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Immobilier d’entreprise – Peut-on prévoir l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ? 1 /66 Rédacteur : Cyril Touboul Directeur de Mémoire : Alain Béchade Mémoire du D.E.S Immobilier d’entreprise Cyril Touboul Peut-on prévoir l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ? Décembre 2006 Directeur du mémoire : Alain Béchade

Economie immobilière

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Sujet sur l'économie immobilière, la cyclicité du marché et l'analyse sur la présence éventuelle du bulle immobilière ou de la décorrélation du marché avec les agents notamment dans le secteur du résidentiel.

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Immobilier d’entreprise – Peut-on prévoir l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ?

1 /66 Rédacteur : Cyril Touboul Directeur de Mémoire : Alain Béchade

Mémoire du D.E.S Immobilier d’entreprise

Cyril Touboul

Peut-on prévoir

l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ?

Décembre 2006

Directeur du mémoire : Alain Béchade

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Introduction................................................................................................................... 3 I. Un éternel recommencement…. ....................................................................... 7 A. Pourquoi le marché est cyclique ? .............................................................. 15 1. Les corrections ........................................................................................... 15 a) Origines exogènes et endogènes..................................................... 15 b) Origine financière et comportementale ........................................... 17

2. La bulle........................................................................................................ 21 a) Le Krach................................................................................................... 22 b) Le mythe de l’atterrissage en douceur.............................................. 22

B. Et l’immobilier dans tout cela….................................................................... 26 1. Lien et interaction avec la macroéconomie ....................................... 26 a) Immobilier résidentiel............................................................................. 28 b) Immobilier d’entreprise ......................................................................... 29

2. Fondamentaux du marché immobilier.................................................. 31 a) Immobilier résidentiel............................................................................. 31 b) Immobilier d’entreprise ......................................................................... 32

II. À la recherche du sommet ............................................................................... 34 A. Déroulement d’un cycle immobilier ............................................................ 34 1. Les précédents cycles .............................................................................. 36 a) Immobilier résidentiel............................................................................. 36 b) Immobilier d’entreprise ......................................................................... 40

2. L’analyse du marché................................................................................ 45 a) Analyse statistique ................................................................................. 45 b) Analyse économétrique ....................................................................... 53

B. Les facteurs de troubles ................................................................................. 54 1. La financiarisation ..................................................................................... 54 a) L’endettement ....................................................................................... 55 b) La « pseudo — liquéfaction » de l’immobilier.................................... 56

2. L’offre .......................................................................................................... 58 a) L’interventionnisme................................................................................ 58 b) La maison à 100.000 € ........................................................................... 60

Conclusion................................................................................................................... 62 Annexes ....................................................................................................................... 65 Bibliographie ............................................................................................................... 66

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Introduction

L’immobilier rapporte….

L’immobilier rapporte, de tout temps et en toute circonstance…

Du moins, le croit-on.

Il suffit pour s’en convaincre d’écouter ses amis, enrichis par leur dernier investissement immobilier, de lire les analyses des « professionnels de l’immobilier », les conseils, les notaires, les promoteurs, les fédérations, les syndicats ou autres associations immobilières.

Comment ne pas leur donner raison après 8 années de hausse ininterrompue du marché de la pierre? Toutes les régions et toutes les catégories d’actifs sont concernées par cette augmentation vertigineuse du marché immobilier. Le résidentiel a enregistré une progression de 10 % par an en moyenne1 depuis 1998, les commerces ont été marqués par une croissance de 18 % de leur rendement en capital2 en 2005 et de 8,9 % en moyenne annualisée sur les 5 dernières années.

Cette évolution est sans commune mesure par rapport aux autres classes d’actifs, même la bourse, pourtant dynamique ces dernières années n’atteint pas un tel niveau de rentabilité, sauf, bien sûr… les foncières cotées qui ont vu leur cours grimper de plus de 400 % depuis 19973.

Il est difficile de justifier ces hausses importantes par l’analyse des fondamentaux économiques classiques (croissance du PIB, création d’emploi, évolution du taux de marge des entreprises, augmentation significative du pouvoir d’achat, etc.). En revanche, la baisse des taux d’intérêt opérée par les banques centrales au lendemain du krach boursier de 2000, afin d’éviter une éventuelle entrée en récession de l’économie, paraît être un élément déterminant. Elle a entraîné une concurrence acharnée des prêteurs qui disposaient d’une abondance de capitaux à bas coût. Les afflux de capitaux des investisseurs fuyant le marché boursier trop incertain, associé à un marché obligataire peu attractif, ont aussi largement influé sur les prix de l’immobilier.

Dans ce contexte particulier, l’immobilier peut-il baisser? Avant de pouvoir répondre à cette question, il est intéressant de répondre à une question préalable : l’immobilier a-t-il déjà baissé?

1 Indice INSEE-Notaire. 2 Indice IPD 2005-Croissance annuelle du rendement en capital des commerces. 3 Indice IEIF-Foncière base 100 = 1997.

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En effet, au regard des séries longues4 d’évolution des prix de l’immobilier résidentiel à Paris de 1965 à aujourd’hui, nul doute que ce marché s’inscrit dans un canal haussier malgré l’existence des phases de correction. L’investisseur doit donc savoir qu’en entrant sur le marché immobilier sur la tendance longue, son actif sera soumis à des risques de corrections importants.

L’immobilier a dans l’histoire subi des variations à la hausse comme à la baisse, les corrections étant d’autant plus brutales que la hausse qui les avait précédées avait été importante.

Pourtant, les acteurs que nous citions au premier paragraphe semblent estimer que le risque est moindre aujourd’hui et que : « Cette fois-ci, c’est différent ». La simple évocation de cette phrase doit nous alerter quant à l’état du marché comme nous l’indique Kenneth Rogoff5 qui relève que cette phrase est souvent prononcée lorsque la surévaluation a duré si longtemps que l’on commence à nier la réalité.

En effet, si nous devions distinguer une différence fondamentale avec les marchés de valeurs mobilières, ce serait le traitement de l’information.

L’information imparfaite, partiale et opaque est une donnée essentielle du marché immobilier.

Contrairement aux autres marchés financiers, les prix des transactions dans le marché immobilier ne sont pas rendus publics, ce qui rend très difficile toute analyse et adaptation réactive de celui-ci.

C’est en l’absence de ces informations fiables que certains des acteurs cités précédemment vont développer ce que l’on pourrait appeler une asymétrie de l’information quand celle-ci n’est pas purement et simplement erronée.

La hausse des prix sera systématiquement mise en avant, tandis qu’une baisse ne sera considérée que comme « un ralentissement de la hausse ».

De même, bon nombre de mythes seront alors diffusés tel celui de l’immobilier, vu comme une valeur refuge.

Ces analyses étant largement relayées par les différents médias il faut espérer qu’elles soient plus pertinentes que celles diffusées peu avant la crise immobilière de 1991.

4 J. Friggit, Conseil Général des Ponts et Chaussées, série téléchargeable sur www.adef.org (« statistiques »). 5 Kenneth Rogoff ancien économiste en chef au FMI, enseigne l’économie et la science politique à l’université de Harvard.

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Ainsi, le 14/11/89, Le Monde publiait une étude de l’INSEE, indiquant que le marché du logement serait soutenu au moins jusqu’en 1995.

Le 16/12/89, deux études de la chambre des Notaires, dont une réalisée par M. Mouillard6, indiquait : « un ralentissement de la hausse des prix des logements anciens est peu probable ».

Le 16/05/90, la Chambre des Notaires récidivait dans le même quotidien du soir, en écrivant « l’espoir de pouvoir se loger dans Paris s’évanouit », avant d’admettre quelques mois plus tard que : « les signes avant-coureurs d’un réel ralentissement existent » !

Nous pourrions citer bien d’autres exemples de ce type tant dans le domaine de l’immobilier que dans celui des actions.

Les experts financiers n’annonçaient-ils pas au début 2000, un CAC à 10.000 points à l’échéance 2005, alors que quelques mois plus tard la bulle des valeurs technologiques explosait?

Mais comment tenir rigueur à ces journalistes, comment leur reprocher une quelconque manipulation de l’information quand ils ne font que reprendre et publier interviews, analyses et avis d’experts en tout genre ?

Pourtant, il faut se demander s’il semblerait opportun à ces journalistes de demander son avis à un directeur de magasin quant aux prix qu’il pratique.

Le rôle des médias paraît être déterminant dans la diffusion des mythes liés à l’immobilier : l’immobilier ne baisse pas, il enrichi, il est une valeur refuge, il est éternel tout comme la pierre. Et pourtant, le scandale du Crédit Lyonnais, la faillite de la banque Stern, les difficultés de la GMF, il y a tout juste 15 ans, le démentissent.

L’activité économique ne croît pas de façon continue, et l’immobilier ne déroge pas à cette règle. Le marché peut entretenir une hausse loin des fondamentaux économiques, mais à un moment, que nous essaierons de déterminer avec précision, il est corrigé pour revenir en phase avec la réalité. Si la hausse a été spéculative, on parlera alors de bulle, le pendant de la bulle étant le Krach.

Alors, pourquoi ne pas profiter de l’expérience des professionnels ayant connu la dernière crise immobilière?

Pourquoi ne pas tirer les leçons du passé, pourquoi ne pas analyser les précédents cycles immobiliers puisque nul ne peut contester leur existence ?

6 Michel Mouillart Professeur à l’Université de Paris X Nanterre, « Spécialiste du marché immobilier ».

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Pourquoi ne pas se servir de ces analyses pour prévoir l’apparition d’une bulle spéculative, ou de corriger le comportement parfois irrationnel des investisseurs?

Mais le peut-on vraiment?

Appliquer une théorie qui repose essentiellement sur l’étude des cycles précédents à partir de données statistiques afin de connaître son positionnement dans le cycle en cours peut paraître imprudent.

Néanmoins, nul ne vient reprocher à l’expert d’estimer la valeur d’un bien en prenant comme référence les mutations passées. De plus, et nous le verrons, les variables déterminantes entrant en ligne de compte dans le cycle immobilier restent identiques d’un cycle à l’autre. Bien entendu, nous nous abstiendrons d’utiliser des données situées dans des moments particulièrement troublés de l’histoire : blocage des loyers en 1914 et 1939, loi de libéralisation des loyers dite « loi de 1948 »7 afin d’améliorer la pertinence du mémoire.

Il sera toutefois nécessaire de distinguer les différentes composantes du secteur immobilier, ainsi l’immobilier d’habitation est influencé par des variables en partie différentes de celles de l’immobilier d’entreprise. Concernant ce dernier, nous verrons que certains secteurs peuvent paraître déconnectés des fondamentaux économiques, nous en rechercherons alors les causes, et surtout essaieront d’en déduire des conséquences.

Il sera difficile de faire l’impasse sur le régime SIIC. Ces sociétés foncières cotées animent clairement le marché des investissements immobiliers en ce début d’année 2006. Ces sociétés représentent l’aboutissement de ce que l’on appelle la « financiarisation » ou la « titrisation » du marché immobilier. Surcoté de 20 à 30 %, un actif net réévalué déjà surévalué dans ce marché à la hausse peut paraître troublant. Cette prime à la liquidité peut sembler tel un leurre, l’actif immobilier restant tangible quoi que l’on fasse. Pourtant, nous vérifierons si l’aboutissement de cette financiarisation a permis de décorréler ce régime au marché immobilier, le mettant ainsi à l’abri d’un éventuel retournement.

