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Université de Lille II : Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Master 1 de Science Politique
Le bilan de Lille 2004 Technique et enjeux d'une évaluation
de politique publique culturelle
Florent MICHELOT
Mémoire préparé sous la direction de M. Rémi LEFEBVRE, Professeur en science politique
(Année universitaire 2004-2005)
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 2
Le bilan de Lille 2004 Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle
Florent MICHELOT
Mémoire préparé sous la direction de M. Rémi LEFEBVRE, Professeur en science politique
(Année universitaire 2004-2005)
« Il n�’est pas de lutte à propos de l�’art qui n�’ait aussi pour enjeu l�’imposition d�’un art de vivre. »
Pierre BOURDIEU La distinction. Critique sociale du jugement
Paris : Edition de Minuit, 1979
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 4
Résumé
A l�’issue de « Lille 2004 » et d�’une année de festivités dans un territoire
aussi large que le Nord �– Pas-de-Calais et toute une euro �– région, l�’équipe de la
Capitale européenne de la Culture pour l�’année 2004 s�’est attelée à formaliser
un bilan évaluatif.
En compilant un certain nombre de données qui seront ensuite rendues
publiques lors d�’une conférence de presse emmenée par Martine Aubry, Maire
de Lille depuis 2001, les évaluateurs ont eu à objectiver divers constats
découlant directement de cette politique publique culturelle de rare envergure.
Cependant, au-delà d�’une simple démonstration pratique des bienfaits de
ce dispositif, le bilan permet de rendre compte d�’une partie des référentiels
d�’action publique qui ont guidé le projet durant toute sa conception puis sa mise
en �œuvre.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 5
Sommaire
INTRODUCTION.............................................................................. 6
CHAPITRE 1. PRESENTATION GENERALE DE L�’EVALUATION DANS LE CHAMP DES POLITIQUES CULTURELLES......................12
SECTION I. DE L�’EMERGENCE DE LA PRATIQUE EVALUATIVE ............................................13 § 1. Historique de l�’évaluation française .............................................................................. 13 § 2. Quelques fondements méthodologiques quant à l�’évaluation ...................................... 16
SECTION II. POUR UNE METHODOLOGIE DE L�’EVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES CULTURELLES ..................................................................................................................21
§ 1. Les acteurs et outils à mobiliser à chaque étape de l�’évaluation ou les méthodes classiques d�’évaluation .........................................................................................................22 § 2. Outils d�’évaluation et spécificités des politiques culturelles .........................................22
CHAPITRE 2. LE BILAN DE LILLE 2004 OU L�’OBJECTIVATION DES RESULTATS D�’UN « PROGRAMME AMBITIEUX »......................... 30
SECTION I. LA VALORISATION DU « BOND CULTUREL » ...................................................30 SECTION II. LILLE, NOUVELLE METROPOLE INCONTOURNABLE....................................... 34
§ 1. Un nouvel attrait médiatique.........................................................................................34 § 2. Le tourisme en pleine mutation .....................................................................................36
SECTION III. UN ENGOUEMENT AU SERVICE DU MONDE ECONOMIQUE ........................... 39
CHAPITRE 3. L�’EVALUATION, ENJEU STRATEGIQUE POUR LA POLITIQUE LOCALE.......................................................................41
SECTION I. RENOUVEAU TERRITORIAL OU IMPOSITION D�’UNE NOUVELLE PERCEPTION DE L�’ESPACE URBAIN ? ..........................................................................................................41
§ 1. Faire de Lille 2004 la vitrine de la métropole lilloise ................................................... 41 § 2. Changer la perception des Lillois de leur ville et d�’eux-mêmes....................................44
SECTION II. LA REDEFINITION DU ROLE DES ACTEURS LOCAUX....................................... 49 § 1. La place des acteurs locaux dans le dispositif de Lille 2004.........................................49 § 2. L�’utilisation du Bilan de Lille 2004 par l�’élu pour redessiner son rôle........................54
CONCLUSION ................................................................................ 60
BIBLIOGRAPHIE........................................................................... 62
ANNEXES ...................................................................................... 65
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 6
Introduction
Sous l'impulsion de M. Jack Lang, et Mme Mélina Mercouri, les Ministres
de la Culture de la Communauté Européenne lançaient en 1985 le projet des
Capitales européennes de la culture. Dix-neuf ans après Athènes, la première
capitale désignée, les villes de Lille et de Gênes en Italie prenaient donc le relais
pour contribuer aux rapprochements entre les cultures d'Europe.
C'est en mai 1998 que Lille a été désignée Capitale européenne de la
culture par le Conseil des Ministres européens. Après l'échec en mars 1997 de la
candidature de Lille pour l'organisation des Jeux Olympiques de 2008, le
« Comité Grand Lille » (structure de dialogue entre représentants du monde
économique et élus locaux) a porté ce projet auprès de l'Union Européenne par
le biais du Vice-président à la culture du Conseil Régional, M. Yvan Renar. La
mairie de Lille, encore sous la mandature de M. Pierre Mauroy, était jusque là
faiblement impliquée dans le projet, et c'est en la personne de Martine Aubry
(alors première adjointe au Maire de Lille) que le projet va donc peu à peu
trouver un écho politique. Dès la période préélectorale, cette dernière va donc
progressivement s'approprier le leadership et le rôle de manager du projet y
compris auprès des élus des collectivités avoisinantes.1 L'investissement sans
cesse croissant de la future maire, élue en mars 2002, est allé de paire avec un
élan commun autour de la question.
Ainsi, avec un budget global de 73.000.000 �€, dont 17,6% de fonds privés,
la capitale européenne de la culture pour l'année 2004 a bénéficié d'une
participation financière d'une rare envergure pour un projet de cette nature, aux
antipodes des problématiques budgétaires classiques relevant de l'action
1 « Martine Aubry s'est peu à peu complètement appropriée Lille 2004, elle a méthodiquement écarté
tous les élus de ce dossier, fait le vide autour d'elle et cela bien avant son élection. » souligne un maire d'une commune voisine de Lille, cité dans « Rôles, identité et habitus dans l'action publique. Martine Aubry et Lille 2004, capitale européenne de la culture », Rémi LEFEBVRE, non publié à ce jour, 2004
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 7
culturelle. Le succès ne se serait d'ailleurs pas fait attendre puisque dès
l'ouverture des manifestations, le « bal blanc », la fête d'ouverture, rassemblait
entre 600.000 et 1.000.000 de personnes dans les rues, aux dires des
organisateurs.
Le bilan de Lille 2004 au terme d'un année d'évènements aussi divers que
des spectacles, des fêtes populaires, des expositions, des « métamorphoses
urbaines »... est frappant : 2.500 manifestations sur 193 communes de la région
Nord �– Pas-de-Calais et de Belgique, et des milliers de spectateurs (plus de
300.000 pour la seule exposition « Rubens » au palais des Beaux-arts de Lille).
Même si les politiques culturelles nationales sont un vieux cheval de
bataille du pouvoir central, cette réussite serait d'autant plus flagrante que
l'attrait porté par les collectivités locales à ce domaine d'action publique est
relativement récent. Ne pouvant être assimilées aux seules perspectives
d'éducation populaire et « démopédique » des « paternalistes philanthropes »
d'autrefois, les politiques culturelles modernes ont la particularité de ne pas
revêtir le caractère explicitement partisan. Les acteurs qui ont pour projet
d'impulser une initiative culturelle n'invoqueraient plus les arts aux seuls
services « d'instructions utiles à la formation de l'esprit public »1. De la sorte,
l'objectif affirmé aurait été de dépasser le clivage partisan classique. La culture
serait alors un lieu où le clivage gauche �– droite serait plus malléable et moins
connoté. « Fonder un art nouveau pour un monde nouveau »2, là n'est plus le
stricte objet de l'action.
Cependant, l'une des caractéristiques majeures des politiques publiques
est que celles-ci résulteraient nécessairement de visions du monde bien
particulières, de valeurs et intérêts défendus et seraient donc l�’enjeu de luttes.
Or, en la matière, les acteurs politiques se défaussent donc de toute volonté de
« partialiser » leur action. Pourtant, il va s'en dire que le décideur, en
intervenant plus ou moins directement dans la programmation des structures
dont il a la charge, affirme par la même occasion les priorités correspondant à
1 Vincent DUBOIS, La politique culturelle, Genèse d'intervention d'un catégorie d'intervention, Paris :
Belin, coll. Socio-Histoires, 1999, p. 38 2 Romain ROLLAND (1866-1944), auteur et metteur en scène, prix Nobel de littérature en 1915
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 8
ses propres vues.
Une politique publique se définirait comme un « problème perçu comme
appelant un débat public, voire l'intervention des autorités politiques
légitimes. » selon Jean-Gustave Padioleau1. Ce serait donc un ensemble de
mesures concrètes résultant de décisions de caractère plus ou moins autoritaire,
voire coercitives dans « un cadre général d'action » affiné d'année en année,
destinées à satisfaire un public, « c'est à dire des individus, groupes ou
organisations dont la situation est affectée par la politique publique », et mises
en oeuvre au nom d'objectifs et de valeurs communes d'après Yves Meny et
Jean-Claude Thoening. Aussi, les influences théoriques modernes de l'action
publique ont eu tendance à rendre primordial son aspect performatif.
Aujourd'hui, nulle politique entreprise ne saurait être menée sans l'élaboration
d'une évaluation visant, théoriquement, à rationaliser les coûts des politiques.
« Évaluer une politique publique, c'est former un jugement sur sa valeur. »2
L'évaluation n'est pas un bilan, ni un audit, c'est « un moyen de clarification des
procédures, de mise en cause des routines, d'analyse de la performance du
service public. »3 Elle a pour ultime finalité de comparer « ses résultats aux
objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre ». En bref, une politique
publique doit s'appréhender comme étant la réponse politique à un problème ou
une demande faisant appel à un traitement politique. L'intérêt de l'évaluation
sera d'en déterminer les effets concrets.
La volonté de dépolitiser le débat culturel par l'élu devient alors d'autant
plus paradoxale lorsque l'on considère « la politique culturelle [comme] un
objet composite qui relève autant de l'histoire des idées et des représentations
sociales que d'une histoire de l'État (ou des autres instances publiques) [...] C'est
une totalité construite par des idées, par des pratiques politiques et
administratives situées dans un contexte intellectuel et politique. »4 Une
1 Cité par Pierre MULLER, Les politiques publiques, « Que sais-je ? », Paris : Presses Universitaires de
France, 1990, p.37 2 Patrick VIVERET, L�’évaluation des politiques et des actions publiques, Rapport au Premier Ministre,
Paris : La documentation française, juin 1989 3 Pierre MOULINIER, L'évaluation des politiques publiques culturelles locales, éléments pour la
réflexion et l'action, Paris : La Documentation française, 1994 4 Philippe URFALINO, L'invention de la politique culturelle, Paris : Hachette, coll. Littérature, 2001, p.
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politique impartiale serait alors illusoire car tenant viscéralement aux croyances
et pratiques des acteurs qui les mettent en oeuvre. Preuves en seraient les forts
clivages qui avaient pu se dessiner autour du projet avant les élections
municipales de 2001, tant dans la future majorité municipale que dans les
opposants1. Une politique culturelle est la « multiplication des activités, des
domaines et des modes d'intervention, l'hétérogénéité des actions additionnées,
l'indifférence, l'impuissance ou l'hostilité à l'égard de toute forme de
rationalisation du gouvernement des hommes et des choses de la culture, qui
serait la promulgation de finalités précises et concrètes, la hiérarchisation des
priorités, la gestion rigoureuse des ressources et l'évaluation méthodique des
résultats. »2 En conséquence, une politique culturelle ne peut s'appréhender sur
des considérations détachées de toutes finalités politiques.
Ainsi, en produisant un « bilan de Lille 2004 » que les principaux acteurs
ont présenté lors d'une conférence de presse le 16 mars 20053, on peut
s'interroger sur la portée culturelle stricto sensu qu'a pu prendre l'option choisie
par Lille 2004. Il faut savoir que chaque Capitale européenne de la Culture n'est
tenue par aucune forme particulière, même si l'idée globale reste d'allier
programmes artistiques internationaux et diversité locale. Trois tendances
majeures sont apparues néanmoins dans la programmation adoptée par les
villes désignées dans le passé : « la construction de nouvelles infrastructures »,
« une programmation sous la forme d'un festival » et « un programme sous
1 « Lille se fantasme autour de cette image de grande métropole internationale. La culture est donc une
représentation de cette image que la ville veut se donner avec le musée des Beaux-arts ou l�’Opéra. Mais au-delà de cette vitrine, il n�’y a rien. Il n�’existe pas de réflexion sur les lieux culturels de quartier. [...] Lille 2004 ? Je me demande ce qui restera vraiment après la fête » affirmait Éric Quiquet, les Verts, peu de temps avant le premier tour des élections, alors que Philippe Bernard, tête de liste Front National, nuançait très fortement son soutien: « Je suis pour que l�’on développe au maximum le mécénat. La ville n�’est pas là pour offrir des loisirs à tous. On accompagne financièrement des évènements que les jeunes voient déjà à la télé : la techno, le rap, hit machine version M6. L�’Aéronef aussi prend trop de subventions. Je ne suis pas pour la promotion des cultures marginales. »
2 Pierre-Philippe MENGEL, « L'Etat-providence et la culture. Socialisation de la création, prosélytisme et relativisme dans la politique culturelle publique », in Pratiques culturelles et politiques de la culture, dir. François CHAZEL, Bordeaux : Maison des sciences et de l'homme d'Aquitaine, 1987
3 Cette conférence de presse s'est tenue le mardi 16 mars 2005 en la « Maison folie » de Lille-Wazemmes. Mme Martine Aubry, Maire de Lille et présidente de l'association « Lille Horizon 2004 », et MM. Laurent Dréano, Coordinateur général de Lille 2004, Didier Fusiller, Directeur de Lille 2004, et Jean-Michel Stievenard, maire de Villeneuve d'Ascq et Vice-président à la Culture de Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU), ont pu présenter les retombées.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 10
l'angle de thématiques artistiques. »1 Lille 2004 a recouvert ces trois spécificités
tout en s'étendant sur le territoire « euro �– régional ». En multipliant les
champs d'intervention hors du seul cadre culturel, la Capitale européenne de la
culture 2004 a ainsi révélé sa grande « plasticité ».
La multiplicité des formes qu'a donc pu prendre Lille 2004 n'en ferait donc
pas une simple politique culturelle. La résistance du milieu artistique à
l'évaluation et donc à la mesure de son efficacité perdrait alors une part de sa
force. En mettant en place de nouvelles structures pérennes dans les quartiers
périphériques, en organisant de grandes manifestations populaires, en
élargissant les cibles visées par les spectacles et en produisant une politique
d'accès à moindre coût, en institutionnalisant une forme moderne de mécénat
par la participation financière de grandes entreprises, ..., Lille 2004
caractériserait-il plus volontiers la volonté de redéfinir l'espace urbain par
l'imposition d'un nouvel art de vivre en proposant un « nouvel art de la ville »2?
Aborder cette interrogation par le truchement du bilan qui a été tiré in fine
d'un an de manifestations revient à considérer ce que les acteurs de la métropole
lilloise engagés dans le projet Lille 2004, et la municipalité en premier lieu, ont
voulu imposer à Lille. « Les commanditaires d'évaluation ont souvent pour
arrière-pensée de communiquer plus efficacement sur une politique qu'ils
estiment a priori bonne et dont ils veulent faire connaître la réussite »3
Selon Martine Aubry, « Lille 2004 a permis au gens du Nord de retrouver
de la fierté. On a fait un vrai bond culturel ! »4 Or, si mener une politique c'est
chercher à réduire un écart entre les perceptions négatives d'une situation et les
espérances d'amélioration perçues comme légitime, deux options s'offrent alors
aux politiques. Ces deux stratégies cumulatives consisteraient donc à agir
directement et concrètement sur la situation avec l'espoir d'agir sur la
satisfaction des citoyens, et, d'autre part, en agissant sur les représentations du
1 Lille 2004 de A à Z, bilan produit par l'association « Lille Horizon 2004 » 2 Titre de l'ouvrage �– programme de Martine AUBRY, Un nouvel art de la ville : le projet urbain de
Lille, Lille : Ville de Lille, 2005 3 Bernard PERRET, L'évaluation des politiques publiques, Paris : La Découverte, coll. Repères, 2001,
p.106 4 Conférence de presse de présentation du « Bilan de Lille 2004 »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 11
réel et sur les représentations qui les fondent pour rapprocher la représentation
que l'on a avec ce qui devrait être. Le bilan de Lille 2004 répondrait à ce même
double processus s'il objectivait des résultats du dispositif tout en faisant part
des référentiels qui ont contribué à faire ce que Lille 2004 a été. En étudiant le
processus d'élaboration du bilan de « Lille 2004 », nous avons donc décidé
d'analyser le procédé par lequel les différents intervenants se seraient
appropriés ladite évaluation. Il faudra alors s'interroger sur son éventuelle
instrumentalisation dans le cadre d'une légitimation des choix faits pour Lille
2004.
Pour ce faire, nous avons orienté nos recherches sur ce dont les rédacteurs
de Lille 2004 de A à Z (par ailleurs membres de l'équipe de Lille 2004) se sont
basés pour construire leur évaluation. Différents indicateurs ont contribué à son
élaboration (chiffres de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lille
Métropole, de l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques,
office du tourisme...) au même titre que certaines évaluations qualitatives. Un
intérêt tout particulier a été porté à leurs conditions d'enquête par le biais de
l'entretien. La conférence de presse a aussi été source d'informations pour de
multiples raisons allant des points positifs mis en avant à la scénographie. Il a
aussi été décidé d'étudier les questionnaires distribués dans les « Maisons
folies » dont ceux de « la Condition Publique » de Roubaix. Enfin, la presse
locale et nationale, a été une source non négligeable d'informations pour
appréhender les retours qui ont été faits à la population de ce dispositif annuel.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 12
Chapitre 1. PRESENTATION GENERALE DE L�’EVALUATION
DANS LE CHAMP DES POLITIQUES CULTURELLES
L�’évaluation des politiques publiques apparaît progressivement à la fin des
années 1980 en France, alors qu�’est en train de naître une nouvelle approche
des services publics. Deux objectifs sont alors mobilisés pour mettre en avant
l�’intérêt de la pratique évaluative : tout en intégrant l�’idée de rationalisation de
l�’action publique, elle favoriserait le processus de démocratisation de la
décision.
Afin d�’aborder les enjeux de l�’évaluation des politiques culturelles, il
convient tout d�’abord de réaliser un bilan chronologique de cette pratique. La
période au cours de laquelle la pratique évaluative est apparue concourt à
émettre l�’hypothèse que les décideurs de l�’époque ont eu tendance à l�’utiliser
comme outil de légitimation de leur politique et de modernisation des services
publics. L�’évaluation aurait donc servi d�’outil de promotion d�’action publique de
plus large ampleur. Nous étudierons ainsi les procédés utilisés en la matière, en
prenant soin de distinguer ces méthodologies d�’autres procédés qui y sont
parfois associés.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 13
Section I. De l�’émergence de la pratique évaluative
La pratique évaluative est relativement récente en France. Pourtant, si elle
fût particulièrement dénigrée dans un premier, la nécessité affirmée de
réformer certaines pratiques de l�’Etat l�’a rendu particulièrement nécessaire. On
notera néanmoins que les techniques proposées en la matière sont plus
anciennes et ont contribué à sa légitimation.
§ 1. Historique de l�’évaluation française
A. Chronologie du développement de l�’évaluation en France
Depuis 1990, le concept d�’évaluation des politiques publiques est apparu
comme un élément majeur dans l�’élaboration des politiques publiques, d�’abord
au niveau de l�’Etat puis au niveau des collectivités territoriales.
Il faut rappeler que c�’est au cours des années 1970 que le mouvement de
Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) a impulsé la réflexion, en France,
sur l�’évaluation. Basé sur le Planning-Programming-Budgeting System (PPBS)
d�’inspiration nord-américaine, il convient de préciser que ce type d�’évaluation
proposé alors était a priori. « Il s�’agissait avant tout de restructurer le budget
sous forme d�’un ensemble de programme d�’action [�…] et de fonder les décisions
de dépense sur une prévision de leurs impacts socio-économiques. »1 Le thème
de l'évaluation sera alors re-développé au sein du Club Cambon (association de
la Cour des Comptes) vers 1984-1985, et de l'association « Service Public », dont
le président était Patrick Viveret après 1986.
Présidé par Michel Deleau, le groupe d�’étude sur l�’évaluation des
politiques publiques va émettre un premier rapport. La technique évaluatrice
trouve alors un début d�’institutionnalisation par la première tentative de 1 Bernard PERRET, 2001, op. cit., p. 75-76
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 14
définition : « évaluer une politique publique, c�’est reconnaître et mesurer ses
effets propres », en séparant évaluateur et acteur de la décision publique.
Ce rapport, resté lettre morte pendant la première cohabitation, deviendra
cependant la base de la relance évaluative initiée à la demande du nouveau
Premier Ministre Michel Rocard, en 1988. La publication du Rapport Viveret en
19891 donnait alors lieu à l�’élaboration de la circulaire du 23 février 1989
relative au renouveau du service public, puis dans le cadre d'une initiative
générale de modernisation de l�’administration, M. Michel Rocard lançait un
dispositif d'évaluation interministériel par le décret du 22 janvier 1990, avec
l'établissement, notamment, d'un Conseil Scientifique de l'Evaluation (CSE) et
d�’un Conseil Interministériel de l�’Evaluation (CIE). Le dit décret donne une
définition de l�’évaluation des politiques publiques qui insiste principalement sur
la mesure des effets : « L'évaluation d'une politique publique au sens du présent
décret a pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou
financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette
politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés. »2
Bien que modifiée en 1998, la teneur de la définition ne sera pas pour
autant bouleversée puisqu�’il est désormais affirmé que l�’évaluation « a pour
objet d'apprécier, dans un cadre interministériel, l'efficacité de cette politique en
comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre. »3
La stratégie d�’évaluation des politiques publiques va s�’étendre tant
nationalement que localement (Conseils Régionaux et Contrats de Ville sont,
par exemple, sujets régulièrement à évaluation), mais aussi à l�’échelon européen
puisque les Fonds Structurels Européens (FSE) la rendent obligatoire.
