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Chapitre 11 Le traitement des expressions idiomatiques. Intrt dun corpus et de lanalyse smantique latente 11.1. Introduction La comprhension du langage figur, quil sagisse de la mtaphore (Legros, Tijus et Pudelko, 1998 ; Pudelko, Legros, Hamilton et Tijus, 1999; Pynte, Besson, Robichon et Poli, 1996), de la mtonymie (voir le chapitre 6 de Baccino), ou des locutions idiomatiques (Marquer, 1994 ; Denhire et Verstiggel, 1997) constitue un des domaines les plus controverss de la psycholinguistique. Les chercheurs tentent en effet didentifier les structures mentales et les processus qui sous-tendent le traitement du langage figur et littral (Giora, 2001 ; Kintsch, 1998 ; voir aussi le chapitre 12). Les expressions idiomatiques constituent un moyen privilgi dtude de cette question car nombre dentre elles possdent la fois une acception littrale et une acception figure (˙ retrousser ses manches ¨, ˙ casser sa pipe ¨, etc.) laquelle, la diffrence de la mtaphore possde un certain degr de figement. En effet, pour tre considre comme idiomatique, une locution doit tre reconnaissable, identifiable comme telle et permettre la constitution dun corpus ou dun dictionnaire (Duneton et Claval, 1990 ; Rat, 1999). Comme il a t fait pour les termes homophones et homographes (Mullet et Denhire, 1997 ; Throuanne et Denhire, 2002), ce type de locution permet ltude du cours temporel de lactivation des diffrentes acceptions Chapitre rdig par Fanelly PARIOLLAUD, Guy DENHIØRE, Jean-Claude VERSTIGGEL.

Idiom Processing, Corpus and Latent Semantic Analysis (LSA)

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Chapitre 11

Le traitement des expressions idiomatiques.Int�r�t dÕun corpus et de lÕanalyse s�mantique

latente

11.1. Introduction

La compr�hension du langage figur�, quÕil sÕagisse de la m�taphore (Legros,Tijus et Pudelko, 1998Ê; Pudelko, Legros, Hamilton et Tijus, 1999; Pynte,Besson, Robichon et Poli, 1996), de la m�tonymie (voir le chapitre 6 de Baccino),ou des locutions idiomatiques (Marquer, 1994Ê; Denhi�re et Verstiggel, 1997)constitue un des domaines les plus controvers�s de la psycholinguistique. Leschercheurs tentent en effet dÕidentifier les structures mentales et les processus quisous-tendent le traitement du langage figur� et litt�ral (Giora, 2001Ê; Kintsch, 1998Ê;voir aussi le chapitre 12).

Les expressions idiomatiques constituent un moyen privil�gi� dÕ�tude de cettequestion car nombre dÕentre elles poss�dent � la fois une acception litt�rale et uneacception figur�e (ÇÊretrousser ses manchesÊÈ, ÇÊcasser sa pipeÊÈ, etc.) laquelle, � ladiff�rence de la m�taphore poss�de un certain degr� de figement. En effet, pour �treconsid�r�e comme idiomatique, une locution doit �tre reconnaissable, identifiablecomme telle et permettre la constitution dÕun corpus ou dÕun dictionnaire (Dunetonet Claval, 1990Ê; Rat, 1999). Comme il a �t� fait pour les termes homophones ethomographes (Mullet et Denhi�re, 1997Ê; Th�rouanne et Denhi�re, 2002), ce type delocution permet lÕ�tude du cours temporel de lÕactivation des diff�rentes acceptions Chapitre r�dig� par Fanelly PARIOLLAUD, Guy DENHIéRE, Jean-Claude VERSTIGGEL.

308 M�taphores et analogies

(Pariollaud, 2001) et des effets du contexte sur cette activation (Giora et Fein, 1999Ê;Mauri�s, 2001).

Deux classes de mod�les ont �t� sugg�r�es pour expliquer le traitement desexpressions idiomatiques. La premi�re reste fid�le � la d�finition classique desidiomesÊ: leur signification figur�e nÕest pas d�riv�e de la composition des mots quiles constituent et elle est cod�e en tant quÕunit� dans le lexique mental (Segui,1992) ou au sein dÕune liste distincte de celui-ci. R�cemment, Giora (1997) aformul� un nouveau mod�le non compositionnelÊ: le mod�le de la saillance relative,afin dÕexpliquer les r�sultats contradictoires de la litt�rature. Un aspect original de cemod�le tient � ce que seuls les idiomes les plus saillants sont cod�s en tant quÕunit�dans le lexique mental. La seconde classe de mod�les, celle des mod�lescompositionnels est issue du mod�le configurationnel stipul� par Cacciari etTabossi (1988) et remet en cause le caract�re non compositionnel des idiomesÊ: lasignification des mots dÕun idiome contribue peu ou prou � son acception figur�e.Titone et Connine (1994a,b,c) ont d�velopp� ce mod�le en pr�cisant le r�le desfacteurs tels que la familiarit�, la pr�dictibilit�, la litt�ralit� et la compositionalit�des idiomes.

Le pr�sent article est organis� en trois parties. Dans la premi�re, nous pr�sentonsles deux classes de mod�les et les principaux r�sultats exp�rimentaux qui les �tayenten mettant lÕaccent sur les travaux les plus r�cents de Giora (2001). Dans la secondepartie, nous exposerons les caract�ristiques essentielles de la base de donn�esÇÊÊIDIOMATICÊÈÊÊ de 650 idiomes que nous avons constitu�e de mani�re �permettre des recherches manipulant les facteurs reconnus comme intervenant dans lacompr�hension des idiomes. Enfin, dans la derni�re partie, nous d�crironsrapidement les principes de lÕanalyse s�mantique latente propos�e par Landauer etDumais (1997) avant dÕillustrer certaines de ses utilisations � lÕ�tude des idiomes.

11.2. Les mod�les non compositionnels

Deux types de mod�les non compositionnels concevant les expressionsidiomatiques comme des entit�s auxquelles on acc�de, sans calcul de leursignification, ont �t� propos�sÊ: les mod�les de listes (Bobrow et Bell, 1973Ê;Swinney et Cutler, 1979), et le mod�le de saillance relative des acceptions (Giora,1997).

11.2.1. Les mod�les de listes

Bobrow et Bell (1973) ont propos� que les expressions idiomatiques soientstock�es dans une liste distincte du lexique mental. Le traitement effectu�spontan�ment est toujours litt�ral, ce nÕest quÕen cas dÕ�chec ou lorsque

Le traitement des expressions idiomatiques 309

lÕinterpr�tation litt�rale dÕun idiome nÕest pas congruente avec un contexte donn�,quÕune recherche dans la liste mentale dÕidiomes est engag�e afin de retrouverlÕinterpr�tation congruente avec le contexte. Selon cette hypoth�se, lÕacc�s � lasignification litt�rale est donc plus rapide que lÕacc�s � lÕacception figur�e.Empiriquement, les auteurs ont observ� que lorsque les idiomes sont pr�c�d�s desyntagmes litt�raux, la probabilit� pour que les participants d�clarent avoir faitspontan�ment une interpr�tation idiomatique est moins importante que lorsque lesidiomes sont pr�c�d�s de syntagmes figur�s. Cependant, il faut noter que laproc�dure utilis�e, qui consiste � demander aux participants quelle acception leur estconsciemment venue � lÕesprit, ne renseigne pas sur les processus initiaux detraitement de ce type dÕexpressions.

Pour Swinney et Cutler (1979), contrairement � Bobrow et Bell (1973), lesexpressions idiomatiques ne sont pas stock�es dans une liste mentale dÕidiomesdistincte du lexique mental. Les idiomes sont stock�s au sein m�me du lexiquemental, sous la forme de mots longs. Le processus de r�cup�ration de lÕacceptionidiomatique est activ� d�s la rencontre du premier mot de lÕidiome, parall�lement autraitement litt�ral. Mais, lÕacception idiomatique �tant stock�e dans le lexiquemental, lÕacc�s � cette acception est plus rapide que pour lÕacception litt�rale quirequiert une composition de la signification des mots qui constituent lÕidiome. Lesauteurs ont obtenu des r�sultats compatibles avec leur hypoth�se dans uneexp�rience au cours de laquelle les participants avaient pour consigne de d�cider siles cha�nes de mots pr�sent�s constituaient ou non des expressions valides de lalangue anglaise. LÕanalyse des r�sultats indique que les latences de d�cision sontsignificativement plus courtes pour les idiomes que pour les expressions litt�ralesissues des m�mes idiomes modifi�s, et cela quel que soit le lieu de la modification.La critique pr�c�demment adress�e � Bobrow et Bell (1973) vaut �galement pourcette �preuve dÕacceptabilit� qui, si elle permet dÕappr�hender le r�sultat de lÕacc�sau lexique, ne renseigne pas sur lÕ�volution temporelle du traitement.

11.2.2. Le mod�le de la saillance relative

Plus r�cemment, Giora (1973) a propos� un mod�le selon lequel les processusinitiaux de traitement du langage figur� et du langage litt�ral sont r�gis par le m�meprincipeÊ: celui de la saillance relative des acceptions. QuÕil sÕagisse de termeshomographes, polys�miques ou dÕexpressions figur�es, lÕacception initialementactiv�e est lÕacception la plus saillante. Selon Giora, les r�sultats contradictoiresobtenus dans le traitement des idiomes sÕexpliquent par la non prise en compte dece facteur de la saillance relative. La saillance dÕune acception varie en fonction deson caract�re conventionnel, de sa fr�quence, de sa familiarit� et de saprototypicalit�. La saillance est donc une question de degr�, d�termin�efondamentalement par la fr�quence dÕexposition et par la familiarit� exp�rientielle

310 M�taphores et analogies

avec lÕacception en question (Gernsbacher, 1984Ê; Peleg, Giora et Fein, 2001). Lesacceptions les plus saillantes sont cod�es dans le lexique mental alors que lesacceptions non saillantes ne le sont pas.