L’étude ne serait pas complète si elle ne s’inscrivait pas dans une vision au moins européenne, si ce n’est mondiale, de l’état du marché immobilier. Ainsi, nous rechercherons les éventuels impacts des phases de corrections amorcées aux Etats-Unis sur un possible retournement au Royaume-Uni, et surtout en Espagne, dans un secteur où la financiarisation est maintenant devenue omniprésente ; où la recherche et l’optimisation de l’effet de levier financier sont devenues une véritable quête, et où plus des deux tiers des engagements en immobilier d’entreprise8, proviennent d’investissements étrangers.

7 En effet, comme le démontre J.Friggit dans son ouvrage Prix des logements, Produits financiers immobiliers,et Gestion des Risques.,page 13, les loyers à Paris ont été multipliés par 6 en francs constants entre 1948 et 1965. 8 En immobilier d’habitation, cette proportion est beaucoup plus faible.

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I. Un éternel recommencement….

Avant de débuter, l’étude proprement dite, il est nécessaire de rappeler les caractéristiques spécifiques d’un bien immobilier surtout en comparaison des autres classes d’actifs notamment des valeurs mobilières.

Nous avons longtemps évoqué l’imperfection de l’information, pourtant d’autres caractéristiques propres à ce type d’actif existent. Elles éloignent un peu plus le marché immobilier du marché « parfait ».

L’hétérogénéité du marché immobilier, par analogie encore une fois au marché des actions où rien ne distingue une action d’une autre à l’exception de son cours et de son rendement. Aucun bien immobilier ne ressemble à un autre, exception faite des lotissements. Leur disposition, leur nombre de pièces, leur surface, leur ancienneté, leur équipement rendent très difficile toute catégorisation. Ainsi, un bureau de 1000 m² peut très bien avoir la même valeur qu’un bureau de 200 m² climatisé.

La localisation du bien est déterminante dans le processus de la formation du prix. C’est bien l’emplacement d’un magasin sur l’avenue des Champs-Elysées qui va faire en sorte que son prix soit 100 fois supérieur au même magasin situé dans un village dans la baie de Somme.

La durabilité, la tangibilité, le coût élevé des transactions, la fiscalité, l’interventionnisme de la puissance publique, la non liquidité des biens sont des facteurs de troubles dans la gestion et l’analyse de ce marché.

Les facteurs cités ci-dessus bien que caractéristiques du marché immobilier ne sont pas autant déterminants que les faiblesses liées à l’information immobilière, et l’on ne le répétera jamais assez tout au long de ce mémoire.

Nous reviendrons sur l’absence de produits financiers dits « immobiliers » à proprement parler lorsque nous aborderons le régime des sociétés foncières cotées dites « SIIC ».9

Ceci étant dit, et les limites du mémoire étant posés10, nous pouvons rappeler maintenant les grands principes de la théorie des cycles.

9 En effet, nous n’aborderons pas les SCPI comme un produit financier du fait de leur illiquidité. 10 Le lecteur ne doit pas perdre de vue que nous avons abordé ici les propriétés intrinsèques des biens immobiliers et non, celles du marché immobilier.

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L’économie ne croit pas de façon continue.

Cet axiome de base est pourtant souvent oublié. Si souvent oublié que seules les variations brutales de l’économie viennent nous le rappeler. Et pourtant, dès 1860, Clément Juglar avait mis en évidence dans son ouvrage des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États-Unis, la cyclicité de l’économie, variant à la hausse, mais aussi à la baisse d’une façon plus ou moins périodique autour d’une tendance.

En premier lieu, nous reprendrons la notion de cyclicité comme celle définie par Jean-Jacques Granelle, dans son ouvrage Economie Immobilière – Analyses et Applications 11 : « Le terme de cycle fait référence à une périodicité et à une amplitude régulière autour d’une tendance de longue période (trend). »

En ce qui concerne le marché immobilier et notamment celui du logement, la périodicité n’est pas complètement établi. Nous pouvons préférer une autre définition de la théorie des cycles : « un cycle est composé d’expansions qui se produisent à peu près en même temps dans de nombreuses branches, suivies de récessions, et de contractions et de reprises tout aussi généralisées qui se rejoignent dans la phase d’expansion du cycle suivant. » 12

Le fait que le marché immobilier apparaîtrait actuellement comme « anticyclique »13 en tout cas par rapport aux autres agents macroéconomiques peut mettre à mal cette définition, écrite en 1946, au début de la période faste qui ira jusqu’au lendemain du premier choc pétrolier en 1975.

Pendant cette période longue de près de 30 ans et communément appelée « les Trente Glorieuses » en France, la croissance a été continue.

Avant d’approfondir la théorie des cycles, il est nécessaire de démontrer si le marché immobilier peut répondre à cette théorie.

Comme l’indiquent les définitions ci-dessus, nous devons rechercher si ce marché est périodique ou cyclique, l’un n’étant ni incompatible ni exclusif de l’autre.

11 « Economie immobilière », édition Economica, page 477. 12 « Measuring Business Cycles » , National Bureau of Economic Research, Arthur Burns et Wesley Mitchell, 1946 . 13 « Perspectives économiques de l’OCDE n°78 », Chapitre 3, page 4.

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La seule série longue disponible pour tester l’éventuelle corrélation de ces propriétés avec le marché immobilier concerne les logements.

En effet, nous ne disposons pas de données suffisamment fiables et depuis suffisamment longtemps sur l’immobilier d’entreprise pour que les résultats soient concluants.

En physique, le seul outil mathématique permettant de rechercher une éventuelle périodicité d’un signal est la Transformée de Fourier.

Ainsi, les études menées par J. Friggit dans son ouvrage de référence14, « conclut à l’absence de composante périodique significative dans le processus de prix des logements en France ».

Sur le même principe, la méthode mathématique permettant de détecter des régularités ou des profils répétés susceptibles de mettre en évidence une cyclicité du marché immobilier est l’autocorrélation.

Le graphique figure 1 présente les résultats synthétiques obtenus lorsque l’on applique cet outil mathématique.

Propriétés intrinsèques•Cyclicité forte (outil = autocorrélations à 1 à 5 ans)

(contrairement aux actions et à d’autres agrégats)

•Absence de périodicité significative (outil= transformée de Fourier)

Autocorrélation des variations du prix des logements1965-2005

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1 2 3 4 5

Pas de temps (années)

Monnaie courante

Monnaie constante

En unités de revenu disponible par ménage

14 Prix des logements, Produits financiers immobiliers et Gestion des Risques,chapitre 3.1: « absence de périodicité du prix des logements »

Figure 1 - Cyclicité du marché immobilier

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Nous pouvons clairement déduire que si le prix a augmenté plus que la moyenne l’an passé, il augmentera probablement plus que la moyenne l’an prochain et inversement.

Ces tendances pluriannuelles sont la caractéristique même de la cyclicité.

Il est intéressant de démontrer intuitivement au travers de graphiques la cyclicité des marchés (hors marché des actions) :

Ce qui nous intéresse sur le graphique de la figure 2, c’est l’évolution de la courbe des prix de gros au États-Unis (en rouge), sans conteste, elle confirme l’existence de cycles.

Sur la figure 3, nous nous attarderons sur le tracé rouge en pointillé qui représente l’écart de production dans la zone OCDE.

Là aussi la notion de cyclicité est démontrée de façon intuitive.

Figure 2- Cyclicité des prix de gros US

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Enfin, dans un troisième graphique directement lié au marché des logements, la cyclicité liée à l’évolution autour d’une tendance est clairement démontrée.

Quelques soient les nuances que nous évoquerons ultérieurement et de façons très succinctes entre les différents types de cycles décrits par les économistes, il ressort qu’un cycle est décomposé en plusieurs phases :

Une phase ascendante

Une phase descendante

Prix des logements et montant de transactions rapportés à leur tendance longue

Base 1965=11,67 (France, T1 06) 1,72 (Paris, T1 06) 1,73 (Ile-de-Fr., T1 06)

1,64 (Province, T1 06)

0,9

1 1,1

0,7

0,8 0,9

1 1,1 1,2

1,3 1,4

1,5

1,6 1,7

1,8

1/1/651/1/661/1/671/1/681/1/691/1/701/1/711/1/721/1/731/1/741/1/751/1/761/1/771/1/781/1/791/1/801/1/811/1/821/1/831/1/841/1/851/1/861/1/871/1/881/1/891/1/901/1/911/1/921/1/931/1/941/1/951/1/961/1/971/1/981/1/991/1/001/1/011/1/021/1/031/1/041/1/051/1/061/1/071/1/081/1/091/1/10

Prix des logements, FrancePrix des logements, ParisPrix des logements, Ile-de-France Prix des logements, province

Auxtunnel 0,9Auxtunnel 1Auxtunnel 1,1

Tunnel

1,1

1 0,9

Rapportés

à leur

tendance longue

respective (*)

Figure 3- Cycle économique OCDE

Figure 4 - Prix des logements sur tendance longue

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Les points de retournement de ces phases, c'est-à-dire la transition entre la phase ascendante et la phase descendante sont dénommés « crise », au contraire, la transition entre la phase descendante et la phase ascendante est couramment dénommée « reprise ».

Le graphique de la figure 5, illustre clairement l’enchaînement des phases dans un cycle.

Pendant la phase ascendante15, le chômage diminue, la production des entreprises s’accroît, le pouvoir d’achat augmente, les bénéfices s’améliorent, mais surtout l’investissement est élevé dans le but d’augmenter la rentabilité et les capacités de production des entreprises. Celles-ci se mettent en situation de produire plus pour vendre plus.

L’enrichissement généralisé des différents agents économiques et la surproduction vont engendrer les premières difficultés telles que la hausse des coûts de production, la hausse des taux d’intérêt16, et la hausse des prix17. Mécaniquement la hausse des prix va entraîner une baisse de la consommation. Afin d’écouler leur stock, les entreprises baissent leur prix, et diminuent leur production. La diminution des besoins de production va avoir une incidence directe sur l’emploi.

15 Suivant les courants économiques, cette phase est aussi appelée « expansion », « boom » ou « phase A ». 16 La hausse des taux d’intérêt est une réponse courante des Banques Centrales pour contrôler l’inflation notamment en phase d’expansion économique. 17 Classiquement la hausse des prix entraîne mécaniquement une baisse de la consommation.

Figure 5-Description d'un cycle

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À chaque phase ascendante suit une crise économique plus ou moins profonde. Cette crise prendra des formes plus ou moins sévères. Ainsi, si elle est passagère, on parlera alors de récession. Afin de mieux distinguer la récession du simple ralentissement, il existe un critère officieux reconnu par les économistes qui est la diminution du PIB pendant deux trimestres consécutifs.

Dans le cas d’une dépression, la forme la plus grave de la crise économique, la crise est durable, l’autorégulation ne suffit plus pour assurer un retour à la normale, il faut souvent mettre en place une politique interventionniste pour mettre un terme à la crise.

Dans tous les cas, on constate une montée du chômage, un accroissement du nombre de faillite, et un contexte social tendu.

La phase descendante18, est une phase consensuelle ou tous les agents économiques vont mettre en œuvre les moyens nécessaires afin de sortir au plus vite de cette période. Lors de cette phase, les entreprises vont redoubler d’effort dans le domaine des innovations. Comme nous l’avons précédemment évoqué, la sortie de la phase descendante est la reprise. Afin d’expliquer cette reprise, nous pouvons nous baser sur les travaux des économistes qui ont étayé la théorie des cycles.

Néanmoins, nous écarterons systématiquement toute approche statistique reliant le marché immobilier à une périodicité quelconque, puisque nous avons démontré précédemment que celui-ci n’est pas de nature périodique.

