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Revue historique, 2014, t. CCCXVI/4, n° 672, p. 831-852 Les Heures perdues de Pierre Barthès, une chronique privée au XVIII e siècle Mathieu SOULA Pierre Barthès est l’auteur d’un manuscrit, conservé à la Bibliothèque municipale de Toulouse, et qui, par la richesse des anecdotes et des détails qu’il contient, est une source importante de l’histoire de Toulouse 1 . Véritable chronique privée, les Heures perdues s’inscrivent dans une tradition, déjà ancienne au moment de leur rédaction, d’entreprises personnelles et non officielles de collection d’événements locaux censés avoir marqué leur temps, ces « choses dignes d’être transmises a la poste- rité 2 ». Barthès prend pour exemple un certain Courrège, auteur à la fin du XVII e siècle d’un journal ou « registre des choses curieuses arrivées à Toulouse », qu’il a eu en sa possession et dont il se fait explicitement le continuateur 3 . Le journal tenu par Barthès entre décembre 1737 et janvier 1781 sur huit cahiers et 1 259 pages, divisé en années et en mois, et contenant chronologiquement des anecdotes datées et titrées de quelques lignes et parfois quelques pages, mêle vie familiale et événements publics dans des descriptions souvent précises et vivantes. Fréquemment utilisé et analysé, cet objet mixte n’a, en revanche, jamais été rapporté à la trajectoire de son auteur ni à son contexte de production, pour- tant seules clés permettant d’en faire un usage raisonné et distancié. Il 1. Les Heures perdues de Pierre Barthes repetiteur en Toulouse, ou recueil des choses dignes d’être transmises a la posterit, arrives en cette ville, ou prs d’icy [désormais Les Heures perdues], Bibliothèque municipale de Toulouse [désormais BMT], ms. 699 à 706. Les cahiers de Pierre Barthès sont consultables en ligne sur le site Rosalis de la Bibliothèque municipale de Toulouse (http://rosalis.bibliotheque. toulouse.fr/). 2. Sur les précédents qui ont pu inspirer Barthès, voir Robert Alan Schneider, The Ceremonial City: Toulouse observed, 1738-1780, Princeton, Princeton University Press, 1995. 3. Les Heures perdues, op. cit., vol. 6, p. 104, 21 avril 1769. 4 septembre 2014 10:55 - Revue historique n° 672 - 4 -2014 - Collectif - Revue historique - 155 x 240 - page 831 / 1008 - © PUF -

« Les Heures perdues de Pierre Barthès, une chronique privée au XVIIIe siècle », Revue historique, n° 672, 2014/4, p. 831-852

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Revue historique, 2014, t. CCCXVI/4, n° 672, p. 831-852

Les Heures perdues de Pierre Barthès, une chronique privée au xviiie sièclemathieu soULa

Pierre Barthès est l’auteur d’un manuscrit, conservé à la Bibliothèque municipale de Toulouse, et qui, par la richesse des anecdotes et des détails qu’il contient, est une source importante de l’histoire de Toulouse1. Véritable chronique privée, les Heures perdues s’inscrivent dans une tradition, déjà ancienne au moment de leur rédaction, d’entreprises personnelles et non officielles de collection d’événements locaux censés avoir marqué leur temps, ces « choses dignes d’être transmises a la poste-rité2 ». Barthès prend pour exemple un certain Courrège, auteur à la fin du xviie siècle d’un journal ou « registre des choses curieuses arrivées à Toulouse », qu’il a eu en sa possession et dont il se fait explicitement le continuateur3. Le journal tenu par Barthès entre décembre 1737 et janvier 1781 sur huit cahiers et 1 259 pages, divisé en années et en mois, et contenant chronologiquement des anecdotes datées et titrées de quelques lignes et parfois quelques pages, mêle vie familiale et événements publics dans des descriptions souvent précises et vivantes. Fréquemment utilisé et analysé, cet objet mixte n’a, en revanche, jamais été rapporté à la trajectoire de son auteur ni à son contexte de production, pour-tant seules clés permettant d’en faire un usage raisonné et distancié. Il

1. Les Heures perdues de Pierre Barthes repetiteur en Toulouse, ou recueil des choses dignes d’être transmises a la posterite, arrivees en cette ville, ou pres d’icy [désormais Les Heures perdues], Bibliothèque municipale de Toulouse [désormais BmT], ms. 699 à 706. Les cahiers de Pierre Barthès sont consultables en ligne sur le site Rosalis de la Bibliothèque municipale de Toulouse (http://rosalis.bibliotheque.toulouse.fr/).

2. Sur les précédents qui ont pu inspirer Barthès, voir Robert Alan Schneider, The Ceremonial City: Toulouse observed, 1738-1780, Princeton, Princeton University Press, 1995.

3. Les Heures perdues, op. cit., vol. 6, p. 104, 21 avril 1769.

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est vrai que, d’une manière générale, la chronique intéresse plus que le chroniqueur4. or, et les Heures perdues n’y échappent pas, cette chronique n’a rien d’une collection neutre d’événements. Le choix des anecdotes et la manière de les écrire et de les mettre en scène sont déterminés par les représentations de l’auteur, elles-mêmes liées aux diverses positions sociales qu’il a occupées au cours de sa vie, par le choix du support et par la fonction assignée à un tel travail, c’est-à-dire ses usages anticipés ou attendus. Autrement dit, il s’agit ici de s’attacher à comprendre la chronique par le chroniqueur. L’étude de la trajectoire biographique de Barthès doit permettre de comprendre plus largement les diverses posi-tions qu’il a occupées et celles-ci, si elles peuvent être replacées dans les contextes sociaux qui les comprennent, doivent aider à éclairer les choix et les tris qu’il a opérés, l’évolution de ses représentations politiques, sociales et religieuses, et celle des fonctions assignées à ses Heures perdues. La trajectoire est donc d’abord envisagée ici comme un outil d’analyse.

Les Heures perdues livrent certains renseignements importants sur la vie de Barthès et celle de sa famille5. Cette chronique privée est, en effet, un matériau hybride, en partie narratif, en partie biogra-phique. Ce que livre Barthès dans son journal est une reconstruction, une mise en scène de sa trajectoire : son journal est aussi destiné à être lu et à circuler, de sorte que l’auteur forge progressivement une histoire personnelle et familiale sous couvert de ne rapporter que des faits bruts. Il faut donc manier ce journal avec prudence, sans pour autant s’interdire de l’utiliser. Comme le souligne Bruno Goyet, on peut recourir à ce type de récits à condition de dépasser l’anecdo-tique et de l’inscrire dans son milieu originel de manière à « réduire la singularité de chaque épisode », mais aussi à condition de mettre à jour les ressorts de la construction biographique (voire hagiogra-phique) qui les structurent6. Les quelques traces laissées par Barthès

4. Les écrits du for privé sont l’objet d’un intense investissement historiographique, même s’ils sont souvent utilisés comme une source d’informations qui n’est que très rarement rapportée à la trajectoire ou à la position de leur auteur. A contrario, pour une remise en contexte biographique voir Aude-marie Certin, « Relations professionnelles et relations fraternelles d’après le journal de Lucas Rem, marchand d’Augsbourg (1481-1542) », Medievales, 2008, 54, pp. 83-98. Sur les usages et contexte de production de ces écrits : Isabelle Luciani, « De l’espace domestique au récit de soi ? Écrits féminins du for privé (Provence, xvie-xviiie siècle) », Clio, 2012/1, 35, pp. 21-44 ; plus largement : Élisabeth Arnoul, Jean-Pierre Bardet, François-Joseph Ruggiu (dir.), Les Écrits du for prive en Europe, du Moyen Âge à l’epoque contemporaine. Enquêtes, analyses, publications, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2010 ; michel Cassan, Jean-Pierre Bardet, François-Joseph Ruggiu (dir.), Les Écrits du for prive : objets materiels, objets edites : actes du colloque de Limoges, 17 et 18 novembre 2005, Limoges, Pulim, 2007.

5. Ces renseignements servent de base à la seule notice biographique, souvent reprise, qui lui a été consacrée : edmond Lamouzèle, Un petit bourgeois toulousain auteur de Memoires au XVIIIe siecle, Pierre Barthes, Tulle, La Gutenberg, 1904.

6. Bruno Goyet, « Récits d’enfance et de jeunesse dans l’œuvre de Charles maurras, entre stigmatisation et revendication », Geneses, 2002/2, n° 47, p. 62 ssq.

