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DEMAIN LA POLYNÉSIE FRANÇAISE RECHERCHE, TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, BIOTECHNOLOGIES FACE AUX DÉFIS DE LA NATURE DOSSIER RÉALISÉ PAR WE DEMAIN POUR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

WE DEMAIN - LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

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DEMAINLA POLYNÉSIEFRANÇAISERECHERCHE, TRANSITION ÉNERGÉTIQUE,BIOTECHNOLOGIES

FACE AUX DÉFISDE LA NATURE

DOSSIER RÉALISÉ PAR WE DEMAIN POUR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

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T A H I T I L o s A n G e L e s P A R I s T o K y o A u C K L A n d s y d n e y

Les premiers plaisirs de Tahiti commencent à l’embarquement

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La Polynésie française éveille nombre de clichés. Lagons, sable et plages de rêve, vahinés, cocotiers…

De métropole, l’inconscient collectif l’associe aux images de l’indolence et des éternelles vacances. Alors, oui, bien sûr, et les touristes ne s’en plaindront jamais, la Polynésie française possède un charme exceptionnel, lié non seulement à ses paysages, mais aussi à sa culture. Elle a également développé une spécifi cité unique au monde. Ce territoire, avec ses 118 îles clairsemées sur une surface aussi vaste que l’Europe, dispose grâce à sa nature terrestre et marine d’une richesse inégalée.

La Polynésie française entame aujourd’hui la troisième révolution industrielle. S’appuyant sur une communauté scientifi que dynamique qui s’est développée contre vents et marée depuis les années 1960, dans le sillage et l’héritage du Commissariat à l’énergie atomique, elle est aujourd’hui forte de partenariats industriels ambitieux. Et aborde cette transition énergétique et son développement durable avec singularité, sachant tirer parti de ses ressources naturelles. Entre volonté d’exploitation des terres rares et protection de son milieu naturel, la Polynésie française trace sa voie pour assurer son avenir.

Avec le pôle d’innovation Tahiti Fa’ahotu, qui signifi e à la fois « faire », « produire » et « valoriser » en tahitien, scientifi ques et entrepreneurs travaillent main dans la main pour mettre au point de nou-velles molécules et des procédés inédits qui permettront demain à la Polynésie française de tendre vers l’indépendance énergétique et une croissance durable.

À L’ENCONTREDES IDÉES REÇUESPar Isabelle Lefort

WE DEMAIN SUPPLÉMENT POLYNÉSIE FRANÇAISE ÉDITEURS : François Siegel, Jean-Dominique Siegel RÉDACTRICE EN CHEF : Isabelle Lefort DIRECTEUR ARTISTIQUE : Émilien Guillon SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Émilie Esnaud-Victor MAQUETTE ET PRÉPRESSE : Victor Mourain CHEF DE FABRICATION : Diane Mourareau

SUPPLÉMENT POLYNÉSIE FRANÇAISE 3

P. 4 LES ENJEUX DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUEUne grande question se pose à la Polynésie française : comment conduire la transition énergétique sur un territoire aussi morcelé ? Plusieurs projets sont très prometteurs.

P. 8 DES DRONES POUR PROTÉGER LE PACIFIQUE DES PIRATES DES MERS Deux Polynésiens luttent contre ceux qui sévissent dans les mers du Sud en développant des drones de conception 100 % locale.

P. 10 LE PARADIS DES SCIENTIFIQUESPrix Nobel, universitaires du monde entier, chercheurs du CNRS, spécialistes des milieux insulaires... À Papeete et Moorea, les scientifi ques confrontent leurs travaux aux savoirs empiriques des anciens. Les uns et les autres se répondent.

P. 14 LES TRÉSORS DES MERS POLYNÉSIENNESFaune exceptionnelle, aquaculture, terres rares : la richesse

SOMMAIRE

polynésienne repose en grande partie sur son territoire marin – qui totalise la moitié des eaux françaises – tout à fait extraordinaire.

P. 18 UNE MINE DE MOLÉCULES POUR LES BIOTECHNOLOGIESMaladies et biotechnologies... Les chercheurs polynésiens multiplient les initiatives et les travaux pour réaliser des projets innovants.

P. 20 UN HÔTEL ÉCOMODÈLE SUR L’ATOLL DE MARLON BRANDOLorsque Marlon Brando a acheté l’atoll de Tetiaroa, il a fait une promesse : préserver cette merveille de la nature. Aujourd’hui, son projet d’écolodge The Brando voit le jour sur cette terre paradisiaque.

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LES ENJEUX DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

•LA SPÉCIFICITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, C’EST SON TERRITOIRE :

UN SEMIS D’ÎLES CONFETTIS (118 AU TOTAL) SUR UNE SURFACE MARITIME AUSSI VASTE QUE L’EUROPE. IMAGINEZ LA CORSE DISPERSÉE AU MILIEU DU PACIFIQUE. C’EST À LA FOIS UNE FORCE – LA POLYNÉSIE REPRÉSENTE LA

PREMIÈRE ZONE MARITIME EUROPÉENNE – ET UNE DIFFICULTÉ : COMMENT CONDUIRE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DANS CES CONDITIONS ?

LA SEULE VOIE POSSIBLE EST CELLE DE L’INNOVATION.•

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5supplément polynésie française

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La Polynésie française a un casse- tête grandeur nature à résoudre. Elle doit fournir toujours plus d’électricité à près de 280 000 personnes (soit une ville comme Nantes) sur 118 atolls et îlots de terres émergées (l’équivalent de la moitié de la Corse) répartis sur 5 millions de kilomètres carrés (une surface aussi vaste que l’Europe). Le tout situé à 6 000 km à l’ouest du Chili et à 5 200 km de l’Australie… Certes, Tahiti représente 80 % de la consommation électrique de la Polynésie française, mais au nom de quoi un habitant des archipels des Gambier, des Tuamotu ou des Australes ne pourrait-il pas bénéficier des mêmes équipements ?

Jusqu’à présent, le territoire ne disposant d’aucune ressource en énergies fossiles, l’essentiel de l’approvisionnement résultait d’importations d’hydrocarbures (73,5 %) en provenance d’Asie, principalement de Singapour. Mais l’augmentation importante ces dernières années du prix du pétrole et l’objectif fixé de parvenir d’ici à 2020 à 50 % de la consommation d’électricité par des énergies renouvelables obligent les

autorités à étudier de nouvelles « trajectoires énergétiques ».

Cette démarche est impérative pour parvenir à l’autonomie énergétique, garantir la sécurité des approvi-sionnements, mais aussi préserver l’environnement. Reste à trouver les moyens de financer ces dispositifs sans pour autant alourdir la note, alors même que l’électricité fournie en Polynésie française est considérée comme l’une des plus chères du monde.

