La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement
de la dépendance aux opioïdes (TDO)
chez les femmes enceintes
Par
Anne-Marie Mecteau
Essai sous la supervision de Pascal Schneeberger présenté dans
le cadre de la Maîtrise en intervention en toxicomanie
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Faculté de médecine et des sciences de la santé
© 15 mai 2015
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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RÉSUMÉ
Il est bien documenté que la stigmatisation des femmes enceintes toxicomanes existe
dans notre société sous forme de représentations négatives et attitudes désapprobatrices à leur
égard. Cet essai vise à cerner le processus social de la stigmatisation des femmes enceintes et
mères consommatrices et comprendre en quoi les systèmes de signification reliés à ce
phénomène s’étendent plus particulièrement aux femmes enceintes et mères en TDO. Ceci,
afin de démontrer qu’il est possible de susciter l’engagement chez ces femmes, pour lesquelles
la honte, la culpabilité et la peur d’être jugée pose un défi relationnel.
À partir d’entrevues semi-dirigées avec des mères en TDO, mon objectif est le
suivant : Cibler des pistes d’intervention gagnantes face à la stigmatisation des femmes
enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens entre la stigmatisation, la
perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées et l’engagement thérapeutique
dans le cadre de leur suivi prénatal
Afin d’agir efficacement pour contrer le potentiel subtil, mais non moins dévastateur
de la stigmatisation et, du même coup, accroître le potentiel thérapeutique de la relation
d’intervention, je propose quatre pistes d’action ou pratiques à privilégier pour bonifier l’offre
de services auprès de femmes enceintes et mères en TDO. Ces recommandations ciblent
l’intervention clinique afin de susciter l’engagement chez ces femmes pendant la période
entourant la naissance de leur enfant, mais aussi l’organisation des services et la formation,
pour soutenir le travail des intervenants qui travaillent auprès d’elles.
MOTS-CLÉS
Stigmatisation, femmes enceintes et mères, traitement de la dépendance aux opioïdes,
toxicomanie, alliance thérapeutique et/ou engagement
KEY WORDS
Stigma, pregnancy, motherhood, opioid dependency treatment, substance use, therapeutic
alliance and/or engaging
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS ................................................................................................................................................... i
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................................... ii
REMERCIEMENTS……………………………………………………………………………………………………………….…iv
1.INTRODUCTION……………………………………………………………………………………………………………..…….1
2. LA PROBLÉMATIQUE……..….…………………….………………………………….................. .......................................3
2.1 La dépendance aux opioïdes : l’ampleur du phénomène…………..…………………..........................3
2.2 Le contexte clinique…………………………………………….………………………………………………………6
2.3 Les enjeux……….………………………………………………………………………………………………………….7
2.4 Les obstacles………………………………………………………………………………………………......................8
2.5 L’objectif……………………………………………………………………………………………………………………9
3. MÉTHODOLOGIE… ............ ………………..……………………………..……...................................................................9
3.1 Le choix du moyen……………………………………………………………........................................................10
3.2 Déroulement des activités……………………………………….…………...……............................................10
3.3 L’analyse des résultats………………………………………………………………………………......................13
4. LES RÉSULTATS..……… ........ ………………………………………………….................................................................14
4.1 Portrait des participantes………………..…………………………………………………………………………14
4.2 Le contexte : L’écart entre la réalité et l’idéal………………………………………………......................18
4.3 La honte et la culpabilité……………………………………………………………............................................19
4.4 Croyances et perceptions…………………………………………………………………………………………..21
4.4.1 La perceptions des professionnels de la santé………………………………………………………….22
4.4.2 Le regard de l’entourage……………….……………………………………………………….........................26
4.4.3 Le père………………………………………………………………………………………………............................27
4.5 Caractéristiques appréciées des intervenants……………………………………………………..……...29
4.6 Enjeux TDO……………………...……………………………………………………………...………………………..30
5.DISCUSSION………… ......... ………………………..…………………….…………...…………………………………………38
5.1Devenir mère : un changement identitaire…………………………..……...………………………………38
5.2 La stigmatisation……………………………………………………………………................................................40
5.3 Le pouvoir de la relation……………………………………………………………............................................42
6.CONCLUSION………… .......... ……………….……………………………............................................................................44
6.1 Forces et limites de la démarche……...……………………………………………………............................44
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6.1.1 Forces……………………………………………………………………………………………………………………44
6.1.2 Limites…………………………………………………………………………………………………………………..45
6.2 Implications pour l’intervention…………………………………………………….......................................45
6.3 Recommandations…………………………………………………………………………………………………….46 6.3.1 Miser sur l’accueil………………………………………………………………..................................................47
6.3.2 La continuité des services……………………………………………………………………………………….48
6.3.3 La formation croisée axée sur les valeurs……………………………………………………...…………49
6.3.4 Le travail en réseau…………………………………………………………………………................................50
6.4 Mot de la fin…………………………………………………………………………...................................................51
7. LISTE DES RÉFÉRENCES….… .........…………….………………………………….……...............................................52
ANNEXE A / Formulaire de consentement.... ....... ..………………………………....................................................57
ANNEXE B / Grille d’entrevue…………….. ....... ………………….……………………………………………………...…60
ANNEXE C/Formulaire de données complémentaires…… ......... ………………………………………………...64
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REMERCIEMENTS
D’abord et avant tout, j’aimerais remercier toutes les personnes qui ont rendu possible la
réalisation de cet essai synthèse.
Dans un premier temps, je tiens à remercier mes précieuses collaboratrices et les femmes
enceintes et mères qui composent ma clientèle. Vous êtes au cœur de ma démarche. Si j’ai
réussi à me rendre jusqu’au bout de cette histoire, c’est que votre courage et persévérance
m’inspirent continuellement.
J’aimerais aussi remercier chaleureusement mon directeur, Pascal Schneeberger, qui a su être
là aux moments clés dans mon parcours. Ta patience, ton assurance et tes mots
d’encouragement m’ont aidée à accepter mon propre rythme de croisière, et avoir confiance
que je pouvais me rendre à la destination souhaitée.
Je tiens à souligner l’apport de mes collègues et de la direction du Centre de recherche et
d’aide pour narcomanes (CRAN), qui m’ont soutenue dans ce projet et donné les moyens
nécessaires à sa réalisation. J’aimerais également remercier mes collègues du Rond-Point, un
partenariat à l’intention des familles aux prises avec des difficultés liées à la toxicomanie, qui
rallie plusieurs des conditions gagnantes identifiées dans cet essai. Je me compte chanceuse de
faire partie de ce projet novateur.
Finalement, un gros merci à mon conjoint et ma famille. Si l’essai est un marathon, c’est votre
soutien sans relâche, qui m’a donné le deuxième et même troisième souffle dont j’avais besoin
pour me rendre à la ligne d’arrivée. Et toi, mon petit Sacha, qui est né pendant que je débutais
le processus. Ton arrivée dans ma vie n’a pas rendu facile la tâche d’écrire un essai synthèse.
Par contre, tu m’as permis de comprendre sur un autre niveau le changement identitaire dont il
est question dans l’essai, ainsi que la vulnérabilité qui nous habite en tant que mère. Grâce à
toi, ce n’est pas ma tête qui a mené ce projet, mais mon cœur.
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1. INTRODUCTION
Il est reconnu que la grossesse constitue une opportunité d’entreprendre des
démarches dans le but de cesser ou de diminuer leur consommation pour les femmes
consommatrices de substances psychoactives (SPA) (Bertrand et coll., 2007; Guyon et
coll., 2002; Leslie, 2011; Venne et Morrissette, 2009). Or, des études démontrent que peu
de femmes consultent d’emblée pour une toxicomanie lorsqu’elles sont enceintes (Hicks,
1997; Leslie, 2007; Poole et Greaves, 2007). D’une part, plusieurs études qualitatives
auprès de femmes enceintes toxicomanes démontrent comment le stigma social contribue
à la honte et la culpabilité qui habitent ces femmes (Boyd et Marcellus, 2007; Leslie,
2011; Radcliffe, 2011a, Poole et Urquhart, 2010). D’autre part, la prise en charge des
troubles liés à la consommation de SPA chez les femmes enceintes est complexe en
raison des comorbidités et facteurs psychosociaux et socioéconomiques qui leur sont
associés. Qui plus est, la toxicomanie des femmes enceintes confronte nos valeurs en tant
qu’individus et société. Il va sans dire que cette réalité ne laisse pas neutres non plus les
intervenants qui travaillent auprès de cette population. Compte tenu de ses conséquences
non seulement sur la santé de la future mère, mais aussi sur celle du fœtus, la
consommation de SPA en grossesse est reconnue comme un problème de santé publique
(L’espérance et Milot, 2011). Ceci en fait donc un enjeu de politique publique, duquel
émerge un sentiment de responsabilité personnel et professionnel.
Au-delà de la consommation de SPA, la maternité représente un changement
identitaire important pour toute femme, qui touche les habitudes de vie, les relations
interpersonnelles, le statut social, les attitudes et les perspectives d’avenir. Plusieurs
facteurs influencent la façon dont une femme vit la maternité : son contexte
socioéconomique, des enjeux culturels, ses relations familiales et sociales, les ressources
et soutiens auxquels elle a accès, sa perception de la parentalité et d’elle-même en tant
que mère, l’implication du père (Leslie, 2007; Venne et Morissette, 2009; Poole &
Urquhart, 2010). La naissance d’un bébé marque, en effet, une restructuration majeure
des priorités et une redéfinition de soi pour chaque parent.
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Ce qui est différent chez la femme enceinte qui consomme, c’est que la
modification de sa consommation occupera une bonne partie de ce changement
identitaire. Les mères qui connaissent des difficultés liées à la toxicomanie, y compris
celles qui ont diminué ou cessé leur consommation, vivent leur grossesse dans
l’incertitude et l’anxiété de se faire retirer la garde de leur enfant (Greaves et Poole, 2004;
Guyon et coll., 2002; Hicks, 1997). Cette anxiété peut mener à des comportements
d’évitement ou de refus envers les services professionnels qui leur sont offerts.
Pour les femmes en traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO), un suivi de
grossesse représente une route jalonnée de professionnels de la santé et des services
sociaux. Il va de soi qu’elles seront affectées, d’une manière ou d’une autre, par
l’influence des services de ces professionnels1. Les attitudes dégagées par les
professionnels peuvent entretenir ou éliminer les croyances attribuables au stigma social
entourant la consommation de SPA en grossesse (Radcliffe, 2011a). Plus spécifiquement,
les femmes enceintes en traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) subissent un
double stigma : le regard désapprobateur de la société à l’égard d’une femme enceinte qui
consomme et les attitudes négatives portées sur le traitement de maintien à la méthadone
(Abraham et coll., 2007; Hogan, 2003 ). La méthadone n’est pas vue par tous comme un
traitement valide et réel, il est souvent discrédité par ceux qui prônent
l’abstinence comme une forme de tricherie, un traitement qui maintient l’état de
dépendance plutôt que de guérir la dépendance (Earnshaw, Smith et Copenhaver, 2012).
Dans cet essai, je m’intéresse à l’impact de la stigmatisation sur les femmes
enceintes en TDO et leur engagement thérapeutique. Plus spécifiquement, j’explore
comment on peut moduler la relation d’aide pour contrer ces effets. En partant du postulat
que la relation est la pierre angulaire de l’intervention, je souhaite alimenter une réflexion
sur la pratique à partir des constats cliniques suivants : 1) Les femmes enceintes en TDO
s’engagent difficilement dans des relations thérapeutiques et n’ont pas toujours recours à
l’aide dont elles pourraient bénéficier. 2) La honte et la peur d’être jugée sont des thèmes
récurrents dans leurs récits.
1 Dans le contexte de l’essai, « professionnels de la santé et des services sociaux » fait référence à tout intervenant qui a un rôle médical, infirmier ou social auprès de la population cible. Les termes professionnels et intervenants sont utilisés de façon interchangeable à travers l’essai.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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2. LA PROBLÉMATIQUE
2.1 La dépendance aux opioïdes : L’ampleur du phénomène
L’exposition aux opioïdes dans un contexte médical est presque universelle et
n’entraîne que très exceptionnellement des problèmes d’abus ou de dépendance (Turner
et coll., 2015). Toutefois, environ 10 à 20% des consommateurs développeront un
problème sévère de dépendance et seront incapables de cesser de façon durable sans avoir
recours à de l’aide (Santé Canada, 2012). Il est difficile de chiffrer le nombre de
personnes qui ont développé une dépendance aux opioïdes. La prévalence de mésusage
d’opioïdes médicamenteux serait plus élevée au Canada qu’ailleurs sur la scène
internationale : 4,8% de la population canadienne en consommerait contre 4,3% aux
États-Unis et 3% en Australie (Santé Canada, 2012). On estime que 80 000 à 125 000
personnes sont dépendantes au Canada, dont environ 5 000 à 12 000 uniquement à
Montréal (CRAN, 2011; Fischer et coll., 2005).
De 2003 à 2008 on note une hausse globale de la consommation d’opioïdes, mais
une baisse de la consommation d’héroïne. Selon la dernière étude de Surveillance des
maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogue par injection (SURVUDI), 32% des
utilisateurs de drogue par injection (UDI) consommeraient des opioïdes, contre 62% pour
la cocaïne. Parmi les opioïdes le plus souvent injecté, l’héroïne arrive en premier à 10%,
le Dilaudid et la Morphine en deuxième, pour 9% chaque et l’Oxycodone à 3%. Alors
que l’héroïne est l’opioïde le plus consommé à Montréal, le Dilaudid arrive en première
place en Abitibi-Témiscamingue, en Mauricie, en Montérégie, à Québec et au
Saguenay/Lac St-Jean, alors que la Morphine est le plus consommé en Outaouais et en
Estrie (Parent et coll., 2011).
Les héroïnomanes ont tendance à peu consulter le réseau de la santé pour traiter
les méfaits associés à cette consommation. Par contre, ils visitent plus souvent les
urgences que la population générale. Le taux de mortalité attribuable aux intoxications
liées aux opioïdes a augmenté de façon significative de 2000 à 2009, une tendance qui ne
semble pas s’atténuer (INSPQ, 2013). En 2008, le bureau du coroner du Québec a recensé
157 personnes décédées par intoxication aux opioïdes, que ce soit de manière
intentionnelle ou accidentelle. Ceci revient à dire que 13 personnes par mois sont
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décédées de ces intoxications. Ces personnes, majoritairement des femmes, avaient de
25-44 ans et provenaient pour la plupart de la région de Montréal (56), de la Montérégie
(26) et Québec (22) (INSPQ, 2013).
Force est de constater qu’en nombre seulement, la dépendance aux opioïdes est un
phénomène qui ne touche qu’une petite portion de la population générale. L’incidence de
l’abus d’opioïdes pharmaceutiques augmente à un rythme alarmant, principalement chez
les adolescents et les jeunes adultes (Santé Canada, 2012). Le profil de l’usager et le
patron de consommation changent avec la hausse d’abus d’opioïdes pharmaceutiques. Il y
a dix ans, les personnes ayant recours à un traitement de méthadone consommaient
principalement de l’héroïne par injection. Aujourd’hui, de plus en plus de gens
demandent un traitement de substitution en lien avec une pharmacodépendance,
notamment au Dilaudid à l’Oxycontin, qu’ils consomment par voie orale, nasale ou
intraveineuse (CRAN, 2011). Cette hausse touche aussi les femmes qui sont enceintes ou
pourraient le devenir. Ce phénomène augmente le nombre de personnes dépendantes aux
opioïdes, accroît l’hétérogénéité de la clientèle et représente de nouveaux défis pour les
professionnels qui travaillent dans le réseau de la santé en termes de dépistage et
d’intervention.
Le traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO)
Le TDO « est une forme de prise en charge thérapeutique proposée à des
personnes dépendantes aux opiacés (…) basée sur une substance analogue ou identique à
la drogue normalement consommée. » (MSSS, 2006). À l’heure actuelle, deux molécules
sont utilisées dans le cadre du TDO, soit la méthadone et le suboxone
(buprénorphine/naloxone). La méthadone constitue la forme la plus utilisée de TDO. Il
s’agit d’un opioïde synthétique qui a un effet agoniste sur les récepteurs « mu » et dont la
longue demi-vie (24-36 heures) permet une administration quotidienne d’une seule dose.
Bien dosée, elle prévient les symptômes de sevrage des opioïdes et bloque ou diminue
l’effet si la personne consomme des opioïdes. Au Québec, on estime que 3 462 personnes
sont en TDO, alors que 3 263 personnes dépendantes aux opioïdes ne sont pas traitées,
principalement pour des raisons d’accessibilité au TDO (CRAN, 2011).
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Les personnes en TDO semblent se distinguer des autres toxicomanes. La gravité
des comportements de consommation est plus grande, les comorbidités plus importantes
et souvent, elles ont connu plusieurs tentatives de traitement infructueux (Albright et
coll., 2011). Outre les avantages provenant des effets thérapeutiques attendus du
médicament prescrit (arrêt ou diminution de la consommation d’opioïdes, diminution
d’activités criminelles, réduction de mortalité, meilleure santé biopsychosociale), le
traitement donne accès à des services médicaux, infirmiers et psychosociaux dispensés
par des professionnels qui ont développé une expertise dans le domaine du traitement de
la dépendance (MSSS, 2006).
