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Troubles oppositionnels avec provocation et méthodologies adaptées
Mme Sylvie Frère
Les troubles oppositionnels avec provocation
Travail réalisé par
Noor AJAMI, Yanni GEROGALLIS,
Ashley MICHAUX, Estelle BENAZET,
et Gaëlle PEDROSO
Année académique 2017-2018
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A. Introduction.
Troubles oppositionnels ou comportements oppositionnels ?
Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) parle « d’humeur
irritable ou colérique, de comportements querelleux ou provocateurs et d’esprit vindicatif ».
Le trouble des conduites est une manifestation des comportements perturbateurs beaucoup
plus graves.
L’opposition survient à cause de facteurs héréditaires ou de facteurs externes. Selon Benoît
Hammarrenger, neuropsychologue québécois, l’opposition devient un trouble d’opposition ou
de provocation par une désobéissance casi généralisée et recherche active du conflit.
(Hammarrenger, 2016)
Il faut alors nuancer le terme « trouble » car celui-ci implique l’individu comme le seul
problème de son attitude. Or, les comportements oppositionnels émergent dans la majorité des
cas car les facteurs environnementaux sont problématiques.
Néanmoins, le trouble est parfois un syndrome neurologique, le comportement provocateur
est alors inné et inscrit dans la personnalité de la personne. L’individu a peu de contrôle sur
celui-ci.
Il est également nécessaire, notamment à l’âge de 3 ans et à l’adolescence, de passer par des
phases d’oppositions car celles-ci font partie du développement de l’autonomie et de
l’individualité de chacun.
Quel est alors le rôle de l’orthopédagogue ?
Il est capital, avant tout lancement dans un projet ou dans un programme avec une personne
ayant des comportements oppositionnels que l’orthopédagogue se connaisse, connaisse ses
limites et soit stable émotionnellement.
Par sa formation et ses compétences, l’orthopédagogue peut clairement mettre en place des
programmes ou participer à des activités permettant de développer les habiletés sociales.
L’orthopédagogue peut également être un intervenant qui permet de travailler sur la bonne
compréhension de l’origine du comportement problématique. Ainsi l’intervention sera
davantage efficace. Il peut relever les manifestations et les éléments qui perturbent l’individu
et engendrent un déséquilibre émotionnel et psychoaffectif. La compréhension et l’analyse
des éléments récoltés doivent être réalisées par un spécialiste.
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B. Le jugement moral.
En 1976, Lawrence Kohlberg, psychologue américain, a défini une échelle du développement
moral. Celle-ci contient 6 stades répartis en 3 niveaux.
Niveau 1 : morale préconventionnelle ou pré-morale (2-7ans)
Les notions de bien et de mal dépendent des règles imposées et des conséquences
survenues.
Stade 1 : le jeune obéit et évite les punitions
(respect du pouvoir)
Stade 2 : le jeune protège et encourage ses
intérêts (intégration des récompenses et des
punitions)
Niveau 2 : morale conventionnelle (7-12ans)
Le groupe de plus en plus large devient important (famille, école, société…).
Stade 3 : il intègre les règles du groupe
auquel il appartient par convention et se
préoccupe de savoir ce que l’on va penser de
lui.
Stade 4 : le groupe large se définit, les
règles permettant le maintien de l’ordre
social sont respectées même si la sanction
peut être évitée.
Niveau 3 : morale postconventionnelle (adolescence)
Les lois sont reconnues, intégrées, respectées mais discutables.
Stade 5 : les lois sont respectées mais les
valeurs de l’individu l’amènent à reconnaître
qu’il peut y avoir des conflits entre les lois
et les individus.
Stade 6 : les valeurs morales sont plus
importantes que le respect des lois (qui est
déjà intégré). L’individu est capable de
désobéir à une loi si elle enfreint ses valeurs
personnelles et universelles. Il est capable
d’une réflexion éthique.
