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1 Aux "Gâs de Campenia" 9 mai 1915 les 3 Disparus de Roclincourt Louis OLIVIER, Jean François PONTGELARD & Joseph ROUAUD - Trois "Gâs de Campeniâ" dans l’enfer de l’Offensive d’Artois.

La poignante histoire des "Gâs de Campeniâ"

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Aux

"Gâs de Campenia"

9 mai 1915

les 3 Disparus de Roclincourt

Louis OLIVIER, Jean François PONTGELARD

& Joseph ROUAUD - Trois "Gâs de Campeniâ"

dans l’enfer de l’Offensive d’Artois.

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Le dormeur du val

« C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; Où le soleil, de la montagne fière,

Luit ; C’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; Il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort.

Souriant comme, Sourirait un enfant malade, il fait un somme ;

Nature, berce-le chaudement ; Il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine.

Tranquille ; Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud

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En Hommage à

Louis Eugène Marie OLIVIER, Jean François PONTGELARD,

Joseph Marie ROUAUD ; Disparus le 9 mai 1915 à Roclincourt,

lors de l’Offensive du 70ème d’Infanterie de Vitré ; pour leur Mémoire et celle de leurs familles.

À tous les Poilus tombés au Champ d’Honneur,

à tous les Disparus, Blessés et Mutilés. À tous les Combattants de la guerre 1914-1918.

Aux 135 Gâs de Campeniâ Morts pour la France.

À toutes les victimes civiles et militaires de toutes les guerres.

À la Mémoire de mon arrière grand-oncle Jean Marie SENTIER, Caporal à la 7ème Compagnie du 17ème Régiment d’Infanterie Territoriale,

mort le 9 juin 1915 sous les obus allemands aux tranchées d’Auchonvillers dans la Bataille de la Somme.

Campénéac le 9 mai 1915

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Un allemand retrouvé parmi les morts dans le chaos d’une tranchée © L’Illustration.

1915… de boue et de sang !

Les champs de bataille disparaissent au profit des tranchées.

C’est la guerre de position.

Des deux côtés du front, de lourdes erreurs stratégiques envoient

les hommes à la mort par milliers.

Après les massacres de la guerre de mouvement

de l’année 1914 succède la guerre de position.

Il n’y a plus de champ de bataille, mais des tranchées séparées

par un no man’s land où pousse une nouvelle forme de végétation :

le fil de fer barbelé…

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Le monde en guerre, à l'Ouest, c'est la tranchée. D'elle, tout procède : les relations entre les hommes, la stratégie militaire, l'invention de nouvelles armes, le rapport entre le pays et ses soldats. La tranchée, c'est d'abord la mort, omniprésente. Les plantations de croix blanches bien alignées sur une pelouse lisse sont une mise en scène du souvenir, une sorte de "nécromancie" de la Première Guerre mondiale, car la réalité du conflit, c'est souvent la mort sans sépulture pour ceux qui tombent en 1915, c'est-à-dire 370 000 Français, pulvérisés par un obus ; enterrés vivants ; ou encore agonisants et enfin pourrir dans le no man's land après une offensive avortée.

« On marche sur les cadavres, on a fait des parapets de cadavres sur lesquels on s'appuie [...], je ne ressens aucune impression à la vue de tous ces cadavres. Je les coudoie, je les foule, je les touche sans la moindre impression pénible », relate un poilu. L'enlisement !

Dans la tranchée, la mort n'est jamais naturelle, mais elle est normale. La guerre de tranchées, c'est la guerre à tombeau ouvert. Mais l'humanisme survit à toutes les horreurs. La tranchée, c'est aussi la camaraderie, la constitution d'une classe sociale qui les mélange toutes et regroupe ceux qui ont été au feu. Ils se distinguent des "embusqués", étrange mot forgé par Georges Clémenceau et qui ne désigne pas ceux qui sont en embuscade à l'attente de l'ennemi, mais les planqués.

Dans les tranchées ; la vermine, les rats et les poux. Une autre tranchée se creuse, entre le pays qui reprend le cours de la vie et les soldats qui suivent celui de la mort. Du front, les poilus racontent la violence, mais aussi le vide, l'attente qui englue le temps. Tenir une tranchée, c'est y rester nuit et jour dans la boue, le froid, au milieu de la vermine, des rats engraissés de chair humaine et des poux gavés de sang de soldat.

Entre l'arrivée de la soupe et celle du courrier, il faut tuer le temps à défaut de tuer des ennemis. C’est l’artisanat des tranchées… innombrables objets façonnés par les poilus, avec les matériaux fournis par la guerre.

Si être dans la tranchée est horrible, en sortir est pire. Or l'année 1915 est celle des offensives : en Champagne, dans la Woëvre, en Artois, dans les Vosges... De nombreux lieux-dits sont cités dans toute la France : Notre-Dame-de-Lorette, les Éparges, le Saillant de Saint-Mihiel, la Srête de Vimy, ou encore, pour les Britanniques, Neuve-Chapelle, et puis Verdun, village fameux avant même 1916...

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A chaque fois, c'est le même scénario : une préparation d'artillerie ratée, qui ne détruit pas les barbelés où viennent s'accrocher, cibles faciles, les assaillants, ou bien insuffisante pour annihiler les nids de mitrailleuses, ou trop courte pour frapper la deuxième ligne ennemie, qui lance alors la contre-attaque. Dérisoires et bouleversant témoins, les protections envoyées les familles, tels ces gilets censés être "pare-balles", composés de quelques morceaux de tôle assemblés ou découpés dans un matelas...

Au bout de l'année 1915, le bilan est effrayant !

112 000 hommes tombés en Artois pour une avancée du front de 4 kilomètres et, en Champagne, 182 000 victimes pour un gain de 5 kilomètres, soit 36 poilus sacrifiés par mètre gagné ! Il n'est pas étonnant que la chair à canon se révolte : quand ils sont renvoyés au feu plus souvent qu'à leur tour, des soldats refusent d'obéir. 400 des 600 fusillés de la guerre sont passés par les armes avant la fin de 1915 !

Des dizaines de milliers de morts dues à des erreurs stratégiques

L'horreur est d'autant plus grande que les tranchées sont, en 1915, un laboratoire, qui invente la grenade, le lance-flammes, les sapes creusées sous les positions ennemies pour les miner et, bien sûr, les gaz. Expérimenté le 31 janvier sur le front de l'Est, le chlore est utilisé le 22 avril près d'Ypres. L'armée allemande avance de 4 kilomètres sans tirer un coup de feu, au milieu de tranchées désertes, parce qu'elle a été précédée par un nuage de 10 mètres de haut et de 6 kilomètres de long. Est-il signifiant que les Allemands soient les premiers usagers d'obus chimiques ? Ils sont vite imités...

Le "progrès", c'est aussi l'aviation qui guide l'artillerie [nombre d'attaques sont mal préparées à cause du mauvais temps, qui gêne les survols] et multiplie les combats aériens. Le "progrès", ce sont les bombardements nocturnes des zeppelins ; 88 sont utilisés pendant la guerre, qui larguent près de 6 000 bombes. Ils frappent l'Angleterre dès janvier 1915 et atteignent Londres l'année suivante, comme une anticipation du "blitz" de 1940.

Car 1915 prolonge un fléau qui a déjà poussé vers la mort des dizaines de milliers d'hommes en 1914 : l'erreur stratégique. Les Allemands n'en sont pas exempts, qui ne parviennent pas à bien équilibrer leurs forces entre les deux fronts. Si Erich Von Falkenhayn, le chef des armées du Kaiser, avait transféré des troupes massives de l'Ouest vers l'Est, afin que le "Drang nach Osten" prôné par Hindenburg et Ludendorff ait des moyens suffisants, peut-être la Russie se

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serait-elle effondrée en 1915. Mais les soldats du tsar parviennent toujours à se ressaisir in extremis, grâce à leurs qualités guerrières et aux brefs répits laissés par l'ennemi. La "tenaille" qui doit détruire l'armée russe ne se referme jamais…

Une guerre moderne que Joffre ne comprend pas.

Sur le front occidental, en revanche, Falkenhayn emploie la bonne stratégie ; la défensive ! Tout au long de l'année 1915, les Allemands, la plupart du temps moins nombreux que les forces alliées sur les sites de combat, encaissent et contre-attaquent, causant de lourdes pertes et cédant peu de terrain, généralement repris plus tard. Une seule fois, le 25 septembre au soir, durant la deuxième offensive en Champagne, l'état-major croit que sa défense a été percée par les Français. Mais la tactique habituelle, grande prédatrice d'ennemis, finit par fonctionner : les premières lignes sont cédées tandis que les deuxièmes, renforcées et protégées par un barrage d'artillerie, tiennent et préparent la contre-offensive.