Les femmes enceintes dépendantes des opioïdes
Il est reconnu que le TDO contribue à réduire les comportements à risque chez les
femmes enceintes dépendantes ainsi que les complications fœtales et obstétricales,
lorsque combiné avec des soins prénataux et psychosociaux et un suivi médical. Sur le
plan médical, le traitement de méthadone est considéré la norme pour le soin des femmes
enceintes opiomanes. Il présente les avantages potentiels suivants: une utilisation plus
stable et sécuritaire des opioïdes sous surveillance médicale; des meilleurs soins
prénataux; une utilisation des ressources disponibles; une meilleure chance de mener une
grossesse à terme; moins de complications pendant l’accouchement; moins de risques de
transmission du VIH et de VHC, y compris au bébé (Albright et coll., 2011; Jones et
coll., 2008; EMCDDA, 2014).
La littérature spécifique au TDO chez la femme enceinte traite davantage l’aspect
médical de la chose. À titre d’exemple, les lignes directrices dans le Cadre de référence
et guide de bonnes pratiques à l’intention des professionnels qui travaille auprès de la
clientèle en TDO abordent peu la relation qui englobe les actes médicaux. (MSSS, 2006)
Or, la relation développée avec la clientèle est fondamentale à la prise en charge
périnatale (Working Group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011). Une
relation de confiance permet d’aborder les enjeux réels, ce qui permet d’intervenir autour
des thèmes pertinents et d’orienter vers les ressources nécessaires. Elle donne également
un meilleur taux de fidélisation aux rendez-vous, un avantage tant sur le plan médical que
psychosocial. D’ailleurs, lorsqu’on leur demande, les femmes interviewées dans le
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contexte d’une évaluation des services de Sheway, un organisme communautaire qui offre
des services aux femmes enceintes toxicomanes et précaires dans le « downtown
eastside » de Vancouver, c’est la relation développée avec leurs intervenantes qui ressort
comme l’élément le plus porteur de changement (Poole, 2000).
Étant donnée la nature médicale du TDO, les services psychosociaux ne font pas
toujours partie de l’offre de services. Plusieurs médecins qui prescrivent la méthadone
travaillent seuls; c’est-à-dire que pour le patient, le traitement consiste à prendre la
médication telle que prescrite, sans plus. Je constate que l’interdisciplinarité, bien qu’elle
soit prônée dans le Cadre de référence et guide de bonnes pratiques, ne va pas de soi
dans ce domaine (MSSS, 2006). Au Centre de recherche et d’aide aux narcomanes
(CRAN), centre de traitement spécialisé en TDO à Montréal, nous travaillons en
interdisciplinarité. Cela implique que les médecins, infirmières et intervenants
psychosociaux se consultent régulièrement pour enligner leurs interventions. Par contre,
cela ne veut pas dire que chaque personne en traitement accepte d’entreprendre un suivi
psychosocial. La dépendance aux opiacés entraîne des comportements de repli sur soi,
une hypersensibilité et l’isolement relationnel (European Monitoring Centre for Drugs
and Drug Addiction, 2014). Certaines stratégies peuvent encourager le suivi psychosocial
selon le contexte. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas toujours évident d’insérer
l’offre de services psychosociaux dans un contexte médical.
2.2 Le contexte clinique
Les femmes enceintes ont un accès prioritaire au TDO (MSSS, 2007). Le Service
périnatalité du CRAN, né d’une entente de partenariat entre le CSSS Jeanne Mance et le
CRAN, consiste en une offre de service jumelée médicale et psychosociale. En moyenne,
vingt femmes par année sont admises. Le suivi médical, qui inclut le suivi obstétrique et
le TDO et le suivi psychosocial, qui implique un suivi individuel arrimé aux rendez-vous
médicaux, visent à stabiliser et soutenir la femme enceinte. Compte tenu de la spécificité
du service, la majorité des femmes enceintes dépendantes des opioïdes de Montréal et ses
régions limitrophes nous sont référées. Les services psychosociaux sont offerts sur une
base volontaire pendant la période périnatale et postpartum et s’ajustent selon les besoins.
Ceux-ci peuvent inclure un suivi individuel ou conjugal, de l’accompagnement dans les
démarches périnatales et de l’orientation vers les services complémentaires.
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Tel que précisé dans le Plan d’action Interministériel en toxicomanie, la mise en
place des services pour femmes enceintes qui consomment des substances psychoactives
nécessite la collaboration d’organismes concernés par la toxicomanie et des services
destinés aux femmes enceintes. (MSSS, 2007) Étant donné que nous formons une petite
équipe et que les besoins de notre clientèle sont complexes et variés, des ententes de
services et le travail en réseau deviennent essentiels dans notre pratique. Nous avons ainsi
développé des ententes de partenariat avec les services suivants : le Centre des
Naissances du CHUM, Logis-Phare2, le Centre de pédiatrie sociale du Centre Sud et le
Rond-point3.
2.3 Les enjeux
Au Canada, 3,8 enfants sur 1000 naissent de mères qui ont pris des opioïdes
pendant la grossesse (Finnegan, 2013). Une étude qui a eu lieu à l’hôpital St-Micheal’s de
Toronto relate l’augmentation significative de bébés présentant des symptômes de
sevrage d’opioïdes à la naissance (de 0,29 en 1992 à 4,3 sur 1000 en 2011). La hausse est
particulièrement marquée au cours des cinq dernières années, alors que 1901 enfants sont
nés avec des symptômes de sevrage néonatal. Dans la majorité des cas, les mères de ces
bébés avaient consommé des opioïdes prescrits avant et pendant la grossesse. (Turner et
coll., 2015. Il est plus difficile de trouver des chiffres précis pour le Québec. En 2010-
2011, 19 bébés ont été sevrés au Centre des naissances du CHUM (Institut canadien sur
la santé, 2012). Comme le nombre de femmes admises dans notre service a augmenté
dans les deux dernières années et qu’une hausse de prescriptions d’opioïdes est rapportée
au Québec (Canadian Centre on Substance Abuse, 2013; Santé Canada, 2012), on peut
soupçonner que les chiffres sont à la hausse à Montréal également.
La réalité du sevrage néonatal est des plus préoccupantes pour les femmes que
j’accompagne et s’additionne d’une bonne dose de culpabilité. Le sevrage néonatal
suscite également des jugements critiques de la part des professionnels de la santé
(Lavendier, Venne et Perreault, 2009). Mon expérience clinique m’amène à croire que les
2 Logis Phare est un projet d’appartements supervisés pour les familles dont au moins un des parents est en TDO. 3 Le Rond-Point est un projet de partenariat qui regroupe plusieurs services pour les familles dont au moins un des parents a une histoire récente ou passée avec la consommation de SPA.
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attitudes négatives que peuvent rencontrer les femmes en TDO contribuent de façon
significative à leur choix de s’engager dans leur suivi ou non. L’évitement réactionnel qui
peut avoir lieu sera davantage un enjeu si elles ont vécu des expériences négatives à
l’intérieur des services de santé et/ou de services sociaux dans le passé. (Boyd &
Marcellus, 2007; PRIMA, 2011)
Malgré que toutes les femmes avec lesquelles je travaille soient dépendantes aux
opioïdes, elles composent un groupe hétérogène. La majorité sont abstinentes des
opioïdes, mise à part la méthadone ou la buprénorphine. Certaines consomment d’autres
substances. La cocaïne, le cannabis et les benzodiazépines semblent être les plus
courantes. D’autres ne consomment aucune substance illicite depuis des années. Leur
cheminement diffère, ce qui me demande d’ajuster mes services selon la situation. Peu
importe où elles sont sur leur trajectoire, des changements d’habitude et/ou d’attitude par
rapport à la consommation ont lieu pendant la grossesse. (Guyon et coll., 2002; Venne et
Morissette, 2009; Radcliffe, 2011b). Elles peuvent passer de consommatrices abusives à
consommatrices avisées ou abstinentes. Elles peuvent également passer de l’abstinence à
un retour vers la consommation pour gérer le stress que peut générer la grossesse. Ces
changements peuvent avoir lieu d’une rencontre à l’autre ou s’étendre sur plusieurs
années. Le respect du temps et le rythme de l’intervention doivent tenir compte de ce
processus et se heurtent parfois à une perception d’urgence quant aux changements
souhaités par les clientes et/ou les intervenants.
2.4 Les obstacles
« Un traitement efficace élimine les obstacles à l’accès aux soins pour les femmes. »
(MSSS, 2007)
Si la grossesse est un moment propice au changement, qu’est-ce qui entraverait le
changement pour une femme toxicomane? Selon les femmes interviewées dans une étude
de Breaking the Cycle, un organisme qui offre des services intégrés aux femmes
enceintes et mères toxicomanes à Toronto, les perceptions négatives et le stigma
entourant la consommation dans un contexte de maternité constituent la barrière
principale entre elles et les services dont elles pourraient bénéficier (Leslie, 2007). Si tel
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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est le cas, on ne peut en faire abstraction dans l’intervention. Ma clientèle sera forcément
en contact avec des professionnels de la santé pendant la grossesse de par la prescription
de la méthadone. Elles auront minimalement des rencontres avec leur médecin, les
pharmaciens(ne)s, l’intervenante du CRAN et des membres de l’équipe du Centre des
naissances du CHUM, qui est doté d’un service spécialisé pour le traitement du sevrage
néonatal. C’est ainsi que s’ajoute une autre facette à l’intervention: travailler ensemble
afin que la clientèle puisse bénéficier d’interventions cohérentes et concertées. En ce
sens, la sensibilisation quant aux enjeux liés au TDO en grossesse fait aussi partie du
travail. La méconnaissance du traitement et les préjugés qui s’ensuivent peuvent
interférer à une demande d’aide et nuire à une démarche de changement (Venne et
Morissette, 2009).
2.5 L’objectif
Depuis que je suis responsable du Service périnatalité du CRAN, je me rends
compte que les attitudes sont aussi déterminantes que les connaissances précises que l’on
peut avoir dans l’intervention. En fait, les meilleures stratégies d’intervention tomberont à
plat si la personne qui les reçoit se sent critiquée, jugée, punie. Si la grossesse est une
fenêtre d’opportunité, le TDO est une porte d’entrée vers le changement pour les femmes
enceintes dépendantes aux opioïdes.
Mon objectif est le suivant : Cibler des pistes d’intervention gagnantes face à la
stigmatisation des femmes enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens
entre la stigmatisation, la perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées
et l’engagement thérapeutique dans le cadre de leur suivi prénatal.
3. LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Le choix du moyen
L’importance du savoir expérientiel
L’entrevue individuelle semi-dirigée m’apparait un moyen efficace d’explorer les
thèmes entourant mon sujet d’étude car elle peut faire émerger les perspectives et
expériences individuelles à partir de thèmes communs, en plus de signifier l’importance
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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de la relation dans l’intervention (Denzin et Lincoln, 2003). Étant donné que mon sujet
traite spécifiquement des perceptions des femmes qui composent ma clientèle, j’avais
envie d’entendre ce que les vraies expertes, celles qui reçoivent les interventions, avaient
à dire sur le sujet. Dans une perspective d’amélioration des pratiques, je crois que la
perception de mes clientes m’amènera des pistes d’intervention qui seront directement
applicables à mon contexte, des pistes de réflexion qui enrichiront la qualité des
interactions. En ce sens, plusieurs études émettent l’importance de connaître la réalité des
femmes, à partir de leur point de vue et leurs croyances, plutôt que de la seule
interprétation d’observateurs externes (Greaves et Poole, 2004; Guyon et coll., 2002;
Radcliffe, 2011b).
La spécificité et sensibilité du sujet
Alors que la toxicomanie et la maternité est un sujet bien étudié et théorisé, les
écrits qui mettent en relation la stigmatisation des femmes enceintes en TDO et leur
engagement thérapeutique pendant la période entourant la naissance de leur enfant ne le
sont pas. L’entrevue individuelle semi-directive est une méthode compréhensive, qui
laisse libre cours aux choix de réponse des interviewés, permettant d’approfondir
davantage les propos. Cette méthode est plus propice au dévoilement que d’autres
méthodes, comme le groupe de discussion ou focalisé (Boutin, 2008). Le biais de
désirabilité social est diminué de par l’interaction individuelle et le contexte, plus propice
à un climat de confiance. Ceci s’avère particulièrement important lorsqu’il s’agit de
contenus qui peuvent être difficiles sur le plan affectif. Cette méthode nécessite une
écoute attentive, afin d’adapter la direction de l’entrevue en fonction de ce qui se passe, y
inclut de pouvoir reconnaître les résistances et offrir des pauses au besoin (Fortin, Côté et
Filion, 2006).
3.2 Le déroulement des activités
Dans un premier temps, une revue sommaire de la littérature a été effectuée afin
de m’aider à cibler les thèmes à développer. Celle-ci, loin d’être exhaustive, a été
suffisante pour dégager les concepts clés, préciser mon objectif et obtenir une idée
générale de l’état des connaissances sur les enjeux entourant mon objectif soit : la
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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stigmatisation, l’alliance thérapeutique et/ou l’engagement et les femmes enceintes et
mères en TDO. Ensuite, j’ai pu élaborer ma grille d’entrevue en unifiant des éléments de
mon expérience clinique avec ce qui est ressorti dans la littérature.
La grille d’entrevue
L’élaboration de ma grille d’entrevue est basée sur les principes de l’entretien
semi-dirigé. Ainsi, j’ai préparé une liste de questions entourant les thèmes à explorer avec
mes participantes pour m’assurer que les aspects centraux seraient abordés. Par contre, le
but n’était pas de suivre ces questions de façon séquentielle mais plutôt de suivre le cours
de l’entrevue, selon les réponses données, les préoccupations soulevées et les résistances
ressenties. Dans une perspective de construction de sens, j’ai préféré miser sur la création
d’un climat de confiance où la personne peut s’exprimer librement plutôt que de diriger
l’entrevue à partir de mes a priori (Boutin, 2008). Afin de m’assurer que les thèmes
centraux soient abordés, certaines questions se ressemblent et se recoupent. D’une part, je
voulais m’assurer de pouvoir relancer un thème s’il n’avait pas été abordé. De plus, en
formulant différemment certaines questions, les réponses obtenues ont tendance à être
plus nuancées, ce qui permet une analyse plus profonde.
Ma grille d’entrevue a été validée par mon directeur d’essai dans un premier
temps et j’en ai fait une traduction libre par la suite, afin d’accommoder une de mes
participantes, qui est bilingue mais préfère s’exprimer en anglais. J’ai validé ma
traduction libre auprès d’une collègue anglophone, qui travaille auprès d’une population
semblable. Je me suis assurée de bien connaître ma grille afin ne pas la lire et inviter au
récit.
Le recrutement et la sélection des participantes
Compte tenu du spectre concis de l’essai et d’enjeux de faisabilité, j’ai sélectionné
trois participantes, à même ma clientèle. Comme mon échantillon est petit, j’avais le
souci de faire transparaitre l’hétérogénéité de ma clientèle. J’ai donc procédé par
échantillonnage intentionnel (Coyne, 1997) et ciblé des participantes de profils différents,
qui répondaient aux critères suivants : avoir été enceinte lorsqu’en TDO et avoir reçu les
services du Service périnatalité du CRAN; vouloir participer à mon projet. Les facteurs
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individuels, tels que l’âge, la langue parlée, le parcours de consommation; ainsi que des
facteurs contextuels, comme l’utilisation des services, les rapports conjugaux et les
sources de soutien ont été pris en ligne de compte. Concernant les enjeux spécifiques au
TDO, l’intensité du sevrage néonatal et la durée du séjour à l’hôpital suivant
l’accouchement ont été considérés.
Le recrutement s’est fait en personne, alors que les clientes se trouvaient déjà au
CRAN pour un rendez-vous dans le cadre de leur traitement. J’ai pris le soin d’être claire
et concise dans la présentation de mon projet, en évitant d’utiliser le jargon, en donnant
des exemples de thèmes qui seront traités et en expliquant en quoi leur participation sera
utile à mon travail et éventuellement, à la clientèle. De plus, l’emphase a été mise sur le
fait que d’accepter ou de refuser de participer ne pouvait aucunement modifier, ni
compromettre les services qu’elles reçoivent de mon organisme. Malgré avoir approché
cinq femmes, seuls trois entretiens ont eu lieu. La première, une cliente qui a été une
source d’inspiration quant au choix de mon sujet, a cordialement refusé. La deuxième a
accepté et j’ai tenté à deux reprises de lui donner rendez-vous mais elle ne s’est jamais
présentée. J’ai choisi de ne pas la relancer une fois de plus, question de respecter l’aspect
volontaire du processus et de ne pas accentuer le conflit d’intérêt potentiel. Les trois
autres ont accepté et se sont présentées au premier rendez-vous fixé.
Un dédommagement de 20,00$ a été offert pour couvrir les dépenses engendrées
par leur participation (frais de transport, de gardiennage, etc.) et le temps qu’elles ont
consacré à mon projet.