Du point de vue des processus, plusieurs cas de figure sont � envisager selon lasaillance relative des acceptions litt�rale et figur�e et leur codage (ou non) dans lelexique mental. Les acceptions les plus saillantes sont initialement activ�es d�slÕexposition au stimulus linguistique, via un examen direct dans le lexique mental,et ceci quel que soit le contexte, alors que les acceptions moins saillantes, mais�galement cod�es dans le lexique mental, seront activ�es plus tard. Si les deuxacceptions dÕun terme homographe, polys�mique ou dÕun idiome sont �galementsaillantes, alors lÕacc�s � ces diff�rentes acceptions se fait en parall�le. Enfin,lÕactivation des acceptions non saillantes requiert des processus inf�rentielssuppl�mentaires ou un support contextuel fortement inducteur (Mauri�s, 2001).Selon Giora et Fein (1999) lÕacc�s au lexique et le traitement du contexteconstituent deux m�canismes distincts, lÕint�gration de lÕinformation contextuellesÕeffectuant parall�lement � lÕacc�s � lÕacception saillante cod�e dans le lexique. Letraitement du contexte, sÕil conduit � la production dÕattentes et de pr�dictions, nebloque pas lÕacc�s � lÕacception la plus saillante.

Dans une exp�rience destin�e � valider lÕhypoth�se de la saillance relative, Gioraet Fein (1999) ont manipul� le degr� de familiarit� de lÕacception figur�e desidiomes et ont soumis les participants � une t�che de compl�tement de fragments demots. Les idiomes �taient pr�sent�s dans un contexte phrastique litt�ral ou figur�.Pour chaque contexte, les fragments des deux types de cibles, litt�rale et figur�e,�taient pr�sent�s. Les idiomes utilis�s avaient �t� syst�matiquement enseign�s auxparticipants pendant lÕann�e scolaire et, � la fin de lÕann�e, la connaissance de cesidiomes a �t� �valu�e. Les idiomes ont ainsi �t� class�s en deux groupesÊ: familierset moins familiers. Lorsque les idiomes familiers sont pr�c�d�s dÕun contexteidiomatique1, seule lÕacception idiomatique est activ�e alors que lorsquÕils sontpr�c�d�s dÕun contexte litt�ral, les deux acceptions sont activ�es. Pour les idiomesmoins familiers, quand le contexte induit lÕacception litt�rale, seule lÕacceptionlitt�rale est activ�e, alors que les deux acceptions sont activ�es quand le contexteinduit lÕacception idiomatique. Giora et Fein interpr�tent ces r�sultats en faveur delÕhypoth�se de la saillance relative car, pour �tre activ�e, lÕacception non saillantedÕun idiome n�cessite un support contextuel important. Selon les auteurs, lÕacc�s �lÕacception saillante r�sulte dÕun m�canisme ind�pendant du traitement du contexte.

Cette exp�rience appelle trois critiques essentielles. Premi�rement, lesexpressions idiomatiques ont toutes �t� enseign�es aux �tudiants pendant leur ann�e

1. Un contexte inducteur de lÕacception figur�e sera appel� contexte idiomatique et uncontexte inducteur de lÕacception litt�rale sera appel� contexte litt�ral.

Le traitement des expressions idiomatiques 311

scolaire, le nombre de pr�sentations contr�l� et la familiarit� de lÕacception figur�e�valu�e. Aucune mesure de la saillance relative des acceptions litt�rale et figur�e desidiomes nÕa �t� effectu�e. Il est donc impossible de distinguer le cas o� lÕacceptionfigur�e est activ�e car seule saillante du cas o� elle est activ�e en parall�le �lÕacception litt�rale �galement saillante. LÕ�valuation de la connaissance delÕacception figur�e ne renseigne en aucun cas sur sa saillance par rapport �lÕacception litt�rale. Deuxi�mement, Giora et Fein (1999) nÕont pas �tudi� letraitement des expressions idiomatiques hors contexte alors quÕils postulent deuxm�canismes ind�pendants pour lÕacc�s au lexique et pour le traitement delÕinformation contextuelle. LÕeffet de la saillance relative des acceptions dÕun idiomesÕexerce sur lÕacc�s au lexique ind�pendamment de lÕeffet du contexte. Dans unpremier temps, lÕexistence dÕun tel m�canisme doit donc �tre test�e hors contexteafin dÕ�tablir lÕactivation initiale de lÕacception la plus saillante. Enfin, Giora et al.utilisent une m�thode off line, qui ne permet pas dÕappr�hender le cours temporeldu traitement des expressions idiomatiques. Les r�sultats de cette exp�rience rendentcompte du r�sultat final dÕune activit� d�lib�r�e alors que les auteurs les utilisentpour confirmer lÕhypoth�se dÕun acc�s automatique au lexique. Ainsi, le moment o�la saillance relative intervient dans le traitement des expressions idiomatiquesdemeure ind�termin� et il est possible quÕelle nÕintervienne que plus tardivementdans la compr�hension (Marquer, Lebreton, L�veill� et Dioniso, 1990). La t�cheutilis�e ne permet pas dÕ�lucider ce probl�me.

A la diff�rence de Giora et Fein (1999), Peleg, Giora et Fein (2001) ont utilis�une t�che on-line permettant dÕacc�der au traitement initial des homographes.LÕ�tude men�e par Peleg et al. (2001) �tait destin�e � d�montrer que les r�sultatsobtenus par Vu, Kellas et Paul (1998) � propos de lÕeffet du contexte sur letraitement des homographes nÕ�taient pas contradictoires avec les pr�dictionsd�riv�es de lÕhypoth�se de la saillance relative. Vu et al. concluaient � un effet ducontexte sur lÕacc�s au lexiqueÊ: seule la signification compatible avec le contexteest initialement activ�e, et ceci ind�pendamment de la saillance des acceptions.Selon Peleg et al. (2001) lÕacc�s s�lectif aux diff�rentes acceptions est d� � unm�canisme de production dÕattentes et de pr�dictions engendr� par le traitement ducontexte. Les contextes utilis�s par Vu et al. induisaient lÕacception saillante (1), ounon saillante (2) des homographes, lesquels apparaissaient toujours en fin de phrase(voir lÕexemple ci-dessous). Trois cibles diff�rentes �taient pr�sent�esÊ: une ciblereli�e � lÕacception saillante, une autre reli�e � lÕacception non saillante et une ciblenon reli�e. Peleg et al. ont dupliqu� lÕexp�rience de Vu et al. en introduisant unediff�rence majeureÊ: les cibles �taient pr�sent�es avant lÕapparition de lÕhomographe(bat) et non plus apr�s, ceci afin de d�montrer que la facilitation observ�e estattribuable au traitement du contexte gauche et non � celui de lÕacc�s s�lectif �lÕacception contextuellement pertinente de lÕhomographe.

312 M�taphores et analogies

(1) The slugger splintered the* bat2.

(2) The biologist wounded the* bat.

- cible saillanteÊ: wooden- cible moins saillanteÊ: fly- cible non reli�eÊ: station

Les r�sultats obtenus par Peleg et al. reproduisent ceux de Vu et al.Ê: cÕestlÕacc�s � lÕacception compatible avec le contexte qui est facilit� (voir le tableau11.1).

Contexte Cible saillante Cible moins saillante Cible non reli�e

Saillant 951 1Ê003 1Ê005

Moinssaillant

1Ê057 927 994

Tableau 11.1. Moyenne des temps de r�ponse (en millisecondes) en fonction ducontexte et du type de cible (Peleg, Giora et Fein, 2001)

LÕinteraction significative entre les facteurs contexte et cible indique que lorsquele contexte induit lÕacception saillante, le temps de r�ponse � la cible saillante estinf�rieur � celui des deux autres cibles alors que lorsque le contexte induitlÕacception moins saillante, le temps de r�ponse � la cible moins saillante estinf�rieur � celui des deux autres cibles. Ainsi, �tant donn� que les r�sultats de Vu etal. sont r�pliqu�s avant m�me que lÕhomographe soit pr�sent�, cÕest-�-dire avantque lÕacc�s au lexique puisse intervenir, ils ne peuvent donc pas �tre attribu�s � uneffet s�lectif du traitement du contexte provoquant lÕactivation de la seule acceptionpertinente de lÕhomographe.

Bien que les auteurs aient montr� que le contexte �tait suffisamment contraignantpour permettre la pr�diction de la signification pertinente par rapport au contexte, etceci avant m�me que le mot cible soit trait�, ils nÕont pas montr� que cet effetnÕinfluence pas lÕacc�s au lexique. On peut leur objecter que le processusdÕanticipation suppos� par lÕhypoth�se de la saillance relative ne fonctionne pas enparall�le avec lÕacc�s au lexique et quÕil p�n�tre les processus dÕacc�s au lexique.Aussi, dans le but de montrer que le m�canisme lexical est encapsul� et insensible �lÕinformation contextuelle, les auteurs vont tenter de d�montrer que lessignifications saillantes et non compatibles avec le contexte ne sont pas inhib�es parla pr�sentation dÕun contexte inducteur de lÕacception non saillante. Selon 2. La cible est pr�sent�e apr�s lÕast�risque.

Le traitement des expressions idiomatiques 313

lÕhypoth�se de la saillance relative, un contexte, m�me fortement inducteur delÕacception non saillante, nÕinhibera pas lÕacception saillante alors que les mod�lesinteractifs supposent que, dans le cas dÕun contexte riche et fortement inducteur, lasignification pertinente est initialement activ�e, directement et exclusivement, sansimpliquer les significations non compatibles avec le contexte, car ces derni�res sontinhib�es par lÕinformation contextuelle (voir Vu et al., 1998).

Dans cette seconde exp�rience, le mat�riel utilis� �tait compos� de deuxphrasesÊ: la premi�re phrase jouait le r�le de contexte inducteur de lÕacception nonsaillante dÕun mot utilis� m�taphoriquement3 dans la seconde phrase (voirlÕexemple ci-dessous).