Depuis, Clément Juglar qui avait introduit la notion de cyclicité du marché et décrit les quatre composantes d’un cycle classique, d’autres économistes se sont attachés à affiner cette analyse.

Que ce soit Kitchin, reprenant à son compte le cycle des affaires décrit par Juglar qui mettra en évidence un cycle dit « mineur » d’une périodicité deux fois moins importante que le cycle « Juglar ». Que ce soit Kondratieff, qui publiera « les vagues longues de la conjoncture » et mettra en évidence deux phases de 20 à 30 ans chacune qu’il dénommera « phase A », « phase B ».

Nous nous attarderons plutôt sur les travaux de Joseph Schumpeter, qui tout en reprenant le cycle de Kondratieff, mettra en évidence que l’alternance des phases est essentiellement liée à l’apparition d’innovations majeure et au progrès technique.

18 Suivant les courants économiques, cette phase est aussi appelée « contraction » ou « phase B ».

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Bien entendu, nous n’appliquerons pas ces théories dans la recherche de la cyclicité du marché immobilier, mais il paraissait important de constater que depuis très longtemps de nombreux économistes aient pu démontrer la cyclicité de l’économie.

Néanmoins, comme nous le démontre Ian Gordon, si nous modélisons sur le graphique de la figure 5, les théories évoquées plus haut, notamment celle de Kondratiev et de Schumpeter et les comparons avec les différents agrégats économiques mesurés depuis 1850, la corrélation avec certains ensembles économiques est surprenante.

Figure 6- Cycles de Kondratieff

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A. Pourquoi le marché est cyclique ?

1. Les corrections

Nous nous sommes déjà attardés sur les phénomènes de correction d’un cycle économique tant à la hausse qu’à la baisse à travers l’explication des points de retournement entre les phases ascendantes et descendantes. Nous allons maintenant aborder les origines de ces corrections, certaines étant familières du secteur immobilier.

a) Origines exogènes et endogènes

Les origines exogènes sont liées à l’environnement du cycle économique.

Elles peuvent être de différentes natures, parfois violentes comme la guerre, les émeutes, les phénomènes climatiques ou un contexte politique tendu.

Elles peuvent être liées à l’interventionnisme de l’état dans un secteur particulier comme le logement à travers des incitations fiscales à l’investissement locatif (De Robien, Girardin, Borloo…), des subventions (PAP, PTZ19), des produits financiers adaptés à l’investissement immobilier (PEL, CEL20), un fondement constitutionnel (DAL21), des lois de modernisation sociale (SRU,UH,ENL22), des contraintes fiscales (Taxe sur les bureaux) ou réglementaires (agrément-constructeur pour les bureaux en Ile-de-France).

L’analyse du graphique figure 7, ci-dessous, extrait de l’analyse Le prix des logements sur longue période23, nous incite à pondérer l’impact et l’utilité sur le marché de certaines interventions notamment la raréfaction des PEL, et prêts à taux privilégié.

19 PAP: Prêt à l’accession à la propriété, PTZ: Prêt à taux zéro. 20 PEL: Plan Epargne Logement, CEL: Compte Epargne Logement. 21 DAL: Droit au Logement. 22 SRU: Solidarité et Renouvellement Urbain, UH: Urbanisme et Habitat, ENL: Engagement National pour le logement. 23 J. Friggit – 28/09/2006 – CGPC – Collège Logement.

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La raréfaction des prêts EL (incluant une option de taux) et des autres prêts à taux privilégié

Source: CGPC d’après Banque de France

Crédits nouveaux au logement, en % du total

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

mars83

mars85

mars87

mars89

mars91

mars93

mars95

mars97

mars99

mars01

mars03

mars05

mars07

Libre

PTZ

PAP

Prêts épargne logement

Prêts conventionnés

Marché hypothécaire

Figure 7 - Raréfaction des prêts aidés

Les origines endogènes sont liées à l’activité économique elle même. Au premier rang de celles-ci figurent bien entendu le développement des innovations et le progrès technique, mais aussi en ce qui nous concerne : l’emploi, l’indice des prix, le revenu disponible par ménage, la solvabilité des ménages et le taux de marge des entreprises.

Nous ne considérons plus l’inflation comme un facteur de trouble puisque l’apparition de la monnaie unique en 2001 et la volonté affichée de la BCE24 de la maîtriser à travers une politique monétaire vive rendent peu probable toute poussée inflationniste.

24 BCE : Banque Centrale Européenne.

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De plus, nous suivons le point de vue de J. Friggit pour lequel les élasticités du prix des logements par rapport à la croissance du nombre de ménages et à la taille du parc, pour difficiles qu’elles soient à mesurer, apparaissent faibles (de quelques unités de valeur absolue) ».25

b) Origine financière et comportementale

Nous avons placé sciemment au même plan le comportement parfois erratique et irrationnel des agents et les marchés financiers comme origine de correction des cycles économiques.

Dans le domaine de l’immobilier, où l’information est imparfaite, les facteurs psychologiques, le mimétisme et le comportement des agents ont un rôle déterminant et prépondérant.

Dans ce cas précis, les variations des taux d’intérêt et à contrario, du marché des actions ne peuvent être mis en avant pour expliquer la variation des prix de l’immobilier.

La vue du graphique, figure 8 ci-dessous extraite de l’étude de J. Friggit, Prix des logements sur longues périodes suffit à démontrer la faible corrélation avec les taux de marché.

25 A ce sujet, voir l’étude de J. Friggit, « Variation du prix des logements, de la taille du parc et de la population: quelques corrélations », septembre 2005-version 3.

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Illustration: pas de coïncidence entre variations du prix des logements

et variations des taux d’intérêt

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

0,25

0,5

0,75

1

1,25

1,5

1,75Taux d'intérêt à long termeInflationTaux d'intérêt à long terme net d'inflationPrix des logements rapporté au revenu disponible par ménage, base 2000=1 (échelle de droite)

Hausse Hausse Hausse HausseBaisse Baisse Baisse

Source: CGPC d’après INSEE, bases de données notariales, Banque de France, CDC-Ixis

Hormis la crise de 1929, qui apparaît être comme une cause principale de la hausse prix des immeubles à Paris, une autre idée reçue sur le processus de formation du prix des biens immobiliers serait le transfert de capitaux du marché des actions vers celui de l’immobilier en cas de sous performance d’un des actifs.

L’analyse de la sous-performance du marché des actions entre 1962 et 1980 n’a pas permis de mettre en évidence un transfert de capitaux massif sur le marché immobilier. De plus, le dynamisme boursier des années 1996-2000 n’a pas non plus entraîné d’effondrement du marché de l’immobilier.

Figure 8- Influence des taux d'intérêts

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La sous-performance des actions de 1962 à1980 n’a pas entraîné de « creux » ou de

« bosse » du prix des logements

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

Valeur d'un placement en actionsrapportée à la tendance longue, France

Prix des logements en France / revenudisponible par ménage, base 1965

Prix des logements à Paris / revenudisponible par ménage, base 1965

Enfin, et pour en finir avec l’origine financière du changement de tendance d’un cycle économique, l’analyse comparative du rendement des placements reste un élément essentiel.

En ce qui concerne le marché de l’immobilier d’investissement, le placement de référence reste l’OAT à 10 ans26.

Dans les graphiques suivants n°10 et 11, nous pouvons constater qu’il apparaît de moins en moins judicieux de continuer à investir dans l’immobilier de bureaux. En effet, la rémunération du risque indiquée dans la figure 10 est à peine supérieure à celle de l’OAT, et dans la figure 12, il apparaît plus risqué et moins rentable d’investir dans les bureaux que dans des emprunts d’Etat !

En définitive, nous pouvons exclure l’origine financière d’un éventuel retournement de cycle dans le marché immobilier. En effet, et nous le développerons ultérieurement, ce qui fait effectivement le pouvoir diversificateur de la pierre, c’est sa décorrelation d’avec les marchés financiers.

Néanmoins, les aspects comportementaux et psychologiques paraissent essentiels dans les retournements de phases, mais s’ils commencent à être étudiés dans les marchés financiers à travers la finance comportementale, ils restent très mal connus dans le secteur immobilier.

26 OAT =Obligations Assimilables au Trésor, considéré comme un placement sans risque.

Figure 9- Transfert Action/Immo

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Figure 10 – Rémunération du risque (Attractivité du bureau QCA )

Figure 11 – Couple rendement-risque dans les differentes composantes de l’immobilier d’investissement (le marché de bureau devient plus risqué et rapporte moins que l’OAT)

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2. La bulle

Nous prendrons comme définition de la « bulle », celle donnée par J. Stiglitz27 :

« Une bulle spéculative est un état du marché dans lequel la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd'hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain. »

Ainsi, l’élément déterminant pour qu’une bulle existe, résident dans la nature spéculative des agissements des agents économiques qui doivent être des investisseurs.

Nous ne devons pas perdre de vue ce déterminant surtout lorsque nous analyserons la précédente « crise immobilière » et l’état actuel du marché dans la seconde partie du mémoire.

Afin d’expliquer le processus de formation d’une bulle spéculative nous reprendrons les travaux de R. Dornbusch28.

En effet celui-ci met en évidence 5 phases dans l’apparition d’une bulle spéculative :

Le rôle des spéculateurs est primordial. Ils recherchent des rendements élevés afin de répondre aux exigences des investisseurs qui leur imposent des primes de risque trop importantes. Ce processus va entraîner la surévaluation des actifs concernés.

Un phénomène de mimétisme va entraîner d’autres agents économiques à suivre l’exemple des spéculateurs afin de profiter eux aussi, des rendements élevés constatés depuis peu. Cet enchaînement va accentuer la surévaluation de l’actif durant si longtemps, que les économistes ne parviennent pas à l’expliquer à travers les théories classiques.

Ce défaut d’explication va entraîner le développement de théories atypiques essayant d’expliquer la durabilité et la « soutenabilité » aberrante du marché.

Les agents économiques encouragés par ces nouvelles approches économiques continuent d’investir sur ces marchés.

Enfin, il n’y a plus assez d’agents économiques pour alimenter ce marché surévalué, son effondrement est brutal.

27 J.Stiglitz, a été prix Nobel d’économie en 2001. 28 R. Dornbusch a reçu le Prix Mondial Nessim Habif, éminent spécialiste des devises, bien que son analyse sur la bulle porte sur les devises, sa transposition aux autres classes d’actifs est courante.

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Nous pouvons aussi évoquer l’approche sociologique défendue par R. Merton29 qui plaide en faveur « d’un phénomène d’anticipation auto réalisatrice ». Les prix décollent du fait de l’intervention massive des investisseurs. Ceux-ci pensent ainsi que leurs anticipations s’avèrent justes. Le mimétisme vu précédemment est cette fois-ci accentué par la diffusion des mythes par les médias.

Enfin, l’analyse technique utilisée dans les marchés financiers réalisée à l’aide d’outils graphiques, géométriques et mathématiques afin d’anticiper leur évolution est un élément amplificateur significatif. Tous les investisseurs ayant au même moment des signaux d’achats identiques.

Ce type particulier de comportement a été mis en évidence par J. Grantham, la « bulle de Grantham » se définit de la façon suivante :

« Une bulle est la valeur d’un actif qui augmente au-delà de deux fois la valeur de l’écart-type de sa tendance historique. »

Cette définition destinée aux analyses techniques est de plus en plus transposée à l’ensemble des actifs, et ce, à condition que les séries analysées soient suffisamment longues et fiables.

a) Le Krach

Le dégonflement d’une bulle spéculative est si brutal et soudain que l’on appelle ce phénomène « éclatement » ou « krach ».

