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Jean-Mathieu Lachapelle
Réévaluation des besoins en azote, phosphore et potassium des cultures de brocoli, de chou et de chou-fleur en sols minéraux au
Québec
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en Sols en Environnement pour l'obtention du grade de maître en sciences (M. se.)
DEPARTEMENT DES SOLS ET DE GENIE AGROALIMENTAIRE FACULTÉ DES SCIENCES DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION
UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC
2010
© Jean-Mathieu Lachapelle, 2010
Résumé
La grande majorité des grilles de recommandation que l'on retrouve dans le Guide de
référence en fertilisation (CRAAQ, 2003) n'ont pas été réévaluées depuis plusieurs décennies et
suscitent de nombreuses interrogations quant à leur validité. Une mise à jour de ces grilles, basée sur
les régies de production actuelle, et intégrant les besoins réels des cultures est donc devenue
indispensable. Ce projet de maîtrise vise à l'élaboration d'un modèle d'évaluation des besoins en
azote, phosphore et potassium dans les cultures du chou, du chou-fleur et du brocoli en sols minéraux
au Québec.
Pour ce faire, des essais de fertilisation ont été réalisés, entre 2003 et 2008, dans quatre régions
de la province de Québec, soit la Montérégie, les Laurentides, Lanaudière et Québec (Ile d'Orléans).
Au total, toutes cultures confondues, 72 essais en azote, 60 en phosphore et 38 en potassium ont été
implantés chez des producteurs maraîchers. Les traitements évalués étaient les suivants : 3 à 6 doses
d'azote variant de 0 à 350 kg N/ha, 4 à 5 doses de phosphore variant de 0 à 300 kg P205/ha, et 4 doses
de potassium variant de 0 à 240 kg K20/ha. Le dispositif expérimental était en tiroirs (split-plot) avec
trois répétitions. Les étapes de réalisation du modèle d'évaluation des besoins étaient basées en partie
sur le modèle ayant servi à l'élaboration de la nouvelle grille de fertilisation en phosphore pour la
culture de la pomme de terre, telle que revue par Samson et collaborateurs (2008).
Ces essais ont permis de déterminer un intervalle de fertilisation azoté pour chacune des
cultures, soit de 160 à 200 kg N/ha pour le brocoli, de 190 à 240 kg N/ha pour le chou et de 130 à 185
kg N/ha pour le chou-fleur. Quelques essais de fractionnement de l'azote ont eu lieu de 2003 à 2005.
Dans la majorité des cas, l'analyse statistique des fractionnements de l'azote n'a pas montré de
différences significatives. Les doses proposées pour le phosphore et le potassium diminuent et varient
de 0 à 150 kg P205 selon le rapport P/AlM_m dans le sol et de 0 à 180 kg K20/ha selon la teneur du sol
en Kyi_ui. En comparant ces doses proposées avec celles de ia grille de recommandation actuelle du
Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003), il y a une diminution de 37,5 % pour le phosphore
et de 21,7 % pour le potassium. L'analyse de la variance ne révèle aucune différence significative au
niveau des prélèvements en azote, en phosphore et en potassium en fonction des doses testées.
Avant-propos
La réalisation du présent projet de maîtrise n'aurait pu se faire sans l'aide de plusieurs
collaborateurs. Je tiens tout d'abord à remercier mon directeur de recherche Dr. Léon-Etienne Parent
ainsi que mon co-directeur Dr. Nicolas Tremblay pour leur support et leurs conseils tout au long de ce
travail. Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à Nicolas Samson pour sa grande
disponibilité, ses nombreuses explications et pour son support moral dans les moments plus difficiles.
Sans lui, la rédaction de ce mémoire aurait été ardue. Un gros merci également à Annie Pellerin
d'avoir été si généreuse de son temps et qui a su m'éclairer dans les moments les plus difficiles de ma
rédaction. De plus, j'aimerais remercier la contribution de Rahima Abdelhafid pour son aide en
laboratoire lors des multiples analyses. Finalement, ce projet n'aurait pu être réalisé sans la
contribution des différents partenaires (nommés en annexe).
J'aimerais dédier ce mémoire à ma mère Ginette qui, malgré les tourments que nous lui avons
parfois causés, nous a toujours donné sa confiance et son amour inconditionnel. Je t'aime maman.
J'aimerais également dédier ce mémoire à ma grand-mère Pierrette, qui nous as encouragés
continuellement dans la poursuite de nos études et qui porte une fierté sans limite envers ses petits-
enfants. Je t'embrasse mamie. Une grosse pensée pour mon frère Jean-Philippe, mon père Jean, mon
beau-père André, ma tante Michèle, mon cousin Guillaume et mes deux cousines Véronique et Karine.
11 y a un peu de vous tous dans ce travail. Merci aussi à mon oncle Pierre, qui a su m'inculquer, à sa
manière, le goût du savoir. Sachez, famille bien-aimée, que je vous porte proche de mon cœur.
De plus, j'aimerais souligner la contribution de mes deux meilleurs amis Ghislain et Michèle.
Votre amitié, votre écoute et vos encouragements personnels ont su m'aider à persévérer dans ce
projet et m'ont guidé vers la réussite. Merci pour tout. One love.
Table des matières
Liste des tableaux 6 Liste des figures 9 1. Introduction 11
2. Revue de littérature 12 2.1 Production canadienne et québécoise 12 2.2 Présentation de la grille de recommandation actuelle 12 2.3 Présentation des grilles de recommandation hors Québec 13 2.4 Azote 16
2.4.1 Rôle de l'azote chez les plantes 16 2.4.2 Recommandation en azote 16
2.4.2.1 Brocoli 16 2.4.2.2 Chou 19 2.4.2.3 Chou-fleur 21
2.5 Phosphore et potassium 23 2.5.1 Rôle du phosphore et du potassium chez les plantes 23 2.5.2 Recommandation en phosphore et potassium 24
3. Hypothèses de la recherche 27 4. Objectifs de la recherche 27 5. Matériel et méthodes 28
5.1 Localisation et nombre de sites 28 5.2 Emplacement au champ 28 5.3 Dispositif expérimental : 28 5.4 Traitements de fertilisation 30
5.4.1 Essais azotés 30 5.4.2 Essais phosphatés 32 5.4.3 Essais potassiques 32
5.5 Données recueillies 33 5.5.1 Échantillonnage de sol 33 5.5.2 Récolte 34 5.5.3 Échantillonnage de biomasse de récolte 34
5.6 Étapes de réalisation du modèle de réponse 35 5.6.1 Détermination ou validation de l'indice de fertilité 35 5.6.2 Classes de fertilité et probabilité de réponse 35 5.6.3 Réponse à l'application de N-P-K : optimisation de la dose d'engrais 36 5.6.4 Modèle de réponse 38
5.7 Statistiques 39
4
6 Résultats 40 6.1 Prélèvements des éléments nutritifs 40 6.2 Azote 42
6.2.1 Réponse à l'azote 42 6.2.2 Modèle de réponse 44 6.2.3 Modèle suggéré 48 6.2.4 Méthodologie de la sélection des doses d'azote 48 6.2.5 Fractionnement des doses azotées 50
6.3 Phosphore 51 6.3.1 Réponse au phosphore 51 6.3.2 Modèle de réponse 53 6.3.3 Seuils agronomiques et environnementaux 55 6.3.4 Méthodologie de la sélection des classes pour la grille de phosphore 56 6.3.5 Test de puissance 56 6.3.6 Méthodologie de la sélection des doses pour la grille de phosphore 57
6.4 Potassium 60 6.4.1 Réponse au potassium 60 6.4.2 Modèle de réponse 62 6.4.3 Méthodologie de la sélection des classes pour la grille de potassium 64 6.4.4 Test de puissance 65 6.4.5 Méthodologie de la sélection des doses pour la grille de potassium 66
7 Discussion 68 7.1 Prélèvements des éléments nutritifs 68 7.2 Fertilisation azotée 69 7.3 Fractionnement de l'azote 72 7.4 Fertilisation phosphatée 73 7.5 Fertilisation potassique 73 7.6 Relation entre prélèvements, résidus et recommandations en azote, phosphore et potassium '. 75
8 Conclusion 76 Remerciements 78 Références citées 79 Annexe I: Démarche du calcul des ratios 85 Annexe II: Effet des doses d'azote, de phosphore et de potassium sur les rendements 88 Annexe III: Effet du fractionnement de l'azote sur les rendements 109
Liste des tableaux
Tableau 1: Description des modèles de la fertilisation azotée des cultures maraîchères en fonction de l'analyse des sols minéraux (source : Sbih et Khiari, 2005) 14
Tableau 2 : Description des différentes grilles de fertilisation en phosphore et potassium (source : Sbih et Khiari, 2005) 15
Tableau 3: Dose moyenne de phosphore et potassium utilisée par les producteurs et fréquence de dépassement par rapport aux doses proposées dans les grilles de référence en fertilisation du CRAAQ pour le brocoli, chou et chou-fleur (source : Beaudet et Tremblay, 2006) 25
Tableau 4: Nombre d'essais par culture, par élément et par année 28
Tableau 5 : Traitements et fractionnements azotés pour le brocoli et le chou-fleur (Projet PS1H) 30
Tableau 6 : Traitements et fractionnements azotés pour le chou d'hiver pour le marché frais en 2005 et 2006 31
Tableau 7 : Traitements et fractionnements azotés pour le chou d'hiver pour le marché de transformation en 2005 et 2006 31
Tableau 8 : Traitements phosphatés pour les cultures du brocoli, chou-fleur et chou d'hiver pour le marché frais et de transformation 32
Tableau 9 : Traitement potassique pour les cultures du brocoli, chou-fleur et chou d'hiver pour le marché frais et de transformation 33
Tableau 10: Moyenne (M) et écart-type (S) des essais de différentes variables du sol pour les cultures du brocoli, chou et chou-fleur 33
Tableau 11: Moyenne (M) et écart-type (S) des essais des analyses de C-N-S et des nitrates pour les cultures du brocoli, chou et chou-fleur 34
Tableau 12 : Rapport entre le coût unitaire de l'engrais ($ N, P, K /kg) et le prix d'une tonne de têtes ou pommes de brocolis, choux et choux-fleurs ($/t) 38
Tableau 13: Analyse de la variance des prélèvements de la partie exportée en lien avec la fertilisation en azote, phosphore et potassium des cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur 41
Tableau 14: Humidité et prélèvements moyens en N, P2O5, K2O, Ca et Mg des cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur cultivés en sols minéraux au Québec 41
Tableau 15 : Rendement vendable moyen, minimum, maximum et écart-type des essais azotés réalisés de 2003 à 2006 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur 42
Tableau 16 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais azotés réalisés de 1995 à 2006 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-Heur 43
Tableau 17 : Besoins en azote par culture selon deux classes de teneur en argile (%) dans le sol, basée sur une espérance conditionnelle de 50 % 46
Tableau 18 : Besoins en azote par culture selon deux classes de teneur en N total (%) dans le sol, basée sur une espérance conditionnelle de 50 % 47
Tableau 19 : Doses azotées correspondant à une espérance conditionnelle de 40, 50, 60, 70 et 80 % pour les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur 49
Tableau 20 : Comparaison des doses d'azote du CRAAQ (2003) et celles proposées 50
Tableau 21 : Comparaison entre les rendements vendables moyens obtenus par les producteurs au Québec et les rendements vendables obtenus dans le cadre des essais de fertilisation avec les anciennes et nouvelles doses dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur 50
Tableau 22 : Rendements vendables moyens, minimum, maximum et écart-type des essais de phosphore réalisés de 2003 à 2007 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur.51
Tableau 23 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais de phosphore réalisés de 2003 à 2007 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur 52
Tableau 24 : Classes pour l'indice de fertilisation P/AIM-iii (%) 56
Tableau 25 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (P) et puissance (1-P) permettant le calcul des tests de puissance pour chaque classe de fertilité en phosphore 57
Tableau 26 : Espérance conditionnelle de 50 à 80 % pour cinq classes (rapport P/AIM-IU (%))• 58
Tableau 27 : Espérance conditionnelle de 50 à 80 % et atténuée pour quatre classes (rapport P/AlM.iii(%)) 58 Tableau 28 : Doses recalculées par l'équation linéaire et doses arrondies (kg P20s/ha) en fonction des classes (% P/AIM-III) 59 Tableau 29 : Comparaison des doses de phosphore du CRAAQ (2003) et celles proposées. 60
Tableau 30 : Rendement vendable moyen, minimum, maximum et écart-type des essais de potassium réalisés de 2004 à 2008 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur 61
Tableau 31 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais de potassium réalisés de 2004 à 2008 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur 61
Tableau 32 : Classes de fertilité pour l'indice de fertilisation KMIM (kg/ha) 64
Tableau 33 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (P) et puissance (1-P).permettant le calcul des tests de puissance pour chaque classe de potassium 65
Tableau 34 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (P) et puissance (1-P) permettant le calcul des tests de puissance pour des classes combinées de potassium 65
Tableau 35 : Espérance conditionnelle de 50 à 90 % pour quatre classes (kg/ha KM-m ) 66
Tableau 36 : Doses recalculées avec l'équation linéaire et doses arrondies (kg K20/ha) en fonction des classes (kg/ha de KM-ni) 66
Tableau 37 : Comparaison des doses de potassium du CRAAQ (2003) et de celles proposées. 67
Tableau 38: Comparaison avec d'autres travaux de l'humidité et prélèvements moyens en N, P2O5, K2O, Ca et Mg des cultures de brocoli, de chou et de chou-fleur cultivés en sols minéraux 68
Tableau 39: Prélèvements (kg/ha) en N, P2O5, K20, Ca et Mg des cultures de brocoli, de chou et de chou-fleur cultivées en sols minéraux au Québec basés sur les prélèvements (kg/t hum) des essais (tableau 11 ) et des rendements moyens au Québec calculés par Beaudet et Tremblay (2006) 75
Liste des figures
Figure 1: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du brocoli (source modifiée de Sbih et Khiari, 2005) 17
Figure 2 : Rendement relatif en fonction de la somme du N minéral à la plantation (0-30 cm) et de la fertilisation azotée appliquée, sur 6 expériences de brocoli entre 1999 et 2001 (source modifiée de Vagen et al., 2007) 18
Figure 3 : Prélèvement en azote par la partie aérienne de plants de brocolis (partie supérieure du graphique), et la teneur du sol en N minérale à une profondeur de 0-30 cm (partie inférieure du graphique) sur deux expériences de fertilisation avec doses de 0, 120 et 240 kg N/ha. Plantation hâtive sur le graphique de droite et plantation tardive sur le graphique de gauche (source modifiée de Vagen et al., 2007) 18
Figure 4: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du chou (source modifiée de Sbih et Khiari, 2005) 20
Figure 5: Prélèvement de l'azote par le chou en fonction du temps pour deux sites (source : Fink et Feller, 1998) 21
Figure 6: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du chou-fleur (source :Sbih et Khiari, 2005) 22
Figure 7 : Prélèvement en azote du chou-fleur (partie supérieure du graphique) et azote minérale disponible dans le sol à une profondeur de 0-30 et 0-60 cm (partie inférieure du graphique) sur deux expériences ayant reçu une dose optimale (= 225 kg N/ha - Nmin 0-60 cm) (source modifiée de Everaarts, 2000) 23
Figure 8 : Synthèse des recommandations en phosphore pour la culture du chou et du brocoli (source : Tremblay et al., 2006) 24
Figure 9: Synthèse des recommandations en potassium pour la culture du chou et du brocoli (source : Tremblay et al., 2006) 24
Figure 10 : Exemple du dispositif retenu et de doses testées pour un site d'essai en azote, phosphore et potassium 29
Figure 11: Relation entre la matière sèche (%) et le poids humide (g) 40
Figure 12 : Doses optimales par site et par culture, la ligne rouge représentant la recommandation actuelle du Guide de fertilisation du CRAAQ (2003) 44
Figure 13 : Relation entre les rendements relatifs et le contenu en argile (%) des sites par culture 45
Figure 14: Relation entre les rendements relatifs et la concentration en N total (%) des sites par culture 46
Figure 15 : Relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint (t/ha) et la dose optimale (kg P:05/ha) 53
9
Figure 16 : Relation entre les rendements relatifs (%) et les rapports P/AlM.n] (%) des sites par culture 54
Figure 17 : Relation entre les doses optimales (kg P205/ha) et les rapports P/A1M-III (%) des sites par culture 55
Figure 18 : Relation entre les doses recommandées du modèle atténué (kg P2Os/ha) et la médiane des classes P/A1M-III (%) 59
Figure 19 : Relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint (t/ha) et la dose optimale (kg K20/ha) 62
Figure 20 : Relation entre les rendements relatifs (%) et la teneur du sol en KM.|n (kg/ha) des sites par culture 63
Figure 21 : Relation entre les doses optimales (kg K20/ha) et la teneur du sol en KM-HI (kg/ha) des sites par culture .....64
10
1. Introduction
La régie actuelle de fertilisation des cultures maraîchères au Québec n'est plus adaptée aux
réalités d'aujourd'hui. La surfertilisation des sols en azote et en phosphore augmente les risques
d'eutrophisation des cours d'eau, car les apports dépassent parfois la capacité des milieux récepteurs.
Pourtant, dans le contexte actuel de développement durable en agriculture, principe basé sur la
conciliation des aspects économiques, sociaux et environnementaux, la protection du milieu naturel
devrait être encouragée afin de rétablir un équilibre (MDDEP, 2002). Il devient donc nécessaire de
redéfinir la quantité d'engrais à appliquer dans le but de réduire les risques environnementaux, mais
tout en permettant aux exploitations agricoles d'obtenir des rendements intéressants et des produits de
qualité.
La référence actuelle en fertilisation pour les conseillers et les producteurs agricoles du
Québec est le Guide de référence en fertilisation du Centre de référence en agriculture et
agroalimentaire du Québec (CRAAQ, 2003). La grande majorité des grilles de recommandation que
l'on retrouve dans ce guide n'ont pas été réévaluées depuis plusieurs décennies et suscitent de
nombreuses interrogations quant à leur validité. Une mise à jour de ces grilles, basée sur les régies de
production actuelle, et intégrant les besoins réels des cultures est donc devenue indispensable.
L'augmentation continue des prix des divers engrais est également un facteur qui contribue à la
nécessité de revoir les grilles de référence.
En 2004, le CRAAQ a mis sur pied le Comité ad hoc fertilisation productions maraîchères,
relevant de la Commission chimie et fertilité des sols, dont le mandat est de proposer des
modifications aux grilles de référence en fertilisation des cultures maraîchères. C'est dans ce but que
des essais de fertilisation ont lieu au Québec, depuis quelques années, afin de réévaluer les grilles de
référence dans les cultures maraîchères en sols minéraux et organiques. Ce projet de maîtrise vise à
l'élaboration et à la proposition d'un modèle d'évaluation des besoins en azote, en phosphore et en
potassium dans les cultures du chou, du chou-fleur et du brocoli en sols minéraux au Québec.
Ce mémoire débute par une revue de littérature incluant la présentation de différents modèles
de grilles de recommandation et les différents besoins en azote, phosphore et potassium des cultures
du chou, du chou-fleur et du brocoli en sols minéraux à travers le monde. Par la suite, le matériel et les
méthodes utilisés seront présentés et expliqués en détail. Suivra la présentation des hypothèses et
objectifs de la recherche. Finalement, les sections résultats et discussions permettront d'infirmer ou de
confirmer les hypothèses de ce mémoire.
