Université de Limages
Faculté de droit et des sciences économiques
Centrede droit et d'économie dusport
LA RECEPTION EN DROIT INTERNE FRANÇAIS DES REGLEMENTS DE LA FIFA
Mémoire présenté pour robtention du Master 11 Droit, Economie et Gestion duSport
Marc-Daniel SAINT-ANGE
Sous la direction de Charles DUDOGNON
Année universitaire 2010-2011
SOMMAl RE
INTRODUCTION ...................... 1
PREMIERE PARTIE : L'APPLICABILITE DES REGLEMENTS FIFA EN DROIT INTERNE FRANÇAIS.. . ..................... 4
A. La FIFA: difficulté de concilier son statut juridique avec ses impératifs de puissance fédérale
5
1. La FIFA: un sujet de droit national
6
2. La FIFA: une puissance sportive transnationale
8
A. La FFF: une organisation de droit privé français sous l'emprise de deux pouvoirs
14
1. La FFF: une association de Loi 1901 délégataire de prérogatives de puissance publique
15
a) Obligation d'adopter des statuts-types
16
b) La fin des statuts-types et l'obligation de respecter des dispositions contraignantes
16
c) L'obligation d'inclure des règles garantissant un fonctionnement démocratique
17
d) L'encadrement de certaines relations contractuelles
17
e) Les relations contractuelles imposées
19
f) Le controle de la gestion des fédérations
20
1. La FFF: un sujet de droit français soumis à l'autorité fédérale de la FIFA
20
a) Coupe du monde FIFA: obligations communes aux participantes
21
b) Obligations propres à la fédération du pays höte
22
c) Le transfert des risques opéré par la FIFA
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DEUXIEME PARTIE: L'APPLICATION EN DROIT INTERNE FRANÇAIS DES REGLEMENTS DE LA FIFA 25
A. Le droit positif: la primauté de l'ordre juridique étatique sur les règlements de la FIFA
25
1. Le juge administratif: garant de la primauté de l'ordre juridique étatique
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2. Le juge judiciaire ou la reconnaissance implicite du droit transnational sportif
29
3. L'ordre juridique sportif face au juge communautaire
32
A. Une alternative pour l'avenir : la lex sportiva
35
1. La lex sportiva émanant du Tribunal Arbitral du Sport
36
a) La jurisprudence du TAS
36
b) Les principes généraux dégagés par Ie TAS
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1. Les limites de la lex sportiva en droit interne français
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INTRODUCTION
En 2009, Ie président de la FIFA Joseph SLATTER a été élu l'homme Ie plus influent du
monde sportif par Ie magazine Sportbusiness International. L'influence personnelle du
président de la FIFA est naturellement renforcée par Ie fait qu'il supervise Ie sport mondial
par excellence, la coupe du monde de la FIFA étant la plus grande manifestation sportive
regroupant une seule discipline de la planète.
La FIFA a reuvré depuis des lustres à créer un milieu à part ou les droits des Etats
seraient écartés ; et ce dans l'unique but de préserver une autonomie acquise au cours
des années, profitant de ce que Ie sport est resté longtemps totalement étranger aux
préoccupations des pouvoirs publics. La FIFA est devenue une superpuissance
internationale dans Ie monde du football. Afin de mieux illustrer nos propos, nous
rapportons ei-dessous quelques exemples récents.
Furieux des mauvais résultats de son équipe en Afrique du Sud, Ie Président nigérian
GOODLUCK Jonathan avait annoncé Ie 30 juin son intention de retirer les « Supers
Eagles » de teute compétition internationale pendant deux ans, Ie temps de remettre de
l'ordre. Cette décision aurait notamment privé l'équipe nationale de la prochaine Coupe
d'Afrique des·Nations (CAN) en 2012.
Les statuts de la Fédération Internationale de Foetbali (FIFA) interdisent teute ingérence
politique dans les affaires des fédérations nationales. La FIFA aurait donc lancé un
ultimatum, donnant aux autorités nigérianes jusqu'à lundi ... juin 2010, 18h00, pour revenir
sur leur décision. En cas de refus, la FIFA menaçait de suspendre Ie Nigeria, ce qui
implique notamment l'arrêt de teute aide financière et Ie bannissement de tous les clubs
et de toutes les sélections nationales de toutes compétitions internationales.
Devant cette menace, Ie Nigeria est revenu sur sa décision de retirer son équipe de
football des compétitions internationales une heure avant l'expiration de !'ultimatum de la
FIFA.
On peut également citer !'affaire Fédération Algérienne de Foetbali (FAF) contre Ie RCK,
club évoluant dans Ie championnat de première division algérienne. Dans cette affaire, Ie
Tribunal Arbitral du Sport (TAS) lors d'une sentence rendue Ie 29 septembre 2008 avait
ordonné à la FAF de réintégrer Ie RCK en tant que club supplémentaire dans Ie
championnat national de première division et d'adapter Ie calendrier de ce championnat à
eet effet. La FAF avait refusé d'appliquer la sentence du TAS. Devant Ie refus réitéré de la
FAF de se soumettre à la sentence du TAS, la FIFA est intervenue pour menacer la FAF
d'une sanction en cas de refus d'application de la sente.nce du TAS. La FAF avait fini par
plier et a réintroduit Ie RCK dans Ie championnat national de première division.
1
A noter que Ie RCK pouvait demander également à un juge étatique de faire appliquer la
sentsnee du TAS, y campris par la force, au nom de l'efficacité internationale des
décisions du TAS. Maïs cette procédure est plus longue, et il s'agit souvent de cas oû il
faut débloquer la situation rapidement Demander à la FIFA d'intervenir est une procédure
beaucoup plus rapide.
Nous avons encore tous en mémoire !'affaire « Krishna » qui a défrayé la chronique à l'été
2010 en France. On se souvient que Ie pouvoir politique en France avait pris Ie relais et
de nombreuses voix s'étaient élevées pour demander Ie départ du président de la
Fédération Française de Football, Jean Pierre ESCALETTES.
La FIFA, par la voix de son Secrétaire Général, Ie français Jéröme VALCKE, avait fait
savoir qu'elle n'accepterait aucune ingérence politique dans les affaires de la FFF. Le
secrétaire Général avait notamment déclaré : « si on considère qu'il y a ingérence
politique, on réagira, comme on Ie ferait dans n'importe quelle autre pays du
monde » .... et de continuer ainsi: «dans Ie monde du football et Ie monde du sport en
général, avec Ie Comité International Olympique (CIO), on se bat pour garder notre
autonomie, parce qu'on sait camment gérer Ie football ( ... ). Vous pouvez soutenir, mais
vous ne pouvez pas exiger un certain nombre de choses, parce que là, tout d'un coup,
cela va contre notre structure. Sur tous les continents on surveille taujours ce genre de
situation et on rappelle aux gens camment la pyramide du pouvoir dans Ie football
fonctionne ».
Les mots utilisés par Ie Secrétaire Général sont lourds de sens: « ... un combat... »,
« .... autonomie ... », « .... pyramide du pouvoir ... » ... etc. Cela démontre à quel point il est
compliqué pour la FIFA de garder son influence internationale sur Ie football intacte. Les
enjeux politiques et économiques liés au football sont tellament énormes que la FIFA aura
de plus en plus de mal à contröler Ie monde du football.
Plus récemment, l'autorité de la FIFA a été remise en cause dans son propre fief, en
Suisse. Pour résumer, malgré l'interdiction de transterts de deux périodes que la FIFA
avait infligée au FC Sion pour avoir engagé illégalement Ie gardien égyptien Essam EI
Hadary en février 2008, Ie club suisse a recruté six joueurs eet été (2011 ). Lors d'un
match du championnat national, il en a aligné trois en s'appuyant sur la décision d'un juge
civil accordant des mesures à effet suspensif. A la suite de cela, la FIFA aurait envoyé,
selon Ie journal suisse Le Matin, une lettre à I'Association Suisse, la menaçant de leurdes
sanctions (exclusion de la sélection des éliminatoires de !'Euro 2012 et suspension de
tous les clubs suisses engagés en Coupe d'Europe) si Ie règlement (non-recours aux
juridictions civiles) n'était pas respecté. Taujours d'après Le Matin, I'Union Européenne de
Foetbali Association (UEFA) envisagerait de sanctionner Ie FC Sion, qui doit jouer en
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Ligue Europe, jeudi à Glasgow. L'exclusion du club ou la suspension de joueurs
concernés par cette affaire serait envisagée.
Des affaires de ce genre, on pourrait en citer des dizaines ; mais ce n'est pas là l'objet de
ce présent mémoire (cependant, il était important d'illustrer ces quelques exemples pour
la suite de notre exposé, ce n'est pas sans lien). La FIFA a systématiquement eu gain de
cause. Ce qui démontre la fermidabie puissance de ·cette organisation sportive, non
seulement sur les fédérations sportives nationales, mais également sur les pouvoirs
politiques locaux, ce qui est plus étonnant.
L'organisation du football mondial est spéciale ; c'est un système pyramidal doté de
règles qui lui sont propres, d'une organisation institutionnelle et d'un système de
résolution des litiges indépendants, et à ce titre il échappe très largement à l'intervention
régulatrice des Etats voir même à l'ordre juridique international. D'autant plus que la FIFA
a pris soin de bien tenir à l'écart les Etats, notamment au moyen d'un mécanisme de
sanction très persuasif: interdiction de participer aux compétitions organisées par la FIFA
ou par l'un de ses membres.
Cependant Ie football n'est pas seulement une affaire de compétitions internationales, de
relations entre la FIFA et les fédérations nationales; il y a aussi des clubs affiliés à une
fédération nationale, des joueurs licenciés à une fédération nationale et engagés
contractuellement avec un club. Tout ce beau monde constitue les acteurs principaux du
football; et par Ie jeu du système pyramidal de la FIFA, tous ces acteurs sont au final
soumis à l'autorité de la FIFA ( rappelons que les fédérations nationales. sont obligées de
transposer dans leurs propres statuts certains règlements édictés par la FIFA).
La faille du système se trouve ici. Les fédérations nationales telle que la FFF, les clubs
affiliés à la FFF, les joueurs licenciés à la FFF, les centrats de travail entre les joueurs et
les clubs, les conventions de transfert entre deux clubs, les conventions de formation
entre joueurs et clubs professionnels, sont rattachés à d'autres référentiels juridiques que
les règlements de la FIFA. La FFF, les clubs français, les joueurs licenciés à la FFF sont
sur Ie territoire français, et de ce fait ils sont soumis à l'autorité publique française, aux
lois nationales, et a fortiori au pouvoir judiciaire français.
Les règlements de la FIFA, jusqu'à preuve du contraire, ne constituent pas une
convention internationale au sens juridique du terme. Dans Ie contexte international, Ie
droit uniforme défini matériellement comme « tout instrument juridique normatif ayant
vocation à s'appliquer identiquement dans plusieurs Etats ou à se substituer aux lois des
Etats » (J.-M Jacquet et Ph Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, 3ème
éd., 2002, no 130) peut être porté par différents instruments. 11 peut être porté par des
conventions internationales qui s'intègrent dans les ordres juridiques internationaux. Or
3
les règlements de la FIFA n'ont jamais été conçus comme une convention internationale
proposée à la signature aux Etats. Les règlements de la FIFA ont en effet été élaborés
par les acteurs du monde du football en réponse à I' absence de règles adaptées qu'elles
soient nationales ou internationales. Si ces règles deviennent une « convention », il s'agit
de la convention entre les parties signataires d'un cantrat qui qui y font référence et non
d'une convention internationale.
Tout ceci nous amène à poser la question de la réception en droit interne français des
règlements de la FIFA. Quel est l'organe de réception des règlements édictés par la FIFA
en droit interne français? Camment sont transposés les règlements FIFA en droit interne
français ? Nous allons essayer d'apporter une réponse à toutes ces questions en
évoquant la question de l'applicabilité des règlements FIFA en droit interne français (1),
pour ensuite se peneher sur celleplus concrète de leur application en droit interne (11).
PREMIERE PARTIE : L' APPLICABILITE DES REGLEMENTS FIFA EN DROIT
INTERNE FRANCAIS
Quelle place occupe la FIFA dans l'ordonnancement juridique et institutionnel, et en
conséquence quels sont les pouvoirs qu'elle détienne? Le pouvoir sportif de la FIFA ne
peut pas tout. Même confronté à des enjeux qui dépassent largement son domaine
naturel, la FIFA se disqualifierait si elle tentait de compenser ses limites au mépris des
droits nationaux, au mépris des garanties individuelles consacrées par toutes les
législations du monde. La FIFA ne dispose pas des pouvoirs d'un juge d'instruction, ce
n'est pas une raison pour ignorer les droits de la défense. La FIFA n'a pas non plus
vocation à diriger la vie civile de ses membres ou autres acteurs ayant un lien indirect
avec elle par Ie mécanisme de superposition ou par Ie biais des compétitions qu'elle
organise ; ce n'est pas davantage une raison pour méconnaître Ie droit que chacun a de
porter sa cause devant un juge indépendant. Liberté et droits individuels n'ont pas lieu
d'être mis entre parenthèses dès qu'il s'agit de sport. Du fait de son statut juridique, la
FIFA éprouve des difficultés croissantes à accomplir ses impératifs de puissance sportive
internationale (A) ; elle essaie plus ou moins de combler ce manque de pouvoir juridique
en s'appuyant sur la FFF (B).
A. La FIFA: difficulté de concilier son statut juridique avec ses impératifs de
puissance fédérale internationale
La FIFA, comme beaucoup d'autres fédérations internationales, est ce qu'on pourrait
appeler une Organisation Non Gouvernementale (ONG). La définition d'une ONG est
simpte : organisme créé par une initiative privée regroupant des persennes physiques ou
morales de nationalité diverses, qui toutes ont adhéré volontairement, et poursuit un but
non lucratif. La catégorie est vaste : elle rassemble des institutions aussi diverses que la
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Croix Rouge, Greenpeace, Amnesty International, les Eglises, .... etc. Toutes ont en
commun un régime juridique qui relève de la loi d'un Etat (en principe celui sur Ie territoire
duquel se trouve leur siège).
Pour une fédération internationale, une union continentale ou teute autre instanee
internationale du sport, on peut difficilement imaginer qu'elle puisse se créer en se
conformant strictement à la loi d'un Etat ou même en lui faisant référence. Le CIO, lui
même se présente dans la règle 11 de la charte comme « une association de droit
international ayant la personnalité juridique ». Cela témoigne pour Ie moins d'une volonté
d'éviter teute allégeance incompatible avec un rayonnement universel.
Reste que même dans ces conditions, les Etats ont tendance à considérer les ONG
comme de simples associations internes. Cette analyse constitue un handicap sérieux
dans la mesure ou la présence de dirigeants étrangers incitera à soumettre l'organisation
au régime moins favorable des associations étrangères. 11 est vrai que certains Etats ont
tendance à être plus généreux ; leurs tribunaux admettent sans difficulté qu'une
fédération internationale puisse agir ·en justice et jouir d'une « personnalité juridique
fonctionnelle », même si elle n'a pas satisfait à toutes les exigences légales requises pour
la constitution d'une association. En France, par exemple, la théorie dite « de la réalité
des persennes morales » autorise de telles solutions.
11 arrive même parfois que des dispositions légales ou réglementaires ad persennam
aceordent à telle instanee sportive internationale un statut privilégié. C'est ainsi qu'en
1981, un arrêté du Conseil Fédéral suisse a fait bénéficier Ie CIO de tout un ensemble de
mesures dérogatoires. 11 s'agissait bien d'une décision unilatérale de I'Etat e non de
l'accord de siège demandé pour Ie CIO dans des termes cernparables à ceux qu'aurait
utilisés une organisation interétatique.
