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Publié le: 2013-09-30
Les intoxications par les produits d’entretien ménager chez l’enfant au Maroc (1980-2009)
Poisoning by household cleaning products of children in Morocco (1980-2009)
Auteur(s) :BOUFTINI S, ACHOUR S, JALAL G, RHALEM N, SOULAYMANI A, SOULAYMANI-BENCHEIKH R.
Catégorie : Sciences du vivant > Médecine
ScienceLib Editions Mersenne : Volume 5 , N ° 130916ISSN 2111-4706
www.sciencelib.fr
Les intoxications par les produits d’entretien ménager chez l’enfant au
Maroc (1980-2009)
Poisoning by household cleaning products of children in Morocco (1980-2009)
Auteurs : BOUFTINI S, ACHOUR S, JALAL G, RHALEM N, SOULAYMANI A, SOULAYMANI-
BENCHEIKH R.
ScienceLib Editions Mersenne : Volume 5 , N ° 130916 ISSN 2111-4706
BOUFTINI S
Intoxications par les produits d’entretien ménager chez l’enfant au Maroc.
(1980-2009)
Poisoning by household cleaning products of children in Morocco.
(1980-2009)
Bouftini S1, Achour S2,3, Jalal G4, Rhalem N3,4, Soulaymani A3, Soulaymani-Bencheikh R4,5
1- Faculté des Sciences Dhar El Meharz, Université Sidi Mohammed Ben Abdellah.
2- CHU Hassan II Laboratoire de Toxicologie Médicale et d’analyse Toxicologique, Fès.
3- Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail de Kenitra.
4- Centre Anti Poison du Maroc, Ministère de la santé.
5- Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat.
Auteur correspondant: [email protected]
Résumé:
Les intoxications par les produits d’entretien ménagers (PEM) chez l’enfant sont fréquentes et parfois
graves. Le risque de survenue ainsi que les conséquences sont souvent sous-estimés.
L’objectif de cette étude est de décrire les caractéristiques épidémiologiques des intoxications par les PEM
chez l’enfant afin d’en apprécier la fréquence, identifier les produits en cause et déterminer le devenir
immédiat des enfants victimes d’intoxication. Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur les cas admis au
Centre Anti Poison du Maroc (CAPM) sur une durée de 30 ans allant du 1er Janvier 1980 au 30 Décembre
2009. Elle a consacré tous les enfants âgés de 0 à 15 ans déclarés pour ingestion de tous produits ménagers.
Pendant cette période d’étude, 3041 enfants intoxiqués ont été enregistrés, avec un âge moyen de 3.85 ±3,39
ans. Les bébés marcheurs sont les plus touchées dans 74.72% des cas. L’intoxication de l’enfant est due le
plus souvent à une exposition accidentelle (92,14%) et dans la grande majorité des cas les produits en cause
étaient stockés à domicile. Les principaux PEM impliqués sont l’eau de javel et les déboucheurs de
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canalisations. Les conséquences sont variables, allant de symptômes bénins jusqu’au décès (0.23 % des cas).
L’évolution des patients vers la guérison avec séquelles est remarquée chez 33.97%.
Mots clés: Intoxication, produits d’entretien ménagers, enfants.
Summary:
Poisoning by household cleaning products in children is frequent and sometimes serious. The risk of
occurrence and the consequences are often underestimated.
The aim of this study is to describe the epidemiological characteristics of poisoning by household cleaning
products in children in order to appreciate the frequency, identify the products in question and determine the
immediate outcome of child victims of poisoning. This is a retrospective study of cases admitted to Anti
Poison Centre of Morocco (CAPM) for a period of 30 years from 1 January 1980 to 31 December 2009.
She has dedicated all children aged 0 to 15 years declared in CAPM for ingestion of all household products.
During the study period, 3041 intoxicated children were recorded, with an average age of 3.85 ± 3.39 years.
