Transcript

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 3

lesviolences

mieuxfaire

Lutte contre

la France doitfaitesauxfemmes :

CrĂ©Ă©e en 1961 et Prix Nobel de la paix en 1977, Amnesty International est unmouvement mondial composĂ© d’hommes et de femmes venus d’horizonsdivers et rĂ©partis dans le monde, qui Ɠuvrent pour le respect et la protection

de tous les droits inscrits dans la DĂ©claration universelle des droits de l’Homme.Amnesty International est indĂ©pendante de toute tendance politique, de tout intĂ©rĂȘtĂ©conomique ou croyance religieuse et s’appuie sur un rĂ©seau de plus de2,7 millions de membres et de sympathisants dans plus de 150 pays et territoires.Amnesty International mĂšne de front ses missions de recherche et d’action dansle but de prĂ©venir et de faire cesser les graves atteintes aux droits humains, quelsqu’ils soient – civils, politiques, sociaux, culturels ou Ă©conomiques. Pour mener Ă bien ces missions, elle ne cherche Ă  obtenir ni n’accepte aucune subvention niaucun don des Etats ou des partis politiques.Amnesty International France (AIF) a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1971. Son financement reposeessentiellement sur la gĂ©nĂ©rositĂ© du public (plus de 200 000 donateurs actifs), surles ventes de produits de soutien et les cotisations de ses membres (prĂšs de 20 000).Amnesty International France est agrĂ©e par le ComitĂ© de la charte du don enconfiance et se soumet Ă  son contrĂŽle pour le respect des principes de la charte dedĂ©ontologie : fonctionnement statutaire et gestion dĂ©sintĂ©ressĂ©e, rigueur de la ges-tion, qualitĂ© de la communication et de la collecte de fonds, transparence financiĂšre.

FĂ©vrier 2010SF : SF10F010

RĂ©fĂ©rence : 530.003En couverture : extrait d’un des trois visuels de la campagne gĂ©nĂ©rique « Les violationsdes droits humains sont toujours Ă  la mode », rĂ©alisĂ©e par TBWA\PARIS pour AmnestyInternational France - 2010.

AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE76 boulevard de la Villette - 75019 Paris

www.amnesty.fr

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire4

En 2006, Amnesty International publiait un rapport « Violences faites aux femmes enFrance. Une affaire d’État ». Amnesty International rappelait Ă  l’État ses obligations degarantir et de faire respecter les droits humains, dont la violence faite aux femmes

constitue une violation.

Force est de constater qu’aujourd’hui, en France, la violence contre les femmes au sein ducouple n’a pas diminuĂ©. En 2008, 156 femmes sont dĂ©cĂ©dĂ©es, victimes de leur compagnonou ex-compagnon, soit un dĂ©cĂšs tous les deux jours et demi1. Sur la mĂȘme annĂ©e, 27hommes sont Ă©galement dĂ©cĂ©dĂ©s, victimes de leur compagne ou ex-compagne, 11 d’en-tre eux Ă©taient auteurs de violence sur leur partenaire. Les femmes sont donc en trĂšsgrande majoritĂ© victimes de cette violence qui est une violence spĂ©cifique, universelle maispas inĂ©vitable.

Peu de victimes accÚdent à la justice. En 2007 et 2008, moins de 10% des femmes victimesde violence commises par leur conjoint auraient porté plainte2.

De mĂȘme, les mutilations sexuelles fĂ©minines sont en rĂ©gression dans notre pays mais n’ontpas disparu. Les mariages forcĂ©s sont un phĂ©nomĂšne encore trĂšs mal Ă©valuĂ© en France. Lesvictimes de la traite des ĂȘtres humains sont mal protĂ©gĂ©es car mal identifiĂ©es.

Pourtant depuis 2006, la France a renforcĂ© la lĂ©gislation et les pratiques visant Ă  prĂ©venir etrĂ©primer les violences faites aux femmes. Ces violences relĂšvent de plus en plus du droitpĂ©nal, les auteurs sont de plus en plus poursuivis et punis, les victimes sont davantage sou-tenues et accueillies et la prĂ©vention est renforcĂ©e. Des plans d’actions triennaux (2005-2007et 2008-2010) ont permis une meilleure prise en compte du phĂ©nomĂšne et des outils ont Ă©tĂ©mis en place pour mieux l’évaluer. En 2010, la violence contre les femmes a Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ©egrande cause nationale, ouvrant ainsi droit Ă  la diffusion gratuite de douze messages sur lesservices des sociĂ©tĂ©s nationales de programme, France TĂ©lĂ©visions et Radio France, pardes organismes Ă  but non lucratif labellisĂ©s.

Face Ă  l’absence de rĂ©sultats satisfaisants de sa politique de lutte contre les violences faitesaux femmes, l’État doit donc mieux faire.

Pour Amnesty International, cette lutte doit rester une affaire d’État. L’État a une obligation dediligence, ce qui implique qu’il a le devoir d’agir avec diligence pour prĂ©venir et punir les vio-lations des droits humains, qu’elles soient commises par ses propres agents ou par des ac-teurs privĂ©s, non Ă©tatiques.

Ainsi, l’État est responsable de ses actes, mais aussi lorsqu’il n’agit pas. Le fait de ne paspunir un acte de violence ou de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour protĂ©ger une per-sonne susceptible d’ĂȘtre victime de violences graves doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un man-quement de l’État Ă  ses engagements internationaux.

Pour ĂȘtre efficace, la politique de lutte contre les violences faites aux femmes doit ĂȘtre am-bitieuse. Face Ă  ces violences, l’élaboration d’une rĂšglementation d’ensemble constitue lefondement d’une riposte globale et appropriĂ©e, qui doit ĂȘtre appliquĂ©e avec cohĂ©rence. Acette fin, elle doit contenir des dispositions qui en garantissent l’application effective sur toutle territoire et prĂ©voir les moyens d’évaluation et de suivi.

Si la lĂ©gislation doit encore ĂȘtre amĂ©liorĂ©e, elle serait en rĂ©alitĂ© dĂ©jĂ  relativement efficace sielle Ă©tait effectivement utilisĂ©e et appliquĂ©e avec rigueur. Ainsi, trop d’auteurs n’ont pas Ă  rĂ©-pondre de leurs actes et l’impunitĂ© subsiste. Les femmes continuent d’ĂȘtre victimes, non seu-lement de tels actes mais encore de la procĂ©dure judiciaire appliquĂ©e de maniĂšre hĂ©tĂ©rogĂšne

Introductiongénérale

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 5

sur le territoire. La prĂ©vention et la protection des victimes doivent ĂȘtre au cƓur des dispo-sitifs et des innovations sont nĂ©cessaires pour parfaire le dispositif lĂ©gal.

Enfin, l’efficacitĂ© de la politique de prĂ©vention et de lutte contre les violences faites auxfemmes est conditionnĂ©e Ă  une meilleure coordination des moyens mis en Ɠuvre et Ă  un fi-nancement adĂ©quat de la part de l’État. Sans le financement nĂ©cessaire, les plans de luttene peuvent ni se dĂ©velopper ni se rĂ©vĂ©ler efficaces. Si la volontĂ© politique ne se traduit paspar des moyens financiers suffisants, les dĂ©clarations, aussi ambitieuses soient-elles, restentsymboliques.

L’AssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat ont montrĂ© leurs prĂ©occupations d’une lutte plus efficace.Ainsi, Ă  l’AssemblĂ©e nationale, la mission d’évaluation de la politique de prĂ©vention et delutte contre les violences faites aux femmes (ci-aprĂšs nommĂ©e mission parlementaire)crĂ©Ă©e en dĂ©cembre 2008, a formulĂ© 65 propositions dans son rapport d’information du 7 juil-let 2009 (ci-aprĂšs nommĂ© rapport parlementaire du 7 juillet 2009). Une partie de ces re-commandations a Ă©tĂ© reprise dans une proposition de loi dĂ©posĂ©e le 27 novembre 2009(ci-aprĂšs nommĂ©e proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre 2009).Cette proposition de loi recoupe en partie les principaux thĂšmes abordĂ©s par la propositionde loi « relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces derniĂšres sur lesenfants » dĂ©posĂ©e au SĂ©nat le 25 novembre 2009 (ci-aprĂšs nommĂ©e proposition de loi duSĂ©nat du 25 novembre 2009).

En dĂ©cembre 2009, une commission spĂ©ciale a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e Ă  l’AssemblĂ©e nationale afin d’étu-dier la proposition de loi3A. Cette commission a rendu son rapport le 10 fĂ©vrier 20103B, l’exa-men en sĂ©ance publique du texte amendĂ© est prĂ©vu le 25 fĂ©vrier. AuditionnĂ©e par lacommission le 27 janvier, la ministre de la justice et des libertĂ©s, Madame MichĂšle Alliot-Marie, a dĂ©clarĂ© que « Les dĂ©lais de mise en Ɠuvre de ce texte seront rapides, dans la me-sure oĂč il ne devrait y avoir que trĂšs peu de dĂ©crets d’application. La navette parlementairedevrait elle aussi ĂȘtre brĂšve, notamment si l’on peut espĂ©rer un vote conforme dĂšs la pre-miĂšre lecture.4 »

Enfin, si la connaissance des violences faites aux femmes s’est incontestablement amĂ©lio-rĂ©e, des pans entiers de la problĂ©matique demeurent encore peu ou mal connus aujourd’hui.

Mieux connaĂźtre le phĂ©nomĂšne des violences contre les femmes pour mieux les combattre,amĂ©liorer la coordination des acteurs impliquĂ©s pour en accroĂźtre l’efficacitĂ©, tels sont les ob-jectifs de l’observatoire dĂ©partemental crĂ©Ă© Ă  l’initiative du Conseil gĂ©nĂ©ral, en Seine Saint-Denis. Premier de ce genre en France, il est Ă  la fois un espace d’échanges et de rĂ©flexion,un outil d’analyse et de recensement et un vecteur de communication et d’information. Cetobservatoire constitue un exemple de bonne pratique qui devrait ĂȘtre Ă©tendu aux autres dĂ©-partements et au niveau national.

De mĂȘme, pour amĂ©liorer la connaissance du phĂ©nomĂšne et donc la lutte, le recueil des in-formations statistiques doit ĂȘtre harmonisĂ© afin de pouvoir dresser un Ă©tat des lieux annuelfiable. VĂ©ritable mesure des violences faites aux femmes, cet Ă©tat des lieux permettrait demieux Ă©valuer l’efficacitĂ© des politiques publiques de lutte contre ces violences.

Amnesty International France recommande aux autoritĂ©s de mettre en place dans les plusbrefs dĂ©lais un observatoire national des violences faites aux femmes afin de centraliser larĂ©alisation et la diffusion d’études ayant trait Ă  ces violences. ChargĂ© de coordonner la col-lecte de donnĂ©es sexuĂ©es et d’organiser des enquĂȘtes portant sur les violences faites auxfemmes, son travail serait synthĂ©tisĂ©, chaque annĂ©e, dans un rapport public remis au premierministre et au parlement.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire6

I LES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE........................................................Page 08

1. La prĂ©vention des violences faites aux femmes ....................................................................Page 081.1 L’information et la sensibilisation doivent ĂȘtre une prioritĂ© pour les autoritĂ©s ........Page 08Les campagnes nationales de prĂ©vention et de sensibilisation du grand publicdoivent ĂȘtre multipliĂ©es et pĂ©rennisĂ©es ............................................................................................................Page 09Le rĂŽle de l’Education nationale ......................................................................................................................Page 101.2 La nĂ©cessitĂ© d’une politique de formation cohĂ©renteet systĂ©matique de tous les acteurs ................................................................................Page 10La formation initiale et continue des personnels de la police et de la gendarmeriedoit ĂȘtre systĂ©matique pour tous les agents ....................................................................................................Page 11La formation des magistrats reste un enjeu primordial dans la prĂ©ventionet la lutte contre les violences faites aux femmes ............................................................................................Page 12

2 La protection des victimes de violences ..................................................................................Page 122.1. La prise en charge des victimes de violences s’est amĂ©liorĂ©e et professionnalisĂ©e,mais des progrĂšs restent Ă  faire pour gĂ©nĂ©raliser les bonnes pratiques........................Page 12La prise en charge des victimes dans le parcours judiciaire doit ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e ..........................................Page 14L’amĂ©lioration de la prise en charge des femmes victimes de violences passe Ă©galementpar le dĂ©veloppement de vĂ©ritables interlocuteurs de proximitĂ© ......................................................................Page 14Des lieux d’accueil de jours Ă  identifier et labelliser ........................................................................................Page 14L’accueil et la prise en charge mĂ©dico-lĂ©gale des victimes doivent ĂȘtre harmonisĂ©s et renforcĂ©s ..................Page 15L’évaluation de l’incapacitĂ© totale de travail (ITT) comme preuve des violencesdoit ĂȘtre Ă©tendue aux violences psychologiques et harmonisĂ©e ....................................................................Page 15

2.2 Le traitement judiciaire des violences ......................................................................Page 16Une Ă©volution cohĂ©rente des dispositifs lĂ©gislatifs ..........................................................................................Page 16La rĂ©ponse pĂ©nale aux violences doit ĂȘtre systĂ©matique et prĂ©coce pour« faire cesser la situation de violence avant qu'elle soit enracinĂ©e » ..............................................................Page 17Les mains courantes soient transmises systĂ©matiquement aux parquets........................................................Page 17La circulation de l’information entre les juridictions pĂ©nales et civiles doit ĂȘtre mise en place effectivement ......Page 18Une vigilance particuliĂšre est nĂ©cessaire quant au recoursĂ  la mĂ©diation pĂ©nale en matiĂšre de violences au sein du couple ..................................................................Page 18Les mesures d’éloignement de l’auteur des violences doivent ĂȘtre effectivement mises en Ɠuvre ..............Page 19Au civil, l’éviction du domicile de l’auteur des violences ..................................................................................Page 19Au pĂ©nal, l’éviction du domicile de l’auteur des violences................................................................................Page 20Le bracelet Ă©lectronique : nouvelle mesure de contrĂŽle de l’application de l’éloignement du conjoint violent ....Page 20

2.3 La prise en charge des auteurs de violence doit ĂȘtre organisĂ©e,financĂ©e et coordonnĂ©e pour lutter contre les risques de rĂ©cidives ..............................Page 21Des profils qui justifient une prise en charge systĂ©matique..............................................................................Page 21La loi a organisĂ© le suivi des auteurs de violences Ă  tous les stades de la procĂ©dure judiciaire ....................Page 21

2.4 La disparitĂ© des politiques pĂ©nales menĂ©es par les parquetsreste un obstacle important Ă  l’application pleine et uniforme de la loi ........................Page 22

2.5 La protection des victimes Ă©trangĂšres ......................................................................Page 22L’accĂšs au droit au sĂ©jour des femmes Ă©trangĂšres en situation rĂ©guliĂšre,victimes de violences conjugales. Une adaptation partielle de la rĂ©glementation ..........................................Page 23Des freins trĂšs importants Ă  la protection des femmesvictimes de violences qui sont en situation irrĂ©guliĂšre subsistent. ..................................................................Page 23

3. L’organisation et la coordination des moyenspour lutter contre les violences faites aux femmes ....................................................................Page 24

3.1 La coordination de la politique de lutte contre les violences faitesaux femmes au niveau national et local doit ĂȘtre renforcĂ©e et systĂ©matisĂ©e................Page 243.2 Le financement des moyens doit ĂȘtre Ă  la hauteur des objectifs gouvernementaux ..Page 263.3 Le rĂ©seau associatif est important et polyvalent et doit ĂȘtre activement soutenu....Page 26Les moyens de la plate-forme tĂ©lĂ©phonique du numĂ©ro d’appel national3919 « violences conjugales infos » doivent ĂȘtre renforcĂ©s ............................................................................Page 26Les subventions nationales 2009 aux associations sont en baisse de 18,8% par rapport Ă  2006 ..................Page 27La dĂ©centralisation accroĂźt les disparitĂ©s territoriales et met en pĂ©ril la pĂ©rennitĂ© des fonds ..........................Page 27

Sommaire

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 7

4. L’évolution du droit ................................................................................................................Page 274.1 La proposition de crĂ©ation d’une ordonnance de protection ....................................Page 284.2 La question des dĂ©lits de violences psychologiques ou habituelles ........................Page 28

II LES MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES (MSF) ....................................Page 30

Toute mutilation sexuelle féminine est un acte de violence contre la femme,qui équivaut à la violation de ses droits fondamentaux ....................................................................................Page 30En France
......................................................................................................................................................Page 30

1. La prévention des mutilations sexuelles fémininespasse par la formation et la sensibilisation ............................................................................Page 31

2. Le traitement judiciaire des mutilations sexuelles fĂ©minines2.1 La rĂ©pression des MSF a Ă©tĂ© renforcĂ©e ....................................................................Page 31Le dĂ©lai de prescription en matiĂšre d’action publique a Ă©tĂ© allongĂ© ................................................................Page 31La rĂ©pression des mutilations sexuelles commises Ă  l’étranger a Ă©tĂ© renforcĂ©e..............................................Page 31Le secret professionnel peut ĂȘtre levĂ© en cas de mutilations sexuelles ..........................................................Page 31La portĂ©e de ces avancĂ©es lĂ©gislatives est amoindrie en raison d’une application hĂ©tĂ©rogĂšne des textes ....Page 32

3. La protection des victimes ......................................................................................................Page 32

III LA LUTTE CONTRE LES MARIAGES FORCÉS ............................................Page 33

Mesurer l’ampleur du phĂ©nomĂšne est un prĂ©alable indispensableĂ  la prĂ©vention et la rĂ©pression des mariages forcĂ©s ................................................................Page 33La prĂ©vention reste au cƓur de la lutte contre les mariages forcĂ©s..........................................Page 34Les bonnes pratiques....................................................................................................................Page 34La protection des victimes ..........................................................................................................Page 35

La proposition de crĂ©ation d’une ordonnance de protection des victimes de mariage forcĂ©............................Page 35L’introduction dans le code pĂ©nal d’un dĂ©lit de contrainte au mariage ............................................................Page 35

IV LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS ..............................................................Page 37

Le phĂ©nomĂšne de la traite des ĂȘtres humains en France ................................................................................Page 38

1. L'identification des personnes victimes de la traite des ĂȘtres humains :un Ă©lĂ©ment crucial de la protection ............................................................................................Page 38

L'absence d’un dispositif national d’identification des victimes ........................................................................Page 38L’identification par la sensibilisation et la formation des agents compĂ©tents....................................................Page 39

2. La protection et l’assistance des victimes : le principe « protection contre coopĂ©ration »....Page 3930 jours : un dĂ©lai de rĂ©flexion et de rĂ©tablissement trop court ........................................................................Page 39Un droit au sĂ©jour conditionnĂ©..........................................................................................................................Page 39

3. La protection des victimes dans le cadre de la procĂ©dure d’asile ........................................Page 40Les conditions de la demande d’asile auprĂšs del’Office français de protection des rĂ©fugiĂ©s et apatrides (OFPRA) ..................................................................Page 40Les conditions d’accĂšs Ă  une rĂ©elle procĂ©dure d’asile ..................................................................................Page 40La prise en compte par les institutions françaises des persĂ©cutions au titre de la traite ................................Page 41

RECOMMANDATIONS ......................................................................................Page 42

ANNOTATIONS DE BAS DE PAGES..................................................................Page 46

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire8

«Alors qu'un individu rend visite à son ex-épouse et sestrois enfants, ùgés de 3 à 12 ans, il porte à celle-ci unequarantaine de coups de couteau et l'égorge sous les

yeux des enfants. L'auteur, qui n'avait pas accepté la sépara-tion, aurait agi pour le respect de son « honneur ».

« Sorti depuis 15 jours de prison pour des violences sur saconcubine, un individu jaloux et violent revoit sa compagne,qui était hébergée dans un foyer pour femmes. Elle lui expliquene plus vouloir revenir avec lui. Ne le supportant pas, en pleinerue, il lui porte une trentaine de coups de couteau5. »

De l'Ă©tude nationale menĂ©e sur les morts violentes consta-tĂ©es au sein du couple au cours de l'annĂ©e 2008, il ressortqu’en France, en moyenne, une femme dĂ©cĂšde tous les deuxjours et demi victime de son compagnon ou ex-compagnon.

Au cours de l’annĂ©e 2008, 184 personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es, vic-times de leur partenaire ou ex-partenaire de vie (conjoint,concubin, pacsĂ© ou « ex » dans les trois catĂ©gories).

ïżœ 156 femmes sont dĂ©cĂ©dĂ©es victimes de leur compagnonou ex-compagnon

ïżœ 27 hommes sont dĂ©cĂ©dĂ©s, victimes de leur compagne ouex-compagne

ïżœ 1 femme est dĂ©cĂ©dĂ©e victime de sa compagne

Cetteviolences’exerçantdans lecadre familial, neufenfantsontĂ©ga-lement Ă©tĂ© victimes des violences mortelles exercĂ©es par leur pĂšre.

En incluant les suicides des auteurs et les homicides commissimultanément avec ceux du partenaire de vie, ces violencesmortelles ont occasionné au total le décÚs de 254 personnes.

En France, au cours de l’annĂ©e 2006, une femme mourraittous les trois jours sous les coups de son compagnon.

La violence au sein du couple en France n’a donc pas diminuĂ©.

1. LA PRÉVENTION DES VIOLENCESFAITES AUX FEMMES

L’information, la sensibilisation et la formation sont au cƓur dela prĂ©vention des violences faites aux femmes.

En juillet 2009, la mission parlementaire a rappelĂ© aux auto-ritĂ©s que « la prĂ©vention des violences passe par le repĂ©ragedes femmes victimes le plus prĂ©cocement possible, par lesprofessionnels (de santĂ© notamment) et dans tous les lieux oĂčces violences peuvent s’exercer, y compris dans l’entreprise.Mais la prĂ©vention nĂ©cessite une action encore plus en amontqui mobilise l’Éducation nationale et les mĂ©dias afin de faireĂ©voluer des comportements et des reprĂ©sentations stĂ©rĂ©oty-pĂ©s qui peuvent se rĂ©vĂ©ler sources de violence6. »

Pour Amnesty International France, si depuis 2006 des avan-cĂ©es peuvent ĂȘtre constatĂ©es en termes d’information et desensibilisation, des progrĂšs importants restent Ă  faire concer-nant la formation de tous les acteurs impliquĂ©s dans la luttecontre ces violences.

1.1 L’information et la sensibilisation doiventĂȘtre une prioritĂ© pour les autoritĂ©s

En 2006, dans son rapport sur les violences faites auxfemmes en France, Amnesty international recommandait Ă l’État français de « s’assurer que les numĂ©ros verts et l’infor-mation sur le droit des femmes soient accessibles Ă  tous ettoutes. » et « que des campagnes de sensibilisation soient rĂ©-guliĂšrement organisĂ©es au niveau national7. »

Il est en effet vital pour les victimes d’ĂȘtre informĂ©es de leursdroits car cela leur permet de les revendiquer. Sans cette in-formation, beaucoup d’entre elles continueront de souffrir ensilence. Si des mesures visant Ă  garantir aux victimes de vio-lences l’accessibilitĂ© de l’information ont Ă©tĂ© mises en placepar les autoritĂ©s françaises, avec notamment la crĂ©ation dela plate forme d’écoute tĂ©lĂ©phonique nationale du 3919 et lesite internet www.stop-violences-femmes.gouv.fr, le deuxiĂšmeplan global triennal (2008-2010) lancĂ© le 21 novembre 2007par le SecrĂ©tariat d’État Ă  la SolidaritĂ©, a fait le constat que les« violences sont vĂ©hiculĂ©es par des stĂ©rĂ©otypes inaccepta-bles » et qu’« elles sont Ă©galement encore trop souvent ca-chĂ©es et [que]leur ampleur doit continuer Ă  ĂȘtre dĂ©noncĂ©e ».

Pour y remĂ©dier, l’objectif 4 du plan vise Ă  « accroĂźtre l’effortde sensibilisation de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble [
] pourengager les femmes Ă  ne plus subir ces violences sans rĂ©a-gir et Ă  leur faire connaĂźtre les dispositifs existants Ă  traversl’action des pouvoirs publics et des rĂ©seaux associatifs8 ».

Depuis 2006, plusieurs campagnes nationales d’informationet de sensibilisation ont Ă©tĂ© lancĂ©es tant sur le thĂšme des vio-lences au sein du couple que sur celui des mariages forcĂ©s etdes mutilations sexuelles fĂ©minines et une action de rĂ©flexionsur l’image des femmes dans les mĂ©dias a Ă©tĂ© engagĂ©e parle gouvernement.

DestinĂ©s Ă  une large diffusion, plusieurs guides mĂ©thodolo-giques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s et constituent des rĂ©pertoires debonnes pratiques ou des outils d’information pour les victimeset les professionnels9.

Mais la diffusion de ces outils n’est pas toujours gĂ©nĂ©ralisĂ©eou est parfois diffĂ©rĂ©e. Plusieurs mois peuvent s’écouler entrela sortie d’un document et sa diffusion sur tout le territoire. Deplus, leur utilisation par les acteurs concernĂ©s doit ĂȘtre systĂ©-matisĂ©e pour que l’application des recommandations qu’ilscontiennent soit effective et homogĂšne sur le territoire.

Enfin, dans le but de donner une visibilité supplémentaire à lalutte contre les violences faites aux femmes, le premier mi-nistre, Monsieur François Fillon, a annoncé le 25 novembre2009, que la lutte contre les violences faites aux femmes se-rait la « Grande cause nationale 2010 ».

Pour le premier ministre, « l’attribution de ce label, c’estd'abord la reconnaissance de l’importance que le gouverne-ment accorde Ă  cette cause. Mais c’est aussi la reconnais-sance du travail effectuĂ© par vos associations. Sans votreaction de terrain, la mobilisation des services de l'État ne pour-

I Lesviolencesauseinducouple

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 9

rait pas porter ses fruits. Cette reconnaissance officielle, jepense qu'elle va offrir au combat des associations une visibi-litĂ© accrue et un accĂšs qui est essentiel aux medias pour pour-suivre ce qui est d'abord une Ɠuvre de sensibilisation10. »

Les campagnes nationales de prĂ©vention et desensibilisation du grand public doivent ĂȘtremultipliĂ©es et pĂ©rennisĂ©es

Pour Amnesty International, les campagnes nationales desensibilisation sont un moyen d’action pour lutter contre lesviolences faites aux femmes. Vecteurs d’information auprĂšsdes victimes mais aussi des tĂ©moins, ces campagnes per-mettent de « briser le silence ».

En 2008, une campagne sur l’ensemble des violences faitesaux femmes "Ne laissez pas la violence s’installer. RĂ©agissez"a Ă©tĂ© lancĂ©e par le SecrĂ©tariat d’État Ă  la SolidaritĂ©. Cettecampagne a Ă©tĂ© conçue comme le support de communicationdu deuxiĂšme plan global triennal (2008-2010) contre les vio-lences faites aux femmes.

Pour la SecrĂ©taire d’État Ă  la SolidaritĂ©, Madame ValĂ©rie LĂ©-tard, cette campagne se voulait une vĂ©ritable rupture avec lesprĂ©cĂ©dentes campagnes en interpellant les femmes victimesde violence, mais Ă©galement les tĂ©moins de ces violences etles auteurs, avec un leitmotiv rappelant que ces violences ontde multiples formes." Psychologique, verbale ou physique, laviolence isole. Parlez-en".

« De campagne en campagne, aux chiffres mortifĂšres corres-pondait la rĂ©pĂ©tition sans fin et sans espoir d’un long martyrqui ne laissait aucune porte de sortie. Le constat d’une cruautĂ©ordinaire conduite Ă  son point ultime de non-retour. Peu Ă  peus’installait l’image d’une femme meurtrie, Ă  terre, gisante,morte : femme battue dans sa cuisine par son mari ou son fils,visage tumĂ©fiĂ©, sac de morgue refermĂ©, femme autopsiĂ©e,fƓtus ensanglantĂ©, nom sur une pierre tombale


Cette communication au registre morbide risquait Ă  termed’ĂȘtre contreproductive parce que dĂ©sespĂ©rante et ne lais-sant aucune place Ă  l’action. Cette longue litanie doloriste ris-quait aussi Ă  terme de provoquer la saturation et le rejet. Unerupture Ă©tait nĂ©cessaire. La campagne presse et le site ont encommun le choix d’un registre combatif avec un mot d’ordrequi incite Ă  l’action « Ne laissez pas la violence s’installer. RĂ©a-gissez11. »

En juin 2009, une campagne tĂ©lĂ©visĂ©e visant spĂ©cifiquementles violences verbales et psychologiques12 a Ă©tĂ© diffusĂ©e surl’ensemble des chaĂźnes hertziennes. Cependant, cette cam-pagne n’a durĂ© que du 11 juin 2009 au 1er juillet 2009 et unedurĂ©e aussi brĂšve n’est pas un dĂ©lai pertinent pour avoir unrĂ©el impact.

Comme le relĂšve Madame Ernestine Ronai, responsable del’Observatoire des violences envers les femmes de SeineSaint Denis, « c’est par la libĂ©ration de la parole qu’elle pro-duit que l’on Ă©value l’impact d’une campagne ».

Pour ĂȘtre efficaces, les campagnes nationales de sensibilisa-tion doivent donc ĂȘtre de qualitĂ© et s’inscrire dans la durĂ©e.

1. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises d’intensifier son actiond’information et de sensibilisation notamment enmultipliant les campagnes d’information et desensibilisation, et en pĂ©rennisant leur durĂ©e.

La prévention des violences faites aux femmes relÚve ausside la responsabilité des médias

Pour Amnesty International, l’image que donnent les mĂ©diasdes femmes et des violences qu’elles subissent peut avoir deseffets considĂ©rables13.

Pour qu’une plus grande attention soit prĂȘtĂ©e aux contenusportant atteinte Ă  l’image de la femme, voire incitant Ă  la vio-lence Ă  leur encontre, les mĂ©dias doivent ĂȘtre partie prenantede la prĂ©vention des violences faites aux femmes en garan-tissant le respect de la dignitĂ© humaine. C’est tout le sens dela Recommandation Rec (2002) du ComitĂ© des ministres duConseil de l’Europe qui incite notamment les États membresĂ  « encourager les mĂ©dias Ă  promouvoir une image non stĂ©-rĂ©otypĂ©e de la femme et de l’homme, fondĂ©e sur le respectde la personne humaine et de sa dignitĂ©, et Ă  Ă©viter les pro-ductions associant violence et sexe14 ».

Le ComitĂ© pour l’élimination de la discrimination Ă  l’égard desfemmes a demandĂ© aux États parties Ă  la Convention « quedes mesures efficaces soient prises pour que les mĂ©dias res-pectent et incitent Ă  respecter la femme15 » et, dans ses Ob-servations finales sur le rapport de la France en avril 2008, ilrecommandait Ă  la France de continuer d’encourager les mĂ©-dias Ă  promouvoir le changement dans les rĂŽles et tĂąches at-tribuĂ©s aux femmes et aux hommes16.

En mars 2008, Madame ValĂ©rie LĂ©tard, SecrĂ©taire d’État Ă  laSolidaritĂ©, a chargĂ© Madame MichĂšle Reiser de constituerune commission de rĂ©flexion sur l’image des femmes dansles mĂ©dias. L’enjeu Ă©tait d’analyser le dĂ©calage entre les stĂ©-rĂ©otypes qui continuent Ă  s’appliquer Ă  l’image des femmes etla pluralitĂ© de leurs rĂŽles familial et social, de leurs activitĂ©s etde leurs aspirations. Dans son rapport du 25 septembre 2008,la commission constatait alors que le poids des clichĂ©s et desstĂ©rĂ©otypes continue Ă  peser et Ă  compromettre les progrĂšsen faveur des femmes et que « malgrĂ© les efforts des profes-sionnels de la publicitĂ©, de la presse et de l’audiovisuel, mal-grĂ© l’adoption de rĂšgles dĂ©ontologiques, certaines images,certains messages ou propos continuent de vĂ©hiculer des re-prĂ©sentations souvent trĂšs stĂ©rĂ©otypĂ©es, parfois mĂȘmes dĂ©-gradantes de l’image de la femme17. »

En France, l’obligation de garantir le respect de la dignitĂ© hu-maine figure parmi les obligations faites aux sociĂ©tĂ©s audio-visuelles obtenant une autorisation d’émettre sur le territoirenational. Les textes encadrant l’activitĂ© des mĂ©dias visent lesnotions d’atteinte Ă  la dignitĂ© humaine et d’incitation Ă  la vio-lence18.

Le Conseil supĂ©rieur de l’audiovisuel (CSA) exerce uncontrĂŽle sur les chaĂźnes de tĂ©lĂ©visions et les radios publiqueset privĂ©es avec deux objectifs : la protection de l’enfance et del’adolescence ainsi que l’interdiction des propos et comporte-ments discriminatoires ou attentatoires au respect de la di-gnitĂ© humaine.

L’AutoritĂ© de rĂ©gulation professionnelle de la publicitĂ© aadoptĂ© en octobre 2001 une recommandation relative à« l’Image de la personne humaine » et signĂ© en novembre2003 une DĂ©claration commune sur le respect de la personnedans la production publicitaire, valant engagements rĂ©ci-proques sur des objectifs communs avec la Ministre dĂ©lĂ©guĂ©eĂ  la ParitĂ© et Ă  l’ÉgalitĂ© professionnelle.

Les pouvoirs dont ces deux instances sont dotĂ©es, ainsi quela Commission de classification des Ɠuvres cinĂ©matogra-phiques, leur permettent d’exercer un contrĂŽle au regard tantde la protection de la dignitĂ© humaine que de la rĂ©pressionde la provocation Ă  la haine ou Ă  la violence en raison dusexe.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire10

Il importe donc que l’attention des instances de rĂ©gulation soitattirĂ©e sur la thĂ©matique particuliĂšre de la lutte contre les vio-lences faites aux femmes. En effet, le rapport sur l’image desfemmes dans les mĂ©dias constate Ă©galement, de fait, la ten-dance d’un organisme de rĂ©gulation tel que le CSA Ă  apprĂ©-hender la question du traitement de l’image des femmes dansles mĂ©dias de la mĂȘme façon que celle des minoritĂ©s dites «visibles ». Pour les rĂ©dacteurs du rapport, cette approche leconduirait Ă  nĂ©gliger les spĂ©cificitĂ©s de la lutte contre les stĂ©-rĂ©otypes sexistes et dĂ©gradants pour l’image des femmespour ne rĂ©aliser qu’un contrĂŽle au regard de la diversitĂ©.

Pour ces raisons, le Collectif national pour les droits desfemmes et le rapport sur l’image des femmes dans les mĂ©-dias ont proposĂ© d’accorder aux associations de dĂ©fense desdroits des femmes le droit de saisine du CSA lequel pourraitdĂ©clencher une procĂ©dure de mise en demeure et infliger lessanctions prĂ©vues Ă  l’article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 sep-tembre 1986 relative Ă  la libertĂ© de communication.

La proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novem-bre 2009 propose d’ouvrir aux associations de dĂ©fense desdroits des femmes le droit de saisine du CSA et d’introduiredans la loi relative aux publications destinĂ©es Ă  la jeunesse,l’interdiction d’inciter aux prĂ©jugĂ©s sexistes car seuls les prĂ©-jugĂ©s ethniques y sont actuellement mentionnĂ©s19. Ce textepropose Ă©galement d’inclure explicitement les violences faitesaux femmes dans les dispositions relatives Ă  la lutte contreles contenus pouvant inciter Ă  la violence20.

Le rîle de l’Éducation nationale

En 2006, Amnesty International recommandait Ă  l’État fran-çais d’organiser en lien avec l’Éducation nationale une sensi-bilisation des Ă©lĂšves sur la question de la sexualitĂ© et de laprĂ©vention des comportements sexistes. Un dĂ©cret du 11 juil-let 2006 relatif au socle commun des connaissances et descompĂ©tences mentionne dĂ©sormais explicitement « le respectde soi, des autres et le respect de l’autre sexe ».

Le premier plan global de lutte contre les violences faites auxfemmes (2005-2007) avait fixĂ© un objectif de prĂ©vention enmilieu scolaire centrĂ© sur l’apprentissage du respect de l’au-tre et l’éducation Ă  la mixitĂ© comme valeur rĂ©publicaine. Cetobjectif, qui incombe Ă  l’Éducation nationale, a Ă©tĂ© repris parle plan 2008-2010.

Mais en juillet 2009, la mission parlementaire constatait que« si l’école s’est emparĂ©e du sujet, la mobilisation est loind’ĂȘtre systĂ©matique, les initiatives prises ne sont pas gĂ©nĂ©ra-lisĂ©es et leur mise en Ɠuvre peine Ă  s’organiser de façon vĂ©-ritablement coordonnĂ©e21. »

1.2 La nĂ©cessitĂ© d’une politique de formationcohĂ©rente et systĂ©matique de tous lesacteurs

En 2006, Amnesty International soulignait que « la rĂ©ponsede l’État [aux violences contre les femmes] dĂ©pendra de sacapacitĂ© Ă  faire Ă©voluer les mentalitĂ©s et les pratiques.ConcrĂštement, cette action passe par la formation et la sen-sibilisation des professionnels [
] Les professionnelsconfrontĂ©s aux questions de violences dans le couple -agents judiciaires, policiers, professionnels de la santĂ© – doi-vent ĂȘtre sensibilisĂ©s et correctement formĂ©s pour que lesdroits des femmes soient pleinement garantis et respec-tĂ©s24. »

En juillet 2008, le rapport d’évaluation du premier plan trien-nal de lutte contre les violences faites aux femmes 2005-2007constatait que, si de rĂ©elles avancĂ©es avaient eu lieu, des pro-grĂšs notables restaient Ă  faire.

« Des actions ont Ă©tĂ© conduites dans le secteur sanitaire etsocial, la police, la gendarmerie, ou encore en direction desmagistrats ou des personnels des prĂ©fectures. Ces forma-tions sont cependant trĂšs limitĂ©es en nombre et souvent sui-vies sur la base du volontariat, c’est-Ă -dire par despersonnels dĂ©jĂ  motivĂ©s. De plus, la mobilitĂ© est Ă©levĂ©e, no-tamment dans la police et surtout dans les secteurs les plusdifficiles. Quand les gens sont formĂ©s, ils s’en vont ! Il fautdonc renouveler sans cesse les formations. Les formationsinterdisciplinaires organisĂ©es localement sont particuliĂšre-ment efficaces. Ceux qui les suivent peuvent y apprendrecomment travaillent leurs collĂšgues d’autres secteurs etnouer des contacts avec eux. Les rĂ©seaux qui se constituentainsi amĂ©liorent l’opĂ©rationnalitĂ©25. »

Le développement des formations interdisciplinaires au ni-veau local est donc également à intensifier car ces actionspermettent de mettre les intervenants en contact les uns avec

2. Amnesty International France invite lesparlementaires Ă  adopter la disposition de laproposition de loi « renforçant la protection desvictimes et la prĂ©vention et la rĂ©pression desviolences faites aux femmes » introduisant dans la loirelative aux publications destinĂ©es Ă  la jeunesse,l’interdiction d’inciter aux prĂ©jugĂ©s sexistes car seulsles prĂ©jugĂ©s ethniques y sont actuellementmentionnĂ©s et celle ouvrant aux associations dedĂ©fense des droits des femmes le droit de saisine duConseil supĂ©rieur de l’audiovisuel (CSA) et leurrecommande d’élargir ce droit de saisine Ă  toutes lesassociations de dĂ©fense des droits humains.

3. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises que :- le respect mutuel et l'Ă©galitĂ© entre les sexes soientsystĂ©matiquement enseignĂ©s dans les Ă©coles, lescollĂšges et les lycĂ©es et que les autoritĂ©s veillent Ă  ceque tous les stĂ©rĂ©otypes sexistes soient retirĂ©s desmanuels scolaires- la formation initiale et continue de tous lespersonnels de l’Éducation nationale intĂšgre cesproblĂ©matiques.

« A l’école, lieu d’apprentissage du respect de l’autre, les ini-tiatives sont nombreuses mais leur mise en Ɠuvre relĂšve del’autonomie des Ă©tablissements et les outils sont insuffisam-ment mutualisĂ©s22 ».

L’article 3 de la proposition de loi du SĂ©nat du 25 novembre200923 prĂ©voit de dispenser dans les Ă©coles, les collĂšges etles lycĂ©es une information sur le respect mutuel et l’égalitĂ©entre les sexes Ă  raison d’une sĂ©ance mensuelle. CessĂ©ances pourront associer les personnels contribuant Ă  la rĂ©-pression des violences Ă  l’égard des femmes, Ă  l’aide aux vic-times, ainsi que tout autre intervenant extĂ©rieur.

Pour Amnesty International, l’éducation sur l’égalitĂ© et le res-pect mutuel entre les sexes, notamment la prĂ©vention de laviolence Ă  l’égard des femmes, doit commencer tĂŽt, dĂšs l’édu-cation des enfants, pour ĂȘtre le plus efficace possible.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 11

La formation initiale et continue des personnelsde la police et de la gendarmerie doit ĂȘtresystĂ©matique pour tous les agents

Le Guide de l’action publique prĂ©cise « que si tout service en-quĂȘteur est habilitĂ© Ă  recevoir la dĂ©nonciation d’infractions,une bonne pratique consiste Ă  affecter Ă  ces tĂąches des en-quĂȘteurs formĂ©s Ă  la spĂ©cificitĂ© du contentieux des violencesau sein du couple, mieux Ă  mĂȘme de tĂ©moigner Ă  la victimel’écoute nĂ©cessaire et d’évaluer au travers de ses propos lagravitĂ© de la situation29. »

Pourtant, les formations initiales ne permettent pas de sensi-biliser et de former durablement les policiers et les gendarmesĂ  la spĂ©cificitĂ© des violences faites aux femmes. En effet, ellesrestent une simple initiation aux situations de violences ausein du couple, parce que les policiers et les gendarmes doi-vent en effet ĂȘtre formĂ©s Ă  de multiples problĂ©matiques en untemps relativement bref30.

L’accent est alors mis sur la formation continue. Mais si la for-mation continue tend Ă  vĂ©ritablement s’institutionnaliser chezles gendarmes, elle s’avĂšre moins frĂ©quente chez les poli-ciers.

En 2005, la gendarmerie a crĂ©Ă© un dispositif de formationcontinue fondĂ© sur un systĂšme pyramidal, afin de toucher tousles militaires : « Au niveau de chaque dĂ©partement et grou-pement de gendarmerie a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© un correspondant dĂ©-partemental de lutte contre les violences intrafamiliales et,dans chaque communautĂ© de brigade ou brigade autonome,a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© un rĂ©fĂ©rent. » Ces correspondants dĂ©parte-mentaux reçoivent une formation qu’ils relaient ensuite au-prĂšs des rĂ©fĂ©rents, lesquels devront sensibiliser les militaires:« l’objectif est de former tous les militaires des unitĂ©s territo-riales Ă  prendre en charge une victime de violences31. »

ParallĂšlement Ă  ce dispositif, des modules de formation conti-nue sont organisĂ©s sur les violences intrafamiliales, la pro-blĂ©matique de la traite des ĂȘtres humains et l’assistance auxvictimes. Les officiers bĂ©nĂ©ficient par exemple d’un sĂ©minairede formation pluridisciplinaire de trois jours oĂč sont invitĂ©s desprocureurs, des psychiatres, des associations et des mĂ©de-cins lĂ©gistes.

En revanche, la formation continue est moins systématiquedans la police.

Monsieur Michel Ribeiro, commissaire divisionnaire, a dĂ©clarĂ©que « dans la Police nationale, la formation continue sur lesviolences intrafamiliales est dispensĂ©e essentiellement Ă l’échelon rĂ©gional. Nous proposons de calquer le dispositifsur celui en vigueur dans la gendarmerie. Des correspondantsdĂ©partementaux y sont formĂ©s, qui ensuite dĂ©multiplient lesformations. Les inconvĂ©nients limitĂ©s de cette solution, no-tamment la perte de substance et de qualitĂ© pĂ©dagogiquedue Ă  des relais plus nombreux, peuvent ĂȘtre facilement pal-liĂ©s en formant spĂ©cifiquement un « noyau dur » de personnesau sein de chaque dĂ©partement. Aujourd’hui, la direction dela formation de la police nationale semble intĂ©ressĂ©e par cettesolution32. »

En fĂ©vrier 2009, Madame Maryvonne Chapalain, du ministĂšrede l’IntĂ©rieur, a ainsi prĂ©cisĂ© : « Nous essayons d’élargir aumaximum les compĂ©tences des fonctionnaires de police etdes militaires de la gendarmerie, pour que dans chaque unitĂ©et dans chaque commissariat soient prĂ©sents des personnelsspĂ©cifiquement formĂ©s Ă  cet effet33. »

En septembre 2009, suite à la création des brigades de pro-tection de la famille, un module de formation continue sur les

les autres et participent ainsi du travail de mise en rĂ©seau quis’avĂšre efficace.

Cet objectif est Ă©galement prĂ©conisĂ© par le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©-ral du comitĂ© interministĂ©riel de prĂ©vention de la dĂ©linquance,Monsieur Philippe de Lagune : « Pour les acteurs de terrain,la formation des agents d’accueil est fondamentale. Un efforta Ă©tĂ© fait sur la formation initiale. Il conviendrait aujourd’huide mettre en place des formations plus transversales, qui re-grouperaient sur un mĂȘme dĂ©partement les agents de la com-mune, du conseil gĂ©nĂ©ral, de la prĂ©fecture et du TGI [tribunalde grande instance]. De telles initiatives pourraient effective-ment ĂȘtre financĂ©es par le FIPD [Fonds interministĂ©riel de prĂ©-vention de la dĂ©linquance], mais sous deux rĂ©serves : que celasoit inscrit parmi nos prioritĂ©s annuelles et que le montant al-louĂ© au FIPD (
) soit revalorisĂ©, car nos 35 millions annuelsn’y suffiront pas !26 ».

Les dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et les chargĂ©es de mission dĂ©par-tementales aux droits des femmes peuvent jouer un rĂŽle cen-tral dans l’organisation de ces formations et il est doncnĂ©cessaire de les appuyer en mobilisant les moyens nĂ©ces-saires.

Dans son discours du 25 novembre 2009 Ă  l’occasion de lajournĂ©e internationale contre les violences faites aux femmes,le premier ministre Monsieur François Fillon a dĂ©clarĂ©:

« Nous allons aussi faire des efforts particuliers pour amĂ©lio-rer le repĂ©rage et la prise en charge des victimes. Nous prĂ©-voyons d’offrir systĂ©matiquement Ă  tous les professionnelssusceptibles d’avoir Ă  traiter des situations de violences ausein du couple, comme dans le domaine de la protection del’enfance, une formation spĂ©cifique. La formation initiale desprofessionnels de santĂ©, - les mĂ©decins, les infirmiers, lessages-femmes -, qui intĂšgre dĂ©jĂ  les mutilations sexuelles fĂ©-minines, inclura aussi Ă  l’avenir la gestion des victimes de vio-lences intrafamiliales.

Le ministĂšre chargĂ© de l’IntĂ©gration soutient Ă©galement l’of-fre de formation destinĂ©e aux acteurs de terrain et aux pro-fessionnels de la plate-forme d’écoute du 3919, autour de laproblĂ©matique des mariages forcĂ©s et des mutilationssexuelles. Et en 2010, je lui ai demandĂ© de les dĂ©velopper en-core. »

Pour Amnesty International France, le dĂ©ficit de formation desacteurs impliquĂ©s dans la lutte contre les violences faites auxfemmes en France est encore trop important aujourd’hui etnuit notamment Ă  la nĂ©cessaire spĂ©cialisation des compĂ©-tences des acteurs concernĂ©s.

Les travaux parlementaires en cours visent Ă  renforcer la for-mation des acteurs impliquĂ©s. Ainsi, la proposition de loi del’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre 2009 envisage uneformation systĂ©matique des professionnels susceptiblesd’avoir Ă  traiter de situations de violences au sein du couple,sur le modĂšle de celle prĂ©vue dans le domaine de la protec-tion de l’enfance.27 Sur la formation des acteurs impliquĂ©sdans la lutte contre les violences faites aux femmes, la pro-position de loi du SĂ©nat du 25 novembre 2009 pose Ă©gale-ment le principe de la formation de tous les acteurs sociaux,mĂ©dicaux et judiciaires afin d’amĂ©liorer l’accueil, la protectionet le suivi des victimes de violences conjugales.28

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire12

violences intrafamiliales, d’une durĂ©e de quatre jours, a Ă©tĂ©rĂ©actualisĂ©. Mais la formation continue sur ce thĂšme est rĂ©ser-vĂ©e en prioritĂ© aux agents affectĂ©s Ă  une unitĂ© spĂ©cialisĂ©e34.

La formation des magistrats reste un enjeuprimordial dans la prévention et la lutte contreles violences faites aux femmes

En 2006, Amnesty International considĂ©rait que les « avancĂ©espositives vers une meilleure prise en charge des violencesconjugales par les magistrats ne seront suivies d’effets que sielles sont accompagnĂ©es d’une sensibilisation et d’un renfor-cement de la formation initiale et continue en la matiĂšre35. »

Dans ses observations finales du 8 avril 2008, le ComitĂ© pourl’élimination de la discrimination Ă  l’égard des femmes a in-sistĂ© Ă©galement sur l’importance de la formation et a engagĂ©l’État français « Ă  prendre d’autres mesures pour faire mieuxconnaĂźtre la Convention et son protocole facultatif et Ă  infor-mer rĂ©guliĂšrement les magistrats et les procureurs de la por-tĂ©e et de l’importance de la Convention pour les inciter Ă l’invoquer dans les procĂšs et pour encourager les juristes Ă faire de mĂȘme ». Il a en outre recommandĂ© « que la Conven-tion, son protocole facultatif et les autres instruments inter-nationaux relatifs aux droits de l’homme figurentobligatoirement dans les programmes de formation juridiqueet des facultĂ©s de droit françaises ».

La formation des magistrats au contentieux des violencesfaites aux femmes reste ainsi, en 2009, un enjeu primordialdans la prévention et la lutte contre les violences faites auxfemmes.

Concernant la formation initiale, l’enseignement par fonctiona disparu au profit d’un enseignement par thĂšme (pĂŽle de for-mation). En 2009, dans le programme pĂ©dagogique de for-mation initiale des futurs magistrats, la problĂ©matique desviolences intrafamiliales est intĂ©grĂ©e dans le pĂŽle de formation«environnement judiciaire36 ». Pour ce pĂŽle de formation, l’ob-jectif pĂ©dagogique est la « capacitĂ© Ă  prendre une dĂ©cisioninscrite dans son contexte37. »

Un stage extĂ©rieur de cinq semaines (dans une administra-tion dĂ©concentrĂ©e de l’État, une prĂ©fecture, une administrationcentrale, une collectivitĂ© territoriale, un Ă©tablissement public,une autoritĂ© administrative indĂ©pendante, une association ouune entreprise) est orientĂ© vers « la connaissance du rĂŽle etdu fonctionnement d’un partenaire de l’institution judiciaireou d’un acteur de la vie sociale et Ă©conomique38 ».

Concernant la formation continue, les magistrats peuventchoisir une thĂ©matique proposĂ©e dans le catalogue de for-mation ou proposer, Ă  l’École nationale de la magistrature,une formation qui les intĂ©resse. Mais dans la pratique, bienqu’obligatoire, le systĂšme de formation continue reste large-ment fondĂ© sur le volontariat.

Ainsi, Madame AgnĂšs Le Monnyer, vice-prĂ©sidente du tribunalde grande instance de Toulouse, prĂ©cise que pour un magis-trat, « le temps passĂ© en formation continue est au dĂ©trimentde son activitĂ© quotidienne. Sachant que le travail va s’accu-muler en son absence, il hĂ©site Ă  partir en formation conti-nue39 ». Elle ajoute « la dĂ©concentration de la formationcontinue au niveau des cours d’appel est donc une solutionopĂ©rationnelle car elle rapproche la formation de l’utilisateuret est mieux diffusĂ©e sur tout le territoire ».

En 2009, des coordinateurs rĂ©gionaux de formation ont Ă©tĂ© re-crutĂ©s dans quatre cours d’appel (sur 35) et des recrutementssont prĂ©vus en 201040. Ces coordinateurs sont chargĂ©s demettre en place le plan de formation au niveau rĂ©gional.

2. La protection des victimes de violences

Les femmes ayant subi des violences, et en particulier desviolences conjugales, doivent faire preuve de beaucoup decourage pour s’adresser à la justice. La femme reste souventà la merci de son conjoint brutal.

La question ne devrait pas ĂȘtre « pourquoi reste-t-elle aveclui ? », ni « pourquoi continue-t-il Ă  la battre ? », mais « quelschoix s’offrent Ă  elle ? » ou « pourquoi n’est-il pas traduit enjustice ?41 »

En 2006, Amnesty International constatait que « l’État enFrance a indĂ©niablement fait un certain nombre de pas versune meilleure prise en compte de la problĂ©matique des vio-lences faites aux femmes au sein du couple. Cependant cesdispositions souffrent encore d’un manque de coordination,de volontĂ© et de moyens adĂ©quats, qui donnent lieu Ă  une ap-plication trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšne sur le territoire français. Les dĂ©-marches Ă  entreprendre pour avoir accĂšs Ă  la justicedemeurent lentes et complexes, et les femmes qui y sontconfrontĂ©es sont souvent dĂ©couragĂ©es devant ce qui leur ap-paraĂźt comme un vĂ©ritable parcours du combattant (
)42. »

En 2010, si la prise en charge des victimes s’est amĂ©liorĂ©e etprofessionnalisĂ©e, les moyens mis en Ɠuvre par l’État sontencore dĂ©ficitaires et les disparitĂ©s des rĂ©ponses pĂ©nales surle territoire demeurent pour les victimes des freins importantsĂ  un accĂšs effectif et Ă©galitaire aux droits.

2.1. La prise en charge des victimes deviolences s’est amĂ©liorĂ©e, professionnalisĂ©emais des progrĂšs restent Ă  faire pourgĂ©nĂ©raliser les bonnes pratiques

La loi d’orientation et de programmation pour la sĂ©curitĂ© intĂ©-rieure du 29 aoĂ»t 2002 dispose que « l’accueil, l’informationet l’aide aux victimes sont pour les services de sĂ©curitĂ© intĂ©-rieure une prioritĂ©. » Ce principe se dĂ©cline notamment Ă  tra-vers l'application de la charte de l’accueil et de l’assistanceaux victimes, l'instauration d'un rĂ©seau de correspondants etle dĂ©veloppement de partenariats.

Ainsi, depuis 2006, la prise en charge des femmes victimes deviolences par l’ensemble des diffĂ©rents services s’est incon-

4. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- renforcer et systĂ©matiser la formation initiale etcontinue des professionnels (professionnels de santĂ©,magistrats, travailleurs sociaux, personnels de lapolice et de la gendarmerie nationale, acteursassociatifs, agents des services de l’emploi et agentsd’accueil des collectivitĂ©s locales) sur les questionsde violences Ă  l’égard des femmes, pour mieuxorienter, accompagner et protĂ©ger les victimes.Les programmes de formation doivent notammentfournir les Ă©lĂ©ments d’information et de formationnĂ©cessaires pour dĂ©tecter et gĂ©rer des situations decrise et amĂ©liorer l’accueil, l’écoute et le conseil auxvictimes.- intensifier le dĂ©veloppement des formationsinterdisciplinaires au niveau local- gĂ©nĂ©raliser la dĂ©concentration de la formationcontinue des magistrats Ă  tout le territoire, pourfavoriser un meilleur accĂšs et une participation plusimportante de ces derniers.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 13

testablement amĂ©liorĂ©e et le deuxiĂšme plan global triennal(2008-2010) vise Ă  dĂ©velopper une « prise en charge globaleet dans la durĂ©e des femmes victimes de violences au seindu couple, tout en leur assurant une rĂ©ponse personnalisĂ©e. »Pour amĂ©liorer l’accueil et la prise en charge des victimes, lesautoritĂ©s dĂ©veloppent une rĂ©elle politique d’aide aux victimeset ont mis en place plusieurs dispositifs, tant au niveau desservices de police et unitĂ©s de gendarmerie que des tribunauxde grande instance.

Cependant, ces progrĂšs dans la prise en charge des victimesdoivent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©s Ă  l’ensemble du territoire et concer-ner toutes les victimes, quelque soit le lieu oĂč elles se ren-dent pour dĂ©noncer les violences.

La prise en charge des victimes par les services de police etles unitĂ©s de gendarmerie s’est amĂ©liorĂ©e mais doit, pour ĂȘtrerĂ©ellement efficace, concerner tout le territoire

Des correspondants départementaux ont été installés dansles services de police et les unités de gendarmerie et sontamenés à jouer un rÎle central dans la lutte contre les vio-lences faites aux femmes.

Pour la police, chaque direction dĂ©partementale de la sĂ©curitĂ©publique a installĂ© un correspondant dĂ©partemental « aideaux victimes ». Il a pour mission d'entretenir des relationsavec les associations, d'organiser l'amĂ©lioration de l'accueil,de centraliser les renseignements utiles aux victimes, d'assu-rer le suivi des procĂ©dures pĂ©nales pour donner l'informationsur le dĂ©roulement des enquĂȘtes.

La gendarmerie, dans chaque dĂ©partement, dispose d'un of-ficier « prĂ©vention partenariat » chargĂ© de suivre et d’animer,en partenariat avec les diffĂ©rents acteurs locaux (services del'État, collectivitĂ©s territoriales, structures associatives...), l’ac-tion menĂ©e dans ce domaine de l'aide aux victimes et de veil-ler Ă  la diffusion de l'information. Assumant la fonction decorrespondant d'aide aux victimes et de correspondant dĂ©-partemental de lutte contre les violences intrafamiliales, cetofficier s'assure de la pertinence de la rĂ©ponse apportĂ©e parla gendarmerie au plan local.

NĂ©anmoins, la mission parlementaire a constatĂ© que ce rĂ©-seau de rĂ©fĂ©rents n’était pas encore suffisant pour mailler l’en-semble du territoire français et qu’il serait nĂ©cessaire, Ă moyen terme, que chaque commissariat et chaque brigadede gendarmerie soit dotĂ© d’un rĂ©fĂ©rent.

Si l’objectif a Ă©tĂ© atteint pour la gendarmerie43, ce n’est pasencore le cas pour la police. La prĂ©sence des professionnelsdans des commissariats de police ou brigades de gendarme-rie s’est Ă©galement accrue (psychologues, travailleurs so-ciaux)44 et des permanences d’associations d’aide auxvictimes sont installĂ©es dans certains commissariats et uni-tĂ©s de gendarmerie44.

Cependant, pour ĂȘtre effective et efficace, la professionnali-sation de la prise en charge des victimes doit s’accompagnerdes moyens adĂ©quats. Pour Amnesty International France, ilsemble important que l’État pĂ©rennise les postes des profes-sionnels (travailleurs sociaux, psychologues) intervenant dansles commissariats et les unitĂ©s de gendarmerie et en ac-croisse le nombre pour une prĂ©sence effective sur tout le ter-ritoire.

Des bureaux d'aide aux victimes ont Ă©galement Ă©tĂ© crĂ©Ă©s ausein de chaque service d'investigations et de recherches etsont chargĂ©s de veiller Ă  la cohĂ©rence de l'action policiĂšre toutau long du processus d'intervention sur les lieux de l'infraction,de l'accueil de la victime et de la mise en Ɠuvre de mesuresd'urgence lorsqu'elles sont nĂ©cessaires. Ils sont en relation

avec de multiples intervenants (mairie, services sociaux,structures médicales et hospitaliÚres, centres d'héberge-ment). Actuellement au nombre de 341, répartis sur 9546 dé-partements et DOM-COM, ils seraient en voie degénéralisation dans les directions départementales de la sé-curité publique.

5. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer que dans chaquecommissariat de police et dans chaque unitĂ© degendarmerie:- un rĂ©fĂ©rent violences conjugales est dĂ©signĂ© etformĂ©- les postes des professionnels (travailleur social,psychologue) sont pĂ©rennisĂ©s- une permanence d’association d’aide aux victimesest installĂ©e.

La création de brigades spécialisées dans les services de po-lice et de gendarmerie doit permettre une meilleure prise encompte de la spécificité des violences faites aux femmes

Pour permettre une meilleure prise en compte de la spécificitédes violences faites aux femmes, le gouvernement a décidéen juin 2009, de créer des brigades spécialisées au sein descommissariats de police (Brigade de protection de la famille)et des unités de gendarmerie (Brigade de protection des fa-milles).

Depuis le 1er octobre 2009, et aprĂšs quelques mois d’expĂ©ri-mentation, ces brigades doivent ĂȘtre dĂ©ployĂ©es dans chaquedĂ©partement. En zone police, les brigades sont crĂ©Ă©es au seindes sĂ»retĂ©s dĂ©partementales ou urbaines. En zone gendar-merie, les brigades s'appuient sur les « rĂ©fĂ©rents » existants,dĂ©jĂ  chargĂ©s de lutter contre les violences au sein du couple.

L'idée a été d'élargir ce qui se pratiquait depuis des années ausein des brigades des mineurs. Ces nouvelles brigades deprotection englobent ainsi les brigades des mineurs existanteset leurs missions sont la lutte contre toutes les violences com-mises au sein de la cellule familiale et celles touchant les pu-blics vulnérables (femmes battues, mineurs victimes deviolences, et personnes ùgées maltraitées). Elles incluent destravailleurs sociaux et les « référents violences conjugales ».

Au sein des services de police, les policiers qui les compo-sent prennent en compte l'accueil des victimes et leur Ă©coute,le recueil de leur audition, l'Ă©tablissement du prĂ©judice (cor-porel ou psychologique) et le traitement de la procĂ©dure judi-ciaire. Ces fonctionnaires de la sĂ©curitĂ© dĂ©partementalespĂ©cialement formĂ©s peuvent ĂȘtre saisis sous l'autoritĂ© duParquet. Ils doivent accomplir leurs missions en Ă©troite colla-boration avec le juge aux affaires familiales, le juge des en-fants, les services sociaux et les associations.

Au 30 décembre 2009, les brigades de protection de la famille(police nationale) ont été mises en place dans tous les dé-partements et les brigades de protection des familles (gen-darmerie nationale) existent dans 20 départements.

Amnesty International France se fĂ©licite de la prise en chargespĂ©cifique de ce public vulnĂ©rable par la dĂ©signation d’unitĂ©sde police et de gendarmerie spĂ©cialisĂ©es dans le domaine dela violence Ă  l’égard des femmes.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire14

« Ce financement de l’État reposant sur le principe d’un co-financement, je vous invite Ă  rechercher, en tant que de be-soin, d’autres moyens susceptibles de participer aufinancement de ce dispositif notamment auprĂšs des collecti-vitĂ©s locales. »

En juillet 2009, le rapport de la mission parlementaire a re-commandĂ© que les rĂ©fĂ©rents locaux violences conjugalessoient confortĂ©s dans leur rĂŽle d’interface.51

Madame Elisabeth TomĂ©, chef du Service des droits desfemmes et de l'Ă©galitĂ© (SDFE) prĂ©cise que « Madame ValĂ©-rie LĂ©tard a voulu les rĂ©fĂ©rents de lutte contre les violencespour assurer une prise en charge globale des victimes, dansla durĂ©e [
] pour s’assurer que les femmes ne soient pas per-dues entre deux partenaires (commissariat, association...) ;[les rĂ©fĂ©rents] ont un statut souple, des profils trĂšs diffĂ©rents,membres d’association ou associations, personnes physiques[
] ils ont un rĂŽle de coordination si un partenariat local estbien constituĂ© ou prennent en charge directement la vic-time52. »

Dans son discours du 25 novembre 2009 Ă  l’occasion de lajournĂ©e internationale contre les violences faites auxfemmes, le premier ministre Monsieur François Fillon dĂ©cla-rait : « J’ai souhaitĂ© que soit crĂ©Ă© un vĂ©ritable parcoursd’orientation pour les femmes victimes de violences. A cĂŽtĂ©du rĂŽle prĂ©pondĂ©rant jouĂ© par les associations, nous avonsvoulu constituer un rĂ©seau de rĂ©fĂ©rents locaux. Pour lesfemmes victimes, ce rĂ©fĂ©rent est un interlocuteur unique deproximitĂ©. Depuis un an, ils se sont largement dĂ©veloppĂ©s etc’est un progrĂšs. Mais il nous faut aller plus loin. Il faut quenous arrivions Ă  un maillage encore plus pertinent du terri-toire en lien avec les associations.

Si 36 "référents violence" ont d'ores et déjà été mis en placedans 32 départements, l'objectif fixé est d'en compter un pardépartement d'ici à la fin du premier semestre 2010. »

Des lieux d’accueil de jourà identifier et labelliser

Des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation sont rĂ©partis surl'ensemble du territoire et accueillent des femmes victimes deviolences. Leurs prestations sont diverses : orientation, ac-compagnement, conseils juridiques, groupes de parole
 Cespermanences sont parfois adossĂ©es Ă  des centres d’hĂ©ber-gement.

Le premier plan global triennal (2005-2007) prĂ©voyait d’iden-tifier et de labelliser dans chaque dĂ©partement au moins unlieu d’accueil de jour. Le but Ă©tait que les femmes victimesidentifient un lieu oĂč elles pourraient trouver une Ă©coute etdes renseignements sur leurs droits. Elles pourraient alors soitprĂ©parer leur dĂ©part du domicile conjugal, soit s’informer surla procĂ©dure d’éviction du conjoint violent.

Cette initiative intĂ©ressante, qui consiste Ă  regrouper dansune structure de proximitĂ© l’ensemble des Ă©lĂ©ments d’infor-mation dont peuvent avoir les femmes victimes a cependantĂ©tĂ© trĂšs peu suivie d’effets.

6. Concernant les unitĂ©s de police et de gendarmeriespĂ©cialisĂ©es dans le domaine de la violence Ă  l’égarddes femmes, Amnesty International Francerecommande aux autoritĂ©s françaises de :- prĂ©voir leur dotation financiĂšre Ă  une hauteursuffisante pour leur permettre de travailler et deformer leur personnel- s’assurer que les victimes qui le souhaitent aient lapossibilitĂ© de communiquer avec des membresfĂ©minins de ces services spĂ©cialisĂ©s.

7. Amnesty International France recommande auxautorités françaises que les référents locauxviolences conjugales, tels que prévus par la circulaireSDFE/DPS no 2008-159 du 14 mai 2008 « relative à lamise en place de référents pour les femmes victimesde violences au sein du couple », soient effectivementmis en place sur tout le territoire.

La prise en charge des victimes dans leparcours judiciaire doit ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e

Pour garantir un suivi personnalisĂ© et une aide de proximitĂ©aux victimes, des bureaux d’aide aux victimes ont Ă©tĂ© im-plantĂ©s depuis janvier 200947, dans 13 tribunaux. Ces bureauxsont animĂ©s par des reprĂ©sentants d’associations d’aide auxvictimes locales et coordonnĂ©s par le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux vic-times (JUDEVI) du tribunal de grande instance.

Les autoritĂ©s prĂ©voient d’étendre le dispositif dans 50 autrestribunaux en 201048.

Toutefois, l’Union syndicale des magistrats prĂ©cise que« (
) s’ils [les bureaux d’aide aux victimes] correspondentassurĂ©ment Ă  ce qu’il Ă©tait nĂ©cessaire de mettre en placepour davantage accompagner les victimes dans leur par-cours judiciaire, ils n’en sont qu’au stade de l’expĂ©rimenta-tion (
). Il est dĂšs lors difficile d’en tirer toutes lesconclusions et notamment d’apprĂ©cier les consĂ©quencessur l’amĂ©lioration du traitement des victimes par rapport auxdiffĂ©rents systĂšmes qui s’étaient mis en place prĂ©alable-ment de façon spontanĂ©e49. »

L'amélioration de la prise en charge des femmesvictimes de violences passe également par ledéveloppement de véritables interlocuteurs deproximité

L’objectif 6-3 du deuxiĂšme plan triennal prĂ©voyait la crĂ©ationau niveau local (dans chaque dĂ©partement) d’un poste de« rĂ©fĂ©rent », interlocuteur unique et de proximitĂ© des femmesvictimes de violences.

La circulaire SDFE/DPS n° 2008-159 du 14 mai 2008 relativeĂ  la mise en place de « rĂ©fĂ©rents » pour les femmes victimesde violences au sein du couple a fixĂ© les missions et les com-pĂ©tences attendues d’un « rĂ©fĂ©rent » pour les femmes vic-times de violences au sein du couple, les modalitĂ©s et leniveau pertinents de son intervention et les modalitĂ©s de sĂ©-lection.

La circulaire souligne que « le « rĂ©fĂ©rent » ne se substitue pasaux acteurs et services existants dans le processus d’aidemais [qu’] il veille Ă  ce que tout soit mis en oeuvre pourconcourir au retour Ă  l’autonomie des femmes victimes deviolences. » En consĂ©quence, « le concours de l’ensembledes structures concernĂ©es doit ĂȘtre recherchĂ©, afin de ne pasfragiliser des dispositifs locaux prĂ©existants et qui s’appuientsur les compĂ©tences et les pratiques d’acteurs et de struc-tures spĂ©cialisĂ©s, depuis de nombreuses annĂ©es, dans laprise en charge des femmes victimes de violences. »

Le financement des postes de « rĂ©fĂ©rent » peut bĂ©nĂ©ficierd’un concours des crĂ©dits disponibles au titre du Fonds inter-ministĂ©riel de prĂ©vention de la dĂ©linquance50.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 15

En effet, le rapport d’évaluation du premier plan triennal a re-levĂ© que « la procĂ©dure d’identification et de labellisation deslieux d’accueil de jour, prĂ©vue dans le premier plan, n’a pasabouti, bien que ces structures existent dĂ©jĂ  dans certainsdĂ©partements, mais avec des modalitĂ©s de fonctionnementvariables. »

Le deuxiĂšme plan global triennal (2008-2010) a rĂ©affirmĂ© cettemesure dans son objectif 11-2, et prĂ©voit la rĂ©daction d’un ca-hier des charges conduisant Ă  la labellisation de structures.Ce type de structure pourrait permettre de mutualiser lesmoyens et les compĂ©tences pour l’accueil des victimes si leurfinancement Ă©tait garanti par des conventions pluriannuelles.

De mĂȘme, les centres d’accueil intra hospitaliers peuvent ĂȘtreune rĂ©ponse appropriĂ©e. En effet, il est souvent plus facile depasser la porte de l’hĂŽpital que celle du commissariat. Le pro-cessus est lent entre la volontĂ© de sortir de la violence et ledĂ©pĂŽt effectif d’une plainte et une prise en charge globale (jus-tice, santĂ© et social) permet un suivi sur le long terme.

Le financement relĂšve du ministĂšre de la justice. La factura-tion des actes de consultation et des examens complĂ©men-taires est effectuĂ©e conformĂ©ment aux tarifs fixĂ©s par le codede procĂ©dure pĂ©nale et le rĂšglement est assurĂ© par le minis-tĂšre de la justice. Leur nombre est cependant insuffisant pourcouvrir l’ensemble du territoire. En outre, leur financement doitĂȘtre sĂ©curisĂ© pour assurer la pĂ©rennitĂ© des unitĂ©s existantes.

Il existe Ă©galement des structures hospitaliĂšres spĂ©cialisĂ©esdans l’accueil des victimes d’agression, comme Ă  Bordeaux,Lille ou encore Ă  Rouen.

Le Centre d’accueil spĂ©cialisĂ© pour les agressions (CASA) deRouen semble ĂȘtre un exemple de bonnes pratiques. La priseen charge par le CASA simplifie le parcours mĂ©dico-judiciairedes victimes, quelle que soit la cause des violences, et faci-lite la prise en charge mĂ©dico-lĂ©gale et le dĂ©pĂŽt des plaintesauprĂšs de la justice. Les victimes peuvent y rencontrer desprofessionnels de santĂ©, une psychologue, une assistante so-ciale et une association d'aide aux victimes. Dans certaines si-tuations (urgence mĂ©dico-lĂ©gale, vulnĂ©rabilité ), les victimesont aussi la possibilitĂ© d'ĂȘtre mises en contact avec un officierde police judiciaire pour recueillir leur plainte ou les protĂ©ger.En cas de nĂ©cessitĂ©, les victimes bĂ©nĂ©ficient d'une brĂšve hos-pitalisation dans l'UnitĂ© d'hospitalisation de courte durĂ©e(UHCD) du service des urgences. Pour les victimes dĂ©jĂ  hos-pitalisĂ©es qui ne peuvent se dĂ©placer (soins intensifs, chirur-gie lourde
), les acteurs du CASA se rendent Ă  leur chevet.

Ce centre a reçu du procureur une dĂ©lĂ©gation pour accueillirles victimes adressĂ©es sur rĂ©quisition d’un officier de police ju-diciaire et peut ainsi prendre en charge globalement (justice,santĂ©, social) les victimes de violences conjugales. Deux litssont disponibles tous les jours pour une Ă©ventuelle hospitali-sation et les services sociaux et des associations sur placeapportent conseil et soutien Ă  la victime.

Ce centre conserve également « la mémoire » des agressionsqui peut ultérieurement servir si la victime porte plainte55. Onpeut toutefois regretter que ce centre ne soit pas ouvert aprÚs18 heures.

L’évaluation de l’incapacitĂ© totale de travail(ITT) comme preuve des violences doit ĂȘtreharmonisĂ©e et Ă©tendue aux violencespsychologiques

En 2006, Amnesty International demandait Ă  l’État de « s’as-surer que l’évaluation de l’ITT soit harmonisĂ©e et qu’elleprenne en compte les diffĂ©rentes formes de violences exer-cĂ©es Ă  l’encontre des femmes56. »

Le rapport d’Amnesty International pointait Ă©galement les la-cunes de formation des mĂ©decins concernant la rĂ©daction descertificats relevant une incapacitĂ© totale de travail (ITT), en-traĂźnant des disparitĂ©s dans les mentions contenues dans cescertificats mĂ©dicaux.

Dans le cadre de violences, le certificat mĂ©dical de constata-tion est le premier Ă©lĂ©ment objectif sur lequel l’autoritĂ© judi-ciaire pourra s’appuyer pour dĂ©cider de l’orientation de laprocĂ©dure. Ce certificat est essentiel pour la qualification desfaits de violence et les suites de la procĂ©dure contre les vio-lences dĂ©pendent donc de l’existence et de la qualitĂ© de rĂ©-daction du certificat mĂ©dical. La non existence de ce certificatpeut en effet amener Ă  un classement sans suite.

Il peut ĂȘtre rĂ©digĂ© par tout mĂ©decin et constitue un acte au-thentique attestant par Ă©crit, de la part d’un mĂ©decin, l’exis-tence de lĂ©sions traumatiques ou de symptĂŽmes traduisantune souffrance psychologique.

8. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises d’identifier et de labelliser danschaque dĂ©partement au moins un lieu d’accueil dejour.

L’accueil et la prise en charge mĂ©dico-lĂ©galedes victimes doivent ĂȘtre harmonisĂ©s etrenforcĂ©s

Le Guide pratique Ă  destination des professionnels « Luttercontre la violence au sein du couple. Le rĂŽle des profession-nels » Ă©ditĂ© en juin 2006, indique que dans la majoritĂ© descas, le mĂ©decin est le premier tiers extĂ©rieur au cercle fami-lial Ă  ĂȘtre informĂ© des faits de violence au sein du couple ouĂ  pouvoir les repĂ©rer.

Mais nombre de femmes victimes de violences se soignentmal du fait de leur situation.

Elles ont honte, elles ont peur, elles sont parfois menacĂ©espar leur agresseur et n’osent pas en parler. Pourtant, tousles troubles physiques et psychologiques consĂ©quents Ă  laviolence sont autant de signes d'appel pour le repĂ©rage dela violence.

Les professionnels de santé les plus concernés sont les mé-decins généralistes en médecine libérale, les urgentistes dansles hÎpitaux, les gynécologues obstétriciens, les médecins lé-gistes, et il leur revient de repérer les maltraitances, verbali-sées ou non, les constater et signaler objectivement auxinstances ad hoc les privations ou sévices constatés sur leplan physique, sexuel ou psychique53.

L'accueil en urgence des personnes victimes de violences oude mauvais traitements entre dans les fonctions dĂ©volues Ă tout Ă©tablissement de santĂ©. Toutefois, la nĂ©cessitĂ© d’un ac-cueil et d’une prise en charge adaptĂ©s de ces personnes aconduit les pouvoirs publics Ă  s’en prĂ©occuper et Ă  en orga-niser progressivement les modalitĂ©s, au cours des dix der-niĂšres annĂ©es.

Ainsi, dans un certain nombre d’établissements de santĂ©, desunitĂ©s mĂ©dico-judiciaires (UMJ)54 ont Ă©tĂ© mises en place etont pour vocation d’accueillir et examiner les victimes qui leursont adressĂ©es sur rĂ©quisition d’un officier de police judiciaireet de rĂ©diger un certificat mĂ©dical constatant les lĂ©sions phy-siques et les traumatismes psychologiques et fixant l’incapa-citĂ© totale de travail (ITT) en rĂ©sultant.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire16

L’ITT a Ă©tĂ© introduite dans le Code pĂ©nal pour adapter la sanc-tion Ă  la gravitĂ© des blessures de la victime ou plus exacte-ment Ă  leurs consĂ©quences. Au dĂ©part, l’ITT reprĂ©sentait ladurĂ©e pendant laquelle un ouvrier ne pouvait pas gagner savie du fait des blessures. La jurisprudence dĂ©finit la notiond’incapacitĂ© totale de travail comme la durĂ©e pendant laquelleune victime Ă©prouve une gĂȘne notable dans les actes de lavie courante (manger, dormir, se laver, s’habiller, faire sescourses, se dĂ©placer, se rendre au travail). L’incapacitĂ© neconcerne donc pas le travail au sens habituel du mot, maisles activitĂ©s usuelles de la victime.

L’ITT Ă©tant une dĂ©cision prise par le mĂ©decin Ă  la suite d’unesituation de violence, le certificat doit clairement expliciter lesraisons conduisant Ă  l’évaluation de l’ITT, en particulierlorsqu’il s’agit de troubles psychologiques.

La violence conjugale est une violence rĂ©pĂ©tĂ©e, et les bles-sures physiques sont parfois de faible gravitĂ© mĂ©dicale. Cequi est destructeur, ce n’est pas seulement la gifle reçue, maisle contexte dĂ©lĂ©tĂšre d’humiliation qui l’accompagne. Ainsi,pour rendre compte de la rĂ©alitĂ© vĂ©cue par les victimes de vio-lences conjugales, la notion d’ITT doit ĂȘtre Ă©tendue pour in-clure les traumatismes psychologiques des violences.