La baisse est brutale alors que la bulle fait suite à un long processus entretenu dans le temps.

Le mécanisme de la bulle est largement reproduit pendant un krach par les agents économiques, sauf que les ventes sont massives et se produisent sur une courte période.

b) Le mythe de l’atterrissage en douceur

En reprenant mot pour mot la citation de John Kenneth Galbraith30 au sujet des bulles spéculatives :

« Ce que nous savons avec certitude, c’est que les épisodes spéculatifs ne se terminent jamais en douceur. Il est sage de prédire le pire, même s’il est, selon la plupart des gens, peu probable », avant de poursuivre: « Une chose est sûre le phénomène de bulle n’a rien de neuf, ce qui peut apparaître comme une nouveauté effroyable s’est

29 R. Merton Père est sociologue, son fils R.Merton sera prix Nobel d’économie. 30 J.K.Galbraith a été entre autre conseiller économique de Roosevelt, Kennedy et Johnson.

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déjà produit des centaines de fois. Mêmes exagérations, même irrationalité, mêmes sanctions, mêmes désillusions. »

L’atterrissage en douceur faisant suite à une surévaluation des prix serait donc un mythe ?

Pour s’en persuader, analysons de façon intuitive à l’aide des graphiques figure 11, 12 et 13, les différentes bulles de l’histoire et leur comportement au moment de leur « dégonflement ».

Figure 12 - Krach des bulbes de tulipe et de la "Cie des Mers du Sud "

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Figure 13 - krach du Dow-Jones (1929) et des pièces de collection

Figure 14 - Krach du Nikkei et des valeurs technologiques

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La problématique n’est donc pas de savoir si l’atterrissage en douceur existe suite à une surévaluation du marché mais si celui-ci est effectivement surévalué.

Dans le cas d’une surévaluation durable, la correction ne peut-être que brutale.

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B. Et l’immobilier dans tout cela….

Nous venons de présenter d’une manière assez générale et théorique la cyclicité des marchés et avons démontré à l’aide d’outils mathématiques son existence au sein du marché immobilier.

Dés lors, nous avons expliqué les différentes composantes d’un cycle et les phénomènes de corrections.

Enfin, nous nous sommes attardés sur le cas particulier des surévaluations durables des marchés et des corrections brutales qui s’ensuivent.

Nous allons maintenant aborder d’une façon plus précise le fonctionnement du marché immobilier et de ses deux constituants qui sont l’immobilier d’habitation et l’immobilier d’entreprise.

Dans l’immobilier d’entreprise nous analyserons essentiellement le marché des bureaux et d’activité.

1. Lien et interaction avec la macroéconomie

Cette partie va se concentrer sur les éventuels liens avec différents agrégats économiques.

Comme tout au long de ce mémoire, nous distinguerons l’immobilier résidentiel de l’immobilier d’entreprise.

Et comme à chaque fois nous mentionnerons que les analyses faites sur l’immobilier d’entreprise sont structurellement moins précises et fiables que celles réalisées sur l’immobilier résidentiel.

Dans le cas de l’immobilier d’entreprise, il n’existe pas d’indice équivalent à celui connu dans l’immobilier résidentiel31, chaque commercialisateur32 développant son propre indice à partir de ses propres modèles et de ses propres transactions.

31 Tout au long de ce mémoire, l’indice retenu pour l’immobilier résidentiel est celui intitulé « INSEE-Notaires ». 32 A l’exception toutefois de la base « Immostat », base alimentée librement par de nombreux commercialisateurs.

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L’indice IPD, bien que plus fiable a la particularité d’être constitué à partir de prix estimés.

L’indice ICA 22 d’Atis-Real reste un indice intéressant quant aux prix des loyers faciaux. De plus sa précision a été améliorée depuis 2000, celui-ci ayant été élargi aux transactions enregistrées sur la base Immostat.

Nous prendrons comme principe, afin de simplifier l’analyse de ce secteur, que celui-ci est essentiellement animé par des investisseurs, ce marché étant fondamentalement de nature locative.

Enfin, cette analyse se limitera au marché des bureaux et des locaux d’activités, les autres marchés ayant de telles carences en information, qu’ils sont quasiment impossibles à caractériser.

Nous nous servirons tout au long de la fin de cette première partie de la figure 15, extraite du livre de J.J Granelle, Economie immobilière, page 487, pour présenter les liens et les fondamentaux du marché immobilier.

Figure 15 - lien avec le marché immobilier

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a) Immobilier résidentiel

Afin de vérifier ce qui pourrait avoir un éventuel impact sur le prix des logements, il paraît plus aisé d’exclure tout ce qui n’en a pas.

Ainsi, nous avons vu page 17 de ce mémoire, note n°25, qu’il n’a pu être établi de corrélation entre la variation du nombre de ménage et le prix des logements.

Nous avons aussi vu sur la figure 7 que l’impact des prêts à taux privilégiés ou aidés n’a plus d’incidence sur le prix des logements, soit parce que les personnes pouvant bénéficier de ces prêts ont des conditions de ressources trop faibles pour alimenter le marché, soit pour les autres, parce que les organismes prêteurs dans leur concurrence effrénée proposent de meilleures conditions de financement.

De plus la figure 8, démontre l’absence de corrélation évidente entre la variation des taux d’intérêt et les prix du logement.

Enfin, en page 19, nous avons mis en évidence l’absence de corrélation avec le marché des valeurs mobilières.

Ce dernier point constitue un élément fondamental du marché immobilier pour le gestionnaire de portefeuille.

L’offre paraîtrait intuitivement un élément déterminant dans le processus de formation du prix d’un logement, puisque dans un marché classique ce sont les tensions entre l’offre et la demande qui vont participer à l’élaboration du prix final. Néanmoins, les efforts de construction au milieu des années 70 et depuis quelques années, n’ont pas entraîné de chute des prix du marché résidentiel.

En définitif, nous retiendrons l’explication suivante dans le processus de formation des prix des logements :

Ce marché est clairement animé par les ménages qui pour l’essentiel cherchent à se loger. L’investissement locatif bien que grandement

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favorisé par la puissance publique n’entre donc pas de façon significative dans les mutations.

C’est donc le revenu des ménages et plus précisément leur revenu disponible, c’est à dire en quelque sorte « leur pouvoir d’achat immobilier » qui va permettre de déterminer le prix du logement.

Plus ce revenu disponible est élevé, plus le ménage pourra mettre d’argent dans l’achat de son logement.

Ce revenu disponible est très fortement lié au Produit intérieur brut, en effet en période de croissance, les salaires augmentent, ce qui permet d’améliorer le revenu disponible par ménage.

b) Immobilier d’entreprise

L’immobilier d’entreprise répond à d’autres interactions que celui de l’immobilier d’habitation. Ces différences naissent essentiellement de ce que le marché de l’immobilier d’entreprise est animé par des investisseurs dans un but purement locatif.

Certaines variables vont influer sur la capacité de l’investisseur à se porter acquéreur d’un bien, d’autres sur le processus de formation de la valeur locative de marché.

Néanmoins, il existe un point commun dans le processus de formation du prix des bureaux33 qui est l’évolution du produit intérieur brut. Celui-ci a une influence directe sur la valeur locative de marché et donc sur le rendement en capital du bien immobilier.

Cette croissance va induire de l’emploi, bien qu’il est difficile de déterminer avec précision le seuil de création d’emploi.

33 Nous ne traiterons que du marché des bureaux du fait des volumes et de la maturité de celui-ci ; nous évoquerons le marché des commerces comme une anomalie au sens des analyses macroéconomiques classiques lors de la 2ème partie de ce mémoire.

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Les figures 16 et 17 illustrent bien la modification de ce seuil sur courte période, ainsi celui-ci sera atteint entre 2003 et 2005 lors d’une variation de PIB de 1,5%, tandis qu’à partir de 2005, il ne suffira plus que d’une variation de 1% du PIB pour créer de l’emploi suffira.

Figure 16 - Seuil de création d'emploi 2003-2005

Figure 17 - Seuil de création d'emploi depuis 2005

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L’impact des taux, qu’ils soient longs ou courts, est un élément important de l’acte d’achat d’un bien immobilier en investissement.

Le niveau des taux longs va permettre de définir la prime de risque qu’exigera l’investisseur, en comparaison avec un produit sans risque de type OAT. La figure 9 précédemment commentée nous montre le relatif intérêt de l’investissement immobilier par rapport à un placement sans risque.

Dans le processus d’estimation du bien, le niveau des taux courts va permettre à l’investisseur à travers l’optimisation de l’effet de levier financier, de surpayer l’actif pour en obtenir l’acquisition.

Cette exposition à l’endettement va de surcroît améliorer son WACC, le projet présentera un taux de rendement interne très intéressant.

Nous ne commentons pas cette technique de financement, nous remarquons juste qu’elle participe au processus de formation du prix.

2. Fondamentaux du marché immobilier

a) Immobilier résidentiel

S’il y a un fondamental à retenir dans l’immobilier résidentiel, c’est sans conteste la corrélation entre le revenu disponible par ménage et la variation du prix des logements.

La figure 4 nous indique outre la cyclicité du marché, que celui-ci évolue dans un « tunnel » de largeur de + / - 10% autour du revenu disponible par ménage.

La « desolvabilisation » des ménages est un élément déstabilisateur de leur revenu disponible.

En effet la figure 18, indique que les ménages ne pourront soutenir l’offre encore bien longtemps, mais nous reviendrons sur l’analyse de ce graphique dans la 2ème partie de ce mémoire.

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In d ic a te u r d e p o u v o ir d 'a c h a t im m o b ilie r d e s m én ag e sa u ta u x d 'in té rê t n om in a l

B as e 1965= 1

0 ,6

0 ,7

0 ,8

0 ,9

1

1 ,1

1 ,2

1 ,3

1 ,4

1 ,5

1/1/65

1/1/66

1/1/67

1/1/68

1/1/69

1/1/70

1/1/71

1/1/72

1/1/73

1/1/74

1/1/75

1/1/76

1/1/77

1/1/78

1/1/79

1/1/80

1/1/81

1/1/82

1/1/83

1/1/84

1/1/85

1/1/86

1/1/87

1/1/88

1/1/89

1/1/90

1/1/91

1/1/92

1/1/93

1/1/94

1/1/95

1/1/96

1/1/97

1/1/98

1/1/99

1/1/00

1/1/01

1/1/02

1/1/03

1/1/04

1/1/05

1/1/06

1/1/07

1/1/08

1/1/09

1/1/10

F ra n ceP a risIle -d e -F ra n c eP ro v in c eAu x tu n n e l 1

Figure 18 - Solvabilité des ménages

b) Immobilier d’entreprise

En immobilier d’entreprise, l’impact de la croissance sur la création d’emploi est le moteur de la consommation d’espaces de bureaux.

Néanmoins, nous ne savons pas à quel niveau de croissance correspondra le seuil de création d’emploi. Sa variabilité peut être une nouvelle fois prouvée sur le graphique 19

Ainsi, si l’ont sait que sur la tendance longue, la consommation de surface de bureaux par emploi est de 20 m², la demande de bureau par les utilisateurs finaux devrait augmenter mécaniquement.

Contrairement à l’immobilier résidentiel, ce marché est très sensible aux tensions liées au déséquilibre entre l’offre et la demande.