Phrase contexteÊ:

SaritÕs sons and mine went on fighting continuously.

(3) Item m�taphorique en position initialeÊ:Sarit said to me: These ÇÊdelinquentsÊÈ* wonÕt let us have a moment of

peace4.

(4) Item m�taphorique en position finaleÊ:Sarit said to me: A moment of peace wonÕt let us have these

ÇÊdelinquentsÊÈ*.

CibleÊsaillanteÊnon compatible avec le contexteÊ:- criminalsÊ;

Cible non saillante compatible avec le contexteÊ:-ÊkidsÊ;

Cible non reli�eÊ:- painters.

La saillance de lÕitem m�taphorique avait �t� d�termin�e gr�ce � un pr�test quiconsistait � pr�senter cet item dans un contexte phrastique neutre au cours dÕunet�che de d�cision lexicale, les cibles �tant celles utilis�es lors de lÕexp�rience(criminals, kids, painters). La manipulation exp�rimentale consistait � pr�senterlÕitem m�taphorique (ÇÊdelinquentsÊÈ) au d�but ou � la fin de la seconde phrase. Lat�che consistait � effectuer une d�cision lexicale sur la suite de lettres qui apparaissaitapr�s lÕitem m�taphorique pr�sent� au d�but ou � la fin de la seconde phrase.

Les r�sultats essentiels indiquent quÕen position initiale comme en positionfinale, le temps moyen de r�ponse aux cibles saillantes et non saillantes estsignificativement inf�rieur � celui des cibles non reli�es (voir le tableau 11.2).

3. Les mots utilis�s m�taphoriquement seront appel�s ÇÊitems m�taphoriquesÊÈ.4. La cible est pr�sent�e apr�s lÕast�risque.

314 M�taphores et analogies

CibleCible saillante

(contextuellementincompatible)

Cible non saillante(contextuellement

compatible)

Ciblenon reli�e

Position initiale 1Ê021 1Ê019 1Ê097

Position finale 1Ê088 1Ê046 1Ê123

Tableau 11.2.ÊMoyenne des temps de r�ponse (en millisecondes) en fonction de laposition et de la nature des cibles (Peleg, Giora et Fein, 2001)

Ainsi, bien que le traitement de lÕinformation contextuelle rende disponiblelÕacception pertinente tant en position initiale que finale, lÕacception saillante maisnon compatible avec le contexte nÕest pas inhib�e. Peleg et al. concluent que cesr�sultats sont en accord avec lÕhypoth�se selon laquelle la compr�hension dulangage implique deux m�canismes distincts qui fonctionnent en parall�leÊ: lÕunr�agit � lÕinformation contextuelle et lÕautre est sensible � lÕinformation saillante,cod�e dans le lexique mental. Si les effets du contexte peuvent �tre pr�coces, ceuxde la saillance ne sont pas pour autant �limin�sÊ: lÕacception saillante est activ�ed�s le d�but lÕexposition au stimulus, et ceci, ind�pendamment du caract�reinducteur du contexte.

Malgr� lÕint�r�t de la d�marche et des r�sultats des auteurs, deux critiquespeuvent �tre formul�es, lÕune � propos de lÕ�valuation de la saillance des itemsm�taphoriques, lÕautre � propos de lÕinterpr�tation des r�sultats de lÕexp�rienceproprement dite. Premi�rement, afin dÕ�tablir la saillance relative des items utilis�sm�taphoriquement, les auteurs ont employ� une t�che de d�cision lexicale et ontinf�r� des temps de r�action lÕacception saillante. Or Giora (1997) �crit que lasaillance dÕun mot ou dÕun groupe de mots est d�finie par son caract�reconventionnel, sa fr�quence, sa familiarit� ou sa prototypicalit� et que lÕacc�s aulexique est dirig� par la saillance. De plus, le fait de consid�rer comme saillantelÕacception pour laquelle les temps de d�cision lexicale sont plus courts pourensuite conclure que cÕest lÕacception la plus saillante qui provoque les temps der�action les plus courts constitue un raisonnement circulaire. La seconde critiqueporte sur lÕinterpr�tation des r�sultats de lÕexp�rience principale. En effet, le facteursaillance est confondu avec le facteur amor�age lexical et le facteur non saillance estconfondu avec le facteur amor�age phrastique (Denhi�re et Tapiero, 1996). On peuten effet consid�rer que la r�ponse � la cible saillante et non compatible avec lecontexte criminalsÊ r�sulte dÕun amor�age de type lexical d� au mot amorcedelinquentsÊ alors que la r�ponse � la cible non saillante compatible avec le contextekidsÊ est la cons�quence dÕun amor�age phrastique impliquant la compr�hension dela phrase contexte.

Le traitement des expressions idiomatiques 315

En conclusion, si lÕhypoth�se de la saillance relative pr�sente un int�r�tth�orique ind�niable, elle nÕa pas encore �t� valid�e avec des techniques permettantdÕappr�hender lÕacc�s initial aux acceptions. Plus pr�cis�ment, cette mise �lÕ�preuve suppose une �valuation pr�alable, hors contexte, de la saillance relativedans le but de constituer un corpus dÕexpressions saillantes, les unes sur le planlitt�ral, les autres sur le plan figur�, toutes choses �gales par ailleurs. En effet, on nepeut ignorer les r�sultats des travaux effectu�s par les tenants des mod�lescompositionnels et qui ont montr� que traitement compositionnel et noncompositionnel intervenaient dans la compr�hension des idiomes.

11.2.3. La transition vers les mod�les compositionnelsÊ: le mod�le dÕacc�s direct

11.2.3.1. Version non compositionnelle

Le mod�le dÕacc�s direct de Gibbs (1980, 1986) suppose que les idiomes sontcompris directement, cÕest-�-dire avant m�me la construction dÕune interpr�tationlitt�rale, et que le sens des mots qui composent un idiome ne sont pas compos�spour former une repr�sentation litt�rale du syntagme. Ce mod�le est en cons�quencesouvent catalogu� comme �tant un troisi�me type de mod�le non compositionnel.Les travaux publi�s par Gibbs en 1980 et en 1986 accr�ditent cette conception. Dansune s�rie dÕexp�riences, des sujets sont soumis � une t�che de jugement deparaphrases de phrases contenant des expressions idiomatiques � deux interpr�tationspossibles, lesquelles sont utilis�es soient figurativement, soit litt�ralement. Laconsigne prescrit aux sujets de d�cider si ces paraphrases sont valides. Les r�sultatsmontrent que les temps de d�cision face aux paraphrases sont plus courts quand lesphrases initiales contiennent une expression idiomatique utilis�e idiomatiquementque lorsquÕelles contiennent une expression idiomatique utilis�e dans son acceptionlitt�rale. Des r�sultats semblables ont �t� obtenus par Ortony, Schallert, Reynolds,et Antos (1978). Le mod�le dÕacc�s direct ne semble toutefois nÕavoir une certainevraisemblance que dans le cas des expressions idiomatiques famili�res, fortementpolaris�es, cÕest-�-dire qui poss�dent une acception litt�rale peu probable, tant encontexte que hors contexte, et fortement pr�dictibles, cÕest-�-dire qui permettent unereconnaissance facile dÕun idiome avant la fin de lÕidentification de lÕexpression,comme lÕexpression ÒVendre la peau de lÕoursÊÈ, par exemple.

11.2.3.2. Version compositionnelleÊ: analysabilit� lexicale et syntaxique desidiomes

A partir essentiellement des ann�es 1990, Gibbs et ses collaborateurs (Gibbs,1992, 1993, 1994Ê; Gibbs et Gonzales, 1985Ê; Gibbs et Nayak, 1991Ê; Gibbs etOÕBrien, 1990) ont d�velopp� une conception du traitement des locutionsidiomatiques faisant intervenir une certaine dose dÕanalysabilit� (ou

316 M�taphores et analogies

compositionnalit�). Gibbs a remarqu� en effet que, contrairement au point de vuestandard Ð quÕil avait lui-m�me, semble-t-il, adopt� auparavant Ð selon lequel lesidiomes seraient non compositionnels, de nombreuses expressions idiomatiques nesont pas que dÕanciennes m�taphores ayant, au cours du temps, perdu leurm�taphoricit� et, devenues ainsi �teintes, fig�es, ne seraient plus rien dÕautreaujourdÕhui que de simples �quivalents de leurs paraphrases litt�rales. Au contraire,de nombreuses expressions idiomatiques sÕav�rent en effet d�composables ouanalysables, les significations de leurs �l�ments contribuant de fa�on ind�pendante �la signification figur�e de lÕensemble (Gibbs et Nayak, 1989Ê; Gibbs, Nayak, Boltonet Keppel, 1989Ê; voir aussi Nunberg, 1978).

LÕanalysabilit� dÕun idiome est r�ellement une question de degr�, et d�pend dela saillance de ses constituants. De nombreuses expressions idiomatiques ont desdegr�s dÕanalysabilit� interm�diaires. Gibbs et ses coll�gues ont propos� dedistinguer trois cat�gories dÕexpressions idiomatiquesÊ: les idiomes normalementd�composables (pop the question), anormalement d�composables (carry a torch forsomeone) et non d�composables (kick the bucket) (Gibbs et Nayak, 1989, Gibbs,Nayak, Bolton, et Keppel, 1989Ê; Gibbs, Nayak et Cutting, 1989). Le sens desmots constituant les idiomes compositionnels normalement d�composables estdirectement reli� au sens idiomatique de lÕexpression. Les idiomes compositionnelsanormalement d�composables sont form�s de mots dont le sens nÕest li� �lÕexpression que de mani�re m�taphorique. Enfin, lÕacception figur�e des idiomesnon compositionnels ou non d�composables ne d�rive pas du sens litt�ral des motsqui les constituent (kick the bucket) (voir Gibbs, Bogdanovich, Skyes et Barr,1997Ê; McGlone, Glucksberg et Cacciari, 1994). Toute une s�rie dÕexp�riences amontr� quÕil existe une coh�rence raisonnable dans les intuitions des gensconcernant lÕanalysabilit� des idiomes (Gibbs et Nayak, 1989).