Le Guide pratique « Lutter contre la violence au sein du cou-ple. Le rĂŽle des professionnels » indique aux praticiens que« l’ITT ne traduit pas uniquement des lĂ©sions d’ordre phy-sique, mais doit aussi inclure les traumatismes psycholo-giques des violences. Afin d’évaluer le nombre de jours d’ITT,le praticien, dans son entretien avec la victime, doit apprĂ©-cier, le plus prĂ©cisĂ©ment possible, l’impact de sa souffrancepsychologique sur les actes de la vie courante qu’elle doit ac-complir. »

Dans un souci d’harmonisation des bonnes pratiques, il sem-ble essentiel que les autoritĂ©s assurent la diffusion de ces di-rectives sur tout le territoire et auprĂšs de tous lesprofessionnels de santĂ©. Les UMJ peuvent jouer un rĂŽle po-sitif dans l’harmonisation de la rĂ©daction de ce certificat. Ceconstat est Ă©galement celui du professeur Proust du CASAde Rouen qui regrette que ce certificat soit rempli en dĂ©pit dubon sens par certains mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes57.

Les mĂ©decins lĂ©gistes sont parfois amenĂ©s Ă  rĂ©Ă©valuer lesITT estimĂ©es par les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, constate le Doc-teur CĂ©cile Morvant58 qui ajoute que le nom mĂȘme de l’inca-pacitĂ© totale de travail prĂȘte Ă  confusion car le terme « totale »porte sur l’incapacitĂ© et le terme travail semble renvoyer Ă  uneactivitĂ© professionnelle. Cela explique en partie la difficultĂ©qu’ont les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes Ă  Ă©valuer cette ITT. Il seraitsouhaitable d’inclure une dĂ©finition de l’ITT dans le codepĂ©nal. « Une telle dĂ©finition dans le code pĂ©nal permettrait demieux prendre en compte les retentissements psycholo-giques de la violence, l’incapacitĂ© Ă  manger, par exemplepouvant ĂȘtre due Ă  une lĂ©sion physique ou Ă  une dĂ©pres-sion59. ». Les termes « totale » et « travail » pourraient ĂȘtremodifiĂ©s pour en faciliter la comprĂ©hension.

En juillet 2009, Monsieur Jean-Marie Huet, Directeur des af-faires criminelles et des grĂąces du ministĂšre de la Justice an-nonçait que « s’agissant d’ailleurs des fameux certificatsmĂ©dicaux, nous dĂ©battons actuellement avec le ministĂšre dela santĂ© de l’organisation Ă  l’échelle nationale de la mĂ©de-cine lĂ©gale et plus particuliĂšrement de la prise en compte desvictimes de violences conjugales en milieu hospitalier. L’ob-jectif est de « mailler » suffisamment le territoire pour favori-ser l’accueil de ces victimes et pour leur offrir un service dequalitĂ©60. »

2.2 Le traitement judiciaire des violences

Amnesty International considĂ©rait en 2006 que « le premierobstacle dans l’accĂšs Ă  la justice des femmes victimes de vio-lences tient Ă  la difficultĂ© pour ces femmes de porter plainte(
) et qu’elles se retrouvent face Ă  des dĂ©marches com-plexes, souvent lentes et difficiles, source de dĂ©couragement,voire d’abandon61. »

Pour mettre fin Ă  l’impunitĂ© et protĂ©ger les victimes, AmnestyInternational recommandait aux autoritĂ©s françaises que« dĂšs lors que les autoritĂ©s compĂ©tentes prennent connais-sance d’une situation de violence, elles doivent s’assurer,sans dĂ©lai que des mesures de protection adĂ©quates soientprises pour protĂ©ger les femmes de nouvelles violences, queles auteurs soient convoquĂ©s sans dĂ©lai devant la justice etĂ©loignĂ©s du domicile si la situation le demande. » Amnesty In-ternational prĂ©cisait « qu’en cas d’éloignement, il est indis-pensable que s’opĂšre un suivi, aussi bien auprĂšs de la victimeque de l’auteur62. »

Mais si, sur le plan pĂ©nal, de nombreuses amĂ©liorations sontintervenues depuis 2006, l’application des textes n’est pastoujours effective et la disparitĂ© des rĂ©ponses pĂ©nales sur leterritoire constitue toujours un frein important Ă  un accĂšs Ă©ga-litaire aux droits.

Une évolution cohérentedes dispositifs législatifs

Le législateur a pris en compte la nécessité de prévenir lesviolences intra familiale en faisant du lien affectif entre l'au-teur des violences et la victime une circonstance aggravantedes faits de violence.

Ainsi, la loi du 4 avril 2006 renforçant la prĂ©vention et la rĂ©-pression des violences au sein du couple a crĂ©Ă© une circons-tance aggravante rĂ©sultant de la qualitĂ© de conjoint, concubinou partenaire d’un pacte civil de solidaritĂ©, de la victime63.Cette circonstance aggravante est Ă©galement constituĂ©elorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancienconcubin ou l’ancien partenaire liĂ© Ă  la victime par un pactecivil de solidaritĂ©. Le domaine d’application de cette circons-tance aggravante est dĂ©sormais Ă©tendu au meurtre64, au viol65

et aux autres agressions sexuelles66.

Le lĂ©gislateur a Ă©galement eu le souci d’éviter la rĂ©itĂ©rationdes violences en instaurant, d’une part, l’éviction pĂ©nale duconjoint violent du domicile du couple et, d’autre part, despeines minimales s’appliquant aux violences conjugales encas de rĂ©cidive. La loi du 4 avril 2006 a Ă©galement introduit lareconnaissance du vol entre Ă©poux. Enfin, la loi du 5 mars2007 relative Ă  la prĂ©vention de la dĂ©linquance a prĂ©vu d'Ă©ten-

9. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- inclure une dĂ©finition de l’incapacitĂ© totale de travail(ITT) dans le code pĂ©nal- former les professionnels de santĂ© au repĂ©rage, Ă l’accueil des femmes victimes de violences et Ă  larĂ©daction des certificats mĂ©dicaux relevant une ITT- dĂ©velopper la diffusion des guides d’aide Ă  la priseen charge des victimes et Ă  la rĂ©daction des certificatsmĂ©dicaux auprĂšs de tous les professionnels de santĂ©- mettre en place des rĂ©fĂ©rents « violence » dans lesservices d’urgence et dĂ©finir des protocoles de priseen charge des victimes.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 17

Amnesty International France encourage les autoritĂ©s Ă  s’as-surer que toute victime d’actes de violence reçoive des auto-ritĂ©s une rĂ©ponse pĂ©nale prĂ©coce et systĂ©matique.

Les mains courantes soient transmisessystématiquement aux parquets

« Toute personne peut rĂ©vĂ©ler des faits, quels que soient leurnature, la date et le lieu de leur commission, auprĂšs de toutparquet ou de tout service enquĂȘteur. ConcrĂštement, la vic-time peut adresser une lettre simple Ă  tout service de policeou toute unitĂ© de la gendarmerie et au procureur de la RĂ©pu-blique de tout tribunal, Ă  charge pour eux de transmettre laplainte au service ou tribunal territorialement compĂ©tent s’ilsne le sont pas eux-mĂȘmes. De la mĂȘme maniĂšre, elle peut seprĂ©senter dans n’importe quel commissariat de police ouunitĂ© de la gendarmerie, qui est dans l’obligation lĂ©gale de re-cueillir ses dĂ©clarations71. »

Si une victime ne souhaite pas déposer plainte mais seule-ment signaler les violences dont elle a été victime pour en gar-der une trace écrite, elle peut se présenter dans n'importequel service de police pour y déposer une main courante oudans n'importe quelle unité de gendarmerie qui enregistreraun procÚs-verbal de renseignement judiciaire.

La pratique de la main courante est critiquĂ©e par de nom-breuses associations et par certains parquets car aucune en-quĂȘte n’est en principe diligentĂ©e sur la base d’unemain-courante, alors que ces faits peuvent ĂȘtre graves.

La main-courante ou le procĂšs-verbal de renseignement judi-ciaire peuvent seulement ĂȘtre utilisĂ©s en cas de procĂ©dure ju-diciaire ultĂ©rieure.

Certains parquets, comme celui de Douai, ont prescrit auxservices de gendarmerie et de police de ne plus prendre demain courante en matiĂšre de violences intrafamiliales. Pourchaque infraction, le parquet est informĂ© et une enquĂȘte estrĂ©alisĂ©e.

Mais, pour Monsieur Serge Portelli, vice-prĂ©sident du Tribunalde grande instance de Paris, « c’est un droit de la personneque de ne pas dĂ©poser plainte. Si une femme sait qu’elle a,comme toute autre victime, la possibilitĂ© de signaler la vio-lence et d’en laisser une trace, sans pour autant oblitĂ©rerl’avenir, il y aura un afflux de signalements. Aujourd’hui, lesfemmes que je rencontre sont rebutĂ©es par l’appareil judi-ciaire et l’appareil policier et reculent trĂšs vite. Et encore, cesont celles qui ont dĂ©jĂ  franchi ce pas, c'est-Ă -dire une mi-noritĂ©. Il faut accepter cette idĂ©e que l’appareil judiciaire etl’appareil policier sont effrayants. Nous devons faire en sortede trouver un autre endroit qui serve de sas, et qui permetteensuite, si nĂ©cessaire, de basculer vers la voie pĂ©nale72. »

Le Guide de l’Action publique sur la lutte contre la violence ausein des couples prĂ©cise qu’au regard de la difficultĂ© des vic-times de violences au sein du couple Ă  dĂ©noncer les faits, « ilimporte de saisir toute occasion pour diligenter une enquĂȘtesur une situation parfois dĂ©jĂ  ancienne » et que «de simplesmains-courantes ou procĂšs-verbaux de renseignement judi-ciaire ne peuvent rendre compte de la complexitĂ© et ducontexte de faits de cette nature73. »

Mais pour Madame Maryvonne Chapalain « la main couranteprĂ©sente un grand intĂ©rĂȘt car si les violences persistent, elleaura Ă©tĂ© enregistrĂ©e et sera jointe Ă  la procĂ©dure. J’ajoute quesi nous insistons trop pour que les victimes dĂ©posent uneplainte sans leur laisser la possibilitĂ© de faire une dĂ©clarationen main courante elles risquent de ne rien faire du tout et au-cune trace ne subsistera alors des violences subies74. »

dre le suivi socio-judiciaire aux auteurs de violences conju-gales et l'injonction de soins en matiÚre correctionnellelorsque les violences présentent un caractÚre habituel.

La rĂ©ponse pĂ©nale aux faits de violences doitĂȘtre prĂ©coce et systĂ©matique pour « fairecesser la situation de violence avantqu'elle soit enracinĂ©e »

Pour Monsieur Luc FrĂ©miot, procureur de la RĂ©publique prĂšsle Tribunal de grande instance de Douai : « Dans le domainede la lutte contre les violences intrafamiliales (
) la politiquepĂ©nale, telle qu’elle est menĂ©e, ne correspond pas aux en-jeux. Nous avons donc dĂ©cidĂ© d’intervenir systĂ©matiquement.Nous avons d’abord prescrit aux services de police et de gen-darmerie de ne plus prendre de main courante : ainsi, pourchaque infraction, le parquet est informĂ© et une enquĂȘte estrĂ©alisĂ©e. (
) DĂšs lors que les services de police lancent uneprocĂ©dure sur chaque affaire, le parquet, en contrepartie, sedoit d’apporter une rĂ©ponse systĂ©matique. (
) Il faut interve-nir le plus possible en amont : si nous attendons que desdommages importants soient causĂ©s, nous risquons de voirdes victimes psychologiquement, voire physiquement bri-sĂ©es, et des auteurs enracinĂ©s dans un processus de vio-lence. Le parquet se saisit donc de toutes les affaires, dĂšs lapremiĂšre gifle67. »

La circulaire du 19 avril 2006, qui contient les Ă©lĂ©ments de po-litique pĂ©nale relatifs Ă  l’application de la loi du 4 avril 200668,a prescrit aux services compĂ©tents d’amĂ©liorer la rĂ©ponse pĂ©-nale apportĂ©e aux faits de violences au sein du couple en as-surant son effectivitĂ© et en privilĂ©giant certaines procĂ©dures.

Ainsi, compte tenu de la spĂ©cificitĂ© des faits de violence ausein du couple et du fait que la victime vit gĂ©nĂ©ralement auxcĂŽtĂ©s du mis en cause, la circulaire indique que « le traite-ment en temps rĂ©el des procĂ©dures » doit ĂȘtre privilĂ©giĂ©.

« Pour ce faire, les services de police ou de gendarmerie de-vront ĂȘtre invitĂ©s Ă  informer dans les meilleurs dĂ©lais la per-manence du parquet. Au besoin, un protocole de compte-rendu tĂ©lĂ©phonique pourra ĂȘtre Ă©laborĂ© avec ces services en-quĂȘteurs. De plus, afin d’amĂ©liorer l’exercice de l’action pu-blique en la matiĂšre, un magistrat rĂ©fĂ©rent centralisant letraitement des procĂ©dures de violences survenant au seind’un couple pourra ĂȘtre dĂ©signĂ©.

En outre, parce qu’il n’est pas rare, particuliĂšrement en ma-tiĂšre de violences au sein du couple, qu’une victime refusede porter plainte ou dĂ©cide de retirer sa plainte, il est rappelĂ©que l’absence de toute plainte de la victime ne fait pas obs-tacle Ă  ce que des poursuites soient exercĂ©es, de mĂȘmequ’un retrait de plainte n’entraĂźne pas le classement sans suited’office de la procĂ©dure par le parquet69 ».

La circulaire du 19 avril 2006 a également proscrit, en la ma-tiÚre, les classements sans suite en pure opportunité.

Enfin, elle prĂ©cisait que « l’exercice des poursuites devra ĂȘtrenuancĂ© pour permettre la rĂ©pression des violences ainsi quela prĂ©vention de la rĂ©cidive, mais Ă©galement rĂ©pondre au be-soin de rĂ©paration de la victime et que l’enquĂȘte sociale ra-pide d’orientation pĂ©nale, prĂ©vue Ă  l’article 41, alinĂ©a 6, ducode de procĂ©dure pĂ©nale, soit ordonnĂ©e par le procureur dela RĂ©publique au-delĂ  des seuls cas oĂč elle est obligatoire ».

Le 20 mai 2009, Madame Rachida Dati, alors ministre de laJustice, rappelait aux parquets qu’il convenait « qu’une rĂ©-ponse pĂ©nale systĂ©matique et rapide soit apportĂ©e Ă  chaqueacte de violence » (
) tout en prĂ©servant la facultĂ© de gra-dation dans la rĂ©ponse pĂ©nale70.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire18

Ainsi, des instructions prĂ©cises ont Ă©tĂ© formulĂ©es dans leGuide de l’Action publique et un protocole de recueil desmains courantes et de rĂ©daction des procĂšs-verbaux de ren-seignement judiciaire a Ă©tĂ© dĂ©taillĂ©. Ces instructions prĂ©cisentaux fonctionnaires que doit figurer expressĂ©ment dans la dĂ©-claration de main courante que la victime elle-mĂȘme ne sou-haite pas dĂ©poser plainte et que cette dĂ©marche ne donneralieu Ă  aucune enquĂȘte.

De plus, lorsque la main-courante ou le procĂšs-verbal de ren-seignement judiciaire fait suite Ă  une intervention des forcesde l’ordre au domicile, une bonne pratique consiste pour lesenquĂȘteurs Ă  prendre contact avec la victime 48 heures aprĂšsles faits pour s’assurer qu’elle ne souhaite toujours pas dĂ©-poser plainte. Cette vĂ©rification Ă  distance de l’évĂ©nementpermet Ă  la victime de rĂ©flĂ©chir plus posĂ©ment aux suitesqu’elle souhaite lui donner en toute connaissance de cause.

En conclusion, le Guide indique que le dĂ©pĂŽt d’une main-cou-rante ou la consignation de dĂ©clarations sur un procĂšs-verbalde renseignement judiciaire « ne doit pas constituer un actepassif pour les enquĂȘteurs, mais nĂ©cessite de leur part vigi-lance, apprĂ©ciation critique et rĂ©activitĂ©75 ».

En outre, le décret n° 2009-398 du 10 avril 2009 a complétéle code de procédure civile pour organiser tant la communi-cation des piÚces que des décisions rendues entre les jugeschargés de la procédure familiale, à savoir le juge aux affairesfamiliales, le juge des enfants et le juge des tutelles.

Cependant, alors mĂȘme que cela permettrait une protectionaccrue de la victime et des enfants, la coordination et la cir-culation des informations entre les juridictions pĂ©nales et lesjuges chargĂ©s de la procĂ©dure familiale ne font toujours pasl’objet d’une mise en place effective.

Par exemple, l’information est nĂ©cessaire concernant la dĂ©ci-sion pĂ©nale d’éviction du conjoint violent, la dĂ©cision sur lesviolences pour lesquelles le pĂšre est poursuivi et la dĂ©cisiond’organisation du droit de garde des enfants par le juge auxaffaires familiales.

11. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer qu’à l’instar desprocĂšs verbaux de renseignement judiciaire, lesmains courantes soient transmises systĂ©matiquementaux parquets et que le dĂ©pĂŽt d’une main courante oud’un procĂšs verbal de renseignement judiciaires’accompagne systĂ©matiquement d’une orientationvers les associations spĂ©cialisĂ©es.

10. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer de l’applicationeffective des instructions gĂ©nĂ©rales de politiquepĂ©nale en matiĂšre de violences faites aux femmes.

12. Amnesty International France enjoint auxautoritĂ©s françaises de s’assurer d’une mise en placeeffective de la circulation de l’information entre lesjuridictions pĂ©nales et civiles.

La circulation de l’information entre lesjuridictions pĂ©nales et civiles doit ĂȘtremise en place effectivement

En 2006, Amnesty International dĂ©nonçait les difficultĂ©s etcontradictions rĂ©sultant de la mauvaise articulation entre lecivil et le pĂ©nal en matiĂšre de violences au sein du couple etenjoignait aux autoritĂ©s de s’assurer d’une meilleure articula-tion entre les procĂ©dures civiles et pĂ©nales76.

Le nouveau dispositif en matiĂšre de violences conjugales issude la loi du 26 mai 2004 relative au divorce s’est accompagnĂ©de mesures visant Ă  amĂ©liorer l’articulation entre l’interven-tion du juge aux affaires familiales saisi sur le fondement del’article 220-1, alinĂ©a 3, du code civil et le parquet compĂ©tent.

Ainsi, lorsque les violences exercĂ©es par l’un des Ă©poux met-tent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le jugeaux affaires familiales peut ĂȘtre saisi en rĂ©fĂ©rĂ©, en amont detoute procĂ©dure de divorce, en vue de statuer, Ă  l’issue d’undĂ©bat contradictoire, sur la rĂ©sidence sĂ©parĂ©e des Ă©poux.

Dans ce cadre, afin d’assurer une protection effective duconjoint victime, la loi prĂ©voit une information obligatoire duministĂšre public, en amont comme en aval de la procĂ©dure(article 1290 du nouveau code de procĂ©dure civile), l’assi-gnation en rĂ©fĂ©rĂ© devant ĂȘtre dĂ©noncĂ©e au ministĂšre publicpar l’huissier instrumentaire au plus tard le jour de sa remiseau greffe. De la mĂȘme façon, l’ordonnance rendue par le jugedoit lui ĂȘtre communiquĂ©e.

Une vigilance particuliÚre est nécessaire quantau recours à la médiation pénale en matiÚre deviolences au sein du couple

Renforcée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de lajustice aux évolutions de la criminalité, la médiation pénaleest une alternative aux poursuites et constitue une réponsepénale à un délit caractérisé.

Selon la circulaire du 16 mars 2004, elle consiste, « sousl’égide d’un tiers, Ă  mettre en relation l’auteur et la victime afinde trouver un accord sur les modalitĂ©s de rĂ©paration, maisaussi de rĂ©tablir un lien et de favoriser, autant que possible, lesconditions de non-rĂ©itĂ©ration de l’infraction, alors mĂȘme queles parties sont appelĂ©es Ă  se revoir ».

Un dĂ©lai d’exĂ©cution de la mesure est fixĂ© par le magistratmandant.

En 2006, Amnesty International émettait de sérieuses ré-serves quant au recours à la médiation pénale dans les casde violences au sein du couple.

Le guide de l’action publique note que « la disparitĂ© des poli-tiques pĂ©nales est Ă  l’origine de nombreux malentendus sur lamĂ©diation pĂ©nale et sur l’opportunitĂ© du recours Ă  cette me-sure en la matiĂšre. Pour la plupart, ces malentendus tiennentĂ  une insuffisante apprĂ©ciation par les parquets des procĂ©-dures orientĂ©es en mĂ©diation pĂ©nale et Ă  un manque de for-mation des mĂ©diateurs Ă  la spĂ©cificitĂ© du contentieux77. »

En effet, les violences au sein du couple traduisent en gĂ©nĂ©ral« un rapport de domination et une emprise de l’agresseur surla victime, qui se trouve privĂ©e de son autonomie. Il peut s’ensuivre, pour le mis en cause un sentiment de toute puissancepeu propice Ă  dĂ©velopper son sens critique et, chez le plai-gnant, une difficultĂ© Ă  se positionner en tant que victime78. »

Ainsi, sous peine de renforcer la vulnĂ©rabilitĂ© de la victime etd’induire un sentiment d’impunitĂ© de l’auteur, la mĂ©diation pĂ©-nale ne saurait donc ĂȘtre adaptĂ©e Ă  des situations oĂč :

‱ il existe des prĂ©cĂ©dents faits de violences, quels qu’en soientle contexte, la gravitĂ© et la victime ;

‱ il existe des violences graves ou rĂ©pĂ©tĂ©es entre conjoints,concubins ou personnes liĂ©es par un pacte civil de solidaritĂ© ;

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 19

‱ l’auteur est dans une attitude de dĂ©ni quant aux faits repro-chĂ©s ;

‱ l’auteur est d’une dangerositĂ© particuliĂšre (rĂ©itĂ©ration ou gra-vitĂ© des faits et de leurs consĂ©quences) ;

‱ la victime ou l’auteur sont opposĂ©s Ă  la mesure ;

‱ la victime paraĂźt particuliĂšrement traumatisĂ©e par la situa-tion ;

‱ une procĂ©dure de divorce est en cours (car la possibilitĂ© deparvenir Ă  un accord paraĂźt compromise dĂšs lors que le misen cause et la victime sont en conflit parallĂšle dans une pro-cĂ©dure civile).

En tout Ă©tat de cause, le consentement de la victime doit ĂȘtrerecueilli avant que la mesure ne soit dĂ©cidĂ©e et ĂȘtre actĂ© enprocĂ©dure par procĂšs-verbal. Afin que ce consentement soitparfaitement libre et Ă©clairĂ©, il importe d’expliquer Ă  la victimeen quoi consiste une mĂ©diation pĂ©nale et qu’un refus de sapart ne saurait entraĂźner d’office un classement sans suite del’affaire. A l’issue de la mĂ©diation pĂ©nale, le dossier, accom-pagnĂ© d’un rapport prĂ©cis et circonstanciĂ© du mĂ©diateur, estcommuniquĂ© au ministĂšre public.

Pour plus de vigilance encore contre tout risque de dĂ©stabili-sation de la victime, il est recommandĂ© d’informer les victimesde leur droit Ă  ĂȘtre assistĂ©es d’un avocat dans le cadre de lamesure.

Pour Amnesty International France, le recours Ă  la mĂ©diationpĂ©nale doit ĂȘtre exceptionnel et cette mesure doit ĂȘtre confiĂ©eĂ  un mĂ©diateur formĂ© Ă  la spĂ©cificitĂ© du contentieux des vio-lences au sein du couple.

13. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer que :- la mĂ©diation pĂ©nale ne soit pas utilisĂ©e dans lessituations oĂč elle n’est pas adaptĂ©e, notammentlorsque:Il existe des prĂ©cĂ©dents faits de violences, quelsqu’en soient le contexte, la gravitĂ© et la victimeIl existe des violences graves ou rĂ©pĂ©tĂ©es entreconjoints, concubins ou personnes liĂ©es par un pactecivil de solidaritĂ©L’auteur est dans une attitude de dĂ©ni quant aux faitsreprochĂ©s ;L’auteur est d’une dangerositĂ© particuliĂšre(rĂ©itĂ©ration ou gravitĂ© des faits et de leursconsĂ©quences)La victime ou l’auteur sont opposĂ©s Ă  la mesureLa victime paraĂźt particuliĂšrement traumatisĂ©e par lasituationUne procĂ©dure de divorce est en cours (car lapossibilitĂ© de parvenir Ă  un accord paraĂźt compromisedĂšs lors que le mis en cause et la victime sont enconflit parallĂšle dans une procĂ©dure civile)- les mĂ©diateurs soient systĂ©matiquement formĂ©s Ă  laspĂ©cificitĂ© du contentieux des violences au sein ducouple- le guide de l’action publique soit systĂ©matiquementdiffusĂ© et que les recommandations qu’il contientsoient mises en Ɠuvre de maniĂšre effective par lesservices concernĂ©s.

Les mesures d’éloignement de l’auteurdes violences doivent ĂȘtre effectivementmises en Ɠuvre

Pour Amnesty International France, le dispositif d’éviction dudomicile de l’auteur des violences prĂ©vu par la loi, doit, pourĂȘtre efficace, ĂȘtre rĂ©ellement mis en oeuvre sur tout le terri-toire.

Possible au civil comme au pĂ©nal, l’éloignement du conjointviolent est considĂ©rĂ© comme une avancĂ©e mais qui peine Ă ĂȘtre mise en Ɠuvre faute de moyens. « L’éviction du conjointviolent permet l’inversion du rapport de force symboliqueentre l’auteur et la victime par l’attribution du domicile fami-lial Ă  cette derniĂšre79. »

Pour le procureur de la RĂ©publique de Douai, Monsieur LucFrĂ©miot, « il est en effet inacceptable que les femmes victimesde violences soient obligĂ©es de partir, parfois en pleine nuit etavec leurs enfants, Ă  la recherche d’une solution d’accueil quide surcroĂźt n’est jamais satisfaisante. Ce sont les agresseursqui doivent s’en aller80. »

Cette possibilitĂ© de conserver le domicile familial est d’autantplus importante qu’elle permet de mieux prendre en compteles intĂ©rĂȘts des enfants, qui ne sont pas alors contraints dechanger de domicile et d’école.

Au civil, l’éviction du domicilede l’auteur des violences

Sur le plan civil, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce ainstaurĂ© un dispositif qui permet au conjoint victime de vio-lences conjugales, avant mĂȘme de dĂ©poser une requĂȘte endivorce, de saisir en urgence le juge aux affaires familialespour solliciter, au terme d’une procĂ©dure contradictoire, l’évic-tion de son conjoint du domicile conjugal. C’est le « rĂ©fĂ©rĂ©-violence81 ».

En 2006, Amnesty International soulignait les faiblesses decette mesure, notamment l’absence de dispositif efficace etsystĂ©matique qui permettrait d’assurer un suivi de ces me-sures en termes de protection et d’accompagnement de lavictime. Pour Amnesty International, « cette mesure devraits’accompagner d’une vĂ©ritable stratĂ©gie de protection desvictimes et de sanction des auteurs qui permettrait entres au-tres choses, une meilleure coordination entre le traitementpĂ©nal et le traitement civil d’une affaire, notamment pour laprotection des victimes82. »

En rĂ©alitĂ©, le dispositif du « rĂ©fĂ©rĂ© violence » en matiĂšre civiles’est rĂ©vĂ©lĂ© peu efficace et est peu utilisĂ©. Pour Madame AnneJoncquet, responsable de la permanence du barreau de Bo-bigny, « la procĂ©dure du « rĂ©fĂ©rĂ© violence » (
) est un Ă©chec.ConsidĂ©rĂ©e Ă  l’origine comme un progrĂšs, elle est trĂšs peuutilisĂ©e, car trĂšs chĂšre et trĂšs compliquĂ©e. Non seulementc’est un parcours d’obstacles, mais bien souvent, on n’arrivepas Ă  faire exĂ©cuter l’ordonnance (
)83 ». En effet, la procĂ©-dure est coĂ»teuse pour la victime car le concours d’un huissierest nĂ©cessaire et l’exĂ©cution de l’ordonnance peut s’avĂ©rerdifficile (difficultĂ©s par exemple de faire sortir le conjoint dudomicile ou au contraire de lui signifier l’ordonnance s’il aquittĂ© le domicile).

En outre, cette procĂ©dure peut ĂȘtre mise en Ɠuvre seulementpour les couples mariĂ©s.

La proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novem-bre 2009, prĂ©voit donc d’étendre la procĂ©dure d’éviction dudomicile de l’auteur des violences, prĂ©vue Ă  l’article 220-1 ducode civil, actuellement applicable aux conjoints, aux per-

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire20

14. Amnesty International France invite lesparlementaires Ă  adopter la disposition de laproposition de loi « renforçant la protection desvictimes et la prĂ©vention et la rĂ©pression desviolences faites aux femmes » proposant d’étendre laprocĂ©dure d’éviction du domicile de l’auteur desviolences, prĂ©vue Ă  l’article 220-1 du code civil,actuellement applicable aux conjoints, aux personnesliĂ©es par un pacte civil de solidaritĂ© et aux concubinsquand ils sont copropriĂ©taires ou cotitulaires du baildu logement commun.

Au pĂ©nal, l’éviction du domicilede l’auteur des violences

Depuis la loi sur la récidive du 12 décembre 2005, en cas depoursuite pénale de l'auteur des violences et avant tout juge-ment, la justice peut prendre des mesures immédiates pourassurer la sécurité de la victime et celle des enfants.

Ainsi, l’autoritĂ© judiciaire peut, Ă  tous les stades de la procĂ©-dure pĂ©nale, proposer (dans le cadre d’une composition pĂ©naleou d’une autre procĂ©dure alternative aux poursuites) ou impo-ser (dans le cadre d’un contrĂŽle judiciaire ou d’un sursis avecmise Ă  l’épreuve) Ă  l’auteur des faits de violence de rĂ©sider horsdu domicile du couple et, le cas Ă©chĂ©ant, de s’abstenir de pa-raĂźtre dans ce domicile ou aux abords immĂ©diats de celui-ci.

Les instructions gĂ©nĂ©rales de politique pĂ©nale donnĂ©es auxprocureurs gĂ©nĂ©raux prĂ©cisent que « le dispositif d’évictiondu domicile de l’auteur des violences prĂ©vu par la loi doit ĂȘtreeffectivement mis en oeuvre sur tout le territoire85. »

Mais selon les chiffres mentionnĂ©s par la garde des Sceauxen 2009, « l’éviction du conjoint en matiĂšre pĂ©nale a Ă©tĂ© pro-noncĂ©e dans 10 % des affaires en 2006, 13 % en 2008 et plusde 18 % depuis le dĂ©but de l’annĂ©e 2009. Elles ont Ă©tĂ© pro-noncĂ©es dans des affaires de meurtre – 68 % –, d’agressionsexuelle – 26 % – de violences graves – 25 % – de violenceslĂ©gĂšres – 8 %. Par ailleurs, 45 % d’entre elles l’ont Ă©tĂ© dansle cadre d’un contrĂŽle judiciaire, 30 % dans le cadre d’un sur-sis avec mise Ă  l’épreuve, 18 % dans le cadre d’une mesurealternative aux poursuites86. »

La principale difficultĂ© d’application de cette mesure rĂ©sidedans le manque de structures permettant d’hĂ©berger leconjoint Ă©vincĂ© quand cela est nĂ©cessaire.

En juillet 2008, le rapport d’évaluation du premier plan globaltriennal 2005-2007 prĂ©conisait donc que des moyens subs-tantiels soient consacrĂ©s Ă  l’ouverture de places d’hĂ©berge-ment pour les auteurs de violences87.

En effet, d’aprĂšs ce mĂȘme rapport, seuls 36 % des parquetsavaient conclu une convention sur l’accueil et l’hĂ©bergementdes auteurs de violences avec des partenaires.

En 2008, le Guide de l’action publique incitait les parquets Ă  si-gner de telles conventions88 et la circulaire d’instructions pĂ©-nale du 1er novembre 2009 leur rappelle qu’« il convientd’amĂ©liorer la prise en charge de l’auteur, pour prĂ©venir la rĂ©i-tĂ©ration du passage Ă  l’acte. A cette fin, les mesures tendantĂ  l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal et les par-tenariats permettant son accueil dans des structures d’hĂ©ber-gement et d’accompagnement psychologique, dĂ©jĂ  mis enplace par de nombreux parquets, doivent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©s. »

Le bracelet Ă©lectronique : nouvelle mesure decontrĂŽle de l’application de l’éloignement duconjoint violent

Pour renforcer la prĂ©vention de la rĂ©cidive et empĂȘcher lesconjoints violents de recommencer, le gouvernement a dĂ©cidĂ©d'expĂ©rimenter dĂšs le dĂ©but 2010 un dispositif de surveillanceĂ©lectronique de l’interdiction de rentrer en contact avec la vic-time, sur la base de l’exemple espagnol. Ce systĂšme per-mettra de contrĂŽler l'application de la mesure d'Ă©loignementdu conjoint violent et peut ĂȘtre une modalitĂ© d’exercice de lapeine ou ĂȘtre prononcĂ© comme alternative aux poursuites.

La surveillance Ă©lectronique peut prendre toute une sĂ©rie deformes diverses, qui varient en intensitĂ© et qui limitent plus oumoins la libertĂ© de circulation de la personne, sa libertĂ© ausens propre et son droit au respect de sa vie privĂ©e. Les sys-tĂšmes Ă©lectroniques de localisation de type GPS permettentde savoir en permanence oĂč se trouve la personne qui en estmunie. La mĂ©thode du bracelet Ă©lectronique, qui Ă©met un si-gnal vers un rĂ©cepteur fixe, ne permet pas de suivi au-delĂ d'un certain rayon.

Avant de recourir Ă  la surveillance Ă©lectronique, il convientd’envisager des mesures moins contraignantes, dont l’effica-citĂ© est avĂ©rĂ©e, afin de s’assurer qu'elle est bien nĂ©cessaireet adaptĂ©e Ă  l’objectif lĂ©gitime poursuivi et ce uniquement siet aussi longtemps que des mesures moins coercitives nesemblent pas susceptibles de permettre de parvenir auxmĂȘmes fins.

Le suivi électronique doit faire l'objet d'un contrÎle de la partd'une autorité compétente et indépendante, judiciaire ouautre, afin qu'il ne soit appliqué qu'en cas de stricte nécessitéet de maniÚre proportionnée à l'objectif légitime déclaré et queson usage ne soit ni discriminatoire, ni arbitraire ni indûmentprolongé89.

15. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer que le dispositifd’éviction du domicile de l’auteur des violences prĂ©vupar la loi est rĂ©ellement mis en Ɠuvre sur tout leterritoire.

16. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises que, au cas oĂč le recours Ă  la sur-veillance Ă©lectronique serait appliquĂ© dans le cadredes violences au sein du couple, il soit prĂ©vu par la loiet soit soumis au contrĂŽle d'une autoritĂ© judiciaire.

2.3 La prise en charge des auteurs de violencedoit ĂȘtre organisĂ©e, financĂ©e et coordonnĂ©epour lutter contre les risques de rĂ©cidive

Les pouvoirs publics n’ont pris conscience que rĂ©cemment del’enjeu que reprĂ©sente la prise en charge des auteurs dans lapolitique de lutte contre les violences au sein du couple. Celle-ci est pourtant un Ă©lĂ©ment essentiel de la protection des vic-times.

Pour Monsieur Luc FrĂ©miot, procureur de la RĂ©publique Ă Douai : « C’est donc bien de cela que nous manquons : desstructures d’accueil pour les auteurs de violences. En dĂ©pit denos efforts, des rĂ©sultats que nous obtenons, de leur mĂ©dia-tisation, des contacts que nous nouons, on continue Ă  ouvririndĂ©finiment des places d’accueil pour les victimes, mais au-

sonnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubinsquand ils sont copropriétaires ou cotitulaire du bail du loge-ment commun84.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 21

pour dĂ©pendance Ă  l’alcool et dix huit couples ont Ă©tĂ© identi-fiĂ©s comme consommateurs chroniques. Dans vingt cas, l’au-teur des faits Ă©tait suivi psychologiquement oupsychiatriquement, dont six femmes.

La loi a organisé le suivi des auteurs deviolences à tous les stades de la procédurejudiciaire

Avant le jugement, le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention peutordonner un contrĂŽle judiciaire. Au moment du jugement, letribunal peut prononcer une obligation ou une injonction desoins dans le cadre, par exemple, d’un sursis avec mise Ă l’épreuve ou d’un suivi socio-judiciaire.

Avant la décision judiciaire

A la suite de la garde Ă  vue de l’auteur, le procureur peut choi-sir de le poursuivre, si les faits sont particuliĂšrement graves,selon la procĂ©dure de la comparution immĂ©diate. Mais si lesfaits sont d’une moindre gravitĂ©, le magistrat peut opter pourune convocation par procĂšs-verbal, pour une audience ultĂ©-rieure, associĂ©e Ă  un contrĂŽle judiciaire socio-Ă©ducatif or-donnĂ© par un juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention. Les mesuresde contrĂŽle judiciaire sont limitĂ©es Ă  deux mois, sauf en cas derenvoi de l’affaire.

La conclusion de conventions entre les diffĂ©rents acteurs (par-quet, association de contrĂŽle judiciaire et association de suivides auteurs de violences conjugales) permettrait alors de fa-ciliter le suivi des auteurs en l’organisant et le coordonnant.

AprÚs la décision judiciaire

Le suivi peut ĂȘtre poursuivi si le tribunal prononce une peined’emprisonnement avec sursis avec mise Ă  l’épreuve qui com-porte une obligation de soins ou un suivi socio-judiciaire quiprĂ©voit une injonction de soins. Une peine d’emprisonnementavec sursis et mise Ă  l’épreuve signifie que l’emprisonnementne sera pas effectuĂ© si la personne condamnĂ©e respecte, du-rant le dĂ©lai d’épreuve fixĂ© par le tribunal, les obligationsmises Ă  sa charge, telle l’obligation de suivre des soins et d’enjustifier auprĂšs du juge d'application des peines. Le suivisocio-judiciaire est une peine qui emporte pour le condamnĂ©l’obligation de se soumettre, sous le contrĂŽle du juge de l'ap-plication des peines, Ă  des mesures d’assistance et de sur-veillance destinĂ©es Ă  prĂ©venir la rĂ©cidive. En revanche, quandle risque de rĂ©cidive est Ă©cartĂ© (en raison par exemple de lasĂ©paration du couple), les tribunaux prononcent frĂ©quemmentune peine d’emprisonnement assortie d’un sursis simple, cequi interrompt le suivi de l’auteur.

Depuis la loi du 5 mars 2007 relative Ă  la prĂ©vention de la dĂ©-linquance, la peine de suivi socio-judiciaire a Ă©tĂ© Ă©tendue auxactes de violence contre les personnes commis par le parte-naire ou l’ex-partenaire96. De surcroĂźt, elle est obligatoire enmatiĂšre correctionnelle si les violences sont commises de ma-niĂšre habituelle, sauf en cas de sursis avec mise Ă  l’épreuveou de dĂ©cision spĂ©cialement motivĂ©e du tribunal.