Les entrevues
Avant de commencer les entrevues, j’ai pris la peine de bien présenter le
formulaire de consentement, en prenant soin de bien le lire avec elles et spécifier que
l’anonymat sera respecté, ainsi que la confidentialité, conformément aux lois en vigueur.
J’ai également pris le temps de préciser qu’il n’y avait aucune bonne ou mauvaise
réponse et qu’elles pouvaient changer d’idée en tout temps. Mes collaboratrices ont
ensuite signé le formulaire et nous avons procédé à l’entrevue comme telle. Ma première
entrevue m’a permis de constater que la grille était suffisamment bien construite pour
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guider le dialogue en fonction des thèmes principaux. Comme le déroulement des
entrevues était souple, chacune a suivi son propre cours. Par contre, compte tenu de la
nature potentiellement sensible du sujet, j’ai jugé pertinent de terminer avec la même
question pour chacune: « Vis-tu présentement des difficultés pour lesquelles tu aimerais
avoir de l’aide?».
Les entrevues ont été enregistrées, avec la permission des participantes, afin de
m’assurer d’être complètement à leur écoute et ne pas perdre le rythme de l’entretien, en
prenant des notes. Aussi, une fiche d’informations complémentaires a été élaborée pour
compléter et contextualiser les réponses des interviewées. La durée prévue de l’entrevue
était d’une heure, avec la possibilité de prendre des pauses au besoin. Dans les faits, les
entrevues ont duré environ une heure et demie, pause comprise. Pour ce qui est du lieu,
mon bureau a été privilégié deux fois, parce que c’est un endroit calme qui leur est déjà
familier et une des entrevues a eu lieu à domicile afin d’accommoder ma participante, et
son enfant de trois mois.
3.3 L’analyse des résultats
L’analyse thématique a débuté par une première écoute des entrevues et plusieurs
lectures par la suite, une fois les verbatims retranscrits. Ceci m’a permis de repérer et
regrouper les thèmes qui ont émergé dans les récits et de les mettre en relation avec les
thèmes préétablis dans la grille afin de consolider mes thèmes centraux. (Miles et
Huberman, 2003). En particulier, lire les verbatims m’a permis un certain recul sur le
matériel, ce qui a approfondi la démarche analytique et facilité le processus d’allers-
retours entre le cadre théorique et les entretiens. Les verbatims ont donc été annotés, afin
de ressortir les expériences et perceptions récurrentes et identifier des unités de sens.
Cinq thématiques principales ont été retracées dans les données, soit le contexte, la honte
et la culpabilité, les croyances et perceptions, les caractéristiques appréciées des
intervenants et les enjeux TDO. Ceux-ci ont été divisés en sous-thèmes, afin de faire
ressortir les éléments centraux des récits qui correspondent aux enjeux théoriques
identifiés—la stigmatisation, le changement identitaire, l’engagement thérapeutique—
devenus, par la suite, mes points de repères pour la discussion.
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4. LES RÉSULTATS
4.1 Portrait des participantes
Liliane
Liliane, 24 ans, est la plus vieille de deux sœurs. Elle habite chez ses parents avec
son fils de cinq ans et son mari, devenu le père adoptif de son fils. Elle avait dix-neuf ans
à la naissance de son fils et était monoparentale. Au moment de l’entrevue, elle est
travailleuse autonome en infographie, mais les contrats se font rares, ce qu’elle trouve
difficile. Elle envisage un retour aux études comme infirmière auxiliaire. Elle considère
que ses parents l’ont beaucoup aidée et contribuent de façon significative à l’éducation de
son fils. Par contre, elle aimerait gagner en autonomie et quitter le nid familial. Elle craint
toutefois ne pas pouvoir assumer son rôle parental sans l’implication de ses parents.
La maternité
Liliane a vécu trois grossesses, dont deux avortements. Elle affirme que la
naissance de son fils était désirée et la grossesse, planifiée. Elle reconnait que la relation
avec le père de son fils n’était pas idéale mais avait espoir que la naissance d’un enfant
améliorerait son couple et de façon générale, sa vie. Concernant le couple, une séparation
a eu lieu à la mi-grossesse. Avec le recul, elle juge que cela était nécessaire pour changer
ses habitudes de consommation. Elle considère que son fils a donné un sens à son
existence et lui a permis d’améliorer ses conditions de vie. Liliane a participé avec
assiduité à son suivi prénatal et accepté le suivi psychosocial qui fait partie de l’offre de
service. L’accouchement eut lieu sans complications; sans symptômes de sevrage
néonatal significatifs. Elle a quitté l’hôpital avec son fils huit jours après sa naissance, ce
qui représente la période d’évaluation minimale du sevrage. Aujourd’hui, elle considère
que la maternité a changé sa vie pour le mieux.
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La consommation
Liliane a débuté son traitement de méthadone à l’âge de 21 ans. Elle a cessé toute
consommation pendant la grossesse, mise à part quelques rechutes sporadiques de
Dilaudid, qui était sa drogue de choix. Elle croit que ses rechutes et plus particulièrement
la culpabilité qui devenait envahissante, lui ont permis de régler son ambivalence face à
la consommation et de se positionner davantage dans le processus d’arrêt. Cela fait cinq
ans et demi qu’elle n’a pas consommé d’opioïdes, ni de crack. Elle est présentement en
sevrage progressif de la méthadone. Elle prend un verre d’alcool à l’occasion mais ne
considère pas que cela soit problématique. Ses sources de soutien se situent surtout au
niveau familial : son mari, sa soeur aînée, sa cousine, ses parents. Elle fait appel à son
équipe traitante au CRAN au besoin et participe à des meetings NA lorsque les cravings
s’accentuent.
Julie
Julie, 33 ans, est l’aînée de trois frères. Elle habite en logement avec son conjoint
et leur fille de deux mois. Elle reçoit de l’aide sociale et son conjoint vend du cannabis
comme source de revenu supplémentaire. Elle travaillait dans une ressource
communautaire au moment où elle a rechuté à l’héroïne, après bon nombre d’années
d’abstinence. C’est dans ce contexte et suite à l’annonce de sa grossesse qu’elle décide
d’entreprendre un traitement de méthadone. Les rapports avec sa famille d’origine sont
tendus et irréguliers. Elle a repris contact avec sa mère pendant sa grossesse mais n’est
pas en contact avec elle actuellement, suite à un conflit. Elle a tenté de reprendre contact
avec son père récemment mais n’a pas eu de succès, ajoutant que ce dernier a une autre
famille maintenant. Elle aimerait retourner aux études lorsque sa fille aura un an.
La maternité
Julie a eu quatre grossesses, dont trois avortements. Elle a choisi de poursuivre
cette grossesse, malgré qu’elle n’était pas planifiée, en partie, car elle ne voulait pas subir
un autre avortement. Elle rapporte beaucoup de satisfaction dans son rôle maternel mais
aimerait que sa relation de couple se stabilise car conflictuelle pour l’instant. Son
conjoint a été incarcéré durant la majorité de sa grossesse, ce qu’elle a du mal à accepter.
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En revanche, elle a su bien s’entourer avec les ressources disponibles. Elle a eu un
accouchement difficile et un séjour à l’hôpital d’un mois et demi, pour le traitement du
sevrage néonatal de sa fille. Elle considère que cette période lui a permis de bénéficier du
soutien des professionnels et d’apprivoiser son nouveau rôle de mère. Cela lui a aussi
permis de mettre en place de meilleures conditions pour accueillir son enfant, c’est-à-dire
de trouver un logement plus adéquat. Elle n’a pas beaucoup de soutien de son entourage
mais continue d’utiliser les services à sa disposition.
La consommation
Julie a commencé à consommer l’alcool, le cannabis et le PCP lorsqu’elle avait
douze ans. À 14 ans, elle consomme la cocaïne, surtout le crack et à l’âge de 15 ans elle
essaie l’héroïne, ce qui devient sa drogue de choix. Elle consomme l’héroïne jusqu’à 24
ans et suite à une thérapie, arrête de consommer toute substance, sauf l’alcool et le
cannabis, substances qu’elle n’a jamais jugées problématiques. Elle rechute à 29 ans alors
qu’elle travaillait comme intervenante dans une ressource communautaire et qu’elle
rencontre une ancienne connaissance de consommation. Elle consomme l’héroïne jusqu’à
33 ans, où suite à l’annonce de sa grossesse, elle choisit d’entreprendre un traitement de
méthadone. Elle maintient son abstinence de l’héroïne pendant la majorité de sa grossesse
mais la perte de son logement et des conflits conjugaux qui ont lieu vers la fin de sa
grossesse lui occasionnent un stress important. Elle consomme de l’héroïne à quelques
reprises vers la fin de sa grossesse. Actuellement, le cannabis est la seule substance
consommée et ce, de façon régulière. Elle juge que le cannabis a une fonction
thérapeutique, l’aide à stabiliser son humeur et gérer ses cravings d’héroïne.
Céline
Céline a 36 ans. Enfant unique, ses parents se sont séparés lorsqu’elle avait 6 ans.
Elle est monoparentale, est présentement en thérapie résidentielle au programme Portage
mère-enfant, avec sa fille de sept mois et demi. Elle est bénéficiaire de l’aide sociale, n’a
pas travaillé depuis environ dix ans. Elle travaillait comme éducatrice. Elle se dit proche
de son père mais n’a pas de contact avec sa mère depuis huit ans. Elle décrit son enfance
comme étant normale. Elle se rappelle avoir éprouvé des difficultés à l’école lorsqu’elle
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était jeune, avait du mal à rester concentrée longtemps. Elle ajoute que sa mère
minimisait ses difficultés, lui reprochait de ne pas se forcer et lui refusait de l’aide. Elle
travaille présentement à stabiliser sa vie, se dit très motivée par son rôle de mère.
La maternité
De ses quatre grossesses, Céline a eu deux avortements et deux accouchements.
Sa première fille est née il y a cinq ans. Elle a perdu la garde de celle-ci, qui a d’abord été
placée temporairement en famille d’accueil, pour ensuite se faire adopter de façon
permanente. Céline fait part de cette situation avec beaucoup de tristesse et de regret. Sa
dernière grossesse n’était pas planifiée. À la naissance, sa fille a connu un sevrage
néonatal qui a nécessité une période d’hospitalisation d’un mois et demi. Céline a été très
présente pendant cette période malgré ses conditions de vie difficiles (consommation
active, sans domicile fixe, isolement social). Elle rapporte que le soutien qu’elle a reçu
pendant cette période lui a permis de stabiliser sa situation et croire qu’elle pouvait
devenir mère. Elle considère l’implication de la DPJ, du Centre des naissances du CHUM
et du Service périnatalité du Cran comme avoir joué un rôle important dans son processus
de changement en commençant par la décision d’entreprendre une thérapie, où elle se
retrouve depuis six mois.
La consommation
Céline est en traitement méthadone depuis environ dix ans. Sa consommation
d’héroïne s’est stabilisée rapidement mais la consommation de cocaïne a continué de lui
poser problème. Elle considère que sa relation avec cette substance est la raison pour
laquelle elle a perdu la garde de sa première fille. Après plusieurs tentatives, elle réussit à
cesser la consommation de cocaïne et maintenir son abstinence. Elle considère que la
naissance de sa deuxième fille, la peur de la perdre et le soutien professionnel qu’elle a
reçu lui ont servi de leviers thérapeutiques. Elle compte son père, ses intervenants au
Cran et à Portage, de même que les autres résidentes, comme ses sources de soutien
actuellement. Elle se dit satisfaite de son cheminement jusqu’à présent mais reconnait
qu’elle demeure fragile par rapport à la cocaïne, considère que c’est un deuil important à
faire, qui en soulève d’autres, la perte de sa première fille étant le plus difficile.
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4.2 Le contexte : L’écart entre la réalité et l’idéal
Pour chaque femme, la décision d’avoir un enfant est le début d’un processus de
réorganisation identitaire qui durera tout au long de sa vie; un processus qui a des
composantes cognitives, psycho-affectives et relationnelles. Interviendra aussi une
dimension sociologique, qui met de l’avant le rôle maternel, tel qu’il est défini dans notre
société (Brownstein-Evans, 2001). Devant ces dimensions devra se positionner la mère en
devenir, dans toute sa multiciplicité et sa singularité. Au-delà du désir et la décision
d’avoir un enfant, il ressort dans le récit de chacune des participantes qu’elles auraient
préféré que de meilleures conditions de vie entourent leur grossesse/maternité.
Liliane aurait aimé être dans une relation conjugale stable plutôt que de se séparer
de son conjoint pendant la grossesse; avoir plus d’autonomie financière et ne pas avoir à
dépendre de ses parents pour élever son enfant.
Céline affirme :
« […] qu’avoir un enfant, moi j’en voulais un, mais j’en voulais peut-être
pas dans…avec…en consommant, dans le fond. J’aurais voulu régler mes
problèmes avant. C’était pas volontaire, mais j’étais contente, c’est sûr »
(Céline, p.2).
Elle ajoute plus loin qu’elle aurait aimé avoir un conjoint et plus de sécurité financière.
Julie, quant à elle, fait part des changements qui ont eu lieu pendant la grossesse:
« Puis là, pendant ma grossesse, ça a changé. T’sais, il est rentré en-
dedans. Puis là, mes colocs ont commencé à faire plein de merde. J’ai eu
des nouveaux colocs. […] T’sais, tout a viré mal. Moi, j’ai perdu ma job.
Puis t’sais, je me suis retrouvée toute seule avec plus aucun moyen
monétaire. […] T’sais, ce que je voulais, puis ce qui s’est passé, c’était
deux choses différentes. Oui » (Julie, p.4).
Toutes les trois ont nommé qu’elles auraient préféré ne pas avoir à prendre de la
méthadone pendant la grossesse pour ne pas faire subir le sevrage néonatal à leur enfant.
Ces témoignages font ressortir une discordance entre l’image de soi vécue et celle
souhaitée, que peut amener l’état de grossesse. Ceci entraîne une prise de conscience des
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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difficultés, empreint d’un désir de changer sa vie. Ces constats peuvent mener à une
restructuration des priorités. L’espace entre la situation espérée et celle qui existe héberge
le désir du changement et l’espoir que cela soit possible, mais aussi la honte, la
culpabilité et la peur d’être jugée.
4.3 La honte et la culpabilité
Tout dépendant de là où elle est dans son cheminement, l’annonce de la grossesse
met souvent la femme devant un choix à faire par rapport à la consommation. Pour les
futures mères et à travers le regard des autres, la consommation devient un geste
culpabilisant. La relation qu’elles ont eue jusqu’ici avec la substance, pouvant aller du
plaisir à l’automédication, devient maintenant un danger pour le bébé. La honte et la
culpabilité reviennent souvent dans le récit des mères que j’ai interviewées, imprégné de
peur d’avoir fait mal à leur futur enfant et d’être vue comme une mauvaise mère. Les
mots de Julie rendent bien ces sentiments, qui ressortent souvent dans mes échanges avec
la clientèle :
« […] puis ça été une raison de rechute en plus. […] ça vraiment été dur,
t’sais. Enceinte, de vivre tout ça, là, puis de rechuter. Puis à chaque fois
que je rechutais enceinte, je me tapais beaucoup sur la tête, t’sais, par
rapport à la petite aussi. […] Elle est dans mon ventre, je lui fais vivre ça
aussi, t’sais. Puis c’est un petit être que…t’sais, elle a pris de la méthadone
en plus. Je trouve que je n’y ai pas été avec le dos de la cuillère avec elle.
Elle a commencé sa vie rough […]. Je trouve ça triste, là, tout ça » (Julie,
p.38).
Julie, Céline et Liliane ont toutes les trois exprimé craindre le regard des autres à
certains moments, particulièrement en lien avec leur rôle de mère. Leur histoire nous
permet de voir comment peut se traduire la peur d’être jugé. Différentes manifestations
des sentiments de honte et de culpabilité ressortent.
Céline, qui admet avoir évité les services pendant ses deux grossesses, exprime le
sentiment de solitude qui était à l’avant-plan de son expérience et qui s’est étendu jusque
dans ses relations familiales :
« J’avais peur de la perdre, dans le fond. […] puis j’avais pas de soutien
parce que j’avais perdu mon soutien vu que […] mes parents […] ils
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étaient découragés un peu. […]. Fait que j’essayais pas de les rejoindre.
Fait que j’avais pas de soutien, j’avais rien » (Céline, p.3).
Elle nous fait part de sa perception qu’il fallait qu’elle change ses comportements, voire
arrêter de consommer, avant de pouvoir se tourner vers son entourage ou les
professionnels pour du soutien. Elle constate aujourd’hui comment la pression qu’elle se
mettait contribuait à renforcir les comportements qu’elle souhaitait changer et à s’isoler
davantage : « […] plus je m’en voulais, plus je consommais » (Céline, p.4).
Julie, pour sa part, a vécu des difficultés sur les plans social et conjugal vers la fin
de sa grossesse, ce qui a occasionné une rechute. Avec le recul, elle réalise que malgré
qu’elle s’était engagée dans son suivi, elle ne s’est pas sentie à l’aise d’aborder cette
rechute au moment où elle l’a vécue. Elle identifie la déception personnelle qu’elle
ressentait, mais aussi la peur de décevoir son équipe traitante :
« Le monde avec qui je parle […] Je les sens peut-être à l’aise de parler
avec moi de comment on se sent avec le bébé, mais tout qu’est-ce qui a
rapport à la consommation, je pense que c’est un autre step. […] est-ce
qu’ils vont l’accepter? Ou est-ce qu’ils vont me juger? » (Julie, p.51).