2. Revue de lit térature
La grande famille des crucifères (Brassicacées) compte 3 200 espèces distribuées en 350
genres. Les crucifères concernées par ce projet sont le brocoli (B. oleracea L. var. italica Plenck), le
chou-fleur (B. oleracea L. var. botrytis L.) et le chou (B. oleracea L. var. capitata L.f. alba DC). Tous
ces légumes ont été introduits en Amérique du Nord lors des vagues successives de colonisation du
nouveau continent (Dixon, 2006). Le brocoli aurait été introduit au début des années 1900 par des
immigrants italiens alors que le chou aurait suivi la route des immigrants Scandinaves au 16eme siècle.
2.1 Production canadienne et québécoise
En 2006, la production canadienne de brocolis s'élevait à plus de 33 967 tonnes métriques
pour une valeur à la ferme de 32 720 000 $ (Statistique Canada, 2007). Le Québec est la province où il
se cultive le plus de brocolis avec une production avoisinant les 20 255 tonnes métriques pour une
valeur à la ferme de 16 900 000 $ et une superficie de plus de 1 862 hectares.
Le Québec produit près de 48 % de la production totale de choux au Canada (Statistique
Canada, 2007), une diminution de 9 % comparativement à 2003 (AAC, 2005). Cela représente une
production de plus de 61 870 tonnes métriques pour une valeur à la ferme de près de 14 850 000 $ et
une superficie de 2 003 hectares.
Plus de 1 960 hectares de choux-fleurs ont été ensemencés au Canada en 2006, pour une
production totale de 30 892 tonnes métriques (Statistique Canada, 2007). Au Québec, on produit du
chou-fleur sur près de 728 hectares pour une production totale de 12 247 tonnes métriques et une
valeur à la ferme de 7 700 000 $. Le Québec et l'Ontario arrivent ex aequo comme plus importants
producteurs de choux-fleurs au Canada.
2.2 Présentation de la grille de recommandation actuelle
Présentement, une seule grille de fertilisation est proposée pour les cultures du brocoli, du
chou et du chou-fleur, indépendamment des besoins réels en azote, en phosphore et en potassium pour
chacune de ces trois cultures (CRAAQ, 2003). Pour le phosphore et le potassium, la grille comprend
cinq classes de fertilité, progressant de pauvre à excessivement riche, et les doses varient de 0 à 240 kg
P20. ha"' et de 20 à 220 kg K20 ha"1 respectivement. La recommandation actuelle est basée sur la
concentration initiale du sol en phosphore et en potassium extraits au Mehlich III (M-1II) (Mehlich,
1984). La recommandation actuelle en azote est généralisée à toutes les situations, sans distinction de
12
la texture du sol, de la concentration en nitrate ou de l'azote totale du sol, de la teneur en matière
organique du sol ou de toute autre méthode qui permettrait de quantifier une dose d'azote appropriée.
La grille recommande présentement 135 kg N/ha, soit 85 kg N/ha à la plantation et 50 kg N/ha quatre
à cinq semaines après la plantation pour les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
2.3 Présentation des grilles de recommandation hors Québec
Sbih et Khiari (2005) ont répertorié et comparé 16 guides de fertilisation provenant des
provinces canadiennes, des états américains et de l'Angleterre.
Quatre modèles ont été proposés pour la fertilisation azotée (tableau 1). Le modèle du
Manitoba repose sur la concentration des sols en nitrate (0-60 cm), ceux du Minnesota et du
Wisconsin sont basés principalement sur la teneur en matière organique des sols, alors que le modèle
anglais, plus complet, inclut le précédent cultural, l'azote minéral dans la couche 0-90 cm, le pouvoir
minéralisateur des sols et la pluviométrie. Les autres modèles, tout comme celui du Québec, ne
reposent sur aucun indice de fertilité et ne suggèrent qu'une seule dose d'azote par culture.
Les classes de fertilité pour le phosphore et le potassium varient énormément d'une grille à
l'autre (tableau 2). On n'en retrouve que trois pour les états de New York et du New Jersey alors qu'il
y en a 34 pour le phosphore et 22 pour le potassium en Pennsylvanie. La plupart des grilles en
proposent entre quatre et six. Tous les modèles de recommandation en phosphore sont basés sur la
teneur du sol en phosphore, mais les modes d'extraction diffèrent d'un modèle à l'autre. Au Québec,
dans les Maritimes et dans quelques états du nord-est des États-Unis, le mode d'extraction privilégié
est la solution M-III (Mehlich, 1984). En comparaison, l'extraction Olsen est utilisée en Ontario, au
Manitoba et en Angleterre (Olsen et al., 1954). En ce qui concerne le potassium, les modèles sont tous
reliés à la concentration du sol en potassium échangeable.
13
Tableau 1: Description des modèles de la fertilisation azotée des cultures maraîchères en fonction de l'analyse des sols minéraux (source : Sbih et Khiari, 2005).
Etats et provinces
Indices de fertilité azotée Niveaux d'interprétation Modèle de la fertilisation azotée
Manitoba Nitrates dans la couche 0-60 cm de profondeur des sols
8 niveaux de nitrates
0-25. 26-50.51-~0. "1-90. 91-100.101-110.111-
130. 131-140
Dose (kg N lia) par classe de fertilité et par culture
Minnesota Teneur en mariée organique des sols
4 niveaux de MO
Faible MO<3.1% Moyen 3.1<MO__4.5% Élevé 4.6<MO__19% T. Élevé MO > 19%
Dose de N(lb/a) = '''DF31bit - N ^ . .
Wisconsin Teneur en matière organique et évaluation de traits pédologiques visuels
4 niveaux de MO
Faible MO<2% Moyen 2__MO<9.9% Élevé 10<MO__20% T. Élevé MO > 20%
Dose (lb N/a) par classe de fertilité et par culture
Angleterre Indices de fertilité azotée intégrant 1) Précédent cultural 2) N- minéral dans la
couche (0-90 cm) 3) Pouvoir
minéralisateur des sols
4) pluviométrie.
7 indices (0 jusqu'à 6) 0(<60). I (61-80). 2 (81-100). 3 (101-120). 4 (121-160). 5(161-240)6 (>240)
Dose (kg N/ha) par indice de fertilité et pai' culture
Les autres Étais et provinces
Une seule recommandation par culture
"''r. • ,!,..., . DFn.ble : dose de N(lb.a) pour les sols de fertilité azoté faible (MO£3.1%). "NanaivM : Teneur en N nitrique analysé sur une profondeur de 0-60 cm de sol
14
Tableau 2 : Description des différentes grilles de fertilisation en phosphore et potassium (source : Sbih et Khiari, 2005).
Nombre, de classes et de
niveaux
Étendue du PMIH (kg ha)
valeur eu gra . représente la
c. moYenne
Etendue du K écl_nii2eable
Ocg lia) valeur eii gra. repré>eme
c. moveiuie
Méthode d'extraction
deP
Unités
n o» s c a» 'S 99 C SS
u M
«* C o I_
BU
Québec 5-7 F M B R ER 0-150-401
0-300-601 Mehlich 3 ma kg
n o» s c a» 'S 99 C SS
u M
«* C o I_
BU
Ontario 5-14 L M H VR E
0-116-481 92
(0-203-560 Olsen mg kg"1
n o» s c a» 'S 99 C SS
u M
«* C o I_
BU
N. Brunswick 6-6 VXI.JdMH.HVH
(11-110-175 (0-291-601 Mehlich 3 ma kg'1
n o» s c a» 'S 99 C SS
u M
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BU
N. Ecosse 10-10 U. M= H=. E
0-285-840 0-330-915 Mehlich 3 kg ha"
n o» s c a» 'S 99 C SS
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BU Manitoba 6-6 \X L M.H. \H. \~H-r
(0-98-275 45 - 221-450 Olsen mg kg"
M
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Pennsylvanie 34 pour P eî 22 pom K
(non définis J
(0 -146-360 0-270-4"0 Mehlich 3 mg kg"1
M
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E « es
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N Angleterre 4 - 4 L M H. YH
(0 -148-325 0 -138-360 Plusieurs méthodes
lb/ac
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E « es
-M
New York 3 - 3 L M H
0 - 146-290 0-127-240 Morgan Ib/ac
M
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New Jersey 3-3 L M. Optj:
(0-66-120 0-127-240 Mehlich 3 lb/ac
M
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Maryland 4 - 4 L. M. H. VH
0-138-330 0 -180-360 Mehlich 1 Ih'ac M
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-M
Kentucky 4 - 4 L M. H. VH
0 - 50-90 0- 280-505 Mehlich 3 lb/ac
M
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-M Minnesota 5 - 5 L M MH H. VH
0 - 93 0 - 450 Brayl et
Olsen mg kg"
M
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Michigan 10 (non définis)
0-310 0 - 505 Brayl Ib.ac
M
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Wisconsin 5-5 YL. L. Opt H. EH*
0-100-180 0 - 290-540 Brayl mg kg"
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Floride 5 - 5 \ 1 L MH. VH
0 -96-205 0 - 208-280 Mehlich 1 mg kg"
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Angleterre 7
(0 jusqu'à 6}
0-136-570 0-320-750 Olsen mg k2"'
F : fmble M : moyen. B bon R . riche ER excessivement riche YL : veiy lo-iv L lew M medium. MH : mednmi high H lush VH vervhïgh * Opî optnaum +EK;excessivelylush " représente la tinsse pour le P. **: représente la classe pour le K
2.4 Azote
2.4.1 Rôle de l'azote chez les plantes
L'azote représente un élément fondamental de la nutrition végétale (Demolon, 1968). Il entre
dans la composition de nombreuses molécules importantes telles que les protéines, les acides aminés,
la chlorophylle et plusieurs hormones de croissances (Michaud, 2005 ; Hopkins et Evrard, 2003).
L'azote entre également dans la composition des glucosinolates, composés organiques des crucifères
jouant un rôle important dans les mécanismes de défenses de cette famille. (Zukalova et Vasak, 2002 ;
Schonhof et al., 2007). Les isothiocyanates, produits issus de la décomposition des glucosinolates,
auraient un effet allélopathique sur les agents pathogènes du sol (Reau et al., 2005). Le potentiel de
bio-fumigation des crucifères a d'ailleurs été un sujet d'étude exploré lors des dernières années
(Kirkegaard et al., 1998 ; Coulombe et al., 2005).
2.4.2 Recommandation en azote
2.4.2.1 Brocoli
Le brocoli, ainsi que toutes les espèces cultivables de la famille des crucifères, est reconnu
comme étant une plante exigeante en azote. Les doses d'azote proposées dans la culture du brocoli
varient de 120 à 250 kg N/ha pour les régions comparées (Figure 1). En Californie, en Oregon et en
Norvège, la dose proposée se situe dans un intervalle allant du simple au double, dépendamment de
certaines caractéristiques du sol.
16
Figure 1: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du brocoli (source modifiée de Sbih et Khiari, 2005).
Au Québec, une étude réalisée par Beaudet et Tremblay (2006) révèle que dans 43 % des cas,
les champs de brocolis ont reçu une dose supérieure d'azote à ce qui est proposé dans la grille de
référence en fertilisation du CRAAQ (2003). La dose moyenne d'azote épandue était de 148 kg N/ha
alors que la dose proposée actuellement par le CRAAQ est de 135 kg N/ha.
Dans la littérature, plusieurs essais au champ ont été effectués afin de déterminer la dose
d'azote donnant un rendement maximal. A l'île-du-Prince-Edouard, une dose entre 100 et 200 kg N/ha
était nécessaire pour obtenir des rendements maximaux dans la culture du brocoli (Cutcliffe et al.,
1968). Selon des essais effectués au Québec, la dose optimale serait de 181 kg N/ha, avec ou sans
irrigation (Fortier et al., 2007). Plusieurs travaux ont rapporté que les recommandations en azote
devraient se situer entre 150 et 311 kg N/ha (Greenwood et al., 1980; Longbrake et al., 1980;
Kowalenko et Hall., 1987 ; Everaarts et de Willigen, 1999a ; Paschold et al., 2000 ; Riley et Vagen,
2003 ; Vagen, 2003). Vagen et collaborateurs (2007) ont obtenu des rendements optimaux à près de
230 kg N/ha (N + N mm) en Norvège. D'autre part, ils recommandent que la fertilisation du brocoli en
Norvège soit ajustée au N minéral du sol à la plantation (Figure 2). Aux Pays-Bas, Everaarts et de
Willigen ( 1999a) recommandent 270 kg N/ha - Nmjn (0^0 cm) lorsque l'engrais est placé en bande et 275
kg N/ha - Nmin(0.60cin) pour une application à la volée.
17
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▲ Early Milady __. Early Marathon ■ Late Milady D Late Marathon
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▲ Early Milady __. Early Marathon ■ Late Milady D Late Marathon
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100 200 300
Dose (kg N/ha incluant N min à la plantation)
400
Figure 2 : Rendement relatif en fonction de la somme du N minéral à la plantation (0-30 cm) et de la fertilisation azotée appliquée, sur 6 expériences de brocoli entre 1999 et 2001 (source modifiée de Vagen et al , 2007).
Une connaissance de la physiologie du brocoli est primordiale afin de déterminer la période
idéale pour fertiliser et ainsi limiter les pertes d'azote dans l'environnement. Le prélèvement de l'azote
est faible durant les deux premières semaines après la transplantation, augmente rapidement par la
suite et diminue durant les deux dernières semaines précédant la récolte (Bowen et al., 1998 ; Vagen et
al., 2007) (Figure 3).
300
200
100 z
': 0 > Soo 200
300
OkgN . • 120 kg N
♦ 240 kg N
OkgN . • 120 kg N
♦ 240 kg N
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* i
m
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* _ 1 — r
20 40 60 Jours après la plantation
80
300
200
100
100
200
300
OkgN 120 kg N 240kgN : F ^
0<>*=
20 40 60 Jours après la plantation
80
Figure 3 : Prélèvement en azote par la partie aérienne de plants de brocolis (partie supérieure du graphique), et la teneur du sol en N minérale à une profondeur de 0-30 cm (partie inférieure du graphique) sur deux expériences de fertilisation avec doses de 0, 120 et 240 kg N/ha. Plantation hâtive sur le graphique de droite et plantation tardive sur le graphique de gauche (source modifiée de Vagen et al , 2007).
L'accumulation de la matière sèche (N et autres éléments) dans la plante suit la même
tendance. Deux semaines avant la récolte, il est intéressant de noter qu'à faible dose d'azote, il se
produit une translocation du N des feuilles vers la tête du brocoli, mais qu'à forte dose, il y a toujours
une accumulation du N dans les feuilles et la tête (Bovven et al., 1998). Ceci se traduit par une
proportion d'azote plus élevée dans les résidus de culture, ce qui augmente les risques de perte d'azote
durant la période suivant l'incorporation des résidus au sol. À la dose optimale déterminée par
Everaarts et de Willigen (1999b), soit 270 kg N/ha - Nmm (0-6o cm), une quantité entre 120 et 155 kg N/ha
ne serait pas exportée hors du champ lors de la récolte. Par ailleurs, Nkoa et collaborateurs (2001) ont
démontré en laboratoire qu'il y a une augmentation de 10 % de la matière sèche et de 58 % du
rendement au stade d'initiation de l'inflorescence, lorsqu'il y a une diminution de la concentration en
azote de 250 mg/L à 150 mg/L dans le milieu de croissance comparativement à une concentration
constante de 250 mg/L.
2.4.2.2 Chou
Les recommandations en azote pour la culture du chou dans différentes régions du monde sont
présentées à la figure 4. Les doses recommandées se situent entre 110 et 220 kg N/ha. Le Québec, avec
135 kg N/ha, est un des endroits où la dose recommandée est la plus faible parmi les 16 cas
répertoriés. L'étude réalisée par Beaudet et Tremblay (2006) révèle que dans 67 % des cas, les champs
de choux ont reçu une dose supérieure d'azote à ce qui est proposé dans la grille actuelle de référence
en fertilisation du CRAAQ (2003). La dose moyenne d'azote épandue était de 150 kg N/ha alors que
la dose proposée actuellement par le CRAAQ est de 135 kg N/ha.
Sanchez et al ( 1994) ont démontré que le chou requiert entre 230 et 458 kg N/ha pour atteindre
des rendements maximaux aux États-Unis. En Slovénie, la dose optimale d'azote pour obtenir un bon
rendement de produits de qualité se situerait entre 225 et 300 kg N/ha (Kacjan Marsic et Osvald,
2007). Par contre, suite à une expérience réalisée à l'Acadie au Québec, Bérard (1990) a démontré
qu'une dose supérieure à 180 kg N/ha n'est pas recommandable, car au-delà de cette dose, il n'y a plus
d'augmentation de rendement et le risque augmente de favoriser le développement d'une maladie
provoquant le noircissement des nervures centrales (médiane noire). Ce désordre physiologique serait
d'ordre génétique et son apparition sporadique serait davantage liée à des facteurs environnementaux.
II existe de nombreux cultivars tolérants à la médiane noire (Richard et Boivin, 1994).
19
250
200
2 150
ao
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Figure 4: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du chou (source modifiée de Sbih et Khiari, 2005).
Aux Pays-Bas, Everaarts et Moel (1998) ont démontré que la dose optimale d'azote appliquée
est fortement reliée à la quantité de N présente dans le sol à la plantation à une profondeur de 0-60 cm.
En effet, les rendements variaient davantage aux endroits où le N minéral était faible à la plantation
par rapport aux endroits où il était élevé. La dose optimale a été définie comme suit :
N opt = 3 3 0 - 1 , 5 NU, 0-60 cm (kg N/ha)
Fink et Feller (1998) ont testé un modèle empirique afin de déterminer une dose optimale
d'azote dans la culture du chou en Allemagne. Ce modèle est basé sur des tableaux qui contiennent de
l'information relative à la demande totale d'azote par la plante et sur le prélèvement d'azote à des
stades précis. Cette méthode a l'avantage de refléter les conditions climatiques, la croissance et les
rendements de la région où les essais sont réalisés. Finalement, dans un tout autre ordre d'idée,
l'application de 250 kg N/ha sous forme de sulfate d"ammonium serait à privilégier pour viser une
qualité nutritive optimale du chou à la récolte (Turan et Sevimli, 2005).
20
Le prélèvement d'azote par le chou suit sensiblement la même tendance que celle du brocoli
(Figure 5). 11 est faible au début, augmente rapidement à partir de la troisième semaine pour ensuite se
stabiliser 1 à 2 semaines avant la récolte. Everaarts et Booij (2000) ont mis en évidence qu'une
augmentation de la teneur en azote dans la pomme aurait pour effet d'augmenter la teneur en humidité
dans celle-ci.
400 C3
J=.
OJ) J i 300 z
200 xrx»
c u __ o
100 > ■TJ
'__ 0 1» 21 42 63 84 105 126 21 42 63 84 105 126
Temps après la plantation (jours)
Figure 5: Prélèvement de l'azote par le chou en fonction du temps pour deux sites (source : Fink et Feller, 1998).
La quantité d'azote retrouvée dans les résidus s'accroît avec la dose d'azote. Une proportion
de 54 à 60 % de l'azote prélevé par la plante se retrouve dans la pomme et est donc exportée hors du
champ. L'application en bande a même accru la quantité d'azote retrouvée dans les résidus de culture
dans la moitié des expériences (Everaarts et Booij, 2000). Par ailleurs, l'azote a eu des effets positifs,
neutres ou négatifs sur le rendement lors des essais de placement en bande (Everaarts et Moel, 1998),
autant dans la culture du chou que dans celle du chou-fleur.
