VERS UNE EUROPE 2.0 ?
CITOYENNETÉ EUROPÉENNE, CAPITALES CULTURELLES
ET NOUVEAUX MÉDIAS.
ÉTUDE RÉALISÉE PAR LES ÉTUDIANTS DU MASTER 2 STRATÉGIE
DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL, PUBLICS DE LA CULTURE ET COMMUNICATION DE
L’UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE.
PROMOTION 2011 / 2012.
SOUS LA DIRECTION DE M. DAMIEN MALINAS
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REMERCIEMENTS
Les douze étudiants ayant réalisé cette étude remercient le Master 2 Publics de la
Culture et de la Communication sous la responsabilité pédagogique de Monsieur Damien
Malinas, et la responsabilité scientifique de Monsieur Emmanuel Ethis, Président de
l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, pour l’opportunité qui nous a été offerte de
travailler sur ce sujet en toute autonomie. En tant que citoyens européens (de fait1) faisant
partie de la jeune génération Y2 et futurs acteurs du monde culturel, nous nous sommes sentis
particulièrement investis dans ce projet comprenant l’étude ici-présente et le séminaire
l’accompagnant.3 Nous remercions également notre commanditaire, l’association Les
Rencontres, par la personne de Monsieur Roger Tropéano, que nous avons eu l’honneur de
recevoir à l’Université pour discuter ensemble des questions qui lui sont chères : la culture, la
citoyenneté européenne, et l’idéologie d’un continent au projet unique.
Nous remercions par ailleurs nos tuteurs pour ce projet, Mademoiselle Raluca Calin et
Monsieur Bessam Fallah, doctorants au laboratoire Culture et Communication de l’Université
d’Avignon et des Pays de Vaucluse. Leur soutien et leurs conseils judicieux nous ont guidés
tout au long de ce projet. Nous remercions enfin nos camarades du Master Publics de la
Culture et Communication n’ayant pas fait partie de ce groupe d’étude, mais nous ayant
soutenus par leur solidarité.
Marianne Alex, Coralie Pasero, Laurie Vêpres, Margaux Caugy, Juliette Denis-
Migault, Anaïs Devallan, Astrid Basco, Fanny Dulau, « Sophie » Chen Yi Chiao, Adrien
Cornelissen, Marlyse Mullenders et Elsa Acosta.
1 Voir notre analyse de la citoyenneté européenne de fait et du « sentiment d’appartenance » à celle-ci, p.60.
2 Voir la définition de « Génération Y » dans le glossaire p.97.
3 Les 24 et 25 janvier 2012 à l’Université d’Avignon, nous organisons le séminaire intitulé « Vers une Europe
2.0 ? » intégré au programme des Etats Généraux de l’Europe. Trois tables-rondes thématiques permettront de
débattre des questions soulevées dans cette étude. Le programme détaillé de ces deux journées est disponible en
ligne sur notre blog capitaleculture.blogspot.com
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RÉSUMÉ
Cette étude porte sur les notions de capitales culturelles et capital culturel au regard du
concept des Capitales Européennes de la Culture. En interrogeant ce que sont les Capitales
Européennes de la Culture, nous nous sommes penchés sur leur statut pour savoir si elles
correspondent à l’image de la culture européenne. Nous avons essayé de comprendre si elles
étaient un symbole de l’Europe ou bien un simple label et nous sommes demandés en quoi
elles pouvaient être une symbolisation de la culture européenne.
Pour ce faire nous sommes revenus sur l’histoire de l’Europe et avons tenté de définir
sa culture. Partant du postulat selon lequel l’Europe comprend une multiculturalité, notre
étude s’est centrée sur le cas de Marseille-Provence 2013. Nous avons cherché des éléments
du capital culturel marseillais permettant de répondre à ce constat et avons posé les limites et
les enjeux du cas de Marseille face au projet d’Union-Européenne et de sa relation aux pays
méditerranéens. En effet, la ville de Marseille est élue Capitale Européenne de la Culture et
cette élection semble repousser les schémas classiques des villes auparavant nommées à ce
titre.
Ces réflexions occupent la moitié de notre devoir mais il était légitime et important
pour nous d’aborder ces éléments constituants les thématiques les plus importantes voulues
par notre commanditaire Les Rencontres. C’est suite à ces premiers éléments de réponse nous
avons pu définir et marquer l’originalité de notre étude. En effet, tout l’enjeu de notre travail
s’est matérialisé à travers les notions de citoyenneté européenne et d’accès à la culture : qu’est
ce qui rend possible notre sentiment d’appartenance à un territoire ? La culture est-elle
centrale dans ce processus ? Les Capitales Européennes de la Culture facilitent-elles l’accès à
la citoyenneté ? Notre problématique ambitionne donc d’aller au cœur de ce qui constitue le
sentiment d’appartenance à une ville ou à une région en questionnant l’impact que peut avoir
la culture sur ce processus identitaire. La question de la citoyenneté européenne est, nous
semble t-il, tournée vers la jeunesse : elle interroge les façons dont les nouvelles générations
s’impliquent sur leur territoire. Nous voulions apporter un regard neuf sur la culture
européenne et sur la problématique de ses frontières. Aussi, la dernière partie de notre devoir
est centrée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication et
l’utilisation qu’en fait la génération des Digital Natives.
Nous avons mené une enquête auprès de jeunes marseillais, dont les résultats jalonnent
tout notre travail, pour illustrer ce qui constitue aujourd’hui la culture et les nouvelles façons
de s’approprier le territoire.
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SUMMARY
This study is about different notions : cultural heritage and capital of culture seen
through the example of European capitals of culture. Interrogating this last notion, we wanted
to know if this status corresponds to the european culture representation. We tried to
understand if those capitals of culture were a cultural symbol or just a label.
To execute our plan, we came back on Europe's History and we tried to define its
culture. With a postulate which considers that Europe is a multicultural territory, we focused
our reflexion on Marseille Provence 2013. We searched what were Marseille cultural's
elements which corresponded to this assessment and draw limits and stakes of Marseille as a
part of a European Union's project. We also wanted to work on the notion of Mediterranean.
In deed, Marseille's election as European Capital of Culture seems to be a change comparing
to previous elected cities.
The most part of our work concerns those reflexions, we consider that those important
notions are constitutional of the main themes addressed by our silent partner Les Rencontres.
Following this work, we were able to create an original work. In fact, our work stakes are
turning around european citizenship and access of culture:
-What build our sense of belonging to a particular territory?
-Is culture a main notion in this process?
-Do European Capital of Culture facilitate access to citizenship?
Our problem aims to reach the different elements constituting the sense of belonging
to a city or a region questioning cultural impact on construction of identity. European
citizenship issue appears to implicate youth : it interrogates the different ways used by youth
to implicate themselves on a territory. We want to bring a fresh look on European Culture and
its limits. Also, our work's last part concerns new technologies of information and
communication. We studied about the Digital Native generation and its habits.
We built an sociological investigation about Marseille's youth. Our study is punctuated by
results, in order to illustrate what Culture an sense of belonging are made of.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION………………………………………………………………………………. p.8
PARTIE 1 / L’Europe, une identité culturelle complexe dans un territoire
protéiforme………………………………………………………………………………p.14
I. Territoire européen et identité culturelle…………………………………………….p.15
1. Des frontières « naturelles » imprécises à l’Est……………………………………...... p.15
2. La construction culturelle européenne : une pluralité de nations dans un territoire
changeant……………………………………..................................................................... p.16
a) L’Antiquité. b) Le Moyen-âge. c) L’Époque moderne. d) L’Époque contemporaine : une
problématique orient/occident.
3. L’Europe, pour une « communauté de destin » …………………………………….... p.22
II. L’Europe, un projet de civilisation……………………………………...................... p.23
1. L’Empire Romain, naissance d’une ou de deux civilisations ?........................................ p.24
2. Histoire de la civilisation européenne : une » tentative » d’unification » ?...................... p.26
3. Richesses des civilisations : la remise en cause d’un modèle culturel fermé sur lui-
même………………………………………………………………………………………..p.28
4. La civilisation européenne ou la circulation des arts et des savoirs…………………….. p.30
PARTIE 2 / Les Capitales européennes de la culture : une symbolisation de
l’Europe culturelle……………………………………………………………………..p.32
I. L’idée d’une Europe culturelle……………………………………………………….. p. 32
1. Les Villes Européennes de la Culture………………………………………………….. p.35
2. Mise en comparaison des Capitales Européennes de la Culture avec les enjeux de l’Union
Européenne……………………………………………………………………………….... p.42
3. La question de l’élargissement………………………………………………………..... p. 43
II. Au-delà de la méditerranée: Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la
Culture.………………………………………………………………………………….... p.46
1. Les projets de l’Association MP2013 répondant à la multiculturalité de l’espace
public…………………………………………………………………………………….. p. 47
2. Les CEC et la constitution d’une mémoire européenne………………………………... p. 52
PARTIE 3 / Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et la pratique
d’une citoyenneté européenne…………………………………………………….. p.56
I. Territoires et représentations………………………………………………………… p.56
1. Définition des termes. ………………………………………………………………… p.56
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a) Territoire : approches sociologique et géopolitique. b) Le territoire et le discours qui
l’accompagne. c) Territoire culturel.
2. Jeux d’échelles : Villes, régions, pays et Europe……………………………………….. p.60
a) Les unités territoriales. b) La Méditerranée : frontière ou lien ?
II. La citoyenneté européenne : objet en construction et en pratique………………… p.65
1. Citoyenneté et identité ………………………………………………………………. …p.65
a) S’unir contre la diversité ?
2. Le capital culturel comme élément de construction……………………………………...p.69
III. Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et les représentations de l’Europe à
l’échelle des populations jeunes (15/25 ans)……………………………………………p.71
1. Sentiment d’appartenance et construction de l’identité………………………………….p.72
2. Le sentiment d’appartenance à un territoire……………………………………………...p.74
a) Lieux de construction du sentiment d’appartenance. b) Quels dispositifs pour se sentir
appartenir à l’Europe ?
3. Les référents identitaires des jeunes……………………………………………………...p.78
a) La famille. b) La culture. c) Territoires numériques et nouveaux sentiments
d’appartenance.
PARTIE 4 / Jeunesse, nouveaux médias : nouvelles pratiques citoyennes et
culturelles en Europe………………………………………………………………….p.83
I. Génération Y, Digital Natives… : « Jeunesse cherche formule. »…………………….p.83
1. Tentative de définition d’une génération………………………………………………...p.83
2. Formules et avatars d’une jeunesse connectée…………………………………………...p.83
a) Expression. b) Communauté. c) Mobilité.
3. Etre ou ne pas être branché : la Génération Y, un concept élitiste ? Le sentiment
d’appartenance à une génération européenne………………………………………………p.91
II. Les nouveaux médias : espace citoyen de la jeune génération ? ……………………p.93
1. Médias traditionnels vs. médias générationnels ? ……………………………………….p.93
2. A la recherche du sens culturel : initiatives citoyennes et nouveaux médias…….............p.94
3. A la recherche du sens politique : contestations en réseaux au Printemps 2011………...p.96
III. Les Capitales Européennes de la Culture, espaces interactifs?..............................p.100
1. Partage d’expériences, participation et mémoire commune………………………........p.100
2. Navigations interactives, « en attendant Marseille-Provence 2013… »……………….p.103
CONCLUSION……………………………………………………………………………p.104
GLOSSAIRE……………………………………………………………………………...p.113
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………..p.116
TABLE DES ANNEXES………………………...……………………………………….p.122
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Note préalable des auteurs :
Nous utilisons au cours de cette étude le sigle CEC, désignant les Capitales Européennes de
la Culture. C’est le sigle communément utilisé dans les rapports et travaux européens liés à
ce dispositif, en anglais ECC pour European Capital of Culture.
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INTRODUCTION
Ainsi que l’a voulu notre commanditaire Les Rencontres, lier les Capitales
Européennes de la Culture (CEC) à la notion de capital culturel nous a semblé pertinent
compte tenu de la proximité qui existe, a priori, entre culture et capital. Mais dans quel sens
entendre ces termes et quels rapports entretiennent-ils avec les Capitales Européennes de la
Culture ? Ces dernières sont nées d’une volonté politique: elles ont pour ambition d’intégrer
véritablement les nouveaux pays de l’Union Européenne et par la même d’affirmer la
cohésion culturelle de l’Europe. Les Capitales Européennes de la Culture (CEC) répondent au
projet d’unification politique du continent, suite aux ravages de la seconde guerre mondiale.
Mais à travers l’élection d’une ville comme Capitale Européenne de la Culture se dessine le
désir de valoriser localement le territoire. Or, ces villes choisies pour représenter l’Europe ne
présentent pas toujours une renommée culturelle reconnue comme telle.
Pourtant, étant élues elles suffisent à rendre compte de ce qu’est l’Europe. En effet, le
« plus vieux continent du monde » présente sur son territoire une pluralité de cultures. Née de
la Civilisation Romaine et de l’Empire Romain, qui comprenait alors l’Empire Romain
d’Orient et l’Empire Romain d’Occident, l’Europe porte les traces de cette diversité et
richesse culturelle. Si le capital culturel peut renvoyer à l’ensemble du passé historique et des
marques qu’il a laissées dans la ville, comme l’architecture et tout le patrimoine urbain et
touristique, il figure aussi l’ensemble des traits propres à une civilisation. Dans ce sens, le
capital culturel témoigne de l’héritage reçu des civilisations passées. Plus profondément ancré
dans nos mœurs, l’héritage commun renvoie à une parenté linguistique commune ainsi qu’aux
valeurs portées jusqu’à nous et qui sont lisibles, par exemple, à travers notre système politique
ou sociétal.
Une ville est choisie pour être Capitale Européenne de la Culture: à travers ses
manifestations culturelles elle est donc à la fois élevée à représenter la culture locale tout en
symbolisant l’Europe. Ainsi, outre les notions de territoire et de patrimoine, inévitablement
corollaire du capital culturel, il nous a paru cohérent d’y intégrer les notions d’héritage
commun et de civilisation afin de rendre compte du constat de la multiculturalité européenne.
Notre travail s’est donc attaché à articuler les différents sens dégagés du capital culturel pour
les mettre en relation aux Capitales Européennes de la Culture : peut-on donc parler de
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civilisation européenne et comment les CEC rendent-elles compte des différences entre les
pays européens ? Face à cette multiculturalité4, on peut se demander si elles se situent dans
un projet de multiculturalisme et de reconnaissance institutionnelle des diversités culturelles
européennes ou si leur ambition reste à un niveau local de développement économique et de
course à la labellisation ?
Les CEC, d’abord nommées Villes européennes de la Culture, sont nées en 1983, à
une période où affirmer la cohésion identitaire de l’Europe relevait d’une nécessité politique
et économique. Mais, s’il était important de montrer au reste du monde le visage unifié de
l’Europe, l’urgence était de véritablement recréer une citoyenneté européenne, balayant dans
les esprits les troubles du passé. En effet, il semblerait que les CEC incarnent aussi l’ambition
politique de citoyenneté européenne. Ces villes élues sont avant tout capitale européenne
avant que d’être capitale culturelle. Elles sont dès lors représentantes de la culture européenne
et ont pour ambition de faire participer les citoyens aux projets culturels défendus.
La double désignation des villes élues (une ville d’un pays nouvellement entré dans
l’UE et une ville d’un pays créateur) semble répondre au souci d’épanouissement de la
citoyenneté européenne. De fait, tous les européens sont citoyens de l’Europe. Dès lors,
comment les CEC rendent-elles possible le sentiment d’appartenance à l’Europe et
parviennent-elles à recréer cette ambition civique et politique basée sur le constat d’une
multiculturalité européenne, comprenant une mosaïque de cultures et de peuples aux langues
multiples ?
Nous avons donc clarifié ce que l’on entend par capital culturel, et avons pu dégager,
au regard de la multiculturalité européenne, une problématique intégrant le statut paradoxal
des CEC: représentantes politiques de l’Europe culturelle mais implantées à l’échelle locale.
Présenter une définition exhaustive de la culture, serait certes fort enrichissant
(culturellement) mais dans le cadre de notre propos nous préférons nous en tenir à la thèse
selon laquelle la culture comprend tous les codes, normes et traditions permettant à un groupe
de se sentir membre de celui-ci. Cette théorie paraît particulièrement adéquate à notre sujet
car elle permet de poser la question de l’existence ou non de la culture européenne.
4 Voir dans le glossaire la définition de multiculturalité et de multiculturalisme, p96-98.
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Si l’Europe est souvent mentionnée pour ses attraits touristiques, c’est que la culture
européenne est vieille et qu’elle agit souvent comme référence pour certains domaines
artistiques. On ne peut nier la fertilité artistique du continent et son influence dans d’autres
pays.
Mais les années quatre-vingt sont marquées par l’essor des nouvelles technologiques
de l’information et de la communication. Ce progrès technologique va permettre l’exportation
des biens culturels à travers le monde. Cette culture universelle, basée sur la technologie du
numérique offre une possibilité de partage et d’ouverture entre les peuples. C’est donc grâce à
cette culture devenue commune entre les populations munies d’électricité et d’ordinateur que
la culture du XXIème siècle se déploie. Dès lors, la culture de masse se diffuse et semble
mettre à mal celle spécifique aux continents5. En outre, nous prenons le parti de penser que les
nouvelles technologies de l’information et de la communication viennent brouiller les
définitions classiques de territoire et de sentiment d’appartenance à celui ci. En effet, l’arrivée
d’internet et des téléphones portables semblerait permettre plus de proximité entre les
citoyens et rendrait inéluctablement les distances plus petites entre ces derniers.
Les CEC étant nées à cette période de bouleversements technologiques, la question du
sentiment d’appartenance au territoire se pose d’autant plus qu’elle vient déplacer la notion
traditionnelle de culture entendue au sens de patrimoine. Se situant pleinement dans l’axe
défendu par l’Unesco de patrimoine immatériel, les technologies de l’information et de la
communication affirment une culture déterritorialisée.
Notre étude s’est centrée sur ces nouvelles formes de communication qui viennent
bouleverser la notion de culture comme étant propre à un groupe localisé et localisable et
avons pris le parti d’écouter le discours que la jeune génération porte sur l’Europe. Cette
dernière, que l’on tente de définir et de nommer : « Génération Y » ou « Digital Natives »,
correspond aux jeunes étant nés à l’heure d’internet.
La question des nouvelles technologies de l’information et de la communication nous
a semblé constituer un enjeu de taille à une époque où celles-ci sont des outils essentiels pour
la diffusion de l’information. Nous en avons l’exemple à travers l’actualité politique du
Printemps Arabe et le rôle notable qu’ont joué les réseaux sociaux. Nous avons donc pris le
5 Voir MARTEL, F., Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion, 2010
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parti de centrer notre étude sur le sentiment d’appartenance de la jeunesse à l’Europe. A
travers une enquête sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la
communication par les jeunes de quinze à vingt-cinq ans, nous avons mis en lien ces pratiques
au regard du sentiment d’appartenance au territoire et avons voulu révéler les rapports qui
existent entre la jeune génération habitant à Marseille et le fait que cette ville soit élue
Capitale Européenne de la Culture. En nous référant au discours de la jeunesse sur les
nouvelles technologies et à leur sentiment d’appartenance à la ville de Marseille, cette enquête
permet d’illustrer notre propos. Elle donne la parole à la jeunesse, thématique centrale de
notre étude.
En effet, cette enquête intitulée « Digital Natives et sentiment d’appartenance aux
territoires »6, tente de faire travailler les concepts énoncés avec la notion de Capitale
Européenne de la culture. Les Digital Natives sont les membres de la génération née alors que
les technologies numériques étaient développées et accessibles. La rencontre avec M.
Tropéano, notre commanditaire, a mis en lumière trois postulats qui ont été les vecteurs de
notre projet d’enquête :
La jeunesse est l’élément décisif de la volonté de créer des projets culturels européens
globaux.
Marseille Provence 2013 est un tournant dans l’histoire des Capitales Européenne de
la Culture, non seulement par la taille du projet mais aussi par son ancrage dans la
culture numérique. Cette culture est présente jusque dans la conception du projet, avec
la communication 360° par exemple.
La création d’un sentiment d’appartenance à l’Europe, voulue par les gouvernances
des Capitales Européennes de la Culture, est attisée chez les habitants par l’utilisation
d’éléments ancrés sur le territoire investi. Nous avons vu que les équipements et
organisations culturelles du territoire marseillais font partie intégrante du projet
Marseille Provence 2013.
Forte de ces trois éléments de questionnement, notre équipe a donc décidé de mener une
enquête auprès de la jeunesse marseillaise à travers cinq thèmes :
La provenance, couplée à l’encart sociologique.
6 Nous nous permettons de mettre « territoires » au pluriel car nous tenterons de travailler sur les
notions de territoire de proximité, la ville, de territoire national et de territoire Européen
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Les habitudes territoriales, afin de comprendre le rapport que l’interrogé entretien avec
sa ville de résidence, Marseille.
Le rapport à l’Europe, dans le but de faire un état des lieux de l’idée que les interrogés
se font du fait d’être Européen.
Les habitudes liées aux nouvelles technologies, pour faire comprendre en quoi ces
dernières influencent le rapport aux territoires.
Enfin, Marseille Provence 2013 qui n’est évoqué qu’en fin de questionnaire afin de ne
pas influencer les réponses précédentes.
L’objectif premier de notre enquête est donc de comprendre la relation entre les
Digital Natives et les différents territoires auxquels ils sont confrontés. Pour cela, notre étude
a voulu s’enrichir de plusieurs questions d’opinion afin de les coupler avec les réflexions et
recherches théoriques développées tout au long de ce mémoire. Les différents croisements de
résultats d’enquête permettent une analyse des indicateurs « directs » (sentiments ou opinion)
et des indicateurs « indirects », c’est-à-dire des indicateurs qui donneront des informations sur
l’interrogé par déduction7. L’enquête a cherché à convoquer le « sens vécu
8 » des pratiques
mais aussi des idéologies sur les thèmes proposés. En utilisant la méthode du questionnaire
sans modalité de réponses, nous voulons laisser les interrogés se définir eux-mêmes au sein de
leurs pratiques et opinions mais également laisser libre la définition de certains concepts.
Exemple: « Si vous deviez définir l’Europe en quelques mots ? » suivie de « Vous sentez vous
Européen ? »9.
C’est pourquoi la problématique que nous nous sommes posés, et qui constitue le fil
conducteur de notre projet de recherche est la suivante : quel sentiment d'appartenance
entretient la jeune génération européenne « interconnectée », avec les notions de territoire, de
citoyenneté et de culture européenne, et dans ce cadre, quel est le rôle des Capitales
Européennes de la Culture?
7 LAZERFELD, Paul, Le vocabulaire des sciences sociales, Paris, Mouton, 1965
8 DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand
Colin, 2005 9 Pour plus d’informations, voir Annexe p106
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L’année prochaine la ville de Marseille sera Capitale Européenne de la Culture. Nos
éléments de réflexions ont pu s’intégrer à ce cas concret d’une ville illustrant parfaitement nos
questionnements: Marseille, ville portuaire ouverte sur la méditerranée, berceau de la
civilisation européenne, pose la question des frontières de l’Europe et de la multiculturalité.
Elle est, de plus, la deuxième ville de France mais les marseillais semblent revendiquer une
culture à part entière. Grâce à notre enquête, nous avons ouvert le dialogue sur l’élection de
Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013 pour tenter de répondre à cette
problématique plus vaste qui traverse notre étude : en quoi les Capitales Européennes de la
Culture incarnent-elles un modèle de citoyenneté européenne ?
Dans une première partie, nous avons jugé intéressant de poser la question de
l’existence ou non d’une culture européenne témoignant de la multiculturalité de l’Europe et
avons tâché de poser les bases de ce que l’on pourrait appeler la civilisation européenne; ceci
afin de voir, dans un second temps, en quoi les Capitales Européennes de la Culture peuvent
symboliser cette utopie européenne. La question du sentiment d’appartenance au territoire se
posait donc de fait à travers une troisième partie, pour conclure sur une quatrième partie
dédiée à la relation des nouvelles générations à la culture numérique.
14 | P a g e
PARTIE 1 / L’EUROPE, UNE IDENTITÉ CULTURELLE
COMPLEXE DANS UN TERRITOIRE PROTÉIFORME.
I. Territoire européen et identité culturelle.
L’Europe se définit de manière complexe; à l’image même de sa construction qui, tout
au long de l’histoire, a procédé par construction-déconstruction. En effet, ainsi qu’en
témoignent les guerres et les conflits entre les pays européens, l’Europe, bien que continent
autonome politiquement, ne correspond pas au modèle des Nations Unies qu’il renferme : en
raison de différents aspects liés à sa structure même, l’Europe apparait indéniablement comme
un ensemble complexe. D’une part, l’absence de frontières naturelles à l’est et d’autre part la
diversité culturelle des pays qu’il renferme contribuent à nous faire penser que l’Europe ne
peut être envisagée comme une réalité close, fermée, substantielle. C’est pourquoi, selon
Morin, « Réfléchir sur ce que représente l’Europe, c’est penser l’un dans le multiple, le
multiple dans l’un, mais également penser l’identité dans la non identité »10
. Réfléchir sur
l’Europe c’est donc mettre en cause la « règle de non contradiction », fondement de la logique
aristotélicienne (et de la logique occidentale) qui veut qu’une chose soit elle-même et non une
autre.
Réfléchir sur l’identité de la culture européenne dans le cadre des Capitales
Européennes de la Culture, c’est intégrer la diversité culturelle de chacun des pays en
revenant à un point de vue local, afin de penser ensuite la question de leur ensemble. Mais,
pour répondre à cette difficile question de l’identité européenne, il nous paraît nécessaire de
revenir sur l’histoire de ce continent. Cela nous permettra de voir en quoi on peut parler de
« multiculturalisme européen » et de comprendre le processus de construction de ce continent.
La question est donc de comprendre, dans cette partie, ce qui définit la culture
européenne en tant que telle, en cherchant dans son histoire des éléments uniques, propre au
« plus vieux continent du monde ». Nous orienterons notre démarche dans la lignée de celle
d’Edgar Morin qui affirme : « L’Europe se définit non par ses frontières, qui sont floues et
changeantes, mais par ce qui l’organise et produit son originalité »11
.
10
Edgar Morin, Penser l’Europe, Gallimard, 1987, 26 11
Ibid. p36
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L’Europe comme lieu est à distinguer de l’Europe comme contenu. L’Europe comme
lieu renvoie à l’espace géographique tandis que l’Europe comme contenu est « l’ensemble des
faits, historiquement repérables qui se sont produits à l’intérieur de ce lieu »12
. Ces
événements contribuent à ce que nous qualifions comme étant européens. C'est-à-dire que
l’adjectif européen désigne tous les événements qui se sont en Europe. On emploie cet adjectif
uniquement pour se référer au territoire européen. Ainsi: « l’Europe comme lieu précède
l’Europe comme contenu »13
. C’est pourquoi dans un premier temps nous allons revenir sur
les frontières de l’Europe puis retracer brièvement la construction de la culture européenne et
voir en quoi le multiculturalisme est inhérent à sa définition, pour enfin envisager un élément
invariant parmi cette diversité et émettre l’hypothèse d’une possibilité de « projet commun ».
1. Des frontières « naturelles » imprécises à l’Est.
En effet, si « Europe » désigne en premier lieu un continent, on s’attend à pouvoir le
délimiter grâce à des frontières solides, le distinguant des autres continents, pour le constituer
dans son originalité même. Or, du côté est, bien que les frontières soient naturelles, elles ne
présentent pas de modèle de rupture et de différenciation propre à une mer ou un océan.
Officiellement, la chaîne de montagne qu’on appelle Oural fait figure de frontières naturelles
légitimes et marque la différence entre les deux continents. Mais admettre que cette basse
chaine de montagne, non régulière, symbolise la démarcation entre les continents est contesté
du fait du climat et des peuples eux-mêmes qui ne diffèrent pas d’un côté ou de l’autre.
« Quant aux peuplements et aux occupations du sol, leur similitude est très grande sur les
deux versants »14
. Il semble que la limite de l’Oural a été fixée à la demande de Pierre Le
Grand pour occidentaliser la Russie. Une autre hypothèse soutient que ce même géographe,
Tatichtchev, aurait fixé l’Oural comme frontière afin de constituer l’Empire Russe en une
entité séparée, close sur elle-même, volontairement indépendante et autonome de ces voisins.
Dans tous les cas, la question de l’intégration ou non de la Russie dans le territoire
européen fait question. Sur le plan culturel, on ne peut nier les rapports étroits qu’échangèrent
la France et la Russie au XVIIIème siècle ainsi qu’au XXème siècle dans le domaine
12
: Rémi Brague, L’Europe, la voie romaine, Folio Essai 2005 p33 13
: Ibid. 14
Valeurs et cultures en Europe, Olivier Galland, Yannick Lemel. Ed.La découverte, Paris, 2007 p10
16 | P a g e
cinématographique par exemple. Mais avant de rentrer proprement dans le sujet du
multiculturalisme et de la multiculturalité européenne , il nous paraît important de revenir sur
quelques dates fondamentales dans la construction de l’Europe, afin de voir en quoi son
identité s’est constituée à travers un long passé culturel, religieux, différents dans ses peuples,
langues et habitus.
2. La construction culturelle européenne : une pluralité de nations dans un territoire
changeant.
Avant de commencer notre développement, revenons brièvement sur quelques dates
importantes dans la construction de l’Europe politique et économique15
:
En 395 après JC, l’Empire Romain est divisé, il comprend : l’Empire Romain d’Orient
et l’Empire romain d’Occident. Les frontières de ce territoire allaient du Maroc jusqu’à la
Mésopotamie, et de l’Angleterre jusqu’à l’Egypte. L’Etat romain diffusera sa culture, sa
langue et sa religion dans l’Empire, dont l’héritage culturel est issu de la civilisation grecque.
Au XVIème siècle, les guerres de religion frappent le Royaume de France. Ces guerres
opposent les catholiques et les protestants, en une série de huit conflits. En 1598, l’Edit de
Nantes affirme la fin de ces oppositions religieuses. Ainsi, vers 1830, la religion devient un
domaine géré librement par chaque Etat souverain. Différents traités de paix tenteront de
calmer les oppositions entre les pays européens. Par exemple le Traité de Versailles de 1919 :
traité de paix entre l’Allemagne et les Alliées, signé suite à la première guerre mondiale. La
volonté de créer de la solidarité entre les pays européens, s’élabore concrètement après la
première guerre mondiale. En 1919 est créée La Société Des Nations qui introduit le principe
de « sécurité collective ».
Dès 1929, le projet d’Union Européenne voit le jour. Aristide Briand prononce un
discours sur un projet d'union européenne à l'Assemblée générale de la Société des Nations.
Ainsi, en 1946 est créée l’Organisation des Nations Unies. Après la seconde guerre mondiale,
les Alliés décident de collaborer militairement entre eux. Le Traité de Bruxelles, datant du 17
mars 1948, d'assistance militaire mutuelle entre la Belgique, la France, le Luxembourg, les
Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord marque bien cette
volonté de réunir l’Europe, mais sans l’Allemagne.
15
Voir Annexe 2.
17 | P a g e
Cette même année est connue pour la création du Congrès de l’Europe à La Haye et de
la fondation d’un « mouvement européen » pour mettre en place une union européenne
économique, politique, culturelle et monétaire. En 1955 on adopte le drapeau européen avec
un nombre invariable de douze étoiles pour symboliser la solidarité, la perfection et la
plénitude. En 1957, la signature du Traité de Rome symbolise la création de l’Euratom et de
la CEE. Les années suivantes seront particulièrement marquées par l’élargissement de
l’Europe : en 1985 avec l’Espagne et le Portugal, en 1995 avec l’entrée de l’Autriche, de la
Suède et de la Finlande dans l’UE, en 2004 avec dix pays issus de l’ancien bloc soviétique et
en 2007 avec la Roumanie et la Bulgarie qui intègrent l’UE. Le Traité de Maastricht de 1993
définit l’Union Européenne et le projet d’une monnaie commune, l’Euro, qui entrera en
vigueur en 1999. Un projet de constitution européenne sera établi en 2004 mais rejeté par
referendum par la France et les Pays Bas. Cette même année l’Europe comprend désormais
vingt-sept membres.
Si l’on revient sur l’histoire culturelle de l’Europe, on constate aussi de nombreux
changements et bouleversements, mettant à mal la notion de « culture européenne » du fait du
constat d’un multiculturalisme européen :
a. L’Antiquité.
Durant l’Antiquité, l’Empire Romain s’est installé, à la suite de la civilisation grecque,
autour de la Méditerranée, et l’on n’hésite pas à qualifier les autres peuples de « barbares »,
pour marquer la suprématie de l’empereur. Les Celtes sont aussi très présents en Europe : des
Carpates jusqu’à l’Atlantique. Le cœur actuel de l’Europe n’était alors qu’une frontière entre
l’Empire et les Barbares indomptés. Du Vème au VIIIème siècle le territoire européen
comprend différents royaumes, constitués de populations latines, germaniques et asiatiques.
C’est à partir de ces peuplades, que va se stabiliser et se diversifier une mosaïque
d’innombrables ethnies, implantées dans une extraordinaire disparité de territoires. Ainsi, au
départ, l’Europe se constitue en « une bigarrure ethnique », que l’empire romain tâche de
dominer.
b. Le Moyen-âge.
18 | P a g e
L’identité de l’Europe au VIIème siècle semble se confondre avec le territoire du
christianisme. Toutefois, on peut remarquer que cette caractéristique religieuse de l’Europe
n’est pas, pour ainsi dire, venue de son essence : elle lui a été imposée. En effet,
l’implantation de l’Islam au sud de la Méditerranée, va isoler l’Europe et la refermer sur elle-
même. C’est pourquoi, selon Morin, c’est d’abord l’Islam qui va constituer l’Europe, en tant
que territoire non-islamique. « Mais le christianisme n’est ni originel ni propre à l’Europe.
C’est la conquête arabe qui, islamisant l’Orient et l’Afrique du Nord, va limiter, cloisonner,
enfermer pour des siècles le Christianisme en Europe. Aussi peut-on dire que dans un
premier temps l’Islam fait l’Europe en y enclosant la Chrétienté et que dans un second temps,
l’Europe se fait contre l’Islam, en le faisant refluer à Poitiers.»16
.
En 800, Charlemagne est désigné comme le « Chef vénérable de l’Europe ». Après sa
mort, le mot Europe disparait jusqu’au XIVème siècle. Dès le XIème siècle, l’Europe ne sera
plus envahie et pourra s’établir ainsi des échanges et du commerce entre les quatre points
cardinaux. Au XVème siècle, l’Europe est éclatée en différents « Etats nationaux » : il se crée
alors une Europe polycentrique où va régner la guerre de tous contre tous. Mais, selon Morin,
cette période marquera en profondeur l’originalité de l’Europe : ces guerres vont créer des
développements sociaux importants ainsi que de nombreux échanges entre les pays :
« Les déséquilibres, désordres et agitations qui secouent l’Europe Renaissante, loin de les
contrarier, suscitent au contraire les développements économiques, sociaux, politiques,
culturels qui vont faire l’originalité de l’Europe par rapport à tout autre contrée.»17
.
L’Europe se serait donc créé une identité complexe dès cette période de guerres et de
conflits. C’est donner beaucoup d’humanisme à la guerre et à la violence et accorder une
légitimité au conflit comme facteur de liens et d’identité des contraires. « Tout ce qui forme
l’Europe moderne la divise et tout ce qui la divise la forme. Elle naît, se développe et
s’affirme dans la guerre avec elle-même. Le chaos génésique est ininterrompu : c’est devenu
une anarchie euro-organisatrice permanente.»18
. C’est à cette époque que, selon Pierre
Charnu, la notion d’Europe va se répandre : « L’Europe, mot savant (…),va au XVIIe siècle,
faire d’Ouest en Est la conquête progressive de l’usage courant. »19
.
16
Edgar Morin, Penser l’Europe, Gallimard, 1987 p73 17
Ibid. p41 18
Ibid. p48 19
Pierre Charnu, La civilisation de l’Europe classique, 1966, Artaud.
19 | P a g e
c. L’Époque moderne.
Avec les temps modernes et la « désacralisation de la religion » (pour reprendre le
vocabulaire de Marcel Gauchet dans, « Le désenchantement du monde »20
) l’Europe n’est plus
ontologiquement solidaire du christianisme. De même que l’Amérique s’ouvre au
christianisme, l’Europe s’ouvre à la pensée laïque. C’est donc seulement l’Europe médiévale
qui peut être identifiée à la chrétienté. Selon Edgard Morin, l’Europe moderne émerge suite à
la création des premiers Etats et Nations.
d. L’Époque contemporaine : une problématique orient/occident.
A l’époque contemporaine, (XIXème siècle) le système européen change et l’on passe
du droit des gens aux droits des peuples, de la monarchie de droits divins à des démocraties et
des républiques. Après la seconde guerre mondiale, l’Europe comporte 31 Etats officiellement
indépendants sur plus de 140 dans le monde. Ces Etats-Nations (officiellement indépendants)
portent en eux des diversités géographiques, ethniques, économiques et sociales très grandes
(aucun de ces états nations ne correspond à une région naturelle, ou à une unité de peuplement
homogène).
Depuis la guerre froide, une nouvelle division sépare verticalement l’Europe,
désormais dominée par les deux hégémonies mondiales. Cependant chacune de celle-ci est à
sa façon européenne. L’impact de la Russie rend complexe la définition de l’Europe par
rapport aux notions d’Occident et d’Orient. Orient et Occident sont des notions très
complexes qui s’entre-chevauchent en chevauchant l’Europe. L’Europe, tout en demeurant
Europe, contient en elle la polarité orientale et la polarité occidentale et fait interférer est et
ouest. Par ailleurs on remarque, à l’époque contemporaine, que l’Europe a européanisé le
monde : l’art européen est reconnu partout dans le monde et constitue une sorte de modèle de
référence. Mais, au regard des immenses espaces culturels du monde américain ou asiatique,
l’Europe apparaît comme un univers de petits compartiments culturels locaux, régionaux et
nationaux.
Dans les années 1960-1980 une nouvelle conscience européenne va apparaître : le
chauvinisme et le nationalisme disparaissent lentement. Suite à la seconde guerre mondiale,
l’Europe s’installe dans de nouvelles conditions géostratégiques : les menaces ne sont plus
20
Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, Gallimard, Paris, 1985.
20 | P a g e
intereuropéennes mais extra-européennes. Dans les années 1960-75, le processus de
décolonisation, « ne fait qu’opérer le repli des nations européennes sur leur continent »21
.