En face de Falkenhayn, le général Joffre apparaît comme l'homme qui a tout faux en 1915. L'Histoire officielle balayée, la mythologie estompée, Joffre est en fait l’homme "dont les silences sont pris pour de la profondeur alors qu'ils ne sont que de l'insuffisance". La plupart des historiens pointent les fautes du futur maréchal.

Avant tout, Joffre ne comprend pas l'industrialisation de la guerre : au lieu de superviser la production de canons, d'obus et de fusils, il n'intervient que pour entraîner de mauvaises décisions, telle celle qui, en novembre 1914, fait prendre quatre mois de retard dans la livraison des casques, parce que, selon lui, la guerre sera terminée avant qu'ils arrivent. Pour que la fabrication du casque Adrian soit lancée, il faut attendre, en février 1915, un rapport officiel qui stipule que "le plus grand nombre d'hommes blessés sont atteints à la tête [...] ; dans la plupart des cas une coiffure métallique, même légère, aurait pu éviter la blessure et la mort". Le casque arrive en septembre et les atteintes à la tête chutent… de 77% à 22% des cas de blessures...

Comprendre la nature industrielle de la guerre, ce serait attendre qu'une production massive de canons et d'obus permette de prolonger une offensive d'infanterie autant que nécessaire sans craindre de laisser les soldats sans soutien d'artillerie ou, pire, sous le feu de pièces françaises incapables d'allonger leur tir. En Artois, au printemps, les assauts continuent sans l'appui des canons, faute de munitions : c'est aller au casse-pipe.

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Les cadeaux du 14 juillet – Roclincourt, 1915 © Mathurin Méheut.

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Cinq attaques allemandes repoussées par le 70ème le 18 février 1915 à Roclincourt.

70ème « Je m’accroche ! »

Le 70ème Régiment d’Infanterie caserné à Vitré, un des Régiments Bretons du 10ème Corps d’Armée de Rennes.

A la mobilisation du 1er août 1914, le 10ème Corps d’armée est commandé par le Général DESFORGES, il est remplacé le 10 novembre 1914 par le Général WIRBEL. Il est composé de la 19ème Division d’Infanterie de Saint-Brieuc, avec à la 37ème Brigade le 48ème d’Infanterie de Guingamp et le 71ème d’Infanterie de Saint-Brieuc et de la 38ème Brigade d’Infanterie avec le 41ème R.I. de Rennes, régiment jumeau du 70ème ; et de la 20ème Division d’Infanterie de Saint-Lô ; on y trouve la 39ème Brigade avec le 25ème R.I. de Cherbourg et le 136ème de Saint-Lô et la 40ème Brigade de Saint-Malo avec le 2ème d’Infanterie de Granville et le 47ème de Saint-Malo. Le 10ème Corps, avec le 11ème Corps de Nantes (19ème d’Infanterie de Brest, 62ème de Lorient, 64ème d’Ancenis, 65ème de Nantes, 116ème de Vannes, 118ème de Quimper…) ; forment avec les 1er, 2ème et 3ème Corps la Vème Armée dite "Armée de Paris", commandée en août 1914 par le Général Charles LANREZAC. La Vème Armée est formée de 170 Bataillons ; 58 Escadrons ; 195 Batteries (dont 17 d’Artillerie Lourde) ; son effectif est de 8 886 Officiers ; 290 464 Caporaux et Hommes de Troupe et 108 360 Chevaux.

En août 1914, le 70ème d’Infanterie est commandé par le Colonel LAROQUE.

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Poilus à Verdun.

Trois Gâs de Campenia au 70ème !

Tous les trois nés à Campénéac, dans les villages de La Ville Morhan, du Fil et du Breil-d’en-Bas…

Louis Eugène Marie OLIVIER

Il était né le 25 août 1890 à Campénéac, au village de La Ville Morhan. Il était le fils de Jean Marie OLIVIER, Laboureur, né à Campénéac le 26 décembre 1848, décédé le 21 août 1925 à Campénéac, marié le 25 juillet 1884 à Campénéac avec Marie Anne CHEFDOR, Ménagère, (°1853 - 1896), [Elle était la fille de François Marie CHEFDOR, (°1815 - +1882), Cultivateur, Laboureur, et de Marie Rose BADOUEL, (°vers 1817 - +1896)] ;

Ils étaient domiciliés à Campénéac, au village de La Ville Morhan.

Louis avait un frère et trois sœurs : . Jean Marie, Cultivateur, né à Campénéac, au village de La Ville Morhan le 30 janvier 1886, décédé à Campénéac.

. Marie Anne, Cultivatrice, née à Campénéac, au village de La Ville Morhan le 12 mars 1888, y décède le 14 mai 1930, mariée le 11 janvier 1916 à Campénéac avec Joseph Marie DORÉ, Cultivateur, (°1887).

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. Marie Françoise, née à Campénéac, au village de La Ville Morhan le 28 août 1893, elle y décède le 21 septembre suivant. . Marie Joseph, née à Campénéac, au village de La Ville Morhan le 24 janvier 1895, décédée à Campénéac. Louis Eugène Marie OLIVIER devait être célibataire. Il était cultivateur dans la ferme familiale de La Ville Morhan.

En 1910, il passe son conseil de révision, il reçoit le numéro matricule 1491. Son signalement : Cheveux et sourcils blonds – Yeux bleus – Front : (Inclinaison, verticale - Hauteur, moyenne - Largeur, moyenne) - Nez : (Dos, busqué - Base, horizontale - Hauteur, moyenne - Saillie, moyenne - Largeur, moyenne) – Visage ovale. Taille : 1m 59 - Degré d'instruction générale 3.

Il est classé dans la 1ère partie de la liste en 1911.

Inscrit sous le n° 77 de la liste de Ploërmel. Il est incorporé au 70ème Régiment d'Infanterie à compter du 9 octobre 1911. Arrivé au Corps le 9 octobre 1911. Il est nommé Soldat de 2ème classe le dit jour. N° Matricule au Corps : 2776. Nommé Soldat de 1ère classe le 11 juillet 1910. Il est maintenu sous les drapeaux par application de l'article 33 de la loi du 21 mars 1905. Certificat de bonne conduite : « Accordé ». Il se retire à Campénéac. Il est passé dans la disponibilité de l'armée active le 12 juillet 1907. Il est passé dans la réserve le 8 novembre 1913 et affecté au 70ème Régiment d'Infanterie de Vitré.

Il est rappelé à l'activité par décret de Mobilisation Générale du 1er août 1914. Il arrive au Corps le 3 août 1914. Il part "aux armées" (1) le 5 août 1914.

N° Matricule au Corps : 011168 – Soldat de 1ère Classe.

(1) Le terme "partir aux armées" précise le départ du Soldat pour la ligne de front.

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Jean François PONTGELARD

Il était né le 14 mai 1880 à Campénéac, au village du Fil. Il était le fils de Jean Louis PONTGELARD, Cultivateur, né à Campénéac le 1er novembre 1928, à Joua, et y décède le 31 octobre 1901, au Haut-Brambelay ; il s’était marié le 28 janvier 1859 à Campénéac avec Victoire Marie Joseph BELLOUARD, Ménagère, née à Campénéac au village de La Ville Morhan le 10 février 1836 et décédée à Campénéac le 8 décembre 1894 au village du Haut Brambelay. [Elle était la fille de Joseph Marie BELLOUARD (°1780 - +1846) et de Marie Reine MEUNIER (°1803 - +1870)]. Ils étaient domiciliés à Campénéac au village de La Ville Morhan. Jean François avait deux soeurs et quatre frères :

. Jean Louis, né le 24 mars 1860 à Campénéac, au village de La Ville Morhan et décédé dans la même localité le 11 octobre 1923 au village de Linvo. Il s’était marié le 3 février 1891 à Campénéac avec Jeanne Marie LAMEUL (°1855 - +1922). Ils ont eu deux garçons : Victor, né en 1892 et Louis Marie né en 1893.