Liliane se rappelle des défis reliés à l’arrêt de consommation de crack et de
Dilaudid, dans un contexte où son conjoint en consommait activement. Elle voit la
culpabilité comme étant une force positive, qui a contribué à freiner sa consommation et
maintenir l’abstinence, de par son omniprésence :
« It’s actually easier not to use because I have the guilt factor. […] the last
couple times I used, I injected the Dilaudid […]. The guilt would be huge
[…] I would be injecting a panic attack » (Liliane, p. 16).
L’expérience que nous relate Liliane fait ressortir le lien qui existe entre culpabilité et
responsabilité. D’une part, la reconnaissance de sa responsabilité face à sa vie et celle de
l’enfant à venir lui a permis d’agir pour se libérer de sa culpabilité face à la
consommation. D’autre part, les conditions de vie qui englobaient cette prise de
conscience au moment où elle a eu lieu, notamment un milieu de vie retiré de la
consommation et supportant, étaient propices au changement. Notons que Liliane a
également fait le choix de laisser son conjoint par la suite, en raison des tensions créées
par la consommation.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Les mots de Céline, Julie et Liliane reflètent bien ce tiraillement identitaire et la
complexité des conduites et émotions qui entrent en jeu dans cette double question à la
croisée de l’expérience parentale et la consommation. Celles-ci, comme toutes les mères,
ont des préoccupations et des espoirs. Pour chacune d’elle, l’annonce de la grossesse
marque le début d’un effort à soutenir qui leur demandera de trouver l’équilibre entre leur
identité de consommatrice et celle de future mère. La peur du jugement fera
inévitablement partie de cette transition, avec toutes ses nuances de honte et de
culpabilité.
Mon expérience clinique me permet de constater qu’il y a plusieurs facteurs qui
rendent difficile le choix à faire vis-à-vis la consommation—la chronicité du problème, le
contexte et style de vie et les sources de soutien, entre autres. Par contre, si l’on peut
aider nos mères en devenir à prendre contact avec leurs propres émotions et jugements, il
devient possible de les recadrer au profit du changement. Pour ce faire, il doit y avoir
l’espace pour accueillir la honte et la culpabilité, qui ne sont pas toujours faciles à repérer
de par le sentiment d’impuissance et l’inhibition de l’action qu’elles engendrent. Il est
possible de voir chez Céline, Julie et Liliane comment la honte s’introjecte de sorte à ce
qu’elles se jugent négativement avant même que les autres puissent le faire; comment la
culpabilité crée l’impression qu’il y a quelque chose à cacher qui, à la fois, est impossible
à nier; comment la peur du jugement devient jugement de soi : « T’sais, je me suis tout le
temps dit que je mettrais pas au monde un enfant dans la misère, puis j’ai l’impression
que je la mets au monde dans la misère » (Julie, p.10).
4.4 Croyances et perceptions
La théorie de l’identité sociale avance que c’est grandement en fonction du regard
porté sur elle par son partenaire, ses parents, les professionnels et la société que se définit
l’identité de mère et se construisent les sentiments de valeur et de confiance nécessaires
pour assumer ce rôle (Venne et Morissette, 2009). C’est dans cette perspective qu’ont été
explorées les croyances et perceptions des mères avec lesquelles je me suis entretenue.
Dans un premier temps, j’ai voulu faire ressortir leurs perceptions du regard porté sur
elles par les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux. Ensuite, faire
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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émerger comment elles conçoivent le regard de leurs proches, plus particulièrement de
leurs parents et conjoints. Et ce, dans l’espoir de mieux comprendre comment ces
perceptions se traduisent dans leurs choix, comportements et relations pendant la période
entourant la naissance de leur enfant.
4.4.1 La perception des professionnels de la santé
Il est démontré qu’une personne consommatrice de drogues, les opioïdes en
particulier, utilisera davantage les services de santé en lien avec les conséquences
physiques et risques associés à la consommation (Fischer et coll., 2005). De plus, la
grossesse, de façon générale, amène à consulter des professionnels de la santé et ce, de
manière plus intensive de par les rendez-vous qui se rapprochent avec l’évolution de la
grossesse. Ensuite, vient l’accouchement, où les professionnels de la santé entourent, ou
dans le meilleur des mondes, accompagnent les mères en devenir, dans un moment de
grande vulnérabilité. Les femmes enceintes en traitement de la dépendance aux opioïdes
seront suivies de façon plus systématique pendant leur grossesse que les femmes
toxicomanes qui ne sont pas en traitement, en lien avec la prescription de méthadone.
Elles auront également un plus long séjour à l’hôpital suivant la naissance de leur enfant,
en fonction de l’évaluation et du traitement du sevrage néonatal.
Mon expérience auprès de ces femmes me permet de voir qu’il est fréquent que
l’on mette l’emphase sur les effets de la consommation sur le fœtus et les lacunes
parentales, lorsqu’on travaille avec elles. Dans Parentalité, alcool et drogues : Un défi
multidisciplinaire, les auteures partagent ce constat et identifient certaines croyances qui
peuvent en découler. En particulier, elles identifient que la perception que ces femmes
sont incapables de changer ou modifier leur vie pour rencontrer les besoins du fœtus et de
leurs enfants est courante dans les milieux d’intervention (Venne et Morissette, 2009).
Malgré que leur trajectoire individuelle diffère, chacune de mes participantes a
exprimé s’être sentie jugée et blessée par les propos d’un(e) professionnel(le) de la santé
à un moment ou un autre dans son parcours. Voici trois croyances qui ressortent dans le
récit de Julie, Liliane et Céline :
Croyance 1: la personne toxicomane ne veut pas s’aider.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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« J’ai fait ben des overdoses [….]. Ils étaient fâchés parce que t’sais, ils
m’avaient dit…parce que j’étais revenue deux fois dans la même journée,
là. Ils m’avaient dit […]: Ben là, moi je suis ici pour soigner du monde, là,
qui veulent…qui veulent s’en sortir. Ça je m’en souviens » (Céline, p.33).
Ici, Céline nous parle d’une période dans sa vie où ses rapports avec le réseau de
la santé tournaient uniquement autour de sa consommation de drogues. Avant même
d’être mère, elle voyait dans le regard des autres la notion que les toxicomanes sont
responsables de leur sort et méritent moins de recevoir de l’aide que d’autres personnes
dans le besoin. À plusieurs reprises, Céline fait allusion à la perte de contrôle et le
sentiment d’impuissance qui englobaient sa consommation de cocaïne. Elle affirme
qu’elle souhaitait cesser sa consommation et reprendre le contrôle de sa vie avant d’entrer
en contact avec les autres, professionnels et proches. Elle décrit comment elle évitait les
services dont elle avait besoin pendant ses grossesses, par peur de se faire juger et surtout,
par peur de se faire retirer son enfant. Elle voulait d’abord démontrer sa capacité d’agir,
malgré ce sentiment d’impuissance qui dominait. Aujourd’hui, elle prend conscience de
ceci et constate que l’attitude des soignants à d’autres moments dans sa trajectoire a eu un
impact sur ses choix et comportements pendant ses grossesses.
Croyance 2: les femmes qui ont des problèmes de consommation sont de mauvaises
mères.
Le tiraillement entre l’identité positive de mère, qui bénéficie d’une
reconnaissance sociale et l’identité négative de la consommatrice de substances, qui est
plutôt condamnée par la société, amène un aspect totalisant à chacune de ces identités, et
peu de nuances entre l’idéal et la réalité (Boyd et Marcellus, 2007). « […] Ils s’en foutent
là; t’es droguée, c’est pas bon » (Céline, p.17).
Les mots de Céline reflètent bien le jugement qui ressort des trois entrevues : une bonne
mère ne consomme pas. La croyance qui découle de cette perception est que la
consommation de substances et la parentalité sont incompatibles. Plus précisément,
Céline croit qu’elle doit cesser sa consommation avant de pouvoir demander de l’aide,
sinon on lui retirera son enfant.
Julie, pour sa part, rapporte s’abstenir d’aborder ses cravings et minimiser les
difficultés liées à la consommation pendant la grossesse. Elle partage comment la
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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réaction d’une professionnelle il y a quelques années l’a marquée, a ajouté un niveau de
difficulté à une expérience qui était difficile d’avance:
« […] j’étais mineure. […] ils me passaient une prise de sang, t’sais, avant
de te faire avorter […]. Puis là, la femme, elle avait commencé à me
gueuler après parce que mes bras étaient maganés. Puis elle me disait: “Ça
a tu du bon sens, être enceinte, ostie, en consommant de même!” […] Puis
tout le long qu’elle essayait de me piquer, elle disait: “Ça a tu du bon
sens?” Puis elle capotait. Puis t’sais, vraiment, t’sais, tu te sens comme
une merde. Mais déjà, en plus, je m’en allais me faire avorter » (Julie, p.
17).
Liliane nous amène plus loin dans la maternité, étant donné que son fils a déjà
cinq ans, partageant comment elle a l’impression que la pédiatre de son fils la juge. Elle
aurait préféré que celle-ci ne soit pas au courant de son traitement de méthadone, qui
expose son passé de dépendance. Elle trouve qu’elle lui pose beaucoup de questions sur
elle, plus qu’elle ne poserait à une mère « normale ».
Quant à la perception du regard des autres, le mot « normal » revient souvent dans
le récit des femmes. L’importance de se sentir normale: « […] the obstetrician that I had
was awesome. So nice, he made me feel like I was just some normal woman. […] not an
ex-user on methadone, you know? He was really nice » (Liliane, p.5); ou le fait de ne pas
se sentir normale : « mais je sentais que […] ils te jugent, mais ils veulent que tu sois
comme, mettons, une autre mère, t’sais, qui est normale » (Céline, p.20).
La crainte d’être considérée moins bonne que les autres mères engendre le
sentiment qu’elles doivent se prouver davantage; laisse moins de place à l’erreur ou
l’imperfection : « Ça va bien ? T’sais, ils viennent s’informer. […] les autres mères,
c’était plus avec moi. Moi, ils me regardaient tout le temps, voir si c’était correct, si je
faisais les affaires comme il faut » (Céline, p.17).
Croyance 3: le signalement à la DPJ est automatique lorsque la mère est en
traitement de la dépendance aux opioïdes.
Même si elle n’est pas toujours nommée comme telle, la peur de se faire retirer la
garde de l’enfant est omniprésente chez mes clientes. Julie en témoigne :
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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« Puis j’en ai pas eu (de signalement), comme. J’étais même été surprise
de ne pas en avoir, t’sais » (Julie, p.20).
« […] le monde dans la rue à qui je parlais me disait ça, là […] qu’il y
avait des signalements à la DPJ […] sur méthadone. Mais t’sais,
aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a d’autres critères que ça » (Julie,
p.21).
Plus tard, elle discute de ses réticences à aborder les cravings qu’elle ressentait, faisant le
lien entre cette croyance et les craintes qui en découlent :
« J’ai peur qu’on me l’enlève. T’sais, c’est tellement l’amour de ma vie.
Puis t’sais, j’ai comme peur qu’on me dise, comme: “Tu es faible”, t’sais »
(Julie, p.45).
Céline, pour sa part, a évité les services psychosociaux pendant ses deux
grossesses. Elle nous fait part de la croyance qu’elle entretenait qu’aborder les difficultés
qu’elle vivait, notamment avec sa consommation de cocaïne, augmenterait les chances
qu’un signalement ait lieu. Un signalement a quand même eu lieu suivant la naissance de
ses deux enfants. Elle affirme qu’avoir perdu la garde de sa fille ainée a contribué à la
méfiance qu’elle avait déjà envers les professionnels de la santé et a fait en sorte qu’elle a
évité les services psychosociaux davantage pendant sa deuxième grossesse. Avec le recul,
elle croit que le fait de ne pas s’être sentie soutenue dans le contexte de ce premier
signalement/placement a particulièrement contribué à cette méfiance : « […] au lieu
d’avoir juste une TS qui est là, dans le fond, pour te dire que sûrement qu’il va être placé,
là. Il devrait y en avoir une autre, au pire, une pour l’enfant, pis une pour toi » (Céline,
p.47).
Suite à son premier accouchement, la perception que les professionnels autour
n’étaient que concernés par le bien-être du bébé et la considérait comme étant néfaste
pour lui a exacerbé les sentiments de honte et de culpabilité qu’elle vivait et l’a amenée à
sombrer davantage dans la consommation. Par contre, la période entourant son deuxième
accouchement s’est déroulée différemment. Elle exprime s’être sentie soutenue et
comprise davantage par les professionnels. Elle nous dit que la relation de confiance
qu’elle a su développer avec une intervenante l’a amenée à s’ouvrir davantage, affronter
ses craintes et entamer une démarche thérapeutique qui lui a permis de maintenir la garde
de sa fille.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Les mots de Céline, Julie et Liliane nous permettent de voir comment l’intérêt des
mères consommatrices à utiliser ou non les ressources qui leur sont disponibles peut
dépendre des attitudes et discours des professionnels par rapport à leur consommation et
d’expériences négatives qu’elles ont vécues préalablement.
4.4.2 Le regard de l’entourage
Lors des entretiens, l’implication ou l’absence de l’entourage revenait souvent.
Cela soulève des questions quant à l’impact des proches sur les représentations parentales
et l’utilisation des services. Il ressort dans les études que le soutien financier et moral de
la famille est préféré aux ressources institutionnelles (Bertrand et coll., 2007 ; Hogan,
2004 ; Morissette et coll., 2009). Les femmes consommatrices seraient plus motivées à
s’engager dans leur projet de maternité quand leur famille leur renvoie un feedback
positif de leurs capacités à être une bonne mère et à modifier leur consommation. En
revanche, une réaction négative qui reflète un manque de confiance dans leurs capacités à
changer peut freiner la motivation à s’engager (Poole et Urquhart, 2010).
Pour Liliane, la proximité avec sa mère est à la fois réconfortante et confrontante.
Elle admet chercher une certaine validation de sa part, qu’elle peine à trouver :
« As for my parents, […] I would have to get it out of them, especially my mom.
And then, she’d get upset ‘cause I’d ask her: “Are you proud of me?” “Why do
you ask me that? You know I’m proud of you!” (harsh voice) Well, ok, it’s just
good to hear it, ‘cause I’m proud of me…yep» (Liliane, p. 4).
Céline partage comment ses rapports avec ses parents varient en fonction de la
consommation. Lorsqu’elle consomme, elle les évite, nous dit que, de toute façon, elle est
mise à l’écart de la famille lorsque la consommation fait partie de sa vie. Depuis qu’elle
est en thérapie, Céline a repris contact avec sa mère. Cela faisait huit ans qu’elle ne lui
avait pas parlé. Elle me fait part que sa mère considère qu’elle n’a pas réglé son problème
de consommation car elle prend encore de la méthadone. Elle précise : « Ma mère, elle
est la première à dire que les drogués, c’est de la merde » (Céline, p.34).
Ces témoignages nous permettent de voir qu’il est également possible de se sentir
stigmatisé à l’intérieur de sa propre famille. Comme le développement de l’estime de soi
implique le passage du regard des personnes significatives, en commençant par nos
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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parents, à la naissance d’un regard sur soi, les perceptions et croyances des proches
auront certes une influence sur la perception de soi. Ce regard affectera aussi le sentiment
d’efficacité personnelle en tant que parent et la façon d’entrer en relation avec les autres
(Morissette et coll., 2009).
Si la famille est le premier lieu d’apprentissage, il n’est pas le seul. Quoique les
modèles parentaux les plus accessibles soient généralement dans la famille ou la belle-
famille, ils peuvent également se trouver à l’extérieur de la famille d’origine. Lorsque
Liliane nous parle de la mère de son amie d’enfance, on voit comment la relation qu’elle
a développée avec celle-ci a été significative dans sa construction idéologique de la
maternité.
« […] I find that I’m strong. And I’ve learned a lot, not just because of the
pregnancy, mostly because of my experiences with drugs and everything,
[…] And, I promised myself that I would be a mother like my neighbour
across the street. […] She was a good mother. She wasn’t strict, but she
wasn’t a friend either » (Liliane, p.8).
Ceci illustre comment la conduite parentale peut aussi être modulée par les
relations entretenues à l’extérieur de la famille d’origine.
4.4.3 Le père
Des écrits indiquent que les pères considérés vulnérables sont ceux qu’on voit le
moins dans les services (Brown et coll., 2009) et qu’ils sont souvent marginalisés, ignorés
ou rendus mal à l’aise en dépit de leur désir d’avoir de l’information ou des conseils
(Hogan, 2004). En conséquence, peu d’intervenants sociaux recueilleraient de
l’information sur les pères dans les familles auprès desquelles ils travaillent. Les
partenaires des mères consommatrices auraient donc aussi des raisons d’être méfiants
envers les services, en lien avec leur perception des attitudes des professionnels avec qui
ils entrent en contact.