11.2.3.3. Version compositionnelleÊ: idiomes et m�taphores conceptuelles

De nombreuses m�taphores impliqu�es dans le traitement et dans lÕinterpr�tationdes locutions idiomatiques sont plus que de simples m�taphores isol�esÊ: ce sont aucontraire des ÇÊm�ta-m�taphoresÊÈÊ multiples, mais toujours de nature conceptuelle.(voir Lakoff et Johnson, 1980). Ainsi, ÇÊFaire sauter le couvercleÊÈÊ est interpr�t�comme appliquant au domaine de la col�re lÕexplosion qui risque de se produirequand un r�cipient herm�tique (par exemple une cocotte-minute) est rempli dÕunliquide chauff� trop fortement et trop longuement. ÇÊlÕespritÊÈ est doncconceptualis� m�taphoriquement comme �tant un ÇÊr�cipientÊÈ herm�tiquementclos, et la ÇÊcol�reÊÈ comme un ÇÊliquideÊÈ bouillant se trouvant dans ce r�cipient.LÕexplosion de la col�re est conceptualis�e comme �tant non intentionnelle. Lesappariements m�taphoriques sont ainsi riches dÕenseignements concernant lescauses, lÕintentionnalit�, la mani�re de se produire, et aussi les cons�quences desactivit�s. Par contre, la paraphrase litt�rale ÇÊEtre tr�s en col�reÊÈÊ ne v�hicule en

Le traitement des expressions idiomatiques 317

rien ces significations et ces inf�rences. Nombre de locutions idiomatiques poss�dentainsi des significations figur�es tr�s complexes, bas�es sur de telles m�taphoresconceptuelles. On citera, comme exemples, les m�taphores spatiales telles que ÇÊenhautÊÈ (up) et ÇÊen basÊÈ (down)Ê; Lakoff et Johnson citent nombre dÕexpressionso� le ÇÊhautÊÈ est conceptualis� comme renvoyant � la force, la victoire, la sant�,etc.Ê; tandis que le ÇÊbasÊÈ renvoie � la faiblesse, la d�faite, la maladie. Cesm�taphores existent dans notre syst�me conceptuel ind�pendamment de lÕexistencedes locutions idiomatiques. Ce qui implique que, si ces derni�res ne peuventexpliquer pourquoi telle ou telle locution idiomatique les met �ventuellement enjeu, elles ne peuvent non plus emp�cher que telle ou telle locution idiomatique lefasse. Ce qui revient � dire que lÕexistence des m�taphores conceptuelles nÕexpliqueen rien celle des expressions idiomatiques, m�me si certaines dÕentre-elles sontbas�es sur ces m�taphores.

Pour Gibbs (1994), en d�finitive, la distinction entre langage litt�ral et langagefigur� nÕa pas lieu dÕ�tre. Il ne peut en effet exister de mode litt�ral dÕutilisation dulangage, vu que notre fa�on de conceptualiser le monde, et donc dÕen parler, estfondamentalement de nature m�taphorique. Les m�taphores, mais aussi lescataphores, les m�tonymies, les synecdoques, les idiomes, le discours indirect,lÕironie, les jeux de mots et toutes autres figures qui consistent � employer les motset les expressions en les d�tournant de leur sens propre (ces figures sont appel�esÇÊtropesÊÈ) sont des constructions mentales qui nous permettent de conceptualisernotre exp�rience du monde.

Gibbs rejoint ainsi la position soutenue par les recherches actuelles sur letraitement du langage figur�, qui affirment que la compr�hension des m�taphores etdes idiomes est, pour lÕessentiel, identique � celle du langage litt�ral (Glucksberg,1989Ê; Glucksberg et Keysar, 1990Ê; Keysar, 1989, 1994Ê; Keysar et Glucksberg,1992Ê; Ortony, Schallert, Reynolds et Antos, 1978). Contrairement � ce quÕaffirmele mod�le standard, le langage litt�ral nÕest pas trait� prioritairement au langagefigur�. La signification non litt�rale est donc trait�e directement et imm�diatement.

Si des m�taphores conceptuelles sont � la base de nombre dÕexpressionsidiomatiques, � quel moment, au cours du traitement, sont-elles accessiblesÊ? CÕest� cette question que Gibbs, Bogdanovich, Sykes et Barr (1997) tentent dÕapporterdes �l�ments de r�ponse. Dans une premi�re exp�rience, ils cherchent � savoir silÕacc�s � la connaissance m�taphorique se produit lors du traitement on-line desidiomes. Les sujets devaient lire de courts passages se terminant par une expressionidiomatique (par exemple, He blew his stack), une paraphrase de cette expression(He got very angry) ou par une phrase de contr�le (He saw many dents). Ils nÕ�taientpas avertis que les idiomes quÕils allaient rencontrer �taient bas�es sur desm�taphores conceptuelles. Apr�s avoir d�clar� quÕils avaient compris lÕhistoire, lesparticipants devaient effectuer une t�che de d�cision lexicale, soit sur une cible li�e �

318 M�taphores et analogies

la m�taphore conceptuelle (heat), soit sur une cible non reli�e (lead). LÕanalyse desr�sultats montre que les temps de r�ponse aux cibles li�es aux m�taphoresconceptuelles sont globalement plus courts que pour les cibles non reli�es. Cesr�sultats sÕexpliquent par le fait que des temps de r�action plus courts sÕobserventuniquement dans la condition ÇÊexpression idiomatiqueÊÈ suivie par une cible reli�e� la m�taphore conceptuelle. Les r�sultats de cette premi�re exp�rience sugg�rentquÕil y a acc�s aux m�taphores conceptuelles non attendues d�s les premi�res phasesdu traitement.

Dans une seconde exp�rience, les auteurs ont pr�sent� les m�mes histoires quedans lÕexp�rience 1, mais cette fois-ci, elles pouvaient se terminer par deux idiomesayant sensiblement la m�me signification figur�e mais bas�es sur des m�taphoresconceptuelles diff�rentes. Au cours de la t�che de d�cision lexicale, trois types decibles pouvaient �tre pr�sent�esÊ: une cible reli�e � la m�taphore conceptuelle dÕundes deux idiomes, une reli�e � la m�taphore conceptuelle sous-jacente � lÕautreexpression idiomatique, ou encore une cible non reli�e. LÕanalyse de ces r�sultatsmontre que les participants identifient plus rapidement une cible m�taphoriquecomme �tant un mot apr�s avoir lu lÕidiome bas� sur la m�me m�taphore quÕapr�sla lecture dÕun idiome bas� sur une autre m�taphore. Ainsi, bien quÕil y ait unesimilitude �lev�e des sens idiomatiques des expressions, nous acc�dons rapidement� la m�taphore conceptuelle ad�quate. Ceci nÕimplique cependant pas quÕil y ait unacc�s aux concepts m�taphoriques pr�existants chaque fois que lÕon rencontre unidiome, ni que cet acc�s soit n�cessaire � sa compr�hension.

Gibbs et al. (1997) sÕinterrogent sur les conditions contextuelles qui facilitentou inhibent lÕacc�s aux m�taphores conceptuelles dans le traitement du langage etsur le moment du traitement o� on acc�de aux m�taphores conceptuelles, ainsi quesur la dur�e de leur activation. Une possibilit� est que lÕon acc�de aux m�taphoresconceptuelles au moment o� lÕon acc�de � la signification idiomatique desexpressions, ce que Cacciari et Tabossi (1988) nomment la cl� idiomatique. Maispour pouvoir v�rifier une telle hypoth�se, il est n�cessaire dÕutiliser des t�chesr�ellement en ligne, m�thode utilis�e dans lÕapproche en termes de mod�lescompositionnels.

11.3. Les mod�les compositionnels

11.3.1. LÕhypoth�se configurationnelle

En 1988, Cacciari et Tabossi ont propos� le premier mod�le compositionnelÊ: lemod�le configurationnel Selon elles, les expressions idiomatiques sont associ�es �des configurations particuli�res de mots. Comme lÕ�crit Marquer (1994), ÇÊletraitement sÕop�re � partir des m�mes repr�sentations lexicales que le traitement

Le traitement des expressions idiomatiques 319

litt�ralÊ: il suppose seulement que soit reconnue la configurationÊÈÊ (p.Ê632-633).Ainsi, lÕidiome commence par �tre trait� de mani�re litt�rale, par composition dusens des mots identifi�s, puis, lors de la rencontre dÕun point critique, appel� la cl�idiomatique, la configuration de mots est reconnue comme formant une unit� etlÕacception idiomatique �merge. La position de la cl� idiomatique nÕest pas fixeÊ:elle varie en fonction du degr� de pr�dictibilit� des idiomes et du caract�recontraignant du contexte gauche.

Cacciari et Tabossi (1988) s�lectionnent des expressions idiomatiques neposs�dant pas de contrepartie litt�rale vraisemblable, et pour lesquelles chaquecha�ne peut �tre compl�t�e litt�ralement avant lÕaudition de son dernier mot (parexemple, ÇÊaller au diableÊÈ/ÇÊaller au cin�maÊÈ, ÇÊ�tre au septi�me cielÊÈ/ÇÊ�tre ausepti�me rangÊÈ). Le mot cible peut �tre reli�, soit par son sens litt�ral, soit par sonacception idiomatique, au dernier mot de lÕexpression, ou nÕentretenir aucunerelation. Par exemple, apr�s lÕaudition de la phrase ÇÊAfter the excellentperformance, the tennis player was in seventh heavenÊÈ, le sujet se voit pr�sentersoit le mot ÇÊsaintÊÈ, soit le mot ÇÊhappyÊÈ, soit le mot ÇÊumbrellaÊÈ.