Cependant, derrière la clarté apparente de la formulation, on devine
aisément les désagréments pouvant émerger de la pratique évaluative : bien que
partagée en principe et nullement remise en cause, la notion d�’évaluation
revient à se heurter au caractère labile de l�’action publique, et au contexte dans
1 Patrick VIVERET, 1989, op. cit. 2 �• Décret n°90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l�’évaluation des services publics, article, art. 1, al. 1 3 �• Décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l�’évaluation des services publics, art. 1
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 15
lequel jouent les acteurs politiques.
B. Le contexte dans lequel l�’évaluation est apparue comme incontournable
Le crédit sans cesse croissant accordé à l�’outil qu�’est l�’évaluation peut
trouver ses fondements dans trois facteurs convergents : le rôle de plus en plus
important accordé à l�’Etat, les problèmes de finances publiques et le
développement des sciences de l�’Homme au service de la décision publique.
Les contrôles utilisés jusque là par l�’Administration ne permettaient, tout
au plus, que de vérifier le bon usage des fonds publics, les rares évaluations
spontanées ne pouvant se limiter au seul recueil de données quantitatives, et à
l�’examen des gestionnaires. De plus, les différents rapports fournis pas
l�’Administration n�’étaient bien souvent que des constats, rarement des
évaluations à proprement parlé.
La technique évaluative est encore peu pratiquée et peu répandue
aujourd�’hui. Il est vrai que le terme d�’évaluation peut revêtir une connotation de
sanction peut encourageante pour le décideur, qui pourrait y voir l�’imposition
de règles et de normes. De plus, l�’outil de remise en cause qu�’il peut constituer
se trouve renforcé par « l�’esprit français [qui] est à la fois frondeur, critique à
l�’égard des fonctionnaires et de politiques publiques. »1
Pour cela, dès le début de son institutionnalisation, la méthode évaluative
a bénéficié d�’un double �– ancrage faisant d�’elle « un impératif d�’efficacité et une
exigence démocratique [ :] il faut multiplier les moyens de connaissance
concrète des transformations économiques et sociales ; c�’est un impératif
d�’efficacité [et,] au-delà des savoirs, la compréhension par le plus grand nombre
suppose la mise en débat de l�’action publique ; c�’est là l�’exigence démocratique
de l�’évaluation. »2 C�’est à la fois un outil de rationalisation permettant aux
acteurs de la décision publique de mettre leurs visions en débat, et, le cas
1 Pierre MOULINIER, 1994, op. cit., p.8 2 Circulaire du 28 décembre 1998 relative à l�’évaluation
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 16
échéant, de modifier le contenu de l�’action. D�’autre part, l�’évaluation offre la
possibilité de renforcer la place des citoyens dans le processus de décision
publique en l�’informant, et donc en ouvrant les possibilités de débat public.
Aujourd�’hui, l�’évaluation est une réalité incontestable du paysage politique
français. Pourtant, la culture politico �– administrative y est encore relativement
rétive et malgré les avancées techniques, théoriques et méthodologiques, rares
sont les domaines intégrant pleinement cette étape dans un processus de
décision publique linéaire.
§ 2. Quelques fondements méthodologiques quant à l�’évaluation
En une vingtaine d�’années, les acteurs travaillant sur les techniques
d�’évaluations des politiques publiques (chercheurs, professionnels,�…) ont
dégagé plusieurs caractéristiques majeures qui nous permettent de discerner ce
que devrait être une évaluation : la pluralité des intervenants dans l�’évaluation
et dans les méthodes mobilisées. Même si « la recherche évaluative »1 est encore
sujette à discussion, il est néanmoins possible et fondamental d�’effectuer une
typologie sommaire des techniques proposées.
A. Une définition négative de l�’évaluation
Tout procédé d�’analyse de la décision publique ne peut être qualifié
d�’évaluation. Une distinction doit ainsi être opérée avec les bilan, diagnostic,
audit, contrôles ou analyse, stricto sensu.
Le bilan d�’action, au même titre que l�’évaluation se situe en aval de la
décision. Cependant, celui-ci diverge de cette dernière par le fait qu�’il ne met
pas en rapport les objectifs attendus et leur définition avec le point qu�’il établit.
Il peut donc se définir par l�’observation momentanée, en dressant aspects
positifs et négatifs, sans visée récapitulative.
1 Au sens de Bernard PERRET, c'est-à-dire désignant « les techniques et méthodes de sciences sociales
appliquées à l�’analyse des effets de l�’action publique », in 2001, op. cit., p.8
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 17
Les contrôles, tant de gestion qu�’administratifs, se différencient
essentiellement de l�’évaluation en ce qu�’ils sont internes à l�’institution. L�’un vise
à vérifier le bon usage des ressources, l�’autre le respect des procédures et leur
légalité. Les contrôles ne sont en général pas soumis à publicité. Ceux-ci
peuvent de plus aboutir à des sanctions, ce que cherche justement à éviter la
technique évaluative : l�’évaluateur peut conseiller et proposer des améliorations
mais nullement imposer des changements.
L�’audit a cet avantage de pouvoir intervenir à tout moment dans l�’action
publique. Cependant, il va de soi que son recours est plus souvent justifié par un
éventuel dysfonctionnement pressenti, au sein d�’un organisme, que par les
actions suivies par l�’organisme en cause.
Enfin, développer ses connaissances sur des problématiques ou des
réalités spécifiques par des études, recherches, analyses ou autres ne revient pas
nécessairement à produire une évaluation. Elles peuvent donner des cadres
cognitifs d�’interprétation au politique par la formulation d�’hypothèses qui
varieront en fonction du terrain, ou de la méthode choisie. En matière
d�’évaluation, le choix est impossible quant au terrain ou aux hypothèses. Seule
la méthode peut être sujette à débat.
B. Typologie indicative des techniques d�’évaluation
Aucune méthode particulière ne peut être envisagée comme ayant fait ses
preuves et aurait pour vocation d�’être présentée comme universelle. La
technique d�’évaluation doit être conduite par la demande formulée au préalable.
Il est de plus préférable de multiplier les procédés et les techniques en les
croisant.
Une tentative de typologie des méthodes d�’évaluation peut cependant être
entreprise à partir des critères que sont l�’intérêt de l�’évaluation, le moment de
l�’évaluation, l�’objet de l�’étude, les acteurs de l�’évaluation (les évaluateurs) et ses
destinataires.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 18
1. Les objectifs poursuivis par l�’évaluation
L�’évaluation doit s�’appréhender comme une technique dynamique, au
cours de l�’action publique. Elle n�’est pas qu�’extérieure puisqu�’elle est un
processus « apprenant ». C�’est un « élément de connaissance, d�’adaptation, de
réorientation éventuelle. »1
En aucun cas, l�’évaluation ne doit se substituer aux référentiels et valeurs
motivant l�’action publique. Tout au plus devra-t-elle mettre à jour les
conséquences des choix effectués. L�’évaluation doit donc peser les avantages, les
écueils et les difficultés.
Or, ces risques et ces difficultés nécessitent une décision éclairée dans
laquelle le politique devra faire preuve d�’une certaine maturité et de courage. La
transparence invite nécessairement à ouvrir de potentiels conflits, et, en cas
d�’échec, assumer sa part de responsabilité.
L�’évaluation comparative s�’attachera à analyser les résultats de l�’action sur
une population, sans négliger les aspects négatifs provoqués.
2. L�’évaluation face à la temporalité de l�’action publique
L�’évaluation « ex ante » (a priori) portera sur la pertinence est
l�’adéquation des buts définis à l�’origine. L�’objectif est ici d'amender les décisions
futures en formulant un diagnostic.
L�’évaluation concomitante, dite « ex tempore » voire « in itinere », a pour
fonction d�’ajuster, chemin faisant, l�’action publique aux objectifs initiaux, voire,
le cas échéant de redessiner ces mêmes objectifs aux cours de l�’action. Les
acteurs de la politique publique sont ici partie prenante du programme
évaluateur.
Enfin, la dernière méthode consiste à apprécier l�’efficacité de l�’action
1 Pierre MOULINIER, 1994, op. cit. p.47
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 19
publique en l�’analysant a posteriori. L�’évaluation « ex post » vise ainsi à juger
l�’efficience et la pertinence des choix opérés. Si nécessaire, elle permettra de
réorienter la décision publique future.
3. L�’objet de l�’évaluation
L�’évaluation pourra aussi bien porter sur :
une politique globale (un ensemble, de lois, de programmes publics,�…) en
relevant points forts et points faibles de l�’action.
une politique sectorielle.
une action précise, c'est-à-dire une intervention ponctuelle, dont le coût, la
durée et les objectifs sont prédéterminés.
une institution ou une structure, en analysant son fonctionnement, pour
mesurer les résultats vis-à-vis des objectifs qui lui avaient été attribués.
4. Les intervenants de l�’évaluation
L�’évaluation est un procédé d�’étude interne et externe dans lequel
l�’évaluateur aura la charge d�’apporter son regard extérieur. Cette finalité lui
impose donc une certaine indépendance, tant d�’un point de vue administratif et
politique que du terrain étudié.
Son rôle sera aussi celui du médiateur entre les différents partenaires de
l�’action publique : les élus (qui peuvent souhaiter étudier les retombées des
crédits mis à disposition pour la décision), les fonctionnaires et administrateurs,
les acteurs locaux et, enfin, les citoyens.
5. Les destinataires de l�’évaluation
Il faut ici distinguer deux types d�’évaluations. La première, dite
« récapitulative », destinée prioritairement à des personnes étrangères à la mise
en �œuvre du programme de l�’action publique, permet d�’en donner une vision
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 20
générale.
La seconde, s�’adresse au contraire directement aux acteurs de la décision.
Elle vise logiquement à modifier leur conduite pour l�’avenir.
En bref, Eric Monnier définit ainsi le rôle du « chargé d�’évaluation [qui]
doit être une maïeuticien car il est amené à exercer l�’art qui consiste à aider les
autres à enfanter leurs idées, à clarifier les questions qu�’ils se posent, à expliciter
les conséquences ou craignent des actions considérées. »1. Pourtant, cet auteur a
largement tendance à présenter l�’évaluation comme l�’indispensable outil de
rationalisation de l�’action publique. Le peu d�’insistance accordé aux visées
démocratique de l�’évaluation s�’explique donc par des desseins quasi-
instrumentaux. Eve Chiapello, dans son ouvrage Artistes versus managers,
donne du management cette définition : « la systématisation de pratiques
forgées au sein des entreprises dans des règles de conduite à caractère général.
Celles-ci sont accompagnées de théories les justifiant, ainsi que d�’outils et
dispositifs permettant leur mise en �œuvre »2. Or, les acteurs du champ culturel
ont une nette tendance à être considérés comme très distants des rapports
marchands et managériaux (en dehors des cas d�’industrie culturelle).
Les lignes de clivages qui structurent le management et l�’art sont fortes et
paraissent pourtant persistantes.
1 Eric MONNIER, L�’évaluation de l�’action des pouvoirs publics, Paris : Economica, 1987, p. 123 2 Eve CHIAPELLO, Artistes versus managers, Paris : A.m. Metailie, coll. Leçons de choses, 1998, p.46
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 21
Section II. Pour une méthodologie de l�’évaluation des politiques publiques culturelles
Il est commun d�’associer au management culturel les notions de
rationalité, de standardisation, de calcul, de mesure, de quantification, ou de
prévision. A l�’inverse, l�’art est souvent associé à la sensibilité, à l�’unicité, à
l�’innovation, à l�’imprévisibilité de l�’intuition, etc.
Cette distinction fondamentale entre ces deux « univers » s�’est formalisée
au XIXème siècle par la construction d�’une représentation romantique de l�’art, et
du progressif éloignement des artistes de la bourgeoisie qui s�’empare du
pouvoir. Les agents de l�’Etat vont rapidement intérioriser leur illégitimité à
traiter des questions culturelles, dans un contexte global où seul un Etat
subsidiaire, garantissant le fonctionnement d�’un marché privé et se bornant « à
faire pour l�’art ce que l�’individu ne peut pas faire »1, paraît légitime.
Aujourd�’hui, on assiste à un double phénomène où l�’artiste s�’est peu à peu
éloigné de cette dimension romantique alors que le management est aujourd�’hui
enseigné aux concepteurs de projets culturels. Pourtant, même si la porosité des
deux mondes atténue relativement les frontières qui séparaient le manager de
l�’artiste, une tradition persiste néanmoins.
1 Edouard Aynard (1837-1913), Député de la 8ème circonscription de Lyon, cité par Vincent DUBOIS,
1999, op. cit., p.61
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 22
§ 1. Les acteurs et outils à mobiliser à chaque étape de l�’évaluation ou les méthodes classiques d�’évaluation
« Mémento pratique de l�’évaluation »1 :
ETAPES OBJETS ACTEURS OUTILS
1 �– Etapes préalables
Sur quoi porte l�’évaluation ? Pour qui ? Que veut-on en faire ? Quel type d�’évaluation ?
Responsables politiques Acteurs responsables
Réflexion Discussion
2 �– Etapes de la décision
Choix de l�’évaluateur Préparation de la commande Détermination des moyens financiers
Commanditaire Groupe interlocuteur Evaluateur
Conseil extérieur Contrat Budget
3 �– Etapes de la préparation de la décision
Connaissance de la situation Repérages de acteurs, des actions Méthodologie
Personnes ressources Acteurs, Evaluateur Groupe interlocuteur
Diagnostic Analyse documentaire Contacts, Enquête, Interviews
4 �– Etape opérationnelle
Détermination des objectifs Analyse des moyens Résultats
Acteurs Groupe interlocuteur Evaluateur
Notes, Rapports intermédiaires Documents audiovisuels Travail de groupe
5 �– Etape de la communication des résultats
Résultats sectoriels/globaux Communication totale/partielle, publique/réduite
Responsables politiques Groupe interlocuteur Acteurs Evaluateur
Travaux de groupes Rapport final Réunions publiques ou réduites
6 �– Etapes de la décision
Poursuite de la politique engagée Modification Choix nouveaux
Responsables politiques Acteurs
Direction Budget Nomination des responsables
§ 2. Outils d�’évaluation et spécificités des politiques culturelles
En 1985, un expert suédois déclarait que « parler d�’évaluation d�’une
politique culturelle revient à traiter de l�’impossible et du nécessaire » au cours
1 Source : Pierre MOULINIER, 1994, op. cit. p.79
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 23
d�’un séminaire sur l�’évaluation culturelle.1 Sans reconnaître une telle
impossibilité, doit-on néanmoins reconnaître que l�’évaluation des politiques
culturelle reste particulièrement difficile.
Essentiellement motivé par des raisons financières, le bilan de Lille 2004
ne pouvait guère déroger à ses écueils. Le traitement de l�’évaluation d�’une
politique culturelle
A. La nécessité d�’évaluer les politiques culturelles
Il conviendrait d�’abord de tempérer les propos de certains professionnels
de la culture revendiquant l�’exception de celle-ci. La politique culturelle
resterait donc avant tout une politique publique à part entière, « c'est-à-dire un
programme d�’actions représentant un choix spécifique en vue d�’obtenir certains
effets ou résultats. »2
Le prétexte selon lequel les politiques culturelles seraient empreintes de
finalités qualitatives, n�’ayant nullement besoin d�’un quelconque regard d�’expert
extérieur, peut être aujourd�’hui dépassé. Parce qu�’elles impliquent le déblocage
de crédits souvent non négligeables, qu�’elles articulent des outils de réalisations
complexes, une législation et des techniques administratives particulières,�… la
culture devrait alors être considérée comme un secteur autonome d�’action
publique. Les collectivités territoriales françaises (métropolitaines) �– régions,
départements et communes de plus de 10.000 habitants �– ont dépensé 4,6
milliards d�’euros pour la culture en 1996, c�’est à dire 5,4 % de leurs dépenses
générales3. Les liens entre culture, développement économique et culturel et
l�’élargissement du champ d�’action culturel ne peuvent que corroborer ce
constat.
On ne peut nier l�’existence de difficultés, mais elles ne doivent pas paraître
insurmontables. « Dès lors que la question artistique est traitée par les instances 1 Citation de Carl-Johan Kleberg dans Ministère suédois de l�’Education et de la Culture, Méthodes pour
l�’évaluation des politiques culturelles nationales, séminaire, Stockholm, 16-18 avril 1985, Compte rendu, p. 21 in Pierre MOULINIER, 1994, op. cit. p.35
2 ibid. 3 Source : Ministère de la culture et de la communication / Direction des Etudes et de la Prospective
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 24
qui ont par tradition la compétence en la matière, dès lors que l�’on distingue
bien le suivi et les modalités des actions de l�’analyse de leurs effets, cette
spécificité n�’est pas, en effet, un obstacle sérieux à l�’évaluation. »1
B. Le cas du bilan de Lille 2004
Parler de « bilan de Lille 2004 » ne doit pas évacuer ce qui le structure.
Effectivement, il serait factice de ne pas y reconnaître une évaluation à part
entière en raison de sa seule appellation.
En conséquence, et en préambule de l�’analyse du bilan, il convient
nécessairement de réaliser une étude méthodologique des référentiels et outils
mobilisés au cours de sa construction.
1. Les enjeux
La ville de Lille et les collectivités territoriales avoisinantes (Lille �–
Métropole Communauté Urbaine « LMCU », Région, Département, Euro �–
région, etc.) se sont engagées dans une politique culturelle voulue sans
précédent autour de partenaires volontaires et motivés. Elle s�’est notamment
donné pour objectif de :
« positionner Lille et le Nord de la France sur la scène culturelle d�’Europe
du Nord, en révélant une image et une dynamique artistique internationale qui
doit contribuer à ce que la Région et sa capitale occupent une place de premier
plan et soient à même de rivaliser avec leurs homologues euro �– régionaux,
profiter de l�’élan donné par une très grande manifestation en Région, pour
renforcer et valoriser les aménagements et les équipements de cette région, les
dispositifs de décentralisation et contribuer de manière pérenne à la
restructuration du paysage culturel et urbain,
mettre en application par ce vecteur exceptionnel, relayé au plan régional
1 René RIZZARDO, Dialogues pour la culture et la communication
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 25
par les acteurs culturels et économiques, un certain nombre de grands objectifs
stratégiques nationaux. »1
Pour Laurent Dréano, coordinateur général de Lille 2004, « le programme
est ambitieux, à l�’échelle de ces enjeux, pour faire de l�’année 2004 le véritable
laboratoire de ce que peut être un nouvel art de vivre au début du XXIème siècle
dans une métropole euro �– régionale. Il s�’agit de changer cette opportunité en
challenge : placer la culture au c�œur, en faire un facteur de transformation
durable d�’un territoire »2 ; « il combine un ensemble de manifestations
artistiques de dimension internationale et un programme d�’action culturelle
innovante en s�’appuyant sur les potentialités de la Région. Les manifestations
sont coproduites et réalisées avec les structures culturelles des villes et de la
Région mais également avec des structures nationales et internationales. »3
Cependant, alors que la demande initiale de la ville et de ses habitants, en
terme de culture, n�’était pas explicite, le budget de 73,7 M�€ (483 MF), à hauteur
de 82% d�’argent public, révélait de nombreuses incertitudes et craintes
régulièrement formulées tant par les lillois, que la presse, les politiques locaux
ou certains acteurs du monde culturel. Aussi, dans cette dimension, produire un
bilan évaluatif pouvait permettre d�’y répondre, au dire des évaluateurs.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Evaluation n�’est peut être pas le terme adéquat�… est-ce que l�’on vous a donné quelques consigne, des axes de travail ?
Non, �… comment dire à part la tutelle financière et sauf pour nos partenaires, il faut qu'on fasse état de leur soutien et des manifestations qui ont été particulièrement soutenues. Il n'y a pas de cahier des charges qui, émanerait de l'Europe ou de je ne sais qui en terme de bilan euh�… J'ai envie de dire que le cahier des charges a été donné, entre guillemet par exemple par la presse qui pose régulièrement les mêmes questions. Il y a des choses qui relèvent d'un cahier des charges, mais qui est un peu ... mais qui n�’est pas un cahier des charges.
Implicite ?...
Oui, voilà un peu fantôme ; qui est effectivement : « quel a été le nombre de visiteurs ? », « d'où viennent ces visiteurs ? », etc. etc., mais on n'a pas eu de cahier des charges précis. [�…] »
1 Mémo sur Lille 2004 Capitale européenne de la culture 2 Laurent DREANO, Lille 2004 ou la culture comme moteur de transformation d�’un territoire 3 Mémo sur Lille 2004 Capitale européenne de la culture
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 26
2. La méthode
a. La mise en place du dispositif d�’évaluation
Le groupe chargé du bilan s�’est constitué au sein de l�’équipe de Lille 2004,
considérablement restreinte à quelques personnes depuis la fin officielle de
l�’année de la Capitale européenne de la culture. Celui-ci s�’est concentré autour
de Laurent Tricart, jusque là Responsable éditorial et rédacteur de l�’équipe
Communication. Il a donc été convenu dès le départ de ne pas recourir à un
évaluateur extérieur. Si le procédé facilite la connaissance de l�’objet d�’étude, il
va de soi que le principe d�’extériorité et d�’indépendance à l�’égard du champ
politico �– administratif ne peut être rempli.
Le bilan s�’est essentiellement borné à analyser quatre dimensions de
l�’action publique :
Les institutions qui sont intervenues dans l�’élaboration, la promotion et le
soutien de Lille 2004.
Les arts mis en valeur au cours de l�’année, et en particulier le choix de leur
imposer une dimension évènementielle toute particulière.
Le rapport du public à l�’offre culturelle, l�’accueil qu�’il a réservé à certaines
initiatives, etc.
Le budget, c'est-à-dire la gestion des crédits accordés par les collectivités
engagées autour du projet et les partenaires financiers privés.