The baby walkers are the most affected in 74.72% of cases. Poisoning of the child is most commonly due to
an accidental exposure (92.14%) and the most cases the products in question were stored at home. The main
of household cleaning products involved are bleach and drain openers. The consequences are variable,
ranging from mild symptoms to death (0.23% of cases). The evolution of patients with sequelae to healing is
noticed in 33.97%.
Keywords: Intoxication, household cleaning products, children.
Introduction :
Les intoxications par les Produits d’Entretien Ménager (PEM) chez l’enfant sont fréquentes, et responsables
d’une morbidité importante mais rarement d’une mortalité.
Au Maroc, elles se considèrent parmi les premières causes d’intoxications accidentelles surtout chez le jeune
enfant (de 1 à 4 ans) [1], le centre anti poison (CAP) de Lille-France lui-même positionne ce type
d’intoxications dans les premières places (après les médicaments) [2]. En effet, chaque année, plus de 20 %
des demandes téléphoniques reçues par les CAP français sont en rapport avec une telle intoxication [3].
Le marché marocain dispose d’une diversité des PEM mis à la disposition du consommateur, ce qui les rend
disponibles dans les foyers marocains, avec un risque accru d’intoxication. Ces accidents surviennent le plus
souvent par négligence (produit laissé à la portée des enfants ou récipient facile à ouvrir et ne répondent à
aucune norme de sécurité et d’étiquetage), ou par imprudence (produits stockée dans des récipients
inadéquats et d’accès facile) [1].
Chez l’enfant, il s’agit surtout d’un accident de transvasement. Les études marocaines élaborées dans ce
domaine sont rares et se limitent à quelques centres hospitaliers. L’objectif de cette étude est de décrire les
caractéristiques épidémiologiques des intoxications par les PEM chez l’enfant déclarées au CAPM de 1980 à
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2009, allant du 1er janvier 1980 au 31 décembre 2009, afin d’en apprécier la fréquence, identifier les
produits en cause et déterminer le devenir immédiat des enfants victimes d’intoxication.
Matériels et Méthodes :
C’une étude rétrospective effectuée sur une période de 30 ans, allant du 1er janvier 1980 au 31 décembre
2009. Elle a concerné tous les cas d’intoxications chez l’enfant de moins ou égale à 15 ans par PEM à usage
domestique déclarés au CAPM par courrier ou par téléphone.
Les données ont été enregistrées sur une base de données nationale et l’analyse statistique a été faite par le
logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS) [4]. L’étude a concerné la fréquence, l’évolution
en fonction des années, les paramètres sociodémographiques (âge, sexe, origine), les spécificités de
l’intoxication (la voie, le lieu, les circonstances), les signes cliniques présentés par les patients et l’évolution
des patients. L’âge a été analysé selon la répartition de l’IPCS (OMS) [5]. L’évaluation de la gravité s’est
faite par le Poisoning Severity Score (PSS) [6]. Une analyse descriptive de toutes les variables a été faite, les
variables quantitatives ont été exprimées en moyenne et en écart-type et les variables qualitatives en nombre
et en pourcentage, des croisements entre les différents paramètres ont été effectués pour relever certains
facteurs de risque.
Résultats :
Durant la période concernée par l’étude, le CAPM a reçu 3041 déclarations de cas d’intoxications chez
l’enfant par les PEM, ce qui représente 10,5 % de tous les cas d’intoxications survenues durant la même
période en dehors des piqûres et les envenimations scorpioniques (PES).
Une augmentation régulière a été observée à partir du début du fonctionnement réel du département de
l’information toxicologique au CAPM, en 1991 (Figure1). Les intoxications par PEM étaient de provenance
urbaine dans 59.6% des cas et sont survenues à domicile dans 91.35 % des cas. L’incidence moyenne
calculée en 2009 était de 1,82 pour 100 000 habitants (Tableau I) avec une prédominance des cas dans la
région de Rabat Salé Zemmour Zair (4,3 pour 100 000 habitants) suivie de la région du Grand Casablanca
(3,73 pour 100 000 habitants) (Tableau I).