Les r�sultats dÕune premi�re exp�rience, dans laquelle les mots ciblesapparaissent � lÕ�cran d�s la fin de la pr�sentation auditive du dernier mot delÕexpression montrent que, par rapport � la condition de contr�le, seules lesd�cisions lexicales sur les cibles li�es � la signification idiomatique sont facilit�es(voir le tableau 11.3).

Relation

idiomatique

Relationlitt�rale

Absence derelation

Exp�rience 1 599* 638 651

Exp�rience 2 676 644* 694

Exp�rience 3 630* 618* 661

* Signale un temps de d�cision significativement inf�rieur � celui de la condition decontr�le.

Tableau 11.3. Temps moyens de d�cision lexicale (ms) en fonction de la nature de la relation entre lÕexpression idiomatique et le mot cible

(dÕapr�s Cacciari et Tabossi 1988)

Dans une deuxi�me exp�rience, seules sont conserv�es des expressionsidiomatiques poss�dant une valeur de pr�dictibilit� minimale ou nulle commeÊ:ÇÊaller au diableÊÈ ou ÇÊfaire une fleurÊÈ. Hormis ce changement de mat�riel,lÕexp�rience est conduite exactement comme la pr�c�dente. Les r�sultats montrent

320 M�taphores et analogies

que, par rapport � la condition de contr�le, seules sont facilit�es les d�cisionslexicales sur les cibles li�es � la signification litt�rale du dernier mot delÕexpression. Il appara�t donc que, avec des expressions idiomatiques nonreconnaissables en tant quÕidiomes avant lÕapparition du dernier mot delÕexpression, et lorsque la cible soumise � une d�cision lexicale appara�timm�diatement apr�s la fin de la pr�sentation de ce dernier mot, seulelÕinterpr�tation litt�rale est facilit�e.

Dans une troisi�me exp�rience, les auteurs r�pliquent en tous points la deuxi�meexp�rience, avec une seule diff�renceÊ: la cible visuelle soumise � la d�cisionlexicale est pr�sent�e 300 millisecondes apr�s la fin de lÕaffichage � lÕ�cran dudernier mot de lÕexpression. On constate que, par rapport � la condition de contr�le,sont facilit�es les d�cisions lexicales sur les cibles li�es � la signification litt�rale dudernier mot de lÕexpression mais aussi � la signification idiomatique delÕexpression, ces deux derni�res conditions ne diff�rant pas significativement entreelles. Il appara�t donc que, non seulement un certain d�lai est n�cessaire pour quesoit activ�e la signification idiomatique, mais aussi que la signification litt�rale dudernier mot de lÕexpression, activ�e en premier, maintient son niveau dÕactivation,en d�pit de lÕactivation parall�le de la signification idiomatique.

En conclusion, aucun des mod�les non compositionnels d�j� envisag�s avantcette s�rie dÕexp�riences (Bobrow et Bell, 1973Ê; Swinney et Cutler, 1979Ê; Gibbs,1980, 1986) ne permet de rendre compte des r�sultats obtenus par Cacciari etTabossi (1988). Le mod�le dÕacc�s direct de Gibbs (1980), qui pr�dit un acc�spremier � la signification idiomatique, reste plausible dans le seul cas dÕidiomesfortement pr�dictibles (voir lÕexp�rience 1), mais il est incompatible avec lesr�sultats observ�s avec les idiomes non pr�dictibles (voir les exp�riences 2 et 3). Eneffet, lÕactivation de la signification litt�rale pr�c�de, dans ce cas, celle de lasignification idiomatique. Le mod�le de la repr�sentation lexicale de Swinney etCutler (1979), qui pr�dit un acc�s en parall�le aux significations litt�rale etidiomatique, avec possibilit� pour cette derni�re dÕ�tre construite avant lasignification litt�rale, nÕest pas compatible non plus avec les r�sultats obtenus.Reste le mod�le de la liste dÕidiomes de Bobrow et Bell (1973). Ce mod�le pr�ditun acc�s � la signification litt�rale plus pr�coce que lÕacc�s � la significationidiomatique et, apparemment, les r�sultats rapport�s par Cacciari et Tabossi (1988)sont compatibles avec ce mod�le. Cependant, il ne permet pas dÕexpliquerpourquoi, une fois que la signification idiomatique est activ�e, la significationlitt�rale le reste �galement. Enfin, Giora nÕayant pas encore propos� le mod�le de lasaillance relative en 1988, Cacciari et Tabossi nÕont pu confronter les pr�dictionsd�riv�es de ce mod�le avec celles d�riv�es du leur. Il serait toutefois int�ressant ded�terminer dans quelle mesure le mod�le de la saillance relative permet de rendrecompte les r�sultats obtenus par Cacciari et Tabossi (1988). Ainsi, il ressort de cettes�rie dÕexp�riences men�es par Cacciari et Tabossi (1988) quÕun idiome commence

Le traitement des expressions idiomatiques 321

par �tre trait� litt�ralement, puis apr�s la rencontre de la cl� idiomatique, il estreconnu comme une configuration et lÕacception idiomatique �merge.

Tabossi et Zardon (1993, 1995) ont test� lÕhypoth�se selon laquelle la positionde la cl� idiomatique est influenc�e par le degr� de pr�dictibilit� des idiomes et parle caract�re contraignant du contexte gauche. Dans la premi�re exp�rience, les auteursont pr�sent� des idiomes fortement pr�dictibles, la cl� idiomatique se situant apr�sle premier mot de contenu (5) alors que dans la seconde exp�rience, qui utilisait desidiomes faiblement pr�dictibles, la cl� idiomatique se situait beaucoup plus loin (6)(voir exemple ci-dessous). LÕ�preuve utilis�e dans les deux exp�riences �tait unet�che de d�cision lexicale intermodale, la cible idiomatique �tant pr�sent�e apr�s leverbe, le premier ou le second mot de contenu de lÕidiome.

(5) Exp�rience 1Ê: idiomes fortement pr�dictiblesFinally, Silvio had succeeded in setting his mind at rest.- cibleÊ: resigned

(6) Exp�rience 2Ê: idiomes faiblement pr�dictiblesIn the end, the man ÇÊhit the nail on the headÊÈ.- cibleÊ: accurate

Verbe 1er mot de contenu 2e mot de contenu

Exp�rience 1 672 638* 626*

Exp�rience 2 637 631 605*

Tableau 11.4. Moyenne des temps de r�ponse (en millisecondes) en fonction du lieudÕapparition de la cible (Tabossi et Zardon, 1995, p. 276)

Pour les idiomes fortement pr�dictibles et dont la cl� se situe apr�s le premiermot de contenu (exp�rience 1), les temps de r�ponse sont plus courts lorsque lacible appara�t apr�s le premier et le second mot de contenu que lorsquÕelle appara�tapr�s le verbe. Pour les idiomes faiblement pr�dictibles et dont la cl� se situe plusloin (exp�rience 2), les temps de r�ponse sont plus courts lorsque la cible appara�tapr�s le second mot de contenu que lorsquÕelle est pr�sent�e dans les autrespositions (voir le tableau 11.4). Ainsi, le degr� de pr�dictibilit� et la position de lacl� idiomatique covarient, lÕacc�s � lÕacception figur�e variant avec la position de lacl� idiomatique.

Il faut noter que le mod�le configurationnel, propos� par Cacciari et Tabossi apermis pour la premi�re fois de rendre compte de r�sultats contradictoires obtenuspar les tenants des mod�les non compositionnels. De plus, ces auteurs ont �t� lespremiers � utiliser la t�che dÕamor�age lexical intermodal, permettant dÕappr�henderles processus initiaux du traitement. Cependant, en d�pit de leur aspect novateur les

322 M�taphores et analogies

recherches de Cacciari et Tabossi (1988) ne sont pas exemptes de critiquesm�thodologiques et th�oriques. Cacciari et Tabossi (1988) reprennent la d�finitiondu traitement litt�ral propos�e par la conception standard de la compr�hension dulangageÊ: la compr�hension dÕune phrase suppose ÇÊla reconnaissance des motsindividuels de la phrase, la r�cup�ration de leur signification dans le lexique mental,et leur combinaison en respectant les relations grammaticalesÊÈ (Cacciari et Tabossi,1988, p.Ê668). Cependant, Cacciari et Tabossi (1988) utilisent une cible litt�raleli�e � la signification litt�rale du dernier mot de lÕidiomeÊ: leurs r�sultats refl�tentlÕacc�s � la repr�sentation du dernier mot de lÕexpression et non un acc�s au senslitt�ral global de lÕidiome obtenu par composition du sens des mots constituantlÕidiome (Th�rouanne et Denhi�re, 2002). Ainsi, Cacciari et Tabossi ne sont pas enmesure de soutenir quÕavec ce type dÕidiomes, pr�sent� sans contexte inducteurdÕune des deux acceptions, ÇÊles suites idiomatiques sont initialement trait�es demani�re uniquement litt�raleÊÈ (Cacciari et Tabossi, 1988, p.Ê677), les expressionsutilis�es ne poss�dant quÕune acception idiomatique. Ces exp�riences montrentseulement quÕinitialement, il y a acc�s � la repr�sentation lexicale du dernier mot delÕexpression (exp�rience 2) et que plus tard, lÕacception idiomatique est accessible(exp�rience 3). Ainsi, la g�n�ralisation formul�e par Cacciari et Tabossi concernantlÕacc�s � lÕacception litt�rale des idiomes est discutable. M�me pour les idiomesfortement pr�dictibles, rien ne prouve que lÕacc�s � lÕacception litt�rale nÕinterviennepasÊ: lÕacc�s aux premiers mots suffit peut-�tre � faire �merger lÕacception litt�rale.Seule lÕ�tude des expressions idiomatiques poss�dant deux acceptions, lÕunelitt�rale et lÕautre figur�e peut permettre lÕ�tude du cours temporel de lÕacc�s � lasignification litt�rale.

