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Remerciements à ma mère et à Marie
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Chapitre 1
Est-il normal d’avoir une serviette en lévitation
dans sa salle de bains ? C’était pourtant ce que Lazi
avait devant lui. Effrayé, il se colla à la porte. La
serviette flottait à un mètre du sol, immobile. Lazi
ferma les yeux. Ce n’est qu’une vision, se disait-il,
une simple vision. Mais le tissu était bien présent. Il
finit par retomber, reprenant sa place habituelle. Lazi
se dépêcha d’aller se coucher ; un peu de repos ne lui
ferait pas de mal. Son père, Guillaume, entra dans la
pièce à son tour pour prendre une douche, mais il
s’arrêta. Il huma l’air, fronça les sourcils, et regarda la
serviette bleue. Il prit sa douche tout en se posant des
questions, mais resta impassible. Il se coucha lui
aussi, mais ouvrit la chambre de son fils en passant,
humant de nouveau l’air. Il sourit, puis referma la
porte. Le lendemain, en rentrant du lycée, son père lui
fit tendre les mains devant lui. Surpris, Lazi leva tout
de même ses bras, paumes vers le haut. Guillaume
passa un appareil dessus, qui émit des bips
frénétiques au contact de la peau. Il regarda son fils
avec bonheur et fierté et le serra dans ses bras.
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– Mon fils, tu es comme moi ! On va rentrer à la
maison ! C’est merveilleux !
– Papa ! Ça veut dire quoi comme toi ? Et c’est ici
notre maison ! s’inquiéta Lazi.
Guillaume ne répondit pas. Il se contenta de
regarder les tulipes du salon et le vase se mit en
suspension. Puis ce fut le tour du chat qui se statufia
instantanément. Lazi émit un hoquet de stupeur.
– C’est quoi ça ? glapit-il.
– Ça, c’est parce que tu viens de Naturlys. Je suis
un sorcier, Lazi. Et tu as hérité d’une partie de mes
pouvoirs. Ta mère est terrienne, elle ne peut pas
utiliser la magie, mais elle est au courant de mes…
particularités. C’est un peu brutal de te le révéler de
cette façon, mais je trouve le moment bien choisi.
Sache-le, j’ai prévenu ma reine que tu es comme moi.
Lazi, on va devoir aller à Naturlys, notre monde… Tu
vas devoir tout quitter… J’en ai parlé à ta mère, elle
est dans tous ses états mais se sent prête à partir.
– Quoi ? Ta reine ? Déménager dans un autre
monde ? Mais t’es taré ! T’as entendu ce que tu me
dis ! Enfin, Papa, je ne veux pas !
– On est obligés. Lazi, mon monde est un
royaume. Non, ce n’est pas le Moyen-Age. Ma reine
est une personne à qui tu dois un respect
irréprochable. Elle arrive d’une minute à l’autre. Ne
fais pas ton adolescent révolté, je croyais que tu avais
grandi. Enfin, Lazi, tu as dix-sept ans !
– Mais tu…
Un événement l’empêcha de continuer. Un nuage
était apparu, dévoilant une jeune femme aux cheveux
châtains qui tombaient en cascade sur ses épaules.
Elle portait une longue robe verte qui s’étalait jusque
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sur le sol. Elle sourit en voyant Guillaume et salua
Lazi.
– Alors, c’est toi ? Approche, que je t’explique ce
qu’est Naturlys : c’est un monde parallèle au tien. Là-
bas, tous les hommes sont proches de la nature (d’où
le nom de Naturlys) et tous ont des pouvoirs. Je suis
la reine de ce royaume. N’as-tu jamais vu des choses
étonnantes se produire sous tes yeux ?
– J’ai cru voir une serviette voler dans ma salle de
bains, essaya de se souvenir Lazi.
– Pas étonnant, tu es à moitié sorcier, dit la jeune
femme.
– Quoi ? s’écria Lazi.
– Ton cas est assez spécial. Ton père est tombé
amoureux d’une terrienne et s’est marié avec elle,
sourit la reine en regardant Guillaume. Pour ça, il a
renoncé à la magie, que l’on apprend à maîtriser dès
sept ans dans une école. Toi, tu as des pouvoirs, bien
entendu, mais ils sont moins performants que ceux
d’un véritable sorcier.