Ces choix sont pleinement assumés et défendus par Laurent Tricart :
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Après, le cahier des charges que l'on s'est fixé en interne, c'est simple il a été effectivement...,c'est ce qu'on a appliqué depuis qu�’il y a de communication « Lille 2004 », c'est faire état de tous les soutiens, de toutes les structures partenaires qu'elles soient : structures institutionnelles, structures culturelles, structures privées, de faire état de l'importance qu'elles ont eu dans l'évènement « Lille 2004 », et puis après, grosso modo, ça a été de défendre les concepts propres à « Lille 2004 » c'est-à-dire : les grandes fêtes, les mondes parallèles, qui étaient les week-end thématiques, les métamorphoses, tout ce qu'on a créé, qui a été crée, dans la rue, dans les rues, les maisons folies qu'on a ouvertes... Donc, voilà notre cahier des charges il était comme ça, mais y a pas de ... Chaque capitale
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 27
européenne de la culture a fait grosso modo comme elle le souhaitait. Après y a des choses qui relèvent de ce qu'on peut appeler un bilan moral, c'est à dire effectivement ... On est dans l'obligation de rendre un bilan financier mais là c'est encore autre chose. C'est à dire qu'effectivement, comme on est une association soutenue etc., on se doit de rendre un bilan financier pour justifier tous les centimes d'euros qui ont été dépensés. Ca c'est voilà... On se doit de le faire. Ca on est en train de le faire, ce sera pas fini tout de suite parce que ça dépend aussi de nos partenaires culturels, mais ça on se doit de le faire mais pour ça, y a pas de soucis : c'est un bilan financier. On est en mesure logiquement de passer à travers le contrôle de la Cour Régionale des Comptes. Ce qui est une sorte de cahier des charges finalement. [�…] »
b. Le processus de l�’évaluation
Aucun cahier des charges n�’a donc été explicitement formulé pour aborder
cette évaluation. Le bilan de Lille 2004 a été réalisé comme un continuum
naturel à l�’action publique initiale, une phase supplémentaire mais logique, en
guise de conclusion.
On a donc à faire à une analyse « ex post » de l�’action publique, qui vise
effectivement à vérifier que les moyens offerts, les choix opérés, et actions
réalisées étaient bien adaptés aux objectifs fixés initialement.
Le travail de terrain s�’est concentré sur le recueil de données statistiques
(issues de l�’INSEE, du Comité régional du tourisme, de la Chambre de
Commerce et d�’Industrie de Lille Métropole,�…), de l�’étude de la presse papier ou
télévisuelle, locale, nationale et internationale. Enfin, un rôle majeur a été
accordé indirectement au ressenti, à la perception qu�’ont pu avoir les membres
du comité de rédaction du bilan vis-à-vis des évènements ou de la population.
Aucune étude qualitative ou de satisfaction n�’a été utilisée dans le cadre de
ce bilan. Pourtant, certaines Maisons folies, telle que la Condition Publique de
Roubaix ont réalisé des questionnaires.
L�’évaluation a été réalisée selon un procédé novateur quoique peu
conventionnel (un abécédaire), « pour qu�’il y ait un bilan qui soit compréhensif
et lisible. Alors on a fait ce choix-là : raconter une histoire à travers un
abécédaire », explique Laurent Tricart.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 28
c. La diffusion
Le bilan a été réalisé pour qu�’il soit certes relayé au plus grand nombre,
sans pour autant qu�’il soit communiqué directement à chaque citoyen. Il
semblerait que les considérations financières ne soient pas étrangères à ce
choix.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Mais ils vont le voir dans la presse ?!...
Effectivement�… qu�’est ce que l�’on devait faire : éditer un document à quelques milliers d�’exemplaires�…pour être diffuser�…. On va dépenser quelques millions d�’euros pour faire ça, donc dépenser quelques millions d�’euros pour leur dire vous voyez c�’était bien�… c�’est pas logique moi je pense après �… [�…] Dans l�’évènement Lille 2004 ,qui est quelque chose d�’un peu marquant, dans l�’idée de transparence, on a un budget qui était de plus de 73 millions d�’euros, c�’est un chiffre énorme�… on se doit d�’être transparent c�’est de l�’argent public, à plus �…de 89%. [�…] »
En conséquence, il a été décidé de privilégier une présentation du bilan en
deux phases aux publics. Dans un premier temps, une conférence de presse de
présentation du bilan écrit a donc été réalisée le 16 mars 2005 dans l�’une des
deux Maisons folie de Lille intra muros (celle de Lille �– Wazemmes), Martine
Aubry (Maire de Lille), Jean-Michel Stievenard (Maire de Villeneuve d�’Ascq et
Vice-président à la culture de la LMCU), Laurent Dréano (coordinateur général
de Lille 2004) et Didier Fusiller (directeur de Lille 2004) se succédant alors à la
tribune.
La presse locale mais aussi nationale s�’est largement faite l�’écho de cette
présentation dans les éditions des jours suivants en retranscrivant en grande
partie les points positifs mis en valeur, « chiffres à l�’appui », dans la conférence
de presse.
La publication en deux temps a donc cet avantage de contrôler plus
strictement la mise à jour des conséquences des choix effectués. Si les
documents ont été largement diffusés à la presse, l�’objectif de transparence
absolue ne peut être reconnu en l�’espèce.
d. Réflexions sur la méthode employée
La typologie indicative établie préalablement nous permet de reconnaître
dans le « bilan de Lille 2004 » une réelle évaluation. Ainsi, et même si l�’équipe
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 29
n�’a pas pris le soin de travailler autour d�’une méthode reconnue techniquement
et intellectuellement pour son pluralisme et son extériorité, il est intéressant de
constater que l�’on peut objectiver une certaine homogénéité dans les méthodes
employées.
Il a semblé naturel, aux yeux des rédacteurs, de partir du postulat selon
lequel Lille 2004 avait été une réussite, à charge pour eux de la justifier.
Bernard Perret soulignait à juste titre les recommandations de la Commission
Européenne quant à la rédaction d�’évaluation : « un lecteur potentiel d�’un
rapport d�’évaluation doit pouvoir comprendre : 1°) l�’objectif de l�’évaluation ; 2°)
la délimitation exacte de l�’objet ;3°) comment l�’évaluation a été planifiée et
conduite ; 4°) quels faits ont été établis ; 5°) quelles conclusions ont été tirées ;
et 6°) quelles recommandations ont, le cas échéant, été tirées. »1 Ce vade-
mecum de l�’évaluation nous permet donc de synthétiser le bilan de 2004 selon
ces six mêmes critères : 1°) vérifier l�’adéquation des choix opérés dans le cadre
de Lille 2004 avec les objectifs définis initialement ; 2°) l�’objet d�’étude se
résume aux actions menées sous le label « Lille 2004, capitale européenne de la
culture » et leurs conséquences directes ; 3°) le bilan a donc été réalisé à la fin
de l�’évènementiel par une partie des membres de « Lille Horizon 2004 » ; 4°) on
y fait un rapide retour sur les arts mis à l�’honneur durant l�’année, sur les
intervenants, le budget, et le public ; 5°) et 6°) le bilan doit donc être désormais
étudié au même titre que les perspectives qui en découlent.
1 Bernard PERRET, 2001, op. cit., p. 30
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 30
Chapitre 2. LE BILAN DE LILLE 2004 OU L�’OBJECTIVATION
DES RESULTATS D�’UN « PROGRAMME AMBITIEUX »1
A peine, Lille 2004 terminé, le journal Libération annonçait que « Lille
2004 a réussi à écrabouiller le syndrome Germinal, ce Nord à corons, sous les
ocres des pierres flamandes et les confettis des pierres populaires. La capitale
européenne de la culture revient de loin. Le premier terril a beau pointer son
nez à trente kilomètres du beffroi de Martine Aubry, Lille a longtemps souffert
d�’une image noire de charbon, grise de pluie. »
On le voit, la fierté prétendument retrouvée s�’est construite autour de cette
dimension de dépasser l�’image « des carreaux de mines avec ces gens un peu
malheureux mais sympathiques », comme l�’explique Laurent Dréano. Pour cela,
Lille 2004 a permis de concentrer l�’élan autour des trois objectifs : culturel bien
sûr, médiatique et « glamour » comme l�’affirment certains journaux et
économique.
Section I. La valorisation du « bond culturel »
Nul ne semble surpris de constater que Martine Aubry puisse être la
principale porteuse du projet de Lille 2004, et, effectivement, les dispositions
techniques qui lui sont associées la mettent en adéquation avec celle-ci.
Pourtant, encore aujourd�’hui, peu de personnes reconnaissent l�’adaptation du
projet au territoire.
Cette multitude de critiques sont d�’origines toutes aussi diverses que les
acteurs qui les portent. Ainsi, certains regrettent voir dénoncent
l�’instrumentalisation de la culture à des fins politiques, d�’autres encore
1 L�’expression ici employée fait explicitement référence aux objectifs définis initialement par le
coordinateur général de Lille 2004, Laurent Dréano
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 31
déplorent que la culture puisse être utilisée comme moteur de développement
économique et social.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Moi j�’ai aucun scrupule à dire Lille 2004 ça a été aussi une promotion à l�’échelle d�’une ville, d�’une région après il y a des gens vont dire « est-ce que les artistes n�’ont pas servi à ça » pour moi les artistes n�’ont pas servi à ça. Les artistes ont eu toute latitude pour créer, il y a eu un évènement culturel, seulement cet évènement dépasse le cadre culturel [�…] j�’aime pas [�…] je comprends la critique [�…] ça renvoi à une sorte de pureté de l�’artiste qui serait déconnecté de ce qui l�’entoure, au contraire il doit être connecté à ce qui l�’entoure et quand on demande par exemple à Jean-Claude Casadesus voilà le truc est clair on est dans la rue, on demande à priori de faire ce qui va plaire aux gens [�…] C�’est un truc énorme, vous utilisez des artistes, etc. etc. �…est ce que l�’on a besoin d�’une capitale européenne de la culture, on a entendu quelques personnes tenir ce discours là et à côté, dans un autre cadre ils vont dire l�’Etat, les collectivités locales peuvent s�’engager sur la culture. 64 millions d�’euros ; ça c�’est le budget, c�’est la communication ; le fonctionnement mais surtout principalement l�’artistique. Qu�’est ce qu�’il faut de plus comme preuve d�’engagement tu en croiseras qui râleront mais qui n�’ont pas participé au truc. [�…] »
Au-delà de ces critiques, il est souvent reproché le manque de
problématisation des enjeux culturels. Il est « impossible de changer les
pratiques culturelles avec un simple feu d�’artifice. Toucher tous les publics, c�’est
un travail de fourmi, » note Françoise Dupas, la directrice du Grand Mix. La
plupart des écueils notés par la population sont relatifs aux coûts jugés
faramineux, alors que dans le même temps, le climat social du Nord �– Pas-de-
Calais n�’a pas changé outre mesure. Les mouvements sociaux continuent
d�’exister, et, y compris au sein des sympathisants politiques de la majorité
municipale, des voix s�’élèvent contre ce que certains qualifient de
« gaspillages ». On note ainsi que « devant les militants socialistes qui
s�’inquiètent du coût de l�’opération, elle met en avant le fait qu�’elle est une
« opération quasi-blanche » pour Lille. Aux employés municipaux qui craignent
de faire les frais de Lille 2004, elle martèle que « les autres capitales
européennes de la culture ont supporté seules 1 tiers à la moitié du budget de
leur année culturelle, parfois dans des montants bien plus élevés, d�’ailleurs que
le budget global de Lille 2004. »1
Pour relativiser ce mécontentement, diverses mesures vont être engagées :
baisse des coûts de billets, vente de « pass »,�… A ceux qui dénoncent le manque
d�’intégration des quartiers périphériques au dispositif, on parle de cultures
1 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 32
urbaines et de « vitalité culturelle des banlieues »1, entre graffiti, breakdance,
rap et deejaying international et local. Le « barnum des postes », chapiteau
installé 9 semaines durant au niveau de la Porte des Postes, reste d�’ailleurs
symbolique de l�’absence critique de structures pérennes à la confluence « des
quatre quartiers les plus populaires des Lille. » « Pourquoi les belles rues
piétonnes, les parades, les feux d�’artifice seulement en centre-ville ? »2 relève un
journaliste de Libération auprès des habitants.
Il faut cependant rappeler ici l�’importance d�’une « « culture anti-culture »
enracinée dans la tradition ouvriériste locale qui assimile la culture à une
pratique « bourgeoise » classée et classante »3.
Pour appuyer le « bond culturel » vanté le bilan de Lille 2004 se base
essentiellement sur un ensemble de données chiffrées. Dans les indicateurs, on
fait donc la part belles aux sources purement quantitatives. Malgré la
production de nombreux questionnaires d�’analyse qualitative et de satisfaction
des �œuvres, l�’équipe de rédaction du bilan va étrangement ne pas y faire
référence. On note cependant avec intérêt les quelques 9 millions de
spectateurs, dont plus de la moitié aux seules fêtes et métamorphoses, aux
quelques 2.500 manifestations ayant rassemblé 17.000 artistes, ainsi que les 2,8
millions de billets et 100.000 pass vendus. Etrangement, et malgré le fait que le
discours s�’attachant au seul et unique objectif de démocratisation de la culture
n�’est pas excédé plus des 2/5 de l�’intervention de Martine Aubry lors de la
présentation du bilan, la presse locale et nationale va largement se faire l�’écho
de ce « bond ».
Cependant, par un document annexé à la conférence de presse4, on dénote
néanmoins la volonté « d�’amplifier de manière structurelle et durable » la
culture en basant la politique sur trois fondements : faire de Lille une ville des
artistes et de la création en favorisant l�’ouverture de nouveaux lieux tout en
confortant les institutions culturelles préexistantes (Palais des Beaux-Arts,
Opéra jugé « métamorphosé »). D�’autre part, on veut rappeler que Lille est une 1 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit.,p. 54, « Urbaine (Culture) » 2 « Même les plus pauvres sont venus », Libération des 11 et 12 décembre 2004, supplément « Villes » 3 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit. 4 « Le bond en avant de la culture après 2004 », publié par « Lille Horizon 2004 »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 33
ville d�’action artistique où l�’accès à la culture à tous est soutenu ; pour cela, deux
leviers d�’action : le soutien aux associations culturelles et le développement de
l�’accès à la culture et à la formation artistique. Enfin, par le renforcement du
patrimoine touristique et l�’anticipation, on voudrait faire de Lille une « ville
d�’art et d�’histoire mais aussi [une] ville de l�’innovation. » On regrettera
évidemment que ce projet politique culturel pour la ville (pour l�’essentiel déjà
mis en �œuvre au cours de l�’année 2004), ne fasse l�’objet d�’un quelconque bilan
analytique.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 34
Section II. Lille, nouvelle métropole incontournable
Outre l�’organisation de l�’événement, « Lille Horizon 2004 » a attaché une
attention particulière à la promotion de l�’évènement. Ainsi, 4 000 journalistes
ont pu être reçus individuellement ou dans le cadre de voyages de presse ; le site
Internet (www.lille2004.com), vitrine virtuelle vivante et remise à jour
régulièrement du dispositif, a reçu en moyenne 100.000 visiteurs mensuels ; un
publipostage électronique aurait permis d�’envoyer une lettre d�’informations à
25.000 destinataires chaque semaine ; près de 10 millions de dépliants,
agendas, magazines et « flyers » ont été distribués ; 8.000 grandes affiches
promotionnelles déployées en France, en Belgique, en Grande-Bretagne et aux
Pays-Bas ; plus de 6 000 drapeaux et calicots exposés dans les 142 villes
partenaires et dans les gares de Lille, Londres, Paris et Bruxelles,�… Par Lille
2004, la métropole lilloise aurait ainsi bénéficié d�’une opportunité de plan
communication majeure.
§ 1. Un nouvel attrait médiatique
Plus de 3.500 journalistes ont été reçus au cours de l�’année 2004 par
l�’équipe de presse de Lille 2004. La promotion menée par Lille 2004, alliée à
une programmation de qualité, a eu des retombées médiatiques jugées
« considérables » : plus de 2.000 reportages audiovisuels ont été réalisés sur
Lille 2004 en France et à l�’étranger.
A. En France
En France, des émissions ont été entièrement consacrées à l�’événement
(notamment Des Racines et des Ailes sur France 3, 24 heures en Europe en
direct de Lille sur TV5) ainsi qu�’un très grand nombre de reportages diffusés
aux journaux télévisés. Dans la presse régionale (La voix du Nord et Nord �–
Eclair pour l�’essentiel), 5.000 articles y ont été consacrés dans les colonnes de
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 35
la presse régionale, et 1.500 dans la presse nationale.
L�’initiative de France 3 de consacrer une émission en « prime time » à Lille
2004 semble avoir permis de combler une dimension communicationnelle qui
n�’avait pas été portée initialement.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] On l'a constaté dans l'année parce qu'il y a eu un phénomène qui nous a ... légèrement dépassé, c'est à dire que par rapport à la communication on a énormément communiqué en amont sur l'international, sur l'extérieur de la région, et sur l'intérieur de la région, mais il y a une dimension qu'on avait pas beaucoup travaillé qui était la dimension nationale. Et ça, chez nous, c'est un peu venu tout seul et c'est notamment venu grâce à la presse et tout particulièrement grâce à une émission de France 3 qui s'appelle Des racines et des ailes. Et, à partir de ce moment là, on a vu énormément de gens venir des autres régions françaises. [�…] »
B. En Europe
En tant que « capitale européenne de la Culture », dont l�’ambition était de
dépasser les frontières de la ville en s�’étendant sur l�’euro �– région, il a été
possible de recenser 127 publications ayant parlé de Lille 2004, dans pas moins
de 520 articles :
« Belgique : 520 articles publiés dans 127 titres, notamment Le Soir, La
Libre Belgique, Le Temps, De Standaard, De Morgen�…
Pays-Bas : De Volkstrant, Spits�…
Allemagne : plus d�’une centaine d�’articles publiés dans 86 journaux
régionaux et nationaux dont Frankfurter Allgemeine Zeitung, Der Spiegel, Die
Zeit, Gästezeitung, Sonntag Aktuelle, Journal für die Frau.
Grande-Bretagne : The Times, The Daily Mail, The Guardian, The
Daily Express, The Daily Telegraph, The Sunday Time, Sunday Express, The
Liverpool Daily Post.
Italie : Il Giorno, Gente Viaggi, Tuttoturismo, Glamour Italie, Bell
Europa, Il Secolo XIX
Espagne : plus de trente articles dans plus d�’une vingtaine de journaux
espagnols dont El Pais et El Mundo, La Vanguardia, Géo�…
Suisse [�…], Luxembourg [�…], Autriche [�…], Hongrie, Finlande,
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 36
Grèce, République Tchèque,�… »1
Les télévisions européennes ont aussi consacré de multiples reportages à
propos de Lille 2004 : Euronews (reçu par 148 millions de foyers dans 79 pays),
en Belgique (La Une, La Deux), en Allemagne (ZDF, Arte, Kölnische
Runschau), Italie (Sky TV), ou encore en Espagne.
C. Aux Etats Etats-Unis et dans le reste du monde...
Le Time magazine, The Chicago Tribune, The Wall Street Journal, New
York Post ont chacun consacré au moins un article dans leur colonne pour
relater une partie du dispositif. Il en est de même dans de nombreuses autres
publications du reste du monde comme au Japon (Nikkei), en Chine (Beijing
Youth Daily, Beijing Today), en Russie (Elle), en Argentine (Buenos Aires
Herald Tribune), au Brésil, au Canada, ou aux Emirats Arabes Unis�…
Au total, près de 1.400 articles ont été consacrés à Lille 2004 dans la
presse étrangère.
§ 2. Le tourisme en pleine mutation
Après s�’être doté d�’infrastructures de transports de pointes, l�’un des
objectifs de Lille 2004 a été de tenter d�’en tirer les bénéfices sans pour autant
que la ville ne soit perçue comme simple territoire de transit, de passage. Lille
pourrait donc désormais s�’envisager comme destination de vacances, « une
destination particulièrement prisée. » Les chiffres de fréquentations proposés
par l�’Office de tourisme confirmeraient cette tendance, au même titre que
l�’étude des programmations des « tour-opérateurs ».
1 Lille 2004, indicateurs, mars 2005, op.cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 37
1
Au-delà des 32% de visiteurs en transit2 (contre donc 68% dont la
Métropole Lilloise est la destination finale), cette dimension, selon l�’expérience
rapportée par Laurent Tricart, se révèlerait dans le comportement de certains
voyageurs.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
Moi, je me souviens avoir croisé quelqu'un qui était... je l'ai croisé au « Tri Postal », où à l'époque mon bureau était installé là-bas, quelqu'un qui était entre deux trains. Elle venait de faire Paris Lille et après elle allait faire Lille Bruxelles, elle était entre deux trains. Ca ne devait pas être Paris Lille... Elle avait entendu parler de « Lille 2004 » et elle en profitait pour faire un petit tour au « Tri Postal », donc elle en avait entendu parler. Elle avait une heure... Et donc moi je lui dis que c'est dommage de ne pas rester. Et elle me répond : « Ha, si, si, si ! Mais je vais revenir : je suis persuadé que c'est fabuleux ! Là, je profite justement pour découvrir » [entretien interrompu par une collègue de M. TRICART sur le départ] Oui donc, l'intérêt... Le premier intérêt, c'est qu'on a changé l'image de la région ; en tout cas on a énormément participé au changement d'image de la région qui est là depuis... On vient pour appuyer les efforts qui sont créés depuis 20 ans.
Cette dimension réaffirmée d�’une ville de Lille au c�œur de l�’Europe semble
être renforcée par l�’étude de la nationalité des visiteurs proposée par la
Chambre de Commerce et d�’Industrie. Même si les sources et les techniques de
recueil de données sont suffisamment divergentes pour prendre une certaine
distance, il est intéressant de constater que pour l�’année 2003, la répartition des
sondés par nationalité communiquée par l�’Office du tourisme de Lille différaient
sur certains points, en particulier dans le partage entre Français et étrangers.
