre » defaçon chronique ne doit plus être considéréecomme une entité rigide où le mouvement estinterdit. La majorité des actes de la viequotidienne se réalisent en dynamique, versl'avant et à vitesse rapide. Il faut restaurer cettefonction quand elle est perdue. Seuls les portsde charges doivent nous inciter à « verrouil­ler ». Toutes les autres activités nécessitent un

déroulement lombo-pelvien. Les compétencesmusculaires (surtout des extenseurs) en force et

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en endurance assurent le lien mécanique. Toutcela passe par un apprentissage bien conduit dugain d'amplitude de la charnière, un renforce­ment musculaire raisonné de tous les maillonset une coordination (surtout à vitesse élevée) dela chaîne musculo-squelettique. Le traitementlaisse de côté les techniques passives qui, au fildu temps, rendent le malade «. thérapeute­dépendant ». Le programme est actif, dynami­que et contractuel. L'objectif est au mieux lareprise des activités antérieures (professionnelleset de loisirs) et au pire le moyen de se préparerà une nouvelle activité (formation). Les résultatsnous poussent à poursuivre dans cette voie. Lapréparation à la sortie (<< l'entretien physique»après le centre), un suivi plus rigoureux àdistance du traitement et une connaissance plusapprofondie des mécanismes psychosociaux de­vraient nous permettre, à terme, de lutter encoremieux contre la lombalgie chronique.

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