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Figure 1 : Répartition des cas d’intoxications chez l’enfant par PEM selon les années, CAPM, 1980 – 2009.
Tableau 1 : Incidence moyenne de l’année 2009 des intoxications par PEM selon les régions, CAPM
Région Effectif
Incidence
pour 100
000
habitants
Nombre
de cas de
décès
Létalité %
Rabat salé zemmour Zaer 38 4,3 0 0
Grand Casablanca 48 3,73 0 0
Marrakech Tansift Al hawz 39 3,52 0 0
Tadla azilal 16 3,16 0 0
Méknés Tafilalet 18 2,38 0 0
L'oriental 9 1,33 1 11,11
Guelmim Smara 2 1,17 0 0
Layoune Boujdour Sakia Lhamra 1 0,98 0 0
Fès Boulemane 4 0,7 0 0
Chaouia Ouardigha 4 0,69 0 0
Tanger Tetouan 6 0,66 0 0
Gharb, Cherarda, Beni Hsain 4 0,6 0 0
Taza Taounate El Hoceima 2 0,32 1 50
Doukkala Abda 2 0,28 0 0
Souss Massa Daraa 2 0,17 0 0
Total 195 1,82 2 1,02
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Le sexe masculin représentait 58.76 % des cas avec un sexe ratio (H/F) de 1.47. L’âge moyen des intoxiqués
était de 3.85 ±3,39 ans allant de 1 jour à 15 ans. Les tranches d’âge des bébés marcheurs et des enfants
étaient les plus touchées avec respectivement 74.72% et 24.52% des cas (Figure 2). L’eau de javel a été
incriminée dans 74.25% des cas suivie par les déboucheurs de canalisations dans 3.84% des cas.
L’exposition était accidentelle dans 92,14% des cas et volontaire dans 1,70 %. L’étude des caractéristiques
cliniques de ce type d’intoxication a montré que 56 % des cas étaient symptomatiques.
Les affections du système gastro-intestinal étaient les plus rencontrés (37.71 %), suivies des affections de
l’appareil respiratoire (9.96 %), des affections de la peau et de ses annexes (0.85%) et des troubles de
l’appareil visuel (0.19%).
Figure 2 : Répartition des intoxications selon la tranche d'âge, CAPM, 1980 – 2009.
Les vomissements ont été provoqués à domicile dans 5,42% des cas et le lavage gastrique a été effectué dans
une structure sanitaire avant l’appel au CAPM dans 2.3% de cas.
Les intoxications par PEM signalées au CAPM pendant cette période étaient d’évolution favorable dans
65.6%. Le décès est survenu dans 0.23 % des cas et 33.97% ont évolué vers la guérison avec séquelles.
L’étude des familles de PEM incriminées dans les cas de décès a montré que les déboucheurs de canalisation
étaient les plus impliqués (Tableau II).
Tableau 2: Produits incriminés dans les cas de l'intoxication et dans le cas de décès, CAPM (1980 - 2009)
Classe des PEM
Nombre
d'intoxication /
Produit
Nombre de Décès/
Produit
Taux de létalité
(%)
Déboucheur de
canalisation 208 4 1,92
Eau de Javel 2258 1 0,01
Détergent 122 1 0,81
Autre nettoyant 115 1 0,86
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Discussion
La place des intoxications par PEM varie selon les pays et reste difficile à préciser puisque, dans la plupart
des cas, il s’agit d’une intoxication bénigne ne donnant même pas lieu à une consultation médicale et
échappant ainsi à toute étude statistique [7].
Le nombre de cas d’intoxications par PEM déclaré au CAPM est très sous estimé et reste bien inférieur aux
données des CAP étrangers. Ainsi, le CAP de Lille au cours des années 2004 à 2008 a enregistré 12 795 cas
d’intoxications accidentelles de l’enfant par les produits ménagers. [2]
Ceci est lié d’une part à la sous notification globale des cas d’intoxication au Maroc, et d’autre part à la
sous-estimation de l’intoxication par l’entourage qui a recours à des moyens traditionnels (exemple:
ingestion de lait) au lieu de la consultation médicale. Au Maroc, l’intoxication par PEM présente la
cinquième cause d’intoxication [8].