DES SOLUTIONS PEU SATISFAISANTES Parmi les énergies renouvelables,

contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le solaire n’est pas la panacée. Certes, le centre commercial Carrefour Punaauia à Tahiti dispose d’ores et déjà sur sa toiture de 7 000 m2 de panneaux solaires qui fournissent l’essentiel de son électricité, ce qui permet d’économiser chaque année 475 000 litres de fioul et évite le rejet de 1 500 tonnes de CO

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dans l’atmosphère. Certes, des bâtiments universitaires et des groupes scolaires, comme le Sacré-Cœur de Taravao, ainsi que 1 300 fare (maisons traditionnelles) des Tuamotu sont équipés en panneaux photovoltaïques. Mais, in fine, la part de ces installations demeure anecdotique (0,7 % du mix énergétique). Pourquoi ? Parce que les nuits sont longues en Polynésie française – l’ensoleillement global de la région équivaut à celui de l’Espagne –, que les équipements restent coûteux et que l’on bute encore, comme ailleurs dans le monde, sur le stockage de l’énergie solaire.

De la même manière, les tentatives pour installer des fermes éoliennes ont été des échecs. Sur l’atoll de Makemo, dans les Tuamotu, où le projet pilote d’une centrale hybride éolien/diesel a été mis en œuvre, les éoliennes demeurent couchées à terre depuis bientôt trois ans. Succession de problèmes politiques et techniques… Car le zéphyr est

SI TAHITI REPRÉSENTE 80 % DES BESOINS EN ÉLECTRICITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, LES 117 AUTRES

ÎLES QUI COMPOSENT LE TERRITOIRE, RÉPARTIES SUR 5 MILLIONS DE KILOMÈTRES CARRÉS, DOIVENT

ÉGALEMENT POUVOIR BÉNÉFICIER D’UNE FOURNITURE FIABLE EN ÉNERGIE.

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indomptable en Polynésie française ; il souffle en discontinu. La langueur succède au cyclone, les conditions météorologiques mettent à mal les équipements. Résultat, la part de l’éolien demeure inférieure à 0,1 % du mix énergétique.

L’opérateur Électricité de Tahiti (EDT), filiale de GDF Suez qui assure pour le compte de la Polynésie française la concession de distribution publique de l’énergie électrique, travaille au rééquilibrage du mix énergétique depuis 1987 avec l’aménagement de centrales hydrauliques. Sur l’île de Tahiti, l’eau des rivières coulant au pied des forêts de nuages ruisselle en abondance jusqu’aux cinq vallées de la Papenoo, Faatautia, Vaihiria, Vaitepiha et Titaaviri. Ainsi, la filiale Marama Nui répond à hauteur de 30 % aux besoins en électricité de Tahiti. Bientôt, l’entrée en activité d’une nouvelle centrale à Papeiha, dans la vallée de la Vaiiha, permettra de passer à près de 40 %. Sur la totalité de la Polynésie française, 19 centrales sont déjà en activité. Aux Marquises, l’archipel le plus éloigné, l’une de ces centrales fournit 35 % de l’électricité nécessaire aux habitants. Selon les études d’EDT, le potentiel d’accroissement de la production hydroélectrique à Tahiti serait de plus de 100 millions de kWh, ce qui permettrait d’atteindre l’objectif de 50 % d’énergies renouvelables en 2020. Mais ne résoudrait pas la difficulté pour les habitants isolés dans les autres archipels d’accéder à l’électricité.

LES PROJETS INNOVANTS Pour trouver d’autres solutions

viables, les ingénieurs concentrent leurs recherches sur les énergies renouvelables marines. Forte de son océan, la Polynésie française a tout intérêt à « maîtriser » la houle, les courants marins et les différences thermiques pour imaginer de nouvelles sources d’énergie.

Le projet d’une centrale houlomotrice à Papara a été avancé. Positionnée à l’entrée de la passe, elle utiliserait la force cinétique tirée de la houle ou du courant marin et permettrait de fournir de l’électricité à 500 familles. Cependant, le projet n’est pas du goût de tous. Les

pêcheurs locaux s’inquiètent des conséquences sur la vie marine et l’évolution du stock de poissons.

De son côté, la société Pacific Otec a élaboré un projet d’énergie thermique marine très pertinent. Il s’agit d’une plate-forme offshore, installée à moins de 10 km de Papeete, qui pourrait produire 5 MW en utilisant le gradient thermique des mers. L’idée ? Exploiter la différence de température entre les eaux froides du fond de l’océan (moins de 4 °C) et les eaux chaudes de la surface sous les tropiques (environ 27 °C) pour alimenter un circuit électrique et acheminer l’énergie par câble sous la mer.

Autre projet phare déjà en activité : le SWAC, le Sea Water Air Conditioning, qui produit la totalité de l’air conditionné de l’hôtel Inter-Continental de Bora Bora en allant

chercher l’eau des profondeurs. Le système est aussi en place au futur hôtel The Brando sur Tetiaroa. Le pipeline qui puise l’eau à 4 °C à 960 mètres au tombant de l’atoll n’est pas visible à la surface. Le centre hospitalier de Taaone, l’un des plus gros consommateurs d’électricité sur Tahiti, devrait être équipé de ce dispositif. La décision sera prise prochainement.

Enfin, reste l’huile de coprah. Elle pourrait remplacer le fuel dans les centrales thermiques. La production de coprah a atteint 12 300 tonnes en 2012 (dont 77 % en provenance des Tuamotu), soit le niveau de production de 1990. On est encore loin du niveau des années 1960. Le potentiel de développement est par conséquent considérable. L’arbre aux mille usages, comme on le surnomme ici, n’a pas fini de faire parler de lui. �

L’EAU DES RIVIÈRES S’ÉCOULE

JUSQU’À LA VALLÉE DE LA PAPENOO

ET PEUT FOURNIR 30 % D’ÉLECTRICITÉ

GRÂCE AU RÉSEAU HYDRAULIQUE EXISTANT.

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DAVID LEMAIRE ET ALEXANDRE ZUMBIEHL, AVEC L’UN DE

LEURS PREMIERS DRONES.

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DES DRONES POUR PROTÉGER LE PACIFIQUE DES PIRATES DES MERS

•DEUX POLYNÉSIENS VEULENT DÉVELOPPER LE MOYEN DE LUTTER CONTRE CEUX QUI SÉVISSENT DANS LES MERS DU SUD. POUR LES CHASSER, ILS ÉLABORENT DES DRONES 100 % “MADE IN FENUA”.

Alexandre Zumbiehl et David Lemaire se sont rencontrés enfants, sur les plages de Tahiti, le terrain de jeux privilégié des bambins polynésiens. Élevé jusqu’à l’âge de 9 ans par sa grand-mère, Alexandre a ensuite rejoint l’Alsace, avant de suivre des études de biologie et d’ingénierie aérospatiale à l’université de Pomona, sur la côte ouest des États-Unis. Un temps professeur de parapente, il partage cette passion avec son ami David, fils de pilote et super pro des matériaux composites. Tous deux ne cessent de stimuler leur goût d’entreprendre et leur amour pour la programmation électronique.