A la suite de la seconde guerre mondiale, l’Europe apparaît, non pas seulement selon
les américains mais pour les européens eux-mêmes, comme d’une grande variété: « L’Europe
apparaît désormais, non plus seulement aux yeux des américains, soviétiques ou chinois, mais
aux yeux des européens eux-mêmes, comme une mosaïque de micro-espaces culturels d’une
fabuleuse variété.»22
.
Avec la crise de l’industrie dans les années 70, l’Europe entre dans une grave crise
économique qui s’accompagne d’une crise démographique. Elle se retrouve à nouveau
fragilisée: fragilités culturelles, énergétiques, économique, démographique, morale, politique
et militaire.
Par conséquent, la culture européenne est singulière de par son héritage issu des
civilisations grecque et romaine mais surtout dans ses nombreux changements et
rebondissements tissés par son histoire qui semble la pousser toujours vers un nouvel horizon,
non pas fixe et certain mais lui-même constitué d’incertitudes .Sa richesse se manifeste aussi à
travers l’étendue des pratiques religieuses.
Si l’on s’attache à définir ce qui constitue l’identité de l’Europe, nous nous retrouvons
donc devant une mosaïque de cultures différentes. Les cultures européennes au sein d’une
culture occidentale est le constat que nous faisons. Nous nous situons ici dans le domaine
proprement culturel et, si nous avons retracé brièvement l’histoire de l’évolution de l’Europe
et de ses mentalités, c’est pour mieux la définir et la distinguer de la notion de civilisation. En
effet, nous venons de voir que l’Europe n’a cessé d’évoluer, de se modifier au rythme des
influences religieuses. A l’origine de l’Europe, il y avait des asiatiques et des celtes. Par la
suite, le territoire s’est morcelé en différentes provinces selon les axes diplomatiques et
politiques. L’Europe n’a cessé d’être ouverte sur le reste du monde tant et si bien que la
frontière entre Orient et Occident reste en suspend…
Pour analyser les capitales européennes de la culture, il apparaît donc nécessaire de
chercher ce qui est commun et unique dans cette mosaïque de culture. Qu’est ce qui nous
engage tous ensemble dans un projet commun ? Quel est le projet de l’Europe compte tenu de
21
: E. Morin, Penser l’Europe, Ed Gallimard, 1987 p 148 22
: Ibid., p148
21 | P a g e
sa multiplicité formelle ? Suite au constat de cette diversité de cultures en Europe, il
semblerait que son identité ne se réduise pas à cette multiplicité. Doit-on faire preuve de notre
échec à chercher un substrat invariant à l’identité européenne ? Les cultures n’englobant pas
le cœur même de ce qui définit l’Europe.
Ce tableau, issu de l’enquête que nous avons spécifiquement réalisée et analysée pour
cette étude, rend compte de la vision qu’ont les jeunes de l’Europe :
« Comment définiriez-vous l’Europe ? » / « Vous sentez vous européen ? »
Oui Non Total
Indifférent 7,1 7,1%
Une communauté 7,1 7,1%
Une zone égalitaire 3,6 3,6%
Une zone peu dynamique 3,6 7,1 10,7%
Zone de valeurs démocratiques 7,1 7,1%
Zone avantageuse pour ses
habitants
7,1
Zone de culture commune 7,1 7,1 14,3%
Une belle région du monde 3,6 3,6%
Pas définissable 3,6 3,6 7,1%
Une zone mal organisée 3,6 3,6%
Une zone multiculturelle 21,4 3,6% 25,0%
Une zone inégale 3,6 3,6%
Total 75,0% 25,0%% 100,0%
Tout au long de ce mémoire, nous nous permettrons d’illustrer nos recherches par des résultats
d’enquête analysés23
, tous les tris à plat correspondants aux questions énoncées en titre des tableaux croisés sont
23
Les résultats n’ont en aucun cas pour but d’infirmer ou de confirmer les réflexions théoriques mais de les
accompagner dans notre démarche de compréhension ainsi que dans la réflexion du lecteur. Ils ont une fonction
de modérateurs. Ces résultats sont le fruit d’un questionnaire passé après de 31 jeunes Marseillais. Le Carnet
d’Enquête, en annexe, explicite les choix sociologiques fait durant cette entreprise. Cependant, nous pouvons
dire maintenant que même si les tableaux croisés seront présentés en pourcentage, les résultats d’enquête ne
prétendent pas exprimer l’opinion générale des marseillais. Ils ne sont que l’expression de champs de réflexion
22 | P a g e
en Annexe 1. Ce premier croisement nous montre une étonnante égalité entre les pourcentages, signifiant que
toutes les raisons sont d’importance égale pour se sentir européen, chaque interrogé adapte ses raisons à sa
propre idéologie. L’Europe est donc un concept encore abstrait mais qui bénéficie d’une malléabilité identitaire
qui semble satisfaire les interrogés. La majorité des personnes ayant répondu Oui au fait de se sentir Européen
définissent cette zone internationale par la multiculturalité. La diversité est donc un des atouts de l’Europe selon
28,5% des interrogés se sentant Européen.
3. L’Europe, pour une « communauté de destin » ?
Aussi, comment peut-on élever une ville en Capitale européenne de la culture, sans
chercher un élément commun dans cette diversité ? Dès lors, pour trouver une réponse à ce
qui donne matière à ce « projet commun », concrétisé par les Capitales Européennes de la
culture, nous nous tournons à nouveau vers Edgard Morin qui jette un regard neuf et
bienveillant sur l’Europe en qualifiant sa conscience comme celle d’une « communauté de
destin »: « La nouvelle conscience européenne est celle d’une communauté de destin.»24
. Pour
ce philosophe, le destin commun signifie de ne pas mourir face aux dangers politiques,
culturels et intellectuels. Morin se réfère au théoricien Otto Bauer qui dans son livre, La
question des nationalités et la sociale démocratie soutient que c’est une communauté de
destin qui donne à une nation son identité, son unité, son vouloir vivre, en dépit de toutes les
diversités humaines et sociales qu’elle contient.
C’est à partir de cet ouvrage que Morin affirmera : « Notre communauté de destin
n’émerge nullement de notre passé qui le contredit. Elle émerge à peine de notre présent
parce que c’est notre futur qui nous l’impose. »25
. Ainsi, loin de vouloir chercher l’identité
européenne dans les tourbillons du passé, Morin propose de nous engager vers l’avenir en
affirmant à la fois à force du présent et la mobilisation qu’impose le destin.
Pour dépasser les divergences et les conflits internes à l’Europe et nous engager,
ensemble, dans un destin commun, il apparaît nécessaire de sentir ce qui fait le lien entre les
pays, ce qui assure leur union. A partir de cet ensemble de forces nous pouvons bien nous
tourner vers l’avenir. Or, la pluralité culturelle apparait comme une menace de division. Ainsi
des personnes interrogés qui délimite les représentations et perceptions invoquées par les questions et leur
thème. 24
: Ibid. p164 25
: Ibid. p168
23 | P a g e
que la notion de multiculturalisme laisse apparaître26
. Sur quels fondements sont assises les
cultures européennes ? Davantage que la culture, la civilisation semble puiser dans des racines
plus profondes la possibilité d’envisager l’avenir…
II. L’Europe, un projet de civilisation.
« Le but de toute civilisation est de faire de l’homme, bête de proie, un
animal dompté et civilisé. »27 .
En effet, après la chute de l’Empire Romain, les différents pays constitués sur le sol
européen ne sont plus des empires. La question est de comprendre si, derrière le
multiculturalisme inhérent à l’Europe, il y a un capital culturel commun aux différentes
cultures européennes. Existe-t-il un fondement culturel dépassant les clivages et permettant
véritablement de donner du sens aux Capitales Européennes de la Culture : quel capital
culturel est commun aux différents pays européens ? En prenant l’angle de la civilisation,
comme capital culturel historique et ethnologique, nous pouvons émettre l’hypothèse d’un
fondement permettant de lier les différentes cultures européennes.
Le tableau qui suit montre bien que l’Europe est avant conçue comme une zone
multiculturelle et difficilement définissable:
Comment définiriez-vous l’Europe ?
Effectifs Pourcentages
Non réponse 3 9,7%
Indifférent 2 6,5%
Communauté économique 2 6,5%
Zone égalitaire 1 3,2%
26
Voir glossaire p 96-98, définition de multiculturalisme et de multiculturalité 27
Nietzsche (1844-1900)
24 | P a g e
Zone peu dynamique 3 9,7%
Zone de valeurs démocratiques 2 6,5%
Zone avantageuse pour ses
habitants
2 6,5%
Zone de culture partagée 4 12,9%
Une belle région du monde 1 3,2%
Pas définissable 2 6,5%
Zone mal organisée 1 3,2%
Zone multiculturelle 7 22,6%
Zone Inégale 1 3,2%
Total 31 100%
Encodage : l’équipe de recherche a ici pris la liberté de « traduire » les réponses des interrogés. La
diversité des thèmes des réponses a été respectée, ce qui explique le nombre élevé de modalités.
Nous pouvons voir que des définitions comprenant des termes du champ lexical de la Culture,
« Zone de culture partagée » et « Zone multiculturelle », couvrent 35,5% des réponses. Nous pouvons donc
comprendre que ces interrogés, qu’ils considèrent la notion de culture au singulier ou au pluriel,
appréhendent l’Europe comme relevant d’une union qui n’est ni économique ni géographique.
1. L’Empire Romain, naissance d’une ou de deux civilisations ?
L’approche de l’historien Arnold Toynbee permet de lier culture et civilisation. Selon
lui, les civilisations se définiraient selon des critères culturels. Nous pouvons donc tenter, à
travers son approche, de voir si le fondement commun aux diverses cultures européennes
n’est pas la civilisation: « Les civilisations sont de très larges groupes sociaux, souvent plus
larges (et même beaucoup plus larges) que ne le sont les Etats, partageant des
caractéristiques culturelles communes, artistiques, religieuses, philosophiques,
linguistiques. »28
. Dans cette perspective nous envisageons donc le « capital culturel » comme
l’hypothèse d’une civilisation commune dont nous serions les héritiers. Toynbee rattache
donc les religions à une civilisation spécifique.
28
. A.Toynbee, L’Histoire : les grands mouvements de l’histoire à travers le temps, les civilisations, les
religions, Paris, Bordas. 1975 Encyclopédie Elzevir
25 | P a g e
Mais, dans le contexte de l’Europe, nous avons affaire à une pluralité de religions sur
le territoire, ce qui ne permet pas de la définir selon ce critère. Il admet pourtant un fondement
commun à l’ensemble des civilisations en insistant sur le fait qu’elles peuvent être :
indépendantes, affiliées à d’autres civilisations ou non affiliées à d’autres civilisations. Il parle
aussi de civilisations satellites et avortées. Selon Toynbee, la civilisation européenne
comprendrait la Chrétienté et la Chrétienté de l'Extrême-Occident.
Toutefois, la plupart des historiens « civilisationnistes » s’accordent en soutenant que
la civilisation occidentale est centrée sur l’Europe de l’Ouest. Mais la question de sa naissance
par rapport à la fin de l’Empire Romain fait débat… Ce qui est certain c’est que la civilisation
occidentale est issue de la civilisation gréco-romaine et de l’Empire Romain. Nous nous
devons toutefois de distinguer dans l’Empire Romain deux zones : l’une au sud de la mer
Méditerranée qui occupe tout le Proche-Orient, et la seconde qui se développera au Nord-
Ouest de l’Empire, allant de la Loire au bassin de l’Escaut et qui formera la civilisation
occidentale. Elle se développera par la suite vers le Rhin, l’Italie du Nord et l’Angleterre puis
vers les pays scandinaves et enfin vers le sud et l’Espagne.
Par conséquent, le début de la civilisation occidentale émerge bien de l’Empire
Romain basé autour de la méditerranée. La civilisation du Proche-Orient (appelée aussi
civilisation byzantine), d’abord présente au sud de la Méditerranée, présente, selon Ph. Bagby,
une grande continuité avec l’Empire Romain qui ne justifie pas qu’on la sépare de celui-ci:
« Une religion avec un dieu unique tout-puissant révélé par un prophète dans un livre sacré ;
des communautés religieuses endogames et séparées résidentiellement comme niveau de bas
de l’organisation sociale, politique et légale ; des chefs sacrés mais non déifiés dirigeant tant
l’Eglise que l’Etat ; des formes artistiques non ou semi-figuratives insistant sur l’immanence
du divin tant chez l’homme que dans la nature ; l’usage du dôme en architecture ; et même
ces traits mineurs comme le hammam ou les styles communs dans l’habillement ou la
préparation de la nourriture. ». Mais, selon Ollivier Galland et Yannick Lemel, il n’y a
aucun doute quant à aux différences caractéristiques du monde méditerranéen et de la
civilisation « occidentale ».29
.
29
: Bagby Ph, Culture as an History. Prolegomena to the comparative Study of Civilizations, Berkeley,
University of California Press
26 | P a g e
Ainsi, l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui ne correspond pas
entièrement à la civilisation occidentale telle qu’elle s’est développée à partir de l’Empire
Romain puisque les Balkans, par exemple, revêtent aujourd’hui des caractéristiques propres à
la civilisation byzantine. Encore une fois le constat du pluriculturalisme vient faire obstacle à
la tentative de définir l’Europe… Mais la Civilisation Occidentale semble échapper à une
catégorisation selon la religion et le concept de culture s’élargit lui-même en accueillant
différentes religions. Selon Galland et Lemel, tous les civilisationnistes admettent qu’à
compter du 1er
millénaire après J.C jusqu’à aujourd’hui « une même communauté de
civilisation rassemble les habitants de l’Europe de l’Ouest dans une seule aire culturelle »30
.
Ils ajoutent que cette aire se distingue de la civilisation gréco-romaine dont elle est néanmoins
issue ainsi que de l’aire moyen-orientale. La civilisation occidentale qui comprend différentes
religions s’est développée de façon autonome, indépendamment de la civilisation romaine et
greco-romaine.
Mais en dépit des différences entre l’empire gréco-romain et l’aire occidentale, on peut
aussi admettre que cette dernière se situe dans une sorte de lignée naturelle, venant bafouer
l’évidence de caractéristiques mutuelles hétérogènes. « La continuité est souvent jugée si
importante et les racines gréco-romaines si fortes qu’il n’y aurait en fait qu’une seule et
même dynamique à l’œuvre depuis l’Empire romain et, donc, une seule et même
civilisation. »31
.
2. Histoire de la civilisation européenne : une » tentative » d’unification » ?
Dictionnaire du Littré : Civilisation : « Action de civiliser; état de ce qui est civilisé,
c'est-à-dire ensemble des opinions et des mœurs qui résulte de l'action réciproque des arts
industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences. ».
A partir de cette définition « officielle » on peut noter que pour qu’il y ait civilisation
il doit y avoir une histoire commune permettant de rapprocher les différents domaines des
sciences humaines en un même « ensemble » cohérent. Ainsi la culture grecque, par exemple,
a influencé la culture romaine dans l’antiquité et semble avoir jouée un rôle dans la
constitution des différentes cultures européennes. Les grecs sont en effet les fondateurs de la
30
: Valeurs et cultures en Europe, La découverte, p14 31
: Ibid. p15
27 | P a g e
philosophie et de la logique. En outre, l’art grec est aujourd’hui encore conçu comme un
modèle de l’art classique. L’art grec a influencé l’art romain puis celui de la renaissance.
Voilà ce qui peut constituer, par exemple, un aspect de la civilisation européenne.
Intégrer la civilisation byzantine à l’aire occidentale pose le problème de la linéarité
historique qui diverge et qui ne permet pas de rendre compte de l’unicité de la civilisation
occidentale. C’est pourquoi nous envisageons la civilisation gréco-romaine comme une des
sources de celle-ci.
Dès lors, en prenant le parti que la civilisation occidentale est né de l’Empire Romain
et présente depuis 2500 ans une unité et une linéarité, plusieurs conséquences apparaissent qui
nous permettent de mieux appréhender l’identité de l’Europe et l’enjeu des Capitales
Européennes de la Culture. Dans le livre: « L’Europe et ses nations »32
, K.Pomian insiste sur
les tentatives d’unification qu’a eue l’Histoire européenne, en dépit des vicissitudes
historiques et des changements de frontières. Ces « tentatives d’unification » témoignent de
la permanence de l’aire occidentale. Selon cet auteur, il y a eu trois périodes de tentatives
d’unification : la première correspond à l’unification de la chrétienté latine à partir du XIIe
siècle. Il y a « L’espace européen dans toute son extension est quadrillé par le réseau
diocésain aux mailles centrées autour des villes épiscopales avec leurs cathédrales, leurs
bibliothèques, leurs écoles et par le réseau paroissial, beaucoup plus dense, qui sert de
support à l’enseignement élémentaire, l’un et l’autre s’adaptant petit à petit à l’essor des
villes et aux migrations internes. »33
.
La seconde tentative d’unification correspond à une unité culturelle qui s’établit entre
les élites cultivées couvrant la période du XVII à XVIIIe siècle. Avec la naissance de
nouveaux « Espaces publics »34
(société de cours, salons, cafés) la noblesse côtoie la royauté
et permet une unification des arts. La troisième tentative serait en cours et correspondrait à la
tentative de l’Union Européenne: « cherchant à surmonter les oppositions entre Etats-nations
qui ensanglantèrent un siècle durant l’aire géographique européenne »35
.
32
K. Pomian, L’Europe et ses nations, Gallimard, Paris, 1990. 33
Ibid. 34
Cf, Habermas, L’espace public, Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société
bourgeoise. 35
O. Galland et Y. Lemel Valeurs et cultures en Europe, La découverte, p18.
28 | P a g e
Par conséquent, la civilisation européenne serait linéaire, continue, ainsi qu’en
témoignent ces « tentatives d’unification » qui ont parcouru les siècles. Un « héritage
commun » issu de la civilisation gréco-romaine constituerait l’identité culturelle européenne
par-delà les différences nationales. Ainsi, la civilisation européenne serait née dans la lignée
de l’empire romain. Nous nous situons donc dans une perspective ethno centrée où le point de
vue reste celui de l’évolution du territoire de l’Europe de l’Ouest.
3. Richesses des civilisations : la remise en cause d’un modèle culturel fermé sur lui-
même.
« La seule unité de notre civilisation, c’est l’interrogation. »36
.
A partir de ce constat d’une linéarité et d’une continuité entre la civilisation romaine et
la civilisation européenne, on peut se demander si cette dernière est véritablement spécifique à
notre culture. En effet, la civilisation européenne a-t-elle une culture si différente de celles des
autres civilisations ? La culture européenne est-elle spécifique en elle-même ?
Georges Dumézil, émet l’hypothèse, dans son grand ouvrage « Mythes et dieux des
Indo européens »37
, d’une correspondance systémique entre des faits historiques indiens,
iraniens et européens. En partant du postulat d’une parenté des langues indo-européennes, il
montre que des liens sociologiques et religieux lient ces différents peuples entre eux. « Cette
explication des concordances par une parenté génétique, ainsi précisée en explication par un
« héritage commun », se trouve, d’avance, permise même recommandée, par le fait que les
sociétés dont les civilisations seront comparées parlent des langues issues d’une même langue
mère, et que plusieurs de ces langues, notamment, ont en commun, riche et cohérent, un
vocabulaire religieux, politique, juridique, moral ; or, entre ces notions de « langue » et de
« civilisation », à ces époques anciennes plus que de nos jours, les rapports sont étroits. »38
.
Si une langue mère est commune aux différentes civilisations, y a-t-il autres
similitudes ? Dumézil émet donc l’hypothèse d’un « héritage commun » aux peuples Indiens,
Iraniens et Européens. En analysant les grands mythes de ces différentes civilisations, il
36
André Malraux (1901-1976) 37
DUMEZIL, G., Mythes et dieux des Indo-Européens, Flammarion, 1986. 38
Ibid. p553
29 | P a g e
constate une même structure qui se retrouve à un niveau symbolique, ou bien réellement dans
les sociétés. Selon Dumézil, une « idéologie tripartite » est au fondement des sociétés
indiennes, iraniennes et romaines. Ainsi, l’Orient et l’Occident se trouvent liés par delà leurs
différences religieuses et sociétales: il y a un fondement commun, une origine commune à ces
différents peuples ; et cela semble remettre quelque peu en question la notion fermée de
« civilisation européenne ». A travers la circulation des mythes, une richesse interculturelle
s’est développée qui ne se laisse pas facilement enfermée dans un territoire politique. Ainsi,
plutôt que de parler de civilisation européenne, Dumézil parlerait plus volontiers de
civilisation indo-européenne.
Pourtant, prenant parti du constat de Dumézil d’une parenté linguistique et d’un
héritage commun entre les civilisations, on ne peut qu’attester du fait que de tous les temps
les hommes ont voyagé et ont véhiculé des croyances, récits, histoires contribuant à diffuser et
à faire connaître une culture qui sera ensuite intégrée à la société. L’Europe s’affirme
toutefois comme un continent différent des autres dans lequel les arts et la philosophie ne sont
pas limités aux frontières nationales mais se sont diffusés dans une grande partie de ce
continent. Ainsi, si l’on veut maintenir l’existence de la civilisation européenne, on peut la
définir en quelques traits culturels fondamentaux.
En ce sens, la civilisation européenne n’aurait de sens qu’au regard des autres
civilisations qui se sont elles aussi développées. Rémi Brague soutient en effet que l’Europe
se définit par rapport aux autres civilisations mais qu’il est dangereux de faire un retour sur le
passé et la grandeur de notre civilisation en la considérant comme « notre » car cela nous
place dans une position d’amour propre et d’intolérance vis-à-vis de ce qui est étranger.39
En
effet, bien que l’on considère l’héritage grec et romain comme faisant parti de la civilisation
européenne, on les conçoit toujours comme étant « extérieurs » à notre propre culture tout en
voulant nous l’approprier. « Le renvoi à ce qu’une culture à de propre peut l’inviter à exclure
ce qui n’est pas elle comme « sale », étranger. » évoque le philosophe Rémi Brague. Il
propose d’intégrer l’Autre dans la notion propre de la culture européenne. Il soutient que cette
dernière ne peut être que fondamentalement étrangère et refuse l’idée que les européens aient
le sentiment d’avoir une culture commune. C’est pourquoi, s’appuyant sur une lettre du poète
39
Rémi Brague, Europe, la voie romaine Folio Essais 2005, Ed. Criterion
30 | P a g e
Hölderlin il affirme: « Ce n’est que par le détour de l’antérieur et de l’étranger que
l’Européen accède a ce qui lui est propre. »40
.
Selon Rémi Brague l’Europe a un rapport spécifique à la culture. Ce rapport serait une
conséquence de la « secondarité culturelle ». Pour l’européen, la culture est quelque chose
d’étranger. « Pour l’Europe, ce qui est source est extérieur. ». Ainsi, il soutien que la distance
qui nous sépare des anciens grecs n’est pas en principe moindre que celles qui les sépare des
autres cultures. Vouloir s’approprier cet héritage nous éloigne encore plus de celui-ci. Ainsi il
conclue « Etudier les classiques, n’est en rien s’occidentaliser. »41
.
4. La civilisation européenne ou la circulation des arts et des savoirs.
En outre, la notion de civilisation est apparue au XIXe siècle, période liée à la
notion de progrès. En effet, c’est aussi durant ce siècle que l’Europe colonise nombre de pays
et veut civiliser ce qu’elle entend comme « les peuples barbares ». Le mot civilisation,
naissant au XVIIIe siècle, pose bien la question de savoir en quoi ce siècle s’épanouit dans
une perspective véritablement nouvelle. La réponse est peut-être à chercher dans
l’épanouissement d’une philosophie accordant un culte à la raison et au savoir plus qu’à la
religion et à l’obscurantisme des superstitions.
En effet, la Philosophie des Lumières et la création de l’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert marquent bien la volonté de diffuser la connaissance. Son étendue à l’ensemble
des pays d’Europe de l’Ouest atteste de la circulation et des liens culturels en Europe. La
Renaissance va profondément marquer l’identité européenne et la définir davantage en tant
que telle. En effet, au XIVe siècle, le grand mouvement humaniste de la renaissance naquit en
Italie mais se répandit rapidement dans tout le territoire européen. Il se propagea au
XVe siècle dans la plus grande partie de l'Italie, en Espagne, dans certaines enclaves d'Europe
du Nord et d'Allemagne, sous la forme de ce que l'on appelle la première Renaissance
(Quattrocento), puis gagna l'ensemble de l'Europe au XVIe siècle (Cinquecento). Selon
l'historien anglais John Hale, ce fut à cette époque que le mot Europe entra dans le langage
courant et fut doté d'un cadre de référence solidement appuyé sur des cartes et d'un ensemble
40
Rémi Brague, Europe, la voie romaine, Folio Essais 2005, Ed. Criterion, p172-173 41
Ibid.
31 | P a g e
d'images affirmant son identité visuelle et culturelle42
. C’est aussi durant la renaissance que
l’imprimerie est inventée (vers 1450). Ce progrès dans la technique va bien sûr permettre une
énorme diffusion de savoir.
A travers le partage des connaissances et les influences artistiques entre les pays, les
européens ont été unis sous un même paradigme artistique et intellectuel. En outre, une des
caractéristiques de la renaissance fût l’intérêt porté vers les œuvres de l’antiquité. C’est donc
avec le même regard que les européens voyaient leur histoire commune.
Nous venons donc de voir que l’Europe comprend une multiculturalité forte, la
positionnant comme un continent original. En effet, cette diversité culturelle au sein même
d’un continent uni politiquement et économiquement pose le problème de la cohésion des
valeurs et du sentiment de citoyenneté européenne. Pour concevoir et engager tous les pays
européens dans un projet commun, la notion de « communauté de destin » s’impose
effectivement: elle repousse les troubles du passé politique et religieux et incite les européens
à se pencher sur la volonté d’un avenir à créer ensemble. En outre, la culture européenne, bien
que très ancienne, est ouverte sur l’Orient (la question des limites géographiques vers l’est est
sujette à polémique et ne s’impose pas comme évidente, voir ci-dessus).
Si on reconnaît aujourd’hui l’existence de la civilisation européenne, on ne peut nier
les relations qu’elle a entretenues avec la civilisation byzantine et indo-iranienne. Ainsi, il
apparaît que l’élection d’une ville comme Capitale Européenne de la Culture ne va pas de soi.
Comment rendre compte de la diversité de la culture européenne à l’échelle locale ? Qu’est ce
qui rend possible le symbole des capitales européennes de la culture comme vecteur de
citoyenneté européenne ? Nous traiterons dans la partie suivante la question des espaces
publics représentatifs de la multiculturalité européenne à travers l’étude des Capitales et
Villes Européennes de la Culture qui s’achèvera par une étude plus approfondie du cas de
Marseille-Provence 2013.
42
Wikipediahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance_(p%C3%A9riode_historique) (consulté le 02/12/11)
32 | P a g e
PARTIE 2 / Les Capitales européennes de la culture (CEC): une
symbolisation de l’Europe culturelle.
I. L’idée d’une Europe culturelle.
« Comment une communauté privée de sa dimension culturelle peut-elle s’en sortir ? […]
Notre rôle en tant que ministères de la culture est clair. Notre responsabilité
indispensable. La culture est l’âme de la société. Ainsi, notre plus grand devoir est
d’observer les fondations, la nature de cette communauté. Cela ne signifie pas que nous
devrions imposer notre idéaux. Au contraire, nous devons reconnaitre la diversité et les
différences existant parmi les peuples d’Europe. Le facteur déterminant de l’identité
européenne repose précisément sur le respect de cette diversité avec pour objectif de
permettre le dialogue entre ces cultures d’Europe. Notre voie doit être entendue, autant
que celle des technocrates. La culture, l’art et la créativité ne sont plus aussi importants
que la technologie, le commerce et l’économie.43
” .
Ces paroles prononcées par l’artiste et ministre de la culture grecque Melina Mercouri le
28 novembre 1983 ne fut pas sans répercussions au sein de la Communauté Européenne.
Alors qu’à l’époque, l’Europe était encore une communauté commerciale et industrielle, les
initiatives pour la culture européenne comme vecteur d’intégration et de cohésion entre les
nations apparaissent concrètement.
La question de l’Europe culturelle a cependant connu des débats avant les années
1980, bien que cela reste récent. La mise en place, laborieuse certes, d’une politique culturelle
européenne est le résultat d’une élaboration progressive datant de l’après guerre44
. Au
lendemain de la seconde guerre mondiale et dans le contexte de la construction de l’Europe, la
culture est mise en avant comme ayant des vertus unificatrices. Cette idée est associée au
43
DELBARGE Marc, « The European Capitals of Culture, their past, the future of Europe and the actual
European awareness policy. The cases of Salamanca and Bruges » dans COUDENYS Wim [dir.], Whose
culture(s)? Proceedings of the Second Annual Conference of the University Network of European Capitals of
Culture, Liverpool 16/17 October 2008 : traduit de la citation “How is it possible for a Community which is
deprived of its cultural dimension to grow? (…) It is time for our voice to be heard as loud as that of the
technocrats. Culture, art and creativity are no less important than technology, commerce and economy” p.10 44
BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert. L’Expérience
européenne, 50 ans de construction de l’Europe, 1957-2007, des historiens en dialogues, actes du colloque
international de Rome 2007, ed. Bruylant, Bruxelles, 2010.
33 | P a g e
« mouvement de promotion de l’idée européenne » dont le discours le plus significatif est
celui de Winston Churchill à l’Université de Zurich le 19 sept 1946 sur l’Europe: « C’est
l’origine de la plupart des cultures, des arts, de la philosophie et des sciences à la fois de
l’époque moderne et ancienne. Si les pays d’Europe étaient unifiés par leur héritage commun,
il n’y aurait aucune limite à leur Bonheur, la prospérité commune, et la gloire (…) Nous
devons recréer la famille européenne dans sa structure originelle.»45
.
Même s’il a fallu plusieurs décennies pour l’achèvement d’une véritable politique
culturelle en Europe, l’importance de la culture est présente dans les consciences d’après
guerre. La reconstruction européenne n’apparaît possible aux gouvernements d’après guerre
que grâce à l’unification des peuples en motivant leur sentiment d’appartenance à un même
territoire: « Ces questionnements ont également touché la culture dans la construction de
l’Europe. Si les citoyens européens ne se sentent pas concernés par cette dernière, ne serait-
ce pas parce que la machinerie de l’économie de marché et le discours de la bureaucratie lui
sont en partie étrangers ? Dans ces conditions, le retour à la culture n’est-il pas impératif ?
Ce souci d’une meilleure compréhension mutuelle par l’échange intellectuel est une
préoccupation de pus en plus explicite chez les responsables politiques et chez les acteurs.»46
Par ailleurs, le Traité de Bruxelles signé en mars 1948 par la France, le Royaume-Uni,
la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, est révélateur de cette volonté d’agir dans le
domaine de la culture au delà de ses clauses militaire et économique. Le Conseil de l’Europe
ensuite, créé le 5 mai 1949 consacre non pas sans difficulté l’élaboration d’une coopération
culturelle de nature intergouvernementale et dont la mission est d’unir l’Europe sur le plan
politique47
.
La culture devient un élément identitaire essentiel pour l’unification. Les années 1950
marquent l’apparition d’efforts considérables. L’idée de « l’unité dans la diversité et sa
45
Traduction de la retranscription du discours enregistré sur http://www.cvce.eu/viewer/-/content/5da812de-
3a20-4e2a-9cc1-7e0f90c8f97b/fr;jsessionid=E60A9D3CA7077A0E032A5F49EA8A8B6D : « It is the origin of
most of the culture, arts, philosophy, and science both of ancient and modern times. If Europe was once united in
the sharing of its common inheritance, there would be no limit to the happiness, to the common prosperity, and
the glory (…)We must recreate the European family, in original structure ”- consulté 20 décembre 2011 46
MARES Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne », dans
BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit. p.453 47
LEVY Marie-Françoise et SICARD Marie-Noëlle, « La culture dans l’espace public comme enjeu de la
construction de l’Europe : missions et expériences » dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI
Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, Op.cit., p.198
34 | P a g e
promotion »48
voit le jour et la valorisation du patrimoine prend de l’importance en tant
qu’outil promotionnel de l’histoire et des identités nationales. L’Eurovision, créée en 1954,
exprime également l’idée d’une Europe unifiée. Mais c’est véritablement lors du Sommet de
Copenhague en 1973 que la déclaration des 9 membres de la Communauté Economique
Européenne sur l’identité européenne est adoptée : « Cette variété de cultures dans le cadre
d’une même civilisation européenne, cet attachement à des valeurs et des principes communs,
ce rapprochement des conceptions de la vie, cette conscience de posséder en commun des
intérêts spécifiques et cette détermination de participer à la construction européenne donnent
à l’identité européenne son caractère et son dynamisme propre.»49
.
Il est possible de constater un changement dans la politique culturelle européenne dans
les années 1980, période de l’apparition de ce qui constitue l’objet de notre étude, les Villes
Européennes de la Culture qui seront plus tard appelées Capitales Européennes de la Culture.
En effet, l’évolution des technologies de communication et la mainmise des Etats-Unis sur les
industries culturelles déclenchent des inquiétudes et la nécessité de maintenir l’Europe sur la
scène culturelle internationale. En cela, la question de l’identité européenne apparait comme
centrale face à la mondialisation dans la mesure où il est nécessaire d’être unis pour s’affirmer
sur la scène internationale. En valorisant l’identité européenne, l’Union Européenne (UE) a
l’objectif à long terme de construire une citoyenneté européenne. Cette citoyenneté est un
enjeu de taille dans la mesure où la notion d’Union Européenne se construit avant tout par
l’adhésion des peuples à une idée de l’Europe.
Il apparaît donc nécessaire pour les eurocrates de renforcer le sentiment
d’appartenance des populations à l’Europe, au-delà de leur attache nationale, en faisant
prendre conscience que ce territoire rassemble et permet la cohésion des nations sans les
homogénéiser. Les Villes Européennes de la Culture constituent un exemple symbolique de
cette idée, et s’inscrivent dans un contexte où plus encore, « Le sentiment d’appartenance à
une aire commune de civilisation ne suffit plus. Il faut « organiser les cultures d’Europe »,
construire un espace de soutien mutuel, et si la culture est étroitement liée à l’économie, il
48
Ibid. p.199 49
Parlement européen, Bulletin 1973-1974, Numéros 46-73, pp. 8-9 cité dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE
Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert , Op.cit., p202
35 | P a g e
convient d’avoir un discours stratégique et « d’investir » dans la culture pour permettre à la
fois une meilleure conservation des patrimoines et le développement de la création.»50
.
1. Les Villes Européennes de la Culture.
La ville est un élément clé de compréhension de la civilisation de l’Europe moderne.
En effet, ainsi que le montre Göran Therborn dans « Les sociétés d’Europe du XXe au XXIe
siècle, La fin de la modernité européenne ? », les villes ont une importance notable dans la
conception de modernité et de la société civile « occidentale ». La ville en Europe est un
symbole de modernité, en ce sens qu’elle a exercé un rôle central dans la rupture de la
modernité européenne avec l’Ancien Régime. Pour exemple, dans l’imaginaire collectif, la
ville incarne le lieu de contestation contre les régimes absolutistes. Ainsi, Londres était une
ville contre le pouvoir absolutiste, La Révolution fut une victoire de Paris sur la Cour de
Versailles, les diverses révolutions européenne de 1930 et 1948, qui déstabilisèrent les
régimes de la Restauration, s’inscrivent dans nos mémoires comme des révolutions urbaines,
de même que la Commune de Paris et les révolutions ouvrières du XXe siècle à Pétrograd,
Helsinki, Munich et Budapest51
.
Ce n’est cependant qu’après la seconde guerre mondiale que l’Europe, comme aux
Etats-Unis, a fait de la ville un mode de vie prédominant. Ainsi, « la ville européenne est la
graine de la modernité occidentale »52
. Promouvoir chaque année une Ville Européenne de la
Culture marque en un sens la volonté de prôner un certain modèle européen, un modèle de
modernité symbolisé par la ville et la culture qu’elle possède.
L’initiative des Villes Européennes de la Culture vient ainsi que nous l’avons
précédemment exposé, d’une suggestion de la ministre de la Culture grecque de l’époque,
Mélina Mercouri. En effet, l’idée initiale est lancée à l’échelle inter-gouvernementale en 1985
par le Conseil des Ministre, et non pas par l’action communautaire de l’UE. L’objectif de ce
premier projet était de « rendre accessible au public européen certains aspects culturels de la
50
LEVY Marie-Françoise et SICARD Marie-Noëlle , « La culture dans l’espace public comme enjeu de la
construction de l’Europe : missions et expériences » dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI
Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert , Op.cit., P 204
51
THERBORN Göran, Les sociétés d’Europe du XXe au XXIe siècle, La fin de la modernité européenne ? , ed.
Armand Colin, France, 2009, 374 pages. p.182 52
Ibid. p.181
36 | P a g e
cité, de la région ou du pays en question (…) permettre de faire de la ville concernée le
théâtre d'un certain nombre de contributions culturelles de la part d'autres États
membres »53
. A l’origine, chaque année dans l’ordre alphabétique, un Etat-membre désigné
devait choisir une ville pour organiser l’événement. L’ordre alphabétique n’a pas été retenu,
mais une série de désignations furent faites, et le programme fut lancé en 1985 à Athènes,
première Ville Européenne de la Culture54
.
Entre 1985 et 2004, la désignation se fait par les autorités nationales de chaque Etat
membre réunis en conseil, entrainant forcément la nomination de villes stratégiques: des
capitales telles qu’Athènes, Dublin, Madrid, ou Paris, des centres culturels historiques tels que
Florence, des centres métropolitain comme Glasgow, Antwerp, etc. L’intérêt de valoriser un
pays par sa capitale apparaît essentiel si l’on observe le tableau ci-dessous. La capitale est en
effet le symbole du rayonnement culturel d’un pays.
Tableau 3
Quelle ville en Europe, visitée ou non, trouvez vous la plus attractive culturellement ?
Effectifs pourcentages
Non réponse 1 3,2%
Amsterdam 1 3,2%
Barcelone 6 19,3%
Belgrade 1 3,2%
Berlin 2 6,4%
Budapest 1 3,2%
Lille 1 3,2%
Londres 7 22,5%
Marseille 1 3,2%
Paris 6 19,3%
Prague 1 3,2%
Rome 3 9,6%
53
Commission Européenne, Résolution 85/C153/O2 sur http://ec.europa.eu/culture/our-programmes-and-
actions/doc437_en.htm - consulté le 26 décembre 2011 54
Voir Annexe 3 : Tableau des Villes/Capitales Européennes de la Culture.