11.3.2. Pr�dictibilit�, litt�ralit� et d�composabilit� des idiomes

Titone et Connine (1994a,b) ont d�velopp� le mod�le configurationnel propos�par Cacciari et Tabossi (1988) en manipulant trois variables suppos�es jouer un r�led�cisif dans la compr�hension des expressions idiomatiquesÊ: la pr�dictibilit�, cÕest-�-dire de la probabilit� que lÕidiome soit rapidement reconnu en tant que telÊ; lalitt�ralit�, cÕest-�-dire de la probabilit� dÕune interpr�tation litt�rale dÕun idiomeÊ; etla d�composabilit�, cÕest-�-dire de la contribution du sens des mots � lasignification idiomatique de lÕexpression.

11.3.2.1. Pr�dictibilit� des idiomes et activation de lÕacception idiomatique

Les deux premi�res exp�riences de Titone et Connine (1994) sont consacr�es �lÕ�tude des effets du facteur pr�dictibilit�. Une partie du mat�riel est constitu�edÕidiomes fortement pr�dictibles (par exempleÊ: ÇÊJohn wanted to bury the hatchetsoon after Susan leftÊÈÊ:ÊÇÊJean d�cida dÕenterrer la hache de guerre d�s le d�part deSuzanneÊÈ), tandis que lÕautre partie est constitu�e dÕidiomes faiblementpr�dictibles (par exemple, ÇÊJohn wanted to hit the sack after his long day

Le traitement des expressions idiomatiques 323

hikingÊÈÊ: ÇÊJean eut envie dÕenvoyer promener son sac apr�s sa longue journ�e demarcheÊÈ). Les cibles sur lesquelles portent les d�cisions lexicales sont, soit reli�es� la signification idiomatique (forgive, sleep), soit sans relation (gesture, fight).

Dans la premi�re exp�rience, les mots cibles sont pr�sent�s d�s la disparition dudernier mot de lÕexpression idiomatique. Compar�s aux temps de d�cision face auxcibles non reli�es, les temps de d�cision lexicale face aux cibles li�es � lÕacceptionidiomatique sont significativement plus rapidesÊ: 773 versus 799 ms en moyenne(voir le tableau 11.5). Cette facilitation est du m�me ordre de grandeur pour lesidiomes fortement et faiblement pr�dictiblesÊ: 24 versus 28 ms respectivement. Pourles deux types dÕidiomes, la signification idiomatique est donc disponible d�s la finde lÕaudition de lÕexpression.

Dans la deuxi�me exp�rience, les cibles sont pr�sent�es d�s la disparition delÕavant-dernier mot de lÕexpression idiomatique. Les temps de d�cision lexicale faceaux mots cibles reli�s � lÕacception idiomatique sont plus rapides que ceuxenregistr�s face aux mots cibles sans relationÊ: 729 versus 765 ms en moyenne.Mais, fait important � noter, cette facilitation est quantitativement plus importantepour les idiomes fortement pr�dictibles que pour les idiomes faiblementpr�dictiblesÊ: 50 versus 21 ms. De ce r�sultat, on peut inf�rer que lÕinterpr�tationidiomatique des idiomes fortement pr�dictibles est disponible en m�moire avantm�me que lÕexpression idiomatique ne soit totalement entendue et identifi�e (aveccertitude).

Cible reli�e Cible non reli�e

A lÕacception idiomatique

Exp�rience 1

Idiomes fortement pr�dictibles 767* 791

Idiomes faiblement pr�dictibles 779* 807

Exp�rience 2

Idiomes fortement pr�dictibles 712* 762

Idiomes faiblement pr�dictibles 746* 767

Tableau 11.5.ÊTemps moyens de d�cision lexicale (ms) en fonction de la pr�dictibilit�des expressions idiomatiques et de la nature de la relation entre leur signification

idiomatique et le mot cible (dÕapr�s Titone et Connine, 1994, p. 1129)

Les r�sultats de ces deux exp�riences sont donc compatibles avec ceux obtenuspar Cacciari et Tabossi (1988), � lÕexception du fait que, dans le cas des idiomes

324 M�taphores et analogies

fortement pr�dictibles, lÕactivation de la signification idiomatique est mise en�vidence d�s la pr�sentation de lÕavant-dernier mot.

11.3.2.2. Pr�dictibilit� des idiomes, litt�ralit� et activation de lÕacception litt�rale

La deuxi�me propri�t� des idiomes qui est test�e par Titone et Connine (1994)est la litt�ralit�, cÕest-�-dire la probabilit� dÕinterpr�tation litt�rale. Sont ainsis�lectionn�s des idiomes � forte probabilit� dÕinterpr�tation litt�rale (par exemple, tohave cold feet) qui sont r�partis en deux groupesÊ: fortement et faiblementpr�dictibles. Les cibles sont cette fois associ�es � la signification litt�rale du derniermot de chaque idiome.

Cible reli�e Cible non reli�e

A lÕacception litt�rale

Idiomes fortement pr�dictibles

Litt�ralit� forte 777*** 831

Litt�ralit� faible 778 783

Idiomes faiblement pr�dictibles

Litt�ralit� forte 772*** 816

Litt�ralit� faible 773*** 824

Tableau 11.6. Temps moyens de d�cision lexicale (ms) en fonction de la pr�dictibilit�des expressions idiomatiques et de la nature de la relation entre leur signification

litt�rale et le mot cible (dÕapr�s Titone et Connine, 1994, p. 1132)

A lÕexception de la condition dans laquelle les idiomes sont fortementpr�dictibles et nÕont pas dÕinterpr�tation litt�rale plausible, on obtient unefacilitation moyenne de 50 ms. Ainsi donc, lÕactivation idiomatique pr�coce desidiomes fortement pr�dictibles ne met pas fin � lÕactivation de la significationlitt�rale lorsque celle-ci reste plausible, et les interpr�tations litt�rale et idiomatiquesont simultan�ment activ�es en parall�le.

11.3.2.3. D�composabilit� des idiomes et assignation dÕune acception

Dans une derni�re recherche, Titone et Connine (1994b) �tudient lÕeffet dÕunetroisi�me variable, la d�composabilit�, en distinguant des idiomes s�mantiquementnon d�composables et des idiomes s�mantiquement d�composables. Alors que lesmots qui composent les premiers ne contribuent pas � lÕinterpr�tation idiomatique(kick the bucket)Ê; les mots qui composent les seconds contribuent � lÕinterpr�tationidiomatique (pop the question). Titone et Connine consid�rent que cette distinctionentre idiomes non d�composables et d�composables est analogue � celle qui est

Le traitement des expressions idiomatiques 325

�tablie entre mots homonymes et polys�miques dans le domaine de lÕambigu�t�lexicale. Les idiomes non d�composables, comme les mots homonymes, ont dessignifications qui sont s�mantiquement distinctes alors que les idiomesd�composables, comme les mots polys�miques, poss�dent des significations quisont s�mantiquement reli�es via la signification litt�rale des mots qui lescomposent.

Frazier et Rayner (1990) ont propos� deux hypoth�ses oppos�es qui serapportent respectivement au traitement de lÕhomonymie et de la polys�mie. Selonla premi�re hypoth�se, dite dÕinterpr�tation imm�diate compl�te, le traitement desindices s�mantiques est maximis� et chaque syntagme rencontr� est compl�tementinterpr�t�. Cette hypoth�se pr�dit que, confront� � un �l�ment linguistique ambigu,le lecteur lui assigne par d�faut son acception dominante. Selon la secondehypoth�se, dite dÕinterpr�tation imm�diate partielle, le traitement des indicess�mantiques est diff�r�, ce qui conduit � un �chec de lÕassignation de certainesvaleurs s�mantiques ou � la n�cessit� de maintenir disponible en m�moire desvaleurs incompatibles. Cette hypoth�se pr�dit que le comportement du lecteurd�pendra du type de probl�me de compr�hension pos� par le segment ambigu �traiter. Une assignation par d�faut interviendra pour les homonymes ayant dessignifications s�mantiquement distinctes et une interpr�tation diff�r�e sera observ�eavec les mots polys�miques ayant des significations s�mantiquement reli�es.

Idiomes non d�composables

Contexte dominant

1.1. She finally ÇÊkick the bucketÊÈ, after being ill for months.

1.2. After being ill for months, she finally kick the bucket.

Contexte subordonn�

1.3. She finally ÇÊkick the bucketÊÈ, forgetting to move it from the path.

1.4. Forgetting to move it from the path, she finally ÇÊkick the bucketÊÈ.

Idiomes d�composables

Contexte dominant

2.1. He tried to ÇÊsave his skinÊÈ, by getting his work done on time.

2.2. By getting his work done on time, He tried to ÇÊsave his skinÊÈ.

Contexte subordonn�

2.3. He tried to ÇÊsave his skinÊÈ, by avoiding the tanning salons.

2.4. By avoiding the tanning salon, he tried to ÇÊsave his skinÊÈ.

Tableau 11.7. Exemple de mat�riel utilis� par (Titone et Connine, sous presse)

326 M�taphores et analogies

Pour les idiomes non d�composables, Titone et Connine postulent untraitement selon la strat�gie de s�lection imm�diate car la strat�gie de traitementdiff�r� aurait pour effet une activation continue de deux significations distinctes etoppos�es alors que pour les idiomes d�composables elles supposent un traitementselon la strat�gie de traitement diff�r� car les significations litt�rale et figur�e sonts�mantiquement reli�es. Elles utilisent 32 idiomes, 16 non d�composables et 16d�composables dÕapr�s les normes quÕelles ont �tablies (Titone et Connine, souspresse). Chaque idiome est inclus dans une proposition neutre qui suit ou pr�c�deune proposition contextuelle et chaque proposition contextuelle induit, soitlÕinterpr�tation litt�rale, soit lÕinterpr�tation idiomatique (voir le tableau 11.7).