Quand, il y a cinq ans, Alexandre Zumbiehl décide de revenir au Fenua pour veiller sur sa grand-mère, non seulement il se marie et a deux enfants, mais il choisit aussi très vite de devenir son propre patron. D’abord préoccupé par l’immobilier, il opte finalement pour l’export des produits de la mer. Avec Tahiti Tropical Fish, il expédie vers les États-Unis et la France des bénitiers pour les fous d’aquariophilie.

En 2009, avec David, ils se lancent dans la fabrication de drones. À l’époque, pour des raisons foncières, ils recherchent des cartes topographiques aériennes. Or les plus récentes datent de 2001 et ne rendent pas compte des évolutions récentes du Plan d’occupation des sols. Résultat, depuis leur garage, ils mettent au point un drone pour la cartographie aérienne qui aujourd’hui œuvre pour l’agence de l’urbanisme.

Depuis, l’idée a mûri. L’un des défis majeurs pour le territoire est de surveiller et protéger ses 5 millions de kilomètres carrés de mer. Comment intercepter un bateau soupçonné de piraterie et détecté par un avion, alors même que la plus

proche patrouille se situe à deux jours de navigation ? Seuls des moyens plus légers, plus mobiles peuvent résoudre l’équation.

UN PROJET CONVAINCANT Tels deux Géo Trouvetou, David et

Alexandre commencent alors à dessiner des plans, à concevoir des programma-tions et à imaginer des drones qui puissent répondre à cette demande. Actuellement, les principaux acteurs du marché sont américains et butent sur deux obstacles majeurs : le poids des drones – 70 kilos en moyenne – et leur prix – plus de 1,5 million de dollars.

À la lecture de leurs travaux, Éric Clua, chargé de mission pour la recherche (DRRT), a immédiatement encouragé

Alexandre et David à se présenter au concours national des projets émergents pour les entreprises innovantes. Cette compétition permet d’accompagner en France des porteurs de projet, grâce à la Banque publique d’investissement et Oséo. Pari gagné, Alexandre et David ont réussi à convaincre. Résultat, ils ont reçu 45 000 euros pour réaliser leur prototype : un drone de 5 mètres d’envergure, doté d’un moteur thermique, d’une autonomie de douze à vingt-quatre heures, en carbone, qui n’excède pas 20 kilos. Il entre en phase de test avec le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) pour une première mission de

reconnaissance dans les eaux territoriales. Et, d’ores et déjà, des investisseurs américains ont décidé de soutenir les essais sur un drone à longue portée. Avec un prix de vente inférieur à 1 million de dollars, Alexandre et David veulent s’attaquer au marché mondial de la surveillance des zones économiques exclusives (ZEE) comme la Polynésie française.

D’AUTRES APPLICATIONS À TERME Le territoire est très attentif. L’enjeu est

de taille. Car au-delà de la protection de la ZEE, la Polynésie française se doit de défendre ses richesses pour mieux les promouvoir. Et de trouver des solutions pour optimiser la gestion du territoire et réduire les distances. Pourquoi ne pas

imaginer à terme que ces drones allégés puissent permettre de transporter des aides de premiers secours, tels des médicaments par exemple, ce qui diminuerait grandement le coût des soins en Polynésie française ? Le potentiel est considérable. Certes, ce ne sera pas dans l’immédiat. Mais considérer que cela fait figure de science-fiction est une ineptie.

Qui aurait dit il y a cinq ans que les grand-mères polynésiennes seraient aujourd’hui les premières utilisatrices de Skype ? La technologie contribue déjà grandement au déploiement du territoire. Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle. �

AU-DELÀ DE LA SURVEILLANCE DE LA ZONE ECONOMIQUE EXCLUSIVE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, ALEXANDRE ET DAVID

VEULENT S’ATTAQUER AU MARCHÉ MONDIAL DES DRONES.

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LE PARADIS DES SCIENTIFIQUES•

PRIX NOBEL, UNIVERSITAIRES DU MONDE ENTIER, CHERCHEURS DU CNRS, ETHNOLOGUES, SPÉCIALISTES DES MILIEUX INSULAIRES...

À PAPEETE ET MOOREA, LES SCIENTIFIQUES CONFRONTENT LEURS TRAVAUX AUX SAVOIRS EMPIRIQUES DES ANCIENS. LES

UNS ET LES AUTRES SE REPONDENT ET PERMETTENT DE FAIRE UN BOND EN AVANT DANS LA CONNAISSANCE.

Contrairement à tous les clichés d’indolence et de laisser-aller, la Polynésie française possède une force et une énergie créative exemplaires pour un territoire archipélagique à la dispersion de grande ampleur (118 îles réparties dans un espace aussi vaste que l’Europe). De l’avis des scientifiques et entrepreneurs actifs sur le territoire, ici, on travaille deux fois plus qu’ailleurs. Décalage horaire, système D, principe de résilience, attractivité des recherches, networking international... La Polynésie française est réputée dans le monde scientifique. La prise de conscience par l’opinion publique de l’importance de la recherche sur ce territoire et du gisement de croissance qu’il représente pour le futur est cependant encore faible.

Tout a véritablement commencé dans les années 1950-1960. Dans le sillage du Commissariat à l’énergie atomique, des chercheurs du monde entier ont convergé vers la Polynésie française pour évaluer et étudier le milieu marin et terrestre. Depuis 1989, la Délégation à la recherche, avec à sa tête Priscille Frogier, coordonne et anime les différents services et acteurs du secteur. Contre vents et marée, alternance politique et budgets ajustés, près de 300 chercheurs développent ici des projets ambitieux.

Installé à Vairao, dans la presqu’île de Tahiti, l’Ifremer dispose avec le Centre océanologique du Pacifique (COP) d’un terrain en bord de mer et d’installations adaptées aux études et expérimentations en matière de perliculture et aquaculture tropicale (mollusques, crustacés, poissons). Adossés aux équipes de l’Ifremer de Brest, les scientifiques du COP s’investissent également dans le domaine des énergies marines

renouvelables et s’intéressent au potentiel des gisements sous-marins en terres rares. Sous la direction de Marc Taquet, l’Ifremer a participé à la première étude de mesure du potentiel hydrolien des passes d’atolls en Polynésie française.

CINQUANTE ANS DE RECHERCHEEn juin dernier, l’Institut de recherche

pour le développement (IRD) a pour sa part fêté à Papeete son cinquantième anniversaire. Autour de Philippe Lacombe, les chercheurs se concentrent sur les relations entre l’homme et son environnement, et apportent des connaissances précieuses pour le développement durable dans cette zone intertropicale. Paléontologie des mers, étude sur l’évolution du climat, recensement de l’ensemble des espèces des éponges marines, mais aussi collaboration approfondie avec l’institut Louis Malardé pour le partage des connaissances sur la

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CONTRE VENTS ET MARÉE, PRÈS DE 300 CHERCHEURS

DÉVELOPPENT ICI DES PROJETS AMBITIEUX.