Rappelons en quelques mots ce que sont les accords de siège. Ce sont des accords qui
ont pour but de permettre aux organisations d'exercer leurs activités sur Ie territoire du
pays ou elles ont leur siège dans teute l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de
leurs fonctions. 11 s'agit dans ce cas d'accorder notamment l'inviolabilité des locaux et des
archives, de mettre leurs biens à l'abri de toutes mesures restrictives à l'entrée, à la sortie
ou à l'intérieur du pays, de leur garantir la liberté de réunion et de leur permettre
d'entretenir librement des relations avec les Etats. Outre les immunités et privilèges de
l'organisation, les accords prévoient en règle générale des immunités et des privilèges en
faveur des fonctionnaires de l'organisation. Que ce soit pour l'organisation proprement
dite ou bien pour ses fonctionnaires, les moyens utilisés s'inspirent du régime des
missions diplomatiques.
5
La FIFA ne bénéficie pas de tels accords. Elle est avant tout un sujet de droit national (1) ;
et c'est en déployant son activité qu'elle fait figure de droit non pas international mais
transnational (2).
1. La FIFA: un sujet de droit national
La FIFA est une association de droit suisse fondée en 1904 à Paris dont Ie siège social se
situe à Zurich. Les associations membres de la FIFA sont au nombre de deux cent huit
(208) ; trois cent dix employés venant de plus de 35 pays y travaillent. Afin de mieux gérer
Ie football au niveau continental, des confédérations ont vu Ie jour.
L'article 82-Dissolution des statuts de la FIFA nous dit: « En cas de dissalution de la
FIFA, son patrimoine sera remis au tribunal suprême du pays dans lequel se trouve son
siège, lequel en assurera la gestien « en bon père de familie » jusqu'à la reconstitution de
la FIFA».
De même, les décisions rendues par la FIFA sont susceptibles d'un recours en dernier
ressort devant Ie Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Les sentences rendues par Ie TAS sont
elles-mêmes susceptibles d'un recours auprès du tribunal fédéral suisse. Ce qui rend
indirectement les décisions rendues par la FIFA soumises à l'autorité du tribunal fédéral
suisse, lieu de son siège social.
La FIFA est à ce titre soumise à la loi suisse. Mais cette soumission à la loi nationale
suisse ne garantit pas la reconnaissance dans les Etats tiers. Cette question doit être
posée car la FIFA, en tant que fédération sportive internationale, est amenée à définir des
règles communes à toutes les fédérations nationales affiliées pour la pratique du football
mondial. Cette problématique de la reconnaissance juridique de la FIFA hors des
frontières suisses est déterminante car elle vise à autoriser la FIFA à avoir une activité
juridique en France par exemple ou, au contraire, à paralyser son fonctionnement.
En France, la loi du 09 octobre 1981 a harmonisé la loi française avec les principes
affirmés par les différents instruments internationaux, en supprimant les discriminations
entre nationaux et étrangers et par-là même en reconnaissant la liberté d'association aux
étrangers. Mais les difficultés relatives aux associations en droit international privé et
l'exercice par les associations d'une activité en France dans un contexte international
n'ont pas été réglées. La loi de 1981 est venue poser Ie principe de la reconnaissance de
plein droit de la personnalité juridique des associations constituées sur un territoire
étranger. Mais du fait des problèrnes posés en raison de la compétence de la loi
étrangère pour régir Ie statut de ces associations, Ie législateur a procédé à une
distinction de régime suivant que l'association accomplit des actes isolés ou au contraire
exerce une activité permanente en France.
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Dans la première hypothèse, on estime que l'association étrangère bénéficie de plein droit
de la personnalité juridique sous réserve qu'elle soit régulièrement constituée au regard
du dispositif législatif applicable sur Ie territoire de son siège. Elle pourra donc accomplir
un certain nombre d'actes sur Ie territoire français comme la conclusion de contrats, la
possibilité d'ester en justice ( ... ). Sa capacité sera circonscrite à la capacité dont elle jouit
conformément à la loi du siège social, étant précisé que l'organisation en question ne peut
jouir en France de droits plus étendus que ceux qui lui sont conférés par sa loi organique.
Mais Ie défaut de véritable définition de la notion d' « actes isolés » n'aide pas et conduit
Ie plus souvent à renvoyer aux juges Ie soin de préciser l'étendue du champ d'application
de cette hypothèse.
11 serait plus exacte d'affirmer que la FIFA ou d'autres fédérations sportives
internationales n'exerce pas d'activité permanente en France. Les actes de la FIFA sur Ie
territoire national sont proprement ponctuels. Sa personnalité morale est donc reconnue
de plein droit. En réalité, la traduetion concrète de sa capacité juridique s'effectue à
travers la subordination de l'action de la FFF au respect des normes sportives de la FIFA
en vertu du lien contraduel d'affiliation.
Cette difficulté à définir juridiquement la place des décisions prises par une fédération
internationale, en l'occurrence la FIFA, y campris au travers de la fédération nationale la
représentant directement sur Ie sol français, a conduit à une jurisprudence florissante que
nous étudierons plus loin.
Ce manque de reconnaissance juridique ne nuit pas pour autant à la reconnaissance de
la FIFA en tant que puissance transnationale.
2. La FIFA: une puissance sportive transnationale
A l'heure de la mondialisation, Ie phénomène transnational s'étend à la plupart des
domaines d'activité ayant une dimension non réductible à un territoire national. Le
caractère transnational de l'ordre juridique sportif n'a été reconnu que récemment. La
problématique de la dimension transnationale du sport a commencé à se manifester dans
les difficultés à vouloir appliquer un certain nombre de concepts nationaux aux
groupements sportifs internationaux comme les fédérations sportives internationales. La
question de la nationalité des fédérations sportives internationales fait l'objet de
controverses et !'absence d'unanimité sur Ie sujet fragilise Ie concept de nationalité
appliqué aux fédérations sportives internationales. Deux critères sont de manière
générale admise comme permettant d'identifier la nationalité d'un groupement : Ie siège
social et la notion de controle. La vocation internationaliste est plus une conséquence de
la portée de l'activité de ces groupements et traduit, il est vrai, que l'activité des
associations sportives internationales n'est pas cantonnée à leur Etat de rattachement. Le
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droit parvient difficilement par les outils classiques à appréhender cette projection de
l'autorité de persennes morales nationales dans un espace juridique international.
Une difficulté tient également à l'impossible personnalisation juridique mondiale. Aucun
texte juridique de droit public ou privé ne Ie permet 11 y a bien la Convention de la Haye
en date du 1 er ju in 1956 relative à la reconnaissance juridique des sociétés, associations
et fondations étrangères, ma is ce texte n'emporte pas· création d'une personnalisation
juridique au niveau mondial. C'est bien l'exercice d'un pouvoir structurel qui donne
l'illusion d'une personnalité juridique internationale. La nature contractuelle de ce pouvoir
structurel rend inutile l'attribution d'une quelconque personnalité juridique mondiale à ces
groupements.
Cette notion de transnationalité n'est pas assimilable à des concepts preehes comme
ceux d' « internationalité », de « supranationalité », ou eneere de « multinationalité ». Les
caractéristiques du concept de transnationalité sont résumées dans les propos du Pr. M.
MERLE pour qui « Ie transnational qualifierait les échanges partant d'initiatives privées et
s'exerçant à travers les frontières des sociétés étatiques ». Au cceur de ce phénomène
sportif transnational on retrouve Ie centrat comme instrument de structuration des
rapports juridiques.
L'exercice par les groupements sportifs internationaux de leurs prérogatives implique une
projection de leur pouvoir contractuel par Ie canal de leurs relations contractuelles avec
les associations sportives qui leur sont affiliées. Ces associations étant de nationalité
étrangère, c'est bien une projection du pouvoir contractuel au-delà des frontières. C'est en
ce sens qu'il faut comprendre Ie phénomène de transnationalité. M. MERLE précise
d'autre part que la « transnationalité ne peut générer un nouveau concept que si elle
renveie au passage d'un Etat à l'autre ou à la traversée de plusieurs Etats, donc au
franchissement de la frontière ». En raison de !'ensemble des territoires couverts par
l'action de la FIFA ou d'autres groupements sportifs internationaux, on peut dire que ces
groupements sportifs internationaux exercent une activité mondiale et ont vocation à
l'universalité, de sorte qu'ils bénéficieraient d'un statut de sujet de droit international. En
réalité, l'espace ainsi couvert n'est que virtuel puisqu'il ne repose que sur des liens
contractuels.
L'un des effets majeurs de la mondialisation est la faible emprise que I'Etat souverain peut
exercer sur Ie réel, autrement dit sur son territoire et les divers flux qui y transitent Ce
constat est confirmé en matière sportive oû les « pratiques normatives privées » des
groupements sportifs internationaux, « en se déployant, font fi de l'organisation territoriale
du pouvoir politique ». Cette réalité doit cependant être nuancée dans la mesure .oû
l'ancrage territerial de ces groupements reste déterminant Les groupements sportifs
internationaux ne peuvent passer totalement outre la réalité des espaces juridiques 8
nationaux. Cela est d'autant plus vrai que l'organisation des diverses disciplines sportives
est fondée sur la représentation sportive des nations.
La FIFA, comme la plupart des fédérations sportives internationales, vise à remplir trois
objectifs principaux : uniformiser les règles applicables à sa discipline, développer cette
dernière jusqu'à la pratique universelle et assurer la tenue de compétitions
internationales. Le fédéralisme est une structure adaptée pour atteindre ces objectifs car
fondamentalement marqué par Ie double caractère d'autonomie et de superposition des
normes.
La primauté de la réglementation élaborée par la FIFA qu'il s'agisse du droit fédéral
statutaire ou du droit dérivé ne s'impose pas ipso facto. Elle n'est Ie fait que du
consentement donné par les fédérations sportives nationales aux statuts de la FIFA. Cette
primauté est donc statutaire et est clairement exprimée. Cette primauté implique
également !'absence de normes fédérales nationales susceptibles de contredire les
premières ainsi qu'une capacité juridique de la FIFA pour réagir et sanctionner Ie cas
échéant les fédérations nationales n'ayant pas satisfait à leur obligation contractuelle de
mise en conformité. Cela passe par des organes de règlement des litiges internes ou par
des modes de règlement des différends externes comme Ie Tribunal Arbitral du Sport
{TAS).
Le centrat d'association a force obligatoire et les fédérations sportives nationales deivent
exécuter leurs obligations. Les normes fédérales ont vocation à s'appliquer non
seulement aux fédérations nationales mais également à leurs membre.s et aux sportifs.
Aussi, il a pu être évoqué l'applicabilité directe de ces normes afin de traduire
l'automaticité de l'application des règles édictées par la fédération internationale. Mais
dans cette hypothèse « l'applicabilité directe » n'est que théorique puisque la
réglementation de la fédération internationale ne peut être obligatoire que si les sportifs y
adhèrent directement, sous peine de contredire Ie principe d'effet relatif des conventions.
La soumission des seuls membres de la fédération internationale aux normes sportives
internationales est conditionnée par leur reprise dans les réglementations sportives
nationales. Cette reprise se manifeste soit par la réappropriation soit par l'intégration dans
Ie champ contractuel de la réglementation sportive internationale.
La FIFA n'est pas devenue ce royaume transnational du jour au lendemain, il a fallu des
années d'une stratégie mise en place efficacement : fixer des buts à atteindre, et se doter
des moyens pour les atteindre.
L'objectif premier de la FIFA est de diriger Ie football au niveau international. Pour cela, la
FIFA a élaboré des règles unitormes (règles de jeu dictées par !'International Foetbali
Association Board) dont Ie respect s'impose à tous ses membres. L'article 2 des statuts
9
de la FIFA stipule que sa mission est «de fixer ses règles et de veiller à les faire
raspeeter et de controler Ie football dans toutes ses formes ».
La FIFA va s'appuyer également sur une fermidabie machine de promotion afin que Ie
football soit Ie sport Ie plus reconnu et Ie plus pratiqué dans Ie monde entier. Et c'est Ie
cas. Ce phénomène est dû également au fait que la pratique du football nécessite peu de
rnayens financiers, les enfants du ghetto Ie plus pauvre de la planète peuvent jouer au
football ; contrairement à d'autres sports ou il faut un minimum de rnayens financiers pour
pouvoir les pratiquer.
C'est un fait, la FIFA détient une mission générale de controle de sa discipline, comme
l'atteste I' artiele 2 de ses statuts : « la FIFA a pour but: ( ... ) de controler Ie football sous
toutes ses formes par l'adoption de mesures s'avérant nécessaires ou recommandables
afin de prévenir la violatien des statuts, des règlements, des décisions de la FIFA et des
lois du jeu. ».
Concrètement, cela passe par la mise en place de procédures de controle très strictes, et
les violations constatées sont ensuite susceptibles d'engager la responsabilité
disciplinaire du contrevenant.
La FIFA a élaboré un «code disciplinaire » pour régir son droit disciplinaire. Ce code
compile en 155 articles divisés en deux titres ( « droit matériel » d'une part, « organisation
et procédure » d'autre part) des dispositions comparables, toutes proportions gardées, à
celles qui se ratrouvent dans un code pénal et dans un code de procédure pénale. Gitons
pour exemple l'article 1er: « Objet. Le présent code décrit les infractions aux règles
contenues dans la réglementation de la FIFA, détermine les sanctions qu'elles entrainent,
régit l'organisation et Ie fenetiennement des autorités chargées d'en connaître ainsi que la
procédure à suivre devant elle. ».
Les statuts définissent également une série d'infractions susceptibles d'être cammises par
les fédérations nationales. L'article 13 énumère ainsi les obligations des membres de la
FIFA dont la violatien « entraîne les sanctions prévues par les présents statuts » :
« Observer en tout temps les statuts, règlements, directives et décisions
des organes de la FIFA;
Participer aux compétitions organisées par la FIFA;
Payer les cotisations ;
Faire raspeeter par leurs propres membres les statuts, règlements,
directives et décisions des organes de la FIFA;
10
Respecter les leis du jeu ;
Observer toutes les autres obligations découlant des présents statuts et
autres règlements. »
C'est en vertu de eet artiele que .l'autorité du code disciplinaire, adopté par Ie Comité
Exécutif de la FIFA, s'impose aux fédérations nationales. Toutes les infractions pouvant
donner lieu à la procédure disciplinaire ne sont cependant pas listées dans ce code.
Une multitude d'infractions sont déterminées par Ie droit de la FIFA. L'article · 59 des
statuts de la FIFA énumère une palette de sanctions; il y a celles qui sont communes aux
persennes physiques et morales (mise en garde, bläme, amende, restitution de prix),
celles qui sont propres aux persennes physiques (avertissement, expulsion, suspension
de match, interdiction de vestiaires et/ou de bancs de réserves, interdiction de stade,
interdiction d'exercer teute activité relative au football), celles qui sont propres aux
persennes morales (obligation de jouer à huis clos, en terrain neutre, interdiction de jouer
dans un stade déterminé, annulation des résultats de matches, exclusion, rétrogradation,
déduction de points, forfait). A ces sanctions prévus dans par Ie code disciplinaire,
s'ajoutent celles résultant de dispositions figurant dans les statuts de la FIFA (la
suspension ·et l'exclusion des associations membres), ou eneere celles propres au
déroulement du jeu.
