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Néolithique récent du Nord-Ouest de la France : « le » Groh-Collé

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Le Néolithique récent de l’Ouest de la France

« le » groh-collé

•Audrey BLANCHARD

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Le Groh-Collé (3800-3100 BC) s’étend d’une zone nucléaire, concentrée sur le littoral morbihannais, à une zone d’extension située au sud de la Loire. Ces deux secteurs présentent des différences dans l’assemblage lithique, liées en grande partie à la variabilité de l’environnement géologique. À cette partition géographique se superpose une division chronolo-gique. Ce groupe, traditionnellement perçu comme homogène, offre finalement différents faciès au niveau de l’assemblage lithique tant en terme technique que typologique. La production lithique résulte d’une chaîne opératoire simplifiée. La circulation de produits finis (lames de hache polie des ateliers de Plussulien, poignards en silex turonien de la région du Grand-Pressigny) mais également de techniques (armatures tranchantes à retouches Sublaines) incluent toutefois le Groh-Collé dans un plus large réseau de communication. Les armatures de flèches à pédoncule et ailerons, produites localement, sont ici attestées en contexte néolithique récent. La mise en évidence de sites de production suggère d’autre part une orga-nisation spécifique de l’espace géographique occupé. L’étude des assemblages lithiques laisse présager des occupations temporaires et pérennes vraisemblablement en lien avec des activités spécifiques aux différents gisements. La part du techno-fonctionnel est ici à prendre en compte pour une nouvelle définition de ce groupe. Le statut des gisements devient dès lors un critère indispensable.

The Groh-Collé group (3800-3100 BC) spreads out from a core area centred on the Morbihan coast to a zone extending south of the Loire. These two areas show differences in lithic assemblages primarily linked to the geological environment. A chrono- logical division is superimposed on this geographical partitioning. This group, classically perceived as homogeneous, actually shows different lithic assemblages in terms of technical and typological facies. The lithic artefacts are produced through a simplified “chaîne opératoire”. However, the distribution of finished products (such as the polished axe heads made by Plussulian craftsmen or the Turonian flint daggers from the Grand-Pressigny area) as well as the spread of techniques (such as the Sublaines arrowheads), nevertheless incorporates the Groh-Collé group within a larger communication network. In this case, the locally produced barbed and tanged arrowheads are found in Late Neolithic contexts. The identification of production sites also indicates the existence of a specific organisation of the geographic space. The study of the lithic assemblages suggests both temporary and persistent occu-pations, probably linked to activities specific to each source. The role of the techno-functional aspect needs to be acknowledged before we can give a new definition of this group. The status of the sources then becomes an essential criterion.

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Introduction•

Défini en 1975 par G. Bailloud, le Groh-Collé est rapidement devenu, plus qu’un style céramique, un groupe culturel du Néolithique récent pour le sud du Massif armoricain (Bailloud, 1975). Bien qu’étendu du Finistère au sud de la Loire, les sites se concentrent pour la plupart sur le littoral morbihannais, autour de la baie de Quiberon, résultat d’intensives recherches menées au XIXe et au début du XXe siècle. Les séries issues de ces explorations ont longtemps été à l’origine de la définition du groupe. La multiplication des études sur ces mêmes lots céramiques, dans un premier temps, ont peu à peu modifié la défini-tion initiale, l’assimilant au Conguel ou encore au Rosmeur. Il faut attendre 2001 pour voir le mobilier lithique propre à ce groupe caractérisé (Guyodo, 2001). À défaut de contextes assurés, de grands traits typo-technologiques communs sont alors dégagés. Il est désormais possible, grâce à de récents programmes de recherches, d’envisager la production lithique sous un nouveau jour. L’ajout de lots récents, provenant de contextes mieux définis permet de renouveler nos connaissances et d’appréhender plus finement un pan de la culture matérielle de ce groupe.

Les contextes•

• Les sites d’habitat •

La fouille récente de sites d’habitat a permis l’acquisition de nouveaux ensembles lithiques. Les récentes explorations du site éponyme de Groh-Collé (2006-2008, Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan) apportent de précieuses informations, inédites au regard du rapport rédigé par z. Le Rouzic après ses campagnes de 1911-1913 (Le Rouzic, 1932). Situé sur la côte sauvage de la presqu’île de Quiberon, ce gisement surplombe la mer d’une vingtaine de mètres et subit les assauts de l’érosion. Le talus barrant l’éperon sur son pan oriental a fait plus particulière-ment l’objet de recherche. Le mobilier des fouilles de z. Le Rouzic, à l’origine de la définition du Groh-Collé, jusqu’alors étudié comme un lot homogène se rapporte en réalité à deux phases chronologiques puisque deux niveaux d’occupations, correspondant à deux phases architecturales du talus, s’individualisent pour la seule période du Néolithique récent (fig. 1). Le talus le plus récent, de sept mètres de largeur, est matérialisé par deux rangées de dalles disposées de