Les Français représentaient ainsi 64% des sollicitations enregistrées par l�’Office
de Tourisme (contre 42% en 2004). Parmi les 36% de touristes étrangers, la
composition était la suivante : 53% de touristes britanniques (20% en 2004),
1 Lille 2004, indicateurs, mars 2005, op.cit. 2 CCI de Lille Métropole, Département études et projets, Les visiteurs de Lille 2004 �– Enquête de
satisfaction, 2005
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 38
30% de belges (19% en 2004), 14% de néerlandais (5% en 2004) et 3% d�’autres
pays. Lille 2004 aurait donc permis une diversification importante des visiteurs
de la Métropole.
1
Dans cette mesure dynamisante de l�’image véhiculée, « la culture n�’est pas
qu�’un supplément d�’âme [�…] apporté à la vie grise de tous les jours, elle est un
instrument de développement social et économique, un élément du lien social,
un vecteur de sens. »2 Corroborée par les statistiques présentées par la CCI,
indéniablement la présentation du bilan de Lille 2004 a permis de présenter,
sur fond de données statistiques et économiques diverses, les évolutions
bénéfiques qu�’a permis le titre de capitale européenne de la culture.
3
1 Taux de réponse : 100 % (soit 300 personnes interrogées). Question à réponse unique (300 citations),
ibid. 2 Pierre MOULINIER, 1999, op. cit., p. 18 3 Taux de réponse : 99,3 % (soit 298 personnes). Question à réponses multiples (647 citations), ibid.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 39
Section III. Un engouement au service du monde économique
Les effets de Lille 2004 sur l�’activité économique locale sont l�’un des
principaux points sur lequel le bilan insiste. Dans le bilan de Lille 2004 en mars,
Martine Aubry met en avant le « boom » de l�’économie locale dans de nombreux
secteurs, et, au premier rang desquels se trouve celui de l�’hôtellerie. Les clefs
économiques proposées aux journalistes dans Lille 2004, indicateurs,
permettraient donc de mettre en valeur un bilan jugé « satisfaisant » dans de
nombreux domaines d�’activités liées aux retombées touristiques.
1
En outre, et à travers le dispositif de Lille 2004, Martine Aubry a tenté de
renouveler l�’appréhension de la scène politique locale en tant que « lieu de
concertation pertinent entre des acteurs et des arènes d�’horizons divers et met
en scène sa centralité dans cet espace où elle endosse un rôle de médiateur ».2
De la sorte, si plusieurs partenariats ont été signés avec l�’Education Nationale,
ou certains des organismes sociaux ou d�’insertion, un soucis majeur a été
concédé aux partenariats d�’entreprises, Martine Aubry mettant alors fortement
en valeur ses réseaux dans le monde « patronal » et en invitant les entreprises à
se joindre aux manifestations lors de conférences de presses. Au cours d�’une de
celles-ci, la première magistrate affirme que : « Lille 2004 célébrera l�’art de
1 Lille 2004, indicateurs, mars 2005, op.cit. 2 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 40
vivre ensemble. Culture, économie et politique peuvent travailler ensemble
autour de ce projet. La culture est un moyen pour vous de mieux vous faire
connaître », les journaux de décrire alors la situation : « Hier face à un bel
aréopage de chefs d�’entreprises, [�…, Martine Aubry] n�’a pas ménagé ses efforts
oratoires pour convaincre et séduire. [�…] Le message est clair et sans ambages :
Lille 2004 ne peut se concevoir sans partenariat bien compris. Parce que le
monde de la culture a besoin d�’argent comme le monde économique a besoin de
la culture. »1
1 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 41
Chapitre 3. L�’EVALUATION, ENJEU STRATEGIQUE POUR LA
POLITIQUE LOCALE
En promouvant les « bienfaits » d�’une politique conduite tout au long
d�’une année, les acteurs de Lille 2004 ont eu l�’opportunité de dire « qu�’avec
9.000.000 de visiteurs, [ont peut dire] aux grincheux d�’aujourd�’hui que les
grincheux d�’hier se sont trompés. »1 Bien rares ont alors été les commentateurs
journalistiques à émettre quelques réserves sur le bien fondé de l�’évènement. Au
final, la presse locale révèle en grande partie une certaine réussite à l�’égard
« d�’un budget en équilibre, une image régionale revitalisée et une culture
retrouvée. »2
Section I. Renouveau territorial ou imposition d�’une nouvelle perception de l�’espace urbain ?
C�’est donc au travers d�’une logique culturelle que les collectivités locales
du Nord �– Pas-de-Calais, et plus particulièrement la métropole lilloise, ont
choisi d�’engager une partie de leur renouveau. Effectivement, la culture a cet
avantage de proposer une vision de l�’espace qui s�’applique bilatéralement :
d�’une part en externe, par l�’image qu�’elle renverra aux autres, mais aussi en
interne par l�’image qu�’elle se donne à elle-même. A la différence de nombreux
autres secteurs de l�’action publique, la culture offre une perspective
dynamisante. Cette perception aurait des effets largement transversaux qui
permettraient de recouvrir l�’ensemble des autres politiques publiques en les
transcendant.
§ 1. Faire de Lille 2004 la vitrine de la métropole lilloise 1 Martine Aubry sur France 3 Nord �– Pas-de-Calais, édition « 19/20 » du 16 mars 2005 2 Nord Eclair, édition du 17 mars 2005
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 42
A. Le renouvellement territorial par la culture et la présentation d�’un nouvel art de ville
Il va s�’en dire que la région Nord �– Pas-de-Calais souffre au mieux d�’un
déficit d�’image, voire d�’une image plutôt négative dans l�’inconscient collectif.
Tant pour des raisons historiques, que sociales ou économiques, le Nord renvoie
souvent cette image de région dévastée. Déjà soutenu par Michel Delebarre,
président du Conseil Régional du Nord �– Pas-de-Calais de l�’époque, au moment
de la désignation de Lille1, Lille 2004 s�’est ainsi proposé de combler ce fossé et
revaloriser cette image d�’une Région dont « on ne nous montre d�’autres réalités
que Métaleurop�… »2
L�’objectif fixé, dans une démarche proche du marketing, est donc de
rompre clairement avec l�’image qui « colle » à la région, en la faisant apparaître
comme plus vivante : « de vieux proverbes idiots prétendent que dans le Nord, il
« pleut tous les jours » (sic) même si (et là c�’est vrai) les gens du coin « ont le
soleil dans le c�œur ». »3
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Est-ce que ce n'est pas aussi une nouvelle image ou c'est juste révéler celle existante ? Je ne sais pas, je fais une nuance là... mais ça ne ferait pas ressortir les traits sur lesquels on avait envie d'appuyer ?
Ben il y a quand même beaucoup de gens, et notamment en France, qui étaient encore persuadés que le Nord c'était gris, c'était triste, c'était mort, c'était... [Je souris] Non non ! Mais je crois qu'il faut des fois ré enfoncer des portes ouvertes ! Mais y a encore énormément de gens, c�’est vrai, qui ont encore cette image et nous on l'a constaté dans l'année [�…] On a vu énormément de gens venir des autres régions françaises. Et on a rencontré dans les lieux de « Lille 2004 », j'en avais fait l'expérience, des gens qui nous disions « Ha, c'est incroyable, on était venu à Lille il y a 20 ans... On avait un sale souvenir, on a vu l'émission à la télé, on s'est dit « tiens, ça a plus l'air d'être la même ville, donc on est venu voir... Ha c'est extraordinaire ! » [�…] »
« Lille 2004 a fait gagner quelque 10 années de notoriété à notre territoire,
selon les décideurs économiques »4. Le projet de Lille 2004 s�’est ainsi toujours
ancré dans cette volonté de renforcer sa position de centralité dans l�’espace 1 « [Cette désignation] s�’inscrit dans un dynamique de renouvellement de l�’image du Nord �– Pas-de-
Calais. Il convient de relier cette décision aux efforts engagés depuis plusieurs années pour accueillir les plus grands évènements (Mundial, Jeux Olympiques,�…) et les plus grands équipements (Tunnel sous la Manche, TGV et demain peut-être SOLEIL �– le nouvel accélérateur de particules », extrait du communiqué de Michel Delebarre
2 Martine Aubry lors de la conférence de presse de présentation du bilan 3 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit.,p. 28 « Extérieurs » 4 ibid.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 43
territoriale de l�’euro �– région.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Voilà, aujourd'hui c'est terminé, est-ce qu'on peut, a posteriori, dire qu'il y avait vraiment un intérêt à organiser cet événement ?
Oui ! L'intérêt pour moi il est que ... depuis, grosso modo, une vingtaine d'années notamment sous l'impulsion de Pierre Mauroy, y a eu la volonté de révéler cette espèce de position stratégique, un peu unique d'une ville au coeur de l'Europe. C'est un discours qu'on entend depuis 20 ans, qui, à force peut être lassant, mais qui néanmoins est basé sur une stricte réalité. Et depuis plus de 20 ans, y a eu énormément d'efforts qui ont été fait par l'ensemble des collectivités publiques ici et par aussi les acteurs économiques pour revaloriser cette région qui, notamment, en rappelant qu�’elle est coincée entre Londres, Bruxelles et Paris. L'évènement « Lille 2004 », ça a été, comment dire... ça a été une preuve supplémentaire de ce positionnement géographique, mais aussi du dynamisme de sa population, de cette capacité qu'ont, justement, les acteurs politiques et économiques de se serrer les coudes et à avancer tous ensemble tête baissée. Et c'est vrai, « Lille 2004 » ça a révélé tout ça. Ca, c'est une première chose : y a ... on peut le voir de plein de manières... Soit... Pour moi, c'est avant tout un nouveau visage de Lille qu'on a renvoyé à l'extérieur. On peut dire autrement, on peut dire simplement que « Lille 2004 » ça a été aussi au-delà de l'évènement culturel, c'était une campagne de communication, comme y en a rarement eu pour défendre cette région. [�…]
Est-ce que tu estimes que ce côté-là, qui change un peu la perception de la région, était un objectif initial ?
Oui �… j�’en veux pour preuve qu�’il ne faut pas oublier la genèse de Lille 2004 qui, avant d�’être Lille 2004 capitales européennes de la culture, a été Lille 2008 Jeux Olympiques. Les deux projets se sont suivis et ce sont les mêmes personnes qui ont poussé à ce qu�’il y ait une candidature aux Jeux Olympiques qui ont poussé à ce qu�’il y ait une candidature au titre de capitale européenne et que pour ces personnes, ou une partie des gens qui ont poussé à cette candidature, il n�’y avait pas de �… ce n�’était pas des gens qui avaient comment dire avait une soif de �…de dynamisme culturel en tant que tel, c�’était des gens qui avait envie de changer l�’image de cette ville.
Et de créer [�…]
Tu disais simplement, il y avait un calcul qui était juste de dire : cette région est déjà riche culturellement on n�’aura pas trop de difficultés à construire quelque chose qui soit un peu dynamique. [�…] »
Bien sûr, il reste difficile pour les collectivités territoriales de faire de l�’art
dans de seuls buts artistiques, c'est-à-dire « de l�’art pour l�’art ». « Le champ
culturel a été d�’emblée reconnu comme solidaire et complémentaire des
programmes visant le développement urbain, économique et social »1
B. Lille 2004 ou comment rendre la région attractive ?
Lille 2004 a été un moyen de rendre la région attractive. L�’héliotropisme 1 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, Ville, culture et développement, L�’art de la
manière, Paris : Syros, 1995, p. 13
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 44
attirerait les entrepreneurs dans le Sud ? Qu�’à cela ne tienne, « la chaleur » des
gens du Nord mise à jour grâce à Lille 2004 pourrait être un atout de
redynamisation.
De cette dynamique lancée par Lille 2004, on retiendrait que Lille attire
aujourd�’hui « comme si enfin Lille pouvait se montrer comme une ville qui a
changé, qui s�’est reprise après tous les coups reçus. Ce message est passé jusque
ici. »1
§ 2. Changer la perception des Lillois de leur ville et d�’eux-mêmes
S�’il apparaît que Lille 2004 a été plus une chance de développement pour
le territoire qu�’un évènement permettant de valoriser divers projets, il reste que
ce choix n�’a pas toujours paru si évident pour la population. Laurent Dréano
affirme ainsi que « nous avons voulu que les habitants se réapproprient leurs
atouts et leur culture populaire. »
A. De faibles desseins démopédiques
L�’objectif initial n�’a jamais été ouvertement démopédique. Ainsi, la culture
a certes toujours été perçue comme outil de dynamisation, mais jamais en tant
que finalité. Laurent Dréano soulignait ainsi, dès l�’origine du projet, qu�’il« s�’agit
de faire de l�’année 2004 un véritable laboratoire national de l�’innovation en
mettant en jeu, une année entière et à l�’échelle d�’un territoire, une autre façon
de vivre la culture dans ses relations à l�’éducation, aux sports, au cadre de vie,
aux transports et à l�’aménagement du territoire, aux pratiques urbaines et aux
nouvelles solidarités. »2
De fait, Lille 2004 a permis de proposer aux habitants de nouveaux
aménagements urbains, parfois d�’ailleurs totalement déconnectés de visées
1 Pierre Muyle, ancien collaborateur pour Bruges capitale culturelle 2002, cité dans Libération des 11 et
12 décembre 2004, supplémant « Villes » 2 Mémo sur Lille 2004 Capitale européenne de la culture
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 45
artistiques. La Halle de glisse construite dans Lille �– Sud est ainsi présentée
comme « temple de la glisse », « dédié aux nouveaux sports ». La culture a donc
été utilisée en tant que justificatrice d�’un remodelage urbanistique beaucoup
plus large auprès des habitants.
En fait, au-delà de considérations purement quantitatives, peu de place
dans le bilan a été consacré à l�’évaluation qualitative des manifestations. On
découvrirait ainsi une « adhésion populaire » et « un engouement sans
précédent » sur une simple présentation de chiffres. On peut envisager que les
39% de manifestations gratuites auraient largement contribué à atteindre les
9.000.000 de participants prétendus.
B. L�’évènementialisation au service d�’un dynamisme mobilisant tous les lillois
« La politique culturelle locale [est] un mode de gestion territorialisé [�…]
dont le public est l�’acteur, en même que l�’enjeu et, parfois, l�’otage. »
Les rapports entre art, culture et développement sont particulièrement
complexes, malléables et fonction des acteurs.
1
La culture ne peut se réduire aux seuls projets artistiques, ni même à
l�’accès à l�’art. La culture allie en fait ses deux objectifs, mais est aussi l�’ensemble
1 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, 1995, op. cit., p. 64
Culture : Valeurs,
représentations et manière de faire
Art : Expression par la
forme
Espace de la production et de
significations et de leurs attributions
Espace singulier de la dimension
sensible et affective d�’abord, cognitive ensuite,
de la culture
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 46
des pratiques humaines qui interagissent. De cela, selon les travaux de Montfort
et de De Varine, deux conséquences : la vie quotidienne peut-être perçue
comme la culture de « l�’ordinaire » et l�’art celui de « l�’extraordinaire ». De fait,
il en découlerait que :
l�’action culturelle revient à interpeller les significations à l�’�œuvre dans un
espace social et dans un temps donné.
l�’action culturelle peut, en fonction du contexte « émotionnel et affectif de
l�’ordre du choc susceptible d�’opérer des décadrages »1, favoriser l�’émergence de
regard renouvelé sur les choses et les pratiques tant personnelles que
collectives.
l�’action culturelle permet de créer des significations nouvelles.
dans l�’expérience de l�’échange artistique, les citoyens doivent être
approchés en tant que co-constructeurs de ces expériences.
« le développement local, comme celui des personnes et des communautés
qui constituent le local, est un tout que l�’on peut aborder sous l�’angle de l�’une de
ses dimensions : économique, sociale, culturelle, politique, psychologique, à
condition d�’établir entre telle dimension et les autres. »2
Dès lors, en constatant que « la culture est cet espace des pratiques
humaines qui a la spécificité de se penser et de penser les autres pratiques
humaines ainsi que leurs interactions »3, l�’objectif de redéfinition de l�’espace
urbain imputé à Lille 2004 se révèle. Effectivement, le développement, qui peut
revêtir de multiples dimensions, en particulier à l�’échelon local, ne peut être
compris que si l�’on prend en compte l�’ensemble de ses dimensions interagissant
l�’une sur l�’autre. Aussi, la dimension culturelle du développement à cette
particularité « d�’être celle qui permet [�…] à la fois de penser sa singularité et de
penser le tout au travers des relations entre les parties. Ce en quoi la dimension
1 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, 1995, op. cit., p. 65 2 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, 1995, op. cit., p. 66 3 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, 1995, op. cit., p. 65
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 47
culturelle du développement est nécessairement l�’affaire de chacun. »1
Par ces quelques développements on peut constater que l�’implication des
lillois dans l�’action publique a été fondamentale dans la volonté de
métamorphose structurelle. Effectivement, Lille 2004 a intégré de façon très
marquée la dimension participative chère à Martine Aubry depuis son élection à
la Mairie de Lille. Dans un contexte général où la dimension participative
apparaît de plus en plus comme référentiel d�’action dans les politiques
publiques locales, on aurait alors tendance à considérer que la redéfinition de
cet espace urbain, aux yeux des habitants procède d�’un double cheminement.
En intégrant les citoyens au processus décisionnel, en les associant aux travaux
de réflexion préparatoires,�… ceux-ci se construisent une nouvelle vision de
l�’urbain tout en la renvoyant. De ce fait, faire des habitants des acteurs du
développement culturel permettrait alors d�’appuyer cette volonté.
Trois axes majeurs de décisions corroborent cette dimension participative.
Tout d�’abord, les 17.800 « ambassadeurs », largement sollicités dans le travail
de promotion de l�’évènement. Le bilan en fait des « représentants de
l�’évènement culturel mais aussi de leur ville ou quartier »2, au point que cette
initiative sera pérennisée sur Roubaix.
Dans cette même logique, l�’ouverture des « maisons �– folie », « lieux de
fête qui rassemblent artistes et habitants »3, sont implantées dans des lieux de
forte valeur symbolique. Elles sont en effet pour la plupart implantées dans
d�’anciennes friches industrielles, dans des quartiers souvent « populaires »
(Maison - -folie de Wazemmes, Moulins, la Condition Publique de Roubaix�…).
Enfin, Martine Aubry a largement profité de Lille 2004 pour nouer des
relations avec de nombreux acteurs de la société locale, qu�’ils soient
commerçants, associatifs des quartiers, ambassadeurs. En bref, selon Martine
Aubry, « nous avons montré ce que nous sommes, c'est-à-dire non pas les bras
ballants, mais créatif, énergique, chaleureux. Je crois que c�’est ça Lille 2004 :
1 Jean-Michel MONTFORT et Hugues De VARINE, 1995, op. cit., p. 77 2 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 5 « Ambassadeurs » 3 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 38 « Maisons folie »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 48
nous avoir redonné de l�’énergie et avoir montré au monde ce qu�’est un peu
notre art de vivre. », « nous n�’avons pas prétendu ce que n�’était pas la ville :
nous nous sommes appuyés sur sa réalité, sur sa population militante, prête à
monter des fêtes. [�…] nous avons voulu aussi que les habitants se réapproprient
leur atouts, soient fiers de leur région, de leur culture populaire. Pour emporter
le morceau, il fallait que les gens sur place y croient. »1
1 Laurent Dréano cité dans « L�’effet fierté », Libération des 11 et 12 décembre 2004, supplément
« Villes »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 49
Section II. La redéfinition du rôle des acteurs locaux
§ 1. La place des acteurs locaux dans le dispositif de Lille 2004
Ce que nous apprend, selon Guy Saez, « l�’expérience des villes, c�’est qu�’il
leur a fallu en permanence chercher à définir [�…] une forme supplémentaire de
leur intervention. Elles l�’ont trouvée avec la notion de développement culturel
qui est au fondement d�’un élargissement de leurs compétences. »1 Pour
atteindre cet objectif, les collectivités locales vont chercher à appuyer la
« démocratisation culturelle », et d�’autre part, « la démocratie culturelle ». Le
premier point que nous avons pu étudier précédemment est donc au c�œur d�’une
tension relative avec cette deuxième option, « mais le poids institutionnel de la
première écrase généralement [celle-ci]. »2 Or, il peut arriver que le phénomène
tende à s�’équilibrer, voire s�’inverser, dans certaines villes. Par un dispositif
rarement égalé en la matière, Lille 2004 aurait permis de dépasser cette
soumission à la démocratisation de la culture.
La gouvernance territoriale des villes est fonction d�’un ensemble de
réseaux d�’acteurs (policy networks) et des liens et relations qu�’ils entretiennent
l�’un à l�’autre. Si Guy Saez reconnaît que leur « identification [puisse] être
malaisée », Lille 2004 a été un instant particulier de polarisation de système
d�’acteurs et de leur institutionnalisation. Les groupes les plus influents au c�œur
de Lille 2004 seront identifiés au prisme de la typologie proposée par Guy Saez.
A. Le groupe municipal
Ce groupe, dans lequel on retrouvera l�’ensemble des élus et des cadres
administratifs locaux, gère « les fonctions de représentation de la ville,
d�’intégration des groupes sociaux, de conflictualité locale et assume, par rapport 1 Guy SAEZ, 2003, op. cit., p. 200 2 ibid.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 50
à ces fonctions, les décisions de politique culturelle. »1 Il est de sa responsabilité
de convaincre conseils généraux et régionaux, l�’administration centrale...
Dans la plupart des villes, les responsabilités en la matière sont en général
assignées à l�’adjoint au maire chargé de la culture et/ou des activités
socioculturelles. Ici, le choix opéré par Martine Aubry de conduire directement
le projet, relègue complètement ces adjoints. « La première magistrate de Lille
s�’est totalement investie dans le projet, et ce dès 1998 et la nomination de la
ville au titre de Capitale Européenne de la Culture »2. Elle a veillé
personnellement à la coordination de certains programmes, à leur articulation,
y compris avec d�’autres domaines d�’intervention de la politique municipale
(aménagement du territoire et urbanisme, enseignement...). La présentation du
bilan révèle clairement la prédominance de son rôle dans le dispositif puisque la
Maire de Lille s�’est exprimée environ 1 heure soit les 2/3 de la conférence de
presse (environ 8% pour Laurent Dréano, 7,5% pour Jean-Michel Stievenard et
17,5% pour Didier Fusiller).