D'autres articles des statuts de la FIFA témoignent de manière plus vindicative sa volonté
de contröler de manière absolue Ie football mondial. Ces articles ont imposé pour la
plupart Ie caractère définitif des décisions prises par les organes de la FIFA, interdisant
aux membres teute contestation devant les tribunaux étatiques. L'inopposabilité au juge
étatique de telles dispositions contraire à l'ordre public des Etats est une souree
d'insécurité juridique pour la FIFA. Cette inquiétude permanente a conduit la FIFA à
« extérioriser » ses contentieux auprès du TAS car les décisions de celui-ei sont revêtues
d'autorité au regard du droit étatique compte tenu des garanties d'indépendance et
d'impartialité qu'il présente.
Parmi les articles les plus sujets à caution, citons :
L' « artiele 64 :
2. Tout recours devant un tribunal ordinaire est interdit, sauf s'il est
spécifiquement prévu par les règlements de la FIFA
3. Les associations sont tenues d'intégrer dans leurs stat ou leur
réglementation une disposition qui, en cas de litiges au sein de
l'association ou en cas de litiges concernant les ligues, les membres des
11
ligues, les clubs, les membres des clubs, les joueurs, les officiels et autres
membres de l'association, interdit Ie recours à des tribunaux ordinaires
dans la mesure ou la réglementation de la FIFA ainsi que des dispositions
juridiques contraignantes ne prévoient pas ni ne stipulent expressément la
saisine des tribunaux ordinaires. Une juridiction arbitrale doit ainsi être
prévue en lieu et place des tribunaux ordinaires. Les litiges susmentionnés
devront être adressés soit au TAS, soit à un tribunal arbitral ordinaire et
indépendant, reconnu par la réglementation d'une association ou d'une
confédération. Les associations deivent également s'assurer que cette
disposition est bien appliquée au sein de l'association en transférant si
nécessaire cette obligation à leurs membres. Les associations sont tenues
d'une part de sanctionner toute partie qui ne respectera pas ces obligations
et d'autre part de stipuier que les recours contre les sanctions prononcées
sont de la même façon soumis uniquement à la juridiction arbitrale et ne
peuvent pas non plus être déposés auprès d'un tribunal ordinaire».
Citons également :
L' «article 65 :
1. Les confédérations, les membres et les ligues s'engagent à se soumettre
de manière définitive aux décisions des instances compétentes de la FIFA
qui, conformément à ses statuts, sont définitives et ne peuvent faire l'objet
d'un recours ».
La FIFA va jusqu'à réglementer les cantrats de travail des joueurs avec les clubs, créant
ainsi un droit matériel transnational du cantrat de travail sportif qui double Ie droit du
travail propre à chaque Etat. Ces cantrats n'échappent pas en effet à l'application du droit
étatique, voire du droit communautaire ; des conflits de normes sont susceptibles de
naître.
Frank Latty dans sa thèse intitulée « la lex sportiva : recherche sur Ie droit transnational» 1
parle de principes de « superposition » et d' « autonomie » pour expliquer ce caractère
« relativement centralisé » des ordres juridiques « totaux » des fédérations sportives
internationales.
La superposition signifie pour I' auteur que « l'ordre juridique fédéral « total » résulte de la
juxtaposition d'une loi commune et de lois particulières, de l'addition du droit fédéral
central et des ordres juridiques partiels fédérés ».
1 F. LATTY, la lex sportiva :recherche sur Ie droit transnational, coll. Etudes de droit international, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, xxi+849 p.
12
L'auteur poursuit en soulignant que « la superposition peut cependant générer des
problèrnes d'articulation entre règles sportives transnationales, continentales et
nationales. Ces enchevêtrements se résolvent alors de manière classique par l'application
des principes de primauté et d'applicabilité directe du droit transnational ».
Sans rentrer dans les détails, Ie principe de primauté confère une valeur hiérarchiquement
supérieure au droit fédéral sur Ie droit fédéré, il est d'application généralisée dans les
ordres juridiques étatiques organisés selon Ie modèle fédéral. Cette primauté est
exprimée de manière constante;·dans les statuts et autres règlements de la FIFA.
Le principe d'applicabilité directe a été défini de la sorte : « ........................... c'est un
mécanisme de coexistence, ente ordres juridiques qui garantit l'application automatique,
dans les ordres internes, de règles conçues dans l'ordre international ».
Gräce à ce principe d'applicabilité directe neus dit F. LATIY, les fédérations
internationales sent bien « dotées d'une puissance de communication juridique
remarquable, puisque leur message doit atteindre les rouages les plus discrets de la
machinerie institutionnelle, des clubs les plus reculés ».
Le principe d'autonomie constitue Ie centrepaids du principe de superposition. Disons
simplement qu'il a peur effet de laisser aux fédérations nationales une liberté plus ou
moins étendue dans leur organisation.
En ce qui concerne la FIFA, on peut dire que la marge de manreuvre qu'elle aceorde aux
fédérations nationales est peu élevée ; celles-ei disposent en effet de très peu
d'autonomie dans l'administration du football, y campris sur leur propre territoire.
L'arrêt Bosman rendue par la Cour d'appel de Liège, à !'origine du renvei préjudiciel
devant la CJUE, avait constaté l'organisation du sport selon Ie principe du fédéralisme :
« La hiérarchie des règles FIFA-UEFA, associations nationales présente ( ... ), toutes
proportions gardées, une certaine similitude avec les principes, soit de primauté, soit de
subsidiarité, qui caractérisent l'organisation d'entités politiques fédérées ; !'autonomie de
chacun des échelons inférieurs est à la fois reconnue et garantie mais s'efface, Ie cas
échéant, au profit de l'échelon supérieur lorsque celui-ci, dans un souci d'intérêt général
ou présumé tel, élabore des dispositions différentes ou complémentaires ( ... ) ».
C'est un fait que la FIFA exerce un controle et une pressionconstante sur les fédérations
nationales. La FIFA a mis en place des procédures de controle afin de prévoir teute
violatien des règlements édictés par ses organes.
Les fédérations nationales se retrouvent donc souvent prises entre deux feux: d'un coté
la FIFA qui exerce une pression permanente sur elles, et de l'autre elles-mêmes des
13
sujets de droit national et sent soumises de ce fait à un droit national avec lequel les
règlements de la FIFA divergent parfois. Tel est Ie cas de la FFF.
B. La FFF : une organisation de droit privé français sous l'emprise de deux
pouvoirs
La FFF peut être considérée comme l'organe de réception en France des normes
édictées par la FIFA. En effet la FFF est Ie représentant direct de la FIFA en France, en
ce sens elle a l'obligation de transposer dans ses propres statuts certaines directives de
la FIFA. Cette obligation se fait eneere plus pressante quand la France organise une
compétition internationale de football.
Cependant, comme neus l'avons évoqué succinctement plus haut, les règlements de la
FIFA ne constituent pas Ie seul référentiel juridique qui régit Ie monde du football en
France. Neus sommes sur Ie sol français, la FFF est une association de droit privé ayant
son siège en France ; en conséquence tous les acteurs du football français (joueurs,
clubs, dirigeants ... ), tous les actes passés ( contrats, conventions ... ) sent soumis au droit
français. La FFF se retrouve alors dans la position d'un sujet de droit français détentrice
d'une prérogative de puissance publique (1) soumise à l'autorité fédérale d'une
organisation fédérale internationale, la FIFA (2).
1. La FFF: une association de loi 1901 délégataire de prérogatives de puissance
publigue
En 1974, dans son arrêt, Fédération Française des Industries d'Articles de Sport, Ie
Conseil d'Etat devait poser Ie principe que les fédérations délégataires, en exerçant Ie
pouvoir que la loi leur confiait « d'organiser les compétitions nationales et régionales »,
exerçaient une véritable mission de service public administratif2.
La loi du 16 juillet 1984, relative à la promotion des activités physiques et sportives,
consacra cette analyse jurisprudentielle en instituant d'abord des fédérations agréées qui,
sans avoir la charge de l'exécution même d'une mission de service public, participent à
celie-ei par leur action en faveur de la promotion des activités en cause, la formation des
dirigeants et des cadres, la délivrance des diplömes. La loi prévoit ensuite au sein des
fédérations agréées, l'existence de fédérations délégataires qui participent directement à
l'exécution même d'une mission de service public.
Le fait que I'Etat, par l'intermédiaire d'une décision législative ou réglementaire, fasse
participer un organisme privé à la gestien d'une mission, ne doit pas faire perdre de vue
une donnée fondamentale : s'agissant d'une mission de service public national, comme la
promotion et la réglementation des activités physiques et sportives, si I'Etat peut se 2 CE, 22 novembre 1974, Rec. Lebon, p. 577, concl. Théry; Dalloz 1975, p. 739, note Lachaume.
14
décharger sur un organisme privé de certains aspects de la gestien de la mission en
cause, voire !'ensemble de cette gestion, il ne saurait renoneer à contröler la façon dont
chaque fédération accomplit la täche qui lui est confiée. La loi précise en même temps
que ces organismes « exercent leur activité en toute indépendance ». 11 faut donc trouver
un point d'équilibre. Nous n'allons pas développer ici les mécanismes d'octroi et de retrait
de l'agrément et de la délégation ; ce qui nous intéresse surtout c'est la manière dont est
exercée la tutelle étatique.
Cette tutelle est exprimée aux articles R. 131-1 et L. 131-1 du Code du sport, affirmant
que « les fédérations sportives sont placées sous la tutelle du ministre chargée des sports
[ ... ] », tout en s'autorisant à déclarer que « les fédérations sportives exercent leur activité
en toute indépendance ».
Cette tutelle étatique se manifeste sur plusieurs formes.
a) obligation d'adopter des statuts-types
La tutelle de I'Etat sur Ie centrat d'association de la fédération s'est d'abord réalisée par
l'obligation d'adopter des statuts-types aux fins de bénéficier de l'agrément ministériel,
des prérogatives de puissance publique qui en découlent et l'octroi de subventions
publiques. << IJ s'agit /à d'une tutelle indirecte qui est loin d'être négligeable et qui ob/ige
/es fédérations à couler leur organisation et fes règ/es de leur tonetiennement dans /es
mou/es définis par Jes statuts-types »3.
Ces statuts-types imposaient clairement un régime de « liberté surveillée » ; Ie règlement
disciplinaire devait, notamment, comprendre un panel de sanctions rigoureusement limité.
De même, toutes les délibérations de !'assemblée générale de la fédération se
prononçant sur la modification des statuts-types devaient être transmises au ministre de
tutelle afin de s'assurer, entre autre, que les modifications ne viennent pas écarter les
stipulations des statuts-types. Plus encore, les fédérations devaient faire état de leur
gestion financière, peu importe !'origine des ressources financières (Etat ou collectivités
territoriales). Ces statuts-types limitaient ouvertement leur liberté contractuelle quant à
leur organisation, leur structuration, leur comptabilité, leur règlement intérieur et
disciplinaire ce que la loi du 6 juillet 2000 n'avait fait que confirmer-4.
b) la fin des statuts-types et l'obligation de raspeeter des dispositions
contraignantes
3 LACHAUME, Du controle de I'Etat sur les fédérations sportives, RJES n· 16, 1991-1.
4 LACHAUME, Les contraintes du « droit spécifique » : les fédérations et la législation sur Ie sport, RJES n· 57, n· spéc. La loi du 6 juillet 2000, p. 51.
15
La rédaction de I' artiele 16 issue de la loi Lamour du 1 er août 2003 annonçait déjà un
certain changement réaffirmant une réalité juridique originelle quant à la ferme
associative, de droit privé donc, des fédérations sportives regroupant d'autres
associations5. Elle est allée plus loin en supprimant l'exigence du respect des statuts
types comme condition d'octroi de l'agrément. Déjà Ie décret no 2002-648 disposait dans
son artiele 1er que les statuts des fédérations pouvaient « camporter des dispositions qui,
sans limiter les garanties des droits de la défense, complètent, · précisent ou adaptent,
compte tenu de la spécificité de la fédération, les dispositions, respectivement, des
statuts-typesou du règlement disciplinaire type». L'assouplissement au profit du respect
de simples dispositions obligatoires a permis d'offrir aux fédérations une liberté
contractuelle minimale, tout en participant à une ferme d'homogénéisation du
fanetiennement interne des fédérations6•
c) l'obligation d'inclure des règles garantissant un fonctionnement démocratique
L'article R.131-31er conditionne l'octroi de l'agrément à l'adoption de« statuts comportant
des dispositions qui garantissent leur fanetiennement démocratique ». ces dispositions
concernent les conditions de participation aux assemblées générales des fédérations,
l'adoption de règlements types et de commissions garantissant les droits de la défense
(garanties procédurales en matière de délais de convocation, de délais pour les
procédure d'urgence .... droit d'être entend u, de consulter Ie rapport d'instruction, d'être
représenté par un avocat, etc.).
Par ailleurs, nombre de commissions deivent être crées en sus de la. cammission de
discipline et notamment une cammission de surveillance des opérations électorales dont
l'objet est de contröler la régularité des différentes opérations électorales devote.
d) l'encadrement de certaines relations contractuelles
L'article L. 132-1 du Code du sport offre la faculté aux fédérations sportives, pour la
représentation, la gestien et la coordination des activités sportives à caractère
professionnel des associations qui leurs sant affiliées et des sociétés qu'elles ont
constituées, soit de créer un organe interne, soit de constituer une association. C'est ainsi
que la FFF a constitué la LFP (Ligue de Foetbali Professionnel) afin de gérer les
championnats de L 1 et de L2 composés uniquement de clubs à statut professionneL
Cette organisation bicéphale du pouvoir ferme la toile de fond d'un rapport contractuel se
créant sur la base des articles L. 132-1 et L. 132-2 du Code du sport. La dépendance de
la fédération se manifeste ici de deux manières : d'une part, les modalités de constitution
5 F. ALAPHILLIPE, Ie nouvel artiele 16 est arrivé, RJES 2003, n• 69, p. 52 ets.
6 M. VERLY, la loi du 1 er août 2003 : une profende réforme juridique des fédérations sportives, Gaz. Pal. Mars-avril 2004, p. 818.
16
de la ligue professionnelle rend irréversible Ie lien contractuel l'unissant à la fédération, et
d'autre part, ce lien contractuel est non seulement imposé, maïs de surcroît Ie contenu de
la convention est largement prédéfini par Ie législateur. La contractualisation des relations
entre la fédération et la ligue professionnelle qu'elle a créée découle de l'article R. 132-9
du Code du sport, ces groupements ne sauraient donc échapper à cette obligation.
Le législateur a également encadré les centrats d'intérêt collectif à l'article L. 131-13 du
Code du sport. Cette mesure est Ie signe d'une tutelle étatique cherchant à exclure les
pratiques ayant nourri certains contentieux7 . Le législateur a instauré deux garde-fous:
d'une part, l'accord des clubs concernés est exigé ad validitatem pour la conclusion des
centrats d'intérêt collectif ; d'autre part il est prévu une procédure obligatoire de mise en
concurrence préalable.
En ce qui concerne les centrats d'intérêts collectif en matière d'assurance, la tutelle
étatique va s'exercer lorsque l'article L. 321-1 du Code du sport va imposer aux
groupements sportifs de souscrire des polices d'assurance tant pour leur propre
responsabilité civile que pour celle de leurs préposés salariés, bénévoles et des
pratiquants. Par ailleurs en matière d'assurance de domrnages corporels, Ie législateur
impose par l'article L. 321-4 du Codedusport une obligation d'information à la charge de
tous les grÓupements sportifs au profit de leurs adhérents de leur intérêt à souscrire un
centrat d'assurance de persennes couvrant les domrnages eerporels auxquels peut les
exposer leur pratique sportive.