37 | P a g e
Total 31 100,0%
Nous pouvons voir en reportant la totalité des villes citées par les interrogés de l’échantillon que la plupart sont
des capitales. Paris et Barcelone sont cités six fois représentant 19,3% des réponses mais Londres reste la ville
avec l’image la plus attractive culturellement avec 22,5%.
A partir de 2005 un changement de sélection est mis en place: le pays présélectionné
est le seul responsable du choix de sa Capitale Européenne de la Culture (CEC). Désormais,
les villes ne sont plus en compétition à une échelle européenne. En 1999, le Parlement
européen et le Conseil de l’UE s’accordèrent sur le fait que les Villes Européennes de la
Culture devaient être sous le statut d’Action Communautaire. De nouveaux critères
d’évaluation soulignèrent notamment la dimension européenne comme élément primordial, en
accord avec les objectifs et actions fournies par l’article 151 du traité instituant l’Union
Européenne55
.
Ainsi, le Conseil désignerait officiellement la ville, qui aurait quatre ans de préparation
pour organiser « un programme d’événements culturels soulignant la culture et le patrimoine
propre à la ville ainsi que sa place dans l’héritage européen commun, et impliquant à
l’échelle européenne les acteurs concernés par les activités culturelles en question dans le but
d’établir une coopération »56
. Par ailleurs, avec l’entrée dans le XXIe siècle, deux villes
seraient élues par année, en réponse à l’arrivée de nouveaux Etats membres et la nécessité de
favoriser l’intégration en diminuant la concurrence entre les villes d’Europe de l’Ouest et les
villes émergentes à l’Est.
L’année 2000 fut la consécration de ce changement. En effet, neuf villes furent désignées, en
tant que geste symbolique pour le millénaire : trois au sud, Avignon, Bologne et Saint Jacques
de Compostelle, trois au nord, Bergen, Helsinki et Reykjavik, trois au centre, Bruxelles,
Prague et Cracovie. Certaines villes furent déçues car elles auraient souhaité une désignation
unique plutôt que partager la nomination. L’objectif était d’aider au développement de projets
communs entre les villes. Même si le nombre de villes désignées varia de une à deux par an à
55 http://ec.europa.eu/culture/key-documents/doc1841_fr.htm (consulté le 25/12/11) 56
PALMER Robert [dir.], Report on European Cities and Capitals of Culture, part one, ed. Parlmer/RAE
Associate, Bruxelles, août 2004, 193 pages. Traduction de la citation « organise a programme of cultural events
highlighting the city’s own culture and cultural heritage as well as its place in the common cultural heritage,
and involving people concerned with cultural activities from other European countries with a view to
establishing lasting cooperation” p. 42
38 | P a g e
partir de cette date, ce n’est véritablement qu’à partir de 2007 qu’officiellement la double
nomination fut mise en place, avec Luxembourg et Sibiu. Bien que les procédures officielles
de sélection des villes se réfèrent à la désignation de Villes Européennes de la Culture, après
2000 apparaît le titre de Capitales Européennes de la Cultures (CEC) que les villes
s’attribuèrent57
. Ainsi, cette appellation peut-être vue comme une stratégie de promotion de la
manifestation. Il apparaît en effet selon le tableau suivant que le nom de « capitale » apparaît
dans l’esprit des populations comme un label désignant la ville comme une puissance
économique, politique et culturelle.
Tableau 4
« Pour vous, quelle est la différence entre Ville et Capitale ? »
Effectifs Pourcentages
Non réponse 1 3,2%
Aucune différence 2 6,5%
Différence de statut économique 4 12,9%
Différence de statut touristique 2 6,5%
La taille 4 12,9%
La capitale est le centre des activités du
pays
9 29,0%
La capitale est la ville représentative du
pays
7 22,6%
Le nom 2 6,5%
Total 31 100%
Les définitions de « Capitale » en tant que « centre des activités du pays » (29,0%) et « ville représentative »
(22,6%) de son pays montre le caractère prédominant que concèdent les interrogés à cette appellation. Les deux
interrogés (6,5%) répondant simplement « le nom » laisse penser que la notion de Label « Capitale » peut avoir
été intégrée chez certaines personnes.
Comme que le mentionne Robert Palmer, dans le cadre des candidatures les différents
principaux secteurs développés sont le théâtre, les arts visuels, la musique, l’architecture, le
patrimoine et l’Histoire, ainsi que les arts de la rue. Les programmes ont été développés en
fonction des différentes approches de la « Culture », depuis sa définition comme art à sa
57
Ibid. p.44
39 | P a g e
définition la plus large, anthropologique. La majorité des villes a opté pour une définition
large de la culture et a essayé de trouver un équilibre entre formes artistiques traditionnelles
et culture populaire (nourriture, traditions, etc.). Par ailleurs, les villes s’attachent à
développer les talents d’artistes locaux par des commandes d’œuvres et appels d’offres
notamment58
. Ainsi, en privilégiant une culture au sens large, la labellisation permet une
grande visibilité du capital culturel local, constitutif d’une partie de la grande diversité du
capital européen.
Les CEC ont un double objectif. A une échelle locale tout d’abord, elles constituent un
enjeu principalement économique et territorial dans la mesure où le label est une opportunité
d’améliorer la ville grâce à la mise en place d’infrastructures et la création d’événements
culturels, et permet de renforcer l’attraction touristique. Pour les villes comme pour l’UE, la
culture est quelque chose qui doit être consommé. L’Europe est la première destination
touristique au monde, la compétition entre les villes européennes est rude, et les CEC espèrent
ainsi bénéficier de la notoriété du label. Par ailleurs ce dernier offre un potentiel à long-terme
pour le développement urbain. Ces atouts servent d’arguments pour convaincre les villes de
candidater : être CEC permet d’améliorer l’économie générale de la ville par la création
d’emplois, la visibilité et l’attractivité et permet l’augmentation des offres culturelles pour les
habitants locaux59
. Pour les villes nouvellement entrées dans l’Europe, le label constitue une
manière d’obtenir une reconnaissance européenne en tant que destination touristique.
En outre, et c’est là l’objectif qui intéresse notre étude, les CEC ont pour objectif la
mise en valeur de la dimension européenne. Tout d’abord, il est important d’évoquer l’enjeu
pour l’Europe de mobiliser les populations locales pour ces projets, car ils sont dans leur
concept des éléments de construction d’une citoyenneté européenne. En effet, en permettant le
partage d’un capital culturel qui se veut aussi européen, les CEC sont censées contribuer à
entretenir voir créer chez la population locale un sentiment d’appartenance à l’Europe. Or, si
l’on se réfère au tableau suivant, il semble difficile de déterminer si le sentiment
d’appartenance à l’Europe est une cause ou un effet de la mobilisation des populations.
58
PALMER Robert [dir.], op.cit., p.64 59
GOGGIN Sarah, The European Capitals of Culture, The politics of a becoming Europe, University of
California, Los Angeles, mai 2009, p. 128 - sur http://gradworks.umi.com/14/72/1472319.html
40 | P a g e
Il semblerait en effet que les populations attirées par le projet sont déjà investies à
l’échelle européenne, il est en revanche trop tôt pour pouvoir estimer si les populations qui
ont été mobilises avec succès ont pu par la suite voir grandir leur sentiment d’appartenance à
l’Europe. Cette réflexion rend le travail de mobilisation du reste de la population d’autant plus
nécessaire.
Tableau 5
Vous sentez vous concerné par le projet Marseille Provence 2013 ? /
Vous sentez vous européen ?
Non réponse Oui Non Total
Non réponse 3,2 3,2%
Ne connais pas 12,9 12,9%
Oui 32,3 16,1 48,4%
Non 25,8 9,7% 35,5%
Total 3,2% 71,0 25,8% 100,0%
Nous pouvons remarquer ici que le pourcentage le plus élévé (32,3%) représente les interrogés se sentant
européen et concerné par le projet. Nous ne pouvons déterminer ici si c’est la dimension européenne du projet
Marseille Provence 2013 qui attire les interrogés mais nous pouvons voir que la moitié de l’échantillon l’est
alors que le plan communicationnel du projet n’était pas lancé au moment de l’enquête.
Par ailleurs, les CEC symbolisent les enjeux européens en ce sens qu’elles mettent en
avant l’ « unité dans la diversité »60
. Ce slogan si l’on peut dire présente les enjeux les plus
importants de l’UE, son idéal de communauté et de coopération, les défis d’une diversité
grandissante avec l’élargissement et une intégration profonde nécessaire dans le futur61
. La
notion de « label » marque bien cette volonté. En effet, elle renvoie non seulement à un gage
de qualité mais également à la volonté de réunir des cultures diverses sous un même étendard
sans tentative d’homogénéisation. Il est possible cependant de s’interroger sur la possible
standardisation des candidatures, dans la mesure où les CEC relèvent aussi de stratégies
marketing.
60
Ibid. p.126 61
Ibid. p.126
41 | P a g e
Les villes désignées cherchent-elles à reprendre des éléments qui ont fonctionné dans
les CEC précédentes ? Cependant, même si les candidatures peuvent avoir tendance à vouloir
se calquer sur un modèle défini, les cultures sont assez différentes pour que les résultats en
soient tout aussi diversifiés. En effet, pour chaque CEC, l’intérêt est en partie de se mettre en
valeur en tant qu’espace européen. Cependant, comme la notion de « diversité » est
contradictoire et ambiguë, chaque ville présente à travers l’événement sa propre vision de la
diversité, entrainant par conséquent des objectifs et résultats différents. C’est notamment à
partir des années 1990 que les CEC changent de visage. En effet, avec Glasgow Ville
Européenne de la Culture 1990, ce label n’est plus uniquement le fait de la haute culture
européenne. Le terme de culture fut étendu aux villes plus industrielles et sans véritable
réputation culturelle. Ce renouvellement impliquait désormais des stratégies de
redéveloppement de la part de ces villes. Les Villes Européennes de la Culture n’étaient alors
plus uniquement une célébration de la Haute-Culture européenne mais également une manière
de revaloriser le territoire européen.
Ainsi, non seulement dans leur concept même, mais aussi dans leur évolution les CEC
consacrent la mise en valeur d’un capital culturel européen des plus diversifiés. Elles sont
l’illustration même de la diversité des cultures, des paysages et des populations, et cette mise
en valeur montre que l’Europe souhaite en faire sa force. Antwerp, Rotterdam, Lille, Ruhr,
Liverpool peuvent être citées comme exemples des villes industrielles dont le territoire a pu
être revalorisé grâce à la labellisation. Ainsi, des enjeux différents motivent les CEC. Si les
villes industrielles à faible capital culturel ont ainsi pour ambition de valoriser leur territoire et
de valoriser leur place en Europe, les pays récemment intégrés à l’Europe voient en cette
opportunité un moyen de faire leur entrée sur la scène européenne62
.
Toutes les villes ont pris en considération les enjeux européens du programme, mais
les approches en sont différentes. Tout dépend en effet de l’interprétation que les villes ont de
cet objectif et la priorité qu’elles lui accordent. Robert Palmer détaille les différentes
interprétations en listant les différentes actions menées par les CEC : présenter des
événements qui s’intéressent aux artistes européens, collaborations ou co-productions entre
différents pays européens, développer des thèmes européens notamment la question de la
multiculturalité et des migrations, identifier et célébrer les aspects de l’histoire présents dans
62
Ibid. p.134
42 | P a g e
la ville et qui sont en lien avec l’identité et l’héritage européens, partenariats entre différentes
villes. A l’échelle des villes, la dimension européenne ne constitue pas la plus grande des
priorités. La majorité y accorde une priorité jugée moyenne63
.
Quoi qu’il en soit, si la dimension européenne du programme reste plus ou moins bien
exploitée par les villes, nous pouvons relever que même de manière implicite les CEC
symbolisent les stratégies de l’UE actuelle.
2. Mise en comparaison des Capitales Européennes de la Culture avec les enjeux de
l’Union Européenne.
Il est possible en s’intéressant à l’historique des villes élues CEC de voir en quoi
celles-ci sont représentatives des enjeux de l’Union européenne et de manière plus large des
enjeux de l’Europe culturelle. En effet, si l’on observe les premières villes choisies, nous
pouvons constater qu’il s’agit de ville situées historiquement au centre de l’Europe : Athènes,
Florence, Amsterdam, Berlin, Paris. Ces villes, toutes capitales ou centres historiques et
culturels de renommée internationale mettent en valeur la haute culture européenne comme
réponse à la mondialisation. En effet, les CEC valorisent le capital culturel européen comme
un front commun qui s’affirme face à la culture de masse diffusée à travers le monde. Comme
nous l’avons vu précédemment, l’expérience européenne montre bien la prise de conscience
de l’UE de réorganiser les Cultures d’Europe pour la construction d’une espace de soutien
mutuel permettant la protection de l’Europe culturelle face aux effets de la mondialisation.
Par ailleurs, en constituant le noyau à l’initiative de la construction de l’UE, ces villes
peuvent être vues comme une véritable consécration de cette union. En effet, la première
manifestation de coopération européenne est la création de la Communauté Européenne du
Charbon et de l’Acier (CECA) le 18 avril 1951, fondée par six pays : la Belgique, la France,
le Luxembourg, l’Italie, le Pays-Bas, la RFA et la France. Cette première sélection de Villes
Européennes de la Culture symbolise l’axe politique traditionnel issu des alliances politiques
dont le centre regroupe l’Allemagne de l’Ouest et la France, alliance qui perdure depuis
l’après guerre et qui reste au cœur de la vision de l’identité européenne, une manière de
reconstruire l’Europe en réconciliant les pays qui s’étaient battus afin de consolider la paix et
d’éviter le recommencement d’une telle tragédie.
63
PALMER Robert [dir.], op.cit., p.85
43 | P a g e
Elles correspondent par ailleurs à la « mégalopole européenne », terme institué par
Roger Brunet dans « Les villes européennes » (1989) et qui correspond à l’axe principal de
l’Europe où se trouvent de fortes densités de population, de grandes villes et les plus fortes
productions et valeurs ajoutées64
. Ainsi, il est possible de voir ici une des limites des CEC
dans leur concept original, c'est-à-dire qu’il est difficile de mettre en lumière la diversité des
cultures et l’intégralité du capital culturel européen à travers la labellisation si elles ne sont
que le reflet de l’UE traditionnelle.
Il nous faut nuancer nos propos selon lesquels les CEC seraient révélatrices des enjeux
de l’UE. En effet, si l’on prend l’exemple d’Istanbul Capitale Européenne de la Culture 2010,
nous pouvons dire que cette ville a été choisie sans que la Turquie n’ait été acceptée dans
l’UE. Il s’agissait cependant de la dernière opportunité d’être désignée pour Istanbul, car
n’étant pas dans l’UE elle se trouvait dans une position compliquée; en effet, depuis 2011, les
villes appartenant à l’UE sont les seules éligibles65
. Par ailleurs, son élection ne lui a pas pour
autant valu son acceptation par la suite. Ce que nous pouvons dire cependant, c’est que
l’élection d’Istanbul comme CEC faisait partie des opportunités offertes au pays pour
valoriser sa culture et favoriser son entrée dans l’Union Européenne.
Cependant, les nombreuses critiques à l’égard d’Istanbul 2010 concernant notamment
le manque d’implication de l’Etat, les actions de stratégie marketing au détriment de la culture
locale, et les incompréhensions concernant la gestion du budget et de l’organisation ont sans
doute joué en défaveur de la Turquie. En outre, les questions de l’élargissement de l’Europe
ainsi que la candidature de nouvelles villes a permis de faire évoluer le label et de mettre un
place un renouvellement plus diversifié et dans une moindre mesure davantage représentatif
de l’Europe culturelle.
3. La question de l’élargissement.
Les villes sélectionnées se sont par la suite diversifiées et plus encore, les CEC des
années 2000 marquent la mise en place d’une double CEC chaque année. Cette nouvelle
procédure peut être mise en comparaison avec la vision binaire de l’Europe qui persiste. En
64
http://www.mgm.fr/ARECLUS/page_auteurs/Brunet14.html (consulté le 23/12/11) 65
http://bordeaux.eurosblog.eu/spip.php?article72 (consulté le 08/01/12)
44 | P a g e
effet, de 1947 à 1989, « la vision binaire de l’Europe s’est imposée d’autant plus facilement
qu’elle convenait aux grandes Puissances »66
. La division géopolitique de l’Europe, de même
que la bipolarité du label, apparaissent d’une part comme un héritage de l’après guerre et de la
Guerre Froide mais aussi de l’hégémonie de l’Europe de l’Ouest, démocratique et capitaliste,
qui a été renforcée par le processus d’unification européenne initié après la Seconde Guerre
mondiale face à l’Europe médiane67
.
L’Europe médiane, ou « Autre Europe »68
connait avant 1989 des transformations
socio-économiques de manière décalée par rapport à l’Europe Occidentale. En effet, elle
passe d’un monde presque entièrement agricole à la société urbaine et bourgeoise. Cette
région est par ailleurs marquée par une affirmation des identités nationale et des langues
vernaculaires, des cultures populaires et savantes. L’Europe médiane, déstabilisée par la crise
et le basculement de certains Etats sous des régimes autoritaires, est sortie affaiblie de la
Seconde Guerre Mondiale, et la plupart des peuples de la région se sont retrouvés annexés par
Staline en passant sous le régime Soviétique. La conférence de Yalta en février 1945 est un
moment décisif pour les relations entre les deux parties de l’Europe, car c’est à ce moment
que les alliés réunis se seraient partagés le reste de l’Europe médiane, laissant un sentiment
d’assujettissement et de méfiance à l’égard des puissances européennes, bien que sur le plan
intellectuel, l’Europe occidentale dominante reste une référence69
.
Ainsi, la réalité de l’« Europe bipolaire [s’est] profondément enracinée à la fois dans
la double hégémonie mondiale américano-soviétique et dans la conviction que cette situation
était durable voire pour certains idéologues, irréversible »70
.
La chute du mur de Berlin en 1989 et les pressions diverses ont poussé l’UE à
reconsidérer ce schéma et de penser le dilemme de l’« élargissement-approfondissement ». En
optant pour des entrées dans l’Union de manière différée, il a fallu 15 ans pour que 8 pays de
l’Europe médiane adhèrent à l’UE, avec des restrictions notamment sur la circulation des
personnes et de l’emploi. En 1990, Chypre et Malte posent leur candidature pour adhérer à la
66
MARÈS Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne » dans
BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit., p.445 67
GOGGIN Sarah, op.cit., p.170 68
MARÈS Antoine, « L’Europe médiane dans le « sixième » élargissement de l’Union Européenne » dans
BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert, op.cit., p.440 69
Ibid. p.443-444 70
ibid. p.439
45 | P a g e
CEE, suivies de la Hongrie et la Pologne en 1994, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie,
l’Estonie, la Lettonie et la Bulgarie en 1995, la République Tchèque et la Slovénie en 1996.
Ce n’est qu’en décembre 2002 cependant, à l’issue des négociations concernant les adhésions,
que la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la
Slovénie, la Slovaquie, Chypre et Malte sont officiellement autorisées à adhérer à l’UE le 1er
mai 2004. La Roumanie et la Bulgarie devront attendre 200771
.
Ce contexte géopolitique présentant une Europe à deux vitesses apparaît dans la
labellisation à partir de 2007 avec Luxembourg et Sibiu72
. Les CEC s’inscrivent donc dans ces
enjeux et stratégies d’élargissement progressifs. Cependant, il nous semble nécessaire de
comprendre dans quelle mesure la double sélection apparait non seulement comme une
symbolisation mais aussi comme un des rouages du système de réintégration.
En effet, le programme offre l’opportunité pour les deux villes désignées de se
découvrir mutuellement car un des premiers principes de la double désignation est l’échange
et la coopération. Souvent le site internet des CEC est l’outil qui leur permet de consacrer une
page à l’autre ville désignée, de la présenter et d’argumenter sur les initiatives de travail
commun. Cette coopération peut se faire notamment par le biais de la circulation des biens
culturels et des artistes, par la circulation et l’échange du capital culturel que possèdent
chacune des villes. Mieux encore, certaines villes optent parfois pour la création de projets
partagés, afin d’augmenter leur visibilité sur le territoire. Cependant, il faut aussi s’interroger
sur les possibles effets négatifs de cette procédure qui illustre une Europe inégale73
.
Malgré la mise en place de l’élargissement, la division entre l’Est et l’Ouest persiste à
l’intérieur de l’Union. Durant 50 ans, les deux parties de l’Europe firent l’expérience de
trajectoires économique, politique et socio-culturelle très différentes, isolant les deux parties,
et créant cette dualité qui a par ailleurs détruit l’idée d’une homogénéité possible entre Est et
Ouest. En effet, en s’intéressant à l’élargissement, la puissance hégémonique européenne de
l’Ouest a lancé un processus de réintégration des pays d’Europe de l’Est et Centrale sans
s’interroger sur leurs différences avec l’Ouest, entrainant l’émergence d’une forme de
«westernization » volontaire74
.
71
Ibid. p. 450
72 Voir Annexe 3.
73 PALMER Robert, op. cit. p91
74 GOGGIN Sarah, p. 171
46 | P a g e
Dans le cadre des CEC, les villes ont souvent des objectifs, des cultures et des tailles
différents, rendant difficile le travail en commun. De plus, il est possible que la ville la plus
développée et la plus visible sur le territoire européen puisse se désintéresser de la politique
de coopération. Enfin, et cela semble être un des effets négatifs majeurs, la ville européenne
émergente ne risque t-elle pas de perdre en visibilité, en visiteurs et en sponsors en se
retrouvant dans l’ombre de la deuxième ville à l’ampleur et l’intégration plus développées ?
Face à ce constat, si les CEC symbolisent l’Europe culturelle il est nécessaire de s’interroger
sur la nature de celle-ci pour mieux en appréhender les limites.
II. Au-delà de la méditerranée: Marseille-Provence 2013, Capitale
Européenne de la Culture.
Marseille-Provence 2013 quant à elle pose de nouvelles questions, celles d’une Europe
qui s’étendrait au delà du territoire délimité par l’Union. Elle va, de par son programme et par
sa nature, matérialiser l’Europe culturelle diversifiée, ouverte à la circulation des populations
et des cultures. Marseille-Provence 2013 enfin met en avant l’idée d’un territoire européen en
constante mutation ainsi que nous l’avons vu dans la première partie.
Avant de montrer en quoi Marseille-Provence 2013 cristallise les enjeux actuels de
l’Europe nous pouvons tout d’abord nous interroger sur les raisons de sa candidature. Selon
Bernard Latarjet, il est apparu nécessaire pour la ville de Marseille75
de bénéficier d’un
tremplin pour son développement économique et social afin de rattraper son retard par rapport
aux autres métropoles76
. Ce retard avait interpellé les politiques face à la nécessité de lancer
des projets de rénovation urbaine et sociale face au taux de chômage et à la pauvreté. Le label
a permis à Marseille de bénéficier de dix chantiers d’établissements culturels euro-
méditerranéens dont on attend une transformation durable de la forme et de l’activité de la
métropole. De plus, en s’inscrivant dans une dimension européenne, la CEC soulève la
problématique du rapport entre l’Europe et la Méditerranée, aussi bien à l’échelle de l’UE que
des populations.
75
Voir Annexe 4 : analyse démographique de Marseille. 76
http://www.geographie.ens.fr/IMG/file/PCEU/seance3.pdf - consulté le 22 décembre 2011
47 | P a g e
En termes de culture, la ville de Marseille transforme la frontière européenne en porte
ouverte sur les pays situés de l’autre côté de la méditerranée. Elle marque une volonté de
renforcer le dialogue entre les deux zones. Ainsi que le dit Göran Therborn, « C’est une ironie
géographique que la frontière la plus claire et la plus importante de l’Europe aujourd’hui
soit la Méditerranée alors que cette mer rassemblait une civilisation commune autour
d’elle.»77
. En effet, jusqu’au XVIIe siècle la Méditerranée est au cœur d’un territoire puissant
et Rome était la puissance centrale de cette civilisation. Les invasions barbares ont ensuite
scindé la Méditerranée et favorisé l’apparition de 3 univers distincts : le monde grec groupé
autour de Byzance, l’Occident qui est devenu l’Europe, et la chaine de pays comprenant
l’Inde, la Perse, la Syrie, l’Egypte, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la Sicile78
. La Méditerranée,
en étant le lieu de rencontres entre trois religions monothéistes, le judaïsme, Christianisme et
l’Islam s’est transformé en une frontière symbolisant la séparation entre les peuples, animés
par les antagonismes religieux. Encore aujourd’hui, des accords de paix se forment face à la
fragilité de l’entente entre ces pays aux politiques et aux cultures différentes.
Ainsi, dans l’objectif de nourrir les relations entre ces pays, le processus de Barcelone
a été lancé en novembre 1995 sous l’impulsion des ministres des affaires étrangères de quinze
Etats-Membres de l’UE et des quatorze pays méditerranéens de l’époque. Cette initiative
s’appuyant sur la Déclaration de Barcelone a permis d’établir un socle solide pour un
partenariat euro-méditerranéen dont l’élargissement ultérieur a permis la création de l’Union
pour la Méditerranée. Cette alliance est une initiative novatrice et repose sur des principes de
responsabilité commune, du dialogue et de la coopération79
.
L’objectif est de favoriser un espace de paix, de sécurité et de prospérité partagée dans
la région méditerranéenne, en écho à l’Histoire des échanges méditerranéens. Marseille-
Provence 2013 est une réponse à ce projet. La CEC s’inscrit dans le troisième volet du
processus de Barcelone qui s’attache au rapprochement entre les peuples grâce à un
partenariat social, culturel et humain. Le but est de permettre une compréhension mutuelle
entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles.
1. Les projets de l’Association MP2013 répondant à la multiculturalité de l’espace
public.
77
THERBORN Göran, op. cit., p. 44 78
BRAUDEL Fernand, Autour de la Méditerranée, ed. de Fallois, Paris, 1996, 535 pages 79
http://eeas.europa.eu/euromed/barcelona_fr.htm - consulté le 22 décembre 2011
48 | P a g e
La programmation de Marseille-Provence P2013 est révélatrice de cette volonté
d’échanges et de coopération. En effet, il est possible d’observer certains événements prévus
tels que le Festival International des Cinémas Arabes de Marseille (FICA) premièrement, et
le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) par ailleurs. Le
FICA aura pour objectif d’offrir une place en Europe à la cinématographie des pays allant du
Golfe persique à la partie occidentale de l’Afrique du Nord, et qui avait perdu ses promoteurs
depuis la disparition de la Biennale de l’Institut du Monde Arabe en 2008. L’objectif du
FICA est de devenir un lieu de l’histoire et de la création du cinéma euro-arabe et arabe et de
permettre leur développement grâce à la manifestation. Le MUCEM, en mettant en valeur
l’histoire et l’actualité des échanges entre les cultures euro-méditerranéennes, marque aussi
cette volonté de valoriser l’échange et l’ouverture interculturelle80
.
Les ateliers de l’EuroMéditerranée ont pour vocation de créer des espaces durables de
résidences d’artistes sur le territoire de Marseille-Provence 2013. Ils ont pour but d’engager
l’ensemble des acteurs de la société civile : entreprises, établissements publics et associations.
Parmi les nombreux projets, peu sont des créations liées à la culture populaire et en lien avec
le dialogue des cultures. Mais il y a tout de même un véritable souci d’intégrer les œuvres
dans la ville. Nous pouvons retenir particulièrement les artistes suivants :
La photographe Kathryn Cook et l’Association de la Jeunesse Arménienne de France,
qui propose une série de photographies. L’artiste se « concentre sur la mémoire et la
conscience collective dans les sociétés post-génocidaires, notamment en Turquie, au Moyen-
Orient »81
.
La photographe et vidéaste Zineb Sedira : son travail porte sur les questions de
mobilité et d’identité. Le territoire spatial entre l’Algérie et la France rencontre le carrefour de
la méditerranée, thème central de son œuvre. C’est pourquoi la vidéo sera tournée vers le port
de commerce. « L’artiste souhaite construire un projet sur l’histoire orale, la mémoire et la
transmission à travers la relation au port et au travail. Ce projet constituera une valorisation
et une mise en perspective du rôle clé du port de Marseille dans l’histoire des flux
commerciaux et migratoires. »82
.
Antoine d’Agata dont le projet Odyssée consiste à suivre des migrants tentant de venir
en Europe. Grâce à la vidéo et à la photo, il vit le quotidien de ces personnes. « Les lieux
80
http://www.mp2013.fr/ - consulté le 23 décembre 2011 81
http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 2011 82
http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 2011
49 | P a g e
photographiés seront anonymes, non définis, non identifiables géographiquement:
installations portuaires, aire d’autoroute, cales de bateau, routes, foyers, centres de
rétention, camions, etc… ». Deux expositions auront lieu à Marseille : au MUCEM et à
l’ABDP et une exposition à Kosice en Slovaquie.
Wael Shawky et le projet d’adaptation du livre d’Amin Maalouf, Les croisades vues
par les Arabes. Les établissements accueillants: École de céramique & entreprises de
santonniers du Pays d’Aubagne.
Marseille, de par son histoire et sa nature, se trouve face à la nécessité d’unir les
cultures qu’elle comporte. En effet, elle est une ville d’immigration de par son ouverture sur
la mer et les origines de sa population sont diversifiées. Unir les cultures permettrait ainsi une
meilleure acceptation des différences et donc une meilleure intégration des populations
numériquement minoritaires. Au cours du Moyen Age, l’Europe de l’Ouest est devenue une
région mono culturelle. Les juifs et les musulmans furent expulsés de la plupart des pays
notamment en conséquence aux guerres de religion et à l’objectif de l’Empire Chrétien
d’intégrer dans les esprits la devise « cujus regio ejus religio ».
Pourtant, si l’on s’intéresse à l’Europe dans son sens le plus large, l’Islam est
solidement implanté dans certaines régions d’Europe notamment en conséquence à la
domination ottomane dans les Balkans et mongole en Russie. Ainsi, un nombre important de
musulmans vit en Albanie, Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, au Kosovo, en Macédoine, en
Russie et en Serbie. A l’échelle de l’Europe, le manque de main d’œuvre pour la
reconstruction après la Seconde Guerre mondiale a entrainé la nécessité de faire appel à une
main d’œuvre musulmane, d’origine Turque pour l’Allemagne et la Belgique, et d’origine
Maghrébine pour la France et les Pays-Bas. Par ailleurs, la France a été marquée par
l’immigration depuis le début du XXe siècle.
En effet, avant la Première Guerre mondiale, l’immigration coloniale toucha le pays en
1905-1906 et environ 70 000 nord-africains vivaient en France au milieu des années 1920.
Les algériens, les plus nombreux, étaient selon les chiffres officiels au nombre de 212 000 en
1954, à la veille de la Guerre d’Algérie83
. Dans ce contexte, Marseille a une place particulière.
En effet, de par son port qui ouvre la ville sur la méditerranée, elle est « la porte de l’Orient »
83
THERBORN Göran, op. cit., p50
50 | P a g e
et de l’Afrique »84
. Si la présence de l’Islam est un fait à Marseille depuis plusieurs siècles, il
n’en reste pas moins que le XXe siècle marque une période décisive. Les populations de
culture musulmane s’établissent en grand nombre à Marseille. En effet, c’est notamment
pendant la guerre de 14-18 que l’on peut relever les premières vagues de main d’œuvre, mais
surtout la mise en place de la liberté de circulation entre l’Algérie et la France ouvre la
possibilité d’entrée de travailleurs maghrébins dans le cadre de la reconstruction d’après-
guerre. Les années 1960-70 marquent aussi l’augmentation des populations immigrées
d’Afrique du Nord. L’accélération des taux de croissance a conduit à amplifier le recours aux
immigrés, et les maghrébins remplacent à Marseille les italiens et les espagnols dont
l’émigration s’est arrêtée85
. Ces mouvements de populations pour le travail se sont par la suite
transformés en migrations de peuplement, entrainant une nécessité d’intégration et de
cohésion entre des populations différentes.
Cela nous amène à nous interroger sur les questions actuelles concernant les enjeux
d’intégration car les populations vivant sur les territoires d’accueil tendent à se diviser par
nationalité d’origine, résultat d’une double réaction : celle de la population immigrée qui
souhaite conserver une attache à ses origines, et du pays d’accueil dont le contrôle politique
de ces populations reste une priorité86
. Cette division des populations entraine de nombreux
débats, notamment sur la question du multiculturalisme face au problème des cultures qui
s’efforcent de cohabiter plus qu’elles n’interagissent87
. A l’échelle des populations, bien
qu’elles ne soient pas à négliger les actions politiques et économiques ne peuvent constituer
les seuls vecteurs d’intégration.
La culture joue également un rôle de rassemblement des individus. En 2013, Marseille
aura une place particulière dans ce contexte et rassemble d’ores et déjà ces enjeux
d’intégration des populations par la culture grâce au projet CEC. A travers les « Actions de
participation citoyenne »88
par exemple, MP2013 a l’ambition de faire participer la
population de différentes manières. A travers les différentes manifestations proposées en
2013, les organisateurs prévoient la mise en place de grands rassemblements des individus par
le biais manifestations culturelles populaires (visites artistiques du territoire, parades, veillées
84
http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/47/248/12_13.pdf - consulté le 22 décembre 2011 85
http://www.ina.fr/fresques/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00020/la-communaute-musulmane-a-
marseille.html, consulté le 22 décembre 2011 86
THERBORN Göran, op. cit. p 51 87
Ibid. p. 257 88
http://www.mp2013.fr/au-programme/actions-participation-citoyenne/ - consulté le 26 décembre 2011
51 | P a g e
dansantes, lectures publiques, etc.). Des ateliers pour les enfants seront également mis en
place dans le cadre des grandes expositions prévues. Les « Actions de Participation
Citoyenne » et « Faits et gestes », qui a la forme d’un projet de photo incitant les visiteurs à
créer leurs photos, visent à ce que tout le monde participe. « Nous voulons proposer aux
habitants de notre territoire comme aux visiteurs d’être de véritables acteurs de la Capitale
Européenne de la Culture. Cette participation pourra concerner tous les publics et prendra
des formes diverses. »89
.
Par conséquent, les projets sont en lien avec le discours de Bernard Latarjet90
qui dès
le prologue du programme Marseille-Provence 2013 replace la ville de Marseille dans le
contexte global d’une ville au cœur de la méditerranée et revient sur cette dernière pour
défendre le dialogue des cultures: « Carrefour privilégié des peuples, des cultures, des
économies et des religions, la Méditerranée concentre tous les désordres de la planète. Elle
peut être aussi l’espace de leur apaisement et d’une invention exemplaire de nouvelles
solidarités. L’Europe est engagée dans ce défi. Non seulement par son histoire et sa
géographie, mais aussi parce que la présence sur son sol de communautés de plus en plus
nombreuses, originaires des suds et de l’Orient, l’attache plus fortement à ses voisins. »91
.
Marseille, lieu de multiculturalité, est détentrice d’un capital culturel diversifié. En
intégrant cette volonté de participation citoyenne à son programme de Capitale Européenne de
la Culture, elle affiche une volonté de mélanger les cultures, de permettre une interaction
entre des populations séparées, et de favoriser le dialogue non pas seulement entre les Etats
mais aussi et surtout à l’échelle locale. En intégrant les cultures du Maghreb au programme de
CEC, nous pouvons observer une volonté de faire de ce capital culturel une partie du capital
culturel européen, et de favoriser l’intégration de ces populations à l’Europe. Cet enjeu est
soulevé dans l’ouvrage collectif « L’Expérience européenne, 50 ans de construction de
l’Europe, 1957-2007, des historiens en dialogues »92
, montrant que l’européanisation doit
prendre en compte l’arrivée de immigrants qui se posent la question de la culture à laquelle se
raccrocher.
89
http://www.mp2013.fr/ - consulté le 13 décembre 90
Voir Annexe 5 : Présentation de Bernard Latarjet et analyse de son discours. 91
http://www.mp2013.fr/presentation-2/prologue/ - consulté le 07 janvier 2012 92
BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert. Op. cit.
52 | P a g e
En effet, l’intégration de ces populations s’effectue en rapport non pas à la culture
européenne traditionnelle mais à la culture nationale du pays d’accueil, qui est l’espace auquel
les immigrés se réfèrent. Ainsi, pour le non-européen en Europe, « la culture nationale de son
pays d’accueil n’est pas vraiment perçue comme un sous ensemble de la culture européenne,
c’est la culture européenne qui est plutôt vue comme une partie de sa nouvelle culture
nationale, la partie probablement la plus figée, la moins ouverte sur le monde.»93
.
2. Les CEC et la constitution d’une mémoire européenne.
La conservation d’un capital culturel commun à travers la mise en place d’une
mémoire et d’un patrimoine européen.
Ainsi que l’explique R. Franck, « La mémoire et la présence du passé ne peuvent pas ne pas
compter dans la fabrication d’un espace public européen. Un minimum de mémoire commune
est nécessaire.»94
. Dans le contexte historiquement conflictuel des nations, du concept récent
de l’UE et de l’entrée des nouveaux pays dans le cadre de l’élargissement, la création d’une
mémoire commune européenne est essentielle, mais c’est une tâche complexe. . Nous
pouvons voir à travers les résultats d’enquête présentés si dessous que la notion de mémoire
commune est un facteur de considération d’une culture européenne.
Tableau 6
Quelle est votre définition de la culture Européenne ?
Effectifs Pourcentages
Non réponse 19 61,3%
Pas définissable 2 6,5%
Une histoire commune 4 12,9%
Une culture de la démocratie 2 6,5%
Une zone forte de plusieurs cultures
nationales
4 6,5%
Des traits communs entre les européens 2 6,5%
Total 31 100%
93
FRANK Robert, « Espace de référence culturelle, mémorielle et symbolique, espace public et démocratie
européenne », dans BOSSUAT Gérard, BUISSIERE Eric, VARSORI Antonio, LOTH Wilfried, FRANK Robert.
Op.cit., p. 215 94
Ibid. p. 216
53 | P a g e
Nous pouvons remarquer que les définitions sont moins nombreuses que celles données pour l’Europe. Ce
fait s’explique peut -être par le pourcentage élevé d’interrogés ayant répondu « Non » (51,6%)95
à la question
« considérez vous qu’il y ait une culture européenne ? ». Pourtant nous voyons que la réponse « une histoire
commune » a été citée plusieurs fois, ce qui laisse penser que la question de la mémoire commune entre
européen est capitale pour certains interrogés.
L’Europe a été marquée par les conflits nationaux et la difficulté de concevoir un futur
commun montre bien la difficulté de construire une mémoire européenne. La mémoire
tragique des guerres est omniprésente et renvoie à des espaces mémoriels nationaux. Or, il
faudrait « que les imaginaires apprennent à adopter un espace de référence européen, et pas
seulement national »96
. Le tableau ci dessous interroge les sentiments d’appartenance à la
France et à l’Europe.