Les déclarations des intoxications par PEM ont sensiblement augmenté au fil des années, les campagnes de
sensibilisation ont accompagné cette évolution. L’intoxication accidentelle est le mode d’intoxication le plus
fréquent et concerne essentiellement les enfants entre 1 et 4 ans dans 75,4%, ce qui corrobore plusieurs
études [1, 3, 9, 10].
Ces accidents surviennent le plus souvent par négligence (produit laissé à la portée des enfants ou récipient
facile à ouvrir), ou par imprudence (produits stockée dans des récipients inadéquats) [1] vu la nature des
enfants qui sont curieux et portent tout à la bouche (les produits de nettoyage, les déboucheurs de
canalisations, etc.).
À coté des circonstances accidentelles, certaines intoxications correspondent à une tentative de suicide. Les
garçons, en raison de leur comportement plus turbulent, sont plus fréquemment victimes d’intoxications
accidentelles est donc une légère prédominance masculine est remarquée, ce qui concorde avec les résultats
trouvés par la majorité des auteurs [2, 17]. L’eau de javel arrive en tête de la liste suivie par le déboucheur
de canalisation, car ils sont les plus répandus dans les ménages marocains et ils restent des produits d’accès
facile et ne répondent à aucune norme de sécurité et d’étiquetage [1]. L’intoxication aux PEM est rarement
mortelle [1, 12, 13, 14]. Au cours des années 2004 – 2008, le CAP de Lille, n’a enregistré aucun décès [2].
Dans notre série, le nombre de décès reste élevé, ceci peut être expliqué par la banalisation des cas
d’intoxication par ces produits, surtout pour les produits caustiques dont les déboucheurs de canalisation, qui
sont les plus incriminés dans les cas de décès.
Plusieurs conduites aberrantes ont été relevées dans notre étude face à cette intoxication, telle l’ingestion du
lait et les vomissements provoqués pratiqués par l’entourage de l’intoxiqué et le lavage gastrique pratiqué
systématiquement par certains médecins, alors que ces pratiques sont toutes formellement contre indiquées
pour ce type d’intoxication [14, 15, 16].
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Conclusion
Les intoxications chez l’enfant par les PEM constituent un problème de plus en plus préoccupant en
pédiatrie dans les pays en voie de développement du fait de l’augmentation de leur fréquence et des
difficultés de leur prise en charge [17, 18].
Des stratégies de prévention basées sur des campagnes de sensibilisation pour le public semblent être un
outil majeur pour réduire les intoxications évitables par PEM.
La réglementation devra être plus stricte pour les produits caustiques (étiquetage plus précis, remplacement
des composants très toxiques de certains produits par des composants d’action équivalente mais moins
nocifs, conditionnement plus hermétique...).
Une collaboration multisectorielle doit se développer, faisant intervenir en premier lieu les parents qui
doivent surveiller leurs enfants afin de les préserver contre les dangers en rangeant les PEM dans des lieux
inaccessibles et en utilisant d’une façon rationnelle tout produit de nettoyage. Les professionnels de santé,
par ailleurs, doivent contacter le CAPM pour évaluer la gravite de l’intoxication et avoir une conduite à tenir
adaptée au produit responsable de l’intoxication. Enfin, les industriels ont l’obligation de déposer leurs
fiches de données de sécurité au niveau du CAPM et d’utiliser pour leurs produits des bouchons de sécurité
inaccessibles aux enfants.
Conflit d’intérêt : aucun.
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18. Sylla M., Coulibaly Y., Dicko F.T., kourouma N., Togo B. Keita M.M. Intoxication aiguë
accidentelle chez l’enfant au service de pédiatrie de l’hôpital Gabriel Touré, Mali Médical, 2006, T
XXI N° 2.
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