Pour la période 2012-2016n CANAL +et AL-JAZIRA se répartissent les droits audiovisuals
de la L 1 pour un total de 510 millions d'euros par an. Le régime juridique instauré par Ie
législateur est unique. On se trouve d'une part en présence d'un cessionnaire dépourvu
du droit de commercialisation. L'article R. 333-2 du Code du sport pose en effet Ie
principe de l'exclusivité de la gestien des droits d'exploitation audiovisuelle attribuée à la
ligue et en dessine également les contours. Or compte tenu du volume financier, il est
certain que les clubs professionnels souhaiteraient, au moins pour les plus importants
d'entre eux, commercialiser eux-mêmes ces droits. Si Ie législateur a strictement organisé
cette commercialisation en imposant une division des droits par lots et une mise en
concurrence des diffuseurs, Ie dispositif renforce la position de la fédération.
Centrats d'intérêt collectif de droit commun ou spéciaux, Ie législateur a strictement
encadré ces instruments juridiques. Les choix opérés ne se font pas nécessairement au
détriment du pouvoir fédéral. Néanmoins, la marge de manceuvre de la fédération reste
infime. Cette liberté contractuelle surveillée met un peu plus en exergue la dépendance
de l'ordre juridique sportif à l'égard de l'ordre juridique étatique.
7 CE, 19 novembre 1997, RJDA 2/98, n· 186.
17
e) les relations contractuelles imposées
Dès lors qu'elle intervient en qualité d'organisateur matériel d'un spectacle sportif, une
fédération sportive est tenue d'une obligation de sécurité. C'est Ie cas de la FFF en tant
qu'organisateur matériel et juridique de la Coupe de France de football par exemple. Elle
est alors par conséquent obligée · légalement de con cl ure les centrats participants à
l'exécution de cette obligation. Le législateur a en effet imposé Ie recours à la force
publique pour assurer la sécurité au sein et à l'extérieur des enceintes sportives. En effet,
il résulte des dispositions de l'article 23 al. 2 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995
d'orientation et de programmation relative à la sécurité et du décret d'application no 97-
199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les
forces de police qu'une convention doit être conclue entre Ie représentant de I'Etat et « les
bénéficiaires » du concours apporté par les forces de police à !'occasion de certaines
manifestations sportives. L'organisateur va rembeurser les frais engagés par I'Etat pour la
mise à disposition d'agents, de véhicules, pour !'escorte des bus des équipes ... etc. Ces
sommes ne sont pas déterminées d'un commun accord mais suite à l'application des
dispositions de l'arrêté du 8 septembre 2000 fixant Ie montant des remboursements de
certaines dépenses supportées par les forces de police.
De même eri tant qu'organisateur matériel d'une compétition sportive, la FFF, comme les
autres fédérations, est liée par les exigences de l'article L. 331-9 du Code du sport. Par
conséquent elle est tenue de s'assurer et d'assurer tous les participants des compétitions
qu'elle organise contre la mise en ceuvre de leur responsabilité civile. Ces centrats ont
non seulement pour objet d'assurer les personnes, mais également les biens et
notamment I' enceinte sportive contre tous sinistres.
La mise à disposition de cadres techniques constitue l'une des autres méthodes qu'a
I'Etat de contröler l'activité des fédérations. 11 s'agit d'une faculté pour les fédérations. Ces
cadres sont des fonctionnaires, bénéficiant de ce statut et dont la rémunération est prise
en charge par tout ou partie par I'Etat. Ces fonctionnaires accupent souvent Ie poste de
Directeur Technique National au sein des fédérations. Ce faisant, ils accupent un poste
clé au sein de l'organigramme car ils sont généralement chargés de mettre en place la
stratégie de développement de la discipline. Leur présence présente un avantage
considérable pour les petites fédérations qui n'ont pas souvent les moyens financiers pour
recruter les compétences humaines nécessaires pour un tel poste. Cependant, les
grandes fédérations, comme la FFF, qui possèdent des moyens financiers conséquents,
préfèrent la plupart du temps recruter par leurs propres moyens un DTN.
f) Ie controle de la gestion des fédérations
18
Ce controle se réalise au travers de la conclusion des conventions nationales d'objectifs.
La conclusion des conventions d'objectifs permet l'allocation de ressources
supplémentaires au profit des groupements sportifs à caractère national. En centrepartie
elle permet un meilleur controle de I'Etat sur la gestien financière des fédérations. C'est
un moyen pragmatique, souple et subtile pour encadrer voir crienter l'action des
fédérations.
De même, dans Ie cadre de sa tutelle, I'Etat, via son ministre chargé des sports, s'assure
que l'évolution de la situation financière des fédérations exerçant ou participant à
l'exercice d'une mission de service public ne campromet pas l'accomplissement de cette
mission. Ainsi Ie décret du 7 janvier 2004 impose au président de toute fédération un droit
d'information et de communication au profit de I'Etat et notamment il est tenu d'adresser
chaque année au Ministre de tutelle les procès-verbaux de !'assemblée générale et les
rapports financiers et· de gestion, lequel peut obtenir sur réquisition les documents
administratifs et pièces de la comptabilité de ladite fédération. Le Ministre veille à la
bonne gestien des fédérations qui reçoivent des subventions et donc des deniers publics.
Pour ce faire il peut s'appuyer sur les rapports transmis par la Cour des comptes.
Concernant Ie sport professionnel, la convention d'objectifs est rendue obligatoire par
l'article L. 113-2 du Code du sport.
Au vu de ce qui a été dit plus haut, on constate que I'Etat exerce un controle permanent
sur la FFF, voire même une pression constante. L'Etat est souverain, et ce n'est pas une
organisation internationale de droit privé, sujet de droit d'un autre Etat, qui av lui imposer
ses règles sur son propre territoirs.
2. La FFF: un sujet de droit français soumis à l'autorité fédérale de la FIFA
Match amical France -Aigérie Ie 6 octobre 2001 : à la 76ème minute de jeu, des
spectateurs envahissent Ie terrain. L'arbitre arrête définitivement Ie match. Suite à eet
incident, la Commission de discipline de la FIFA a rendu Ie 6 novembre 2001 une décision
condamnant la FFF a une « sévère mise en garde » et à une amende de CHF 125,000
pour insuffisance de sécurité, mise en danger.
Match amical France-Tunisie Ie 14 octobre 2008 : la marseillaise est sifflée. A la suite de
eet événement, Ie président de la République, Nicelas SARKOZY, a convoqué Ie
président de la FFF Jean-Pierre ESCALETTES.
Ces deux exemples illustrent parfaitsment la position de la FFF, elle est prise entre deux
pouvoirs distincts : l'un étatique, l'autre fédéral. Dans certains cas, c'est extrêmement
délicat de savoir dans quelle direction il faut aller. La FFF, comme d'autres fédérations
19
nationales sportives, sant dans une situation ou leur autonomie est limitée à la fois par la
fédération internationale et par l'ordre juridique étatique.
L'intensité du pouvoir de la FIFA sur les fédérations nationales, donc sur la FFF, se
manifeste surtout lors de l'organisation d'un événement sportif international comme la
coupe du monde de football. Souvent la préparation matérielle du spectacle sportif va
relever de la compétence de la fédération sportive nationale désignée, alors que la FIFA
se réserve les droits d'exploitation. Ainsi, lors de la Coupe du monde de football en
France en 1998, la FFF avait créé Ie Comité Français d'Organisetion (CFO) chargé de
s'occuper de tous les aspects matériels de la compétition, mais la FIFA s'était
autoproclamée « propriétaire » des droits d'exploitation de la compétition.
La Coupe du Monde de football illustre parfaitement camment la FIFA peut crienter voire
même diriger l'activité contractuelle des fédérations nationales, qu'elles participent à la
réalisation du spectacle ou que l'une d'elle en soit celle du pays höte. La réduction de
l'espace de liberté contractuelle de la fédération nationale en question est énorme, elle
résulte de sa soumission volontaire aux statuts de la FIFA.
Le règlement de la Coupe du Monde encadre l'activité contractuelle des fédérations
sportives n.ationales dans la perspective de eet événement. 11 s'agit d'un véritable
règlement de droit privé pris par une association de droit privé qui, contrairement aux
fédérations françaises ayant reçu une délégation, n'exerce pas une mission de service
public.
a) la Coupe du monde de la FIFA : obligations communes aux partièipantes
Les fédérations participantes ne peuvent négocier la date, l'heure et Ie lieu de la
manifestation sportive. Le règlement ne laisse aux fédérations qu'une marge ne
dépassant généralement pas une journée. Le non-respect de ces obligations peut
entrainer des sanctions sportives et l'application des sanctions financières
correspondantes.
Par ailleurs une obligation d'information pèse sur l'association organisatrice de la
manifestation : la délivrance de l'information concernant Ie lieu de la manifestation doit
être effectuée deux mois avant sa réalisation ; de même l'heure doit être fixée trente jours
auparavant. Tout manquement est alors considéré comme fautif.
L'article 7.18 du règlement FIFA pour la Coupe du Monde prévoit que les dispositions
financières relatives aux frais occasionnés par Ie match à l'association en visite devront
être établies d'un commun accord entre les intéressées. Cette possibilité de définir
ensemble les dispositions financières relatives à la rencontre marque Ie caractère
supplétif du règlement de la Coupe du Monde. Ce règlement impose même une forme de
20
solidarité financière imposant aux fédérations organisatrices de prendre en charge
certains frais occasionnés par l'autre partie (Art.42.4), dès lors que Ie résultat financier de
la rencontre sportive ne permet pas de couvrir ses dépenses. L'accord des volontés
compétitives est clairement déséquilibré sur Ie plan économique. Cet exemple illustre la
soumission des fédérations nationales à la fédération internationale.
b) obligations propres à la fédération du pays höte
Le CFO fut la clef de voûte de I' architecture contractuelle de l'organisation du mondial 98 ~
en France. Cette création juridique va favoriser l'organisation matérielle de la Coupe du
Monde et donc de la réalisation des obligations mises à la charge de la FFF.
En ce qui concerne l'organisation purement juridique de la compétition, il existe une
multitude de documents de nature réglementaire : Ie règlement de la compétition, Ie
cahier des charges, les directives et circulaires de la FIFA. 11 s'agit de véritables
documents contractuels. 11 s'agit d'un véritable centrat d'adhésion. La puissance
économique de la FIFA empêche de discuter Ie contenu du contrat. En l'espèce, les
conditions générales et les dispositions du règlement fixent par la seule volonté de la
FIFA, !'ensemble des conditions de participation et les droits et obligations de chacun. Si
Ie centrat ne concerne que la fédération nationale désignée, en l'occurrence la FFF pour
la Coupe du Monde de 1998, il demeure «non négociable, et donc non négocié », ce qui
suffit à démontrer la position de force de la FIFA et la soumission de la FFF. Le pays hête
accepte la détermination unilatérale des conditions du centrat dès sa candidature dans
I' espoir d'être désigné et de tirer tous les avantages liés à cette désignation.
De manière générale, la fédération du pays hête semble être débitrice d'une obligation de
mise à disposition d'équipements existant ou à réaliser. Or, Ie plus souvent ces
équipements ne sont pas la propriété des associations sportives, mais celle de I'Etat ou
des collectivités territoriales. Ainsi, un auteur a pu y voir une promesse de perte fort. La
promesse de porte-fort peut se définir comme «la convention par /aque/le une persenne
promet Ie fait d'un tiers ». La promesse de porte-fort emporte Ie fait que par la ratification
« Ie tiers reprend à son compte f'acte accompli par Ie porte-fort et devient définitivement
et personnellement engagé rétroactivement au jour de la conclusion de f'acte initia/». M.
HONORAT GOUSSE fait application de cette condusion et considère comme acquis Ie
fait que les propriétaires des équipements sportifs soient contractuellement liés à la
fédération internationale. Ce point peut être discuté dès lors que Ie règlement de la Coupe
du Monde prévoit que seul Ie comité d'organisation de la fédération du pays hête
contracte avec les villes.
La FIFA va jusqu'à imposer au pays hête les lieux d'hébergement des équipes
représentatives des fédérations qualifiées. 11 s'agit là d'une véritable forme de certification
21
ou labellisation des sites d'hébergement à laquelle est astreinte la fédération du pays
höte.
De même la FIFA oblige l'association organisatrice à mettre à disposition des autres
associations participantes des ballons, stades et terrains d'entraînement qui devront être
soumis, avant toute attribution par la FIFA, à l'approbation de cette dernière qui leur
conférera Ie caractère officie!.
c) Ie transfert des risques opéré par la FIFA
Le transfert des risques s'effectue par l'obligation faite aux fédérations organisatrices
matérialles du spectacle sportif de prendre toutes les mesures de sûreté et de sécurité
nécessaires, et d'autre part de conclure les centrats d'assurance garantissant !'ensemble
des intervenants des différents risques pouvant se réaliser. Outre les obligations légales
et fédérales, l'obligation de sûreté est également une obligation accessoire au contrat. La
FIFA se présente comme Ie seul responsabie de !'ensemble du système de billetterie.
Mais en pratique, c'est Ie comité d'organisation spécialement créé pour l'événement qui
est chargé de la distri bution des billets qui matérialise Ie centrat de spectacle sportif.
De même les fédérations nationales ont une obligation d'assurance qui pèse sur elles. La
FIFA laisse souvent à la fédération du pays höte Ie soin de conclure les polices
d'assurance nécessaires; la FIFA se contente de quadriller les risques et d'imposer la
période de garantie.
L'article 20.3 du règlement FIFA de la Coupe du Monde 2006 prévoit notamment que
« l'association organisatrice conclura des polices d'assurance en concertation avec la
FIFA pour couvrir tout risque relatif à l'organisation de la compétition, tel que l'assurance
stade, responsabilité civile, domrnages indirects et pertes financiers, annulation
spectateurs ». Ainsi la Coupe du Monde 1998 incluait Ie controle par Ie CFO de 125 sites,
1 0 stad es, 1 0 PC opérationnels, 1 0 sièges du CFO dans les 1 0 villes et à Pa ris, 1 0
eentres de presse, sans compter les sites d'entraînement. D' autre part, étant donné Ie
nombre et la dimension des immeubles dont la fédération du pays höte a la garde, celie-ei
doit conclure des centrats garantissant les biens et les persennes des risques sportifs.
Dès lors on ne sera pas surpris d'apprendre que Ie montant de la garantie des sinistres
entrant dans Ie champ de la responsabilité civile s'élevait pour la Coupe du Monde 1998 à
près de 92 millions d'euros.
S'il est prévu une forme de concertation entre les fédérations nationales et la fédération
internationale (Art. 20.3 du règlement FIFA), cette dernière ne prend en charge aucun
frais d'assurance y compris pour sa propre responsabilité civile. L'article 20.4 du
règlement expose ce principe en termes généraux pour qu'il ne puisse souffrir d'aucune
22
exception : « tous les frais de sécurité et d'assurance serent à la charge de l'association
organisatrice et des autorités gouvernementales ». 11 en résulte une forme d'exclusion de
responsabilité par Ie jeu des cantrats d'assurance, conduisant à exonérer la FIFA des
conséquences dommageables des actes constitutifs de son domaine de compétence.