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sur sa vie sont de toutes manières partielles et partiales. elles doivent nécessairement être complétées et confrontées à d’autres sources. Certaines, comme les registres paroissiaux, les registres notariés et les livres d’impôts permettent de replacer Barthès et sa famille dans leur trajectoire sociale et d’en dessiner les contours. D’autres sources par-ticipent à le resituer dans les espaces sociaux auxquels il a appartenu : les registres de la confrérie des pénitents gris, les journaux locaux qu’il lit et auxquels il participe, certains procès où il est évoqué, ou encore les archives de l’intendance de Languedoc. en fait, il convient de rechercher Barthès dans toutes les sources où il peut se trouver et dans celles qui concernent les univers sociaux dans lesquels il a évolué : le monde des maîtres écrivains, celui des pénitents, celui de l’artisanat de l’étoffe, et celui des écrivains.

La mise en cohérence de la vie de Pierre Barthès ne doit pas pour autant aboutir à une « création artificielle de sens7 ». Rendre raison de l’existence de Barthès n’est donc pas rechercher la raison suppo-sée de son existence, ici la chronique, mais plus largement resituer sa trajectoire et les différentes étapes qui la composent dans les espaces qu’il a côtoyés et occupés. D’une manière générale, sa trajectoire s’inscrit dans un cadre déjà bien connu pour le xviiie siècle : celui d’un déplacement du milieu de l’artisanat vers des milieux considérés comme plus prestigieux, du foulon à la plume, sans pour autant que ce déplacement ne soit jamais parfait en ce que Barthès est toujours resté proche de son milieu social d’origine. Comprendre les tensions qui ont pesé sur cette trajectoire est une manière de saisir les choix (du support « chronique », de leurs divers usages personnels ou pro-fessionnels, du tri des anecdotes) et les représentations qui ont été celles de Barthès dans ses Heures perdues, autrement dit de mettre en relation la chronique et le chroniqueur.

dU foULon à La pLUme : Conditions famiLiaLes d’Une mobiLité soCiaLe

L’une des valeurs défendues par Pierre Barthès tout au long de son journal est le respect dû à la famille comme entité structurée et structurante. elle est particulièrement sensible dans l’aversion qu’il montre à l’égard des parricides, « monstres affreux, la honte du genre

7. Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, 1986, pp. 69-72.

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humain8 », et dans la piété filiale qu’il exprime envers ses parents9. Cette pieuse révérence peut être mise en relation avec une mobilité sociale permise notamment par des conditions familiales favorables. Il est né le 2 novembre 1704 dans une famille de fouloneurs de draps depuis longtemps installée à Toulouse au capitoulat industrieux et populaire de Saint-Pierre-des-Cuisines10. Dès la première moitié du xviie siècle, un Pierre Barthès, certainement l’arrière-grand-père du chroniqueur, né en 1611, dont le père Guillaume est un maître charpentier installé rue Valade, est désigné dans les actes comme maître pareur de draps11. Pierre Barthès a deux fils, Dominique et Jean, nés tous deux dans les années 1630. Les lacunes des archives n’autorisent pas plus de précision même si l’acte de décès de Jean, du 3 septembre 1692, porte qu’il est mort à 58 ans : il serait donc né vers 163412. Dominique et Jean exercent tous les deux le métier de maître fouloneur au moulin du Bazacle. Ils sont aussi appelés pareurs de draps, dont la fonction est de préparer les draps à la commercia-lisation13. Les pareurs peuvent parfois être directement marchands, ce qui ne semble pas être le cas des Barthès. Quoiqu’il en soit, les maîtres fouloneurs ou maîtres pareurs peuvent être situés dans les couches supérieures de l’artisanat du textile14.

Les Barthès doivent certainement profiter de l’essor du textile et de la draperie qui touche l’ensemble du Languedoc au xviie et au début du xviiie siècle15. Le métier n’est pas sans risques, liés à la manipula-tion de produits qui saturent l’air de « vapeurs nuisibles16 » (utilisation d’urine ou de terre argileuse par exemple), mais permet aux frères de faire souche en maintenant la famille parmi les couches domi-nantes de l’artisanat de l’étoffe : étant maîtres dans un métier qui se rapproche de celui des marchands d’étoffes (groupe social dominant

8. Les Heures perdues, op. cit., vol. 6, exécution de deux frères parricides du 9 mars 1773, p. 199.

9. Ibidem, vol. 1, relation de la mort de son père, le 17 décembre 1749, où il note qu’il a eu « la consolation de le voir mourir dans son lict dans le sein de sa famille, servi pas ses enfans entre les bras desquels il a rendu le dernier soupir », p. 315.

10. AmT, GG 149, registre paroissial de la Daurade, f° 38 v°, baptême du 4 novembre 1704.

11. AmT, GG 525, registre paroissial de Saint-Pierre, 7 août 1611. Un Pierre Barthès, maître pareur de draps à Saint-Pierre est le parrain du premier fils de Jean Barthès, grand-père du chro-niqueur (AmT, GG 527, registre paroissial de Saint-Pierre, 13 juillet 1664, f° 9).

12. AmT, GG 544, registre paroissial de Saint-Pierre, 3 septembre 1692, f° 5 v°.13. Jean-michel minovez, La Puissance du Midi. Drapiers et draperies de Colbert à la Revolution,

Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, pp. 75-83.14. Claude marquié, L’Industrie textile carcassonnaise au XVIIIe siecle. Étude d’un groupe social : les

marchands-fabricants, Carcassonne, Sociétés des études scientifiques de l’Aude, 1993, p. 136 ssq.15. Jean-michel minovez, La Puissance du Midi, op. cit. (n. 13).16. Bernardino Ramazzini, Essai sur les maladies des artisans, trad. fr. A.-F. de Fourcroy, Paris,

moutard, 1777, pp. 152-153.

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dans la bourgeoisie toulousaine), ils occupent une place honorable et respectée, même si leurs revenus semblent rester modestes, comme le laissent supposer les registres de la taille17. Jean paye 1 livre 10 sols et Dominique 2 livres de taille en 1680. Ils habitent près de la porte du Bazacle, Jean occupe une maison près du corps de garde de la ville, certainement celle que Barthès qualifie de « maison de mes ancêtres »18. Ils ont de nombreux enfants, qui ne survivent pas tous à leurs premières années. Jean Barthès et Françoise Py (d’une famille de charpentiers), en ont six : Pierre (1664-1738)19, Antoine (1666-1669)20, Dominique (1669-1673)21, Antoinette (1671-1673)22, Guilhaume, père du chroniqueur, (1674-1749)23, et Jean (1681-1738)24. Les parrains et marraines sont pour la plupart issus du même milieu social et profes-sionnel : maîtres pareurs de draps, maîtres charpentiers, marchands, maîtres lessadiers, et blanchiers, ce qui renforce l’impression qu’ils occupent un rang social important dans l’artisanat, puisque leur sociabilité est essentiellement constituée de maîtres et de marchands. La trajectoire familiale des Barthès au cours du xviie siècle est donc légèrement ascendante : la famille s’est suffisamment enrichie pour tenir un moulin à foulon et s’enraciner dans les groupes sociaux dominants de l’artisanat.

La mort de Jean Barthès en 1692 laisse Guillaume et Jean à la charge de leur frère aîné Pierre, qui occupe dès alors la maison pater-nelle et reprend le métier de fouloneur. Pierre se fait ainsi l’héritier de l’histoire familiale et le garant de sa perpétuation, prenant Guillaume comme apprenti. Il épouse Jacquette Lortet, issue d’une famille de

17. Les maîtres, qu’ils soient riches ou pauvres, sont considérés comme des autorités morales que les apprentis doivent respecter, particulièrement à Toulouse où le rapport de domination semble renforcé, comme le note Jacques Savary dans Le Parfait negociant ou instruction generale pour tout ce qui regarde le commerce des marchandises de France, et des pays estrangers (Paris, 1713, t. 1, p. 42), où, comme en Angleterre, les apprentis « ont toujours la tête nüe dans le magazin ou dans la bou-tique, et mangent à la table de leurs maistres debout ».

18. AmT, CC 812, registre de la taille du capitoulat de Saint-Pierre, 1679-1680, f° 12 r° (Dominique Barthès habite au révelin du Bazacle) et 13 v° (Jean Barthès). Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 53, 5 janvier 1740.

19. AmT, GG 527, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 9 ; GG 547, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 106 v.

20. AmT, GG 527, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 40 ; GG 538, registre paroissial de Saint-Pierre, année 1669, f° 23.

21. AmT, GG 538, registre paroissial de Saint-Pierre, année 1669, f° 7 r° ; GG 539, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 5.