À LA STATION GUMP, HINANO TEAVAI-MURPHY

PARTAGE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE AVEC

LES ENFANTS DES ÉCOLES DE MOOREA POUR

LEUR FAIRE PRENDRE CONSCIENCE DE LA

RICHESSE DE L’ÉCOSYSTÈME DE L’ÎLE.

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11supplément polynésie

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ciguatera : l’établissement a contribué ces dernières années à des avancées décisives qui se sont accompagnées de brevets dans le domaine médical et les biotechnologies.

À Papeete, l’institut Louis Malardé, dirigé par le Dr Patrick Tahiata Howell, concentre parmi les connaissances médicales les plus pointues en Polynésie française. Laboratoire d’analyses diagnostiques, c’est ici que sont étudiés les échantillons biologiques prélevés dans les cinq archipels et acheminés chaque jour, à toute heure, par les avions de la compagnie Air Tahiti dans des caisses isothermes. Ce large périmètre, à l’échelle de la Polynésie française tout entière, permet à l’institut d’être un véritable observatoire de la santé des Polynésiens. L’établissement allie à ses laboratoires d’analyses le meilleur de la recherche médicale et des biotechnologies (voir aussi p. 18).

Sur le campus de l’Université de la Polynésie française, qui culmine sur les hauteurs, au-dessus de Papeete, les scientifiques articulent leurs recherches autour de la valorisation des substances naturelles, de la biologie moléculaire et de la génétique humaine, mais aussi de la linguistique et de l’anthropologie.

Le laboratoire de recherche agro-nomique du service du développement rural participe de son côté à l’élaboration d’une politique favorisant l’agriculture biologique sur le territoire. Déjà, les premières fermes bio approvisionnent les Tahitiens en fruits et légumes de qualité, pour une alimentation équilibrée. Les chercheurs agronomes planchent

À LA DIRECTION DU CRIOBE, ENTRE MOOREA ET PERPIGNAN, SERGE PLANES FIGURE PARMI LES CHERCHEURS DU

CNRS LES PLUS INVESTIS DANS LA CONNAISSANCE DES ÉCOSYSTÈMES CORALLIENS.

À MOOREA, LE BIOCODE PROJECT A D’ORES ET DÉJÀ

PERMIS DE DRESSER L’INVENTAIRE COMPLET DES

ESPÈCES ANIMALES ET VÉGÉTALES. DU SOMMET

DES MONTAGNES AU RÉCIF CORALLIEN, PLUS DE

500 ANIMAUX ET 1 000 VÉGÉTAUX ONT ÉTÉ RÉPERTORIÉS.

également, à l’instar des scientifiques philippins, sur le potentiel industriel d’une filière de sucre de coco. Élaboré à partir de la sève des fleurs de cocotier, il bénéficie d’un indice glycémique faible (24,5), ce qui le rend très attractif pour les diabétiques. Et l’inscrit en concurrent potentiel du stevia. Reste à définir des procédés d’extraction adaptés à la production à grande échelle. La recherche se poursuit sur tout le territoire. En particulier à Moorea.

UNE RENOMMÉE INTERNATIONALEFace à Papeete, à vingt-cinq minutes

par ferry, l’île soeur se rêve en paradis de la science. Deux instituts font sa renommée

internationale. Et attirent chercheurs, doctorants et scientifiques de haut niveau du monde entier, qui y séjournent en résidence pour suivre les travaux.

Implanté sur la baie d’Opunohu, le Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) concentre pour l’essentiel ses études sur la surveillance de l’écosystème corallien à long terme, et notamment sur sa capacité à se régénérer. Rattaché à l’École pratique des hautes études et au Centre national de la recherche scientifique, le Criobe fait partie du Réseau national des stations marines françaises du CNRS et du réseau des Observatoires des sciences de l’univers de l’INSU. Serge Planes, son directeur, ©

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13SUPPLÉMENT POLYNÉSIE FRANÇAISE

L’OBJECTIF DU GOUVERNEMENT DE LA POLYNÉSIE

FRANÇAISE EST DE S’APPUYER SUR LE RÉSEAU DE

CHERCHEURS ACTUEL, ET DE JOUER PLUS ENCORE

LA CARTE DE LA MUTUALISATION ET DES ÉCHANGES

POUR RENFORCER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES À

L’ÉMERGENCE D’UNE ÉCONOMIE BLEUE ET INNOVANTE.

partage son emploi du temps entre Moorea et Perpignan. Le Criobe a à son actif plus de 1 100 publications, 210 rapports et 170 thèses ou diplômes. Chaque année, des dizaines de jeunes chercheurs et futurs doctorants rejoignent la trentaine de scientifiques permanents pour utiliser les infrastructures mises à disposition, qui comprennent 30 aquariums, une réserve d’eau de mer et du matériel de plongée.

Avec l’appui des autorités, le Criobe s’apprête à inaugurer prochainement, sur son terrain, le premier écomusée de Moorea. Dans le bâtiment en forme de coquillage conçu par Jacques Rougerie, le père du Sea Orbiter, quarante ans de recherche sur les récifs coralliens seront exposés au public. Les échanges sont nombreux avec les chercheurs de la station Gump, située à cinq kilomètres et dirigée par Neil Davies. Cette antenne de l’université californienne de Berkeley, installée sur 14 hectares qui dominent la baie de Cook, l’une des plus belles du monde, est soutenue par la fondation de Gordon and Betty Moore et la National Geographic Society. Sa grande spécificité est d’aborder l’étude de l’île de Moorea comme celle d’un système « modèle ». Son objectif : comprendre comment les procédés physiques, biologiques et

culturels interagissent et façonnent cet écosystème tropical.

En collaboration avec le Criobe, la station Gump, sous l’impulsion de Neil Davies, est à l’origine d’une première scientifique mondiale. Dans le cadre du Moorea Biocode Project, elle a dressé l’inventaire de la totalité des espèces animales et végétales, terrestres et marines, des récifs coralliens au sommet des

montagnes de Moorea. Cette connaissance, unique au monde à une aussi grande échelle, est précieuse pour observer l’évolution de cet écosystème soumis au stress du changement climatique. L’un des autres points forts de la station Gump s’inscrit dans sa volonté de ne pas séparer le monde de la recherche de la population locale et de faire se croiser les savoirs des anciens avec la connaissance « acadé-mique » des scientifiques. À la tête de l’association Te pu Atitia, Hinano Teavai-Murphy initie les écoliers à la richesse naturelle qui les entoure. Elle recueille également les connaissances des anciens, et fait se rencontrer ces « vieux », comme on dit ici, avec les chercheurs. Conclusion de ces dialogues : les scientifiques comme les Polynésiens de souche s’émerveillent de la convergence des croyances et des thèses.