Tableau 7
« Vous sentez vous européen ? » / « Vous sentez vous français ? »
Non réponse Oui Non Total
Non réponse 3,2 3,2%
Oui 64,5 6,5 71,0%
Non 16,1 9,7 25,8%
Total 3,2% 80,6% 16,1%% 100,0%
Nous pouvons voir avec ce croisement que le sentiment d’être français (80,6%) est plus souvent exprimé que
celui d’être européen (71,0%). Pourtant 80,2 % des interrogés qui se sentent français se sentent aussi européen,
montrant que le sentiment d’appartenance au pays est souvent compatible avec le sentiment d’appartenance à
l’Europe. Nous pouvons préciser que dans les réponses positives à la question « Vous sentez vous européen ? »,
trois interrogés ont voulu préciser qu’ils se sentaient également « Marocaine », « Marseillais » et
« Méditerranéen ».
La culture peut être conçue en cela comme un espace de construction des imaginaires
collectifs. Les réflexions sur la conception d’une mémoire européenne sont apparues pour la
première fois en 1964 lorsque le Conseil de l’Europe tente d’instaurer le 5 mai la
95
Voir carnet d’enquête page 96
ibid. p.228
54 | P a g e
commémoration de la naissance du Conseil datant de 1949. Le 9 mai 1950 est par ailleurs
choisi par le conseil européen de Milan comme « Journée de l’Europe ». Cet événement
illustré par la figure au style naïf d’un enfant comme affiche officielle, a été l’objet de
critiques et les eurocrates se sont trouvés accusés de vouloir négliger la commémoration de
l’holocauste, voire de vouloir faire table rase du passé.
Ceci est révélateur de la difficulté pour l’Europe de trouver un compromis, c’est à dire
de penser le futur sans pour autant oublier le passé97
. Les CEC peuvent constituer un premier
pas vers l’élaboration d’une mémoire positive commune tournée vers le futur. En effet, dans
la manière dont elles symbolisent l’Europe culturelle, les CEC sont un moyen de constituer un
patrimoine collectif européen. Elles éclairent les valeurs du passé à travers le patrimoine et
l’histoire de chaque ville candidate, montrent la richesse du présent par la création artistique
et les chances du futur grâce notamment à l’espérance d’une attraction touristique durable98
.
Les CEC ont donc un rôle dynamique dans la prise de conscience culturelle européenne et
dans la formation d’une mémoire commune.
En parallèle, les CEC sont aussi perçues comme des objets de mémoire à part entière.
Durant la Rencontre d’Avignon en 2009 le conseiller à la culture du Maire d’Athènes Rodolfo
Maslias évoque la création d’un centre de documentation pour la sauvegarde du patrimoine
CEC, montrant bien que ce label est considéré comme un patrimoine culturel européen99
. Ce
projet illustre donc la volonté d’envisager une manière de sauvegarder les traces de ces
événements. Ce projet à l’initiative de la ville d’Athènes devait permettre après son ouverture
en 2010 l’accès à une base de données centralisant chaque ville élue et les recherches
scientifiques effectuées sur les capitales.
De manière plus concrète, cette initiative prévoyait également une exposition
itinérante débutant à Istanbul Capitale Européenne de la Culture 2010. Par ailleurs, un moyen
efficace de construire une mémoire commune en se tournant vers le futur est de solliciter les
générations futures, mobiliser la jeunesse européenne en renforçant leur sentiment
d’appartenance à l’Europe. Cette initiative a déjà commencé par le biais de programmes
d’échanges tels qu’Erasmus.
97
Ibid. p.221 98
DELBARGE Marc, « The European Capitals of Culture, their past, the future of Europe and the actual
European awareness policy. The cases of Salamanca and Bruges » dans COUDENYS Wim [dir.], Ibid. p.17 99
Retranscription de l’intervention de Rodolfo Maslias durant les Rencontres d’Avignon, 2009
55 | P a g e
Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que mettre en valeur la diversité des
cultures et la rendre visible aux yeux des européens par le biais de manifestations telles que
les Capitales Européennes de la Culture est une manière de faire prendre conscience que tous
appartiennent à un même territoire et qu’il est nécessaire de s’accepter dans sa différence.
Ainsi en est-il de l’idéal européen. Mais véritablement, il nous est apparu essentiel de nous
interroger sur la réalité de ce sentiment d’appartenance des européens, en nous concentrant
principalement sur la population qui constitue le futur de l’Europe, la jeunesse européenne.
56 | P a g e
PARTIE 3 / Le sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et la
pratique d’une citoyenneté européenne.
I. Territoires et représentations.
1. Définition des termes.
a. Territoire : approches sociologique et géopolitique.
Avant de nous intéresser au sentiment d’appartenance à un territoire, il convient
d’apporter un certain nombre de définitions et d’éclaircissements, au sujet des notions que
nous emploierons. Ces définitions devraient nous permettre de soulever plusieurs questions,
utiles pour mieux comprendre l’Europe, au regard toujours, de la jeunesse des « Digital
Natives »100
, que nous aborderons dans la partie suivante.
Définir la notion de « territoire » n’est pas chose aisée aujourd’hui, car une palette de
nuances l’accompagne et tend à rendre son utilisation ardue. Il convient donc de nous pencher
sur ses significations, afin de faire ressortir celle(s) qui servira(ont) au mieux nos propos. Le
dictionnaire Larousse définit le territoire comme « une portion identifiée et appropriée de la
surface de la Terre ». Deux termes essentiels ressortent de cette première explication :
« portion » et « identifiée »101
. Il s’agit de mettre en exergue un espace défini, dont la
structure dépend du point de vue qui est pris. L’approche sociologique de la notion nous
donne à voir le mot « territoire », comme un moyen de lier les hommes entre eux et donc de
les sociabiliser par le biais d’un espace spatial et identitaire.
Guy Di Méo, chercheur en sciences sociales et auteur de l’ouvrage « Les territoires du
quotidien », donne la définition suivante: « Le territoire est une appropriation à la fois
économique, idéologique et politique (sociale, donc) de l'espace par des groupes qui se
donnent une représentation particulière d'eux-mêmes, de leur histoire.» 102
Dès que nous
parlons de territoire, la question de l’identité entre en jeu et ce, quelle que soit l’approche
utilisée. Le territoire constitue alors la représentation spatiale qui symbolise cet ancrage
identitaire de la population. D’un point de vue géographique, il est délimité par des frontières
qui, à différentes échelles, marquent l’organisation géopolitique d’un groupe de personnes.
Celui-ci est régit par des rapports au pouvoir et des modes de vie qui lui sont propres. Les
100 Voir glossaire p.96-98
101 Dictionnaire Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/territoire/96698 102
DI MEO Guy, Les territoires du quotidien, l'Harmattan, 1997
57 | P a g e
idées rattachées à la notion de « territoire » sont nombreuses, et il est donc primordial de le
penser comme une construction mentale et abstraite de l’esprit. Il convient dans nos propos,
de le penser en tant qu’idée, et non pas en tant qu’objet concret.
Il est également important de nous pencher sur le territoire dans son approche
anthropologique. Celle-ci prend en compte les pratiques individuelles et collectives des
individus. Parler de territoire implique souvent que l’on étende nos propos à la notion de
territorialité. Par ce terme, on sous-entend les acteurs du territoire. Une part de dynamisme est
ajoutée à ce dernier concept: le territoire n’est ni passif, ni inerte. Il est habité par des acteurs,
ce qui renvoie à l’idée qu’y sont liées des pratiques. Celles-ci sont socialement définies par ce
que font les acteurs dans leur quotidien, c’est-à-dire au plus près de leurs gestes ordinaires. La
territorialité est associée à cette définition sociologique où l’on s’intéresse à la manière des
acteurs de ployer leur façon de vivre, de faire et de parler. Nous pouvons voir sur le tableau ci
dessous que le sentiment d’appartenance au territoire de Marseille peut être expliqué par ces
déterminants.
Tableau 8
« Qu’est ce qu’être marseillais signifie pour vous ? »
Effectifs Pourcentages
Non réponse 5 16,1%
Etre né à Marseille 8 25,8%
Connaître la ville 1 3,2%
Participer aux activités liées au
territoire
2 6,5%
Connaître la vie maritime 1 3,2%
Avoir une mentalité spécifique 6 19,4%
Avoir un sentiment d’affection pour
Marseille
6 19,4%
Avoir l’accent 1 3,2%
Être méditerranéen 1 3,2%
Total 31 100,0%
58 | P a g e
La majorité qui se dégage ici exprime le fait qu’être marseillais signifie être né dans la ville (25,8%). Nous
aurons plus de précisions sur cette notion en croisant cette question. On voit pourtant dès maintenant qu’une plus
grande majorité (38,8%) considère cette notion comme étant faite de facteurs abstraits : « Avoir une mentalité
spécifique » et « Avoir un sentiment d’affection pour Marseille ».
Comme nous l’avons vu, le territoire peut être assimilé au mot « espace ». Sur
un plan anthropologique, cela permet de mieux cerner le fait qu’il ne recouvre pas qu’une
seule réalité : il faut distinguer un espace géographique, d’un espace anthropologique. Le
terme de territoire « pratique » peut donc se rapporter à la notion d’espaces différents. La
notion d’espace pratique est rattachée à la façon d’agir, d’évoluer dans l’espace. Pour le
philosophe et anthropologue Michel De Certeau4, il convient par ailleurs de différencier
l’espace de la notion de lieu, qui implique à l’inverse, l’idée de stabilité. Le territoire met en
relation le mouvement, les pratiques et le récit. Ces trois dimensions connotent l’idée de
dimension symbolique de l’espace, et sont corollaires de l’idée que l’espace est un vécu, qui
s’inscrit dans des politiques, dans la culture, et dans un rapport de force.
Comme nous le verrons en étudiant l’appartenance aux territoires, l’espace est un endroit
où se pose la question de l’identité locale : il n’est pas naturel, et cela montre bien qu’il donne
lieu à de nombreuses représentations. Le local est un tout représentatif de toutes les formes de
territorialités qui existent chez les habitants.
b. Le territoire et le discours qui l’accompagne
Quel que soit le territoire étudié, il convient de différencier ce qu’il est véritablement, de
ce que l’on en dit. Comme nous l’avons vu, l’espace est une notion avant tout symbolique, qui
s’inscrit en fonction des représentations que l’on en a. Le discours s’appuie sur la
déconstruction spatiale du territoire, tel que les représentations le façonne. Nous allons étudier
comment se définissent ces différentes échelles territoriales, celles qui composent la France
notamment. Il est important avant cela, de voir en quoi le discours influe sur la perception que
l’on se fait du territoire. Pour Gyula Csurgai, auteur de « La nation et ses territoires en Europe
centrale: une approche géopolitique », « Le territoire entretient un rapport privilégié avec un
discours linguistique contenant les thèses principales fondant, sur la base de certaines
prémisses, les objectifs de la nation.» 5
L’auteur explique que les stratégies - qu’elles soient
4 DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard [1980], 1990
5 CSURGAI Gyiulia, La nation et ses territoires en Europe centrale : une approche géopolitique, Éditions
scientifiques européennes, 2005 (p.49)
59 | P a g e
géopolitiques, sociales, géographiques ou économiques - dépendent du discours mis en place
à l’échelle d’un territoire (la nation est l’exemple cité), celui-ci étant basé sur les objectifs liés,
entre autre, à ses données matérielles.
On fait sens et l’on imagine des décisions au sein d’un pays, à partir de significations du réel
que l’on assimile à celui-ci. Davantage que sur leurs données matérielles, les territoires se
fondent aussi sur leurs mythes. Le temps et l’espace influent sur le discours qui est apposé à
un territoire en particulier. Nous retiendrons ici, l’idée que le discours est à l’origine des
représentations symboliques, de l’identité d’un espace donné. Cela nous aide à mieux
comprendre les enjeux et discussions qui animent aujourd’hui l’Europe. Pour nous
accompagner dans cette réflexion, nous pouvons remarquer avec les résultats suivants qu’un
échantillon réduit peut amener une diversité de réponse étonnante sur les représentations des
praticités de l’Europe.
Tableau 9
« Quel avantage voyez vous à être européen ? »
Effectifs Pourcentages
Non réponse 5 16,1%
Aucun 3 9,7%
La libre circulation des personnes 11 35,5%
La zone commerciale 1 3,2%
La monnaie unique 2 6,5%
Les libertés individuelles 2 6,5%
Les aides financières 1 3 ,2%
La démocratie 2 6,5%
Le partage des cultures 2 6,5%
Le niveau de vie élevé 2 6,5%
Total 31 100,0%
60 | P a g e
La « libre circulation des personnes » est, selon notre échantillon, l’atout le plus avantageux de la
condition européenne (35,5%). Le reste de la population se partage entre des raisons économiques et des
raisons d’ordre culturel. Nous pouvons remarquer que l’interrogé ayant répondu « les aides financières »
peut peut-être confondre les avantages de la France avec ceux de l’Europe car il n’existe pas de programme
d’aides sociales individuelles financé par l’union Européenne.
c. Territoire culturel.
Les définitions du territoire que nous avons apportées sont jusque-là, orientées de sorte
que les enjeux économiques, géographiques et sociaux apparaissent clairement. Mais le
territoire se doit d’être relié plus directement à notre questionnement de départ. Il s’agit alors
de comprendre ce qu’est un territoire culturel et quels sont ses enjeux propres. Par définition,
celui-ci va de pair avec les autres approches que nous avons vu, car la culture tient une place
prépondérante dans le développement local. Elle est un moyen de maintenir le lien entre les
collectivités locales, comme le ciment qui lie les territoires entre eux, en en façonnent de
nouveaux, à différentes échelles.
Au sein d’un espace symbolique, la culture est à mettre en lien direct avec cette idée que
l’espace symbolique est facteur d’une identité commune. De fait, la culture peut être
considéré comme un élément né d’un espace géographique existant : elle est alors liée à
l’histoire d’une collectivité territoriale ou d’un pays, et a pour rôle de rassembler les habitants
d’un territoire, autour d’un nouvel aspect. Elle peut par ailleurs exister de façon plus
transversale, et se moquer des territoires géographiques. Il s’agit alors de relier les individus
autours de valeurs culturelles communes, et de mettre en exergue un nouveau territoire
symbolique. Les politiques culturelles ont pour objectif de renforcer et d’unifier les acteurs
culturels (les artistes, les élus…) au sein des territoires. Selon les pays, certains ne disposent
pas de budget d’intervention culturelle susceptible de leur permettre la mise en œuvre
d’actions culturelles vastes. Les collectivités en revanche, en ce qui concerne la France du
moins, assurent en partie le développement d’actions culturelles. Au niveau du territoire local,
il s’agit de comprendre la culture comme un moyen de renforcer l’identité des habitants, et de
mettre celle-ci en valeur à plus grande échelle.
2. Jeux d’échelles : Villes, régions, pays et Europe
Un territoire est donc un espace qui se pense de façon symbolique et en fonction de ce
que l’on va choisir d’observer. L’espace géographique se décline en unités qui s’emboîtent, et
61 | P a g e
qui sont imaginées par rapport à la concentration des activités humaines. Nous verrons dans
cette partie, quelles sont ces différentes unités territoriales, ce qu’elles signifient, et comment
elles sont amenées à se compléter.
a. Les unités territoriales
La ville est un espace urbain marqué par des modes d’occupation et d’appropriation
qui lui sont propres. Elle correspond à une configuration spatiale des identités locales, avec
des modes de fonctionnement tels que des rassemblements populaires, des concerts ou encore
des compétitions sportives. En sociologie, on s’intéressera à la ville comme espace où se
développent les rapports sociaux d’un groupe de personnes au niveau local. Ces rapports
s’articulent notamment autour des facteurs professionnel et résidentiel, et participent à la
production d’une identité locale. De fait, s’appuyer sur la population semble être l’indicateur
le plus pratique pour apposer une définition convenant à la notion que nous étudions. Un
nombre moyen et variable selon les pays, tend à définir le critère principal qui définit ce
qu’est une ville : en France, on parle de « ville » dès lorsqu’une agglomération dépasse les
2 000 habitants.
Au Danemark, il faut compter 250 habitants seulement pour qu’une ville soit
considérée comme telle. Pour s’appuyer sur ce critère, il convient donc de poser des limites
physiques au territoire. Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs au sein de l’espace public local, sont
des représentants des chambres de commerce et de l’industrie, des décideurs, des
entrepreneurs ou des membres d’associations citoyennes. Depuis la décentralisation, ceux qui
prennent la parole à l’échelle locale pour en construire une certaine représentation, sont de
plus en plus nombreux. Il existe un engouement certain pour le local, qui peut paraître
paradoxal, en vue de la mondialisation des marchés, des territoires, alors que l’ensemble des
frontières (financières, géographiques…) essaie de s’ouvrir.
Le dictionnaire Larousse définit la région comme un « territoire dont l’étendue
variable est déterminée soit par une unité administrative ou économique, soit par la
similitude du relief, du climat et de la végétation, soit par une communauté culturelle »6. La
région correspond donc à une zone géographique relativement étendue au sein d’un pays, qui
6 Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9gion/67635 (consulté le 12/12/11)
62 | P a g e
se caractérise par des spécificités particulières que l’on ne retrouvera pas dans la région
voisine. Les habitants des communes d’une région sont donc, non seulement liés par les
facteurs professionnel et résidentiel, mais aussi et surtout par le biais de ces caractéristiques
qui les définissent et qui marquent l’identité propre de leur zone de vie. Les spécificités
culturelles d’une région peuvent être : sa langue, les traditions liées à l’histoire du territoire,
les événements qui s’y développent ou encore les personnes qui la représentent et qui mettent
la région en valeur dans l’espace public.
Communes et régions se différencient en outre, par les intérêts, les enjeux et les
besoins administratifs qui sont les leurs. Chaque acteur territorial se caractérise, en effet, par
ses compétences et ses missions. Une ville par exemple, n’aura pas la même politique en
matière d’aménagement d’une structure, qu’un établissement qui est géré par le service public
(et donc par l’État). Les pays européens suivent tous une logique de décomposition de leur
territoire en territoires plus restreints et marqués par des caractéristiques qui leur sont propres,
tant au niveau géographique que social et économique. En Allemagne par exemple, le
territoire est découpé en « länders », c’est-à-dire en états fédérés, qui à l’image des cantons en
Suisse, ont un rôle et des pouvoirs plus étendus qu’en France. Ces pouvoirs sont liés à l’aide
sociale notamment. Chacun des länders allemands possède une constitution et un
gouvernement qui lui est propre: c’est le ministre-président qui se charge de le faire
fonctionner politiquement.
Les pays se définissent quant à eux, comme des territoires aux statuts et à la taille très
divers, qui fonctionnent comme des unités politiquement indépendantes. Ils ont notamment un
gouvernement propre, une administration, des lois particulières ainsi qu’une armée. Bien
qu’un pays corresponde à un espace géographique bien plus vaste que les régions et les
collectivités, il faut voir dans ces différentes échelles territoriales, des moyens de renforcer le
partage et la création de lien, et d’une identité commune. Une telle classification permet de
voir les différences qui sur un territoire, rassemblent et identifient des communautés. A petite
ou grande échelle, ces différences témoignent de la nécessité d’une dynamique commune pour
construire un sentiment d’appartenance à une même identité territoriale.
Dans ce jeu de construction territorial symbolique, l’Union Européenne tient une place
plus complexe et plus discutable encore. Il s’agit de rassembler les nations d’une zone
géographique très étendue, tout en s’efforçant d’amoindrir le principe de domination d’un
63 | P a g e
pays sur un autre. L’Union Européenne, qui compte aujourd’hui 27 états membres, est née en
février 1992, lors de la signature du Traité de Maastricht, qui pose les objectifs et le cadre
institutionnel de ce regroupement. Nous discuterons plus en détail la notion de citoyenneté
européenne, dans la partie suivante. Il convient pour le moment, de définir quels sont les
grands principes d’application liés à l’Union Européenne : il s’agit notamment de créer et de
maintenir une politique étrangère et une sécurité commune aux habitants des pays membres
ou de maintenir la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Christian Le Bart7,
s’intéresse à la question du territoire comme construction sociale. Directeur du laboratoire de
recherche du CRAP (Centre de Recherche sur les Administrations Publiques/Politiques), il a
contribué à montrer que le territoire n’est pas seulement l’histoire du sol puisqu’il n’est pas
indépendant de sa couverture vivante.
Christian Le Bart met l’accent sur le principe d’organisation du territoire et dit qu’il ne
faut pas le laisser aux géographes, mais aussi faire en sorte que les chercheurs en sciences
humaines et sociales se l’approprient. Pour lui, c’est la politique qui permet de fabriquer du
territoire. Nous ne sommes pas dans une réalité objective, mais dans une approche
anthropologique, une culture, des symboles que nous devons intégrer dans notre analyse.
C’est le principe de la sociologie constructiviste qui refuse de considérer les choses comme
« déjà là ». A partir de ce point de vue, il est important d’apposer à l’Europe, une approche
constructiviste. Il y a lien social et symbolisme autour de l’Union Européenne, parce qu’il
existe un discours au sein de la société : les traités qui l’ont construits, ont émergé à partir
d’une intelligence collective, née au sein des pays qui la compose. Il s’agit en fait de penser la
réalité comme une réalité inventée par des discours où l’ordre cognitif commun est mis en
œuvre. La réalité de l’objet n’existe pas en dehors de sa réalité cognitive.
Comme la première partie de ce mémoire le renseigne, et comme l’appuie notre
définition de la notion, le territoire est un processus mental, imaginaire, qui correspond à une
représentation commune, à une croyance et à des idéologies semblables. Le cas de l’Europe
est encore plus fort, car si chaque ville, chaque région et chaque pays possèdent leurs
caractéristiques, leur histoire et leurs valeurs propres, l’Union Européenne se propose de les
rassembler pour les mettre au service de la représentation d’une réalité commune. Celle-ci
s’affirme par le biais des discours qui sont produits à son service. Toutes les cultures forment
7 LE BART Christian, Les idéologies des politiques territoriales, PUR, 2006
64 | P a g e
ensemble, un capital culturel commun8. Cette mise en commun, que l’on peut appeler
« intercommunalité », peut s’avérer difficile, car les individus européens ne savent pas
toujours quel rôle ils tiennent dans ce fonctionnement vaste. C’est ce que l’on appelle une
fracture politique et mentale.
b. La Méditerranée : frontière ou lien ?
Comme nous l'avons vu dans les parties précédentes, la mer Méditerranée constitue
un territoire symbolique, vaste et insaisissable, d'une importance capitale. Ses contours ne
sont pas toujours bien définis, notamment parce qu’elle constitue un espace stratégique lié aux
guerres et au désir de paix. Le discours formulé à propos de la Méditerranée, est basé sur la
mémoire de plusieurs autres territoires. Plusieurs représentations, plusieurs points de vue la
font vivre et en font un enjeu tant culturel que géopolitique. Si la Méditerranée pose la
question de savoir si son rôle est de faire le lien entre plusieurs nations ou à l’inverse de les
séparer et de clairement être identifiable comme une frontière, il n’en reste pas moins qu’il
s’agit d’un lieu d’échanges intenses et de passages constants.
Au fond, la question n’est pas de savoir si elle permet des échanges positifs ou
négatifs. Elle est certes, un moyen de rapprocher les continents et les cultures, ainsi qu’un
espace de tension et d’identités différentes. Mais le fait est qu’il s’agit d’un espace qui tend à
favoriser les échanges humains et les interactions constantes. Ce sont justement ces
différences de culture et de modes de vie sur ses deux rives, qui font que la mer Méditerranée
est porteuse d’une dynamique nécessaire pour le maintien des relations entre ses civilisations
charnières. Il convient donc de voir cet espace comme un moyen, à la fois de marquer une
frontière entre des territoires différents, et comme un monde de passage.
Le tableau ci dessous nous montre que les interrogés n’ont pas cités les pays
méditerranéens en tant que pays qu’ils imagineraient dans l’-Union Européenne, nous
pouvons imaginer que la dynamique de la Méditerranée se différencie de la dynamique
Européenne dans les représentations de l’échantillon, qu’elle les satisfait.
Tableau 10
« Quel pays aimeriez-vous voir entrer dans l’Europe ? »
8 Voir glossaire p 96-98.
65 | P a g e
Effectifs Pourcentages
Non réponse 18 16,1%
Aucun 3 9,7%
Bosnie 1 3,2%
États-Unis 1 3,2%
Japon 1 3,2%
Luxembourg 1 3,2%
Maroc ou Algérie ou Tunisie 1 3 ,2%
Serbie 1 3,2%
Tous 1 3,2%
Turquie 3 9,7%
Total 31 100,0%
Encodage: La modalité «Aucun» (9,7%) précise lorsque l’interrogé semblait satisfait de la formation
européenne actuelle. Pourtant les non-réponses ne précisent pas si c’est également le cas ou si les interrogés ne
voulaient pas répondre à cette question.
Hormis la Turquie citée trois fois (9,7%), toutes les modalités correspondent à un interrogé. On constate une
large diversité des types et des positions géographiques de pays cités. On peut remarquer que malgré la forte
proportion maghrébine ou métissée de la population marseillaise, un seul interrogé aimerait voir entrer dans
l’Europe le Maroc, l’Algérie ou le Maroc. Nous tenons à précisé que l’interrogée ayant répondu « le Japon » a
été interrogée lors d’une manifestation de lycéens marseillais sur les arts du Manga.
II. La citoyenneté européenne : objet en construction et en pratique
1. Citoyenneté et identité.
Nous l’avons vu, chaque territoire imaginé est représentatif d’identités à la fois
culturelles, politiques, géographiques ou même économiques. Ce sont les ressemblances et le
passé commun qui rapprochent les individus dans une même vision globale, et qui
symbolisent l’espace en différentes unités. Celles-ci trouvent une place à travers leurs
particularités, souvent au cœur des pratiques des individus qui y vivent. Dans cet essaim de
modes de vies, de rassemblements significatifs et de différences plus ou moins marquées,
l’Union Européenne essaie de composer un nouvel espace, dans lequel une entente et une
alliance stratégique tendent à exister.
66 | P a g e
Cette alliance, à l’image des pays, essaie d’ajouter une nouvelle étiquette aux
individus qui en font partie. Si un marseillais se définit de prime abord, par la ville dans
laquelle il évolue, il est et se considère aussi comme un habitant des Bouches du Rhône,
de la région Provence Alpes Côte d’Azur et à plus large échelle, comme un habitant de
France. De fait, il est aussi européen, puisque comme le prévoit le traité de Maastricht,
« Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. »9 En
1997, le traité d’Amsterdam ajoute que la citoyenneté de l’Union Européenne ne remplace
pas la citoyenneté nationale (art.9). Il s’agit de mettre en exergue pour chaque ressortissant
membre d’un état de l’Union, son appartenance à un territoire symbolique plus grand.
Nous pouvons voir avec les résultats croisés du tableau 11 que les individus se définissent
par des idéologies et des visions de la réalité qui peuvent entrer en cohérence.
Tableau 11
« Quelle est votre définition de la culture européenne ? »/
« Que pensez vous de la réaction de l’Europe face à la crise Grecque ? »
Indifférent Plus de
soutient
nécessaire
Doit être
un garde
fou
Satisfait de
la réponse
européenne
Doit en
prendre de
l’expérience
Total
Pas définissable 9,1 9,1%
Une histoire
commune
9,1 9,1 18,2 36,4%
Une culture de
la démocratie
9,1 9,1 18,2%
Plusieurs
cultures
nationales
9,1 9,1 18,2%
Des traits
communs entre
les européens
18,2 18,2%
Total 18,2% 36,4% 9,1% 9,1% 27,3% 100,0%
Ce croisement est très intéressant car il montre deux corrélations importantes:
- La moitié des interrogés (50%) considérant que la culture de l’Europe est le fruit d’une histoire commune pense
que la crise grecque doit être un exemple, une expérience pour ne pas recommencer les mêmes erreurs. La notion
9 Traité de Maastricht : http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/dda/europe/dda6lexique_maastricht.html
67 | P a g e
d’historicité des faits est donc ancrée dans leurs représentations
- La totalité des interrogés considérant que la culture européenne est le fruit des traits communs entre les pays
(100%) et les habitants de ce territoire sont choqués de voir qu’il n’y a pas plus d’entraide. Pour ces interrogés,
la solidarité doit découler des ressemblances qui nous unissent.
Pourtant, si être citoyen européen apparaît comme une vérité absolue dès lors que l’on
vit en France ou dans un autre pays de l’Union, cela signifie-t-il nécessairement qu’il y ait
« identité européenne » ? Reprenons l’exemple de l’habitant marseillais: s’il apparaît donc
clairement que celui-ci est citoyen européen de fait, la question est de savoir s’il se considère
européen, au même titre qu’il se sent marseillais. L’identité européenne sous-entend en effet
que les individus partagent un même système de valeurs et de pratiques. La complexité de la
notion d’identité culturelle, est à lier à celle de « citoyenneté ». Il convient d’apporter
quelques éclaircissements avant de nous diriger vers l’idée d’appartenance à l’Europe.
La citoyenneté européenne se veut être un moyen de favoriser l’identification de
groupes d’individus à l’UE. Elle est aussi un moyen de rapprocher et de façonner une identité
européenne. Cette dernière notion est donc un critère visant à parfaire le rôle et l’implication
des individus, dans le cadre du dessein de l’Union européenne. La citoyenneté européenne se
caractérise par un ensemble de droits et de devoirs communs aux habitants des pays de
l’Union Européenne, ainsi que par le sentiment d’appartenir à une communauté. Le premier
critère comprend des points comme la libre circulation des personnes et la liberté de choisir
son lieu de résidence et de travail. Une charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
est approuvée en 2000 lors du sommet européen de Nice, et confirme les droits de ses
citoyens.
Les droits communs les plus notables sont : le vote au suffrage universel pour les
représentants des pays au Parlement Européen, et le droit pour les ressortissants d’un état
membre de participer aux élections au niveau local. Ce dernier point est particulièrement
intéressant, car il sous-entend que l’Union Européenne se construit à partir de projets au
niveau local. L’intérêt est d’autant plus vif que ces droits accordés aux habitants des pays
membres, ont été décidés par le biais de traités constitutifs de ce que devait être l’Union
Européenne. Celle-ci a donc conscience de l’importance de se rapprocher de ses citoyens, en
leur donnant un rôle qui puisse leur permettre d’être davantage que des « citoyens de fait ».
68 | P a g e
Cette prise de conscience a pour origine le constat selon lequel le taux de participation
des citoyens aux élections du Parlement Européen était en constante baisse (de 63% en 1979 à
45,7% en 2004), malgré l’apparition de nouveaux pays membres. Cette prise de conscience
fait donc état du manque d’intérêt des citoyens pour l’Europe. Dans notre étude, il est
important de voir que ce manque d’intérêt est à lier à la notion d’identité. Il faut que les
citoyens européens comprennent qu’ils ont une identité européenne et que celle-ci se
manifeste par des droits et des devoirs, pour que l’Europe des 27 Etats membres puisse
s’ancrer dans les pratiques des individus. Cette idée fait le lien avec la notion de sentiment
d’appartenance.
a. S’unir contre la diversité ?
Impossible de ne pas voir dans le processus d’unification des pays européens, un pas
de géant en direction de la mondialisation. S’inscrit notamment dans ce cheminement, la
monnaie unique de l’Euro, qui permet de faciliter les échanges entre les pays, de stabiliser et
de surveiller les circuits financiers en Europe. La monnaie unique se veut être un moyen de
renforcer la coopération entre les pays de l’Union Européenne et de dynamiser ses échanges.
Se faisant, l’Union Européenne a été vivement accusée de nuire à l’identité propre de chaque
pays comme en témoigne l’article: « Monnaie unique n'égale pas pensée unique »10
de Riche
Pascal, paru dans la Tribune de Libération le 4 juillet 1996 (voir en Annexe). Son papier fait
état des menaces alors soulevées par divers acteurs, pour la diversité des nations, aussi bien
sur les plans économique, social, politique que culturel.
Ce qui est craint: l’effacement progressif de la diversité de chacun des pays de l’Union
Européenne au profit de projets communs (comme la monnaie unique) susceptibles de leur
enlever leur autonomie. Le principe de valeurs communes et de citoyenneté européenne est
remis en question par certains acteurs locaux, alors même que son objectif est de mener
chacun des habitants des pays membres à se sentir solidaire tout en protégeant sa « Culture »
propre.
S’interroger sur le rôle et les enjeux de la citoyenneté européenne, c’est aussi se poser
la question de savoir si celle-ci peut représenter une solution possible aux problèmes que
peuvent rencontrer les pays membres de l’Union Européenne. Il suffit de prendre l’exemple
10 Article de Libération du 4 juillet 1996 : http://www.liberation.fr/tribune/0101187191-monnaie-unique-n-
egale-pas-pensee-unique (consulté le 12/12/11)
69 | P a g e
de la crise grecque, pour apporter quelques éléments de réponse. Car en effet, on peut penser
que ce genre d’événement diminue la confiance que les citoyens ont dans les institutions
européennes. Il s’agit en effet de voir que la notion de solidarité est susceptible d’être remise
en question: les contribuables européens doivent-ils être solidaires sur le plan financier, aux
contribuables grecs ? Cette question est au cœur des débats politiques des pays membres de
l’Union Européenne, et notamment de la France et de l’Allemagne.
Au vu de l'actualité, où ces deux pays ont donné le ton, au sujet de la crise, remettant en
question l'aide à apporter à la Grèce. Les enjeux liés à la citoyenneté sont parfois mitigés,
mais il s’agit de mettre en avant, le fait qu’elle constitue une perspective de dynamisme pour
les Etats membres. Au-delà du souhait de rapprocher les nations et du risque, convenu par
certains, selon lequel l’Union Européenne peut également être facteur d’exclusion des
citoyens, il convient de voir celle-ci comme un élément de mutations.
2. Le capital culturel comme élément de construction
De nombreux projets sont mis en œuvres par les institutions européennes, pour
construire et développer l’Union Européenne et sa citoyenneté. Parmi eux, de nombreux
projets culturels ont vu le jour. Leur objectif est notamment de favoriser la coopération entre
la culture des différents Etats membres. La culture est le ciment, l’élément de cohésion des
nations. Son rôle est à la fois de mettre en valeur la culture commune de l’Europe à travers
notamment, l’héritage commun de ses pays. Il s’agit par ailleurs d’assurer le maintien de la
diversité européenne, afin de mettre en lumière la richesse de chacun des pays. Nous avons vu
le rôle et l'importance des CEC auparavant. Il s'agit donc de proposer d'autres exemples.
Le programme « Culture » s’applique à tous les domaines artistiques (sauf
l’audiovisuel), et s’inscrit comme nécessaire pour assurer la mobilité en Europe des artistes de
la culture ainsi que pour les œuvres d’art, pour favoriser le dialogue culturel sur un plan
transnational. Pour ce faire, le projet bénéficie d’un budget de 400 millions d’euros pour la
période 2007/2013. Il s’agit de soutenir des projets et des réseaux culturels européens. Le
programme « Média » a pour objectif le renforcement des activités dans le secteur de
l’audiovisuel, et la circulation transnationale des œuvres. Se faisant, le programme permet aux
nations de l’Union Européenne (et du reste du monde puisque les échanges liés à ce
programme se font aussi en dehors de l’Europe) d’assurer l’héritage audiovisuel et de
70 | P a g e
renforcer la diversité des cultures européennes. Le projet bénéficie de 756,2 millions d’Euros
pour 2007/2013, et se doit d’assurer le soutien lié au développement des œuvres.
Enfin, il existe un programme intitulé « L’Europe pour les citoyens ». Il est
particulièrement intéressant pour notre projet d’étude. Il s’agit de favoriser la participation et
l’intégration des citoyens européens dans l’Union Européenne, à travers des projets d’aide
civile, de préservation de la mémoire des pays européens et de prise de conscience des
ressemblances au sein de l’UE (à travers des jumelages de villes par exemple). Ce programme
détient un budget de 215 millions d’euros pour la période 2007/2013, et vient en aide aux
organismes de recherches, aux associations, aux établissements s’inscrivant dans une
politique de promotion de la citoyenneté européenne. La culture doit en effet, et comme le
démontre ces budgets conséquents apporter à ses actions en Europe, assurer la cohésion du
projet européen en contribuant à l’épanouissement des identités nationales.
Enfin, outre les projets mis en œuvre par les institutions européennes, il est important de voir
le capital culturel de chaque individu au sein de l’Europe, comme une composante essentiel
du capital social, et donc de la création identitaire. Pierre Bourdieu12
s’est intéressé à cette
notion : il s’agit de voir en chaque individu, un être construit à partir d’un ensemble de
valeurs issues de l’héritage matériel et immatériel de son environnement. Le capital culturel
correspond à : « l’habitus culturel » (les formes par lesquelles l’individu se sociabilise),
l’appropriation des biens culturels (ses objets culturels matériels comme les livres où les
tableaux), et la valeur qu’il a aux yeux des autres par le biais de titres de valeur.
Ce dernier point peut poser la question de savoir si le titre de « Capitale Européenne
de la Culture » participe à construire le capital culturel des habitants de la ville choisie. En
effet, en donnant un titre honorifique à une ville, ce sont également ses habitants qui sont
élevés. Le territoire sur lequel ils vivent prend une autre dimension à leurs yeux, et contribue
en ce sens à développer leur sentiment de citoyenneté. Le capital culturel est donc essentiel
dans la construction identitaire et donc citoyenne de l’individu.
Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire, l’Europe est une idée
partie de traditions humaniste, qui se veut être un territoire de civilisation, où les droits de
12 BOURDIEU Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979
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l’homme prédominent grâce à une politique commune des états qui la composent. « Toute
culture est seconde ; elle hérite et c’est pour cela qu’elle peut innover et ne reste pas figée sur
une identité arrogante, fixe et établie (…) elle est immigrée à elle-même.»13.
Ces mots du philosophe Rémi Brague, issus de son ouvrage Europe, la voie romaine,
traduisent cette idée selon laquelle la culture peut exister à différentes échelle : nationale, mais
pas seulement. Une identité culturelle du citoyen européen est possible, puisque la culture est
également issue de ce dessein européen. L’identité implique selon Aude Jehan, « une stratégie
de légitimation ou de revendication »14
. Il s’agit alors pour l’individu social de l’Union
Européenne, d’utiliser sa citoyenneté comme une arme, un élément de ralliement dans des
négociations sociales.
