Une machine thermique expérimentale
On propose ici une étude expérimentale complète d’une machine thermique de laboratoire, jouant le rôle à la
fois de machine frigorifique et de pompe à chaleur. La machine étudiée est un récepteur ditherme cyclique qui
utilise la circulation forcée d’un fluide réfrigérant, le dichlorodifluorométhane (CCl2F2, appelé aussi fréon R-
12), entre une source chaude et une source froide, constituées par une circulation d’eau dans des échangeurs
thermiques. La puissance électrique fournie à la machine est transmise à un compresseur qui entraîne le fluide
à travers un condenseur, un détendeur puis un évaporateur.
Schéma de principe de la machine thermique
Le fluide réfrigérant subit les évolutions suivantes :
de A à B : le condenseur
Le fluide en A, sous de forme vapeur sous pression, est mis en contact avec la circulation d’eau dans
l’échangeur thermique de la « source chaude » et subit une condensation isobare de l’état vapeur à l’état
liquide. L’énergie thermique libérée par la condensation est en partie transférée à l’eau qui voit sa température
augmenter de Te à Tc.
de B à C : le détendeur
Le liquide subit une détente isenthalpique à travers une vanne d’expansion. Le fluide en C se retrouve alors
partiellement vaporisé.
de C à D : l’évaporateur
Le mélange liquide-vapeur est mis en contact avec l’eau en circulation dans l’échangeur thermique de la
« source froide » et se vaporise entièrement de façon isobare. L’énergie thermique nécessaire à cette
vaporisation est en partiellement apportée par l’eau dont la température diminue de Te à Tf.
de D à A : le compresseur
Le fluide sous forme vapeur subit une compression adiabatique en recevant l’énergie mécanique du
compresseur.
On a reporté les mesures expérimentales dans le tableau ci-dessous :
Compresseur
Puissance électrique consommée 500 W
Circulations d’eau
Source chaude Source froide
Débit massique Dmc = 72 kg.h−1 Débit massique Dmf = 40 kg.h−1
Te = 18,5°C Tc = 28,0°C Te = 18,5°C Tf = 6,0°C
Circulation du fluide réfrigérant
Condenseur Evaporateur
Pression en A : 10 bars Pression en C : 2,5 bars
TA = 64,0°C TB = 42,0°C TC = −7,0°C TD = 0,0°C
Débit massique Dm = 25 kg.h−1
compresseur Echangeur thermique
source froide
Echangeur thermique
source chaude
condenseur
évaporateur
détendeur
A
B C
D
Circulation du fluide réfrigérant
Te
Tc
Tf
Te
eau
eau
Les températures sont mesurées à 0,5°C près et les pressions à 0,1 bar près. Les débits massiques sont obtenus
à 10 % près. Le constructeur précise que le compresseur a un rendement mécanique de l’ordre de 45 %. La
machine thermique est supposée avoir atteint son régime de fonctionnement stationnaire.
On donne la capacité thermique massique de l’eau ceau = 4,18.103 J.K−1.kg−1.
Premier principe de la thermodynamique
On considère un fluide circulant de façon stationnaire dans une canalisation avec le débit massique Dm et
recevant une puissance thermique Pth et une puissance mécanique Pméca. On note he et hs les enthalpies
massiques du fluide à l’entrée et à la sortie de la canalisation. On néglige les variations d’énergie cinétique du
fluide et les variations d’énergie potentielle de pesanteur.
1) Déduire du premier principe de la thermodynamique appliqué au fluide en écoulement la relation entre
hs – he à Pth, Pméca et Dm.
Utilisation du diagramme enthalpique
On se propose d’effectuer une étude détaillée des échanges thermiques effectués lors des transitions de phase
du fluide réfrigérant. Les diagrammes thermodynamiques enthalpique (p,h) et entropique (T,s) du
dichlorodifluorométhane sont fournis ci-après.
2) Reporter la position des points A, B, C et D sur le diagramme enthalpique (p,h). En déduire l’état
physique du fluide dans chaque cas.
3) Mesurer la variation d’enthalpie massique hB – hA. En déduire la puissance Pc reçue par le fluide de la
part de la source chaude.
4) Déterminer de même la puissance Pf reçue par le fluide de la part de la source froide.
5) Mesurer la variation d’enthalpie massique hA – hD. En déduire la puissance mécanique Pu fournie au
fluide par le compresseur et évaluer son rendement réel.
6) Comparer Pu et Pc + Pf. Commenter cette relation.
7) Préciser la composition du mélange liquide-vapeur au point C.
Efficacités thermodynamiques
Les mesures précédentes de puissances thermiques et de puissance mécanique reçues par le fluide vont
permettre d’estimer l’efficacité thermodynamique de la machine thermique, en tant que pompe à chaleur ou
machine frigorifique.