Il est difficile de savoir comment agir dans une situation particulière, davantage lorsqu’il
n’existe pas de règles générales. Chaque action a un impact sur l’environnement et c’est là
que la morale intervient. Une personne ayant un comportement provocateur ne parvient pas à
se décentrer. Les facteurs externes sont tellement importants que l’individu ne parvient pas à
réagir au-delà de son intérêt personnel. Les règles et les normes obligent les individus à se
comporter d’une certaine manière. Et ce comportement « adéquat » est justement
problématique pour les personnes oppositionnelles car les habiletés sociales sont fragiles.
(Vandamme, 2017-2018)
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En conclusion, une personne ayant un trouble du comportement accède très rarement aux
différents stades du jugement moral définis par L. Kohlberg. La distinction entre le mal et le
bien n’est pas déterminée, le pouvoir n’est pas respecté, les règles et les conventions ne sont
pas assimilées, l’environnement n’est pas adéquat… Ce sont des éléments qui ne permettent
pas au bénéficiaire d’acquérir un jugement moral stable.
C. Les habiletés sociales.
Selon K. Merceron, « la cognition sociale peut être définie comme la capacité à construire
des représentations sur les relations entre soi-même et les autres et à utiliser ces
représentations de manière flexible pour ajuster et guider son propre comportement social ».
La cognition sociale est l’ensemble des capacités à comprendre et gérer les relations sociales
avec les autres. Elle se construit petit à petit.
Pour construire cette intelligence des relations sociales, trois grands postulats d’une théorie de
l’esprit (développée plus loin) sont actuellement proposés :
- la synchronie interactionnelle
- l’attention conjointe
- l’imitation
Or, les personnes ayant des comportements ou troubles oppositionnels, dus à plusieurs
facteurs tels que le contexte familial difficile, le schéma corporel et la structuration spatio-
temporelle perturbés, la difficulté à reconnaître ses émotions propres et celles d’autrui… ont
de réels déficits dans l’acquisition des habiletés sociales.
Qu’est-ce qu’une habileté sociale ? Quelles sont les principales compétences sociales ?
Une habileté est une « qualité qui rend apte ». L’adjectif « sociale » concerne les relations
entre un individu et les autres acteurs de la société. Une habileté sociale est donc une capacité
personnelle qui permet de développer une relation et d’interagir avec autrui.
Les habiletés sociales ou compétences sociales sont définies par A. Baghdadli et J. Brisot-
Dubois, dans leur ouvrage de 2011 « Entraînement aux habiletés sociales appliqué à
l’autisme : guide pour les intervenants » comme étant : « un ensemble de capacités qui nous
permettent de percevoir et de comprendre les messages communiqués par les autres, de
choisir une réponse à ces messages et de l'émettre par des moyens verbaux et non verbaux, de
façon appropriée à une situation sociale ».
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En d’autres termes, les habiletés sociales sont les capacités à promouvoir un comportement
adéquat et efficace selon les différents contextes. Un individu adoptera un comportement ou
un autre selon qu’il soit à la maison, à l’école, au travail ou en société. Les comportements
sont alors spécifiques à une situation et sollicitent une communication verbale et non-verbale.
Par ailleurs, le degré d'habileté sociale est propre à chaque individu. De plus, les habiletés
sociales ne sont pas innées, elles s’acquièrent tout au long de la vie. Il est alors possible de les
travailler et de les développer dans le but de diminuer les comportements perturbateurs.
« Teaching Social Skills to Students with Learning and Behaviour Problems »
(traduction : enseigner les compétences sociales aux élèves ayant des problèmes
d'apprentissage et de comportement) a établi en 2005 un tableau (repris ci-dessous)
synthétisant 5 types d’habileté sociale, leurs descriptions et exemples.
L’acquisition des habiletés sociales est importante car ces dernières ont un impact sur
l’intégration et les relations sociales. Sans le développement des compétences sociales, des
comportements inappropriés et des difficultés d’adaptation et d’intégration apparaissent.
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Pourquoi est-il possible d’avoir un déficit dans les habiletés sociales dans les
comportements oppositionnels ?