. François Marie, né le 17 avril 1863 à Campénéac, au village de La Ville Morhan. Il s’était marié le 15 octobre 1893 à Campénéac avec Marie Joseph LAMEUL (°1872 - +1904). Ils ont eu un garçon et six filles (dont un enfant mort-né du sexe féminin en 1894) : Léonie, né en 1895 ; Françoise, née en 1896 ; François, né en 1899 ; Joséphine et Françoise Marie, jumelles nées en 1901 et Mélanie, née en 1903.

. Jeanne Marie, né le 12 mai 1865 à Campénéac, au village de La Ville Morhan. Elle s’était mariée le 31 janvier 1891 à Campénéac avec Jean Marie LEMÉE (°1858). Ils ont eu cinq filles et quatre garçons : Émile, né en 1891 ; Jeanne Marie né en 1892 ; Jean Marie, né en 1893 ; Joseph Marie, né en 1895 ; Marie, née en 1897 ; Maria, née en 1899 ; Rosalie, née en 1900 ; Jean Marie, né en 1901 et Jeanne, née en 1905.

. Marie Reine, née le 11 août 1867 à Campénéac, au village de La Ville Morhan.

. Joseph Marie, né le 1er décembre 1870 à Campénéac, au village de La Villain. Il s’était marié le 24 mai 1899 à Campénéac avec Jeanne Marie GUILLOTIN, Cultivatrice (°1879). [Elle était la fille naturelle de Marie GUILLOTIN]. Le couple a eu six filles et huit garçons : Joseph en 1900 ; Henri, né en 1902 ; Maria Anna, née en 1904 ; François, né en 1906 ; Angélique, née en 1907 ; Édouard, né en 1909 ; Hélène, née en 1910 ; Louis, né en 1911 ; Angèle, née en 1917 ; Léonie, née en 1913 ; Émile, né en 1915 ; Ange, né en 1919 ; Anne Marie, née en 1921 et René, né en 1922.

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. Jean Marie, né le 2 mars 1875 à Campénéac, au village de La Ville Morhan.

Jean François était le cadet de la famille. Il était cultivateur dans la ferme familiale de Brambelay jusqu’à son mariage.

Jean François, alors âgé de 28 ans, cultivateur au village de Brambelay d'en Haut ; s’était marié en la Maison Commune de Campénéac, le 13 août 1908 avec Marie Ange GILLET, âgée de 27 ans, née au Fougerêts, Morbihan, le 18 octobre 1880, Cultivatrice, demeurant au village de Brambelay d'en Haut, célibataire majeure, [fille de Pierre Marie GILLET, Journalier à Campénéac, ici présent et consentant, et de feue Anne Marie MORICE, décédée à Saint Martin le 4 mai 1896]. De leur union naquirent une fille et deux garçons :

. François PONTGELARD, Acte n° 25/1909 - Admis le 11 juin 1919 au titre de Pupille de la Nation. Né à Campénéac au Bourg le 29 avril 1909, décédé le 31 janvier 1973 à Augan ; il s’était marié le 13 juin 1937 avec Victorine Marie Julienne PIRIO.

. Angèle Marie PONTGELARD, Acte n° 40/1910 - Admise le 11 juin 1919 au titre de Pupille de la Nation. Née à Campénéac au Bourg le 16 juillet 1910.

. Henri Marie PONTGELARD, Acte n° 24/1912 - Admis le 11 juin 1919 au titre de Pupille de la Nation. Né à Campénéac au Bas Brambelay le 13 septembre 1912, décédé le 4 novembre 1975 à Ploërmel.

En 1900, il passe son conseil de révision, il reçoit le numéro matricule 1477. Son signalement : Cheveux et sourcils châtains – Yeux gris bleus – Front couvert - Nez long – Bouche grande – Menton rond - Visage ovale. Taille : 1m 65 - Degré d'instruction générale 1.2.3. Il est classé dans la 1ère partie de la liste du recrutement cantonal.

Inscrit sous le n° 36 de la liste de Ploërmel. Il est incorporé au 101ème

Régiment d'Infanterie à compter du 15 novembre 1901. [Le 101ème était un régiment stationné à Dreux, il appartenait à la 3ème Armée dite "de Châlons" ; au 4ème Corps d’Armée ; 7ème Division d’Infanterie ; à la 13ème Brigade d’Infanterie avec le 102ème de Chartres. Il était commandé par le Colonel Léon Gaston Jean Baptiste FARRET. Sa devise : "En avant !"]. Il arrive au Corps le 9 octobre 1901. Il est nommé Soldat de 2ème classe le dit jour. N° Matricule au Corps : 3705. Certificat de bonne conduite : « Accordé ». Il est passé dans la

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disponibilité de l'armée active le 20 septembre 1904. Il accompli une 1ère

période d'exercices au 116ème Régiment d'Infanterie de Vannes du 22 août au 18 septembre 1908 et une 2ème période d'exercices au 116ème du 2 au 18 octobre 1911. Il est affecté au 70ème Régiment d'Infanterie de Vitré.

Il est rappelé à l'activité par décret de Mobilisation Générale du 1er août 1914. Il arrivé au Corps le 12 août 1914. Parti "aux armées" (1) le 16 août 1914. N° Matricule au Corps : 011716 – Soldat de 2ème Classe.

A la mobilisation, le 1er août 1914, Jean François et sa famille étaient domiciliés à Augan.

(1) "aux armées" - Voir note page 20.

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Joseph Marie ROUAUD (ROUAUX)

Il était né le 11 janvier 1890 à Campénéac, au village du Breil d’en Bas. Il était le fils de Jean François ROUAUX, Laboureur, Charpentier, né le 30 juillet 1843 à Gourhel au village du Hingueul. Il décède à Campénéac le 2 octobre 1920, au hameau des Grées Macé. Il s’était marié le 29 octobre 1878 a Campénéac avec Marie Françoise NOUVEL, née le 29 octobre 1853 à Campénéac et y est décédée le 3 mai 1923, Lingère. [Elle était la fille de Jean NOUVEL (°1811 - +1886) et de Marie Jeanne GEFFROY (°1818 - +1878)]. Domiciliés à Campénéac, au village du Breil d’en Bas, de cette union naquirent deux filles et deux garçons :

. Marie Anne, née le 25 décembre 1880 à Campénéac au village du Breil-d’en-Bas et y décède le 24 juin 1886.

. Marie Françoise, née le 7 juin 1883 à Campénéac au village du Breil-d’en-Bas et y décède le 24 juin 1886.

. Jean Marie ROUAUD, Frère aîné de Joseph Marie, né le 30 octobre 1887 à Campénéac, au village du Breil d’en Bas, Cultivateur. A la mobilisation de 1914, il était Soldat de 2ème Classe à la 3ème Compagnie du 151ème Régiment d’Infanterie de Quimper. Déclaré Mort pour la France ayant Disparu le 7 octobre 1915 à Aubérive, Marne. Il avait 28 ans.

Joseph né en 1890, était le cadet de la famille. Il n’aura pas connu ces deux soeurs décédées en 1886.

Quand il naît le 11 janvier 1890, sur la déclaration de naissance, le nom de Joseph Marie est écrit ROUAUX ; son père qui le déclare est orthographié Jean François ROUAUX. Au conseil de révision, Joseph est orthographié ROUAUX. Par contre sur son acte de décès et sur sa fiche Mort pour la France il est nommé Joseph Marie ROUAUD. C’est donc cette orthographe que nous retenons ; d’autant plus que ces deux soeurs et son frère aîné sont déclarés ROUAUD sur leurs actes de naissance et que le père qui les déclare est nommé Jean François ROUAUD.

A noter que sur son acte de décès Marie Françoise est nommée RUAULT !

Pauvre famille que celle de Jean François et Marie Françoise ROUAUD ! Les deux filles décédées en 1886 ; les deux frères morts à la guerre de 14-18. Après les décès de Joseph le 9 mai 1915 à Roclincourt dans le Pas-de-Calais et de Jean Marie le 7 octobre 1915 à Auberive dans la Marne... Ils n’ont plus d’enfants !

Encore une famille broyée, anéantie par cette foutue guerre !

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Il est recruté avec les conscrits de la classe 1910. Il reçoit le numéro matricule du recrutement 1418 au Bureau de Vannes.

Son signalement est ainsi rédigé : Cheveux blonds – Yeux bleus - Front : (Inclinaison, Verticale - Hauteur, moyenne - Largeur, petite) - Nez : (Dos, rectiligne - Base, relevée - Hauteur, moyenne - Saillie, moyenne - Largeur, moyenne) – Visage : ovale - Taille : 1m 64 - Degré d'instruction générale 3.