– Parlez-moi de l’école, demanda-t-il, curieux.
– Je serai brève car tu vas la voir d’ici peu. Dès
sept ans, les enfants entrent dans l’école de magie,
Sephra. Là-bas, ils sont divisés par années, puis par
groupes. Quand ils sont petits, les enfants produisent
des étincelles de différentes couleurs selon leur
esprit : violet, orange ou vert. Les violets sont calmes
et gentils, ceux du groupe orange sont vifs et
spontanés et les verts sont un compromis des deux.
Les élèves sont donc divisés en fonction de leurs
étincelles. Bien sûr, plus on monte en niveau dans la
scolarité, plus on peut lancer des sorts de couleurs de
plus en plus diverses, et là, on ne peut plus savoir de
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quel groupe vient la personne, sauf si elle est encore
dans l’école : chaque élève porte un habit de sa
couleur. La scolarité dure de six à neuf ans. Six ans,
le minimum, est fait pour ceux qui sont en difficulté
ou peu ambitieux. La plupart des élèves restent huit
ans. Neuf ans sont obligatoires pour avoir un métier
spécifique dans une matière. Au fait, ne me vouvoie
pas. J’ai le même âge que toi, dix-sept ans, du coup ça
me gêne. Je m’appelle Delia.
Lazi ne répondit rien, sous le choc. Il secoua la
tête, ne voulant pas croire ce qu’il vivait.
Il aperçut sa mère, Sophia, pâle et très inquiète.
Elle se demandait comment elle serait accueillie,
n’ayant aucun pouvoir. Son père, quant à lui, ne
pouvait être plus heureux à l’idée de retrouver sa terre
natale. Il décrivait à sa femme les merveilles de ce
monde et cette dernière ne pouvait s’empêcher d’être
captivée par son récit. Cela avait l’air tellement
merveilleux ! Lazi commençait à trouver ce voyage
pas si nul que ça. Mais quand même ! Quitter ses
amis comme ça, sans raison apparente. Il imaginait
bien les journaux écrire en gros à la une « Lazi,
lycéen de dix-sept ans, a inexplicablement disparu ».
Émergeant de ses pensées, Lazi remarqua une sorte
de rose dans la main de Delia et demanda ce que
c’était :
– On dirait que cette rose brille. Elle n’est pas
habituelle.
– En vérité, ce n’est pas une rose : c’est un mapli.
Drôle de nom, n’est-ce pas ? Mais il n’a pas été choisi
au hasard. « Map » vient de mappemonde. Cette
petite chose permet de ne jamais se perdre. Elle peut
t’indiquer à tout moment où tu te trouves.
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Habituellement, c’est une sorte d’oiseau qui parle. Là,
il s’est camouflé. Le problème, c’est qu’il ne peut
s’empêcher de briller.
Tout en parlant, elle effleura d’une certaine façon
la rose qui se transforma en un volatile doré et
brillant. Ce n’était pas un oiseau car il n’avait pas de
plumes, mais un pelage doux et soyeux. Il dégageait
une légère lueur argentée, ce qui le rendait encore
plus gracieux.
– Chaque sorcier a le sien, continua Delia. Ils n’ont
pas tous la même couleur, car ils sont personnels.
Mais beaucoup sont orange. Ce petit être peut aussi se
transformer en n’importe quoi, ce qui est très
pratique. Un sorcier qui perd son mapli, c’est comme
s’il perdait un morceau de son âme. Lorsque tu es
bébé, ton mapli vient à toi. Personne ne sait d’où ils
arrivent mais ce n’est pas important.
– Est-ce que j’en ai un ? s’enquit Lazi qui trouvait
le mapli très attachant.
– Comme tu es mi-sorcier, et que tu habites sur
Terre, je ne sais pas. Mais ton mapli préfère peut-être
ne pas se montrer pour le moment, et il a raison.
Jusqu’alors, tu ne connaissais même pas notre monde.
Lazi regarda l’oiseau avec des yeux ronds. C’était
lui qui venait de parler ! Sa voix fluette continua :
– Ne t’inquiète pas, ça fait toujours ça quand on
n’a pas l’habitude. Tu finiras par t’y faire !
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