Le pouvoir contractuel de la FFF s'efface donc au profit de la FIFA dans un cas concret
comme l'organisation d'une Coupe du Monde de footbaiL
Le déséquilibre est eneare plus frappant en ce qui concerne l'exploitation d'un
événement tel que la Coupe du Monde de football. Etant l'organisateur juridique, la FIFA
se réserve les droits sur l'événement de manière générale. Elle a pris l'habitude de se
réserver les droits marketing, maïs n'exerce qu'un duopole en matière de droits
d'exploitation audiovisuelle du spectacle sportif. En effet une distinction est opérée entre
les phases préparatoires ou préliminaires de la compétition et la phase finale pour
laquelle la FIFA ne saurait partager Ie rnanopale fructueux qu'elle détient sur l'événement.
Plus encore, la FIFA va astreindre les fédérations nationales à participer à la proteetion
des marques déposées. Les fédérations nationales ne sant alors plus uniquement Ie
relais du groupement international pour l'exploitation du spectacle, maïs elles sant à son
service. Elles ont une obligation de surveillance et d'information envers la FIFA en ce qui
concerne les marques déposées par elle ; de même elles ont l'obligation de mise à
disposition d'espaces publicitaires, l'obligation de mise à disposition d'images en ce qui
concerne les phases préliminaires. La restrietion des droits marketing des fédérations
nationales au bénéfice de ceux de la FIFA est flagrante. Elles ont une obligation de
mettre ou de faire mettre fin aux comportements litigieux. L'article 40 alinéa 1 du
règlement met à la charge des fédérations sportives nationales une obligation de faire
consistant à « prendre toute mesure légale jugée appropriée par la FIFA pour empêcher
et interdire l'utilisation sans autorisation de droits marketing par des tiers, garantir que
tous les droits de marketing soient la propriété exclusive et illimitée de la FIFA et
s'assurer que la FIFA puisse exploiter les droits marketing sans restrietion »
Quel pouvoir formidable, quelle puissance de feu que détient la FIFA face aux fédérations
nationales. 11 n'y a que l'ordre juridique sportif pour permettre d'aboutir à un tel résultat, à
un ensemble aussi complexe. Cet ensemble dépasse Ie cadre national et se projette à
travers et au-delà des frontières. L'espace ainsi constituée révèle toute la puissance de
l'organisation sportive. Même les pouvoirs politiques assistent souvent impuissants à une
telle démonstration de puissance. Cependant, Ie juge étatique, garant de l'ordre public
national, ne voit pas les choses de la même manière.
DEUXIEME PARTIE:. L'APPLICATION EN DROIT INTERNE FRANÇAIS DES
REGLEMENTS FIFA
23
La FIFA a taujours tout essayé pour soustraire les litiges sportifs au droit étatique. C'est
souvent à !'occasion d'un litige que la question de l'application des règlements FIFA va se
poser. En effet c'est à ce moment-là que l'ordre juridique sportif et l'ordre juridique
étatique se rencantrent De la rencontre des deux ordres juridiques va apparaître Ie rêle
fondamental des juges et des arbitres. Les juges et les arbitres sont. poussés à une
hiérarchisation des intérêts en cause. Cette hiérarchisation, par Ie juge, conduit taujours à
la primauté de l'ordre juridique étatique, voire communautaire (A). Le rêle de l'arbitre ne
pourra s'apprécier à une même échelle car son activité n'entre pas dans Ie champ
d'application des pouvoirs régaliens de I'Etat. 11 n'en demeure pas moins que l'exercice de
sa mission d'àrbitrer est sensibisment proche de la fonction de juger du juge. Par peur
que leurs décisions soient constamment remises en cause par Ie juge étatique, les
fédérations internationales sportives, y campris la FIFA (plus méfiante au départ), ont au
fur et à mesure délégué la fonction de juger à des arbitres indépendants tels que Ie
Tribunal Arbitral du Sport (TAS) et I'Agence Mondiale Antidopage (AMA). Ainsi s'est créé
une méthode alternative de résolution des litiges sportifs que la doctrine n'a pas hésité à
appeler « la lex sportiva » (B).
A. Le droit positif : la primauté de l'ordre juridique étatique sur les règlements de la
FIFA
La FFF nous l'avons vu est une fédération délégataire, en ce sens elle détient les
prérogatives d'une puissance publique. C'est à ce titre que la plupart des litiges mettant
en cause la FFF seront soumis non pas, comme on pourrait Ie croire en raison de son
statut juridique d'association de droit privé, au juge judiciaire, mais au juge administratif
(1 ). En effet, tous les actes réglementaires des fédérations sportives ne sont pas
nécessairement la manifestation de l'usage de prérogatives de puissance publique, elles
peuvent parallèlement édicter des règlements de droit privé. Le juge judiciaire a eu donc
!'occasion lui aussi d'affirmer sa position lors de litiges à caractère essentielisment privé
(2). De même, la France est un des piliers de I'Union Européenne ; à ce titre beaucoup
d'actes juridiques, y campris des actes émanant de l'ordre juridique sportif, passés en
France seront soumis au contrêle du juge communautaire (3).
1. Le juge administratif: garant de la primauté de l'ordre juridigue étatigue
M. J-C. BONICHOT soulignait il y a quelques années déjà que l'évolution du contentieux
sportif « al/ait dans Ie sens d'un élargissement de la compétence administrative, Ie juge
administratif devenant de plus en plus Ie juge naturel des fédérations sportives,
considérées désormais comme de véritables groupements administratifs »8 . Cette
extension se réalise afin de faire prévaloir l'ordre juridique étatique. L'origine de la
8 J.C. BONICHOT, Ie Conseil d'Etat et les fédérations sportives, RJES 1987/4, p. 3.
24
jurisprudence en la matière remonte à !'arrêt FIFAS de 1974 à !'occasion duquel Ie
Conseil d'Etat a raisonné en termes de« compétences implicites » ou « impliquées »9 .
Le juge est protacteur des règles d'ordre public. La confrontation de l'ordre juridique
étatique et de l'ordre juridique sportif sur Ie terrain de l'ordre public n'implique pas une
sanction systématique des pratiques constatées. Le juge assure l'ordre dans les ordres.
La fonction d'ordonnancement des ordres juridiques est au cceur de sa fonction de juger.
L'ordonnancement permet Ie dépassement de la simple hiérarchisation pour permettra la
coordination d'ordres juridiques néce3sairement complémentaires. Le contentieux sportif
impliquant des normes transnationales, a fortiori Ie contentieux sportif relatif au football,
est rare ; mais à chaque fois qu'il a eu !'occasion, Ie juge administratif n'a laissé aucune
place au doute sur sa position. Sans se cantonner exclusivement au secteur du football,
nous allons essayer d'illustrer par quelques décisions la position du juge administratif.
Citons tout d'abord !'affaire Pingeon10, du nom du cyclista français, contrölé positif en
Belgique, et suspendu par la fédération beige. En application de l'article 37 des
Règlements généraux de I'Union cyclista internationale, la fédération française avait
notifié au coureur l'extension de la mesure au territoire français, sans conduire de
nouvelle procédure disciplinaire. Cet artiele 37, disait la fédération française, la plaçait
dans une · situation de compétence liée vis-à-vis de I'UCI. Le commissaire du
gouvernement avait pour sa part estimé que la fédération française ne détenait pas de
compétence liée quant à l'extension des sanctions prononcées par une fédération
étrangère. De ce fait Ie commissaire a estimé que Ie juge administratif pouvait se
dispenser de trancher la question de la valeur du règlement UCI en droit français.
Citons encore !'affaire Bunoz11 • Dans l'espèce, un nouveau règlement de la Fédération
Française de Basketbali (FFBB) limitait Ie nombre de joueurs étrangers dans Ie
championnat national par référence aux critères de qualification de la FIBA pour les
compétitions internationales. Ce règlement prévoyait qu'une équipe ne pouvait inscrire sur
la feume de match au maximum deux joueurs non sélectionnables en équipe de France
selon Ie critère FIBA régissant Ie statut national du joueur. Le Conseil d'Etat jugea en
l'espèce que Ie règlement de la FFBB était illégal parce qu'il méconnaissait les
dispositions du code de la nationalité qui interdisent d'établir des distinctions entre les
français de naissance et ceux ayant acquis la nationalité française postérieurement (la
FBBB avait ajouté au critère de nationalité française une condition d'ancienneté : cinq ans
d'affiliation). 9 CE 22 novembre 1974, FIFAS, Rec. Lebon"p. 576, concl. Théry; D. 1975, p. 739, note LACHAUME.
10 T.A. Pa ris, 24 ju in 1971, Pingeon, Leb on, p. 866 ; CE, section, 26 novembre 1976, Fédération française de
cycliste, Lebon, p. 513.
11 CE, Ass., 23 juin 1989, Bunoz, AJDA 1989, p. 627, concl. J-P. FAUGERE.
25
La FIFA a une disposition analogue dans son règlement d'application des statuts, chapitre
VIl« Qualification en équipe représentative »,Art. 16 et 17.
L'article 16 nous dit : « un joueur que sa nationalité autorise à représenter plus d'une
association en vertu de l'article 15 peut ainsi participer à un match international pour Ie
compte de l'une de ces associations uniquement si, en plus d'avoir la nationalité de cette
association, il remplit au moins l'une des conditions suivantes :
11 est né sur Ie territoire de l'association concernée ;
Sa mère ou son père biologique est né (e) sur Ie territoire de l'association
concernée;
Sa grand-mère ou songrand père est né (e) sur Ie territoirede l'association
concernée;
11 a vécu sur Ie territoire de l'association concernée au moins deux années
consécutives. »
L'article 17, Acquisition d'une nouvelle nationalité, stipule: «tout joueur qui s'appuie sur
l'article 15 al. 1 pour acquérir une nouvelle nationalité et n'a pas disputé de match
internationai conformément à l'article 15 al. 2 ne peut se qualifier pour jouer dans une
nouvelle équipe représentative que s'il remplit l'une des conditions suivantes :
11 est né sur Ie territoirede l'association concernée;
Sa mère ou son père biologique est né (e) sur Ie territoire de l'association
concernée;
Sa grand-mère ou songrand père est né (e) sur Ie territoirede l'association
concernée;
11 a vécu sur Ie territoire de l'association en question au moins cinq années
consécutives après ses 18 ans. »
Aucun litige relatif à ce règlement n'a pour !'instant été soumis à un juge étatique français,
maïs on peut d'ores et déjà se poser la question de la légalité de ces dispositions avec Ie
code de la nationalité.
Dans un avis consultatif, Ie Conseil d'Etat a prec1se que « les fédérations sportives
internationales sont soumises à la législation de I'Etat oû chacune d'elles a son siège et
les règlements qu'elles édictent ne s'appliquent pas dans Ie droit interne français » 12. Les
règlements d'une fédération internationale ne sont susceptibles de produire effet sur Ie
12 CE, avis consultatif, 20 novembre 2003, RJES no 72, septembre 2004, p. 65, obs. L. V ALLEE.
26
territoire français que pour autant qu'ils aient fait l'objet d'une transposition par la
fédération nationale. Pour J-P. FAUGERE «les règlements édictés par les fédérations
internatienalas n'ont aucune valeur en droit interne tant que la fédération nationale
intéressée, seule délégataire des prérogatives de puissances publique, ne les a pas repris
à son compte » 13. 11 en va de même des décisions individualles qui nécessitent, pour être
applicables en France, « un relais juridique qui ne peut être que la fédération nationale
compétente » 14.
Pour Ie Tribunal administratif de Grenoble, saisi de la lettre du président de la Fédération
française de ski notifiant à une skieuse sa suspension pour dopage décidée par la
fédération internationale : « les sanctions infligées aux sportifs nationaux par les
fédérations sportives internationales, associations de droit privé régies par la loi d'Etat ou
elles ont leur siège, ne reçoivent force exécutoire en droit interne que dans la mesure ou
les fédérations sportives nationales, dans Ie cadre de la mission de service public qui leur
a été déléguée [ ... ], décident de les entériner en vue de leur faire produire des effets de
droit dans Ie système juridique français »15•
Dans un arrêt de 2001, la Cour administrative d'appel de Paris se référant au décret
d'application de la loi française antidopage de 1989, a jugé que : « L'égale répartition des
échantillons · d'urine en deux flacons constitue une formalité substantielle dont la
méconnaissance entache de nullité les prélèvements et examens sur la base desquels
sont prises les sanctions prévues au titre 5 du règlement fédéral de lutte contre Ie dopage
de Fédération française de football, et ce, sans qu'importe Ie fait que Ie code médical du
Comité International Olympique ne comporterait pas une telle formalité ou que la
méconnaissance de celie-ei serait sans incidence sur les résultats de !'analyse »16.
Autre exemple, Ie déroulement d'une compétition internationale en France, régie par les
règles de la fédération internationale, ne fait pas obstacle à la compétence disciplinaire de
la fédération nationale délégataire, quand bien même les règles transnatienalas prévoient
Ie recours à la« cour de discipline internationale »17•
Le droit transnational doit s'incliner non seulement devant Ie droit étatique français, mais
aussi devant les normes sportives nationales qui rejoignent Ie droit public et en acquièrent
13 J-P. FAUGERE, condusion sur CE, Ass. 23 juin 1989, Bunoz, AJDA 1989, p. 629.
14 CE, Sport: pouvoir et discipline. Les études du Conseil d'Etat, Paris. La Documentation française, 1991, pp. 24-25.
15 TA Grenoble, 1er juillet 1991, Pelle Guignard c. Fédération française de ski, D. 199&, Somm. P. 395, obs. J
P. KARAQUILLO.
16 CAA Pa ris, 21 mars 2000, FFF, inédit au recueil Lebon.
17 CE, 30 octobre 1996, Belval, D. 1997, Somm., p. 196, obs. LACHAUME.
27
la force dès lors qu'elles sant prises par les fédérations délégataires dans Ie cadre de
leurs prérogatives de puissance publique. Ainsi, à un club de football qui entendait se
prévaloir de la ratification du transfert d'un joueur par la FIFA contre la décision de la ligue
nationale de football, subdélégataire de la FFF, refusant de qualifier ledit joueur, Ie
Conseil d'Etat a opposé Ie règlement de la ligue, qu'il a fait prévaloir sur la norme
transnationale 18•
Le juge administratif français fait systématiquement preuve d'une réticence voire d'une
hostilité de principe vis-à-vis Ie droit transnational, qui contraste un peu avec la position
bienveillante du juge judiciaire.
2. Le juge judiciaire ou la reconnaissance implicite du droit transnational sportif
Le juge judiciaire, contrairement au juge administratif, ne contredit pas la possibilité pour
les sujets de l'ordre juridique sportif d'édicter des règlements à caractère commercial par
exemple. En effet, pour Ie juge judiciaire, cette activité normative n'est pas en soi
étrangère à l'activité des groupements sportifs, maïs elle peut être invalidée en raison des
effets qu'elle produit sur un marché. Ce faisant, ils admettent la possibilité pour ces
groupements et notamment pour les fédérations délégataires, d'édicter des règlements de
droit privé ~n sus de ceux créés en application de leur mission de service public. Les
juges judiciaires reconnaissent donc un pouvoir normatif propre aux groupements sportifs
qui constituent Ie fondement de l'ordre juridique sportif. lis peuvent également conférer la
formule exécutoire sur les sentences du TAS qui leur sant soumises dans Ie cadre de la
procédure d'exequatur. Dans cette hypothèse, les juridictions judiciaires sant loin de
manifester la volonté de replacer l'activité des sujets de l'ordre juridique sportif dans Ie
giron de I'Etat. Elles reconnaissent au contraire la capacité de ces sujets d'organiser un
mode de règlement de leurs différends, légitimant d'autant les sentences du TAS.