Il est classé dans la 1ère partie de la liste en 1911 et inscrit sous le n° 4 de la liste de Ploërmel. Son corps d'affectation est le 70ème Régiment d'Infanterie de Vitré - N° Matricule au Corps : 2792.

Il y est incorporé le 9 octobre 1911. Son numéro matricule au Corps est le 011150 - Il est nommé soldat de 2ème classe le dit jour.

Maintenu sous les drapeaux par application de l'article 33 de la loi du 21 mars 1905.Il est passé dans la réserve le 8 novembre 1913. Il se retire à Campénéac.

Rappelé à l'activité par décret de Mobilisation Générale, en date du 1er août 1914. Il arrive au Corps (70ème), le 3 août 1914. Il part "aux armées" (1) le 5 août 1914. N° Matricule au Corps : 011150 – Soldat de 2ème Classe.

Quand il part à la guerre, Joseph ROUAUD était cultivateur à Campénéac dans la ferme familiale du Breil-d’en-Bas. Il était célibataire.

(1) "aux armées" - Voir note page 20.

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Réfugiés Belges en exode sur les routes, août 1914.

La guerre du 70ème

Après les quelques jours de fébrilité qui suivront l’ordre de mobilisation générale le régiment constitue son régiment de réserve – le 270ème. Et le 70ème quitte Vitré. Le Colonel Laroque exprime toute la gravité de cette entrée en campagne. Le régiment défile devant tous les Vitréens. Son drapeau est ovationné par une foule émue. Il prend la direction du Nord-Est. Le 6 août il est à Vouziers (Ardennes) puis pénètre en Belgique...

Le 20 août, la prise de contact est achevée, la bataille s’engage sur toute la ligne de Namur à Mons. La mission du 70ème est de défendre les ponts d’Auvelais et de Tamine au Nord de Fosse. La lutte est chaude. De 2 heures du matin à la nuit, le 70ème a, presque seul, supporté l’élan d’une division prussienne soutenue par une artillerie puissante. Le 2ème et le 3ème Bataillons sont successivement engagés. Le 1er, en réserve une partie de la journée, doit à son tour charger à la baïonnette.

A la tombée de la nuit, à la lueur de l’incendie qui consume les villages de Tamine, Auvelais et Arsimont, le 70ème est ramené à Fosse pour se reformer.

L’affaire a été particulièrement chaude. Le 70ème a assuré la mission confiée.

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L’ensemble des Bataillons, réserve incluse, on pris leur part d’honneur puisque dès le 21, la 2ème Compagnie du Capitaine DELPECH, laissée au Château de Taravisée, chargeait à la baïonnette avec les Zouaves de la 37ème Division, rivalisant d’ardeur avec eux et égalant leur fougue.

Les pertes sont considérables, le journal de marche précise le 22 août pour cette période : « Sous-officiers et Soldats restants : 2 665. Officiers restants : 39. ». Le 2 août il était noté sur le Journal de Marche « Effectif Sous-Officiers et Troupe : 3 349 ». Pertes sans commentaire (684 hommes !).

La retraite de Belgique du 23 août au 4 septembre 1914.

Le 22 août à 17 heures, le mouvement tournant des allemands oblige les troupes françaises a entamer leur retraite. Pendant quinze jours, au prix d’étapes souvent très longues, pénibles et épuisantes, par une chaleur torride, les troupes marchent de nuit et de jour, sans ravitaillement ; la douleur au coeur de voir les barbares envahir notre territoire national.

Officier de Uhlans prisonnier emmené par des fantassins français, août 1914.

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La vague déferlante de notre retraite est grossie en permanence par l’afflux de nouvelles troupes, les villageois terrorisés fuient. L’ennemi va pourtant apprendre que notre retraite est voulue et qu’elle saura s’arrêter le moment voulu. C’est alors que s’engagent la Bataille de Guise et de l’Oise.

Le 29 août, à 8 heures 30, le 70ème reçoit l’ordre suivant de la Brigade : « Si la 37ème Brigade n’est pas encore au poste qui lui a été indiqué "à cheval sur la route entre Richaumont et Colonfay", tenez la lisière Nord de Richaumont pour empêcher tout progrès de l’ennemi sur Sain-Richaumont ». « À 9 heures, l’ennemi débouche de Colonfay ; nos tirailleurs résistent dans leurs tranchées ; à 9 heures 30, la 1ère Compagnie comble le vide entre la 3ème à droite et la 4ème à gauche ; à 11 heures, à la droite de la ligne, les 6ème et 8ème Compagnies sont vivement attaquées ». Mais après les beaux succcès de cette bataille le constat est toujours amer, les pertes sont très sensibles ; près de 250 hommes.

Il faut reprendre le mouvement en arrière. C’est l’ordre ! On repasse l’Aisne le 2 septembre, puis la Marne le 4.

Tranchées allemandes au bord de l’Aisne, août-septembre 1914.

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La Bataille de la Marne du 5 au 27 septembre 1914.

Le 4 septembre l’ordre de faire demi-tour et de reprendre l’offensive est lu aux troupes. Les pertes subies vont être vengées. Les courages se raniment.

Le Capitaine Jean de Montesquieu avec sa 7ème Compagnie du 77ème d’Infanterie à l’assaut du Chateau de Mondement le 9 septembre 1914.

Les énergies sont décuplées. Le 7, au Nord de la forêt de Gault, au Nord de Sézanne, le 70ème lutte âprement pendant une partie de la journée contre le Xème corps de réserve allemand. Mais l’ennemi qui occupe déjà la lisière s’infiltre dans les bois ; « la gauche est débordée par l’infanterie ennemie » ; « le Bataillon GILQUIN poussant par les bois contre-attaque sur Jouy ». « Le Lieutenant CHEVRINAIS, qui continue à faire tête, blessé déjà, tombe tué de deux balles ». « La 1ère Compagnie du Capitaine MASSE forme barrage à la lisière occupée par la Compagnie PIERRON, qui est blessé, dispute le terrain pied à pied ». « À 18 heures, les débris des Compagnies PIERRON, CHEVRINAIS, deux sections de la 12ème Compagnie ralliées à la lisière à 800 mètres au Nord-Ouest de Clos le Roi par le Commandant De TARRAGON (1er Bataillon) et le Capitaine adjoint du Colonel contiennent les efforts de

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l’ennemi, mais les hommes ayant reçu des balles dans le dos, s’éparpillent dans les bois et vont se reformer à hauteur de Clos le Roi, où le régiment se rassemble au bivouac sur le plateau entre Clos le Roi et les Essarts, en seconde ligne, en arrière du 41ème ». « À 23 heures, le bivouac est canonné par l’ennemi ».

Le Colonel LAROQUE blessé est remplacé par le Commandant BLANCHARD qui prend le commandement provisoire du régiment. Effectifs : Officiers : 31 – Sous-officiers : 2 419.

Le 8, la marche en avant est reprise implacable. Jusqu’au 12, où il arrive à Reims, il n’a plus à combattre et assiste au loin à la débâcle de l’armée prussienne dans les marais de Saint-Gond. Tandis que les allemands reculent, au centre, c’est là que JOFFRE lance sa fameuse boutade « Je ne sais pas qui a gagné la Bataille de la Marne, mais je sais qui l’aurait perdue !... ». C’était sans compter sur l’Artillerie de la 42ème Division de GROSETTI qui soutient les Zouaves de la Division Marocaine du Général HUMBERT. Mondement ! C’est là que le 77ème d’Infanterie du Colonel LESTOQUOI va porter un vilain coup aux boches. Vers 14 heures, un clairon sonne la charge, le Colonel s’écrie « Allons ! Mes enfants ! ». Le 2ème Bataillon tout entier, baïonnette au canon, s’élance au pas de charge sur le Château de Mondement ; le Capitaine De MONTESQUIEU, à la tête de sa Compagnie, électrise ses hommes ; sabre au clair il conduit la charge, héroïque ! Une balle l’atteint en plein front. De nombreux Officiers et de braves soldats tombent dans ce bien trop sanglant fait d’armes. Les boches détalent !

Les armées françaises ont gagné la première Bataille de la Marne !

La période du 12 au 22 septembre marque le début de la guerre de tranchées ; rendue pénible par la persistance des pluies. Le 21, le Colonel De BARBE de la BARTHE avait pris le commandement du Régiment qu’il conservera jusqu’à la fin des hostilités. Du 23 au 27 septembre le 70ème goûte enfin un repos bien mérité depuis 38 jours qu’il combât sans arrêt.