2.4.2.3 Chou-fleur
Les doses d'azote recommandées dans différentes régions du monde pour le chou-
fleur sont présentées à la figure 6. Elles se situent entre 110 et 220 kg N/ha. Au Québec, toujours selon
l'étude réalisée par Beaudet et Tremblay (2006), les cultures ont reçu une dose d'azote de 29 %
supérieure à ce qui est proposé dans la grille de référence en fertilisation du CRAAQ (2003). La dose
moyenne d'azote épandue était de 175 kg N/ha alors que la dose proposée actuellement par le CRAAQ
est de 135 kg N/ha. Cette faible proportion de fréquence de dépassement jumelée à une dose moyenne
d'azote élevée démontre que certains producteurs ont adopté une régie de fertilisation azotée élevée
dans certains champs de choux-fleurs.
Aux Pays-Bas, Everaarts et Moel (1995) recommandent une dose de 224 kg N/ha moins le
Nmin du sol à 0-60 cm à la plantation. Des chercheurs des Maritimes ont évalué que le chou-fleur
devait recevoir une dose se situant entre 100 et 150 kg N/ha (Cutcliffe et Munro, 1976). Cet intervalle
est similaire à celui proposé par Riley et Vagen (2003). En Slovénie, des doses ont été proposées en
fonction de la durée de croissance des cultivars. Pour des cultivars précoces, on recommande 225 kg
N/ha comparativement à 300 kg N/ha pour des cultivars plus tardifs (Kacjan Marsic et Osvald, 2007).
En Allemagne, Kage et collaborateurs (2003) ont déterminé que les plants semés ont un besoin
supérieur en azote de 30 à 40 kg N/ha comparativement à des transplants.
250
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150
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Figure 6: Recommandation en azote (kg N/ha) dans différentes régions du monde pour la culture du chou-fleur (source .Sbih et Khiari, 2005).
Chez le chou-fleur, la période de faible prélèvement d'azote par la plante s'étire sur les quatre
premières semaines (Everaarts, 2000). Par la suite, le prélèvement augmente jusqu'à la récolte (figure
7). Durant cette période, la culture absorbe 4 à 6 kg N/ha/jour. La dose d'azote appliquée n'aurait
aucun effet sur la durée de croissance de la plante (précocité de la récolte) et sur la qualité de la tête
(Everaarts et Moel, 1995). Par contre, l'augmentation de la dose accroît le lessivage de l'azote. Encore
une fois, une importante proportion de l'azote prélevé par la plante est laissée au champ avec les
résidus de culture à la récolte. On retrouverait entre 100 et 130 kg N/ha dans les tissus non récoltés.
Cet azote dans les résidus peut ultérieurement être lessivé dans le sol lors des récoltes tardives.
22
M
- N u p a l »
-NmwO-SOcni
- Nmn 0-60 cm
Jours après la plantation Jours après la plantation
Figure 7 : Prélèvement en azote du chou-fleur (partie supérieure du graphique) et azote minérale disponible dans le sol à une profondeur de 0-30 et 0-60 cm (partie inférieure du graphique) sur deux expériences ayant reçu une dose optimale (= 225 kg N/ha - Nmin 0-60 cm) (source modifiée de Everaarts, 2000).
2.5 Phosphore et potassium
2.5.1 Rôle du phosphore et du potassium chez les plantes
Le phosphore est un constituant de l'ADP, molécule fournissant l'énergie nécessaire à toutes
les réactions de synthèses dans la plante (Karemangingo, 2004). II entre également dans la
composition des acides nucléiques et de plusieurs enzymes impliquées dans les activités
photosynthétiques et respiratoires (Michaud, 2005). Finalement, le phosphore est un composant
structurel des lipides de la membrane (phospholipides). Par sa faible disponibilité dans les sols, cet
élément est souvent considéré comme étant le facteur le plus limitant à la croissance des végétaux
(Hopkins et Evrard, 2003).
À l'opposé de l'azote et du phosphore, le potassium n'est pas un constituant des composés de
synthèses des végétaux (Michaud, 2005). II n'en tient pas moins une fonction essentielle. Le
potassium exerce un rôle dans le processus d'osmo-régulation, c'est-à-dire du contrôle du statut
hydrique dans la plante (Hopkins et Evrard, 2003). II participe aux échanges ioniques membranaires
(pompe à protons), au maintien de l'équilibre du pH et est responsable de l'activation de plusieurs
enzymes, particulièrement celles reliées à l'activité respiratoire.
2.5.2 Recommandation en phosphore et potassium
Les figures 8 et 9 présentent les doses de phosphore et de potassium proposées pour le chou et
le brocoli dans les 16 modèles de recommandation décrits par Sbih et Khiari (2005). Afin de faciliter
les comparaisons, tous les extraits de sols ont été transformés en M-lll, les modèles ont été ramenés à
6 classes de fertilité et les unités ont été converties en kg/ha (Tremblay et al., 2006). Les deux cultures
ont sensiblement les mêmes recommandations en phosphore. Les doses débutent à 0 kg P205/ha pour
les classes de fertilité les plus élevées et montent jusqu'à un maximum d'environ 330 kg P205/ha pour
les classes les plus faibles. Pour les recommandations en potassium, les doses évoluent de 0 à 305 kg
K20/ha pour le chou et de 0 à 270 kg K20 /ha pour le brocoli.
B 200
100 200 300 400 500 600 700 Mehlich HI P
JS X £ \ i ! I /K I ^ I A I
0 100 200 300 400 500 600 700 Mehlich III P
Figure 8 : Synthèse des recommandations en phosphore pour la culture du chou et du brocoli (source : Tremblay et al , 2006).
Figure 9: .Synthèse des recommandations en potassium pour la culture du chou et du brocoli (source Tremblay et al , 2006).
Le tableau 3 présente la dose moyenne de phosphore et de potassium appliquée par les
entreprises agricoles dans les cultures du brocoli, chou, et chou-fleur comparativement aux doses
proposées dans la grille de référence en fertilisation du CRAAQ (Beaudet et Tremblay, 2006). La
fréquence de dépassement de ces doses y est également mentionnée. On constate qu'une bonne
proportion de producteurs apporte davantage de fertilisants que ce qui est présentement recommandé
dans le Guide du CRAAQ.
Tableau 3: Dose moyenne de phosphore et potassium utilisée par les producteurs et fréquence de dépassement par rapport aux doses proposées dans les grilles de référence en fertilisation du CRAAQ pour le brocoli, chou et chou-fleur (source : Beaudet et Tremblay, 2006).
Culture
p2o5 K 2 0
Culture Producteur
(kg/ha)
CRAAQ
(kg/ha)
Fréquence
dépassement
Producteur
(kg/ha)
CRAAQ
(kg/ha)
Fréquence
dépassement
Brocoli 156 159 56% 126 120 58"»
Chou 157 133 5 0 % 118 114 3 3 %
Chou-fleur 192 178 3 5 % 199 152 6 5 %
Les références au phosphore dans la littérature sont beaucoup moins nombreuses que celles à
l'azote. Dans le brocoli et le chou-fleur, Cutcliffe et collaborateurs (1968) ont déterminé que les
rendements maximaux à l'île-du-Prince-Edouard étaient atteints avec une dose entre 50 et 100 kg
P205/ha. Dans une autre expérience réalisée quelques années plus tard, Cutcliffe et Munro (1976) ont
évalué que dans la plupart des sites de choux-fleurs, les rendements optimaux étaient atteints avec des
doses de 0 à 49 kg P205/ha. Chez le chou et le chou-fleur en Croatie, les quantités de phosphore
prélevées par la pomme et la tête sont respectivement de 1,05 et 2,95 kg P205 par tonne de pomme ou
tête (Loncaric et al., 2003). Les quantités restant dans les résidus sont quant à elles évaluées à 38 kg
P2Os/ha dans le cas du chou et de 47 kg P205/ha pour le chou-fleur.
Le concept d'indices de saturation en phosphore (P/A1M-HI) a été introduit récemment dans les
grilles de référence du maïs grain, du maïs ensilage et de la pomme de terre (CRAAQ, 2003). L'indice
P/AlM.m se définit comme étant la proportion du phosphore (extrait au Mehlich-III) retenue par les
hydroxydes d'aluminium dans le sol évalués par A1M.IH. Dans la canneberge et les sols organiques, en
plus de l'aluminium, le phosphore est également retenu par les hydroxydes de fer (Parent et Marchand,
2006; Guérin et al., 2007). Ces indices se sont montrés les plus appropriés pour évaluer la capacité du
sol à retenir le phosphore. L'indice de saturation en phosphore, concept basé initialement sur le degré
de saturation en phosphore développé en Hollande (Breuwsma et Silva, 1992), a été validé comme
indice de solubilité et de désorption du phosphore dans les sols agricoles du Québec, soit pour les sols
25
à pH acides et proches de la neutralité (Giroux et Tran, 1996 ; Khiari et al., 2000 ; Pellerin et al.,
2006a ; Pellerin et al., 2006b). Le pH présentement recommandé pour la culture des crucifères, plus
précisément pour le chou et le chou-fleur, est de 7,2, soit légèrement supérieur à la neutralité
(CRAAQ, 2003). Pour le brocoli, il se situe entre 6,0 et 7,0.
Les applications de potassium auraient beaucoup moins d'influence sur le rendement que
l'azote et le phosphore (Cutcliffe et al., 1968; Cutcliffe et Munro, 1976). Dans six des neuf
expériences réalisées dans la culture de choux-fleurs, l'application de potassium n'a pas augmenté de
manière significative les rendements. En Floride, les différentes doses de potassium testées dans la
culture du chou-fleur vert n'ont pas eu d'effet significatif sur les rendements et la taille des têtes
(Csizinszky, 1996). À l'île-du-Prince-Édouard, dans la culture du chou, l'apport de 224 kg K20/ha a
significativement fait augmenter les rendements comparativement à une dose de 56 kg K20/ha
(Cutcliffe, 1984). En Croatie, dans le chou-fleur, la quantité de potassium prélevée par la tête est de
12,95 kg K20/tonne de tête et les résidus de culture en contiendraient jusqu'à 180 kg K20/ha
(Loncaric et al., 2003). Il en va de même avec le chou avec respectivement 3,95 kg K20/tonne et 183
kg K20/ha.
Pour conclure, les modèles de recommandations et les doses proposées chez les crucifères
varient d'un guide et d'une région à l'autre. Au Québec, il y a nécessité de réévaluer les
recommandations en azote, en phosphore et en potassium en fonction des régies de production
actuelle, des préoccupations agroenvironnementales et des besoins réels en azote, phosphore et
potassium pour les crucifères cultivées en sols minéraux. Ces nouvelles recommandations devront
également permettre aux exploitations agricoles d'obtenir des rendements satisfaisants et des produits
de qualité.
26
3. Hypothèses de la recherche
<B L'utilisation des paramètres édaphique améliore la recommandation en azote.
* L'utilisation du rapport (P/Al)M_m est supérieur à l'analyse PM.m pour définir les classes de
fertilité et les recommandations en phosphore.
'fk L'analyse KM-IM permet l'élaboration de classes de fertilité robustes chez les crucifères.
& Les rendements chez les crucifères en sols minéraux varient selon les doses appliquées.
■ Les prélèvements des éléments nutritifs varient selon les doses appliquées.
4. Objectifs de la recherche
& Déterminer un indice de fertilité azoté fiable.
* Évaluer le (P/AI)M.M| et valider le KM-M pou r ' e s recommandations en phosphore et potassium
chez les crucifères.
* Analyser les effets de l'azote, du phosphore et du potassium sur le rendement des crucifères en
sols minéraux au Québec, dans le but d'établir de nouvelles recommandations.
Ife Évaluer les prélèvements en éléments nutritifs chez les crucifères.
27
5. Matériel et méthodes
5.1 Localisation et nombre de sites
Les essais de fertilisation, effectués de 2003 à 2008, ont été réalisés dans cinq régions de la
province de Québec, soit la Montérégie, la Mauricie, les Laurentides, Lanaudière et Québec (île
d'Orléans). Au total, toutes cultures confondues, 72 essais en azote, 60 en phosphore et 38 en
potassium ont été implantés chez des producteurs maraîchers (tableau 4). Tous les essais ont été
réalisés chez des producteurs cultivant en sols minéraux.
Tableau 4: Nombre d'essais par culture, par élément et par année Brocoli Chou Chou-fleur
1995 - N(l) -1996 - N(2) -1997 - N(l) -2003 N(3) -P( l ) N(2)-P(4) N(3)-P( l ) 2004 N ( 8 ) - P ( 7 ) - K ( l ) N(7)-P(2) N(6)-P(3) 2005 N ( l l ) - P ( 8 ) - K ( 7 ) N(13)-P(6)-K(4) N(9) - P(6) - K(4) 2006 N(6) - P(6) - K(6) N(4) - P(4) - K(4) N(6) - P(6) - K(6) 2007 P(3) P(3) -2008 K(5) K(l) -Total N(28)-P(25)-K(19) N(30)-P(19)-K(9) N(24)-P(16)-K(10)
5.2 Emplacement au champ
Dans la mesure du possible, les sites ont été établis à des endroits représentatifs de bonnes
conditions de culture. Ainsi, les bordures de champs, les zones mal drainées et les chemins de passage
de la machinerie ont été évités lors du choix d'emplacement des sites. Dans le cas où les producteurs
irriguaient leur champ, les tuyaux d'irrigation et remorques ne devaient pas passer à travers les sites de
fertilisation. Une distance minimale de 5 mètres (zone tampon) a été respectée entre la bordure du
champ et le début des sites de fertilisation.
5.3 Dispositif expérimental
Le dispositif expérimental retenu a été un dispositif en tiroirs (split-plot) avec trois répétitions
(Figure 10). À l'intérieur d'un bloc, on retrouvait une parcelle principale d'azote, de phosphore et de
potassium. Une parcelle principale comprenait quatre sous-parcelles de chacun des éléments. Une
sous-parcelle avait une dimension de huit mètres de long par quatre rangs simples de large ou deux
rangs doubles. Une bande de 4 mètre sans fertilisant (T0), au milieu du dispositif, permettait de
s'assurer que le producteur ne fertilisait pas le site d'essais. Les traitements phytosanitaires étaient
28
appliqués de façon conventionnelle par les producteurs aux moments opportuns. Voici un exemple du
dispositif retenu.
333 T9
334 T10
335 T12
336 TU
329 T8
330 T5
331 T7
332 T6
325 T2
326 T3
327 T4
328 Tl
TO TO T0 T0 221 T6
222 T7
223 T9
224 T8
217 T4
218 T2
219 Tl
220 T3
213 TU
214 T9
215 T10
216 T12
109 T5
110 T8
111 T6
112 T7
105 T10
106 T12
107 TU
108 T9
101 Tl
102 T3
103 T2
104 T4
N
N
K
Traitement Dose (kg/ha) N P2O5 K20
TO 0 0 0 Essai N
Tl 80 70 120 T2 130 70 120 T3 160 70 120 T4 190 70 120
Essai P T5 145 0 120 T6 145 35 120 T7 145 70 120 T8 145 140 120
Essai K T9 145 70 0 T10 145 70 60 TU 145 70 120 T12 145 70 240
N
Figure 10 : .Exemple du dispositif retenu et de doses testées pour un site d'essai en azote, phosphore et potassium.
29
5.4 Traitements de fertilisation
Les traitements retenus pour les essais de fertilisation de 1995 à 2008 ont varié d'une année à
l'autre, autant aux niveaux des doses, des types d'engrais que du nombre de fractionnements. Dans
tous les cas, les traitements à l'intérieur d'un site ont été à doses croissantes. Le nitrate d'ammonium
calcique (27,5-0-0) a été retenu pour tous les essais azotés. L'hyper P, le phosphate mono-ammoniacal
(11-52-0), le phosphate di-ammoniacal (18-46-0) et des engrais organo-minéraux ont été utilisés dans
les essais de phosphore. Finalement, le chlorure de potassium (0-0-60) et le Sul-po-mag (0-0-22-11)
ont été utilisés dans les essais de potassium. Afin d'alléger le texte, les essais réalisés en 2003, 2004 et
pour une partie 2005 seront nommés "CORPAQ". Les autres essais seront nommés "PSIH".
D'autres résultats d'essais de fertilisation ont été ajoutés à la base de données pour
l'élaboration du nouveau modèle de réponse. Ceux-ci proviennent de diverses sources à travers le
Québec et ne visaient pas nécessairement à la détermination de doses optimales à un endroit donné.
Ces essais avaient parfois pour but la comparaison de nouvelles formulations de fertilisants ou
l'évaluation de différentes doses d'engrais'sur l'incidence de certaines maladies et autres ravageurs.
Étant donné la grande variabilité des doses et/ou types d'engrais mis à l'essai dans le cadre de ces
études, le chapitre 5.4 traitant des traitements de fertilisation ne détaillera que des essais PSIH et
CORPAQ.
5.4.1 Essais azotés
Pour la culture du brocoli et du chou-fleur, les doses retenues lors du projet CORPAQ
variaient de 0 kg N/ha à 240 N/ha, avec des intervalles de 50, 70 ou 80 kg N/ha. Pour les essais PSIH,
les doses progressaient comme suit: 80-130-160-190 kg N/ha (tableau 5), mais en absence d'un
témoin azoté (dose 0 kg N/ha). Des essais avec fractionnement de l'azote ont été inclus dans tous les
essais CORPAQ.
Tableau 5 : Traitements et fractionnements azotés pour le brocoli et le chou-fleur (Projet PSIH).
Période d'application Dose (kg/ha)
Période d'application Tl T2 T3 T4
Volée avant la transplantation 80 80 SO 80
2 semaines après la transplantation 0 50 50 50
4-5 semaines après la transplantation 0 0 30 60
Total 80 130 160 190
30
Pour la culture du chou, les doses retenues pour le projet CORPAQ allaient de 0 à 240 kg
N/ha, avec des intervalles de 50 ou 80 kg N/ha. Par contre, pour les essais PSIH, les doses dépendaient
de la destination du chou sur le marché. Pour le chou destiné au marché frais, les doses progressaient
comme suit: 80-130-180-230 kg N/ha (tableau 6). Pour le chou destiné au marché de la
transformation, les doses étaient de 130-180-230-280 kg N/ha (tableau 7). Des essais avec
fractionnement de l'azote ont été inclus dans les traitements en 2004 et une partie des sites de 2005.
Aucun fractionnement n'a été réalisé en 2003.
Tableau 6 : Traitements et fractionnements azotés pour le chou d'hiver pour le marché frais en 2005 et 2006.
Période d'application Dose (kg N/ha)
Période d'application Tl T2 T3 T4
Volée avant la transplantation 80 80 80 80
2 semaines après la transplantation 0 25 50 75
4-5 semaines après la transplantation 0 25 50 75
Total 80 130 180 230
Tableau 7 : Traitements et fractionnements azotés pour le chou d'hiver pour le marché de transformation en 2005 et 2006.
Période d'application Dose (kg N/ha)
Période d'application Tl T2 T3 T4
Volée avant la transplantation 80 80 80 80
2 semaines après la transplantation 0 50 75 100
4-5 semaines après la transplantation 0 50 75 100
Total 80 180 230 280
Pour le projet CORPAQ, les doses de phosphore et de potassium appliquées lors des essais
azotés ont varié respectivement de 150 à 220 kg P2Os/ha et maintenues à 160 kg K20/ha, et ce, pour
toutes les cultures. Pour ce qui est du projet PSIH, les doses de phosphore et de potassium appliquées
dans les essais azotés ont été déterminées à partir de leur teneur dans le sol. Pour une teneur du sol en
PM.in inférieure à 200 kg P/ha, la dose était de 160 kg P205/ha, comparativement à une dose de 70 kg
P20./ha pour une teneur du sol supérieure à 200 kg PM.ni /ha. Pour le potassium, les sites ayant une
concentration inférieure à 400 kg PM-ni /ha, la dose indiquée était de 120 kg K20/ha, comparativement
à 60 kg K20/ha pour des concentrations supérieures.