Prenons pour exemple la décision rendue par une Cour d'AppeP9• Dans cette affaire, Ie
juge étatique a assuré la promotion d'une règlementation privée, en l'occurrence Ie
règlement de la FIFA concernant Ie statut et Ie transfert des joueurs. En effet, les juges
ont estimé qu' «i/ est constant que ce règ/ement régit Jes transterts internationaux de
joueurs protessionnels de tootba/I »et qu'il est« applicab/e de plein droit ».
En suggérant que les règles non étatiques pourraient directement accéder « au rang de
droit applicable », sans délégation de la /ex contractus, l'arrêt rapporté exprime son
adhésion à la théorie du « cantrat sans loi ».
18 CE, 12 ma i 1989, Association Brest Armorique, D. 1990, Somm., p. 276, note J-F. LACHAUME; et RJES
1989-4, p. 64.
19 CA Douai, eh. 2, sect. 2, 26 mars 2009, RC Lens c/ Office des faillites du Canton de Genève, RG no
08/01418
28
D'après la doctrine, pour qui adhère aux thèses du positivisme, c'est-à-dire à l'idée qu'il
n'y aurait de sourees « que par délégation de I'Etat », Ie règlement FIFA pourrait produire
effet en tant qu'usage conventionneL L'arrêt ne démentirait pas forcément cette analyse
puisqu'on peut lire que « la convention ne vient pas en contradiefion avec ce règlement
puisqu'elle ne fait que confirmer que, sur ce point, la SA Racing club d~ Lens ne devait
pas débourser de somme supplémentaire ».
Pour les tenants de la thèse du pluralisme juridique, Ie règlement FIFA serait directement
appliqué en tant que normede droit objectif. Sans même aller jusqu'à reconnaître qu'une
entité privée aurait la capacité à produire du droit positif, il suffirait d'admettre que la règle
FIFA, en tant qu'elle est systématiquement appliquée à l'échelle mondiale pour régir les
opérations de transterts internationaux, a engendré un « droit spontané » qui mériterait
d'être accueilli pour ce qu'il est, c'est-à-dire une vraie règle de droit, générale et
permanente.
Ce pendant, dans un arrêt plus récent, Ie juge judiciaire a semble-t-il fait marche arrière et
a refusé de donner effet à une disposition du règlement de la FIFA2°. Alors que la FIFA,
dans son règlement gouvernant l'activité des agents de joueurs, semblait clairement
préciser qu'un litige international impliquant un agent devait être soumis à la cammission
du statut dû joueur de la FIFA, un tel contentieux a été accueilli par Ie juge judiciaire
français. Pour la Cour de cassation, la disposition réglementaire en question n'excluait
pas l'exercice direct d'un recours devant une juridiction étatique.
Dans cette affaire un agent néerlandais, après que I'Oiympique lyonnais ait refusé de lui
payer sa cammission d'agent relative à sa rémunération lors du transfert du joueur du
joueur malien Mahamadou Diarra, en 2002, du club de Vitesse Arnhem, aux Pays-Bas,
vers Ie club rhodanien, a attaqué Ie club français devant Ie tribunal de commerce de Lyon.
Les juges de première instanee se sant déclarés compétents, mais les juges d'appel ont
estimé Ie contraire. En effet la cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 26 mars 2009, a
jugé que l'article 22 du règlement de la FIFA gouvernant l'activité des agents de joueurs,
dans sa rédaction du 10 décembre 2000 applicable aux faits de l'espèce, imposait de
saisir, non une juridiction française, mais la cammission du statut du joueur de la FIFA.
La Cour de cassation, dans !'arrêt précité, a infirmé la décision des juges d'appel. Pour
elle, la disposition réglementaire sur laquelle s'est fondée la cour d'appel liait bien les
parties, mais ne leur interdisait nullement de préférer saisir une juridiction étatique.
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et
c'est à ce titre, d'après Ie visa de l'arrêt commenté, que Ie règlement de la FIFA
gouvernant l'activité des agents de joueurs est ici applicable. Est-ce à dire que Ie droit 20 C. cass., 1ère eh. Civ., 4 novembre 2010, Jurisport avril 2011, no 108, p. 39, comm. M. MAISONNEUVE.
29
transnational sportif représenté ici par Ie règlement de la FIFA s'applique directement en
droit interne français ? L'arrêt ne Ie dit pas.
Pour bien comprendre, reprenons l'article 22 du règlement FIFA en question : «
l'association nationale concernée est chargée de régler tout litige survenant entre un
joueur, un club et/ou un deuxième agent de joueurs et un agent de joueurs, enregistrés
auprès de la même association nationale (litiges nationaux) » et que « toute autre plainte
ne relevant pas de l'alinéa 1 doit être soumise à la cammission du statut du joueur de la
FIFA». 8our Ie commun des mortels cela voudrait dire tout simplement que les litiges
nationaux sont soumis à la fédération nationale compétente et les litiges internationaux
(dès qu'il a un élément d'extranéité), comme en l'espèce, sont soumis à la cammission
du statut du joueur de la FIFA. Oui pour la Cour de cassation, mais cela n'interdisait pas
de saisir sans attendre une juridiction étatique. En effet selon Ie juge suprême, si l'alinéa 2
de l'article 22 précité « institue une dérogation impérative à l'alinéa 1, il n'exclut pas la
faculté donnée par cette dernière disposition de saisir la juridiction étatique, également
compétente, de tout litige entre un club et un agent de joueurs ». Est-ce que cela signifie
que si la FIFA avait expressément prévu la mise à l'écart des juridictions étatiques dans
son règlement la Cour aurait statué autrement ? Ou alors la Cour aurait pu attendre
l'épuiseme~t des voies de recours du droit transnational sportif? Nous savons que Ie
Conseil d'Etat considère que les voies de recours offertes par les fédérations délégataires
deivent en principe avoir été épuisées avant de pouvoir saisir Ie juge administratif. Mais
en l'espèce, cette jurisprudence aurait du mal à s'appliquer, car la cammission du statut
du joueur de la FIFA, n'essaie pas de concilier les parties, elle tranche Ie litige, et un
recours n'aurait été possible que devant ie TAS. Autrement dit, laisser la cammission du
statut du joueur de la FIFA statuer, c'était nécessairement laisser ensuite Ie TAS décider,
à l'exclusion de toute juridiction étatique. Et si au lieu d'un recours interne à la FIFA, Ie
règlement prévoyait un véritable arbitrage ; Ie juge aurait-il donné effet à une telle
disposition dans l'ordre juridique interne? On n'en sait rien. La FIFA va sûrement modifier
son règlement au regard de cette décision. Qu'en est-il de la position du juge
communautaire ?
3. L'ordre juridigue sportif face au ju ge communautaire
Le juge communautaire a longtemps refusé d'intervenir dans les affaires mettant en cause
l'ordre juridique sportif. En effet, pendant longtemps il a consacré ce qu'on peut appeler
« l'exception sportive ». Le premier litige porté devant la CJCE (CJUE désormais) est
I' affaire Walrave and Koch21 qui donne I' occasion à la Cour d'affirmer que « l'exercice des
sports ne relève du droit communautaire que dans la mesure ou il constitue une activité
21 OCE, 12 décembre 1974, Walrave & Koch c/ Association Union cycliste internationale, aff. 36/74, Rec. P. 1405
30
économique au sens de l'article 2 du traité ». Ainsi, les « questions intéressant
uniquament Ie sport et, en tant que telles, étrangères à l'activité économique » échappent
au droit communautaire et ferment ce que I' on a alors appelé « l'exception sportive ».
Toutefois, en 1995, rarrêt Bosman22 révèle dans quelle mesure l'application des principes
communautaires peut remettre profondément en cause l'organisation des compétitions
sportives, mettant fin à la limitation du nombre de jo.ueurs européens non nationaux
autorisés à être alignés sur Ie terrain par les clubs. Cependant, l'arrêt ne neus dit pas
ciairament quelle est la délimitation de la zone d'autonomie du secteur sportif, 'Se
contentant d'affirmer que même les règles sportives ayant des implications économiques
peuvent être exemptées de l'application du principe de libre-circulation des persennes et
des services lorsqu'elles sent « justifiées par des motifs non économiques, tenant au
caractère et au cadre spécifiques de certaines rencontres ».
L'arrêt Meca-Medina23 tente d'apporter une réponse plus Claire à cette question. Dans
l'espèce, la Cour revient sur Ie principe de « rexception sportive », faisant valoir que « la
seule circonstance qu'une règle aUrait un caractère purement sportif ne fait pas peur
autant sortir la persenne qui exerce l'activité régie par cette règle ou !'organisme qui a
édicté celie-ei du champ d'application du traité ». La Cour a ainsi abandonné la distinction
qui préexistait depuis l'arrêt Walrave & Koch qui consistait à « seinder les aspects
économiques et les aspects sportifs d'une activité sportive ». Le mouvement sportif, par
crainte d'une trop grande immixtion du sport au droit communautaire, a accueilli eet arrêt
de manière très critique. De fait, la tormulation imprécise de la Cour ouvre la veie à une
soumission très large des règles sportives au droit communautaire et fait craindre la
multiplication des litiges sportifs devant Ie juge communautaire.
C'est pourquoi Ie mouvement sportif, aidé par les députés européens, a fait un lobbying
puissant auprès de la cernmission européenne afin d'introduire dans Ie traité une
disposition garantissant « rexception sportive » telle que reconnue jadis par la CJCE. Le
traité de Lisbonne, venue prendre la succession de la Constitution européenne rejetée par
référendum en France et aux Pays-Bas, eensacre en son artiele 165 la spécificité
sportive. Maïs la tormulation générale du texte laisse perplexe quant à sa significatien et à
sa portée.
La CJUE a rendu Ie 16 mars 201024 sa première décision en matière sportive depuis
l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne Ie 1 er décembre 2009. Cet arrêt perte sur la
licéité, au regard du principe communautaire de libre circulation des travailleurs, des
22 CJCE, 15 décembre 1995, Bosman, aff. C-415/93, Rec. 1-4921.
23 CJCE, 18 ju i liet 2006, Meea-Medina & Maleen c/ Cammiss ion, aff. 519/04
24 CJUE, 16 mars 2010, OL SASP c/ Bernard et Newcastle UFC.
31
indemnités de formation. L'Oiympique lyonnais réclamait au joueur et à son nouveau club
des dommages-intérêts en raison du fait que Ie joueur avait refusé Ie centrat
professionnel proposé par Ie club français, pour signer dans Ie club anglais et ainsi rompu
unilatéralement ses engagements découlant dans la charte du football professionneL A
l'époque, la charte disposait (article 23) que, « à l'expiration normale du contrat, Ie club
est alors en droit d'exiger de l'autre partie la signature d'un centrat de joueur
professionnel ».
Statuant sur renvei préjudiciel de la Cour de cassation française, la CJUE a évalué si Ie
dispositif porte entrave à la libre circulation des travailleurs, si la mesure poursuit un but
légitime, si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général et si elle ne va
pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre eet objectif.
La Cour en conclue que « les indemnités de formations constituent une restrietion à la
libre circulation des travailleurs », mais admet que « les indemnités de formation sont
susceptibles d'être justifiées par l'objectif, légitime, de proteetion de la formation », et
enfin « pour être licites, les indemnités de formation deivent être calculées en fonction des
coûts réels de formation supportés par les clubs, tant des joueurs professionnels que de
ceux qui ne Ie deviendront jamais ».
En l'espèce, la Cour a estimé que Ie système allait au-delà de ce qui est nécessaire, dès
lors que l'indemnité était calculée non pas sur les coûts réels de formation mais au regard
de la totalité du préjudice subi par Ie club.
Une autre affaire met en cause directement Ie règlement de la FIFA concernant la mise à
disposition des joueurs en équipe représentative. Le 1 er novembre 2004, Ie joueur de
football professionnel Abdei-Majid Oulmers se blesse gravement lors d'un match amical
opposant l'équipe du Maroc (à laquelle il appartient) et celle de Burkina Faso. 11 sera
indisponible pour son club, Ie Royal Charleroi Sporting Club de Belgique, pendant plus de
7 mois. La blessure étant survenue pendant une rencontre internationale, Ie club
Charleroi se tourne vers la fédération marocaine, puis vers la FIFA, pour être indemnisé
du préjudice de l'indisponibilité du joueur. Rappelons que les règlements de la FIFA
prönent Ie principe de gratuité des mises à disposition des joueurs en équipe
représentative et rendent ces mises à disposition obligatoires. Le club de Charleroi,
appuyé par Ie G14 (rappelons-le qui n'existe plus), a donc décidé d'attaquer la FIFA en
justice, devant Ie tribunal de commerce de Charleroi, au motif que la réglementation de la
FIFA serait contraire au droit communautaire de la concurrence.
Le tribunal de Charleroi renveie à la CJCE la question (question préjudicielle) de
l'adéquation de la règle de mise à disposition des joueurs par leurs clubs aux règles
32
communautaires de la liberté de circulation des persennes et des services et de la libre
concurrence.
Le débat portait en l'espèce sur l'existence d'un abus de position dominante. En effet,
compte tenu de l'organisation pyramidale du sport et de l'existence d'un pouvoir de
direction sur l'activité sportive et les activités économiques qui en découlent, une
fédération internationale est nécessairement en position dominante. Mais la question est
de savoir s'il y a a bus. La ju risprudenee considère qu'il y a abus si Ie pouvoir de régulation
reconnu aux fédérations internationales conduit à des réglementations disproportionnées.
Autrement dit, si la mise à disposition obligatoire peut être justifiée par la crédibilité des
compétitions, en est-il de même de la mise à disposition sans aucune
cernpensatien financière? La mise à disposition profite à la FIFA et aux fédérations
nationales, mais elle est désavantageuse peur les clubs. Ces demiers se veient imposer
eet état des choses et acceptent de s'y soumettre parce que la FIFA a une puissance
suffisante peur les y contraindre. Ce constat peut conduire la CJCE à considérer que la
position de la FIFA est constitutive d'un abus de position dominante.
Mais alors, est ce que cette atteinte à la concurrence peut être justifiée par la spécificité
sportive, en d'autres termes est-elle proportionnée ? Ce sera Ie cas si la Cour considère
que la mise· à disposition obligatoire et gratuite est Ie seul moyen susceptible de garantir
l'incertitude du résultat des rencontres et l'égalité entre les équipes. Le caractère
obligatoire de la mise à disposition sera à coup sûr validé par la Cour. Mais est ce que ce
sera Ie cas peur la gratuité ? Cette gratuité est-elle indispensable ? Ce qui garantit
l'incertitude des résultats, c'est la présence des meilleurs joueurs, et non pas que ces
joueurs soient libérés par leurs clubs sans aucune centrepartie financière.
Toutes ces questions ne trouveront pas de réponses dans l'immédiat. En effet, en février
2008, Ie club de Charleroi a finalement décidé de retirer sa plainte en concertation avec
les instances de I'UEFA et de la FIFA. C'est à cette occasion que des accords ont été
conclus en vue d'indemniser forfaitairement les clubs dont les joueurs participent aux
championnats d'Europe des nations ainsi qu'aux coupes du monde de football de la FIFA.