Dans cette partie, nous avons vu que si la citoyenneté européenne s’acquière de fait et
est donc quelque chose d’inné, elle ne signifie pas pour autant que les individus se sentent
citoyens. Il existe en effet, une nuance certaine entre les notions de citoyenneté et d’identité
(acquise), qu’il incombe à l’Union Européenne d’atténuer par le biais d’actions destinées
rassurer les nations sur l’importance de leurs particularités propres. La culture participe à cette
création de lien et permet de maintenir ces diversités si chères aux nations.
Le problème qu’ont les citoyens des pays de l’Union Européenne, est lié à cette
difficulté de se détacher de leur sentiment d’appartenance local, puis national. Il ne s’agit
pourtant pas de supprimer cette identité propre à son pays, mais de voir s’ajouter celle liée à
un territoire plus grand, marqué par des volontés d’échanges divers. Nous verrons dans la
partie suivante, ce que sous-tend ce sentiment d’appartenance qui apparaît de façon
transversale dans l’ensemble de nos propos.
III. Le « sentiment d’appartenance au(x) territoire(s) et les représentations
de l’Europe à l’échelle des populations jeunes (15/25 ans)
13 BRAGUE Rémi, Europe, la voie romaine, Edition Critérion, 1992.
14 JEHAN AUDE, La culture au sein de l'Union Européenne: objet politique non identifié, Institut Européen de
l'université de Genève .
72 | P a g e
Se sentir signifier dans l’action sociale est essentiel. Chaque individu construit du sens
autour de ses interactions, et se construit lui-même par rapport à celles-ci. Il convient avant
d’entrer dans les enjeux du sentiment d’appartenance, de définir la pensée constructiviste15
.
Elle permet de poser un cadre clair et explicatif, quant à la construction identitaire de
l’individu. Les théories du constructivisme partent du postulat que les connaissances ne
passent pas d’un individu à un autre dans un simple système de « copié-collé », mais qu’elles
permettent à celui-ci de construire sa propre réalité. L’individu s’imprègne de ce qui l’entoure
pour se construire16
.
Chaque individu s’inscrit dans une multitude de groupes d’appartenance, qui comme
nous le verrons, font de lui quelqu’un d’unique. Penser l’Europe au regard du sentiment
d’appartenance est primordial, car l’Union Européenne s’inscrit à la fois comme la
reconstruction d’un territoire, mais aussi et surtout, comme une idée symbolique17
. Elle est
représentée, à l’image des pays qui la composent, par un drapeau. Créé en 1955, celui-ci a
réussi à s’imposer dans l’espace public. Les raisons pourtant, témoignent d’un besoin des
individus d’accoler le symbole de leur identité nationale, en juxtaposant l’emblème européen
au drapeau de leur pays. Cette nécessité de montrer que l’on appartient à une nation, alors
même que l’on est européen, atteste de l’acceptation des habitants des pays membres, à porter
une double identité (parfois triple, si le drapeau de la région est lui aussi représenté). Le
concept de labellisation apparaît comme un moyen d’arriver à un compromis, dans la question
du sentiment d’appartenance à l’Europe.
1. Sentiment d’appartenance et construction de l’identité
Nous l’avons vu lorsque nous avons abordé la question de la citoyenneté, que l’Union
Européenne cherche à favoriser l’identification des individus habitant dans les pays membres
; cela notamment en insistant sur le besoin de chacun d’appartenir à une communauté. C’est
la dimension sociale de l’individu, qui cherche à s’inscrire dans un groupe qu’il reconnaît
comme étant le sien. Les groupes d’appartenance sont extrêmement différents et dépendent
notamment de l’histoire et de la culture propres à chaque individu. En général, le sentiment
15 Voir glossaire p.96-98.
16 BLUMER Herbert, Symbolic interactionism : perspective and method, University of California Press 1986.
Dans son ouvrage, le sociologue aborde la question de l’interactionnisme symbolique, et dit que l'individu agit
en fonction des significations qu'il construit.
17 Bossuat (G.), Bussière (E.). L’Expérience européenne, 50 ans de construction de l’Europe, 1957-2007, des
historiens en dialogues, actes du colloque international de Rome 2007, ed. Bruylant, Bruxelles, 2010. p.222
73 | P a g e
d’appartenance est composé de plusieurs variables que peuvent être : la catégorie sociale, la
religion, le sexe, la profession ou encore l’intérêt culturel pour un domaine en particulier.
L’identité au territoire est fondamentale et ne peut pas être complètement absente. En
effet, la relation qui lie le citoyen et la ville dans laquelle il vit, est marquée par un certain
affect, qui traduit en émotion ce qu’est le sentiment d’appartenance. Il en va de même pour sa
région et son pays. Daniel Calin, auteur du texte « Construction identitaire et sentiment
d’appartenance »18
, pointe du doigt le fait que l’ancrage d’un individu à un certain sentiment
d’appartenance est cultivé « bien avant cette entrée officielle dans la vie sociale adulte». Se
sentir appartenir à un groupe est un processus né de l’éducation, mais aussi de l’inscription de
l’individu social dans des traditions familiales ancrées dans un territoire. Cette analyse est
importante pour notre travail, car elle peut constituer l’une des raisons pour lesquelles se
sentir appartenir à l’Europe n’est pas une tâche aisée.
L’Union Européenne est une idée relativement récente dont l’espace, les objectifs et les
défis sont en constante mutation. Comment se sentir appartenir à un groupe dès lors que le
territoire apparaît comme nouveau et sujet à des transformations régulières ? On peut aussi
penser que l’absence d’une constitution pour l’Europe contribue aussi à cette difficulté que les
individus ont, à développer un sentiment européen. Le projet de loi de 2005, qui avait donné
lieu à un référendum quant à savoir si un tel projet pouvait être accepté ou refusé, n’a pas
trouvé de suite depuis les résultats négatifs. Le sentiment d’appartenance à un même
ensemble européen est long à apparaître. Certains réfractaire à cette constitution ont dénoncés
les dangers qu’elle pourrait engendrer pour les services publics et les différentes formes
nationales de manière plus générale. En d’autres termes, la peur de voir l’Europe surplomber
les nations et mettre en péril la vie publique de chacun d’entre eux, apparaît comme une
barrière au sentiment d’appartenance.
Pour les jeunes, qui correspondent au public que nous souhaitons étudier (les 15/25
ans), la question apparaît clairement. En 2005, lors du scrutin, les plus jeunes avaient autour
de 9 ans et les plus âgés, environ 19 ans. Comment voir en l’Europe un projet d’avenir
certain, et se sentir appartenir à cette construction géopolitique et culturelle, alors même que
les jeunes, (que nous appelons aussi la « Génération Y19
», approfondie dans la partie
18 CALIN Daniel, Construction identitaire et sentiment d’appartenance, 1998
19 Voir glossaire p 96-98.
74 | P a g e
suivante) ont vu l’Union Européenne échouer dans son désir de rassembler ses citoyens autour
d’une même constitution ? L’indécision et la crainte sont les sentiments qui ont dominé lors
du référendum de 2005, entraînant probablement les jeunes à ne pas voir l’Union Européenne
comme un moyen de rassembler les citoyens, alors même que ces derniers sont nés et ont
toujours connu l'Europe. Comme l’expliquent Guillaume Klossa et Jean-François Jamet, dans
l’ouvrage « Europe, la dernière chance »20
, les Eurobaromètres tendent à montrer que les
citoyens sont généralement présents lorsqu’ils veulent être défendus et entendus (en temps de
crise notamment), mais cela ne les amène pas nécessairement à aller voter. Il en faut plus pour
faire en sorte que les citoyens européens s’impliquent, et cela peut passer par un
accompagnement pédagogique au niveau des institutions européennes.
2. Le sentiment d’appartenance à un territoire
a. Lieux de construction du sentiment d’appartenance
Le sentiment d’appartenance se définit également par le fait de se sentir accepté et
intégré au sein de son entourage. Appliqué à un territoire, nous pouvons voir que l’histoire de
l’Union Européenne dans de nombreux cas, remet en question l’idée de compréhension et de
soutien à ses citoyens. Reprenons l’exemple de la crise économique en Grèce : jusqu’où
l’Europe peut-elle se permettre d’aider l’un de ses maillons ? Le fait qu’il y ait des limites à
l’aide qu’elle puisse apporter dans l’un des pays membre pose-t-il un problème dans la
pérennité du sentiment d’appartenance chez les citoyens grecs ? Si la question se pose, c’est
que l’aide apportée par les pays de l’Europe (des prêts d’argent) peut apparaître comme
risquée pour leur propre économie. On parle de dilemme, car si le dessein de l’Union
Européenne est de rassembler ses citoyens, la question est de savoir si cela doit se faire au
péril du bien être de chacune des nations. Malgré ce problème, le sentiment d’appartenance à
un territoire n’est que l’un des nombreux référents identitaires.
En soi, il est constitué d’une large palette de points de vue et d’échelles, comme nous
l’avons vu dans la première sous partie. Chaque citoyen, avant d’être européen, est rattaché
par le biais de son histoire et de l’affect qui y est lié, à un ensemble de lieux : il peut se définir
par le lieu où il est né, celui duquel sa famille est originaire, mais aussi par ceux dans lesquels
il a vécu, et ceux qu’il a été amené à fréquenter. Ces lieux peuvent aussi correspondre à des
20 KLOSSA Guillaume et JAMET Jean-François, Europe, la dernière chance, Armand Colin, 2011 p.16
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lieux incorporels dans le sens où ils peuvent correspondre à des endroits où l’individu peut
s’être projeté par la pensée, ou des lieux où il souhaiterait aller. Nous retrouvons toutes ces
options dans le tableau suivant.
Tableau 12
« Depuis combien d’années vivez vous à Marseille ? » /
« Où imaginez vous passer vous vieux jours ? »
Moins
d’un an
Un à
quatre
ans
Cinq à
neuf
ans
Dix à
quatorze
ans
Quinze
à dix-
neuf
ans
Vingt à
vingt-
quatre
ans
Depuis
toujours
Total
Dans la région
natale
3,7 3,7 3,7 25,9 37,0%
Dans la région
habitée
3,7 3,7%
Ailleurs en
France
14,8 3,7 18,5%
En Europe 7,4 7,4%
Hors Europe 7,4 7,4 3,7 3,7 11,1 33,3%
Total 14,8% 33,3% 3,7% 3,7% 3,7% 40,7% 100,0%
Représentatif de l’attachement au territoire, ce croisement (ici avec les non réponses exclues) montre deux faits
intéressants :
-La majorité qui se dégage concerne les natifs de Marseille (« depuis toujours ») qui s’imagine vieillir dans
leur ville natale. Plus de la moitié de ces natifs (63, 6%) souhaite finir sa vie dans la seconde ville de France. Ce
chiffre montre un véritable sentiment d’appartenance au territoire Marseillais.
-On peut également voir que le second pourcentage visible (14,8%) concerne les résidents de Marseille qui ne
sont sur le territoire que depuis moins de cinq ans et qui précisent qu’ils ne voudront surtout pas vieillir à
Marseille « ailleurs en France ». Les premières années dans la ville de Marseille, selon notre échantillon, ne
propose pas un « coup de foudre » sur la ville.
On peut donc voir qu’en corrélation avec la définition que notre échantillon à le plus proposé concernant le fait
d’être « Marseillais », les natifs conservent un sentiment profondément positif contrairement aux nouveaux
arrivants.
(Nous avons tenté de croiser les données des années passées à Marseille avec la vision qu’ont les habitants du
Tourisme. Ce croisement ne donne pas de données représentatives exploitables, ce qui peut être également
compris comme le fait que le tourisme n’est pas en cause dans la non volonté de rester à Marseille.)
76 | P a g e
Chaque individu se construit par rapport à un ensemble de lieux qui lui sont propres.
Un peu comme un puzzle où chaque ville serait représentée par une pièce: il n’en existerait
pas alors de totalement identiques. L’Union Européenne, parce qu’elle favorise les échanges
(culturels, humains, économiques…) participe à l’abolition des frontières géographiques dans
l’imaginaire des individus. En ce sens, elle favorise l’idée qu’un individu Espagnol peut se
sentir européen au même titre qu’un individu Finlandais. L’espace est reconfiguré et des
individus appartenant à différents nations peuvent se sentir appartenir au même groupe. La
construction de l’Europe participe à la mondialisation, et contribue donc à affirmer la possible
existence de groupes d’appartenance internationaux. France Guérin-Pace, chargée de
recherche à l’institut d’Etude démographiques (INED) parle d’une « multi-appartenance »21
à
laquelle l’individu donne sens pour aborder cette idée que la construction identitaire de
l’individu peut se faire par le biais de plusieurs territoires.
b. Quels dispositifs pour se sentir appartenir à l’Europe ?
Se sentir appartenir à l’Europe n’est pas une tâche aisée. C’est pour cela que l’Union
Européenne prévoit des politiques publiques, notamment pour la jeunesse. Ces politiques ont
pour objectif de voir les jeunes générations se construire autour d’une vision communautaire
de l’Europe et participer à la vie démocratique de celle-ci. C’est justement pour favoriser cette
ouverture dans le processus de construction identitaire, que sont développés les programmes
d’étude à l’étranger. Le programme Erasmus se veut être un moyen de parvenir à la création
d’un espace européen dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Favoriser la mobilité étudiante en Europe permet non seulement aux jeunes de s’ouvrir
à des cultures différentes au sein même de l’Europe à laquelle ils appartiennent, mais aussi de
rendre égales, les compétences des jeunes diplômés à leur sortie de l’Université. En effet, la
mobilité européenne constitue un moyen pour les jeunes de se construire un réseau, au-delà du
territoire où ils vivent. En France, toutes les universités participent à ce programme. Etudier
les enjeux liés à ces programmes d’étude nous permet de nous intéresser à son actualité22
: en
novembre 2011, le programme a été revu par la commission européenne en charge de
l’éducation et de la culture.
21 GUERIN-PACE France, En quête d'appartenance : l'enquête histoire de vie sur la construction des identités,
les éditions de l'INED, 2009.
22 Commission européenne : http://ec.europa.eu/education/erasmus-for-all/index_fr.htm (consulté le 10/12/11)
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Tableau 13 « Avez vous participé au programme Erasmus ? »/
« Quelle est votre activité ? »
Non
réponse
Collégien Lycéen Étudiant Employé Profession
libérale
Total
Non réponse 3,2 3,2%
Ne connais
pas
6,5 3,2 9,7%
Oui 3,2 6,5 9,7%
Non 3,2 22,6 38,7 12,9 77,4%
Total 9,7% 3,2% 22,6% 41,9% 16,1% 6,5% 100,0%
Nous pouvons remarquer que le programme Erasmus jouit d’une notoriété certaine dans tous les
secteurs d’activités (77,4%). La totalité des interrogés exerçant une profession libérale à effectuer un séjour
Erasmus lors de ses études.
Le budget a été augmenté, passant à 19 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
Ainsi, les sept programmes de mobilités sont réunis dans un programme unique intitulé
« Erasmus pour tous ». L’intérêt de cette actualité pour notre mémoire, repose dans cette
volonté universitaire d’investir dans l’éducation à l’échelle de l’Europe, et ainsi de réduire les
frontières pour favoriser le sentiment d’appartenance des jeunes, à l’Union Européenne. Il
s'agit par ailleurs de remarquer que si les budgets sont augmentés alors même que l'Europe est
en pleine crise financière: s'agit-il de voir Erasmus comme un moyen d'atténuer cette crise ?
Cette volonté est renforcée par chacun des pays membres, qui encouragent financièrement
cette entreprise. Le fait de voir sa nation participer et défendre un projet à l’échelle
européenne participe au renforcement du sentiment d’appartenance à l’Europe. Outre
l’importance du territoire, c’est l’éducation qui apparaît comme un moyen de construire
l’individu au sein d’un groupe.
De façon plus générale, les politiques de l’Europe concernant la jeunesse, s’orientent vers
la nécessité de voyager23
. Erasmus n’est pas l’unique mise en pratique de cette volonté des
institutions européennes. Citons notamment, dans le cadre du programme « Jeunesse en
action », dont le but est avant tout pédagogique:
23 JEHAN Aude, La culture au sein de l'Union Européenne: objet politique non identifié, Institut Européen de
l'université de Genève.
78 | P a g e
- Le « Service volontaire européen »: il s’agit de permettre aux jeunes de s’impliquer
dans des activités de volontariat en Europe. Trois objectifs sont liés à cette initiative :
développer la solidarité, faire la promotion d’une citoyenneté active, et favoriser la
compréhension mutuelle.
- La « Jeunesse pour l’Europe »: il s’agit ici d’augmenter le nombre d’échanges entre
les jeunes, pour leur permettre de voyager en Europe, tout en développant leur
sentiment d’appartenance à celle-ci. Les projets sont avant tout menés dans le but de
sensibiliser aux activités culturelles des différents pays, et de favoriser la pratique de
la langue.
- Le projet « Jeunesse dans le monde »: il permet aux jeunes de s’engager et de s’ouvrir
quant aux différentes cultures du monde. Les projets soutenus sont en rapport avec la
jeunesse et sont avant tout menés dans les pays du Tiers-monde.
3. Les référents identitaires des jeunes
Les citoyens (et en particulier les jeunes, comme nous le verrons) sont en effet amenés
à se construire par le biais de nombreux autres points d’ancrage que celui du territoire. En
effet, les individus peuvent se définir par leur appartenance à une multitude de caractéristiques
identitaires. Si le territoire géographique apparaît comme l’un des points que l’on a le plus
tendance à observer, la famille, le milieu professionnel ou encore les passions restent autant
d’autres référents identitaires forts. Le sentiment que l’on appartient plus à un groupe lié à un
domaine en particulier, peut évoluer et changer au cours de sa vie. Le sentiment
d’appartenance n’est pas figé. Au contraire, il est amené à évoluer et à s’accroître en fonction
des expériences de vie. Le sens que l’on donne aux différentes caractéristiques en fait un
élément de construction plus ou moins fort.
a. La famille
Chaque individu est nourri par ses expériences personnelles au sein desquelles la famille
tient une place prépondérante. Pour Salvador Minuchin24
, thérapeute spécialisé dans la
famille, celle-ci constitue la « matrice de l’identité individuelle, qui favorise le développement
24 MINUCHIN Salvador, Familles en thérapie, Haward University, 1974.
79 | P a g e
d’un sentiment d’appartenance ». Il explique que l’identité de l’individu est influencée par le
fait qu’il appartient à une famille spécifique. Au sein d’une famille de personnes qui voyagent
beaucoup à travers le monde par exemple, le point d’ancrage ne sera plus le territoire, mais la
famille qui l’accompagne. Celle-ci constitue un repère fiable et stable autour duquel il est
facile de se construire et de se représenter soi-même.
Car en effet, le sentiment d’appartenance est ce qui permet à l’individu de se retrouver et
de se définir. Il le fait en fonction de points de repère qu’il juge comme bons pour lui. La
culture, la politique ou même le territoire, font échos par rapport à la famille, dans le sens où
bien souvent, l’individu se créé une identité culturelle et politique par rapport à
l’enseignement qu’il reçoit de sa famille, par son héritage. Le tableau suivant montre que la
famille est également un facteur fortement déterminant des habitudes de mobilité, et donc de
l’identité territoriale.
Tableau 14
« Combien de fois par an sortez vous de la région PACA ? » /
« Pour quelle raison principale ? »
Non Une fois
par an
Plusieurs
fois par an
Une fois
par mois
Plusieurs
fois par
mois
Total
Visite aux
parents ou à la
famille
5,6 11,1 11,1 5,6 33,3%
Visite à des
amis
5,6 16,7 22,2%
Activités
culturelles
5,6 5,6 5,6 16,7%
Tourisme 11,1 11 ,1 22,2%
Professionnel 5,6 5,6%
Total 5,6% 38,9% 44,4% 5,6% 5,6% 100,0%
Nous pouvons voir avec ce croisement que les personnes qui sortent de la région entre une et plusieurs
fois par an le font, à pourcentage égal, pour des raisons familiales (22,2%) et pour des activités
touristiques (22,2%). Le potentiel attractif du tourisme en France pousse donc à une certaine mobilité.
80 | P a g e
-Pourtant, nous pouvons également remarquer que le motif le plus fort de sortie de la région plusieurs
fois par an est celui des visites amicales (16,7%). La forte mobilité des jeunes en France (études,
premier emploi…) explique peut-être ce phénomène.
-Les interrogés qui disent ne jamais sortir de la région le font exclusivement pour des raisons familiales.
Nous rappelons que c’est cette dernière raison qui pousse principalement à une mobilité hors PACA,
quelle que soit sa fréquence (33,3%).
b. La culture
Il s’agit de l’un des référents identitaires les plus forts s’il en est. La culture apparaît en
effet comme l’un des moteurs essentiel des interactions de l’individu au sein des groupes dont
il fait partie. L’expérience culturelle contribue à la socialisation des citoyens, car ces derniers
ont le souhait de construire du lien social « à partir de » ce à quoi ils portent de l’intérêt. En
effet, les groupes d’appartenance vivent parce qu’il existe au départ, un intérêt ou une idée
commune pour rassembler ses membres. Ce domaine de prédilection n’a pas le même impact
sur tous. De fait, lorsque plusieurs personnes apprécient un même sujet d’intérêt, on peut dire
qu’ils font partis d’une communauté autour de celui-ci. Contrairement au sentiment
d’appartenance à un territoire, où les individus se construisent souvent « de fait » parce qu’ils
y vivent, la culture permet de s’identifier à un groupe social, par l’aisance.
En effet, il n’existe pas une culture unique, ni un seul objet culturel, mais une
multitude presque infinie de rapports. Aimer l’art pictural par exemple, permet (comme toutes
les autres formes de culture), l’expression de soi et l’ouverture aux autres. Souvent les
individus ont des pratiques culturelles liées aux territoires dans lesquels ils évoluent.
Cependant, la culture s’importe et s’exporte si bien, que l’expérience culturelle peut amener
un individu à se sentir plus proche d’un territoire différent du sien. Par exemple: aimer le
cinéma américain de manière très générale, peut conduire un individu à se sentir davantage
appartenir au territoire américain. La culture est un facteur déterminent dans la construction
de soi. Le sentiment d’appartenance peut donc provenir d’un capital culturel hérité de son
territoire, mais pas seulement.
c. Territoires numériques et nouveaux sentiments d’appartenance.
81 | P a g e
Le théoricien Etienne Wenger25
, dans son ouvrage « La théorie des communautés de
pratique, apprentissage, sens et identité », parle de « communauté de pratique », pour aborder
le fait que des individus se réunissent autour d’un même sujet d’intérêt, dans le but d’agir
ensemble. Ces groupes qui se construisent sur un intérêt culturel commun, impliquent que les
individus, quel que soit leur situation géographique, puissent communiquer pour partager des
idées, échanger et se construire. Sur la toile, les communautés pratiques ou simplement
d’intérêt, sont composées de mosaïques de groupes, où les individus ont des valeurs et des
langues différentes. Internet permet à des communautés d’exister, sans que ses individus
n’aient à dépendre d’un même lieu géographique. On dit alors qu’ils sont liés au sein d’un
environnement ou d’un lieu numérique. Les seuls éléments communs à toute communauté,
sont le sujet qui les unit, et leur désir d’appartenance à un groupe où ils peuvent s’impliquer
plus ou moins activement.
La jeunesse européenne actuelle, comme nous le verrons dans la partie suivante, a
développé son sentiment d’appartenance à des territoires numériques. Être née avec internet,
lui permet de se construire et d’interagir avec des individus qui sont semblables à elle, mais
qui parfois, vivent à des milliers de kilomètres. Les frontières géographiques semblent
disparaître, et permettre à l’individu de se sentir appartenir à des groupes sociaux
internationaux. Si pour le partage des cultures et l’ouverture au monde, cela semble être une
bonne chose, qu’en est-il pour cette volonté de l’Europe, de développer une citoyenneté
européenne active, et liée au territoire ? Pour les institutions économiques de l’Union
Européenne, le numérique peut engendrer de nouvelles sources de revenus dans des secteurs
très variés: le commerce en Europe peut être facilités par l’abolition des barrières territoriales.
Quant au sentiment d’appartenance à l’Europe, il appartient aux politiques
européennes, de l’éveiller par le biais du numérique. Internet permet de voir clairement les
interactions des individus, et peut être une possibilité de terrain, pour susciter l’envie des
jeunes, de s’impliquer dans leur citoyenneté. Citons notamment l’Estonie, récemment entrée
dans l’UE, et surnommée l’e-stonie par son très fort rapport au numérique. Car comme nous
l’avons vu, le numérique permet aux individus de s’ouvrir facilement aux cultures du monde,
et par conséquent, de confronter leur capital culturel à celui d’individus différents. Il s’agit
donc de dynamiser ses liens sociaux et de s’inscrire dans des réseaux plus larges, à l’échelle
25 WENGER, Etienne, La théorie des communautés de pratique, apprentissage, sens et identité. Les Presses de
l’Université Laval, 2005.
82 | P a g e
européenne par exemple, et non plus locale uniquement. Les institutions européennes peuvent
assurer une meilleure visibilité des droits et devoirs des citoyens européens, et permettre une
participation plus active, car plus facile et immédiate. Internet permet aux citoyens de
s’exprimer, et d’exalter le sentiment d’appartenance à l’Europe, car les pratiques collectives
au sein des pays membres sont facilitées, comme nous le verrons dans la dernière partie.
Cela étant, s'il est vrai qu'internet a révolutionné le rapport des citoyens au territoire,
une autre remarque mérite d'être soulevée. L'essor de ces innovations techniques est avant tout
dû à des entreprises de secteurs innovants tels que Microsoft (1975), Apple (1976) ou encore
Google (1998). Ces jeunes sociétés que décrit l'ouvrage « L'Europe, la dernière chance »26
,
ont non seulement bénéficié d'environnements favorables sur le territoire américain (la Silicon
Valley par exemple), mais ont aussi et surtout permis aux États Unis de se placer comme un
pays de compétition au niveau mondial, ainsi que comme un pays d'innovation. Retrouver cet
esprit de modernité technologique et de compétition permettrait probablement au vieux
continent de paraître comme un territoire performant ; une nécessité, d'abord pour les citoyens
qui l'habitent.
En conclusion de cette partie, il est important de rappeler que bien plus qu'un territoire
géographique, l'Europe est avant tout un territoire symbolique, qui se construit à travers le
sens que lui donnent ses citoyens. L'Europe se dessine constamment, notamment par le biais
de la culture, et depuis une vingtaine d'année, par le biais du numérique. Certains enjeux,
quelles que soient les évolutions, demeurent: la quête d'appartenance et la construction de
l'identité de chaque individu, au sein des pays membres de l'Union Européenne. C'est donc un
travail d'éducation qui doit être constamment fait auprès des citoyens : un travail qui vise à
aiguiser les consciences quant à l'importance de l'implication de chacun, et l'importance de
l'Europe comme continent uni dans la diversité.
26 KLOSSA Guillaume et JAMET Jean-François, Europe, la dernière chance, Armand Colin, 2011 p.16
83 | P a g e
PARTIE 4 / Jeunesse, nouveaux médias : nouvelles pratiques
citoyennes et culturelles en Europe.
« L’avenir, pour le jeune Européen moyen, doit être à la fois une
promesse d’épreuves et d’aventures. (…) Ces jeunes, aussi inquiets pour leur
avenir que déterminés à ne pas laisser l’Histoire se répéter, veulent construire
une Europe différente. Leurs liens de solidarité se tissent au fil du web, cette
agora mondiale reliant WikiLeaks à Porto Alegre et à tous les autres projets
pour transformer notre planète. Comme j’aimerais avoir ton âge et m’engager
sur ce chemin avec toi pour partager cette aventure de refonte du continent.
(…) Les Européens ne seront plus des explorateurs, ils ne s’aventureront plus
sur des mers inconnues pour voler les trésors d’autres peuples ni
n’escaladeront les plus hautes montagnes pour y planter leur drapeau, pas
plus qu’ils ne regarderont vers l’Orient ou l’Occident pour savoir quoi faire
et quoi penser sur la scène internationale. Ils seront capables de puiser dans
l’esprit multiculturel d’un continent revigoré pour trouver de nouvelles
solutions économiques, sociales et politiques. Telle est l’Europe dont je rêve
pour toi et dans laquelle je veux vivre. »103
I. Génération Y, Digital Natives… : « Jeunesse cherche formule. »
1. Tentative de définition d’une génération.
Au cours des dix dernières années, sous le coup du passage à un nouveau millénaire et
de l’usage généralisé d’Internet, s’est développée en Europe l’intuition d’une jeune génération
à identifier. Les formules pour la décrire se sont multipliées, au gré des événements, et
notamment depuis la crise économique de 2007, marqueur d’une jeunesse qui la traverse au
quotidien. Peut-on tenter de définir une génération, ici la jeune génération européenne, sans la
caricaturer ? Qu’a-t-elle de commun et de spécifique par rapport aux autres
générations contemporaines? Sans entrer dans une analyse mondiale, il s’agit pour nous
d’identifier les caractéristiques de cette jeunesse telle qu’elle est identifiée, à partir de
différentes formules. A noter que ces formulations ne sont pas toutes spécifiquement
européennes, notamment la notion de « Digital Natives » énoncée par l’américain Mark
Prensky.
103
Lettre de l’économiste italienne Loretta Napoleonni à son fils de 18 ans. Née en 1955, elle est spécialiste du
blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Source :
http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/22/une-renaissance-multiculturelle [article consulté le
21/12/11]
84 | P a g e
Il s’agit avant tout de s’interroger sur la notion de génération et sur la façon de saisir,
identifier, définir la jeunesse actuelle. La sociologie de la jeunesse, en ce sens, s’interroge :
« Est-il légitime de penser la jeunesse comme une catégorie sociologique, c'est-à-dire comme
un groupe social doté, à côté d’autres déterminations, d’une certaine unité de représentations
et d’attitudes tenant à l’âge ?»104
. A partir du 20ème
siècle, la jeunesse est pensée comme un
processus de maturation et de socialisation, menant à l’âge adulte. Intensité et crise en sont les
ressorts. Les normes concernant l’âge sont des constructions sociales qui permettent
d’identifier des rôles, de plus en plus déterminés par l’éducation, désignant par exemple le
jeune à être lycéen puis étudiant.
La notion de génération est d’autant plus complexe que ses limites temporelles et ses
caractéristiques sont souvent floues. Karl Mannheim, dans « Le problème des générations »
(1964) identifie pour celles-ci une durée moyenne de 15 à 30 ans. D’après la définition qu’en
donne Mannheim, « L’ensemble générationnel est un être-ensemble d’individus, que quelque
chose relie entre eux ; mais ce lien ne produit aucun groupe concret. Pourtant l’ensemble
générationnel est un phénomène social dont la spécificité doit être décrite et comprise. »105
.
Du point de vue historique, le terme de cohorte est souvent employé à la place de
génération, et désigne « un ensemble d’individus qui ont vécu un événement semblable durant
la même période de temps »106
. Ils appartiennent donc à la même classe, ce qui constitue à
priori une génération pour les historiens. Mais pour se réaliser, une génération doit par ailleurs
se baser sur « le partage d’une destinée commune et la participation aux mouvements sociaux
et intellectuels qui forment et transforment une situation historique »107
. Les membres d’une
génération s’identifieraient alors sur des caractéristiques propres, une contemporanéité,
formant un sens collectif et une mémoire commune. Cette notion de « mémoire commune » a
par différents aspects été évoquée dans nos précédentes réflexions, en lien avec le capital
culturel commun de l’Europe et notamment les Capitales Européennes de la Culture. Si les
membres d’une même génération se forgent sur une contemporanéité commune, alors l’usage
généralisé d’Internet semble être le symbole, l’événement fondateur de la jeune génération
actuelle.
104
GALLAND, Olivier. Sociologie de la jeunesse. Paris : Armand Colin, 1963, 2011 pour la 5ème
édition, p.53. 105
MANNHEIM, Karl. Le problème des générations. Allemagne : 1964. 106
Ibid, p.56 107
GALLAND, Olivier. Op.cit. p.106.
85 | P a g e
Par ailleurs, ne perdons pas de vue que le concept de génération selon l’âge est
controversé, et que le principe fondamental d’évolution des systèmes culturels et sociétaux
domine sur la stigmatisation par générations. Comme le relève Bernard Roudet, « Les
attitudes des jeunes constituent un miroir grossissant des positions de la société tout entière :
les jeunes sont un baromètre sensible de l’état de l’opinion et de la société. Leurs valeurs et
leurs comportements reflètent plus largement les évolutions sociales en cours. Dès lors, le
regard porté sur les jeunes peut nous aider à atteindre la singularité de notre monde
contemporain.»108
. Les concepts de générations témoignent ainsi des phénomènes traversant
nos sociétés, ils permettent de les identifier, toutefois d’autres caractéristiques essentielles
sont à prendre en compte pour caractériser les individus: la situation sociale, la culture, la
personnalité, la provenance géographique… Par ailleurs, si le renouvellement des générations
est « l’occasion » d’étudier les phénomènes sociaux, il n’en est pas la cause, et « Le
renouvellement des générations favorise l’adaptation plus ou moins rapide de la société vers
un changement dont les causes sont multiples.»109
.
Après avoir au préalable esquissé un portrait de cette jeune génération européenne
selon différentes acceptions, il sera nécessaire de revenir à ce qui nous occupe plus
spécifiquement, la pratique possible d’une citoyenneté spécifiquement européenne. Ce qui
nous intéresse est de discerner une situation générationnelle d’une conscience
générationnelle ; de la même façon que l’on peut distinguer une situation de citoyen européen
d’une conscience et mise en pratique de citoyenneté européenne, et la situation d’un individu
sur le territoire européen du sentiment d’appartenance à celui-ci.
2. Formules et avatars d’une jeunesse connectée.
Intéressons-nous maintenant aux formules utilisées pour décrire cette jeune génération.
Dans un premier temps, le terme de Génération Y semble dominer les publications
scientifiques et journalistiques des cinq dernières années, dessinant un concept générationnel
global. La formule est lancée par le « Magazine Advertising Age » en 1993, et a été
notamment liée en France au développement du management intergénérationnel par l’analyse
108
Bernard ROUDET, “ Les Sociétés européennes au miroir des jeunes”, in. Les jeunes européens et leurs
valeurs. La Découverte, 2005. p.16 109
Ibid.
86 | P a g e
comportementale des jeunes générations110
. La Génération Y, qui englobe les personnes nées
entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, succède à la Génération X, celle
des baby-boomers. « Parfois surnommée la génération WHY (jeu de mot sur la phonétique
anglaise du Y) »111
, en français la Génération Pourquoi112
: ils ont entre 18 et 30 ans, et sont
caractérisés par leur recherche de sens, et leur inscription active au cœur du phénomène
internet. Il s’agira dans un deuxième temps que nous rentrions plus en détail dans les avatars
et les « mots-clés » d’une telle génération.
Si nous nous intéressons uniquement à l’Europe, cette génération prend différents
noms spécifiques, et différentes nuances selon les pays. En témoigne l’ouvrage de l’espagnole
Lucia Martin « Génération perdue ? Fausses idées sur les jeunes publié » peu avant le
mouvement des Indignés en Espagne. « C’est la génération du qui vivra verra, de la
débrouille (…) Ils sont incrédules, réactifs et solidaires, ce qui n’est jamais mentionné.»113
.
Autre exemple significatif, le collectif « Génération 700 » en Grèce, représentant les 56% de
grecs de moins de 30 ans vivant avec 700 euros par mois. Le terme Génération précaire,
fortement politisé, est par ailleurs souvent utilisé en France et dans d’autres pays européens
depuis environ 5 ans, et se cristallise dans les mouvements des Indignés en 2011. Autre
formule déjà évoquée dans nos développements précédents, mais éminemment présente : la
notion de Génération Erasmus. Cette formule marque l’une des spécificités majeures d’une
jeunesse supposément mobile, non seulement connectée virtuellement, mais culturellement et
géographiquement114
.
Dans une vision plus mondiale, et parce que certaines formules ont gagné les discours
européens, il faut noter le concept significatif de Digital natives, formule énoncée par l’auteur
américain Mark Prensky en 2001. Cette génération est décrite comme un ensemble
d’individus ayant intégré l’usage des nouvelles technologies dès leur enfance, et se centre sur
cette caractéristique. A cet effet, sont intégrés dans cette cohorte les 12-25 ans. Les Digital
110
Julien Pouget est l’une des références sur ce point, voir le blog http://lagenerationy.com (consulté le 03/01/12) 111
DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses
de Sciences Po, Paris, 2011, p.7 112
Voir l’émission revue de presse « Génération Pourquoi » du 15 nov. 2011 par Bruno Duvic sur France Inter.
http://www.franceinter.fr/emission-revue-de-presse-generation-pourquoi (consulté le 03/01/12) 113
Citée dans l’article « Génération perdue : je suis précaire parce que c’est mon destin » par Cristina Cartes, sur
cafébabel.com, 28/07/11 http://www.cafebabel.fr/article/38288/generation-perdue-precaire-destin.html [consulté
le 20/12/11] 114
Nous renvoyons ici à notre analyse du phénomène Erasmus vis-à-vis du sentiment d’appartenance aux
territoires, dans la partie 3 de cette étude.
87 | P a g e
Natives ont une appréhension et une adaptation quasi-intuitive aux nouvelles technologies,
reposant sur des gestes devenus réflexes : envoyer un e-mail, appeler depuis un téléphone
portable voire un Smartphone, utiliser un appareil photo numérique, faire ses achats en
ligne… « Il apparait clairement qu’une conséquence de cet environnement ubiquitaire et du
nombre croissant d’interactions qu’ont les étudiants avec celui-ci, font que leurs modes de
pensée et d’information diffèrent fondamentalement de leurs prédécesseurs.»115
. Pourtant,
nous pouvons remarquer avec le Tableau 16 que peu des interrogés sont proches de la notion
de Digital Native, qui les caractérisent aux yeux des autres générations.
Tableau 16 « Savez vous ce qu’est un Digital Native ? »
Effectifs Pourcentages
Non réponse 1 3,2%
C’est la génération Web 1 3,2%
Ce sont les jeunes qui vivent
avec les nouvelles technologies
1 3,2%
Ce sont les personnes nées avec
les technologies numériques
1 3,2%
C’est la génération numérique 1 3,2%
J’en fais partie, c’est la
génération Internet
1 3,2%
Ne sait pas 23 74,1%
Nés pendant les nouvelles
technologies
1 3,2%
Quelqu’un qui est dans la
culture numérique
1 3,2%
Total 31 100%
74,1% des interrogés, qui font tous partie de la génération Digital Native, ne connaissent pas cette
notion. Les huit définitions données sont similaires, nous avons voulu conserver les termes précis. Nous pouvons
remarquer qu’un seul d’entre eux (3,2%) se définit comme partie intégrante de ce phénomène sociologique.