chant, aujourd’hui encore visibles au niveau du sol. Il enserre une structure antérieure de cinq mètres de largeur, matérialisée par des murets de pierre sèche parallèles mais également transversaux, ajoutés à un blocage interne. À cette imposante structure, est associée une tranchée de palissade côté extérieur de l’enceinte. Un talus du même type barre la pointe de Pen-Men, à l’extrémité nord-ouest de l’île de Groix (Morbihan). De tracé légèrement curviligne, de 80 mètres de long pour 2,20 à 2,50 mètres de large, cette architecture offre un système de caissons formés de parements de pierres sèches et de murets internes transversaux. Les plaquettes de schiste détachées du substrat comblent ces alvéoles. À ces découvertes récentes s’ajoutent de plus anciens sondages, comme en 1923-1924, lorsque z. Le Rouzic, M. Jacq et M. et St.-J. Péquart sondent en plusieurs endroits l’îlot d’Er Yoh, au nord-est de Houat (Morbihan ; Le Rouzic, 1930). Hormis une occupation proto-historique, l’ensemble préhistorique découvert se rattache au Groh-Collé. Même si les fouilleurs évoquent différentes structures telles que des foyers, des zones pavées, des murets de pierres, il est assez difficile d’appréhender l’organisation du gisement, fouillé très partiellement.

Le type d’implantation des habitats se singularise toutefois au sud de la Loire. Les structures en éléva-tions de la zone nucléaire font ici place à de véri-tables enceintes fossoyées. Les habitats des Gâtineaux (Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-Atlantique, fig. 2) et des Prises (Machecoul, Loire-Atlantique, fig. 3) sont enserrés de fossés. Ces systèmes fossoyés, établis au Néolithique récent, subissent au cours du temps différents ajouts et remaniements. Aux Gâtineaux, deux fossés parallèles attribués à une première phase du Néolithique récent sont réoccupés pour l’un, réaménagé pour l’autre, dans une seconde phase attribuée au Kerugou (Guyodo, 2001). L’ajout d’une entrée en chicane résulte également de cette dernière phase d’occupation. De même, le comblement de base des fossés du camp des Prises atteste d’une occupation Groh-Collé tandis que la moitié supé-rieure relève plutôt du Néolithique final (Boujot et L’Helgouac’h, 1986 ; Cassen, 1987). Ces deux gise-ments ont à ce jour fourni des datations radiocar-bones pour le Groh-Collé, comprises entre 3800 et 3100 BC.

• Les sites de production lithique •

En parallèle à ces zones d’habitat, le Néolithique récent voit le développement sur le Massif armoricain de gisements particuliers : les sites-atelier. Ces lieux,

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Fig. 1. Schéma interprétatif Groh-Collé (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan, in Guyodo, 2008).

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Fig. 2. Gâtineaux (Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-Atlantique), plan général

d’après Guyodo, 2001.

Fig. 3. Les Prises (Machecoul, Loire-Atlantique),

plan général d’après Poulain, 1989.

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sans liens directs avec d’autres occupations, livrent une grande quantité de mobilier lithique, regroupé sur des surfaces relativement restreintes, et semblent essentiellement dédiés au débitage et à la production d’outils.

L’îlot de Guernic (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan), à deux kilomètres à l’ouest de la presqu’île quiberonnaise, est ponctuellement fréquenté au Néolithique récent pour des activités de taille. Ce site, sondé par z. Le Rouzic au début du XXe siècle, a plus récemment livré, pour 8 m² explorés, plus de 28 500 pièces lithiques (Guyodo, 2000). Cet ensemble correspond aux vestiges de deux amas de débitage lithique dont un en place. Ce dernier se développe sur 3 à 4 cm depuis le substrat et pourrait se référer à une seule session de taille. La finesse des relevés a permis un certain nombre de remontages physiques et de raccords mentaux prouvant une séquence de débitage, probablement en un laps de temps relativement court. La présence de plusieurs dizaines d’amas de ce type sur l’îlot tend à lui donner le statut de véritable atelier de production.

Le site de Groah Denn 1, sur l’île d’Hoëdic (Morbihan) forme un parallèle intéressant (Large et al., 2009). De part et d’autre de l’alignement mégalithique, trois zones de productions lithiques ont été mises au jour. La fouille de 100 m² autour des blocs dressés n’a laissé apparaître aucune forme d’habitat mais de multiples phases d’occupation ou tout au moins de fréquentation du gisement. Les sept niveaux successifs se cantonnent dans un laps de temps vraisemblablement restreint si l’on en juge par l’homogénéité de la culture matérielle. Les amas de débitage repérés sur 2 à 3 m², dans des unités strati-graphiques distinctes, se raccordent visiblement à de courtes séquences de débitage. À cela s’ajoutent des gestes de dépôts céramique et lithique, qui rendent d’autant plus complexe toute interprétation.