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CROISSANCE ÉCONOMIQUEVARIATION DES EMPLOIS DE BUREAUX

-2,5%

0,0%

2,5%

5,0%

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

-4%

0%

4%

8%

Source : INSEE, IEIF, d'après UNEDIC-GARP

?

CROISSANCE ÉCONOMIQUEVARIATION DES EMPLOIS DE BUREAUX

-2,5%

0,0%

2,5%

5,0%

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

-4%

0%

4%

8%

Source : INSEE, IEIF, d'après UNEDIC-GARP

?

Figure 19 - PIB et croissance de l'emploi

La vacance est donc un élément déterminant dans le processus d’élaboration de la valeur locative de marché.

Les investisseurs observent très attentivement l’état des stocks actuels et futurs comme nous le montre la figure 20.

Figure 20 - Prévision de l'état des stocks

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II. À la recherche du sommet

A. Déroulement d’un cycle immobilier

Tout au long de cette première partie, nous avons tenté de rappeler certains fondamentaux liés au marché immobilier.

Nous avons tout d’abord démontré sa cyclicité, mais n’avons pu mettre en évidence une quelconque périodicité.

Ensuite, nous avons essayé de démontrer l’existence de caractéristiques similaires entre l’immobilier d’entreprise et l’immobilier d’habitation comme l’hétérogénéité, ou la localisation.

Enfin, nous n’avons pas omis de souligner certains éléments différenciateurs de ces marchés. En effet, à la différence de l’immobilier résidentiel, celui de l’entreprise est stimulé par les investisseurs. Leur rôle est important dans l’analyse du marché surtout dans leur responsabilité face à l’apparition des crises. L’investisseur doit donc être examiné d’une façon distincte de l’utilisateur final. De plus, l’immobilier d’entreprise se différencie essentiellement de celui des logements par sa nette dépendance aux variations de l’économie.

Toutes ces mises en regard sont à pondérer du fait du manque de données suffisamment fiables et longues notamment en France.

La figure 21 ci-dessous, extraite de l’ouvrage Economie immobilière de J.J Granelle, page 499, tente une explication du déroulement d’un cycle immobilier.

Si celle-ci paraît pour le moins cohérente dans le cheminement de certains cycles précédents et encore, uniquement en ce qui concerne l’immobilier d’entreprise, le comportement plutôt erratique du marché actuel ne correspond plus du tout à ses enchaînements.

En effet, il n’y a pas eu de reprise économique visible, et pourtant l’expansion du crédit ne fait aucun doute. Elle est telle d’ailleurs que l’on parle de financiarisation de l’immobilier.

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La hausse des taux d’intérêt n’a jamais entraîné de ralentissement de la demande, de plus la libre circulation des capitaux et les techniques de refinancement permettent de pondérer l’impact de ces variations.

Enfin, l’année 2006 a mis en évidence un accroissement de la demande d’espace en immobilier d’entreprise, mais cela n’a pas conduit à une insuffisance de l’offre.

En conséquence, la description des précédents cycles doit donc être abordée avec beaucoup de prudence, et nous retiendrons essentiellement dans cette description les tendances pluriannuelles décrites dans la première partie de ce mémoire.

Figure 21 - Cycle immobilier - Vue théorique

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1. Les précédents cycles

a) Immobilier résidentiel

Indice du prix des logements rapporté au revenu disponible par ménageBase 1965=1

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,80,91

2

3

4

5

6

7

8910

1965

1,68 (France, T2 2006)

1939

1951

1944

1998

1991

1985

1980

1,75 (Paris, T2 2006)1935

1920

1914

1880

1874

1870

1/11800

1/11810

1/11820

1/11830

1/11840

1/11850

1/11860

1/11870

1/11880

1/11890

1/11900

1/11910

1/11920

1/11930

1/11940

1/11950

1/11960

1/11970

1/11980

1/11990

1/12000

1/12010

1/12020

1/12030

France

Paris

Figure 22 - Variation des prix des logements

La figure 22 met en évidence les variations des prix des logements par rapport aux revenus disponibles par ménage, variable que l’on a considérée comme fondamentale dans l’élaboration du prix des logements en immobilier résidentiel.

v 1880 – 1914, la stabilité

Nous commencerons notre analyse en année 1880. La période allant de 1880 à 1914 a été d’une relative stabilité. Dans un marché purement locatif, sans mutations.34

La 1ère Guerre Mondiale voit arriver, dans un marché relativement libre une intervention sans précèdent de la Puissance Publique35. Celle-ci prendra la forme d’un blocage des loyers. L’économie de Guerre et

34 En effet avant 1880, la période a été troublée par la Commune en 1848 et à la guerre de 1870, néanmoins l’impact de ces difficultés sur le marché immobilier est sans commune mesure avec ceux causés par la Première Guerre Mondiale. 35 A partir de cette date, l’Etat ne se désengagera plus de sa politique d’intervention « en faveur » du logement.

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Immobilier d’entreprise – Peut-on prévoir l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ?

37 /66 Rédacteur : Cyril Touboul Directeur de Mémoire : Alain Béchade

l’inflation qui s’ensuivent vont entraîner un effondrement des prix du logement. La crise de 1929 sur le marché des actions va conduire, elle, à une augmentation significative des prix des logements.

Mais ce rattrapage était sans compter sur un nouveau blocage des loyers lié à la 2nde Guerre Mondiale. La ruine du marché est accentuée par une mauvaise interprétation de la loi de 1948 par les institutionnels qui s’attendaient à une baisse importante des rendements locatifs.36

La période 1880-1914, même si elle apparaît stable, est trop lointaine et ne correspond plus au profil socio-économique d’aujourd’hui, toute analyse de cette période n’est pas pertinente.

La période 1914-1965 est une période de l’histoire extrêmement troublée, il serait hasardeux là encore d’en déduire quoi que ce soit.

Il nous reste donc à étudier la période allant de 1965 à nos jours pour l’immobilier résidentiel à l’aide du graphique 23.

Prix des logements et montant de transactions

rapportés à leur tendance longue (*)Base 1965=1

1,68 (France, T2 06)

1,75 (Paris, T2 06)

1,75 (Ile-de-Fr., T2 06)

1,65 (Province, T2 06)

0,9

1

1,1

0,7

0,8

0,9

1

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,7

1,8

1/1/65

1/1/66

1/1/67

1/1/68

1/1/69

1/1/70

1/1/71

1/1/72

1/1/73

1/1/74

1/1/75

1/1/76

1/1/77

1/1/78

1/1/79

1/1/80

1/1/81

1/1/82

1/1/83

1/1/84

1/1/85

1/1/86

1/1/87

1/1/88

1/1/89

1/1/90

1/1/91

1/1/92

1/1/93

1/1/94

1/1/95

1/1/96

1/1/97

1/1/98

1/1/99

1/1/00

1/1/01

1/1/02

1/1/03

1/1/04

1/1/05

1/1/06

1/1/07

1/1/08

1/1/09

1/1/10

FranceParisIle-de-FranceProvinceAuxtunnel 0France

Tunnel

1,1

1

0,9

Prix des logements rapporté au revenu disponible par ménage, base 1965=1 (*)

Montant de transactions de logements anciens

rapporté à sa tendance longue, base 1965=1 (*)

Figure 23 - Variation période 1965-2006

36 C’est à partir de cette époque que les institutionnels vendent à la découpe massivement leurs logements. Le marché n’est plus purement locatif. Le nombre de mutation devient clairement significatif.

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38 /66 Rédacteur : Cyril Touboul Directeur de Mémoire : Alain Béchade

Tandis que cette période présente bien la caractéristique d’être relativement stable. Le bien immobilier est plus accessible aux ménages par rapport aux périodes précédentes.

L’analyse de cette période permet clairement de valider ce qui a été étudié lors de la 1ère partie du mémoire à savoir :

Le revenu disponible des ménages qui est très fortement corrélé au PIB est un élément essentiel dans le processus de formation des prix des logements. Tout éloignement par rapport à ce critère est à, un moment ou un autre, sanctionné, par la nature fondamentalement cyclique du marché.

Le prix des logements est decorellé des prix des actions et des obligations.

Bien que les chocs pétroliers aient entraîné une chute remarquable du nombre de constructions de logement, cette « pénurie » n’a pas impulsé de hausse des prix des logements, à l’inverse, la détérioration de l’environnement macroéconomique n’a pas conditionné non plus une chute des prix.

Construction de logements et accroissement du nombre de ménagesFrance métropolitaine

Septembre 2006: 413 267

0

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

1/1 1950 1/1 1960 1/1 1970 1/1 1980 1/1 1990 1/1 2000 1/1 2010 1/1 2020 1/1 2030

Nombre de logements ordinaires commencés (cumul constaté sur les 12 derniers mois) (source: DAEI)

Accroissement annuel du nombre de ménages constaté (source: INSEE)

Accroissement annuel du nombre de ménages constaté (valeurs fragiles) (source: INSEE)Projection de l'accroissement du nombre de ménages, scénario ''bas'' de l'INSEE

Projection de l'accroissement du nombre de ménages, scénario majoré

Figure 24 - Evolution du nombre de logements et de ménages

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Nous sommes contraints de nous attarder sur la période allant de 1988 à 199537 , en effet à cette époque le prix des logements sur le marché parisien et sur quelques marchés localisés de Province a d’abord fortement augmenté jusqu’en 1991 avant d’amorcer une sévère correction.

Nous devons nous rappeler que le marché des logements n’est pas animé par les investisseurs, mais essentiellement par les ménages.

L’augmentation démesurée des prix doit être considérée comme un véritable désastre pour les ménages.

Contrairement à d’autres actifs, où une telle phase d’expansion serait à considérer comme euphorique et pourrait faire penser à un mécanisme de bulle, il n’en est rien dans le marché immobilier résidentiel.

Cette explosion des prix a conduit à un surendettement et une desolvabilisation des ménages.

Nous considérons cette période comme une aberration qui a été sanctionnée par un retour à la tendance longue à partir de 1991.

Indicateur de pouvoir d'achat immobilier des ménagesau taux d'intérêt net d'inflation

Base 1965=1

0,6

0,7

0,8

0,9

1

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1/1/65

1/1/66

1/1/67

1/1/68

1/1/69

1/1/70

1/1/71

1/1/72

1/1/73

1/1/74

1/1/75

1/1/76

1/1/77

1/1/78

1/1/79

1/1/80

1/1/81

1/1/82

1/1/83

1/1/84

1/1/85

1/1/86

1/1/87

1/1/88

1/1/89

1/1/90

1/1/91

1/1/92

1/1/93

1/1/94

1/1/95

1/1/96

1/1/97

1/1/98

1/1/99

1/1/00

1/1/01

1/1/02

1/1/03

1/1/04

1/1/05

1/1/06

1/1/07

1/1/08

1/1/09

1/1/10

FranceParisIle-de-FranceProvinceAuxtunnel 1

Figure 25 - Indicateur de pouvoir d'achat

37 Voir figure 23

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40 /66 Rédacteur : Cyril Touboul Directeur de Mémoire : Alain Béchade

Augmentation significative du prix des logements +

Revenu disponible insuffisant +

Endettement élevé +

Dégradation du pouvoir d’achat =

VIGILANCE

b) Immobilier d’entreprise

L’étude du marché de l’immobilier d’entreprise et plus particulièrement celui des bureaux et d’activité38 nécessite l’existence de données fiables sur des périodes suffisamment longues.

Les indicateurs de prix du fait de l’opacité des investisseurs s’avèrent excessivement difficiles à trouver. Par contre, les valeurs locatives de marché et l’état des stocks restent des données relativement accessibles et fidèles.