Dans ma pratique, les pères sont invités aux rencontres prénatales. Il m’est arrivé
à quelques reprises que le père devienne mon client principal, car la mère ne souhaitait
pas entreprendre un suivi psychosocial pendant sa grossesse. Je crois que les pères
méritent que l’on se penche sur leurs perceptions et expériences afin de mieux les
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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rejoindre et les accompagner dans la mise en acte de leur rôle parental. Par contre, en
raison du spectre limité de cet essai, les pères ne sont qu’abordés sous l’angle de
partenaire des mères interviewées. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à consulter
l’essai synthèse de Julie Bouchard, qui traite de l’expérience de la paternité chez les pères
utilisateurs de drogues injectables (Bouchard, 2015). Dans la perspective que la relation
des mères avec le partenaire constitue un déterminant clé du stress anténatal (Morissette
et coll., 2009), la présence ou l’absence du père peut constituer un facteur de risque ou de
protection selon les contextes.
À la lumière de ce qui ressort des entrevues, il y a lieu de s’interroger sur l’impact
que peut avoir la précarité des relations affectives et familiales sur le développement du
rôle parental.
Quoiqu’il soit documenté que le soutien de la famille est préféré aux ressources;
mon vécu clinique, appuyé par les propos de mes participantes, m’amène à me poser les
questions suivantes : Comment peut-on accompagner les mères et familles lorsque les
représentations familiales sont difficiles, le soutien de l’entourage faible ou inexistant?
En tant que professionnels, comment peut-on offrir des services qui peuvent compléter ou
pallier à la précarité des liens avec l’entourage et contrer l’isolement relationnel qui
pourrait en résulter?
4.5 Caractéristiques appréciées des intervenants
Nous avons vu, particulièrement dans le récit de Céline et Julie, comment une
expérience négative dans le système de la santé peut être marquante et entraîner une
méfiance qui se jouera dans les futures interactions avec les professionnels. Mes trois
collaboratrices ont partagé comment le contraire est vrai aussi : un échange positif dans le
cadre d’une rencontre professionnelle peut avoir un impact bénéfique sur les relations à
venir.
Les attitudes et comportements des intervenants qui ressortent le plus souvent
dans la littérature comme étant appréciées chez les femmes enceintes et mères
toxicomanes sont les suivantes : la constance des intervenants; une attitude non-jugeante;
l’assurance de la confidentialité et la transparence quant aux rapports avec la protection
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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de la jeunesse; recevoir de l’information; un niveau élevé de soutien (Bertrand et coll.,
2007 ; Boyd et Marcellus, 2007 ; Guyon et coll., 2002; Greaves et Poole, 2004 ; Leslie,
2011).
Regardons ce que Julie, Liliane et Céline ont à dire à ce sujet…
La gentillesse
Le mot « gentil » et ses synonymes reviennent souvent dans leur récit. Malgré la
simplicité dégagée par ce concept, il semble représenter la caractéristique la plus
appréciée pour chacune de mes participantes. La question se pose : Est-ce que bien
intervenir auprès de cette population peut être aussi simple qu’être gentille avec elles ?
Si tel est le cas ; comment se traduit la gentillesse dans nos interventions ?
Regardons de plus près ce qu’elles entendent par être « gentil/fin/nice »…
Pour Julie, être « fin » implique un accueil chaleureux et une attitude non-
jugeante :
« Puis quand je suis arrivée avec le docteur […], j’étais super contente, là.
Oublie ça, là, j’étais au paradis. Tout le monde a été fin avec moi, même la
réceptionniste en avant. […] Tout le monde nous a super bien traités.
T’sais, il n’y a personne qui nous a fait sentir comme des mauvais
parents » (Julie, p.19).
Ses mots illustrent comment se sentir bien traité par les professionnels, au-delà d’être
agréable, peut être validant. Cette validation permet à Julie de s’ancrer davantage dans
son identité parentale.
Pour Céline—qui, rappelons-le, a évité les professionnels pendant ses deux
grossesses, a perdu la garde de sa première née et était particulièrement méfiante envers
les intervenants en lien avec de mauvaises expériences dans le passé—être fine signifie
un haut niveau de soutien et une transparence quant aux interactions avec la DPJ : « elle
était fine […] c’est elle qui a tout convaincu…même la DPJ ne savait pas c’était quoi
[…] le programme Portage Mère/enfant […]. Elle, elle connaissait tout ça. Fait que c’est
elle qui leur a tout expliqué » (Céline, p.15).
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En plus d’être transparente, l’intervenante dont nous parle Céline a fait le pont
entre elle et la DPJ et a transmis de l’information concernant les services en toxicomanie
auxquels elle pouvait avoir accès. Ceci a facilité l’arrimage des pratiques d’une part ; a
amené la cliente à s’impliquer davantage dans son processus de rétablissement, d’autre
part. Non seulement ce soutien l’a aidée à se mobiliser vers le changement mais lui a
aussi permis de s’investir dans sa relation avec sa fille. Dans Facteurs-clés d’une
collaboration réussie entre les parents, le CHUM et la DPJ en contexte de toxicomanie
parentale, il ressort que l’anxiété et l’incertitude des mères consommatrices de se faire
enlever leur enfant peuvent nuire au développement du lien d’attachement fœtal et que les
parents se sentent souvent isolés et mis de côté quant à la prise de décisions concernant le
devenir du bébé (Lavergne et coll., 2009).
L’authenticité
Ce qui ressort aussi du récit de mes collaboratrices est qu’être gentil ne veut pas
dire toujours dire oui et tout endosser mais plutôt être vrai. Liliane nous partage son
impression d’une intervenante qui l’a beaucoup aidée : « […] When this woman, she
would tell me what she thought, she was blunt, but not in a bad way, and every time she
said something it always made me think » (Liliane, p. 9). Elle apprécie que celle-ci ait
été franche et directe avec elle, tout en demeurant respectueuse. Elle partage qu’elle a vite
fait confiance à cette intervenante, a senti qu’elle pouvait s’exprimer librement, sachant
qu’on lui répondrait de façon sincère.
La directivité
Chaque grossesse représente un tournant vers l’inconnu; une période où la femme
est amenée à trouver de nouveaux points de repères, se tracer un nouveau chemin qui
peut parfois paraître flou et même égarant. Des sentiments accrus de vulnérabilité se font
sentir devant ce chemin jusqu’à présent inexploré et il peut être aidant d’avoir un guide
pour nous accompagner. « Oui, je trouve que […] ils m’ont bien référée, puis … j’ai été
bien dirigée » (Julie, p.35). Le choix de mots de Julie capte comment devant l’inconnu, il
peut être sécurisant de se laisser guider par quelqu’un qui a des connaissances que nous
n’avons pas, ou un pas de recul de plus. Je constate que mes clientes n’expriment pas
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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toujours leurs besoins, particulièrement lorsqu’elles se trouvent devant la parentalité pour
la première fois. Il importe alors de détecter non seulement les besoins exprimés, mais
aussi, ceux qui ne le sont pas.
La grossesse en TDO se caractérise par des aspects médicaux précis, tels le
sevrage néonatal, ainsi que plusieurs enjeux psychosociaux. Il y a donc lieu de
transmettre des informations importantes et d’orienter vers d’autres ressources,
nécessaires et complémentaires. Ceci amène une certaine directivité dans l’intervention
qui, à mon avis, doit être faite adroitement car elle peut poser défi lorsque les besoins
perçus dépassent la demande. Cette directivité peut aussi inclure l’accompagnement
physique des personnes vers les ressources familiales qui leur seront utiles dans
l’exercice de leur parentalité. L’accompagnement vers les organismes du quartier, entre
autres, peut représenter une occasion de construire et/ou consolider un réseau social et
d’entraide et briser l’isolement, qui, trop souvent, est présent.
La valorisation
Julie, Céline et Liliane ont toutes fait mention de l’importance de ne pas se sentir
jugé et ce, à quelques reprises. Elles ont également fait ressortir la valeur de la
valorisation :
« Oui, oui. Mais elle nous a jamais jugés non plus par rapport à ça. Puis
t’sais, elle nous a dit la même affaire, là, t’sais. Elle n’arrête pas de nous,
t’sais, de nous valoriser, puis de nous dire qu’on est bon, t’sais :
“Continuez ! ” Puis t’sais, elle le sait : “C’est pas évident, ce que vous
vivez. Puis c’est pas évident d’arrêter de consommer” » (Julie, p. 46).
La valorisation contribue de façon significative à l’adaptation à la maternité et à la
consolidation des aspects identitaires liés à cette nouvelle réalité. De façon générale, le
regard social pèse particulièrement sur le parent. Ces mères en devenir subissent des
changements à plusieurs niveaux, plusieurs moins visibles que les transformations
corporelles apparentes. L’image et l’estime de soi, les perceptions et principes, la manière
dont elles se rapportent à un nouveau milieu de vie se voient souvent altérés par le
changement identitaire en cours.
Plus qu’une forme de gentillesse, la valorisation est une stratégie d’intervention
(Miller et Rose, 2009). En reconnaissant les forces, les ressources et les difficultés
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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qu’implique le changement, la valorisation peut susciter un sentiment d’auto-efficacité et
d’accomplissement, ou reconnaître des sentiments qui ne s’expriment pas facilement, en
lien avec la peur du jugement, tel que le décrit Julie.
La bonne proximité
« […] elle me comprenait, elle était là pour moi, elle était… elle était
vraiment gentille, elle était… t'sais, tellement gentille. Elle était
compréhensive. […] Je ne me sentais pas jugée, pas pantoute, là. Elle était
vraiment comme […] comme si c’était … mon amie! T’sais, mon amie ou
ma… ma sœur » (Céline, p.25).
Ici, Céline partage comment elle a été touchée par la compréhension de son intervenante,
qui, dans ce contexte, représente l’égalité malgré l’écart des positions qu’elles occupent.
Elle fait allusion à l’humanité commune derrière les rôles sociaux.
Les écrits abordant les dimensions relationnelles de la dyade aidé-aidant nous
ramènent souvent à la notion de la bonne distance thérapeutique. Or, les propos de Céline
font écho à une intuition qui m’habite depuis que je travaille auprès des femmes dites
vulnérables : c’est souvent en prenant contact et en m’approchant de l’humanité de l’autre
que je vois émerger la relation thérapeutique. En tant qu’intervenants, nous apprenons
comment nous distancier et nous protéger des pièges relationnels. Alors, qu’en est-il de la
bonne proximité ? Les propos de Dominique Depenne (2013) suscitent une réflexion en
ce sens. Dans son œuvre, Distance et proximité en travail social, il fait la distinction entre
proximité et promiscuité, ajoutant que la proximité n’implique pas de renoncer aux
limites professionnelles. Pour cet auteur, une « bonne proximité » est fondée sur « le
souci éthique de ne jamais s’annuler face à l’autre, ni de porter atteinte à son intégrité, à
sa dignité ou à sa singularité, mais de l’accueillir dans son étrangeté dont une part notable
nous restera, à jamais, étrangère ».
Cette réflexion, que nous n’aborderons pas en profondeur dans cet essai, est
rehaussée par les propos de Céline et m’aide à prendre conscience que dans mon travail,
je dois m’associer à ma cliente afin de l’aider. Ceci demande plus que de simplement
faire émerger un besoin et élaborer un plan d’intervention. Il s’agit de voir la personne
devant moi comme une source de savoir plutôt qu’une personne à qui enseigner, de
reconnaitre mon impuissance face à la situation, puisque je n’ai pas, à moi seule, la
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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compétence nécessaire pour l’aider. Il s’agit de me connecter à notre humanité commune
et de me permettre d’être bienveillante dans la relation (Depenne, 2013). On ne parle pas
de fusion, mais plutôt de l’écart nécessaire pour que chacune puisse être pleinement
acteur selon ses connaissances et capacités. Il m’apparaît que la bonne distance
positionne l’intervenante devant la cliente alors que la bonne proximité nous place côte-à-
côte : « Elle ne me jugeait pas pantoute. Elle était vraiment là, pour […] avec moi.
Vraiment » (Céline, p.25).
4.6 Enjeux TDO
Pour les femmes en TDO, le travail et l’accouchement ne composent qu’une
partie de l’expérience à l’hôpital. La naissance de leur enfant se caractérise par la crainte
et l’incertitude face au sevrage néo-natal. Pour l’évaluation du sevrage néo-natal, le
nouveau-né est hospitalisé en moyenne huit jours à l’hôpital. Si le sevrage nécessite un
traitement médical, il devra être hospitalisé de six à huit semaines (Lavendier et coll.,
2009).
Le sevrage néonatal
Entre 55% et 94% des nouveau-nés exposés in utero aux opioïdes peuvent
présenter des symptômes de sevrage (Jones, Finnegan et Kaltenbach, 2012). Les premiers
symptômes peuvent apparaître de 24-48 heures après la naissance et jusqu’à une ou deux
semaines de vie plus tard. Ces symptômes peuvent inclure l’irritabilité, des cris aigus, un
sommeil perturbé, des bâillements, des diaphorèses, l’hypothermie, des problèmes de
succion, des régurgitations, vomissements, congestion ou écoulement nasal et
éternuements (Finnegan et Kandall, 2005).
Les interventions non-pharmacologiques comme le contact peau-à-peau et la
réduction des stimuli sont utilisés pour traiter le sevrage, auquel s’ajoute le sirop de
morphine, selon l’intensité des symptômes (Abrahams et coll., 2007). Il ressort des
entrevues que le sevrage néonatal est une préoccupation majeure et une expérience
difficile. Ceci fait écho à ce qui est exprimé de la part de l’ensemble des femmes qui
composent ma clientèle. Elles se sentent coupables et responsables de l’état de leur
enfant : « Bien oui, mais c’est de ma faute aussi. Elle n’est pas malade pour rien, là. Elle
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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est malade parce que j’ai pris de la méthadone, là, t’sais » (Julie, p.24). Ce sentiment est
exacerbé lorsque le sirop de morphine doit être administré (Guyon et coll., 2002) :
« Je sais pas, là, mais t’sais, c’était comme si que je la shootais, là, pour
moi, là. C’est la même chose, là. Mais d’une autre manière. […] T’sais,
moi, quand je suis malade, là, je donnerais tout pour une dose, là, t’sais,
tellement que ça fait mal » (Julie, p.28).
La majorité des femmes en TDO dans la région de Montréal accoucheront au
Centre des Naissances du CHUM, à moins de complications particulières. Le CHUM
accueille des bébés nés de mères en TDO depuis le début des années 1980. En 2000, un
programme de soins dédié aux bébés nés de mères en TDO a été mis en place pour
permettre à ces familles de cohabiter suivant l’accouchement. Cette modification de la
prise en charge du bébé dans la période postnatale est née du souci de répondre mieux
aux besoins des parents et de renforcir la formation du lien d’attachement. Ainsi, lorsque
la mère obtient son congé post-partum (48h post-naissance), elle est invitée à occuper une
chambre d’accueil attenante à l’unité néonatale. Les parents et l’enfant peuvent donc
cohabiter pour la durée de la période d’hospitalisation du nouveau-né, tout en bénéficiant
du soutien du personnel infirmier, médical et psychosocial (Lavendier, Venne et
Perreault, 2009; Lecompte et coll., 2002).
Le séjour à l’hôpital
Une étude effectuée au Centre des naissances du CHUM fait ressortir les
bénéfices de la cohabitation. Ceux-ci incluent une diminution du séjour à l’hôpital (de
28,2 jours en 2004-05 à 9,6 jours en 2005-06) et une baisse de l’utilisation du sirop de
morphine; une augmentation de l’allaitement, qui est perçu par les mères comme un acte
valorisant qui diminue leur sentiment de culpabilité et augmente leur sentiment de
contribuer au mieux-être de leur enfant (Lecompte et coll., 2002). Il est également
documenté que l’allaitement et l’utilisation de compléments de lait maternel permettent
de diminuer l’intensité des symptômes de sevrage, même si la quantité de méthadone qui
se trouve dans le lait maternel est minime (Finnegan et Kandall, 2005; Jones et coll.,
2008).
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Mes trois collaboratrices disent avoir apprécié cette période de cohabitation et
trouvé précieux les conseils et le soutien de l’équipe soignante du Centre des naissances,
malgré que la proximité et le manque d’intimité soient parfois difficiles à tolérer :
« Puis l’hôpital, bien, c’est dur, rester là un mois et demi, là. T’sais, on
était écoeuré. Puis on s’est poigné beaucoup. C’est dur pour le couple.
C’est dur pour tout. Puis la petite qui a mal. Puis de vivre avec tous les
groupes d’infirmières. Mais toutes les infirmières ont toutes été gentilles
avec nous » (Julie, p.30).
Julie a passé un mois et demi au Centre des naissances du CHUM et malgré que cela se
soit bien passé de façon générale, elle partage ses sentiments concernant ses rapports avec
certaines des infirmières qui soignaient son bébé. Selon elle, le niveau des connaissances
concernant les enjeux de dépendance aux opioïdes ne semblaient pas être égal parmi
celles-ci. Certaines semblaient difficilement comprendre les difficultés et exigences
associées au traitement de méthadone et manquaient parfois de sensibilité à cet égard.