22. AmT, GG 538, registre paroissial de Saint-Pierre, année 1671, f° 19 ; GG 539, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 5.

23. Il n’a pas été possible de retrouver l’acte de naissance de Guillaume Barthès. mais, sachant que tous les enfants de Jean sont nés à Saint-Pierre, et qu’il manque un registre pour l’année 1674, Guillaume est certainement né au cours de cette année. La date de sa mort est don-née par Pierre Barthès (vol. 1, p. 315).

24. AmT, GG 541, registre paroissial de Saint-Pierre, année 1681, f° 6 v° ; Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 5.

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tailleurs d’habits et de maîtres tapissiers. Il renforce sa position sociale dans le milieu de l’artisanat en s’alliant à une famille bien établie et située du côté du pole « artiste » des artisans. Il fait d’ailleurs prospérer l’entreprise familiale puisqu’en 1710, il paie 12 livres de capitation25. Son influence sur le reste de sa famille est aussi perceptible dans l’acte de mariage de Guillaume avec Anne marcouly, le 3 février 1704 : il en est le témoin, avec des membres de sa propre belle-famille26. C’est donc sous son autorité que son cadet se marie. Le contrat de mariage passé le 10 janvier 1704 renseigne les origines sociales de la mère de Pierre Barthès27. Anne marcouly est la fille de Jean marcouly, maître fournier, décédé avant son mariage. La mort de son mari ne permet pas à la mère de doter convenablement sa fille : elle reçoit une dot de 30 livres du directeur de l’hôpital général Saint-Joseph de la Grave, prise sur un fonds donné par une riche noble pour marier « les pauvres filles ». Guillaume Barthès semble faire un mariage moins intéressant que celui de son aîné, restant de fait sous son influence. Le couple s’installe rue de la Capelle Redonde, qui borde la place de la Daurade à côté des marcouly.

Pierre Barthès voit le jour dans un contexte familial marqué à la fois par la relative ascension sociale des Barthès et l’ancrage dans les couches supérieures du monde de l’artisanat. Au regard de la position de son père, il n’était pas destiné à connaître la trajectoire qui a été la sienne. Pourtant, il occupe une position relativement privilégiée. Il est en effet le seul enfant du couple et plus largement de la famille : Pierre Barthès et Jacquette Lortet n’ont pas eu d’enfant, ni Jean Barthès qui ne s’est même jamais marié. Pierre Barthès est l’unique héritier. La relative prospérité de Pierre et Guillaume lui ouvre alors un espace des possibles inédit : il est le premier de la famille à suivre une scolarité qui lui donne accès à un capital culturel lui permettant de sortir du monde de l’artisanat pour se diriger vers un métier intel-lectuel, socialement plus prestigieux. Il fait peut-être ses études chez les jésuites, comme le laisse supposer une remarque formulée lors de l’évocation de la mort d’Antoine Valette, prévôt de Saint-Étienne, en 177828. Ces études consacrent une différence essentielle entre lui et

25. AmT, CC 1078, registre de la capitation du capitoulat de Saint-Pierre pour l’année 1710, 27e moulon, f° 76.

26. AmT, GG 545, registre paroissial de Saint-Pierre, f° 11 v°.27. Archives départementales de la Haute-Garonne (ADHG), 3e 3950, registres du notaire

Fontès, f° 248.28. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 7, p. 66. Il ne faut pas confondre cet Antoine Valette

avec un autre Antoine Valette, jésuite lui aussi, banqueroutier réfugié à Toulouse. Le premier Antoine Valette est issu d’une famille noble qui compte des conseillers au parlement (AmT, GG 279, registre paroissial de Saint-Étienne, 10 juin 1704, f° 62 v°). Il fait ses études chez les jésuites, comme le prouve une supplique du second Antoine Valette dans laquelle il rend compte « qu’il fut

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les autres membres de sa famille restés artisans29. C’est sans doute un point déterminant de sa trajectoire : ses études lui confèrent, outre une assurance, une distinction, voire une honorabilité, soit les condi-tions qui l’autorisent à mettre une certaine distance avec son milieu d’origine en lui ouvrant l’entrée d’espaces sociaux que ses parents n’ont jamais pu fréquenter.

Dès la fin de ses études, il s’établit comme maître écrivain30. Il est censé apprendre à de jeunes étudiants à lire, écrire et former de belles lettres31. Les maîtres écrivains fondent d’ailleurs leur dignité, leur légitimité, sur leur monopole de « la transmission des règles de l’art d’écrire »32. À Toulouse, ce métier s’inscrit dans un environ-nement favorable : ville universitaire, ville des lettres, elle abrite de nombreux étudiants qui cherchent à se perfectionner, notamment dans l’art d’écrire, et des marchands enrichis qui désirent procurer à leurs enfants des bases d’écriture. La concurrence entre les maîtres toulousains est vive33. Ainsi en 1759, l’un d’entre eux fait paraître dans le journal d’annonces local une publicité vantant « une nouvelle méthode […] ignorée jusques à ce jour à Toulouse, [mais] suivie dans les autres villes du royaume par de fameux maîtres Écrivains34 ». Le maître écrivain n’est pas seulement un instructeur dans l’art d’écrire, il peut aussi, à la faveur de ses leçons, devenir un véritable maître d’école par l’apprentissage de la lecture, du latin, des auteurs et des humanités. Ce métier malléable autorise des modulations et des diver-sifications que Barthès exploite : le maître écrivain est encore appelé maître d’école, maître répétiteur, répétiteur en humanités et maître ès arts.

À une date inconnue, mais certainement autour de 1730, Pierre Barthès s’associe avec Jean-Joseph Pécarrère pour fonder une école

reçu en 1725 dans le noviciat des ci-devant jésuites de la maison de Toulouse, dans laquelle pour le distinguer d’un autre ci-devant jésuite, reçu avant lui, on le nomma Lavalette » (Camille de Rochemonteix, Le pere Antoine Lavalette à la Martinique, Paris, Picard et fils, 1907, p. 276).

29. Quand il évoque la mort d’un de ses cousins, Pierre Barthès, il souligne qu’il était « d’un jugement très solide et d’un discernement juste, ayant beaucoup de littérature, mais sans étudier, ce qui étoit dommage » (Les Heures perdues op. cit. (n. 1), vol. 3, p. 5, 15 juin 1752).

30. AmT, CC 2857, dénombrement de 1728, capitoulat de la Daurade, f° 210-213. Il habite la même demeure que son oncle maternel, désormais perruquier, appartenant à un procureur au parlement de Toulouse, Vidal.

31. Jean Hébrard, « Des écritures exemplaires. L’art du maître écrivain en France entre xvie et xviiie siècle », Melanges de l’École française de Rome. Italie et Mediterranee, 107-2,1995, pp. 473-523.

32. Roger Chartier, « Culture écrite et littérature à l’âge moderne », Annales. Histoire, Sciences sociales, 2001/4, p. 790.

33. Jean-Florent Baour, Almanach historique de la ville de Toulouse, avec des changements considerables, pour l’annee 1782, Toulouse, 1782, p. 213 : ils sont alors 25, dont 5 sont écrivains-jurés près les tribunaux.

34. Annonces, affiches, et avis divers, mardi 21e août 1759, n° 11, pp. 41-42.

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dans le quartier bourgeois du Pont-Neuf35. Une affaire d’usurpation d’identité à la fin de l’Ancien Régime nous apprend qu’un certain Arnaud Lamaure et son frère, dont les « parens quoique de condi-tion médiocre jouissoient d’une fortune asses considérable », ont été envoyés dans différentes écoles, et notamment chez les « maîtres d’écriture, Bartès et Pécarrère »36. Le collègue de Barthès, Jean-Joseph Pécarrère, est issu d’une riche famille toulousaine. Il est le second fils de Benoît Pécarrère, huissier à la table de marbre du palais, et de Guillaumette de Raymond, fille d’un huissier37. De puissants liens unissent les deux amis, qui participent chacun aux moments importants de la vie de l’autre. Il doit être noté que dans l’Almanach de 1780, alors que Barthès est encore vivant, Pécarrère est rensei-gné comme maître écrivain, sans associé, « vis-à-vis les tierçaires38 ». Cela signifie-t-il que les deux amis ont mis fin plus tôt à leur rela-tion amicale et professionnelle, ou que Barthès, a une date inconnue, s’est retiré de son premier métier ? Quoiqu’il en soit, l’école semble connaître un certain succès. L’exemple de Lamaure renseigne sur le profil d’une partie des étudiants que les deux compères accueillent : des fils de riches marchands et artisans. Une anecdote rapportée par Barthès permet de compléter ce profil. Lors de l’entrée à Toulouse du duc de Richelieu, le 3 juin 1741, Barthès s’enorgueillit qu’ « il fut harangué […] par le fils aîné de mr Dispan humaniste, un de mes disciples39 ». L’école accueille donc aussi des fils de familles déjà établies et reconnues, ce qui tend à prouver qu’elle a une bonne répu-tation. Pour autant, au xviiie siècle, le développement de la pratique de l’écriture, y compris dans les milieux populaires tend à dévaloriser le métier de maître écrivain : ils ne sont plus si recherchés ni si utiles, de sorte que leur monopole de l’apprentissage de l’art d’écrire n’en est plus véritablement un40. Face à ces concurrences, certains comme Pécarrère et Barthès recherchent d’autres sources de revenus ou de

35. Jack Thomas, « Un fils de martin Guerre : le vrai-faux retour d’Arnaud Lamaure à Toulouse à la fin du xviiie siècle », Annales du Midi, t. 120, a. 2008, n° 264, p. 555.