Les causes des troubles oppositionnels sont plurifactorielles et variées. (Nader-Grosbois,
Psychologie du handicap, 2015)
Causes Exemples
liées à l’équipement
neurologique de l’enfant
- facteurs génétiques et héréditaires influençant le caractère, la personnalité
- des facteurs anténataux ou périnataux comme la souffrance fœtale, la
prématurité, les complications de grossesse.
- des facteurs biologiques, physiologiques (neuromédiateurs, sécrétions
hormonales…)
liées à l’environnement de l’enfant, à son
éducation
- l’inconstance, l’incohérence ou le manque de règles et de limites
- les liens d’attachement insécures, le manque de relations affectives
- la maltraitance ou la négligence
- des troubles psychologiques, des niveaux socio-culturels faibles
- des difficultés dans les relations familiales temporelles ou régulières (disputes,
divorce, séparation, deuil…)
-le faible engagement du père.
facteurs environnementaux
temporaires
- la confrontation à la violence (maison, écran, lieu de vie…)
- les changements de vie (deuil, déménagement, redoublement, divorce des
parents, naissance d’un frère ou d’une sœur
- le milieu de vie (excitation, agitation…)
→ Détails sur les troubles de l’attachement (Guedeney, 2015):
Le type d’attachement se construit grâce aux réactions apportées par les parents en réponses
aux besoins de l’enfant lorsqu’il est en situation de détresse, en difficulté ou plus tard, en
exploration.
De ce type d’attachement découlera les capacités d’autonomie, de régulation du stress, de
reconnaissance de ses émotions, d’empathie, de relations et d’interactions sociales, de
confiance et d’estime de soi, les capacités cognitives d’un enfant, futur adulte.
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Il existe 4 types d’attachement : sécure, insécure évitant, insécure ambivalent et insécure
désorganisé.
→ Détails sur les neuromédiateurs :
Les neuromédiateurs sécrétés pendant la construction de l’attachement ont une influence
directe sur la neurophysiologie et donc sur le comportement mais aussi le physique d’une
personne. Durant la toute petite enfance puis plus tard, en situation de détente, de calme, de
plaisir vécu avec les figures d’attachement, il y a un sentiment de sécurité qui apparaît. Le
cerveau sécrète de l’ocytocine qui est un neuromédiateur apaisant, détendant, relaxant
(Berode, 2017-2018)
Au contraire, en situation de stress (cris, maltraitance, incertitude, besoin non comblé…), le
cerveau sécrète du cortisol. Ce cortisol, s’il est fréquemment sécrété, devient délétère pour le
cerveau (destruction des neurones, de la gaine de myéline etc…). De plus, il favorise la
sécrétion de neuromédiateurs qui font augmenter la fréquence cardiaque, la transpiration
(activation du système sympathique) cela provoque un mal-être physique qui en plus est
destructeur pour la santé à long terme. (Gueguen, 2014)
→ Détails sur la reconnaissance des émotions :
La cognition motrice est en lien avec les neurones miroirs. Lorsque nous croisons une
personne, nos neurones miroirs correspondant aux zones motrices mobilisées chez autrui
s’activent. Par exemple, la tête en avant et la bouche ouverte traduisent la stupeur. Il semble
que ce soit l’activation de nos neurones miroirs personnels qui nous permettent de décoder
l’émotion de l’autre. Il faut avoir déjà vécu cette émotion et que nos neurones moteurs
correspondant se soient déjà activés pour que nous puissions par la suite repérer cette émotion
chez les autres grâce à l’activation de nos propres neurones miroirs.
Cela implique que des mots aient été associés à des ressentis émotionnels pour pouvoir être
capable de nommer l’émotion perçue chez soi puis chez autrui. Cela nécessite donc que
l’enfant ait été autorisé à exprimer mais aussi à éprouver des émotions aussi bien positives
que négatives et qu’il ait été accompagné par l’adulte dans ce vécu.