• Les monuments funéraires •

Bien que des monuments funéraires aient livré du mobilier Groh-Collé, ce domaine ne parait pas des plus pertinents. Des problèmes subsistent tant en raison du type de structure, maintes fois rouvertes, qu’en raison de l’ancienneté des fouilles, souvent menées au XIXe siècle. Ces monuments aux multiples fréquentations rendent l’attribution chrono-culturelle des pièces découvertes difficiles. Les objets recueillis, généralement des produits finis de bonne facture, ne proposent qu’une vision partielle de l’assemblage lithique. La sphère funéraire sera donc, à ce titre, écartée de la réflexion.

La chaîne opératoire lithique•

• Les matières premières

lithiques taillées •

La nature locale des matières premières lithiques exploitées est récurrente pour le Groh-Collé (tabl. 1, fig. 4).

Le silex, en dépit de son absence dans le sous-sol du Massif armoricain, domine l’ensemble des lots. L’origine de cette matière siliceuse n’est cependant pas extrarégionale puisque cette roche se rencontre fréquemment dans le proche environnement d’une majorité de sites. Certains points du littoral abondent en galets de silex, petits blocs roulés et transportés par la mer depuis les formations crétacées sous-marines. Ces galets, de forme ovoïde, aux couleurs variant assez largement du blond au noir, ont des dimensions réduites. Ils présentent un cortex peu épais, ayant subi des chocs lors de leur transport. Les galets côtiers de silex ou encore de chaille consti-tuent l’intégralité de la matière débitée sur les sites de productions tels Guernic ou Groah-Denn 1. Cet approvisionnement préférentiel s’explique en partie par la proximité d’abondants gisements de galets côtiers. Bien qu’ils ne se répartissent pas de façon uniforme sur les rivages, la zone nucléaire du Groh-Collé autour de la presqu’île de Quiberon et plus précisément sa côte occidentale, offre quelques plages perchées. Ainsi, sur la côte nord de l’îlot de Téviec raccordé aux plus basses mers à celui de Guernic, de conséquents stocks naturels de matière première sont à disposition. Sur les sites de produc-tion, ces pièces ramassées sur le littoral se trouvent en grande quantité dans certaines zones. Un important monticule de galets a ainsi été reconstitué à proximité de l’espace de taille de Guernic. Des stocks sont donc mis en place afin de répondre efficacement au besoin du tailleur. Ce dernier ne peut assurément pas à lui seul, déplacer cette quantité de matière première. L’existence, dans ces réserves de blocs impropres à la taille, de par leurs dimensions ou leurs difformités, sous-tend une récolte large et sans tri préalable. La collecte peut dès lors s’effectuer rapidement et par des personnes ne pratiquant pas obligatoirement la taille. Cette même matière est privilégiée mais se rencontre sous sa forme brute plus sporadiquement sur les sites d’habitat.

Les sites des Gâtineaux et des Prises, localisés au sud de la Loire, présentent une plus grande diversité de matières siliceuses, de par leur position plus près des marges du Massif armoricain.

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L’approvisionnement principal en matière première s’étend sur un rayon maximum d’une quarantaine de kilomètres autour de Machecoul et d’une dizaine de kilomètres autour de Saint-Michel-Chef-Chef. Les galets de Loire coexistent avec les galets côtiers de silex disponibles sur les plages du sud de l’estuaire. Les premiers, charriés par le fleuve, sont issus de multiples formations géologiques, d’où une très grande diversité de colorations et de grains. Ils présentent des formes moins régulières et à l’inverse des galets côtiers ont un cortex relativement épais et des dimensions plus importantes. Ils se récoltent le plus souvent sur la rive gauche de la Loire près de l’estuaire (Paimbœuf, Corsept). Il reste pourtant bien difficile de déterminer avec certitude la provenance fluviale ou côtière de certains spécimens. Le silex dit des Moutiers, accessible sur les plages de la Bernerie-

en-Retz et des Moutiers-en-Retz, est moins fréquent mais n’en reste pas moins un matériau courant sur ces deux sites. Le parti est également pris de subs-tituer au silex le quartzite de Montbert. Ce dernier de bonne qualité présente sous un cortex peu épais, une matière opaque d’aspect lustré à grains fins à grossiers aux teintes gris clair. Ce quartzite affleure sur la commune de Montbert près du lac de Grand-Lieu (à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Machecoul), sous la forme de plaquettes décimétriques et blocs volumineux.