36. ADHG, 1J 1428, Instruction contenant la vie et les voyages d’Arnaud Lamaure, suivie de ses auditions categoriques, et de quelques reflexions d’un patriote ami de la verite, Toulouse, 1786, f° 4.

37. Il est né le 16 mars 1705 (AmT, GG 630, registre de Saint-Sernin, a. 1705, f° 19 v°) et meurt le 21 octobre 1789 (AmT, GG 689, registre de Saint-Sernin, f° 48). Il est le petit-fils d’un riche marchand, Abraham Pécarrère, qui sera un temps trésorier de la ville.

38. Jean-Florent Baour, Almanach historique de la ville de Toulouse, Toulouse, 1780, partie « Hôtel de ville », p. 62. Dans l’Almanach de 1782, il est dit maître d’écriture près du sénéchal (p. 182), et dans celui de 1786, il est maître d’écriture rue du Taur (p. 218).

39. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 79.40. Voir Roger Chartier, « Culture écrite et littérature », art. cit. (n. 32), et Christine métayer,

« Normes graphiques et pratiques de l’écriture. maîtres écrivains et écrivains publics à Paris, aux xviie et xviiie siècles », Annales. Histoire, Sciences sociales, 2001/4, pp. 881-901.

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prestige social : Pécarrère devient bedeau de l’Université41 et Barthès se voit en auteur.

Pierre Barthès se marie le 8 janvier 1730 avec la fille d’un moli-nide de soie (ou molinier, c’est-à-dire fabriquant)42, Jeanne Aberlinc (1704-1740)43. Ses deux parents décédés lui ont laissé en dot un petit patrimoine foncier avantageux : une maison avec jardin et cuve à vin ainsi qu’une terre de 2 arpents, à Portet, village agricole au sud de Toulouse44. Comme ses ascendants, Barthès s’allie avec une famille d’artisans qui, en tant que fabricants de soie, appartiennent aux couches supérieures de l’artisanat du textile. Par cette alliance, il poursuit l’ascension sociale de sa famille et son inscription dans la bourgeoisie. Le patrimoine de sa femme (2 000 livres, plus la location de la maison et les revenus de la vigne) assure un confort qui ren-force sa position : propriétaire d’une terre, il ne vit plus comme un simple artisan. L’installation puis la confortation dans un mode de vie de propriétaire (mode de vie de référence) n’est sans doute pas sans effets sur l’ajustement de ses représentations sociales et politiques à l’idéal social diffusé par la noblesse et la grande bourgeoisie toulou-saine : celui du propriétaire foncier45. Barthès se vit certainement en bourgeois, comme l’indiquent certaines de ses remarques. Ainsi, il se montre particulièrement honoré d’être le parrain de la fille du tailleur d’habits qui habite à Portet, dans sa maison précise-t-il46. Il est d’ail-leurs très fier de cette propriété, dont il gardera plus tard le droit d’y aller à sa guise alors qu’elle constituera la dot de sa fille.

Pierre Barthès et Jeanne Aberlinc s’installent dans l’île de Tounis, quartier populaire et industrieux du capitoulat de la Dalbade47. L’île est séparée de la Dalbade par la Garonnette, polluée par les rejets des industries textiles et les égouts. elle est sujette à de fréquentes inon-dations dues aux crues nombreuses et dévastatrices du fleuve48. Pierre Barthès est alors l’un des plus importants contributeurs, même si ses impôts restent modestes (il paye en 1739, 3 livres 30 sols de capitation,

41. Comme l’atteste L’Almanach historique de la ville de Toulouse.42. AmT, GG 51, registre paroissial de la Dalbade, baptême du 13 septembre 1704, f° 32 v°.

Sa mère se nomme Bertrande Aubin.43. AmT, GG 57, registre paroissial de la Dalbade, f° 21 v°.44. ADHG, 3e 1077, registre de Jean monereau Roc, notaire royal, f° 5 v° - 10, contrat de

mariage de Jeanne Bertrande Barthès et Thomas Lanaspèze, 6 janvier 1761.45. Sur la composition sociale de Toulouse et la prégnance du modèle social du propriétaire

foncier : michel Taillefer, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Regime, Paris, Perrin, 2000, p. 95 ssq.46. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 226 ; ADHG, 4e 1618, registre de Portet,

6 novembre 1746.47. AmT, CC 1003, capitation de la Dalbade pour 1739, f° 90.48. Sur ces crues : Jean-Luc Laffont, « Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle

des lumières », thèse de doctorat de l’Université Toulouse 2, 1997, p. 1301 ssq.

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et en 1741, 3 livres)49. entre 1730 et 1738, Jeanne Aberlinc et Pierre Barthès ont cinq enfants : Pierre-Guillaume (16 octobre 1730-20 juillet 1731)50, Jean-Pierre (19 mai 1732-14 juin 1754)51, Guillaume (24 novembre 1733-14 février 1734)52, Jeanne Bertrande (29 juin 1735- 27 thermidor an xi)53, et Arnaud (18 mars 1738-8 septembre 1742)54. Les parrains et marraines des enfants renseignent sur les sociabilités de la famille Barthès : l’épouse d’un fourbisseur, un étu-diant en philosophie, la fille d’un faiseur de bas, l’épouse d’un maître coutelier, un maître rôtisseur, l’épouse d’un maître boulanger, un maître écrivain, un maître lanternier, son épouse, et leur fille. Deux mondes se côtoient, celui des artisans et celui des lettrés, avec une prédominance pour le premier.

C’est certainement au cours de cette période qu’il rejoint les pénitents gris, même s’il n’y a aucune trace de lui dans les archives lacunaires de cette compagnie avant 1738. Les pénitents gris forment la compagnie la plus importante en nombre (environ cinq-cents confrères). Si elle n’est pas la plus prestigieuse par son recrutement social (à l’inverse des pénitents bleus), elle est, en revanche, l’une des plus ferventes, ce qui convient parfaitement au pieux Barthès55. Il y développe son réseau de relations, étant en contact avec des artisans, des commerçants, mais aussi des robins et des juristes. Au milieu des années 1730, Barthès semble, à la faveur d’un contexte familial par-ticulier, avoir amorcé un déplacement du monde de l’artisanat vers des milieux plus dotés en capitaux économiques, culturels et sociaux. Dans la trajectoire familiale, il occupe une position singulière : il est tout à la fois l’héritier, le déplacé et le lettré. D’où un sentiment assumé d’appartenir à un monde social distingué, car utile et cultivé. Il cite ainsi des auteurs latins et surtout Cicéron, mais fait aussi réfé-rence aux « lumières » de son temps, comme mirabeau et Voltaire56.

49. AmT, CC 1003, capitation pour le capitoulat de la Dalbade pour 1739, f° 90 ; CC 1004, capitation pour le capitoulat de la Dalbade pour 1741, f° 116.

50. AmT, GG 57, registre paroissial de la Dalbade, a. 1730 f° 49 v° ; et a. 1731 f° 32 v°.51. AmT, GG 57, registre paroissial de la Dalbade, a. 1732 f° 19 v° ; Les Heures perdues, op. cit.

(n. 1), vol. 3, p. 53.52. AmT, GG 57, registre paroissial de la Dalbade, a. 1733 f° 39 r° ; Les Heures perdues, op. cit.