115
PRENSKY, Mark. « Digital Natives, Digital Immigrants », in. On the Horizon. USA: NCB University Press,
2001. traduit de l’américain : « It is now clear that as a result of this ubiquitous environment and the sheer
volume of their interaction with it, today’s students think and process information fundamentally differently
from their predecessors.”
88 | P a g e
Les nords-américains ont également développé la notion de Generation We ou The
Millenials, notamment l’auteur Eric Greenberg, qui a publié une étude-manifeste
s’interrogeant en toute modestie sur « la façon dont la jeunesse du millénaire s’empare de
l’Amérique et est en train de changer notre monde pour toujours »116
. La génération
d’individus nés jusqu’en 2000 est ici prise en compte, ce qui englobe les 12-35 ans.
Avant de poursuivre notre portrait de cette Génération Y, formule globale que nous
retiendrons, et de ses enjeux, un projet artistique significatif mérite d’être évoqué. Il s’agit du
projet photographique transfrontalier de l’artiste franco-allemand Paul Hossfeld intitulé
« WARRIORS – Generation – Europe (2013-2017) ». Son intention est la suivante : « Entre
2013 et 2017, 400 portraits de guerriers – « plutôt militant que militaire » - vont se promener
sur du mobilier urbain à travers les métropoles européennes.» 117
. Il s’agit de faire le portrait
de ces jeunes européens ordinaires en conquérants, jonglant avec les incertitudes, mais
adoptant une attitude ancrée dans le sol, positiviste. Il est important de noter à ce propos que
l’appréhension du climat européen ambiant, sur fond de crise et de recherche de sens, diffère
sensiblement selon les pays. La sociologue française Camille Peugny souligne ces disparités
et similitudes118
.
Les technologies du numérique, dont les applications centrales sont liées au Net, aux
médias et aux réseaux sociaux en découlant, sont l’un des phénomènes sociétaux majeurs de
la fin du XXème siècle et du nouveau millénaire. Le constat n’est pas nouveau, mais ce qui
nous intéresse est d’identifier maintenant les caractéristiques de cette jeune génération
européenne qu’on dit «interconnectée ». On retiendra trois mots-clés, analysés plus
116
Eric H. GREENBERG, Géneration We, 2009. http://www.gen-we.com/. Traduit de l’américain: “How
Millennial Youth are taking over America and changing our world forever” (consulté le 03/01/12) 117
http://www.cafebabel.fr/article/39098/eurogeneration-les-warriors-conquete-des-villes.html (consulté le
03/01/12) 118
« Il existe évidemment des différences entre les pays et il est utile de revenir ici sur le cas des pays scandinaves souvent
cités en exemple. Certes, les jeunesses de ces pays se distinguent par un optimisme plus prononcé. Plus qu’ailleurs, les jeunes
envisagent l’avenir avec optimisme et ont le sentiment que la société leur fait une place et leur permet de s’exprimer.
Toutefois, les jeunes Suédois sur le marché du travail, connaissent des taux de chômage comparables à ceux observés en
France (…) Le troisième constat concerne les jeunesses de pays du Sud, ici l’Espagne et le Portugal. Confrontées à des taux
de chômage et d’emplois temporaires très élevés, leurs attitudes quant à l’avenir peuvent apparaître contradictoires : ils se
montrent parmi les plus optimistes en Europe lorsqu’on les interroge de manière très générale sur leur vision de l’avenir.
Quatrième constat, qui concerne l’Allemagne. Bien que relativement préservés du risque du chômage (10 % en 2009), les
jeunes Allemands, certes employés à plus de 57 % dans des emplois temporaires, se montrent particulièrement inquiets quant
à l’avenir et, en tout cas, beaucoup plus que le reste des Allemands. Cinquième constat, enfin, pour les jeunes Français.
Fortement touchés par le chômage et les emplois précaires, ils se montrent particulièrement insatisfaits de leur situation et
inquiets quant à l’avenir, comme leurs voisins allemands »
89 | P a g e
particulièrement par le prisme des technologies du numérique : Expression / Communauté /
Mobilité. Ces mots clés se retrouvent dans les résultats d’enquête quant aux champs de
pratique cités par les interrogés.
Tableau 17 « Quelle est votre principale utilisation du net ? » / « Combien de pays d’Europe avez vous visités ? »
0/1 2/3 4/5 6 et
plus
Total
Informations 6,7 3,3 10,0%
Réseaux
sociaux/
communication
3,3 6,7 6,7 6,7 23,3%
Téléchargements 10,0 10,0%
Recherches 3,3 3,3 3,3 10,0%
Connaissance du
monde
6,7 6,7%
Professionnel 6,7 6,7 3,3 16,7%
Achats 3,3 3,3 6,7%
Utilisations très
variées
10,0 6,7 16,7%
Total 20,0% 50,0% 20,0% 10,0% 100,0%
Nous pouvons remarquer ici que la mobilité au sein de l’Europe et l’Utilisation du Net sont des
pratiques communes à notre échantillon. La moitié (50,0% ) à visité 2 ou 3 pays européens et 30% en
ont visité quatre ou plus. On voit par contre que ces informations ne sont pas des vecteurs de
différenciation concernant les utilisations du Web. Elles restent variées et sans corrélation avec la
mobilité. Nous pouvons pourtant voir que les interrogés ayant visité 6 pays ou plus ont des utilisations
d’ordre communicationnel ou professionnel (10,0% ).
a. Expression.
Ces nouveaux outils – Web, objets technologiques nomades, réseaux sociaux et
nouveaux médias – ont vu apparaitre une jeunesse dont la soif d’expression s’est matérialisée
et démultipliée dans les espaces de blogs, de forums, et plus récemment via les réseaux
sociaux. Gilles Achache le souligne: « De la même façon que l’outil prolonge la main et le
corps pour en augmenter la puissance et l’habileté, les médias, depuis l’écriture jusqu’à
internet, ne sont qu’un prolongement de la parole. Ils sont l’expression moderne de cette
90 | P a g e
fonction si spécifiquement humaine qui est notre capacité à donner ou à trouver du sens à
toute chose.»119
.
Il en résulte un flux permanent d’images et d’interactions, qui trouve son apogée dans
les plateformes d’expression franchissant la barrière des langues et présentes de façon quasi-
homogène en Europe, comme Facebook ou Twitter. Il s’agit de faire émerger l’humeur d’une
génération, participer à une sociabilité commune, avec ses règles et ses communautés
d’appartenance (les « groupes » facebook, par exemple.). Les réseaux sociaux actuels
s’inscrivent dans une nouvelle génération du Web, nommée Web 2.0, qui condense les
principes de simplicité d’utilisation et d’interactivité. Enfin, cet espace de parole oscillant
entre public et privé permet en partie la construction identitaire des jeunes générations à
travers le partage d’opinions, l’accès aux ressources et informations européennes les plus
diverses.
b. Communauté
Les NTIC donnent lieu à de nouvelles pratiques de collectivité et de sociabilité, entre
virtuel et réel. L’aspect collaboratif du web 2.0, dont la plateforme de vidéo en ligne YouTube
ou le magazine européen participatif cafébabel.com sont des exemples significatifs: « Dans
les versions les plus optimistes, on assisterait à l’émergence d’une nouvelle culture
participative, basée sur les interactions libres entre usagers générateurs de contenus sur le
réseau internet, et à l’effacement du rôle central occupé jusqu’à présent par les industries de
la culture et de la communication.»120
. Se dessine un espace idéologique de partage de
connaissances et d’expériences, où chacun fait partie d’un tout. Cependant, il semble que la
relation voire la tension entre individu et collectif empiète sur la possible construction d’une
expression citoyenne : l’expression individualiste ou la perte de pouvoir critique derrière le
collectif peuvent apparaitre problématiques face à une certaine idéologie du Web collaboratif.
Enfin, du virtuel au réel, on peut noter le développement de rassemblements éclairs
(flashmobs, actions éphémères…), qu’ils soient artistiques ou contestataires, qui ont puisé à
cette nouvelle source mondiale via des réseaux comme Facebook, Twitter, Youtube…
c. Mobilité
119
ACHACHE Gilles, Le Complexe d’Arlequin : éloge de notre inconstance. Paris, Grasset, 2010. p.74 120
BOUQUILLION, Ph. Le Web collaboratif. Mutations des industries de la culture et de la communication.
Presses universitaires de Grenoble, 2010.
91 | P a g e
Au-delà du phénomène Erasmus, que nous avons déjà évoqué, et des divers
programmes institutionnels pour la jeunesse (Service Volontaire Européen, actions
communautaires…) la mobilité de la Génération Y se cristallise dans le paradigme du low-
cost. Les compagnies aériennes à bas coup Ryanair ou EasyJet, respectivement irlandaise et
britannique, se sont imposées pour les jeunes générations comme un mode de transport
économique et novateur, avec des réservations en un clic sur Internet et des billets
éléctroniques. Il n’a jamais été aussi simple de voyager dans l’espace Shenghen, découvrir
une métropole pour un weekend ou s’installer pour un semestre ou pour un emploi à l’autre
bout de l’Europe, sans perdre la connexion, aux proches et à Internet.
L’instantanéité et l’accélération des comportements touristiques et culturels, des
échanges, se sont nourris des nouvelles technologies. L’aspect prédominant est l’ubiquité
impulsée par celles-ci: le Net et les nouveaux médias ont permis la communication vidéo à
distance via Skype, la traduction quasi-instantanée des langues européennes, l’échange de
produits culturels via les plateformes de téléchargement, etc.
3. Etre ou ne pas être branché : la Génération Y, un concept élitiste ?
Le sentiment d’appartenance à une génération européenne.
Jacques Delors: « Il existe un sentiment d’appartenance à l’Europe, mais seulement
pour les diplômés.» 121
.
Selon l’acception sociologique, le sentiment d’appartenance122
à une génération et la
conscience d’être impliqué dans un mouvement générationnel constituent en partie les
membres d’une génération. Dans la même logique, un phénomène social peut être identifié
comme propre à une génération donnée, sans que tous les membres présumés (ici, les jeunes
européens) ne s’y reconnaissent. Il y’a alors un décalage entre ce qui est identifié et le
sentiment d’appartenir à une génération. Un jeune actif européen de 20 ans ne se sentira pas
forcément appartenir à la Génération Erasmus si lui-même voyage peu et n’a pas expérimenté
ce programme d’études à l’étranger. A ce propos, il faut nuancer le phénomène Erasmus,
puisque seulement 1% des jeunes européens en auront bénéficié en 2007. Par ailleurs, la
121
http://www.cafebabel.fr/article/39478/jacques-delors-massif-pour-la-jeunesse-europeenne.html (consulté le
20/12/11) 122
Voir l’analyse que nous faisons de cette notion centrale à notre étude, dans la partie 3 de ce mémoire, p.
92 | P a g e
Génération Y telle qu’elle est analysée englobe le plus souvent les « étudiants » ou « jeunes
actifs », dans les termes employés pour décrire ses membres.
Or, le taux de chômage conséquent dans de nombreux pays européens, et les disparités
d’accès aux études ne permettent pas de conclure à une « génération étudiante » effective.
D’après un sondage IFOP 2010, 62% des 18-24 ans déclarent être membres de 4 réseaux
sociaux ou plus, 77% pour Facebook, ce chiffre atteint 85% pour les étudiants. Il semblerait
que la Génération Y dresse le portrait faussé d’une génération dont les étudiants, de par une
sociabilité intense et une utilisation créative et très diversifiée des réseaux sociaux (en
témoigne l’explosion des formations liées aux NTIC) seraient les principaux membres
pouvant s’y reconnaitre.
De plus, si la réalisation d’un membre supposé d’une génération passe par le fait de
mettre en pratique le comportement et les normes décrites par celle-ci, on comprendra
aisément le risque de « lissage » des comportements. Si l’utilisation massive des NTIC est la
norme affirmée123
, il existe bel et bien encore en Europe certaines fractures numériques,
qu’elles soient par exemple géographiques, idéologiques ou économiques. Les personnes
marginalisées, à faibles revenus, sans emploi ou sans formation sont les plus touchées. Entre
un jeune pays comme l’Estonie (surnommé e-stonie pour son application exceptionnelle des
nouvelles technologies au cœur de la citoyenneté) et des pays plus fragilisés économiquement,
des fossés se dessinent. Selon une étude Eurostat 2008 sur l’usage des NTIC, la proportion
d’internautes réguliers atteint 75 à 85% en Suède, aux Pays-Bas ou en Islande, mais sont 28%
en Bulgarie et en Grèce, 35% en Italie et en Roumanie124
.
Du côté institutionnel, plusieurs initiatives pour réduire cette fracture numérique sont à
noter. Le volet « Société de l’information » de la Commission européenne a mis en place un
programme d’e-inclusion : promotion de l’accès de tous à une connexion internet pour un prix
abordable, homogénéisation du haut-débit et des espaces publics wifi, développement des
services publics en ligne, campagnes de formation à travers l’Europe. Il s’agit d’accroitre
l’accessibilité aux NTIC et notamment l’insertion numérique des citoyens marginalisés et des
minorités migrantes. Pour conclure ces réflexions, « ce n’est le plus souvent qu’une minorité,
qui à l’occasion d’un événement dont elle fait un symbole, s’autoproclame porte-parole d’une
123
66 % des Européens âgés de moins de 24 ans utilisent l'internet tous les jours, selon le rapport de la
Commission européenne sur la compétitivité numérique publié en août 2009. (consulté le 03/01/12) 124
Etude Europa pour l’évaluation du programme i2010, (consulté le 03/01/12)
http://ec.europa.eu/information_society/eeurope/i2010/docs/annual_report/2008/i2010_mid-term_review_fr.pdf
93 | P a g e
génération dont la masse n’a pas participé activement au mouvement initial »125
. Ainsi faut-il
nuancer une appréhension souvent trop catégorique et caricaturale de la jeunesse actuelle.
II. Les nouveaux médias : espace citoyen de la jeune génération ?
1. Médias traditionnels vs. Médias générationnels ?
Il s’agit maintenant d’appréhender de façon plus précise les enjeux que dessinent ces
nouveaux médias dont on entend allègrement parler. Si les médias traditionnels (radio,
télévision, presse) restent en réinvention constante, c’est qu’ils ont en grande partie profité de
l’impulsion des médias innovants liés aux NTIC (internet, réseaux sociaux). En effet, les
contenus des journaux traditionnels en ligne se sont développés, le streaming vidéo et le
podcast radio ont permis une diffusion diversifiée 24h/24. Les médias traditionnels, jouant un
rôle majeur dans la construction des opinions, ont peiné à intégrer une dimension européenne,
malgré tout relative. La création d’Arte, chaine de télévision culturelle franco-allemande, ou
d’Euronews, chaine d’information européenne diffusée en 11 langues, sont des initiatives
rares.
On peut également noter l’absence en France de magazine européen à part entière,
bien que Courrier International, pour n’en citer qu’un, dresse une revue de presse
continentale spécifique. Par ailleurs, au cœur des médias généralistes d’information ou de
divertissement, les sujets européens n’occupent que très peu du temps de diffusion. En 2011,
ces thèmes ont cependant été remis sur le devant de la scène grâce à l’émulation contestataire
et le sujet du triple AAA des agences de notation économique.
La véritable innovation concerne les nouveaux médias du Web 2.0, publiés en ligne,
interactifs et participatifs la plupart du temps, c'est-à-dire où le contenu ne provient plus d’une
seule et même source mais potentiellement de chaque citoyen-internaute. Cette ouverture aux
citoyens a fait l’objet de nombreux débats, notamment sur le bien-fondé informationnel de ces
outils. Des médias d’information citoyens comme MédiaPart ou AgoraVox sont des cas
d’école de cette régénération médiatique au cours des années 2000. Un zoom mérite d’être fait
sur cafébabel.com, le premier magazine européen en 6 langues, média en ligne qui se définit
comme générationnel, créé en 2001 par des étudiants de Sciences-Po Strasbourg. A la fois
producteur de contenu éditorial et plateforme de blogs, cafébabel.com se veut un espace
125
GALLAND, Olivier. Sociologie de la jeunesse. Paris : Armand Colin, 2011 pour le 5ème
édition, p.106.
94 | P a g e
d’expression « de la société civile et de l’eurogénération, la première génération
d’Européens mobiles et connectés à Internet ; cafebabel.com innove dans le domaine du
journalisme participatif, en offrant à tous la possibilité de s’exprimer dans sa langue
maternelle »126
. L’objectif principal est de faire émerger une opinion publique sur l’Europe,
sans ambition autre que d’informer et échanger autour de sujets de société mineurs ou
majeurs, de l’Eurovision au mouvement des Indignés.
Ecrits par de jeunes citoyens directement concernés, ces sujets peignent avec réalisme,
humour et originalité le quotidien de cette Génération Y que l’on s’efforce de saisir. Du
virtuel au réel, cafébabel.com organise dans 31 villes européennes où se tiennent des
correspondants des débats, rencontres, reportages et actions. Ce véritable réseau à la fois local
et global est unique en son genre, et trop méconnu du grand public, bien qu’il ait reçu
plusieurs prix européens récompensant son initiative.
Nous pouvons remarquer ci dessous que la diffusion et la réception d’informations
concernant les pays étrangers fait partie des habitudes numériques des jeunes interrogés.
Tableau 18
« Consultez-vous les actualités internationales avec Internet ? »/ Vous sentez vous européen ? »
Non
réponse
Oui Non Total
Non réponse 3,2 3,2 6 ,5%
Oui 38,7 19,4 58,1%
Non 32,3 3,2 35,5%
Total 3,2% 71,0% 25,8% 100,0%
Nous voyons ici que le pourcentage le plus élevé (38,7%) concerne la partie de l’échantillon qui
répond aux deux questions par la positive. Pour aller dans le même sens, un seul interrogé (3,2%) ne
consulte pas les actualités et ne se sent pas européen. On peur donc comprendre que non seulement les
deux notions ont une résonance chez nos interrogés, mais aussi que le sentiment d’appartenance peut se
concrétiser à travers une pratique numérique.
2. A la recherche du sens culturel : initiatives citoyennes et nouveaux médias.
Vis-à-vis de la notion d’échange multiculturel au sein des réseaux sociaux types
Facebook ou Twitter, il s’agit de relativiser une approche trop positiviste, car le contenu tient
126
http://www.cafebabel.fr/about/cafebabel/ (consulté le 03/01/12)
95 | P a g e
souvent de la conversation anecdotique. Souvent, on échange sur les réseaux sociaux avec nos
connaissances, ce que souligne Monique Dagnaud : « inutile d’idéaliser la fonction de mixage
du réseau : on s’ouvre certes à d’autres, mais on a toutes les chances de naviguer dans le
même univers socioculturel »127
. Il apparait donc une certaine limite aux échanges
multiculturels chers à l’idéologie européenne, via les réseaux sociaux. Cependant, du point de
vue des projets culturels questionnant la citoyenneté européenne et liés aux NTIC, il nous
parait intéressant d’évoquer la présence d’initiatives citoyennes plutôt qu’institutionnelles,
volet déjà évoqué dans la partie 2 de cette étude.
A cette image, le festival TransEuropa est emblématique. Créé et mené par un
ensemble de jeunes citoyens, militants, acteurs culturels et créateurs issus de 12 pays
européens participant au projet : c’est le réseau Alternatives Européennes , « une organisation
de la société civile, dont le but est d’explorer le potentiel de la culture et de la politique
transnationale. Nous sommes convaincus que répondre aujourd’hui aux défis de participation
démocratique, d’égalité sociale et d’innovation culturelle ne peut être réalisé qu’au delà de
l’Etat nation »128
. TransEuropa est le premier Festival transnational de culture, arts et
politiques, il s’est déroulé simultanément dans 12 villes du 6 au 15 mai 2011 à Paris, Berlin,
Londres, Bologne, Cluj-Napoca, Amsterdam, Bratislava, Cardiff, Edimbourg, Lublin, Prague
et Sofia.
Véritable événement collectif à la fois culturel et politique, TransEuropa a abordé à
travers manifestations artistiques et débats citoyens 4 sujets d’actualité : les droits des
migrants, l'intégration des Roms, la liberté de la presse et une économie plus juste dans
l'après-crise. Par exemple, en ce qui concerne la programmation à Paris, ont été organisés un
voyage en BD à travers le développement durable en Europe, un débat sur l’Europe face aux
mouvements démocratiques, une rencontre avec une compagnie de théâtre alternatif polonaise
traitant de l’art de la résistance, etc. Cette initiative met à l’honneur la transparence de
l’information, la solidarité européenne, et l’échange interculturel nourri par la plateforme
multilingue en ligne euroalter.com. La forme spectaculaire de l’événement n’empêche pas un
fort contenu citoyen, pour créer un espace commun de débat et célébrer une conscience
européenne nécessaire, selon les jeunes organisateurs. Alternatives Européennes bénéficie du
127
DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses
de Sciences Po, Paris, 2011. 128
http://www.euroalter.com/FR/a-propos/ (consulté le 03/01/12)
96 | P a g e
programme institutionnel Europe for Citizens, et le réseau s’étend peu à peu puisque le
festival TransEuropa 2012 s’installera dans deux pays supplémentaires.
On peut évoquer également le réseau européen « Culture Action Europe » regroupant
plus de 80 000 acteurs culturels. Cette association défend le rôle de la culture dans le projet
européen, en relayant les propositions de ses membres aux instances européennes. C’est une
plateforme d’idées, où articles, débats et actualités culturelles et citoyennes se côtoient, selon
une logique participative. Le cheval de bataille du collectif depuis 1992 est la mise en place
de nouvelles coopérations, de projets transfrontaliers permettant les échanges interculturels.
Comme en témoigne le Centre chypriote des instituts internationaux du théâtre, membre
depuis 2009 : « Le principal avantage à être membre de Culture Action Europe est l'accès :
accès à l'information, à de nouveaux contacts, à des mises à jour régulières, à des experts
avisés.»129
.
2. A la recherche du sens politique : contestations en réseaux au Printemps 2011.
Pour analyser la possibilité d’un sens politique investi par la jeune génération dans les
nouveaux médias, il s’agit d’identifier d’abord les valeurs du Net. Premièrement, la liberté
d’expression est de mise à travers les réseaux sociaux, comme nous l’avons évoqué
auparavant. La Génération Y a acquit certaines valeurs du Net, notamment celle de l’accès à
l’information et à la production de contenu de façon gratuite, ce qui est désormais ancré dans
ses pratiques. La réactivité de l’outil et des réseaux, leur instantanéité participe aussi à sa prise
en main par les citoyens, en vue d’actions protestataires ou collectives possibles. De façon
plus profonde, le Net aurait a priori conservé l’esprit subversif de ses origines.
Une promesse de démocratie possible par l’avènement du Net est toujours restée dans
l’ombre de son évolution : « Internet, parmi beaucoup d’autres choses, redonne à la société
des individus en conversation un poids, une capacité d’action, d’auto-organisation, de
résistance et de critique qui avait été étouffée par la domination complice des médias
professionnels et des professionnels de la politique. »130
. Il faut noter également que
l’humoristique et le spectaculaire prédominent dans les formes de contestation. La satyre, le
129
http://www.cultureactioneurope.org/lang-fr/network/why-join (consulté le 03/01/12)
130
CARDON, Dominique, « Pourquoi l’internet n’a-t-il pas changé la politique ? », 19 aout 2011,
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2011/08/19/dominique-cardon-pourquoi-linternet-na-t-il-pas-change-la-
politique/ (consulté le 03/01/12)
97 | P a g e
fun, la mise en scène, le happening, voire la culture « lol » du Net analysée par Monique
Dagnaud, se mêlent aux revendications politiques, sociales, citoyennes, et les exaltent. Il faut
nuancer en évoquant la part minime d’utilisation d’internet comme « outil » politique, cela
restant marginal que les jeunes générations l’utilisent comme système de mobilisation.
Néanmoins, le sens du politique, ou du moins de la contestation par la jeunesse
mondiale, semble s’être historiquement cristallisé dans l’année 2011 : « 2011, Année
révoltée ! » titrait Courrier International dans un numéro spécial paru le 15 septembre dernier.
Le magazine mettait en lumière le fil rouge de ces mouvements: le soulèvement des classes
moyennes, et l’utilisation des réseaux sociaux. Mais pouvait-il en être autrement à notre
époque ? Le mouvement des Indignés est emblématique d’un tel phénomène. Véritable élan
collectif d’une génération en prise avec la précarité, les Indignados de la Puerta del Sol à
Madrid, à partir du 15 mai 2011, ont recréé une communauté organisée idéale, un microcosme
citoyen où la démocratie participative était érigée comme principe : « De partis ou de
groupuscules, de sélection de leader, de médiations, de slogans, de projets politiques, ou de
propositions concrètes: aucune de ces « vieilleries » ne pointe à l’horizon. Les indignés
revendiquent, au contraire, le droit de permettre la participation des citoyens à la politique
par des canaux directs.»131
.
Les réseaux sociaux ont été les premiers canaux directs décisifs, avec la diffusion
massive auprès des étudiants et des communautés juvéniles, l’écriture d’un manifeste,
l’organisation de manifestations dont le lieu et l’heure du rendez-vous étaient diffusées en
ligne, le relai des informations aux médias, etc. Les réseaux Facebook et Twitter ont impulsé
les premiers rassemblements, ils n’ont cessé de nourrir le mouvement et de le diffuser en
Europe (Portugal, Grèce, Italie, France, Allemagne, Angleterre, etc.) et dans le Monde (Etats-
Unis sous le mouvement Occupy, Israël). Occuper collectivement, durablement et
pacifiquement l’espace public sur des lieux emblématiques, se rendre visible et audible, voilà
ce qui a permis également aux Indignés d’attirer les médias sur leur cas de la fin du Printemps
2011 jusqu’à l’automne.
131
DAGNAUD, Monique, « Qui sont les Indignés de la Puerta del Sol ? » paru sur telos.com, plateforme de
débats en ligne. http://www.telos-eu.com/fr/article/les-indignes-de-la-puerta-del-sol-qui-sont-ils (consulté le
22/12/11)
98 | P a g e
Aujourd’hui, le mouvement reste vivace, et la version anglophone (Occupy) prépare
la création d’une plateforme sociale indépendante des grands réseaux sociaux américains
(Twitter, Facebook). Les « activistes » d’Occupy, comme ils se dénomment, sont préoccupés
par la surveillance des réseaux par la police: « Voilà pourquoi «Global Square», le réseau
social en cours de création pour les mouvements «Occupy» doit voir le jour, estime Ed
Knutson. Le principal défi sera de s’assurer que tous les membres sont dignes de confiance,
explique-t-il à Wired. Rejoindre la plate-forme se fera alors uniquement sur invitation.»132
.
Notons également que les révolutions arabes du Printemps 2011 ont aussi été nourries
par les échanges sur réseaux sociaux. Ce qui nous intéresse ici, au-delà des similitudes avec
les Indignés quant à la propagation du mouvement de révolte, est le lien communicationnel
qui s’est créé entre la jeunesse des Pays arabes et celle d’Europe via les réseaux sociaux. Sans
doute les événements du Printemps 2011 n’ont-ils fait que révéler un phénomène existant,
toujours est-il que la diffusion des revendications a été relayée en Europe et que les activistes
du Net ont joué un rôle important. Les technophiles européens ont réagit instantanément suite
au blocage du Net par l’Etat égyptien, du 28 janvier au 2 février 2011. Nous citerons deux
exemples significatifs. Christopher Kullenberg, jeune cybermilitant suédois membre du réseau
Télécomix a permis de rester en contact avec une cinquantaine de jeunes égyptiens durant
cette période133
.
De plus, le rôle Google a été important suite au blocage du net par les autorités : un
service mis en place par le moteur de recherche américain a alors permis de twitter à partir de
messages vocaux laissés par les égyptiens via leurs téléphones portables, et aussitôt retransmis
sur le réseau. « L’occultation numérique des événements n’est alors plus possible;
l’arrestation de Wael Ghonim, le responsable marketing de Google au Proche-Orient (qui
sera porté en triomphe sur la place Tarhir après sa libération), se révèle vite totalement
132
« Les militants du mouvement Occupy auront bientôt leur propre réseau social », (consulté le 03/01/12)
http://www.20minutes.fr/web/twitter/849767-militants-mouvements-occupy-bientot-propre-reseau-social 133
« Les membres de Telecomix ont alors eu l’idée de récupérer de vieux stocks de modems datant de l’époque
où les cybercommunications passaient par les lignes fixes et ont même obtenu l’aide d’un fournisseur d’accès
français, qui a ressorti ses modems oubliés et mis des connexions gratuitement à leur disposition. Une fois le
matériel acheminé sur place, ils ont faxé les numéros de téléphone et les instructions donnant la marche à suivre
pour se connecter. Une cinquantaine d’Egyptiens, tout au plus, ont ainsi pu se raccorder à Internet au moment où
le réseau était officiellement suspendu. Ce qui est peu, sur une population de 80 millions. Mais suffisant pour
faire sortir les informations des militants du pays lorsque les forces de sécurité de Moubarak ont donné l’assaut
sur la place Tahrir, quelques jours plus tard. »
99 | P a g e
inadaptée à la situation.»134
. Autre exemple, le cas d’une jeune hackeuse française de 17 ans
prénommée Louise, interviewée anonymement par un magazine féminin, elle confie être en
contact avec de jeunes opposants syriens: « Je les conseille pour qu’ils puissent envoyer des
mails sans qu’ils soient lus par le régime. (…) On a également hacké un site syrien : les
internautes qui s’y connectaient étaient redirigés vers une page expliquant comment échapper
à la censure.»135
. Elle affirme vouloir avant tout lutter pour la circulation des informations et
la liberté d’expression.
Enfin, il ne faut pas oublier que les médias traditionnels ont joué un rôle de relai
important également dans ces révoltes, notamment la télévision indépendante « Al Jazeera » à
diffusion internationale en langue arabe et anglaise: 40 millions de téléspectateurs la regardent
chaque jour136
. Nous avons vu que l’essor du Net permet une nouvelle donne
communicationnelle pour la jeunesse actuelle, autant sur le plan participatif que contestataire.
« La nouvelle génération attend beaucoup des interactions entre le Net et la vie réelle pour
faire évoluer les choses, non sur un plan strictement politique partisan, auquel elle ne croit
guère, mais sur un plan social et culturel.»137
. L’interactivité gagne de plus en plus de terrain
dans nos comportements, et nous pouvons conclure ces réflexions en affirmant que si les
espaces de pratiques citoyennes et culturelles sont de plus en plus impulsées par les réseaux
virtuels, la « vie réelle » reste l’espace d’action majeur d’une génération ancrée dans son
époque. Les résultats du tableau 19 montrent que la connaissance d’un projet territorial peut
être corrélé avec l’utilisation du net mais aussi avec sa forme (massive ou non).
Tableau 19
« Vous sentez vous concernés par le projet Marseille Provence 2013 ? »/
« Combien d’appareils avec accès à internet possédez vous ? »
Non réponse 1 2 3 Total
Non réponse 3,2 3,2%
Ne connais pas 12,9 12,9%
134
BENILDE, Marie. « La révolution arabe, fille de l’internet ? », 15/02/12, article publié sur le blog du Monde
Diplomatique. http://blog.mondediplo.net/2011-02-15-La-revolution-arabe-fille-de-l-Internet (consulté le
02/01/12) 135
Magazine Glamour, n°95 Février 2012, p.41 136
DAGNAUD, Monique. Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion. Presses
de Sciences Po, Paris, 2011. p.102 137
Ibid. p.94
100 | P a g e
Oui 22,6 16,1 9,7 48,4%
Non 22,6 9,7 3,2 35,5%
Total 3,2% 45,2% 38,7% 12,9% 100,0%
Nous savons ici que lorsque les interrogés répondent « un appareil » il s’agit d’un
ordinateur fixe ou portable, que lorsqu’ils répondent « deux », s’ajoute un téléphone. Enfin, les
interrogés qui répondent 3 se partagent entre la tablette et la télévision en plus. Nous pouvons
remarquer ici une parfaite égalité entre les interrogés qui ne se sentant pas concernés par Marseille
Provence 2013 et ceux qui ne le sont pas, quand ils n’ont qu’un appareil (22,6%) . Alors que dès que
nombre d’appareils augmente, les interrogés se sentent majoritairement concernés. Ajoutons ici que
lors de la passation, le plan de communication de Marseille Provence 2013 vers le public n’était pas
lancé. Ce qui n’empêchait pas le projet d’avoir des relais d’informations via internet.
III. Les Capitales Européennes de la Culture, espaces interactifs?
1. Partage d’expériences, participation et mémoire commune.
Nous avons déjà évoqué la présence du réseau des universités des Capitales
européennes de la Culture (Uneecc), créé par 15 universités européennes en 2006 pour
impulser une dynamique pédagogique, culturelle et citoyenne autour des CEC. Il s’agit pour
les étudiants de l’Europe entière d’échanger autour des enjeux du programme, partager les
expériences menées, en ligne et au cours de workshops comme celui de Pecs en 2009. « Les
étudiants venus d’anciennes, d’actuelles ou de futures Capitales Européennes de la Culture
(…) ont présenté leurs universités et associations respectives, évoquant notamment les temps
forts de l’année durant laquelle leur ville fut ou sera Capitale Européenne de la Culture.»138
.
Intéressons-nous maintenant aux liens qu’entretiennent les CEC avec les nouveaux
médias interactifs et la jeune génération. Il semble de prime abord que la réalisation de ces
projets menés par les villes s’organise sur le terrain du « réel » et plus minoritairement en
ligne. Cependant, voici l’une des recommandations faites par Liverpool 2008 aux candidats
au label: « Veillez à mettre en place très tôt un système de communication interactif en
libre accès avec un appel à manifestation d’idées sur un site internet. Servez-vous de ce
système pour entretenir le débat tout au long du processus et pour construire et élargir le
138
http://www.dailyspotlight.net/post/2009/07/08/First-UNEEC-student-workshop-Pecs-Hungary-2009 (consulté
le 03/01/12)
101 | P a g e
réseau des artistes, intellectuels, organisateurs, producteurs, institutions culturelles et
associations locales qui se mettent en relation.»139 .
Intéressons-nous à plusieurs CEC ayant adopté une stratégie numérique, que ce soit de
façon globale dès la candidature, ou à travers des projets spécifiques. Tallin, capitale
estonienne ayant porté le titre en 2011, a par exemple mené un projet en ligne avec un site
dédié nommé « e-stories ». Il s’agissait d’un concours européen de nouvelles sur le thème
« Stories of the Seashore », soit « Histoires du rivage », l’identité culturelle liée au monde
maritime étant l’un des piliers du projet de Tallin 2011. Les citoyens européens pouvaient
écrire en 6 langues et participer ainsi « au plus grand événement de storytelling de [l’histoire
de Tallin] »140
. On voit bien ici la volonté de mettre en scène l’identité culturelle locale à
travers un projet européen, à produire une mémoire artistique spécifique sur la capitale, liée à
une année de labellisation exceptionnelle.
Turku, ville finlandaise en titre la même année, a développé un projet nommé « City
Remembered », dont le principe était de récolter les souvenirs qu’ont les citoyens de leur
ville, à travers des ateliers et une plateforme multimédia en ligne. En ce qui concerne Maribor
2012, qui représente la Slovénie, on remarque une implication spéciale envers les nouveaux
médias. Sur le site maribor2012.info/en, une section entière nommée « LifeTouch » est
consacrée à une plateforme de blogs, d’articles sur les nouvelles technologies et leurs enjeux
culturels dans nos sociétés. La rubrique « Mapping out Maribor » invite les internautes à
réfléchir aux impacts attendus de Maribor 2012, à travers des textes, des vidéos, et toute autre
proposition multimédia.
Il y’aurait bien entendu d’autres initiatives portées par les CEC depuis 2007 et liées
aux NTIC à évoquer. Néanmoins, ces initiatives restent souvent des cas isolés au cœur des
projets globaux des CEC. Cependant, en parcourant les programmes des prochaines villes
labellisées, nous nous sommes arrêtés sur le cas à part de Mons 2015. La première chose qui
a attiré notre attention est le fait que Mons 2013 aie adopté comme trame thématique « Mons,
where technology meets culture »141
en référence à son surnom de Digital Innovation Valley.
139
In. « Guide à l’intention des villes candidates au titre de Capitale européenne de la Culture. », téléchargeable
sur http://ec.europa.eu/culture/pdf/doc633_fr.pdf (consulté le 03/01/12) 140
Traduit de l’anglais:“in the largest storytelling event of its history”. Source: http://tallinn.e-stories.org/
(consulté le 03/01/12) 141
En français : « Mons, quand la technologie rencontre la culture. »
102 | P a g e
Mais au-delà du secteur économique lié aux nouvelles technologies, le projet le plus
significatif est la section nommée « Avoir 20 ans en 2015 », qui se définit comme un
« véritable projet éducatif et associatif à long terme consistant en une vaste opération de
sensibilisation d'une classe d'âge à la notion de capitale européenne de la culture»142
. Ce
projet prend un sens emblématique vis-à-vis de nos réflexions sur cette génération connectée
qu’on appelle Génération Y143
. Une plateforme d’e-teaching culturel est mise en place dans
les lycées, pour faire des jeunes générations des ambassadeurs actifs auprès de leurs familles
du programme culturel Mons 2015. Ce programme est rythmé par une dizaine de projets
ludiques et interactifs, pour permettre aux jeunes de mettre en pratique l’utilisation créative
des nouveaux médias: une web TV, la réalisation d’un jeu-parcours visuel sur le centre
historique de Mons, ou encore la possibilité d’être reporters web pendant l’année 2015.
Autant de façons de s’approprier le projet de Capitale Européenne de la Culture pour une
jeune génération souvent non-impliquée par les programmes.
Il faut noter cependant que la dimension européenne et de coopération multiculturelle
est peu présente, et laisse place plutôt à l’expression de soi, les techniques de créativité et
l’exaltation de la culture locale. Si l’on s’en tient à nos réflexions sur l’appropriation d’une
culture locale et d’un territoire propre, il apparait ici que l’initiative de Mons tend à privilégier
cette modalité plutôt que le sentiment d’appartenance à une culture et à un territoire
européens. Par ailleurs, la dimension citoyenne n’est pas réellement invoquée dans les
programmes.
Nous pouvons, pour un dernier exemple, nous tourner alors vers San Sebastian 2016,
qui a choisi comme slogan « vagues d’énergie citoyenne, cultures pour le vivre-ensemble »144
.