Là encore, c’est un résultat unique et un formidable potentiel pour l’avenir. Le ministre des Ressources marines, des Mines et de la Recherche, Tearii Alpha, en est convaincu. « Les moyens doivent être mutualisés pour positionner la recherche tropicale et océanique en Polynésie française parmi les plus en pointe », a-t-il déclaré. Le but à terme est de faire du territoire un hub scientifique de référence pour l’« économie bleue innovante ». �

LA STATION GUMP MET EN LUMIÈRE LES

CONVERGENCES ENTRE LES DONNÉES EMPIRIQUES ET

CELLES DES SCIENTIFIQUES.

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LES TRÉSORS DES MERS POLYNÉSIENNES•

LA RICHESSE POLYNÉSIENNE REPOSE POUR UNE LARGE PART SUR SON TERRITOIRE MARIN. VÉRITABLE SANCTUAIRE POUR LES ESPÈCES PROTÉGÉES, ZONE DE PÊCHE ULTRA-CONVOITÉE, LA COLLECTIVITÉ

D’OUTRE-MER CONSTITUE ÉGALEMENT UN FORMIDABLE GISEMENT DE TERRES RARES. LE DEUXIÈME AU MONDE.

Décrites comme le paradis dans les récits des premiers botanistes embarqués vers les mers du Sud par James Cook ou Bougainville, les îles polynésiennes disposent d’une nature terrestre verdoyante dans certains archipels. Mais pas partout. La diversité prime. Aux Tuamotu, le sable brûlant prédomine sur toute forme de végétation. Au sud de la presqu’île de Tahiti, les pâturages accueillent une laiterie qui fi gurerait parfaitement dans le paysage normand. Quant à Moorea, elle dispose d’une nature propice à la culture des fruits tropicaux, comme le fait la société Manutea Tahiti, qui vient de commer-cialiser après sept ans de recherche un vin blanc sec d’ananas 100 % local qui promet de conquérir les meilleures tables du Pacifi que.

Toutefois, comparée à la luxuriance de la Nouvelle-Calédonie, la nature polynésienne tire essentiellement sa grandeur de la mer. Riche de 12 800 kilomètres de récifs coralliens,

la collectivité est offi ciellement depuis 2002 un sanctuaire des mammifères marins. Dans ces fl ots qui totalisent la moitié des eaux françaises croisent les plus belles espèces animales.

UNE FAUNE MARINE EMBLÉMATIQUEEntre juillet et novembre, les baleines à

bosse (Megaptera novaeangliae) migrent

des eaux glaciales d’Antarctique vers les eaux chaudes de Polynésie française, pour y mettre au monde leurs baleineaux. Elles voguent en paix au large aux côtés des raies léopards, des raies mantas et des dauphins à long bec. Dans le cadre de la surveillance de ce sanctuaire des mammifaires marins, une réglementation stricte s’impose aux touristes et aux opérateurs de whale watching, la tentation de se faire prendre en photo auprès de celles que l’on nomme ici « tohora » étant très forte. Des règles en matière de distance à respecter pour l’approche et l’observation de ces géants des mers ont été édictées et doivent être respectées sous peine de poursuites et de sanctions.

Parmi les 350 espèces de requins répertoriées dans le monde, 19 sont visibles dans les eaux chaudes de la Polynésie française. Des requins à pointes noires aux requins-marteaux, en passant par les requins-citrons, ils sont placés sous la protection des anciens, qui les

DEPUIS 2002, LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

EST OFFICIELLEMENT UN SANCTUAIRE DES

MAMMIFÈRES MARINS. LE TERRITOIRE TOTALISE

LA MOITIÉ DES EAUX FRANÇAISES.

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considèrent comme autant d’esprits bienveillants d’ancêtres réincarnés.

Les tortues qui voguent dans les eaux polynésiennes sont comme ailleurs dans le monde très vulnérables. Depuis la création en février 2004 de la Clinique des tortues, Cécile Gaspar et son association Te mana o te moana en ont recueilli 268 (dont 150 de moins de six mois, en général récupérées mourantes au fond de leur nid). Après des mois passés à recevoir des soins dans le chenal de 50 m de longueur installé dans l’enceinte de l’hôtel InterContinental Moorea Resort&Spa, 121 d’entre elles ont pu être relâchées. Chaque remise en liberté est un événement. C’est un combat permanent pour sauver les tortues vertes et les tortues imbriquées.

L’information et l’implication auprès des populations locales sont primordiales pour concourir à la protection du milieu. Les enfants jouent un rôle clé pour faire changer les mentalités, mais ils ne sont pas les seuls. À la tête de l’antenne polynésienne de l’Agence des aires marines protégées, Sophie-Dorothée Duron n’économise pas son énergie pour convaincre et rassembler. L’un de ses terrains de bataille privilégiés, c’est la

protection du patrimoine marin des Marquises. L’expédition scientifi que Pakaihi i te Moana – coordonnée par l’Agence et réalisée par des scientifi ques de divers organismes de recherche – à bord du bateau néo-zélandais Braveheart a, en 2011 et 2012, permis d’inventorier 3 572 mollusques et plus de 400 espèces de poissons côtiers, et de découvrir des espèces endémiques jusque-là inconnues dans les eaux profondes de l’archipel. Mais

Les Marquises et l’UnescoC’est à la fin des années 1970, sous l’impulsion de Toti Teikiehuupoko, enseignant des Marquises, et avec l’appui de monseigneur Hervé Le Cléac’h, que des hommes dont les traditions avaient été bannies par les missionnaires ont pris conscience de l’importance de défendre et promouvoir leur culture. Réunis en association autour de Toti Teikiehuupoko, devenu depuis président de l’académie marquisienne Motu Haka, et de Lucien Kimitete, ancien maire de Nuku Hiva aujourd’hui décédé, ils sont nombreux avec les maires et l’appui de Pascal Erhel hatuuku, à la tête de Marquises Unesco, à porter le projet d‘inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco. Avec eux, c’est toute la communauté qui défend fièrement son identité.

AVEC SES 5 MILLIONS DE KILOMÈTRES CARRÉS, LA

POLYNÉSIE FRANÇAISE DISPOSE D’UNE ZONE DE PÊCHE

ET D’UNE RÉSERVE MARINE EXTRAORDINAIRES, TANT

PAR LA DIVERSITÉ DES ESPÈCES QUI Y VIVENT QUE PAR

SON POTENTIEL DE GISEMENT EN TERRES RARES, QUI

REPRÉSENTE 30 À 50 % DU MARCHÉ MONDIAL.