(n. 1), vol. 1, p. 8.53. AmT, GG 58, registre paroissial de la Dalbade, a. 1735 f° 5 v° ; 1e 288, registre des

décès, commune de Toulouse, f° 227.54. AmT, GG 58, registre paroissial de la Dalbade, a. 1738 f° 11 v°, et GG 59, a. 1742

f° 19 v°.55. Bernadette Suau, Nicole Andrieu, Les Confreries de penitents à Toulouse : deux etudes, Toulouse,

Association des amis des Archives de la Haute-Garonne, 2010.56. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 6, p. 144, il fait référence à un « autheur [qui] deffinit

[le luxe] le déplacement de la dépense », ce qui est un renvoi direct à L’ami des hommes, (Avignon, 1756, deuxième partie, p. 194). Il écrit un éloge de Voltaire, « si vaste et si profond genie » (vol. 6, p. 118).

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Il rapporte souvent la distance qui le sépare des financiers et usuriers, autrement dit de cette bourgeoisie de l’argent qu’il juge inutile voire nuisible57. De même, il prend soin de dénoncer « la foule », « la multi-tude », « la populace », « la lie populaire », ces classes populaires qui l’entourent pourtant à Tounis et qu’il estime versatiles, superstitieuses et dangereuses58. en cela, ses représentations sociales et politiques sont proches de celles des bourgeois de son temps, et notamment du bourgeois de montpellier étudié par Robert Darnton, pour qui le propriétaire est le citoyen le plus estimable car le plus utile59.

Pour autant, à la différence du montpelliérain qui pourrait être Dominique Donat, un journaliste qui sera un moment en relation avec Barthès, celui-ci ne prend presque aucune distance avec le clergé et la noblesse, ni avec une structure sociale corporatiste et tripar-tite qu’il ne remet jamais en cause et qui lui semble, à l’image d’une famille hiérarchisée et structurée, être la fondation la plus solide de la société. Ainsi, s’il peut critiquer ces seigneurs qui peuvent se montrer « trop fiers, et trop severes » contre les paysans, il ne cesse de louer « les grands60 ». Sa déférence à l’égard des dominants et de l’ordre établi s’explique sans doute par le fait qu’à Toulouse, ville de notables, et à la différence de montpellier, le rang social est surtout fonction des dignités plus que de la richesse. De la même manière, il défend l’Église et la religion, non par fanatisme mais parce qu’elles participent à structurer la société. Il dénonce ceux qui ne les res-pectent pas ou n’ont pas la même religion, parce que leur irréligio-sité est une menace pour l’ordre social. Sa relation de l’affaire Calas té moigne bien de la conception qu’il a des huguenots, véritables dangers sociaux capables de se transformer en « bêtes féroces » pour tuer un membre de leur famille qui voudrait changer de religion61. Cette position de censeur lui permet de conforter sa propre position, acquise dans une ville où la foi et le rapport à la religion, comme

57. Pour exemple Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 6, p. 144 (1770) : « Les monopoleurs transplantés par tout, qui pullulent tous les jours comme les mauvaises herbes, et qui nés pr la ruine du genre humain s’engraissent du sang de ceux qui en sont les infortunées victimes ; les banqueroutiers dont le nombre s’accroit de jour a autre, les uzuriers impunis triomphants inso-lemment a la veue de tous […] ce même luxe qui j’apelle la carie de l’esprit humain, […] qui asservit l’esprit en occasionant des superfluités folles, le derrangement dans toutes les conditions ; la ruine, et la cupidité qui affaisse l’ame en courbant et entrainant son ambition vers des objéts au dessus de sa portée ; qui est l’ennemi d’un travail utille ».

58. Pour exemple Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 265 (1747) : « Le peuple ignorant et credule, bête sauvage a plusieurs têtes, inconstant et sans conduite, qui en un instant, s’emeut, et s’appaise, approuve, et improuve une même chose, qui veut et ne veut, a qui la nouveauté plait extremement, et donne dans le merveilleux sans reflexion, et tête baisse ».

59. Robert Darnton, Le Grand Massacre des chats, Paris, Les Belles Lettres, 2011, p. 147 ssq.60. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 6, p. 64, décembre 1767.61. Ibidem, vol. 5, p. 53 ssq.

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l’affaire Calas en témoigne, est un élément déterminant de la vie locale. D’une manière générale, plus Barthès avance en âge et plus il consolide sa situation sociale, plus il se montre pessimiste sur le res-pect de l’ordre social qui lui a permis, même modestement, de s’éle-ver. Cette aigreur révèle la position de gardien du temple que le choix des anecdotes et les commentaires qui leur sont liés lui permettent d’exprimer : il se montre à ses lecteurs comme le représentant des vertus traditionnelles menacées. Par là, il défend d’abord un ancien état social qui lui a été favorable et qui est en pleine mutation. Il est en cela exemplaire des représentations sociales et politiques des élites toulousaines, puisqu’il est le défenseur tatillon et sévère des valeurs structurantes de la société toulousaine. Il fait même montre d’une manifeste crispation autour de valeurs qu’il sent menacées, comme la religion et plus largement l’ordre social, quand il décrit son époque comme des « tems malheureux », ou un « tems de corruption, de renversement d’esprit, et de mepris de la Religion »62. Les Heures per-dues ne peuvent être comprises sans la connaissance de la trajectoire de Pierre Barthès, du foulon à la plume, c’est-à-dire sans mesurer son déplacement dans un espace social déterminé à un moment donné, et qu’il s’attache sa vie durant à défendre.

de paiLLasson a CorneiLLe : Une ambition mesUrée des Lettres

Pierre Barthès commence la rédaction de son journal en décembre 1737, à l’âge de 33 ans. Sa position tant familiale que professionnelle est établie. Les raisons qui le poussent à envisager l’écriture d’une chronique sur les « choses dignes d’etre transmises a la posterité, arrivées en cette ville ou prés d’icy » restent obscures. Pour autant, l’entreprise n’est ni nouvelle ni rare pour le xviiie siècle63. Le dévelop-pement des « écritures ordinaires » comme les récits de vie, les chro-niques familiales, les livres de raison ou les échanges épistolaires est la conséquence d’un processus plus large « par lequel les dominés se sont efforcés d’acquérir le savoir écrire64 ». Les commerçants et arti-sans ont pris une part active à la démocratisation de l’écrit. Le choix

62. Ibidem, vol. 6, 1767, p. 43, et p. 61. 63. Jean Hébrard, « Tenir un journal. L’écriture personnelle et ses supports », in Recits de vie et

media, Université Paris X, 1999, pp. 9-50.64. Roger Chartier, « Culture écrite et littérature », art. cit. (n. 32), p. 786.

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de Barthès de recourir à la chronique n’est donc pas, en soi, éton-nant. Le choix de la forme manuscrite et non de l’imprimé ne l’est pas moins. Barthès ne fait partie d’aucun réseau de lettres local (tels que l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres, ou l’Académie des Jeux floraux)65. Il ne se sent donc pas légitime ou n’a pas la légitimité pour entreprendre une histoire de Toulouse, d’autant qu’il existe déjà une chronique annuelle manuscrite racontant offi-ciellement l’histoire de la ville en train de se faire66. Il préfère se pla-cer dans la lignée des chroniqueurs privés, comme ce Courrège dont il cite plusieurs fois le manuscrit qu’il a en sa possession. Le choix du manuscrit répond aussi à l’usage premier de ses Heures perdues, à savoir, comme l’indique le titre, un loisir. Il est alors plus libre dans le choix des anecdotes, plus libre aussi de les mêler à sa propre his-toire, plus libre enfin d’en contrôler la réception : non seulement il est le seul à pouvoir les faire circuler, mais il encadre la lecture par des mises en garde disséminées dans l’ouvrage. Par exemple, à propos des exécutions publiques, il indique qu’« on a voulu m’insinuer, en lisant ces memoires, que l’article des executions devroit en etre banni, et qu’une semblable matiere ne merite pas de tenir place, parmi des êpoques interessantes », mais il rétorque qu’il écrit ses mémoires « non pour inviter personne a les acheter, car ils ne sont pas a vendre ; mais pour les lire, si l’on veut », et que « c’est mon plaisir, et tout est dit »67. La liberté et les transgressions possibles que lui offre la forme manuscrite (histoire familiale mélangée à l’histoire de Toulouse, avis personnels sur les évènements rapportés, ou encore choix d’anecdotes jugées indignes de mémoires) sont malgré tout bornées, notamment par les autres usages qu’il fait de ses Heures perdues : elles lui servent à travailler une position d’auteur qu’il cherche à investir, tout comme elles participent de son déplacement social et le justifient.

en effet, Pierre Barthès cherche à augmenter son capital social par l’accumulation de reconnaissances, de dignités et de profits symbo - liques de tous ordres. Ses Heures perdues renseignent du reste les dis-tinctions (souvent modestes) qu’il a pu glaner, comme autant de trophées, dans les univers sociaux qu’il a côtoyés. en cela, il montre qu’il a parfaitement intégré les règles du jeu social de l’Ancien Régime. Les petits succès qu’il remporte confortent sa croyance dans les vertus de cette structure sociale dominée par les honneurs et les

65. Il n’apparaît dans aucune de leurs productions. Cela n’est en rien étonnant puisque ces cercles sont réservés à l’aristocratie locale à laquelle Barthès, de part ses origines et sa position sociale, n’appartient pas.