8) Définir l’efficacité ePAC de la machine en tant que pompe à chaleur et l’efficacité eMF de la machine en
tant que machine frigorifique.
9) Calculer numériquement ePAC et eMF.
Rendement global
En pratique, la machine thermique reçoit directement la puissance électrique Pelec qui alimente le compresseur,
tandis qu’elle fournit sa puissance thermique à la circulation d’eau. On souhaite donc estimer le rendement
global de la machine, en ne tenant compte que des transferts énergétiques réellement effectuées.
10) Déterminer les puissances thermiques reçues par l’eau à la « source chaude » et à la « source froide ».
Commenter.
11) En déduire l’efficacité globale de la machine thermique en tant que pompe à chaleur ou en tant que
machine frigorifique.
12) Evaluer le rendement global théorique de la machine thermique. Conclure.
Corrigé
1) Le bilan d’enthalpie appliqué au fluide en écoulement stationnaire s’écrit :
( )m s e
DHD h h
Dt
On applique alors le Premier Principe de la thermodynamique, en négligeant les variations d’énergies cinétiques et
potentielles :
( )m s e th mécaD h h P P
2) On utilise les caractéristiques (pression et température) mesurées expérimentalement pour placer chaque point A, B, C et
D sur le diagramme enthalpique. On utilise également l’évolution BC isenthalpique.
On en déduit l’état physique du fluide dans chaque cas :
en A : vapeur sèche en B : liquide juste saturé
en C : mélange liquide-vapeur en D : vapeur sèche
On mesure graphiquement :
hA hB hC hD
225 kJ.kg−1 80 kJ.kg−1 80 kJ.kg−1 192 kJ.kg−1
3) Entre A et B, le fluide reçoit la puissance thermique Pc. D’après le Premier Principe, on a directement :
( ) 1,0 kWc m B AP D h h
Cette puissance est donc cédée par le fluide à la source chaude.
4) On procède de même entre C et D, le fluide recevant la puissance thermique Pf :
( ) 0,78 kWf m D CP D h h
Le fluide récupère cette puissance de la part de la source froide.
5) L’évolution DA est adiabatique et le fluide reçoit la puissance mécanique Pu telle que :
( ) 0,23 kWu m A DP D h h
Or la puissance électrique fournie au compresseur vaut Pelec = 0,50 kW. Le rendement du compresseur peut donc s’écrire :
46 %u
comp
elec
P
P
On retrouve bien le rendement prévu par le constructeur.
6) On constate que : 0,22 kWc f uP P P aux incertitudes près. Cette relation peut donc s’écrire :
0c f uP P P
ce qui traduit simplement le Premier Principe 0Q W sur un cycle.
7) On procède comme en 2) pour placer les points sur le diagramme entropique. Entre B et C, le système suit bien la courbe
isenthalpique.
A B
C D
On mesure graphiquement :
sA sB sC sD
0,74 kJ.kg−1.K−1 0,28 kJ.kg−1.K−1 0,30 kJ.kg−1.K−1 0,71 kJ.kg−1.K−1
8) Sur l’évolution AB isobare, on estime l’aire sous la courbe (en négligeant l’aire du petit triangle sous le point A) :
1,0 kWc B m B AP T D s s
On procède de même sur l’évolution CD :
0,76 kWf C m D CP T D s s
On retrouve pratiquement les résultats obtenus avec le diagramme enthalpique.
9) On constate que A et D ne sont pas tout à fait sur la même verticale du diagramme entropique : A Ds s donc l’évolution
n’est pas isentropique.
D’après le second principe : reçue produite produiteS S S S car Sreçue = 0 pour une évolution adiabatique
Pour une masse Dmdt de fluide traversant le compresseur pendant dt :
( )m A DDS D dt s s
On en déduit l’entropie produite par unité de temps : 1 1( ) 0,21 J.K .sp
m A Ds D s s
L’évolution du fluide dans le compresseur est donc irréversible. L’irréversibilité est certainement due à des frottements
mécaniques dans le compresseur.
10) On note dans la suite L et V respectivement les états correspondant au liquide juste saturé et à la vapeur juste saturée à la
température T et à la pression P. On mesure ainsi graphiquement, à la température de 42°C et à la pression de 10 bars :
hL hV sL sV
80 kJ.kg−1 205 kJ.kg−1 0,28 kJ.K−1.kg−1 0,68 kJ.K−1.kg−1
L’enthalpie massique de liquéfaction vaut, par définition : -1125 kJ.kgliq L Vh h h
L’entropie massique de liquéfaction vaut quant à elle : 1 -10,40kJ.K .kgliq L Vs s s
Pour la température T = 42°C = 315 K, on vérifie ainsi numériquement la relation :
liq
liq
hs
T
11) Le fluide au point C est un mélange liquide-vapeur.