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L’incendie de la Cathédrale de Reims le 19 septembre 1914. Extrait de Reims 1900-2000 - Un siècle d'événements de Daniel Pellus. © Éditions Fradet.

"Présents à Reims le 19 septembre 1914, les hommes du 70ème assistent horrifiés à de nouvelles exactions de l’envahisseur prussien... L’incendie fait rage à Reims « ...des hauteurs de Brimont, Berru, Nogent-l’Abbesse, Cernay où ils ont pris solidement position, les Allemands commencent à bombarder Reims. Un bombardement systématique, implacable, qui va durer huit heures. Huit heures de cauchemar pour les Rémois qui se réfugient dans les caves ou fuient précipitamment la ville pour échapper à l’enfer. Dès le matin, les obus pleuvent sur le centre de la ville. L’ancien archevêché est incendié. Le quartier des Cordeliers, de la rue de l’Université, de la place Royale à la place Godinot, est en flammes. Le vieux quartier des laines s’écroule sous un incendie que l’on ne pourra éteindre avant quatre jours. Le feu gagne bientôt la rue Courmeaux, la place des Marchés, la rue de Vesle ». « À midi, un témoin qui a noté le déroulement de cette journée remarque que, si le feu fait rage dans le centre, "la cathédrale par contre n’a pas été touchée". Pas encore. L’incendie de la cathédrale, ce sera pour la fin. L’apothéose de cette journée comme l’une des plus tragiques que Reims ait connue ».

La cathédrale brûle ! La folie prussienne détruit le patrimoine français. 19 septembre 1914.

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« À 15 heures, un obus traverse l’échafaudage qui a été dressé en 1913 le long de la tour nord. L’obus explose dans cet amalgame de poutres et y met le feu. On appelle les pompiers. Mais que peuvent-ils faire alors qu’une partie de la ville et même leur caserne sont en feu ?... Bientôt les flammes s’engouffrent dans la nef, attaquent les portes, se communiquent à la paille qui jonche le sol de la cathédrale et sur laquelle reposent des blessés allemands. C’est la panique. Mais les Allemands, que la foule veut massacrer, sont sortis de l’édifice et sauvés grâce à l’intervention énergique des abbés Landrieux, Thinot et Andrieux ». « Pendant ce temps, le feu poursuit ses ravages. Dans le beffroi de la tour nord, les cloches s’écroulent. Bientôt, la fumée sort de la toiture de la cathédrale. Dans les combles, le feu a trouvé un aliment de choix : les énormes poutres de chêne de l’immense charpente qui a été mise en place 433 ans plus tôt, en 1481, après le premier incendie de la cathédrale, accidentel celui-là. Au chevet, le clocher à l’ange disparaît dans les flammes. Le plomb en ébullition des feuilles qui recouvrent la toiture coule à plein ruisseau sur les voûtes, dans les chéneaux et par les gargouilles. Une vision de cauchemar ! ».

« En ville, la nouvelle s’est vite répandue « La cathédrale brûle ! Ils ont brûlé la cathédrale ! ». « Alors, des quatre coins de la cité, les Rémois commencent à affluer vers le centre. Ils sont sortis des caves où ils entendaient le bruit assourdi des explosions et attendaient dans l’angoisse la fin de la tourmente. Inconscients du danger, car le bombardement peut reprendre à tout moment. « Le coup d’œil est terrifiant, raconte un témoin. À gauche, en face, à droite et même en arrière, c’est un océan de feu ». « On ne peut imaginer un spectacle aussi triste, aussi poignant. La désolation est si grande, un grand nombre de Rémois ne peuvent s’empêcher de pleurer ».

... « Tout le quartier brûlait. Les statues de la cathédrale semblaient se tordre de douleur. Je regardais la toiture de l’édifice se consumer. C’est une vision que je n’oublie pas ! » ; « Ce feu d’artifice aux couleurs changeantes : bleue, verte, orangée selon la fusion des métaux, cette immense colonne de fumée jaunâtre que modelait un soleil oblique et qui, portée au loin par le vent, signait sur fond de ciel l’ignominie allemande...».

« On s’arrache à grand’peine de ce spectacle terrifiant qui ne sortira jamais de notre mémoire ! ».

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Un convoi automobile. Automne 1914.

Le 70ème au secteur d’Arras du 28 septembre 1914 au 30 juillet 1915.

Le 28 septembre, le régiment quitte la Vème Armée et embarque pour la région Nord. D’abord rattaché à la IIème Armée commandée par le Général De CASTELNAU, puis à la Xème Armée du Général DE MAUD’HUY, où il aura la gloire de défendre et de sauver Arras.

La Bataille s’engage le 30 septembre ; les 2ème et 3ème Bataillons sont envoyés en camions automobiles pour protéger le débarquement des troupes.

Le 1er Bataillon du 70ème et le 41ème d’Infanterie de Rennes combattent du 1er au 6 octobre avec la 20ème Division d’Infanterie (39ème Brigade de Saint-Lô et 40ème de Saint-Malo), dans Neuville-Vitasse, Mercatel, Agny. Les autres Bataillons, 2ème et 3ème, rattachés à la 44ème Division luttent à Monchy-le-Preux, à Feuchy, à Baurains, au Tilloy, au cimetière Saint-Sauveur.

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Carte du secteur au Nord d’Arras, de Roclincourt au Sud à Mazingarbe au Nord.

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Situation particulière du 2ème Bataillon du 70ème d’Infanterie à Monchy-le-Preux

... « Vers 18 heures 30, le Bataillon [5ème, 7ème et 8ème Compagnies] est attaqué à Monchy-le-Preux [10 km à l’Est d’Arras]. Il se maintient dans le village pendant toute la nuit. Les pertes sont sérieuses pour les 5ème et 7ème Compagnies. La 6ème Compagnie est détachée à Guémappe. Le Bataillon est en réserve avec le 3ème, au Nord-Est de Tilloy [Entre Arras et Monchy-le-Preux, à 3 km environ à l’Est d’Arras]. Le 3, à 18 heures, le Bataillon relève le 61ème Chasseurs dans des tranchées au Sud de La Chapelle de Feuchy sur le chemin de Neuville-Vitasse. Le 5, la 5ème Compagnie rejoint le 70ème ».

La rue du Calvaire à Monchy-le-Preux en 1914-1915.

« Le 6 octobre, à 2 heures, les 6ème, 7ème, 8ème, 10ème et 11ème Compagnies des des 2 Bataillons quittent les tranchées pour occuper une nouvelle position au Sud de Tilloy, pour la quitter quelques heures plus tard pour se replier selon les ordres sur le cimetière du faubourg Saint-Sauveur à Arras, où il arrive à 9 heures 30. Il est chargé de la défense de ce cimetière ».

« Le 7, 8 heures, par ordre, il quitte le cimetière pour occuper une nouvelle position dans la ville d’Arras. À 12 heures, nouvel ordre : retourner au

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cimetière qui est bombardé violemment pendant toute l’après-midi ». « Le 8, à 3 heures 30, le Bataillon quitte Arras. Il se porte à Berneville [9 km au Sud-Ouest d’Arras], comme réserve du Xème Corps ».

« Le 9 octobre, de 11 heures à 13 heures, le Bataillon est transporté en convoi automobile de Warlus [2 km au Nord de Berneville], à Mazingarbe [à 26 km au Nord de Warlus, entre Béthune et Lens] ». « Le 10, le Bataillon est en route vers 8 heures pour se porter à Haisnes, où il doit se mettre à disposition du 1er Corps de Cavalerie. Il reçoit en arrivant à hauteur de Vermelles [5 km au Nord-Est de Mazingarbe], l’ordre d’occuper ce village ». « La Compagnie d’avant-garde rencontre, près de l’église de Vermelles, les éclaireurs ennemis précédant des fractions déjà passées à l’Ouest de la voie ferrée ».

« Pendant toute la journée ; combats dans le village ». « Dans la soirée, l’ennemi est rejeté à l’Est de la voie ferrée qu’occupe le Bataillon ». « Un peloton est poussé jusqu’au Rutoire [1 km Sud-Est de Vermelles] pendant la nuit ». « Le lendemain, le Bataillon reçoit l’ordre d’évacuer Le Rutoire pour permettre à l’Artillerie de bombarder les fractions ennemies qui débouchent d’Hulluck [5 km à l’Est du Rutoire] ». Devant des forces supérieures, le Bataillon est obligé d’évacuer la voie ferrée et de se replier dans le village, sur les emplacements de la veille ».