Or, comme nous l’avons vu, les enfants ayant un trouble oppositionnel, ont souvent des
difficultés à reconnaître leurs émotions et celles des autres, ont un manque d’empathie, des
difficultés dans les habiletés sociales…
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Selon N. Nader-Grosbois, il existe trois types différents de comportement oppositionnel : les
individus à profil agité, ceux à profil d’instabilité émotionnelle (labilité émotionnelle ou
intensité exagérée du vécu émotionnel) et enfin les personnes à profil agressif (agression
verbale ou physique).
D. Programme d’intervention combinant l’entraînement de la Théorie de l’esprit et le traitement de l’information sociale
1) Concepts théoriques
- La théorie de l’esprit (TOM) (Deval, et al., 2011)
Ce terme est apparu pour la première fois en 1978 dans le cadre d’une étude de David
Premack et Guy Woodruff.
La théorie de l’esprit est la capacité de métacognition ou la construction d’une
métareprésentation, c’est-à-dire « avoir conscience et se représenter l’état mental d’une autre
personne ». Elle permet d’avoir des pensées qui concernent les pensées des autres ainsi que de
raisonner sur ce que l’autre croit ou ressent. Elle implique une reconnaissance cognitive et/ou
émotionnelle de soi-même et d’autrui qui s’actualise dans l’échange.
Certains auteurs distinguent deux types de théorie de l’esprit :
la théorie de l’esprit dite froide (cognitive) est relative aux pensées ;
la théorie de l’esprit dite chaude (affective) est relative aux émotions.
La première se définit comme étant « la capacité à se représenter les états épistémiques des
autres individus ». Elle comprend ou raisonne sur les pensées, les intentions des autres, de
façon indépendante de toute connotation émotionnelle.
La théorie de l’esprit affective « correspond à la capacité à se représenter les états affectifs des
autres, à comprendre et déduire leurs émotions et sentiments ».
Il est important de comprendre par quels processus passe l’attribution des états mentaux.
Effectivement, elle résulte de 2 mécanismes fonctionnels agissant ensemble pour déduire de
façon correcte l’état mental d’une personne. C’est le décodage et le raisonnement.
Le décodage affectif ou cognitif fait « référence à la perception et l’identification
d’informations sociales et d’indices présents dans l’environnement ». Quant au processus de
raisonnement, il permet « de comprendre, d’expliquer ou de prédire les actions et requiert
nécessairement l’accès aux connaissances ou faits concernant ».
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Dépendant des situations, plusieurs significations peuvent être déduites à partir d’une même
expression faciale (pleurer dans un moment de tristesse mais aussi de joie).
En conclusion, nous mettons en avant que la théorie de l’esprit engage des processus cognitifs
complexes et fonctionne souvent avec d’autres fonctions cognitives.
Traitement de l’information sociale (TIS)
Le déficit dans la résolution de problèmes sociaux et les problèmes de communication
engendrent des comportements problématiques selon le modèle de traitement de l’information
de Crick et Dodge. Le modèle se traduit comme « une séquence circulaire de processus
cognitifs et émotionnels proximaux ». Autrement dit, des schémas de pensées erronés et une
mauvaise gestion des émotions causent des comportements agressifs. L’adaptation sociale
n’est acquise.
Le traitement de l’information sociale est basé sur 5 étapes :
1. L’encodage des indices sociaux internes ou externes :
L’individu encode deux types d’informations : les stimuli internes, correspondant aux
émotions et sensations éprouvées lors d’une situation sociale et les stimuli externes,
correspondant aux comportements de l’environnement. Les informations sont stockées dans la
mémoire à long-terme.
Un individu tout venant encode des indices sociaux filtrés dans toutes des situations. Ainsi, il
développe et mémorise une organisation des informations sociales, soit des schémas sociaux
pouvant être transposés dans de futures expériences. Cette étape est étroitement soumise aux
capacités de perception et d’attention, utilisées pour extraire l’information pertinente.