Tous ces litiges nationaux et internationaux mettant en cause l'ordre juridique sportif
prouvent qu'il y a un certain malaise qui y règne, et que jusqu'à présent persenne n'a
trouvé la bonne formule. On parle souvent de « fair-play » dans Ie milieu sportif, mais
quand des enjeux politiques, économiques, juridiques, sportifs considérables sent en jeu,
Ie « fair-play » est vite oublié. Peut-être que la salution viendra d'un arbitrage sportif au
niveau international respecté et applicable à tous.
· 8. Une alternative pour l'avenir : la lex sportiva
33
A quoi correspond la « lex sportiva » ? Pour résumer grossièrement, pour la grande
majorité de la doctrine, la lex sportiva serait Ie droit transnational sportif qui émerge des
fédérations internationales sportives, du C.I.O, du T.A.S, et plus récemment de I'A.M.A.
Un auteur, E. Loquin25 , selon qui la lex sportiva peut être conçue comme « !'ensemble
des règles qui président à l'organisation des épreuves sportives », a relèvé en particulier
que les cantrats sportifs en matière de football étaient soumis à un véritable « droit sportif
transnational », formé de règles matérielles créées pour encadrer les cantrats des
footballeurs, en l'occurrence Ie règlement de la FIFA concernant Ie statut et Ie transfert
des joueurs.
Nous n'avons pas la prétention d'étudier ici toutes les sourees de la lex sportiva. 11 faudrait
consacrer toute une thèse à une pareille étude, tellement Ie sujet est vaste. Nous allons
essayer de prendre l'exemple à part du TAS comme souree de la lex sportiva (1), pour
ensuite se peneher sur Ie controle de la lex sportiva en droit interne français (2).
1. La lex sportiva émanant du Tribunal Arbitral du Sport
Le TAS doit son existence au Comité International Olympique. L'idée d'une cour
d'arbitrage dans Ie domaine du sport fut lancée par J.A. Samaranch dès Ie Congrès
olympique de Baden-Baden (1981), tenu un an après son accession à la présidence du
C.I.O., à la suite duquel la 86ème session du C.I.O. adopta les statuts du futur Tribunal
arbitral du sport, lors de sa réunion de New Delhi (2-28 mars 1983).
Aujourd'hui, la totalité des fédérations internationales dites « olympiques », et un grand
nombre parmicelles reconnues par Ie C.I.O. prévoient la compétence du TAS en matière
d'appel de leurs décisions disciplinaires. Le TAS remplit ainsi la fonction d'un organe de
controle de la sanction disciplinaire administrée par les fédérations internationales.
Selon G. Sirnon: «dans l'exercice de sa mission, Ie TAS pourrait être la souree d'une
nouvelle catégorie de normes combinant les règles propres aux compétitions et des
principes fondamentaux du droit. Ces normes, opposables à !'ensemble de la
communauté sportive et, au premier chef, aux groupements sportifs internationaux,
méritent de porter Ie nom de lex sportiva »26 .
E. Loquin a noté à propos des principes généraux auxquels la jurisprudence du TAS fait
un recours constant : « force est de remarquer que la lex sportiva se forme de la même
manière que la lex mercataria dans !'arbitrage commercial international. Le recours à
I' arbitrage permet de dégager des principes généraux appropriés aux beseins des intérêts
25 E. LOQUIN, « l'internationalisation des contrats sportifs », in G. SIMON (dir), les contrats des sportifs, l'exemple du football professionnel, Paris, P.U.F., 2003, p. 45.
26 G. SIMON, « I' arbitrage des conflits sportifs », R.A. 1995, p. 205.
34
qu'ils sont appelés à régir. Ces principes sont autonomes, en ce sens qu'ils ne sont pas
tirés d'un ordre juridique étatique dans lequella situation litigieuse serait localisé ».
a) la ju risprudenee du TAS
Du fait que chaque litige entraîne la constitution d'une formation arbitrale nouvelle, dont la
durée de vie est liée à la résolution du litige et qui n'est en aucun cas contrainte par les
décisions antérieures rendues par Ie TAS, on pourrait légitimement penser que Ie TAS
n'est pas apte à dégager une jurisprudence cohérente. D'autant plus qu,.e les arbitres du
TAS sont nombreux et ils proviennent de plusieurs pays différents répartis sur les 5
continents. Afin de rallier la FIFA à la juridiction du TAS, il a fallu créer une liste d'arbitres
spécifique pour Ie football. Cependant il n'en est rien, car tous les arbitres du TAS sont
tous issus du mouvement sportif international.
D'autres facteurs permettent de dégager un courant jurisprudentie! harmonisé,
notamment l'administration et la surveillance des procédures d'arbitrage par Ie TAS. Le
secrétaire général ou un conseiller du TAS participe aux audiences et aux délibérés qui
s'ensuivent. Ce qui permet aux arbitres d'être éclairés sur certains points de procédure,
mais aussi sur la façon dont une question de droit similaire a été tranchée par une
formation ar.~térieure.
Lors des Jeux Olympiques une chambre ad hoc est formée pour traiter rapidement les
affaires qui pourront survenir à !'occasion des jeux. Les arbitres de la chambre ad hoc
sont informés des affaires en cours, ils erganisent quotidiennement des réunions afin de
débattre des questions d'actualité.
Le code de !'arbitrage en matière de sport prévoit que « avant la signature de la sentence,
celie-ei doit être transmise au Secrétaire général du TAS qui peut procéder à des
rectifications de pure ferme et attirer l'attention de la formation sur des questions de
principe fondamentales » (Article R46 relatif à la procédure ordinaire). Ce procédé permet
au TAS de se prémunir contre Ie rendu de sentences dissidentes.
Le TAS publie ces décisions, en tout cas les plus célèbres et les plus belles d'un point de
vue juridique, notamment via internet, ce qui contribue à créer Ie phénomène
jurisprudentie!. En effet, les organes disciplinaires des organisations sportives, surtout
ceux de la FIFA, ayant tendance à aligner leur jurisprudence sur celle du TAS de crainte
de voir leurs décisions réformées, une large ditfusion des sentences du TAS a des effets
potentiels sur I' ensemble du mouvement sportif.
Enfin la procédure d'avis consultatif devant Ie TAS constitue un facteur supplémentaire
favorisant l'émergence d'une jurisprudence sportive. Le TAS doit juste donner un avis
35
juridique dans ces hypothèses, alors il en profite pour énoncer des règles générales
susceptibles de faire jurisprudence.
Prenons comme exemple la sentence Sissoko27. Dans cette sentence, Ie TAS était
amené à interpréter Ie règlement de la FIFA sur les transterts des joueurs. La formation a
posé des règles dépassant Ie cas d'espèce, relatives aux obligations des clubs et de la
FIFA:
« 48. La Formation estime que : d'une manière générale, tout club impliqué dans un
transfert international doit se renseigner sur les obligations souscrites par Ie joueur qu'il
entend engager, vis-à-vis du club auquel ce joueur était lié, Ie tout sous l'autorité et Ie
controle de la FIFA»
« 49. De manière générale, il est de la responsabilité de la FIFA, dans chaque cas de
transfert international d'examiner les engagements pris par toutes les parties impliquées
et d'en tirer alors les conclusions pertinentes dans un souci de garantie de la sécurité
juridique des intervenants notamment ».
Cette sentence a depuis constitué une référence pour la FIFA et pour les formations ayant
à juger des différends relatifs aux transterts de joueurs de football.
Citons également la sentence Webster (TAS 30 janvier 2008) qui a fait date dans Ie
milieu du football professionneL En effet, au même titre que l'arrêt Bosman elle était
censée remettre totalement en cause Ie système des « transterts ». Dans sa décision, Ie
TAS a établi qu'en cas de rupture unilatérale sans juste cause d'un centrat de travail par
un footballeur, celui-ei devait payer une indemnité égale au montant des salaires qu'il
aurait reçus s'il était allé au terme de son contrat.
Le TAS a considéré que Ie joueur n'étant plus dans Ie cadre de la période protégée
définie par l'article 17 du règlement du statut et du transfert du joueur de la FIFA et la
signature avec Ie club de Wigan étant intervenue bien après la rupture, il n'y avait pas lieu
au paiement du montant de la valeur de transfert du joueur réclamé par Ie club écossais.
Cette décision a provoqué de vives réactions notamment de la FIFA dans la mesure ou
elle perte un coup direct aux règlements de la FIFA concernant Ie transfert et Ie statut du
joueur de football professionnel lesquels ont pour objectif d'assurer une certaine stabilité
contractuelle entre les sportifs et leur club employeur. En outre, cette sentence remettait
en cause Ie système existant qui avait Ie mérite d'assurer un certain équilibre financier
entre les clubs formateurs disposant de jeunes joueurs talentueux et les clubs riches au
moyen de l'indemnité de transfert.
27 TAS, 2003/0/530, AJ Auxerre c/ FC Valenee & Sissoko, 27 août 2004.
36
Le TAS a donc ceuvré de façon permanente pour assurer une unité globale à sa
jurisprudence. C'était très important de réussir à mettra cette unité en place car il en allait
de la crédibilité même du TAS. La jurisprudence du TAS s'est réellement développée à
partir des cas de dopage en équitation, la F.E.I. étant la première fédération à avoir
reconnu la compétence d'appel du TAS ; les solutions rendues ont été étendues par la
suite à tous les sports. Cette continuité des décisions retenues par Ie TAS peut être
illustrée à travers la sentsnee Mendy, du nom du boxeur français qui représentait la
France aux Jeux olympiques de 1996 à Atlanta. Dans cette affaire, la formation arbitrale
s'estima compétente pour connaître des règles du jeu. Les arbitres atténuèrent cependant
la portée de leur compétence de principe par une limitation de l'étendue de leur controle,
dans Ie souci d'éviter les centsstations à tout va des résultats sportifs, porteuses de
risques de déstabilisation des compétitions.
Le TAS a depuis eu !'occasion de se fender à de nombreuses reprises sur la sentsnee
Mendy pour rappelar sa compétence de principe pour connaître des différends relatifs aux
règles de jeux.
Le TAS a acquis une influence telle au sein du mouvement sportif international qu'il est
devenu pou_r beaucoup la juridiction de tout un système. L'adoption du Code mondial
antidopage est venue rentoreer la position du TAS en en faisant l'unique instanee
internationale de recours en matière de dopage. A cela s'ajoutent les centrats à objet
sportif (contrats d'organisation de manifestation sportive, de travail, de sponsoring, etc.)
qui cernportent de plus en plus fréquemment une clause compromissoire en faveur du
TAS. La jurisprudence du TAS influe non seulement sur Ie droit interne des organisations
sportives composant Ie mouvement olympique, mais elle permet aussi de préciser les
règles régissant les rapports qui les lient entre elles.
Le secrétaire général du TAS l'a reconnu: « Le fait de centraliser au TAS la résolution
des litiges devrait favoriser l'harmonisation de certains grands principes juridiques,
appliqués de manière eneere irrégulière par les hautes instances sportives ( comme Ie
droit d'être entendu, par exemple), et celle de certains règlements fédératifs
(règlementation anti-dopage notamment), ceci gräce à une jurisprudence unitaire ».
b} les principes généraux dégagés par Ie TAS
Les principes généraux ont été définis comme « des règles de portée générale qui sont
considérées comme partie intégrante du droit positif, bien qu'elles n'aient pas été posées
en observant l'un des procédés rentrant dans la nomenclature officielle des sourees de
l'ordre juridique considérée »
37
La tormulation des principes généraux est une pratique communément admise s'agissant
des juridictions étatiques. De manière plus originale, il a été démontré que les juges des
pratiques du commerce international formulaient également de véritables principes
généraux du droit.
Le TAS s'est aventuré sur un tel terrain. L'article 17 du Règlement d'arbitrage pour les
Jeux olympiques dispose que les formations arbitrales statuent en vertu ((des principes
généraux du droit », en sus de la Charta olympique, des « règlements applicables » et
« des règles de droit dont alles estiment l'application appropriée ». En revanche dans Ie
cadre des procédures habituelles, Ie Code de !'arbitrage en matière de sport ne prévoit
pas expressément Ie recours à des « principes généraux du droit ». En effet, dans la
procédure ordinaire, sont applicables « les règles de droit choisies par les parties ou, à
défaut de choix ( ... ) Ie droit suisse» (art. R45), tand is qu'en matière d'appel, « la
Formation statue salon les règlements applicables et salon les règles de droit choisies par
les parties » (art. R58).
Ceci étant, « les principes généraux du droit » dégagés par Ie TAS sont multiples. Une
grande partie d'entre eux sont directement inspirés d'un ou de plusieurs ordres juridiques
étatiques. S~ivant que la formation arbitrale statue ou non sur la base d'un droit national,
!'origine du principe pourra être plus ou moins identifiable. Ainsi lorsque Ie TAS s'est basé
sur Ie droit suisse, il a I' occasion de s'approprier les principes généraux du droit reconnus
par Ie droit national suisse comme : l'application de la loi nouvelle dans les litiges en
cours28 , l'obligation pour la partie qui allègue un fait d'en apporter la preuve29 , Ie principe
d'égalité juridique30 ou encore la prohibition de la reformatio in pejus31• Mais Ie plus
souvent, !'origine étatique du principe général du droit utilisé n'est pas ciairament
identifiée. Dans cette hypothèse, la formation arbitrale aura tendance à affirmer que Ie
principe est partagé par une pluralité de droits nationaux32 ou par la plupart des ordres
juridiques étatiques33• L'idée qui se dégage de la doctrine est que Ie TAS opère une
réappropriation des principes généraux du droit pour les intégrer dans l'ordre juridique
sportif.
Cependant nombre de principes généraux du droit dégagés par Ie TAS sont propres à
l'ordre juridique sportif. Ces principes généraux du droit sportifs trouvent leur souree à la
28 CAS 19 octobre 2000, 2000IAI274, S. cl FINA, Rec. TAS 111, p. 405.
29 CAS 22 décembre 1998, 981208, op. cit.
30 TAS 23 avril 2001, 20011 Al318, Richard Virenque cl Swiss Cycling, Rec. TAS 111, p. 175.
31 TAS 27 mai 2003, 2002IAI432, D. cl FINA, Rec. TAS 111, p. 428.
32 CAS 5 septembre 2005, 2005IA/829, L. Beerbaum cl FEl, v. thèse F. LATTY, p. 306
33 TAS 17 mars 1999, 981214, Djamel Bourras cl FIJ, Rec. TAS 11, p. 301.
38
fois dans la Charte olympique et dans la jurisprudence arbitrale elle-même. 11 en va ainsi
du principe d'indépendance et d'autonomie des fédérations internationales de l'article 29
de la Charte qui a été repris in extenso dans la sentence S. Prusis34• 11 arrive aussi que Ie
TAS procède à un renvei général à !'ensemble des principes figurant dans la Charte ou
laisse entendre qu'il en a directement déduit l'existence de tel ou tel prinCipe. 11 a procédé
ainsi en matière de règles applicables dans Ie traitement de cas de dopage. L'objectif
principal des principes généraux purement sportif est d'assurer la sincérité et Ie bon
déroulement des compétitions sportives. L'intérêt du sport justitie que des sanctions <
soient prises sur la base de ces seuls principeslorsque les réglementations sportives sent
défaillantes. Les principes de « fair-play »35 ou eneere d' « équité »36 en sent l'exemple. lis
visent à garantir l'égalité des chances entre les compétiteurs. lis dépassent Ie fait
d'assurer Ie bon déroulement de la compétition sportive peur contribuer à assurer sa
pérennité. Le TAS a en effet parfois tranché des litiges dans un sens contraire à la stricte
application des règlements sportifs fédéraux dans Ie seul but de ne pas bouleverser Ie
déroulement passé et à venir d'une compétition. Ainsi, dans !'affaire Sissoko, aiors que Ie
transfert d'un sportif était irrégulier ce qui en théorie aurait amené à modifier Ie
classement du championnat en cause, Ie TAS a refusé d'annuler la décision de I'UEFA
qui validait !e transfert au motif qu' « il paraît difficile, d'un point de vue sportif, de revenir
un an plus tard sur un choix de carrière opéré par M. Sissoko ». Autrement dit, l'équité
sportive emporte prescription des faits entachant Ie transfert d'irrégularité.