Malgré ceci, Julie constate que la durée de son séjour a été bénéfique pour stabiliser sa
situation sociale et leur a offert, à elle et son conjoint, le temps requis pour se trouver un
logement adéquat :
« T’sais, […] d’avoir resté aussi longtemps à l’hôpital, comme,
finalement, comme, c’est un… c’est un bien, t’sais? Parce que je pense
que d’avoir rentré dans mon ancien appart avec la petite, je pense que ça
aurait été comme complètement débile » (Julie, p.41).
Les trois participantes ont nommé que la période suivant l’accouchement est
particulièrement difficile; où les besoins sont élevés. Liliane fait référence à « that
newborn period », expliquant qu’elle se sentait particulièrement seule et insécure face à la
réalité de sa nouvelle maternité. L’absence du père et la peur de l’inconnu ont contribué à
ce sentiment de vulnérabilité. Liliane a quitté l’hôpital huit jours après la naissance de son
fils, étant donné que les symptômes de sevrage de ce dernier étaient légers et ne
nécessitaient pas de traitement pharmacologique. Elle était contente de partir avec son fils
chez ses parents. Par contre, avec le recul, elle réalise qu’elle aurait aimé recevoir plus de
soutien pendant cette période. Et ce, particulièrement de la part d’intervenants qui l’ont
accompagnée pendant sa grossesse, avec lesquels elle avait déjà établi un lien de
confiance.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Les interventions
Bien qu’au Québec, le signalement systématique des cas où la consommation de
substances est dépistée ne soit pas en vigueur dans la loi, il reste qu’un bon nombre de
nouveau-nés exposés à des substances pendant la grossesse et dont les parents suscitent
des inquiétudes en lien avec leur mode de vie font l’objet d’un signalement aux services
de la protection de la jeunesse. Par exemple, au cours des années 2007-2008, 52,6% des
enfants nés des 97 femmes consommatrices suivies au centre des naissances du CHUM
ont fait l’objet d’un signalement à la naissance (Lavendier, Venne et Perreault, 2009).
Parmi mes trois collaboratrices, seule la situation de Céline a fait l’objet d’un
signalement.
En comparant ses deux expériences de naissance, Céline trouve que le soutien
qu’elle a reçu à la naissance de sa deuxième fille a grandement contribué à l’engagement
dont elle a fait preuve. À l’inverse, suivant la naissance de sa fille ainée, elle s’est sentie
seule et mise de côté. Elle aurait aimé qu’on l’accompagne dans les difficultés qu’elle
vivait, même si elle a perdu la garde de son enfant. Elle reconnait ne pas avoir été aussi
présente qu’elle l’aurait souhaité mais continuait de croire qu’elle réussirait à faire ce que
doit pour assumer son rôle de mère. Par contre, lorsqu’elle revenait à l’hôpital, elle se
sentait jugée et incomprise :
« […] les autres, là, qui me disaient: « Ben, j’espère que tu vas être là…!
J’espère que tu ne vas pas […] ». T’sais, à place de dire: « Pourquoi t’es
pas revenue, […] parce que tu te sens pas comprise, pis t’es fatiguée, pis
t’es à bout, pis dans le fond tu voudrais être là, mais t’es plus capable, là »
(Céline, p. 22).
Par la suite, elle nous partage comment la travailleuse sociale de l’hôpital l’a
accueillie à un moment où l’impuissance commençait à prendre le dessus. Le message
qu’elle a reçu lui a permis de s’investir alors qu’elle croyait qu’il était trop tard. Selon
Céline, c’est cet accueil qui a fait la différence et qui lui a permis de cheminer vers le
changement, c’est-à-dire prendre conscience de l’ampleur de sa consommation et prendre
la décision d’entamer une thérapie mère-enfant. Concernant l’intervention de la DPJ, elle
s’est sentie davantage considérée et impliquée dans les processus de définition de la
problématique et de recherche de solutions.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Le paradoxe du traitement
Lorsque j’ai demandé à Liliane ce qu’elle aurait souhaité qu’il se passe mieux
dans le contexte de son suivi prénatal, elle m’a répondu ce que j’entends de la majorité de
mes clientes. Elle aurait préféré ne pas être en traitement méthadone :
« The methadone, I wish I wasn’t on the methadone ‘cause, like I said, I
knew he would be sick when he was born and I felt so guilty that this little
innocent baby would be not feeling well and it was my fault. That’s the
only thing that really bothered me » (Liliane, p.4).
Malgré que le traitement de méthadone soit reconnu comme étant bénéfique à plusieurs
égards pour la santé de la femme enceinte et son fœtus, il est rare qu’il soit source de
fierté. La majorité de mes clientes me font part d’une certaine ambivalence face à leur
traitement, qui peut se jouer sur plusieurs sphères pendant la grossesse. J’observe, par
exemple, qu’elles souhaitent souvent diminuer leur dose de méthadone alors qu’au
contraire, on doit souvent augmenter le dosage en lien avec les changements
physiologiques de la grossesse. Cela fait donc partie de mon travail de les informer que,
selon les études, il n’y a aucune corrélation entre la dose et l’incidence du sevrage
(Abrahams et coll., 2007 ; Finnegan et Kandall, 2005). Elles se résignent alors devant ce
« mal nécessaire », qui aide à stabiliser le mode de vie associé à la consommation et
prévenir la rechute mais, du même coup, dévoile la condition de toxicomanie qu’elle soit
active ou passée, ouvrant la porte à une stigmatisation plus élevée et à l’étiquetage.
Plus spécifiquement, les préoccupations liées à l’étiquetage incluent le manque de
confidentialité ou de discrétion de la part des professionnels devant d’autres
professionnels ou membres de la famille concernant leur prise de méthadone ; des
jugements critiques de la part de certains professionnels, ainsi que des paroles agressives
ou moralisatrices en lien avec le sevrage chez le bébé (Lavergne et coll., 2009). Pour
certaines clientes, ceci est vécu comme une atteinte à la liberté de choisir ou non si elles
veulent divulguer leur consommation et suscite la peur de se faire retirer la garde de leur
enfant. De plus, elles craignent que leur bébé soit étiqueté comme étant un « bébé
méthadone » et qu’il soit traité différemment d’un « bébé normal ».
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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5. DISCUSSION
À cette étape de l’essai, il convient de rappeler les objectifs mentionnés lors de
l’énoncé de la problématique : Cibler des pistes d’interventions gagnantes face à la
stigmatisation des femmes enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens
entre la stigmatisation, la perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées
et l’engagement thérapeutique dans le cadre de leur suivi prénatal.
Les résultats ont été interprétés, en partie, au fur et à mesure qu’ils ont été
présentés. La discussion qui suit vise donc à approfondir les notions théoriques et
concepts qui ressortent de l’analyse des résultats, tout en permettant de répondre à
l’objectif de départ. À cet effet, trois thématiques seront abordées, soit le changement
identitaire, la stigmatisation et ses répercussions relationnelles et le pouvoir de la relation
thérapeutique.
5.1 Devenir mère : un changement identitaire
« L’identité d’une personne dépend, paradoxalement, d’autrui » (Ricoeur, 1996).
L’identité de toute femme est bouleversée avec la maternité. En effet, plusieurs
auteurs qui se sont penchés sur le sujet caractérisent cette transformation de crise
identitaire (Bernard et Eymard, 2002). Nous pouvons, sans trop de difficultés, mesurer
l’ampleur des changements apportés par l’arrivée d’un enfant dans la vie d’une femme.
Par contre, le passage de consommatrice à mère ajoute un niveau de complexité à cette
transition, ainsi qu’au travail clinique qui l’entoure. Il est donc essentiel de mieux saisir
les dimensions psychosociales en jeu, qui varient d’une trajectoire à l’autre. Ceci
contribuera à intervenir plus efficacement auprès de cette population, c’est-à-dire à
faciliter la transition de consommatrice à mère.
Souvent, la grossesse est vécue comme l’opportunité d’améliorer ses conditions
de vie et de modifier ses habitudes de consommation. Tel a été le cas pour chacune de
mes collaboratrices. L’annonce de la grossesse met les mères consommatrices devant un
premier choix à faire : poursuivre la grossesse ou subir un avortement. Plusieurs facteurs
vont influencer ce choix. Celles qui choisiront de poursuivre la grossesse donneront
ensuite un sens à l’arrivée de l’enfant. Ce sens dépendra de la façon dont elle se
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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représente la maternité et marquera le début du processus de changement et
parallèlement, la naissance du lien d’attachement.
Selon les observations cliniques, la naissance constitue une étape significative
dans le processus de changement identitaire—la concrétisation du rôle de mère (Venne et
Morissette, 2009). L’histoire de Céline illustre particulièrement comment la naissance de
l’enfant peut générer une urgence à s’engager, à faire tout ce qui est possible pour
assumer son rôle maternel. Ce moment, très intense sur les plans émotionnel, physique et
psychologique, génère une grande vulnérabilité que Liliane appelle avec éloquence « that
newborn period ». Ceci fait référence à la naissance de l’enfant, mais aussi à la naissance
symbolique de la mère.
Mon expérience clinique m’indique que les jours et semaines suivant la naissance
d’un enfant composent une période où l’identité est flottante, les changements sont
fertiles et l’accompagnement déterminant. L’étude de Guyon et coll. identifie que les six
premiers mois suivant l’accouchement correspondent à l’apprentissage de la maternité et
constituent un moment charnière au cours duquel les possibilités de changement dans les
comportements de consommation sont accrues (2002). Certaines mères cessent toute
consommation suivant la naissance mais plusieurs s’inscrivent dans un processus de
rechute, accompagnée d’une grande culpabilité. Dans le récit de Julie, on peut voir que le
malaise à aborder la consommation dans le contexte de la grossesse/maternité est
directement lié à la peur de perdre son enfant ou d’être considérée une mauvaise mère.
Ses mots traduisent bien le sentiment d’ambivalence lié au croisement identitaire en jeu.
Le désir d’être avec son enfant et d’en prendre soin peut coexister avec le goût de
continuer à consommer. Ceci nous aide à comprendre que le seul fait d’avoir un enfant ne
résout pas les difficultés liées à la consommation.
À la lumière de ce constat, il devient essentiel en tant que professionnel qui
accompagne une femme consommatrice dans le devenir mère, de prévoir un espace pour
qu’elle puisse aborder ses difficultés. Cet espace doit laisser place à la réalité du goût de
consommer qui persiste, malgré le désir profond d’être une bonne mère et reconnaître que
ces deux facettes peuvent exister chez la même personne, qu’arrêter de consommer est un
processus, dont la rechute fait partie intégrante. La rechute peut servir de moment clé
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dans l’intervention et le suivi des mères. Aussi, la façon dont la rechute est considérée et
abordée par les professionnels peut aider la mère à s’ancrer davantage dans son identité
de mère. Sinon, elle peut s’ancrer davantage dans l’identité de toxicomane, niant tous les
efforts faits jusqu’à présent et augmentant son sentiment d’incompétence (Guyon et coll.,
2002; Greaves et Poole, 2004; Leslie, 2007; Venne et Morissette, 2009).
Même si les spécialistes l’évoquent, le plus souvent, au début de cette relation, la
réorganisation identitaire des mères n’est pas un processus spécifique. Il se poursuit tout
au long de la vie de la mère et de l’enfant. C’est un processus dynamique qui évolue avec
la relation parent/enfant et le regard d’autrui, qui implique plusieurs composantes et qui
superpose des notions de gains et d’apprentissage sur des notions de perte et de deuil
(Boyd et Marcellus, 2009; Morissette et Venne, 2009). Parallèlement, la toxicomanie
chemine longtemps et est affectée par l’influence que les autres exercent sur nous,
l’environnement dans lequel nous vivons et les relations que nous construisons (Simmat-
Durand, 2007).
La maternité offre la possibilité de faire dévier la trajectoire de consommation
(Guyon et coll., 2002). Réussie, elle pourra jouer un rôle positif. Si elle échoue, elle
deviendra un facteur important de rechute. Pour les professionnels de la santé et des
services sociaux, il importe de mieux comprendre les éléments qui entrent en jeu au cours
de ce passage, afin de reconnaître la complexité du phénomène et éviter de minimiser ou
entretenir des croyances qui pourraient nuire à l’émergence de l’identité de mère. Les
études auprès de femmes enceintes et mères consommatrices le démontrent : elles
dépendent des professionnels qu’elles rencontrent pour valider leur identité de mère
(Hicks, 1997; Poole et Isaac, 2001; Venne et Morissette, 2009).
5.2 La stigmatisation
« Une femme enceinte est perçue comme celle qui prend soin et protège
son enfant. Les femmes qui empoisonnent volontairement leur fœtus en
prenant des drogues sont vues comme dérogeant à leur rôle de
reproductrices et devraient par conséquent se retrouver parmi les
populations les plus stigmatisées de nos sociétés » (traduction libre,
Murphy et Rosenbaum, 1999).
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Il est bien documenté que la stigmatisation sociale peut enfermer la mère
toxicomane dans sa problématique et nuire au processus de changement identitaire, en
contribuant à compromettre le développement de la relation mère/enfant (Hicks, 1997 ;
Hogan, 2003 ; Luttenbacher, 1999 ; Poole et Greaves, 2007 ; Radcliffe, 2011a). Il est
possible de voir dans les récits de Liliane, Julie et Céline comment la stigmatisation qui
est véhiculée socialement peut s’intérioriser, en passant par les sphères socio-culturelles
aux milieux d’intervention à l’entourage pour finalement s’installer à l’intérieur de soi.
Pour les femmes en TDO, la stigmatisation s’articule autour des enjeux suivants :
Le traitement de méthadone ou buprénorphine permet de stabiliser le mode de vie
associé à la consommation d’opioïdes et d’améliorer la santé de la femme et son
fœtus (Working Group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011). Par
contre, il existe à l’intérieur d’un cadre médical et dévoile la condition de
dépendance aux opioïdes aux professionnels qui travailleront auprès de la
personne, ce qui peut augmenter les attitudes et comportements d’étiquetage, de
stéréotypes, préjugés et discrimination à l’endroit de cette personne (Kondrat et
Early, 2010);
Le sevrage néonatal, qui est une préoccupation majeure pour l’ensemble de la
clientèle, est empreint de honte et de culpabilité et peut ouvrir la porte aux
jugements critiques, réels ou anticipés, de certains professionnels de la santé
(Lavendier, Venne et Perreault, 2009);
La peur de perdre son enfant, en lien avec ce dévoilement et le regard des autres
sur la dépendance aux opioïdes, peut amener un évitement réactionnel et des
stratégies d’adaptation de désengagement plus prononcés, particulièrement s’il y a
eu des expériences négatives dans le système de la santé et des services sociaux
antérieurement. (Murphy et Rosenbaum, 1999; Poole et Isaac, 2001; PRIMA,
2011).
Les répercussions relationnelles
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Lorsque la stigmatisation s’insinue dans les relations thérapeutiques, elle prend
l’espace qui pourrait être mis à profit de la santé mère/enfant autrement. Par exemple, le
deuil fait souvent partie des enjeux significatifs, comme nous l’avons vu dans le récit de
Céline. Trop souvent, les femmes enceintes aux prises avec une dépendance n’ont ni
l’espace, ni le lien de confiance nécessaire pour adresser les pertes qu’elles ont subies, ce
qui, en soi, peut avoir un impact relationnel important.
Non seulement les discours blâmants et attitudes désapprobatrices à l’endroit des
femmes enceintes et mères consommatrices ne permettent pas d’aborder les difficultés
réelles qu’elles vivent mais ils risquent de renforcir les comportements dénoncés
(Greaves & Poole, 2007; Guyon et coll., 2002; Radcliffe, 2011a). D’une part, l’effet
particulièrement dévastateur et pervers de la stigmatisation est que les personnes
stigmatisées évitent de demander de l’aide ou de s’engager dans un processus
thérapeutique même si elles jugent que cela pourrait leur être bénéfique (Poole et
Urquhart, 2010; Réseau juridique canadien VIH/sida et Société canadienne du sida,
1998). D’autre part, les processus de la stigmatisation sont insidieux et peuvent se faufiler
dans nos interventions sans que l’on s’en rende compte. Ce faisant, le risque est de
contribuer au désengagement plutôt qu’à l’engagement de la femme enceinte et/ou mère
en TDO, dans une relation thérapeutique.
5.3 Le pouvoir de la relation
« L’individu est un produit d’interactions sociales ; l’interaction même dicte ce qui peut
être perçu comme normal ou stigmatisé » (traduction libre, Kondrat et Early, 2010).
À la croisée de deux domaines où le volet médical prédomine—l’obstétrique et le
traitement de la dépendance aux opioïdes—il est possible de perdre de vue qu’au-delà
des connaissances, la relation qui englobe les actes médicaux est fondamentale à la prise
en charge des femmes enceintes en TDO. À travers leur récit, Julie, Céline et Liliane
rappellent ce qui est mis en évidence dans les écrits qui mettent en relation la grossesse
et/ou maternité et la toxicomanie :
Plus il y a perception de stigmatisation de la part d’une cliente, moins celle-ci
s’engagera dans un processus thérapeutique (Boyd et Marcellus, 2007; Poole et Isaac,
2001 ; Radcliffe, 2011).