31
5.4.2 Essais phosphatés
Les doses que l'on retrouve dans les essais phosphatés sont beaucoup plus homogènes que
celles indiquées dans les essais azotés. Hormis 2003, les doses sont similaires pour les trois cultures à
l'essai. En 2003, les doses prescrites étaient de 0-75-150-225-300 kg P205/ha pour la culture du
brocoli, de 0-30-60-90 kg P205/ha pour la culture du chou et de 0-50-100-150-200 kg P205/ha pour la
culture du chou-fleur. En 2004 et pour une partie de 2005, les doses évoluaient ainsi pour les trois
cultures: 0-25-50-100-150 kg P205/ha. Pour les essais PSIH, les doses étaient prescrites en fonction de
la teneur initiale du sol en kg Py.m/ha (tableau 8).
Tableau 8 : Traitements phosphatés pour les cultures du brocoli, chou-fleur et chou d'hiver pour le marché frais et de transformation.
Élément Teneur du sol
(kg/ha)
Dose (kg P2Os/ha) Élément
Teneur du sol
(kg/ha) Tl T2 T3 T4
Phosphore < 200 kg PM.,„/ha 0 80 160 240
Phosphore > 200 kg Pw-m/ha 0 35 70 140
Pour toutes les cultures, les doses recommandées en azote lors des essais phosphatés ont été de
135 kg N/ha (85 + 50) en 2003 et de 200 kg N/ha (80 + 60 + 60) en 2004 et 2005 en partie. Pour les
essais PSIH, les doses azotées retenues sont les doses intermédiaires totales entre les doses T2 et T3
des tableaux 5, 6 et 7 présentés ci-haut, dépendamment de la culture à l'essai.
Les doses recommandées en potassium pour les essais phosphatés ont été de 160 kg K20/ha
pour toutes les cultures du projet CORPAQ, sauf pour un site de brocoli en 2004 où la dose retenue a
été de 136 kg K20/ha. La dose potassique retenue pour le projet PSIH est la dose du traitement 3 (T3)
du tableau 9.
5.4.3 Essais potassiques
Les essais potassiques ont débuté en 2005 et se sont poursuivis jusqu'en 2008. Les différents
traitements sont présentés au tableau 9. A l'instar du phosphore, les doses en potassium étaient
prescrites en fonction de la teneur initiale du sol en cet élément, soit en kg KM-III /ha. Les doses azotées
retenues pour les essais en potassium sont les doses intermédiaires totales entre T2 et T3 des tableaux
5, 6 et 7. selon la culture à l'essai. Dans le cas du phosphore, la dose retenue pour chaque site est le
traitement 3 (T3) du tableau 7. À noter qu'il y a eu des essais potassiques en 2009, mais il a été
impossible d'incorporer les résultats à ce mémoire en raison de l'arrivée tardive des données.
32
Tableau 9 : Traitement potassique pour les cultures du brocoli, chou-fleur et chou d'hiver pour le marché frais et de transformation.
Élément Teneur du sol
(kg/ha)
Dose (kg/ha) Élément
Teneur du sol
(kg/ha) Tl T2 T3 T4
Potassium < 400 kg Kw-in/ha 0 60 120 240
Potassium > 400 kg KM.,„/ha 0 30 60 120
5.5 Données recueillies
5.5.1 Échantillonnage de sol
Des échantillons de sol ont été prélevés par bloc lors de l'implantation des essais au printemps
et par parcelle à la récolte (tableau 10 et 11). Les échantillons, prélevés à une profondeur de 0-20 cm,
ont servi à l'extraction des éléments du sol par la solution Mehlich III (Mehlich, 1984) et ont été dosés
par spectroscopie d'émission au plasma (SEP), à l'analyse de la matière organique (CNS-LECO
2000), à la détermination du pH (eau), ainsi qu'à l'analyse granulométrique (Sheldrick et Wang,
1993). Dans les essais azotés, les nitrates du sol aux profondeurs 0-30 cm et 30-60 cm ont aussi été
extraits au CaCI? (0,01 M) et dosés au Dionex 4000i (Dionex Corporation, Sunnyvale, Ca).
Tableau 10: Moyenne (M) et écart-type (S) des essais de différentes variables du sol pour les cultures du brocoli, chou et chou-fleur.
Brocoli ( Zhou Chou-fleur Variable M S M S M S
Sable (%) 38,9 19,2 49,6 19,9 44,8 18,1 Argile (%) 27,7 15,2 21,8 11,3 22,1 12,1 pH eau 7,0 0,6 7,0 0,7 7,0 0,6 P (mg/kg) 71,9 72,1 143,5 110,1 92,9 71,5 Al (mg/kg) 908,3 255,0 920,7 287,9 947,7 250,3 P/AI (%) 8,4 8,6 19,6 19,4 10,9 8,8 K (mg/kg) 125,8 47,2 160,9 81,4 145,0 79,0 Ca (mg/kg) 2910,0 1317,0 2308,3 1104,3 2751,9 1142,0 Mg (mg/kg) 271,2 158,0 252,9 152,5 263,7 182,3 Fe (mg/kg) 205,2 53,5 248,9 94,4 243,2 89,1 Mn (mg/kg) 59,5 48,9 64,2 52,3 50,7 42,0 Cu (mg/kg) 2,6 1,2 3,2 2,1 2,6 1,4 Zn (mg/kg) 2,3 1,0 4,0 2,6 2,8 1,2
33
Tableau 11: Moyenne (M) et écart-type (S) des essais des analyses de C-N-S et des nitrates pour les cultures du brocoli, chou et chou-fleur.
Carbone (%) Soufre (%) Azote (%) N-N03 (mg/kg) Culture M S M S M S M S
Brocoli 1,86 0,55 0,05 0,03 0,16 0,06 78,18 24,23 Chou 1,82 0,57 0,05 0,03 0,19 0,11 66,54 35,65 Chou-fleur 2,26 0,84 0,05 0,03 0,18 0,08 80,46 45,43
5.5.2 Récolte
Une évaluation manuelle du rendement a été effectuée sur six mètres de longueur dans les
deux rangs du centre. Pour déterminer les rendements vendables, les plants ont été comptés et pesés
par catégorie selon les critères du marché. À titre comparatif, trois endroits à proximité des sites ont
été échantillonnés dans le champ du producteur.
5.5.3 Échantillonnage de biomasse de récolte
Afin d'évaluer les prélèvements par la partie exportée hors du champ, un échantillonnage a
également été effectué à la récolte. Cinq têtes représentatives de brocolis, choux-fleurs et pommes de
choux ont été conservées par sous-parcelle lors de la récolte. Les échantillons ont été regroupés par
traitement et coupés en petits morceaux. Environ 500 grammes ont été conservés par traitement. Les
échantillons ont été pesés humides, séchés à l'étuve à 45°C et repesés à nouveau. Le calcul de la
matière sèche est présenté à l'équation 1 suivante :
Matière sèche (%) = (Poids sec ■*■ Poids humide) * 100 (1)
Les échantillons ont été broyés à 2 mm à l'aide d'un moulin Wiley. Le carbone, l'azote et le
soufre total ont été déterminés par CNS (LECO-2000). Le phosphore, potassium, calcium et
magnésium ont été digérés dans un mélange d'acides nitrique et perchlorique (Barnhisel et Bertsch,
1982) et dosés par SEP. Les prélèvements ont été calculés comme suit (équation 2):
Prélèvement = élément (%) X ( t hum \
e c ) x i o o o o o o ^ x i o o o ^ x kg mg poids hum/ kg
(2)
34
5.6 Étapes de réalisation du modèle de réponse
Les étapes de réalisation du modèle de réponse sont basées en partie sur le modèle ayant servi
à l'élaboration de la nouvelle grille de fertilisation en phosphore pour la culture de la pomme de terre,
telle que revue par Samson et collaborateurs (2008).
5.6.1 Détermination ou validation de l'indice de fertilité
La première étape vise à la détermination ou à la validation d'un indice de fertilité pour
chacun des éléments azote, phosphore et potassium. Il n'existe présentement aucun indice de fertilité
azoté dans le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003). Dans le cas du phosphore et du
potassium, les indices actuellement utilisés dans la grille des crucifères sont le PM-ni (kg/ha) et le KM.m
(kg/ha). La nouvelle grille de phosphore devrait être élaborée selon le rapport P/AlM.m, celui-ci s'étant
montré le plus apte à évaluer la capacité du sol à retenir le phosphore et à évaluer les risques
agronomiques (Giroux et Tran, 1996; Khiari et al., 2000; Pellerin et al., 2006a; Pellerin et al.,
2006b). Il faudra valider cet indice pour les crucifères. Pour le potassium, cette étape visera à valider
l'indice KM.w (kg/ha).
5.6.2 Classes de fertilité et probabilité de réponse
La seconde étape vise à délimiter des intervalles qui discrimineront chacune des classes de
fertilité. La détermination de seuils agronomiques et environnementaux est nécessaire à la constitution
des classes pour la grille en phosphore. Les seuils agronomiques, établis par graphique selon la
méthode de partition de Cate-Nelson (Cate et Nelson, 1965), permettent l'expression d'une valeur
critique (basée sur l'indice de fertilité retenue pour chacun des éléments azote, phosphore et
potassium) au-delà de laquelle les rendements relatifs (équation 3) se stabilisent au environ de 80 %.
Le rendement relatif indique la capacité du site à répondre à l'ajout d'engrais. Ainsi, un site ayant
répondu significativement à un ajout d'engrais présentera un rendement relatif inférieur à 100 %. Au
contraire, s'il est supérieur à 100 %, cela indiquera que l'ajout d'engrais tend à diminuer le rendement.
Rendement relatif (%) = 100 X d é m e n t du umoin _ Rendement maximal avec engrais
:y
Le seuil environnemental est un seuil critique, au-delà duquel un sol enrichi en phosphore fait
augmenter les risques de dissipation de ce dernier vers les cours d'eau (Breeuwsma et Silva, 1992). Ce
seuil correspond à un taux de saturation de 7,6 % (P/AIM.ni) pour des sols lourds et de 13,1 % (P/AIM.
m) pour des sols légers du Québec (Pellerin et al., 2006a).
L'étape suivante consiste à calculer la probabilité (aussi appelée test de puissance) que le
rendement optimal du site soit atteint par l'ajout d'engrais. En d'autres termes, il indique s'il est
nécessaire ou non de fertiliser un site pour chacune des classes retenues. Un test de puissance
(équivalent à I - l'erreur de type II) inférieur à 80 % indique qu'il n'est pas nécessaire de fertiliser un
site afin d'atteindre un rendement optimal (Hair et al., 1995). Le test de puissance a été calculé selon la
méthode présentée par Samson et collaborateurs (2008) dans le document «Fertilisation en phosphore
de la pomme de terre : recommandation».
5.6.3 Réponse à l'application de N-P-K : optimisation de la dose d'engrais
La troisième étape consiste à déterminer la dose optimale d'azote, de phosphore et de
potassium à chacun des sites. On y parvient en créant des courbes de régression mettant en relation les
doses appliquées en fonction des rendements vendables obtenus. La courbe de réponse peut se
présenter sous quatre formes :
S Aucune réponse : les points sont dispersés sur le graphique et aucune tendance n'est visible.
La dose retenue est de 0 kg/ha.
S Réponse linéaire : les points sont alignés et la pente est positive. La dose maximale évaluée
est retenue comme dose optimale.
S Réponse linéaire plateau : les rendements augmentent linéairement jusqu'à une certaine dose
et se stabilisent par la suite. La dose retenue se situe à l'intersection des deux droites.
c V E c OJ c_
Courbe de réponse
Dose(Kg/ha)
S Réponse quadratique : les rendements augmentent, atteignent un sommet et décroissent à des
doses élevées. La dose retenue dépend du rapport entre le coût unitaire des engrais ($ des
engrais/kg) et le prix d'une tonne de pommes ou de têtes ($/t). Pour chaque culture, une dose
optimale économique sera déterminée pour l'azote, le phosphore et le potassium
individuellement.
5.6.3.1 Optimisation de la dose d 'engrais : réponse quadra t ique
Dans le cas d'une réponse quadratique à l'étape de l'optimisation de la dose d'engrais, la dose
retenue dépend du rapport entre le coût unitaire des engrais ($ de N, P et K /kg) et le prix d'une tonne
de pommes ou de têtes ($/t). Selon le cas, pour chaque culture à l'étude, une dose optimale
économique a été déterminée pour l'azote, le phosphore et le potassium. Afin d'obtenir des ratios les
plus réalistes possibles, des appels ont été faits à des agronomes, à des producteurs, à la Financière
Agricole du Québec et au Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec.
Des références du Centre de Référence en Agriculture et Agroalimentaire du Québec ont également
été consultées. Les ratios utilisés sont présentés au tableau 12. Une description plus poussée de la
démarche est exposée à l'annexe I. Le brocoli est la culture présentant le ratio le plus faible, indiquant
qu'il est avantageux économiquement de faire un apport d'engrais pour augmenter les rendements.
Tableau 12 : Rapport entre le coût unitaire de l'engrais ($ N, P, K /kg) et le prix d'une tonne de têtes ou pommes de brocolis, choux et choux-fleurs ($/t).
Élément Culture
Brocoli Chou Chou-fleur
N
P
K
0,00046
0,00058
0,00051
0,00199
0,00248
0,00217
0,00091
0,00113
0,001
5.6.4 Modèle de réponse
À chacune des classes de fertilité déterminées lors de la deuxième étape, une dose d'engrais
commune doit être proposée afin de rencontrer les exigences de tous les types de sols inclus dans
l'intervalle. Pour le phosphore, dans l'hypothèse que le rapport P/AI M.m est retenue, la dose de
phosphore (kg P2Os/ha) proposée pour chaque classe est obtenue en calculant une espérance
conditionnelle des doses retenues de tous les sites dont les valeurs de P/AI M.w entrent dans
l'intervalle. Pour le potassium, dans l'hypothèse où l'indice KM-m (kg/ha) est maintenue, c'est
l'espérance conditionnelle) des doses retenues vis-à-vis les valeurs de KN,.m qui est utilisée pour
déterminer les recommandations en potassium (kg /ha). Le même principe général sera appliqué pour
l'azote, à la différence que la ou les variables à la base de l'indice de fertilité azoté restent à être
déterminées. En absence d'une relation claire entre une variable et les rendements relatifs, une dose
azotée sera proposée sans lien direct avec un indice de fertilité du sol. comme c'est présentement le
cas dans la grille de recommandations des crucifères.
38
5.7 Statistiques
Les données ont été compilées dans le logiciel Microsoft Office Excel 2007 (©2009 Microsoft
Corporation) et traitées à l'aide du logiciel SAS version 9.1.3 (SAS Institute Inc., 2008). Les analyses
statistiques ont porté sur les rendements vendables, les fractionnements azotés et les prélèvements en
azote, phosphore, et potassium de la partie récoltée.
Les effets linéaires et quadratiques des apports d'engrais azotés, phosphatés et potassiques, par
l'utilisation de contrastes polynomiaux à posteriori, ont permis de déterminer le degré de signification
des doses testées au niveau a = 0,05. L'effet du nombre de fractionnements sur les rendements a été
vérifié par l'utilisation de contrastes simples (1 vs 2, 1 vs 3 et 2 vs 3).
39
6 Résultats
6.1 Prélèvements des éléments nutritifs
L'étude des résultats de la matière sèche révèle une grande disparité entre ceux-ci. En effet, la
teneur en matière sèche des échantillons varie du simple au quintuple. En illustrant graphiquement la
teneur en matière sèche et le poids humide des échantillons, on constate une relation inverse (figure
11). Plus faible est la quantité de l'échantillon prélevé à la récolte, plus élevée sera la quantité de la
matière sèche. Cette situation a pour conséquence de surestimer les quantités d'éléments nutritifs
prélevés par les crucifères. Afin d'éviter une trop grande surestimation des prélèvements, les
échantillons contenant moins de 100 grammes de matières humides ont été omis lors de l'analyse des
données.
__>
40
35
30
25 OJ
u 20
._ 15 fD
2 10
y = 0,0001x2-0,lx +30,582 R2 = 0,7882
100 200 300 400
Poids humide (g)
500 600 700
Figure H : Relation entre la matière sèche (%) et le poids humide (g).
L'analyse de la variance (ANOVA), réalisée à l'aide du logiciel SAS version 9.1.3 (SAS
Institute Inc., 2008), ne révèle aucune différence significative au niveau des prélèvements en azote,
phosphore et potassium en fonction des doses testées (tableau 13). Ainsi, la fertilisation n'induit pas
une augmentation des prélèvements de la partie récoltée (kg de N, P?0? ou K20/t humide).
40
Tableau 13: Analyse de la variance des prélèvements de la partie exportée en lien avec la fertilisation en azote, phosphore et potassium des cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Élément Contraste Brocoli Chou Chou-fleur Valeur de f Valeur de f Valeur de f
Dose 0 vs fertilisé 0,99 ns 1,14 ns 1,03 ns
N N Linéaire 2,63 ns 0,15 ns 1,08 ns
N Quadratique 0,00 ns 1,49 ns 0,07 ns
Dose 0 vs fertilisé 1,38 ns 0,75 ns 0,11 ns
P P Linéaire 2,25 ns 3,61 t 1,09 ns
P Quadratique 0,16 ns 0,49 ns 0,06 ns
Dose 0 vs fertilisé 2,82 ns 0,22 ns 0,34 ns
K K Linéaire 0,96 ns 0,00 ns 0,06 ns
K Quadratique 2,44 ns 0,71 ns 0,12 ns Significatif à *** : 0.001, ** : 0.01, * : 0.05, t : 0.1, ns : non significatif
Afin de calculer les prélèvements en azote, phosphore, potassium, calcium et magnésium des
cultures de brocolis, choux et choux-fleurs, tous les résultats d'une culture donnée ont été convertis sur
une même base de siccité (100 % M.S.) et reconvertis sur une base humide, tel que mentionné dans le
Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003). Etant donné l'absence de différences
significatives entre les prélèvements en fonction de la fertilisation, les résultats exprimés dans le
tableau 14 sont une moyenne de tous les traitements évalués au champ.
Tableau 14: Humidité et prélèvements moyens en N, P-f)$, K20, Ca et Mg des cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur cultivés en sols minéraux au Québec.
Culture Humidité (%)
N kg/t Écart hum type
P205
kg/t Écart hum type
K20 kg/t Écart hum type
Ca kg/t Écart hum type
Mg kg/t Écart hum type
Brocoli 89 5,73 1,99 1,65 0,67 4,51 1,45 0,50 0,29 0,28 0,15 Chou 90 2,60 0,70 0,78 0,21 3,01 0,63 0,58 0,17 0,18 0,04 Chou-fleur 90 4,12 1,52 1,32 0,70 5,63 2,43 0,61 0,39 0,29 0,11
La teneur en humidité est sensiblement la même pour les trois cultures. Le brocoli est la
culture qui prélève le plus d'azote et de phosphore (kg N ou P/t humide). Dans le cas du potassium,
c'est le chou-fleur qui en prélève le plus. Les prélèvements en potassium (kg K/t humide) sont
supérieurs à ceux de l'azote pour les cultures de chou et de chou-fleur.
41
6.2 Azote
6.2.1 Réponse à l'azote
Dans le cadre des essais, les rendements vendables ont varié de 1,0 à 24,1 t/ha pour le brocoli,
de 6,8 à 108,1 t/ha pour le chou et de 2,7 à 58,5 t/ha pour le chou-fleur (tableau 15). Toutes doses
confondues, les rendements vendables moyens pour le brocoli, le chou et le chou-fleur ont été
respectivement de 12, 55 et 28 t/ha.