Depuis le 1er mars 2008, et sauf dĂ©cision contraire de la juri-diction de jugement, le suivi socio-judiciaire doit comporterune injonction de soins s’il est Ă©tabli aprĂšs une expertise mĂ©-dicale, que la personne est susceptible de faire l’objet d’untraitement. L’inobservation des mesures de surveillance etdes obligations par le condamnĂ© l’expose Ă  la mise Ă  exĂ©cu-tion totale ou partielle de l’emprisonnement qui a Ă©tĂ© dĂ©ter-

cune structure n’est crĂ©Ă©e pour les auteurs. [
] Ce qui nousmanque, ce ne sont pas les textes, mais des structures d’ac-cueil pour les auteurs90. »

Au niveau national, le taux de rĂ©cidive est de 7,9 % et estdonc plus important que pour les violences en gĂ©nĂ©ral(5,5 %). Ce taux est moindre dans le ressort des tribunaux degrande instance oĂč le procureur mĂšne une politique incluantle suivi de l’auteur (6 % Ă  Douai ; 2,5 % dans le Tarn)91.

Cependant « les moyens qui y sont consacrĂ©s sont encorebeaucoup trop faibles et les techniques de suivi sont insuffi-samment Ă©valuĂ©es, faute d’une politique nationale cohĂ©rentedans ce domaine92.»

Il est donc indispensable de mener des Ă©tudes d’ensemblesur l’impact de la prise en charge des auteurs de violencesconjugales pour permettre notamment d’adapter les moyensqui doivent ĂȘtre consacrĂ©s Ă  cette politique.

Les moyens, notamment financiers, faisant largement dĂ©faut,la prise en charge des auteurs reste lacunaire sur le territoirefrançais. Le nombre de structures de suivi et de prise encharge des auteurs de violences est trĂšs faible. Le rapport dugouvernement remis au Parlement relatif Ă  la politique natio-nale de lutte contre les violences au sein du couple fait Ă©tat durecensement d’une « soixantaine de structures d’accompa-gnement des auteurs93 », soit environ une structure pour100 000 habitants.

Des moyens doivent donc ĂȘtre rapidement dĂ©gagĂ©s pour pĂ©-renniser les actions existantes et les gĂ©nĂ©raliser. Cependant,cet Ă©tat de fait ne doit pas conduire Ă  une rĂ©allocation demoyens, dĂ©jĂ  limitĂ©s, destinĂ©s Ă  l’aide devant ĂȘtre accordĂ©eaux victimes, mais des actions de prĂ©vention ciblĂ©es sur lespersonnes qui en ont le plus besoin doivent ĂȘtre menĂ©es etdes moyens doivent ĂȘtre spĂ©cifiquement consacrĂ©s au suivides auteurs de violences.

Des profils qui justifientune prise en charge systématique

En 2006, le Docteur Roland Coutanceau avait distingué troisgrands profils psychologiques d'hommes violents94.

- Un profil « à tonalité immaturo- névrotique ». Ces hommesviolents sont parfois conscients de leur responsabilité et peu-vent éprouver de la souffrance pour leur comportement etpour leur victime. Ce profil représenterait 20% des hommesviolents.

- Un profil « d'hommes égocentriques et mal structurés psy-chologiquement » qui banalisent et minimisent les faits. Ceshommes sont sur la défensive et peinent à s'autocritiquer.

- Un profil d'hommes « à la personnalité particuliÚrement pro-blématique » marqué par un fort égocentrisme et une dimen-sion paranoïaque et mégalomaniaque. Ils tentent deconstruire une relation d'emprise et décrivent leur femme« comme mythomane, hystérique ou persécutive ». Dans cegroupe 15% environ souffrent de troubles psychiatriques clai-rement identifiés.

D’aprĂšs l’étude nationale sur les morts violentes au sein ducouple en 2008, sur 184 homicides, l’alcool Ă©tait prĂ©sent dans54 cas, soit prĂšs de 30% du total95. La progression de pas-sage Ă  l'acte sous l'emprise de l'alcool Ă©tait en augmentationde 10% en 2008. L’étude constate que l’alcool a Ă©tĂ© essen-tiellement consommĂ© par les hommes avant le passage Ă l’acte. Cependant, six femmes auteurs en avaient absorbĂ© aumoment des faits. Dix sept auteurs masculins Ă©taient connus

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire22

minĂ© par la juridiction de jugement. Par les nombreuses me-sures d’assistance et de surveillance qu’il permet de mettre enƓuvre et qui peuvent ĂȘtre modifiĂ©es en cas de besoin par lejuge de l'application des peines, le suivi socio-judiciaire estune mesure particuliĂšrement utile pour prendre en charge lesauteurs de violences conjugales.

Il permet Ă©galement de prendre en considĂ©ration les intĂ©rĂȘtsde la victime, puisque le condamnĂ© peut notamment se voirimposer l’indemnisation la victime, l’interdiction d’entrer en re-lation avec elle ou l’obligation de rĂ©sider en dehors du domi-cile familial.

Cependant, «Les effets de l’extension aux faits de violencesau sein du couple du champ du suivi socio-judiciaire par laloi du 5 mars 2007 sont limitĂ©s par le dĂ©faut de moyens en tra-vailleurs sociaux et en cas de soins, en psychiatres ou psy-chologues spĂ©cialisĂ©s97. »

gal » (conflit ponctuel entre deux personnes Ă  Ă©galitĂ©) et « vio-lences conjugales » (processus de long terme de prise decontrĂŽle et de destruction d’une personne par une autre). Denombreux professionnels ont des difficultĂ©s Ă  apprĂ©hendercette distinction, en particulier ceux qui n’ont pas reçu uneformation adaptĂ©e102. »

Tout en constatant que les bonnes pratiques tendent Ă  se dif-fuser dans un nombre croissant de juridictions grĂące Ă  unepolitique pĂ©nale volontariste la mission parlementaire consta-tait en juillet 2009, que « les politiques pĂ©nales menĂ©es par lesparquets sont encore divergentes et qu’il existe des dispari-tĂ©s gĂ©ographiques importantes dans les rĂ©ponses pĂ©nales etdans les peines prononcĂ©es liĂ©es Ă  une implication et Ă  desmoyens variables. La mission a pu, au cours de ses dĂ©place-ments et de ses auditions, constater que ces disparitĂ©s per-duraient. Ainsi dans les CĂŽtes d'Armor un parquetparticuliĂšrement dynamique sur la question des violences ausein du couple se saisissait de tous signalements de violence,interdisait la mĂ©diation pĂ©nale et ordonnait l'Ă©viction desconjoints violents. A l'inverse les parquets des deux autresTGI du dĂ©partement, pratiquent la mĂ©diation pĂ©nale (de façonencadrĂ©e) et recourent peu Ă  l'Ă©viction du conjoint violent103. »

Si l'on examine les suites données aux plaintes en Ile-de-France et dans le ressort des tribunaux de grande instancede Castres et d'Albi, on constate que 16% des affaires sontclassées sans suite dans la région parisienne et 40% dans leressort d'Albi et de Castres, que 42,5% des affaires donnentlieu à des poursuites dans la région parisienne et 22% dansle ressort des tribunaux d'Albi et de Castres104.

Des disparitĂ©s importantes existent Ă©galement dans lespeines prononcĂ©es. Les juridictions ne prononcent pas tou-jours des peines de mĂȘme ordre pour des faits semblables.

Il semble toutefois que les procureurs se mobilisent de plus enplus. Une enquĂȘte menĂ©e auprĂšs de 183 tribunaux de grandeinstance rĂ©vĂšle que « 91% des procureurs ont donnĂ© des di-rectives pĂ©nales aux services de police et de gendarmerie surle traitement des faits de violences au sein du couple et que74% ont dĂ©signĂ© un magistrat rĂ©fĂ©rent pour ces infractions etorganisĂ© des rĂ©unions de service en interne sur ce thĂšme105. »

17. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises d’amĂ©liorer la prise en chargedes auteurs de violences, de l’intĂ©grer Ă  la logique del’action de l’État dans la lutte contre les violencesfaites aux femmes et de s’assurer que :- l’accueil des auteurs de violences dans desstructures d’hĂ©bergement et d’accompagnementfinancĂ©es par l’État est gĂ©nĂ©ralisĂ©.

18. Amnesty International France incite les autoritĂ©sfrançaises Ă  mettre en Ɠuvre des politiques pĂ©nalesspĂ©cifiques pour lutter contre les violences faites auxfemmes et recommande d’inciter les parquetsgĂ©nĂ©raux Ă  progresser vers l’harmonisation despolitiques pĂ©nales sur tout le territoire.

2.4 La disparitĂ© des politiques pĂ©nales98 menĂ©espar les parquets reste un obstacle importantĂ  l’application pleine et uniforme de la loi

La divergence entre les politiques pĂ©nales menĂ©es par lesparquets est un obstacle important Ă  l’application pleine etuniforme de la loi.

En 2007, dans leur rapport d'information sur la mise en appli-cation de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la ré-pression des violences au sein du couple ou commises contreles mineurs, les députés Guy Geoffroy et Serge Blisko ju-geaient « inacceptables les disparités flagrantes demeurantentre parquets sur le territoire de la République99. »

Tout en reconnaissant le caractĂšre volontariste de la politiquepĂ©nale menĂ©e par les autoritĂ©s, le rapport sur l'Ă©valuation duplan global 2005 – 2007 de lutte contre les violences faitesaux femmes a analysĂ© la disparitĂ© des rĂ©ponses pĂ©nales ap-portĂ©es par les parquets comme rĂ©sultant Ă  la fois « de la po-litique pĂ©nale peu affirmĂ©e de certains procureurs dans lalutte contre les violences faites aux femmes en dĂ©pit desgrandes orientations du ministre et Ă  l’inĂ©vitable effet de la di-versitĂ© des rĂ©ponses pĂ©nales mises Ă  disposition du magistratdu parquet qui les adapte Ă  la fois Ă  la situation soumise etaux moyens dont il dispose100. »

En 2008, le Guide de l’action publique reconnaissait que « side plus en plus de parquets ont dĂ©fini une politique pĂ©naleen matiĂšre de violences au sein du couple, force est deconstater le caractĂšre disparate et diversement appliquĂ© deces directives d’un tribunal Ă  l’autre, voire au sein d’un mĂȘmeressort juridictionnel101.»

En fĂ©vrier 2009, l’observatoire de la paritĂ© entre les femmeset les hommes constatait que « la disparitĂ© des politiques pĂ©-nales sur l’ensemble du territoire demeure un rĂ©el obstacle Ă l’efficacitĂ© du travail menĂ© par les diffĂ©rents acteurs, Ă  l’éva-luation des diffĂ©rentes mesures de protection des femmesvictimes et Ă  l’égalitĂ© de traitement des situations. Cette dis-paritĂ© est due notamment Ă  la confusion entre « conflit conju-

2.5 La protection des victimes Ă©trangĂšresdoit ĂȘtre assurĂ©e

En 2006, Amnesty International soulignait qu’« en sus desdiffĂ©rentes difficultĂ©s rencontrĂ©es par l’ensemble des femmessoumises Ă  des violences au sein de leur couple, les femmesĂ©trangĂšres, particuliĂšrement lorsque leur situation adminis-trative est prĂ©caire, sont confrontĂ©es Ă  des obstacles supplĂ©-mentaires. GĂ©nĂ©ralement peu informĂ©es de leurs droits, ellessont souvent plus isolĂ©es lorsqu’il s’agit d’organiser un dĂ©-part, trouver un hĂ©bergement, un travail, une alternative via-ble » et l’organisation recommandait que « les femmes, quelleque soit leur situation administrative, aient accĂšs Ă  la mĂȘmeprotection et prise en compte de la part des autoritĂ©s pu-bliques106. »

Malgré une amélioration de la législation107, il existe souventun lien de dépendance administrative entre la situation de la

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 23

victime Ă©trangĂšre au regard du sĂ©jour et les violences qu’ellea subies, lien constituĂ© par l’exigence d’une permanence dela communautĂ© de vie.

Or, les situations de violences conjugales peuvent entraßner larupture de la communauté de vie.

Ainsi, si des avancĂ©es lĂ©gislatives ont permis de limiter lerisque de perdre le droit au sĂ©jour pour les conjointes de Fran-çais et les Ă©trangĂšres entrĂ©es au titre du regroupement fami-lial, en revanche, les femmes victimes en situation irrĂ©guliĂšresont confrontĂ©es Ă  des obstacles rĂ©dhibitoires pour faire ces-ser les situations de violences et ĂȘtre protĂ©gĂ©es.

L’accĂšs au droit au sĂ©jour des femmesĂ©trangĂšres en situation rĂ©guliĂšre, victimes deviolences conjugales. Une adaptation partiellede la rĂ©glementation

Selon le droit commun des rĂšgles relatives au sĂ©jour desĂ©trangers en France, le droit au sĂ©jour des conjoints de Fran-çais et des conjoints d’étrangers entrĂ©s au titre du regroupe-ment familial peut ĂȘtre remis en cause en cas de rupture dela vie commune.

Avant la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative Ă  lamaĂźtrise de l'immigration, Ă  l'intĂ©gration et Ă  l'asile, la rĂ©gle-mentation Ă©tait totalement inadaptĂ©e aux situations de vio-lences conjugales puisque les femmes qui en Ă©taient victimesĂ©taient fortement incitĂ©es Ă  ne pas saisir la justice, sous lamenace de faire l’objet d’un refus de sĂ©jour assorti d’une obli-gation de quitter le territoire français.

Des rĂšgles spĂ©cifiques, visant Ă  faciliter leur accĂšs au droit, entenant compte des situations de violences, ont progressive-ment Ă©tĂ© adoptĂ©es. Ainsi, il ressort des dispositions de la loidu 20 novembre 2007108 que l’autoritĂ© administrative est obli-gĂ©e de dĂ©livrer un titre de sĂ©jour en cas de violences conju-gales antĂ©rieures Ă  l’obtention de celui-ci et qu’elle ne peutpas le retirer ou retirer la carte de rĂ©sident d’une victime deviolences conjugales qui se sĂ©parerait de son conjoint.

En revanche, sa dĂ©cision n’est pas liĂ©e en ce qui concerneson renouvellement.

De plus, dans la pratique, les préfectures refusent bien sou-vent de délivrer un premier titre à une épouse alléguant desviolences de la part de son époux de nationalité française, aumotif que ces violences ne sont pas démontrées.

Dans sa rĂ©ponse Ă©crite aux questions de la mission parle-mentaire, le ministĂšre de l’Immigration, de l’IntĂ©gration, del’IdentitĂ© nationale et du DĂ©veloppement solidaire a justifiĂ© lefait qu’aucune obligation ne pĂšse sur les prĂ©fets en prĂ©cisantque : « le lĂ©gislateur a toutefois entendu ne pas donner Ă  l’au-toritĂ© administrative une compĂ©tence liĂ©e dans ce domaine,pour laisser au prĂ©fet un pouvoir d’apprĂ©ciation lui permet-tant de vĂ©rifier si les violences conjugales sont avĂ©rĂ©es. »

Ce pouvoir d’apprĂ©ciation doit s’exercer selon les recom-mandations des diffĂ©rentes circulaires portant sur le renou-vellement des titres de sĂ©jour et notamment celle du 30octobre 2004, adressĂ©e aux prĂ©fets, qui indique : « Vous veil-lerez Ă  faire une application diligente de ces dispositions, auvu des divers justificatifs qui pourront vous ĂȘtre produits (rap-port des services de police, dĂ©pĂŽt de plainte, attestations ettĂ©moignages issus de reprĂ©sentants d’administrations so-ciales ou du milieu associatif, certificats mĂ©dicaux
) ».

Cette simple possibilité de renouvellement du titre de séjouren cas de rupture de la communauté de vie du fait des vio-

lences engendre des différences importantes de traitemententre préfectures comme en témoigne les associations defemmes étrangÚres regroupées au sein du collectif ADFEM(Action et droits des femmes exilées et migrantes)109.

« Pour le renouvellement du titre de sĂ©jour des conjointes defrançais entrĂ©es avec un visa de long sĂ©jour ou des conjointesd’étranger en situation rĂ©guliĂšre entrĂ©es au titre du regroupe-ment familial, victimes de violences conjugales les conduisantĂ  rompre la communautĂ© de vie, certaines prĂ©fectures de-mandent la reconnaissance d’un divorce pour faute, d’autresla condamnation pĂ©nale du mari. Or la procĂ©dure pĂ©nale estextrĂȘmement longue et complexe et les femmes voient leurdemande de renouvellement rejetĂ©e car elle ne correspondpas aux conditions arbitrairement ordonnĂ©es par les prĂ©fec-tures. Ainsi une femme qui dĂ©cide de rompre la vie communeen raison de violences conjugales est punie d’avoir voulu seprotĂ©ger
 Nous demandons donc que le renouvellement dutitre de sĂ©jour de ces femmes victimes ne relĂšve plus du pou-voir discrĂ©tionnaire des prĂ©fets et que les pratiques des prĂ©-fectures visant notamment Ă  demander des documents quine correspondent pas Ă  des conditions lĂ©gales requises (tellesque la condamnation pĂ©nale du conjoint), cessent110. »

Afin de mettre fin Ă  cette disparitĂ© dans le renouvellement destitres de sĂ©jour des femmes victimes de violences conjugales,Amnesty International France demande aux autoritĂ©s fran-çaises d’aligner les conditions de la dĂ©livrance et du retrait entransformant la possibilitĂ© qu’ont les prĂ©fets de renouveler letitre de sĂ©jour en obligation, si les violences conjugales sontconstituĂ©es.

Des freins trÚs importants à la protection desfemmes victimes de violences qui sont ensituation irréguliÚre subsistent

Pour les femmes victimes de violences qui sont en situationirréguliÚre les difficultés sont multiples et la dénonciation desviolences ne leur ouvre pas de droit au séjour.

En effet, comme le relĂšve le rapport de la mission parlemen-taire « les conditions de sĂ©jour des femmes en situation irrĂ©-guliĂšre qui sont victimes de violences constituent toujours unobstacle rĂ©dhibitoire au dĂ©pĂŽt de plainte puisqu’elles risquentde devoir quitter le territoire français en cas de dĂ©nonciationdes violences qu’elles subissent. »

En outre, elles ne bĂ©nĂ©ficient que de façon dĂ©rogatoire del’aide juridictionnelle, et, du fait de leur situation, elles n’ontpas accĂšs aux droits sociaux.

« Ces femmes n’ont droit ni Ă  un logement, ni Ă  un travail niĂ  des allocations. Sans ressources, elles sont, avec leurs en-fants, dans une trĂšs grande prĂ©caritĂ© et n’ont droit qu’au 115,le numĂ©ro d'urgence sociale anonyme et gratuit111. »

Ces difficultés constituent un frein important à toute rupturede la vie commune et accroissent leur vulnérabilité face auconjoint violent.

Or, la situation dramatique que vivent certaines femmes a Ă©tĂ©soulignĂ©e : « Certaines ne portent pas plainte par manque deconnaissance de leurs droits, mais elles sont aussi confron-tĂ©es Ă  certaines pratiques policiĂšres. En venant au commis-sariat ou Ă  la gendarmerie, certaines sont menacĂ©esd’interpellation au regard de leur situation, parfois insultĂ©es –« comment peut-on dĂ©poser plainte contre un ressortissantfrançais ! [
] Il est trĂšs difficile pour ces femmes d’aller aucommissariat, d’ĂȘtre en confiance, d’arriver Ă  expliquer leursituation, de porter plainte contre leur conjoint ou une per-

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire24

sonne de la famille, ou tout simplement de se voir remettreune photocopie de leur plainte112. »

Aucun dispositif n’étant prĂ©vu, elles ne peuvent demanderqu’une mesure humanitaire de la part du prĂ©fet, qui est ac-cordĂ©e si leur situation est digne d’intĂ©rĂȘt, au regard des Ă©lĂ©-ments de situation qu’elles prĂ©sentent.

Amnesty International France considĂšre que la dĂ©fense desdroits humains des femmes ne doit pas ĂȘtre conditionnĂ©e Ă  larĂ©gularitĂ© de leur situation administrative.

DĂ©but 2010, une rĂ©organisation est intervenue avec la miseen place de la direction gĂ©nĂ©rale de la cohĂ©sion sociale(DGCS). La nouvelle direction intĂšgre la direction gĂ©nĂ©rale del’action sociale (DGAS), le Service des droits des femmes etde l’égalitĂ© (SDFE)113, la dĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle Ă  la fa-mille (DIF), la dĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle Ă  l’innovation, Ă  l’ex-pĂ©rimentation sociale et Ă  l’économie sociale (DIIESES) et lesagents de la direction interministĂ©rielle des personnes handi-capĂ©es (DIPH).

Son directeur gĂ©nĂ©ral, Monsieur Fabrice Heyries est Ă©gale-ment dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel aux droits des femmes et Ă l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, dĂ©lĂ©guĂ© intermi-nistĂ©riel Ă  la famille et dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel Ă  l’innovation,Ă  l’expĂ©rimentation sociale et Ă  l’économie sociale.

« L'organisation de la nouvelle direction reste fondĂ©e sur sespublics et comporte certaines innovations sans qu'il y ait au-cune fusion des missions de politiques publiques ni aucunesuppression de poste », a soulignĂ© Monsieur Fabrice HeyriĂšslors d’une prĂ©sentation de l'organigramme de cette future di-rection Ă  l'ensemble des agents concernĂ©s. « Direction stra-tĂšge, appelĂ©e Ă  renforcer son fonctionnementinterministĂ©riel », la DGCS, constituĂ©e de trois services et decinq sous-directions, devra « dĂ©velopper des fonctions nou-velles notamment dans les domaines de la prospective et del'Ă©valuation des politiques », a rappelĂ© le directeur de l'actuelleDGAS114.

Pour Madame Elisabeth TomĂ©, Chef du SDFE, « l’enjeu de larĂ©forme est d’affirmer cette inter ministĂ©rialitĂ©, en rattachantle SDFE Ă  une trĂšs grosse direction, la Direction gĂ©nĂ©rale dela cohĂ©sion sociale (DGCS) et en crĂ©ant une dĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle, juridiquement attribuĂ©e au directeur de la cohĂ©-sion sociale (DGCS) mais qui sera de la compĂ©tence du chefdu SDFE, par dĂ©lĂ©gation du directeur115.»

Madame TomĂ© Ă©voque « la mise en place d’un systĂšme de« rĂ©fĂ©rents » prĂ©vu dans chaque administration et cabinet mi-nistĂ©riel, Ă  un niveau hiĂ©rarchique suffisant, si possible un ETPavec une rĂ©union mensuelle [
] le programme d’actionconcerne en effet tous les ministĂšres qui doivent s’engager Ă le mettre en Ɠuvre. Chaque ministre doit s’engager, il est re-devable de ce que fait son administration116. »

3.1 La coordination de la politique de luttecontre les violences faites aux femmes auniveau national et local doit ĂȘtre renforcĂ©eet systĂ©matisĂ©e

Au plan national

En 2006, Amnesty International enjoignait aux autoritĂ©s de"renforcer la coordination au niveau national" et de "renforcerles moyens du Service aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ©117."

Au niveau national, la premiĂšre instance de pilotage et deconcertation est la Commission nationale contre les violencesfaites aux femmes crĂ©Ă©e par dĂ©cret en 2001118, auprĂšs du mi-nistre chargĂ© des droits des femmes. Elle a pour mission d’or-ganiser la concertation des services de l’État avec lesorganismes et associations concernĂ©s, d’animer le rĂ©seaudes commissions dĂ©partementales, d’émettre des recom-mandations, de produire des donnĂ©es et de commander desanalyses sur la situation des femmes victimes de violence.

La commission s’appuie sur le Service des droits des femmeset de l’égalitĂ© (SDFE) dont l'organisation fait l'objet d'une im-portante Ă©volution dans le cadre de la rĂ©forme de l’État et dela RĂ©vision GĂ©nĂ©rale des Politiques Publiques (RGPP).

19. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises :- d’accorder, sauf menace pour l’ordre public, lerenouvellement du titre de sĂ©jour des femmes quicessent la communautĂ© de vie parce qu’elles sontvictimes de violences conjugales.- d’accorder un titre de sĂ©jour aux personnes ensituation irrĂ©guliĂšre qui portent plainte pourviolences au sein du couple.- de dĂ©signer des interlocuteurs rĂ©fĂ©rents au sein desprĂ©fectures, spĂ©cifiquement formĂ©s, pour orienter etaccompagner les femmes Ă©trangĂšres victimes deviolence au sein du couple.

QUELQUES REPÈRES


1981 – 1985 Madame Yvette Roudy, Ministre dĂ©lĂ©guĂ©aux Droits des femmes1988 – 1991 Madame MichĂšle AndrĂ©, SecrĂ©taire d’EtatchargĂ©e des Droits des femmes1995 – 1997 Madame Anne-Marie Couderc, MinistredĂ©lĂ©guĂ©e pour l’emploi au sein du MinistĂšre du travailet des affaires sociales.1997 – 1998 Madame GeneviĂšve Fraisse, DĂ©lĂ©guĂ©einterministĂ©rielle aux Droits des femmes.2004 – 2005 Madame Nicole Ameline, Ministre de laParitĂ© et de l’ÉgalitĂ© professionnelle.2005 – 2007 Madame Catherine Vautrin, MinistredĂ©lĂ©guĂ©e Ă  la CohĂ©sion sociale et Ă  la ParitĂ©.2007 – 2009 Madame ValĂ©rie LĂ©tard, SecrĂ©taire d’ÉtatĂ  la SolidaritĂ©.2009 Madame Nadine Morano, SecrĂ©taire d’État Ă  laSolidaritĂ©.

3. L’organisation et la coordination des moyenspour lutter contre les violences faites auxfemmes

Les politiques de lutte contre les violences faites aux femmesmettent en jeu un nombre considĂ©rable d’intervenants et l’ac-tion de l’État en matiĂšre de lutte contre les violences faitesaux femmes s’inscrit aujourd’hui tant au niveau national quelocal.

La coordination des moyens mis en Ɠuvre est une conditionde l’efficacitĂ© des politiques de prĂ©vention et de lutte contreles violences.

C’est ainsi que le plan triennal 2008-2010 a pour objectif de« coordonner tous les acteurs et relais d’action » en renfor-çant la politique partenariale.

L’organisation et la coordination des moyens mis en Ɠuvrepar les autoritĂ©s françaises doivent aussi passer par un fi-nancement adĂ©quat.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 25

Mais pour la mission parlementaire « cette Ă©volution ne doitcependant pas se traduire par une moindre capacitĂ© d’actiondu SDFE sur le plan interministĂ©riel. »

Ce risque a Ă©tĂ© soulevĂ© par Madame Patricia Vienne, coau-teur du rapport des inspections gĂ©nĂ©rales sur le premier planglobal triennal : « À l’échelon national, si le service des droitsdes femmes et de l’égalitĂ© est fusionnĂ© dans une grande di-rection, telle que la direction de la cohĂ©sion sociale, les pro-blĂ©matiques qu’il gĂšre risquent aussi de cesser d’ĂȘtreinterministĂ©rielles. Une vigilance collective est nĂ©cessairepour maintenir et consolider la transversalitĂ©119. »

De plus, la rĂ©vision gĂ©nĂ©rale des politiques publique (RGPP)a conduit Ă  revoir Ă©galement l’organisation des services dĂ©-concentrĂ©s du SDFE. Les dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales qui devaientinitialement ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans les directions rĂ©gionales de lacohĂ©sion sociale vont finalement ĂȘtre rattachĂ©es aux SecrĂ©-taires gĂ©nĂ©raux aux affaires rĂ©gionales (SGAR) des prĂ©fec-tures garantissant Ă  ces dĂ©lĂ©guĂ©es une capacitĂ© d’action etde coordination Ă  l’échelon local.

En revanche, les chargĂ©es de mission dĂ©partementales de-vraient ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans les nouvelles directions dĂ©parte-mentales de la cohĂ©sion sociale alors mĂȘme que leur capacitĂ©Ă  rĂ©unir et Ă  mobiliser les multiples intervenants dĂ©pend deleur position auprĂšs du prĂ©fet120.

C’est pourquoi la mission parlementaire d’évaluation de la po-litique de prĂ©vention et de lutte contre les violences faites auxfemmes a recommandĂ© que « les chargĂ©es de mission dĂ©-partementales aux droits de femmes restent fonctionnelle-ment rattachĂ©es au prĂ©fet. »

La recommandation principale d'Amnesty International FranceĂ©tait et reste une prise en charge de ces questions par le gou-vernement au niveau global et une responsabilisation d'un in-terministĂ©riel fort et clairement affichĂ©. Des recommandationsen ce sens ont Ă©tĂ© Ă©galement portĂ©es par la mission parle-mentaire de 2009. La disparition d'un ministĂšre ou d'un se-crĂ©tariat d'État dĂ©diĂ© uniquement Ă  ces questions a Ă©tĂ©considĂ©rĂ©e par le Collectif national droits des femmes (CNDF)comme un signal nĂ©gatif. Le regroupement du SDFE avecd'autres services au sein d'une direction gĂ©nĂ©rale aux prĂ©ro-gatives plus larges n'est pas sans poser des questions dumĂȘme ordre.

Amnesty International France sera particuliÚrement attentiveaux conséquences de ce regroupement et du fonctionnementd'une telle direction générale et au caractÚre réel affirmé dutransfert effectif de la délégation interministérielle au chef duSDFE.

Au plan local

La dimension interministĂ©rielle de la politique de lutte contreles violences faites aux femmes se retrouve au niveau local.L’action au niveau local est reconnue comme primordialedans la mesure oĂč elle associe tous les acteurs et tous lespartenaires en fonction de la thĂ©matique traitĂ©e.

CrĂ©Ă©es en 2001, les commissions dĂ©partementales d’actioncontre les violences faites aux femmes121 assuraient le pilo-tage, au niveau local, du plan global triennal de lutte contre lesviolences. Ces commissions prĂ©sidĂ©es par les prĂ©fets et ani-mĂ©es par les dĂ©lĂ©guĂ©s des services dĂ©concentrĂ©s aux droitsdes femmes, constituaient l’instance d’organisation et decoordination des actions locales portant, en particulier sur laformation, l’hĂ©bergement et le logement de femmes victimesde violences.

Depuis 2006, les commissions dĂ©partementales sont intĂ©-grĂ©es aux Conseils dĂ©partementaux de prĂ©vention de la dĂ©-linquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, lesdĂ©rives sectaires et les violences faites aux femmes(CDPD)122.

L’animation de ces sous-commissions est assurĂ©e par les dĂ©-lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et les chargĂ©es de mission dĂ©partemen-tales, ce qui permet de dĂ©cliner les violences faites auxfemmes, au sein du conseil dĂ©partemental de prĂ©vention dela dĂ©linquance.

Cependant, comme le souligne le rapport de la mission par-lementaire d’évaluation de la politique de prĂ©vention et delutte contre les violences faites aux femmes, « les sous-com-missions ne sont gĂ©nĂ©ralement pas prĂ©sidĂ©es par le prĂ©fet,ce qui ne favorise pas la capacitĂ© de mobilisation des acteurset en particulier des services de l’État, alors qu’une forte im-plication du prĂ©fet est un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant du succĂšs dudispositif. Il en rĂ©sulte une perte de visibilitĂ© certaine desquestions de violences faites aux femmes, qui sont abordĂ©esau travers d’un axe plus large qui est celui des violences in-trafamiliales ou de l’aide aux victimes et dans une logique deprĂ©vention de la dĂ©linquance. En effet, le conseil dĂ©parte-mental de prĂ©vention de la dĂ©linquance travaille essentielle-ment sur la base du rapport sur l’état de la dĂ©linquance Ă©tablipar le conseil dĂ©partemental de sĂ©curitĂ© et sur celui relatif auxactions financĂ©es par le FIPD123. »

Faisant le mĂȘme constat, le rapport d’évaluation du premierplan global triennal, avait Ă©galement soulignĂ© le risque d’uneprise en charge des femmes victimes de plus en plus judi-ciaire et policiĂšre et de moins en moins sociale.

C’est pourquoi la mission parlementaire a recommandĂ© auxautoritĂ©s de « rĂ©unir sous l’autoritĂ© du prĂ©fet des commissionsspĂ©cifiquement consacrĂ©es aux violences faites aux femmespermettant d’identifier cette problĂ©matique, en coordinationavec les politiques de lutte contre la dĂ©linquance124. »

Applicable le 1er janvier 2010, le Plan national de prĂ©ventionde la dĂ©linquance et d’aide aux victimes 2010-2012 lancĂ© parle Gouvernement le 2 octobre 2009, souligne « qu’il revient auPrĂ©fet d’inscrire dans ses prioritĂ©s la lutte contre les violencesintrafamiliales et de proposer au conseil dĂ©partemental deprĂ©vention de la dĂ©linquance (CDPD) de crĂ©er en son sein unou plusieurs groupes thĂ©matiques, notamment sur la problĂ©-matique des violences faites aux femmes et aux enfants125. »

Les mesures 46 et 47 du Plan demandent de « prĂ©voir systĂ©-matiquement au sein des conseils dĂ©partementaux de prĂ©-vention de la dĂ©linquance (CDPD) un groupe thĂ©matiquedĂ©diĂ© aux violences intrafamiliales et aux violences faites auxfemmes » et de « systĂ©matiser, au sein des conseils locaux desĂ©curitĂ© et de prĂ©vention de la dĂ©linquance (CLSPD), lesgroupes de travail et d’échange d’informations nominativesrelatifs aux violences intrafamiliales et aux violences faites auxfemmes. Ces instances devront faire intervenir dans sa miseen Ɠuvre les dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et les chargĂ©es de mis-sions dĂ©partementales aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ©qui sont les personnes rĂ©fĂ©rentes sur ces sujets. »

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire26

3.2 Le financement des moyens doit ĂȘtre Ă  lahauteur des objectifs gouvernementaux

Pour Amnesty International, un financement adéquat du sys-tÚme de justice pénale, des services et des actions de soutienaux victimes permet de mesurer à quel point les gouverne-ments veulent réellement faire de la protection et du respectdes droits humains une réalité.

Il est trÚs difficile de connaßtre, avec précision, les moyens fi-nanciers mis en place pour lutter contre les violences faitesaux femmes. En effet, cette lutte relevant de politiques pu-bliques interministérielles, les financements dépendent deprogrammes budgétaires de différentes missions.

Cependant, un document de politique transversale (DPT)126

« ÉgalitĂ© entre les femmes et les hommes » a Ă©tĂ© annexĂ©pour la premiĂšre annĂ©e au projet de Loi de finances pour2010, et « cette prĂ©sentation globale et coordonnĂ©e, quiconstitue Ă©galement la rĂ©ponse française Ă  la propositiond’institutionnalisation du « Gender budgeting », doit apporterĂ  la reprĂ©sentation nationale une visibilitĂ© globale de l’actionde la France dans le champ de l’égalitĂ© entre les femmes etles hommes, et permettre de mesurer l’effet de la politiqued’égalitĂ© entre les femmes et les hommes et son objectif es-sentiel : le changement durable des mentalitĂ©s127. »

Le DPT « ÉgalitĂ© entre les femmes et les hommes » s’articuleautour de trois axes et d’objectifs transversaux complĂ©tĂ©s pardes objectifs concourant Ă  la politique transversale, notam-ment l’axe n° 2 « Lutter contre les violences faites auxfemmes et les atteintes Ă  leur dignitĂ© en dĂ©veloppant l’accĂšsdes femmes Ă  l’information et au droit et en garantissantl’exercice effectif des droits. »

Pour chacun de ces axes, des objectifs particuliers sont dĂ©fi-nis et associĂ©s Ă  des indicateurs permettant de s’assurer deleur rĂ©alisation.

Le programme (137) «ÉgalitĂ© entre les hommes et lesfemmes » concourt Ă  la politique transversale des autoritĂ©srelative aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ© entre les femmeset les hommes et doit permettre au ministĂšre du travail, desrelations sociales, de la famille, de la solidaritĂ© et de la ville,en charge des droits des femmes et de l’égalitĂ© entre lesfemmes et les hommes, d’animer, de piloter et de coordonnerla mise en Ɠuvre de cette politique publique dans chacunedes politiques publiques sectorielles.

Le pilotage du programme est assurĂ© par le SDFE. Ce pilo-tage, qui repose sur une action interministĂ©rielle, doit per-mettre de renforcer l’animation des partenariats et de favoriserla convergence de leurs actions avec les orientations de lapolitique publique.

Pour les autoritĂ©s, le renforcement de l’efficacitĂ© de la poli-tique publique relative aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ©entre les femmes et les hommes doit emporter des rĂ©ponsescoordonnĂ©es des diffĂ©rents acteurs, en particulier de l’État auregard de sa mission d’animation et de pilotage, pour quel’égalitĂ© de fait rejoigne l’égalitĂ© de droit.

« La dĂ©cision de crĂ©er un document de politique transversale(DPT) relatif aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ© entre lesfemmes et les hommes s’inscrit dans cette dĂ©marche128. »

Cependant, le projet de Loi de finances pour 2010 prĂ©voit unedotation de 29 467 735 € pour le programme 137 (contre29 115 344 € en 2009)129.

Cette augmentation n’est pas significative alors mĂȘme que lalutte contre les violences faites aux femmes a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©eGrande cause nationale 2010 par le gouvernement.

3.3 Le rĂ©seau associatif est important,polyvalent, et doit ĂȘtre activement soutenu

Les associations sont, pour les victimes de violences, un pointd’entrĂ©e dans le systĂšme juridique. Elle joue un rĂŽle moteurdans la prĂ©vention et la lutte contre les violences faites auxfemmes.

Leur champ d’action est extrĂȘmement large puisqu’il va de lapremiĂšre Ă©coute, jusqu’à l’assistance juridique et Ă  l’hĂ©ber-gement des victimes.

Elles participent pleinement Ă  la mise en Ɠuvre de l’action in-terministĂ©rielle de l’Etat car « pour la mise en Ɠuvre de cesobjectifs, l'Etat s'appuie sur des rĂ©seaux d'associations fi-nancĂ©s au niveau national et/ou local dans le cadre deconventions annuelles, pluriannuelles ou de conventionsd'objectifs et de moyens. La coordination de ces finance-ments constitue l’un des objectifs de la politique interminis-tĂ©rielle130. »

En 2006, Amnesty International recommandait dĂ©jĂ  Ă  l’Étatde renforcer et pĂ©renniser les moyens allouĂ©s aux associa-tions.

Or, force est de constater que l’insuffisance et la prĂ©caritĂ© desfinancements des associations restent des problĂšmes ma-jeurs.

Les moyens de la plate forme tĂ©lĂ©phonique dunumĂ©ro d’appel national 3919 « violencesconjugales infos » doivent ĂȘtre renforcĂ©s

La plate-forme tĂ©lĂ©phonique 3919, qui existait auparavantsous le nom de « Violences conjugales – Femmes info ser-vice », a Ă©tĂ© mise en place par les associations. L’État a prisle relais en 2007 en regroupant toutes les plates-formesd’écoute et en donnant les moyens d’une Ă©coute nationaleplus calibrĂ©e destinĂ©e aux victimes et tĂ©moins de violencesconjugales. La plate-forme est gĂ©rĂ©e par la FĂ©dĂ©ration natio-nale solidaritĂ© femmes (FNSF).

Le 3919 est un numĂ©ro d’écoute, d’information et d’orienta-tion. Il s’agit d’un numĂ©ro gratuit et anonyme, qui n’apparaĂźtpas sur les factures tĂ©lĂ©phoniques.