Il s’agit de participer à un projet civique européen plutôt que local, citoyen plutôt que
142
http://www.mons2015.eu/fr/avoir-20-ans-en-2015/ (consulté le 20/12/11) 143
En témoigne notamment le projet MédiaDJ porté par Mons 2015 au cœur du programme « Avoir 20 ans en
2015 » : « Des hommes tirent profit des réseaux et médias sociaux pour mettre en œuvre des projets citoyens. On
l’a vu, le printemps arabe a été l’occasion pour des populations entières de prendre conscience de leur force, de
s’organiser, de « changer la société » au sens le plus littéral du terme. C’est la génération des 15-25 ans, dite
« génération Y », qui est au cœur de cette révolution. C’est pourquoi il est absolument nécessaire pour ces
jeunes de prendre la bonne mesure du changement, de trouver leurs repères afin d’y prendre une place. Quel
est l’impact de ces changements sur notre société ? Comment utiliser ces nouvelles ressources à des fins
critiques et créatives ? Comment mobiliser son entourage à l’aide des nouvelles technologies, des réseaux
sociaux ? Pendant quelques mois, les équipes du projet Media DJ aideront les jeunes de 20 ans en 2015 à
répondre à ces questions à travers des ateliers, des rencontres, des concours, des shows technologiques… »
http://www.mons2015.eu/fr/avoir-20-ans-en-2015/projets/
144 Traduit de l’espagnol : « Olas de energía ciudadana, cultura para la convivencia. »
103 | P a g e
marketing, afin de construire et exalter les valeurs démocratiques: « ce que nous partageons
(territoire, politiques, monnaie) ne fera pas partie de notre identité tant que ce ne sera pas
une façon de comprendre notre dimension citoyenne. Voilà ce qu’est la Culture »145
. Un
renouveau dans l’énergie publique et une vision collective qu’on rapprochera sans mal du
mouvement des Indignés, même si le projet espagnol pour la Capitale européenne de la
Culture a commencé à s’écrire avant le Printemps 2011.
Du côté de la mise en pratique de ce leitmotiv, il est trop tôt pour savoir quelles
propositions fera San Sébastian 2016, mais il apparait en filigrane dans le dossier de
candidature le développement de plateformes de débats collaboratifs pour tous les publics: « Il
est important d’impulser l’idée de laboratoires citoyens comme plateformes qui facilitent
l’innovation sociale. Ces laboratoires seraient, et ils le sont déjà dans de nombreux cas, de
petits espaces répartis sur le territoire ; des centres hyperlocaux dans le sens où ils
permettent le travail à petite échelle, mais en lien avec des réseaux globaux grâce aux
nouvelles technologies.»146
. Nous retiendrons de ces différentes immersions dans les projets
numériques de plusieurs CEC, passées ou à venir, une disparité sensible quant à leur
intégration des nouveaux médias et leurs objectifs culturels en lien avec ceux-ci.
2. Navigations interactives, « en attendant Marseille-Provence 2013… »
Explorons à présent comment l’équipe porteuse du projet Marseille-Provence 2013
(MP2013) organise sa stratégie numérique, et quelle place prennent en parallèle des espaces
de parole citoyens en ligne autour du projet. En premier lieu, la stratégie numérique menée
par MP2013 par le biais notamment de Roch Giraud, responsable Internet et nouvelles
technologies, est définie en ces termes: « Les services et technologies numériques sont au
cœur du projet Marseille-Provence 2013 : sa préparation, son rayonnement auprès de tous
145
Traduit de l’espagnol : « Lo que compartimos (territorio, políticas, moneda…) no formara parte de nuestra
identidad hasta que no sea una mañera de entender nuestra dimensión ciudadana. Eso es la cultura. » 146
Traduit de l’espagnol : « Es importante impulsar la idea de laboratorios ciudadanos como plataformas que
faciliten la innovación social. Estos laboratorios serian, y ya los son en muchos casos, pequeños espacios
distribuidos por el territorio ; centros hiperlocales en el sentido de permitir el trabajo a pequeña escala pero
dentro de redes globales gracias a la tecnología digital. » Toutes ces citations sont issues du programme de
candidature de San Sébastian 2016, qu’il est possible de lire en ligne sur le site dédié à la Capitale :
http://www.sansebastian2016.eu/web/guest/proyecto-cultural/proyecto-final [Consulté le 02/01/12]
104 | P a g e
les publics, l’accueil des visiteurs, mais également les créations artistiques et innovations
sociales qui seront proposées pendant l’année capitale.»147
.
Cette stratégie s’inscrit dans le projet global de Cadre Numérique Territorial Commun
(CNTC) que l’association MP2013 a créé en 2010 avec ses partenaires publics. Ce
programme d’aménagement numérique des territoires élargit une démarche commune incluant
notamment le tourisme, la culture, ou encore les transports. Il s’agit de mettre en application
les principes de l’Open Data: la libération des données numériques publiques visant à créer
des supports novateurs (sites web, applications mobiles). Concrètement, il s’agit des données
telles que les informations cartographiques, météorologiques, statistiques, environnementales,
touristiques, scientifiques, ou culturelles permettant de créer des modules de géo-localisation
par exemple.
Mais quand nous parlons de données culturelles, de quelles données s’agit-il ? : « Ce
sont des données détenues par des institutions culturelles comme les archives, les
bibliothèques ou les musées. Elles forment un ensemble très divers, qui comprend des bases
de données, des images numérisées, des textes numérisés, des contenus audiovisuels, des
métadonnées associées à des œuvres patrimoniales, des statistiques de fréquentation de lieux
culturels, ou encore données de programmation d’un cinéma ou d’une manifestation
culturelle.»148
. Invité à un débat intitulé « Open Data, l’exception culturelle ? » à la Gaité
Lyrique, Roch Giraud affirme « qu’il faut démontrer qu'aujourd'hui une stratégie numérique
ne se déploie pas uniquement dans l'espace virtuel de l'internet, mais produit des services
inscrits dans la réalité du quotidien »149
.
Ce projet s’inscrit pleinement dans une économie de la connaissance et de
l’innovation, et il est intéressant de noter qu’Orange est depuis peu partenaire de MP2013.
D’après le communiqué de presse du groupe publié le 27 septembre 2011, « L’opérateur
fournira notamment, l’application officielle exclusive de Marseille-Provence 2013, en y
intégrant en temps réel, de l’information, de la réalité augmentée, de la géolocalisation et des
147
http://www.mp2013.fr/espace-pro/notre-strategie-numerique/ [Consulté le 02/01/12] Voir Annexe 6 : schéma
rendant compte de la stratégie numérique de MP2013, élaboré par Roch Giraud. 148
http://www.atelier-francais.org/article/open-data-lexception-culturelle [Consulté le 02/01/12] 149
Ibid.
105 | P a g e
fonctions interactives.»150
. Il faut préciser que l’Open Data est fortement soutenu par la
Commission Européenne à la stratégie numérique menée par Neelie Kros, à travers un
programme simplement intitulé « Data is the new gold » faisant partie de l’Agenda
Numérique pour l’Europe.151
L’un des objectifs affirmés par Marseille Provence 2013 est « d’impliquer les
citoyen(ne)s du territoire Marseille-Provence 2013, à travers une approche participative et
par un accès favorisé aux événements. »152
A l’état actuel des choses, et avant que le
préprogramme prévu pour le 20 janvier 2012 ne paraisse, Marseille-Provence 2013 semble
tournée vers une stratégie numérique économique engageant de façon isolée la proximité avec
les citoyens. Si les Ateliers de Participation citoyenne que nous avons évoqués en première
partie de cette étude153
sont indéniablement investis au cœur de la ville, ils utilisent rarement
l’espace de participation incontournable et de débat citoyen que peuvent être les nouveaux
médias.
Néanmoins, nous avons repéré un projet intéressant vis-à-vis de ce qui nous occupe :
les « Histoires vraies de Méditerranée ». Il s’agit d’un projet littéraire itinérant à travers la
Méditerranée, à la fois sur le terrain et en virtuel. En effet, le jeune écrivain François Beaune
qui mène ce projet a débuté en décembre 2011 un tour des différents ports méditerranéens
pour recueillir les « histoires vraies » racontées ou écrites par les citoyens. Ce voyage de 12
mois, 1 mois dans chaque port, a débuté à Barcelone, se poursuivra à Tanger, Alger, Tunis,
Benghazi, Alexandrie, Haïfa / Ramallah, Beyrouth, Lattaquié, Izmir, Athènes, Palerme, et
aboutira à Marseille pour un festival littéraire dans le cadre de MP2013. En parallèle à ce
trajet, le site mp2013.fr/histoiresvraies a vu le jour : « la réussite de la collecte passe par son
ouverture au plus grand nombre. Un site Internet multilingue, sorte de bibliothèque
numérique partagée, sera mis en place pour recueillir et rendre visibles les histoires de
chacun dès décembre 2011. »154
150
Communiqué de presse http://www.orange.com/fr_FR/presse/communiques/att00020869/print.jsp [Consulté
le 02/01/12] 151
Voir Glossaire p.96-98. 152
http://www.mp2013.fr/presentation-2/les-fondamentaux-du-projet/ [Consulté le 02/01/12]
154
Fiche descriptive du projet accessible sur http://www.mp2013.fr/histoiresvraies/files/2011/12/CPHdV-fr.pdf
[consulté le 02/01/12]
106 | P a g e
Les participants peuvent s’exprimer par écrit, vidéo, sons… et dans toutes les langues
utilisées autour de la Méditerranée. François Beaune tiendra quant à lui un journal de bord
pour partager ses rencontres et les histoires collectées. Mais qu’est-ce qu’une histoire vraie ?
« Une histoire vraie (…) donne à entendre un épisode que la personne considère digne
d'intérêt pour les autres, important à l’échelle de son existence. Bref, c’est une histoire qui
vaut la peine d'être partagée avec ses contemporains. (…) L’ambition du projet est aussi de
mettre à disposition du public des 13 pays une matière vivante dont chacun pourra s’emparer
dès lors qu’elle aura été déposée sur le site. Dans une période de profonds bouleversements,
ces histoires vraies dessineront le portrait insolite et populaire de celles et ceux qui forment
la Méditerranée d’aujourd’hui. »155 Hormis le festival littéraire organisé à Marseille en 2013
pour rendre compte de ce projet, le site web initial sera enrichi, éditorialisé, créant un web-
documentaire unique.
En marge du programme officiel de MP2013, il existe par ailleurs des espaces
publics citoyens qui ont profité de cette occasion pour créer actions et discours autour de la
Capitale européenne de la Culture, que ce soit de façon alternative ou en lien avec le projet.
Une rencontre a notamment eu lieu entre MP2013 et le ZINC (Espace Culture Multimédia),
qui relève à la fois du réseau des Espaces Régionaux Internet Citoyen, et des Espaces Ouverts
d’Education Permanente. Créé au début des années 2000, le ZINC se situe à la Friche la Belle
de Mai à Marseille. Le lieu joue à la fois le rôle de producteur des arts numériques et
d’éducateur aux nouvelles technologies par le biais d’ateliers, de débats et de soutien aux
projets amateurs et professionnels. Le ZINC a établit de nombreux partenariats avec des lieux
culturels et universités des Pays méditerranéens.
La rencontre entre MP2013 et le Zinc avait pour objectif « de comprendre la vision de
MP2013, et de porter à connaissance les projets qui sont conduits sur les territoires qui
croisent les TIC, la création culturelle et la citoyenneté. »156
S’en sont dégagés des objectifs
communs, comme l’utilisation des outils du web 2.0 pour faire connaitre leurs actions
communes, ou encore l’idée de mettre en ligne une « cartographie sensible des
productions ».157
Le ZINC a notamment mené un projet intitulé « Moi et ma ville : recueil
155
Ibid. 156
Cf. le compte-rendu de cette rencontre, disponible sur le lien suivant : http://emergences-
numeriques.regionpaca.fr/fileadmin/Vie_du_reseau/ateliers_thematiques/creation_culturelle_et_artistique/prepar
er_ensemble_mp2013/compte_rendu_mp2013.pdf (consulté le 02/01/12) 157
Ibid.
107 | P a g e
sonore de la mémoire des habitants » destiné aux jeunes, par le biais d’un audiomaton. Reste à
savoir quelle implication active sera accordée au ZINC et aux structures associatives
similaires dans le programme de MP2013, qu’à cette heure nous ne connaissons que par ses
« grands projets ».
A la lumière de ces réflexions sur les nouveaux médias et leur usage à visée culturelle,
citoyenne, politique, ou événementielle, en partie par une génération qu’on décrit comme
interconnectée, il nous semble important de relativiser l’importance de telles pratiques aux
côtés de pratiques sociales et culturelles préexistantes : se rassembler pour manifester dans les
rues de sa ville, ou passer un week-end dans une ville européenne et découvrir les expositions,
les lieux emblématiques où la jeunesse se retrouve.
108 | P a g e
CONCLUSION
A l’issue de cette étude, il apparait que la notion de civilisation incarne dans une visée
plus large l’Europe telle qu’elle est constamment pensée et construite, guidée par un idéal
culturel. Il existerait bel et bien un héritage culturel, linguistique, historique commun au
niveau des valeurs humanistes et tout à la fois une diversité de pratiques culturelles (langues,
traditions, mouvements artistiques…). Les Capitales européennes de la Culture se donnent
pour mission de symboliser cette Europe multiculturelle, et l’on dénote une volonté dans les
discours d’incarner ce socle commun tout en exaltant la diversité. Nous avons vu également
que l’on peut déterminer un socle commun spécifique, mis en pratique jour après jour, sur le
terrain contemporain des Technologies de l’Information et de la Communication : malgré les
disparités d’accès au numérique, voici un langage vraisemblablement partagé par la jeune
génération qui s’avance.
Cette étude se doit, pour appuyer ces propos et inscrire ses questionnements dans
l’actualité la plus représentative, d’évoquer un état des lieux des financements de la Culture
en Europe, en lien avec l’agitation politique et économique qui traverse actuellement
l’Europe. Sans que cela soit imputable à la seule situation économique, on observe que
l’implication et le soutien envers la Culture varie sensiblement pour chacun des pays
européens. Un très récent article du Monde intitulé « L’Europe de la Culture au rabot de la
rigueur »158
compare les différents budgets culturels européens pour 2012 : « Au final, les
Etats qui affichent des budgets stables ou légèrement en hausse envers et contre tous les
signaux financiers, sont minoritaires : signalons entre autre la Suède, l’Allemagne et la
France.»159
. Sur le baromètre économique de la Culture, nous notons un refroidissement net
de l’assiette allouée pour 2012 en Grèce (-22%), en Italie (-16,70%). Des coupes tièdes mais
notables concernent par ailleurs les Pays-Bas (-7%), l’Espagne (-7,1%) et le Royaume-Uni (-
7,4%). On peut souligner aussi à l’Est l’augmentation d’un phénomène de contrôle des arts et
du cinéma en particulier, notamment en Hongrie.160
Mais au-delà de la fragilité économique rythmant la situation actuelle de l’Europe, ce
que nous avons cherché à analyser et à relever dans ce mémoire est l’inconstance identitaire
158
FABRE, Clarisse. « L’Europe de la culture au rabot de la rigueur », Le Monde, 29/12/11. 159
Ibid. 160
Ibid.
109 | P a g e
qui traverse le continent, et le rôle primordial donné à la Culture pour répondre à cette
recherche identitaire. Si les bases du projet européen sont bel et bien posées depuis plusieurs
décennies, celle qui vient de s’écouler à particulièrement ébranlée les convictions. Mais réunir
les citoyens européens sous l’égide de la Culture et de ses valeurs rassembleuses semble être
toujours le projet majeur en cours, après les exigences primordiales du Marché Commun
européen.
Opérons un virage à 180°, pour nous tourner l’espace d’un instant vers l’extérieur, au-
delà de la seule Europe. Les Capitales européennes de la culture incarnent aux yeux du
Monde une certaine coopération et la communication d’une culture européenne, telle qu’elle
est prônée par les discours d’intention des organisateurs. Par ailleurs, aujourd’hui encore,
l’Europe reste dans l’imaginaire des citoyens du monde entier une mosaïque culturelle des
plus vivantes, aux attraits incontournables : faire son « voyage en Europe », pour les jeunes
australiens, coréens, canadiens, argentins… reste une expérience culturelle majeure. Nous
évoquons cela car au cours de nos questionnements, nous avons peu sondé ce qui fait la
particularité de l’Europe vue par les observateurs étrangers. Cette indication confirmerait
notre propos, qui est de rendre compte de la persistance du « modèle » idéologique et culturel
européen dans les esprits contemporains.
Les frontières culturelles se meuvent, se condensent sous le paradigme du numérique,
et l’on voit par exemple Courrier International relayer un récent article grec intitulé: « En
direct d’Athènes, nouvelle capitale du Monde »161
. C’est l’instantané d’une époque, la
sensation éphémère que tous les regards se tournent invariablement vers une seule et même
situation emblématique, pour tenter de la saisir avant qu’elle nous échappe. Car bien entendu,
Athènes n’est pas plus aujourd’hui qu’hier la capitale du monde, ni de l’Europe. Elle se
contente simplement de cristalliser les enjeux actuels d’une situation de crise européenne,
telle que nous avons tenté de la décrire : une fragilité économico-politique, la révolte d’une
jeunesse hyperconnectée aux désillusions grandissantes (la génération 700 euros), la
recherche d’un sens culturel et de valeurs humanistes pour reconstruire une société plus
équilibrée, au sein de l’Europe dont la Grèce ne souhaite pas se défaire.
Il nous apparait alors que dans cette volonté de repenser l’Europe de façon collective,
se joue, pour les individus qui se sentent y appartenir et s’y reconnaissent, la pratique de leur
161
http://www.courrierinternational.com/article/2011/11/07/en-direct-d-athenes-nouvelle-capitale-du-monde
[consulté le 06/01/12]
110 | P a g e
citoyenneté européenne. Cette situation est fragile car le sentiment d’appartenance à l’Europe
est tout sauf évident, comme nous l’avons évoqué longuement. Cependant, si l’Europe est née
d’une idéologie et cherche aujourd’hui de nouvelles façons d’impulser un souffle commun,
elle nous semble s’incarner dans le principe de multiculturalité, de fait. Pour la Génération Y,
cette multiculturalité est mise en pratique, expérimentée in-vivo à travers le programme
Erasmus, que nous avons évoqué dans cette étude. C’est l’un des projets européens les plus
significatifs sur notre analyse du sentiment d’appartenance à l’Europe observable en pratique.
Si l’on tente désormais de répondre à notre problématique, qui était de savoir quel
sentiment d'appartenance entretient la jeune génération européenne des Digital natives, avec
les notions de territoire, de citoyenneté et de culture européenne, et dans ce cadre, quel est le
rôle des Capitales Européennes de la Culture, nous pouvons esquisser quelques éléments de
réponse.
Nous nous sommes approchés des Capitales Européennes de la Culture comme d’un
objet permettant d’analyser la mise en pratique du discours culturel de l’Europe, en tant
qu’institution. Les discours et les intentions nous sont apparus révélateurs d’un projet
spécifique, et l’état des lieux de ces prises de position nous permet de mettre à jour et cerner
ce projet. Ce qui nous a intéressés est ce que véhicule cet effort pour les jeunes générations
que nous avons interrogées dans le cadre de notre enquête à Marseille. Les résultats de nos
différentes questions sur le projet culturel de l’Europe font émerger, comme nous l’avons vu,
un décalage significatif entre les intentions européennes et leur réception ou leur
appropriation par la population.
C’est ce qui fait sens ici, dans notre étude du sentiment d’appartenance à l’Europe.
Mais en approchant le dispositif de Capitale européenne de la culture, la notion de territoire
s’est imposée comme un élément-clé de la réflexion croisant participation citoyenne aux
projets culturels de l’Europe et sentiment d’appartenance au continent. Le sentiment
d’appartenance à l’Europe ou l’absence de ce sentiment semble lié à l’appropriation (ou non)
de ses projets culturels, l’implication (ou non) des populations dans des projets véritablement
citoyens et non seulement institutionnels. A ce stade, notre analyse des technologies du
numérique et de leur mobilisation, laisse apparaitre un constat mitigé quant à ces initiatives.
111 | P a g e
L’approche des technologies du numérique a été nécessairement à prendre en compte,
du fait de notre analyse, dans cette étude, de la génération des Digital natives. Nous nous
sommes aperçus que les technologies du numérique n’étaient pas systématiquement
mobilisées par les projets européens, notamment les réseaux culturels et les programmes des
Capitales européennes de la culture. Lorsque c’était le cas, l’utilisation de celles-ci ne
semblait pas avoir pour objectif premier d’impulser un sentiment d’appartenance à l’Europe
de façon directe. Cependant, indirectement, certains médias comme cafébabel.com, ou
certains projets menés dans le cadre des Capitales européennes de la Culture accordent aux
technologies du numérique une intention de véritable outil citoyen. Outil d’expression, de
participation directe, et de constitution par ces deux modalités d’un espace partagé voué à
construire une « mémoire commune » à son échelle.
En observant l’usage de ces outils par les jeunes générations, on peut distinguer un
usage réel d’une participation citoyenne aux sujets de société les concernant. Ces initiatives
sont souvent citoyennes et non institutionnelles. A travers ces usages des technologies du
numérique, la notion de territoire symbolique se mêle à celle de territoire physique, créant une
nouvelle modalité à analyser, celle du cyberespace. Notre réflexion sur ce sujet s’est
constamment frottée à notre propre implication, de fait, dans cette génération des digital
natives. Mais si cette étude relève d’une approche inévitablement endotique, il nous a semblé
important de laisser la place à l’enquête que nous avons menée à Marseille. Pour éclairer
notre propos, il était essentiel d’interroger ceux de digital natives qui ne se positionnaient pas
instantanément comme faisant partie de cette génération, la plupart ne connaissant d’ailleurs
pas ce terme.
A l’issue de cette recherche, si la citoyenneté européenne nous apparait comme un
élément en construction permanente, il semblerait que les actions culturelles telles qu’elles
sont pensées aujourd’hui, (via la coopération interculturelle ou les médias numériques) soient
l’une des clés mobilisées pour embrayer une dynamique de participation citoyenne. Les
Capitales européennes de la Culture en sont certainement l’un des emblèmes les plus
significatifs, porté par les instances européennes et les villes. Mais elles ne suffisent pas en
elles-mêmes, à impulser des pratiques citoyennes autour de la culture européenne. Une
véritable participation ne semble possible qu’au travers d’initiatives menées sur le terrain,
portées par des acteurs locaux, on l’on s’est attachés à observer comment ces initiatives
pouvaient prendre appui sur les outils numériques, pour impliquer les Digital natives.
112 | P a g e
113 | P a g e
GLOSSAIRE
Ce glossaire regroupe les notions que nous avons utilisées au cours de la rédaction de
ce mémoire, et que nous avons jugées utile de définir. Ces termes ont parfois de multiples
significations, ou relèvent de champs de recherche spécifiques qu’il s’agit pour nous de
préciser.
Activiste : On parle d’activiste pour désigner un individu qui cherche à se montrer efficace.
Sur le web, il s’agit plus particulièrement de l’internaute qui utilise les outils numériques de
façon à agir pour une cause qui lui tient à cœur.
Capital culturel : Est défini ainsi, l’ensemble des ressources culturelles que possède un
individu. Cet ensemble comprend non seulement une culture matérielle, mais aussi et surtout
immatérielle : les traditions, l’oral… Le capital culturel s’inscrit dans le temps.
Culture : La pluralité de définitions et d’enjeux qui existent autour de la notion de culture, la
rendent difficile à comprendre. Est désigné ainsi de façon générale, ce qui est commun à une
communauté d’individus, et qui permet à celle-ci d’être unie et de se reconnaitre.
Démocratie participative : Il s’agit d’utiliser des dispositifs permettant aux citoyens de
s’impliquer davantage dans la vie démocratique de leur société : cela leur permet entre autre
de se sentir plus responsables et d’être plus actif lorsqu’une décision doit être prise On donne
voix aux citoyens plus directement.
Digital Native : L’expression a été inventée au début des années 2000 par Marc Prensky,
pour désigner la génération des jeunes qui ont grandi avec l’informatique et Internet. On
utilise ce terme, en particulier lorsqu’il s’agit d’individus dont le mode de vie est animé par le
Web 2.0.
Fracture numérique : Ce terme est employé pour désigner l’inégal accès aux TIC (les
différentes technologies comme les ordinateurs, les téléphones portables…) dans les sociétés.
Il s’agit de faire ressortir une différence qui est parfois source de division au sein de
114 | P a g e
communautés, ou entre différentes communautés comme les pays : les pays d’Europe et les
pays d’Afrique du sud par exemple, n’ont pas du tout le même accès.
Génération : Il s’agit d’un terme qui désigne à la fois une succession d’individus (comme la
génération du « baby-boom », mais aussi une succession d’objets ou de groupes d’objet (la
génération des Smartphones par exemple). Cette succession est à mettre en relation avec la
notion de temps. Elle témoigne d’évolutions et de changements.
Génération Y : Il s’agit d’une expression désignant les personnes nées entre 1978 et 1994,
qui ont grandi avec un certain nombre d’évolutions caractéristiques du nouveau millénaire,
telles que : le numérique, le SIDA ou encore le réchauffement de la planète. Nous l’utilisons
aussi pour définir plus largement, la nouvelle jeunesse européenne.
Label : On parle de Label pour désigner une marque se caractérise par des signes qui lui sont
propres : un nom ou un logo par exemple. Le label permet à un produit de trouver une identité
qui soit reconnaissable, et qui le représente. L’Europe par exemple, est notamment symboliser
par son drapeau.
Multiculturalisme : Principalement utilisée dans les recherches scientifiques liées aux
sciences humaines et sociales, cette notion est rattachée à de nombreuses acceptations. Il
s’agit entre autres dans ce mémoire, de l’idée qu’un territoire symbolique (UE, pays…) est
reconnu comme un espace où coexiste une multitude de cultures. On parle donc de diversité
culturelle comme richesse d’un territoire que la société essaie de préserver. Le
multiculturalisme s'articule avec le principe de l'égalité de droits des individus
Multiculturalité : La multiculturalité désigne plus largement, le simple fait qu’il existe, au
sein de groupes communautaires (territoires…) des différences entre les individus, liées à leur
culture et leurs pratiques (religieuses…). La multiculturalité désigne un fait culturel
observable (des différences) et le multiculturalisme s’intéresse aux lois et à la gestion mise en
place pour les faire perdurer.
Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) : Ce terme
désigne les problématiques liées aux techniques (en particulier numériques, web…) qui
permettent la transmission d’informations. On parle de « nouvelles » technologies pour
115 | P a g e
désigner le processus qui consiste aujourd’hui pour les institutions, à intégrer celles-ci dans
leurs politiques.
Open Data : Il s’agit de données ouvertes et libres de droits, pouvant être utilisées par tout le
monde. Le but est donc de rendre accessible des informations à l’ensemble des internautes.
Union Européenne : Il s’agit d’un regroupement communautaire d’Etats Européens qui met
en place des actions communes, en matière de politique et d’économie notamment. L’Union
Européenne compte 27 pays membres.
Web 2.0 : Cette notion désigne l’évolution qu’a connue Internet depuis sa création : cette
évolution se traduit par la multiplicité des supports (smartphones, tablettes, ordinateurs…) et
la facilité qu’elle suscite auprès des internautes, pour interagir et partager. On parlera d’une
dynamique nouvelle favorisée par de nouvelles technologies et des individus connectés.
116 | P a g e
BIBLIOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE
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122 | P a g e
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Carnet d’enquête…………………………………………………………………p.123
Annexe 2 : Principales dates historiques de la construction de l’Europe………………p.158
Annexe 3 : Tableau des Capitales Européennes de la Culture de 1985 à 2020…… …p.161
Annexe 4 : Brève analyse démographique et territoriale de Marseille……………….…p.164
Annexe 5 : Présentation de Bernard Latarget et discours à propos de Marseille……...p.165
Annexe 6 : Schéma de stratégie numérique de Marseille-Provence 2013…………….p.167
123 | P a g e
Annexe 1 : Carnet d’enquête.
« Digital Natives et sentiments d’appartenance aux territoires »
Comment le rapport à la ville influence-t-il la perception qu’ont les Digital Natives des
initiatives culturelles européennes ?
I. Présentation
Cette enquête, intitulée « Digital Natives et sentiment d’appartenance aux
territoires »162
, tente de faire travailler les concepts énoncés avec la notion de Capitale
Européenne de la culture. Les Digital Natives sont les membres de la génération née alors que
les technologies numériques étaient développées et accessibles.
La rencontre avec M. Tropéano, notre commanditaire, a mis en lumière trois postulats
qui ont été les vecteurs de notre projet d’enquête :
La jeunesse est l’élément décisif de la volonté de créer des projets culturels européens
globaux.
Marseille Provence 2013 est un tournant dans l’histoire des Capitales Européenne de
la Culture, non seulement par la taille du projet mais aussi par son ancrage dans la
culture numérique. Cette culture est présente jusque dans la conception du projet, avec
la communication 360° par exemple.
La création d’un sentiment d’appartenance à l’Europe, voulue par les gouvernances
des Capitales Européennes de la Culture, est attisée chez les habitants par l’utilisation
d’éléments ancrés sur le territoire investi. Nous avons vu que les équipements et
organisations culturelles du territoire marseillais font partie intégrante du projet
Marseille Provence 2013.
Forte de ces trois éléments de questionnement, notre équipe a donc décidé de mener
une enquête auprès de la jeunesse marseillaise à travers cinq thèmes :
La provenance, couplée à l’encart sociologique.
162
Nous nous permettons de mettre Territoires au pluriel car nous tenterons de travailler sur les notions
de territoire de proximité, la ville, de territoire national et de territoire Européen
124 | P a g e
Les habitudes territoriales, afin de comprendre le rapport que l’interrogé entretien avec
sa ville de résidence, Marseille.
Le rapport à l’Europe, dans le but de faire un état des lieux de l’idée que les interrogés
se font du fait d’être Européen.
Les habitudes liées aux nouvelles technologies, pour faire comprendre en quoi ces
dernières influencent le rapport aux territoires.
Enfin, Marseille Provence 2013 qui n’est évoqué qu’en fin de questionnaire afin de ne
pas influencer les réponses précédentes.
L’objectif premier de notre enquête est donc de comprendre la relation entre les
Digital Natives et les différents territoires auxquels ils sont confrontés. Pour cela, notre étude
a voulu s’enrichir de plusieurs questions d’opinion afin de les coupler avec les réflexions et
recherches théoriques développées tout au long de ce mémoire. Les différents croisements de
résultats d’enquête permettent une analyse des indicateurs « directs » (sentiments ou opinion)
et des indicateurs « indirects », c’est-à-dire des indicateurs qui donneront des informations sur
l’interrogé par déduction163
.
II. Méthodologie
L’enquête a cherché à convoquer le « sens vécu164
» des pratiques mais aussi des
idéologies sur les thèmes proposé. En utilisant la méthode du questionnaire sans modalité de
réponses, nous voulons laisser les interrogés se définir eux-mêmes au sein de leurs pratiques
et opinions mais également laisser libre la définition de certains concepts.
Exemple: « Si vous deviez définir l’Europe en quelques mots ? » suivie de « Vous sentez vous
Européen ? ».
L’enquête est ici Qualitative : elle ne prétend en rien offrir une vision globale de la
réception des notions étudiées par la jeunesse marseillaise. L’objectif est de montrer des
relations entre les pratiques territoriales, la relation vécue avec la notion d’Europe et
l’utilisation des technologies numériques. François de Singly défini quatre transformations du
163
LAZERFELD, Paul, Le vocabulaire des sciences sociales, Paris, Mouton, 1965 164
DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand
Colin, 2005
125 | P a g e
réel pour atteindre l’objet de l’enquête, c’est-à-dire pour transformer un questionnement
d’ordre réel en quantité de données analysables sociologiquement :
-La délimitation des termes de la question de recherche par leur définition ou la construction
de l’objet. C’est-à-dire la distance entre l’objet réel et l’objet construit par le sociologue avec
un haut degrés d’explication.
-La sélection des éléments jugés pertinents par rapport à la question. La différence entre
entretien semi dirigé (sens subjectif) et questionnaire (sens objectif) est que la sélection est
faite respectivement par l’interrogé ou le chercheur. Les hypothèses se créent par logique de
transfert, par détournement d’une problématique ou de l’étude d’un objet comparable.
-Le tri par codage et recodage de l’information
-La lecture d’une partie seulement des données, l’enquête fonctionnant comme un jeu de
construction
Population
La population visée par l’enquête doit avoir ente 30 et 12 ans pour correspondre à la
définition des Digital Natives. Nous avons dû réduire cette tranche d’âge en allant uniquement
jusqu’à 14 ans, afin de pouvoir interroger des adolescents ayant accès aux technologies
numériques de façon plus personnelle. L’équipe désirait également que les interrogés aient
des compétences encyclopédiques permettant une réflexion sur l’Europe. Ce sujet est abordé
au collège à partir de la Sixième. En sachant que les adolescents de 14 ans sont en majorité en
Quatrième, l’équipe prend le parti de penser que ces deux permettent de constituer un bagage
et une réflexion. L’échantillon utilisé est donc aléatoire: c’est-à-dire un « tirage au sort » dans
une population de référence.
Dates de naissance des interrogés :
1981 1 interrogé 1987 3 interrogés 1993 1 interrogé
1982 1 interrogé 1988 4 interrogés 1994 2 interrogés
1983 Pas d’interrogés 1989 4 interrogés 1995 5 interrogés
1984 2 interrogés 1990 Pas d’interrogés 1996 Pas d’interrogés
1985 Pas d’interrogés 1991 1 interrogé 1997 2 interrogés
1986 3 interrogés 1992 2 interrogés TOTAL 31 interrogés
126 | P a g e
Tableau Modalisa
Sexe des interrogés
`
Sans taux de non réponse
Nous arrivons à une proportion équitable
d’homme et de femmes sans prendre en
compte le taux de non-réponse. Les
questionnaires ayant été passés sous forme
de discussion, le taux de non-réponse est donc dû aux aléas du travail d’enquêteur.
127 | P a g e
Croisement sexe / âge
Terrain
Le terrain étudié est la cité de Marseille, et ses habitants. Ce territoire n’est pas le seul
concerné par le projet Marseille Provence 2013 (Arles, Aix…), L’équipe de recherche a
cependant fait le choix de se concentrer sur la deuxième ville de France pour pouvoir
interroger des habitants d’une grande ville sur la notion de capitale. La différence de taille
entre Paris et les autres villes et villages concernés par Marseille Provence 2013 aurait fait
pencher le questionnement vers cet unique facteur de différenciation. L’échantillon tente de
répondre à une certaine hétérogénéité des quartiers de provenance des interrogés. On passant
les questionnaires dans des lieux fréquentés tels que l’Université, la Gare Saint Charles ou le
cours Jullien.
Échantillon classé par arrondissement de résidence165
:
Les non-réponses représentent trois
interrogés vivant tous en banlieue de
Marseille, à Rognac.
Nous pouvons remarquer que les deux
derniers
Arrondissements de Marseille, qui
correspondent au huitième et dernier secteur
de la ville « Les Quartiers Nord », ne sont
pas représentés. Les quartiers les plus
concernés par les transformations
territoriales (construction d’équipements
culturels, réhabilitation) sont les suivants :
Le vieux port, La Joliette, Le Pharos. Nous
165
cf Annexe 1
128 | P a g e
pouvons remarquer que deux majorités se dessinent, le premier arrondissement et le dixième.
Le premier s’explique logiquement par le fait qu’une partie de la passation ait été effectuée
dans le Quartier Saint Charles.
Passation
La passation a été effectuée le 3 Décembre 2011 entre 12h et 16h pour la majorité des
questionnaires (25). Pourtant, cette enquête a voulu intégrer un des objets de recherche : les
nouvelles technologies. Pour ce faire, Skype, logiciel de communication via web Cam, a été
utilisé pour la passation de six questionnaires. Les interrogés vivent à Marseille et se
trouvaient sur leur lieu de résidence au moment de l’échange. Les cinq enquêteurs chargés des
deux formes de passation ont suivi les mêmes règles :
Présenter la recherche comme une enquête universitaire, ayant pour but de fournir des
données sociologiques qui ne seront en aucun cas utilisées à des fins commerciales.
Assurer l’anonymat de l’interrogé.
Ne pas évoquer la notion de Digital Native avant la question la concernant.
Ne pas évoquer le projet Marseille Provence 2013 avant la cinquième partie du
questionnaire afin de ne pas influencer les réponses.
Recueillir les réponses des interrogés de façon orale et ne pas lui faire lire les
questions ou remplir lui-même le questionnaire.
Exprimer à l’interrogé que la recherche demande des réponses rapides et instinctives
afin de se rapprocher le plus possible de l’opinion sincère, sans réflexion préalable.
Cette méthode laisse espérer frôler les sentiments des jeunes habitants de Marseille
pour mieux comprendre une notion aussi abstraite que le sentiment d’appartenance.
Constitution du Questionnaire
Le questionnaire ici présenté est celui utilisé pendant la passation. Nous le
reprenons afin d’expliciter certaines questions et de mettre en lumière les indicateurs de
recherche. La cohérence de ce questionnaire ne peut-être complète sans la compréhension de
l’importance des croisements. JP Michelet, avec le chercheur Raymond Boudon, détermine
l’indice énumératif166
: plusieurs indicateurs travaillent entre eux, le chercheur ne doit pas
traiter chaque question comme étant une variable indépendante.
166
Le vocabulaire des Sciences sociales, Paris, Mouton, 1965
129 | P a g e
Questionnaire
"Jeunesse et sentiment d'appartenance aux territoires"
Nous sommes étudiants en Master Stratégie de Développement culturel à l'Université
d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Nous menons une enquête sur Marseille et ses habitants
dans le cadre d'une étude sur les jeunes marseillais et leur attachement aux différents
territoires que sont La ville, la région, le pays ainsi que l'Europe. Merci de répondre à nos
questions de la manière la plus instinctive et franche ! Vos réponses resteront évidement
anonymes.
Provenance (encart sociologique)
Sexe:
Quelle est votre année de naissance ?
Dans quel quartier de Marseille habitez vous ?
Depuis combien de temps habitez vous à Marseille ?
Où avez-vous grandi ?
Rq : Les deux derniers indicateurs présentés (la mobilité et le passé géographique),
une fois utilisés dans un tableau croisé, permettront d’analyser le rapport au territoire de
façon plus subtile que la simple considération du lieu de résidence. En interrogeant l’origine
et la mobilité, le but n’est pas d’enfermer les gens dans un groupe initial mais de prendre en
compte la dimension dans leur histoire. Le passé familial a une importance explicitée par des
travaux comme ceux de Laurent Mucchielli sur les meurtriers167
.
Quelle est votre activité ?
Où vous voyez vous passer votre vieillesse ?