15SUPPLÉMENT POLYNÉSIE FRANÇAISE

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l’innovation de cette campagne a été de partager les résultats avec la population et les scolaires. Sophie-Dorothée Duron coordonne également le programme Palimma – Te Haa Tumu o te tai Moana, relatif au patrimoine culturel. Avec les porteurs du projet d’inscription des îles Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco, initié en 1996 par Toti Teikiehuupoko (voir encadré p. 15), Pascal Erhel Hatuuku, chef de projet Marquises Unesco, et des scientifi ques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) accompagnés de référentes du patrimoine des Marquises, ont pu échanger avec la population d’île en île pour cerner l’importance de ce patrimoine maritime et ses enjeux de gestion.

« Le peuplement de ces îles du Pacifi que remonte aux alentours de l’an 800 de notre ère. Il a eu lieu par la mer et démontre les connaissances remarquables que ce peuple détenait concernant l’océan. Mais dans cette culture de tradition orale, qui a connu un effondrement démographique à la suite des contacts avec les navigateurs

européens, bien des savoirs n’ont pas été légués. Seules la mémoire des hommes et la transmission permettent de porter jusqu’à nous l’importance de certains sites, des modes de gestion traditionnels des ressources naturelles ou encore des légendes du monde marin », explique Pierre Ottino, archéologue à l’IRD.

AQUACULTURE ET PÊCHELes Polynésiens ont toujours puisé leur

force et leur richesse des eaux turquoise. Vivier naturel pour la pêche, le territoire affi ne aujourd’hui ses projets de pisciculture pour préserver les ressources « sauvages » et alimenter en poissons d’élevage sa population, voire toute la région Pacifi que. Qu’il s’agisse du platax, qui ressemble à une daurade, dont la chair fi ne est très prisée, ou du fort potentiel de la crevetticulture, l’Ifremer accompagne les recherches pour la formation d’une fi lière d’élevage opérationnelle. L’aquaculture est encore modeste. Trois fermes produisent globalement 50 tonnes de crevettes par an et trois fermes piscicoles sont en phase de démarrage, soutenues par le Centre

technique aquacole. Un projet de ferme aquacole porté par des investisseurs chinois et les autorités polynésiennes verra le jour en 2014 à Makemo. C’est une initiative d’envergure, qui nécessite un investissement de 10 milliards de francs CFP (83,8 millions d’euros) par an sur quinze ans, mais qui devrait aboutir à la création d’un millier d’emplois. Sur près de 40 000 m2, plus de 10 cages accueilleront des mérous et des holothuries.

Autre fi lière en devenir, celle des bénitiers. Après l’expansion très rapide de la perliculture, c’est désormais l’élevage de ces bivalves marins aux couleurs fascinantes que les autorités soutiennent. La demande pour l’aquariophilie est de 100 000 bénitiers par an. Ce qui pour un produit de luxe est tout à fait prometteur.

À l’échelle d’un territoire maritime aussi grand que l’Europe, le potentiel de

AUX CÔTÉS DES POISSONS DES MERS DU SUD QUE

SONT LES MÉROUS ET LES PLATAX, MAIS AUSSI LES

CREVETTES, LES BÉNITIERS S’ADAPTENT TRÈS BIEN

À LA CULTURE EN ÉLEVAGE ET REPRÉSENTENT UN

POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT TRÈS INTÉRESSANT :

PLUS DE 100 000 COMMANDES PAR AN.

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pêche est bien sûr considérable, reste aux autorités à accompagner la fi lière pour assurer son développement. Et le défi pour tous de veiller à la surveillance d’une aire de 5 millions de kilomètres carrés. Au Congrès international des aires marines protégées qui s’est tenu en octobre dernier à Marseille et à Ajaccio, la Polynésie française a réaffi rmé sa volonté de poursuivre l’objectif international fi xé à Aichi de protéger au moins 20 % des superfi cies marines en 2020. Sur ce chemin, elle dénonce parfois le désintérêt de la métropole pour son potentiel de développement à long terme.

LES TERRES RARES« On souhaite que l’Union européenne

et la France s’intéressent au Pacifi que, pas pour nos beaux yeux, mais pour notre potentiel, répète Tearii Alpha, ministre

des Ressources marines, des Mines et de la Recherche. Notre ressource halieutique est très intéressante, tout comme notre biodiversité marine pour des déclinaisons pharmaceutiques. Mais notre territoire comporte surtout et aussi des terres rares. Cela intéresse les Chinois, les Japonais, les Canadiens, cela intéresse ceux qui seront capables d’aller sous l’eau. Nous pensons que cela doit intéresser en premier la France et l’Union européenne. Si elles ne viennent pas, d’autres viendront ! Les Russes investissent le

Pacifi que, les Chinois et les États-Unis aussi. » Pourquoi alors tant d’indifférence européenne ?

C’est en 2010 qu’une équipe de l’université de Tokyo a identifi é le potentiel en terres rares de la zone économique exclusive de la Polynésie française. Selon les estimations, la France, grâce à ce gisement, se trouve ainsi propulsée à la tête de 30 à 50 % du marché planétaire. Et devient le propriétaire du deuxième gisement mondial. Les discussions vont bon train entre ceux qui pensent que les gisements sont trop profonds pour être exploités (si en Chine les terres rares affl eurent à ciel ouvert, elles sont ici plongées à des milliers de mètres de fond), les protecteurs de la biodiversité marine et les partisans d’une exploi-tation qui permettrait de soutenir l’économie polynésienne.

Les révolutions industrielles se sont appuyées sur la découverte de nouvelles ressources naturelles. À l’aune de la troisième d’entre elles, n’est-il pas urgent d’y regarder de plus près ? �

« QUE L’UNION EUROPÉENNE ET LA FRANCE S’INTÉRESSENT

AU PACIFIQUE. NON PAS POUR NOS BEAUX

YEUX, MAIS POUR NOTRE POTENTIEL ! »

C’EST EN 2010 QU’UNE ÉQUIPE DE CHERCHEURS

JAPONAIS A MIS EN AVANT LE POTENTIEL DU GISEMENT

EN TERRES RARES DANS LES EAUX POLYSIENNES.

DEPUIS, LES PARTISANS ET LES OPPOSANTS À

L’EXPLOITATION S’AFFRONTENT À COUPS D’ARGUMENTS

TECHNIQUES, ÉCONOMIQUES OU ÉCOLOGIQUES.

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60°S90°E 120°E 150°E 180° 150°W 120°W 90°W 60°W

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250 - 400

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DSDP/ODP

Piston core

REY-rich

Biogenous

Lithogenous

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UNE MINE DE MOLÉCULES POUR LES BIOTECHNOLOGIES

•DE LA CIGUATERA À LA COSMÉTOLOGIE, LES SCIENTIFIQUES

POLYNÉSIENS MULTIPLIENT LES RECHERCHES ET ACCUMULENT LES BREVETS. RÉSULTAT : ILS CONSTITUENT UN POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT ATTRACTIF POUR LES BIOTECHNOLOGIES.

Forte d’un terrain exploratoire exceptionnel, unique au monde, la Polynésie française soutient depuis les années 1960 des programmes de recherche très ambitieux. Parmi ceux-ci, la lutte contre la ciguatera figure depuis deux décennies comme l’un des enjeux majeurs.