En parallĂšle, le 14 mars 2007, une campagne nationale d’in-formation intitulĂ©e « Violences conjugales : parlez-en avant dene plus pouvoir le faire-Appelez le 39-19 », a Ă©tĂ© lancĂ©e« pour imposer le 3919 comme un outil concret de luttecontre les violences conjugales131. »

20. Amnesty International France souhaite unemeilleure capacitĂ© de mobilisation des acteurs etrecommande aux autoritĂ©s françaises que les groupesthĂ©matiques dĂ©diĂ©s aux violences intrafamiliales etaux violences faites aux femmes tels que prĂ©vus parles mesures 46 et 47 du Plan national de prĂ©ventionde la dĂ©linquance et d’aide aux victimes 2010-2012soient rĂ©ellement mis en place au sein des conseilsdĂ©partementaux de prĂ©vention de la dĂ©linquance(CDPD) et qu’ils fonctionnent de façon efficace enfaisant intervenir dans leur mise en Ɠuvre lesdĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et les chargĂ©es de missionsdĂ©partementales aux droits des femmes et Ă  l’égalitĂ©.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 27

« Dans 30 % des cas, ce sont des proches (amis, famille, pro-fessionnels) qui appellent pour demander des conseils. Sou-vent, dans un second temps, la victime appelle elle-mĂȘme.

Les appels arrivant Ă  cette plateforme constituent souvent lapremiĂšre occasion pour les victimes d’aborder les violencesqu’elles subissent : « La moitiĂ© des appels proviennent defemmes qui n’ont jamais parlĂ© de cette question. Un grandnombre d’entre elles veulent vĂ©rifier si elles sont ou non vic-times de violences conjugales, car elles souhaiteraient ne pasĂȘtre concernĂ©es.[
] Nous devons aussi les aider Ă  se recon-naĂźtre comme victimes qui ont des droits et peuvent s’en sai-sir pour engager des dĂ©marches. Notre travail se situe doncen amont de celui de la police et des associations et consiste,une fois que la victime sait que des gens peuvent l’aider, quela loi est en sa faveur et qu’elle peut demander de l’aide Ă  lapolice, Ă  l’orienter vers les associations spĂ©cialisĂ©es par les-quelles nous savons qu’elle pourra ĂȘtre prise en charge132. »

Madame Christine Clamens, directrice gĂ©nĂ©rale de la FNSF aindiquĂ© que le nombre d’appels, par an, est en progressionlente mais constante, sachant qu’un appel dure en moyennevingt minutes et que chaque campagne dans les mĂ©dias en-traĂźne une recrudescence du nombre d’appels133.

En 2009, le 3919 a reçu 80 000 appels et en a traitĂ© 33 000134.Pour faire face Ă  cette augmentation, les moyens accordĂ©spar l’État ont augmentĂ© car dans le cadre d’une conventiontriennale 2006-2008, le montant annuel de la subvention duSDFE Ă  la FNSF pour la gestion de la ligne tĂ©lĂ©phonique aĂ©tĂ© fixĂ© Ă  660 000 €, montant qui a Ă©tĂ© majorĂ© de 252 500 €en 2008 pour financer le passage au 3919, soit 912 500 €.

Pour Mme Évelyne RĂ©guig, de l’association VIFF SOSfemmes, ces moyens sont insuffisants : « En termes demoyens, l’écoute tĂ©lĂ©phonique, qui est l’une des premiĂšrespossibilitĂ©s offertes aux femmes d’ĂȘtre entendues et de voirs’ouvrir des portes, n’est pas financĂ©e. Les heures que nousconsacrons au 3919 sont prises sur l’accompagnement socialdes personnes hĂ©bergĂ©es. C’est du bricolage associatif135. »

Il serait donc nécessaire de prévoir un renforcement de cesmoyens de maniÚre permanente, et également durant les pé-riodes de campagne nationale de grande ampleur qui susci-tent de nombreux appels.

Les subventions nationales 2009 auxassociations sont en baisse de 18,8%par rapport Ă  2006

L’État s’appuie Ă©normĂ©ment sur les associations pour luttercontre les violences faites aux femmes mais les subventionsqu’il accorde aux associations et permanences locales d’ac-cueil, d’écoute, d’orientation et d’accompagnement desfemmes victimes de violences sont passĂ©es de 3 444 875 €en 2006 Ă  2 796 500 € en 2009. Ce sont les associations lo-cales qui ont vu leurs subventions diminuer de 38% (de2 243 396 € en 2006 Ă  1 392 000 € en 2009) tandis que lesassociations nationales ont vu leur subvention progresser de17% (1 201 479 € en 2006 et 1 404 500 € en 2009)136.

La décentralisation accroßt les disparitésterritoriales et met en péril la pérennitédes fonds

Le cofinancement par les collectivités locales, institutions etorganismes divers représente la rÚgle générale. Le problÚmeest de savoir si la baisse de 38% des subventions nationalesaux associations locales de lutte contre les violences faites

aux femmes peut ĂȘtre compensĂ©e par les subventions locales.

Faire subventionner les associations locales par les collecti-vitĂ©s locales risque d’aggraver les disparitĂ©s entre rĂ©gion, lesfinancements Ă©tant dĂ©pendants de l’implication politique desĂ©lus locaux au problĂšme des violences faites aux femmes.Les diffĂ©rentes sources de financement ne permettent pasd’avoir une visibilitĂ© suffisante sur les aides financiĂšres glo-bales accordĂ©es aux associations.

Lors de son audition devant la mission parlementaire, Mon-sieur Alain Kurkdjian, adjoint Ă  la directrice du SDFE a re-marquĂ© que les montants moyens par dĂ©partement sontinsuffisants. Il a prĂ©cisĂ© que « pour le programme 137 « Ega-litĂ© entre les hommes et les femmes137 » le montant moyendisponible par dĂ©partement est, je le rĂ©pĂšte, de l’ordre de40 000 €, ce qui est dĂ©risoire138. »

21. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- renforcer les moyens allouĂ©s Ă  la plate formetĂ©lĂ©phonique du numĂ©ro d’appel national 3919« violences conjugales infos »- pĂ©renniser le financement des structuresassociatives au moyen de conventions pluriannuellesd’objectifs et de moyens.

4. L’évolution du droit

Dans une dĂ©claration du 23 novembre 2009, Madame Mi-chĂšle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministrede la Justice et des LibertĂ©s a prĂ©cisĂ© que « les violencesconjugales ne sont pas une fatalitĂ©, (...) il faut aller plus loindans la mobilisation. »

La lutte contre les violences conjugales implique une adapta-tion de notre droit (...). Un texte sera prĂȘt dans une quinzainede jours et je souhaite qu'il vienne devant le parlement d'ici lafin de l'annĂ©e. Ce texte prĂ©voira que des mesures provisoires,comme l'Ă©viction du domicile, une aide matĂ©rielle, des dĂ©ci-sions sur l'autoritĂ© parentale, pourront ĂȘtre ordonnĂ©es dans lecadre d'une protection temporaire. Le juge des affaires fami-liales pourra ĂȘtre saisi par la victime ou le procureur (...). Lerythme de la justice, la lenteur des procĂ©dures est souventinadaptĂ© Ă  la rĂ©alitĂ© des situations et aux attentes des vic-times. Il est prĂ©vu d'Ă©tendre aux concubins et pacsĂ©s la pos-sibilitĂ© d'ĂȘtre Ă©loignĂ©s du domicile. (...) Autres objectifs :mettre en place un accompagnement des enfants lors des vi-sites familiales, et faire prendre en compte les violences psy-chologiques139 ».

La proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novem-bre 2009 propose diverses mesures visant Ă  amĂ©liorer le droitexistant ou Ă  crĂ©er des dispositifs innovants dont certains sontde nature lĂ©gislative. Parmi ces propositions, la crĂ©ation d’uneordonnance de protection des victimes et la crĂ©ation d’un dĂ©litde violences psychologiques sont envisagĂ©es.

La proposition de loi du SĂ©nat du 25 novembre 2009 prĂ©voitde son cĂŽtĂ© la crĂ©ation d’un dĂ©lit rĂ©primant les violences ha-bituelles, physiques ou psychologiques.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire28

4.1 La proposition de crĂ©ation d’une« ordonnance de protection »

L’article 1er de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du27 novembre 2009 propose de crĂ©er, aux articles 706-63-2 etsuivants du code de procĂ©dure pĂ©nale, une « ordonnance deprotection des victimes » ayant pour objet de protĂ©ger, en ur-gence, les personnes qui sont en situation de danger, enamont du dĂ©pĂŽt de plainte.

Cette ordonnance pourrait ĂȘtre demandĂ©e par la victime deviolences au sein de son couple, ou pour des violences com-mises par un ex-conjoint ou partenaire, soit directement au-prĂšs du juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes (JUDEVI), soit parl’intermĂ©diaire des forces de police ou de gendarmerie.

DĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance de protection,le juge convoquerait pour une audition la partie demande-resse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, le cas Ă©chĂ©ant, d’un avo-cat et le ministĂšre public. Ces auditions pourraient avoir lieusĂ©parĂ©ment et en chambre du conseil.

A l’issue de ces auditions, s’il apparaĂźt qu’il existe une situa-tion de danger engendrĂ©e par des violences, le juge dĂ©lĂ©guĂ©aux victimes dĂ©livrerait une ordonnance de protection.

L’ordonnance de protection a une double nature. D’une part,elle attesterait de la situation de violence pour la durĂ©e de savaliditĂ©. De ce fait, la personne Ă  laquelle elle est dĂ©livrĂ©epourrait faire valoir ses droits de maniĂšre plus rapide et plusefficace, notamment auprĂšs des administrations. D’autre part,la simple demande d’ordonnance habiliterait le juge Ă  prendredes mesures de protection immĂ©diates et de stabilisation dela situation juridique et financiĂšre de la partie demanderesse.

Il pourrait :

1° interdire Ă  la partie assignĂ©e de recevoir ou de rencontrercertaines personnes spĂ©cialement dĂ©signĂ©es par le juge dĂ©-lĂ©guĂ© aux victimes, ainsi que d’entrer en relation avec elles,de quelque façon que ce soit ;

2° interdire à la partie assignée de détenir ou de porter unearme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au greffecontre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

3° statuer sur la rĂ©sidence sĂ©parĂ©e, sur les modalitĂ©s d’exer-cice de l’autoritĂ© parentale et sur la contribution aux chargesdu mariage, en application de l’article 220-1 du code civil ;

4° dĂ©lier la partie demanderesse, quand elle est cotitulaire dubail, de certaines ou de l’ensemble de ses obligations Ă l’égard du bailleur Ă  compter de la date effective de dĂ©part dudomicile de la partie demanderesse ;

5° autoriser la partie demanderesse Ă  dĂ©clarer comme domicilel’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie ;

6° prononcer l’admission provisoire Ă  l’aide juridictionnelle de lapartie demanderesse en application du premier alinĂ©a de l’article20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique.

L’ordonnance de protection, qui serait au maximum de deuxmois, serait renouvelable une fois.

AuditionnĂ©e par la commission spĂ©ciale dans le cadre del’examen de la proposition de loi du 27 novembre 2009, la mi-nistre de la justice et des libertĂ©s, Madame MichĂšle Alliot-Marie a cependant prĂ©cisĂ© que « plutĂŽt qu’au juge desvictimes – dont le Conseil d’État a rĂ©cemment rappelĂ© qu’iln’avait pas de pouvoir juridictionnel propre – c’est au juge auxaffaires familiales, juge naturel des conflits intrafamiliaux, qu’ilrevient de prendre Ă  titre temporaire certaines mesures.

Celles-ci relĂšvent bien souvent de son domaine d’interven-tion : Ă©viction du domicile, hĂ©bergement, exercice de l’auto-ritĂ© parentale, pension alimentaire, ou encore possibilitĂ© dedissimuler sa nouvelle adresse » et qu’ « un amendementdevra prĂ©voir d’étendre sa compĂ©tence aux concubins et auxpartenaires liĂ©s par un Pacs, Ă  moins qu’il ne suffise que l’in-tention du lĂ©gislateur soit exprimĂ©e clairement lors de la dis-cussion140. »

22. Concernant les ordonnances de protection desvictimes de violence au sein du couple, AmnestyInternational France recommande aux autoritĂ©sfrançaises que la lĂ©gislation prĂ©voit que :- des ordonnances de protection puissent ĂȘtredĂ©livrĂ©es tant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dansles procĂ©dures civiles et Ă©galement en dehors detelles procĂ©dures- le dĂ©roulement de la procĂ©dure fasse primer lasĂ©curitĂ© de la victime sur toute considĂ©rationnotamment liĂ©e Ă  des biens- dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance deprotection, le juge convoque pour une audition lapartie demanderesse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, lecas Ă©chĂ©ant, d’un avocat et le ministĂšre public dans undĂ©lai trĂšs bref- aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant demĂ©decins, de la police, ou autre – ne soitnĂ©cessairement exigĂ©e pour la dĂ©livrance d’uneordonnance- le non respect des ordonnances de protectionconstitue une infraction pĂ©nale.

4.2 La question des délits de violencespsychologiques ou habituelles

Dans son rapport public de 2006, Amnesty International re-commandait Ă  l’État d’inclure par voie lĂ©gislative le dĂ©lit deviolences habituelles au sein du couple qui permettrait ainsiune meilleure prise en compte de la violence au sein du cou-ple, aussi bien en termes de sanction des auteurs que de re-connaissance du vĂ©cu des femmes concernĂ©es.

Amnesty International prĂ©cisait alors que « dans le cas desviolences au sein du couple, la violence s’inscrit prĂ©cisĂ©mentdans un cumul d’actes humiliants, dĂ©gradants, et violents etil ne sera pas Ă©vident de pouvoir en isoler un plus que les au-tres. Si un seul de ces actes devait ĂȘtre isolĂ©, il n’est pas Ă©vi-dent qu’il soit suffisant en soi pour caractĂ©riser la violence etce malgrĂ© la circonstance aggravante dont bĂ©nĂ©ficient les vio-lences conjugales141. »

Prenant exemple sur le dĂ©lit de harcĂšlement moral, qui neconcerne que les relations professionnelles, l’article 17142 dela proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novem-bre 2009 introduit la notion de violences psychologiques.

Ce nouveau délit vise à mieux prendre en compte ces situa-tions au sein du couple, qui ne se traduisent pas forcémentpar des violences physiques, mais peuvent avoir des consé-quences graves pour les personnes qui en sont victimes.

La proposition de loi dĂ©finit les violences psychologiquescomme « des agissements ou des paroles rĂ©pĂ©tĂ©s ayant pourobjet ou pour effet une dĂ©gradation des conditions de vie dela victime susceptible de porter atteinte Ă  ses droits et Ă  sa di-gnitĂ© ou d’entraĂźner une altĂ©ration de sa santĂ© physique oumentale. »

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 29

La proposition de loi du SĂ©nat 25 novembre 2009 vise no-tamment Ă  introduire un nouvel article rĂ©primant les « vio-lences habituelles, physiques ou psychologiques, commisespar le conjoint ou le concubin de la victime ou par le parte-naire liĂ© Ă  celle-ci par un pacte civil de solidaritĂ© conformĂ©-ment aux dispositions de l’article 222-14143.

Pour Monsieur Serge Portelli, vice-prĂ©sident du tribunal degrande instance de Paris « le dĂ©lit de violences psycholo-giques ferait partie de ces incriminations pour lesquelles l’élĂ©-ment matĂ©riel est extrĂȘmement tĂ©nu, voire quasimentinexistant. Les policiers, les magistrats, voire les experts se-ront alors exclusivement dĂ©pendants de leurs convictions per-sonnelles et idĂ©ologiques. De tels dĂ©lits ouvrent la porte Ă  tousles arbitraires. A partir de quel moment entre-t-on dans ce quiest proprement pĂ©nal ? Comment qualifier le prĂ©judice ?

Comment le mĂ©decin des unitĂ©s mĂ©dico-judiciaires va-t-ilpouvoir affirmer qu’il y a eu atteinte morale ? Lors des au-diences en comparution immĂ©diate oĂč sont jugĂ©es des vio-lences avec atteintes physiques, c’est dĂ©jĂ  difficile. Pour desviolences psychologiques, cela sera vouĂ© Ă  l’échec.

Il y aura trĂšs peu de poursuites, lesquelles ne pourront quedonner lieu Ă  des discussions terribles. Les avocats pĂ©nalistessauront dĂ©monter rapidement ce type d’incrimination.

Je suis donc personnellement assez opposĂ© Ă  sa crĂ©ation, Ă moins que vous ne parveniez Ă  en Ă©laborer une dĂ©finition par-ticuliĂšrement prĂ©cise. Mais j’ai bien peur qu’on se retrouvealors avec le dĂ©lit de violence que nous connaissons au-jourd’hui : en effet, la seule façon de caractĂ©riser un Ă©lĂ©mentconstitutif de cette infraction serait d’aboutir Ă  la constatationd’une incapacitĂ© temporaire de travail144. »

Pour Monsieur Jean-Marie Huet, Directeur des affaires crimi-nelles et des grĂąces du ministĂšre de la Justice, « il ne paraĂźtpas du niveau de la norme lĂ©gislative que de dĂ©finir plus avantque nous le proposons la rĂ©alitĂ© de ce que peuvent ĂȘtre lesviolences psychologiques susceptibles d’occasionner desconsĂ©quences physiques ou psychiques. C’est par circulairequ’il nous appartiendra de le dĂ©finir, mais le dĂ©bat reste ou-vert. La preuve de violences psychologiques pourra aussi ĂȘtre

apportĂ©e par des tĂ©moignages. [
] Le ministĂšre de la justicea longtemps considĂ©rĂ© que la jurisprudence de la Cour decassation permettait de prendre en compte les violences psy-chologiques en donnant son plein sens au texte. On pouvaitdĂ©jĂ  avoir en l’absence de traces physiques un certificat d’ar-rĂȘt de travail. Ce n'Ă©tait pas suffisant puisque nous proposonsaujourd’hui, dans un avant-projet de loi, de renforcer la sanc-tion des violences qui n’ont pas un caractĂšre physique maisqui ont des consĂ©quences psychiques.

Il me semble hasardeux de dĂ©crire ce que peuvent ĂȘtre lesviolences psychologiques d’autant que le lĂ©gislateur n’a pasdĂ©taillĂ© les violences physiques. Agressions verbales, priva-tion d’aliments, interdiction d’accĂšs au compte bancaire
 laliste pourrait ĂȘtre trĂšs longue. Mais surtout, elle ne sera jamaisexhaustive et l’évolution des techniques est susceptible decrĂ©er de nouvelles souffrances qui ne seront pas reconnues.En tout cas, le texte que nous prĂ©sentons ouvre un champsuffisamment large
 ce qui aura peut-ĂȘtre pour consĂ©-quence d’augmenter encore le nombre des victimes de vio-lences conjugales. Je n’ai pas la prĂ©tention de suggĂ©rer quoique ce soit et il ne s’agit jamais que d’un avant-projet de loi– il reviendra bien sĂ»r au lĂ©gislateur de dĂ©battre ce texte. Jerappelle cependant que, dans le cadre de la commissionLĂ©ger, le PrĂ©sident de la RĂ©publique nous a demandĂ© de rĂ©-flĂ©chir Ă  un nouveau code de procĂ©dure pĂ©nale et Ă  un nou-veau code pĂ©nal, plus simples, plus clairs et plus lisibles145. »

23. Dans le cadre d’une modification du droit envigueur, Amnesty International France recommandeaux autoritĂ©s françaises que la lĂ©gislation prĂ©voit quesoient pris en compte et rĂ©primĂ©s :- le caractĂšre rĂ©pĂ©tĂ© des violences physiques et/oupsychologiques- les consĂ©quences de ces violences sur les conditionsde vie de la victime, sur le respect et la jouissance deses droits fondamentaux, de sa dignitĂ© et sur son Ă©tatde santĂ© physique ou mentale.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire30

Les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)font apparaitre que les mutilations sexuelles féminines(MSF) sont répandues dans 28 pays africains, au Moyen-

Orient et dans certains pays d'Asie (Indonésie, Malaisie et payslimitrophes) et qu'environ 100 à 140 millions de femmes et depetites filles dans le monde ont subi cette pratique, et que,chaque année, environ 4 millions courent ce risque.

Au niveau international, la prise de conscience croissante dece phénomÚne s'inscrit dans une approche générale de laprotection des droits de la femme.

L'OMS a identifiĂ© quatre types de MSF, qui vont de la clitori-dectomie (ablation partielle ou totale du clitoris) Ă  l'excision(ablation du clitoris et des petites lĂšvres), cette derniĂšre re-prĂ©sentant 85% environ des MSF, jusqu'Ă  la forme la plus ex-trĂȘme, l'infibulation (ablation totale du clitoris et des petiteslĂšvres ainsi que de la superficie interne des grandes lĂšvres etsutures de la vulve pour ne laisser qu'une petite ouverture va-ginale) et l'introcision (piqures, perforations ou incisions du cli-toris ou des lĂšvres.

Toute mutilation sexuelle féminine est un actede violence contre la femme, qui équivaut à laviolation de ses droits fondamentaux

Les MSF provoquent des dommages extrĂȘmement graves et ir-rĂ©versibles, Ă  court et Ă  long terme, pour la santĂ© psycholo-gique et physique des femmes et des petites filles qui lessubissent. L’utilisation d’instruments rudimentaires et l’absencede prĂ©cautions antiseptiques ont des effets secondaires parti-culiĂšrement graves, de sorte que les rapports sexuels et les ac-couchements risquent d’ĂȘtre douloureux, les organes sontirrĂ©mĂ©diablement endommagĂ©s, voire accompagnĂ©s de com-plications (hĂ©morragies, Ă©tat de choc, infections, transmissiondu virus du sida, tĂ©tanos, tumeurs bĂ©nignes), ainsi que de com-plications graves pendant la grossesse ou Ă  l'accouchement.

Pour Amnesty International, au-delĂ  de la rĂ©alitĂ© d’une terribleviolence causĂ©e par l’ablation des organes gĂ©nitaux pouvantentraĂźner la mort Ă  court terme, de graves problĂšmes de santĂ©et des troubles psychiques Ă  long terme, la pratique des MSFrecouvre une rĂ©alitĂ© tout aussi dramatique : la violation de lalibertĂ© de disposer de son corps et de sa sexualitĂ© ainsi quedu droit Ă  la non discrimination.

En France


Les mutilations sexuelles fĂ©minines (MSF) sont aujourd’huiun phĂ©nomĂšne contre lequel la loi française semble avoir luttĂ©efficacement. Mais si les MSF sont en rĂ©gression dans notrepays, elles n’ont cependant pas disparu.

S’il reste difficile d'observer et de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment l'in-cidence des MSF, c’est que, outre les pratiques exercĂ©esclandestinement, le risque demeure que des fillettes en soientvictimes lors d'un sĂ©jour temporaire dans leur pays d'origine.En outre, c’est un sujet tabou sur lequel beaucoup de femmeshĂ©sitent Ă  s’exprimer.

Une Ă©tude sur « Excision et handicap » menĂ©e en 2007/08par l’Institut national d’études dĂ©mographiques (INED) et l’Ins-titut national de la santĂ© et de la recherche mĂ©dicale (Inserm)dans le cadre du Plan violence et santĂ© du ministĂšre de lasantĂ© fait une estimation de 53.000 femmes excisĂ©es vivanten France en 2004, dont sans doute 20% l’ont Ă©tĂ© enFrance146.

L’étude rĂ©vĂšle Ă©galement que parmi les filles des femmes ex-cisĂ©es, 11 % sont elles-mĂȘmes excisĂ©es. Ce chiffre est ce-pendant bien plus faible parmi celles qui sont nĂ©es en France(3 %) oĂč la pratique est illĂ©gale. Par ailleurs, la pratique dimi-nue nettement dans les derniĂšres gĂ©nĂ©rations, attestant del’abandon progressif de l’excision en contexte migratoire, maisaussi dans les pays d’origine.

Pour la directrice du Groupe pour l’abolition des mutilationssexuelles (GAMS), « vers 2000, on estimait que la pratiqueavait bien reculĂ©. Le constat est plus mitigĂ© aujourd’hui. Eneffet, on se trouve dans une situation paradoxale qui est unesource inquiĂ©tude.

Alors que les observateurs nationaux et internationauxconstatent, Ă  la suite des campagnes d’information et de prĂ©-vention, des rĂ©sultats encourageants dans les pays d’origine,les populations vivant dans les pays occidentaux et, notam-ment, en France – y compris de deuxiĂšme et de troisiĂšme gĂ©-nĂ©ration – s’accrochent, par un phĂ©nomĂšne de repliidentitaire, Ă  ce qui peut les rattacher Ă  leur pays d’origine,dont l’excision.

La rĂ©alitĂ© d’aujourd’hui est faite de ce dĂ©calage entre les paysd’origine oĂč il y a une avancĂ©e vers l’abandon de l’excision etles pays europĂ©ens oĂč l’on constate un recul.

Cela impose une remise en question de la pratique des pro-fessionnels de terrain qui accueillent les femmes, les adoles-centes et les petites filles et la poursuite du travaild’information, de sensibilisation et de prĂ©vention car le repliidentitaire en Europe risque d’avoir Ă  terme des effets perversdans les pays d’origine. Nous devons poursuivre concomi-tamment notre travail sur les deux continents. »

En fĂ©vrier 2006, en vue de l’éradication des mutilationssexuelles fĂ©minines en France, Amnesty International Ă©mettaitdes recommandations concernant l’amĂ©lioration de :

- la formation et la sensibilisation des professionnels concernés,

- l’information et la sensibilisation des migrants concernantl’interdiction des MSF,

- la protection des victimes,

- le traitement judiciaire des MSF.

Amnesty International France se fĂ©licite que certaines de cesrecommandations aient Ă©tĂ© prises en compte par les autoritĂ©sfrançaises. En effet, la loi du 4 avril 2006 a renforcĂ© le dispo-sitif lĂ©gislatif existant : allongement du dĂ©lai de prescription Ă vingt ans Ă  compter de la majoritĂ© de la victime, possibilitĂ© derĂ©primer ces pratiques lorsqu’elles sont commises Ă  l’étrangersur une victime mineure Ă©trangĂšre rĂ©sidant habituellement en

II Lesmutilationssexuellesféminines

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 31

France et obligation de lever le secret professionnel en casde mutilations sexuelles sur mineure.

Cependant, des progrĂšs restent Ă  accomplir, notamment enmatiĂšre de formation des professionnels et de protection desvictimes.

1. La prévention des MSF passepar la formation et la sensibilisation

Pour Amnesty International France, il est essentiel de renforcerla prĂ©vention et l’information auprĂšs des populations concer-nĂ©es et des professionnels pour faire Ă©voluer les mentalitĂ©s no-tamment par des campagnes nationales de communication.

En 2009, le secrĂ©tariat d’État Ă  la SolidaritĂ© a consacrĂ© Ă  l’ex-cision une brochure d’information et des affichettes. Une pla-quette d’information sur l’excision est d’autre part disponibledepuis juin 2006 sur le site du ministĂšre du travail (www.santĂ©-jeunesse-sports.gouv.fr).

L’importance de l’influence des mĂ©dias est Ă  souligner, no-tamment la diffusion de reportages et dĂ©bats Ă  la tĂ©lĂ©vision(qui est un mĂ©dia accessible) et qui ont pu aider Ă  une prisede conscience en libĂ©rant la parole dans les familles148. Cevecteur de sensibilisation et d’information semble plus effi-cace que les interventions en milieu scolaire qui comportentun risque de stigmatisation et de honte.

Quant Ă  la prĂ©vention, lĂ  oĂč elle a Ă©tĂ© menĂ©e par les associa-tions, elle a Ă©tĂ© efficace : « aujourd’hui, dans les centres de laProtection Maternelle et Infantile oĂč une opĂ©ration systĂ©ma-tique d’information a Ă©tĂ© menĂ©e auprĂšs des mĂšres, le pour-centage de fillettes excisĂ©es est devenu proche de zĂ©ro149. »

2. Le traitement judiciairedes mutilations sexuelles féminines

Il n’existe toujours pas en droit français de qualification juri-dique spĂ©cifique pour les faits de mutilation sexuelle et cespratiques peuvent actuellement ĂȘtre poursuivies et sanction-nĂ©es en matiĂšre criminelle au titre soit :

‱ de violences ayant entraĂźnĂ© une mutilation ou une infirmitĂ©permanente, infraction punie de 10 ans d’emprisonnement etde 150 000 euros d’amende (article 222-9 du code pĂ©nal) et de15 ans de rĂ©clusion criminelle lorsque ces violences sont com-mises Ă  l’encontre de mineurs de quinze ans (article 222-10 ducode pĂ©nal) ;

‱ de violences ayant entraĂźnĂ© la mort sans intention de la don-ner, infraction punie de 15 ans de rĂ©clusion criminelle (article222-7 du code pĂ©nal), et rĂ©primĂ©e Ă  hauteur de 20 ans de rĂ©-clusion criminelle (article 222-8 du code pĂ©nal) lorsqu’elleconcerne des mineurs de quinze ans.

Une action en justice peut Ă©galement ĂȘtre engagĂ©e au titre deviolences ayant entraĂźnĂ© une interruption temporaire de travailsupĂ©rieure Ă  huit jours, conformĂ©ment Ă  l’article 222-12 ducode pĂ©nal qui prĂ©voit une sanction de cinq ans d’emprison-nement et de 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction estcommise contre un mineur de moins de 15 ans.

2.1 La répression des MSF a été renforcée

Des modifications importantes ont Ă©tĂ© introduites par la loi du4 avril 2006 et ont vocation Ă  rendre plus effective la rĂ©pres-sion de ces pratiques. Elles concernent le dĂ©lai de prescrip-tion, la rĂ©pression des faits commis Ă  l’étranger et la levĂ©e dusecret professionnel.

Le dĂ©lai de prescription en matiĂšre d’action pu-blique a Ă©tĂ© allongĂ©

Le dĂ©lai de prescription en matiĂšre d’action publique (article 7du code de procĂ©dure pĂ©nale s’agissant des crimes et article8 concernant les dĂ©lits) a Ă©tĂ© portĂ© Ă  20 ans Ă  compter de lamajoritĂ© de la victime pour :

‱ les crimes de violences ayant entraĂźnĂ© une mutilation ou uneinfirmitĂ© permanente commis sur mineurs (article 222-10 ducode pĂ©nal) ;

‱ les dĂ©lits de violences ayant entraĂźnĂ© une interruption tem-poraire de travail supĂ©rieure Ă  8 jours, commis sur mineurs(222-12 du code pĂ©nal).

Une action en justice peut donc ĂȘtre engagĂ©e 20 ans aprĂšs lamajoritĂ© de la victime, c'est-Ă -dire jusqu’à ses 38 ans.

La rĂ©pression des mutilations sexuellescommises Ă  l’étranger a Ă©tĂ© renforcĂ©e

Le nouvel article 222-16-2 insĂ©rĂ© dans le code pĂ©nal a pourobjectif d’étendre l’application de la loi française sanctionnantces pratiques aux mineurs de nationalitĂ© Ă©trangĂšre rĂ©sidanthabituellement en France et qui sont victimes Ă  l’étrangerd’actes de mutilations sexuelles.

TrĂšs prĂ©cisĂ©ment, l’article 222-16-2 prĂ©voit que « dans les casoĂč les crimes et les dĂ©lits prĂ©vus par les articles 222-8, 222-10ou 222-12150 sont commis Ă  l’étranger sur une victime mi-neure rĂ©sidant habituellement sur le territoire français, la loifrançaise est applicable par dĂ©rogation aux dispositions del’article 113-7 » de ce mĂȘme code, qui exige normalementque la victime ait la nationalitĂ© française.

L’article 113-8 du code pĂ©nal prĂ©voit que, prĂ©alablement Ă l’engagement de toute poursuite d’un dĂ©lit commis Ă  l’étran-ger, une plainte, soit de la victime, soit de ses ayants droit, ouune dĂ©nonciation de l’État Ă©tranger est nĂ©cessaire mais lesdispositions gĂ©nĂ©rales visĂ©es ne sont pas applicables pourl’infraction prĂ©vue par l’article 222-12 de ce mĂȘme code, Ă  sa-voir les violences ayant entraĂźnĂ© une incapacitĂ© totale de tra-vail supĂ©rieure Ă  huit jours.

L’auteur d’une mutilation commise Ă  l’étranger, qu’il soit fran-çais ou Ă©tranger, peut donc ĂȘtre poursuivi en France, si la vic-time est de nationalitĂ© française ou bien si elle est Ă©trangĂšreet rĂ©side habituellement en France.

Le secret professionnel peut ĂȘtre levĂ© dans lescas de mutilations sexuelles

Le code pĂ©nal prĂ©voyait dĂ©jĂ , par dĂ©rogation Ă  l’article 226-13,la levĂ©e du secret professionnel, notamment du secret mĂ©di-cal, en cas d’atteintes sexuelles infligĂ©es Ă  un mineur ou Ă toute personne n’étant pas en mesure de se protĂ©ger en rai-son de son Ăąge ou de son incapacitĂ© physique ou psychique(article 226-14,1°).

Afin de lever toute ambiguĂŻtĂ© possible quant Ă  la dĂ©finition destermes, et de favoriser la dĂ©nonciation des cas de mutilationssexuelles, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de viser ces derniĂšres expressĂ©mentdans l’article 226-14 du code pĂ©nal.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire32

La portĂ©e de ces avancĂ©es lĂ©gislatives estamoindrie en raison d’une applicationhĂ©tĂ©rogĂšne des textes

Tout en reconnaissant que la loi constitue une grande avan-cĂ©e, Madame Isabelle Gillette-Faye, directrice du Groupepour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) constateque la prise en compte de ces problĂšmes est trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšneselon les dĂ©partements et dĂ©nonce un certain nombre de dys-fonctionnements quant Ă  l’application des textes.

« La loi permet normalement de protéger toutes les enfantsrésidant habituellement en France, sans condition relative à lalégalité de leur résidence.

Mais nous n’arrivons pas Ă  faire passer ce message. La com-plexitĂ© du contexte, les diffĂ©rences de situations entre les per-sonnes issues des immigrations – situation irrĂ©guliĂšre,situation rĂ©guliĂšre, en voie de rĂ©gularisation – ont conduit lesprofessionnels Ă  faire une application simplifiĂ©e du texte. Lemessage n’est plus que l’enfant qui rĂ©side habituellement surle sol français est protĂ©gĂ©e contre l’excision, mĂȘme si celle-ci est rĂ©alisĂ©e dans le pays d’origine, mais que l’excision estinterdite en France.

Il y a des familles dont on sait, avec une probabilitĂ© de 99 %,que l’enfant sera excisĂ©e si elle va au pays avec ses parentset cela arrive tous les jours.

J’écris rĂ©guliĂšrement aux prĂ©fets et aux parquets, en leur rap-pelant, noir sur blanc, les termes de la loi, pour rĂ©clamer desmesures de protection pour ces enfants. Mais dans les faits,cet aspect de la loi n’est pas appliquĂ©. » (
) « Pour ce quiconcerne l’allongement des dĂ©lais de prescription Ă  vingt ansaprĂšs la majoritĂ©, il semblerait qu’un certain nombre de vic-times l’utilisent, mais dans les parquets les procureurs clas-sent en gĂ©nĂ©ral l’affaire sans suite, au motif que, commel’acte n’a pas Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© sur le sol français, il est difficile decondamner les auteurs151. »

Enfin, les actes de mutilation sexuelle Ă  l’encontre des mi-neures sont jugĂ©s par le tribunal correctionnel alors que c’estun crime et qu’ils devraient systĂ©matiquement relever de lacour d’assises.

Pour le GAMS, « la justice doit souligner par les assises quel’excision est un crime et non un dĂ©lit. Elle est Ă  la fois un ri-tuel et un symbole, il faut donc rĂ©pondre par un autre sym-bole152. »

3. La protection des victimes

La proposition de crĂ©ation d’une « ordonnance de protection» des victimes de mutilations sexuelles fĂ©minines

L’ordonnance de protection des victimes, dont la crĂ©ation estprĂ©vue Ă  l’article 1er de la proposition de loi de l’AssemblĂ©enationale du 27 novembre 2009 concernerait Ă©galement lesvictimes menacĂ©es de mutilations sexuelles.

Ayant pour objet de protĂ©ger, en urgence, les personnes quisont en situation de danger, le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes (JU-DEVI) pourrait la dĂ©livrer Ă  leur demande ou Ă  celle du minis-tĂšre public. Dans ce cadre, le juge pourrait Ă©galementordonner l’inscription sur le passeport de la personne mena-cĂ©e de l’interdiction de sortie du territoire français et la faireinscrire sans dĂ©lai au fichier des personnes recherchĂ©es.

24. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- renforcer et systĂ©matiser la formation initiale etcontinue des professionnels (professionnels de santĂ©,magistrats, travailleurs sociaux, personnels de la policeet de la gendarmerie nationale, acteurs associatifs,agents des services de l’emploi et agents d’accueil descollectivitĂ©s locales) sur la question des mutilationssexuelles fĂ©minines pour mieux orienter, accompagneret protĂ©ger les victimes- intensifier son action d’information et desensibilisation en multipliant et en pĂ©rennisant lescampagnes d’information et de sensibilisationconcernant les mutilations sexuelles fĂ©minines- informer les futurs migrants, par le biais des servicesconsulaires et ambassades français dans les pays

d’origine, et les primo arrivants lors de leur arrivĂ©e enFrance, sur la plate forme d’accueil- mettre en place un mĂ©canisme efficace, en rĂ©flexionavec les associations, pour les filles ĂągĂ©es de plus de6 ans en Ă©laborant un questionnaire Ă  utiliser par lesprofessionnels qui sont en contact avec des fillessusceptibles d’ĂȘtre soumises aux MSF- favoriser la coopĂ©ration entre les structuresfrançaises et les structures dans les pays d’origineluttant contre les MSF- gĂ©nĂ©raliser l’octroi de dommages et intĂ©rĂȘts au titrede la rĂ©paration civile des MSF- favoriser la visibilitĂ© des condamnations pĂ©nales pourcrime de MSF en instituant auprĂšs des greffes destribunaux un codage spĂ©cifique pour les dĂ©cisionsrendues en matiĂšre de MSF.

25. Concernant les ordonnances de protection desvictimes de mutilations sexuelles fĂ©minines, AmnestyInternational France recommande aux autoritĂ©sfrançaises que la lĂ©gislation prĂ©voit que :- des ordonnances de protection puissent ĂȘtredĂ©livrĂ©es tant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dansles procĂ©dures civiles et Ă©galement en dehors detelles procĂ©dures- le dĂ©roulement de la procĂ©dure fasse primer lasĂ©curitĂ© de la victime sur toute considĂ©rationnotamment liĂ©e Ă  des biens- dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance deprotection, le juge convoque pour une audition lapartie demanderesse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, lecas Ă©chĂ©ant, d’un avocat et le ministĂšre public dans undĂ©lai trĂšs bref- aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant demĂ©decins, de la police, ou autre – ne soitnĂ©cessairement exigĂ©e pour la dĂ©livrance d’uneordonnance- le non respect des ordonnances de protection consti-tue une infraction pĂ©nale.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 33

Amnesty International rappelle que le droit de consentirlibrement au mariage est un droit fondamental et que lemariage forcé constitue donc bien une violation des

droits fondamentaux de la personne humaine.

Le droit Ă©gal de chacun des Ă©poux au libre et plein consente-ment au mariage est affirmĂ© dans la DĂ©claration universelledes droits de l’homme et est rĂ©affirmĂ© dans un certain nom-bre de traitĂ©s, dont le Pacte international relatif aux droits ci-vils et politiques154. Ce traitĂ© oblige les États Ă  prendre « lesmesures appropriĂ©es pour assurer l’égalitĂ© de droit et de res-ponsabilitĂ© des Ă©poux au regard du mariage, durant le ma-riage et lors de sa dissolution155. » La Convention des Nationsunies pour l’élimination de toutes les formes de discriminationĂ  l’égard des femmes156, de mĂȘme que la Convention inter-nationale relative aux droits de l’enfant157, engagent les Étatsparties Ă  prendre toutes les mesures pour protĂ©ger les en-fants d’un mariage forcĂ©158.