En comparaison, une personne ayant des comportements oppositionnels ne possède pas les
outils nécessaires pour encoder et filtrer les indices sociaux qui l’entourent.
2. L’interprétation et les représentations mentales des indices, l’attribution d’intentions
d’autrui
Une fois les indices sociaux identifiés, l’individu doit les interpréter pour comprendre les
raisons des stimuli reçus. Ainsi, tout individu ordinaire fait appel à sa mémoire et essaye de
mettre en lien les indices de l’événement présent et ceux des situations antérieures.
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Les personnes atteintes d’un trouble du comportement interprètent de travers les informations
sociales émises par leurs interlocuteurs. L’analyse des indices sociaux est biaisée par des
intentions mal attribuées. Il semble alors pertinent de réaliser un feedback de la première
étape, afin d’éviter l’encodage de mauvais indices et les intentions hostiles.
3. La clarification ou sélection des buts :
Après l’interprétation des stimuli, l’individu va clarifier ses desseins et ses attentes sur la
situation ou bien il va rester sur l’attente de l’échange précédent. Par exemple : éviter les
ennuis, rester en conflit, se faire un ami, obtenir quelque chose … Il décide du dénouement
final.
Les buts peuvent conduire à des résultats internes comme la satisfaction, la joie ou à des
résultats externes comme l’obtention d’un objet. Le but choisi par l’individu peut être d’ordre
instrumental (obtenir un objet) ou d’ordre relationnel (se faire un ami).
Pour les personnes atteintes de troubles du comportement, il est difficile d’identifier des
objectifs sociaux acceptables et raisonnables.
4. La construction d’une nouvelle réponse ou d’une réponse disponible dans la mémoire
à long terme :
Chaque individu, face à une situation sociale (problématique), peut accéder à un panel de
réponses et de solutions possibles stockées dans la mémoire à long terme. Soit elles sont
compatibles à la situation, soit la situation est nouvelle. Si la situation n’est jamais survenue
auparavant, l’individu doit construire une nouvelle réponse selon les indices sociaux
interprétés. La réponse sera davantage adaptée selon :
la taille du répertoire des comportements générés en réponse à un stimulus social
le contenu des réponses (agressivité, évitement, négociation, …)
l’ordre dans lequel la personne accède aux réponses.
Les réponses des personnes ayant des troubles du comportement sont plutôt agressives et
discutables que les personnes sans trouble. Les conséquences ne sont pas prises en compte.
5. La sélection et la décision de la réponse jugée la plus appropriée :
Lorsque toutes les réponses possibles ont été épluchées, l’individu va choisir celle qu’il
estime la plus adéquate à la situation rencontrée. Crick et Dodge base l’évaluation de la
réponse sur deux critères :
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l’attente de résultats de la réponse (j’ai obtenu ce que je désirais)
le sentiment d’efficacité personnel face à la production de la réponse (j’ai manifesté ou
non le but visé).
Les comportements oppositionnels sont difficilement inhibés par les bénéficiaires. Les
conséquences (négatives) de leurs actions ne sont pas envisagées. C’est pour cela que ces
personnes sont rarement dans l’échelle du jugement moral de Kohlberg.
Ces cinq étapes mènent enfin à la sixième étape du modèle du traitement de l’information
sociale qui correspond à la réalisation du comportement. Ensuite, le comportement subit une
évaluation par les pairs et le processus d’interprétation recommence. Il faut à nouveau
encoder les indices sociaux fournis par les pairs…
Le modèle du traitement de l’information sociale est donc circulaire, comme montré ci-dessus
dans un tableau extrait de l’ouvrage « L’enfant dans le lien social » de M. de Léornadis.