Chaque année, 50 000 personnes dans le monde sont victimes de cette maladie tropicale qui se contracte en consommant des poissons de lagon (mérous, carangues, poissons-perroquets, etc.). Les symptômes (inversion des sensations de chaud et de froid, picotements, vomissements, diarrhées) apparaissent à partir d’un certain seuil de toxine ingérée. Dans les atolls, certains habitants contractent sept ou huit fois la maladie, d’autres y sont totalement indifférents. Mais sous sa forme la plus sévère, la ciguatera peut entraîner la mort.

Les pêcheurs connaissent, grâce aux savoirs empiriques transmis par les anciens, les espèces et les sites les plus à risque. Mais ces savoirs se perdent. Et la maladie se propage. Nombre de Polynésiens se tournent vers une autre forme d’alimentation, à base de produits industriels, qui favorise le surpoids. La Polynésie française enregistre ainsi l’un des plus forts taux d’obésité au monde, avec 40,4 % de la population atteinte.

Limitée aux mers chaudes du globe jusque dans les années 2000, la ciguatera s’étend désormais à l’aune du réchauffement climatique au reste de la planète. Déjà, aux Canaries et à Madère, aux portes de l’Europe, les médecins ont recensé les premières victimes. Et le monde scientifique, qui dans sa globalité s’intéressait peu au sujet, et surtout les laboratoires pharmaceutiques, en quête de molécules à commercialiser, se tournent

aujourd’hui vers la Polynésie française. La recherche, ici, a vingt ans d’avance.

UN BREVET DÉPOSÉMireille Chinain et son équipe

scientifique de l’institut Louis Malardé à Papeete se sont très souvent rendues dans les atolls éloignés, où l’alimentation demeure essentiellement liée à la pêche, pour effectuer des prélèvements sur les coraux et les poissons, et croiser leurs connaissances avec celles des populations locales, qui savent où se situent les zones infectées. Après des milliers de prises de notes et d’échanges de savoirs, les chercheurs ont testé, en association avec l’IRD et l’institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, certaines plantes utilisées

traditionnellement dans le traitement de la ciguatera. Ils sont parvenus à confirmer l’efficacité d’un arbuste, le « faux-tabac ». L’IRD et l’institut Malardé ont déposé un brevet pour une molécule détoxifiante de la maladie : l’acide rosmarinique. En joint-venture avec le pôle d’innovation Tahiti Fa’ahotu, les scientifiques développent un projet industriel de commercialisation de la molécule. Et ce n’est qu’un début. Sous la direction de Bernard Costa, d’autres projets d’optimisation industrielle sont à l’étude pour promouvoir des initiatives biotechnologiques porteuses de solutions et de débouchés économiques.

Depuis sa création à la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’initiative d’un Américain, William Albert Robinson, qui s’alarmait des ravages de la filariose (plus de 80 % des foyers touchés par la maladie, 8 % d’éléphantiasis), l’institut Malardé, établissement public à caractère industriel et commercial de la Polynésie française, a une vocation de recherche essentiellement tournée vers le domaine médical, avec des

programmes sur la filariose, la dengue, les maladies infectieuses émergentes, la lutte contre les insectes vecteurs ou les maladies non transmissibles. Les grands groupes de la Cosmetic Valley s’intéressent également de très près aux débouchés des travaux menés par les équipes de l’Université de la Polynésie française sur l’identification des substances naturelles utilisées dans la pharmacopée polynésienne traditionnelle. Le tamanu est ainsi particulièrement convoité pour ses vertus antiradicalaires. Quel que soit le domaine, le nombre de molécules qui ne demandent qu’à être exploitées en Polynésie française constitue un formidable creuset de développement. �

LES CHERCHEURS DE L’INSTITUT MALARDÉ ET DE L’IRD SONT PARVENUS À CONFIRMER SCIENTIFIQUEMENT L’EFFICACITÉ

DU « FAUX-TABAC » CONTRE LA CIGUATERA.

AUTOUR DE MIREILLE CHINAIN, L’ÉQUIPE DE L’INSTITUT

LOUIS MALARDÉ MULTIPLIE LES TRAVAUX POUR

EXTRAIRE ET BREVETER DES MOLÉCULES CAPABLES

D’APPORTER DES SOLUTIONS AUX PROBLÈMES DE

SANTÉ MAJEURS. L’INSTITUT TRAVAILLE EN ÉTROITE

COLLABORATION AVEC LES CHERCHEURS DE L’INSTITUT

DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT (IRD).

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2020

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UN HÔTEL ÉCOMODÈLE SUR L’ATOLL DE MARLON BRANDO

•LORSQUE MARLON BRANDO A ACHETÉ L’ATOLL DE TETIAROA,IL A FAIT UNE PROMESSE : PRÉSERVER CETTE MERVEILLE DE LA NATURE. AUJOURD’HUI, PRÈS DE DIX ANS APRÈS SA MORT,

CONFORMÉMENT À SA VOLONTÉ DE DÉVELOPPEMENTDURABLE ET DE RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT, L’HÔTEL

THE BRANDO OUVRE SES PORTES. ET IL EST À LA HAUTEUR DELA STAR AMÉRICAINE. ÉPOUSTOUFLANT DE NATUREL.

21SUPPLÉMENT POLYNESIE 21SUPPLÉMENT POLYNÉSIE FRANÇAISE

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La première fois que Marlon Brando découvre Tetiaroa, c’est pendant le tournage du film Les Révoltés du Bounty, en 1961. La production vire au cauche-mar. Mais l’acteur de 36 ans s’en moque, il est amoureux de la jolie Tarita, sa partenaire tahitienne dans le long métrage, de dix-sept ans sa cadette. Il goûte à la langueur polynésienne.

Tetiaroa subjugue Brando. C’est l’unique île basse de l’archipel de la Société.Toute la beauté du monde s’y ressent. Les eaux vont du turquoise au violine, le clapotis des flots et le vent dans les palmes apaisent les esprits, rien ne semble pouvoir perturber la douceur des jours. Au temps des Ari’i, les grands chefs des tribus polynésiennes, Tetiaroa servait de résidence d’été aux rois. C’est ici que les princesses venaient adoucir et dorer leur épiderme. L’atoll a officiellement été découvert en 1789 par le vrai capitaine Bligh parti à la poursuite des révoltés du Bounty, mais déjà, dans son carnet de voyage, James Cook mentionnait ce bout de terre et son lagon fermé.

Brando décide qu’après son mariage avec Tarita, c’est ici qu’il veut fonder sa famille. À l’époque, une vieille femme, madame Duran, habite sur le motu de Ona Hiti avec ses 40 chiens et chats. De palabres en discussions, elle accepte de céder l’atoll à la star, pour une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans, à une seule condition : qu’il veille à ce que l’île soit à jamais protégée.