Les mariages forcĂ©s sont aujourd’hui en France l’une desformes les plus insidieuses des violences subies par des ado-lescentes et des jeunes femmes.

PhĂ©nomĂšne encore mal compris et difficile Ă  chiffrer, il est,grĂące Ă  l’action de nombreuses associations de terrain, peu Ă peu pris en compte par les autoritĂ©s dans leur lutte contre lesviolences faites aux femmes. Mais, pour la Commission na-tionale consultative des droits de l’homme, il reste « un phĂ©-nomĂšne social particuliĂšrement prĂ©occupant159. »

Les mariages forcĂ©s s’inscrivent dans les cas de violencesenvers les femmes et les filles dĂ©noncĂ©es par Amnesty Inter-national. Un mariage forcĂ© a notamment pour consĂ©quencedes relations sexuelles non consenties, et pour le droit fran-çais, c’est un viol aggravĂ© puni de 20 ans de rĂ©clusion quandil est commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire liĂ©Ă  la victime par un pacte civil de solidaritĂ©160. Au delĂ , l’atteinteĂ  la libertĂ© et Ă  l’intĂ©gritĂ© physique, le chantage affectif, la sĂ©-questration, les grossesses non dĂ©sirĂ©es, la dĂ©pression ou ladĂ©scolarisation sont autant de consĂ©quences dramatiquespour la victime d’un mariage forcĂ©.

En 2006, Amnesty International rappelait aux autoritĂ©s fran-çaises qu’elles doivent agir avec la diligence nĂ©cessaire pourprĂ©venir les mariages forcĂ©s, enquĂȘter sur ces actes et lespunir conformĂ©ment Ă  la lĂ©gislation nationale.

Amnesty International France se fĂ©licite du renforcement del’encadrement pĂ©nal des mariages forcĂ©s opĂ©rĂ© par la loi du4 avril 2006 renforçant la prĂ©vention et la rĂ©pression des vio-lences au sein du couple.

En effet, ce texte renforce la prĂ©vention des mariages forcĂ©sen portant l’age lĂ©gal du mariage de 15 Ă  18 ans. La loi metainsi fin Ă  une diffĂ©rence existant depuis 1804 entre leshommes et les femmes face au mariage, en portant l’ñge mi-nimal lĂ©gal du mariage pour les femmes de 15 Ă  18 ans,comme c’était dĂ©jĂ  le cas pour les hommes. Le nouvel article144 du code civil prĂ©voit dĂ©sormais que « l’homme et lafemme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans rĂ©-volus ».

La loi a Ă©galement Ă©tendu le dĂ©lai au cours duquel un ma-riage cĂ©lĂ©brĂ© sans le consentement libre des deux Ă©poux oude l’un d’eux peut ĂȘtre attaquĂ©. L’article 181 du code civil portedĂ©sormais le dĂ©lai de recevabilitĂ© de la demande en nullitĂ© dumariage Ă  cinq ans. Enfin, par souci de cohĂ©rence, le dĂ©lai derecevabilitĂ© de l’action en nullitĂ© contre le mariage d’un mi-neur conclu sans l’accord d’un parent, prĂ©vu par l’article 183du code civil, est Ă©galement portĂ© de un an Ă  cinq ans.

De mĂȘme, un mariage contractĂ© sans le consentement libredes Ă©poux ou de l’un d’entre eux, en cas notamment de vio-lence physique ou morale, peut dĂ©sormais ĂȘtre attaquĂ© par leministĂšre public et non plus seulement par les Ă©poux ou parcelui des deux dont le consentement n’a pas Ă©tĂ© libre. Jusqu’àprĂ©sent, le procureur ne pouvait engager, une action en nul-litĂ© contre un mariage qu’en cas d’absence totale de consen-tement, conformĂ©ment Ă  l’article 184 du code civil.

L’article 180 du code civil modifiĂ© par la loi du 4 avril 2006 prĂ©-voit que « l’exercice d’une contrainte sur les Ă©poux ou sur l’und’entre eux, y compris par crainte rĂ©vĂ©rencielle envers un as-cendant, constitue un cas de nullitĂ© du mariage ».

L’arsenal lĂ©gislatif existant permettrait donc d’aider et de pro-tĂ©ger les femmes et les jeunes filles risquant un mariageforcĂ©. Encore faut-il que les textes soient connus et appliquĂ©sde maniĂšre homogĂšne sur tout le territoire.

En outre, Amnesty International recommandait Ă©galement Ă l’État de mener une politique de prĂ©vention coordonnĂ©e au ni-veau national en effectuant notamment une Ă©tude en profon-deur de ce phĂ©nomĂšne et en adoptant une politique desensibilisation et de formation des professionnels (travailleurssociaux, personnels de l’Éducation nationale, membres desservices de police et de gendarmerie, officiers d’état civil) pourles impliquer dans le dĂ©veloppement d’une stratĂ©gie de prĂ©-vention des mariages forcĂ©s, fondĂ©e sur l’égalitĂ© des filles etdes garçons.

Amnesty International recommandait Ă©galement de crĂ©er desstructures d’hĂ©bergement pouvant accueillir les femmes etjeunes filles menacĂ©es ou victimes de mariages forcĂ©s quisont dans l’obligation de quitter leur domicile et de pĂ©renni-ser les subventions accordĂ©es aux associations luttant contrele mariage forcĂ©161.

A ce jour, la plupart de ces recommandations sont encored’actualitĂ©.

Mesurer l’ampleur du phĂ©nomĂšne est unprĂ©alable indispensable Ă  la prĂ©vention et larĂ©pression des mariages forcĂ©s

La connaissance du nombre de mariages forcĂ©s en Franceest toujours imparfaite et fait l’objet d’estimations qui ne peu-vent rendre compte de la rĂ©alitĂ©.

Comme l’a soulignĂ© le rapport de la mission parlementaired’évaluation de la politique de prĂ©vention et de lutte contre lesviolences faites aux femmes en juillet 2009, « si l’on souhaite

III Laluttecontrelesmariagesforcés

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire34

mieux connaĂźtre les mariages forcĂ©s pour mieux pouvoir lescombattre, la mise en oeuvre d’une Ă©tude statistique pouvantdĂ©boucher sur des chiffres fiables est donc un prĂ©alable in-dispensable162 ». Dans son discours du 25 novembre 2009, lepremier ministre François Fillon dĂ©clarait que « dĂšs 2010,nous allons lui consacrer une nouvelle enquĂȘte en nous ba-sant sur les travaux engagĂ©s par l’Institut National d’EtudesDĂ©mographiques. Et nous allons nous concentrer en particu-lier sur le phĂ©nomĂšne des mariages forcĂ©s afin de mieux lescombattre. »

Amnesty International France accueille favorablement cettedĂ©claration du premier ministre et, pour pouvoir ajuster et ren-forcer les dispositifs de prĂ©vention et de protection des vic-times, engage l’État Ă  rĂ©aliser rapidement une telle enquĂȘtepermettant d’estimer l’ampleur du phĂ©nomĂšne.

La prĂ©vention reste au cƓur de la luttecontre les mariages forcĂ©s

Comme pour toutes les violences faites aux femmes, l’infor-mation, la sensibilisation et la formation sont au cƓur de laprĂ©vention des mariages forcĂ©s.

ParallÚlement à des informations mises en ligne sur le site duministÚre de la Justice ainsi que sur le site «www. stop-vio-lences-femmes.gouv.fr », le gouvernement a lancé le 14 avril2009 une campagne nationale de communication pour luttercontre les mariages forcés.

Pour assurer une rĂ©elle prĂ©vention des mariages forcĂ©s, Am-nesty International France recommande Ă  l’État d’intensifierson action d’information et de sensibilisation notamment enmultipliant les campagnes d’information et de sensibilisation,et en pĂ©rennisant leur durĂ©e.

Amnesty International France encourage les autoritĂ©s Ă  met-tre en place des campagnes de prĂ©vention dans les Ă©coles,collĂšges et lycĂ©es, adaptĂ©es Ă  l’ñge des enfants visĂ©s, les in-formant de leurs droits, en particulier le droit de se dĂ©terminerlibrement dans le cadre du mariage, celui de choisir son futurconjoint et celui de ne pas se marier avant l’ñge de 18 ans.

En 2006, un « Guide de l’égalitĂ© entre les hommes et lesfemmes issus de l’immigration » avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et devait ĂȘtrenotamment distribuĂ© sur les plates-formes d’accueil del’Agence nationale d’accueil, des Ă©trangers et des migrations(ANAEM devenu l'Office français pour l'immigration et l'intĂ©-gration).

Mais dans son discours du 25 novembre 2009, le premier mi-nistre a prĂ©cisĂ© que « notre action d’information ciblera Ă©ga-lement les professionnels, et notamment ceux qui accueillentles Ă©trangers primo-arrivants sur les plates-formes de l'Officefrançais pour l'immigration et l'intĂ©gration. Nous diffuseronsauprĂšs d’eux le « Guide de l’égalitĂ© entre les femmes et leshommes issus de l’immigration », qui accorde une place touteparticuliĂšre Ă  la lutte contre les mariages forcĂ©s, aux mutila-tions sexuelles fĂ©minines » laissant Ă  penser que cette infor-mation n’a pas Ă©tĂ© effectivement relayĂ©e depuis 2006.

Pour prĂ©venir ces situations de violence le plus en amont pos-sible, c'est-Ă -dire avant le dĂ©part de France, l’association Voixde femmes propose de crĂ©er une structure unique et aisĂ©-ment identifiable que toute personne qui a connaissance d’unrisque de mariage forcĂ© ou de mutilation sexuelle pourrait sai-sir. Il s’agirait : « d’une « cellule d’alerte, de veille, d’interven-tion en faveur des jeunes mineurs et majeurs en danger d’unmariage forcĂ© Ă  l’étranger ». Cette structure interministĂ©riellespĂ©cialisĂ©e dans la prĂ©vention du mariage forcĂ© et l’accom-

pagnement des victimes aurait pour fonction de centraliser,organiser et systématiser les signalements faits par les tra-vailleurs sociaux, les associations et les établissements sco-laires.163 »

Cette structure aurait trois objectifs :

- recenser les interdictions de sortie du territoire demandĂ©espar les victimes potentielles elles-mĂȘmes.

- gĂ©rer un numĂ©ro vert auquel des informations sur un risquede mariage forcĂ© ou de mutilation sexuelle pourraient ĂȘtre si-gnalĂ©es.

- apporter l’aide de la France aux jeunes filles qui se trouventĂ  l’étranger en facilitant et organisant le rapatriement desvictimes qui ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es dans leur pays.

Le Royaume-Uni a crĂ©Ă© une telle structure en novembre2008, la « Forced Marriage Unit », qui recense plus de 1600signalements de mariage forcĂ© chaque annĂ©e164. UnitĂ©conjointe du ministĂšre de l’IntĂ©rieur et de celui des AffairesĂ©trangĂšres, elle dispose d’un numĂ©ro d’urgence et Ă©tablit desguides Ă  destination de toutes les catĂ©gories de personnessusceptibles d’ĂȘtre confrontĂ©es Ă  des situations de mariageforcĂ© (victimes, policiers, enseignants notamment). Elle coor-donne Ă©galement l’aide prodiguĂ©e aux jeunes filles vivant auRoyaume-Uni qui se trouvent Ă  l’étranger et permet le rapa-triement de toutes les victimes, mĂȘmes non binationales, encollaboration avec les autoritĂ©s locales des pays d’origine.

Le Rapport parlementaire du 7 juillet 2009 recommande qu’untel dispositif soit Ă©galement mis en place en France en crĂ©antune cellule commune au ministĂšre de l’IntĂ©rieur et au minis-tĂšre des Affaires Ă©trangĂšres chargĂ©e de prĂ©venir les situationsde mariage forcĂ© et d’excision et d’aider les femmes qui ensont victimes Ă  l’étranger165.

Amnesty international France recommande aux autoritĂ©s demettre en place une structure interministĂ©rielle spĂ©cialisĂ©edans la prĂ©vention du mariage forcĂ© et l’accompagnementdes victimes qui aurait pour fonction de centraliser, organiseret systĂ©matiser les signalements faits par les travailleurs so-ciaux, les associations et les Ă©tablissements scolaires.

Les bonnes pratiques

Les réseaux inter associatif, ou les partenariats regroupantassociations, professionnels et autorités se sont développéset constituent autant de bonnes pratiques.

Par exemple, dans l’HĂ©rault, le « RĂ©seau jeunes filles confron-tĂ©es aux violences intrafamiliales » regroupe les institutions etles associations du dĂ©partement de l’HĂ©rault. Il se rĂ©unit rĂ©-guliĂšrement pour Ă©changer et rĂ©flĂ©chir sur les violences intrafamiliales et en particulier sur les mariages forcĂ©s. Depuis sacrĂ©ation, il est pilotĂ© par le Mouvement français pour le plan-ning familial. Il s’est fixĂ© pour objectifs de faire un Ă©tat deslieux sur la problĂ©matique des mariages forcĂ©s et deconstruire des rĂ©ponses adaptĂ©es en terme de prĂ©vention,d’aide et de prise en charge des jeunes filles ou garçons enrupture familiale. Un site web a Ă©galement Ă©tĂ© mis en place en2008 (http://www.mariageforce.fr).

En Seine Saint Denis, un protocole d’aide aux victimes a Ă©tĂ©mis en place. Ce protocole permet, grĂące Ă  l’aide du ConseilgĂ©nĂ©ral, un accompagnement social, psychologique et juri-dique de la jeune fille ainsi qu’une prise en charge, un soutienfinancier et une aide Ă  la recherche d’hĂ©bergement.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 35

La protection des victimes

La proposition de crĂ©ation d’une ordonnance deprotection des victimes de mariage forcĂ©

La proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre2009 propose la crĂ©ation d’une ordonnance de protection166

pour les victimes de mariages forcĂ©s et la crĂ©ation d’un dĂ©lit decontrainte au mariage. L’ordonnance de protection pourrait ĂȘtredĂ©livrĂ©e par le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes (JUDEVI) aux per-sonnes menacĂ©es de mariage forcĂ©, au sens de l’article 224-5-3 du code pĂ©nal, ou de mutilation sexuelle, Ă  leur demandeou Ă  celle du ministĂšre public. À cette occasion, le juge dĂ©lĂ©-guĂ© aux victimes pourrait prendre un certain nombre de me-sures et notamment ordonner l’inscription sur le passeport dela personne menacĂ©e de l’interdiction de sortie du territoirefrançais et la faire inscrire sans dĂ©lai au fichier des personnesrecherchĂ©es.

L’introduction dans le code pĂ©nal d’un dĂ©lit decontrainte au mariage

L’article 18 de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationaledu 27 novembre 2009 prĂ©voit Ă©galement l’introduction dans lecode pĂ©nal d’un dĂ©lit de contrainte au mariage afin de donneraux juges un instrument spĂ©cifique de lutte contre les ma-riages forcĂ©s ayant lieu en France et Ă©tend la lĂ©gislation fran-çaise aux cas de mariage ou d’union forcĂ©s commis Ă l’étranger sur des personnes rĂ©sidant de maniĂšre habituelleen France167.

La loi du 4 avril 2006 a renforcĂ© les possibilitĂ©s, sur le plancivil, d’annulation des mariages, lĂ©galisĂ© l’incrimination du violentre Ă©poux et instaurĂ© un dĂ©lit de vol entre Ă©poux. Ces in-fractions peuvent servir de fondement Ă  une condamnation.

Cependant, le fait de prĂ©voir une incrimination pĂ©nale spĂ©ci-fique permettrait d’énoncer clairement l’interdit en indiquantquelles sont les pratiques autorisĂ©es en France et quellessont celles qui ne le sont pas.

En 2005, dans une Ă©tude sur les femmes de l’immigration, laDĂ©lĂ©gation aux droits des femmes considĂ©rait que « la pĂ©na-lisation des mariages forcĂ©s aurait une portĂ©e symboliqueforte, celle de signifier aux familles qu’en France, on ne mariepas les filles sans leur consentement168. »

De surcroĂźt, le Conseil de l’Europe relĂšve que « le fait d’incri-miner en tant que tel le mariage forcĂ© permet de punir plussĂ©vĂšrement cette infraction et d’unifier les peines applicables,ce qui n’est pas le cas lorsque l’on recourt Ă  des infractionsde droit commun169. »

De leur cÎté, les associations qui travaillent à la préventiondes mariages forces expriment leurs inquiétudes quant à lasituation trÚs difficile des jeunes femmes de faire condamnerleurs parents.

AuditionnĂ©e le 27 janvier 2010 par la Commission spĂ©cialechargĂ©e d’examiner la proposition de loi renforçant la protec-tion des victimes et la prĂ©vention et rĂ©pression des violencesfaites aux femmes, la ministre de la justice et des libertĂ©s, Ma-dame MichĂšle Alliot-Marie a dĂ©clarĂ© « j’ai moi-mĂȘme beau-coup hĂ©sitĂ© avant d’adopter une position sur le mariage forcĂ©.EmpĂȘcher, en amont de leur cĂ©lĂ©bration, les mariages forcĂ©s

26. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- mener une politique de prĂ©vention coordonnĂ©e auniveau national en effectuant notamment une Ă©tudeen profondeur de ce phĂ©nomĂšne et en adoptant unepolitique de sensibilisation et de formation desprofessionnels (travailleurs sociaux, personnels del’Éducation nationale, membres des services de policeet de gendarmerie, officiers d’état civil) pour lesimpliquer dans le dĂ©veloppement d’une stratĂ©gie deprĂ©vention des mariages forcĂ©s, fondĂ©e sur l’égalitĂ©des filles et des garçons- intensifier son action d’information et desensibilisation notamment en multipliant lescampagnes d’information et de sensibilisation, et enpĂ©rennisant leur durĂ©e- multiplier les campagnes d’information et deprĂ©vention dans les Ă©coles, collĂšges et lycĂ©es et lesĂ©tendre Ă  leurs familles pour renforcer la prĂ©ventiondes mariages forcĂ©s- mettre en place des structures d’accueil d’urgencepermettant d’écouter, prendre en charge et hĂ©bergerdes personnes qui risquent d’ĂȘtre mariĂ©es de force, etles protĂ©geant de la pression des tiers et d’éventuelsenlĂšvements- pĂ©renniser les subventions accordĂ©es auxassociations luttant contre le mariage forcĂ©- crĂ©er une structure interministĂ©rielle spĂ©cialisĂ©edans la prĂ©vention du mariage forcĂ© etl’accompagnement des victimes qui aurait pourfonction de centraliser, organiser et systĂ©matiser lessignalements faits par les travailleurs sociaux, lesassociations et les Ă©tablissements scolaires- mettre en place des rĂ©fĂ©rents dans les ambassadeset consulats français spĂ©cifiquement formĂ©s sur laquestion des mariages forcĂ©s.

27. Concernant les ordonnances de protection des vic-times de mariage forcĂ©, Amnesty International Francerecommande aux autoritĂ©s françaises que la lĂ©gisla-tion prĂ©voit que :- des ordonnances de protection puissent ĂȘtre dĂ©li-vrĂ©es tant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dans lesprocĂ©dures civiles et Ă©galement en dehors de tellesprocĂ©dures- le dĂ©roulement de la procĂ©dure fasse primer la sĂ©-curitĂ© de la victime sur toute considĂ©ration notam-ment liĂ©e Ă  des biens- dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance deprotection, le juge convoque pour une audition la par-tie demanderesse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, le casĂ©chĂ©ant, d’un avocat et le ministĂšre public dans undĂ©lai trĂšs bref- aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant de mĂ©de-cins, de la police, ou autre – ne soit nĂ©cessairementexigĂ©e pour la dĂ©livrance d’une ordonnance- le non respect des ordonnances de protection consti-tue une infraction pĂ©nale.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire36

me semble difficile ; les sanctionner exige de pouvoir rĂ©unirdes Ă©lĂ©ments de preuve. En revanche, en faire une circons-tance aggravante dans le cas de violences en vue du mariageou Ă  l’intĂ©rieur du couple est plus aisĂ©, puisqu’à partir du mo-ment oĂč la victime aura dĂ©noncĂ© les violences, l’élĂ©ment ma-tĂ©riel sera indĂ©niable170. »

Cependant, la crĂ©ation d’un dĂ©lit spĂ©cifique de mariage forcĂ©permettrait de poursuivre les auteurs d’un mariage forcĂ© et delutter contre l’impunitĂ© sans pour autant avoir recours Ă  desinfractions plus graves tels que le viol, les violencessexuelles, etc.

Une comparaison peut ĂȘtre opĂ©rĂ©e avec la lutte contre les mu-tilations sexuelles fĂ©minines.

En effet, lourdement sanctionnĂ©e, la lutte contre la pratiquedes mutilations sexuelles fĂ©minines s’appuie en France surune incrimination ferme et la judiciarisation du problĂšme a Ă©tĂ©efficace pour prĂ©venir et Ă©radiquer le phĂ©nomĂšne.

Pour Madame Nadine Morano, secrĂ©taire d'État auprĂšs du mi-

nistre du travail, des relations sociales, de la famille, de la so-lidarité et de la ville, chargée de la famille et de la solidarité,auditionnée par la Commission spéciale le 2 février « L'enca-drement pénal du mariage forcé, cette atteinte intolérable à laliberté des femmes, nous permettra de donner enfin une ré-ponse collective à ces pratiques171. »

28. Pour renforcer la lutte contre les mariages forcĂ©s,Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de rĂ©primer le fait d’exercer surautrui toute forme de contrainte ayant pour but de luifaire contracter un mariage ou de conclure une unionsans son consentement libre et, par dĂ©rogation auxdispositions de l’article 113-7 du code pĂ©nal,d’étendre la lĂ©gislation française aux cas de mariageou d’union forcĂ©s commis Ă  l’étranger sur despersonnes rĂ©sidant de maniĂšre habituelle en France.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 37

«À chaque Ă©tape de cet enfer, c'est la dignitĂ© mĂȘme despersonnes victimes de la traite qui est bafouĂ©e. Les vic-times de la traite sont gĂ©nĂ©ralement soumises Ă  des vio-

lations multiples des droits humains. Nombre d'entre elles sontenlevĂ©es, gardĂ©es contre leur grĂ© dans des conditions prĂ©-caires, frappĂ©es, soumises Ă  des violences sexuelles et Ă  d'au-tres formes de torture. Souvent, elles sont privĂ©es de leur droitĂ  l'intĂ©gritĂ© physique et mentale ; de leur droit Ă  la libertĂ© et lasĂ©curitĂ© de leur personne ; de leur droit de ne pas ĂȘtre sou-mises Ă  l'esclavage ou Ă  des pratiques similaires ; de leur droitde ne pas ĂȘtre torturĂ©es ou soumises Ă  d'autres formes de trai-tements inhumains ou dĂ©gradants ; de leur droit Ă  une vie defamille ; de leur droit de circuler librement ; de leur droit au res-pect de leur vie privĂ©e ; de leur droit au meilleur Ă©tat de santĂ©possible ; et de leur droit Ă  un logement sĂ»r et stable173 ».

La traite des ĂȘtres humains (TEH) Ă  des fins d’exploitationconstitue une atteinte aux droits humains et un crime au regarddu droit international et de la loi française174.

L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la pros-titution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le tra-vail ou les services forcĂ©s, l’esclavage ou les pratiquesanalogues Ă  l’esclavage, la servitude ou le prĂ©lĂšvement d’or-ganes».

Des traitĂ©s internationaux obligent les gouvernements Ă  agiravec toute la diligence nĂ©cessaire pour empĂȘcher la traite, en-quĂȘter sur les actes qui en relĂšvent et traduire en justice ceuxqui s'en rendent responsables et leur imposent de veiller Ă  ceque les victimes aient accĂšs Ă  des recours efficaces et Ă  desrĂ©parations suffisantes.

Dans son rapport « Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État175 » , Amnesty International avait fait au gou-vernement français un certain nombre de recommandations.

Depuis, la France a pris certaines mesures positives.

La France a ainsi pĂ©nalisĂ© la traite des ĂȘtres humains et a ali-gnĂ© la dĂ©finition lĂ©gale de la traite sur celle qui figure dans laConvention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traitedes ĂȘtres humains du 16 mai 2005176.

Cependant, force est de constater que les juridictions françaisessemblent rĂ©ticentes Ă  s’en saisir.

En novembre 2009, la ministre de la justice et des libertĂ©s, Ma-dame Alliot-Marie a ainsi constatĂ© que « S’agissant de la traitedes ĂȘtres humains, son incrimination spĂ©cifique prĂ©vue parl’article 225-4-1 du Code PĂ©nal paraĂźt n’ĂȘtre que trĂšs rare-ment utilisĂ©e. » La ministre a alors rappelĂ© que « sans sous-es-timer les difficultĂ©s rencontrĂ©es pour caractĂ©riser cetteinfraction particuliĂšre, il convient nĂ©anmoins de rappeler quedes poursuites engagĂ©es sur le fondement prĂ©cis de l'article225-4-1 du code pĂ©nal ne sont pas exclusives d’autres qua-lifications (proxĂ©nĂ©tisme, exploitation de la mendicitĂ©, condi-tions de travail et d’hĂ©bergement indignes Ă  la personne).Ainsi, et parce qu’elle ouvre des droits spĂ©cifiques aux vic-times », la ministre a demandĂ© de « bien veiller Ă  ce que cettequalification soit plus souvent retenue177. »

En 2007 et 2009, un dĂ©cret et une circulaire d’application sontvenus complĂ©ter le dispositif lĂ©gal178. Ces textes explicitent lesconditions dans lesquelles les victimes Ă©trangĂšres de la traitepeuvent revendiquer un droit au sĂ©jour en France et les condi-tions de mise en Ɠuvre des mesures de protection, d’accom-pagnement social et de soutien financier prĂ©vues par le Code del’entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit d’asile (CESEDA).Des instructions prĂ©cises sont notamment donnĂ©es aux ser-vices concernĂ©s.

Les premiĂšres Ă©valuations de ces textes montrent cependantqu’ils font l’objet d’une application hĂ©tĂ©rogĂšne sur le territoire,nuisant ainsi Ă  l’égalitĂ© de traitement des victimes.

En dĂ©cembre 2008, les autoritĂ©s françaises ont mis en place ungroupe de travail interministĂ©riel relatif Ă  la protection et la priseen charge des victimes de la traite des ĂȘtres humains. ChargĂ©notamment d’élaborer un Plan national de lutte contre la traitedes ĂȘtres humains, ce groupe de travail, pilotĂ© par les minis-tĂšres de l’IntĂ©rieur et de la Justice a associĂ© des associations Ă ses travaux.

Ce groupe de travail s'est vu Ă©galement confier par le secrĂ©ta-riat gĂ©nĂ©ral des affaires europĂ©ennes une mission de rĂ©flexionrelative au respect, par la France, de la convention du Conseilde l'Europe sur la lutte contre la traite des ĂȘtres humains.

La convention prĂ©voit que « chaque partie prend des mesurespour Ă©tablir ou renforcer la coordination au plan national entreles diffĂ©rentes instances chargĂ©es de la prĂ©vention et de lalutte contre la traite des ĂȘtres humains179 ». Les parties doi-vent ainsi adopter « les mesures nĂ©cessaires pour assurer lacoordination de la politique et de l'action des services de[leur] administration et des autres organismes publics luttantcontre la traite des ĂȘtres humains, le cas Ă©chĂ©ant en mettantsur pied des instances de coordination180 ».

En vue de satisfaire Ă  cette obligation, le groupe de travail a Ă©la-borĂ© un projet de dĂ©cret portant crĂ©ation d'une mission intermi-nistĂ©rielle de coordination pour la prĂ©vention et la lutte contre latraite des ĂȘtres humains et la protection des victimes. Ce textea Ă©tĂ© transmis au secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral des affaires europĂ©enneset au cabinet du premier ministre.

Au cours de la sĂ©ance du 26 janvier 2010 au SĂ©nat, MadameMarie-Luce Penchard, ministre chargĂ©e de l'outre-mer a dĂ©clarĂ©que « conformĂ©ment aux engagements internationaux sous-crits par la France, cette mission interministĂ©rielle devrait ĂȘtrecrĂ©Ă©e dans les prochains mois. »

Amnesty International France a été invitée à participer aux tra-vaux du groupe de travail et se félicite de cette initiative.

29. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises d’adopter les mesuresnĂ©cessaires pour assurer la coordination de lapolitique nationale de lutte contre la traite des ĂȘtreshumains en mettant en place une structure nationalede coordination.

IV LatraitedesĂȘtreshumains

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire38

Pourtant, malgrĂ© ces mesures, Amnesty International FrancedĂ©plore notamment que les droits des personnes exploitĂ©espar les trafiquants ne soient trop souvent ni respectĂ©s, ni pro-tĂ©gĂ©s et que la protection et l’assistance qui leur est accor-dĂ©es soient conditionnĂ©es Ă  leur acceptation de tĂ©moigner.

Ainsi que l’a rappelĂ© la Commission nationale consultative desdroits de l’homme181 « Les normes internationales relativesaux droits de l’homme s’appliquent aux personnes victimesde traite ou d’exploitation. La France doit, par consĂ©quent etsans discrimination, garantir l’effectivitĂ© de l’ensemble deleurs droits fondamentaux, auxquels viennent s’ajouter lesdroits nĂ©s des instruments spĂ©cifiques Ă  la traite et Ă  l’exploi-tation. En dĂ©coule un statut de victime de traite ou d’exploi-tation qui prĂ©voit, outre le respect du droit d’accĂ©der Ă  lajustice, celui d’ĂȘtre rĂ©tabli dans ses droits Ă©conomiques et so-ciaux. L’accompagnement global des victimes de traite oud’exploitation apparaĂźt en effet indispensable, les « solutionsparcellaires » risquant d’entraĂźner pour elles des « prĂ©judicessecondaires ».

MĂȘmes reconnus, les droits d’accĂ©der Ă  la justice et d’ĂȘtrerĂ©tabli dans ses droits Ă©conomiques et sociaux ne peuventcependant ĂȘtre effectivement exercĂ©s si les victimes de traiteou d’exploitation qui en sont titulaires ne sont pas identifiĂ©escomme telles. Or, tant qu’un juge n’a pas tranchĂ© la question,leur identification n’est jamais certaine. C’est pourquoi laConvention de 2005 impose aux Etats de considĂ©rer toutepersonne comme une victime dĂšs lors qu’il existe « des mo-tifs raisonnables » de croire qu’elle l’est. »

Dans ce cadre, Amnesty International appelle les autoritĂ©sfrançaises Ă  mettre la protection des droits fondamentaux despersonnes victimes de la traite au centre de l'action de tousles services engagĂ©s dans la lutte contre la traite et Ă  adop-ter et mettre en Ɠuvre une stratĂ©gie globale de lutte contre latraite des ĂȘtres humains qui vise la prĂ©vention de la traite desĂȘtres humains, la sanction des auteurs et la rĂ©paration desprĂ©judices subis par les victimes.

Le phĂ©nomĂšne de la traitedes ĂȘtres humains en France

Il est impossible de disposer de chiffres prĂ©cis sur l’ampleurde la traite des ĂȘtres humains en France. Cela ne doit pas dis-penser les pouvoirs publics de tenter, autant que possible, defaire la lumiĂšre sur l’ampleur de ce phĂ©nomĂšne malgrĂ© les dif-ficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  une activitĂ© illĂ©gale.

A ce sujet, lors du dernier examen du rapport de la France enjanvier 2008, le ComitĂ© pour l'Ă©limination de la discriminationĂ  l'Ă©gard des femmes (CEDAW) s’est inquiĂ©tĂ© du manque destatistiques, de donnĂ©es et de recherches sur le thĂšme de latraite des ĂȘtres humains182. Le ComitĂ© considĂšre que ce typed’informations pourrait contribuer Ă  la lutte contre la traite enpermettant d’agir sur les causes du phĂ©nomĂšne. Il a engagĂ©le gouvernement français Ă  procĂ©der rĂ©guliĂšrement Ă  la col-lecte et Ă  l’analyse de donnĂ©es, ventilĂ©es par Ăąge et par ori-gine sociale.

1. L'identification des personnes victimes de latraite des ĂȘtres humains : un Ă©lĂ©ment crucialde la protection

Dans son rapport en 2006 concernant les violences faites auxfemmes en France, Amnesty International constatait « qu’enl’absence d’une rĂ©elle volontĂ© politique assortie de moyenspermettant d’identifier les personnes victimes de la traite desĂȘtres humains aux fins de prostitution, celles-ci sont consi-dĂ©rĂ©es comme des dĂ©linquantes. Elles sont sanctionnĂ©esd’une part comme prostituĂ©es se livrant Ă  une activitĂ© de ra-colage et, d’autre part, pour certaines, comme migrantes ensituation irrĂ©guliĂšre183 ».

Aujourd’hui, la question de l’identification des victimes de latraite reste cruciale dans le cadre de la protection de ces der-niĂšres. En effet, de l’identification des victimes en tant quetelles dĂ©pend l’accĂšs Ă  l’aide, Ă  l’assistance et Ă  la protection.

Les victimes qui ne sont pas identifiées comme telles se re-trouvent en danger.

De plus, si elles sont Ă©trangĂšres et en situation irrĂ©guliĂšre,elles risquent d'ĂȘtre notamment sanctionnĂ©es pour sĂ©jour ir-rĂ©gulier ou d'ĂȘtre reconduites vers des pays oĂč elles peuventĂȘtre de nouveau victimes de la traite ou d'autres atteintes Ă leurs droits fondamentaux.

L'absence d’un dispositif nationald’identification des victimes

Dans le systĂšme actuellement en vigueur en France, iln’existe pas de dispositif national d’identification des victimesde la traite des ĂȘtres humains, ni de rĂ©els indicateurs et cesderniĂšres sont souvent stigmatisĂ©es en tant que « prosti-tuĂ©es », suspectĂ©es d’ĂȘtre des immigrĂ©es « clandestines » oud’ĂȘtre « exploitĂ©es volontairement ».

Les victimes de la traite des ĂȘtres humains restent trĂšs sou-vent sous l’emprise des auteurs de ces agissements, dontelles craignent les menaces et les violences, physiques oupsychologiques. La peur les empĂȘche frĂ©quemment de rĂ©vĂ©-ler qu'elles sont victimes de la traite, ce qui les prive parconsĂ©quent de la protection de l'État.

Leur peur des représailles explique qu'elles hésitent généra-lement à se faire connaßtre.

Les agents concernĂ©s (policiers, officiers de protection del’OFPRA, magistrats, notamment Ă  la Cour nationale du droitd’asile) doivent en gĂ©nĂ©ral « supposer » que les personnesdont ils examinent la situation peuvent ĂȘtre victimes de latraite des ĂȘtres humains.

Pourtant, un certain nombre d’indices ou de critĂšres indicatifspeuvent ĂȘtre pris en compte afin d’identifier une victime de latraite : le passage par les routes de la traite (cartographie Ă©ta-blie par Interpol), la surveillance constante par les trafiquants,l’absence de documents d’identitĂ© ou la possession de fauxdocuments, l’isolement de la personne (barriĂšre de la langue,limitation de la libertĂ© de mouvement), la peur, les signes demaltraitance. Cette liste n’est pas exhaustive.

Le sentiment est que la prioritĂ© est accordĂ©e Ă  la lutte contrela « prostitution » ou « l’immigration clandestine » au mĂ©prisdes victimes de la traite des ĂȘtres humains. Ces derniĂšres nesont identifiĂ©es qu’à posteriori, par l’octroi d’un titre de sĂ©joursur le fondement de l’article L.316-1 du CESEDA, seulementsi elles acceptent de coopĂ©rer avec la justice dans le cadred'Ă©ventuelles poursuites contre les exploiteurs prĂ©sumĂ©s.

30. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de procĂ©der, avec les moyens nĂ©-cessaires, Ă  la collecte et Ă  l'Ă©tude des donnĂ©es sur lephĂ©nomĂšne de la traite des ĂȘtres humains en Franceet de rendre ces informations publiques.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 39

Amnesty International France regrette l’absence d’un dispo-sitif national d’identification permettant de dĂ©pister rapidementles victimes de la traite et de les protĂ©ger. Pour Amnesty In-ternational France, le processus d’identification doit ĂȘtre tota-lement dissociĂ© de la recherche de preuves Ă  des finsjudiciaires et il nĂ©cessite une formation adĂ©quate des per-sonnes en contact avec des victimes ainsi que le prĂ©voit laConvention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traitedes ĂȘtres humains (article 10).

L’identification par la sensibilisation et laformation des agents compĂ©tents

Le manque de formation rend difficilement capable d’identi-fier une victime, d’ĂȘtre sensible Ă  sa situation et de lui donnerles informations sur ses droits et l’aide qu’elle peut recevoir.

Il est donc indispensable de former les autoritĂ©s et les pro-fessionnels compĂ©tents pour qu'ils puissent identifier sansdĂ©lai les situations de traite des ĂȘtres humains auxquelles ilssont confrontĂ©s.

Le Rapport explicatif qui accompagne le texte de cetteConvention souligne que ce dĂ©lai de rĂ©flexion doit avoir desconsĂ©quences positives pour la victime elle-mĂȘme, puis pourle tribunal devant lequel l'affaire est jugĂ©e, dans la mesure oĂčil permet Ă  la victime de tĂ©moigner de la maniĂšre la plus claireet la plus sereine possible. Le Conseil de l'Europe note que denombreux pays ont adoptĂ© une pĂ©riode de rĂ©flexion de plusde trente jours et que les deux Groupes d'experts sur la traitedes ĂȘtres humains mis en place par le Conseil de l’Europe etpar la Commission europĂ©enne recommandent chacun undĂ©lai d'au minimum trois mois.

La durĂ©e du dĂ©lai de rĂ©flexion en France est d’un mois.

Amnesty International France considĂšre qu'un dĂ©lai d’au mi-nimum trois mois permettrait de mieux garantir que la victimea pris la dĂ©cision de coopĂ©rer librement et en connaissancede cause. Ce dĂ©lai permettrait Ă©galement Ă  la victime de bĂ©-nĂ©ficier d’un temps indispensable pour commencer Ă  soignerles blessures psychologiques et physiques dont elle peutsouffrir et de se soustraire Ă  l'influence de ses trafiquants.

La circulaire du 5 février 2009 est venue expliciter les condi-tions de délivrance du récépissé valant autorisation de séjouren France le temps du délai de réflexion, en subordonnantcette délivrance au signalement exclusif des services de po-lice auprÚs des services préfectoraux.

Amnesty International France s’est adressĂ©e au ministre del’Immigration et espĂšre que ce texte permettra d’harmoniserles pratiques sur le territoire et demande qu’une Ă©valuationdu dispositif soit faite pour pouvoir en apprĂ©cier l’effectivitĂ©.

Un droit au séjour conditionné

L’article L.316-1 du CESEDA prĂ©voit qu’une carte de sĂ©jourtemporaire portant la mention « vie privĂ©e et familiale » peutĂȘtre dĂ©livrĂ©e Ă  la victime qui coopĂšre avec les services de po-lice en tĂ©moignant ou en dĂ©posant plainte contre les auteursdes infractions en lien avec la traite, en vue du dĂ©mantĂšle-ment du rĂ©seau qui l’exploitait.