Utilisant la technique dÕenregistrement des mouvements oculaires, Titone etConnine mesurent les temps de lecture de lÕidiome, du dernier mot de lÕidiome etde la r�gion de d�sambigu�sation. Des r�sultats obtenus, il ressort que les idiomesnon d�composables qui suivent une proposition contexte, dominante ousubordonn�e, sont lus plus lentement que les idiomes d�composables aux m�mespositions. Un m�me patron de r�ponse est obtenu pour le dernier mot de lÕidiomeseul. De plus, il y a une tendance � ce que la r�gion de d�sambigu�sation dominantesoit lue plus rapidement que la r�gion de d�sambigu�sation subordonn�e tant pourles idiomes non d�composables que pour les idiomes d�composables.

Ainsi, � la diff�rence des r�sultats obtenus par Frazier et Rayner (1990) avec desmots qui ont des significations distinctes (mots homonymes) ou reli�es (motspolys�miques), les syntagmes idiomatiques avec des significations distinctes(idiomes non d�composables) ou reli�es (idiomes d�composables) ne diff�rent pas entermes de traitement des indices s�mantiques. Le traitement des deux typesdÕidiomes diff�re quand ils sont pr�c�d�s dÕune proposition contexte, que lecontexte induise lÕacception dominante ou lÕacception subordonn�e. Le temps delecture des idiomes non d�composables est plus long que celui des idiomesd�composables. Ce r�sultat sugg�re que les deux significations dÕune expressionidiomatique sont automatiquement disponibles, que le contexte ant�rieur induiselÕacception dominante ou subordonn�e, et que lÕint�gration des deux interpr�tationsconcurrentes dÕun idiome dans un contexte pr��tabli est plus difficile quand lessignifications concurrentes sont s�mantiquement distinctes que lorsquÕelles sonts�mantiquement reli�es.

11.4. La base de donn�es IDIOMATIC

Il ressort clairement des recherches rapport�es ci-dessus que, sur le plan cognitif,les idiomes ne peuvent �tre consid�r�s comme une classe homog�ne. Les recherchesinspir�es des mod�les compositionnels ont montr� le r�le des facteurs tels que lafamiliarit�, la pr�dictibilit�, la compositionnalit�, et la litt�ralit� alors que les

Le traitement des expressions idiomatiques 327

recherches suscit�es par les mod�les non compositionnels indiquent la n�cessit� deprendre en compte la saillance relative des acceptions pour rendre compte dutraitement des locutions idiomatiques. Alors que Titone et Connine (1994) ontpubli� ces normes descriptives pour 171 idiomes de langue anglaise, aucune donn�enÕest disponible en fran�ais sur les cinq dimensions pr�c�dentes. Nous avons doncmen� une exp�rimentation de longue dur�e consistant � recueillir des estimations dela familiarit�, de la compositionnalit�, de la litt�ralit� de la pr�dictibilit�, et de lasaillance dÕun corpus de 650 idiomes5 extraits des ouvrages de Rat (1999) et deDuneton et Claval (1990) et qui poss�daient la m�me structure verbe-objetÊ:ÇÊbaisser les brasÊÈ, ÇÊtrouver le jointÊÈ, ÇÊmordre la poussi�reÊÈ, etc.

Les 650 idiomes �taient r�partis en 8 listes dÕenviron 80 items auxquels �taientajout�s 40 expressions de remplissage ne poss�dant pas dÕacception figur�e �vidente.Les participants � ces �preuves �taient des �tudiants des universit�s de Paris VIII, deMontpellier III, de Nice et dÕAix-Marseille 1. En moyenne, 30 �tudiants �taientaffect�s � chaque liste. Les jugements �taient port�s sur des �chelles en 6 pointspr�sentant les m�mes caract�ristiques dÕorganisation et employant, dans toute lamesure du possible, le m�me vocabulaire pour exprimer les diff�rents niveaux des�chelles, trois exemples �tant fournis pour chaque �chelon. Aucune indication sur lanature du mat�riel nÕ�tait fournie aux participants.

De mani�re g�n�rale les consignes utilis�es se rapprochaient le plus possible decelles employ�es par Titone et Connine (1994). Les consignes relatives auxjugements de familiarit� sÕinspiraient des travaux men�s sur le lexique et nepr�sentaient aucune originalit�. Pour les jugements de compositionnalit�, lesconsignes invitaient les participants � ÇÊindiquer dans quelle mesure le sens litt�ralde chaque mot contribuait, de mani�re individuelle, � la signification figur�e delÕexpression prise dans sa totalit�ÊÈ. A titre dÕexemple, une expression estÇÊabsolument pas compositionnelleÊÈ si la signification figur�e de cette expressionne r�sulte absolument pas de la signification litt�rale des mots qui la composentÊ:ÇÊficher le campÊÈ, ÇÊavoir la dalleÊÈ, ÇÊposer un lapinÊÈ. Est consid�r�e commepeu compositionnelle une expression pour laquelle on peut �tablir une relation entrela signification litt�rale dÕun mot et la signification figur�e de lÕexpression. Estpr�sent�e comme quasi compositionnelle une expression dont ÇÊla significationfigur�e r�sulte de la signification de la quasi-totalit� des mots qui la composentÊÈÊÊ:ÇÊjouer la com�dieÊÈ, ÇÊtenir � distanceÊÈ, ÇÊmonter � lÕ�chelleÊÈ.

Les jugements de litt�ralit� consistaient � ÇÊindiquer le degr� auquel lasignification de lÕexpression r�sulte directement de la signification de chacun des

5. Nous tenons � remercier les coll�gues qui, au fil des ans, nous ont aid� dÕune mani�reou dÕune autre dans la collecte de ces donn�esÊ: Nathalie Aguilar, Denis Legros, DenisBrouillet, St�phanie Cailli�s, Thierry Baccino, Fernand Farioli et Sandrine Mauri�s.

328 M�taphores et analogies

mots qui la composentÊÈ. Est consid�r�e comme ÇÊabsolument pas litt�raleÊÈÊ uneexpression dont la signification ne r�sulte pas au sens strict de la signification desmots qui la composentÊÈÊÊ: ÇÊavoir du plomb dans lÕaileÊÈ, ÇÊ�tre soupe au laitÊÈ,ÇÊavoir la friteÊÈ. Est moyennement litt�rale une expression pour laquelle ÇÊil estpossible dÕ�tablir un lien direct entre la signification dÕun des mots et lasignification de lÕexpressionÊÈÊÊ: �tre � la hauteurÈ, ÇÊcondamner une fen�treÊÈ,ÇÊdonner un coup dÕ�p�e dans lÕeauÊÈ.

Les �preuves visant � estimer la pr�dictibilit� et la saillance des idiomes nÕontport� que sur les 311 des 650 idiomes poss�dant deux acceptions, litt�rale et figur�e.

La pr�dictibilit� �tant d�finie par la probabilit� de compl�tement idiomatiquedÕun idiome dont on ne pr�sente que le d�butÊ: ÇÊbaisser les...ÊÈ, ÇÊtrouver le...ÊÈ,ÇÊmordre la...È, lÕ�preuve propos�e �tait une �preuve de compl�tement. Deuxmodes de calcul de la pr�dictibilit� ont �t� utilis�sÊ: le premier rapportait le nombretotal de r�ponses idiomatiques au nombre total de r�ponses alors que le second neprenait en compte que la r�ponse attendue. La corr�lation entre les r�sultats obtenusselon les deux proc�dures est significativement diff�rente de z�ro (r =.60, p <.001).

La saillance relative des acceptions litt�rale et figur�e �tait estim�e � lÕaide dÕune�preuve ÇÊdÕ�vocation du premier mot qui vient � lÕesprit � la lecture delÕexpressionÊÈ. Les r�ponses �taient class�es en trois cat�goriesÊ: litt�rale,idiomatique et ind�termin�e. La saillance relative des acceptions �tait calcul�e enrapportant le nombre de r�ponses ÇÊidiomatiquesÊÈÊ r�f�rant � lÕacception figur�e � lasomme des r�ponses litt�rales et idiomatiques pour �tre ensuite exprim�e enpourcentage. En consid�rant quÕun idiome poss�de une saillance ÇÊidiomatiqueÊÈÊlorsque ce pourcentage est sup�rieur ou �gal � 60Ê%, une saillance ÇÊnonidiomatiqueÊÈÊ lorsque ce pourcentage est inf�rieur � 40Ê%, et ne poss�de pas desaillance entre ces deux bornes, on obtient des effectifs respectivement �gaux � 144,109 et 58.

Comme le montre le tableau 11.8, pour les idiomes � saillance idiomatique etnon idiomatique, le facteur saillance nÕest pas corr�l� avec les facteurscompositionnalit�, litt�ralit� et pr�dictibilit� et il nÕest que faiblement corr�l� avecla familiarit�. Pour les deux cat�gories dÕidiomes, la familiarit� et la pr�dictibilit�sont significativement corr�l�s (p <.05) ainsi que la compositionnalit� et lalitt�ralit� (p <.001), ces deux derniers �tant significativement corr�l�s avec lafamiliarit� (p <.001) pour les idiomes � saillance litt�rale mais non pour les idiomes� saillance idiomatique.