Le tableau 16 présente les types de réponses obtenues pour tous les essais (nombre et
proportion) par culture. Les doses optimales pour les différents sites variaient de 0 à 240 kg N/ha pour
le brocoli et le chou-fleur, et de 137 à 349 kg N/ha pour le chou. Ceci indique que le chou est un grand
consommateur d'azote. Un élément important qui en ressort est que 38 % des sites ont répondu de
manière linéaire. Cette situation est quelque peu contraignante, car il est impossible de connaître le
type de réponse potentielle à des doses supérieures. II est donc probable que la dose optimale sur de
tels sites soit supérieure à la dernière dose évaluée sur le terrain. À cause de la forte proportion de
réponses linéaires obtenues dans le cadre de ces essais, une solution sera proposée afin de pallier à
cette contrainte et ainsi permettre de majorer la dose optimale dans la nouvelle grille azotée. À
l'avenir, dans le cadre d'essais de fertilisation dans ces cultures, il serait donc nécessaire que la
dernière dose évaluée soit supérieure à 240 kg N/ha pour le brocoli et le chou-fleur, et atteigne 350 kg
N/ha pour le chou.
Tableau 15 : Rendement vendable moyen, minimum, maximum et écart-type des essais azotés réalisés de 2003 à 2006 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Statistique descriptive Culture Brocoli Chou Chou-fleur (t/ha) (t/ha) (t/ha)
Rendement moyen 12,0 54,6 28,0 Ecart-type 5,3 26,6 13,0
Rendement minimum 1,0 6,8 2,7 Rendement maximum 24,1 108,1 58,5
42
Tableau 16 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais azotés réalisés de 1995 à 2006 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Type de Brocoli Chou Chou-fleur réponse Sites Proportion Sites Proportion Sites Proportion
(#) (96) M (%) (#) (96)
Aucune réponse 4 14,3 0 0,0 3 12,5 Linéaire plateau 9 32,1 11 36,7 11 45,8
Linéaire 11 39,3 12 40,0 8 33,3 Quadratique 4 14,3 7 23,3 2 8,3
Total 28 100,0 30 100,0 24 100,0
kg N/ha kg N/ha kg N/ha Minimum 0 137 0 Maximum 240 349 240 Médiane 160 230 160 Moyenne 166 219 147 Écart-type 62 55 72
La figure 12 expose les doses optimales déterminées par site et classées par culture. La ligne
représente la recommandation actuelle en azote du Guide de référence en fertilisation (CRAAQ,
2003), soit 135 kg N/ha. 63 des 82 sites étudiés ont des besoins azotés supérieurs à 135 kg N/ha (73 %
des cas). Les doses optimales des sites de choux se situent toutes au dessus de la recommandation
actuelle. Cette figure démontre la nécessité de majorer la recommandation azotée chez les crucifères
cultivées en sols minéraux au Québec.
43
M -__ J__ ro E Q. O Ol u , O O
400
350
300
250
200
150
100
50
0
O
oD
D crn n n mn\9n fMÂr. L : J :
O Brocoli
OChou
Choufleur
0 ° ° ô □ D
D DD
u .A
. j ;
o—^—B"
O <30O __1
A â& ,
#•
10 20 30 40 50 Site (#)
60 70 80
Figure 12 : Doses optimales par site et par culture, la ligne rouge représentant la recommandation actuelle du Guide de fertilisation du CRAAQ (2003).
6.2.2 Modèle de réponse
Toutes les tentatives d'associer la fertilisation azotée à un indicateur du sol n'ont pas permis
d'élaborer un modèle azoté robuste. Malgré tout, des tendances intéressantes sont observées.
6.2.2.1 Teneur du sol en argi le (%)
La figure 13 met en relation les rendements relatifs et le contenu en argile (%) des sites par
culture. Il est possible de partitionner les sites en deux catégories, c'est-à-dire les sites ayant un
pourcentage d'agile inférieur à 30 % et ceux ayant un pourcentage d'argile supérieur à 30 %. Les sites
situés dans la première catégorie ont un rendement relatif supérieur à 50 % contrairement à un
rendement relatif inférieur 50 % pour les sites de la deuxième catégorie. Ainsi, les sols ayant un
contenu en argile supérieur à 30 % nécessitent une fertilisation azotée plus élevée que les sols ayant un
plus faible contenu en argile.
44
1 .___
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
A 120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
A 120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
B b
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
.: a Brocoli
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
° a □ A D Chou
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
A D Chou
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
m A * A ft A Choufleur
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
120
100
^ " \*z 80 * J m m ~ 60 c m a» 4 0 C ai
86 20
O
I ) 10 20 30 Argile (%)
40 50 60
Figure 13 : Relation entre les rendements relatifs et le contenu en argile (%) des sites par culture.
Un faible rendement relatif indique que les plantes réagissent fortement à un ajout d'engrais
azoté dans le sol. Dans le cas présent, la majorité des sites présentant un faible rendement relatif
montrent un contenu en argile supérieur à 30 %. Ainsi donc, les sols argileux répondent davantage à
une fertilisation azotée que les sols sableux. D'autre part, peu de relations sont observées entre le taux
d'argile et d'autres variables du sol telles que le N total, les nitrates, et le taux de matière organique
(R2 respectivement de 0,07, 0,008 et 0,19). La relation argile-matière organique démontre que les sols
lourds sont légèrement mieux pourvus en matière organique que les sols légers.
Voici à quoi ressembleraient les besoins en azote dans le cas où la teneur en argile du sol serait
la variable à la base de la grille de fertilisation azotée, en classant tous les sites par culture et en
partitionnant la teneur en argile en deux classes (plus petit et plus grand que 30 % d'argile), et en
choisissant finalement la dose optimale équivalent à une espérance conditionnelle de 50 % (ou
médiane) (tableau 17). Dans toutes les cultures, les besoins en azote seraient supérieurs de près de 30
kg N/ha dans les sols présentant une teneur en argile de 30 % et plus. Les besoins se situeraient entre
130 et 160 kg N/ha pour le chou-fleur, entre 160 et 190 kg N/ha pour le brocoli et entre 183 et 210 kg
N/ha pour le chou.
45
Tableau 17 : Besoins en azote par culture selon deux classes de teneur en argile (%) dans le sol, basée sur une espérance conditionnelle de 50 %.
Teneur en argile Culture Brocoli Chou Choufleur
(kg N/ha) (kg N/ha) (kg N/ha)
<30 96 >30 96
160 190
183 210
130 160
6.2.2.2 Teneur du sol en N to ta l (%)
La figure 14 met en relation les rendements relatifs et la teneur du sol en N total (%) des sites
par culture. À une concentration en N total inférieure à 0,20 % dans le sol, 15 sites ont des rendements
relatifs sous la barre de 40 % contrairement à 4 sites pour une concentration en N total supérieure à
0,20 %. Par contre, pour les sites montrant un rendement relatif supérieur à 40 %, les sites se
répartissent uniformément dans les deux catégories. L'avantage d'utiliser le N total (%) comme indice
de fertilisation azotée est qu'il varie très peu dans le temps comparativement aux nitrates (Shahandeh
et al., 2005).
140
120
100
* 80 -. *-' i i 60 J—
*-» c E 40 OJ
■ —
c Or a_ 20
0,00
D
A
D ••; D
O ■ :
Q.
Brocoli
D Chou
Choufleur
0,10 0,20 0,30
N total(%)
0 40 0,50 0,60
Figure 14: Relation entre les rendements relatifs et la concentration en N total (%) des sites par culture.
Voici à quoi ressembleraient les besoins en azote dans le cas où la concentration en N total
(%) du sol serait la variable à la base de l'indice de fertilisation azotée, en classant tous les sites par
culture et en créant deux classes (plus petit et plus grand que 0,20 % de N total), et en choisissant
finalement la dose optimale équivalent à une espérance conditionnelle de 50 % (ou médiane) (tableau
18). Les besoins se situeraient entre 137 et 194 kg N/ha pour le brocoli, entre 180 et 190 kg N/ha pour
le chou et entre 143 et 160 kg N/ha pour le chou-fleur. Pour cette dernière culture, les
recommandations ne suivent pas la logique, soit qu'un sol pauvre en azote (% de N total) devrait
nécessiter un apport accru en cet élément nutritif. On remarque plutôt l'inverse.
Tableau 18 : Besoins en azote par culture selon deux classes de teneur en N total (%) dans le sol, basée sur une espérance conditionnelle de 50 %.
Teneur en N to ta l
(%) Culture Brocoli Chou Chou-fleur
(kg N/ha) (kg N/ha) (kg N/ha)
<0,20 >0,20
194 137
190 180
143 160
Cette situation pourrait s'expliquer par la texture des sites. En effet, hormis deux sites, tous les
essais de choux-fleurs ont eu lieu dans des sols contenant plus de 30 % d'argile. En éliminant ces deux
sites, les besoins en azote seraient similaires pour les deux classes (environ 160 kg N/ha). Selon
certaines études, la quantité d'azote minéralisée serait réduite dans les sols argileux (Adu et Oades,
1978 ; Côté et al., 2000). En partant de ce principe, on peut donc supposer que même s'il y a une
différence au niveau de la teneur en azote (N total) dans le sol, la partie organique n'est peu ou pas
minéralisée et n'est par conséquent que très peu disponible aux plantes. De plus, l'accès de
l'ammonium aux plantes et aux micro-organismes peut être limité en se fixant entre les feuillets de
l'argile (Gustafson, 1983 ; Tremblay et al., 2001). Cela se reflète au niveau de la détermination des
doses optimales pour chaque site, et par le fait même sur la médiane des deux classes qui sont
identiques. Par contre, le fait qu'il y ait une grande variation des doses optimales à l'intérieur des deux
classes laisse présager qu'à texture égale, d'autres variables externes influencent la fertilisation.
47
6.2.3 Modèle suggéré
Bien que les modèles basés sur la teneur du sol en argile et en azote (N total) soient
intéressants, ils sont peu robustes et défendables étant donné le nombre limité de sites inclus dans le
modèle. D'autres essais devront y être ajoutés pour confirmer ou infirmer le potentiel de l'argile et du
N total pour instaurer un nouvel indice de fertilisation azotée. Selon Shahandeh et collaborateurs
(2005), la dose d'azote recommandée dans la culture du maïs ne devrait pas être basée sur une variable
unique du sol. Ils suggèrent que la teneur en argile et en N-NO:, pourraient être utilisées pour estimer
les besoins azotés, bien qu'il n'y ait eu aucune corrélation entre la nécessité de fertiliser et le contenu
des sols en nitrates dans le cadre de nos essais. La complexité du problème semble encore plus grande
car Lark (1998) a observé une interaction significative d'une saison de croissance à l'autre, démontrant
ainsi qu'il peut être délicat de suggérer une recommandation identique à tous les ans. Il a constaté que
des rendements plus élevés peuvent être constatés lors d'un été relativement pluvieux dans un sable
alors que les rendements seront limités dans un même type de sols dans des conditions plus sèches.
L'adoption d'un outil de diagnostic azoté lors du fractionnement pourrait s'avérer un moyen de pallier
aux facteurs externes imprévisibles comme une abondance de pluie au cours de la saison de
croissance.
Un second argument visant à repousser l'adoption de ces modèles azotés est la nécessité de
construire toutes les nouvelles grilles de référence en fertilisation à venir selon une forme plus ou
moins similaire, question de ne pas tomber dans un imbroglio de divers scénarios de modèles de
fertilisation. Dans un premier temps, il a été convenu de proposer une recommandation azotée non
reliée à une variable du sol. Cette recommandation se présentera sous forme d'une étendue ou
intervalle à l'intérieur de laquelle les conseillers et agronomes pourront proposer une dose relative aux
conditions locales et à la régie de culture propre à chacun des producteurs.
6.2.4 Méthodologie de la sélection des doses d'azote
Comme mentionné précédemment, la forte proportion de réponses linéaires obtenues dans le
cadre de ces essais pose problème. Etant donné qu'il est impossible de connaître le type de réponse
potentielle à des doses supérieures, il est fort probable qu'on sous-estime les besoins azotés des
crucifères. Une solution pour pallier à ce problème est d'élaborer des modèles sous différentes
hypothèses d'espérances conditionnelles pour chaque culture.
4X
On peut définir une espérance conditionnelle comme étant une probabilité de réponse à l'ajout
d'engrais. Une espérance conditionnelle à 50 % signifie que la dose retenue couvrira les besoins azotés
d'approximativement la moitié des sites. La grille de fertilisation en phosphore pour la pomme de terre
a d'ailleurs été construite sous cette espérance, considérant que cette valeur favorise des pratiques
culturales bénéfiques (Samson et al., 2008). Afin de majorer les doses d'azote pour pallier à la forte
proportion de réponses linéaires, des hypothèses d'espérances conditionnelles allant jusqu'à 80 % ont
été évaluées. À l'opposé, la plus faible espérance conditionnelle testée est 40 %, cette valeur sous-
estimant légèrement les besoins réels des plantes (les doses sont inférieures aux prélèvements). Cet
intervalle 40-80 % répond également à une autre problématique, inhérente à la particularité du marché
de distribution visé par les producteurs. Les besoins azotés des cultures vendues pour le marché de
petits calibres sont différents de celles destinées pour un plus gros calibre. La limitation du nombre de
sites ne permet malheureusement pas l'élaboration de deux modèles d'hypothèses d'espérances
conditionnelles selon le marché cible. Cette information peut tout de même consolider les
recommandations en azote pour ces cultures à posteriori.
Le tableau 19 présente les réponses obtenues à des espérances conditionnelles allant de 40 à
80 %. Ainsi, pour le brocoli, les doses se situent entre 160 et 240 kg N/ha, de 190 à 240 kg N/ha pour
le chou et de 130 à 216 kg N/ha pour le chou-fleur. Suite à une rencontre avec le Comité ad hoc
fertilisation productions maraîchères, chargé de proposer à la Commission chimie et fertilité des sols
du CRAAQ des modifications aux grilles de fertilisation, l'intervalle d'espérances conditionnelles
retenu est de 40 à 70 %, ces doses étant un excellent compromis entre les besoins réels des cultures et
la protection de l'environnement. Le choix final des doses pour ces cultures se situe donc dans cet
intervalle (tableau 20), tout dépendamment de la régie de culture des producteurs (cultivar, densité de
plants, date de semis, semis ou transplantation, précédent cultural, irrigation), des caractéristiques du
sol (texture, structure, matière organique, nitrate, N total), des conditions environnementales
(pluviométrie) mais également du type de marché cible (petit ou gros calibre).
Tableau 19 : Doses azotées correspondant à une espérance conditionnelle de 40, 50, 60, 70 et 80 %pour les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Culture
40% 50%
Espérance condit ionnel le
60% 70% 80%
Dose (kg N/ha) Brocoli 160 160 183 193 240 Chou 190 230 235 240 240 Chou-fleur 130 160 160 184 216
49
Tableau 20 : Comparaison des doses d'azote du CRAAQ (2003) et celles proposées.
Culture Ancienne recommandat ion Dose proposée
Dose CRAAQ Nouvelles doses
kg N/ha kg N/ha
Brocoli
Chou
Chou-fleur
160-195
135 190-240
130-185
Les rendements vendables moyens obtenus dans le cadre des essais, avec les nouvelles doses
proposées, sont présentés au tableau 21. Lorsque l'on compare les rendements obtenus dans le cadre
des essais (nouvelles vs anciennes doses azotées), on remarque une augmentation des rendements
vendables de respectivement 17,0 %, de 14,5 % et de 6,6 % pour le brocoli, le chou et le chou-fleur.
L'augmentation est moindre pour le chou-fleur étant donné que la limite inférieure de l'intervalle des
doses proposées est plus faible que l'ancienne dose recommandée.
Tableau 21 : Comparaison entre les rendements vendables moyens obtenus par les producteurs au Québec et les rendements vendables obtenus dans le cadre des essais de fertilisation avec les anciennes et nouvelles doses dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Culture Brocoli Chou Chou-fleur (t/ha) (t/ha) (t/ha)
Rendement moyen au Québec (1)
Rendement moyen (ancienne dose) Rendement moyen (nouvelles doses)
12,6 11,2 13,1
44,7 54,3 62,2
29,1 28,7 30,6
Source = I : Beaudet. P. et N. Tremblay. (2006). Bilan des elements nutritifs de quelques cultures maraîchères Ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec ainsi que Agriculture et Agroalimentaire Canada.
6.2.5 Fractionnement des doses azotées
Des essais de fractionnement de l'azote ont eu lieu de 2003 à 2005. En 2003, deux essais (un
dans le brocoli et un dans le chou-fleur) testant trois fractionnements de l'azote ont été mis en place.
Dans les deux cas, aucune différence significative n'a été observée entre un, deux et trois
fractionnements. En 2004 et 2005, ce sont des essais à deux et trois fractionnements qui ont été mis en
place : 7 pour le brocoli, 5 pour le chou et 6 pour le chou-fleur. Hormis deux cas, aucune différence
significative n'a été observée dans le fractionnement de l'azote (annexe III). Dans un essai de brocoli
en 2004. une différence significative (a=0,05) a été observée, favorisant un double fractionnement. En
50
2005, par contre, dans un essai de chou visant le marché frais, une pratique à trois fractionnements de
l'azote s'est avérée la meilleure régie (a=0,05). L'analyse de la pluviométrie pour ces deux sites
indique qu'il est tombé approximativement la même quantité d'eau lors de la période de croissance,
soit environ 310 mm. Aucune information n'est disponible sur la régie d'irrigation des deux
producteurs concernés.
Dans le cadre des essais de fertilisation, toutes les doses testées, égales ou supérieures à 160
kg N/ha, ont été fractionnées trois fois. Étant donné que les doses proposées chez les crucifères se
rapprochent toutes de 160 kg N/ha, il serait prudent de conseiller aux intervenants du milieu de
scinder les apports azotés en trois doses afin de réduire les risques environnementaux. Ainsi, tout
comme dans l'édition actuelle du CRAAQ (2003), une dose de 80 kg N/ha serait recommandée à la
plantation, la différence étant apportée à part égale à deux et cinq semaines après le semis. Par
précaution, dans la culture de brocolis irrigués, il est recommandé de limiter la quantité d'azote à
apporter à la cinquième semaine afin de réduire les risques d'apparition de tiges creuses (Fortier et al.,
2007).
6.3 Phosphore
6.3.1 Réponse au phosphore
Pour les essais de phosphore, les rendements vendables ont varié de 6,6 à 23,9 t/ha pour le
brocoli, de 12,2 à 94,5 t/ha pour le chou et de 8,7 à 58,8 t/ha pour le chou-fleur (tableau 22). Toutes
doses confondues, les rendements moyens pour le brocoli, le chou et le chou-fleur ont été de 14,0 t/ha,
54,0 t/ha et 29,9 t/ha respectivement.
Tableau 22 : Rendements vendables moyens, minimum, maximum et écart-type des essais de phosphore réalisés de 2003 à 2007 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur.
Statistique descriptive Culture Brocoli Chou Chou-fleur (t/ha) (t/ha) (t/ha)
Rendement moyen 14,0 54,0 29,9 Ecart-type 4,5 23,9 10,6
Rendement minimum 6,6 12,2 8,7 Rendement maximum 23,9 94,5 58,8
51
Le tableau 23 présente les types de réponses obtenues pour tous les essais de phosphore
(nombre et proportion) par culture. Les doses optimales pour les différents sites variaient de 0 à 195 kg
P205/ha pour le brocoli, de 0 à 240 kg P20 ;/ha pour le chou-fleur, et de 0 à 160 k kg P2Os/ha pour le
chou. Un élément important qui en ressort est que 40,5 % des sites n'ont montré aucune réponse à
l'ajout d'engrais phosphatés. De plus, il y a une forte proportion de réponses quadratiques pour les
cultures de brocoli et de chou-fleur. Cela signifie qu'à fortes doses, l'ajout de phosphore ferait
diminuer le rendement. Finalement, contrairement aux essais azotés, un minimum de sites a répondu
de manière linéaire. Ces observations démontrent que le phosphore n'est pas l'élément nutritif limitant
chez les crucifères.