Cependant, la structure associative (« Lille Horizon 2004 ») dans laquelle
s�’est opérée l�’ensemble des choix, tempère cette catégorie d�’acteurs.
Effectivement, l�’association a permis l�’émergence d�’une véritable structure
parallèle au champ décisionnel classique. Le Conseil d�’Administration (CA) de
l�’association, présidée par la Maire de Lille, était composée de 42 membres,
réunis autour de trois collèges (culturel, économique et institutionnel). Au côté
de la structure associative, dont le champ institutionnel ne représentait que 52%
au sein du CA, Martine Aubry s�’est entourée de Laurent Dréano et Didier
Fusiller, avec lesquels « il a fallu convaincre l�’ensemble des partenaires publics
et privés de les suivre dans cette aventure un rien démesurée. »3 A l�’issue de
Lille 2004, ces deux dernières personnalités seront respectivement nommés
Directeur Général adjoint chargé de la Culture à la Mairie de Lille et Directeur
Général de Lille 3000.
1 Guy SAEZ, 2003, op. cit., p. 202 2 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 11 « Aubry (Martine) » 3 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 30 « Fusillier (Didier) »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 51
B. Le groupe central
Le groupe central regroupe l�’ensemble des acteurs et représentants qui ne
relèvent pas des politiques culturelles locales (conseillers de la Direction
Régionale des Affaires Culturelles �– DRAC, fonctionnaires centraux,...). Son
travail est double, puisque tout en s�’appuyant sur la ville pour opérer sa
politique, il réaménage souvent à son profit les innovations opérées dans la ville
pour les redéployer.
Ce groupe a une importance primordiale puisqu�’il travaille
continuellement avec les professionnels du secteur en accordant labels
ministériels et en évaluant la qualité artistique des établissements
conventionnés.
L�’Etat, à travers plusieurs Ministères (Culture et Communication,
Jeunesse, Education Nationale et Recherche, Ville et rénovation urbaine) s�’est
particulièrement engagé au côté du projet de Lille 2004 en concentrant « son
soutien à Lille 2004 sur les actions qui ont un caractère pérenne. »1 Le soutien
financier de l�’Etat « conclu avec le Premier ministre Lionel Jospin et « resigné »
par Jean-Pierre Raffarin »2, des différents Ministres de la Culture (Catherine
Trautmann, puis Catherine Tasca, et après 2002, Jean-Jacques Aillagon,
Renaud Donnedieu de Vabres) est concrétisé par le travail de collaboration avec
les services de l�’Etat (sous la coordination du Préfet de Région), avec le
Ministère de la Culture et de la DRAC.
On pourra affiner cette topologie en intégrant le soutien évident de
l�’Europe, initiatrice de ce projet. D�’un point de vue financier, l�’Union
Européenne a permis de soutenir Lille 2004 par le biais de ses programmes
sectoriels Culture 2000 et Interreg 33, et des Fonds Structurels Européens
classiques.
1 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 25 « Etat » 2 ibid. 3 La Commissaire Européen en charge de l�’éducation et de la culture notant « l�’aspect transfrontalier et
plus particulièrement la constitution du réseau européen des maisons folies », comme il est souligné dans Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 25 « Europe »
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 52
C. Le groupe professionnel
Les administrateurs d�’institutions culturelles et les artistes forment un
groupe homogène ayant des intérêts convergents à défendre ensemble. Chargé
de la production ou de la programmation, il est de leur ressort d�’affirmer leur
singularité, de se démarquer pour gagner en lisibilité. Le bilan réaffirme le fait
qu�’ils « impulsent les idées, l�’énergie, la créativité et le rythme de la Capitale
Européenne ».
L�’équipe Conseil et programmation artistique, emmenée par Richard
Castelli, a eu un rôle majeur de mise en concordance des projets proposés, en
grande partie, par les conservateurs régionaux, Laurent Dréano expliquant que
« Lille 2004 se fait par les artistes et avec les artistes et techniciens du spectacle
et ne pourrait s�’imaginer sans eux. »1
D. Le groupe des amateurs
Plutôt que le public au sens large du terme, les « amateurs » doivent être
appréhender comme les personnes jouant le rôle de « passeurs », des
« prescripteurs » (clubs, fans, défenseurs du patrimoine, comités de soutien aux
institutions culturelles,�…). Les représentants de ce groupe, disposant d�’un accès
privilégié aux responsables politiques, administratifs et techniques, organisent
leur réseau dans toute la ville et peuvent établir des connexions extra-
culturelles.
Les quelques 15.000 ambassadeurs qui ont souhaité s�’associer au projet
ont eu un rôle primordial en la matière, Laurent Dréano de rappeler la« règle de
base : communiquer de l�’information reçue de Lille 2004 en avant-première.
Éventuellement l�’ambassadeur devient agent d�’accueil d�’artistes ou de publics,
encadrant de groupe lors d�’une fête ou fantôme le temps d�’un bal blanc. »2 Le
bilan nous rappelle d�’ailleurs qu�’à « la fin de 2004, certains souhaitent rester en
1 Laurent DREANO, 2004, op. cit., p.8 2 Laurent DREANO, 2004, op. cit., p.6
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 53
contact et soutenir d�’autres évènements et d�’autres territoires. »1
E. Le groupe des coopérateurs territoriaux
Le groupe des coopérateurs territoriaux est peut-être, en l�’espèce, le plus
hétéroclite puisqu�’on y retrouve l�’ensemble des représentants des collectivités
locales qui concourent au projet de Lille 2004. La LMCU, les Conseil Généraux
du Nord et du Pas-de-Calais, le Conseil Régional du Nord �– Pas-de-Calais, les
193 villes (dont 7 belges) et les 15 structures intercommunales (Communauté
d�’agglomération, de Communes, Syndicats intercommunaux) sont largement
mises à l�’honneur au c�œur du bilan.
En vantant leur association, Lille 2004 peut se targuer de cette diversité.
Emmanuel Vinchon, responsable des relations avec les villes et programmation
de projets dans l�’équipe Relations extérieures et projets, a donc du coordonner
l�’implication de ces nombreux partenaires. A l�’inverse, ces collectivités « vont
[aussi] « profiter » de l�’énergie de Lille 2004 pour valoriser leur patrimoine »
De leur côté le rôle des conseils généraux et régionaux et la communauté
urbaine de Lille est souligné dans le bilan. Deux cas de figures peuvent alors être
remarqués : profiter de Lille 2004 pour affirmer de façon plus marquée des
choix déjà opérés (logique de continuité « dynamisante »), ou s�’associer à
l�’évènement pour mettre en valeur le patrimoine (logique de « renouveau »).
Quoiqu�’il en soit, il semble clair que « l�’évènementiel qu�’était Lille 2004 crée les
conditions d�’un travail structurant sur le long terme. On n�’en est qu�’à l�’embryon
d�’une politique culturelle entre les villes dans la métropole. »2
F. Le groupe des investisseurs économiques
Depuis une vingtaine d�’année, les investisseurs économiques ont un poids
sans cesse croissant dans les politiques culturelles. Les représentants de
1 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 5 « Ambassadeurs » 2 Laurent Dréano cité dans Libération, mercredi 16 mars 2005, en page Culture, « Après un an de fête,
Lille a la gueule de bois », p. 33
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 54
l�’industrie culturelle ne se sont finalement pas fortement impliqués, à la
différence d�’une « nébuleuse d�’entrepreneurs dont les intérêts sont liés à
l�’attractivité culturelle de la ville (le secteur économique et le tourisme) et les
mécènes et sponsors divers. »1
Lille 2004 a permis de révéler cette nouvelle forme de financement,
puisque « 17,6% du budget de Lille 2004 provient du mécénat. »2 Les rédacteurs
du Lille 2004, de A à Z, croient d�’ailleurs utiles de rappeler les interrogations du
magazine spécialisé l�’Actualité du Mécénat d�’entreprise : « Est-ce du Mécénat,
du sponsoring, du parrainage ou de tout un peu ? Est-ce une nouvelle forme de
mécénat au service de la régionalisation ? »
Un peu plus de 5% du budget global provient des 5 entreprises qualifiées
alors de « partenaires officiels ». « Au final, et avec la souplesse du dispositif de
Lille 2004 qui offre des projets de natures différentes c�’est donc plus de 80
partenaires (partenaires officiels, partenaires grand projet ou fournisseurs
officiels) qui vont s�’engager, sur des apports variant de 7.000 à 1.100.000
euros. »3
§ 2. L�’utilisation du Bilan de Lille 2004 par l�’élu pour redessiner son rôle
A. Un évènement de grande ampleur pour un budget maîtrisé
L�’ensemble des collectivités locales de la région ont pleinement participé à
la mise en �œuvre de Lille 2004, au même titre que l�’Etat et l�’Union
Européenne :
La Ville de Lille : 8M�€
Lille Métropole Communauté Urbaine : 13,7M�€
Le Conseil Régional du Nord �– Pas-de-Calais : 10,7M�€ 1 Guy SAEZ, 2003, op. cit., p. 204 2 Lille 2004, de A à Z, mars 2005, op. cit., p. 46, « Partenariat » 3 ibid.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 55
Le Conseil Général du Nord : 6,7M�€
Le Conseil Général du Pas-de-Calais : 3,35M�€
L�’Etat et ses différents Ministères (y compris les fonds FEDER) : 13,7M�€
et d�’autres financements en provenance des villes et collectivités de l�’Euro
�– région ainsi que de l�’Union Européenne : 4,5M�€
Enfin, rappelons que le monde économique regroupant 82 partenaires
privés a contribué à hauteur de 17,6%, avec un total de 13M�€.
1
Ces investissements sont un des enjeux majeurs suscités autour de Lille
2004. Parfois incompris par les habitants, et parfois même par une partie de
l�’électorat de Martine Aubry. Il fallait donc montrer de suite que le budget du
projet dans lequel s�’engage les collectivités était certes viable, mais aussi et
surtout tenable voire bénéficiaire, et logiquement, par le biais du bilan,
démontrait que cette ambition était juste.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] Le bilan financier �…apparemment ça a quand même une importance, il n�’y a pas eu de dépassement, ça aussi c�’est�… dans l�’idée du bilan c�’est quand même fondamental parce que �…il y a quelque chose �… c�’est quand même très subjectif ce que je vais dire�… on nous a reproché il y a longtemps�…moi je suis arrivé en 2002 mais c�’était déjà quelque chose que j�’entendais déjà avant d�’arriver à Lille 2004, c�’est qu�’effectivement, les gens [�…] , les gens qui s�’intéressaient un peu à ça ont su très rapidement que Lille 2004 ça allait être un budget très, très important et que ça allait se faire à l�’échelle de la région et à part ça il n�’y avait pas grand-chose qui était connu�…, on savait pour RUBENS, on savait qu�’il y avait l�’idée de grands trucs dans la rue mais, enfin �… on ne savait pas ce que ça allait être exactement , etc�…. mais donc�… il y avait beaucoup de gens qui avaient un avis plutôt critique�… en disant : « on ne sait pas ce que c�’est, c�’est notre argent, etc. etc�….bon puis�… c�’est
1 Lille 2004, indicateurs, mars 2005, op.cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 56
vrai on a communiqué tardivement et puis quand le jour on a communiqué ça était�… brrrr�… un truc, un mastodonte , 120 pages alors les gens on dit « on n�’y comprend rien �… qu�’est-ce que c�’est que tous ces trucs�… oh là là�… les groupes parallèles, les métamorphoses, oh là là�….. [�…] je n�’y comprends rien, à qui ça s�’adresse, encore [�…] �…puis�… au final les gens se sont dit « tous ces trucs là ça va exploser » toutes ces idées de base de Lille 2004, les grands concepts, l�’idée de s�’étendre sur tout le territoire, l�’idée de programmer jusqu�’au dernier moment et d�’avoir quelque chose de plutôt dynamique plutôt qu�’un truc annoncé un an avant et qui soit fixe, au final quand on voit le nombre de billets vendus, le nombre de visiteurs, quand on voit la presse et quand on voit qu�’on a réussi à tenir le budget, le succès il est là. Tout a été tenu, tout ça , ça se tient, finalement tout ça a été logique malgré l�’impression, l�’ impression d�’un espèce de truc qu�’on plaquait comme ça, qui débarquait d�’on ne sait trop d�’où etc. �… [�…] »
« Le ville de Lille en 2004 va mettre cinquante trois millions de francs [soit
environ 8M�€]. [�…] C�’est plus que le budget annuel de la culture. Il y aura le
budget annuel de la culture de toute façon puisqu�’il y a beaucoup d�’équipements
qui dépendent de ça pour leur survie donc ils continueront à fonctionner, mais
en plus on met dans le pot 2004, cinquante trois millions de francs. C�’est un
effort énorme pour Lille. »1 Pourtant, malgré ce risque financier, les collectivités
ont toujours compté sur la dynamique impulsée pour rembourser leurs efforts
(en particulier par les retombées économiques et touristiques). En plus du fait
que la ville de Lille a toujours escompté sur ces retombées, il a toujours été
avancé que pour chaque euro engagé dans le dispositif, le projet bénéficiera de
10 autres euros par les autres investisseurs publics et privés.
En plus de participer à la mise en �œuvre de la capitale européenne de la
Culture, les collectivités ont profité de l�’occasion pour mener à bien de
nombreux projets de réfection, de restauration, de mise en valeur,�… du
patrimoine, mais aussi de réaménagements urbains beaucoup plus vastes et
parfois en décalage explicite avec des visées culturelle stricto sensu.
« De nombreux investissements, qui ne sont pas comptabilisés dans le
budget d�’activité, ont été réalisés à l�’occasion de Lille 2004 : dans le patrimoine
(rénovation de la Porte de Roubaix, de nombreuses églises, etc.), dans la
construction, des maisons Folies, dans les aménagements urbains, avec les
« Ramblas », ou encore dans la réouverture de l�’Opéra de Lille.
1 Catherine Cullen, adjointe à la culture de la mairie de Lille, citée par Edith Pageaux, La culture dans
les politiques publiques : Un enjeux pour les acteurs et les institutions, Mémoire de DEA, Université de Lille 2, 2002, P. 73
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 57
Les financements de ces investissements ont été menés dans le cadre des
procédures de droit commun par chacune des collectivités concernées : villes,
Lille Métropole Communauté Urbaine, Conseil Général du Nord, Conseil
Général du Pas de Calais, Conseil Régional du Nord �– Pas-de-Calais, Etat et
Union Européenne. »1
B. Martine Aubry, nouvelle entrepreneuse de politique locale
L�’accès de Martine Aubry au rang de première magistrate de la ville de
Lille en 2001 a indéniablement suscité une attente auprès de la population. Son
parcours personnel antérieur de cadre politique lui impose une certaine forme
d�’excellence politique. De plus, en rupture avec les mandats de Pierre Mauroy
par son image certes d�’experte mais aussi austère, celle-ci a du créer de la
différence pour imposer sa « marque de fabrique ». Déjà perçue en tant
qu�’entrepreneuse politique, elle se devait de transformer ce constat en
ressource, bien qu�’au-delà de cela, de nombreuses contraintes pesaient sur elle.
Il est important de noter qu�’à de nombreuses reprises l�’équipe de Lille
2004 a tenu à affirmer l�’attachement de Martine Aubry envers eux.
Réciproquement, ceux-ci lui reconnaissent son goût prononcé pour la culture et
son engagement certain à leur côté.
Outre ces considérations culturelles, le projet dans lequel Martine Aubry
s�’est lancé renvoie nécessairement à cette volonté d�’accréditer les desseins qui
sont les siens depuis son installation en tant que Maire. Ainsi, modernité et
démocratie participative sont maîtres mots dans sa gestion de la ville depuis
2001. Par cela, il s�’agit de remodeler son image parfois ternie par ses
expériences politiques nationales passées et idéologiquement marquées.
La culture paraît alors suffisamment consensuelle et transversale pour
polir les traits durs de sa personnalité qui lui sont reprochés et créer, autour
d�’elle, un certain élan commun « apartisan ». En clair, il fallait casse avec
1 ibid.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 58
l�’image « de femme carrée et tranchante qui n�’aime guère la contestation et qui
a réponse à tout. »1
Si l�’objectif fixé a été, en grande partie, de « redorer le blason » de Lille et
de sa Région, serait-il cependant illusoire de croire que tout cela était dénué de
toute volonté de Martine Aubry d�’en tirer bénéfice quant à son image.
(Extrait d�’entretien de Laurent Tricart)
« [�…] oui, et de toute façon c�’est�… moi j�’ai aucun scrupule à dire Lille 2004 ça a été aussi une promotion à l�’échelle d�’une ville, d�’une région après il y a des gens qui vont dire « est-ce que les artistes n�’ont pas servi à ça » pour moi les artistes n�’ont pas servi à ça. Les artistes ont eu toute latitude pour créer, il y a eu un évènement culturel, seulement cet évènement dépasse le cadre culturel. [�…] »
Le rôle pris par Martine Aubry auprès des médias dans l�’ensemble de
l�’opération est clairement significatif de cette démarche de revalorisation,
jusqu�’au bilan qui l�’a largement propulsé sur le devant de la scène. Une grande
partie de la présentation du bilan aux journalistes a d�’ailleurs permis de mettre
en valeur de façon plus prononcée les résultats sur la seule ville de Lille. Ainsi,
en faisant preuve d�’une certaine ubiquité auprès des médias, Martine Aubry a
pu développer un « optimum d�’extériorité territoriale » selon C Le Bart, lui
permettant dès lors de s�’affirmer sur la scène politique régionale, « de lui
donner une visibilité médiatique. Lille devient la vitrine du travail de
« proximité » de Martine Aubry qui apparaît en prise, à Lille avec le
« terrain ». »2 Parallèlement, et alors que l�’on remarque l�’implication croissante
de la Maire de Lille, on remarque que peu d�’autres projets pouvaient lui paraître
suffisamment porteurs et appropriables. En conséquence, l�’extraordinaire
labilité du label de « capital européenne de la Culture » a pu être saisi en tant
que justificateur du choix de Lille 2004 pour la ville. Par le passé, chaque
« capitale » avait pu mettre en avant diverses formes de cultures par différents
procédés. C�’est donc en associant les dits procédés, que Martine Aubry a pu
dépasser le cadre de la seule culture démocratisée.
Lille 2004 est donc bien plus qu�’un simple événement culturel classique.
Le dispositif a regroupé environ 2.200 manifestations dont plus du 1/3 pour la
seule ville de Lille. Comme nous avons pu le constater, le rôle strictement
1 Portrait de la Maire de Lille retranscrit dans Le Monde du 17 mars 2005 2 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 59
démopédique de Lille 2004 a peu à peu était mis à la marge au profit d�’objectifs
marketing pour le territoire lillois. Martine Aubry semble avoir eu la conviction,
tout au long du dispositif, que la culture peut servir de « ciment » dans la
mobilisation de l�’ensemble des acteurs locaux. « Martine Aubry, en dehors de
l�’artistique, ce qui l�’intéresse c�’est que tout cela tienne, ce qui l�’intéresse c�’est la
forme parce que c�’est vrai que cela part dans tous les sens, elle tient le cap, elle
fait que tout cela passe le mieux possible. Elle recherche l�’équilibre dans le
déséquilibre. Sur l�’artistique, elle a confiance. Ce qu�’elle fait c�’est qu�’elle pilote
les choses, elle veut tout savoir. Elle produit de la cohérence. C�’est elle qui
donne la vision générale, quoi, pour que cela tienne. Le rapport au public
l�’intéresse beaucoup, elle y est très sensible. C�’est elle qui a mis la pression pour
améliorer la billetterie, pour que les expos soient moins chères pour les familles
notamment. Elle insiste aussi beaucoup sur la mise en réseau permanente et le
participatif, qui sont deux concepts complètement centraux dans Lille 2004. »1
Ainsi, en s�’appuyant sur le procédé du label européen culturel, Martine
Aubry apparaît comme ayant constamment cru qu�’il était possible de forger une
nouvelle vision collective et consensuelle en drainant des acteurs dont l�’origine
paraissait pourtant pléthorique, en bref, d�’emmener dans un seul et même élan
des acteurs aux origines et aux objectifs variables pour un seul et unique dessein
partagé.
Dans cette dynamique, Martine Aubry trouve désormais un rôle de
passeur, qui bien qu�’intermédiaire entre de multiples tensions, reste néanmoins
celle qui décidera in fine.
1 Rémi LEFEBVRE, 2004, op. cit.
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 60
Conclusion
Le bilan de Lille 2004, procédé relativement atypique d�’évaluation par
l�’absence d�’extériorité et le faible recoupement des méthodes utilisées, révèle en
lui-même ce que l�’évènement de Lille 2004 a pu être. En l�’occurrence, en
cherchant constamment à démontrer que les choix opérés correspondaient aux
attentes tacites de la métropole Lilloise et de ses habitants, on pourrait
appréhender Lille 2004 comme une forme de prospective par laquelle la Culture
servirait de prisme nécessaire à la proposition de desseins pour le nouvel élan
d�’une agglomération. Dynamisme territorial, des lillois et des nordistes,
dimension participative,�… tout cela n�’aurait alors pu être envisagé que dans une
optique de Culture de consensus que l�’ambition du projet aurait réussi à assurer.
Le choix de se lancer dans le projet de capitale européenne de la Culture a
constamment était envisagé comme tremplin pour l�’avenir. « Surtout ne pas en
rester là ! » (France 3 régional du 16 mars 2005), « préparer le Monde de
demain » (Nord Eclair du 17 mars 2005), pour les plus enthousiastes ;
assurance de « pérennité des actions initiées et des structures inaugurées » (Le
Monde des 20 et 21 mars 2005) pour d�’autres plus pragmatiques ; beaucoup
plus désastreux (ou pour le moins inquiet) pour d�’autres, dans tous les cas
l�’avenir de Lille 2004 ne laissait personne indifférent, ni pour les habitants pour
qui, après un an de fêtes, il n�’existerait plus rien, si ce n�’est « une culture en
panne », ni pour les structures culturelles1, ni pour le paysage politique local qui
s�’est redessiné en partie autour d�’une gouvernance culturelle atypique.