Le traitement des expressions idiomatiques 329

Saillance idiomatique (n = 144)

Compositionnalit� Litt�ralit� Pr�dictibilit� Saillance

Familiarit� -. 04 -. 06 . 17* . 16

Compositionnalit� . 83*** -. 01 . 11

Litt�ralit� . 04 . 03

Pr�dictibilit� . 13

Saillance non idiomatique (n = 109)

Compositionnalit� Litt�ralit� Pr�dictibilit� Saillance

Familiarit� . 56*** . 49*** . 22* . 22*

Compositionnalit� . 80*** . 18 -. 04

Litt�ralit� . 13 -. 03

Pr�dictibilit� -. 01

Non saillance (n = 58)

Compositionnalit� Litt�ralit� Pr�dictibilit� Saillance

Familiarit� . 50*** . 48*** -. 01 . 19

Compositionnalit� . 70*** . 10 . 11

Litt�ralit� . 11 . 29*

Pr�dictibilit� -. 05

*** Significatif � p <.001Ê; * p<. 05.

Tableau 11.8. Matrice dÕintercorr�lation entre les degr�s de familiarit�, decompositionnalit�, de litt�ralit�, de pr�dictibilit� et de saillance en fonction de la

saillance des idiomes

LÕexamen des distributions obtenues pour les diff�rents facteurs pris en compterend possible la s�lection de groupes dÕidiomes ne diff�rant que sur une ou deuxdimensions, les autres dimensions �tant maintenues � un niveau constant, bas ou�lev� (voir le tableau 11.9). De plus, la saillance peut �tre manipul�e de fa�onind�pendante des autres facteurs, ce qui permet un test direct de lÕhypoth�se deGiora (Mauri�s, 2001Ê; Pariollaud, 2001).

330 M�taphores et analogies

Idiomes � une acception

Familiarit� Compositionnalit� Litt�ralit� Pr�dictibilit�

Mordre la poussi�re 82 37 50 75

Retomber en enfance 92 67 58 100

Voir du pays 95 81 75 46

Jeter le b�b� aveclÕeau du bain

82 28 44 43

Se taper la cloche 43 28 29 71

Taquiner le goujon 50 51 47 54

Ne pas se moucher ducoude

47 22 24 0

Idiomes � deux acceptions

Familiarit�Compo-

sitionnalit�Litt�ralit�

Pr�dicti-

bilit�Idiomacit�

Claquer la porte 95 76 90 100 94

Fermer les yeux 92 87 83 75 3

Faire ses malles 78 73 71 0 88

Ne pas tenirdebout

97 83 86 5 3

Prendre du poil dela b�te

85 33 31 76 89

Faire la cour 95 38 48 14 86

Tirer la ficelle 87 47 62 75 17

Le traitement des expressions idiomatiques 331

Avaler unecouleuvre

82 28 42 14 13

Mettre sous globe 42 58 55 53 67

Se donner de lÕair 53 42 53 14 61

Manger le bl� enherbe

40 35 44 0 7

Tomber dans le lac 58 59 64 92 3

Trouver le joint 58 51 68 10 3

Faire un four 37 37 33 71 4

Mettre la t�te souslÕaile

50 48 67 57 68

Tableau 11.9. Valeurs de familiarit�, compositionnalit�, litt�ralit� et pr�dictibilit�dÕidiomes � une et deux acceptions. Pour les idiomes � deux acceptions, leur degr�

dÕidiomaticit� est pr�sent�

11.5. Analyse s�mantique latente et idiomes

Nous ne d�crirons pas ici en d�tail le mod�le dÕanalyse s�mantique latente(ASL) propos� par Landauer et Dumais (1997) (voir Th�rouanne, Bellissens etDenhi�re, � para�tre). Le but de ce mod�le, comme celui HAL (Hyperspace Analogto Language) formul� par Burgess et Cottrell (1995), consiste � calculer desconnaissances s�mantiques en produisant un espace � partir de lÕ�tude statistiquedÕun vaste corpus constitu� dÕun grand nombre de textes suppos�s repr�sentatifs delÕenvironnement dÕun groupe dÕindividus donn�s. Dans cet espace, chaque terme ducorpus dÕ�tude est associ� � un vecteur. Contrairement � HAL, ASL ne calcule pasdes vecteurs repr�sentant lÕenvironnement lexical imm�diat dÕun terme, mais desvecteurs repr�sentant la s�mantique latente associ�e � ce terme. ASL exploite lavariance des statistiques de cooccurrence entre les termes et les paragraphes ducorpus. LÕapplication dÕune d�composition en valeur singuli�re (une analyse encomposantes principales g�n�ralis�e aux matrices rectangulaires) permet dÕobtenirdes facteurs ind�pendants expliquant la variance des cooccurrencesÊ: des termes quiapparaissent fr�quemment dans un m�me environnement s�mantique seront projet�s

332 M�taphores et analogies

sur des dimensions s�mantiques latentes identiques et les valeurs que prendront lesvecteurs dans ces dimensions varieront en fonction de la fr�quence dÕoccurrence destermes associ�s dans les environnements consid�r�s. Une caract�ristique importantede ASL r�side dans la r�duction du nombre de dimensions s�mantiques latentes, lesdimensions de lÕespace r�duit expliquant la plus grande part des variations.Plusieurs �tudes empiriques incitent � consid�rer la r�duction � 300 dimensionscomme la plus pertinente. Chaque terme �tant associ� � un vecteur, il est possiblede calculer la distance s�mantique entre deux termes en calculant le cosinus delÕangle form� par ces vecteurs. Pour terminer sur ASL, il est utile de pr�ciser que lacomparaison peut porter non seulement sur des termes, mais �galement sur dessyntagmes, des phrases ou des textes (voir Pariollaud et Denhi�re, 2000Ê;Bellissens, Pariollaud et Denhi�re, 2000).

Idiome non compositionnel

Temp�te . 20 Fermeture

. 25 .25

Claquer la porte

.30 .25

Dispute . 15 D�part

Idiome compositionnel

R�volte . 20 Prisonnier

27 . 34

Lier les mains

. 25 . 31

Hi�rarchie . 22 Contrainte

Tableau 11.10. Distance s�mantique entre les idiomes ÇÊclaquer la porteÊÈÊ et ÇÊlier lesmainsÊÈÊ et les termes utilis�s comme contexte gauche et comme cible obtenue en

utilisant lÕanalyse s�mantique latente

Concr�tement, sur le site http://LSA.colorado.edu nous avons entr� plusieursbases de donn�es textuellesÊ: les unes correspondent � six mois du journal ÇÊLeMondeÊÈ, les autres � des ouvrages litt�raires, les autres enfin, � des ÇÊcontesÊÈÊpour enfants et adolescents et � des productions dÕenfants et dÕadolescents (encollaboration avec M.-A. Schelstraete).

Dans le cas pr�sent, nous illustrons lÕaide que peut apporter lÕutilisation dulogiciel ASL pour construire du mat�riel dont on veut contr�ler avec pr�cision les

Le traitement des expressions idiomatiques 333

caract�ristiques, que ce soit entre des termes ou des expressions utilis�es commecontexte ou comme cible. Dans un tel cas, comme le montrent les exemples ci-dessous, il est possible de sÕassurer de lÕ�quivalence des distances s�mantiquesentre le contexte, lÕamorce et la cible (Pariollaud, 2001).

Un second exemple est fourni par Mauri�s (2001) qui a �tudi� lÕinfluence dedeux types de contexte sur lÕactivation de lÕacception figur�e dÕidiomescompositionnels non saillants. DÕune part, elle voulait sÕassurer dÕune part, delÕabsence de liaison associative forte entre lÕidiome et le mot cible et, dÕautre part,de lÕ�quivalence du lien s�mantique entre la phrase contexte et lÕidiome.

ÐÊphrase contexte (A)Ê:

Le p�re avait bien remarqu� que son petit gar�on jouait � tirer la queue duchien.

ÐÊphrase contexte (B)Ê:

Le mari, pr�t � dormir, avait bien remarqu� que sa femme ne cessait de seplaindre.

ÐÊphrase contenant lÕidiomeÊ:

Il pr�f�ra plut�t fermer les yeux.- mot cibleÊ: pardon

Les valeurs du cosinus entre les phrases contexte et lÕidiomeÊ:.25 et.22respectivement, entre les phrases contexte et le mot cibleÊ: 0.07 et 0.00 sont�quivalentes deux � deux et la liaison entre lÕidiome et la cible est quasi nulleÊ:0.03.

11.6. Conclusion

Dans la mesure o� les idiomes ne peuvent plus �tre consid�r�s comme ungroupe homog�ne de syntagmes non compositionnels et quÕil a �t�exp�rimentalement montr� que des propri�t�s telles que la familiarit�, lapr�dictibilit�, la compositionnalit�, la litt�ralit� et la saillance relative desacceptions litt�rale et figur�e ont �t� influen�aient leur traitement, il est n�cessaire deposs�der des normes descriptives. Sans ces normes, il est impossible de confronterles hypoth�ses en pr�sence. Une partie de notre travail a donc consist� � �tablir cesnormes pour 650 idiomes dont la moiti� dÕentre eux poss�dent deux acceptions,litt�rale et figur�e. DÕautres propri�t�s des idiomes interviennent probablement etdes travaux en cours tentent dÕen identifier certains. Cependant, d�s maintenant ilest possible de recourir aux donn�es du corpus ÇÊIDIOMATICÊÈÊ pour construire dumat�riel permettant de confronter des hypoth�ses concurrentes, de mettre � lÕ�preuvelÕhypoth�se de la saillance relative de Giora (1997) avec des idiomescompositionnels versus non compositionnels, etc. De plus, le recours � lÕanalyse

334 M�taphores et analogies

s�mantique latente, permet de sÕassurer de lÕ�quivalence de distances s�mantiquesentre �l�ments manipul�s et contr�l�s, ce qui peut �tre consid�r� comme un progr�snotable quand il sÕagit de construire et de manipuler des contextes verbaux et des�lectionner des mots cens�s r�sumer la signification dÕune expression. Sur le planth�orique, le recours simultan� aux mod�les de lÕanalyse s�mantique latente(Landauer et Dumais, 1997) et de construction-int�gration (Kintsch, 1998) doitpermettre dÕ�valuer dans quelle mesure lÕexplication du traitement de la m�taphorepropos�e par Kintsch dans ce volume peut �tre �tendu aux idiomes compositionnels,le traitement du langage figur� ob�issant aux principes g�n�raux du traitement dulangage.

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