- Niveaux de justification dans le jugement de la Résolution Sociale
En se basant sur les 3 niveaux de jugement de résolution sociale définis par Barisnikov, Van
der Linde & Hippolyte en 2004, différentes problématiques sociales concrètes sont proposées
aux participants. L’objectif est de développer chez eux leur jugement moral pour atteindre les
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niveaux 1 et 2 (stades 1, 2, 3 et 4) de l’échelle de Kohlberg ; c’est-à-dire la connaissance des
règles conventionnelles et morales. (Nader-Grosbois, 2015)
Les 3 niveaux de justification de leur jugement sont :
1. Niveau descriptif : le participant décrit les faits.
2. Niveau intersubjectif : le participant intègre à son jugement, la conscience sociale, une
prise de position et les relations existantes entre les partenaires.
3. Niveau conceptuel : le participant parvient à se distancer du contexte et à se référer à
des règles, des lois et des conventions sociales.
L’intervenant sera attentif à la progression de l’enfant sur ses capacités :
de jugement par rapport à la situation présentée
d’identification du problème et du comportement présenté
de décentration et de justification et d’explication de son choix par le jeune.
2) Présentation de la méthode
Le programme d’intervention s’organise hiérarchiquement : chaque concept dépend du
précédent et commande le suivant. Les théories sont dans une relation de subordination.
Le fondement du programme se base sur les 5 étapes du modèle du traitement de
l’information sociale de Crick et Dodge. Une personne face à une situation sociale doit
procéder à :
l’encodage des indices sociaux internes (invisibles) ou externes (visibles).
l’interprétation et les représentations mentales des indices, l’attribution des intentions
d’autrui.
la clarification ou sélection des buts
la construction d’une nouvelle réponse ou d’une réponse disponible dans la mémoire
à long terme.
la sélection et la décision de la réponse jugée la plus appropriée
Ainsi, le premier objectif du programme est l’acquisition du traitement de l’information
sociale (TIS), mais, pour une personne ayant des comportements oppositionnels, toute la
difficulté réside dans ce traitement des informations.
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Pour pallier à ce déficit, le programme propose d’une part de développer la compréhension et
la reconnaissance des émotions personnelles et d’autrui et d’autre part de travailler sur la
compréhension des états informationnels et croyances.
Compréhension des émotions Compréhension états informationnelsreconnaissance expression faciale (photo)
reconnaissance expression faciale (dessin)
émotions produites par les situations
émotions basées sur les désirs
émotions basées sur les croyances
prise de perspective simple
prise de perspective complexe
« voir » conduit à savoir
vraie croyance/prédiction de l’action
fausse croyance
De ce fait, deux mécanismes cognitifs doivent interagir pour améliorer le traitement de
l’information sociale : le décodage et le raisonnement (détaillés à la page 7 « Théorie de
l’esprit »). Le TIS et la TOM sont donc complémentaires.
Enfin, le travail sur la cognition sociale doit être contextualisé. C’est en travaillant sur les
différents niveaux de justifications (face à une situation sociale) que le bénéficiaire pourra
développer son jugement moral (Kohlberg) et ses habiletés sociales. Les situations exploitées
sont des simulations fictives où la résolution doit pouvoir être généralisée dans de nouvelles
circonstances.
En résumé, le programme d’intervention se base sur un modèle du traitement de l’information
sociale, sur la compréhension des états mentaux et sur les niveaux de justifications.
Concrètement, la méthode se focalise sur les compétences sociales et émotionnelles. Par le
biais de plusieurs séances, ces compétences sont développées pour régulariser les
comportements oppositionnels. Le programme se centre sur des groupes de 4 participants âgés
de 3 à 6 ans et fonctionne en 15 séances (2 séances de 45 minutes par semaine). Les séances
sont des activités ayant des objectifs spécifiques et généraux basés sur les trois grands
concepts de l’intervention. Le programme propose aussi les matériels et supports selon les
activités.
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3) Conclusion
Le programme d’intervention de Nader-Grosbois et Houssa combine l’entraînement de la
Théorie de l’esprit et le traitement de l’information sociale. Au travers de situations fictives et
de diverses activités, les participants développent certaines habiletés sociales qui permettent
une entrée sur l’échelle du jugement moral de Kohlberg. Rappelons-le, les individus porteurs
de troubles oppositionnels ont un déficit dans les habiletés sociales et le jugement moral qui
entraine une mauvaise cognition sociale (TIS et MOS).