« Le 13, l’ennemi reprend l’attaque. Le Bataillon se maintient en place ».

« À 13 heures, le Bataillon prend l’offensive. Il se porte à l’attaque de la lisière Sud de Vermelles, appuyé à gauche par un Bataillon du 296ème partant de Noyelles et à droite par un Bataillon du 41ème partant de la halte ». « Le 2ème progresse jusqu’à 400 mètres de la lisière Sud du village ». « Quelques fractions arrivent au cimetière. Il reste sur ces emplacements toute la nuit ».

Les pertes du 2ème Bataillon depuis son arrivée à Vermelles, depuis le 10 octobre : 145 Hommes de troupe tués, disparus ou blessés. Le Capitaine De L’ARZA a été blessé.

« Dans l’après-midi du 14 octobre, le Bataillon est relevé pour être placé en réserve au Nord de Marzingarbe » ; « Le 15, il se porte à la Fosse n° 2 de Béthune, en réserve à disposition du 21ème Corps d’armée ». « Le 20, il quitte la Fosse n° 2 à 15 heures, pour aller à Cambrun [8 km au Sud-Est de Béthune],

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en réserve, à la disposition du Général commandant la 58ème Division ; le 21, à 8 heures, le Bataillon se rend de Cambrun à Annequin [1 km à l’Ouest de Cambrun] ». « Le 22, il part à 4 heures d’Annequin pour rentrer à la Fosse n° 2. 16 heures, nouveau départ. Le Bataillon se rend aux tranchées de Sailly-Labourse et Noyelles pour les occuper [6 à 9 km au Sud-Est de Béthune]».

« Le 23 octobre, départ du Bataillon à 5 heures pour Givenchy [7 km au Nord-Est de Noyelles] ». « Il remplace le lendemain vers 18 heures un Bataillon anglais dans les tranchées au Nord-Est de Givenchy ». « Vers 14 heures, le 25, un bombardement violent de la "grosse" artillerie ennemie pilonne les tranchées occupées par le Bataillon ».

Dans les tranchées dans le secteur d’Arras. Hiver 1914-1915.

« Ce bombardement est suivie d’une attaque d’infanterie vers 16 heures. La gauche de la ligne occupée par la 8ème Compagnie souffre surtout des bombardements qui ont démolit une partie des tranchées, engloutissant les défenseurs sous les éboulis ». « L’attaque d’infanterie est repoussée et les portions de tranchées qui avaient du être momentanément évacuées sont récupérées à la nuit ».

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Les pertes du jour sont importantes : 180 Hommes de troupe tués, disparus ou blessés. Le Sous-Lieutenant CHENEVIÈRES a été tué ; le Sous-Lieutenant FRANCK a été blessé.

« Le Bataillon conserve ses emplacements jusqu’au 9 novembre - 2 Compagnies aux tranchées de 1ère ligne et 2 Compagnies dans les tranchées de 2ème ligne ; le 9 de 20 heures à 23 heures, le Bataillon est relevé ; il part à 23 heures 30 pour se rendre à Noeux-les-Mines [10 km au Sud-Ouest de Givenchy] ».

« Passé en réserve du 21ème Corps le 12, le Bataillon est cantonné à Noeux-les-Mines ». « Le 12, à 17 heures il rejoint Noulette pour relever un Bataillon du 158ème, où il occupe les tranchées au Sud du village jusqu’au 21 octobre ». « Le 22 octobre, à 24 heures, les 6ème, 7ème, 8ème et 10ème Compagnies sont relevées par des Compagnies du 20ème Chasseurs. Elles vont cantonner à Aix-Noulette ».

Signé le Chef de Bataillon BLANCHARD, Aix-Noulette le 22 novembre 1914.

« Fin novembre 1914, le 2ème Bataillon rejoint le 70ème . Il est affecté au secteur de Gouy-en-Artois [à 15 km au Sud-Ouest d’Arras], où il cantonne ». « Le Lieutenant-Colonel De BARBE reçoit l’ordre de se porter à son poste de commandement à Bailleulmont (Poste de jour) et à l’abri de la côte 147 (Poste de nuit) ». « Les 3 Bataillons du 70ème prennent le service de tranchées de concert avec le 48ème de Guingamp dans les secteurs à l’Est de Berles-aux-Bois [7 km au Sud-Est de Gouy-en-Artois]. Il y reste jusqu’au 14 décembre où il est relevé par le Bataillon GUOUIAN du 48ème. Le 1er va cantonner à Gouy ; le 2ème à Bailleulmont ; le 3ème à Bavincourt ».

« Le 16 décembre, le régiment se porte sur Duyssans [7 km au Nord-Ouest d’Arras], en réserve de l’Armée ». « Le 71ème de Saint-Brieuc est dans la même situation à Warlus ». « Le Lieutenant-Colonel ROUX du 71ème d’Infanterie reçoit le commandement de cette brigade provisoire ».

L’année 1914 se termine pour ces deux régiments du 10ème Corps dans les tranchées à l’Ouest d’Arras, avec toutes les difficultés que procurent les intempéries. Le secteur est relativement calme jusqu’au 24 février 1915. Les pertes par le feu sont légères, seule la maladie fait sentir ses effets. La fin de

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l’hiver et le printemps seront plus agités, notament aux lignes de Roclincourt, où les Poilus font connaissance avec les "minenwerfer" (1).

C’est la période de l’endurance ; coupée seulement de moments de répit. C’est là qu’il faut oublier les charges épiques, les assauts magnifiques la baïonnette au canon, pour bien comprendre ce que veut dire le mot « tenir ».

Un minenwerfer de 170 mm dans une tranchée allemande.

(1) [ L'armée allemande s’était dotée de "minenwerfer", pièces d’artillerie de

tranchées à tir courbe et à tube rayé Les "minenwerfer" permettent alors de réaliser des tirs courbes, envoyant des projectiles au pouvoir explosif élevé encerclés dans une mince enveloppe métallique. Les "minenwerfer", capables de projeter des mines de 75.8, 170 ou 250 mm, équipent des unités spéciales du génie à partir d'octobre 1914, et provoquent des dégâts importants dans les tranchées françaises. Des petits lance-bombes de calibres très variés, appelés "ladungswerfer", sont également retirés des forts où ils étaient montés, pour être envoyés sur la ligne de front. Dans

leur argot les combattants appelaient les projectiles : minen, marmite, crapouillot].

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Carte du secteur de Roclincourt.

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1915 - Le casse-pipe de Roclincourt

Dès le 3 janvier, le 70ème revient sur la ligne du Crinchon [Au Sud-Ouest de Bailleulmont, entre Bailleulmont et Berles-aux-Bois]. Le P.C. est à Bailleulmont. « Dans ce secteur, la relève du service des tranchées a lieu tous les 4 jours entre le 1er et le 2ème Bataillon ». « Le Bataillon cantonné à Bailleulmont détache chaque jour 1 Compagnie à Berles en réserve de 1ère ligne ». « Dans le secteur de Bailleulval [1,5 km au Nord-Est de Bailleulmont], 2 Postes composés de 2 Compagnies du 3ème Bataillon du 70ème et 2 Compagnies d’un Bataillon Territorial alternent entre elles aux tranchées ».

Arras bombardée dès 1914, sur la photo, la gare. © gallica.bnf.fr.

« Le 1er et le 2ème Bataillons relevés par 2 Bataillons du 41ème sont en réserve d’Armée à Wamquetin [8 km au Nord de Bailleulmont] le 18 janvier ». « Le Lieutenant-Colonel De BARBE et le 3ème Bataillon rejoignent le 19 janvier ».

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Le service reste inchangé jusqu’à la fin de janvier. « Le 1er février, le Capitaine PAILLER, commandant la 5ème Compagnie reçoit la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur ; c’est le Général JOFFRE en personne qui le décore ».

« Le 2 février, le Lieutenant-Colonel De BARBE établit son P.C à Berles-au-Bois, de jour comme de nuit ». « Les 6 et 7 février le régiment au complet vient en réserve d’armée à Wamquetin ». « Jusqu’au 15 février, les Bataillons du 70ème assurent les relèves du service de tranchées dans les secteurs de Berles-au-Bois, Bailleulmont, Bailleulval ». « Les 3 Bataillons du 70ème, à leur tour, cantonnent à Bavincourt [7 km au Nord de Berles-au-Bois].