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Force est de constater que les populations défavorisées sont souvent les plus
stigmatisées. J’observe que les femmes enceintes et mères en TDO sont très souvent
isolées socialement. Aussi, tel que nous l’avons vu dans la situation de Julie et Céline, les
liens familiaux sont souvent précaires ou inexistants. Ceci indique que plusieurs mères
auront à exercer leur rôle maternel avec peu de soutien de leur entourage, peu de gens
pour leur refléter leur nouvelle identité. Dans ce contexte, les professionnels seront
appelés à occuper une place importante et jouer une fonction essentielle dans
l’accompagnement dans le processus de changement identitaire. En ce sens, les attitudes
et le langage entourant la consommation prennent un sens significatif car peuvent
renforcir la stigmatisation et dans certains cas, faire en sorte que la femme ne puisse
projeter l’identité de mère (Greaves & Poole, 2004; Luttenbacher, 1999). Comme la
stigmatisation a pour effet de réduire l’identité d’un individu à une seule facette
(toxicomane ou mère), contrer la stigmatisation implique travailler à ce que cet individu
puisse être reconnu dans son unité.
Les professionnels peuvent être des agents de stigmatisation ou d’antistigmatisation
(Réseau juridique canadien VIH/Sida et Société canadienne du Sida, 1998).
Plusieurs études démontrent qu’un intervenant peut être source de variance entre
le stigma et l’alliance thérapeutique. (BCCEWH, 2009; Greaves & Poole, 2004 ; Kondrat
& Early, 2010 ; Radcliffe, 2011a). Il existe plusieurs définitions de l’alliance
thérapeutique mais peu importe celle-ci, il est convenu que l’alliance établit les
paramètres relationnels de la démarche thérapeutique et devient une variable majeure, un
ingrédient actif en soi, autour de laquelle les autres variables peuvent s’organiser. Malgré
les nuances dans les différentes façons de concevoir l’alliance thérapeutique, tous les
auteurs s’entendent pour affirmer que l’attitude du thérapeute favorise la construction
d’une alliance, la condition de base dans toute démarche visant le changement (Horvath
et Bedi, 2002 ; Salimi, Haase et Kooken, 2012 ; Miller et Rose, 2009 ; Overholser, 2007).
Nous participons — comme intervenants — à définir ce qui est valorisé,
encouragé et par opposition, jugé, en s’appuyant sur nos valeurs et représentations lors de
l’élaboration et de la mise en application d’interventions, mais aussi, de façon plus
globale dans notre façon d’entrer en relation.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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6. CONCLUSION
6.1 Forces et limites de la démarche
6.1.1 Forces
La spécificité de mon sujet m’a permis de regarder de près un phénomène précis
et contextualisé, ce qui ajoute une crédibilité aux données recueillies (Miles et Huberman,
2003). Aussi, le sujet est pertinent et d’actualité en lien avec un phénomène qui prend de
l’ampleur dans notre société—la dépendance aux opioïdes chez les femmes enceintes ou
en âge de procréer. Quoiqu’un échantillon si petit ne permette pas de généraliser les
résultats à l’ensemble de la situation, ils sont transférables dans d’autres milieux de
pratique auprès de la population cible. De plus, mon implication directe auprès de la
clientèle me place dans la position privilégié de pouvoir mettre en application les pistes
dégagées de la démarche, contribuant ainsi à l’amélioration des pratiques.
L’entrevue semi-dirigée nécessite une bonne connaissance du sujet et des thèmes
associés (Boutin, 2008). Mon rôle actif auprès de ma population cible m’a permis
d’accéder à du matériel, auquel je n’aurais probablement pas eu accès, sans lien de
confiance préalable. Dans une approche constructiviste, il est possible de mettre la
proximité au profit de l’entretien et de l’analyse des résultats (Appleton et King, 2002).
Mon expérience clinique et le fait de connaître le parcours de mon interlocutrice m’ont
aidée à suivre et guider les entrevues, tout en demeurant sensible aux résistances. La
connaissance de la clientèle permet de mieux comprendre les difficultés que vivent ces
femmes et d’être sensible au caractère délicat du sujet, ce qui augmente la qualité des
entretiens.
6.1.2 Limites
Toutefois, mon double rôle d’intervenante et d’intervieweuse soulève l’enjeu d’un
conflit d’intérêt potentiel. Il est difficile de penser que mon regard n’intervient pas dans
l’analyse, car il est présent dans mon intérêt envers le sujet d’étude et dans mon travail
auprès de mes clientes. Il est certainement possible que les participantes aient censuré
certaines opinions ou perceptions, malgré une participation volontaire. Ce biais est non
négligeable dans l’interprétation des résultats. Qui plus est, la question de la parentalité
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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dans un contexte de consommation et/ou TDO demeure délicate. Malgré que l’entrevue
individuelle minimise le biais de désirabilité sociale (Denzin et Lincoln, 2003), la peur de
dévoiler des informations qui pourraient être jugées négativement ou invoquer des
conséquences doit également être considérée.
Le mode de recrutement et la sélection des participantes pourraient également
biaiser les résultats. Alors que j’avais le souci de présenter trois profils différents, j’ai
tenté de recruter deux mères, plutôt précaires socialement et pour lesquelles le regard des
autres et la présence des services de la DPJ sont des sujets sensibles. Une d’entre elles a
refusé et la deuxième a accepté mais ne s’est pas présentée aux deux rendez-vous fixés.
Ceci m’indique que les mères qui sont le plus stigmatisées ne sont peut-être pas
représentées dans mon échantillon. Du même coup, cette lacune illustre comment la
perception de la stigmatisation peut se traduire dans la relation. La difficulté de rejoindre
les femmes enceintes et mères en TDO les plus précaires doit donc être considérée dans
l’interprétation des résultats.
6.2 Implications pour l’intervention
Entre spécificité et stigmatisation…
La notion de stigmatisation s’inscrit dans un processus social complexe mettant en
relation plusieurs autres concepts, dont l’identité. Ce qui ressort des entrevues corrobore
ce qui est évoqué dans la littérature—la perception de la stigmatisation est significative et
aura un impact direct sur les conséquences qu’entrainera cette stigmatisation. Plus une
personne se perçoit comme étant stigmatisée, plus son estime personnelle sera atteinte,
moins elle bénéficiera de l’aide qui lui est offerte.
Les services offerts sont majoritairement « découpés » en groupe à risque ou
clientèle cible, ce qui s’avère nécessaire pour offrir des services qui répondent aux
besoins précis d’une population. Toutefois, cette approche peut entraîner des risques et
coûts sociaux, tel l’étiquetage de certains individus ciblés pour l’intervention, souvent les
plus vulnérables (Kondrat, 2012 ; Luttenbacher, 1999). C’est sur ce terrain délicat que se
situe l’intervention auprès de femmes enceintes et mères en TDO.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Au-delà des meilleures pratiques…
Il semble y avoir consensus dans la littérature autour des meilleures pratiques
auprès de femmes enceintes et mères consommatrices de substances psychoactives. Selon
une recension des écrits de Poole et Urquhart (2010), celles-ci incluent :
l’interdisciplinarité, le travail intégré, le travail en réseau, l’intervention collaborative et
l’entretien motivationnel. Pour s’éloigner du stigma dans nos interventions, une approche
centrée sur la femme et orientée vers la réduction des méfaits a également fait ses preuves
auprès de femmes enceintes vulnérables. (Boyd & Marcellus, 2007; Poole & Urquhart,
2010, PRIMA, 2012; Working group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011).
Par contre, qu’est-ce qui explique l’écart entre connaître les meilleures pratiques
et les appliquer ? Cette question est large et dépasse certainement le spectre de cet essai.
Je me questionne simplement à savoir si la stigmatisation, même si elle est amplement
reconnue, est suffisamment considérée dans l’application des meilleures pratiques
actuelles. Certains auteurs se sont également penchés sur la question. Dans l’ouvrage de
Poole et Greaves, par exemple, on remet en question l’entretien motivationnel, tout en
reconnaissant sa validité (2007). On soulève le risque de tout mettre ce qui a trait à
l’engagement dans le panier de la motivation et la responsabilité individuelle alors que
c’est une équation complexe et que le discours socio-politique et les attitudes
professionnelles ont un impact important sur le processus d’engagement. La question se
pose : Prévoyons-nous un espace pour reconnaître le stigma et interroger nos propres
attitudes dans nos interventions ?
6.3 Recommandations
À travers leur histoire, chacune de mes participantes offre une piste
d’intervention, qui me permettra, je crois, de mieux accompagner ma clientèle. Liliane
identifie cette période de grande vulnérabilité suivant la naissance de l’enfant, comme un
moment où il est particulièrement important d’être disponible et à l’écoute. Julie partage
comment le sevrage néonatal est une réalité difficile et culpabilisante, pour laquelle il est
important de demeurer sensible et présente. Céline nous rappelle que, même dans un
contexte où l’évitement ou le refus des services a lieu, il n’est jamais trop tard pour croire
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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au changement et créer un lien, tant en termes de relation intervenante-cliente que parent-
enfant.
Afin d’agir efficacement pour contrer le potentiel subtil, mais non moins
dévastateur de la stigmatisation et, du même coup, accroître le potentiel thérapeutique de
la relation d’intervention, je propose quatre pistes d’action ou pratiques à privilégier pour
bonifier l’offre de services auprès de femmes enceintes et mères en TDO. Ces
recommandations ciblent l’intervention clinique afin de susciter l’engagement chez ces
femmes pendant la période entourant la naissance de leur enfant, mais aussi
l’organisation des services et la formation, pour soutenir le travail des intervenants qui
travaillent auprès d’elles.
6.3.1 Miser sur l’accueil
Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature
indiquent que :
• la qualité de l’accueil est déterminante pour l’intervention et la rétention de la
clientèle dans une démarche thérapeutique (Bertrand et coll., 2007 ; Hicks, 1997 ;
Kondrat, 2012 ; Leslie, 2007 ; Overholser, 2007 ; Salimi, Haase et Kooken,
2012) ;
• la relation thérapeutique, caractérisée par la collaboration intervenant/client est au
cœur du changement et celle-ci débute par l’accueil (Miller et Rose, 2009 ;
Overholser, 2007);
• lorsque les femmes rencontrent les professionnels pour la première fois, elles ont
en tête tous les autres professionnels qu’elles ont rencontrés et les expériences
négatives antérieures peuvent entraîner une méfiance envers les autres
professionnels (Laventure, 2015 ; Morissette et Venne, 2009).
Il est recommandé:
• que les intervenants qui travaillent auprès des femmes enceintes et mères en TDO
accordent une grande importance à la première rencontre, en adoptant un cadre
d’intervention favorisant la confiance et la bienveillance;
• que les intervenants demeurent sensibles aux sentiments de méfiance et de
culpabilité et leurs manifestations, de l’évitement à l’hostilité, afin de bien saisir
les préoccupations et résistances de la personne;
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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• que les intervenants questionnent et considèrent les barrières à l’intervention
perçues par la femme, y compris la stigmatisation, dans l’évaluation et la
planification de l’intervention;
• que les intervenants évaluent régulièrement les besoins de la cliente, ainsi que la
qualité de la relation afin que l’accueil demeure au centre du processus, tout au
long de la relation d’intervention;
• que les interventions résultent d’une co-construction des enjeux à travailler, afin
de favoriser le partage entre les désirs et préoccupations de la cliente et l’expertise
de l’intervenant quant aux enjeux spécifiques à la grossesse et le TDO, ainsi que
l’orientation vers les services complémentaires disponibles;
• que les caractéristiques qui ressortent dans les récits de mes collaboratrices
puissent être considérées dans le développement de la relation thérapeutique, soit
la gentillesse, l’authenticité, la directivité, la valorisation et la bonne proximité.
6.3.2 La continuité des services
Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature
indiquent que :
• le stigma est lié à une difficulté d’entrer en relation, les contacts peuvent être
sporadiques et irréguliers lors du suivi prénatal et l’alliance thérapeutique peut
prendre du temps à se développer (Kondrat et Early, 2010; Greaves et Poole,
2004; Radcliffe, 2011a);
• la majorité des mères consomment moins pendant la grossesse, mais les
possibilités de rechutes augmentent plus on s’éloigne de l’accouchement. (Guyon
et coll., 2002);
• pendant la période qui suit l’accouchement, la plupart des services sont axés sur
l’enfant et non la mère alors qu’elle a un besoin accru de soutien psychologique et
de rassurance (Guyon et coll., 2002; Greaves & Poole, 2004, Venne et Morissette,
2009);
• les mères en TDO dont l’enfant est placé à la naissance rapportent se sentir
particulièrement isolée et mis à l’écart des interventions alors que leur besoins de
soutien sont accrus;
• la constance des intervenants est particulièrement appréciée (Leslie, 2011 ; Poole
et Urquhart, 2010);
Il est recommandé:
• que la continuité de l’offre de services de soutien soit une priorité dans
l’organisation des services;
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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• qu’un intervenant pivot puisse demeurer disponible après l’accouchement, sinon
de faire un transfert personnalisé avec la ressource qui prendra la relève;
• que les services de soutien puissent être maintenus auprès de la mère même s’il y
a une séparation mère-enfant à la naissance ou à d’autres moments dans le
parcours parental;
• que les services soient mises en place le plus tôt possible pendant la grossesse et
offerts dans une perspective à long terme pour que la volonté au changement et
l’amour maternel présents puissent être soutenus dans le temps et qu’un véritable
accompagnement ait lieu.
6.3.3 La formation croisée axée sur les valeurs
Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature
indiquent que :
• le stigma est une barrière significative dans l’obtention des soins prénataux (Boyd
et Marcellus, 2007; Guyon et coll., 2002; Greaves et Poole, 2004; Murphy et
Rosenbaum, 1999; Radcliffe, 2011a ; Working group on Problematic Substance
Use in Pregnancy, 2011);
• les écarts dans l’intervention s’expliquent par les cultures professionnelles qui
trouvent leur ancrage dans différentes théories et conceptions de la dépendance et
son traitement (Luttenbacher, 1999) et d’une méconnaissance des enjeux et
services existants (Venne et Morissette, 2009);
• plusieurs caractéristiques et compétences sont susceptibles de favoriser le
développement et le maintien d’une alliance thérapeutique (Bertrand et coll.,
2007 ; Guyon et coll., 2002; Greaves& Poole, 2004 ; Horvath et Bedi, 2002 ;
Laventure, 2015 ; Miller et Rose, 2009 ; Overholser, 2007);
• les personnes conscientisées quant à leurs propres valeurs sont plus empathiques
et tombent moins facilement dans les préjugés et stéréotypes, ce qui favorise
davantage l’engagement thérapeutique (Luttenbacher, 1999; Miller et Rose, 2009;
Radcliffe, 2011a).
Il est recommandé:
• que les intervenants qui travaillent auprès de femmes enceintes et mères en TDO
reçoivent de la formation croisée, spécifique et continue pour les aider à mieux
comprendre les besoins socio-affectifs de la clientèle;
• que cette formation inclut des notions de la toxicomanie en général, du TDO en
particulier, de la périnatalité et de la petite enfance afin que les intervenants
puissent développer une meilleure compréhension des enjeux et services mutuels;
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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• que cette formation soit axée sur la conscientisation des croyances et valeurs des
professionnels concernant la consommation chez les femmes enceintes et mères,
ainsi que sur les besoins de sécurité des enfants.
6.3.4 Le travail en réseau
Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature
indiquent que :
plusieurs professionnels de différentes disciplines et services seront appelés à
travailler auprès de femmes enceintes et mères en TDO pendant la période
entourant la naissance de leur enfant (Lavergne et coll., 2009; Leslie, 2011);
prendre en compte l’ensemble de la situation d’une famille demande de
nombreuses compétences rarement réunies chez une seule personne;
les services ont des mandats et missions spécifiques et il ne leur est pas
possible de répondre à tous les besoins des familles avec lesquelles ils
travaillent (Leslie, 2011);
les situations des familles sont parfois lourdes à porter pour un seul
professionnel, tant sur le plan pratique qu’affectif (Lavergne et coll., 2009);
il est établi que de solides liens de partenariat facilitent la référence et le suivi
(Bertrand et coll., 2007);
les ententes de collaboration et partenariat permettent d’échanger autour des
pratiques et de développer un langage et des valeurs communes autour
desquels peut se tisser un meilleur filet de sécurité pour la clientèle et les
intervenants (MSSS, 2007).
Il est recommandé:
que le temps et les ressources nécessaires pour développer et maintenir les
partenariats en place soient alloués et aménagés dans l’organisation des
services;
que les mécanismes de communication inter-organismes existants soient
maintenus à une fréquence régulière (comités, plans de service individualisés
etc.) et que de nouveaux mécanismes de concertation et ententes de partenariat
soient développées au besoin;
que les enjeux éthiques concernant le partage d’informations entre
intervenants et le consentement éclairé de la clientèle soient considérés et
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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appliqués conformément aux normes existantes, pour que la cliente demeure
au centre de l’intervention;
que des professionnels expérimentés en dépendance et périnatalité/parentalité
puissent être identifiés et disponibles pour offrir du soutien et/ou de la
supervision clinique, par le biais d’une entente de service, au besoin.