66. Voir marie Perny, « Les Annales manuscrites de la ville de Toulouse. Une mémoire urbaine monumentale », Histoire urbaine, 2010/2, n° 28, pp. 45-64.

67. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 6, p. 45.

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dignités, renforçant en conséquence une position de gardien des va - leurs traditionnelles qu’il sent menacées. Ainsi, il devient l’un des habitants les plus influents de Tounis. en 1738, il est nommé bayle des pauvres de l’île68. Il est chargé de préparer des processions lors de la fête de Tounis et d’organiser une quête pour distribuer du pain aux pauvres. Son implication s’étend encore à la défense des intérêts des habitants auprès des institutions locales. Il met son savoir-faire de maître écrivain à leur service pour rédiger les plaintes relatives à la protection de l’île contre les inondations, comme en février 1745, dans une supplique adressée à l’intendant69. en 1751, Barthès peut se féliciter que les « plaintes reiterées des habitans » aient obligé « les puissances d’avoir égard a la justice de leurs requetes »70. De la même manière son appartenance aux pénitents gris lui apporte quelques reconnaissances et gratifications : en 1746, il est nommé premier sacristain de tribune71. Surtout, son accès aux pénitents gris lui permet de travailler sa position d’écrivain et de dépasser sa condition de maître répétiteur, en livrant des inscriptions et en publiant des rela-tions de différentes cérémonies de la compagnie. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les sujets religieux, et particulièrement les comptes rendus des actions des diverses compagnies de pénitents, si importantes à Toulouse, soient autant présents dans les Heures perdues. L’évocation récurrente des pénitents le met en scène dans ces réseaux qui structurent la vie cérémonielle de Toulouse72.

À côté de ces honneurs, Barthès recherche une reconnaissance en tant qu’auteur. Ses Heures perdues sont ponctuées par des références humanistes, contiennent le compte rendu de certaines de ses inscrip-tions ou de ses compositions littéraires, et plusieurs anecdotes sont construites comme de véritables petites relations d’évènements et céré-monies publics. elles sont, en quelque sorte, la vitrine de son savoir-faire d’auteur, révélant ses talents au gré de leur circulation. maître en l’art de l’écriture, il ambitionne à son niveau de devenir un maître « en l’art d’écrire », occupation plus prestigieuse car plus proche de Corneille que de Paillasson, comme le remarque Louis-Sébastien mercier73. Ses mémoires constituent dans cette entreprise, peut-être conditionnée par une dévalorisation du métier de maître écrivain, tout à la fois un apprentissage, un support et une manière de justifier

68. Ibidem, vol. 1, p. 19.69. Archives départementales de l’Hérault, C 1545, supplique des habitants de l’île de

Tounis du 22 février 1745. Le style et la forme des lettres indiquent que Barthès est l’auteur de la supplique.

70. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 2, pp. 17 et 36.71. Ibidem, vol. 1, p. 211.72. Robert Alan Schneider, The Ceremonial City, op. cit. (n. 2).73. Louis-Sébastien mercier, Tableau de Paris, Amsterdam, 1782, t. 4, p. 84.

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et d’accompagner son introduction dans le monde des auteurs : ils servent de métier et de matrice à cet artisan de l’écriture pour forger de petites pièces écrites et, par leur circulation, lui assurent une répu-tation d’habile conteur. Barthès ne correspond pas au portrait type de l’auteur dressé par Robert Darnton : plus âgé, déjà établi et embour-geoisé, il ne recherche pas de sinécure, ne compte pas faire de cette occupation son gagne-pain et ne se reconnaît certainement pas dans la vie de bohème74. Son ambition des lettres est conditionnée par la préoccupation première de conforter sa place sociale. Fils et petit-fils d’artisans, désormais maître écrivain et propriétaire, il lui importe de consolider cette ascension, ne serait-ce que pour permettre à sa fille de faire un mariage convenable.

Les mariages sont pour lui l’occasion d’affermir son ancrage social et celui de sa famille : ce sont des investissements plus sûrs qu’un déplacement total et aléatoire dans le monde des écrivains. Après le décès de Jeanne Aberlinc en 1740, Barthès reste veuf près de qua-torze ans avant de contracter mariage avec la veuve de Jean Barbier, marchand à la Pierre, Jeanne-marie Guérard75, elle-même reven - deuse76. elle est née, comme lui, le 2 novembre 1704. Tous deux sont d’un niveau de fortune équivalent, comme le montre le testa-ment de Jeanne-marie Guérard. À sa mort, le 28 septembre 1763, elle lui lègue, ainsi qu’à chacune de ses filles, 300 livres77. en outre, il reçoit « la jouissance de certains effets et d’une chambre de valeur de 20 livres de revenu ». Ce mariage lui assure un train de vie conforme à ce qu’il était jusqu’alors. Son niveau de fortune et sa réputation assurent d’ailleurs à sa fille un mariage intéressant. Jeanne Bertrande épouse le 27 janvier 1761 Thomas Lanaspèze (1734-1812)78, tailleur d’habits à Tounis, fils de Jean-Pierre Lanaspèze, lui aussi tailleur79. on voit là le déplacement familial encore à l’œuvre : de l’artisanat vers le monde marchand. Jean-Pierre Lanaspèze est du reste le tailleur de Pierre Barthès80. Ce mariage a peut-être fait l’objet de négociations entre les deux familles non à cause d’une différence de fortune mais de la réputation de Jeanne-Bertrande qui, semble-t-il, avait déjà fré-quenté un garçon. Pour convaincre Jean-Pierre Lanaspèze, Barthès

74. Robert Darnton, Le Grand Massacre des chats, op. cit. (n. 59), p. 199 ssq.75. AmT, GG 63, registre paroissial de la Dalbade, 10 août 1754, f° 49 v°.76. ADHG, 2C 2982, registre des insinuations, 20 juillet 1754, f° 989.77. ADHG, 2C 2985, registre des insinuations, 1er octobre 1763, testament de Jeanne-marie

Guayral, chez maître Corail, passé le 13 mars 1762, non folioté.78. AmT, GG 57, registre paroissial de la Dalbade, a. 1734, f° 36 v°, baptême du

12 décembre 1734 (naissance le 8 décembre 1734), et 1e 257, registre des décès de la commune de Toulouse, 11 décembre 1812, non folioté.

79. AmT, GG 68, registre paroissial de la Dalbade, mariage du 27 janvier 1761, f° 2.80. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 60, 15 mai 1740.

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rédige en effet en 1760 un long poème dans les Annonces, affiches, et avis divers de Toulouse, vantant les vertus et mérites de sa fille (qui « a tou-jours vécu fort sage », qui sait « la gamme et la note », et qui est « très sage et remplie d’honneur »), pour faire oublier qu’un « oiseau de la même espèce […] essaya de toucher le cœur de la Femelle »81. Jeanne-Bertrande est un bon parti : sa dot se monte à près de 2 500 livres, y compris la maison de Portet de sa mère82. Thomas Lanaspèze est lui aussi un parti intéressant : la famille est bien établie dans le milieu de l’étoffe (sa mère, martre d’Aussonne, est issue d’une famille de meu-niers au moulin du château), son père tient une boutique à Tounis et se propose d’accueillir les époux dans son domicile, rue du Pont de Tounis83. Ce mariage permet à Barthès d’assurer une existence confortable à sa fille et de conforter l’ascension sociale de sa famille. Thomas Lanaspèze fera prospérer l’héritage de ces deux familles : en 1779, il paie 4 livres de capitation84. À partir de la Révolution, il entre dans le monde du droit en devenant huissier audiencier près le tribunal de Toulouse85.