À ces matériaux taillés allogènes s’ajoutent des pièces d’origine plus lointaine. Sur tous les gisements une part de silex d’apparence exogène est engagée, sans plus de considération, lors du débitage. À Groh-Collé, le niveau récent a livré une plus importante quantité de pièces importées que l’ancien, notamment

Fig. 4. Localisation des principaux sites et gisements de matière première lithique.

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en silex turonien de la région du Grand-Pressigny (5 contre 1 en phase ancienne). Ces pièces sont importées pour majorité sous forme de produits finis et non de simple matière brute. C’est également le cas pour Er Yoh où les pièces en silex turonien correspondent le plus souvent à des armatures de flèches et des fragments de poignards (Guyodo, 2007). Aux Gâtineaux, la présence de deux lamelles en opale résinite donne un poids plus important à cet approvisionnement complémentaire. Sa provenance nécessairement extra-régionale ne fait aucun doute, les gisements les plus proches se situant au mieux dans le Saumurois (Cordier, 1998 ; Blanchard et Forré, 2003). Le silex noir crétacé d’origine charentaise complète cet assemblage géologique. Au même titre que le silex turonien de la région du Grand-Pressigny rencontré sur les gisements, il circule principalement sous la forme de produits finis (grattoir et couteau aux Prises).

• Investissement technique •

La prépondérance des galets d’origine marine ou fluviale suppose donc un certain nombre de contraintes, de par leurs formes et leurs dimen-sions, compensées cependant par leur abondance. La chaîne opératoire privilégiée est courte et souvent simplifiée (fig. 5).

L’emploi de la percussion posée sur enclume est un fait avéré sur tous les sites de la zone nucléaire du Groh-Collé, au détriment de la percussion directe au percuteur dur. La part de cette dernière est néan-moins plus importante dans la zone d’extension du groupe (tabl. 2). Dès les premières tentatives, le débitage peut se trouver avorté. Les galets n’ayant subi que quelques enlèvements, globalement courts et peu épais le plus souvent marqués de réfléchis-sements, ne sont pas rares. Un premier coup porté doit permettre l’ouverture du galet en deux entames

Fig. 5. Chaîne opératoire privilégiée.

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longitudinales ou transversales. Tandis que certaines d’entre elles vont être abandonnées, le façonnage de ces éclats très corticaux par quelques retouches va permettre l’obtention d’un outil rapidement utili-sable. Ce sont en effet les supports privilégiés pour les perçoirs lorsqu’ils sont longs et minces et pour les grattoirs quand ils sont plus trapus et épais (Guyodo, 2001). Le débitage peut également se poursuivre le plus souvent de façon bipolaire, les plans de frappe se multipliant à mesure que le galet décroît. Le bloc ne fait pas l’objet de préparation particulière et n’est que très rarement entretenu. L’obtention d’éclats est privilégiée, à l’inverse des produits laminaires qui sont rares dans le Groh-Collé : plus que de véritables lames il s’agit essentiellement d’éclats à tendance laminaire (tabl. 3). Leur production semble résulter de l’oppor-tunisme car elle intègre totalement la chaîne opéra-toire d’obtention d’éclats. Les nucléus à lames sont exceptionnels mais pas inexistants puisqu’un petit nucléus laminaire à débitage par pression existe au sein du niveau récent du site de Groh-Collé. Seuls les lots recueillis au sud de la Loire se distinguent par des taux de produits laminaires, bien que faibles, plus importants que ceux du littoral morbihannais. Les différents types d’éclats obtenus, plus ou moins corticaux, constituent de potentiels supports d’outils. Des accidents surviennent ponctuellement aux diffé-rents stades de la chaîne opératoire, les plus fréquents étant les fractures Siret qui concernent le plus souvent les éclats corticaux, suivis des réfléchisse-ments et des outrepassés. L’intention est visiblement d’obtenir rapidement une quantité importante de supports, de morphologies et d’épaisseurs assez aléa-toires. L’abandon du bloc ne semble régi par aucune norme particulière, les nucléus découverts sont de modules variables, plutôt réduits, avec des plages corticales résiduelles plus ou moins importantes.

La réutilisation de nucléus en tant que pièces esquillées est un fait marquant de cette chaîne opéra-toire. Les caractéristiques physiques du nucléus, après un débitage bipolaire sur enclume, montre des simi-litudes avec celles de l’outil (Guyodo, Marchand, 2005). Il ne fait cependant aucun doute ici que certains d’entre eux aient été, sinon réemployés, mis en forme à cette fin. Les nucléus sont donc abandonnés ou utilisés comme produits à part entière, façonnés suite à l’enlèvement de supports. La présence d’esquillements plus importants que ceux potentiel-lement liés au simple débitage, sur un ou plusieurs côtés des nucléus, parfois même déconnectés de tout négatif d’enlèvement, est un indice discriminant. Ces pièces sont d’un gabarit relativement constant, le plus souvent peu épaisses de forme plutôt quadrangu-

laire. Les deux flancs corticaux latéraux sont régu-lièrement maintenus. Il n’est pas impossible que ces zones aient eu un rôle à jouer dans la préhension car elles permettent de saisir facilement à pleine main la pièce obtenue.