Pour répondre à cette attente, l�’association « Lille 3000 » a pris le relais de
« Lille Horizon 2004 » pour continuer à tracer un projet pour Lille autour de la
Culture, cette fois sur trois pôles : le textile et l�’habillement dans une logique
persistante de (re)valorisation du patrimoine local ; la santé, la longévité,�… en 1 Ainsi la Condition Publique de Roubaix a pendant longtemps vu son avenir hypothéqué par une
rigueur budgétaire post-2004
LE BILAN DE LILLE 2004 · Technique et enjeux d'une évaluation de politique publique culturelle · p. 61
bref, le bien-vivre, en faisant clairement référence à la volonté de bâtir un pôle
biotechnlogique dans la métropole lilloise ; et enfin, le multimédia (NTIC,
image, son,�…). C�’est autour de ces trois nouveaux axes que se déclineront
désormais les évènements sur des thématiques trimestrielles. Beaucoup plus
marqué politiquement et économiquement, le projet de développement culturel
au service du développement économique et social semblerait-il aujourd�’hui
pleinement assumé par la nouvelle équipe de « Lille 3000 : la nouvelle machine
à rêver » ?
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Bibliographie
OUVRAGES
Chazel (François), Pratiques culturelles et politiques de la culture, Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux/MSHA, 1987
Donnat (Olivier), Tolila (Paul), Le(s) public(s) de la culture, Paris : Presses de Siences Po, 2003
Dubois (Vincent), La politique culturelle. Genèse d'une catégorie d'intervention publique, Paris : Belin, 1999
Faure (Alain), Négrier (Emmanuel), La politique culturelle des agglomérations, Paris : La documentation Française, Observatoire des politiques culturelles, 2001
Friedberg (Erhard), Urfalino (Philippe), Le jeu du catalogue. Les contraintes de l'action culturelle dans les villes, Paris : La Documentation française, 1984
Montfort (Jean-Michel), De Varine (Hugues), Ville, culture et développement, L'art de la manière, Paris : Syros, 1995
Moulinier (Pierre), L'évaluation des politiques publiques culturelles locales, éléments pour la réflexion et l'action, Paris : La Documentation française, 1994
Perret (Bernard), L�’évaluation des politiques publiques, Paris : La découverte, coll. Repères, 2001
Urfalino (Philippe), L�’invention de la politique culturelle, Paris : Hachette Littératures, coll. Pluriel, 2004
ARTICLES ET PERIODIQUES
Lefebvre (Rémi), « Rôles, identité et habitus dans l'action publique. Martine Aubry et Lille 2004, capitale européenne de la culture », non publié à ce jour, 2004
Rioux (Jean-Pierre), Sirelli (Jean-François), « Les politiques culturelles Municipales : éléments pour une approche historique », Paris : CNRS, Les Cahiers de l�’Institut d�’Histoire du Temps Présent, n°16, septembre 1990
Saez (Guy), « Les politiques de la culture », in Traité de Science Politique, Grawitz (M.), Leca (J.), Paris : Presses Universitaires de France, 1995
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COLLOQUES
Lefebvre (Rémi), « Rôles, identité et habitus dans l'action publique. Martine Aubry et Lille 2004, capitale européenne de la culture », non publié à ce jour, Lyon, 2004
AUTRES PUBLICATIONS
Lille 2004, de A à Z, brochure éditée par l�’association « Lille Horizon 2004 », mars 2005
Lille 2004, indicateurs, brochure éditée par l�’association « Lille Horizon 2004 », mars 2005
Bilan 2004, Projet 2005, bilan édité par « la Condition Publique », Maison - folie de Roubaix, octobre 2004
Etude de tourisme pour l�’année 2004, édité par la Chambre de Commerce et d�’Industrie de la Métropole Lilloise
MEMOIRES
Bussière (Aurélie), L�’évaluation des politiques culturelles, entre rationalisation et démocratie, Mémoire de DESS, Université Lumière de Lyon 2, 2002
Pageaux (Edith), La culture dans les politiques publiques : Un enjeux pour les acteurs et les institutions, Mémoire de DEA, Université de Lille 2, 2002
RAPPORTS
Viveret (Patrick), L�’évaluation des politiques et des actions publiques, Rapport au Premier Ministre, Paris : La documentation française, juin 1989
CIRCULAIRES ET DECRETS
Circulaire du 27 mai 1988 relatif au respect de la société civile, le droit des usagers vis-à-vis de l�’administration
Circulaire du 23 janvier 1989 relatif au renouveau du service public
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Circulaire du 23 février 1989 relatif au renouveau du service public
Décret n°90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l�’évaluation des services publics
Décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relative à l�’évaluation
Circulaire du 28 décembre 1998 relative à l�’évaluation
Circulaire DIV n°2000-557 du 13 novembre 2000 relative à l�’évaluation
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Annexes
Entretien avec Laurent Tricart, concepteur, rédacteur et réalisateur graphique de « Lille 2004, de A à Z »
Lille 2004 ou la culture comme moteur de transformation d�’un territoire, par Laurent Dréano, Coordinateur Général de Lille 2004
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ENTRETIEN AVEC LAURENT TRICART �– EQUIPE LILLE 2004, CHARGE DE COMMUNICATION �–
LE 01 MARS 2005
La conversation a été enregistrée au siège de « Lille 2004 », après 15mn environ d'entretien.
Tout d'abord, vous a-t-on fourni un cahier des charges, des consignes quant l'élaboration du bilan ?
Non �… tu parles de la structure Lille 2004
Evaluation n�’est peut être pas le terme adéquat�… est-ce que l�’on vous a donné quelques consigne, des axes de travail ?
Non, �… comment dire à part la tutelle financière et sauf pour nos partenaires, il faut qu'on fasse état de leur soutien et des manifestations qui ont été particulièrement soutenues. Il n'y a pas de cahier des charges qui, émanerait de l'Europe ou de je ne sais qui en terme de bilan euh�… J'ai envie de dire que le cahier des charges a été donné, entre guillemet par exemple par la presse qui pose régulièrement les mêmes questions. Il y a des choses qui relèvent d'un cahier des charges, mais qui est un peu ... mais qui n�’est pas un cahier des charges.
Implicite ?...
Oui, voilà un peu fantôme ; qui est effectivement : « quel a été le nombre de visiteurs ? », « d'où viennent ces visiteurs ? », etc. etc., mais on n'a pas eu de cahier des charges précis. Après, le cahier des charges que l'on s'est fixé en interne, c'est simple il a été effectivement...,c'est ce qu'on a appliqué depuis qu�’il y a de communication « Lille 2004 », c'est faire état de tous les soutiens, de toutes les structures partenaires qu'elles soient : structures institutionnelles, structures culturelles, structures privées, de faire état de l'importance qu'elles ont eu dans l'évènement « Lille 2004 », et puis après, grosso modo, ça a été de défendre les concepts propres à « Lille 2004 » c'est-à-dire : les grandes fêtes, les mondes parallèles, qui étaient les week-end thématiques, les métamorphoses, tout ce qu'on a créé, qui a été crée, dans la rue, dans les rues, les maisons folies qu'on a ouvertes... Donc, voilà notre cahier des charges il était comme ça, mais y a pas de ... Chaque capitale européenne de la culture a fait grosso modo comme elle le souhaitait. Après y a des choses qui relèvent de ce qu'on peut appeler un bilan moral, c'est à dire effectivement ... On est dans l'obligation de rendre un bilan financier mais là c'est encore autre chose. C'est à dire qu'effectivement, comme on est une association soutenue etc., on se doit de rendre un bilan financier pour justifier tous les centimes d'euros qui ont été dépensés. Ca c'est voilà... On se doit de le faire. Ca on est en train de le faire, ce sera pas fini tout de suite parce que ça dépend aussi de nos partenaires culturels, mais ça on se doit de le faire mais pour ça y pas de soucis : c'est un bilan financier. On est en mesure logiquement de passer à travers le contrôle de la Cour Régionale des Comptes. Ce qui est une sorte de cahier des charges finalement.
Bon, moi je suis impressionné, je ne suis pas Lillois, je viens d'assez loin, et je suis arrivé ici alors que l'idée de « Lille 2004 » était en train de germer. J'avais aucune notion de la vie politique locale, et je repense aux propos de certains membres de la future majorité municipale, et y avait déjà des interrogations sur l'intérêt de [...] Je repense à Eric Quiquet des Verts qui s'interrogeait vraiment sur l'aspect ponctuel de « Lille 2004 », si ça répondait vraiment à un objectif, etc. Et voilà, aujourd'hui c'est terminé, est-ce qu'on peut, a posteriori, dire qu'il y avait vraiment un intérêt à organiser cet événement ?
Oui ! L'intérêt pour moi il est que ... depuis, grosso modo, une vingtaine d'années notamment sous l'impulsion de Pierre Mauroy, y a eu la volonté de révéler cette espèce de position stratégique, un peu unique d'une ville au coeur de l'Europe. C'est un discours qu'on entend depuis 20 ans, qui, à force peut être lassant, mais qui néanmoins est basé sur une stricte réalité. Et depuis plus de 20 ans, y a eu énormément d'efforts qui ont été fait par l'ensemble des collectivités publiques ici et par aussi les acteurs économiques pour revaloriser cette région qui, notamment, en rappelant qu�’elle est coincée entre Londres, Bruxelles et Paris. L'évènement « Lille 2004 », ça a été, comment dire... ça a été une preuve supplémentaire de ce positionnement géographique, mais aussi du dynamisme de sa population, de cette capacité qu'ont, justement, les acteurs politiques
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et économiques de se serrer les coudes et à avancer tous ensemble tête baissée. Et c'est vrai, « Lille 2004 » ça a révélé tout ça. Ca, c'est une première chose : y a ... on peut le voir de plein de manières... Soit... Pour moi, c'est avant tout un nouveau visage de Lille qu'on a renvoyé à l'extérieur. On peut dire autrement, on peut dire simplement que « Lille 2004 » ça a été aussi au-delà de l'évènement culturel, c'était une campagne de communication, comme y en a rarement eu pour défendre cette région.
Est-ce que ce n'est pas aussi une nouvelle image ou c'est juste révéler celle existante ? Je ne sais pas, je fais une nuance là... mais ça ne ferait pas ressortir les traits sur lesquels on avait envie d'appuyer ?
Ben il y a quand même beaucoup de gens, et notamment en France, qui étaient encore persuadés que le Nord c'était gris, c'était triste, c'était mort, c'était... [Je souris] Non non ! Mais je crois qu'il faut des fois ré enfoncer des portes ouvertes ! Mais y a encore énormément de gens, c�’est vrai, qui ont encore cette image et nous on l'a constaté dans l'année parce qu'il y a eu un phénomène qui nous a ... légèrement dépassé, c'est à dire que par rapport à la communication on a énormément communiqué en amont sur l'international, sur l'extérieur de la région, et sur l'intérieur de la région, mais il y a une dimension qu'on avait pas beaucoup travaillé qui était la dimension nationale. Et ça, chez nous, c'est un peu venu tout seul et c'est notamment venu grâce à la presse et tout particulièrement grâce à une émission de France 3 qui s'appelle Des racines et des ailes. Et, à partir de ce moment là, on a vu énormément de gens venir des autres régions françaises. Et on a rencontré dans les lieux de « Lille 2004 », j'en avais fait l'expérience, des gens qui nous disions « Ha, c'est incroyable, on était venu à Lille il y a 20 ans... On avait un sale souvenir, on a vu l'émission à la télé, on s'est dit « tiens, ça a plus l'air d'être la même ville , donc on est venu voir... Ha c'est extraordinaire ! ». Moi, je me souviens avoir croisé quelqu'un qui était... je l'ai croisé au « Tri Postal », où à l'époque mon bureau était installé là-bas, quelqu'un qui était entre deux trains. Elle venait de faire Paris Lille et après elle allait faire Lille Bruxelles, elle était entre deux trains. Ca ne devait pas être Paris Lille... Elle avait entendu parler de « Lille 2004 » et elle en profitait pour faire un petit tour au « Tri Postal », donc elle en avait entendu parler. Elle avait une heure... Et donc moi je lui dis que c'est dommage de ne pas rester. Et elle me répond : « Ha, si, si, si ! Mais je vais revenir : je suis persuadé que c'est fabuleux ! Là, je profite justement pour découvrir » [entretien interrompu par une collègue de M. TRICART sur le départ] Oui donc, l'intérêt... Le premier intérêt, c'est qu'on a changé l'image de la région ; en tout cas on a énormément participé au changement d'image de la région qui est là depuis... On vient pour appuyer les efforts qui sont créés depuis 20 ans. Donc après, du coup, il y a un afflux de touristes : ça, ça a un intérêt économique. Parce que logiquement, le tourisme en 2004, c'est synonyme de... et c'est en train de se confirmer petit à petit même si on est pas dans les mois les plus évidents pour le tourisme, logiquement ça devrait continuer à se confirmer en 2005, 2006, etc. normalement voilà : on a vraiment ouvert les portes à quelque chose qui avait commencé avant, faut pas... Les touristes, ça fait quelques années qu'on voit pas mal de touristes étrangers venir à Lille, mais là tout d'un coup... voilà, en une année on fait un sacré score ! Ca, c'est un premier intérêt. Après, y a des choses qui participent du même effet.
Y a un autre effet c'est... On a, par rapport à la population locale, on a quand même aussi révélé un dynamisme culturel qui existait avant. Là, y a quand même des gens de la région, qui pour la première fois peut-être, ou en tout cas, des gens qui n'en profitait énormément pas, se sont dit : « Ha bah, c'est vrai que j'ai une scène nationale qui me propose des pièces de qualité à côté de chez moi, j'ai des musées, etc. » Donc, tout à coup, on a aussi contribué à encore plus révéler une offre culturelle qui est quand même très très riche dans la région : on est l'une des régions les plus riches dans ce domaine là. Mais en plus, on est venu enrichir cette offre en ouvrant les « Maisons folies », en ouvrant le « Tri postal », et je crois réellement qu'on a créé une ... on a révélé une soif, une envie de culture. De la même manière que le tourisme, je crois qu'en 2005, 2006, etc. ça va avoir un effet sur le long terme. Y a des gens qui jusque là se disaient peut-être : « La culture c'est pas pour moi », et puis là, tout à coup se disent : « Ca me plaît de rentrer dans un lieu d'exposition, ça me plait d'aller voir des spectacles,... » Donc, là, ça a un autre effet important. Après, y a... on a changé l'image de la région par rapport à l'extérieur. On a développé l'offre culturelle, et on a révélé la richesse culturelle.
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Je pense qu'on a aussi changé l'image de la région, au moins, chez les gens de la région : y a aussi une fierté. Ca c'est [...] Moi j'étais surpris, quand je suis arrivé ici, fin 2002. Au tout début j�’ai commencé�…, pendant quelques semaines je me suis occupé des ambassadeurs, qui sont des bénévoles�… qui se sont... les ambassadeurs, ce qu'ils m'ont révélé, dans les contacts que j'avais avec eux, c'est... grosso modo, y avait deux types d'ambassadeurs : les jeunes et les gens plus âgés. Enfin y avait des moins de 35 ans et plus de 35 ans... Les moins de 35 ans, ils avaient la volonté de participer à un événement. Alors, pour chez les plus jeunes d'entre eux, on va dire les 18-25 ans, y avait des étudiants qui se disaient « peut-être que ça va m'apprendre un métier, que ça va m'apprendre des choses qui vont me servir plus tard ». Y avait, on va dire, les 25-35/40, qui disaient « moi ça m'intéresse de participer à un événement culturel ». Et puis, y avaient ceux, au-delà de 40 ans, 35/40 ans, qui souvent disaient : « C'est pas forcément l'évènement culturel qui m'intéresse ; ce qui m'intéresse c'est de changer l'image de ma région et de participer à changer l�’image de la région. Je ne sais pas ce qui va être programmé, j'ai vaguement lu des trucs, je ne sais pas si ça m'intéresse,... mais moi j'ai envie de participer à cet effort là et tout ce qui peut changer l'image de la région est bon pour la région. » Et ça, ça a révélé le besoin qu�’avaient certaines personnes dans la région qu'on change l'image de la région, et je crois qu'on l�’a fait. Et du coup, on a participé un peu à [�…] avec des gens qui disaient : « bah, moi, je suis fier d'habiter ici ! ». Alors, ça, après, les gens l'ont vécu sur le moment, ils pour certains très fiers que l'on parlait Anglais, Espagnol, Flamand,... au coin de la rue. Ca, c'est quelque chose qui va avoir un effet sur la longueur. Ca ne change pas les réalités de la vie au jour le jour, simplement, voilà, il se trouve que quand les gens ouvrent leur journal et entendent parler de leur ville...
Oui, ça valorise...
Il y a quelque chose de valorisant, mais ça, à mon avis, ça va avoir des effets mais très diffus, qu�’on ne peut pas, c'est des choses qui ne sont pas...
Qui ne sont pas quantifiables ?...
(Il acquiesce) Qu�’on ne peut pas quantifier. �… Nous, il ne faut pas qu'on en rajoute trop là dessus, parce que c'est vrai qu'il n' y a pas que ça qui va rendre les gens fiers de leur région. Bon, moi j'estime, d�’un point de vue personnel, qu'il ne faut pas, être trop fier de sa région et ne pas devenir chauvin... mais bon, voilà, simplement, ça on l'a senti. Et moi je l'ai senti à travers le regard des gens qui se sont investis dans l'évènement, les bénévoles qui ont prouvé que y avait une soif de ça. Il y avait vraiment l'envie d'être fier et le discours sur Lille 2004 était de dire « tout d�’un coup, c�’est le monde entier qui va débarquer parce qu�’il va y avoir des articles du monde entier , mais si en plus les chose se passent bien il va y avoir des gens, des visiteurs du monde entier qui vont débarquer » voilà�…les gens ont pris les choses au mot et se sont dit « j�’espère qu�’il va y avoir çà, parce que comme ça je serai fier d�’être là et j�’aurai, peut-être des rencontres à faire et j�’aurai une histoire à raconter à des gens et ça, ça fait partie, à mon sens du bilan ; mais�…c�’est difficilement quantifiable.
Est-ce que tu estimes que ce côté-là, qui change un peu la perception de la région, était un objectif initial ?
Oui �… j�’en veux pour preuve qu�’il ne faut pas oublier la genèse de Lille 2004 qui, avant d�’être Lille 2004 capitale européenne de la culture, a été Lille 2008 Jeux Olympiques. Les deux projets se sont suivis et ce sont les mêmes personnes qui ont poussé à ce qu�’il y ait une candidature aux Jeux Olympiques qui ont poussé à ce qu�’il y ai une candidature au titre de capitale européenne et que pour ces personnes, ou une partie des gens qui ont poussé à cette candidature, il n�’y avait pas de �… ce n�’était pas des gens qui avaient comment dire avait une soif de �…de dynamisme culturel en tant que tel, c�’était des gens qui avait envie de changer l�’image de cette ville.
Et de créer [�…]
Tu disais simplement, il y avait un calcul qui était juste de dire : cette région est déjà riche culturellement on n�’aura pas trop de difficultés à construire quelque chose qui soit un peu dynamique. La grande �… après il y a eu un phénomène très important dans LILLE 2004 qu�’il ne faut perdre de vue c�’est la première capital européenne de la culture qui est à l�’échelle d�’une région et de surcroît d�’une euro région, jusque là tout était cantonné sur une ville et çà c�’est important. Je crois que ça explique aussi le succès,
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parce que ça à aussi forcé, enfin �… entraîné les gens de Dunkerque à venir à Lille pour voir ce que c�’était et inversement puisqu�’il y a quand même euh�…les Lillois se sont aussi déplacés dans les villes de la métropole, mais aussi dans la région pour aller découvrir d�’autres évènements, donc ça aussi c�’est bon le déplacement à l�’intérieur d�’une région.
Après, je n�’ai aucune idée du déplacement, par contre, à travers, au delà de la frontière ; le rapport�… les visiteurs, les touristes belges ont été très nombreux sur Lille intra-muros et plus globalement sur la région.
Je ne sais pas trop, j�’ai constaté de visu, lorsque j�’ai été voir des choses à Tournai j�’ai vu des têtes lilloises que je connaissais et pas forcement des professionnels, voilà des gens que j�’avais croisé�….après l�’échange des populations de Lille vers la Belgique sur des évènements qui se sont passé en Belgique [�…] Mais tout me fait dire qu�’une grande partie de ces choses là n�’est pas quantifiable.
Donc grosso modo, notre méthode est de dire : on a des chiffres de visiteurs parce que l�’on a des chiffres d�’entrées dans les expositions, dans les spectacles, on a des estimations officielles sur le nombre de gens présents sur des manifestations, sur des grandes fêtes tant à Lille que dans la région, donc on a, finalement, un chiffre global de visiteurs. On a le nombre de billets vendus, parce qu�’il y a une nuance entre les deux, puisqu�’il y a des évènements gratuits. Donc ça c�’est quantifiable. On a le tourisme, on a le nombre d�’évènements, etc. etc. on a des choses quantifiables et après on a le subjectif.