Le front de la 19ème Division est divisé en 3 sous-secteurs : . Sous-secteur A – Ecurie, sous le commandement du Lieutenant-Colonel FODERHPOIL du 41ème – P.C. à la ferme Téclar. . Sous-secteur B – Sous le commandement du Lieutenant-Colonel ROUX du 71ème – P.C. Usine de Roclincourt. . Sous-secteur C – Sous le commandement du Lieutenant-Colonel SOUSSELIER du 48ème – P.C. à Roclincourt.

Le sous-secteur B auquel sont affectés les 3 Bataillons du 70ème est divisé en 3 segments :

1 – Segment O occupé par 3 Compagnies du 70ème. Il est placé sous les commandements alternés des Chefs des 1er et 3ème Bataillons du 70ème – Commandant De TARRAGON et Commandant De BRAY. 2 – Segment C occupé par 1 Compagnie du 70ème, 1 peloton de Chasseurs d’Afrique et 1 Compagnie du 71ème. Il est commandé alternativement par un Chef de Bataillon du 70ème – Commandant BLANCHARD et un Chef de Bataillon du 71ème. 3 – Segment E occupé par 3 Compagnies du 71ème. Il est placé sous le commandement de Chefs de Bataillons du 71ème.

« Le 22 février, le 2ème Bataillon du 70ème est à Hermaville [16 km Ouest de Roclincourt]. Le 1er est à Anzin-Saint-Aubin [4,5 km au Sud-Ouest de Roclincourt]. À 11 heures du matin, les deux Bataillons sont dans leurs positions. Le Colonel De BARBE installe son P.C. à Anzin-St-Aubin ». « Dans la nuit du 22 au 23 février, le 3ème Bataillon et les 3 sections de mitrailleuses les rejoignent à Anzin-St-Aubin ». « Les positions sont les suivantes : 1 Bataillon en première ligne dont 3 Compagnies au segment O et 1 Compagnie au segment C, 1 Bataillon est en réserve de 1ère ligne à Anzin,

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1 en réserve divisonnaire à Hermaville ». « Ainsi, les relèves aux tranchées des 1er et 3ème Bataillons ont lieu tous les trois jours ».

Aucun changement jusqu’à la fin février. « Le 27, le Capitaine à T.T. Du COUËDIC de KERGOALER, commandant la 7ème Compagnie est promu Capitaine à titre définitif ». « Le 28, le Capitaine MASSE commandant la 1ère Compagnie est tué par éclats d’obus ; le Lieutenant De VILLENEUVE reprend son commandement ». Le mois de mars conserve les mêmes prérogratives.

A l’abri des bombardements d’artillerie dans la sape.©jeanclaude.vilespy.free.fr

Le 19 mars, le Général Commandant la Xème Armée cite à l’ordre de l’armée le Capitaine MASSE « A été mortellement blessé dans les tranchées de première ligne au moment où, sous une grêle d’obus, il rédigeait un rapport pour son Chef de Bataillon, donnant ce jour-là, comme partout et toujours, l’exemple du plus magnifique sang-froid et du plus complet mépris du danger ».

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Le 20, c’est le Général commandant la 19ème Division qui cite le Soldat de 2ème Classe GILBERT de la 11ème Compagnie du 70ème « Aussitôt après un camouflet allemand, s’est précipité en tête de sape, a travaillé à retirer trois sapeurs mineurs ensevelis et a montré en cette occasion le meilleur esprit de solidarité et le plus grand sang-froid ».

« Le calme règne sur le secteur jusqu’à la fin du mois d’avril ». « Le 70ème vit au rythme des relèves du services des tranchées, à Roclincourt, à Anzin-Saint-Aubin ». « Les Bataillons viennent à tour de rôle cantonner au Nord d’Arras, à Sainte-Catherine. Le Lieutenant-Colonel De BARBE y installe son P.C. le 21 avril ». « Le 24 il le déplace plus au Sud-Ouest, au four à chaux, à Saint-Nicolas ». « Il y relève le Lieutenant-Colonel MORRIS du 47ème de Saint-Malo, et prend le commandement des troupes d’Infanterie de la Division ».

Le Poilu de 1915.

Le JMO du 70ème note le 30 avril 1915, « Rien à signaler pendant ces 5 journées, pendant lesquelles on prévoit seulement l’éventualité d’une reprise de l’offensive ».

En vue d’une reprise d’offensive, on rend plus dense la première ligne en faisant serrer entre les Compagnies de tête une Compagnie de soutien d’attaque prévue à différentes reprises. 6 mai, « On attaquera demain ! ».

7 mai, « On attaquera demain ou après-demain ! ». 8 mai, « L’attaque est fixée pour demain ! ». « C’est le 70ème qui en aura l’honneur dans notre partie du secteur ! ».

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Puis c’est le 9 mai, le jour où l’offensive va reprendre. Escomptée depuis des mois avec impatience ; enfin le jour où l’on va quitter les tranchées pour chasser le boche, loin, très loin peut-être. Mais ce beau courage va se heurter au nouveau paysage des tranchées : les réseaux de fils de fer barbelés que les préparations d’artillerie n’auront pas détruits...

9 mai, « L’ordre d’attaquer est donné au 70ème ». « Tout le régiment est massé dans les abris et les tranchées du Saillant de Chantecler. Deux Bataillons sont en première ligne, accolés avec un front de quatre Compagnies, le 3ème Bataillon à gauche, sous le commandement du Commandant De BRAY, le 2ème à droite, sous celui du Commandant BLANCHARD ». « Le 1er Bataillon sous les ordres du Commandant De TARRAGON est en soutien avec ses 4 Compagnies en ligne ».

Schéma d’organisation des bataillons du 70ème pour l’attaque du 9 mai 1915. © JMO 70ème.

L’Offensive du 9 mai 1915 à Roclincourt

« L’objectif de la 38ème Brigade [41ème de Rennes et 70ème de Vitré], en exécution de l’ordre de la 19ème Division, fixe l’axe de l’attaque passant sensiblement entre la côte 96 et le pont sur la voie ferrée à 300 mètres au Sud, la droite du Bataillon de droite (2ème), doit passer un peu au Nord de la Maison Blanche à la Corne Nord-Ouest du bois Carré et à la croisée des chemins : côte 96 – Point du jour et Saint-Laurent - Bailleul. La gauche du Bataillon de gauche marche sur le Calvaire de Bailleul en passant par le carrefour du chemin de terre Farbus – Saint-Nicolas et du chemin Roclincourt – Bailleul-Sir-Berthoult ».

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« La première ligne doit franchir "sans s’y arrêter" les tranchées de la 1ère ligne ennemie et pousser rapidement jusqu’à la 2ème ligne ennemie qu’elle doit également chercher à franchir ». « La 2ème ligne doit suivre la première à 80 ou 100 mètres et l’appuyer sans cesse ; la 3ème doit suivre la deuxième à une distance qui ne doit pas excéder 100 à 200 mètres ». « Des grenadiers doivent précéder à quelques pas la 1ère ligne ». « Derrière chaque Compagnie de première ligne à environ 25 mètres doivent marcher 16 grenadiers et une section d’infanterie prise dans chaque Compagnie correspondante du Bataillon de queue du 70ème ».

Le 70ème sera en liaison à gauche avec le 17ème Corps d’armée et à droite avec la 37ème Brigade [48ème de Guingamp et 71ème de Saint-Brieuc].

« À 10 heures, les Compagnies enlevées avec ensemble par leurs officiers sortent de la parallèle de départ ». « La 10ème Compagnie du Capitaine LAFFICHÉ, suivie de la 12ème du Capitaine PRUVOST, arrivent avec un élan admirable jusqu’aux tranchées allemandes de première lignes qu’elles dépassent ». « Le Capitaine LAFFICHÉ, arrivé le premier, a tué plusieurs ennemis ». « Il est tué ! ». « Sa Compagnie ainsi que la 12ème sont décimées cruellement ». « Le Capitaine PRUVOST tombe sur le parapet de la tranchée ennemie ».

« Les deux autres Compagnies du 3ème Bataillon, la 11ème du Sous-Lieutenant CHARTIER et la 9ème du Capitaine CHATELAIN, sont arrêtées par les fils de fer et les défenses accessoires presques intactes ; elles sont pratiquement anéanties par des feux flanquants venus du Triangle et du Saillant ».