Le marché des bureaux est très récent en France et encore plus en Province.

Il apparaît exister évidemment une relation entre les cycles économiques à travers de l’emploi et de la croissance et celui de l’immobilier d’entreprise.

38 L’immobilier de commerces ne peut être traité sérieusement du fait de son volume réduit et son couple rendement-risque particulier.

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Figure 26 - Indice ICA 22

39

L’indice ICA 22, démontre bien la corrélation entre la période d’expansion de la croissance économique entre 1985 et 1991 et la variation à la hausse des prix des loyers faciaux.

Mais à l’inverse, l’arrêt de la croissance essentiellement lié à l’impact de la Guerre du Golf en 1991, n’a pas induit de façon proportionnelle un effondrement de la valeur locative.

Ceci est aussi démontré lors de l’évolution favorable de l’économie européenne liée à l’apparition des nouvelles technologies de 1998 à 2001, mais là encore, l’explosion de la bulle dite « internet » n’a pas entraîné de baisse réelle des valeurs locatives de marchés.

Si cet indice pouvait être reconstitué antérieurement à 1980, il pourrait mettre en évidence une crise similaire à celle de 1991, au lendemain du premier choc pétrolier en 197440.

Néanmoins, nous avons vu précédemment que ce type de marché est un marché d’investisseur qui répond donc à la fois à des exigences de rentabilité et aux demandes des utilisateurs finaux.

L’analyse de l’activé des investisseurs et l’état du niveau de la demande sont donc des points essentiels.

La figure 27 nous montre le dynamisme de l’investissement immobilier depuis 1996, année de rupture liée à l’intervention massive

39 L’indice Composite Atisreal Auguste-Thouard, permet de synthétiser les évolutions des loyers faciaux des transactions en Ile-de-France. Il agrége 88 segments de marchés définis selon 22 secteurs géographiques et répartis par qualité et taille d’immeubles. Un indice de base 100 valeur 1998 a été calculé pour chacun de ces segments. L’ICA 22 est la moyenne pondérée de ces 88 indices, Il est calculé depuis 1992 et a été rétropolé jusqu’en 1980. Les bases de données utilisées sont celle d’Atisreal Auguste-Thouard entre 1980 et 2000 et celle d’IMMOSTAT depuis 2001.

40 Immobilier d’entreprise,J.J Granelle, page 391

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d’investisseurs étrangers d’abord dans les structures de défaisance crées par les institutionnels français au lendemain de la crise immobilière puis comme acteur durable et prépondérant du marché national.

Figure 27 - Investissement immobilier

Figure 28 - Rendement comparé

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La figure 28 est à rapprocher de la figure 10 démontrant l’érosion constante des taux de rendement des investisseurs.

Enfin, la figure 29, en mettant en évidence les variations de stock et donc la vacance relative démontre l’importance de l’utilisateur final dans un processus cohérent de la fixation de la valeur locative de marché et par conséquent l’élaboration de la formation de la valeur vénale.

Sans recul suffisant, nous pouvons tout de même constater un bon comportement du marché immobilier d’investissement dans des périodes de fort ralentissement économique. Cette attirance des investisseurs n’est pas seulement due au pouvoir diversificateur de l’immobilier au sein d’un portefeuille, mais à l’évidence de l’existence d’agissement spéculatif.

À l’instar de l’immobilier résidentiel, il paraîtrait impensable de ne pas revenir sur la crise de 1991. Celle-ci étant essentiellement due à un retournement de la croissance. Les phénomènes d’anticipation des investisseurs, classiques dans ce secteur du fait des délais de construction, étaient particulièrement exacerbés par un niveau de construction très élevé et des valeurs vénales irrationnelles41 soutenues par une expansion du crédit sans précédent. La chute des valeurs locatives du fait d’un stock devenant très largement excédentaire pour l’époque va entraîner à son tour la chute des valeurs vénales et l’arrêt des constructions.

Facilité d’endettement +

Augmentation des valeurs vénales +

Erosion des taux de rendement +

Pas de baisse du stock =

AGISSEMENT SPECULATIF

41 Voir figure 30

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Figure 29 - Offre disponible

Figure 30 - Evolution des V.V Bureaux QCA

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2. L’analyse du marché

Toutes les propriétés du marché immobilier ont donc été analysées avec une certaine précision.

Sans revenir une nouvelle fois sur la déficience de l’information qui rend tout exercice de prédiction très complexe, nous allons quand même tenter à travers les indices, séries statistiques et modèles économétriques existants de constater s’il existe aujourd’hui des anomalies sur le marché immobilier.

Nous verrons ensuite si ces anomalies relèvent d’agissements spéculatifs et dans ce cas, si nous pouvons prévoir l’apparition d’une bulle dans le marché immobilier.

a) Analyse statistique

Nous classerons les indices dans les outils statistiques, en effet la grande majorité d’entre eux se bornent à comptabiliser l’état du marché passé d’une façon plus ou moins complexe en le pondérant.

Si nous partions du principe que ces indices étaient fiables, nous pourrions détecter et mettre en évidence certaines règles.

Il y aurait donc une certaine pertinence à étudier le passé représenté par ces indices afin d’obtenir des prévisions fidèles sur le futur.

De plus, certains facteurs de troubles ont disparus, ce qui aurait tendance à stabiliser à la fois l’analyse statistique et à moindre mesure l’analyse économétrique42.

En effet, l’apparition de la monnaie unique et sa protection active par la BCE43 auraient tendance à faire disparaître durablement toute poussée inflationniste, ce qui entraînera par conséquent des taux d’intérêt relativement plus faibles et surtout moins volatils.

42 Certains modèles reprenant un nombre important de paramètres ou d’agrégats économiques font que l’absence de variations de plusieurs d’entre eux ne suffit pas à rendre l’indice plus sûr. 43 Banque Centrale Européenne.

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Dans le logement, certains de ces indices sont extrêmement connus comme celui diffusé par la FNAIM. L’interprétation de ce type d’indices par les professionnels de l’immobilier peut être parfois dirigée. 44.

Dans le logement et en général dans l’ensemble du marché immobilier, le seul indice fiable même s’il manque de réactivité dans son actualisation reste celui réalisé par le CGPC45 d’après notamment l’indice INSEE-Notaires depuis 1990.

Cet indice permet de remonter jusqu’à 1880, et surtout d’analyser une période beaucoup plus stable et récente qui s’étend de 1965 à nos jours.

L’analyse comparative d’autres agrégats économiques permet de détecter certaines anomalies comme nous le démontre la figure 31. Ainsi, alors que les revenus ou les loyers ont peu progressés depuis 1998 en suivant une évolution parallèle, le prix des logement, quant à lui a doublé.

Dans ce cas, les ménages ne pourront pas soutenir le marché des logements encore longtemps et les investisseurs en immobilier résidentiel ne pourront accepter des rendements si faibles.46

Indices et agrégats divers: préciser ce dont on parle

Source: CGPC d’après INSEE et bases notariales

1,71

2,70

3,25

1,47

0,92

0

1

2

3

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Revenu disponible par ménageIndice du prix des logements en FranceDépense de logement par ménageIndice des loyersIndice du coût de la construction

Monnaie constante, base 1965=1

(flux)

(stock)

(valeur moyenne stock)

(valeur moyenne stock)

44 Voir partie 1 de ce mémoire sur le traitement asymétrique de l’information par les professionnels de l’immobilier. 45 Conseil Général des Ponts et Chaussées. 46 Bien entendu, cette analyse doit être pondérée des facteurs de troubles analysés plus loin dans le mémoire.

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Figure 31 - Comparaison de divers agrégats économiques

La relative stabilité des loyers est également un facteur remarquable dans l’immobilier d’entreprise au regard de l’augmentation des valeurs vénales. Ce phénomène a pour conséquence de réduire les taux de rendement des investisseurs, mais ne les détournent pas pour autant du marché de l’immobilier d’investissement comme nous l’attestent les figures 32 et 33.

Figure 32 - Erosion des taux de rendements Bureaux

Figure 33 - Emballement de l'investissement

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Cet emballement de l’investissement en immobilier d’entreprise doit être relativisé par rapport aux 280 Mds échangés en immobilier d’habitation.

Pour en finir avec l’immobilier d’habitation, nous pouvons nous lancer dans une comparaison avec les États-Unis et l’Angleterre. Le graphique 34 met en évidence une évolution assez similaire tant à la hausse qu’à la baisse lors d’apparition d’excès.

Néanmoins, l’impact d’un désengagement des investisseurs étrangers suite à un retournement de leur marché national ne sera que très limité. En effet, contrairement à l’immobilier d’entreprise où les investisseurs étrangers représentent plus des deux tiers des couvertures, ce volume est ramené à 8 % dans les logements.

Malgré un indice représentatif depuis une période relativement courte (1965-2006), le prix des logements paraît évoluer autour de sa tendance longue. Il est ramené dans sa moyenne du fait d’une de ses propriétés intrinsèques analysées tout au long du mémoire : la cyclicité.

Comparaison internationale

Source: CGPC d’après INSEE, bases de données notariales, Freddie Mac, USBEA, US Census Bureau, Nationwide, Halifax, UK DETR, UK National Statistics

Comparaison internationale:indice du prix des logements

rapporté au revenu disponible par ménageBase 2000=1

0,9

1,1

0,5

1

1,5

1/1 1965

1/1 1966

1/1 1967

1/1 1968

1/1 1969

1/1 1970

1/1 1971

1/1 1972

1/1 1973

1/1 1974

1/1 1975

1/1 1976

1/1 1977

1/1 1978

1/1 1979

1/1 1980

1/1 1981

1/1 1982

1/1 1983

1/1 1984

1/1 1985

1/1 1986

1/1 1987

1/1 1988

1/1 1989

1/1 1990

1/1 1991

1/1 1992

1/1 1993

1/1 1994

1/1 1995

1/1 1996

1/1 1997

1/1 1998

1/1 1999

1/1 2000

1/1 2001

1/1 2002

1/1 2003

1/1 2004

1/1 2005

1/1 2006

1/1 2007

1/1 2008

1/1 2009

1/1 2010

FranceEtats-Unis (maisons)Royaume-Uni (DETR)Royaume-Uni (Halifax)Royaume-Uni (Nationwide)Aux 0,9Aux 1,1

Figure 34 - Comparaison internationale

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Concernant l’immobilier d’entreprise, son apparition est si récente et l’information est si opaque qu’il n’existe pas aujourd’hui d’indice fiable.

L’indice IPD malgré ses qualités et ses réels efforts de transparence ne reste qu’un indice de prix estimé. Il permet quand même de mettre en évidence les tendances du marché de l’immobilier d’entreprise.

Ainsi, comme nous l’avons vu à l’aide de graphiques provenant d’autres commercialisateurs, les séries statistiques proposées par IPD démontrent une chute des rendements locatifs (figure 35) et une augmentation sensible des rendements en capital (figure 36).

Ce phénomène est normalement lié à des comportements spéculatifs ou l’investisseur privilégie l’éventualité d’une plus-value au détriment de la détention locative à moyen ou long terme. Ce phénomène est d’autant plus troublant que le taux de vacance de l’immobilier de bureau, élément essentiel dans le processus d’élaboration de la valeur locative, est en constante augmentation (figure 37).