Les caractéristiques du débitage sont relativement homogènes sur tous les gisements. Les sites d’habitat du sud de la Loire se singularisent sur le plan technique par la priorité donnée au débitage par percussion directe dure et par une production laminaire plus marquée.

Les sites-ateliers, à l’inverse des sites d’habitat, présentent des zones d’activités bien circonscrites. Les remontages physiques corrélés à une étude plani-métrique permettent d’appréhender leur organisa-tion spécifique (Guyodo, 2000 ; Large et al., 2009, fig. 6). Les lots lithiques présentent des caractéris-tiques suggérant le même type de production que sur les habitats. Cependant, ne subsistent sur les gise-ments que les déchets liés à cette industrie comme en attestent la forte quantité d’esquilles découvertes et la quasi-absence d’outils. Déterminer le site consom-mateur qui recevra les pièces ainsi produites semble difficile puisqu’elles ne se distinguent en rien de celles

Tableau 3 – part des techniques de débitage par gisements.

Tableau 2 – Taux de produits laminaires par gisements.

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obtenues sur les sites d’habitat. La nécessité d’espaces dédiés à la seule production d’outils soulève dès lors bon nombre de questions. Les liens entretenus entre ces espaces de production et les habitats seront également bien difficile à mettre en évidence.

• Produits •

L’outillage commun est peu varié dans le Groh-Collé. Les contextes domestiques offrent logique-ment les plus forts taux de supports transformés, sans que ceux-ci n’atteignent des valeurs exception-nelles (fig. 7).

La présence de pièces esquillées est récurrente. Ces pièces dominent les séries des sites de produc-tion de Guernic et Groah Denn 1, mais également de Groh-Collé où elles constituent plus de la moitié du corpus typologique. La majeure partie de ces outils est façonnée sur nucléus (fig. 8, nos 1 à 9). Des perçoirs, sur supports allongés, sont néanmoins prédominants sur le site d’Er Yoh alors que les grattoirs sont présents en grande quantité sur les sites des Gâtineaux et des Prises (fig. 8, nos 10 à 21). À ces types principaux s’ajoutent localement des coches retouchées, des armatures de flèche, des burins, des denticulés, etc. La prédominance de certains outils sur des gisements ne semble cependant pas relever d’un choix culturel mais plus vraisemblablement d’un besoin fonctionnel. Il est plus pertinent de mettre en lien les fortes proportions d’un type d’outil avec une spécialisation des activités du gisement qu’avec les caractéristiques typologiques d’un groupe culturel.

À cet assemblage commun se joignent des produits plus discriminants découlant d’échanges extra-régionaux. Présents sur les différents sites d’habitat, les poignards en silex turonien de la région du Grand-Pressigny apparaissent comme des biens exceptionnels. Ces pièces qui circulent abondamment au Néolithique final se rencontrent ici, sous la forme de lames de poignards, à dos poli, dans les deux niveaux de Groh-Collé (fig. 9, nos 1 et 2) mais également à Gâtineaux et à Er Yoh (Guyodo, 2001 ; Ihuel, 2004, fig. 9, nos 3 à 9). Ils s’affirment désor-mais nettement en contexte néolithique récent et ce dès la fin de la phase potentiellement la plus ancienne du groupe. Le silex turonien de la région du Grand-Pressigny n’est pas le seul matériau employé pour la confection de ce type d’outil puisqu’il en existe également dans d’autres silex d’origine plus locale. De même, les couteaux sont façonnés sur matière locale mais arrivent aussi ponctuellement sous la forme de produits finis en silex crétacé charentais, ce uniquement au sud de la Loire.

La diversité des armatures de flèches est ici un élément intéressant car elle constitue un véritable marqueur chronologique. Des fragments mésiaux de supports, généralement laminaires, servent à la confection d’armatures tranchantes trapézoïdales (fig. 10, nos 1 à 10). Une armature à pédoncule découverte dans le niveau le plus ancien du site de Groh-Collé suggère l’apparition de ce type de pointe de projectile dans une phase relativement ancienne du Néolithique récent (fig. 10, no 12). Ce type de pièce perdure dans le niveau le plus récent du site,

Fig. 6. Plan des amas de débitage de Groah Denn 1 – amas 1 (à gauche), Guernic

(à droite, d’après Guyodo, 2000).