En règle générale, Ie TAS s'est souvent appuyé sur deux types de principes généraux du
droit : ceux concernant la mise en ceuvre du pouvoir disciplinaire et ceux destinés à
encadrer Ie pouvoir réglementaire des groupements sportifs.
Parmi ces principes, on peut citer Ie« Principe de légalité ». Toutes les sanctions prises à
l'encontre d'un sportif deivent reposer sur une base légale et plus précisément sur leurs
règlements. En effet, dans une sentence Ie TAS précise que « nous devons décider dans
Ie cadre du droit du sport et nous ne pouvons inventer des interdictions ou des sanctions
lorsque celles-ei n'existent pas [. . .], /es textes existants ne laissent aucune a/ternative,
quel/e qu'el/e soit. 11 apparan c/airement que les sanctions contre R. sont dénuées de
base /éga/e »37 • C'est cette exigence qui justitie parfois une application et une
interprétation strictes des règlements fédéraux par les arbitres du TAS.
34 CAS 5 février 2002, OG 02/001, S. Prusis & LOC c/ CIO.
35 CAS 8 août 2002, 2002/A/378, S. c/ UCI & FCI, Rec. TAS 111, p. 316.
36 CAS 18 septembre 2000, OG 00/004, COC et J. Kibunde c/ AIBA.
37 CAS 12 février 1998, OG 98/002, Rebagliati c/ CIO, Rec. TAS I, p. 433; JDI 2001, p. 296.
39
Gitons également Ie « Principe de prohibition de !'arbitraire et de l'équité ». Les sentences
arbitrales tendent à garantir les athlètes soumis au pouvoir disciplinaire du groupement
dont ils sont membres contre toutes conditions procédurales qui pourraient s'avérer
« arbitraires, inéquitables et contraires aux principes généraux du droit »38 . Entrent dans
cette catégorie, les décisions fondées sur la mauvaise foi ou les cas de corruption39 .
Le « Principe de non-discriminatien ». Dans la continuité de ce qui précède, la formation
arbitrale s'assure également du caractère non discriminatoire des mesures prises à
l'encontre d'un sportif. Elle vérifie Ie cas échéant si les principes d'égalité de traitement et
de proportionnalité sont respectés40 • Dans Ie cadre de la vérification du caractère
proportionné des mesures prises, Ie corps arbitral s'attachera à confirmer ou à infirmer
leur nécessité au regard de la gravité de la faute du sportif, du bon déroulement et de la
sincérité de la compétition ou eneere en vue de protéger l'intégrité physique du sportif. En
somme, les principes généraux du droit purement sportifs servent à mettre en reuvre un
principe commun aux deux ordres juridiques.
Le «Principe de bonne foi et d'estoppel ». Dans Ie cadre des procédures mises en
reuvre, Ie TAS a eu !'occasion de rappeler Ie principe de l'interdiction de se contredire au
détriment d'~utrui ou estoppe/41• Ce principe est sensiblement proche de celui de la bonne
foi. Aussi, Ie TAS pourra indistinctement l'évoquer, qu'il soit formulé en français ou dans
sa version anglo-saxone, principe of good faith.
En matière de dopage Ie principe roi est celui de la responsabilité objective pour dopage
ou strict liability. 11 résulte de ce principe que"l'athlète est présumé s'être dopé en cas de
résultat positif aux controles antidopage, peu important !'origine intentionnelle ou non42 • La
faute du sportif est présumée. Cette présomption se traduit par Ie fait que les dispositions
du CMA mettent la preuve à la charge du sportif qui doit dès lors démontrer cernment la
substance est entrée dans son organisme et qu'il n'a pas commis de faute et de
négligence. Cette règlementation a non seulement été entérinée par la jurisprudence du
TAS, mais de surcroît celie-ei a apporté quelques précisions. Ainsi, si Ie sportif n'est pas
parvenu à apporter la preuve de la manière dont la substance est entrée dans son
organisme, alors cela vaut violatien du CMA sans possibilité d'élimination ou de réduction
de sanction. La lutte contre Ie dopage a également conduit Ie TAS à refuser d'appliquer Ie 38 HASCHER (D), obs. sous TAS 2003/A/490, FFE c/ FEl, JDI 2005, p. 1308.
39 TAS 30 septembre 2000, 00/013, Rec. TAS, p. 680.
4° CAS 18 septembre 2000, OG 00/004, COC et J. Kibunde c/ ALBA.
41 CAS 10 janvier 2003, 2002/0/401, IAAF c/ USATF; CAS 20 février 2002, OG 02/006, NZOC c/ SLOC, Rec. TAS 111, p. 609 et JDI 2003, p. 299.
42 CAS 2005/A/951, sentence révisée du 23 mai 2007 reprenant la sentence du 23 mai 2006, Guillermo
Cafias c/ ATP Tour.
40
principe nulla poena sine culpa (principe imposant l'établissement de l'intention ou de la
négligence coupable de !'auteur de l'acte avant de pouvoir prononeer une sanction
pénale ). Le TAS a considéré qu' « une application trop littérale de ce principe pourrait
avoir des conséquences néfastes sur l'efficacité des mesures anti-dopage »43 . 11 n'en
demeure pas moins que Ie sportif reconnu dopé est automatiquement disqualifié.
« Principe du respect des droits de la défense ». Le droit français contribue à garantir Ie
respect des droits de la défense des sportifs à !'occasion de la mise en ceuvre d'une
procédure disciplinaire. Cela résulte principalement de la tutelle étatique et plus
précisément du conditionnement de l'octroi de la délégation par l'adoption d'un règlement
disciplinaire type lequel contient des dispositions dans Ie sens de la proteetion de l'athlète.
Seulement, une telle exigence ne se retrouve pas nécessairement dans tous les droits
nationaux et de surcroît, l'applicabilité d'un règlement disciplinaire se distingue de son
application réelle. Le TAS est donc ven u préciser Ie principe du respect des droits de la
défense affirmant que « Ie respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte
à l'encontre d'une persenne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un
principe de droit fondamental, qui doit être assuré même en !'absence d'une
règlementation Ie prévoyant »44.
Enfin citons Ie « Principe de prévisibilité du droit » qui veut que les groupements sportifs
fassent preuve de clarté et de prévisibilité dans l'édiction de leur réglementation, et Ie
«Principe de lex mitior ». Ce dernier principe veut que la réglementation nouvelle ne
s'applique dès son entrée en vigueur que si elle est plus favorable au sportif soumis à une
procédure disciplinaire : « De l'avis de la formation, Ie principe selon lequel la loi pénale
s'applique dès son entrée en vigueur si elle est plus favorable à l'accusé (lex mitior) est
un principe fondamental de tout régime démocratique [ ... ] Ce principe s'applique aux
réglementations anti-dopage vu Ie caractère pénal ou tout Ie moins disciplinaire des
sanctions qu'elles permettent d'infliger ». Le principe de non-rétroactivité de la
réglementation sportive trouve ainsi à s'appliquer.
Tous ces principes généraux du droit dégagés par Ie TAS contribuent à limiter les risques
d'illégalité des réglementations sportives. Ces principes sont considérés par l'arbitre
comme un socle commun de légalité. Son intervention consiste donc à limiter les risques
de sanction des juges étatiques en raison de l'illégalité des réglementations sportives au
regard des droits nationaux, en s'assurant autant que faire se peut la conformité de la
réglementation sportive avec un droit national.
43 TAS 22 avril1996, 95/141, Chagnaud c/ FINA, Rec. TAS I, p. 205.
44 TAS 2 février 2001, 2000/ A/290, Abel Xavier & Everton FC c/ UEFA.
41
Malgré tout, les sentences rendues par Ie TAS ne bénéficient pas de I'« imperium ».
Souvent Ie bénéficiaire d'une sentence rendue par Ie TAS se trouve donc obliger de
passer par une juridiction étatique afin que celie-ei aceorde I' « exequatur » à la sentence
du TAS. Cette procédure rastreint la force contraignante des sentences rendues par Ie
TAS et démontre les limites de la lex sportiva.
2. Les limites de la lex sportiva en droit interne français
En France on pense souvent que Ie sport est une affaire de puissance publique. Ceci "
s'explique par Ie fait que certaines fédérations, et non les moindres, bénéficient de
prérogatives de puissance publique, ce qui les place sous la tutalle de I'Etat et sous Ie
controle du juge administratif.
Cependant, les différentes lois successives relatives au sport ont dans un premier temps
reconnu l'existence de la lex sportiva avant d'en occulter toute trace. Ainsi l'article 11 de
la loi Mazeaud de 1975 dispose que les fédérations sportives étaient chargées de faire
« raspeeter les règles techniques et· déontologiques de leurs disciplines édictées par les
fédérations internationales, Ie comité international olympique et Ie comité national
olympique et sportif français ». Cette disposition intégrait Ie droit transnational sportif dans
l'ordre juridique français.
Par ailleurs, au termede l'article 14 de la loi de 1975, Ie CNOSF ... «Organisme reconnu
par Ie comité international olympique », avait lui-même pour mission d'établir
« conformément aux prescriptions du comité international, les règles déontologiques du
sport».
Dans sa version initiale, la loi Avice de 1984 maintenait une référence au droit
transnational sportif, en précisant que la fédération délégataire « définit, dans Ie respect
des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline». La lex
sportiva n'est plus intégrée dans l'ordre juridique français ; la disposition se contente
d'opérer un renvei à celle-ci. Les règles transnatienalas perdent tout leur effet direct par
rapport à 1975.
La loi Buffet du 6 juillet 2000 a carrément supprimé toute référence aux organisations
sportives transnationales. L'article 17 de la loi 2000 dispose que « la fédération édicte les
règles propres à sa discipline » sans aucune autre précision. De même, la référence au
CIO disparaît de la disposition relativa au CNOSF. Selon la nouvelle loi, Ie CNOSF
« veille au respect de la déontologie du sport définie dans une charte établie par lui après
avis de la Commission nationale du sport de haut niveau » (art.18). Ceci fait dire à I' auteur
F. LATTY que « désormai.s, à lire la loi française, les fédérations internatienalas sont
42
d'inexistence et Ie Comité international olympique n'est qu'un simple organisateur de
compétitions auxquelles des athlètes français sont susceptibles de participer »45 .
Les décrets d'application de l'article 17 de la loi de 1984 relatifs aux conditions
d'attribution et de retrait de la délégation ont suivi l'évolution connue par la loi. Le décret
no 85-238 du 13 février 1985 prévoyait que la délégation pouvait être retirée « dans Ie cas
de manquament grave aux règlements internationaux » · (art.8) ; cel ui de 2002 (Décret no
2002-761 du 2 mai 2002) dans artiele 8 prévoyait que la délégation pouvait être retirée
« pour un motif justifié par l'intérêt général qui s'attache à la promotion et au
développement des activités physiques et sportives ». Ce qui ne veut absolument rien
di re.
Dans la continuité de I' esprit des lois françaises, Ie projet de loi Lamour de 2005, qui avait
parmi ses objectifs de rendre compatible la législation française avec Ie Code mondial
anti-dopage, ne dit mot de la compétence normative et disciplinaire des fédérations
internatienalas ou du CIO.
Ainsi, comme nous venons de Ie voir, la loi française a effacé toute référence au droit
transnational sportif, à la lex sportiva, dans ses rédactions successives. Cela réduit
considérablement !'autonomie de la lex sporttiva en droit interne français et complique
eneare plus les choses en cas de conflits mettant en cause la lex sportiva sous une forme
quelconque. Le juge étatique, a fortiori Ie juge administratif, saisi d'une affaire y faisant
référence, fera taujours prévaloir la primauté de l'ordre juridique étatique. Nous avons
déjà évoqué plus haut Ie traitement que Ie juge administratif réservait à l'ordre juridique
sportif transnational. Rappelons juste qu'il privilégie taujours la loi étatique. Nous avons
déjà évoqué également les limites de la lex sportiva devant Ie juge communautaire.
Autre phénomène susceptibis de limiter la lex sportiva en droit interne français. Nous
savons que Ie juge compétent de l'ordre juridique dans lequel l'exécution d'une sentsnee
arbitrale est recherchée controle cette sentsnee au regard de la loi étatique en cause. Or
certaines matières incluses dans Ie champ arbitrable par Ie droit suisse, en sont exclues
par des droits étatiques tiers. Ainsi, en droit français, Ie « cantrat international de travail
sportif échappe en partie à !'arbitrage international ». En effet, même si Ie cantrat contient
une clause compromissoire, Ie sportif sera taujours en droit de saisir les juridictions
françaises, ainsi que la Chambre sociale de la Cour de cassation I' a reconnu: « la clause
compromissoire insérée dans un cantrat de travail international n'est pas opposable au
salarié qui a saisi régulièrement la juridiction française compétente en vertu des règles
applicables, peu important la loi régissant Ie cantrat de travail »46 .
45 F. LATTY, la lex sportiva : recherche sur Ie droit transnational, op.cit.
46 Cass. Soc., 4 ma i 1999, Picquet, Bul I. 1999, V, n· 191 p. 140
43
Un autre obstacle à l'application de la lex sportiva en droit interne français concerne
l'article 2060 du Code Civil. Selon eet article, « on ne peut compromettre [ ... ]dans toutes
les matières qui intéressent l'ordre public ». Or, la compétence exclusive du juge
administratif résultant de la délégation de missions de service public opérée par la loi de
1984 est assurément d'ordre public. Dès lors, les litiges relatifs aux actes des fédérations
délégataires mettant en reuvre des prérogatives de puissance publique ne répondent pas
aux critères de !'arbitrage sportif47 • La sentence rendue par Ie TAS dans !'affaire Chouki,
qui, en application des règles de I'IAAF, a rallongé de six mois la suspension prononcée -par la fédération française, elle-même confirmée par les juridictions administratives,
attente ainsi à l'ordre public français et n'avait de ce fait aucune chance de trouver gräce
auprès des juges français. L'affaire Chouki laisse entendre que Ie TAS ne se sent guère
contraint par les conditions d'arbitrage sportif des ordres juridiques dans lesquels ses
sentences deivent produire leurs effets.
Comme l'a si bien dit un auteur « L'universalité du sport fait que Ie mouvement sportif a
besoin d'une règlementation unitaire ». Seule la « lex sportiva » à travers les organismes
comme Ie TAS, Ie CIO et I'AMA, semble être en mesure d'apporter cette règlementation
unitaire. Cependant cette démarche, quoique bien entamée, est loin d'être gagnée ; elle
se heurtera · eneere quelques années aux velléités de certains Etats désireux de marquer
leur territoire envers et contre tout, malgré leur ignorance du mouvement sportif
international. Pour combattre eet état d'esprit, une seule salution semble efficace :
intégrer la /ex sportiva dans Ie droit public international de sorte qu'elle soit respectée et
appliquée par tout Ie monde, comme Ie sont les décisions prises par I'ONU.
47 G. Simon, « I' arbitrage des conflits sportifs », R.A., 1995, p. 200
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BIBLIOGRAPHIE
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