6.4 Mot de la fin
La nature et la qualité de la relation mère-enfant est un facteur décisif dans le
développement de l’enfant. (Brownstein-Evans, 2001; Leslie, 2007; Poole et Urquhart,
2010). De la même façon, la relation intervenante-cliente constitue un facteur clef dans
l’évolution de la maternité. L’essai s’est développé dans la perspective qu’aider une mère
aide son enfant. D’ailleurs, on témoigne d’un changement de paradigme dans la
littérature dans ce sens. Plutôt que de positionner la mère toxicomane et son enfant dans
des pôles opposés, on parle de plus en plus d’unifier les intérêts de mère et bébé vers une
collaboration des services leur étant destinés. Avec une meilleure compréhension du
travail et du langage de chacun, pouvons-nous arriver à travailler dans l’intérêt commun
de la mère et du bébé? Les services de toxicomanie, périnatalité et protection de l’enfance
peuvent-ils se compléter malgré leurs différences? J’ose croire que, pour encourager les
femmes à s’engager dans un processus thérapeutique, dont bénéficiera toute la famille,
cela est non seulement possible mais essentiel.
Cet essai, loin d’épuiser la question, aura permis, je l’espère, de mieux cerner le
processus social de la stigmatisation des femmes enceintes et mères consommatrices et
comprendre en quoi les systèmes de significations reliés à ce phénomène s’étendent plus
particulièrement aux femmes enceintes et mères en TDO. J’espère aussi avoir réussi à
mieux situer les zones de pratiques professionnelles où la stigmatisation peut se faufiler et
d’avoir illustré, à l’aide du récit de mes collaboratrices, comment il est possible de
susciter l’engagement chez ces femmes, pour lesquelles la honte, la culpabilité et la peur
d’être jugée pose un défi relationnel. Enfin, j’espère avoir fait la démonstration que la
stigmatisation est en soi une source de vulnérabilité et que nos attitudes, en tant
qu’intervenants, sont déterminantes dans l’accompagnement périnatal et parental, ayant
ainsi un impact direct sur la santé mère/enfant.
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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ANNEXE A
FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT
A. INTRODUCTION
Dans le cadre de notre formation de maîtrise professionnelle en intervention en toxicomanie
(MIT) à l’Université de Sherbrooke, nous demandons votre collaboration pour réaliser un
essai synthèse.
Titre de l’essai : La stigmatisation: un effet indésirable du traitement de la dépendance aux
opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes
Objectif de l’essai :
Mieux comprendre la réalité des femmes enceintes en traitement de substitution afin
d’améliorer les services qui leurs sont offerts. Plus précisément, de comprendre comment la
stigmatisation des femmes enceintes en traitement méthadone affecte leur engagement
thérapeutique. Et, comment on peut intervenir pour minimiser cette stigmatisation.
Cet essai synthèse sera mené par Anne-Marie Mecteau, étudiante à la MIT de l’Université de
Sherbrooke et sera encadré par Pascal Schneeberger, directeur.
Leurs coordonnées sont les suivantes:
Anne-Marie Mecteau, Intervenante psychosociale, CRAN: 514.527.6939 poste 228;
Pascal Schneeberger, Coordonnateur académique, Université de Sherbrooke: 450.463.1835,
poste 61678.
Cet essai est mené dans le cadre des fonctions professionnelles de son auteure à titre de
Responsable du Service Périnatalité du CRAN.
Mme Pierrette Savard, Conseillère à la qualité des services,a accepté que cet essai synthèse se
réalise au CRAN.
B. DESCRIPTION DE VOTRE IMPLICATION
Vous serez invitée à participer à une entrevue individuelle d’environ une heure où l’on vous
demandera de répondre à des questions concernant votre expérience au sein du système de la
santé et des services sociaux, pendant la période entourant la naissance de votre
enfant.L’entrevue sera enregistrée et menée par Anne-Marie Mecteau dans les locaux du
Cran.
C. RISQUES ET BÉNÉFICES
Certains sujets de conversation (ou certaines questions) pourraient vous rendre inconfortable,
mais vous êtes complètement libre de refuser de répondre à une question ou d’arrêter la
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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conversation lorsque vous n’êtes pas à l’aise. En tout temps, vous pouvez quitter les lieux ou
arrêter l’entretien. Lors de la fin de la rencontre, au besoin, nous pourrons vous remettre les
coordonnées de différentes ressources qui pourraient vous aider. Vous pouvez aussi aborder
votre inconfort avec votre intervenant(e) au CRAN.
Sachez que, d’accepter ou de refuser de participer à l’entrevue n’entraînera aucun effet
sur les services que vous recevez au CRAN. Ce qui ressort au cours de l’entrevue ne pourra
non plus affecter votre traitement.
Le but de l’exercice est simplement de mieux comprendre pour mieux vous aider. Votre
participation pourrait nous permettre d’offrir des services mieux adaptés aux femmes
enceintes et aux mères en traitement de substitution.
D. CONFIDENTIALITÉ
Tous les renseignements colligés dans le cadre de votre implication dans cet essai synthèse
seront traités de façon strictement confidentielle. Votre nom et tout renseignement permettant
de vous identifier ne seront mentionnés dans aucun document. Les renseignements recueillis
seront enregistrés mais ne pourront être utilisés et entendus que par le directeur d’essai,
l’étudiante et la personne qui transcrira le contenu de l’entrevue pour une meilleure analyse
de vos propos. Les enregistrements audio seront détruits dans les six mois suivant le dépôt de
l’essai synthèse.
À noter que la confidentialité sera assurée conformément aux lois et règlements en vigueur.
Advenant que la vie ou la sécurité d’une personne soit en danger de façon imminente ou
encore que la sécurité d’un enfant soit compromise, un bris de confidentialité pourrait
s’avérer nécessaire.
E. COMPENSATION
Une compensation de 20$ sera allouée en reconnaissance du temps que vous investissez dans
ce projet et des frais que cela pourra vous occasionner (déplacement, gardiennage).
F. PERSONNES-RESSOURCES
Pour toute question, commentaire ou préoccupation concernant votre participation à cet essai
synthèse, vous pouvez contacter l’étudiante ou le directeur d’essai (voir coordonnées ci-
dessus). Si, pour une quelconque raison, vous ne désirez pas en discuter avec ces personnes
ou si vous désirez porter plainte quant à vos droits à titre de participante à cet essai synthèse,
vous pouvez contacter :
Lise Roy, directrice des Programmes d’études en toxicomanie
Tél. : 450 463-1835, poste 61795 ou 1 888 463-1835
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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G. CONSENTEMENT
Par la présente, je reconnais:
avoir lu le présent formulaire d’information et de consentement. Je reconnais qu’on a
répondu à toutes mes questions, qu’on m’a laissé le temps voulu pour prendre une
décision et qu’on m’a offert une copie du présent formulaire.
avoir compris que ma participation à cet essai synthèse est volontaire et que je peux me
retirer de l’essai à tout moment sans aucune conséquence; et qu’advenant mon refus de
participer ou le retrait de ma participation à cet essai, il n’y aura aucun impact sur les
services que je reçois au CRAN.
accepter que les résultats obtenus dans le cadre de cet essai synthèse soient rendus
publics, conformément aux exigences du programme de maîtrise de l’Université de
Sherbrooke.
consentir à participer à cet essai synthèse, tel que décrit dans le présent formulaire de
consentement.
________________________________ _______________________________ _____ Nom de la participante signature de la participante date
________________________________ _______________________________ _____ Nom de la personne obtenant le consentement signature de la personne obtenant le consentement date
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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ANNEXE B
Grille d’entrevue/Thèmes principaux
Grossesse/maternité
1) Quelle a été ta réaction quand tu as appris que tu étais enceinte?
2) Peux-tu me parler un peu de ton contexte de vie quand tu as appris la nouvelle?
3) Comment s’est déroulée ta grossesse? Qu’est-ce que tu as aimé/pas aimé? Y a t’il des
aspects qui n’ont pas été comme tu l’aurais souhaité?
4) Crois-tu que le regard des autres a changé une fois que les gens apprenaient que tu étais
enceinte (famille, amis, professionnels de la santé…)? De quelle façon?
5) As-tu l’impression d’avoir été traité différemment du fait que tu sois en traitement
méthadone?
6) Lorsque tu as appris que tu étais enceinte, quelles étaient tes craintes ou préoccupations
en lien avec la consommation d’opiacés et/ou le traitement de méthadone? Comment se
compare la réalité de ce que tu as vécu à ces craintes et préoccupations?
7) Crois-tu que ta perception de toi-même a changé depuis que tu es devenue mère? Qu’est-
ce qui a changé dans ta vie?
L’expérience dans le système de la santé
1) As-tu vécu des expériences difficiles à l’intérieur du système de la santé et/ou des
services sociaux dans ta vie? Comment dirais-tu que ces expériences ont affecté ton
parcours lors de ton suivi prénatal?
2) Comment décrirais-tu ton expérience dans le réseau de la santé et des services sociaux
lors de ta grossesse? Y a t’il des aspects qui auraient pu se passer mieux? Lesquels?
3) Comment se sont passés ton accouchement et le séjour à l’hôpital? Y a t’il des aspects
que tu aurais souhaité se passent différemment?
4) Avec le recul, qu’est-ce qui t’as le plus aidé? …qu’est-ce qui t’as nuit?
5) Est-ce qu’il y a eu des échanges ou événements qui ont fait que tu as eu envie ou a choisi
d’éviter les professionnels de la santé pendant ta grossesse ou la période entourant la
naissance de ton enfant?
6) As-tu déjà eu à cacher le fait que tu es en traitement méthadone? Pourquoi croyais-tu que
cela était nécessaire?
7) As-tu bénéficier de services de soutien psychosocial pendant ta grossesse? …après
l’accouchement? Qu’est-ce qui t’as amené à demander ou accepter l’aide offerte? Ou au
contraire, à ne pas demander ou accepter de soutien de la part des professionnels?
La perception du regard des autres
1) Est-ce que cela t’es déjà arrivé de t’inquiéter que les autres te jugeraient de façon
discriminatoire en sachant que tu es en traitement de substitution? Comment cette
préoccupation t’a t’elle affecté pendant ta grossesse?
2) T’es-tu retrouvé dans une situation où des gens ont tenu des propos négatifs ou
discriminatoires à ton égard pendant ta grossesse et/ou la période entourant la naissance
de ton enfant…depuis que tu es mère?
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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3) As-tu déjà aperçu des propos offensifs et/ou discriminatoire dans les medias populaires
(télé, films, journaux) au sujet des femmes enceintes et mères en traitement de
substitution?
4) Est-ce que cela t’es déjà arrivé d’éviter de parler de tes difficultés ou demander de l’aide
par peur de te faire juger?
5) Crois-tu déjà avoir été traité différemment une fois que l’on a été mis au courant que tu
consommes ou a déjà consommé des opiacés?
6) Crois-tu déjà avoir obtenu un traitement favorable en lien avec le traitement de
substitution?
7) Avant d’être enceinte, as-tu entendu parler de situations vécues par des femmes enceintes
et mères en traitement de substitution? Qu’as-tu entendu dire?
8) As-tu déjà aperçu des propos offensifs et/ou discriminatoire dans les medias populaires
(télé, films, journaux) au sujet des femmes enceintes et mères en traitement de
substitution?
9) Crois-tu que la perception des autres affectent ton estime personnelle? Si oui, comment?
Sources de soutien
1) Est-ce que parmi les professionnels que tu as rencontré pendant ta grossesse, certains ont
pu être une source de soutien pour toi? Et après la naissance de ton enfant?
2) Est-ce qu’il y a des difficultés pour lesquelles tu aurais aimé obtenir de l’aide pendant la
période entourant la naissance de ton enfant, mais que tu n’as pas osé aborder avec les
professionnels autour de toi? Peux-tu m’en donner un exemple?
3) Avec le recul, comment aurait-on pu mieux t’accompagner pendant cette période?
4) Quelles formes de soutien aurais-tu apprécier que tu n’as pas reçu?
5) Y avait-il des moments où tu aurais souhaité recevoir de l’aide mais n’a pas osé le
demander? Qu’est-ce qui aurait pu faire en sorte que tu choisisses de demander l’aide
dont tu avais de besoin?
6) De façon générale, qu’as-tu tendance à faire lorsque tu vis des difficultés dans la vie?
Comment est-ce que ta façon de gérer tes difficultés a t’elle changé depuis que tu es
devenue mère?
7) Te sens-tu à l’aise de demander de l’aide lorsque tu vis des difficultés liées à la
parentalité?...liées à la consommation?
8) Si tu avais à vivre une autre grossesse pendant que tu es en traitement méthadone, en quoi
consisterait le suivi idéal pour toi (médical, psychosocial ou autre)?
9) Étant donné que le but de cette entrevue est de nous aider à mieux vous aider, qu’est-ce
doivent améliorer ou changer les professionnels de la santé qui travaillent auprès des
femmes enceintes/mères en traitement de substitution afin d’offrir des services mieux
adaptés, plus sensibles à leur réalité?
10) Vis-tu présentement des difficultés pour lesquelles tu aimerais recevoir de l’aide?
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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Questionnaire : English version
Pregnancy/maternity
1) How did you react when you first found out you were pregnant? (for every pregnancy if
more than one)
2) How would you describe your pregnancy? What did you like/not like? Is there anything
you wish could’ve happened differently?
3) Do you feel people’s perception of you changed while you were pregnant (family/friends,
strangers, health care professionals)? If so, how?
4) Do you feel you were treated differently during your pregnancy because of your
methadone treatment?
5) When you found out you were pregnant, what were your concerns and/or fears around
pursuing the pregnancy and giving birth while on methadone treatment? How did your
actual experience compare to what you anticipated?
6) How has your own perception changed about yourself since becoming a mom? How has
your life changed?
Experience in the health and social service system
1) How was your experience in the health system during your pregnancy? What, if anything,
do you wish would’ve been different?
2) How was your experience in the health system during the birth and post-partum period?
What, if anything, do you wish could’ve been different?
3) Looking back on the experience of becoming a mom, what did you find the most helpful
in terms of the services offered and the people offering them? What did you find the most
harmful?
4) Prior to this last pregnancy, had you experienced any difficulties within the health
system? (access to care, bad treatment); within the social service system?
5) Did you feel, at any point, like you wanted to avoid health care and/or social service
providers? If so, was there a particular interaction or event that contributed to this?
6) Did you ever feel like it was best to not mention or hide the fact that you were a
methadone patient during your pregnancy?; as a mother? Why do you think it was
necessary to do so?
7) How do you feel your past experiences with health and social service providers affect
your current or future experiences?
8) Did you engage in any kind of counseling or therapy during your pregnancy or after the
birth of your child? Why did you choose to do so; why did you choose not to do so?
The perception of others
1) Have you ever been worried about how other people view substitution treatment for
pregnant women? How has this affected your own pregnancy?
2) Have you ever encountered any kind of judgmental treatment or discrimination during
your pregnancy, birth and as a mother? Can you give me an example?
3) Have you ever avoided asking for help or talking about your difficulties with a service
provider for fear of being judged?
4) Do you believe you were treated differently in a health care or social service setting with
regard to past or current opioid or other substance use?
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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5) Have you ever received preferential/positive treatment in a health care or social service
setting due to being in substitution treatment?
6) Before or during your pregnancy, what had you heard of other women’s experiences in
similar circumstances (pregnant and methadone treatment)? How did these stories
contribute to your own perception?
7) Have you ever been in a situation where you overheard people (professionals or other)
speaking in negative and /or discriminatory terms about substitution treatment and
pregnancy or parenting?
8) Have you ever come across negative or discriminatory portrayals of mothers and opiate
dependency and/or methadone treatment in the media (news, papers, tv/radio)?
9) How do you feel other peoples’ perceptions affect your own?
Sources of support
1) Were any of the health and social service providers you met during your pregnancy a
source of support for you? Since being a mom?
2) What did you find especially helpful?
3) At any point, did you experience difficulties you would’ve liked to receive help for, but
didn’t feel comfortable asking the providers around you? Can you give me an example?
What could’ve made you feel more comfortable in asking for the help you needed?
4) Looking back, how could you have been better assisted/supported during your pregnancy?
As a mom?
5) What kind of support would you have liked to receive that wasn’t available to you?
6) In general, how to you cope with your stress and difficulties? How have your ways of
dealing with your problems changed since becoming a mom?
7) Do you feel comfortable asking for help with parenting problems when you need
it?...with substance use difficulties?
8) If you were to become pregnant again, what would be your wish list in terms of your
pre/postnatal care provision?
9) Given that the goal of this interview is to help us offer better, more sensitive care to
pregnant women and mothers in methadone treatment; what do you feel needs to improve
for women to receive the services they need?
10) Are you currently experiencing any difficulties you could use help with?
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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ANNEXE C
Données complémentaires au questionnaire
Âge de la participante:
Nombres de grossesses:
Nombre d’enfants (à charge/placés):
Âge des enfants:
Sources de revenue:
Parcours de la consommation:
Traitements de toxicomanie antérieurs et actuels:
Situation actuelle (logement, situation conjugale, liens familiaux, etc.)
Sources de soutien:
L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke
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L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke