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PATRIMOINE – FISCALITÉ Guillaume ALLEGRE – Magistère Droit, Fiscalité,
Comptabilité.
28 mars 2013
L’APPORT-‐CESSION : LE « SURSIS » PREND FINALEMENT FIN…
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Période de crise oblige, l’Etat prend l’argent là où il est et par souci de justice sociale, taxe davantage les contribuables aisés que les épargnants modestes.
Il est des contribuables qui, à la tête d’une importante entreprise familiale exploitée sous forme sociétaire, pouvaient jusqu’à présent optimiser la transmission de celle-‐ci dans le cadre de montages plus ou moins complexes mais dont certains se révélaient très avantageux. L’un de ces montages est l’apport-‐cession.
L'opération d'apport-‐cession consiste pour le contribuable à apporter les titres de sa société d'exploitation à une autre société qu'il contrôle (holding la plupart du temps) ayant opté pour l'impôt sur les sociétés.
A l'occasion de cet apport, le contribuable bénéficie automatiquement d'un sursis d'imposition sur la plus-‐value relative aux titres apportés, sursis qui ne prend fin que lorsque le contribuable cède les titres reçus en contrepartie de l'apport (donc les titres de la société holding en général).
De son côté, la société bénéficiaire de l'apport cède les titres qui lui ont été apportés pour un prix correspondant à leur valeur d'apport et ne subit donc aucune imposition à ce titre.
Pour les apports réalisés depuis le 14 novembre dernier, l'imposition de la plus-‐value d'apport des titres peut toujours être différée. Le report d'imposition tombe toutefois :
-‐ soit, comme auparavant, lorsque les titres reçus en contrepartie de l'apport sont cédés par le contribuable,
-‐ soit, et il s'agit de la principale nouveauté, en cas de cession, par la société bénéficiaire de l'apport, dans les 3 années suivant l'apport, des titres qu'elle a reçus. L'imposition pouvant cependant être évitée si la société réinvestit, dans les 2 ans suivant la cession, au moins 50 % du produit de la cession dans une activité économique.
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I – L’apport-‐cession de titres à une holding : optimisation fiscale sur la plus-‐value.
A titre introductif, rappelons l’intérêt de recourir à l’apport-‐cession. Antérieurement à la loi du 29 décembre 2012 (loi de finances pour 2013), le but de l’exploitant à la tête de l’activité était de placer la plus-‐value acquise tout au long de l’exploitation sous le régime du sursis d’imposition décrit à l’article 150-‐0 B du CGI.
Par renvoi aux dispositions de l’article 150-‐0 A I. 3. du même code, la plus-‐value réalisée lorsqu’elle porte sur la cession de droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que leurs frères et sœurs dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent et ayant son siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, lorsqu’ils ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans.
A défaut, la plus-‐value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers.
Dans ce cadre, la plus-‐value qui est constatée lors de l’échange des titres entre la société opérationnelle et la holding est neutralisée. Elle constitue une opération dite « intercalaire » et n’est donc pas prise en compte au titre de cette année pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
La prise en compte de cette plus-‐value était alors différée jusqu'à la cession ultérieure (mais aussi le rachat, le remboursement ou l'annulation!) des titres reçus en échange.
En revanche, la cession par la société bénéficiaire de l'apport des titres qui lui ont été apportés n'est pas de nature à mettre fin au sursis d'imposition de la plus-‐value d'échange. C’est également sur ce point que le régime du report désormais applicable va radicalement changer les choses comme il le sera prouvé dans des développements ultérieurs.
A) Les conditions à remplir pour mettre en place l’apport-‐cession.
Concernant l’apporteur, celui-‐ci peut être une personne physique mais cela peut également être une personne morale. Toutefois dans ce dernier cas, il doit exclusivement s’agir d’une personne morale relevant des dispositions de l’article 8 du CGI.
Autrement dit, cela vise les sociétés soumises à l’IR, comme par exemple les associés en nom d’une SNC, ou encore les commandités d’une SCS (les commanditaires eux, sont non commerçants, donc ont une responsabilité limitée à leurs apports, critère
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d’assujettissement à l’IS en droit français), ou encore les associés connus et dont la responsabilité est illimitée d’une société en participation ou pire, d’une société créée de fait entre deux concubins qui n’avaient pas l’intention de s’associer, ou encore et plus classiquement, des associés d’une société civile qu’elle soit de moyens, professionnelle, immobilière.
Quoi qu’il en soit, l’apporteur doit impérativement agir dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé. Cette condition semble d’une évidence extrême.
Il n’est en effet pas la peine de préciser que lorsque l’exploitant apporteur (et notamment s’il agit par société) agit dans le cadre de son activité professionnelle, la plus-‐value constatée sera soumise aux dispositions prévues en la matière…
Concernant ensuite la société qui va bénéficier de l’apport autrement dit dans notre cas, la holding bénéficiaire. Le texte dispose ici qu’il doit s’agit d’une société soumise à l’IS.
Peu de précisions va-‐t-‐on dire, mais l’Administration s’est empressée d’apporter quelques précisions en la matière. D’une part, et c’est plutôt une précision d’assouplissement, la société peut être soumise à l’IS de plein droit ou sur option. Ainsi, il peut parfaitement s’agir d’une société de personne ayant opté pour un changement de régime fiscal, ainsi par exemple, une société civile qui opterait pour l’IS.
Toutefois ici, on remarque le caractère obsolète de cette précision, puisque si en théorie, une société de personnes peut opter pour l’IS, quel serait l’intérêt pour l’exploitant de constituer une société de personnes et de la passer à l’IS pour réaliser l’apport-‐cession ?
Quand on connaît les incidences d’un changement de régime fiscal à savoir l’imposition immédiate des bénéfices d’exploitation, des résultats en sursis d’imposition, des profits et plus-‐values latentes, on ne peut que conseiller aux clients d’éviter d’avoir à réaliser ce genre d’opérations (les associés devant en outre, s’acquitter de droits d’enregistrement – droit de 5% sur la valeur vénale des biens au jour du changement de régime, avec toutefois une option sous condition de conservation des titres pendant 3 ans par les associés, pour un droit forfaitaire fixe de 375 ou 500 € selon que le capital social de la société de personnes est au jour du changement, inférieur ou supérieur à 225.000 €).
L’Administration a également précisé que la société bénéficiaire ne devait pas être exonérée de façon permanente par une disposition particulière de l’IS.
La société bénéficiaire peut en outre avoir son siège de direction en France ou dans un Etat étranger, étant toutefois précisé que l’Etat étranger se comprend ici comme un Etat de la communauté ou un Etat avec lequel la France aurait conclu une convention fiscale internationale avec clause d’assistance administrative. Dans ce cas, la société devra être soumise à un impôt équivalent à l’IS en France.
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Concernant les conditions de l’apport des titres. Celui-‐ci peut s’effectuer au bon vouloir de l’exploitant en pleine propriété, usufruit ou nue-‐propriété. L’Administration admet même que par exemple, la holding reçoive l’usufruit des parts de la société opérationnelle alors que la société opérationnelle reçoit la nue propriété des titres de la holding. Ici encore, l’optimisation était jusqu’au 1er janvier 2013 très intéressante. L’économie pouvait être conséquente.
Par ailleurs, l’apport peut se réaliser avec ou sans soulte (le bénéfice du régime de sursis d’imposition s’appliquait indifféremment dans les deux cas). Mais lorsque l’échange avait lieu avec soulte, il y avait bien lieu de vérifier que celle ci n’excédait pas 10% de la valeur des titres remis en échange par la holding. Si la condition est remplie, le sursis d’imposition s’appliquait sur la totalité des titres reçus en échange, mais également sur la soulte (mais évidemment, lorsque le sursis prenait fin, la soulte était prise en compte dans le calcul de la plus-‐value pour l’imposition…).
B) L’optimisation proprement dite.
L’opération d’apport-‐cession est très simple à comprendre, elle se décompose en deux phases distinctes mais très rapprochées dans le temps. D’abord, l’apport des titres de la société dont on envisage la transmission à la descendance. Ensuite, la cession de ces mêmes titres par la holding bénéficiaire.
Concernant l’apport tout d’abord. En général, la société bénéficiaire est constituée pour l’occasion lorsque celui-‐ci s’apprête à intervenir, on parle alors de société constituée ad-‐hoc. Toutefois, aucun texte de loi n’empêcherait à un contribuable exploitant d’apporter les titres de la société opérationnelle à une société civile qu’il détient depuis plusieurs années. La seule exigence on l’a vu, est que la société bénéficiaire soit soumise de plein droit ou à l’IS (d’où ici la remarque infra qui consistait à dire qu’il fallait éviter dans ce schéma dans le cas où le contribuable possèderait déjà une société civile, de se contenter de la passer à l’IS… le coût fiscal serait nettement moins élevé, quitte à créer une société soumise à l’IS de plein droit, plutôt que de vouloir à tout prix ne pas s’acquitter de formalités complémentaires en ne constituant pas de nouvelle société).
Quelle forme conseiller au client dans le cadre de ce schéma ? Peu importe, encore une fois, la bénéficiaire doit simplement être soumise à l’IS. Toutefois il est évident que « la mode actuelle » conduit à créer une SAS (et à fortiori, une SASU serait également envisageable) pour sa grande liberté statutaire.
Une SCI pourrait également très bien convenir, on notera ici que lorsque le contribuable constitue une SCI et opter dès la constitution pour le régime fiscal de l’IS, les conséquences d’un changement de régime fiscal normalement applicables ne le seront pas ici, aucun coût supplémentaire ne sera donc mis à sa charge.
Ensuite, la société ad-‐hoc doit céder les titres qu’elle reçoit de la société opérationnelle, c’est la seconde phase du schéma fiscal.
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A cet effet, l’Administration ni la loi d’ailleurs, n’imposent un délai de cession. Toutefois, c’est la pratique et le bon sens qui invitent ici le maitre à bord à céder les titres le plus rapidement possible pour faire jouer au maximum le mécanisme du sursis d’imposition.
En effet, comment se déroule l’opération ? La société holding reçoit des titres d’une valeur X. Deux solutions sont envisageables.
Soit la holding les cède à très brève échéance, ne laissant ainsi pas le temps aux titres de prendre de la valeur (on part ici de l’hypothèse selon laquelle la société opérationnelle qui se trouve derrière a une activité florissante et dont la valeur des titres peut rapidement grimper).
Soit la société holding attend et ne les cèdes que quelques années après.
Quelles conséquences ? Tout simplement le calcul de la plus-‐value puisque celle-‐ci se calcule par définition sur la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition.
Par conséquent tout l’intérêt et le but consiste à obtenir un valeur de d’acquisition la plus proche possible de la valeur de cession pour que la différence soit égale à 0.
Comme la valeur d’acquisition retenue est celle mentionnée dans l’apport, si la cession intervient quelques jours plus tard, le prix de cession est identique à la valeur d’apport et la plus-‐value constatée est de 0. La cession n’est pas imposée.
A la décharge du contribuable qui attendrait quelques mois voire quelques années avant de vendre les titres de la holding, on peut se rassurer en invoquant le fait que la holding étant soumise à l’IS, la société opérationnelle également (en général, la transmission d’entreprise porte sur des sociétés IS…) le de taxation préférentielle des plus-‐values à long terme sur des titres de participation pouvant alors s’appliquer (à cet effet, dernière modification de la loi de finances pour 2013 – article 22 : la quote-‐part de frais et charges à réintégrer n’est plus de 10 mais 12% et se prend sur la plus-‐value brute, non plus nette…).
Le sursis pouvait alors pleinement jouer, mais il fallait bien évidemment en arriver à un moment ou à un autre à un dénouement. La plus-‐value ou plus précisément son imposition, était différée jusqu’au moment où les titres reçus en échange par la holding étaient cédés ou annulés.
Dès lors, selon quelles modalités calculer la plus-‐value ? Le prix de cession ne pose pas de problème. Le prix d’acquisition retenu quant à lui était celui d’acquisition des titres remis en échange majoré, ou diminué d’ailleurs, du montant de la soulte versée ou reçue en échange. L’imposition de cette plus-‐value pouvait également bénéficier de mesures d’assouplissement comme en cas de départ à la retraite de l’exploitant, ou encore en appliquant tout simplement les abattements prévues en matière de durée de détention des titres.
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Toutefois, lorsque les titres reçus en échange n’étaient pas cédés mais étaient transmis par voie de donation ou succession, le sursis prenait fin sans imposition de la plus-‐value réalisée. Attention toutefois, évidemment si les enfants ou héritiers du moins, décident de vendre les titres reçus dans le cadre de la succession, la plus-‐value sera imposée et calculée par différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition étant entendu que ce dernier sera celui mentionné dans la déclaration de succession, ou dans l’acte de donation s’il s’agit d’une donation.
II – L’apport-‐cession : comment s’attirer les foudres de l’Administration fiscale…
La technique de l'apport-‐cession permet, nous venons de le voir, au chef d'entreprise qui entend céder son affaire de se placer sous le régime du sursis d'imposition à raison de la plus-‐value d'apport, et à la société bénéficiaire de disposer à son actif, après la vente des titres apportés, de liquidités qui n'ont pas ou n'ont que peu subi l'impôt sur les sociétés.
Par le passé, l'administration fiscale a tenté à de nombreuses reprises de contester ce type d'opérations, lorsqu'elles étaient réalisées sous le mécanisme du report d'imposition des anciens articles 92 B, II et 160, I ter du CGI applicables jusqu'au 1er janvier 2000 (mécanisme remplacé depuis cette date par le sursis, encore modifié donc depuis le 1er janvier 2013).
Pour procéder à la requalification de ces opérations, l'administration a successivement invoqué l'abus de droit puis la fraude à la loi.
Les opérations d’apports-‐cessions de titres ont fait l’objet de nombres décisions de jurisprudence ces dernières années, notamment en 2010 lorsque le Conseil d’Etat a eu à se prononcer dans trois affaires différentes – CE, 8 octobre 2010 n° 301934 notamment.
La question principale dans ce type d’affaire est de déterminer dans quelle mesure un apport de titres à une société ouvrant droit au report ou à un sursis de l'imposition de la plus-‐value réalisée à l'occasion de cet apport est constitutif d'un abus de droit lorsque celui-‐ci est suivi de la cession des titres par la société.
Le Conseil d'Etat avait posé le principe en cas d’apport-‐cession que deux conditions cumulatives doivent être remplies pour qu'une telle opération constitue un abus de droit. Tout d’abord, l'opération devait permettre l'appréhension par les auteurs de l'apport des liquidités dégagées par la cession réalisée par la société bénéficiaire. En pratique, le transfert effectif des sommes sur le compte du contribuable n’est pas nécessaire, il suffit simplement que l’appréhension des sommes soit possible (cela dépend du contrôle exercé sur la société par l'auteur de l'apport). Il est bien évident que si X, exploitant de l’activité dont la transmission a été effectuée, détient 100% du capital de la holding bénéficiaire, la condition sera remplie.
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Ensuite, le produit de la cession ne doit pas avoir été réinvesti dans le cadre d’une activité économique. Au final, il en ressort que dans le cas d’opérations d’apport-‐cession, les contribuables doivent apporter absolument des preuves réelles concernant le réinvestissement du produit de la cession dans une véritable activité économique afin d’éviter toute contestation possible de l’administration fiscale. Il est également à noter que le fait que l’apport de titres bénéficient d’un report ou d’un sursis d’imposition ne fait pas obstacle à ce que l'administration recoure en pratique à la procédure de l'abus de droit en présence d'une opération d'apport-‐cession de titres.
A) Investissement nécessaire dans une activité économique.
La Haute Juridiction a jugé que la qualification d’abus de droit doit être écartée s’il ressort de l’ensemble de l’opération que la société bénéficiaire de l’apport « a, conformément à son objet, effectivement réinvesti (le produit de la cession) dans une activité économique ».
A l’inverse, l’abus de droit est caractérisé lorsqu’il s’agit d’un montage permettant au contribuable de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la vente des titres tout en demeurant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport. En d’autres termes, l’appréhension par le contribuable du produit de cession des titres caractérise une motivation exclusivement fiscale et contraire aux intentions du législateur qui a instauré le régime optionnel du placement en sursis d’imposition.
Concernant le délai du réinvestissement ensuite. Le réinvestissement du produit de la cession des titres dans une activité économique peut ne pas être effectué de façon immédiate. Dans l’une des trois affaires soumises au Conseil, l’acquisition d’actifs professionnels (acquisition de participations dans deux sociétés étrangères) en remploi des liquidités dégagées lors de la cession des titres n’avait eu lieu que plusieurs années après l’opération d’apport-‐cession. Le Conseil d’Etat a considéré que le réinvestissement du produit de la vente des titres s’était effectué « dans le délai nécessaire qu’impliquaient, eu égard à l’importance et à la nature de l’investissement réalisé, les prises de contacts et les démarches préalables requises ».
Il convient de rappeler que les délais de deux ans et de trois ans en vue de procéder à ce réinvestissement avaient déjà été acceptés respectivement par la Cour administrative d’appel de Lyon et la Cour administrative d’appel de Douai, considérant qu’il s’agissait là du temps nécessaire au contribuable pour mener à bien son nouveau projet professionnel.
B) Qualification possible en abus de droit ?
Dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, l’article L. 64 du Code des procedures fiscales relatif à l'abus de droit disposait que : « ne peuvent être opposés à
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l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention ».
Amenée à se prononcer sur des opérations qui ne pouvaient, au vu de ce texte, être remises en cause sur le fondement de l'abus de droit car ne pouvant être considérées comme déguisant ni la réalisation ni le transfert de bénéfices ou de revenus, la jurisprudence a toutefois reconnu à l'administration, sur le terrain de la fraude à la loi, le droit d'écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par un contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles
Même si le Conseil d'Etat, dans sa grille d'analyse de l'abus de droit en cas d'opérations d'apport-‐cession ne semble attacher aucune importance au critère du délai séparant les opérations d'apport et de cession des titres, il paraît prudent d'éviter la concomitance et d'anticiper au maximum l'apport à la société amenée à céder les titres, voire d'utiliser une société « pivot » déjà existante pour jouer ce rôle. Pour sécuriser l'opération, les titres pourraient être apportés dès la décision de mise en vente de la société d'exploitation, pour une valeur d'apport correspondant à l'évaluation faite de la société en vue de la présentation du dossier de cession à de potentiels acquéreurs.
Dernièrement, alors que le dispositif d’apport-‐cession ouvrant droit au sursis était encore en vigueur, la cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 28 juin 2012 avait jugé que le remploi de 31% des sommes du produit de la cession excluait automatiquement l’abus de droit.
Le comité de l'abus de droit fiscal est revenu en 2011 sur sa position antérieure, en estimant que le caractère automatique du sursis d'imposition d'une plus-‐value d'échange de titres ne fait pas obstacle à l'application de la procédure de l'abus de droit.
La jurisprudence n'a pour l'instant guère eu l'occasion de se prononcer sur les opérations réalisées sous le régime du sursis.
Dans un sens favorable au contribuable, il a été jugé que l'apport d'actions à une société soumise à l'impôt sur les sociétés par son principal actionnaire sous le régime du sursis d'imposition suivi de leur cession par celle-‐ci à une autre société n'a pas eu un but exclusivement fiscal, dès lors que cet apport était justifié par des motifs économiques en permettant à la société après la vente des titres de financer la réorientation de son activité.
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La circonstance que l'apport aurait pu être réalisé en numéraire, après cession directe des titres par l'actionnaire principal à la société acquéreuse, n'est pas de nature à faire regarder l'apport comme constitutif d'un abus de droit.
Les sanctions applicables en cas d'abus de droit sont lourdes : outre l'application de l'intérêt de retard, une majoration égale à 80 % des droits rappelés est mise à la charge du contribuable lorsqu'il est établi que celui-‐ci a été le principal initiateur ou le principal bénéficiaire des actes abusifs (40 % lorsque cette preuve n'est pas apportée).
III – La loi de finances pour 2013.
Par le biais de l’article 18 de ce texte, le législateur entend expressément encadrer les opérations d'apport-‐cession de titres (ce qui semble limiter l'intérêt de la jurisprudence relative à l'abus de droit aux apports antérieurs à son entrée en vigueur). Il exclut ainsi du sursis d'imposition les plus-‐values d'apport de titres à des sociétés contrôlées par l'apporteur. Ces plus-‐values sont soumises à un régime de report d'imposition automatique régi par un nouvel article 150-‐0 B ter du CGI.
Dans le régime du report d'imposition, l'échange n'est pas considéré comme une simple opération intercalaire (contrairement au sursis). La plus-‐value brute en report est donc égale à la différence entre le prix des titres reçus par le contribuable à la date de l'échange et le prix d'acquisition des titres remis à l'échange.
Il est mis fin au report à l'occasion de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés à la société bénéficiaire dans un délai de trois ans à compter de l'apport, sauf si cette société réinvestit dans un délai de deux ans à compter de la cession au moins 50 % du produit de la cession dans une activité économique.
Une cession intervenant plus de trois ans après l'apport ne met donc pas fin au report, que la société bénéficiaire de l'apport réinvestisse ou non le produit de la cession dans une activité économique.