L’ambition des lettres chez Barthès n’engage donc pas une reconversion. elle est un moyen d’augmenter son prestige social et d’investir un entre-deux littéraire pour, en se rapprochant du pôle artistique de l’écriture, être plus qu’un artisan. Cet investissement rai-sonné l’empêche de produire des œuvres importantes. Peut-être y a t-il là aussi l’expression d’un sentiment d’illégitimité ? en tout cas, ses Heures perdues retracent et construisent pas à pas son entrée dans le monde des lettres : il commence par des compliments lus publique-ment (comme celui lu par son élève au duc de Richelieu et dont il est très fier), puis des inscriptions et, enfin, par l’écriture de relations86. Ses mémoires consolident, en le traçant, un chemin qui marque une progression et participent ainsi d’une entreprise de légitimation, à ses propres yeux et à ceux de ses lecteurs. Les Heures perdues qu’il fait circuler sont aussi directement utilisées pour lui donner accès à des espaces (le journalisme et l’édition) qu’il n’a, jusqu’au début des années 1760, pas fréquentés.

81. Annonces, affiches, et avis divers, Toulouse, 8 janvier 1760, n° 31 conte « Le serin et la linote », p. 123-124, dédié « Au sieur L…, mon ami ».

82. ADHG, 3e 1077, répertoire de Jean monnereau Roc, notaire royal, contrat de mariage, f° 5 ssq.

83. Pour la situation de l’habitation : AmT, 1F 6, recensement de l’an VIII, f° 348. Dans ce recensement, le ménage, qui est resté sans enfant, est dit aisé.

84. AmT, CC 1006, capitation de la Dalbade, 1779, f° 45.85. AmT, 1F 6, recensement de l’an VIII, f° 348, et 1e 257, registre des décès de la commune

de Toulouse, 11 décembre 1812, non folioté.86. Autre compliment commandé et lu à l’occasion du mariage du Viguier par un huissier de

la viguerie, en janvier 1743 (Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 1, p. 108).

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Les compliments qui lui sont commandés lui apportent certai-nement la reconnaissance d’un savoir-faire, lui ouvrant la voie à un travail plus prestigieux : l’écriture d’inscriptions. Ses réseaux sont aussi un avantage non négligeable dans l’obtention de la commande de ces inscriptions. Il en rédige une à la demande des bayles de Tounis pour la nouvelle chapelle de l’oratoire de l’île érigée en 175787. en 1759, il en livre une autre pour la consécration de l’autel de la paroisse Saint Nicolas88. Son appartenance aux pénitents gris lui ouvre plus largement l’accès à ce nouveau métier. en 1761, Pierre Cazeneuve, marchand de bois et pénitent gris, lui commande une inscription à insérer sur le mur de sa demeure, rappelant le don de 500 livres qu’il a fait dans son testament à sa compagnie89. Barthès rapporte que cette inscription privée, la seule du genre, a fait beaucoup de bruit et qu’il a fallu vaincre les réticences des ins-titutions toulousaines. Son nom comme auteur de cette pieuse et curieuse inscription ne pouvait que circuler et ainsi le faire connaître. Sa nouvelle occupation lui apporte une autre source de revenus et contribue à le faire connaître. Il est même appelé à livrer les inscrip-tions gravées sur les cloches refondues du parlement puis de l’Hôtel de ville en 1766 et 176890. Rédiger des inscriptions pour les deux institutions les plus prestigieuses de la ville est une consécration. Il acquiert une légitimité dans ce domaine, ce qui l’amène à livrer d’autres inscriptions pour des institutions religieuses91, pour les capitouls (même si cette inscription n’est finalement pas retenue)92, et pour les pénitents gris93. Les Heures perdues renseignent d’ailleurs sinon tous, du moins les compliments et surtout les inscriptions les plus importants dans le plus grand détail. Le journal est utilisé à la fois comme un moyen de montrer à voir ce savoir-faire et comme le moyen de renforcer sa légitimité à produire des œuvres plus ambi-tieuses : les Heures perdues doivent donc être comprises comme étant une clé d’entrée dans le monde des auteurs auquel Barthès semble vouloir appartenir.

Peu après ses premières inscriptions, Barthès fait un temps court œuvre de journaliste. Il est un lecteur actif des gazettes et journaux, qu’ils soient nationaux ou locaux : la Gazette de Toulouse, la Gazette de France, le Courrier, le Gazetier d’Avignon, les Nouvelles litteraires. La fin

87. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 4, p. 109.88. Annonces, affiches, et avis divers, mardi 1e décembre 1759, n° 27, p. 107.89. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 5, p. 49.90. Ibidem, vol. 6, p. 33, octobre 1766 ; p. 89, septembre-octobre 1768.91. Ibidem, p. 102 (lors de l’octave de la canonisation de la fondatrice de l’ordre de la visi-

tation) ; p. 133, août 1770 (à l’occasion de la translation du corps de saint Théodose).92. Ibidem, p. 149, janvier 1771.93. Ibidem, vol. 7, p. 23, mai 1774.

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des années 1750 et le début des années 1760 sont riches en publi-cations de ce genre, y compris à Toulouse. « on ne peut point pas-ser sur les ruës sans être obsédé par une troupe de Harangeres et de Crocheteurs », rapporte l’un de ces journaux94. L’espace (encore non autonome) de la presse se divise sommairement en deux : la presse littéraire et culturelle (qui elle-même se divise entre un pôle tradition-naliste ou classique, et un pôle satirique ou avant-gardiste) et la presse d’annonces et de nouvelles, moins légitime car s’adressant à des publics plus larges et abordant des sujets plus triviaux. Barthès parti-cipe aux jeux et énigmes et livre des poèmes de sa composition dans les journaux d’annonces, locaux de surcroît, c’est-à-dire dans un type de presse regardé comme le moins prestigieux. Ainsi, il intervient de deux manières dans les Annonces, affiches, et avis de Toulouse, journal publié entre le 12 juin 1759 et le 20 août 176195. Il livre de longues solutions rimées en occitan aux énigmes proposées ainsi que deux poèmes, l’un en occitan, l’autre en français. Il fournit des articles sur des événements survenus à Toulouse et, plus régulièrement, alimente la rubrique « Tribunaux de Justice ». Il participe aussi à la rubrique « embellissement » en rédigeant notamment une description détaillée des balcons de l’hôtel de ville créés par le serrurier ortet, auxquels il rend un hommage en forme d’éloge dans son style habituellement emphatique en de tels cas96. Le texte est repris intégralement d’une description faite dans le cahier n° 4 des Heures perdues, qui sert de matrice à l’article des Annonces et Affiches97. Les interventions de Barthès se concentrent sur les premiers numéros, ceux publiés par Dominique Donat, fondateur du journal, entre le 2 octobre 1759 et le 8 janvier 1760, dernier numéro dirigé par Donat. Quand Donat est définitive-ment évincé par Nicolas Caranove, (fils d’un imprimeur aisé parvenu au capitoulat, riche imprimeur à son tour rue Saint-Rome98) à partir du 15 janvier 1760, Barthès ne correspond plus avec les Affiches. Il aurait pris le parti de Donat contre Caranove dans leur dispute pour la direction du journal. Dominique Donat est un journaliste errant et un affairiste peu scrupuleux. Il est surtout, ce qui a pu compter pour

94. BmT, Rés. C XVIII, 246 (5), Carnavalade, p. 1.95. Sur ce journal voir Jean Sgard (dir.), Dictionnaires des journaux, 1600-1789, Paris, Universitas,

1991, t. 1, n° 66. Un seul exemplaire des premiers numéros, formant un volume, est conservé à la BnF, sous la cote 4° LcII 989 (75). michel Taillefer a reproduit dans L’Auta certaines des partici-pations de Pierre Barthès (« Pierre Barthès, rimeur occitan », L’Auta, n° 500, 1984, pp. 259-266).

96. Annonces, affiches, et avis divers, mardi 4e décembre 1759, n° 26, p. 101-102, article signé P. B. Tolosas (cet article n’a pas été reproduit par michel Taillefer).

97. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 4, p. 171, septembre 1759.98. Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux, op. cit. (n. 95), n° 140.

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Barthès, un louangeur des jésuites99. L’accès à la publication, but de Pierre Barthès, est donc conditionné par l’appartenance à un réseau auquel participe l’imprimeur. Il y a en outre un avantage à traiter avec Donat : écrivain et journaliste médiocre, celui-ci fait appel à de l’aide extérieure pour lui fournir non seulement les énigmes mais aussi les anecdotes composant la rubrique locale. Grâce à son savoir-faire acquis par l’écriture quotidienne de ses Heures perdues et surtout grâce à la circulation de son journal qui lui assure probablement une réputation de chroniqueur, Barhès peut ainsi faire l’expérience de l’édition.