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coexistant alors avec de véritables armatures à pédon-cule et ailerons, également reconnues sur les sites d’Er Yoh et des Prises ainsi qu’en surface aux Gâtineaux (fig. 10, nos 11 à 21). Ces armatures se caractérisent toutes ici par des retouches semi-abruptes à rasantes laissant vierge un méplat central, plus ou moins important, sur une ou deux faces d’éclats non corti-caux. Cet ensemble s’enrichit également d’arma-tures tranchantes Sublaines (Dauvois in Bailloud et al., 1965, fig. 10, nos 23 et 24). Une pointe de projectile découverte sur le gisement de Groah Denn 1 (Hoëdic, fig. 10, no 22) offre des caracté-ristiques techniques – à savoir les « retouches de type Sublaines » (ibid., p. 596) – tout à fait simi-laires ; seule sa forme non trapézoidale mais triangu-

laire dénote. Les armatures Sublaines se répartissent désormais bien au nord de la Loire, en dépit d’une zone originelle située sur son bassin inférieur et moyen, puisque des exemplaires existent notamment en surface à Pont-Château (Loire-Atlantique). Ces dernières pièces, comme celle reconnue sur le site des Prises ou dans la collection de surface des Gâtineaux, ne semble pas le fruit d’une importation mais plutôt d’une imitation sur matière locale, preuve supplé-mentaire de liens avec les groupes du Centre-Ouest. Ces relations s’affirment également par la présence d’un perçoir, sur galet côtier de silex, typologique-ment Moulin-de-Vent à Er Yoh (Morbihan ; Guyodo, 2007). La technique plus que le produit fini semble donc filtrer entre ces groupes limitrophes.

Fig. 7 : Outillage par gisement.

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Fig. 8 : Pièces esquillées : nos 1 à 9, grattoirs :

nos 10 à 15, perçoirs : nos 16 à 21, Groh-Collé (Saint-Pierre-Quiberon,

Morbihan) : nos 1, 2, 10,11, 16 à 18, Er Yoh (Houat,

Morbihan, Guyodo, 2007) : nos 3, 4, 12, 13, 19, 20, Groah Denn 1 (Hoëdic,

Morbihan) : nos 5, 6, 15, 21, Les Prises (Machecoul,

Loire-Atlantique ; Goudissard, 2008) : nos 7, 8, 14,

Gâtineaux (Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-Atlantique ;

Guyodo, 2001) : no 9.

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1

5

2

0 5 cm

7

6

4

3

8

9

10

11 12

Fig. 9. Poignards : nos 1 à 9, lames de hache polie : nos 10 à 13, Groh-Collé (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan) : nos 1 et 2, Er Yoh (Houat, Morbihan ; Guyodo, 2007) : nos 3, 4, Les Prises (Machecoul, Loire-Atlantique ; Goudissard, 2008) : nos 5 à 10, Gâtineaux (Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-Atlantique ; Guyodo, 2001) : no 11, Groah Denn 1 (Hoëdic, Morbihan) : no 12.

A u d r e y B L A N C H A R D

478••

Fig. 10. Armatures tranchantes trapézoidales :

nos 1 à 10, armature perçante : no 11, armatures perçantes à pédoncule : nos 12 et 13,

armature perçante à pédoncule et ailerons naissants :

nos 14 à 16, armatures perçantes à pédoncule et

ailerons : nos 17 à 21, armature tranchante

à retouches Sublaines : no 22, armatures tranchantes

Sublaines : nos 23 à 24, Groh-Collé (Saint-Pierre-

Quiberon, Morbihan) : phase ancienne : no 12, phase

récente : nos 11, 18 à 20, Er Yoh (Houat, Morbihan ;

Guyodo, 2007) : nos 15 à 17, Guernic (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan ;

Guyodo, 2001) : nos 1 à 3, Les Prises (Machecoul, Loire-

Atlantique ; Goudissard, 2008) : nos 4 à 7, 13, 14, 21,

23, 24, Gâtineaux (Saint-Michel-Chef-Chef, Loire-

Atlantique ; Guyodo, 2001) : nos 8 à 10, Groah Denn 1

(Hoëdic, Morbihan) : no 22.

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479••

• Le macro-outillage •

De même que pour les matières premières lithiques taillées, les roches engagées pour le macro-outillage sont d’origine locale et reflètent l’envi-ronnement géologique immédiat. Les sites de la presqu’île quiberonnaise et des îles morbihannaises sont établis sur des granites à deux micas. Ce subs-trat granitique/leucogranitique offre ponctuellement d’avantageux niveaux schisteux, filons de quartz ou encore de pegmatites. Au sud de la Loire, le site des Gâtineaux est lui localisé sur un socle de micaschiste porphyroïque tandis que celui des Prises prend place sur une butte calcaire.