Rq : Selon François de Singly168
, les questions de cette première partie veulent construire une
identité sociale à l’interrogé pour établir un « rapport de causalité entre pratique étudiée et milieu social ».
l’auteur ajoute que le social comprend aussi les représentations, le discours, ce qui explicite notre
démarche dans les questions de définition des notions.
167
Les caractéristiques démographiques et sociales des meurtriers et leurs victimes. Population, vol 59, n°2,
2004 168
DE SINGLY, François, L’enquête et ses méthodes : Le questionnaire, 2° édition refondue, Armand
Colin, 2005
130 | P a g e
Habitudes territoriales
Quelles sont les deux dernières visites que vous avez effectuées dans la région ?
Sortez-vous souvent de la région ?
Pour quelle raison principalement ?
Rq : Ces trois questions ont pour but de créer des indicateurs permettant d’analyser
les habitudes culturelles par rapport aux territoires. La dernière question permet de mesurer
la place du culturel dans les déplacements selon les réponses données.
Participez vous à des activités connotées territorialement? (dites "typiques" comme de
la danse provençale, du foot sous les couleurs de Marseille, de la pétanque?)
Rq : Notre équipe a éprouvé la nécessité d’expliciter quelle information nous voulions
atteindre, les termes « activités connotées territorialement » ou « typique » n’étant pas assez
clairs, et réducteur pour le second, utilisés sans exemple.
Que pensez vous de la vie touristique de Marseille ?
Rq : Jeannine Richard-Zappella169
pointe le fait qu’introduire une question par
« Pensez-vous-Trouvez-vous/Estimez vous- Diriez vous » change la perception qu’a
l’interrogé. Les mots introductifs doivent être réfléchis.
Qu’est ce qu’être Marseillais signifie pour vous ?
Vous sentez vous Marseillais ?
Rq : Ces questions permettent à l’interrogé de définir une notion d’appartenance et
ensuite de se positionner en tant qu’être social par rapport à cette notion. Laisser le
champ libre à toutes les réponses possibles permet à l’analyse de créer des modalités
uniquement à l’encodage du questionnaire et atteindre une précision réduisant au
possible la distance entre l’objet sociologique et le réel.
169
Sociolinguistique, Paris, Minuit, 1976
131 | P a g e
L'Europe et vous :
Avez-vous visité d'autres pays d'Europe? Lesquels? Quelles villes principales avez-
vous visité ?
Rq : Cette question permettra d’offrir deux indicateurs : un quantitatif (le nombre de
pays visité) qu’il sera possible de rapprocher de la vision de l’Europe, et un qualitatif (les
villes) qui pourra être croisé avec la question « Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez
vous la plus attractive culturellement? » dans la dernière partie.
Si vous deviez définir l'Europe en quelques mots ?
Vous sentez vous Français ?
Vous sentez vous Européen ?
Rq : Nous pouvons faire ici la même remarque que pour les questions concernant la
définition de la notion de Marseillais dans la partie précédente.
Quels avantages voyez vous à être citoyen Européen ?
Pensez vous qu'il existe une culture Européenne? Comment la définiriez-vous ?
Quels pays aimeriez-vous voir entrer dans l'Europe ?
Que pensez vous de la crise de la Grèce par rapport à l'Europe ?
Rq : Ces quatre questions permettront d’offrir une vision de la relation de
l’échantillon avec des notions développées dans le mémoire : la citoyenneté
européenne, que nous avons défini comme étant de fait, l’existence d’une culture
européenne et enfin les relations entre les autres pays européens. Les réponses étant
toujours libres, nous pourrons obtenir des réponses pouvant aider la réflexion sur ces
notions abstraites et sujettes à polémique.
Avez-vous déjà participé au programme Erasmus ? (marquez s’ils ne connaissent pas)
Rq : Cette question permet de mesurer la popularité d’une initiative appliquée à tous
les pays d’Europe.
132 | P a g e
Nouvelles technologies
Possédez vous un ou plusieurs appareils qui vous permettent d'aller sur le Net ? Lesquels ?
Quelles sont vos utilisations principats du net ?
Utilisez vous les réseaux sociaux ? A quelle fréquence ?
Suivez vous l'actualité mondiale grâce à Internet ?
Rq : Ces questions vont permettre de dresser un portrait sociologique des
interrogés à travers le prisme des pratiques numériques. La dernière question citée
permet de donner un point de réflexion aux théories exprimant le fait que la facilité
d’accès à une multitude d’informations mondiales éloigne l’individu des
préoccupations territoriales de proximité.
Savez-vous ce qu'est un « digital native » ? Pouvez-vous l'expliquer en quelques mots ?
Marseille Capitale Européenne de la Culture
Quelle est pour vous la différence entre ville et capitale ?
Que pensez vous lorsque vous entendez « Capitale Européenne de la Culture » ?
Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez vous la plus attractive culturellement ?
Que pensez vous du projet Marseille Provence 2013 ?
Pouvez-vous citer une activité du projet MP 2013 ?
Vous sentez vous concernés par le projet ?
Encodage :
Notre équipe a pris la décision de procéder à la passation de ce questionnaire de façon
à avoir les opinions premières et instinctives des interrogés. Le questionnaire est donc
principalement composé de questions ouvertes. Certaines questions concernant les opinions
ou les pratiques des interrogées sont des questions fermées afin de produire des données
strictes. La généralisation étant un des pièges fondamentaux du travail d’enquête, cette étude
tentera de l’éviter en accompagnant les données obtenues par des questions fermées par des
données encodées.
133 | P a g e
Ex : « Vous sentez vous marseillais ? » avec les modalités de réponse OUI ou NON pourra
être croisé avec les réponses en texte libre de la question « Qu’est ce qu’être marseillais
signifie pour vous ? ».
La méthode appliquée pour encoder les réponses recueillies est la suivante : tous les
questionnaires ont été lus afin de dresser une liste des réponses de chaque question ouverte.
Ces réponses, si leur nombre était trop grand, ont ensuite été rassemblées en groupe
significatif afin de pouvoir analyser les données en découlant. Le logiciel MODALISA a
enfin été utilisé afin de produire des résultats. Cette méthode tente de respecter les différentes
réponses des interrogés mais également de les transformer en données exploitables, dans des
tableaux de tri croisés par exemple. Les questions qui offraient des réponses en nombre plus
réduit ont parfois été reformulées afin de correspondre aux termes de notre recherche dans sa
globalité. Ce parti prit permet de rapprocher des données recueillies sur le territoire
Marseillais et les recherches documentaires et scientifiques qui ont été faites par notre équipe.
Les tris à plat suivant ont tous été réalisés grâce au logiciel MODALISA. Les premiers
concernant le sexe, l’âge et l’arrondissement de résidence ont été présentés précédemment
dans ce carnet d’enquête, ils seront cependant utilisés dans les tris croisés. Nous nous
permettrons certaines remarques à la suite des tableaux afin d’expliciter certains choix faits
lors de l’encodage ou de préciser des réponses.
Résultats d’enquête en tri à plat
Depuis combien de temps habitez vous à Marseille ?
De 5 à 10 de 11 à 15 de 16 à 20 de 21 à 25
134 | P a g e
Nous pouvons voir que deux majorité se dégage, les interrogés vivant à Marseille
depuis moins de cinq ans, et les interrogés natif de la ville. Nous pouvons imaginer que selon
l’âge des interrogés la mobilité est due aux études ou au milieu professionnel.
Où avez-vous grandi ?
Encodage : les tranches par années sont utilisées si l'interrogé n'a pas toujours vécu à
Marseille. À titre d’exemple, si une jeune femme de 16 ans à toujours habité à Marseille, sa
réponse sera enregistrée dans 'depuis toujours' et non dans 'de quinze à vingt ans'. Ces
données permettent d'introduire plus de subtilité dans l'analyse des données se rapportant au
territoire et au sentiment d'appartenance.
Voici les provenances étrangères citées par les interrogés : Bosnie, Maroc, Brésil et Guyane
française. Nous pouvons remarquer qu’aucunes de ces provenances ne sont européennes.
Nous pouvons également voir que la proportion aillant grandi dans le sud de la France
(province de Marseille et autres localités dans la région PACA), c’est-à-dire 36,3% est
inférieure à celle ayant grandi dans le Nord.
Quelle est votre activité ?
135 | P a g e
Encodage : Les non-réponses correspondent aux interrogés en recherche d’emploi.
Où vous voyez vous passer votre vieillesse ?
Encodage : Les réponses des interrogés ont été retravaillées afin de devenir des
données exploitables. Le but est de croiser ces informations avec celles qui sont données sur
le lieu d’enfance et sur le temps vécut à Marseille afin de voir se dessiner une proportion de
personnes très fortement attachée au territoire de Marseille. La modalité « ailleurs en
France » est souvent représentative d’une réponse type « pas à Marseille » (4/5 interrogés)
Voici quelques exemples de lieux donnés par les interrogés concernant les deux dernières
modalités : « Campagne en Europe », « Dans une grande ville européenne », « Japon »,
« Hawaï » et «Un monastère tibétain ».
Habitudes territoriales
Quelles sont les deux dernières visites que vous avez effectuées dans la région ?
Encodage : Les interrogés pouvaient citer deux réponses. Le logiciel ne tenait pas
compte de la seconde réponse lorsqu’il s’agissait de la même modalité. Par exemple, les
interrogés qui avaient cité Aix-en-Provence et Arles n’étaient enregistrés qu’une seule fois
sous la modalité « ville touristique »
136 | P a g e
Ces données permettent d’éclairer les attraits culturels et patrimoniaux de l’échantillon. On
pourra alors mettre en relations ces attraits avec l’intérêt pour Marseille Provence 2013. Voici
quelques équipements culturels et patrimoniaux Marseillais cités : Le Musée Nautique, Le
Musée d'Histoire de Marseille, L’abbaye Saint Victor, Le Squat pont à bascule, Le Marché de
Noël, Les Jardins Longchamp, Le Docks des Suds.
Sortez-vous souvent de la région ?
Nous pouvons remarquer que la majorité des interrogés répondent un « non » catégorique.
Nous pouvons penser que les revenus réduits de la génération interrogée explique ce
phénomène. Nous pouvons témoigner de plusieurs réflexions exprimant le manque de moyens
pour voyager. Ce n’est donc pas représentatif de l’attachement au territoire.
Pour quelle raison principalement (sortez vous de la région) ?
Encodage : Les non-réponses correspondent ici à 91,3 % aux personnes ayant
répondu « Non » à la question précédente
Nous voyons sur ce tri à plat que les sorties de la région PACA à but culturelles sont aussi
représentées que les sorties pour visiter des amis
.
137 | P a g e
Participez vous à des activités connotées territorialement ? ( dites "typiques" comme de la
danse provençale, du foot sous les couleurs de Marseille, de la pétanque ?)
Encodage : les non-réponses correspondent aux interrogés ayant répondu « Non » et aux
non-réponses de la question précédente.
Que pensez vous de la vie touristique de Marseille ?
Encodage : Les modalités ont été créées afin créer des classes analysables. Nous avons
donc effectué une « traduction » des réponses des interrogés. Les interrogés pouvaient donner
deux réponses.
138 | P a g e
Nous pouvons voir que les adjectifs positifs (« actif », « satisfaisant » et « festif’ )
représentent 34,4% des réponses face aux adjectifs négatifs (« dérangeant », « mal organisé »,
« inexistant ») qui, eux, représentent 43,8% . Nous pouvons préciser que la modalité « mal
organisé » couvre, par exemple, les commentaires « mal réparti selon les quartiers » et
« mauvais accueil des touristes ». La modalité « Dérangeant » était également explicitée par
« trop de touristes ».
Qu’est ce qu’être marseillais signifie pour vous?
La majorité qui se dégage ici exprime le fait qu’être marseillais signifie être né dans la ville.
Nous aurons plus de précisions sur cette notion en croisant cette question avec la question
suivante et la question concernant le lieu d’enfance.
Vous sentez vous marseillais ?
Une majorité des interrogés se disent ou se pensent appartenir à leur territoire de
résidence. L’autodéfinition offerte par cette simple question donne un aperçu d’un
déterminant identitaire fort. Cependant, il ne décrit pas que 58,1% des habitants se sentent
foncièrement appartenir à ce territoire mais que 58,1% de l’échantillon pensent pouvoir se
définir comme marseillais.
L’Europe et Vous
139 | P a g e
Quels pays d’Europe avez-vous visités ?
Voici les pays d’Europe cité, on peut remarquer que les interrogés citent l’Angleterre et la
Turquie, montrant ainsi que les frontières de l’Europe ne sont pas ancrées dans les esprits
comme les limites de l’Union Européenne. Les interrogés pouvaient donner jusqu’à quatre
réponses.
Nombre de pays d’Europe visités.
Encodage : cette question à été ajoutée afin de ne pas restreindre le nombre de visites
à quatre comme la question précédente. Nous nous apercevons du bien fondé de cette
question avec 12,8% des interrogés ont visité plus de quatre pays Européens.
140 | P a g e
Si vous deviez définir l'Europe en quelques mots ?
Encodage : L’équipe de recherche a ici pris la liberté d’une nouvelle fois « traduire »
les réponses des interrogés. La diversité des thèmes des réponses a été respectée, ce qui
explique le nombre élevé de modalités.
Nous pouvons voir que des définitions comprenant des termes du champ lexical de la
Culture, « Zone de culture partagée » et « Zone multiculturelle », couvrent 25,5% des
réponses.
Vous sentez vous français ?
Trois interrogés un sentiment comparable à celui de se sentir français : « marocaine »,
« méditerranéen », « marseillais ».
Vous sentez vous européen ?
141 | P a g e
Nous pouvons voir que dans les deux cas, une large majorité se dégage pour répondre par la
positive.
Quel avantage voyez vous à être citoyen européen ?
La « libre circulation des personnes » est, selon notre échantillon, l’atout le plus avantageux
de la condition européenne.
Pensez vous qu'il existe une culture européenne ?
Comment la définiriez-vous?
142 | P a g e
Nous pouvons remarquer que les définitions sont moins nombreuses que celles
données pour l’Europe. Ce fait s’explique peut -être par le pourcentage élevé d’interrogés
ayant répondu « Non » à la question précédente.
Quels pays aimeriez-vous voir entrer dans l'Europe ?
Encodage : La modalité « Aucun » précise lorsque l’interrogé semblait satisfait de la
formation européenne actuelle. Pourtant les non-réponses ne précisent pas si c’est également
le cas ou si les interrogés ne voulaient pas répondre à cette question.
Hormis la Turquie citée trois fois, toutes les modalités correspondent à un interrogé. On
constate une large diversité des types et des positions géographiques de pays cités.
Que pensez vous de la crise de la Grèce par rapport à l'Europe ?
143 | P a g e
Encodage : La modalité « prendre de l’expérience » exprime le fait que le cas de la
Grèce doit être analysé pour éviter une autre crise de cette ampleur dans un autre pays
d’Europe. La réflexion de certains interrogés laissait apercevoir une certaine inquiétude
concernant l’avenir économique de la France.
Notre étude a tenté ici de rattacher les questionnements empiriques travaillés à un fait
d’actualité non-culturel afin de faire définir un des rôles de l’Europe à travers un fait politique
exemplaire. Nous pouvons comprendre que plus d’un quart des interrogés (« non-réponse» et
« indifférent ») ne se sent pas concerné par cet élément actuel.
Avez-vous déjà participé au programme Erasmus?
Le programme Erasmus jouit, selon cette enquête d’une grande notoriété.
Nouvelles technologies
Possédez vous un ou plusieurs appareils qui vous permettent d'aller sur le Net ?
144 | P a g e
Lesquels ?
Encodage : Les interrogés pouvaient citer tous les appareils qu’ils possèdent.
A quelle fréquence utilisez vous les réseaux sociaux ?
En cohérence avec l’utilisation type des réseaux sociaux, la majorité des interrogés se
connecte « plusieurs fois par jour ».
Quelles sont vos utilisations principats du net ?
145 | P a g e
Malgré le fait que l’attachement aux réseaux sociaux est été évoqué à la question
précédente, la principale utilisation du net citée est « Réseaux sociaux/ communication ».
Suivez vous l'actualité mondiale grâce à Internet ?
En voyant que la question précédente nous a offert en seconde modalité représentée
« connaissance du monde », nous pouvons comprendre que le Net ouvre une porte exploitée.
Savez-vous ce qu'est « un digital native » ?
146 | P a g e
74,1% des interrogés, qui font partie de la génération Digital Native, ne connaissent
pas cette notion. Les huit définitions données sont similaires, nous avons voulu conserver les
termes précis. Nous pouvons remarquer qu’un seul d’entre eux se définit comme partie
intégrante de ce phénomène sociologique.
Marseille Capitale Européenne de la Culture
Quelle est pour vous la différence entre ville et capitale ?
Les définitions de « capitale » en tant que « centre des activités du pays » et « ville
représentative » de son pays montre le caractère prédominant que concède les interrogés à
cette appellation. Les deux interrogés répondant simplement « le nom » laisse penser que la
notion de Label peut avoir été intégrée chez certaines personnes.
Que pensez vous lorsque vous entendez « Capitale Européenne de la Culture » ?
147 | P a g e
38,6% des interrogés citent Marseille alors que le plan de communication de Marseille
Provence 2013 ne commence qu’à partir de Janvier 2012. Nous avons ici respecté les termes
des réponses.
Quelle ville d'Europe (visitée ou non) trouvez vous la plus attractive culturellement ?
Nous pouvons voir ici que Londres et Barcelone sont les premières villes citées. La
proximité géographique, et donc l’accès facilité, peut être un facteur exploitable s’il se
confirme lors du croisement avec les pays visités.
148 | P a g e
Que pensez vous du projet Marseille Provence 2013 ?
Nous remarquons ici que, toujours avant la mise en place de la communication de
Marseille Provence 2013 (fait relevé par trois interrogés), plus d’un tiers des réponses
exprime une satisfaction globale face à l’idée construite individuellement du projet.
Pouvez-vous citer une activité du projet MP 2013 ?
Plus de la moitié de l’effectif sont couvert par les non-réponses. Même si le projet
Marseille Provence 2013 est connu de notre échantillon, les détails de ses futures activités et
les travaux préalables sont peu remarqués. Nous pouvons voir que des amalgames sont faits
entre les projets Euromed et les équipements soutenus par Marseille Provence 2013, par
exemple « La réhabilitation du vieux port ».
149 | P a g e
Vous sentez vous concernés par le projet?
Les effectifs sont presque égaux entre les réponses positives et les réponses négatives.
Nous pouvons témoigner du fait que trois précisions nous ont été faites par trois interrogés se
sentant concernés : « oui, en tant qu'européen », « oui, c’est pari pour l'avenir », et « oui, en
tant que marseillais ».
Tableaux croisés (en pourcentage)
Quartier de résidence / Intérêt (Margaux)
Même si les chiffre de ce croisement n’offre pas une analyse significative, nous pouvons tout
de même remarquer que :
-Le 2eme arrondissement, qui contient le quartier de la Joliette, un des quartier les plus
transformé par les projets suivis par Marseille, offre le même taux d’intérêt et de désintérêt.
150 | P a g e
On peut donc penser que les transformations n’implique pas forcement les habitants dans le
projet.
-Pourtant les 4eme, 5eme, 6eme, 7eme et 10ieme eux aussi touchés par des transformations
déjà visibles, n’offrent pas de réponse négative.
-Enfin, ce sont uniquement dans les secteurs de Marseille (8eme arrondissements et suivants)
les plus excentrés que la population en connaît pas forcément le projet.
Années passées à Marseille/ lieu imaginé pour la vieillesse
Représentatif de l’attachement au territoire, ce croisement (ici avec les non réponses exclues)
montre deux faits intéressants :
-La majorité qui se dégage concerne les natifs de Marseille (« depuis toujours ») qui
s’imagine vieillir dans leur ville natale. Plus de la moitié de ces natifs (63, 6%) souhaite finir
sa vie dans la seconde ville de France. Ce chiffre montre un véritable sentiment
d’appartenance au territoire Marseillais.
-On peut également voir que le second pourcentage visible (14,8%) concerne les résidents de
Marseille qui ne sont sur le territoire que depuis moins de cinq ans et qui précise qu’ils ne
voudront surtout pas vieillir à Marseille « ailleurs en France ». Les premières années dans la
ville de Marseille, selon notre échantillon, ne propose pas un « coup de foudre » sur la ville.
On peut donc voir qu’en corrélation avec la définition que notre échantillon a le plus proposé
concernant le fait d’être « Marseillais », les natifs conservent un sentiment profondément
positif contrairement aux nouveaux arrivants.
(Nous avons tenté de croiser les données des années passées à Marseille avec la vision qu’ont
les habitants du Tourisme. Ce croisement ne donne pas de données exploitables, ce qui peut
être également compris comme le fait que le tourisme n’est pas en cause dans la non volonté
de rester à Marseille.)
151 | P a g e
Nombre de sortie de la région PACA / Raisons de sortie dans la région
Nous pouvons voir avec ce croisement que les personnes qui sortent de la région entre une et
plusieurs fois par an le font, à pourcentage égal, pour des raisons familiales (22 ,2%) et pour
des activités touristiques (22,2%). Le potentiel attractif du tourisme en France pousse donc à
une certaine mobilité.
-Pourtant, nous pouvons également remarquer que le motif le plus fort de sortie de la région
plusieurs fois par an est celui des visites amicales. La forte mobilité des jeunes en France
(études, premier emploi…) explique peut-être ce phénomène.
-Les interrogés qui disent ne jamais sortir de la région le font exclusivement pour des raisons
familiales. Nous rappelons que c’est cette dernière raison qui pousse principalement à une
mobilité hors PACA, quelque soit sa fréquence.
Sorties PACA / Années passées à Marseille
En croisant ces deux indicateurs, nous pouvons voir que 55,5% des personnes ayant toujours
habité à Marseille répondent ne jamais sortir de la région. Les pourcentages sont égaux pour
les nouveaux arrivants entre une mobilité nulle et des sorties plusieurs fois par an. Cette
dernière donnée, liée au tableau précédent montre que c’est l’intérêt familial qui pousse
encore à cette égalité.
152 | P a g e
Pratique d’activités typiques / Années passées à Marseille
Ce tableau montre que la non pratique d’activités dites typiques prime toujours, quelque soit
le temps passé sur le territoire Marseillais, que se soit pour les Natifs et les nouveaux
arrivants. Il est donc notable que l’ouverture et même la demande d’autres activités que celles
connotées territorialement sont exploitables par les commanditaires d’événements ou
manifestations culturelles et sportives.
Signification de marseillais/ Se sentir marseillais
Il est intéressant de se pencher ici sur les raisons qu’ont les interrogés de ne pas se sentir
marseillais. Le fait qu’ils ne soient pas nés ici couvre 37,5% des personnes déclarant ne pas se
sentir appartenir à cette communauté géographique. Ce chiffre relève d’une logique que nous
avons déjà soulignée dans les croisements précédents. Mais nous pouvons comprendre ici que
la géographie n’est pas le seul facteur car le même pourcentage de personne ayant répondu
non au fait de se sentir Marseillais le fond en définissant cette notion par l’affectif. Ces
interrogés définissent l’appartenance comme découlant d’un sentiment d’affection, qu’ils
n’ont pas à l’égard de Marseille.
Se sentir Européen / Définition de l’Europe (Coralie)
153 | P a g e
Ce croisement nous montre une étonnante égalité entre les pourcentage, signifiant que toutes
les raisons sont d’importance égale pour se sentir européen, chaque interrogé adapte ses
raisons à sa propre idéologie. L’Europe est donc un concept encore abstrait mais bénéficie
d’une malléabilité identitaire qui semble satisfaire les interrogés. La majorité des personnes
ayant répondu Oui au fait de se sentir Européen définissent cette zone internationale par la
multiculturalité. La diversité est donc un des atouts de l’Europe selon 28,5% des interrogés se
sentant Européen.
Définition de la Culture Européenne et avis sur la crise Grecque
Ce croisement est très intéressant car il montre deux corrélations importantes :
-La moitié des interrogés considérant que la culture de l’Europe est le fruit d’une histoire
commune pense que la crise grecque doit être un exemple, une expérience pour ne pas
recommencer les mêmes erreurs. La notion d’historicité des faits est donc ancrée dans leurs
représentations
-De même, la moitié des interrogés considérant que la culture européenne est le fruit des traits
communs entre les pays et les habitants de ce territoire sont choqués de voir qu’il n’y a pas
plus d’entraide. Pour ces interrogés, la solidarité doit découler des ressemblances qui nous
unissent.
Sous-annexe 1 : Arrondissements et Quartiers de Marseille170
170
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arrondissements_de_Marseille
154 | P a g e
Code
Postal Arrondissement Secteur
Population
(1/1/2007) Quartiers
13001 1er arrondissement
1er secteur
40 919
Belsunce
Le Chapitre
Noailles
Opéra
Saint-Charles
Thiers
13007 7e arrondissement 35 981
2. Bompard
3. Endoume
4. Les Iles
5. Le Pharo
6. Le Roucas Blanc
7. Saint-Lambert
8. Saint-Victor
13002 2e arrondissement
2e secteur
25 779
A. Arenc
B. Les Grands Carmes
C. Hôtel de Ville
D. La Joliette
13003 3e arrondissement 45 414
4. Belle de Mai
5. Saint-Lazare
6. Saint-Mauront
7. La Villette
13004 4e arrondissement
3e secteur
47 193
c. La Blancarde
d. Les Chartreux
e. Chutes-Lavie
f. Cinq Avenues
13005 5e arrondissement 44 583
3. Baille
4. Le Camas
5. La Conception
6. Saint-Pierre
13006 6e arrondissement 4e secteur 43 360
1. Castellane
2. Lodi
3. Notre Dame du Mont
155 | P a g e
4. Palais de Justice
5. Préfecture
6. Vauban
13008 8e arrondissement 78 837
d. Bonneveine
e. Les Goudes
f. Montredon
g. Perier
h. La Plage
i. La Pointe Rouge, Le
Rouet
j. Sainte-Anne
k. Saint-Giniez
l. Vieille Chapelle
13009 9e arrondissement
5e secteur
76 868
- Les Baumettes
- Le Cabot, Carpiagne
- Mazargues
- La Panouse
- Le Redon
- Sainte-Marguerite
- Sormiou
- Vaufrèges
13010 10e arrondissement 51 299
La Capelette
Menpenti
Pont-de-Vivaux
Saint-Loup
Saint-Tronc
La Timone
13011 11e arrondissement 6e secteur 56 792
Les Accates
La Barasse
Les Camoins
Éoures
La Millière
La Pomme
Saint-Marcel
156 | P a g e
Saint-Menet
La Treille
La Valbarelle
La Valentine
13012 12e arrondissement 58 734
Les Caillols
La Fourragère
Montolivet
Saint-Barnabé
Saint-Jean du Désert
Saint-Julien
Les Trois-Lucs
13013 13e arrondissement
7e secteur
89 316
Château Gombert
La Croix-Rouge
Malpassé
Les Médecins
Les Mourets
Les Olives
Palama
La Rose
Saint-Jérôme
Saint-Just
Saint-Mitre
Frais Vallon
13014 14e arrondissement 61 920
Les Arnavaux
Bon Secours
Le Canet
Le Merlan
Saint-Barthélemy
Sainte-Marthe
Saint-Joseph
13015 15e arrondissement 8e secteur 77 770
Les Aygalades
Les Borels
La Cabucelle
La Calade
157 | P a g e
Les Crottes
La Delorme
Notre-Dame Limite
Saint-Antoine
Saint-Louis
Verduron
La Viste
13016 16e arrondissement 17 630
L'Estaque
Les Riaux
Saint-André
Saint-Henri
158 | P a g e
Annexe 2 : Principales dates historiques de la construction de l’Europe.
En 395, l’Empire romain d’Orient et l’Empire d’Occident sont séparés.
En 1054 le schisme entre l’orthodoxie et le catholicisme qui provoque une cassure religieuse
est/ouest qui gagne toute l’Europe. L’empire de Byzance convertit les russes, les serbes et les
bulgares tandis que Rome convertit les polonais, les bohémiens et les hongrois.
Au XIème siècle la cassure entre la papauté et l’empire va provoquer la disjonction entre le
pouvoir spirituel et temporel.
Au XIVème siècle, la division entre Orient et Occident oppose l’ouest maritime et l’est
continental où la civilisation slavo-byzantine va subir l’invasion mongole.
1648 : Paix de Westphalie : création de la Suisse, indépendance des Pays-Bas
Vers 1800 : le terme d’européanisme désigne ce qui est proprement européen
9 juin 1815. Le comte de Saint-Simon publie De la réorganisation de la société européenne
dans lequel il propose une réconciliation entre la France et l'Angleterre, afin de constituer une
Europe stable et puissante économiquement grâce au libre-échange, et que l'Europe soit dotée
d'une « Chambre des députés du Parlement européen.
1815 : le 16 octobre, Napoléon Ier
est exilé par le gouvernement britannique sur l'île de Sainte-
Hélène. Il y recommanda la création d'un État fédéral européen : « Je voulais dompter
l'Europe par la violence. Aujourd'hui, il me faut la convaincre par les idées »171
Vers 1830 : le verbe européanisé marque la conscience d’apporter au monde la civilisation la
meilleure. Le traité érige l’état nation souverain comme socle du droit international. Le traité
reconnaît les trois confessions : catholique, luthérienne et calviniste dans le Saint-Empire. La
religion devient un domaine géré librement par chaque Etat souverain
Traité de Versailles de 1919 : Traité de paix entre l’Allemagne et les Alliées, signé à la suite
de la première guerre mondiale
1919 : création de la Société Des Nations. Il introduit le principe de « sécurité collective »
1929 : Aristide Briand prononce un discours sur un projet d'union européenne à l'Assemblée
générale de la Société des Nations.
171 Patrick Eveno et Pierre Servent (dir.), L'Europe de Yalta à Maastricht - 1945-1993 (1993), p. 9-11.
159 | P a g e
1946 : Organisation des Nations Unies
1947 : Proposition de la création des États-Unis d'Europe par Winston Churchill lors d'un
discours à l’Université de Zurich.
17 mars 1948 : signature du Traité de Bruxelles d'assistance militaire mutuelle entre la
Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord.
1948 : Congrès de l’Europe a La Haye et fondation d’un « mouvement européen » pour
mettre en place une union européenne économique, politique, culturelle et monétaire.
16 avril 1948 : création de l’Organisation Européenne de Coopération Economique qui
permet de renforcer les relations économiques entre ses membres et de répartir équitablement
l’argent issu du Plan Marshall.
1949 : Conseil de l’Europe
9 mai 1950 : Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères présente une déclaration,
considérée comme l’acte de naissance de l’Union européenne
1951 : Communauté européenne charbon-acier (CECA)
1952 : Traité d’une communauté européenne de la défense
1954 : Rejet par la France de l’armée européenne (Communauté européenne de défense)
1955 : Adoption du drapeau européen. Nombre invariable de 12 étoiles pour symboliser la
solidarité, la perfection et la plénitude.
1957 : signature du Traité de Rome : création de l’Euratom et de la CEE
1972 : élargissement de la CEE
1979 : premières élections de Parlement Européen
12 juin 1985 : l’Europe à 12 avec l’Espagne et le Portugal
1985 : Accords de Schengen
1989 : chute du mur de Berlin, réunification de l’Europe
1993 : Traité de Maastricht et création de l’Union Européenne
1995 : L’Europe à 15 avec l’entrée de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande dans l’UE
1999 : L’Euro entre en vigueur
1999 : Traité d’Amsterdam (renforcement du pouvoir du Parlement)
2003 : Le Traité de Nice entre en vigueur
1er
mai 2004 : Elargissement de 10 nouveaux pays dans l’UE
29 mai 2004 : La constitution européenne est établie
160 | P a g e
2005 : Rejet par referendum de la Constitution européenne par la France puis par les Pays-Bas
2007 : La Roumanie et la Bulgarie intègrent l’UE. L’Union Européenne comprend désormais
27 pays membres.
Décembre 2007 : Traité de Lisbonne
161 | P a g e
Annexe 3 : Tableau des Capitales Européennes de la Culture de 1985 à 2020
Année Ville Pays
1985 Athènes Grèce 1986 Florence Italie 1987 Amsterdam Pays-Bas 1988 Berlin Ouest Allemagne 1989 Paris France 1990 Glasgow Grande-Bretagne 1991 Dublin Irlande 1992 Madrid Espagne
1993 Antwerp Belgique 1994 Lisbonne Portugal 1995 Luxembourg Luxembourg 1996 Copenhague Danemark 1997 Thessalonique Grèce 1998 Stockholm Suède 1999 Weimar Allemagne 2000 Avignon
Bergen Bologne Bruxelles Helsinki Cracovie Prague Reykjavik Saint Jacques de Compostelle
France Norvège Italie Belgique Finlande Pologne République Tchèque Islande Espagne
2001 Porto Rotterdam
Portugal Pays-Bas
2002 Salamanca Bruges
Espagne Belgique
2003 Graz Autriche 2004 Lille
Gênes France Italie
2005 Cork Irlande 2006 Patras Grèce 2007 Luxembourg
Sibiu Luxembourg Roumanie
2008 Liverpool Stavanger
Grande-Bretagne Norvège
2009 Linz Vilnius
Autriche Lithuanie
162 | P a g e
Année Ville Pays 2010 Essen (Ruhr)
Pécs Istanbul
Allemagne Hongrie Turquie
2011 Turku Tallinn
Finlande Estonie
2012 Guimaraes Maribor
Portugal Slovénie
2013 Marseille Kosice
France Slovaquie
2014 Umea Riga
Suède Lettonie
2015 Mons Pilsen
Belgique République Tchèque
2016 Espagne Pologne
2017 Danemark Chypre
2018 Pays-Bas Malte
2019 Italie Bulgarie
2020 Roumanie Serbie
Les Capitales Européennes de la Culture depuis 2007 - informations venant du site http://www.mp2013.fr/presentation-
2/histoire-des-capitales-europeennes-de-la-culture/
Années Villes d’Europe de l’Ouest Villes nouvellement entrées
dans l’Europe
2007
Luxembourg (Grande
Région)
Sibiu (Roumanie)
2008 Liverpool (Royaume-Uni) Stavanger (Norvège)
2009 Linz (Autriche) Vilnius (Lituanie)
2010 Essen (Allemagne) Pécs (Hongrie) et Istanbul
(Turquie)
2011 Turku (Finlande) Tallinn (Estonie)
2012 Portugal (Guimaraes) Slovénie (Maribor)
2013 France (Marseille) Slovaquie (Kosice)
163 | P a g e
2014 Suède (Umea) Lettonie (Riga)
2015 Belgique (Mons) République tchèque (Plzen)
2016 Espagne (San Sebastian) Pologne (Wrocław)
2017 Danemark Chypre
2018 Pays-Bas
Malte
2019 Italie Bulgarie
2020 Roumanie Serbie
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Annexe 4
Brève analyse démographique et territoriale de Marseille
La ville s’étend sur un large territoire de plus de 240 km², elle est la cinquième
commune de France métropolitaine. En 2008 sa population était de 851 420 habitants d’après
le recensement de l’Insee. Depuis 2000, Marseille est à la tête de la communauté urbaine
Marseille Provence Métropole qui regroupe 1 039 739 habitants172
. Son aire urbaine, qui est
centrée sur les communes de Marseille et Aix-en-Provence, comprenait 1 715 096 habitants
en 2008173
, ce qui constitue la troisième aire urbaine de France, Marseille compte de
nombreux maghrébins ou personnes française d'origine maghrébine (85 000 Algériens, 55 000
Tunisiens, 45 000 Marocains) On trouve aussi 70 000 Comoriens, ce qui fait de Marseille la
deuxième ville comorienne du monde, 90 000 juifs.
172 INSEE Résultats du recensement de la population de 2008 - Marseille Provence Métropole [archive] 173Recensement INSEE 2008 Aire urbaine de Marseille [archive]
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Annexe 5
Bernard Latarjet
Après une formation d’ingénieur du génie rural des eaux et des forêts, Bernard Latarjet
s’oriente vers la direction d’institutions culturelles. Il est le conseiller de Jack Lang au
ministère de la Culture et de la Communication, de 1991 à 1992, puis conseiller technique sur
les affaires culturelles de l’Elysée de 1992 à 1995. Il est ensuite président du par cet de la
grande halle de la Villette, de 1996 à 2006. C’est à cette date que Jean-Claude Gaudin fait
appel à lui pour piloter le projet de candidature de Marseille-Provence 2013. Le projet aboutit,
mais en 2011, Bernard Latarjet se détache de son poste de directeur général. Il continue
néanmoins à accompagner le projet.
Le discours de Monsieur Latarjet: Marseille, une ville emblématique pour le dialogue
des cultures
Dans le prologue au programme de Marseille Provence 2013, Bernard Latarjet replace
la ville de Marseille dans le contexte global d’une ville au cœur de la méditerranée et revient
sur cette dernière pour défendre le dialogue des cultures: « Carrefour privilégié des peuples,
des cultures, des économies et des religions, la Méditerranée concentre tous les désordres de
la planète. Elle peut être aussi l’espace de leur apaisement et d’une invention exemplaire de
nouvelles solidarités. L’Europe est engagée dans ce défi. Non seulement par son histoire et sa
géographie, mais aussi parce que la présence sur son sol de communautés de plus en plus
nombreuses, originaires des suds et de l’Orient, l’attache plus fortement à ses voisins.». Il
affirme, en outre, la volonté de construire une citoyenneté euro-méditerranéenne: « aucun co-
développement ni aucune coopération politique véritables et durables ne seront possibles
sans la construction d’une citoyenneté euroméditerranéenne fondée sur un socle de valeurs
partagées. Il faut, pour cela, nourrir un mouvement d’échange et d’appropriation de nos
sources culturelles communes: sources gréco-latines de la culture arabe, sources arabes de la
culture européenne.». Par conséquent, les projets de Marseille Provence 2013 ont la volonté
de participer à la création d’une citoyenneté européenne et méditerranéenne. Dans le discours
de Monsieur Latarjet, on lit clairement le souci de faire coexister les cultures dans un espace
de solidarité. Il réaffirme l’origine de la civilisation européenne, attachée au sol
méditerranéen, et défend l’interculturalité de cette région. Dans le cadre des projets concrets
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développés par l’association Marseille Provence 2013 on peut donc s’attendre à retrouver
cette même richesse interculturelle. A cet égard, la ville de Marseille possède tous les atouts
pour combler cette envie de (re)faire dialoguer les cultures. Marseille, ville portuaire
cosmopolite, ouverte sur la mer méditerranée semble la ville propice pour incarner les propos
de Monsieur Latarjet.
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Annexe 6
Schéma rendant compte de la stratégie numérique de Marseille-Provence 2013 (source :
http://www.mp2013.fr/espace-pro/cadre-numerique-territorial-commun/ )
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