2
Lancement du Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe Introduction. Nous sommes très heureux de vous accueillir à la Cinémathèque française, à l’occasion du lancement du Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe. Nous sommes européens, venus de divers pays, issus de diverses langues et diverses cultures. Notre horizon commun est celui de l’Europe, un continent qui connaît une grande diversité d’approches, de langues, de coutumes, d’usages, de lois. Beaucoup de choses nous unissent et nous réunissent, et pourtant nous ne sommes pas les mêmes. Nous tenons à nos particularités, à nos manières de vivre, souvent sophistiquées, qui font la belle diversité de ce continent. Sa richesse. Une chose nous fait nous ressembler : le Cinéma. Au cinéma chaque spectateur au fond est délaissé de tout lorsqu’il s’assoit devant l’écran dans une salle. Être spectateur c’est justement se laisser aller à l’autre, se laisser aller à accueillir l’autre, sous la forme et le langage selon lesquels l’autre est libre d’apparaître et de disparaître. Faire le noir, pour que la lumière jaillisse. Comme nous, le cinéma a appris à bouger, à marcher et à parler. Il est lié à l’âge d’Homme. C’est un art, une technique, une industrie, tout cela à la fois. C’est aussi un médium qui suppose que le spectateur fasse le vide, laisse place à l’imaginaire, au rêve et au voyage. Et bien sûr à la pensée. Combien de fois faut-il répéter que le cinéma véhicule de la pensée, une pensée qui apparaît grâce à des formes, narratives, expressives, qui touchent le plus grand nombre. Quelle que soit la langue parlée, quels que soient les paysages filmés, les villes ou les campagnes, le vaste monde. Le médium cinéma est un formidable « passeur » de cultures, de langues, de modes de vie, de gestes, d’émotions. Il traverse nos frontières, vole au-dessus de nous et plane dans les airs, atterrit là où il veut, s’installe et déménage aussitôt. Le cinéma bouge et nous fait bouger. Cela a déjà été dit : il regarde notre enfance. Il fait de nous sans cesse des enfants, d’un art jeune, d’une technique encore neuve, de gestes et de mots inédits, joués pour la première fois. Puisque cette journée est dédiée à l’éducation au cinéma en Europe, j’aimerais dire ceci : si nous voulons former le regard de nouvelles générations, un regard « éduqué », critique, amoureux des formes et des contenus, des paysages et des êtres, il faut alors soi-même se

Serge toubiana 19juin

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Serge toubiana 19juin

Lancement du Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe

Introduction.Nous sommes très heureux de vous accueillir à la Cinémathèque française, à l’occasion du lancement du Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe.

Nous sommes européens, venus de divers pays, issus de diverses langues et diverses cultures. Notre horizon commun est celui de l’Europe, un continent qui connaît une grande diversité d’approches, de langues, de coutumes, d’usages, de lois. Beaucoup de choses nous unissent et nous réunissent, et pourtant nous ne sommes pas les mêmes. Nous tenons à nos particularités, à nos manières de vivre, souvent sophistiquées, qui font la belle diversité de ce continent. Sa richesse.

Une chose nous fait nous ressembler : le Cinéma. Au cinéma chaque spectateur au fond est délaissé de tout lorsqu’il s’assoit devant l’écran dans une salle. Être spectateur c’est justement se laisser aller à l’autre, se laisser aller à accueillir l’autre, sous la forme et le langage selon lesquels l’autre est libre d’apparaître et de disparaître. Faire le noir, pour que la lumière jaillisse. Comme nous, le cinéma a appris à bouger, à marcher et à parler. Il est lié à l’âge d’Homme. C’est un art, une technique, une industrie, tout cela à la fois. C’est aussi un médium qui suppose que le spectateur fasse le vide, laisse place à l’imaginaire, au rêve et au voyage. Et bien sûr à la pensée. Combien de fois faut-il répéter que le cinéma véhicule de la pensée, une pensée qui apparaît grâce à des formes, narratives, expressives, qui touchent le plus grand nombre. Quelle que soit la langue parlée, quels que soient les paysages filmés, les villes ou les campagnes, le vaste monde.Le médium cinéma est un formidable « passeur » de cultures, de langues, de modes de vie, de gestes, d’émotions. Il traverse nos frontières, vole au-dessus de nous et plane dans les airs, atterrit là où il veut, s’installe et déménage aussitôt. Le cinéma bouge et nous fait bouger. Cela a déjà été dit : il regarde notre enfance. Il fait de nous sans cesse des enfants, d’un art jeune, d’une technique encore neuve, de gestes et de mots inédits, joués pour la première fois.

Puisque cette journée est dédiée à l’éducation au cinéma en Europe, j’aimerais dire ceci : si nous voulons former le regard de nouvelles générations, un regard « éduqué », critique, amoureux des formes et des contenus, des paysages et des êtres, il faut alors soi-même se remettre en enfance, accepter l’enfant de cinéma que nous avons été et que d’une certaine manière nous sommes restés. Le regard, le point de vue et l’empathie que nous voulons transmettre aux jeunes générations, ce doit être ceux de jeunes spectateurs que nous sommes encore, et que nous resterons toujours. Le cinéma, l’art du cinéma réclame ce droit à l’enfance, quel que soit notre âge. Il faut l’assumer. Le revendiquer. Le cinéma : 100 ans, que dis-je : 120 ans de jeunesse ! C’est à cette condition que nous serons de plain-pied avec les jeunes spectateurs d’aujourd’hui et de demain. Le cinéma a cette force secrète de maintenir dans l’enfance cette part intime de nous-mêmes, qui aime s’en remettre à l’autre, au regard de l’autre.

Pour finir, j’ose dire, en tant que directeur de la Cinémathèque, que nous avons la chance ici de cumuler plusieurs fonctions et plusieurs accès au cinéma : à

Page 2: Serge toubiana 19juin

travers nos programmations, nos collections, nos expositions, notre musée, nos équipes éducatives, passionnées de cinéma.

L’Europe est notre horizon, nous aimerions partager nos expériences, faire voyager nos idées, échanger avec le plus grand nombre. Nous avons besoin de l’Europe, de son écoute et de son soutien.Je vous remercie.

Serge Toubiana