Tableau 23 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais de phosphore réalisés de 2003 à 2007 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur.
Type de Brocolis Choux Choux-fleurs réponse Sites Proportion Sites Proportion Sites Proportion
(tt) (%) (#) (%) W (%)
Aucune réponse 11 44,0 8 40,0 6 37,5 Linéaire plateau 5 20,0 8 40,0 4 25,0
Linéaire 1 4,0 1 5,0 2 12,5 Quadratique 8 32,0 3 15,0 4 25,0
Total 25 100,0 20 100,0 16 100,0
kg P2Os/ha kg P205/ha kg P205/ha Minimum 0 0 0 Maximum 195 160 240 Médiane 25 38 77 Moyenne 52 47 84 Écart-type 60 52 86
La figure 15 expose la relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint et la dose
optimale de phosphore. On remarque que l'atteinte du rendement maximal est obtenue à une dose de 0
kg P205/ha dans la culture du chou et du brocoli, comparativement à 240 kg P2Os/ha pour le chou-
fleur. On observe dans ce graphique qu'une fertilisation intensive phosphatée ne conduit pas
nécessairement à l'atteinte de rendements maximaux.
52
120
100
« ; 80 4*
H P | 60 D<B
E
s 9 ai 40 E t i
□ _Q_ n
u D
D u
O Brocoli
DChou
Choufleur
□ .O ÉL
O <> ù^ O o
0 Y
0 50 100 150 200 Dose optimale (kg P2Os/ha)
250
Figure 15 : Relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint (t/ha) et la dose optimale (kg P2Oyha).
6.3.2 Modèle de réponse
Plusieurs modèles ont été évalués dans le cadre de ce mémoire. Des modèles basés sur des
indices de sols tels que PM.in (kg/ha), AlM.m (mg/kg), P/AlM-in (%), P/CaM.M| (%) et la teneur en argile
(%). L'idée d'évaluer le rapport P/CaM.ni (%) est intéressante, car dans un sol à pH neutre ou calcaire,
les formes de phosphore liées au calcium sont prédominantes (Tran et Giroux, 1987). Par contre, seul
le modèle basé sur l'indice P/AIM.m (%) sera exposé, car aucun autre ne présentait de véritable
potentiel d'utilisation après une analyse poussée des données.
6.3.2.1 Rapport P/AIMII I (%)
La figure 16 met en relation les rendements relatifs et le rapport P/AIM.|M (%) des sites par
culture. Malheureusement, aucune tendance entre les rendements relatifs et le rapport P/AIM.m (%) ne
ressort de cette figure. Par contre, on remarque que tous les rendements relatifs des sites de chou sont
supérieurs à 80 %, ce qui indique une faible nécessité de fertiliser en phosphore dans cette culture.
Cela pourrait s'expliquer par le fait que les rapports moyens de P/AIM-HI (%) pour les sites de chou est
de 19.6 %, comparativement à 8,4 % pour les brocolis et de 10,9 pour les choux-fleurs. Ainsi, l'apport
supplémentaire d'engrais phosphaté dans la culture du chou ne permet pas d'augmentation
53
substantielle du rendement étant donné la suffisance en phosphore des sols. De plus, l'étude des
prélèvements en phosphore (section 6.1) indique que le chou est un faible consommateur lorsque
comparé au brocoli et au chou-fleur.
120
110
100
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1 60
50
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4> Brocoli
DChou
10 20 30 40
P/AIMU, (%)
50 60
Figure 16 : Relation entre les rendements relatifs (%) et les rapports P/AlM.m (%) des sites par culture.
L'analyse de la figure mettant en relation les doses optimales (kg P205/ha) et les rapports
P/AIM-IN (%) s'avère beaucoup plus intéressante pour la construction du modèle pour l'élément
phosphore (figure 17). Bien que la réponse de quelques sites avec de faibles rapports P/AIM_m (%) soit
de 0 kg P205/ha, on remarque une tendance décroissante des doses optimales lorsque l'indice
augmente. En d'autres mots, une augmentation de l'indice de saturation en phosphore s'accompagne
d'une faible nécessité de fertiliser.
54
250
200
"m JE
q, iso Q. 00 ___ rë 100 E S. o Si 50 ■ o o
0
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A Choufleur
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q, iso Q. 00 ___ rë 100 E S. o Si 50 ■ o o
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50 60
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0
( ) 10 20 30 40
P/AIM,u (%)
f
50 60
Figure 17 : Relation entre les doses optimales (kg P2Oyha) et les rapports P/AlM_m (%) des sites par culture.
6.3.3 Seuils agronomiques et environnementaux
11 est ardu de déterminer des seuils agronomiques pour les trois cultures à l'essai. Comme
mentionné à la section 5.6, les seuils agronomiques permettent l'expression d'une valeur critique au-
delà de laquelle les rendements relatifs se stabilisent au environ de 80 %. Pour la culture du brocoli, le
seuil se situe autour d'un rapport P/AlM-m de 2 %. Au-delà de ce seuil, l'ajout de phosphore ne se
traduit pas par une augmentation de rendements significatifs. Aucun seuil agronomique ne peut être
déterminé pour la culture du chou, car peu importe le rapport P/AlM-iu (%) dans le sol, les rendements
relatifs sont toujours supérieurs à 80 %. En d'autres termes, peu importe le taux de saturation en
phosphore dans le sol, un apport supplémentaire d'engrais phosphaté dans cette culture ne permet pas
une augmentation substantielle des rendements. L'inverse est rencontré dans la culture du chou-fleur,
où même à un indice de saturation de 30 % (P/Alvi-m), les rendements relatifs restent sous la barre des
80 %. Ainsi, peu importe le rapport P/Alvi-m (%). il est souvent nécessaire de faire un apport en
phosphore afin de hausser les rendements. La connaissance de l'état de la structure de ces sols aurait
peut-être permis de tirer une autre conclusion, les sols dégradés nécessitant une fertilisation plus
intensive afin de permettre au système racinaire d'accéder plus aisément aux engrais.
55
Le nombre limité de sites de phosphore à l'essai est une contrainte à la partition des grilles de
référence par culture et/ou texture de sol. De même, cela affecte également le nombre de classes
pouvant être intégrées dans cette même grille. Ainsi, les recommandations en phosphore seront
communes aux trois cultures et ne varieront pas en fonction de la texture du sol.
Au Québec, des seuils environnementaux ont été établis en fonction de la texture du sol.
Comme mentionné à la section 5.6, un seuil environnemental est un seuil critique au-delà duquel un
sol enrichi en phosphore augmente les risques de dissipation de ce dernier vers les cours d'eau
(Breeuwsma et Silva, 1992). Dans un sol lourd, ce seuil correspond à un taux de saturation de 7,6 %
(P/AIM.IM) ; il est de 13,1 % (P/AIM.m) pour un sol léger (Pellerin et al., 2006a). La nouvelle grille ne
prenant pas en compte la texture du sol, le seuil environnemental est par conséquent établi à un rapport
P/AlM_in de 11,3 %. Ce seuil est basé sur la relation entre le Pw et le P/AlM-nide 275 échantillons de sol
et a été calculé pour faire abstraction à la texture du sol (Pellerin et al., 2006a).
6.3.4 Méthodologie de la sélection des classes pour la grille de phosphore
Les classes de fertilité ont été élaborées à partir du seuil environnemental, soit le rapport
P/AIM_M| de 11,3 %. Sous ce seuil, quatre classes à intervalles homogènes sont créées (tableau 24), ce
qui permet à priori d'avoir une répartition plus ou moins équitable du nombre de sites à travers celles-
ci. Au-dessus de 11,3 %, les doses recommandées seront identiques, même à un fort taux de saturation
en phosphore.
Tableau 24 : Classes pour l'indice de fertilisation P/AlM.m (%).
1 2 Classe
3 4 5
P/AIM-m(0/o) 0-2,8 2,9-5,6 5,7-8,4 8,5-11,2 >11,3
6.3.5 Test de puissance
Le tableau 25 révèle que les tests de puissance sont tous supérieurs à 80 %. ce qui indique une
nécessité de fertiliser dans toutes les classes pour atteindre un rendement optimal. Le faible nombre de
sites, relié à un écart-type élevé des rendements relatifs pour la classe 8,5-11,2, ne permet pas de
calculer l'erreur de type II. Par contre, le fait que le test de puissance de la dernière classe soit au-
dessus de 0,80 pourrait suggérer que c'est également le cas pour la classe précédente.
56
Tableau 25 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (fi) et puissance (1-fi) permettant le calcul des tests de puissance pour chaque classe de fertilité en phosphore.
P/AIM-III M S n P 1-P (%) (%) (%)
0-2,8 78,1 15,0 10 0,02 0,98 2,9-5,6 91,8 5,7 9 0,04 0,96 5,7-8,4 89,1 10,5 11 0,13 0,87
8,5-11,2 84,9 16,8 7 - -£ 11,3 86,9 15,0 23 0,02 0,98
6.3.6 Méthodologie de la sélection des doses pour la grille de phosphore
L'étape suivante a consisté à calculer les espérances conditionnelles de 50 à 80 % pour
chacune des classes (tableau 26). Malheureusement, cette façon de faire ne permet pas de déterminer
des recommandations optimales décroissantes pour chacune des classes à partir d'une espérance
conditionnelle unique. Cela reste impossible même en optant pour l'atténuation de celles-ci. Le
problème principal réside dans la classe médiane 9,8, car seulement 7 sites parmi tous les essais
s'insèrent dans cette catégorie. Il est difficile d'être représentatif des sols agricoles sous cultures de
crucifères avec un nombre aussi restreint de sites dans cet intervalle de P/AIM-ni (%)• Afin de pallier à
ce problème, les classes 5,7-8,4 et 8,5-11,2 ont été regroupées et les espérances conditionnelles
calculées de nouveau (tableau 27). Cette manière de procéder a permis de régler une partie du
problème, bien qu'il soit toujours impossible de sélectionner des recommandations à partir d'une
même espérance conditionnelle. Par contre, leur atténuation devient une solution envisageable. Le
principe général consiste, pour la première classe, à opter pour une espérance conditionnelle élevée et
de la décroître pour les classes subséquentes. On permet ainsi de combler les besoins phosphatés d'un
plus grand nombre de sites dans les classes à moindre risque environnementale et d'être plus sévère
pour les classes où les risques de diffusion du phosphore vers les cours d'eaux sont plus importants.
De plus, dans les premières classes de fertilité, les besoins en phosphore sont plus élevés.
57
Tableau 26 : Espérance conditionnelle de 50 à 80% pour cinq classes (rapport P/AlM.m (%)).
Classe Classe médiane Espérance conditionnelle (% P/AIMM1) (% P/AIM.,,,) 50% 60% 70% 80%
0-2,8 1,4 84,3 104,8 157,0 160,0 2,9-5,6 4,2 0,0 0,0 29,6 108,9 5,7-8,4 7,0 60,0 84,0 125,2 139,2
8,5-11,2 9,8 0,0 13,4 60,5 103,8 >11,3 12,6 35,0 46,8 60,0 68,5
Les espérances conditionnelles retenues pour les quatre classes sont 80-80-60-50 % (tableau
27). II est impossible de prendre 70 % pour la seconde classe car on se retrouverait avec des
recommandations en dents de scie. Cette classe avait également un nombre restreint de sites sur
lesquels on pouvait s'appuyer. La relation entre les doses recommandées du modèle avec espérances
conditionnelles atténuées (kg P205/ha) et de la médiane des classes (% P/A]M.w) est présentée à la
figure 18. Elle se présente sous la forme d'une droite (R2 = 0,9633).
Tableau 27 : Espérance conditionnelle de 50 à 80 % et atténuée pour quatre classes (rapport P/AlM.,,i(%)).
Classe Médiane Espérance conditionnelle (% P/AIM-III) (% P/AIM-III) 50% 60% 70% 80% Atténuée (80-80-60-50)
kg P205/ha 0-2,8 1,4 84,3 104,8 157,0 160,0 160,0
2,9-5,6 4,2 0,0 0,0 29,6 108,9 108,9 5,7-11,2 8,4 30,0 65,7 117,1 138,4 65,7 >11,3 12,6 35,0 46,8 60,0 68,5 35,0
58
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160
120
80
40
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y = -10,878x +164,75 R2 = 0,9633
n=4
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♦ " ^ - v ^ ^
♦ " ^ ^ ^
\ ^ 4
4 6 8 10 Médiane des classes de P/AIM.(II {%)
12 14
Figure 18 : Relation entre les doses recommandées du modèle atténué (kg PiOyha) et la médiane des classes P/AlM.m (yo).
L'équation de la droite permet de recalculer les doses recommandées pour chacune des cinq
classes initialement prévues (tableau 28). Ainsi, pour la première classe, la dose proposée est de 150
kg P205/ha et celle-ci décroît de 30 kg P2Os/ha pour chaque classe subséquente. Au-dessus d'un
rapport P/AlM.m de 11,2 %, les besoins sont égaux aux prélèvements en phosphore pour chaque
culture. D'après les rendements moyens calculés par Beaudet et Tremblay (2006), ces prélèvements
seraient de 21 kg P205/ha pour le brocoli, de 35 kg P205/ha pour le chou et de 38 kg P2Os/ha pour le
chou-fleur. Ces doses peuvent varier en fonction du rendement moyen obtenu à la ferme, en
multipliant celui-ci par les prélèvements (kg P205/t humide) présentés à la section 6.1 (tableau 14).
Tableau 28 : Doses recalculées par l'équation linéaire et doses arrondies (kg P2Oyha) en fonction des classes (% P/AlM-nù-
Classe Médiane Doses calculées par Doses l'équation linéaire arrondies
(% P/AIM.,„) (% P/AUu) (kg P205/ha) (kg P205/ha)
02,8 M 149,5 150 2,95,6 4,2 119,1 120 5,78,4 7 88,6 90
8,511,2 9,8 58,1 60 >11,3 12,6 27,7 30
59
En comparant les doses proposées avec celles du Guide de référence en fertilisation (CRAAQ,
2003), on remarque plusieurs changements (tableau 29). Premièrement, l'indice de fertilité évolue de
la concentration du sol en PM.m (kg/ha) vers le rapport P/AlM-m (%)• La grille phosphore rejoint donc
celle du maïs-grain, du maïs à ensilage et de la pomme de terre pour ce qui est de l'indice P/A1M-III.
Ensuite, il y a une diminution du nombre de classes, celles-ci passant de sept à cinq. Enfin, il a des
changements au niveau des doses recommandées. Pour la première classe, la dose proposée passe de
240 à 150 kg P205/ha, soit une diminution de 90 kg P205/ha ou de 37,5 %. Finalement, pour la
dernière classe, la dose proposée est égale ou inférieure aux prélèvements pour chaque culture au lieu
d'être une dose fixe commune. Un apport moindre que les prélèvements est une option pour faire
diminuer à moyen et long terme le taux de saturation en phosphore et le ramener à un niveau plus
acceptable au plan environnemental.
Tableau 29 : Comparaison des doses de phosphore du CRAAQ (2003) et celles proposées.
Ancienne recommandation Dose proposée Classe Dose CRAAQ Classe Nouvelle dose
(kg PM-in/ha) (kg P205/ha) (% P/AIM-III) (kg P205/ha)
0-50 240 0-2,8 150 51-100 220 2,9-5,6 120 101-150 190 5,7-8,4 90 151-200 165 8,5-11,2 60 201-300 125 >11,3 < Prélèvement 301-400 80 401 et + 55
6.4 Potassium
6.4.1 Réponse au potassium
Pour les essais de potassium, les rendements vendables ont varié de 6,3 à 20,1 t/ha pour le
brocoli, de 26,6 à 98,7 t/ha pour le chou et de 9,3 à 59,4 t/ha pour le chou-fleur (tableau 30). Toutes
doses confondues, les rendements moyens pour le brocoli, le chou et le chou-fleur ont été de 12,3 t/ha,
58,6 t/ha et 30,9 t/ha respectivement.
60
Tableau 30 : Rendement vendable moyen, minimum, maximum et écart-type des essais de potassium réalisés de 2004 à 2008 au Québec dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur.
Statistique descriptive Culture Brocoli Chou Chou-fleur (t/ha) (t/ha) (t/ha)
Rendement moyen 12,3 58,6 30,9 Ecart-type 3,8 19,7 12,1
Rendement minimum 6,3 26,6 9,3 Rendement maximum 20,1 98,7 59,4
Le tableau 31 présente les types de réponses obtenues pour tous les essais de potassium
(nombre et proportion) par culture. Les doses optimales pour les différents sites varient de 0 à 120 kg
K20/ha pour le brocoli et le chou, et de 0 à 240 kg K20/ha pour le chou-fleur. Un élément important
qui en ressort est que 70 % des sites n'ont montré aucune réponse à l'ajout d'engrais potassiques dans
la culture du brocoli. Au contraire, le potassium semble jouer un rôle plus essentiel dans la culture du
chou-fleur, où près de 73 % des sites ont répondu à l'ajout de cet élément nutritif. Pour le chou, près
de la moitié des sites n'ont pas répondu à l'apport de potassium et le tiers d'entrés eux ont eu une
réponse quadratique. Un apport élevé en potassium chez le chou peut donc conduire à une diminution
des rendements. Mais il peut être imprudent de tirer des conclusions hâtives pour les cultures de choux
et choux-fleurs, étant donné le faible nombre d'essais réalisés.
Tableau 31 : Nombre et type de réponses obtenues pour les essais de potassium réalisés de 2004 à 2008 au Québec dans la culture du brocoli, chou et chou-fleur.
Type de Brocolis Choux Choux-fleurs réponses Sites Proportion Sites Proportion Sites Proportion
(#) (%) W (%) (#) (%)
Aucune réponse 14 70,0 4 44,4 3 27,3 Linéaire plateau 3 15,0 1 11,1 4 36,4
Linéaire 2 10,0 1 11,1 3 27,3 Quadratique 1 5,0 3 33,3 1 9,1
Total 20 100,0 9 100,0 11 100,0
kg K20/ha kgK20/ha kgK20/ha Minimum 0 0 0 Maximum 120 120 240 Médiane 0 53 60 Moyenne 22 44 91 Écart-type 40 46 92
61
La figure 19 présente la relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint et la dose
optimale de potassium. Encore une fois, on remarque qu'une régie de fertilisation potassique intensive
né permet, que dans une très faible proportion des cas, l'atteinte de rendements maximaux. Dans la
culture du chou, cela conduit même à une diminution des rendements. Dans la culture du brocoli,
l'atteinte des rendements maximaux est obtenue en absence de fertilisation potassique.
120
90
ro .__ 60 x ro E
D n
D D
Û
ai E 01
TJ C OJ
ce
D
I
O Brocoli
DChou
Chou-fleur n
30 D
o O O
0 4-
40 80 120 160 Dose optimale (kg K20/ha)
200 240
Figure 19 : Relation pour chaque site entre le rendement maximal atteint (t/ha) et la dose optimale (kg K20/ha).
6A.2 Modèle de réponse
Plusieurs modèles de réponse ont également été évalués pour le potassium dans le cadre de ce
mémoire, tels que des modèles basés sur des indices de sols comme KM.m (kg/ha), K/MgM.IM (%) et
K/CaM_in (%). Encore une fois, seul le modèle basé sur l'indice KM-III (kg/ha) sera exposé pour le
potassium, car aucun autre ne présente de véritable potentiel d'utilisation après une analyse poussée
des données.