La chronique ou la relation d’événements n’est plus seulement une occupation laissée à ses heures perdues. Il fait publier à partir des années 1760, sous forme de plaquettes, diverses relations, le plus sou-vent de fêtes et cérémonies mettant en scène les pénitents gris. D’une manière générale, il bénéficie d’une situation favorable à l’imprime-rie : la production d’imprimés triple au cours de la seconde moitié du siècle à Toulouse100. Cet engouement pour la publication touche aussi Pierre Barthès qui, comme le montrent ses interventions dans les Annonces, affiches, et avis divers, s’imagine en poète et écrivain : il devient plus simple de trouver un éditeur susceptible d’accepter des textes. Barthès n’écrit que des relations d’événements mémorables, c’est-à- dire des petites pièces de moins de trente pages qui sont pourtant l’essentiel de la production imprimée à Toulouse. La relation est un genre ancien et codifié : il s’agit d’un texte court, d’un témoignage, d’une mise en scène censée rapporter de manière précise, pour les glorifier, les actions d’une institution ou d’un acteur101.

La première que nous pouvons lui attribuer est la Relation de la translation du corps de st Vincent, martyr, faite le 11 juillet 1762, de l’eglise des RR PP Carmes dechausses, dans la devote chapelle de MM les penitents gris de Toulouse, signée « Pierre Ba… », et publiée chez Sébastien Hénault vers 1762102. Cet imprimeur, bien implanté à Toulouse puisqu’il est issu d’une lignée d’imprimeurs tenant boutique rue des changes, est l’imprimeur de la Bourse. Il appartient en outre aux pénitents gris de sorte qu’il est doublement en lien avec Barthès. La relation reprend textuellement le compte rendu qui figure au cinquième cahier des Heures perdues qui font figure de matrice à la

99. Ibidem, n° 243. Dominique Donat a créé de nombreux journaux, et notamment en 1759 un Almanach historique et chronologique de la ville de Montpellier.

100. Claudine Adam, « La production imprimée à Toulouse au xviiie siècle (1739-1788) », thèse de doctorat de l’Université Toulouse 2, 2009, p. 268.

101. Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye, 1701, t. 3, verb. « Relation ».102. Bibliothèque universitaire de l’Arsenal, Resp Pf XVIII-298,

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relation publiée103. Cette relation n’est certainement pas la seule (ces sortes de publications n’ont souvent pas pu être conservées). Pierre Barthès se dit d’ailleurs l’auteur d’une relation d’une fête des pénitents gris tenue le 6 mai 1777, publiée chez Guillemette104. Ces deux publications révèlent un auteur tout à fait classique dans le choix des thèmes traités et la manière de les aborder. Dans l’espace toulousain de la publication de livres et de plaquettes dans la seconde moitié du siècle, les sujets religieux continuent de dominer, même si leur poids dans la production totale est en baisse constan-te105. Toulouse reste en France un centre actif pour la publication d’œuvres en rapport à la religion106. Dans ces conditions, la pro-duction personnelle de Pierre Barthès s’inscrit dans le commun de la production toulousaine. Il n’est pas un auteur original, mais il est tout de même devenu un auteur grâce, notamment, aux multiples usages et à la circulation de ses Heures perdues. on voit là l’un des enjeux sociaux de la tenue de sa chronique privée : renforcer une position d’écrivain en la rendant légitime. Les Heures perdues sont donc une œuvre malléable en ce qu’elles autorisent divers usages : elles donnent à voir une inscription de la famille Barthès dans la bourgeoisie urbaine, le renforcement du capital social de Pierre Barthès, c’est-à-dire l’extension de ses réseaux de relations (les péni-tents gris, le monde des auteurs, les institutions toulousaines), elles rendent manifeste l’augmentation de son prestige social (premier sacristain de tribune, bayle des pauvres de Tounis, la connaissance de personnages importants de la vie politique et sociale toulou-saine, mais aussi un auteur pieux), et elles font valoir son savoir-faire d’écrivain (en tant que matrice d’œuvres à publier et par leur circulation maîtrisée par Pierre Barthès lui-même). elles sont donc partie prenante d’une légitimation.

Les Heures perdues accompagnent, mettent en scène et justifient les différents déplacements de Pierre Barthès, que ce soit dans la moyenne bourgeoisie ou dans les milieux lettrés. elles sont consub-stantielles à son existence car elles retracent un chemin de vie, lui donnent un sens et une cohérence qui justifie aux yeux de l’auteur et de ses lecteurs des déplacements sociaux dont la légitimité n’allait pas forcément de soi, au regard de ses origines sociales. Ses Heures perdues participent d’une histoire de vie en train de s’écrire. elles

103. Les Heures perdues, op. cit. (n. 1), vol. 5, p. 90 ssq, 11 juillet 1762.104. Ibidem, vol. 7, p. 123-124, 6 mai 1777.105. Claudine Adam, « La production imprimée à Toulouse au xviiie siècle », op. cit. (n. 100),

p. 339.106. Robert Darnton, « Sounding the Literary market in Prerevolutionary France »,

Eighteenth-Century Studies, vol. 17, 1984, pp. 477-492.

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rendent compte d’un cheminement et produisent une « illusion bio-graphique107 », en donnant un sens à l’existence de Barthès. Il est dès lors normal que le journal ne s’arrête qu’au soir de sa vie en janvier 1781, quelques jours avant son décès108. Les Heures perdues ne constituent donc pas un stock inerte et neutre d’informations ni ne sont le résultat d’une collecte systématique d’un chroniqueur privé qui n’agirait que dans la seule logique de la collection. elles doivent aussi être comprises comme un moyen, pour le chroniqueur, de devenir un auteur et de le justifier, ce qui conditionne nécessaire-ment le style et le choix de ces « choses dignes d’être transmises a la posterité ».

Professeur d’histoire du droit et des institutions à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et chercheur associé au Centre toulousain d’Histoire du droit et des Idées politiques (eA 789), de Toulouse 1 Capitole, mathieu Soula s’intéresse à l’histoire de la justice et des pratiques pénales. Il a dirigé avec Jaen-Pierre Allinne, Les recidivistes. Representations et traitements de la recidive, xixe-xxie siecles (Rennes, 2010) et, avec martine Charageat, Denoncer le crime du Moyen Âge au xixe siecle (Bordeaux, 2014) Ses recherches portent plus spécifiquement sur les exécutions publiques et la peine de mort.

Résumé

Cette recherche entend éclairer la trajectoire d’un chroniqueur privé, Pierre Barthès, maître écrivain à Toulouse, qui tient un journal retraçant des éléments de sa vie et des événements publics survenus à Toulouse entre 1737 et 1781. Véritable source souvent mobilisée par des historiens de la société toulousaine du xviiie siècle, l’auteur reste malgré tout largement inconnu, tout comme restent dans l’ombre les raisons de la tenue de ce journal. Or, pour mieux comprendre et utiliser cette source si riche, il convient au préalable d’analyser les fonctions et usages de cette chronique privée, mises en perspective par l’étude de la trajectoire sociale et familiale de son auteur. Il s’agit donc, ici, de comprendre la chronique par le chroniqueur, de l’expli-quer par les usages que cette forme autorise, et donc de la replacer dans son contexte de production et de circulation pour en révéler, autant que possible, les enjeux et fonctions qui lui sont propres.

Mots-clés : France, xviiie siècle, artisan, biographie, écrits du for privé, chronique, Toulouse

107. Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », art. cit (n. 7).108. Celui-ci est certainement survenu le 27 ou le 28 janvier 1781, Barthès étant enterré par

les soins des pénitents gris le 29 janvier 1781, pour 3 livres et 16 sols (droit de suaire et de croix) ; il est qualifié de tributaire : ADHG, 1e 938, registre des délibérations de la compagnie des pénitents gris, 1725-1738, f° 254.

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AbstRAct

the HeuRes peRdues of Pierre barthès, a PriVate chroNic iN 18th ceNtury toulouse

This article analyses the life of Pierre Barthes, « maître écrivain » in Toulouse, who kept a diary recounting elements of his life and of public events occurred in Toulouse between 1737 and 1781. Although the historians of toulousian social life often use this text as a primary source, his author is still largely unknown, as well as the purpose and the functions of his diary. However, to read this source properly, it is necessary to analyse the functions and the uses of this private chronic, and to contextualise it through his author’s social and familiar trajectory. In fact, this article proposes to understand the chronic by the chronicler.

Keywords: France, 18th Century, craftsman, biography, writing, chronic, Toulouse

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