Donc grosso modo, la méthode est de se faire croiser les deux, on n�’a pas d�’autres méthodes possibles pour faire le bilan si ce n�’est la 3ème chose qui est quelque chose de parallèle : c�’est le bilan financier �…apparemment ça a quand même une importance, il n�’y a pas eu de dépassement, ça aussi c�’est�… dans l�’idée du bilan c�’est quand même fondamental parce que �…il y a quelque chose �… c�’est quand même très subjectif ce que je vais dire�… on nous a reproché il y a longtemps�…moi je suis arrivé en 2002 mais c�’était déjà quelque chose que j�’entendais déjà avant d�’arriver à Lille 2004, c�’est qu�’effectivement, les gens [�…] , les gens qui s�’intéressaient un peu à ça ont su très rapidement que Lille 2004 ça allait être un budget très, très important et que ça allait se faire à l�’échelle de la région et à part ça il n�’y avait pas grand-chose qui était connu�…, on savait pour RUBENS, on savait qu�’il y avait l�’idée de grands trucs dans la rue mais, enfin �… on ne savait pas ce que ça allait être exactement , etc�…. mais donc�… il y avait beaucoup de gens qui avaient un avis plutôt critique�… en disant : « on ne sait pas ce que c�’est, c�’est notre argent, etc. etc�….bon puis�… c�’est vrai on a communiqué tardivement et puis quand le jour on a communiqué ça était�… brrrr�… un truc, un mastodonte , 120 pages alors les gens on dit « on n�’y comprend rien �… qu�’est-ce que c�’est que tous ces trucs�… oh là là�… les groupes parallèles, les métamorphoses, oh là là�….. [�…] je n�’y comprends rien, à qui ça s�’adresse, encore [�…] �…puis�… au final les gens se sont dit « tous ces trucs là ça va exploser » toutes ces idées de base de Lille 2004, les grands concepts, l�’idée de s�’étendre sur tout le territoire, l�’idée de programmer jusqu�’au dernier moment et d�’avoir quelque chose de plutôt dynamique plutôt qu�’un truc annoncé un an avant et qui soit fixe, au final quand on voit le nombre de billets vendus, le nombre de visiteurs, quand on voit la presse et quand on voit qu�’on a réussi à tenir le budget, le succès il est là. Tout a été tenu, tout ça , ça se tient, finalement tout ça a été logique malgré l�’impression, l�’ impression d�’un espèce de truc qu�’on plaquait comme ça, qui débarquait d�’on ne sait trop d�’où etc. �… tout ça s�’est révélé logique .Aujourd�’hui moi je constate quand même, je l�’ai constaté dès la fin de l�’année 2004 chez les gens qui d�’habitude, par habitude étaient très critique vis-à-vis de Lille 2004, et ce depuis longtemps, finalement voilà �… tout le monde commence à admettre que « ah ben oui, ben oui �… c�’était bien, ah il y a eu du bon, oh mais ça, ça n�’a pas plu, ben oui ça c�’est purement artistique, ça plait ou ça ne plait pas », on ne va pas demander aux artistes de faire autre chose même si �… donc là moi tout le boulot sur le bilan que je fais depuis plusieurs semaines c�’est�… grosso modo�…j�’essaie de raconter ça. Essayer [�…] c�’est raconter, raconter c�’est [�…] le territoire, les ambassadeurs et ne as se cantonner à quelque chose un bilan objectif, quantifiable perce que ça n�’a pas énormément d�’importance
Ca n�’a pas vraiment d�’intérêt dans le cadre de la culture
Venir dire il y a eu autant de milliers d�’évènements, ça n�’a pas de sens si on n�’explique pas plein de choses, si on n�’explique pas plein de choses, si on n�’explique pas qu�’effectivement on a collaboré avec des centaines de structures culturelles, ça n�’a pas de
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sens si on n�’explique pas, si on ne répète pas �…ad vitam eternam que ça s�’est fait sur toute la région voire sur une euro région. Ca n�’a pas de sens si on ne rappelle pas qu�’il y a eu 12 maisons folies qui ont ouvert en mars, qui ont eu chacune une programmation très riche, �…ben voilà il faut raconter l�’histoire pour que, pour qu�’il y ait un bilan qui soit compréhensif et lisible. Alors on a fait ce choix-là : raconter une histoire à travers un abécédaire.
[Entretien inaudible de la Minute 24.16 à Minute 26.22]
Globalement ça a été un petit�… pour ces publics qui a priori n�’étaient forcément apte à assimiler un tel projet, finalement leur donne, un petit peu, les éléments de clarification pour leur monter que �… c�’était...
Oui, oui
Attention le bilan qu�’on fait n�’est pas destiné au grand public, c�’est la presse qui va s�’en faire l�’écho
Mais ils vont le voir dans la presse ?!...
Effectivement�… qu�’est ce que l�’on devait faire : éditer un document à quelques milliers d�’exemplaires�…pour être diffuser�…. On va dépenser quelques millions d�’euros pour faire ça, donc dépenser quelques millions d�’euros pour leur dire vous voyez c�’était bien�… c�’est pas logique moi je pense après �… là c�’est un peu prétentieux ce que je vais dire�…. dans l�’absolu, je trouve que dans l�’évènement Lille 2004 ,qui est quelque chose d�’un peu marquant, dans l�’idée de transparence, on a un budget qui était de plus de 73 millions d�’euros, c�’est un chiffre énorme�… on se doit d�’être transparent c�’est de l�’argent public, à plus �…de 89% c�’est de l�’argent public de l�’argent public. La particularité, l�’une des particularités de Lille 2004 par rapport à pas mal autres évènements culturels c�’est que �….à travers nonobstant les grandes fêtes comme les métamorphoses cet argent s�’est, parce qu�’il était dans la rue. Evidemment quand on organise une fête comme les géants, si on prend le citoyen « lambda » qui regarde la fête des géants de début juillet, qu�’on lui dit : combien ça coûte ; d�’après toi combien ça coûte l�’organisation , il sera incapable , et c�’est normal, tout à fait normal, simplement il sait qu�’il y a 230 géants qui sont dans la rue�… peut être qu�’il a vu dans la presse que ça demande la présence à Lille pendant le week-end de 5000 personnes, il se doute que ça a un coût et il y a toujours eu la volonté dans Lille 2004 d�’être un évènement qui était à la fois dans�… on va dire la culture populaire, dans la culture dans la ville, ça c�’est les métamorphoses, l�’accessibilité à la culture immédiate et puis�…en même temps qui soit avec, on va dire la crème de la crème en terme de créateurs du monde entier, tout ça , ça c�’est passé à travers�… je ne sais pas�… à travers les chorégraphes qui viennent du Japon, de Montréal ; comme les musiciens qui viennent de New York, comme etc. etc�…. et donc on a fait du très pointu�… on a fait�… des choses on va dire qui sont dans l�’ordre, moi j�’appellerai d�’une culture grand public, par exemple l�’exposition sur les robots au tri postal et on a fait, on a travaillé sur des évènements qui relevaient d�’une culture populaire en plus d�’une culture locale. On a fait les géants, la fête des faillasses c�’était en hommage au passé espagnol de Lille, mais c�’est pas une fête qui s�’est jamais déroulée à Lille, mais c�’était dans la rue, c�’était les gens des quartiers qui avaient construits les fallas puis après on « fout » le feu, et voilà �… et donc on a toujours été dans une sorte de grand écart, on a oublié personne, on a oublié aucune discipline, on a travaillé tout ça�… et dans tout ce qui s�’est fait il y a une partie qui visible, accessible à tous qui était�… qui ne nécessitait pas de rentrer dans un lieu qui pouvait faire peur, d�’acheter un billet ou d�’acheter un « pass » ou de faire la queue�… et bien voilà�… il y avait de l�’immédiatement accessible et je crois, moi j�’ai le sentiment , ça c�’est un ressenti personnel, c�’est qu�’il y a des gens qui n�’ont pas aimé la [�…] , n�’empêche que les gens l�’ont vue , les gens l�’ont vue et les gens ont vu la proposition. Il y a probablement des gens qui ont réagi en disant « oh là là moi ça ne me plait pas , c�’est Lille 2004, font chier, mes impôts�… euh�… il m�’énerve » en tout cas la personne a vu, la personne a vu et peut émettre un avis et on donne, et on lui donne la possibilité de se positionner par rapport à Lille 2004 ce qui n�’est pas toujours le cas dans les grands évènement culturels de l�’année�… et on remarquera quand même que la tendance lourde aujourd�’hui c�’est, ça fait longtemps, notamment avec le théâtre de rue, effectivement on va de plus en plus dans la rue. « Libération » notait, à juste titre, grosso modo, quels sont les grands évènements culturels qui ont marqué les esprits : c�’est Lille 2004, c�’est la nuit blanche à Paris, c�’est la fête des lumières de Lyon�… grosso modo voilà �… c�’est la fête
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où l�’on rend la culture accessible, la culture de tous pour tous dans le sens [�…] Mais ça ne doit pas empêcher de faire des choses, d�’accueillir des artistes qui sont dans des choses beaucoup plus pointues. Mais je pense que les maisons folies, tout ce que l�’on a raconté sur les maisons folies, ça a participé aussi �… à une accessibilité parce qu�’il y a eu beaucoup d�’évènements dans les maisons folies qui ont été gratuits ou pas chers , parce que les maisons folies sont dans les quartiers , elles sont�… et puis le fait de les appeler comme ça �…c�’est des maisons folies�… c�’est des lieux comme il n�’y en avait plus, comme il n�’y en avait pas jusque qu�’ici�… les gens se sont donc dit : « c�’est peut être pour moi, ça m�’intéresse, je vais aller visiter »�…parce que vous comprenez, mais on est �… c�’est la maison de la culture renouvelée, et c�’est vrai tant dans les maisons folies mais aussi au tri postal�… quand même ça aussi c�’est très important, on a appelé le lieu tel, on a gardé le lieu qui était réellement un lieu de tri postal, donc on n�’a pas appelé ça le centre d�’art contemporain machin ou le musée machin, ce qui fait déjà pour les gens, déjà, ne pas s�’appeler musée ou palais de la création contemporaine
Ça ouvre des barrières
Oui, mais ça on l�’a constaté, on l�’a très bien vu, c�’est évident�… il y a des mots qui font peur�… euh
[Rires]
Le mot « transparent » est un peu dévoyé
je ne sais pourquoi,�… tu parlais de transparent, moi quand on parle de transparent je commence à dire, je �… ce que je vais dire par là, c�’est que concrètement on ne s�’est pas cantonné�… on n�’est pas un évènement qui s�’est cantonné à des lieux fermés�… qui�… d�’un coup intimidant, on a, grosso modo, on a ouvert, dans tous les sens du terme, on a ouvert à travers les choses à l�’extérieur, on a ouvert des nouveaux lieux qui paraissaient plus ouvert�… et puis après on a aussi beaucoup travaillé sur des choses, on a beaucoup travaillé sur le déplacement, sur les mêmes évènements qui se déplacent dans la région, sur des évènements qui se déplacent à l�’intérieur des centres-villes ou dans les quartiers�… voilà on a beaucoup travaillé sur aller au devant des gens et en ce sens, voila en ce sens on a eu une certaine transparences. Après il y a eu une certaine cuisine interne.
J�’ai trouvé ça vachement intéressant, justement parce parmi les justifications initiales à Lille 2004, il y avait cette idée comme quoi Lille ayant toujours était un carrefour des transports, la mobilité, etc. Finalement ça c�’est retrouvé dans les actions culturelles..
Oui, c�’est ça euh�…
Finalement, j�’ai découvert ça après [�…] il y avait cette justification [�…]les « anneaux de vitesse » [�…]
oui, voila
ça c�’est quelque chose qui était difficile à expliquer et au final s�’est fait naturellement, mais cette idée de�… effectivement de �… d�’aller vers les évènements culturels, d�’y aller d�’une manière un peu nouvelle, on ne sait pas forcément ... euh�… comment dire �… ce n�’est pas forcément toujours �… ce n�’est pas l�’agenda, ce n�’est pas : je suis abonné donc je reçois le programme et puis machin, c�’est aussi l�’idée de dire [�…] au dernier moment je vais me déplacer, qu�’est ce qu�’il y a ce soir, c�’est où, c�’est à combien de temps de moi bon je vais me déplacer et puis �… c�’est générer une idée de déplacement, de découverte, de déplacement �… et euh�… de dépassement des frontières, des carcans traditionnels, du rapport à la culture�… et bien voilà, on a essayé de bousculer un peu tout ça
Finalement, comme quoi ce qui n�’est pas quantifiable peut être quantifié
oui c�’est vrai
(silence)
Je crois qu�’on a vu pas mal de choses
je ne sais si �… si toi�… si vraiment d�’après ce que j�’ai compris que tu es, vraiment de l�’analyse�… d�’une méthode de bilan�… ça va être dur d�’écrire tout ça
non
(rires)
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Non, non mais il y a pas mal de chose qui à posteriori�… correspondent à des schémas pré existant d�’évaluation qui n�’ont pas été forcément mis sur table[�…] finalement qui correspond à quelque chose de pré établi �… donc voilà
oui mais le bilan tu vois �… comment dire�… mais ce que j�’en pense personnellement, avec le recul que je peux essayer de prendre c�’est que �… que grosso modo�… le�… dans sa �…] j�’ai envie de dire de [�…espèce de gigantisme�…] on a réussi à être [�… atteint lui-même�…]
on a, c�’est vrai, que l�’on a �… toujours poussé le maximum de gens partout... on a �… mais je crois que cette envie de gigantisme, de trucs qui n�’arrêtent pas, qui se renouvellent sans arrêt chaque week-end ; changent de tête, il a fonctionné notamment parce qu�’il est basé sur une réalité de la population locale�… parce que �… je crois, voilà�…concrètement on est dans une région où les gens sont curieux, les gens ont envie de se sortir, les gens ont envie de se retrouver, les gens�…c�’est un cliché, mais de faire la fête�… voilà, je crois�… du coup ça a fonctionné ce truc et euh�… on a prouvé finalement qu�’on était autant capable de faire quelque chose que les belges
[Rires]
non, mais voilà, parce que les belges sont toujours un modèle dans leur manière de proposer des choses et, peut être de réussir à trouver du public, de réussir à trouver des gens en face qui sont curieux, qui ont une ouverture d�’esprit et ça�… voilà�… c�’était possible grâce à ça et après effectivement cette espèce de gigantisme, de magma, ça a réussi aussi, parce que effectivement cette vision géographique de Lille au c�œur de l�’Europe et de Lille super bien desservi par plein de transport en commun, avec une accessibilité très facile�… ben voilà a été prouvé aussi�… il y a plein de trains qui arrivent ici, des avions�… et que les gens, voilà �…c�’est effectivement les gens passent ici, passent assez facilement et euh�… un tel évènement aussi gigantesque dans d�’autres endroits, je ne sais pas si s�’aurait donné la même chose�…. Evidemment Paris excepté, parce Paris c�’est autre chose
et encore�…
Paris�… on ne peut pas s�’amuser à comparer [�…] Paris c�’est toujours la ville la plus visitée au monde, c�’est un espèce de truc,�… de fête permanente
Et encore�…n�’est-ce pas un cliché
Oui, peut être�…oui peut être, mais c�’aurait peut être pas eu le même impact quantitatif, par contre les choses ne se seraient pas passées exactement de la même manière
Les images sont tenaces
moi, je crois beaucoup que c�’est �…ce que j�’essaie de raconter �… ce que j�’essaie de raconter en le disant à travers des petits exemples, des petites choses, je raconte vraiment des choses �… euh on a vraiment accueilli �… les choses ; artistiquement on a aussi accueilli des choses extraordinaires qui�… relevaient aussi de �… de cette envie de changer le rapport à la culture [...coupure du son �…] qui sont maintenu, qui vont continuer à exister �… maintenant ils vont tous à peu près se plaindre [...] les choses ne sont pas aussi [...]un principe de base après effectivement dans le détail [...] elles continuent, alors �… je ne sais pas comment �…. Effectivement en même temps ce que [...inaudible�…] moi j�’attends devoir un peu, c�’est vrai que peut être [...] 2005 sera plus marrant ; 2006 sera plus élevée
Forcement il y a un certain contre coup
oui, il y a eu, je crois, �… il y a eu aussi�… ça a été une telle course folle qu�’il y a eu
il y a eu une espèce de surenchère
non, ce n�’est pas ça, c�’est qu�’à un moment donné tu dois tellement avancer dans l�’urgence sur un truc qui �…, tu n�’as pas le temps, de toute façon, de préparer réellement�… la suite, elle a été préparé simplement sur le principe, mais elle reste ouverte et on n�’a pas été�… elle n�’a pas été suffisamment mûrie�… donc là on est dans une période d�’entre deux, et tout le monde doit �… je comprend bien le maître de maison dans certaines villes, il doit repartir à la charge sur �… et comment je fais maintenant
[�…] autonomie financière
oui et puis �… c�’est voilà�…. Pour revenir à la charge et dire : on doit continuer, j�’ai besoin de tant�… pour [�…] je suis plutôt positif même si je comprends bien que ça�… la crainte, et je comprend parfaitement le fait que ça doit être douloureux là en ce moment. Je suis plutôt positif pour l�’instant puisque je me dis : on a fait�… on a fait la preuve de l�’intérêt
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maintenant il faut que le politique accepte de se remettre à la table, de prendre le temps de �… voir quels sont les enjeux sur la suite et puis de se �…. ré investir, d�’investir.
[�…]
finalement on a des critiques dans le sens neutre du terme, on remet à plat et puis�…
oui, et de toute façon c�’est�… moi j�’ai aucun scrupule à dire Lille 2004 ça a été aussi une promotion à l�’échelle d�’une ville, d�’une région après il y a des gens vont dire « est-ce que les artistes n�’ont pas servi à ça » pour moi les artistes n�’ont pas servi à ça. Les artistes ont eu toute latitude pour créer, il y a eu un évènement culturel, seulement cet évènement dépasse le cadre culturel
encore une fois�…jusque là il n�’y a pas eu de projection
[�…]
voilà, oui c�’est avoué
j�’aime pas [�…] je comprends la critique [�…] ça renvoi à une sorte de pureté de l�’artiste qui serait déconnecté de ce qui l�’entoure, au contraire il doit être connecté à ce qui l�’entoure et quand on demande par exemple à Jean-Claude Casadesus voilà le truc est clair on est dans la rue, on demande à priori de faire ce qui va plaire aux gens
c�’est le débat plus général sur l�’art
c�’est un truc énorme, vous utilisez des artistes, etc. etc. �…est ce que l�’on a besoin d�’une capitale européenne de la culture, on a entendu quelques personnes tenir ce discours là et à côté, dans un autre cadre ils vont dire l�’Etat, les collectivités locales peuvent s�’engager sur la culture. 64 millions d�’euros ; ça c�’est le budget, c�’est la communication ; le fonctionnement mais surtout principalement l�’artistique. Qu�’est ce qu�’il faut de plus comme preuve d�’engagement tu en croiseras qui râleront mais qui n�’ont pas participé au truc.
Voila la preuve que les collectivités pouvaient s�’engager dans la culture, il y a des gens, qui, à la limite, reprochaient qu�’il y ait un engagement trop fort, il aurait fallu que ça se passe�… je ne sais pas.
Ce n�’était pas l�’engagement, c�’était la finalité
Oui, peut être�… quand même�… on a construit du pérenne, on a construit les maisons folies, on a ouvert le tri postal, on a�… et puis on a construit du pérenne
Dans les artistes régionaux, ça je le dis, il y a des artistes du coin qui ont été programmés par exemple à la maison folie de Wazemme qui, du coup, ont pu jouer devant des professionnels, qui du coup se retrouvent programmés à droite, à gauche, et ça voilà�…
Ça sert de tremplin [�…]
ça sert aussi à ça aussi�… c�’est une forme de pérennisation, c�’est une forme�… ça participe au fait qu�’on dépasse le cadre évènementiel
c�’est pas palpable mais il reste�…
des photos
[Rires] voilà,�… voilà�… ça aide sur la construction de l�’avenir
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LILLE 2004 OU LA CULTURE COMME MOTEUR DE TRANSFORMATION D�’UN TERRITOIRE, PAR
LAURENT DREANO
LILLE 2004 OU LA CULTURE COMME MOTEUR DE TRANSFORMATION D�’UN TERRITOIRE
« Il y a un grand charme à quitter au petit matin une ville familière pour une destination ignorée. »
Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes 15 octobre 2002, dans un gymnase de quartier bondé, Lars Spuibroek, jeune architecte néerlandais retenu pour son projet audacieux de réhabilitation de la future maison folie de Wazemmes, vient de terminer sa présentation. Dans un élan, le public, des gens venus de tout le quartier, se lève et applaudit longuement. Puis les questions fusent : la salle à manger, ça va fonctionner comment ? La maille inox oui mais comment on va la nettoyer ? Et pourquoi pas un hammam ?�… 14 mois plus tard, c�’est Bill T Jones, dans le foyer de l�’Opéra de Lille, qui fait la synthèse entre culture vivante et culture partagée, en commentant devant un auditoire ébahi, l�’exposition du Musée de Harlem sur l�’artiste Kara Walker en compagnie des Tats Cru, graffeurs de New York qui viennent de réaliser une fresque avec leurs collègues des quartiers de Lille. Et voici que Lille 2004 est lancée et pour longtemps. Et voici que Lille 2004 se racontera différemment pour chacun. Et voici qu�’un dispositif qui ne pourrait être qu�’une institution dévorante permet d�’envisager une autre façon de vivre la culture, une perception nouvelle d�’un territoire. Car si Lille est Capitale Européenne de la Culture en 2004, c�’est bien une opportunité - de faire connaître une image culturelle internationale qui doit contribuer à ce que la région
Nord-Pas-de-Calais et sa capitale occupent une place de premier plan dans les années à venir sur la scène européenne,
- de renforcer les compétences de chacun des acteurs, artistiques, culturels, associatifs, touristiques, �…
- d�’inscrire durablement, pour ces professionnels et pour les habitants, une dynamique de développement.