6.4.2.1 Teneur du sol en KM-III ( kg /ha )
La figure 20 met en relation les rendements relatifs et la teneur du sol en KM_HI des sites par
culture. Peu de sites présentent un rendement relatif inférieur à 80 %, ces derniers se retrouvant
majoritairement dans la culture de chou-fleur. II n'y a uniquement qu'un site de chou et de brocoli qui
se retrouve sous la barre des 80 %. II n'y avait qu'une faible tendance entre rendements relatifs et la
62
teneur du sol en KM-III- Toutes cultures confondues, les rendements relatifs se stabilisent à 80 % autour
d'une concentration du sol de 250 kg/ha de KM-m- Par contre, même sous le seuil agronomique, il y a
une forte proportion de sites ne nécessitant pas une fertilisation potassique. Il est intéressant de noter
qu'il y a très peu de sites avec une forte concentration en potassium dans le sol, alors que la dernière
classe du Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003) est de 601 kg/ha de KM-m et plus. Lors de
nos essais, il n'y avait que trois sites avec une concentration en KM.M| (kg/ha) supérieure à 500 kg/ha
d e K-M.IH.
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130
120
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100 200 300 400 500
KMi„ (kg/ha)
600
O
O Brocoli
DChou
Choufleur
700
Figure 20 : Relation entre les rendements relatifs (%) et la teneur du sol en KM.m (kg/ha) des sites par culture.
L'analyse de la figure mettant en relation les doses optimales (kg K20/ha) et la teneur du sol
en KM-UI (kg/ha) montre d'autres indications pour la construction du modèle de l'élément potasse
(figure 21). Bien que la réponse de quelques sites avec de faibles teneurs du sol en KM-III (kg/ha) soit
de 0 kg K20/ha, on remarque une tendance décroissante des doses optimales à mesure que l'indice
potassique augmente.
63
300
250
200
QO
___ ^ 150 ro E | 100
Y
C
D O
O Brocoli
DChou
Chou-fleur
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50 -O- o D -O-
0 4—OO - Y D O OD -#>--OCK> D-r— 100 200 300 400 500
KM,M (kg/ha) 600 700
Figure 21 : Relation entre les doses optimales (kg K2OZha) et la teneur du sol en KM.m (kg/ha) des sites par culture.
6.4.3 Méthodologie de la sélection des classes pour la grille de potassium
Les classes de fertilité ont été élaborées à partir de celles retrouvées dans le Guide de référence
en fertilisation (CRAAQ, 2003), c'est-à-dire avec des intervalles de 100 kg/ha de KM-m (tableau 32).
Par contre, étant donné la quasi-absence de sites ayant une forte teneur en potassium dans le sol, les
doses recommandées pour ces dernières classes sont déterminées par une équation mathématique. De
même, l'absence de sites avec une concentration du sol en KM.m inférieure à 100 kg/ha incite à
regrouper les deux premières classes.
Tableau 32 : Classes de fertilité pour l'indice de fertilisation KM-W (kg/ha).
Classe 1 2 3 4 5 6
KM-III (kg/ha) 0-200 201-300 301-400 401-500 501-600 >601
64
6.4.4 Test de puissance
Le faible nombre de sites d'essais potassiques combiné à un nombre élevé de classes de
fertilité limite le calcul des tests de puissance. En intégrant toutes les classes de fertilité dans le calcul,
seulement deux d'entrés elles permettent de mesurer l'erreur de type II (tableau 33). Le test révèle une
nécessité de fertiliser en potassium dans la première classe (0-200 kg/ha KM.m) afin d'atteindre des
rendements optimaux. Le contraire est observé pour la troisième classe (301-400 kg/ha KM.ni). En
combinant les classes par saut de 200 kg/ha KM-m (tableau 34), on observe qu'il est non indiqué de
fertiliser dans l'intervalle 201-400 kg/ha KM.IM, mais avec une valeur beaucoup plus élevée à la
colonne erreur de type II que la valeur observée dans la classe 301-400 kg/ha KM-ni. Bien qu'il soit
hasardeux de tirer des conclusions en comparant les deux méthodes, l'analyse des résultats tend à
démontrer qu'il serait nécessaire de fertiliser dans l'intervalle 201-300 kg/ha KM.m. Ainsi, à une
concentration inférieure à 300 kg/ha KM-III, il y a nécessité de faire un apport potassique pour atteindre
des rendements optimaux. Dans tous les cas, il est impossible de calculer l'erreur de type II pour des
concentrations en potassium supérieures à 400 kg/ha KM.m.
Tableau 33 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (P) et puissance (1-P) permettant le calcul des tests de puissance pour chaque classe de potassium.
KM-III M S n P 1-P (kg/ha) (%) (%)
0-200 86,9 13,4 i i 0,17 0,83 201-300 90,4 15,9 6 - -301-400 93,0 11,5 13 0,491 0,509 401-500 96,0 9,2 13 - -501-600 nd nd 1 nd nd 601 et + 108,8 16,3 2 - -
Tableau 34 : Moyenne (M) des rendements relatifs, écart-type (s), nombre de sites (n), erreur de type II (P) et puissance (1-P) permettant le calcul des tests de puissance pour des classes combinées de potassium.
KM-III M S n P 1-P (kg/ha) (%) (%)
0-200 86,9 13,4 i l 0,17 0,83 201-400 92,1 12,6 19 0,28 0,72 401 et + 97,2 12,9 8 - -
65
6.4.5 Méthodologie de la sélection des doses pour la grille de potassium
L'étape suivante a consisté à calculer diverses hypothèses d'espérances conditionnelles pour
chacune des classes. Le nombre élevé de classes combiné à un faible nombre de sites ont imposé une
fusion des classes à cette étape (tableau 35). Par la suite, la médiane des quatre classes et les
recommandations des espérances conditionnelles ont été représentées graphiquement. L'équation des
droites a ainsi pu permettre de recalculer les doses recommandées pour les six classes initiales des
espérances conditionnelles de 80 et 90 % (tableau 36), les autres ne démontrant pas un véritable
potentiel d'utilisation.
Tableau 35 : Espérance conditionnelle de 50 à 90% pour quatre classes (kg/ha KM.m).
Classe Médiane Espéra nce conditionnelle
(kg/ha KM-III) (kg/ha KM-III) 50% 60% 70% 80% 90%
kg K20/ha 0-200 100 60,0 60,0 77,5 113,0 179,0
201-400 300 0,0 12,0 39,0 63,3 120,0 401-600 500 0,0 0,0 10,6 42,4 79,8
>601 700 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Tableau 36 : Doses recalculées avec l'équation linéaire et doses arrondies (kg K2OZha) en fonction des classes (kg/ha de KM.UI).
Classe Médiane Espérance conditionnelle
80% 90%
Doses proposées
(kg/ha KM-III) (kg/ha KM-III) (kg K20/ha) (kg K20/ha)
0-200 100 108,7 181,3 180 201-300 250 81,7 138,0 140 301-400 350 63,7 109,1 110 401-500 450 45,7 80,3 80 501-600 550 27,7 51,4 50
>601 650 9,7 22,6 0
En comparant les résultats obtenus au tableau 35 avec ceux de la figure 19, mettant en relation
les doses optimales et les teneurs du sol en KM-III< on constate que les recommandations de l'espérance
conditionnelle de 80 % est un compromis acceptable entre les différents sites pour obtenir un
rendement optimal. Une espérance conditionnelle de 80 % signifie qu'à environ 80 % des sites, les
66
besoin en potassium sont comblés par l'application de la recommandation. Parmi ces sites, certains
recevront par contre davantage d'engrais que leurs besoins réels.
Une problématique majeure accompagne le choix de l'espérance conditionnelle à 80 %. Les
prélèvements en potassium par les cultures de chou et chou-fleur sont supérieurs à la plus forte dose
recommandée (tableau 14, section 6.1). II est probable que cette situation conduise à un
appauvrissement des sols en potassium à moyen et long terme. Cette situation est présentement
observée dans la culture du maïs à quelques endroits (Eric Thibeault, communication personnelle). II
serait donc prudent de recommander les doses de l'espérance conditionnelle à 90 %. La situation sera
réévaluée à moyen terme avec l'ajout de nouveaux essais de fertilisation potassique. Néanmoins, il est
suggéré d'ajouter une note à la nouvelle grille pour indiquer que les besoins en potassium peuvent être
moindres pour la culture du brocoli, cela étant justifié par une forte proportion de sites ne répondant
pas à l'ajout d'engrais potassique et par de faibles prélèvements comparativement aux choux et choux-
fleurs. La plus forte réponse à l'ajout de potassium, dans la culture du brocoli, a été observée à une
dose de 120 kg K20/ha. Dans la culture du chou, une vigilance est également de mise à de fortes doses
étant donné la forte proportion de réponses quadratiques.
On remarque quelques changements en comparant les nouvelles doses proposées avec celles
du Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003) (tableau 37). Encore une fois, il y a diminution
du nombre de classes, celles-ci passant de sept à six. Ensuite, il a des changements au niveau des doses
proposées pour chacune des classes. Pour la première classe, la dose proposée passe de 230 à 180 kg
K20/ha, soit une diminution de 50 kg K20/ha ou de 21,7 %. Pour la dernière classe, aucun apport de
potassium n'est proposé, aucun site n'ayant répondu à l'application en cet élément.
Tableau 37 : Comparaison des doses de potassium du CRAAQ (2003) et de celles proposées.
Anciennes recommandations Dose proposée Classe Dose CRAAQ Classe Nouvelle dose
(kg KM.MI/ha) (kg K20/ha) (kg KM.m/ha) (kg K20/ha)
0-100 230 0-200 180 101-200 195 201-300 140 201-300 160 301-400 110 301-400 125 401-500 80 401-500 90 501-600 50 501-600 55 601 et + 0
601 et + 20
67
7 Discussion
7.1 Prélèvements des éléments nutritifs
Les résultats obtenus dans le cadre de ce mémoire sont en général supérieurs à ceux rapportés
dans la littérature (Fink et al., 1999 ; Beaudet et Tremblay, 2006) (tableau 38). Les prélèvements en
azote surpassent les autres références de plus de 20 % pour les trois cultures. Dans le cas du
phosphore, les prélèvements sont supérieurs dans une proportion de 10 à 21 % pour le brocoli, de 10 à
20 % pour le chou et de 24 à 42 % pour le chou-fleur. Pour le potassium au contraire, les prélèvements
rejoignent ceux du brocoli et du chou. Par contre, les prélèvements de potassium surpassent les autres
références de 36 à 46 % pour le chou-fleur. Pour le calcium et le magnésium, les prélèvements sont
sensiblement similaires, hormis pour le chou-fleur où le magnésium prélève près du double lorsqu'on
le compare aux deux autres références, ainsi que le calcium qui est de 3 fois supérieurs à la référence
de Fink et collaborateurs (1999).
Tableau 38: Comparaison avec d'autres travaux de l'humidité et prélèvements moyens en A. K20, Ca et Mg des cultures de brocoli, de chou et de chou-fleur cultivés en sols minéraux.
Pi05 ,
Culture Source Humidité
(%)
N kg/t hum
P2Os
kg/t hum
K20 kg/t hum
Ca kg/t hum
Mg kg/t hum
Brocoli Mémoire 89 5,73 1,65 4,51 0,50 0,28
Brocoli Fink et a/., 1999 91 4,50 1,50 4,60 0,48 0,25 Brocoli
Beaudet et Tremblay, 2006 89 4,1 1,3 3,9 0,46 0,18
Chou Mémoire 90 2,60 0,78 3,01 0,58 0,18
Chou Fink et a/., 1999 92 2,00 0,70 3,10 . _ Chou
Beaudet et Tremblay, 2006 90 1,83 0,63 3,09 0,52 0,15
Chou-fleur
Mémoire 90 4,12 1,32 5,63 0,61 0,29 Chou-fleur Fink et a/., 1999 92 2,80 1,00 3,60 0,22 0,15
Chou-fleur
Beaudet et Tremblay, 2006 92 2,58 0,76 3,06 0,8 0,15
Cette différence majeure peut s'expliquer par la relation obtenue à la figure 11. qui suggère
qu'une faible quantité de matière fraîche échantillonnée surestime la teneur en matière sèche de la
partie prélevée, la siccité de la plante entrant dans l'équation permettant de calculer les prélèvements
de la plante en éléments nutritifs. II serait intéressant de refaire l'exercice, mais en ne gardant que les
échantillons où 400 grammes de matières humides et plus ont été prélevés. Malheureusement, il ne
resterait que 64 échantillons au total pour estimer les prélèvements, et ce. pour les trois cultures
confondues.
68
L'analyse des données de la biomasse foliaire indique qu'une augmentation de la fertilisation
(kg d'engrais/ha) n'induit pas un accroissement des prélèvements de la partie récoltée (kg de N, P2Os
ou K20/t humide). Ces résultats contredisent ceux retrouvés dans la littérature. Dans le chou-fleur,
sans apport azoté, les prélèvements se sont situés entre 150 et 200 kg N/ha, contrairement de 200 à 300
kg N/ha pour des doses supérieures (Everaarts et al., 1996). Dans le brocoli, les prélèvements par la
plante entière ont évolué de 55 à 300 kg N/ha selon la quantité d'azote appliquée (Everaarts et
Willigen, 1999). Dans la même culture, la quantité d'azote retrouvée dans les résidus est passée de 58
à 162 kg N/ha pour un apport de 0 à 240 kg N/ha (Vagen et al., 2007).
Les analyses statistiques des prélèvements n'ont pas été effectuées sur tous les sites. Seuls les
sites ayant reçu les mêmes doses ont été retenus. La présence d'un témoin était aussi nécessaire pour
mieux évaluer les différences. Par contre, de cette façon, on se retrouve à tester des sites sur un
nombre restreint d'années (2 à 3 ans selon l'élément). Les conditions météorologiques prévalant lors
de ces années ont pu jouer un rôle sur la quantité d'éléments prélevés. Mais en analysant les
précipitations moyennes de ces 3 années, on remarque que 2004 a été un été relativement sec, 2005
moyennement pluvieux et 2008 très pluvieux. Ceci tend donc à démontrer que les conditions
météorologiques n'ont aucune influence sur le prélèvement des éléments nutritifs.
7.2 Fertilisation azotée
Les doses azotées proposées varient de 160 à 200 kg N/ha pour le brocoli, de 190 à 240 kg
N/ha pour le chou et de 130 à 185 kg N/ha pour le chou-fleur, comparativement à une dose unique de
135 kg N/ha recommandée dans le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003). Ces doses
rejoignent sensiblement celles suggérées dans d'autres essais au Canada. La dose optimale déterminée
par Fortier (2007) dans la culture du brocoli était de 181 kg N/ha. Dans les Maritimes, les rendements
maximum de brocoli étaient atteints entre 100 et 200 kg N/ha (Cutcliffe et al., 1968). Toujours dans
l'est du Canada mais pour la culture du chou-fleur, Cutcliffe et Munro (1976) ont trouvé que la dose
optimale se situait entre 100 et 150 kg N/ha. Au Québec, Bérard (1990) a cependant établi que le chou
d'entreposage ne devait pas recevoir plus de 180 kg N/ha car, au-delà d'une telle dose, les rendements
n'augmentaient plus alors que le risque d'apparition de la médiane noire augmentait. Dans le cadre des
essais, des réponses ont été observées jusqu'à une dose de 349 kg N/ha chez le choux d'entreposage.
Par contre, l'évaluation des maladies et désordres physiologiques n'a pas été prise en compte dans le
cadre de cette mémoire.
Une dose azotée de 257 kg N/ha a permis l'obtention d'une taille de pommes plus grande dans
la culture du chou comparativement à une dose de 152 kg N/ha (Csizinszky et Schuster. 1985).
Freyman et collaborateurs (1991) ont observé le même phénomène sur le calibre des pommes jusqu'à
69
une dose de 500 kg N/ha. Les plants semés ont un besoin supérieur en azote de 30 à 40 kg N/ha
comparativement à des transplants dans la culture du chou-fleur (Kage et al., 2003). Dans le brocoli et
le chou-fleur, les recommandations en azote varieraient selon le cultivar adopté (Batal et al., 1997 ;
Vagen et al., 2007). La quantité d'azote aurait également un effet sur la précocité de la maturité des
plants. Le nombre de têtes de choux-fleurs matures à la mi-récolte augmenterait légèrement, mais de
manière non-significative, avec une augmentation de la dose azotée (Cutcliffe et Munro, 1976).
L'intervalle des doses proposées laisse place à une flexibilité pour les conseillers dans la
culture des crucifères. La dose suggérée dépend de la régie de culture des producteurs (cultivar,
densité de plants, date de semis, semis ou transplantation, précédent cultural, irrigation), des
caractéristiques du sol (texture, structure, matière organique, nitrate, N total), des conditions
environnementales (pluviométrie) et du calibre recherché.
La littérature abonde d'informations sur la relation entre la dynamique de l'azote et les
caractéristiques du sol. Tout d'abord, dans la culture de maïs, des rendements plus élevés ont été
observés sur des sols légers comparativement à des sols argileux aux États-Unis (Shahandeh et al.,
2005). En Angleterre, Lark et collaborateurs (1998) ont révélé que des variations de rendements
significatifs dans l'orge sont expliquées par le type de texture rencontrée. Au Québec, une étude
réalisée sur la dynamique de la minéralisation de l'azote dans la forêt mixte boréale démontre que les
sols à texture argileuse réduisent la quantité d'azote minéralisée (Côté et al., 2000). Plusieurs facteurs
peuvent expliquer ce phénomène. Tout d'abord, l'argile jouant un rôle sur le contenu en eau des sols,
et par le fait même sur le contenu en oxygène, cela affecte nécessairement le processus microbien de
minéralisation de la matière organique ainsi que celui de la dénitrification. Ensuite, l'accessibilité de la
matière organique à l'activité microbienne peut être freinée dans des sols à forte concentration en
argile, celle-ci étant intimement liée à la structure des sols. Autrement dit, une forte agrégation peut
emprisonner la matière organique, réduisant le potentiel de minéralisation dans le sol (Adu et Oades,
1978). D'autant plus que dans les sols à pH élevé, très répandu chez les producteurs de crucifères,
l'agrégation est favorisée par la forte présence d'ions calciques libérés par la dégradation de la chaux
(concept du pont calcique) (Al-Ani et Dudas. 1987).
Dans cette étude, le N total du sol démontre un faible potentiel comme indice de fertilité.
Shahandeh et collaborateurs (2005) arrivent à la même conclusion dans la culture du maïs.
L'utilisation des nitrates (mg N-NOVkg) dans le sol au printemps comme indice de fertilité s'est avéré
moins performant que le N total pour estimer les recommandations chez les crucifères (données non
exposées). Les nitrates avaient également démontré un faible potentiel dans la culture du blé d'hiver et
de l'orge en Suède (Delin et Lindén, 2002). A tout le moins, un avantage de l'utilisation du N total
70
comme indice de fertilité est que cette variable du sol est celle qui démontre le moins de variation dans
le temps (Shahandeh et al., 2005), mais celle-ci n'a pas été retenue dans ce mémoire.
Aucun essai sur le mode de placement de l'engrais n'a été effectué dans le cadre de ce
mémoire. Par contre, le mode de placement (à la volée vs en bande) alimente de plus en plus les
discussions sur le potentiel du placement en bande d'augmenter les rendements et de favoriser le
prélèvement en azote des plantes. Les résultats sont mitigés dans la littérature. En Pologne, le
placement en bande de l'azote a réduit légèrement les rendements dans la culture du chou (Sady et al.,
2001). Hormis une année, où l'engrais appliqué à la volée a donné de meilleurs résultats, aucune
différence significative du mode de placement sur les rendements n'a été observée dans la culture du
chou en Finlande (Salo, 1999). De plus, le placement en bande a résulté en un taux de croissance plus
faible des plants deux années sur trois. Dans une analyse combinée de six sites de choux, aucun mode
de placement ne s'est avéré avantageux de manière significative sur les rendements (Everaarts et
Moel, 1998). Ils en concluent que le placement en bande n'est pas une option intéressante pour
augmenter les rendements ou réduire la quantité d'engrais à appliquer dans la culture du chou.