La dĂ©livrance de ce document est subordonnĂ©e Ă  une volontĂ©avĂ©rĂ©e de coopĂ©ration et de rĂ©insertion de la victime qui doit,de plus, avoir cessĂ© toute activitĂ© illĂ©gale et avoir rompu toutlien avec le milieu l’ayant exploitĂ©e. L'accĂšs Ă  l'assistance etĂ  la protection des pouvoirs publics est ainsi subordonnĂ© Ă  savolontĂ© de tĂ©moigner dans les poursuites engagĂ©es contreles prĂ©sumĂ©s trafiquants. Le systĂšme en place est donc, defait, fondĂ© sur le principe du donnant-donnant : protectioncontre coopĂ©ration.

En outre, il existe aujourd’hui une extrĂȘme diversitĂ© d’une prĂ©-fecture Ă  l’autre dans l’examen des demandes de titre de sĂ©-jour dĂ©posĂ©es par les victimes de la traite. En effet, ladĂ©livrance du titre de sĂ©jour et la durĂ©e de ce titre relĂšvent dupouvoir d’apprĂ©ciation du prĂ©fet et l’obtention du titre n’est nul-lement de plein droit. Le mĂȘme problĂšme se pose lors du re-nouvellement de ces titres.

Pour Amnesty International, non seulement un tel systĂšme nepermet pas d'apporter assistance et protection Ă  toutes lesvictimes de la traite mais, de plus, il est contraire Ă  l’article12.6 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la luttecontre la traite des ĂȘtres humains qui stipule que « chaquepartie adopte les mesures lĂ©gislatives ou autres nĂ©cessairespour s’assurer que l’assistance Ă  une victime n’est pas subor-donnĂ©e Ă  sa volontĂ© de tĂ©moigner ».

31. Amnesty International France demande auxautoritĂ©s de concevoir et de mettre en Ɠuvre unestratĂ©gie efficace qui permette l’identification et laprotection des personnes victimes de la traite desĂȘtres humains, notamment en :- considĂ©rant une personne comme victime Ă  partir dumoment oĂč il existe des motifs raisonnables de croirequ’elle est ou a Ă©tĂ© victime de la traite- mettant en place un dispositif nationald’identification des victimes- s’assurant que les personnes et autoritĂ©scompĂ©tentes en lien avec les victimes soientqualifiĂ©es et reçoivent une formation adaptĂ©econcernant l’identification et la protection desvictimes.

2. La protection et l’assistance des victimes :le principe « protection contre coopĂ©ration »

MĂȘme lorsqu'elles parviennent, malgrĂ© les difficultĂ©s, Ă  sefaire identifier comme « victimes de la traite », les personnesexploitĂ©es rencontrent de nombreux obstacles lorsqu'ellescherchent Ă  faire valoir leur droit Ă  une protection et Ă  une as-sistance. Ces obstacles sont essentiellement la consĂ©quencede la prioritĂ© donnĂ©e par les pouvoirs publics français auxpoursuites contre les trafiquants plutĂŽt qu'au respect desdroits de leurs victimes.

Aujourd’hui, une victime de la traite peut faire valoir ses droitsĂ  une protection et Ă  une assistance de l'État Ă  expiration dudĂ©lai de rĂ©flexion de 30 jours184, mais uniquement Ă  conditionqu’elle accepte de « coopĂ©rer » avec les autoritĂ©s dans lecadre d'Ă©ventuelles poursuites contre les exploiteurs prĂ©su-mĂ©s.

30 jours : un délai de réflexion et derétablissement trop court

Aux termes de la Convention du Conseil de l'Europe sur lalutte contre la traite des ĂȘtres humains, la durĂ©e de la pĂ©riodede rĂ©flexion permettant aux personnes victimes de la traite dedĂ©cider si elles souhaitent ou non collaborer avec les autori-tĂ©s est fixĂ©e Ă  trente jours minimum.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire40

Selon le rapport explicatif de la Convention, « la Conventionlaisse la durĂ©e du permis de sĂ©jour Ă  l’apprĂ©ciation des Par-ties qui doivent fixer une durĂ©e compatible avec le but decette disposition. A titre d’exemple, la Directive du Conseil del’Union europĂ©enne du 29 avril 2004 relative au titre de sĂ©jourdĂ©livrĂ© aux ressortissants des Pays tiers qui sont victimes dela traite des ĂȘtres humains ou ont fait l’objet d’une aide Ă  l’im-migration clandestine et qui coopĂšrent avec les autoritĂ©scompĂ©tentes prĂ©voit une durĂ©e minimale de 6 mois ».

A ce moment, les victimes sont surveillĂ©es constamment, ac-compagnĂ©es systĂ©matiquement dans tous leurs dĂ©place-ments et menacĂ©es de reprĂ©sailles si elles parlent. Lesdemandes qui sont alors dĂ©posĂ©es auprĂšs de l’Office françaisde protection des rĂ©fugiĂ©s et apatrides (OFPRA) en leur nomsont donc faites sous la contrainte et les faits Ă©voquĂ©s ne cor-respondent pas aux vĂ©ritables circonstances Ă  l’origine du dĂ©-part de leur pays. Ces demandes sont gĂ©nĂ©ralement rejetĂ©espar l’OFPRA.

Lorsque ces victimes arrivent Ă  Ă©chapper au rĂ©seau de traiteet qu’elles rencontrent des personnes qui vont les accompa-gner dans leur demande de protection, elles sont souvent dĂ©jĂ dĂ©boutĂ©es de cette premiĂšre demande d’asile. En consĂ©-quence, c’est souvent au moment du recours devant la Cournationale du droit d’asile (CNDA) ou dans le cadre d’un rĂ©-examen185 de leur demande d’asile qu’elles vont pouvoir rĂ©-vĂ©ler les Ă©lĂ©ments relatifs Ă  leurs persĂ©cutions en tant quevictimes de la traite.

Les conditions d’accĂšsĂ  une rĂ©elle procĂ©dure d’asile

L’obligation d’information sur le droit de demander l’asile a Ă©tĂ©inscrite dans la circulaire du 5 fĂ©vrier 2009 mais le texte a limitĂ©cette information au seul droit de demander la protection subsi-diaire. Cette information est erronĂ©e puisque la protection autitre de l’asile en France n’est pas seulement reconnue Ă  ce titre.

32. Amnesty International France demande auxautoritĂ©s françaises de garantir que l’accĂšs au sĂ©jouret aux droits qui en dĂ©coulent ne soit pas subordonnĂ©au dĂ©pĂŽt d’une plainte ou au tĂ©moignage des victimesde la traite d’ĂȘtres humains dans le cadre depoursuites pĂ©nales intentĂ©es contre leurs trafiquantsprĂ©sumĂ©s.

35. Amnesty International France demande auxautoritĂ©s françaises de modifier les dispositions de lacirculaire du 5 fĂ©vrier 2009, sans limiter le droit desolliciter l’asile au seul droit de demander laprotection au titre de la protection subsidiaire.

36. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de s’assurer que la dĂ©livrance dutitre de sĂ©jour prĂ©vu par l’article L.316-1 du CESEDAest sans prĂ©judice du droit de demander l’asile et d’enbĂ©nĂ©ficier.

33. Amnesty International France demande auxautoritĂ©s françaises de prolonger le dĂ©lai derĂ©tablissement et de rĂ©flexion Ă  trois mois minimumet de s’assurer et de garantir que les victimes de latraite puissent bĂ©nĂ©ficier, sans condition, d’un permisde sĂ©jour de six mois minimum renouvelable.

34. Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :- S’assurer que les victimes Ă©trangĂšres de la traite nesoient pas sanctionnĂ©es pour des faits, notamment leracolage et le sĂ©jour irrĂ©gulier, rĂ©sultant del’exploitation dont elles sont victimes.- Offrir assistance et protection Ă  toute personnevictime de la traite se trouvant sur le territoirefrançais, notamment en lui garantissant l'accĂšs Ă  unhĂ©bergement sĂ»r et protĂ©gĂ©, Ă  une assistancematĂ©rielle et Ă  des soins et traitements mĂ©dicaux etpsychologiques, tout en exigeant que ces servicessoient fournis sur la base du consentement Ă©clairĂ©, demaniĂšre Ă  respecter la dignitĂ© et l’intimitĂ© de lapersonne.- S’assurer et garantir que les victimes de la traitepuissent obtenir rĂ©paration, notamment sous laforme d'une indemnisation.

3. La protection des victimes au titre de l’asile

Pour Amnesty International France, si toutes les victimes avĂ©-rĂ©es ou potentielles de la traite des ĂȘtres humains ne sau-raient prĂ©tendre Ă  une protection au titre de l’asile, danscertaines situations, les dispositions de la Convention de 1951relative au statut de rĂ©fugiĂ©s en vue de l’obtention d’une pro-tection devraient ĂȘtre appliquĂ©es.

Les conditions de la demande d’asile auprĂšs del’Office français de protection des rĂ©fugiĂ©s etapatrides (OFPRA)

TrĂšs souvent, ce sont les trafiquants qui dĂ©posent une de-mande d’asile fictive au nom de la victime de la traite, notam-ment pour rĂ©gulariser son sĂ©jour sur le territoire pendantquelques mois, facilitant ainsi son exploitation forcĂ©e.

En outre, en cas de demande de rĂ©examen de la demanded’asile, les services prĂ©fectoraux, responsables de l’admis-sion au sĂ©jour au titre de l’asile, ont tendance Ă  nier aux vic-times de la traite le droit de dĂ©poser une nouvelle demandelorsqu’elles Ă©noncent ce motif.

Les prĂ©fectures les renvoient souvent vers la procĂ©dure de laloi du 18 mars 2003 relative Ă  la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et il y aalors une confusion entre la rĂ©gularisation administrative ac-cordĂ©e au titre de la coopĂ©ration avec les autoritĂ©s judiciaireset la protection accordĂ©e au titre de l’asile.

Pourtant, la dĂ©livrance du titre de sĂ©jour prĂ©vu par l’articleL.316-1 du CESEDA doit ĂȘtre sans prĂ©judice du droit de cher-cher asile et d’en bĂ©nĂ©ficier (article 14.5 de la Convention duConseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des ĂȘtres hu-mains).

Lorsque les services prĂ©fectoraux permettent l’accĂšs Ă  larĂ©ouverture de la procĂ©dure d’asile, ils considĂšrent gĂ©nĂ©rale-ment la demande en procĂ©dure « prioritaire », sans tenircompte de la situation de contrainte dans laquelle ces per-sonnes se sont trouvĂ©es lors de leur premiĂšre demande.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 41

Cependant, en raison de la complexitĂ© des affaires, il convien-drait que la demande d’asile des victimes de la traite soit exa-minĂ©e dans le cadre d’une procĂ©dure normale ; le facteurtemps, dĂ©jĂ  mentionnĂ©, est un Ă©lĂ©ment important pour per-mettre Ă  la personne de parler des persĂ©cutions subies. Am-nesty International France s’est adressĂ©e au directeur del’OFPRA et au prĂ©sident de la CNDA mais n’a pas eu de rĂ©-ponses Ă  ses courriers.

De plus, les autoritĂ©s administratives, judiciaires et policiĂšresdoivent ĂȘtre sensibilisĂ©es Ă  la situation particuliĂšre de ces per-sonnes et Ă  leur grande vulnĂ©rabilitĂ© et ĂȘtre formĂ©es pour pou-voir les identifier.

Pour le HCR, l’application du concept d’« appartenance Ă  uncertain groupe social » peut ĂȘtre particuliĂšrement pertinentepour les victimes de la traite risquant de subir des persĂ©cu-tions dans leur pays d’origine.

Par ailleurs, une victime collaborant avec les services de po-lice et judiciaires peut ĂȘtre exposĂ©e Ă  des reprĂ©sailles qui peu-vent constituer, en fonction des Ă©lĂ©ments de l’espĂšce, despersĂ©cutions. Ces persĂ©cutions peuvent Ă©galement viser desproches de la victime.

En outre, la personne peut faire l’objet d’une sorte de stigma-tisation dans sa communautĂ© d’origine. Face Ă  cela, les au-toritĂ©s de l’État d’origine peuvent manquer de volontĂ© ou demoyens pour agir et assurer sa protection (absence ou inap-plication d’une lĂ©gislation adĂ©quate, corruption).

Tous ces Ă©lĂ©ments sont Ă  prendre en compte dans l’examende la demande d’asile.

Enfin, certaines victimes peuvent Ă©galement craindre des per-sĂ©cutions en raison d’un motif antĂ©rieur Ă  la situation de vic-time de la traite, motif qui relĂšve de la Convention de GenĂšve(opinion politique, religion, appartenance ethnique ou natio-nale) et qui se surajoute aux craintes en raison de la situationde victime de la traite.

Mais dans ses dĂ©cisions, la CNDA a Ă©cartĂ© l’application de laConvention de GenĂšve au motif notamment que « Les persĂ©-cutions redoutĂ©es n’ont pas pour origine l’un des motifs re-tenus par la Convention de GenĂšve qui permettraient deregarder son cas comme relevant du champ d’application dela convention prĂ©citĂ©e188.»

La Cour a retenu le fait que les victimes risquaient de subirdes traitements cruels, inhumains et dĂ©gradants en cas de re-tour dans leur pays d’origine et qu’elles ne pourraient utilementse prĂ©valoir de la protection des autoritĂ©s de leur pays. A cetitre, elle leur a accordĂ© le bĂ©nĂ©fice de la protection subsidiaire.

Amnesty International France estime qu'en n’identifiant pas cer-taines personnes victimes de la traite et en omettant de procĂ©-der Ă  un examen de leur demande d’asile qui Ă©value les dangersqui les menacent en cas de retour en tant que victime de latraite, les autoritĂ©s non seulement anĂ©antiraient les efforts dĂ©-ployĂ©s pour combattre la traite des ĂȘtres humains mais expose-raient Ă©galement ces personnes Ă  d'autres atteintes Ă  leurs droitsfondamentaux en cas de retour dans leur pays, notamment sielles retombent entre les mains de trafiquants.

37. Amnesty International France demande auxautoritĂ©s de s’assurer que les personnes et autoritĂ©scompĂ©tentes dans l’examen des demandes d’asilesoient sensibilisĂ©es, formĂ©es et qualifiĂ©es pouridentifier une victime de la traite des ĂȘtres humains.

38. Amnesty International France recommande Ă l’Office français de protection des rĂ©fugiĂ©s etapatrides et Ă  la Cour nationale du droit d’asiled’examiner les demandes de protection au titre del’asile des victimes de la traite au regard desPrincipes directeurs du Haut commissariat pour lesRĂ©fugiĂ©s des Nations Unies sur la protectioninternationale des victimes de la traite et despersonnes risquant d’ĂȘtre victimes de la traite.Amnesty International France recommandeĂ©galement l’adoption par l’OFPRA de lignesdirectrices intĂ©grant la problĂ©matique de la traite desĂȘtres humains dans le cadre de la procĂ©dure d’asile etpermettant donc une harmonisation des pratiques.

La prise en compte par les institutionsfrançaises des persĂ©cutions au titrede la traite des ĂȘtres humains

Concernant les situations de victimes de la traite des ĂȘtreshumains, une vingtaine de dĂ©cisions ont Ă©tĂ© rendues depuis2005186 par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA, ex-Com-mission des Recours des RĂ©fugiĂ©s). Toutes les victimes pro-tĂ©gĂ©es l’ont Ă©tĂ© au titre de la protection subsidiaire et non autitre de la Convention de GenĂšve de 1951 relative au statutdes rĂ©fugiĂ©s comme le recommande pourtant le Haut Com-missariat des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR) dans lesPrincipes directeurs sur la protection internationale : Applica-tion de l’Article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou du Pro-tocole de 1967 relatifs au statut des rĂ©fugiĂ©s aux victimes dela traite et aux personnes risquant d’ĂȘtre victimes de la traite(7 avril 2006)187.

En effet, pour le HCR, la traite peut ĂȘtre une forme de persĂ©-cution (souffrances provoquĂ©es, entrave Ă  la libertĂ© de circu-ler, rejet de la communautĂ©, discrimination, reprĂ©sailles) etune apprĂ©hension de la traite des ĂȘtres humains dans le cadrede l’asile est donc possible

Diverses situations peuvent fonder une demande de protec-tion internationale au titre de l’asile:

Des personnes peuvent ĂȘtre exposĂ©es Ă  la traite du fait decaractĂ©ristiques qui figurent dans la dĂ©finition du rĂ©fugiĂ© Ă©non-cĂ©e par la Convention de 1951 (victime de persĂ©cutions dufait de leur race, de leur religion [
] dans un contexte de tran-sition Ă©conomique ou de post conflit ou de politiques natio-nales discriminatoires). En effet, il arrive que certainesvictimes de la traite soient recrutĂ©es en raison de leur situa-tion de vulnĂ©rabilitĂ©, celle-ci ayant un lien avec l’un des motifsĂ©numĂ©rĂ©s Ă  l’article 1A (2) de la Convention de 1951. De plus,les raisons Ă  l’origine du dĂ©part de la personne de son paysd’origine et de l’entrĂ©e dans un rĂ©seau peuvent entrer dans lecadre de la Convention de GenĂšve et donner lieu Ă  la protec-tion internationale, comme une fuite afin d’échapper Ă  une ex-cision, Ă  un mariage forcĂ©, Ă  un crime d’honneur ou Ă  larĂ©pression politique.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire42

Amnesty International France recommande aux autori-tés demettre en place dans les plus brefs délais un ob-

servatoire national des violences faites aux femmes afin decentraliser la rĂ©alisation et la diffusion d’études ayant traitĂ  ces violences. ChargĂ© de coordonner la collecte de don-nĂ©es sexuĂ©es et d’organiser des enquĂȘtes portant sur lesviolences faites aux femmes, son travail sera synthĂ©tisĂ©,chaque annĂ©e, dans un rapport public remis au premiermi-nistre et au parlement.

LES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE

Pour prévenir les violences faites aux femmes

1. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises d’intensifier son action d’information et desensibilisation notamment en multipliant les campagnesd’information et de sensibilisation, et en pĂ©rennisant leurdurĂ©e.

2. Amnesty International se fĂ©licite de la proposition d’ou-vrir aux associations de dĂ©fense des droits des femmes ledroit de saisine du Conseil SupĂ©rieur de l’Audiovisuel (CSA)et d’introduire dans la loi relative aux publications desti-nĂ©es Ă  la jeunesse, l’interdiction d’inciter aux prĂ©jugĂ©ssexistes car seuls les prĂ©jugĂ©s ethniques y sont actuelle-ment mentionnĂ©s mais recommande d’élargir le droit desaisine du CSA Ă  toutes les associations de dĂ©fense desdroits humains sans le limiter aux seules associations dedĂ©fense des droits des femmes.

3. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises que :

‱ le respect mutuel et l'Ă©galitĂ© entre les sexes soient sys-tĂ©matiquement enseignĂ©s dans les Ă©coles, les collĂšges etles lycĂ©es et que les autoritĂ©s veillent Ă  ce que tous lesstĂ©rĂ©otypes sexistes soient retirĂ©s desmanuels scolaires

‱ la formation initiale et continue de tous les personnels del’Education nationale intĂšgre ces problĂ©matiques.

4. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises de :

‱ renforcer et systĂ©matiser la formation initiale et continuedes professionnels (professionnels de santĂ©, magistrats,travailleurs sociaux, personnels de la police et de la gen-darmerienationale, acteursassociatifs, agentsdesservicesde l’emploi et agents d’accueil des collectivitĂ©s locales) surles questions de violences Ă  l’égard des femmes, pourmieux orienter, accompagner et protĂ©ger les victimes.

Les programmes de formation doivent notamment fournirles Ă©lĂ©ments d’information et de formation nĂ©cessairespour dĂ©tecter et gĂ©rer des situations de crise et amĂ©liorerl’accueil, l’écoute et le conseil aux victimes.

‱ intensifier le dĂ©veloppement des formations interdisci-plinaires au niveau local

‱ gĂ©nĂ©raliser ladĂ©concentrationde la formation continuedesmagistrats Ă  tout le territoire, pour favoriser un meilleuraccĂšs et une participation plus importante de ces derniers.

Pour protéger les victimes de violences

5. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer que dans chaque commissariatet dans chaque unitĂ© de gendarmerie :

‱ un rĂ©fĂ©rent violences conjugales est dĂ©signĂ© et formĂ©.

‱ les postes des professionnels (travailleur social, psycho-logue) sont pĂ©rennisĂ©s

‱ une permanence d’association d’aide aux victimes est ins-tallĂ©e

6. Concernant les unitĂ©s de police et de gendarmerie spĂ©-cialisĂ©es dans le domaine de la violence Ă  l’égard desfemmes, Amnesty International France recommande auxautoritĂ©s françaises de :

‱ prĂ©voir leur dotation financiĂšre Ă  une hauteur suffisantepour leur permettre de travailler et de former leur per-sonnel

‱ s’assurer que les victimes qui le souhaitent aient la pos-sibilitĂ© de communiquer avec des membres fĂ©minins deces services spĂ©cialisĂ©s.

7. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises que les référents locaux violences conju-gales, tels que prévus par la circulaire SDFE/DPS no2008-159 du 14mai 2008« relative à lamise en place de ré-férents pour les femmes victimes de violences au sein ducouple », soient effectivement mis en place sur tout le ter-ritoire.

8. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises d’identifier et de labelliser dans chaque dĂ©-partement au moins un lieu d’accueil de jour.

9. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises de :

‱ inclure une dĂ©finition de l’incapacitĂ© totale de travail (ITT)dans le code pĂ©nal

‱ former les professionnels de santĂ© au repĂ©rage, Ă  l’ac-cueil des femmes victimes de violences et Ă  la rĂ©dactiondes certificats mĂ©dicaux relevant une ITT

‱ dĂ©velopper la diffusion des guides d’aide Ă  la prise encharge des victimes et Ă  la rĂ©daction des certificats mĂ©-dicaux auprĂšs de tous les professionnels de santĂ©

‱ mettre en place des rĂ©fĂ©rents « violence » dans les ser-vices d’urgence et dĂ©finir des protocoles de prise encharge des victimes.

Recommandations

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 43

10. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer de l’application effective desinstructions gĂ©nĂ©rales de politique pĂ©nale en matiĂšre deviolences faites aux femmes.

11. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer qu’à l’instar des procĂšs verbauxde renseignement judiciaire, les mains courantes soienttransmises systĂ©matiquement aux parquets et que le dĂ©pĂŽtd’une main courante ou d’un procĂšs verbal de renseigne-ment judiciaire s’accompagne systĂ©matiquement d’uneorientation vers les associations spĂ©cialisĂ©es.

12. Amnesty International France enjoint aux autoritĂ©sfrançaises de s’assurer d’une mise en place effective de lacirculation de l’information entre les juridictions pĂ©nales etciviles.

13. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer que :

‱ lamĂ©diation pĂ©nale ne soit pas utilisĂ©e dans les situationsoĂč elle n’est pas adaptĂ©e, notamment lorsque:

Il existe des prĂ©cĂ©dents faits de violences, quels qu’ensoient le contexte, la gravitĂ© et la victime

Il existe des violences graves ou répétées entre conjoints,concubins ou personnes liées par un pacte civil de solidarité

L’auteur est dans une attitude de dĂ©ni quant aux faits re-prochĂ©s ;

L’auteur est d’une dangerositĂ© particuliĂšre (rĂ©itĂ©ration ougravitĂ© des faits et de leurs consĂ©quences)

La victime ou l’auteur sont opposĂ©s Ă  la mesure

La victime paraßt particuliÚrement traumatisée par la si-tuation

Une procédure de divorce est en cours (car la possibilité deparvenir à un accord paraßt compromise dÚs lors que lemisen cause et la victime sont en conflit parallÚle dans une pro-cédure civile)

‱ lesmĂ©diateurs soient systĂ©matiquement formĂ©s Ă  la spĂ©-cificitĂ© du contentieux des violences au sein du couple

‱ le guide de l’action publique soit systĂ©matiquement dif-fusĂ© et que les recommandations qu’il contient soientmises en Ɠuvre de maniĂšre effective par les servicesconcernĂ©s.

14. Amnesty International France invite les parlementairesĂ  adopter la disposition de la proposition de loi « renforçantla protection des victimes et la prĂ©vention et la rĂ©pressiondes violences faites aux femmes » proposant d’étendre laprocĂ©dure d’éviction du domicile de l’auteur des violences,prĂ©vue Ă  l’article 220-1 du code civil, actuellement applica-ble aux conjoints, aux personnes liĂ©es par un pacte civil desolidaritĂ© et aux concubins quand ils sont copropriĂ©tairesou cotitulaires du bail du logement commun.

15. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer que le dispositif d’éviction dudomicile de l’auteur des violences prĂ©vu par la loi est rĂ©el-lement mis en Ɠuvre sur tout le territoire.

16. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises que au cas oĂč le recours Ă  la surveillanceĂ©lectronique serait appliquĂ© dans le cadre des violences ausein du couple, il soit prĂ©vu par la loi et soit soumis aucontrĂŽle d'une autoritĂ© judiciaire.

17. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises d’amĂ©liorer la prise en charge des auteursde violences, de l’intĂ©grer Ă  la logique de l’action de l’Étatdans la lutte contre les violences faites aux femmes et des’assurer que :

‱ l’accueil des auteurs de violences dans des structuresd’hĂ©bergement et d’accompagnement financĂ©es par l’Étatest gĂ©nĂ©ralisĂ©.

18. Amnesty International France incite les autoritĂ©s fran-çaises Ă  mettre en Ɠuvre des politiques pĂ©nales spĂ©ci-fiques pour lutter contre les violences faites aux femmes etrecommande d’inciter les parquets gĂ©nĂ©raux Ă  progresservers l’harmonisation des politiques pĂ©nales sur tout le ter-ritoire.

19. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises :

‱ d’accorder, sauf menace pour l’ordre public, le renouvel-lement du titre de sĂ©jour des femmes qui cessent la com-munautĂ© de vie parce qu’elles sont victimes de violencesconjugales.

‱ d’accorder un titre de sĂ©jour aux personnes en situationirrĂ©guliĂšre qui portent plainte pour violences au sein ducouple.

‱ de dĂ©signer des interlocuteurs rĂ©fĂ©rents au sein des prĂ©-fectures, spĂ©cifiquement formĂ©s, pour orienter et accom-pagner les femmes Ă©trangĂšres victimes de violence ausein du couple.

Pour amĂ©liorer l’organisation et la coordination desmoyens pour lutter contre les violences faites auxfemmes

20. Amnesty International France souhaite une meilleurecapacitĂ© de mobilisation des acteurs et recommande auxautoritĂ©s que les groupes thĂ©matiques dĂ©diĂ© aux violencesintrafamiliales et aux violences faites aux femmes tels queprĂ©vus par les mesures 46 et 47 du Plan national de prĂ©-vention de la dĂ©linquance et d’aide aux victimes 2010-2012soient rĂ©ellement mis en place au sein des conseils dĂ©par-tementaux de prĂ©vention de la dĂ©linquance (C.D.P.D.) etqu’ils fonctionnent de façon efficace en faisant intervenirdans leur mise en Ɠuvre les dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et leschargĂ©es de missions dĂ©partementales aux droits desfemmes et Ă  l’égalitĂ©.

21. Amnesty International France recommande aux autori-tés de :

‱ renforcer les moyens allouĂ©s Ă  la plate forme tĂ©lĂ©pho-nique du numĂ©ro d’appel national 3919 « violences conju-gales infos »

‱ pĂ©renniser le financement des structures associatives aumoyen de conventions pluriannuelles d’objectifs et demoyens.

Pour faire Ă©voluer le droit

22. Concernant les ordonnances de protection des victimesde violence au sein du couple, Amnesty International Francerecommande aux autorités françaises que la législationprévoit que :

‱ des ordonnances de protection puissent ĂȘtre dĂ©livrĂ©estant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dans les procĂ©duresciviles et Ă©galement en dehors de telles procĂ©dures

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire44

‱ le dĂ©roulement de la procĂ©dure fasse primer la sĂ©curitĂ©de la victime sur toute considĂ©ration notamment liĂ©e Ă des biens

‱ dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance de protec-tion, le juge convoque pour une audition la partie deman-deresse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, le cas Ă©chĂ©ant, d’unavocat et le ministĂšre public dans un dĂ©lai trĂšs bref

‱ aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant de mĂ©decins, dela police, ou autre – ne soit nĂ©cessairement exigĂ©e pour ladĂ©livrance d’une ordonnance

‱ le non respect des ordonnances de protection constitueune infraction pĂ©nale.

23. Dans le cadre d’une modification du droit en vigueur,Amnesty International France recommande aux autoritĂ©sfrançaises que la lĂ©gislation prĂ©voit que soient pris encompte et rĂ©primĂ©s:

‱ le caractĂšre rĂ©pĂ©tĂ© des violences physiques et/ou psy-chologiques

‱ les consĂ©quences de ces violences sur les conditions devie de la victime, sur le respect et la jouissance de sesdroits fondamentaux, de sa dignitĂ© et sur son Ă©tat de santĂ©physique ou mentale.

LES MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES (MSF)

24. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises de :

‱ renforcer et systĂ©matiser la formation initiale et continuedes professionnels (professionnels de santĂ©, magistrats,travailleurs sociaux, personnels de la police et de la gen-darmerie nationale, acteurs associatifs, agents des ser-vices de l’emploi et agents d’accueil des collectivitĂ©slocales) sur la question des mutilations sexuelles fĂ©mi-nines pour mieux orienter, accompagner et protĂ©ger lesvictimes

‱ intensifier son action d’information et de sensibilisationen multipliant et en pĂ©rennisant les campagnes d’infor-mation et de sensibilisation concernant les mutilationssexuelles fĂ©minines

‱ informer les futurs migrants, par le biais des servicesconsulaires et ambassades français dans les pays d’ori-gine, et les primo arrivants lors de leur arrivĂ©e en France,sur la plate forme d’accueil

‱ mettre en place unmĂ©canisme efficace, en rĂ©flexion avecles associations, pour les filles ĂągĂ©es de plus de 6 ans enĂ©laborant un questionnaire Ă  utiliser par les profession-nels qui sont en contact avec des filles susceptibles d’ĂȘtresoumises aux MSF

‱ favoriser la coopĂ©ration entre les structures françaiseset les structures dans les pays d’origine luttant contre lesMSF

‱ gĂ©nĂ©raliser l’octroi de dommages et intĂ©rĂȘts au titre dela rĂ©paration civile des MSF

‱ favoriser la visibilitĂ© des condamnations pĂ©nales pourcrime de MSF en instituant auprĂšs des greffes des tribu-naux un codage spĂ©cifique pour les dĂ©cisions rendues enmatiĂšre de MSF.

25. Concernant les ordonnances de protection des victimesdemutilations sexuelles féminines, Amnesty InternationalFrance recommande aux autorités françaises que la légis-lation prévoit que :

‱ des ordonnances de protection puissent ĂȘtre dĂ©livrĂ©estant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dans les procĂ©duresciviles et Ă©galement en dehors de telles procĂ©dures

‱ le dĂ©roulement de la procĂ©dure fasse primer la sĂ©curitĂ©de la victime sur toute considĂ©ration notamment liĂ©e Ă des biens

‱ dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance de protec-tion, le juge convoque pour une audition la partie deman-deresse, la partie assignĂ©e, assistĂ©es, le cas Ă©chĂ©ant, d’unavocat et le ministĂšre public dans un dĂ©lai trĂšs bref

‱ aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant de mĂ©decins, dela police, ou autre – ne soit nĂ©cessairement exigĂ©e pour ladĂ©livrance d’une ordonnance

‱ le non respect des ordonnances de protection constitueune infraction pĂ©nale.

LA LUTTE CONTRE LES MARIAGES FORCÉS

26. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises de :

‱ mener une politique de prĂ©vention coordonnĂ©e au niveaunational en effectuant notamment une Ă©tude en profon-deur de ce phĂ©nomĂšne et en adoptant une politique desensibilisation et de formation des professionnels (tra-vailleurs sociaux, personnels de l’Éducation nationale,membres des services de police et de gendarmerie, offi-ciers d’état civil) pour les impliquer dans le dĂ©veloppe-ment d’une stratĂ©gie de prĂ©vention des mariages forcĂ©s,fondĂ©e sur l’égalitĂ© des filles et des garçons

‱ intensifier son action d’information et de sensibilisationnotamment en multipliant les campagnes d’informationet de sensibilisation, et en pĂ©rennisant leur durĂ©e

‱ multiplier les campagnes d’information et de prĂ©ventiondans les Ă©coles, collĂšges et lycĂ©es et les Ă©tendre Ă  leursfamilles pour renforcer la prĂ©vention desmariages forcĂ©s

‱ mettre en place des structures d’accueil d’urgence per-mettant d’écouter, prendre en charge et hĂ©berger despersonnes qui risquent d’ĂȘtre mariĂ©es de force, et lesprotĂ©geant de la pression des tiers et d’éventuels enlĂš-vements

‱ pĂ©renniser les subventions accordĂ©es aux associationsluttant contre le mariage forcĂ©

‱ crĂ©er une structure interministĂ©rielle spĂ©cialisĂ©e dans laprĂ©vention dumariage forcĂ© et l’accompagnement des vic-times qui aurait pour fonction de centraliser, organiser etsystĂ©matiser les signalements faits par les travailleurssociaux, les associations et les Ă©tablissements scolaires

‱ mettre en place des rĂ©fĂ©rents dans les ambassades etconsulats français spĂ©cifiquement formĂ©s sur la questiondes mariages forcĂ©s.

27. Concernant les ordonnances de protection des victimesde mariage forcé, Amnesty International France recom-mande que la législation prévoie que :

‱ des ordonnances de protection peuvent ĂȘtre dĂ©livrĂ©estant dans les procĂ©dures pĂ©nales que dans les procĂ©duresciviles et Ă©galement en dehors de telles procĂ©dure.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 45

‱ la procĂ©dure fasse primer la sĂ©curitĂ© de la victime surtoute considĂ©ration liĂ©e Ă  des biens ou autres

‱ dĂšs la rĂ©ception de la demande d’ordonnance de protec-tion, le juge convoque pour une audition la partie deman-deresse, la partie assignĂ©e, assistĂ©e, le cas Ă©chĂ©ant, d’unavocat et le ministĂšre public dans un dĂ©lai trĂšs bref

‱ le tĂ©moignage en personne ou une dĂ©claration orale ouĂ©crite sous serment Ă©manant de la victime constitue unepreuve suffisante pour la dĂ©livrance d’une ordonnance deprotection

‱ aucune preuve indĂ©pendante – Ă©manant de mĂ©decins, dela police, ou autre – ne soit exigĂ©e pour la dĂ©livranced’une ordonnance aprĂšs que la plaignante/survivante atĂ©moignĂ© en personne ou fait une dĂ©claration orale ouĂ©crite sous serment.

‱ le non respect des ordonnances de protection constitueune infraction pĂ©nale.

28. Pour renforcer la lutte contre les mariages forcĂ©s, Am-nesty International France recommande aux autoritĂ©s fran-çaises de rĂ©primer le fait d’exercer sur autrui toute formede contrainte ayant pour but de lui faire contracter un ma-riage ou de conclure une union sans son consentement libreet, par dĂ©rogation aux dispositions de l’article 113-7 ducode pĂ©nal , d’étendre la lĂ©gislation française aux cas demariage ou d’union forcĂ©s commis Ă  l’étranger sur des per-sonnes rĂ©sidant de maniĂšre habituelle en France.

LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

29. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises d’adopter les mesures nĂ©cessaires pour as-surer la coordination de la politique nationale de luttecontre la traite des ĂȘtres humains en mettant en place unestructure nationale de coordination.

30.Amnesty International France recommandeauxautoritĂ©sde procĂ©der, avec les moyens nĂ©cessaires, Ă  la collecte et Ă l'Ă©tude des donnĂ©es sur le phĂ©nomĂšne de la traite des ĂȘtreshumains en France et de rendre ces informations publiques.

Pour mieux identifier les victimesde la traite des ĂȘtres humains

31. Amnesty International France demande aux autoritĂ©sde concevoir et de mettre en Ɠuvre une stratĂ©gie efficacequi permette l’identification et la protection des personnesvictimes de la traite des ĂȘtres humains, notamment en :

‱ considĂ©rant une personne comme victime Ă  partir dumo-ment oĂč il existe desmotifs raisonnables de croire qu’elleest ou a Ă©tĂ© victime de la traite.

‱ mettant en place un dispositif national d’identification desvictimes

‱ s’assurant que les personnes et autoritĂ©s compĂ©tentes enlien avec les victimes soient qualifiĂ©es et reçoivent uneformation adaptĂ©e concernant l’identification et la pro-tection des victimes.

Pour renforcer la protection et l’assistancedes victimes de la traite des ĂȘtres humains

32. Amnesty International France demande aux autoritĂ©sfrançaises de garantir que l’accĂšs au sĂ©jour et aux droits qui

en dĂ©coulent ne soit pas subordonnĂ© au dĂ©pĂŽt d’une plainteou au tĂ©moignage des victimes de la traite d’ĂȘtres humainsdans le cadre de poursuites pĂ©nales intentĂ©es contre leurstrafiquants prĂ©sumĂ©s.

33. Amnesty International France demande aux autoritĂ©sfrançaises de prolonger le dĂ©lai de rĂ©tablissement et de rĂ©-flexion Ă  trois mois minimum et de s’assurer et de garantirque les victimes de la traite puissent bĂ©nĂ©ficier, sans condi-tion, d’un permis de sĂ©jour de six mois minimum renouve-lable.

34. Amnesty International France recommande aux autori-tés françaises de :

‱ S’assurer que les victimes Ă©trangĂšres de la traite nesoient pas sanctionnĂ©es pour des faits, notamment le ra-colage et le sĂ©jour irrĂ©gulier, rĂ©sultant de l’exploitationdont elles sont victimes.

‱ Offrir assistance et protection Ă  toute personne victimede la traite se trouvant sur le territoire français, notam-ment en lui garantissant l'accĂšs Ă  un hĂ©bergement sĂ»r etprotĂ©gĂ©, Ă  une assistancematĂ©rielle et Ă  des soins et trai-tements mĂ©dicaux et psychologiques, tout en exigeantque ces services soient fournis sur la base du consente-ment Ă©clairĂ©, de maniĂšre Ă  respecter la dignitĂ© et l’inti-mitĂ© de la personne.

‱ S’assurer et garantir que les victimes de la traite puissentobtenir rĂ©paration, notamment sous la forme d'une in-demnisation.

Pour prendre en compte la situation de victime de la traitedes ĂȘtres humains dans le cadre de l’examen desdemandes de protection au titre de l’asile

35. Amnesty International France demande aux autoritĂ©sfrançaises demodifier les dispositions de la circulaire du 5fĂ©vrier 2009, sans limiter le droit de solliciter l’asile au seuldroit de demander la protection au titre de la protectionsubsidiaire.

36. Amnesty International France demande aux autoritĂ©sde s’assurer que les personnes et autoritĂ©s compĂ©tentesdans l’examen des demandes d’asile soient sensibilisĂ©es,formĂ©es et qualifiĂ©es pour identifier une victime de la traitedes ĂȘtres humains.

37. Amnesty International France recommande aux autori-tĂ©s françaises de s’assurer que la dĂ©livrance du titre de sĂ©-jour prĂ©vu par l’article L.316-1 du CESEDA est sansprĂ©judice du droit de demander l’asile et d’en bĂ©nĂ©ficier.

38. Amnesty International France recommande Ă  l’Officefrançais de protection des rĂ©fugiĂ©s et apatrides et Ă  la Cournationale du droit d’asile d’examiner les demandes de pro-tection au titre de l’asile des victimes de la traite au regarddes Principes directeurs duHaut commissariat aux rĂ©fugiĂ©sdes Nations Unies sur la protection internationale des vic-times de la traite et des personnes risquant d’ĂȘtre victimesde la traite.