Les résultats d’une telle intervention sont positifs : une meilleure insertion sociale, davantage
d’interactions sociales, une amélioration de la capacité à communiquer, … Elle peut être
utilisée de manière préventive ou bien pour réguler les comportements oppositionnels ou les
émotions négatives.
Au terme du programme, les intervenants sont outillés pour gérer des situations sociales
imprévues et ambiguës. Cependant, même si le travail réalisé est (parfois) de longue haleine,
il est possible de rechuter dans des travers conflictuels. De plus, qu’en est-il des raisons sous-
jacentes à un comportement oppositionnel ? Si elles ne sont pas traitées et prises en compte,
l’intervention portera-t-elle quand même ses fruits ?
Le programme ne suffit pas à lui-même. Il doit être accompagné d’un travail personnel sur
soi-même, sur son corps, sur l’estime de soi, sur ses goûts, … Et il faut, individuellement,
apprendre à détecter la survenue des crises et surtout à les désamorcer et le gérer en faisant
appel à sa mémoire et aux situations fictives mais réalistes vécues dans le programme.
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E. Présentation de la méthode aux autres étudiants.
Comme expliqué précédemment, la programme propose 15 séances échelonnées avec du
matériel précis. Malheureusement, nous n’avons pas accès à ces supports. Toutefois, nous
avons décidé d’imaginer une séance semblable à celle de l’intervention. De plus, le
programme intervient pour des enfants du cycle 1, nous avons alors adapté l’activité présentée
à des adultes. Enfin, nous prenons l’orthopédagogue comme « pilote » de l’activité.
Tout d’abord, l’orthopédagogue doit éviter que le participant ne soit impliqué
personnellement dans la situation problème proposée (pas lui, ni ses amis, ni l’institution...).
Lorsque le jugement moral, la reconnaissance des émotions personnelles et de celles d’autrui
auront progressé, l’orthopédagogue pourra proposer des situations plus personnelles
permettant au participant de s’identifier clairement aux personnages impliqués.
Exemple de situation sociale problématique
L’orthopédagogue doit penser à proposer la séance de groupe dans une salle neutre,
conviviale, sécurisante et propice au dialogue (sièges disposés en rond, boissons, biscuits…).
L’accueil est nécessaire au bon déroulement des échanges.
Étape 1 : exposer un problème socio-émotionnel
Nous présentons ci-dessous des exemples, non exhaustifs, de situations sociales qui peuvent
devenir socio-émotionnellement problématiques.
- Au Macdonald, une adolescente fait la file pour commander. Une dame arrive avec ses
enfants et passe devant elle.
- En classe, un élève a étudié 2 heures pour préparer une évaluation de conjugaison. Le
professeur rend les copies corrigées et donne sa copie à l’élève en le félicitant car il a très
bien réussi. Un autre élève lui prend sa copie.
- Dans la rue un homme bouscule une vieille dame sans faire exprès. La dame tombe par
terre mais l’homme continue son chemin sans s’arrêter.
- Deux personnes attendent leur train à la gare. L’un fume sa cigarette et l’autre le regarde.
- A la sortie de l’école, 5 élèves voient un autre élève. Ils rigolent, l’appellent, le montrent
du doigt. Ils recommencent toutes les semaines.
- En bas d’un immeuble, deux personnes se battent. Autour, leurs amis regardent et filment
la scène, sans intervenir.
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Étape 2 : discuter de la situation
D’abord il faut passer par le niveau descriptif (le participant décrit les faits) qui est le premier
niveau de justification dans le jugement de la Résolution Sociale.
Ensuite c’est le niveau intersubjectif où le participant intègre à son jugement, la conscience
sociale, une prise de position et les relations existantes entre les partenaires.
Enfin, le niveau conceptuel où le participant parvient à se distancer du contexte et à se référer
à des règles, des lois et des conventions sociales correspond au stade 4 ou 5 sur l’échelle du
jugement moral de Kohlberg (objectif fixé à atteindre).