Marlon Brando donne sa parole. Et s’installe sur le motu. Il veut y recevoir ses amis, dont Tennessee Williams, son grand complice. En 1970, avec l’architecte

Bernard Judge, il entreprend de bâtir huit bungalows pour faire un petit hôtel. Mal lui en prend. Posé sur la mer, à 53 kilomètres de Papeete, Tetiaroa est bel et bien le paradis des raies mantas, mais il n’y a rien pour accueillir les touristes. Il faut non seulement bâtir une piste d’atterrissage, mais aussi affréter un vol spécial d’Air Moorea. Pour chaque convive, l’acteur y va de sa poche.

UN PROJET DE LONGUE HALEINE En 1990, quand le fils aîné de la star,

Christian, est emprisonné pour le meurtre du petit-ami de sa demi-sœur Cheyenne, Marlon dépense sans compter pour tenter de le faire sortir de prison. Après le suicide de Cheyenne, l’homme qui avait mis tant d’espoir, de rêve dans la Polynésie, quitte son atoll. Pour ne plus jamais y revenir. Reste Tetiaroa. Qu’en faire ? Il veut tenir la promesse qu’il a faite à madame Duran.

L’acteur ne va faire confiance qu’à deux hommes, Philippe Brovelli et son patron Richard Bailey, que tout le monde

appelle Dick. Ils dirigent les hôtels Pacific Beachcomber. Quand Marlon Brando venait à Papeete, il avait ses habitudes dans leur établissement. Les hommes ont appris à se connaître, de réels liens d’amitié se sont tissés.

« Quand Marlon m’a demandé de voir ce que l’on pouvait faire à Tetiaroa, j’étais très sceptique, se souvient Dick Bailey. Sans eau potable, ni électricité, ni possibilité de recyclage des déchets, avec le coût des transports pour emmener les personnes sur place et, enfin, la menace des cyclones qui balaient tout sur leur passage… » Marlon n’est pas pressé. Il insiste et demande à Dick de réfléchir. Ce dernier se prend au jeu. Désormais, il vit avec l’idée de Tetiaroa vingt- quatre heures sur vingt-quatre.

Marlon, qui consulte les plus grands chercheurs internationaux en matière d’environnement, bouillonne d’idées et de projets. C’est lui qui trouve ainsi le procédé du SWAC (Sea Water Air Conditioning), un système qui permet de puiser l’eau des profondeurs, à 960 mètres, au tombant

RICHARD “DICK” BAILEY EST

L’HOMME GRÂCE À QUI LE RÊVE DE

MARLON BRANDO A PU PRENDRE

FORME. CHACUNE DES VILLAS DU

SITE EST DÉCORÉE DANS UN STYLE

QUI MÊLE LE CONFORT ET LA

MODERNITÉ AU NATUREL ET À

LA TRADITION. EN BATEAU, SUR

MER, L’ÎLE SEMBLE TOUJOURS

VIERGE : LES HABITATIONS SONT

EN EFFET SITUÉES EN RETRAIT,

POUR CONSERVER LE CARACTÈRE

IMMACULÉ DE LA PLAGE.

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du lagon, et de l’acheminer dans le circuit à une température de 4 °C. Appliqué à l’hôtel Beachcomber de Bora Bora, sur le motu, il l’est aussi à Tetiaroa.

Le projet hôtelier The Brando voit le jour, mais Marlon ne pourra jamais le contempler. Il disparaît quelques mois après la signature de l’accord. En 2004, la succession Marlon Brando entre en scène. Les ex-femmes, les enfants (Marlon en a eu sept en tout, sans compter les adoptions), les partenaires financiers, et même les conseillers de son ami Michael Jackson (à qui il avait donné 2 000 m2 de l’atoll en usufruit que le chanteur n’a jamais utilisés), chacun veut faire valoir ses droits. Il faut tout l’art de la négociation pour parvenir à un accord. C’est chose faite en 2006. Le projet de construction est déposé.

PROTECTION MAXIMALE DE L’ATOLLHuit ans plus tard, après mille et une

embûches et un dépassement colossal du budget initial, l’hôtel The Brando ouvre ses portes. Trente villas surélevées, de 125 m2 chacune, protégées dans leur intimité par un terrain de 5 000 m2 avec piscine, invisibles à l’extérieur du motu, accueilleront pour 2 500 dollars la nuit quelques heureux privilégiés. Dans le spa,

là même où les princesses faisaient leurs ablutions à la source, la cabine à la canopée des palmiers permettra de contempler la totalité de l’atoll à 360 degrés. Aux fourneaux, Guy Martin préparera le menu. Maud Fontenoy, amie fidèle de l’équipe, participera à la station écologique et veillera avec Cécile Gaspar, la présidente de l’association Te Mana O te Moana, à la protection des espèces marines, en particulier de la centaine des tortues qui ont pour habitude de pondre sur le motu.

Avant même son ouverture, l’hôtel a obtenu la plus haute distinction environnementale, le LEED Platinum, et a été distingué par l’organisation française 1.618, qui valorise le luxe durable. Tout au long de la piste d’atterrissage, les panneaux solaires sont en place pour fournir 50 % des besoins en électricité de l’atoll. Le reste étant produit par des groupes électrogènes fonctionnant à l’huile de coprah (400 tonnes seront nécessaires au fonctionnement), installés dans des bâtiments insonorisés. Les touristes se croiseront en voiturette à énergie solaire ou à bicyclette. Tout ici a été pensé pour la protection de l’atoll et son exploitation. Les déchets seront au maximum recyclés, sur place sous forme

de compost ou transportés par bateau à Tahiti. L’eau potable sera produite par le biais d’un osmoseur. Alors que pour la construction des villas, les arbres aito, des espèces invasives, ont été privilégiés afin de laisser place à la végétation endémique qui grandit sur les 78 hectares du motu Onetahi. Aucun solvant, aucune colle n’ont été utilisés pour les jointures. Tout a été fait pour minimiser l’impact sur l’environnement.

« Tetiaroa, c’est le chantier de ma vie, raconte Dick Bailey. Je n’ai jamais eu envie de renoncer, mais c’est un projet fou. Extraordinaire. Je suis habité, obsédé même, par les promesses faites à Marlon, je voudrais qu’il soit fier de ce que nous réalisons en son nom. » Sous le soleil de plomb, Dick, concentré, avec une myriade d’idées en tête, marche au bord du rivage. Il ne connaît pas la langueur. Avec Laurent Darcy, son coéquipier en charge de la mise en œuvre, il veille à tous les détails. Les enjeux sont énormes. Économiques, écologiques. Il n’a pas le droit à l’erreur. À ses côtés, Teihotu, le fils de Marlon et de Tarita, qui vit sur le motu, tente de le rassurer. The Brando est conforme à ce que son père désirait. L’hôtel peut accueillir ses premiers hôtes. �

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