Les sites-ateliers livrent un matériel destiné exclu-sivement au débitage du silex. Celui des habitats est plus diversifié avec des éléments également dévo-lus aux activités domestiques ou encore d’extrac-tion de matériaux. Les percuteurs et enclumes sont donc communs à tous ces sites. Les outils compo-sites (percuteur-enclume, meule-enclume, molette-enclume, etc.) sont également courants, ce qui tranche avec la période antérieure du Néolithique moyen où ils sont exceptionnels. De petits abraseurs et polissoirs mobiles interviennent dans les activités de transformation lithique, à l’échelle de l’habitat. Des galets biseautés s’ajoutent plus localement à cet ensemble. La vocation de ces pièces reste incer-taine mais leur intervention dans la chaîne opéra-toire lithique paraît envisageable. Différentes activités sont, elles, réservées à l’habitat comme l’extraction de matériaux, tant pour le creusement que pour l’acqui-sition de blocs qui nécessite l’utilisation de percuteurs associés à des pics et des coins au tranchant grossier, aux dimensions et poids conséquents. Ils permettent notamment d’extraire les matériaux nécessaires à l’architecture. On les rencontre ainsi dans les carrières, telles celles mise en évidence pour la confection des talus de Pen-Men ou Groh-Collé. Les meules, le plus souvent fragmentées, et les molettes témoignent d’activités de subsistance, tout comme les poids de pêche.

Les lames de haches polies complètent le macro-outillage des habitats (fig. 9, nos 10 à 13). Groah Denn 1, fait cependant exception avec le dépôt de deux pièces en dolérite. Une grande diversité de roche est employée. La présence, non prédominante, dans un premier temps, des lames de haches polies en méta-dolérite de type A provenant des ateliers de Séledin à Plussulien (Cotes d’Armor ; Leroux, 1999) attestent d’échanges extra-régionaux dans des proportions toutes relatives.

Synthèse•

• Caractéristiques de

l’assemblage lithique •

Le mobilier du site éponyme, longtemps consi-déré comme un ensemble homogène résulte en réalité d’un mélange de mobilier généré par deux occupa-tions bien distinguées lors de la récente fouille de ce gisement. S’ajoute, pour l’ensemble du groupe, la réalité de deux espaces géographiques distincts : le littoral du Morbihan, autour de la presqu’île de Quiberon, et le sud de l’estuaire de la Loire. La contemporanéité des séries de ces deux espaces géographiques n’est pas attestée puisque les datations absolues au sein de la zone morbihannaise font encore à ce jour largement défaut. Plusieurs faciès composent ainsi le Groh-Collé pour lequel aucun assemblage lithique type ne peut être proposé. De grandes tendances techno-typologiques permettent néanmoins de caractériser cette production.

Le sud de la Loire, aux marges du Massif armo-ricain, offre une plus grande diversité de matières premières lithiques taillables. Les galets côtiers de silex, prépondérants dans la zone nucléaire sont ici confrontés à des roches siliceuses locales diversifiées et tout aussi abondantes. La différence est également nette sur le plan des techniques de débitage engagées. À titre d’exemple, la percussion posée sur enclume prédominante sur le littoral morbihannais, est délaissée aux Prises comme aux Gâtineaux au profit de la percussion directe dure. Il est alors tentant d’effec-tuer un rapprochement entre technique de débitage et roche exploitée, les galets côtiers étant plus contrai-gnants que les galets de Loire ou le silex des Moutiers-en-Retz. Néanmoins la percussion posée sur enclume, plus qu’un simple choix technique, peut relever de la sphère culturelle (Guyodo et Marchand, 2005). Cette technique n’est d’ailleurs pas la seule engagée pour le débitage de galets côtiers puisqu’il y a véritablement, dans certains cas, un choix délibéré. La séquence opératoire qualifiée à tort d’expédiente se veut juste courte et simple. Bien que peu économe si l’on se réfère à la quantité de déchets produits, elle s’avère efficace pour obtenir les supports spécifiquement recherchés. Un simple coup porté permet de fendre le galet en deux entames, rapidement transformables en outils. L’importante surface corticale des supports a l’avantage de faciliter la prise à pleine main de ces pièces. Elles sont dès lors utilisables, ne requérant pas de préparation spécifique pour un emmanche-ment qui ne s’avère pas nécessaire.

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480••

La présence de stocks à différents stades de la chaîne opératoire (matière première brute, supports prêts à être transformés) suggère une segmentation des actions, voire des intervenants. Cependant la production répond visiblement de façon directe à des besoins domestiques immédiats. La présence de supports bruts, plus que du stock, peut également correspondre à un véritable rejet de la matière, non nécessaire sur le moment.