L’orthopédagogue établit des règles sécurisantes comme lever la main pour parler, écouter
celui qui parle jusqu’au bout, ne pas se moquer de celui qui parle (ou des autres), ni
maintenant, ni plus tard. Il veille à donner la parole à chacun sans forcer ceux qui ne
souhaitent pas s’exprimer.
L’orthopédagogue doit faire attention à ce que soient envisagés et exprimés plusieurs
solutions et ressentis, même très contradictoires, pour montrer la diversité des pensées et des
réactions. Chacun peut réagir différemment et peut se méprendre sur l’idée de l’autre.
Pour guider l’intervenant, voici des pistions pour guider la discussion à propos de la situation
présentée :
Selon vous, que se passe-t-il ? Quel est le problème ? Que pense telle personne ? Et l’autre ?
Que ressent-elle ? Et l’autre ? Qu’a-t-elle fait ? Pourquoi a-t-elle fait ça ? Et l’autre ?
Le fait de dire ou de faire ceci pourrait causer quel genre de problème ? À quel autre moment
pourrait-il ? Comment aurait-il pu faire ?
Selon vous, comment se sentiraient les autres personnes s’il leur arrivait cela ? Si vous
faisiez ou disiez cela ? Que pourrait-il se produire à ce moment-là, selon vous ?
Étape 3 : discuter de la solution
À nouveau, voici des pistes permettant de relancer la discussion et de guider les participants
dans la résolution de conflits.
Oui, c’est une chose qu’ils pourraient faire. Que pourraient-ils faire d’autre ? Y a-t-il des
choses que d’autres personnes font dans cette situation ?
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Cette façon de faire est-elle meilleure que… ? Pourquoi, selon vous ? Comment savez-vous
que c’était correct ou inapproprié ?
Finalement quelle pourrait être la bonne solution ?
Quel objectif voulez-vous atteindre par cette action ? Je sais que votre objectif est de…, mais
quelles sont les étapes à franchir pour y arriver ? Quels problèmes pourriez-vous avoir en
cours de route ? Combien de temps vous faudra-t-il pour atteindre votre objectif, selon vous ?
Le dialogue ou le fait de dire ce que l’on ressent est souvent une solution. Interroger sur le
contenu de ce qui doit être dit et comment cela doit-être dit. L’orthopédagogue peut aussi
proposer comme outil d’utiliser les différentes médiations vues dans l’institution (relaxation,
PNL, petit yoga…). Il est intéressant de leur proposer de distancer la réaction s’ils ne
l’envisagent pas spontanément.
Etape intermédiaire : le traitement de l’information sociale (TIS)
L’orthopédagogue doit au préalable travailler plusieurs fois sur les différentes émotions et la
reconnaissance de celles-ci. Ensuite, une fois les concepts acquis, il peut, durant les séances,
amener les participants à illustrer leurs propos en choisissant parmi plusieurs photos de
visage. Ainsi, peu importe le niveau de justification d’un conflit socio-émotionnel, les
participants peuvent justifier leurs argumentations à l’aide d’expressions faciales divers et de
mots-clés.
L’orthopédagogue veillera à présenter de nombreuses photos distinctes aux expressions
variées pour couvrir l’éventail des émotions qui existent.
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F. Annexes
Annexe 1 : présentation de l’intervention à moyen terme de la cognition sociale
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19
20
G. Sources bibliographiques.
Berode, R. (2017-2018). Cours neuropsychologie. Activation du système parasympathique.
Bruxelles.
Chambres, E. (2015, Avril 2). Habiletés sociales et théorie de l'esprit. Récupéré sur
PLURADYS: https://www.pluradys.org/wp-content/uploads/2011/10/Diaporama-
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De Léonardis, M., Fechant, H., Preteur, Y., Rouyer, V., & Zaouche Gaudron, C. (2003).
L'enfant dans le lien social: Perspectives de la psychologie du développement. Paris:
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