« À 10 heures 40, le Commandant De BRAY demande du secours entre 360 et le Saillant ; son Bataillon (3ème) ne pouvant plus avancer sous le feu nourri des mitrailleuses ».

« À droite, les deux Compagnies de 1ère ligne du 2ème Bataillon, la 5ème du Lieutenant COLLÉGUS et la 6ème du Capitaine De FERROU ont des pertes considérables, chefs et hommes tombent sous les feux flanquants des mitrailleuses venus de Chantecler ». « Les deux Compagnies de deuxième ligne ; 7ème du Capitaine De COUËDIC et 8ème du Capitaine De KERMADEC parviennent à s’approcher davantage des lignes ennemies ». « Une fraction de la 8ème, composée presque exclusivement de blessés, réussit, sous les ordres du Sous-Lieutenant BOURGIN, à prendre pied dans l’entonnoir proche du Saillant ». « Elle l’occupe et s’y fortifie sous un feu de grenades et

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de pétards qui la décime encore ». « Le Capitaine De KERMADEC tombe grèvement blessé ».

« La 7ème Compagnie s’est heurtée à des défenses accessoires non détruites ; elle est obligée de faire un détour sous une pluie de mitraille ». « Une fraction réussit à creuser un élément de tranchées à 80 mètres des tranchées ennemies ».

« À 10 heures 30, le Commandant BLANCHARD informe le Colonel qu’il a donné l’ordre à ses troupes de s’organiser sur place ».

« Les deux Compagnies de gauche du 1er Bataillon ; la 4ème du Capitaine PIERRON et la 2ème du Capitaine De KERMADEC ont suivi de près les Compagnies du 3ème Bataillon ». « Elles parviennent à prendre pied dans la tranchée ennemie ». « Le Capitaine PIERRON est blessé ». « À leur tour , ces Compagnies sont terriblement décimées ».

Pendant l’offensive d’Artois, mai 1915.

« À 12 heures 50, le Général de Brigade donne l’ordre d’envoyer quelques fractions en appui de celles qui ont déjà pris pied dans les tranchées ennemies ». « À 14 heures 25, le Général donne l’ordre au Commandant BLANCHARD de conformer un mouvement à celui de la 37ème Brigade du Général PIERSON, qui avance de son côté ».

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« Puis l’ordre est donné de reprendre l’attaque à 17 heures avec les fractions qui subsistent, soutenues par deux Compagnies du 41ème ».

« À 19 heures, l’ordre est donné au 70ème de rester sur place avec un Bataillon du 41ème à sa gauche ; de conserver à tout prix le terrain acquis ; de s’y enterrer ; de creuser des sapes entre les lignes ». « Peu après, un nouvel ordre est lancé ; faire rentrer dans la parallèle de départ toutes les fractions avancées ». « Le Capitaine Du COUËDIC et les fractions qui sont sous ses ordres avaient creusé un élément de tranchée à 80 mètres de l’ennemi ; ils n’ont pu rentrer qu’au milieu de la nuit ».

Au soir de l’offensive les chiffres des pertes sont considérables. Le 70ème a perdu plus de 50% de son effectif. 1 797 Hommes et 24 Officiers sont Tués, Disparus ou blessés.

Trois "Gâs de Campenia" manquent à l’appel ! Louis Eugène OLIVIER ; Jean François PONTGELARD et Joseph ROUAUD sont déclarés présumés Morts pour la France ayant "Disparu" au combat le 9 mai 1915 à Roclincourt (Pas-de-Calais). Louis OLIVIER aurait eu 25 ans le 25 août suivant et Joseph ROUAUD avait eu ses 25 ans le 11 janvier ; Jean François PONTGELARD, plus vieux, allait avoir 35 ans cinq jours plus tard..

Le Tribunal Civil de Ploërmel déclare en ses conclusions fixer la date de leurs décès au 9 mai 1915. Les transcriptions de décès sont faites en Mairie de Campénéac pour Louis OLIVIER le 21 juin 1921 et pour Joseph ROUAUD le 29 janvier 1920. Natifs de Campénéac et toujours domicilés en dernier lieu à Campénéac, ils sont inscrits tous les deux sur le Monuments aux Morts de la guerre de 1914-1918 érigé à l’origine sur la place de Campénac, sur le parvis de l’église. Le monument fut inauguré le 10 septembre 1922. Il comporte les noms de 91 Campénéacois Morts pour la France dans la première guerre mondiale.

Jean François PONTGELARD lui, était domicilié en dernier lieu à Augan. C’est donc dans cette Mairie qu’est faîte la transcrition de son décès le 8 août 1921. Du fait, il est inscrit sur le Monument aux Morts de la commune d’Augan.

Aucun des trois n’a de Sépulture de guerre identifiée. Ils reposent sûrement, anonymes, dans un ossuaire ; peut-être dans la crypte-ossuaire de la Nécropole "Notre-Dame-de-Lorette" d’Ablain-Saint-Nazaire avec 19 995 autres camarades tombés en Pas-de-Calais. Inhumés là pour l’éternité !

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Mitrailleurs en position dans une tranchée en Artois – 1915.

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Le 70ème Régiment d’Infanterie de Vitré a combattu sur de nombreux fronts de la guerre 1914 – 1918.

Sur son Drapeau Glorieux on peut y inscrire les Batailles où il s’est illustré :

1914 – Charleroi – 20 au 23 août (Auvelais, Tamine, Fosse). Bataille de Guise – 29 août (Sains, Richaumont). Bataille de la Marne – 6 au 13 septembre (Sézanne, Gault). Bataille d’Artois – Fin 1914 (Agny, Monchy-le-Preux, Vermelles). 1915 – Bataille d’Artois – Janvier à juin (Berles-au-Bois, Roclincourt). Argonne – août à décembre (Fontaine-aux-Charmes). 1916 – Verdun – Février - Septembre (Récicourt, côte 264, Thiaumont). Champagne – Jusque janvier 17 (Saint-Hilaire-le-Grand). 1917 – Somme – Février (Dompierre). Aisne – Mars (Moyencourt, Grécourt, Hombleux). Marne – Avril-mai (Mont Blond, Le Cornillet). Woëvre – Juin-août (Moulainville). Tranchée de Calonne (jusqu’en mars 1918). 1918 – Attaque de l’Aisne – Juin (Crécy, Bois des Loups, puis La Plessier-Huleu et Saint-Rémy-Blanzy).

2 Citations à l’Ordre de l’Armée. 1 Citation à l’Ordre du Corps d’Armée.

Fourragère verte et rouge Aux couleurs de la Croix de Guerre 1914-1918.

Le 70ème d’Infanterie a perdu dans ces combats : . 96 Officiers.

. 4 364 Sous-Officiers, Caporaux et Soldats.

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Groupe de Poilus du 70ème Régiment d’Infanterie stationné à Vitré.

Une réalisation de l’Association Aux "Gâs de Campenia" pour la Mémoire des Soldats de Campénéac, Morbihan, Morts pour la France en 1914 – 1918.

Relevés des Journaux de Marches et Opérations du 70ème R.I. Remerciements : État-civil de la Mairie de Campénéac ; Mémoire des Hommes ;

Archives Départementales du Morbihan – Bibliographie : Reims 1900-2000 - Un siècle d'événements de Daniel Pellus. © Éditions Fradet ; 1915. L'enlisement, par Jean-Yves Le

Naour. Perrin ; La Grande Guerre. Fin d'un monde, début d'un siècle, par François Cochet. Perrin - Photos d’archives © Aux Gâs de Campeniâ sauf précisions.

Edition mai 2015. Contact : [email protected] – Campénéac (Morbihan).

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Après la bataille

Mon père, ce héros au sourire si doux,

Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous

Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,

Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,

Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.

Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.

C’était un Espagnol de l’armée en déroute

Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,

Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.

Et qui disait: ” A boire ! à boire par pitié ! ”

Mon père, ému, tendit à son housard fidèle

Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,

Et dit: “Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. ”

Tout à coup, au moment où le housard baissé

Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,

Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,

Et vise au front mon père en criant: “Caramba! ”

Le coup passa si près que le chapeau tomba

Et que le cheval fit un écart en arrière.

“Donne-lui tout de même à boire”, dit mon père.

Victor Hugo

Pierre SENTIER – mai 2015 Édition Librairie de La Voûte – Paris - www.librairie-genealogique.com/fr/65-guerre-14-18