Au point C, on mesure : h = 80 kJ.kg−1 et s = 0,30 kJ.K−1.kg−1. On mesure également les abscisses des points L et V dans
les deux diagrammes à la même température et la même pression qu’en C :
hL hV sL sV
35 kJ.kg−1 180 kJ.kg−1 0,12 kJ.K−1.kg−1 0,70 kJ.K−1.kg−1
L’enthalpie H du fluide étant une grandeur extensive :
liq vap liq L vap VH H H m h m h
On introduit alors la fraction massique de vapeur xv :
(1 )v L v Vh x h x h
Ce qui permet d’écrire :
A
B
C D
0,31L
v
V L
h hx
h h
(théorème des moments)
De la même manière on peut obtenir le titre massique en vapeur à partir des entropies massiques :
0,31L
v
V L
s sx
s s
On retrouve la même valeur pour xv, que l’on peut également lire directement sur les deux diagrammes (« dryness fraction »
ou simplement x).
12) L’efficacité est définie de manière générale comme le rapport de la puissance utile sur la puissance dépensée.
Ainsi, dans le cas de la pompe à chaleur :
c
PAC
u
Pe
P
et dans le cas de la machine frigorifique :
f
MF
u
Pe
P
13) Avec les valeurs obtenues précédemment :
4,3PACe et 3,4MFe
14) On appelle A’B’C’D’ le cycle de Carnot le plus proche du cycle expérimental, représenté dans le diagramme entropique
par un rectangle en trait plein. Le cycle ABCD précédent est représenté en pointillés.
15) On mesure l’entropie massique pour chacun des points du cycle de Carnot :
sA’ sB’ sC’ sD’ 0,70 kJ.kg−1.K−1 0,28 kJ.kg−1.K−1 0,28 kJ.kg−1.K−1 0,70 kJ.kg−1.K−1
On procède comme en 8) pour déterminer les puissances reçues par le fluide lors des contacts avec la source chaude et la
source froide, à partir de l’aire sous la courbe :
' ' '' 0,92 kWc B m B AP T D s s et ' ' '' 0,77kWf C m D CP T D s s
On en déduit la puissance mécanique utile transmise au fluide par le compresseur :
' - '- ' 0,15 kWu c fP P P
Enfin, on obtient les efficacités de Carnot pour une pompe à chaleur ou une machine frigorifique :
,
'6,1
'
c
C PAC
u
Pe
P
et
'5,1
'
f
C,MF
u
Pe
P
16) L’efficacité théorique de Carnot peut être exprimée directement en fonction des températures de la source chaude et de la
source froide :
, , 6,4B
C PAC th
B C
Te
T T
et 5,4C
C,MF,th
B C
Te
T T
Aux incertitudes de mesure près, on retrouve quasiment les mêmes efficacités.
17) On évalue directement le rendement de chaque configuration :
,
70 %PAC
PAC
C PAC
e
e et 67 %MF
MF
C,MF
e
e
La machine de Carnot donne la valeur maximale possible pour une machine thermique cyclique ditherme. La machine
étudiée fonctionne donc avec une efficacité assez proche de l’efficacité maximale.
A’ B’
C’ D’
18) On applique cette fois le Premier Principe à l’eau en écoulement à la source chaude et à la source froide.
La puissance reçue par l’eau à la source chaude s’écrit :
, , ( ) 0,79 kWc eau m eau eau c eP D c T T
De même la puissance reçue à la source froide vaut :
, ( ) 0,58 kWf,eau m eau eau f eP D c T T
Les puissances reçues par le fluide réfrigérant lors des contacts avec la source chaude et la source froide valaient
respectivement :
Pc = −1,0 kW et Pf = +0,78 kW
Une partie non négligeable (environ 25 %) de l’énergie apportée par le fluide réfrigérant est perdue et n’est pas transférée
à l’eau.
19) La puissance dépensée par la machine thermique l’est sous forme électrique. Les puissances Pc,eau et Pf,eau transférées à
l’eau sont les puissances effectivement utiles. On en déduit l’efficacité globale de la machine, selon la configuration :
,
, 1,6c eau
PAC global
elec
Pe
P et
,1, 2
f eau
MF,global
elec
Pe
P
20) D’où le rendement global, en comparant ces efficacités à celles de la machine de Carnot :
,
,
,
26 %PAC global
PAC global
C PAC
e
e et
,
, 24 %MF global
MF global
C,MF
e
e
Ce rendement global est bien plus faible que le rendement purement thermodynamique car il tient compte à la fois des
pertes thermiques au niveau des échangeurs thermiques de la source chaude et de la source froide, et du rendement de la
conversion d’énergie électrique en énergie mécanique dans le compresseur.