Le programme est ambitieux, à l�’échelle de ces enjeux, pour faire de l�’année 2004 le véritable laboratoire de ce que peut être un nouvel art de vivre au début du XXIe siècle dans une métropole euro-régionale. Il s�’agit de changer cette opportunité en challenge : placer la culture au c�œur, en faire un facteur de transformation durable d�’un territoire. 1 / Une chance 1.1 / C�’est ce qu�’ont perçu ceux qui ont porté la candidature de Lille : Maire de Lille, élus des grandes collectivités et chefs d�’entreprises. Ceux-ci ont compris qu�’une métropole régionale, pour exister sur le plan européen, a besoin de produire des événements de dimension internationale : vecteurs d�’image et de structuration mais aussi moteurs de retombées touristiques et économiques. C�’est au sein du Comité Grand Lille, club de décideurs de la Région, qu�’avait été imaginée déjà la candidature aux Jeux Olympiques qui avait contribué à faire connaître Lille et avait provoqué un mouvement d�’enthousiasme de la population, esprit que l�’on retrouvera chez les 600 000 participants au grand bal blanc du 6 décembre 2003. Lancé par Mélina Mercouri avec Jack Lang, il y a maintenant vingt ans, le principe d�’une ville Capitale Culturelle de l�’Europe pendant un an appuyait l�’idée que « la culture, l�’art et la créativité ne sont pas moins importants que la technologie, le commerce et l�’économie » (Mélina Mercouri, 1983). Il aurait pu s�’emmêler dans les paradoxes d�’ambitions locales voire nationales. Des villes comme Glasgow (en 1990) et Anvers (en 1993) ont su y trouver le facteur
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d�’accélération qui leur a permis d�’asseoir une image durable de métropole eurorégionale. Le 28 mai 1998, Lille était désignée par le Conseil des Ministres de la Culture de l�’Union Européenne conjointement avec la ville de Gènes pour être Capitale européenne de la Culture pour l�’année 2004. 1.2 / Immédiatement, le projet de Lille 2004 a été étendu à la métropole et aux villes de la Région Nord-Pas-de-Calais y compris aux villes belges du versant transfrontalier. C�’est la première fois que cette dimension territoriale et transfrontalière, naturelle à Lille et au Nord-Pas-de-Calais, était abordée dans l�’histoire des capitales européennes de la culture. Une association était constituée dès janvier 2000. Elle reflétait les ambitions partenariales du projet et réunissait, sous la Présidence du Maire de Lille, trois collèges de personnalités issues du monde culturel régional, du monde économique, et élues des principales collectivités concernées par le projet, y compris les Maires des villes belges de Tournai, Courtrai et Mouscron. La direction de la manifestation était confiée à Didier Fusillier, enfant du pays, Directeur du Manège, scène nationale de Maubeuge et de la Maison des Arts de Créteil, rejoint par l�’auteur de ces lignes qui quittait le Parc de la Villette à Paris pour assurer la coordination générale du projet. Il s�’agissait donc dès l�’origine de fédérer des énergies pour transformer un cahier des charges empirique né de l�’expérience des villes ex-capitales européennes de la culture et du bilan d�’évènements culturels internationaux (comme les expositions universelles) en un puissant moteur de développement. Rien pour autant n�’était acquis et le travail était conséquent car il s�’agissait de convaincre les attentistes de la première heure (des services de l�’Etat au monde économique) du caractère exceptionnel du projet et de la pertinence d�’un évènement à dimension internationale qui pourtant n�’était pas Parisien. Il fallait la force de persuasion et l�’engagement de tous les instants de la Présidente de l�’association dans l�’opération, servis par une équipe jeune et réactive pour emporter l�’adhésion, traverser une alternance politique et réunir les moyens nécessaires au montage du projet. 1.3 / Au commencement est un constat qui est déjà un début de réflexion pour la suite dans l�’analyse des forces du territoire : - une métropole multipolaire : Lille, Roubaix, Tourcoing, Villeneuve d�’Ascq et au-delà une région contrastée : Valenciennes, Lens, le bassin minier, Arras, le littoral, l�’Avesnois, - une activité culturelle importante soutenue depuis longtemps par la Région et les collectivités (1) sans être pour autant symbolisée par un évènement culturel majeur, - une diversité culturelle et sociale extrême, - une position sur la carte de l�’Europe du Nord-Ouest servie notamment par un réseau des transports modernisé. De ce constat naît une dynamique, celle de forcer le regard des autres sur cette ville et sa région, mais également une prise de risque, celle de mettre en avant la culture pour croiser ce regard et pour l�’habiter. (1) et portée par quelques belles institutions : l�’Orchestre National de Lille, le Théâtre du Nord, le Fresnoy, l�’Atelier Lyrique de Tourcoing, l�’Aéronef, le FRAC et les Musées, les Scènes Nationales, �… et un tissu associatif dense. 2 / Une ambition, une autre façon de vivre la culture
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A la différence des grands évènements sportifs, l�’intention d�’une capitale européenne de la culture n�’est pas acquise sans la construction de liens minutieux entre les opérateurs et la population et sans un projet bâti en puissance. 2.1 / Des atouts : être soi même, se reconnaître, assumer sa culture La culture du Nord de la France comme de Belgique est riche d�’un patrimoine vivant et d�’un savoir-faire, celui de la fête : carnavals, géants, tradition gastronomique, jeux d�’estaminets. La culture du nord s�’est également développée à travers une culture du travail et de son histoire industrielle forgée au cours des deux derniers siècles. Les bassins d�’emploi de la Région ont accueilli plusieurs vagues d�’immigration qui en font une terre de diversité culturelle. Deux idées fortes ont marqué le travail de préparation. La première, c�’est que « cette région n�’est pas toute de noir et de gris vêtue comme on la présente souvent » (2). Lille 2004 lui rend toutes ses couleurs, celles des façades pastel de ses maisons de la renaissance flamande, celle des tissages de son passé industriel, celles des populations qui l�’ont rejointe et ont contribué à ce métissage qui est une de ses richesses. La seconde, c�’est qu�’ « on ne vit bien dans son présent et on ne prépare bien son avenir que si on est là la fois fort de ses racines mais aussi ouvert aux autres et au monde » (2). Aussi, Lille 2004 fait-il revivre ce passé artistique en rappelant que l�’humanisme est né dans les Flandres à la même époque que dans le nord de l�’Italie (quand commerçants et artistes voyageaient de Lille à Gènes). Le calendrier des manifestations met à l�’honneur ces cultures populaires et ce patrimoine industriel ; des fanfares du bassin minier jusqu�’au Hip Hop en passant par les grandes fêtes dont le Nord a le secret. Fêtes et couleurs font ainsi jeu entre tissage et métissage et portent l�’idée de la convivialité et du bien être ensemble. 2.2 / La rendre visible ; le choix de la culture vivante au sens large pour mieux se l�’approprier Au début du XXIe siècle, Lille affirme sa modernité au travers de son réseau de transports : trains à grande vitesse, métro automatique. La thématique des anneaux de vitesse développée par Didier Fusillier permet de repenser l�’espace au profit du temps et de calculer les distances en temps parcouru qui rapprochent le centre de Bruxelles ou le littoral ou même Londres et Paris de la capitale des Flandres. Concept géographique, les anneaux de vitesse deviennent métaphore du programme : être en mesure de se projeter dans l�’avenir, c�’est se laisser surprendre, c�’est pouvoir jouer avec la mobilité�… et les horaires des marées : Malo les Bains, plage européenne de la culture est à 30 minutes de la Grand Place de Lille, Shanghai n�’est qu�’à une « encablure » de satellites. Le programme débute par la fête : le 6 décembre 2003, jour de la Saint Nicolas et ouvre immédiatement sur des expositions qui proposent un accès à cette modernité et aux usages des technologies les plus récentes par les artistes : Robots ! Voitures et Cinémas du Futur, Prime Time ; reportant en deuxième saison la culture plus classique et plus normée des grandes expositions de peinture. (2) Martine Aubry, conférence de presse Lille 2004, 5 décembre 2002 Au travers de Lille 2004, c�’est un projet pour tous mais aussi un projet par tous. La culture est seule à même de réaliser ces liens. Ce choix, c�’est ainsi la reconnaissance d�’une appartenance commune qui va de la tradition festive jusqu�’aux nouvelles tendances artistiques et aux cultures urbaines, qui met en valeur les artistes les plus renommés comme les plus anonymes de cette région. Lille 2004 englobe tout autant la préparation de fêtes comme les bals blancs du 6 décembre, élaborés avec les associations, la fête des fallas, tradition empruntée à Valence en Espagne de grandes figurines et objets construits dans les quartiers et brûlés en une nuit, un
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rassemblement de géants du monde entier, �… que de multiples soirées se terminant sur les dance floor. C�’est aussi le principe que chacun devienne acteur de ses projets, assume sa culture et peut grandir dans l�’échange avec les autres. De très nombreux projets sont nés dans les quartiers, dans des ateliers urbains de proximité (à Lille) ou dans des maîtrises d�’usage (à Roubaix) ; chaque ville prenant le relais des initiatives proposées. C�’est aussi une reconnaissance mutuelle de la diversité : on se raconte, comme dans le projet Les Voyageurs, monté par l�’agence photographique Daily Life ou dans les nouvelles littéraires sur les migrations initiées par Marie Desplechin. Enfin c�’est l�’idée de la culture au sens large : un nouvel art de vivre. Les maisons Folie en sont l�’emblème puisqu�’elles sont le point de rencontre entre projets d�’artistes et projets d�’habitants, entre artistes de renommée internationale et projets locaux, (à l�’instar du Prato de Gilles Defacques : » théâtre international de quartier »), entre l�’intime et le quotidien. Ces projets se nourrissent du travail intense d�’action culturelle menée de longue date par les artistes de la région ; Jean Claude Casadesus et l�’orchestre national de Lille ou Farid Berki et la compagnie Melting Spot pour ne citer que ceux-là. Ils s�’enrichissent aussi de l�’expérience de coopérations internationales souvent nées des contacts établis par les représentants de structures culturelles au travers des réseaux européens, sans aucun doute plus naturels dans une région qui a pris très tôt la mesure de l�’échange interrégional en Europe. 2.3 / L�’artiste, placé au centre ; l�’accès au beau et à l�’excellence Placer l�’artiste au centre, c�’est accepter qu�’il contribue à la transformation sociale par les bouleversements de perception qu�’il peut proposer au public. Le partage d�’une même émotion artistique par des individus aux origines les plus diverse, l�’exigence de qualité ou d�’excellence fondent un tel projet. Cette exigence est d�’autant plus importante que l�’on va vers l�’accessible et le gratuit ; c�’est le cas dans l�’installation de projets majeurs dans les quartiers lillois. Lille 2004 se fait par les artistes et avec les artistes et techniciens du spectacle et ne pourrait s�’imaginer sans eux. La crise du modèle français qui va bien au-delà de la question du financement de l�’intermittence rencontre paradoxalement un projet qui trouve ses moyens dans le caractère exceptionnel de cette année mais qui ne porte sa justification que comme facteur de développement à long terme au-delà de l�’évènementiel. Cette auto vigilance, les acteurs de Lille 2004 s�’en sont fait une règle implicite qui ne les empêche pas de viser l�’excellence et la visibilité, de veiller au rassemblement du plus grand nombre et de « d�’abord penser grand » comme disait Paul Delouvrier. Il n�’est en effet ni absurde ni impossible de monter un projet comme celui-ci avec la plus grande rigueur de gestion tout en testant la capacité à sortir des cadres dans lesquels nos propres systèmes d�’autorégulation nous installent : spectacle à 20h30, heure sacro-sainte, principe de précaution, gestion de carrière, etc. et de profiter de la non-permanence d�’un évènementiel pour surprendre et « tenter l�’impossible » �… avec réalisme (!) Placer l�’artiste au centre, c�’est accepter de rentrer dans sa propre lecture de la ville, de croiser les éléments de merveilleux qu�’il introduit. Au travers des métamorphoses et des installations, Lille 2004 propose cette approche : celle d�’un Jean Claude Mézières (le Chemin des Etoiles) ou d�’un François Boucq (la source d�’abondance), d�’un Kurt Hentschläger (Nature 04, jaquemart à la dimension de la tour Lille Europe), d�’un Serge Lutens (le labyrinthe olfactif qui renoue avec les senteurs de notre enfance) ou d�’un Patrick Jouin (la métamorphose de la gare Lille Flandres). C�’est aussi, d�’une certaine manière, être inventif en s�’essayant à dé-ritualiser l�’accès à la culture tout en vivant « l�’être ensemble » sur le territoire. C�’est ainsi accepter de jouer avec
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des paramètres dont on n�’userait pas « normalement » : le temps distendu des mondes parallèles qui débutent à l�’heure bleue du crépuscule ou la proposition d�’aller au carnaval de Dunkerque gratuitement en train si l�’on est capable de chanter une chanson du carnaval au contrôleur, participent de ce principe. La manifestation Les Beffrois de la Culture, proposée par le Conseil Régional autour de Lille 2004, prévoit chaque mois de l�’année d�’installer des chefs d�’�œuvre des collections nationales et régionales dans des villes qui n�’ont pas de musée et de présenter à chaque fois une exposition dans la maison commune qu�’est l�’Hôtel de Ville, sous le beffroi. C�’est ainsi que le Penseur de Rodin, installé à Liévin, a rencontré plus de 20 000 visiteurs en un mois. Le projet est exemplaire par la synthèse qu�’il opère au carrefour de l�’excellence et de l�’affirmation d�’un territoire. Croisant la ville pensée comme organique, le geste de programmation tend à s�’effacer et devient presque secondaire devant la culture qui fait l�’identité des villes. Ainsi Lille 2004 naît dela rencontre entre un projet majeur, riche, démesuré et un projet d�’appropriation de la culture, entre le regard -révélé par la médiation de l�’artiste- porté sur un territoire par ses habitants et la mise en partage de cette appropriation. 2.4 / Créer de nouveaux partenariats Lille 2004 est un formidable outil de partenariat et d�’apprentissage : partenariat entre secteur culturel et monde de l�’entreprise, partenariat entre collectivités. Ville à ville, les collectivités apprennent à mieux collaborer en échangeant ou en partageant de mêmes projets : comparaison, challenges, projets de territoires, échanges de publics dans des bassins de villes ou de part et d�’autre de la frontière. C�’est le cas pour le Monde Parallèle de l�’Eau le long de la Deûle ou les échanges de projets à travers le réseau des maisons Folie. On accueille ensemble le monde : les icônes que sont les grands décors urbains sur les ramblas (Forêt suspendue, Chemin des étoiles, �…) vont à Roubaix, Tourcoing, Lens, Arras ou Maubeuge. Rubens est l�’occasion au-delà de l�’exposition de Lille (et du regard porté par des artistes contemporains sur le maître flamand) d�’un programme à Arras et Anvers. On sort de la métropole avec l�’animation des Forts et Lumières dans les villes fortifiées, on partage ses oriflammes avec les autres villes de l�’Eurorégion. Borderline, un nouveau festival de la frontière et de la marge est créé. On se force à apprendre à travailler ensemble : arts de la rue et compagnies de géants, installations d�’artistes et commerçants. 3 / Un challenge face à l�’éparpillement et à l�’individualisme : la culture comme moteur de transformation durable d�’un territoire Choix du territoire et lisibilité du projet de Lille 2004 prennent sens dans l�’affirmation d�’une identité commune et d�’une dynamique collective ; forces de cohésion et non forces centrifuges. 3.1 / Transformer la perception globale du territoire Le programme et les aménagements provoquent une nouvelle lecture des villes : urbanistique avec les nouvelles promenades que sont les ramblas ou en termes de distances symboliques ou réelles : Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains par exemple semble plus proche pour le visiteur international que pour l�’habitant de la métropole. Lille métropole devient une destination globale dans l�’espace : plusieurs centres-villes se répondent et dialoguent, d�’autres centres s�’inventent l�’espace de quelques mois comme
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l�’installation de chapiteaux et de lieux de concerts à la Porte des Postes à Lille (le barnum des postes). Les territoires s�’affirment dans le vécu d�’un nouvel art de vivre où il devient possible de parcourir l�’espace à la rencontre de loisirs inédits ou de nouveaux paysages. Il en est ainsi du parc de la Deûle et de son jardin des communautés Hello Terra, Le Jardin aux cent visages, accessible en 20 minutes par le train de Lille Flandres. Il en est ainsi du projet des Rendez-Vous Cavaliers monté par Culture Commune, scène nationale du bassin minier : des artistes viennent transformer pour un temps la perception du paysage des terrils. Cette transformation du paysage est temporaire, mais la transformation du regard porté par les habitants sur le paysage est durable. Soutenu par la Chaîne des terrils ce projet qui tisse de nouveaux liens entre les habitants fait l�’objet d�’un accompagnement du Fonds Social Européen. 3.2 / Transformer la perception par les habitants et le public : créer de nouvelles solidarités Lille 2004 est l�’occasion de lancer plusieurs initiatives avec les habitants qui deviennent parties prenantes du projet. Avec les commerçants, avec les salariés des entreprises partenaires, pour les équipes de Lille 2004, dans les écoles, avec les jeunes des quartiers, avec de très jeunes créateurs, ce sont de nouvelles façons de s�’approprier le projet qui s�’inventent. Les ambassadeurs : ils sont plus de 15 000 aujourd�’hui qui ont souhaité s�’associer au projet. Règle de base : communiquer de l�’information reçue de Lille 2004 en avant-première. Éventuellement l�’ambassadeur devient agent d�’accueil d�’artistes ou de publics, encadrant de groupe lors d�’une fête ou fantôme le temps d�’un bal blanc. Les écoles : la thématique de la Cité Idéale est l�’occasion sur deux années scolaires pour les élèves et les enseignants du Nord-Pas-de-Calais de puiser dans le formidable centre de ressources que constitue Lille 2004 pour travailler sur ce fonds pédagogique et déclinable dans chaque discipline ; mathématique, littérature, histoire, �… Les équipes de Lille 2004 : dans plusieurs villes et en particulier à Lille, recrutements et formations ont été accomplis dans le cadre de plans d�’insertion et des programmes de retours à l�’emploi : artistes Rmistes participant au projet des fallas, recrutement des équipes de billetterie ou d�’accueil�… 3.3 / Travailler durablement : les maisons Folie, un projet dynamique dans le temps Lille 2004, ce n�’est pas un jour, c�’est toute une année, c�’est le début d�’un cycle et non la fin. C�’est l�’occasion de restaurer le patrimoine existant et d�’accélérer les transformations urbaines comme l�’ont montré quelques grands travaux engagés par les collectivités mais c�’est aussi un projet de développement à long terme comme le sont les maisons folie qui portent en elles l�’envie de poursuivre la dynamique engagée. Témoignage durable, les maisons Folie constituent une synthèse des intentions du projet. Ce sont des endroits de vie et de fête qui témoignent d�’une nouvelle manière d�’être ensemble en combinant une présence artistique et la participation active des habitants. Lieux culturels inédits, ils favorisent la convivialité, les rencontres amicales ou les échanges familiaux et permettent le contact avec la création artistique dans tous les domaines : des arts plastiques au design, du spectacle vivant aux nouvelles aventures du multimédia. Installées dans d�’anciens bâtiments dont les activités ont marqué l�’histoire (anciennes usines textiles, brasseries et autres lieux de patrimoine), les maisons Folie au nombre de douze maillent le territoire euro-régional et forment un nouveau réseau de compétences et de coopération (trois sont en Belgique). Elles s�’inscrivent dans la vie du quartier et doivent pouvoir
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établir un lien culturel visible entre les générations. On y trouve une salle de spectacle équipée, un jardin à cultiver, une cuisine et une salle à manger à réserver pour y organiser des fêtes, des studios pour enregistrer et écouter de la musique, une bibliothèque pour y lire ou emprunter des livres en soirée, des ateliers d�’artistes et des salles d�’exposition, une petite salle de cinéma équipée des dernières techniques numériques, etc�… Ces endroits sont accessibles à tous, aux habitants plasticiens, aux habitants musiciens, aux habitants jardiniers, �… et ne sont pas exclusivement affectés à des groupes ou à des équipes artistiques. Ils deviennent ainsi les laboratoires d�’un nouvel art de vivre. Conclusion Longtemps mûri loin des projecteurs, un projet tel que Lille 2004 devait faire ses preuves : il fallait le 6 décembre comme un électro choc pour rappeler à Lille son esprit festif. Après le méticuleux travail de préparation, une nouvelle étape s�’est ouverte depuis ce jour avec le plus grand nombre : loin de signer une programmation, on la met en partage, comme dans ce gymnase de Wazemmes en octobre 2002, pour que chacun s�’en empare. Ainsi, les habitants du Nord-Pas-de-Calais, en invitant le monde entier à leur rendre visite, modifient d�’abord le regard qu�’ils portent sur eux-mêmes et sur leur région : un regard de ré-appropriation d�’une image révélée, un regard de modernité, une marque indélébile : celle de laculture vécue et partagée.
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Lille 2004 en quelques chiffres : « The Lille thing means a lot» . Time magazine, édition du 29 décembre 2003 (tirée à 31 millions d�’exemplaires) . Budget d�’activité de 73 millions d�’euros financé par l�’Etat et l�’union Européenne (13,7 M�€), le Conseil Régional Nord Pas de Calais (10,7 M�€), les Conseils généraux Nord (6,7 M�€) et Pas de Calais (3,3 M�€), Lille Métropole Communauté Urbaine (13,7 M�€), la ville de Lille (8,1 M�€) et les différentes collectivités concernées. Le partenariat privé s�’élève à 12 M�€. Les investissements réalisés ou accélérés à l�’occasion de Lille 2004 sont financés par les collectivités selon les règles de droit commun et s�’élèvent à 70 M�€. Ils concernent la rénovation du patrimoine, des aménagements urbains et le programme des maisons Folie. Les 12 maisons Folie sont à Arras, Courtrai (B), Lambersart, Lille Moulin, Lille Wazemmes, Maubeuge, Mons-en-Baroeul, Mons (B), Roubaix, Tourcoing, Tournai (B), Villeneuve d�’Ascq. - 2 130 évènements, - 8 000 artistes, - 600 000 participants à la soirée d�’ouverture du 6 décembre 2003, - plus de 130 000 personnes ayant visité une exposition ou un spectacle à mi-janvier, soit un
mois et demi après l�’ouverture ; 25% du public a moins de 18 ans, - 162 villes associées sur la région, 8 en Belgique (Anvers, Brugge, Comines-Warneton,
Courtrai, Gand, Mouscron, Mons, Tournai), - 15 000 ambassadeurs. À ce jour, 70 entreprises régionales, nationales et internationales sont partenaires de Lille 2004. Des retombées économiques en cours de quantification pour la ville et la région mais d�’ores et déjà : - une augmentation de 30 % du chiffre d�’affaires des restaurateurs du centre ville, - La fréquentation de l�’Office du Tourisme en augmentation de 30 % par rapport à la même
période l�’année dernière, - plus de 1200 entreprises concernées directement (sans compter les partenaires des autres
structures culturelles et les investissements) Pour en savoir plus, site internet : www.lille2004.com et par téléphone : 0890 39 2004 Laurent Dréano est coordinateur général de Lille 2004, Capitale Européenne de la Culture. Il est également Président de l�’IETM, Informal European Theater Meeting, principal réseau de coopération culturelle en Europe.