Amnesty International France recommande Ă©galementl’adoption par l’OFPRA de lignes directrices intĂ©grant laproblĂ©matique de la traite des ĂȘtres humains dans le cadrede la procĂ©dure d’asile et permettant donc une harmonisa-tion des pratiques.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire46

1 Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple, AnnĂ©e2008, ministĂšre de l’IntĂ©rieur, DĂ©lĂ©gation aux victimes, octobre 2009.2 Les chiffres clĂ©s 2008 de l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes,publiĂ© par le Service du Droit des Femmes et de l’EgalitĂ© (SDFE).3A AssemblĂ©e nationale, Commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examiner laproposition de loi renforçant la protection des victimes et la prĂ©ventionet rĂ©pression des violences faites aux femmes.3B Rapport fait au nom de la commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examinerla proposition de loi (n° 2121) de Madame Danielle Bousquet, Mon-sieur Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collĂšgues renforçant la pro-tection des victimes et la prĂ©vention et la rĂ©pression des violencesfaites aux femmes, par Monsieur Guy Geoffroy, 10 fĂ©vrier 2010.4 Commission spĂ©ciale de l’AssemblĂ©e nationale, Madame MichĂšleAlliot-Marie, Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertĂ©s,audition du 27 janvier 2010, p.7.5 Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple, AnnĂ©e2008, ministĂšre de l’IntĂ©rieur, DĂ©lĂ©gation aux victimes, octobre 2009.6 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.106.7 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.96.8 DeuxiĂšme plan global triennal (2008-2010), « Douze objectifs pourcombattre la violence faite aux femmes », p.9, ministĂšre du Travail,des Relations sociales et de la SolidaritĂ©, SecrĂ©tariat d’État Ă  la So-lidaritĂ©.9 Guide de l’action publique. La lutte contre les violences au sein ducouple, Septembre 2008 ; Lutter contre la violence au sein du cou-ple : le rĂŽle des professionnels, juin 2006. ; Les associations et la luttecontre les violences au sein du couple. Guide mĂ©thodologique, no-vembre 2006. ; Le guide des droits des victimes, septembre 2007.10 Discours du premier ministre Ă  l’occasion de la JournĂ©e internatio-nale pour l’élimination de la violence Ă  l’égard des femmes, 25 no-vembre 2009, p.3.11 Madame ValĂ©rie LĂ©tard, SecrĂ©taire d’État Ă  la SolidaritĂ©, Discoursde lancement de la campagne, 2 octobre 2008.12 Un court mĂ©trage - « La voix » - conçu par l’agence DDB et rĂ©alisĂ©par Jacques Audiard. Ce film de 30 secondes a Ă©tĂ© diffusĂ© sur l’en-semble des chaĂźnes hertziennes, TF1, France TĂ©lĂ©visions, Canal+,M6 et sur les chaĂźnes de la TNT, TMC, NT1, W9, BFM TV, Direct 8,France 4, TV5, Voyage, Discovery Channel, National GĂ©ographic,TVB, NRJ 12.TF1, France TĂ©lĂ©visions et M6 ont offert des espaces gratuits de dif-fusion sur leur antenne afin que ce film soit vu par le plus grand nom-bre de tĂ©lĂ©spectateurs.13 Pour que les droits deviennent rĂ©alitĂ©. Les États ont le devoir decombattre la violence contre les femmes, Amnesty International,2004.14 Recommandation Rec (2002) du ComitĂ© des ministres aux Étatsmembres du Conseil de l’Europe sur la protection des femmes contreles violences adoptĂ©e le 30 avril 2002.15 ComitĂ© pour l’élimination de la discrimination Ă  l’égard des femmes,Recommandation gĂ©nĂ©rale n°19 (paragraphe 24-d).16 Observations finales sur le rapport de la France, ComitĂ© pour l’éli-mination de la discrimination Ă  l’égard des femmes, 8 avril 2008.17 Rapport sur l’image des femmes dans les mĂ©dias, Commission de

rĂ©flexion sur l’image des femmes dans les mĂ©dias, 25 septembre2008.18 Ainsi, la loi du 29 juillet 1881 relative Ă  la libertĂ© de la presse rĂ©primeexpressĂ©ment la provocation Ă  la haine ou Ă  la violence ainsi que l’in-sulte « Ă  l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes Ă  rai-son de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».Il en va de mĂȘme pour la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 relative auxpublications destinĂ©es Ă  la jeunesse qui rĂ©prime expressĂ©ment lesreprĂ©sentations « prĂ©sentant sous un jour favorable [
] la dĂ©baucheou tous actes qualifiĂ©s crimes ou dĂ©lits ou de nature Ă  dĂ©moraliserl’enfance ou la jeunesse » ou revĂȘtant « un caractĂšre licencieux oupornographique » La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă la libertĂ© de communication, quant Ă  elle, vise Ă  garantir « la protec-tion de l’enfance et de l’adolescence » et le « respect de la dignitĂ© dela personne ».19 Article 13 de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27novembre 2009.

I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă  la libertĂ© decommunication est ainsi modifiĂ©e :1° Au dernier alinĂ©a de l’article 42, les mots : « et les associations fa-miliales » sont remplacĂ©s par les mots : « les associations familialeset les associations de dĂ©fense des droits des femmes ».2° Au dernier alinĂ©a de l’article 48-1, les mots : « et les associationsfamiliales reconnues par l’Union nationale des associations familiales» sont remplacĂ©s par les mots : «, les associations familiales recon-nues par l’Union nationale des associations familiales et les associa-tions de dĂ©fense des droits des femmes ».II. – Le premier alinĂ©a de l’article 2 de la loi n° 49-956 du 16 juillet1949 sur les publications destinĂ©es Ă  la jeunesse est complĂ©tĂ© parles mots : « ou sexistes ».

20 Article 14 de la proposition de loi du 27 novembre 2009I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă  la libertĂ© decommunication est ainsi modifiĂ©e :1° La deuxiĂšme phrase du premier alinĂ©a du III de l’article 33-1 estcomplĂ©tĂ©e par les mots : « Ă  raison de la diffusion de toutes formesde contenu audiovisuel faisant l’apologie des crimes contre l’huma-nitĂ©, valant incitation Ă  la haine raciale, Ă  la violence, notamment laviolence faite aux femmes, ou vĂ©hiculant des reprĂ©sentations portantatteinte Ă  la dignitĂ© de la personne humaine. »2° Au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 43-9, aprĂšs le mot : « haine », sontinsĂ©rĂ©s les mots: « ou Ă  la violence »,II. – Au troisiĂšme alinĂ©a du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numĂ©rique, aprĂšsle mot : « violence », sont insĂ©rĂ©s les mots : «, notamment l’incitationaux violences faites aux femmes ».21 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, page 82.22 Rapport d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre lesviolences faites aux femmes, page 4.23 « Article 3I. – AprĂšs l’article L. 312-17 du code de l’éducation, il est insĂ©rĂ© un ar-ticle L. 312-17-1 ainsi rĂ©digĂ© :« Art. L. 312-17-1. – Une information sur le respect mutuel et l’égalitĂ©entre les sexes est dispensĂ©e dans les Ă©coles, collĂšges et les lycĂ©esĂ  raison d’au moins une sĂ©ance mensuelle. Ces sĂ©ances peuvent as-socier les personnels contribuant Ă  la rĂ©pression des violences conju-gales et Ă  l’aide aux victimes, ainsi que d’autres intervenantsextĂ©rieurs. »24 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.88.

Annotationsdebasdepages

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 47

25 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition du Dr PatriciaVienne, inspectrice gĂ©nĂ©rale des affaires sociales le 17 fĂ©vrier 2009,p.8.26 Rapport parlementaire, Tome II, audition de Monsieur Philippe deLagune, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du comitĂ© interministĂ©riel de prĂ©ventionde la dĂ©linquance le 3 juin 2009.27 L’article 11 de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27novembre 2009 propose d’insĂ©rer dans le code de l’action sociale etdes familles un article L. 215-5 ainsi rĂ©digĂ© : « Art. L. 215-5. – LesmĂ©decins, les personnels mĂ©dicaux et paramĂ©dicaux, les travailleurssociaux, les magistrats, les personnels de l’Éducation nationale, lespersonnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs et les person-nels de la police et de la gendarmerie reçoivent une formation initialeet continue, en partie commune aux diffĂ©rentes professions et insti-tutions, en matiĂšre de prĂ©vention et de prise en charge des violencesfaites aux femmes. »28 Article 4 de la proposition de loi du SĂ©nat du 25 novembre 2009.« Les mĂ©decins, ainsi que l’ensemble des personnels mĂ©dicaux etparamĂ©dicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les avocats etles personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationalereçoivent une formation initiale et continue propre Ă  leur permettred’assister les victimes de violences conjugales et de prendre les me-sures nĂ©cessaires de prĂ©vention et de protection qu’elles appellent.Cette formation est dispensĂ©e dans des conditions fixĂ©es par dĂ©-cret. »29 Guide de l’action publique. La lutte contre les violences au sein ducouple, Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre2008, p.12.30 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, audition de MmeMaryvonne Chapalain, commandant fonctionnel de la DĂ©lĂ©gation auxvictimes de la direction gĂ©nĂ©rale de la police nationale le 10 fĂ©vrier2009.31 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, audition de MmeKarine Lejeune, Capitaine de gendarmerie, DĂ©lĂ©gation aux victimes32 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, audition de Mon-sieur Michel Ribeiro, Commissaire divisionnaire le 17 fĂ©vrier 2009.33 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, audition de MmeMaryvonne Chapalain, commandant fonctionnel de la DĂ©lĂ©gation auxvictimes de la direction gĂ©nĂ©rale de la police nationale le 10 fĂ©vrier2009.34 DĂ©lĂ©gation aux victimes du ministĂšre de l’IntĂ©rieur. Entretien avecAmnesty International France le 26 novembre 2009.35 Amnesty International. Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, p.93.36 École nationale de la magistrature, Programme pĂ©dagogique For-mation initiale, promotion 2009, page 4837 Ibid, p.48.38 Ibid, p.39.39 Entretien Amnesty International France du 16 novembre 2009 avecAgnĂšs Le Monnyer, vice-prĂ©sidente du Tribunal de grande instancede Toulouse.40 Quatre coordinateurs sont dĂ©jĂ  recrutĂ©s dans les cours d’appel deBordeaux, Douai, Lyon et Rennes, ibid. p.27 Ă  35.41 Pour que les droits deviennent rĂ©alitĂ©. Les États ont le devoir decombattre la violence contre les femmes. Amnesty International, do-cument public, index Act 77/049/2004, p.36.

42 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p20.43 « Depuis 2005, la mise en place d’un rĂ©fĂ©rent est systĂ©matiquedans chaque communautĂ© de brigade ou brigade autonome de gen-darmerie. Ce rĂ©fĂ©rent est formĂ© et informĂ© sur tous les partenariats ettous les dispositifs existants sur le territoire. » Rapport parlementairedu 7 juillet 2009, Tome II, Audition de Madame Karine Lejeune, Capi-taine de gendarmerie, DĂ©lĂ©gation aux victimes du ministĂšre de l’IntĂ©-rieur, 26 mai 2009.44 Dans le cadre du plan national de la prĂ©vention de la dĂ©linquanceet d'aide aux victimes, 129 intervenants sociaux ont Ă©tĂ© installĂ©s dansles commissariats de police et les unitĂ©s de gendarmerie (69 pour laPolice nationale et 40 pour la Gendarmerie). Chiffres donnĂ©s par laDĂ©lĂ©gation aux victimes du ministĂšre de l’IntĂ©rieur le 30 dĂ©cembre2009.45 Le 25 mai 2005 le ministĂšre de l'IntĂ©rieur a signĂ© une conventionavec l'institut national d'aide aux victimes et de mĂ©diation (INAVEM)pour la mise en place de points d'accueil dans les commissariats etbrigades de gendarmerie assurĂ©s par des associations d'aide aux vic-times.Le 7 mars 2006, le ministre de l’IntĂ©rieur a signĂ© une convention na-tionale avec la FĂ©dĂ©ration nationale solidaritĂ© femmes (FNSF) et leCentre national d'information aux droits des femmes (CNIDF) afind'amĂ©liorer la prise en charge et l'accompagnement des femmes vic-times de violence dans les services de police et de gendarmerie.46 Chiffres fournis par la DĂ©lĂ©gation aux victimes du ministĂšre de l’In-tĂ©rieur le 30 dĂ©cembre 2009.47 Bonneville, Bourg-en-Bresse, Cambrai, ChĂąteauroux, Lille, Lyon,Marseille, Mulhouse, NĂźmes, Pau, Quimper, Sables- d’Olonne, Sen-lis.48 Document de politique transversale, Projet de Loi de finances pour2010, politique de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, p.29.49 Union syndicale des magistrats. Rachida DATI, une justice sacca-gĂ©e ! Juin 2009.50 La circulaire du secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du comitĂ© interministĂ©riel de prĂ©-vention de la dĂ©linquance, en date du 21 fĂ©vrier 2008 et relative auxorientations du Fonds interministĂ©riel de prĂ©vention de la dĂ©linquance(FIDP) pour 2008, jointe en annexe II, mentionne ainsi explicitement,parmi les actions Ă©ligibles au FIPD (cf. point 2.2.2 de la circulaire), lapossibilitĂ© de « contribuer au financement d’un poste d’acteur local rĂ©-fĂ©rent dans le cadre du deuxiĂšme global triennal (2008-2010) destinĂ©Ă  combattre les violences faites aux femmes », sachant que « l’aideaux victimes de ces violences [...] constitue un autre domaine d’in-tervention privilĂ©giĂ© du FIPD ».51 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.277.52 Entretien Amnesty International France avec Madame ElisabethTomĂ©, chef du Service des droits des femmes et de l'Ă©galitĂ©, le 4 jan-vier 2010.53 Guide pratique « Lutter contre la violence au sein du couple. LerĂŽle des professionnels. » Ă©ditĂ© par le MinistĂšre de l’emploi, de la co-hĂ©sion sociale et du logement. MinistĂšre dĂ©lĂ©guĂ© Ă  la cohĂ©sion so-ciale et Ă  la paritĂ© et le Service des droits des femmes et de l’égalitĂ©.Juin 2006.54 La circulaire DH/AF1/98 N°137 du 27 fĂ©vrier 1998 prĂ©cise les mo-dalitĂ©s de crĂ©ation des UMJ.55 Entretien d’Amnesty International France du 7 dĂ©cembre 2009 avecle professeur Proust, directeur du CASA de Rouen.

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire48

56 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.94.57 Entretien Amnesty International France du 7 dĂ©cembre avec le pro-fesseur Proust, directeur du CASA de Rouen.58 Entretien Amnesty International France du 29 janvier 2010 avecCĂ©cile Morvant, mĂ©decin lĂ©giste, spĂ©cialisĂ© dans les violences contreles femmes.59 Id60 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Monsieur Jean-Marie Huet, audition du 27 janvier 2009.61 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.61.62 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p. 54.63 Article 132-80 du code pĂ©nal.64 Article 221-4, 11° du code pĂ©nal.65 Article 222-24, 11° du code pĂ©nal.66 Article 222-28, 7° du code pĂ©nal.67 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Audition du 13 janvier 2009de M. Luc FrĂ©miot, procureur de la RĂ©publique prĂšs le Tribunal degrande instance de Douai, p.1.68 Circulaire prĂ©sentant les dispositions de droit pĂ©nal et de procĂ©-dure pĂ©nale de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prĂ©-vention et la rĂ©pression des violences au sein du couple ou commisescontre les mineurs CRIM 2006-10 E8/19-04-2006 NOR :JUSD0630054C.69 Ibid.

70 PrĂ©vention et lutte contre les violences faites aux femmes. Discoursde Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.20 mai 2009.71 Guide de l’action publique. La lutte contre les violences au sein ducouple, Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre2008, p.11.72 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition du 12 mai 2009.73 Guide de l’action publique. La lutte contre les violences au sein ducouple, Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre2008, p 24.74 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition du 10 fĂ©vrier 2009.75 Guide de l’action publique. La lutte contre les violences au sein ducouple, Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre2008, p.16.76 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.54.77 Guide de l’action publique, La lutte contre les violences au sein ducouple, Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre2008, p.48.78 Ibid, p.48.79 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.133.80 Ibid., p.133.81 Article 220-1, alinĂ©a 3 du Code civil.

82 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.25.83 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.216.84 Article 9 de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 no-vembre 2009.AprĂšs le chapitre II du titre XIII du livre premier du code civil, il est in-sĂ©rĂ© un chapitre III ainsi rĂ©digĂ© :CHAPITRE IIIDispositions communes« Art. L. 515-9. – Le troisiĂšme alinĂ©a de l’article 220-1 est applicableaux partenaires liĂ©s par un pacte civil de solidaritĂ© et aux concubinsqui sont copropriĂ©taire du logement commun ou cotitulaire du bailde ce logement. Les mesures prises sur ce fondement sont caduquesĂ  l’expiration d’un dĂ©lai de quatre mois Ă  compter de leur prononcĂ©.»85 La lutte contre les violences au sein du couple : Guide de l’actionpublique. Septembre 2008, p.9.86 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.135.87 Rapport d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre lesviolences faites aux femmes, Juillet 2008, page 4.88 « Des conventions ou protocoles d’accueil doivent ĂȘtre signĂ©s parles chefs de juridiction, le prĂ©fet, les reprĂ©sentants des collectivitĂ©sterritoriales, les services sociaux et les associations. » Guide de l’ac-tion publique, La lutte contre les violences au sein du couple, Direc-tion des Affaires Criminelles et des GrĂąces, Septembre 2008, p 9.89 Amnesty International, Migrants en situation irrĂ©guliĂšre et deman-deurs d’asile: des solutions pour Ă©viter la dĂ©tention. Index AI : POL33/001/2009, avril 2009.90 Ibid, P.138.91 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.75, 76.92 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.23.93 Rapport au Parlement relatif Ă  la politique nationale de lutte contreles violences au sein du couple, mars 2009, p.24.94 Auteurs de violences au sein du couple. Prise en charge et prĂ©-vention. Rapport du groupe de travail animĂ© par le Docteur RolandCoutenceau, mars 2006.95 Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple, AnnĂ©e2008, ministĂšre de l’IntĂ©rieur, DĂ©lĂ©gation aux victimes, octobre 2009,p .8.96 Article. 222-48-1 du Code pĂ©nal.97 Rapport d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre lesviolences faites aux femmes, juillet 2008, p.26.98 La politique pĂ©nale est constituĂ©e de l’ensemble des orientationsgĂ©nĂ©rales donnĂ©es par le procureur de la RĂ©publique relatives au trai-tement des infractions sur le ressort d’un tribunal de grande instanceen fonction des nĂ©cessitĂ©s de l’ordre public. Ces orientations sontmatĂ©rialisĂ©es par des directives donnĂ©es aux magistrats du parquetainsi qu’aux services de police et aux unitĂ©s de la gendarmerie.99 Rapport d’information dĂ©posĂ© en application de l’article 86, alinĂ©a8, du rĂšglement par la commission des lois constitutionnelles, de la lĂ©-gislation et de l’administration gĂ©nĂ©rale de la rĂ©publique sur la miseen application de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prĂ©-vention et la rĂ©pression des violences au sein du couple ou commisescontre les mineurs, et prĂ©sentĂ© par MM. Guy Geoffroy et Serge Blisko

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 49

dĂ©putĂ©s, 11 dĂ©cembre 2007, p21, 22.100 Rapport sur l'Ă©valuation du plan global 2005 – 2007 de lutte contreles violences faites aux femmes, juillet 2008, p.25.101 La lutte contre les violences au sein du couple : Guide de l’actionpublique. Septembre 2008, p.3.102 Observatoire de la paritĂ© entre les femmes et les hommes. Faut-ilencore faire Ă©voluer les lois concernant les violences Ă  l’égard desfemmes au sein du couple ? FĂ©vrier 2009, p.4.103 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.226.104 Ibid., p.226.105 Rapport d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre lesviolences faites aux femmes, juillet 2008, p.24.106 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.74.107 Le vol entre Ă©poux a Ă©tĂ© pĂ©nalisĂ© par la loi du 4 avril 2006, quipunit le vol de papiers d’identitĂ©. Cette pratique empĂȘchait de nom-breuses femmes de dĂ©poser plainte. De plus, un article L. 313-12 aĂ©tĂ© insĂ©rĂ© dans le Code de l'entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et dudroit d'asile et prĂ©voit le renouvellement du titre de sĂ©jour du conjointde Français quand bien mĂȘme la condition de la communautĂ© de vien’est plus remplie s’il est victime de violences conjugales.108 Disposition insĂ©rĂ©e Ă  l’article L. 313-12 du Code de l’entrĂ©e et dusĂ©jour des Ă©trangers et du droit d’asile.109 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition du 2 juin 2009.110 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition de Mme ClaudieLesselier, RĂ©seau pour l’autonomie des femmes immigrĂ©es et rĂ©fu-giĂ©es (RAJFIRE) du 2 juin 2009.111 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, audition de MaĂźtre AnneJonquet, responsable de la permanence du barreau de Bobigny du12 mai 2009.112 Ibid.113 Le SDFE comprenait 230 agents rĂ©partis entre une administrationcentrale de 50 personnes et un rĂ©seau dĂ©concentrĂ© de 180 per-sonnes implantĂ©es sur 104 points du territoire (y compris dans les dĂ©-partements et territoires d’Outre Mer).Le service central comprenait quatre bureaux : le bureau des res-sources humaines et des affaires gĂ©nĂ©rales ; le bureau de la commu-nication ; le bureau de l’égalitĂ© professionnelle ; le bureau des droitspersonnels et sociaux , et trois missions : la mission d’animation du rĂ©-seau dĂ©concentrĂ© ; la mission des affaires europĂ©ennes et internatio-nales et la mission des Ă©tudes des recherches et des statistiques.Le service dĂ©concentrĂ© est composĂ© de 26 dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales et75 chargĂ©es de mission dĂ©partementales actuellement placĂ©es sousl’autoritĂ© des prĂ©fets de rĂ©gion ou de dĂ©partement.114 Document SDFE, 31 dĂ©cembre 2009.115 Entretien Amnesty International France avec Madame TomĂ©, le 4janvier 2010.116 Ibid.117 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.54.118 DĂ©cret n° 2001-1240 du 21 dĂ©cembre 2001.119 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, audition du 9 juil-let 2009.

120 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, proposition n° 59.121 CrĂ©Ă©es par la circulaire du 9 mai 2001 et conçues comme des dĂ©-clinaisons locales de la commission nationale Ă©voquĂ©e ci-dessus.122 DĂ©cret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif Ă  la rĂ©duction du nombreet Ă  la simplification de la composition de diverses commissions ad-ministratives.123 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.275.124 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, proposition n° 60.125 Plan national de prĂ©vention de la dĂ©linquance et d’aide aux vic-times 2010-2012, p.37.126 Une politique transversale est une politique publique interministĂ©-rielle financĂ©e Ă  un niveau significatif par l’État, identifiĂ©e par le Pre-mier ministre, dont la finalitĂ© concerne plusieurs programmes relevantde diffĂ©rents ministĂšres et n’appartenant pas Ă  une mĂȘme mission.Pour ces politiques, selon l'article 128 de la loi de finances rectifica-tive pour 2005 n°2005-1720 du 30 dĂ©cembre 2005, des documentsde politique transversale sont prĂ©sentĂ©s sous forme d’annexe gĂ©nĂ©-rale au projet de loi de finances de l’annĂ©e. Ces documents, pourchaque politique concernĂ©e, dĂ©veloppent la stratĂ©gie mise en Ɠuvreet regroupent les objectifs et indicateurs des diffĂ©rents programmesy concourant. Ils comportent Ă©galement une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e del’effort financier consacrĂ© par l’État Ă  ces politiques. Pour chaque po-litique transversale, un ministre chef de file, dĂ©signĂ© par le Premier mi-nistre, a la responsabilitĂ© de coordonner les activitĂ©s de l’État relevantdes diffĂ©rents programmes concernĂ©s, en vue de favoriser l’obten-tion de rĂ©sultats socio-Ă©conomiques communs.127 Document de politique transversale, Projet de Loi de finances pour2010, politique de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, p.11.128 Document de politique transversale, Projet de Loi de finances pour2010, politique de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, p.11.130 Document de politique transversale, Projet de Loi de finances pour2010, politique de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, p.70.131 Document de politique transversale, Projet de Loi de finances pour2010, politique de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes, p.63.132 Dossier presse du ministĂšre de l’Emploi, de la CohĂ©sion sociale etdu Logement, ministĂšre dĂ©lĂ©guĂ© Ă  la CohĂ©sion sociale et Ă  la ParitĂ©,« En France, tous les trois jours, une femme meurt victime de vio-lences conjugales », 14 mars 2007.132 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Madame MarieBellanger de la FĂ©dĂ©ration nationale SolidaritĂ© femmes, audition du10 fĂ©vrier 2009.133 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Madame Cathe-rine Clamens, directrice gĂ©nĂ©rale de la FNSF, audition du 2 juin 2009.134 Entretien Amnesty International France avec Christine Clamens etNicole CrĂ©peau le 9 fĂ©vrier 2010135 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Madame EvelyneRĂ©guig de l’association VIFF SOS femmes, audition du 10 fĂ©vrier2009.136 Projet de loi de finances pour 2009.137 Programme qui inclut la lutte contre les violences faites auxfemmes138 Rapport de la mission parlementaire d’évaluation de la politiquede prĂ©vention et de lutte contre les violences faites aux femmes, 7juillet 2009, Tome II ,M. Alain Kurkdjian, audition du 26 mai 2009

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire50

139 Discours du 23 novembre 2009, extraits de la dĂ©pĂȘche de l’AFP,site du ministĂšre.140 Commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examiner la proposition de loi ren-forçant la protection des victimes et la prĂ©vention et rĂ©pression desviolences faites aux femmes, Madame MichĂšle Alliot-Marie, Gardedes sceaux, ministre de la justice et des libertĂ©s, audition du 27 jan-vier 2010, p.2 et 4.141 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, page 29.142 Article 17 de la proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27novembre 2009 : AprĂšs l’article 222-13 du code pĂ©nal, il est insĂ©rĂ©un article 222-13-1 ainsi rĂ©digĂ© : « Art. 222-13-1. – Le fait de sou-mettre son conjoint, partenaire liĂ© par un pacte civil de solidaritĂ© ouconcubin ou un ancien conjoint, partenaire liĂ© par un pacte civil desolidaritĂ© ou concubin Ă  des agissements ou des paroles rĂ©pĂ©tĂ©sayant pour objet ou pour effet une dĂ©gradation des conditions de viede la victime susceptible de porter atteinte Ă  ses droits et Ă  sa dignitĂ©ou d’entraĂźner une altĂ©ration de sa santĂ© physique ou mentale estpuni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».143 Proposition de loi du SĂ©nat du 25 novembre 2009.« Article 1erLe code pĂ©nal est ainsi modifiĂ© :1° AprĂšs l’article 222-14-1, il est insĂ©rĂ© un article 222-14-2 ainsi rĂ©-digĂ© :« Art. 222-14-2. – Les violences habituelles, physiques ou psycholo-giques, commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou parle partenaire liĂ© Ă  celle-ci par un pacte civil de solidaritĂ© sont puniesconformĂ©ment aux dispositions de l’article 222-14. » ;2° Au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 222-48-1, la rĂ©fĂ©rence : « et 222-14 » est remplacĂ©e par les rĂ©fĂ©rences : «, 222-14 et 222-14-2 ».144 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Monsieur SergePortelli, audition du 12 mai 2009.145 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Monsieur Jean-Marie Huet, audition du 27 janvier 2009.146 Institut national d’études dĂ©mographiques (INED), Fiche d’actua-litĂ©, DĂ©cembre 2009.Le nombre de femmes concernĂ©es par l’excision en France a Ă©tĂ© es-timĂ© en 2004 Ă  partir de donnĂ©es de l’Insee (recensement et enquĂȘteFamille) et d’enquĂȘtes de prĂ©valence menĂ©es dans les pays africains.En tenant compte des hypothĂšses sur les risques de perpĂ©tuation del’excision en fonction de l’ñge Ă  l’arrivĂ©e en France et de l’ñge Ă  l’ex-cision, le nombre de femmes excisĂ©es en France a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© entre42 000 et 61 000 femmes adultes soit une hypothĂšse moyenne de53 000 femmes.147 Rapport de la mission parlementaire d’évaluation de la politiquede prĂ©vention et de lutte contre les violences faites aux femmes, 7juillet 2009, Tome II, Mme Isabelle Gillette-Faye, directrice du Groupepour l’abolition des mutilations sexuelles , audition du 17 mars 2009.148 Ibid.149 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Isabelle Gillette-Faye, directrice du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles,audition du 17 mars 2009.150 Soit respectivement des violences ayant entraĂźnĂ© la mort, une mu-tilation ou une interruption temporaire de travail supĂ©rieure Ă  8 jours(ce qui correspond aux qualifications pouvant ĂȘtre retenues poursanctionner les cas de mutilations sexuelles).151 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, Tome II, Mme Isabelle Gil-

lette-Faye, directrice du Groupe pour l’abolition des mutilationssexuelles, audition du17 mars 2009152 Ibid.153 Proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre 2009.

« Art. 706-63-6. Une ordonnance de protection peut Ă©galement ĂȘtredĂ©livrĂ©e par le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes (JUDEVI) aux personnesmenacĂ©es de mariage forcĂ©, au sens de l’article 224-5-3 du codepĂ©nal ou de mutilation sexuelle, Ă  leur demande ou Ă  celle du minis-tĂšre public.« À l’issue de la procĂ©dure prĂ©vue aux deux premiers alinĂ©as de l’ar-ticle 706-63-3 du prĂ©sent code, s’il apparaĂźt que la personne est ensituation de danger pour les motifs prĂ©vus par l’alinĂ©a prĂ©cĂ©dent, lejuge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes lui dĂ©livre une ordonnance de protection.« À cette occasion, le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes est compĂ©tent pourprendre les mesures mentionnĂ©es aux 1° Ă  6° de l’article 706-63-4. Ilpeut Ă©galement ordonner l’inscription sur le passeport de la personnemenacĂ©e de l’interdiction de sortie du territoire français et la faire ins-crire sans dĂ©lai au fichier des personnes recherchĂ©es. L’article 706-63-5 est applicable aux mesures prises sur le fondement du prĂ©sentarticle. »154 Article 23, Pacte international relatif aux droits civils et politiques.155 Ibid.156 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminationĂ  l’égard des femmes, (Convention CEDAW) adoptĂ©e par l’Assem-blĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies le 18 dĂ©cembre 1979, entrĂ©e en vi-gueur le 3 septembre 1981. Article 16.157 Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptĂ©epar l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies le 20 novembre 1989,entrĂ©e en vigueur le 2 septembre 1990, article 19 et 24.158 Ibid.159 Commission nationale consultative des droits de l’homme. Avis surles mariages forcĂ©s. 23 juin 2005160 Article 222-24 du Code pĂ©nal.161 Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France.Une affaire d’État. Éditions Autrement, fĂ©vrier 2006, p.52, 53.162 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.78.163 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.190.Audition du 9 juin2009.164 http://www.fco.gov.uk/en/fco-in-action/nationals/forced-marriage-unit/

165 Rapport parlementaire du 7 juillet 2009, p.190.166 Proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre 2009.« Art. 706-63-6.Une ordonnance de protection peut Ă©galement ĂȘtre dĂ©livrĂ©e par lejuge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes aux personnes menacĂ©es de mariageforcĂ©, au sens de l’article 224-5-3 du code pĂ©nal ou de mutilationsexuelle, Ă  leur demande ou Ă  celle du ministĂšre public.« À l’issue de la procĂ©dure prĂ©vue aux deux premiers alinĂ©as de l’ar-ticle 706-63-3 du prĂ©sent code, s’il apparaĂźt que la personne est ensituation de danger pour les motifs prĂ©vus par l’alinĂ©a prĂ©cĂ©dent, lejuge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes lui dĂ©livre une ordonnance de protection.« À cette occasion, le juge dĂ©lĂ©guĂ© aux victimes est compĂ©tent pourprendre les mesures mentionnĂ©es aux 1° Ă  6° de l’article 706-63-4. Ilpeut Ă©galement ordonner l’inscription sur le passeport de la personnemenacĂ©e de l’interdiction de sortie du territoire français et la faire ins-

Lutte contre les violences faites aux femmes : la France doit mieux faire 51

crire sans dĂ©lai au fichier des personnes recherchĂ©es. L’article 706-63-5 est applicable aux mesures prises sur le fondement du prĂ©sentarticle. »167 Proposition de loi de l’AssemblĂ©e nationale du 27 novembre 2009.Article 18AprĂšs la section I du chapitre IV du titre II du livre II du code pĂ©nal, ilest insĂ©rĂ© une section I bis ainsi rĂ©digĂ©e :« Section I bis« De la contrainte au mariage« Art. 224-5-3. – Le fait d’exercer sur autrui toute forme de contrainteayant pour but de lui faire contracter un mariage ou conclure uneunion sans son consentement libre est puni de trois ans d’emprison-nement et de 45 000 euros d’amende.« Les peines sont portĂ©es Ă  cinq ans d’emprisonnement et Ă  75 000 €d’amende lorsque la victime de l’infraction dĂ©finie Ă  l’alinĂ©a prĂ©cĂ©-dent est un mineur de quinze ans.« Art. 224-5-4. – Dans le cas oĂč le dĂ©lit prĂ©vu par l’article prĂ©cĂ©dentest commis Ă  l’étranger sur une victime rĂ©sidant habituellement sur leterritoire français, la loi française est applicable par dĂ©rogation auxdispositions de l’article 113-7. Les dispositions de la derniĂšre phrasede l’article 113-8 ne sont pas applicables. »168 DĂ©lĂ©gation aux droits des femmes, Rapport n° 2714, 30 novembre2005, p. 40169 Conseil de l’Europe, Les mariages forcĂ©s dans les États membresdu Conseil de l’Europe. LĂ©gislation comparĂ©e et actions politiques,2005, p. 44.170 Commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examiner la proposition de loi ren-forçant la protection des victimes et la prĂ©vention et rĂ©pression desviolences faites aux femmes, Madame MichĂšle Alliot-Marie, Gardedes sceaux, ministre de la justice et des libertĂ©s, audition du 27 jan-vier 2010, p.7.171 Commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examiner la proposition de loi ren-forçant la protection des victimes et la prĂ©vention et rĂ©pression desviolences faites aux femmes, Madame Nadine Morano, secrĂ©taired'État auprĂšs du ministre du travail, des relations sociales, de la fa-mille, de la solidaritĂ© et de la ville, chargĂ©e de la famille et de la soli-daritĂ©, audition du 2 fĂ©vrier 2010, p.4.172 Article 113-7 du code pĂ©nal : « La loi pĂ©nale française est applica-ble Ă  tout crime, ainsi qu'Ă  tout dĂ©lit puni d'emprisonnement, commispar un Français ou par un Ă©tranger hors du territoire de la RĂ©publiquelorsque la victime est de nationalitĂ© française au moment de l'infra-ction. »173 Amnesty International, DĂ©claration publique du 30 janvier 2008,Une avancĂ©e significative pour la protection des droits des victimesde la traite, AI : IOR 61/003/2008.174 La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traitedes ĂȘtres humains dĂ©finit la traite des ĂȘtres humains comme Ă©tant« le recrutement, le transport, le transfert, l'hĂ©bergement ou l'accueilde personnes, par la menace de recours ou le recours Ă  la force oud'autres formes de contrainte, par enlĂšvement, fraude, tromperie,abus d'autoritĂ© ou d'une situation de vulnĂ©rabilitĂ©, ou par l'offre oul'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consen-tement d'une personne ayant autoritĂ© sur une autre aux fins d'ex-ploitation, notamment par le travail forcĂ© ou la prostitution forcĂ©e »(article 4a).175 Les violences faites aux femmes en France. Une affaire d’Etat, Ed.Autrement. FĂ©vrier 2006.176 L’article 225-4-1 du Code pĂ©nal dispose : « La traite des ĂȘtres hu-

mains est le fait, en Ă©change d'une rĂ©munĂ©ration ou de tout autreavantage ou d'une promesse de rĂ©munĂ©ration ou d'avantage, de re-cruter une personne, de la transporter, de la transfĂ©rer, de l'hĂ©bergerou de l'accueillir, pour la mettre Ă  sa disposition ou Ă  la dispositiond'un tiers, mĂȘme non identifiĂ©, afin soit de permettre la commissioncontre cette personne des infractions de proxĂ©nĂ©tisme, d'agressionou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicitĂ©, de conditionsde travail ou d'hĂ©bergement contraires Ă  sa dignitĂ©, soit de contrain-dre cette personne Ă  commettre tout crime ou dĂ©lit. La traite desĂȘtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de150 000 euros d'amende ».

177 Instructions gĂ©nĂ©rales de politique pĂ©nale, CRIM – n° 9-12/cab -01.11.09, 1er novembre 2009.

178 DĂ©cret n° 2007-1352 du 13 septembre 2007 relatif Ă  l'admission ausĂ©jour, Ă  la protection, Ă  l'accueil et Ă  l'hĂ©bergement des Ă©trangersvictimes de la traite des ĂȘtres humains et du proxĂ©nĂ©tisme et modi-fiant le code de l'entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit d'asile(dispositions rĂ©glementaires). Circulaire N°IMIM0900054C du 5 fĂ©-vrier 2009 sur les conditions d’admission au sĂ©jour des Ă©trangers vic-times de la traite des ĂȘtres humains ou du proxĂ©nĂ©tisme coopĂ©rantavec les autoritĂ©s administratives et judiciaires.

179 Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite desĂȘtres humains du 16 mai 2005, Article 5.1.

180 Ibid. article 29.2

181 Commission nationale consultative des droits de l’homme, Avis surla traite et l’exploitation des ĂȘtres humains en France (AdoptĂ© parl’AssemblĂ©e plĂ©niĂšre du 18 dĂ©cembre 2009).

182 Observations finales du ComitĂ© pour l’élimination de la discrimi-nation Ă  l’égard des femmes, paragraphe 30, 8 avril 2008,CEDAW/C/FRA/CO/6.

183 Les violences faites aux femmes en France. Une affaire d’État,p.100, 2006, Éditions Autrement.

184 DĂ©cret n° 2007-1352 du 13 septembre 2007 relatif Ă  l'admission ausĂ©jour, Ă  la protection, Ă  l'accueil et Ă  l'hĂ©bergement des Ă©trangersvictimes de la traite des ĂȘtres humains et du proxĂ©nĂ©tisme et modi-fiant le code de l'entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit d'asile(dispositions rĂ©glementaires).

185 Une premiĂšre demande de protection est dĂ©posĂ©e auprĂšs de l’OF-PRA. En cas de refus, le demandeur peut faire appel de cette dĂ©ci-sion et prĂ©senter un recours auprĂšs de la Cour nationale du droitd’asile (CNDA). Suite Ă  un nouveau rejet, la personne peut demanderle rĂ©examen de sa demande sous rĂ©serve de prĂ©sentation d’élĂ©mentsnouveaux dans son dossier.

186 Les pays concernĂ©s ont Ă©tĂ©: l’Albanie, la Bulgarie, la Chine, le Ko-sovo, la Moldavie, le Nigeria et la RĂ©publique dĂ©mocratique duCongo.

187 Principes directeurs sur la protection internationale : Persécutionfondée sur l'appartenance sexuelle dans le cadre de l'article 1A (2) dela Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statutdes réfugiés (7 avril 2006).

188 Décision du 13 juin 2006, Melle. F, N°560518.


Recommended