Figure 35 - Evolution des rendements locatifs

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Figure 36 - Evolution des rendements en capital

Figure 37 - Evolution de la vacance

À la lecture des graphiques ci-dessus 35, 36 et 37 nous pouvons effectivement nous attarder sur le cas particulier des commerces. En effet, ils présentent la caractéristique d’une niche où l’investisseur a la capacité d’intervenir massivement en dépit d’un rendement locatif sans rapport. Normalement cela tendrait à indiquer un comportement purement spéculatif, néanmoins la figure 11, bien que troublante fait apparaître un couple rendement-risque largement en faveur de ce type d’actif.

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LES FONCIERES COTEES (SIIC)

Regardons maintenant les indices composites du type IEIF regroupant les sociétés foncières cotées sur le marché des actions plus communément dénommées SIIC47. Ces indices apparaissent être la panacée dans la représentativité du marché immobilier, ils sont publics et représentent d’une façon transparente l’évolution des cours des sociétés foncières. De plus, ils sont instantanés et permettraient donc au marché une grande réactivité.

Pourtant, il paraît important de vérifier si ces indices reproduisent l’évolution du marché immobilier ou celui des actions. Il est donc nécessaire d’examiner d’éventuelles corrélations entre le marché immobilier et d’autres actifs financiers.

Avant de poursuivre plus avant, la figure 11 nous apporte un premier élément de réponse, le couple rendement-risque de l’indice IEIF se trouve plus en rapport avec l’indice CAC 40 que les indices IPD de l’immobilier. Les autres éléments de réponses sont apportés par les figures 38 et dans une moindre mesure la figure 3948 qui démontrent l’absence évidente de corrélation entre les actifs financiers et le marché immobilier. En définitive, ces sociétés cotées ne représentent pas les tendances du marché immobilier, mais sont très corrélées au marché des actions.

En conséquence, l’indice qui découle de ces sociétés est forcément représentatif du risque systémique des marchés d’actions et non celui de l’immobilier. Ainsi, il est troublant de penser qu’en investissant sur ce type de société, on se protège à la fois du risque d’illiquidité propre au marché immobilier et du risque de volatilité lié au marché des actions. De plus, le dynamisme des foncières cotées ne reflète en rien le dynamisme du marché immobilier, et la surévaluation actuelle de ces titres n’ont pas de justification rationnelle.

47 SIIC : Société d’Investissement Immobilier Cotée 48 En effet, les corrélations sont mesurées sur une durée trop courte pour être réellement significative.

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Corrélation avec les actifs financiers

Corrélation avec le placement en logement locatif à ParisValeur du coefficient de détermination

0

0,5

1

Or

Marché monétaire

Obligations

Actions françaises

Actions américaines Or

Marché monétaire

Obligations

Actions françaises

Actions américaines Or

Marché monétaire

Obligations

Actions françaises

Actions américaines

Rendements à 2 ans, francs courants

Rendements à 5 ans, francs courants

Rendements à 2 ans, francs constants

Rendements à 5 ans, francs constants

1840-1914 1914-1965 1965-2005Source: CGPC d’après INSEE, bases de données notariales, Gaston Duon, Banque de France, OLAP, Vaslin, CDC-Ixis, Loutchitch, Arbulu, Euronext, Schwert, Shiller, S&P, US Bureau of Labor

Figure 38 - Corrélation avec d'autres actifs

Figure 39 - Corrélation entre divers indices

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b) Analyse économétrique

Nous étudierons très succinctement l’analyse économétrique du marché immobilier. Du fait d’une part de la complexité des modèles mis en œuvre, mais surtout d’autre part que tout au long de ce mémoire, nous avons pu mettre en évidence l’absence d’élasticité entre un agrégat économique et le processus d’élaboration du prix ou de la valeur locative du bien immobilier.

Le modèle le plus complexe en immobilier résidentiel reste celui utilisé par l’INSEE dans sa note de conjoncture de mars 2005, page 40 à 47, ou il tente une analyse économétrique du prix des logements afin de vérifier si le marché est en « bulle ». La conclusion de l’Insee paraît mettre en évidence l’absence du bulle.

Si cela s’avère exact, le modèle est tellement complexe, entouré de tellement de limites, et nécessite l’utilisation de nombreuses variables d’anticipations qu’il doit quand même être regardé avec la plus grande précaution.

Il est intéressant de souligner au contraire que le modèle utilisé par l’OCDE dans Perspectives Economiques N°78 démontre quand à lui une surévaluation sensible des prix des logements. Le résultat du modèle est reproduit figure 40.

Figure 40 - Modèle OCDE Prix des logements

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S’il est très complexe de prévoir la formation du prix en immobilier d’habitation à partir d’un modèle économétrique, il n’en était pas de même en immobilier d’entreprise du fait de la forte dépendance du marché des bureaux49 avec les agrégats macroéconomiques.

Les modèles de Wheaton et Di Pasquale étaient auparavant des modèles de référence complètement validés néanmoins ceux-ci ne fonctionnent plus du fait de la financiarisation de l’immobilier, facteur de trouble considérable que nous allons analyser au chapitre suivant. De plus, l’immobilier d’entreprise ne répond plus clairement à l’environnement macroéconomique mais plutôt à des stratégies de gouvernance d’entreprise comme les fusions, les acquisitions, les regroupements qui ne peuvent être anticipés dans un modèle.

Ainsi, dans la recherche de la performance du marché immobilier ou de la détection des excès, il paraît très difficile d’utiliser des modèles économétriques dans un secteur ou certains comportements ne peuvent être modélisés.

B. Les facteurs de troubles

L’unification monétaire a fait disparaître certains facteurs de troubles comme l’inflation et la volatilité des taux. Néanmoins, d’autres facteurs modifiant clairement l’analyse du marché immobilier et le comportement des agents sont apparus.

La suite de ce document va donc contribuer à étudier plus précisément les plus significatifs d’entre eux.

1. La financiarisation

La logique de « financiarisation » et de « globalisation » prééminente qui donnerait aux biens immobiliers une valeur d'actif comme les autres est apparue au milieu des années 1990.

Elle a pour conséquence directe et dans une moindre mesure pour l’immobilier résidentiel de modifier l’évaluation de la valeur de l’actif en introduisant des notions de prix estimés à travers les calculs de valeurs actualisées nettes, d’optimiser l’effet de levier financier ou plus simplement de limiter l’intervention de ses fonds propres et de

49 Il n’existe pas de modèles validés pour les commerces, de plus nous avons vu que ce marché était très largement soutenu par les investisseurs et aucun modèle ne serait capable de prévoir

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rechercher des investissements liquides tout en s’assurant de la couverture du risque.

La méthode d’évaluation du prix des actifs immobiliers qui utilise des techniques financières, apporte une différence remarquable par rapport aux méthodes classiques d’évaluation à l’aide des prix de cessions constatés. C’est d’ailleurs cette distinction qui explique la décorrelation des sociétés foncières cotées avec le marché immobilier puisque le modèle utilisé est clairement le modèle d’évaluation des actifs financiers50.

a) L’endettement

Au-delà même du modèle d’évaluation utilisé, l’endettement qui permettait autrefois notamment au promoteur ou au marchand de biens de conduire une opération de construction jusqu’à son terme en disposant de peu de capitaux propres sert dorénavant dans bien des cas, à travers l’optimisation de l’effet de levier financier soit à surpayer l’actif, soit d’obtenir des taux de rentabilité plus élevés bien souvent à la limite de l’aberration.

En effet, on pourra noter que l’on ne peut à la fois utiliser le modèle d’évaluation des actifs financiers et s’arranger de la prime de risque qui compose ce modèle.

Il est vrai que l’abondance de capitaux et l’étroitesse du marché immobilier même globalisé entraînent une concurrence très vive entre les investisseurs.

C’est avec regret que l’on constate que cette facette de la financiarisation de l’immobilier a touché de façon importante l’immobilier résidentiel. Il faut effectivement se rendre compte que la grande majorité des acteurs51 dans ce secteur ne sont pas des investisseurs mais des ménages. Les organismes financiers grâce à la disparition des ratios prudentiels leur ont permis eux aussi de surpayer leurs biens et de faire jouer à plein leur capacité d’endettement « affective ». Ils sont donc très exposés aux variations du marché immobilier sauf s’ils conservent leurs biens sur une très longue durée, tout en conservant leur revenu disponible.

50 MEDAF 51 Nous pondérons nos propos lorsque nous aborderons le thème de l’interventionnisme.

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b) La « pseudo — liquéfaction » de l’immobilier

Nous avons décrit plus haut les objectifs de la financiarisation de l’immobilier.

S’il y en est un qui est ambitieux, c’est bien celui de sa liquidité. En effet, si certes l’on peu considérer l’immobilier comme un actif, celui-ci est un actif tangible et peu liquide. L’ingénierie financière n’ayant pas de limite, elle a tenté à travers certains artifices de palier à ces défauts.

Rappelons que cette « illiquidité » est essentiellement due à des coûts de transaction élevés comme nous le montre la figure 41, le montant moyen des transactions est de l’ordre de 50 M€, ce qui n’est pas négligeable surtout au regard du coût moyen d’une action.

Figure 41 - Coût moyen des transactions

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LA LIQUIDITE DE L’IMMOBILIER

L’apparition des sociétés foncières et dans une moindre mesure des processus de titrisation semble avoir mis un terme à cette illiquidité.

A ceci près, qu’en entrant sur le marché des foncières cotées, l’investisseur ne prend pas le risque normalement diffusé par le marché immobilier, mais bien par celui des actions.

L’investisseur sera alors soumis à un risque beaucoup plus important et tout le pouvoir diversificateur de l’immobilier sera donc estompé. Le retournement du marché des actions serait alors catastrophique puisque l’investisseur n’aurait pas de produit de couverture à sa disposition.

En partant de cette démonstration, l’investisseur semble commettre une erreur en acceptant de surévaluer l’actif de ces sociétés de 20 à 30 % parce qu’elles paraissent plus liquides. Elles le sont évidemment puisque soumises au marché boursier. Pourtant elles ne représentent en rien le marché immobilier. Le graphique 42 met en évidence les excellentes performances des sociétés foncières qui ont vu leur cours augmenter de plus de 45 % cette année et de près de 310 % sur les 5 dernières années (coupons réinvestis), loin devant la performance des rendements globaux observés dans les marchés immobiliers.

Figure 42 - Evolution indice foncières cotées

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2. L’offre

Transformer des biens immobiliers en actifs financiers n’est pas chose aisée à plus d’un titre. Dans le prolongement de ce qui a été souligné précédemment, nous allons maintenant mettre l’accent sur la tangibilité de cet actif.

Il ne faut pas oublier la fonction d’utilité de l’immobilier. L’immobilier d’entreprise abrite l’activité économique, l’immobilier résidentiel, lui, est le lieu de la vie privée.

La puissance publique a bien compris ces particularités et essaie tant bien que mal d’influer sur le marché.

a) L’interventionnisme

L’interventionnisme de l’Etat et à moindre mesure des collectivités locales a essentiellement pour but de réguler le volume des constructions à travers notamment le contrôle des permis de construire, et des différents agréments tels que l’agrément constructeur en Île de France pour l’édification de nouvelles surfaces de bureaux. Bien d’autres autorisations préalables à la construction existent notamment pour les commerces dépassant une certaine superficie, les hôtels ou les cinémas. Ce type d’intervention a en définitif, pour but d’organiser la rareté.

L’autre grand type d’intervention a pour objectif d’organiser le prix ou la valeur locative à travers des subventions pures pour faciliter l’achat ou la construction. Des aides ou des contraintes fiscales peuvent déclencher ou freiner l’acte d’achat. L’organisation du prix peut aussi prendre la forme de contraintes juridiques dans la régulation de la valeur locative notamment dans le statut des baux commerciaux, à travers des règles de plafonnement ou encore plus strictement dans le statut des baux d’habitation, dans les méthodes d’évolution du loyer.