Le phasage chronologique transparaît véritable-ment sur le plan typologique et notamment par le biais de pièces particulières. Des armatures de flèches à tranchant transversal trapézoïdales coexistent ici avec des types peu connus en ces contextes du Néolithique récent. La phase ancienne de Groh-Collé offre ainsi une armature perçante à pédoncule naissant, à laquelle s’ajoutent dans la phase récente, des armatures à pédoncule et ailerons. Ce type de pointe de projectile, traditionnellement rattaché pour l’Ouest de la France au Néolithique final, s’ancre ici dans une phase finale du Néolithique récent. Ces armatures sont aménagées par des retouches semi-abruptes à rasantes non envahissantes, épargnant un méplat central sur une ou deux faces. Les roches employées et l’ébauche rencontrée aux Prises indi-quent une production locale et non une importation. Bien que l’innovation locale soit envisageable, l’imi-tation n’est pas impossible puisque ce type d’arma-ture est attesté dès le XXXIIIe siècle avant J.-C. sur des sites de Suisse occidentale (Horgen ; Honegger, 2001) et dans un environnement plus proche, à Videlles, dans le Seine-Oise-Marne (Bailloud et Coiffard, 1967) ou dès 3100 BC sur le site de la Chevêtelière (Saint-Mathurin, Vendée ; Guyodo, 2001 ; Péridy, 2009). Des pièces à forte valeur ajoutée, tels que les poignards en silex turonien de la région du Grand-Pressigny ainsi que les lames de hache en métadolérite de type A de Plussulien intègrent le Groh-Collé dans un plus large réseau de circulation de biens et de techniques. Sur le site éponyme, les poignards appar-tiennent plutôt à la phase récente bien qu’il en existe en phase ancienne. Des transferts techniques s’ajoutent à ces circulations d’objets comme en témoigne la présence d’armatures à retouches Sublaines sur le gisement de Groah Denn 1. Ces pièces sont ici aménagées sur galets côtiers de silex soit de confec-tion expressément locale. Il en va de même pour un perçoir typologiquement Moulin-de-Vent, découvert sur le site d’Er Yoh (Guyodo, 2007).

• Statut des sites •

Les sites-atelier ne sont pas inconnus durant le Néolithique. Bien que traditionnellement leurs productions soient de qualité et se diffusent sur de très larges échelles, il existe des ateliers dévolus à la confection en masse d’un outil particulier, tel que les perçoirs sur le site de Ponthezière (Saint-Georges-d’Oléron, Charente-Maritime ; Laporte, 2009). Cela ne semble pas être le cas à Guernic ni à Groah Denn 1, qui font état d’une production somme toute domes-tique. La destination de ces produits suscite bon nombre de questions. La confection d’un outillage commun en une zone particulière et éloignée de l’habitat répond vraisemblablement à un besoin qui semble à ce jour bien difficile à appréhender. Cette activité de production se rencontre en effet de la même façon, bien que dans des proportions moins importantes, sur les sites d’habitat. Un fond d’outillage commun se distingue aisément, complété par une production en nombre d’une pièce en parti-culier. La présence sur ces gisements d’un outil prédo-minant (pièces esquillées à Groh-Collé, perçoirs à Er Yoh) suggère une spécialisation des activités. L’assemblage lithique n’est dès lors plus déterminé par le culturel mais par une réponse techno- fonctionnelle à un besoin spécifique.

Contrairement aux sites du littoral morbihannais, ceux du sud de la Loire semblent être investis sur des périodes relativement longues. Les enceintes fossoyées font état de plusieurs phases d’occupation alors que les sites enclos de la zone nucléaire du Groh-Collé semblent occupés sur des durées beaucoup plus limitées. En effet, le phasage chronologique mis en évidence à Groh-Collé impose deux implantations dans un laps de temps relativement court si l’on en juge par le peu de différences techno-typologiques. De tout temps, les auteurs se sont accordés à dire que ces sites, bien qu’attrayants pour le visiteur actuel, sont difficiles à vivre quotidiennement. Très tôt la possibilité d’une occupation temporaire de ces gisements a été proposée. De récentes observations tendent à privilégier cette première hypothèse. Leur exposition aux assauts répétés du vent et de la mer rend une résidence pérenne pénible : il semble plus plausible d’envisager des sites d’occupations tempo-raires, peut-être liés à la tenue d’activités particu-lières, voire saisonnières.

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« Le » Groh-Collé n’apparaît donc plus comme un seul et même ensemble puisque les assemblages lithiques mettent en évidence une production relevant tant de choix techniques que culturels. La distinction de deux sphères géographiques et d’au moins deux phases chronologiques ne permet pas d’établir un assemblage type pour le Groh-Collé. Le mobilier lithique offre à lui seul une multitude de faciès.

L’hétérogénéité de la culture matérielle de ce groupe est accentuée par la présence de gisements aux statuts différents qui permettent néanmoins d’envisager une organisation particulière du territoire, avec des zones de productions distinctes des espaces habités ; ces derniers aux statuts particuliers pouvant être occupés à l’année ou de façon plus ponctuelle.

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