Finalement, dans la culture du chou-fleur biologique, le placement en bande a permis une
augmentation du rendement d'environ 12 % la première année de l'essai, aucune différence
significative n'ayant été observée la seconde année (Kallela, 2006). Des essais supplémentaires
devront être réalisés au Québec afin d'évaluer l'effet du mode de placement sur les rendements.
Finalement, une forte pluviométrie peut entraîner le lessivage en profondeur d'une partie de
l'azote appliquée. Il est malheureusement impossible de prévoir les conditions météorologiques au
cours de la saison. Tous ces facteurs font donc en sorte qu'une prédiction des recommandations
azotées ne peut pas être basée sur une mais plutôt sur une multitude de variables. A défaut de pouvoir
les cibler et d'estimer l'importance de chacune dans l'évaluation des recommandations, la présentation
d'un intervalle azoté optimal s'avère un compromis judicieux. En bout de ligne, le choix de la dose
finale, à l'intérieur cet intervalle, doit donc être basé sur l'expérience et le jugement professionnel des
conseillers.
71
7.3 Fractionnement de l'azote
Au niveau agronomique, les essais de fractionnement de l'azote indiquent que scinder les
apports ne permet pas l'atteinte de meilleurs rendements. Ces résultats rejoignent sensiblement ceux
de la littérature. Dans la majorité des cas, le fractionnement de l'azote n'a eu aucun effet sur les
rendements (Everaarts et Moel, 1998 ; Kolota et Adamczewska-Sowinska, 2008), et parfois même des
effets négatifs (Everaarts et Moel, 1995 ; Everaarts et Willigen, 1999a). Chez le chou, les parcelles
ayant reçu une seule application d'azote à la plantation ont même donné plus de rendements que les
parcelles avec fractionnement la première année d'essai, aucune différence n'ayant été observée la
seconde année (Wiedenfeld, 1986). Par contre, le fractionnement de l'azote a permis l'atteinte de
meilleurs rendements dans les cultures du chou et du chou-fleur en Californie (Welch et al., 1985).
Des effets bénéfiques du fractionnement ont également été observés dans les cultures du brocoli et de
deux types de chou-fleur (Riley et Vagen, 2003). Dans la culture du chou de Bruxelles, Babik et
collaborateurs (1996) ont observé que le fractionnement de l'azote a un effet positif sur les
rendements, mais uniquement à une dose de 200 kg N/ha. Selon Everaarts et Moel (1998), l'effet
positif ou négatif du fractionnement de l'azote dépendrait des conditions météorologiques et des
caractéristiques du sol.
Bien que le fractionnement de l'azote ne semble pas montrer d'effets agronomiques positifs, il
est généralement reconnu qu'il permet de réduire les risques environnementaux. L'application unique
d'une forte dose d'engrais à la plantation, suivi de fortes précipitations, augmente les risques de
lessivage de l'azote vers la nappe phréatique (Tremblay et al., 2001). Les pertes d'azote n'ayant pas
été étudiées dans le cadre de projet, il est impossible de statuer des éventuels impacts des doses testées
et des méthodes d'applications sur l'environnement. Mais il est tout à fait justifié de recommander le
fractionnement des engrais azotés dans un souci de pratiques agricoles respectueuses de
l'environnement.
Dans la culture du brocoli, un outil de diagnostic basé sur un test de sève a été mis à l'essai au
cours des dernières années au Québec. L'utilisation d'un test de sève à la cinquième semaine a permis
d'atteindre des rendements maximums dans cette culture (Fortier. 2007). L'utilisation d'un tel outil de
diagnostic azoté pourrait donc s'avérer efficace, lors du fractionnement, pour ajuster la fertilisation
azotée aux conditions prévalant durant la période de croissance du brocoli.
72
7.4 Fertilisation phosphatée
Les doses phosphatées proposées varient de 0 à 150 kg P205/ha pour les trois cultures
comparativement à 55 à 240 kg P205/ha dans le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003).
Les doses proposées rejoignent sensiblement celles retrouvées dans la littérature. Dans le brocoli et le
chou-fleur, Cutcliffe et collaborateurs (1968) ont déterminé que les rendements maximaux à l'île-du-
Prince-Édouard étaient atteints avec une dose se situant entre 50 et 100 kg P205/ha. Dans une autre
expérience réalisée quelques années plus tard, Cutcliffe et Munro (1976) ont évalué que dans la
plupart des sites de chou-fleur, les rendements optimaux étaient atteints avec des doses de 0 à 49 kg
P2Os/ha. Il aurait été intéressant de connaître le rapport P/A1M.M| de ces sites afin d'identifier la classe
dans laquelle ils se seraient situés, mais aussi les recommandations phosphatées auxquelles ils auraient
été soumis. Les articles ne font malheureusement pas mention de la teneur du sol en aluminium.
Bien que la diminution des recommandations en phosphore semble importante, il faut garder à
l'esprit que les grilles actuelles de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003) ne reposent que sur
quelques essais de fertilisation réalisés dans les années 1970 et proviennent parfois de sources
inconnues. Au contraire, les doses proposées dans ce mémoire reposent sur de nombreux essais
réalisés selon les régies de production québécoise. Une régie de fertilisation phosphatée intensive, en
plus d'être néfaste pour l'environnement, ne permet que dans une très faible proportion l'atteinte de
rendements optimaux. Dans plusieurs cas, cela conduit même à une diminution des rendements, en
particulier dans la culture du brocoli et du chou-fleur.
7.5 Fertilisation potassique
Les doses potassiques proposées varient de 0 à 180 kg K20/ha pour les trois cultures
comparativement de 20 à 230 kg K20/ha dans le Guide de référence en fertilisation (CRAAQ, 2003).
Les doses proposées rejoignent sensiblement celles retrouvées dans la littérature. Dans six des neufs
essais réalisés dans la culture du chou-fleur dans l'est canadien, la dose optimale était de 93 kg K20/ha
(Cutcliffe et Munro, 1976). Les doses optimales des autres sites étaient les suivantes : un site à 0 kg
K20/ha et les deux derniers à 279 kg K20/ha. Les analyses de sol en potassium, extrait à l'acétate
d'ammonium mais converties en KM-III (Nathant et Sun., 1997), permettent de déterminer les doses
optimales qui auraient été recommandées avec la nouvelle grille proposée dans ce mémoire. Tous les
sites, sauf un, montrent une teneur inférieure à 200 kg K^.m/ha, indiquant une recommandation de 180
kg K20/ha. et de 140 kg K20/ha pour l'autre site. Dans un essai en Floride (Csizinszky, 1996), le
rendement maximal a été atteint à une dose de 93 kg K20/ha. la recommandation ayant été de 180 kg
K20/ha selon l'analyse de sol et les résultats de ce mémoire. En combinant tous ces essais, huit des dix
73
sites ont eu leur besoin en potassium combjé, ce ratio se rapprochant à 10 % près du modèle
sélectionné pour les nouvelles doses (espérance conditionnelle de 90 %).
Dans la culture du chou, Cutcliffe (1984) a défini la dose optimale à ses trois sites à 224 kg
K20/ha. Par contre, seulement deux doses ont été testées dans le cadre de cet essai (56 et 224 kg
K20/ha). Etant donné la forte proportion de réponses quadratiques obtenues dans cette culture (33 %
dans les essais en potassium), il est probable qu'une dose potassique intermédiaire ait donnée de
meilleurs rendements. Selon l'analyse de sol et les résultats de ce mémoire, la recommandation aurait
été de 180 kg K20/ha pour les deux premiers sites et de 140 kg K20/ha pour le dernier.
Le tableau 39 présente les prélèvements (kg/ha) par rapport aux rendements moyens obtenus
au Québec par Beaudet et Tremblay (2006). Dans tous les cas, les doses proposées permettent de
compenser la quantité d'azote et phosphore exportée lors de la récolte. Il en est de même pour le
potassium dans la culture du brocoli, hormis la dernière classe où aucune application potassique n'est
proposée. Dans ce cas, la richesse du sol en potassium compense amplement l'absence d'apport
externe. A moyen ou long terme, la concentration en potassium dans le sol diminuera, conduisant
celui-ci à un changement de classe de fertilité. La situation est un peu plus problématique dans la
culture du chou et du chou-fleur, où uniquement la première classe de fertilité (0-200 kg/ha KM_m)
compense les exportations en potassium pour le chou-fleur, alors que les deux premières classes (0-
300 kg/ha KM-ni) les compensent pour le chou. Néanmoins, les essais ont démontré que les crucifères
répondent très peu à l'apport d'engrais potassique. La présence d'essais supplémentaires pourraient
permettre de tester la partition des grilles par culture (ou du moins une grille pour le brocoli, et une
autre pour le chou et le chou-fleur). En attendant les résultats de ces essais supplémentaires, il est
prudent de recommander les doses reliées au choix du modèle avec espérance conditionnelle à 90 %
pour le potassium, bien que le modèle à 80 % concorde mieux avec les réponses obtenues dans le
cadre des essais présents.
74
Tableau 39: Prélèvements (kg/ha) en N, P2Os, K20, Ca et Mg des cultures de brocoli, de chou et de chou-fleur cultivées en sols minéraux au Québec basés sur les prélèvements (kg/t hum) des essais (tableau 11) et des rendements moyens au Québec calculés par Beaudet et Tremblay (2006).
Élément
Culture N P2O5 K20 (kg/ha)
Ca Mg
Brocoli 72,2 20,8 56,8 6,3 3,5 Chou 116,2 34,9 134,5 25,9 8,0 Chou-fleur 119,9 38,4 163,8 17,8 8,4
7.6 Relation entre prélèvements, résidus et recommandations en azote, phosphore et potassium
À la fertilisation optimale, la quantité d'azote retrouvée dans les résidus en fin de saison est
élevée chez les crucifères : entre 100 et 130 kg N/ha dans le chou-fleur (Everaarts et Moel, 1995 ;
Everaarts et al., 1996), entre 113 et 150 kg N/ha dans le chou (Everaarts et Booij, 2000 ; Salo, 1999) et
entre 120 et 155 kg N/ha dans le brocoli (Everaarts et de Willigen, 1999b). Ainsi, pour les trois
cultures confondues, le prélèvement maximal par la plante entière est d'environ 300 kg N/ha, avec une
moyenne se situant entre 200 et 250 kg N/ha (Salo, 1999 ; Salo et al., 2002 ; Everaarts et al, 1996 ;
Everaarts et de Willigen, 1999b).
Le but des essais de fertilisation est de calculer l'apport azoté externe nécessaire à l'atteinte
d'un rendement optimal. Une bonne gestion des résidus pourrait diminuer l'apport d'intrants azotés
nécessaire l'année suivante. Quelques moyens existent afin d'éviter le lessivage de l'azote présent
dans les résidus de culture des crucifères. La décomposition des tissus avant l'hiver peut
subséquemment entraîner le lessivage ou la dénitrification de l'azote (Neeteson et Carton, 1999). Une
pratique agricole répandue, en particulier dans le sud de Montréal, consiste à enfouir immédiatement
et profondément les résidus afin de réduire la pression des larves de cécidomyie. Cette situation
favorise la décomposition et la minéralisation des résidus. Dans l'éventualité d'une récolte hâtive,
l'ensemencement d'un engrais vert permettrait le captage de l'azote issu de la minéralisation des
résidus. Cette pratique est malheureusement peu répandue. Dans le cas d'une récolte tardive, il
pourrait être bénéfique de laisser les résidus en surface et de les enfouir lors de la préparation du sol au
printemps (Wehrmann et Scharpf, 1989). Par contre, cette pratique n'est pas applicable sur les terres
où le buttage se fait à l'automne. Mais un potentiel d'économie de 100 à 155 kg N/ha n'est pas
négligeable dans un contexte de prix élevés des engrais chimiques.
75
8 Conclusion
Les essais de fertilisation en azote, phosphore et potassium, réalisés dans les cultures du
brocoli, du chou et du chou-fleur en sols minéraux au Québec, ont permis de proposer des doses en
fonction des régies de productions actuelles et de nos conditions environnementales. Ces essais ont été
effectués dans plusieurs régions du Québec, sous diverses textures, concentrations en éléments et
autres particularités de sols.
Ces essais ont conduit à la proposition de doses azotées par culture, sous forme d'intervalles.
Les doses azotées proposées augmentent par rapport à la recommandation actuelle de 135 kg N/ha et
sont de 160 à 200 kg N/ha pour le brocoli, de 190 à 240 kg N/ha pour le chou et de 130 à 185 kg N/ha
pour le chou-fleur, selon la régie de culture du producteur, des caractéristiques du sol, des conditions
environnementales et du calibre recherché. Le fractionnement de l'azote n'a pas permis l'atteinte de
meilleurs rendements de manière significative Les doses phosphatées proposées diminuent et varient
de 0 à 150 kg P205 selon le rapport P/AlM.i.n. Les doses potassiques proposées suivent la même
tendance et varient de 0 à 180 kg K20/ha selon la teneur du sol en KM-III.
L'analyse de la variance (ANOVA) n'a révélé aucune différence significative au niveau des
prélèvements en azote, phosphore et potassium en fonction des doses testées. Par conséquent, les
prélèvements exposés dans ce mémoire sont une moyenne de tous les traitements testés au champ. Les
crucifères sont de grandes consommatrices d'azote et de potassium, contrairement au phosphore qui
n'est prélevé que dans une proportion de 1/3 par rapport à l'azote et au potassium.
Bien que les résultats présentés dans le cadre de ce mémoire soient le fruit de nombreux essais
réalisés dans un éventail de conditions, il est possible que les doses proposées présentées ne
s'appliquent pas entièrement à tous les champs de crucifères. La présence de sols dégradés implique
une plus grande nécessité de fertiliser afin de permettre aux racines d'accéder plus facilement aux
éléments nutritifs ; dans une telle situation, des pratiques culturales bénéfiques améliorent la qualité de
leurs sols et l'efficacité de la fertilisation. De plus, les régies de production évoluent sans cesse et
peuvent modifier les exigences des cultures. La mise en place d'essais de fertilisation reste la
meilleure démarche pour déterminer les besoins réels en azote, phosphore et potassium en lien avec le
sol, la régie de production et les conditions météorologiques locales.
Par ailleurs, la méthodologie de recommandation actuelle des besoins en azote, phosphore et
potassium présentée dans ce mémoire ne corrige pas la variabilité observée sur les sites
expérimentaux. L'utilisation des méta-analyses, regroupant les essais selon un ou plusieurs facteurs
d'influence et permettant la partition par classes et sous-classes, pondère les résultats de chaque essai
76
par rapport à l'erreur expérimentale ou au coefficient de variation. De plus, le regroupement de tous
les essais dans une même analyse donnerait un estimé plus précis des doses économiques optimales
que l'analyse individuelle des essais. Le traitement des essais de fertilisation par les méta-analyses
pourrait donc permettre une meilleure estimation des besoins en azote, phosphore et potassium des
cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur. Les méta-analyses permettent d'archiver les essais et de
mettre à jour facilement les recommandations avec les résultats de nouveaux essais.
77
Remerciements
Agriculture et Agroalimentaire Canada (CRDH) CDAQ : projets Révision des principes de fertilisation en production maraîchère :
2004-2006 et Fertilisation azotée dans la culture du chou d'entreposage : 2004-2005 Club Agroenvironnemental Route 341 inc. Club Agro-Production Lanaudière inc. Club Agro Protection des Laurentides inc. Cogenor Lanaudière Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada Consultant privé CORPAQ : projet Engrais granulaires à base de boues (bio-solides) de lisier de porc
pour les cultures maraîchères: nouveaux débouchés : 2004-2005 Dura-club inc. La compagnie de recherche Phytodata inc. MAPAQ Direction de l'environnement et du développement durable MAPAQ Direction régionale de l'Outaouais-Laurentides MAPAQ Direction régionale de la Mauricie MAPAQ Direction régionale de la Montérégie-Ouest MAPAQ Direction régionale de Montréal-Laval-Lanaudière Partenaires privés Producteurs Programme de soutien à l'innovation horticole : projet Essais de fertilisation NPK
dans les cultures de brocoli, carotte, chou et chou-fleur : 2005-2006 Programme de soutien aux essais de fertilisation des cultures maraîchères : projet
Essais de fertilisation K dans les cultures du brocoli, du chou et du chou-fleur en sol minéral : 2008 SynAgri Université Laval
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Prix d'une tonne par culture
10 kg/boîte de 16 (source : Jean Coulombe, 2009) Brocoli :
• 22 livres/boîte de 14 ou 18 têtes • Cela revient à 0,625 kg/unité • Par produit croisé, 1000 kg (1 t) donne 1600 unités • Le brocoli = 0,820$ par unité —> moyenne 5 ans (source :CRAAQ) • Donc 1600 unité/t à 0,820$/unité = 1312$/t de brocoli
Chou : 306 $/t de chou selon la référence économique du CRAAQ
Chou-fleur : 35 livres/boîte de 9 ou 12 têtes (source : ferme Alcaro de St-Rémi, 2009) Prix d'une boîte de 12, moyenne de 5 ans = 10,61 $/boîte (source : CRAAQ) Donc 35 livres = 10,61$ 35 livres = 15,91 kg Donc 15,91 kg= 10,61$ Par produit croisé = 667$/t de chou-fleur
Prix d'une unité d'engrais
Azote (27-0-0) :
Année 2006 2007 2008 2009 Moyenne Prix ($/7) 480 480* 557 915 608 *Prix non indiqué dans le CRAAQ —> Estimation sécuritaire. AGDEX 540/855 juin 2009
• 608 $/t de 27-0-0 • 0,608$/kg de 27-0-0
Phosphore (0-46-0) :
Année 2006 2007 2008 2009 Moyenne Prix ($/t) 562 562* 821 1092 759,25 *Prix non indiqué dans le CRAAQ —> Estimation sécuritaire. AGDEX 540/855 juin 2009
• 759 $/t de 0-46-0 forme P205
• 0,759 $/kg de 0-46-0 forme P205
Potassium (0-0-60) :
Année 2006 2007 2008 2009 Moyenne Prix ($/1) 442 442* 599 1173 664 'Prix non indiqué dans le CRAAQ —> Estimation sécuritaire. AGDEX 540/855 juin 2009
• 664 $/t de 0-0-60 forme K20 • 0,664 $/kg de 0-0-60 forme K20
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Rapport entre le coût unitaire de l'engrais ($ de N, P ou K/kg) et le prix d ' u n e tonne de têtes OU p o m m e ($/t) . (source : Samson et al., 2008)
Brocoli
Azote : 0,608$ /kg N / 1312$/t de brocoli = 0,00046 Phosphore : 0,759$ /kg P / 1312$/t de brocoli = 0,00058 Potassium : 0.664 $ /kg K / 1312$/t de brocoli = 0,00051
Chou
Azote : 0.608$ /kg N / 306$/t de chou = 0,00199 Phosphore : 0.759$ /kg P / 306$/t de chou = 0,00248 Potassium : 0.664 $ /kg K / 306$/t de chou = 0,00217
Chou-fleur
Azote : 0.608$ /kg N / 667$/t de chou-fleur = 0,00091 Phosphore : 0.759$ /kg P / 667$/t de chou-fleur = 0,00113 Potassium : 0.664 $ /kg K / 667$/t de chou-fleur = 0,00100
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