Ces interventions qui paraissent peu efficaces ont entraîné en outre des effets pervers. Tout d’abord, peu efficace, dans l’organisation de la rareté à travers l’agrément, puisqu’il n’a pas permis d’endiguer la construction du parc de bureaux en Ile de France qui atteint aujourd’hui les 50 millions de mètres carrés. Par la fiscalité ensuite, puisque la taxe sur les bureaux est entièrement supportée par

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l’utilisateur final et le grève donc de ses ressources financières qu’il pourrait utiliser au développement de son activité. La coercition des autorisations de construire a créé de véritables rentes pour les possesseurs de fonciers52 ou d’activités réglementées comme les centres commerciaux.

Ce n’est pas beaucoup mieux concernant les prêts à taux aidés comme nous l’a déjà montré la figure 7. Ils ne servent bien souvent qu’à surpayer le bien dans un marché à la hausse où de toute façon, le ticket d’accès à la propriété pour les primo-accédants pouvant bénéficier de ce type d’aide est hors de portée de leurs revenus. L’importance du marché réglementé atteignant maintenant 20% du parc et qui est déconnecté des prix pratiqués dans le marché libre rend captif ces locataires qui ne peuvent alimenter le marché des primo-accédants.

Bon nombre d’autres effets pervers peuvent être énumérés, telle la protection que confère le statut des baux commerciaux destinés initialement au boutiquier et transférée inutilement aux grandes enseignes multinationales.

Pire encore, pour lutter contre certains effets pervers générés par le statut des baux d’habitation peu attractif pour l’investisseur, d’autres facteurs de troubles ont été créés comme les incitations fiscales à la construction dénommée « De Robien », « De Robien recentré » ou autres « Périssol » ou « Borloo populaire », qui ont à leur tour participé ou participeront à la surévaluation des biens. De plus, augmenter la proportion de petits investisseurs, c’est prendre le risque d’exposer ce segment du marché à la spéculation.

Nous n’aborderons pas le détournement de l’épargne financière réglementée destinée à l’acquisition d’un bien immobilier comme le Plan d’Epargne Logement à des fins de pur placement défiscalisé.

Penser un seul instant, que l’Etat puisse influer sur le prix des transactions, c’est mal connaître la puissance du marché immobilier. Pour s’en convaincre le graphique 43, nous fait observer la part de plus en plus importante qu’occupent les transactions immobilières dans l’économie nationale. Cette évolution est à mettre en rapport avec les moyens mis en place par la puissance publique pour soutenir le marché qui est évalué au maximum à 1,5 % du PIB.

52 Ce point là semble avoir été assoupli notamment par une série de lois dynamisant le préalable foncier comme la loi SRU en 2001, UH en 2003, et ENL en 2006.

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En définitif, la seule mesure historiquement efficace pour faire chuter significativement le prix de l’immobilier nous vient des blocages des loyers liés aux deux Guerres Mondiales. Dans ce cas encore, l’effet escompté a bien été atteint mais à produit d’autres conséquences graves tant pour la qualité, le confort que le nombre des constructions.

Montant total des transactions immobilières en % du produit intérieur brut

Mutations à titre onéreux de biens de toute nature

(habitation et non habitation, ancien, neuf et terrains)

soumises aux droits d'enregistrement. Cumul sur 12 mois.

1995

1980

1990

1984

18531879

1844

1831

1848

1871

1948

Oct. 2006: 14,5%

Oct. 2006: 10,5%

1/11800

1/11810

1/11820

1/11830

1/11840

1/11850

1/11860

1/11870

1/11880

1/11890

1/11900

1/11910

1/11920

1/11930

1/11940

1/11950

1/11960

1/11970

1/11980

1/11990

1/12000

1/12010

1/12020

1/12030

0%

2%

4%

6%

8%

10%

12%

14%

TotalDont hors taux à 0,60%Auxabscisse

Figure 43 - Part de l'immobilier dans le PIB

b) La maison à 100.000 €

Nous avons l’impression que tout comme l’ingénierie financière, la puissance publique ne semble pas avoir de limite dans sa volonté de vouloir diriger le marché immobilier alors qu’elle ne peut opposer dans cette bataille que des moyens financiers réduits.

« La maison à 100.000 € » semble être plus un slogan censé satisfaire les usagers du café du commerce qu’une réelle réponse au logement cher. En effet, il serait intéressant d’observer la réaction des collectivités si elles devaient se contenter d’encaisser les droits de mutation sur des assiettes de transaction aussi faibles. Sans compter, que continuer à favoriser la construction de maisons individuelles et consommatrices d’espace est purement une aberration urbanistique et écologique, contraire d’ailleurs à la loi SRU. Enfin, chacun sait que ce n’est pas la

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maison qui coûte cher, mais bien la charge foncière et la TVA afférente qui représentent plus de 50 % du prix de la maison.

En définitif, ceux qui semblent vouloir réguler le marché immobilier sont les premiers à récolter les bénéfices de ces excès à travers la surabondance des taxes, des droits de mutation et de la TVA.

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Conclusion

Commençons par répondre à la question initiale :

« Peut-on prévoir l’émergence d’une bulle spéculative immobilière ? »

À première vue, et vous l’aurez compris à la lecture de cette étude, la réponse ne peut-être qu’un simple « oui » ou un simple « non ».

Les propriétés mêmes du marché immobilier, son hétérogénéité, sa localisation, et la nature de ses acteurs, investisseurs ou ménages, rendent très complexe une analyse globalisée.

Mais au-delà de tout cela, l’opacité quand ce n’est pas tout simplement l’absence d’information, ou alors sa manipulation constituent réellement un frein à l’analyse réactive du marché.

Pourtant, la réussite d’un processus de financiarisation dépend très largement de la fiabilité et de l’accessibilité à l’information. En effet, on ne peut pas retenir sans risque des critères financiers tels que la VAN ou à moindre mesure le TRI dans un choix d’investissement sans avoir accès à un système d’information sûr.

Ce manque d’information se traduit par la quasi-inexistence d’indices fiables et indépendants permettant de reproduire le niveau du marché et donc d’en déterminer le risque. Certes, il existe l’indice IPD, mais cela reste un indice de prix estimé, l’indice IEIF mais il ne véhicule pas le risque du marché immobilier, il y a bien l’indice INSEE-Notaire mais il n’est représentatif que du secteur résidentiel. De plus, mis à part l’indice IEIF, les autres indices ne disposent pas de la réactivité nécessaire pour permettre une adaptation rapide du marché.

Puisque le marché immobilier ne dispose pas d’un système où l’information circule librement, les indices qui en découlent ne permettent pas la mise en place d’instruments de gestion intégrant le risque immobilier. Encore une fois, les sociétés foncières bien que liquides ne véhiculent pas le risque immobilier, et nous ne considérons pas les SCPI comme un instrument de gestion du fait de leur illiquidité.

Ceci étant dit, l’indice INSEE-Notaires représentatif uniquement du marché des logements reste un indice fiable et indépendant. Cet indice associé aux propriétés intrinsèques du marché des logements permet de déduire avec beaucoup de bon sens l’état de ce marché.

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En effet, la cyclicité du marché avec un retour à sa tendance longue, dans le sens ou on l’a défini précédemment (auto corrélation à un an), l’absence de corrélation avec les autres agrégats économiques mis à par le revenu disponible par ménage, nous indique qu’historiquement le niveau actuellement paroxystique des prix est anormal.

Quels que soient les facteurs de troubles ou les comportements irrationnels des acheteurs, ceux-ci doivent être particulièrement vigilants, la correction ne devant plus tarder.

Concernant les investisseurs notamment institutionnels, il ne paraît pas illogique de les voir se désengager massivement puisqu’il est temps pour eux de récupérer leur rendement en capital, seul intérêt dans l’investissement locatif en résidentiel mis à part le pouvoir diversificateur de l’immobilier. Nous verrons ces investisseurs revenir dans le segment du résidentiel lorsque les prix auront chutés.

Concernant l’immobilier d’entreprise, le croisement des données IPD et Immostat permet d’arriver à un constat unique pour ce segment, il existe une érosion significative des rendements locatifs et une augmentation des valeurs vénales. De plus ces rendements sont largement soutenus par une forte valorisation de l’ICC. Le marché des utilisateurs finaux est essentiellement animé par les stratégies de regroupements, d’acquisitions et de fusions des grandes entreprises nationales ou multinationales, mais ces mouvements n’auront qu’un temps. Le marché des investissements, quant à lui, s’emballe de la même manière avec les opérations d’acquisition que réalisent les SIIC. L’absorption à n’importe quel prix de nouveaux actifs semble être leur axe de développement pour éviter qu’à leur tour elles disparaissent dans une fusion.

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Ces agissements pourraient être considérés comme spéculatifs et devraient mettre en alerte les agents, mais ceci doit être pondéré au regard de l’intérêt que peut avoir l’immobilier dans un portefeuille pour un gestionnaire puisqu’il est complètement decorellé des autres actifs. De plus, l’abondance de capitaux permet de soutenir la demande, surtout qu’il semble que les fonds américains ne soient pas encore intervenus sur le marché au vu des réserves dont ils disposent.

En définitif, sur le marché de l’immobilier d’entreprise, il faut conseiller la plus grande prudence.

La prévision des excès ne pourra être améliorée qu’avec le développement des moyens d’information.

À ce titre, l’indice INSEE-Notaires, s’il perfectionnait sa réactivité, pourrait servir de base à des instruments de couverture du risque. Quant à l’immobilier d’entreprise, la démarche d’IPD à travers son indice, bien que ce soit un indice de prix estimé, est réellement intéressante. En effet, le développement de produits dérivés sur un indice immobilier véhiculant réellement le risque immobilier est une véritable solution à la fois de détection des excès et de segmentation du risque.

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Annexes

Annexe 1: Variations du prix des logements, de la taille du parc et de la population : quelques corrélations, septembre 2005, Jacques Friggit.

Annexe 2: Corrélation historique entre variations du prix des logements et variation des taux d’intérêts, juillet 2005, Jacques Friggit.

Annexe 3 : Marché immobilier, voit-on une bulle ?, mars 2005, page 37 à 43.

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Bibliographie

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Economie immobilière,1998, Jean-Jacques Granelle.

Prix des logements, Produits financiers immobiliers et Gestion des Risques, 2001, Jacques Friggit.

Expertise Immobilière , 2005, Bernard de Polignac et Jean-Pierre Monceau.

Immobilier de l’entreprise, 2003, Guy Amoyel, Guy Gillet, Patricia More, Jean-Marie Moyse, Raymond Pouget, Olivier Straub.

Perspectives économiques de l’OCDE N°78, 2005, page 197 à 239.

Marché immobilier, voit-on une bulle ?, mars 2005, page 37 à 43.

Long term (1800-2005) investment in gold, bonds, stocks and housing in France – with insights into the USA and the UK : a few regularities, octobre 2006, ADEF.

Les placements de 1972 à 2002 - trois décennies de performances, octobre 2003, IEIF.

30 ans d’investissements international en France, mars 2005, IEIF.

Chronique d’un désastre – la crise immobilière de 1991 vue dans le journal « Le Monde », décembre 2005, Deago.

Site Internet :

www.atis-real.fr

www.cbre.com

www.adef.org , section « Statistiques »

www.orie.asso.fr

www.ieif.fr

www.insee.fr