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! "!
Vision Brésil n° 23, avril 2011 : Bonjour,
Vous êtes unanimes, Vision Brésil doit rester gratuit ! Tous
ceux qui ont répondu au sondage lancé le mois dernier pour
savoir s’il fallait faire payer l’abonnement à Vision Brésil
ont répondu négativement. C’est clair et sans appel, je
m’incline donc et vais continuer à mettre librement à
disposition ce blog mensuel, tant que j’aurais assez d’énergie et de plaisir
à le rédiger. Le fait que vous soyez chaque mois plus nombreux à le lire
est pour cela, un grand stimulant.
Ce mois de mai,
donc, Vision Brésil
n°24 aborde la
délicate question des
jeux du favoritisme et
du trafic d’influence
dans politique
brésilienne. Une
plaie douloureuse
pour l’exercice de la
démocratie dans ce
pays. On parlera
aussi des efforts de
recherche d’une stratégie industrielle à la hauteur des défis du moment,
du monde de l’extrême pauvreté qui continue à exister malgré la
croissance et de la planète football, un incontournable de la vie
quotidienne brésilienne en ces temps de championnat.
Jean-Jacques Fontaine
Bonne lecture, répandez Vision Brésil autour de vous !
!!!
! #!
Ce mois, mai 2011 : Impunité, trafic d’influence et
favoritisme, le retour des mauvais côtés de la
politique brésilienne…
La discussion autour du disfonctionnement des institutions politiques au
Brésil est relancée après le renouvellement du Conseil d’Ethique du
Sénat, chargé de faire respecter la moralité chez les parlementaires. 8 de
ses 15 membres sont l’objet d’enquêtes judiciaires pour malversations ou
trafic d’influence ! L’impunité est une marque d’infamie culturelle dans
le jeu politique au Brésil dont le pays à de la peine à se débarrasser.
Renan Calheiros, sous enquête pour abus de fonction, Romeo Jucá sous
enquête pour appropriation abusive des ressources de l’Etat, Gim
Argello, sous enquête pour détournement de fonds publics, Mario Couto,
sous enquête pour désobéissance à la Justice Electorale, Acir Gurgacz,
sous enquête pour trafic d’influence, Antonio Carlos Valadares, sous
enquête pour crime électoral, Vladir Raupp, suspecté de détournement
de fonds publics, Jayme Campos, inculpé de falsification de documents…
! $!
Ces 8 sénateurs sont désormais membres de plein droit du Conseil
d’Ethique de la Chambre Haute, ils vont avoir à juger l’honnêteté de leurs
pairs.
La pointe de l’iceberg
13 des 15 sénateurs composant ce Conseil
sont aussi des proches de José Sarney,
Président du Sénat et ancien chef de l’Etat,
qu’une biographie non autorisée mais fort
bien documentée décrit comme le plus grand
gangster politique du pays ! (« Honoraveis
Bandidos : um Retrato do Brasil na era
Sarney, Palmeria Dória, Geração Editorial,
2011 »).
En 2008, le Conseil d’Ethique du Sénat avait
absout José Sarney, déjà Président de la
Chambre Haute, de l’accusation de trafic
d’influence et de détournement d’argent
public. Créé en 1993, le Conseil d’Ethique du
Sénat a été saisi de 30 dénonciations. Seules
2 ont abouti à des condamnations.
Un seul sénateur s’est opposé à ces nominations, Jarbas Vasconcelos, pourtant
membre du même parti que José Sarney, le PMDB, déclarant que « le Sénat met en
scène son propre suicide en se moquant de façon aussi provoquante des exigences
populaire de moralisation de la vie politique. » Réponse de Lobão Filho, membre du
Conseil d’Ethique et fils du ministre des Mines et Energie: « nous avons une mission
extrêmement désagréable, juger nos semblables. Ce n’est jamais facile mais tous mes
collègues ont la capacité morale de le faire ».
Trafic d’influence
Les pratiques douteuses dont les politiciens sont le plus couramment coutumiers
concernent la nomination à des postes officiels bien rémunérés de proches parents ou
d’électeurs fidèles et influents. Un « sport national » porté à l’extrême depuis le début
du gouvernement Lula.
Le nombre de fonctionnaires et le niveau des rémunérations dans le secteur public
ont explosé. La masse salariale de l’administration est passée de 75 milliards de R$
! %!
en 2002 à 184 milliards (105
milliards de CHF / 80
milliards d’!) en 2010, soit
une augmentation de 80%.
115’000 nouveaux postes
ont été créés, certes en
partie pour renforcer des
secteurs déficients comme
l’éducation et la santé, mais
surtout, pour satisfaire aux
demandes des élus.
Ainsi, 22’000 fonctionnaires ont été engagé non par concours, sur la base de leur
qualification professionnelle, mais par « parrainage », sur la recommandation d’un
politicien. La pratique est légale, mais elle coûte cher à une machine d’Etat dont
l‘efficacité reste souvent à prouver. C’est ainsi qu’au final, 63% des postes du
Ministère du Développement Rural sont occupés par des gens engagés hors concours.
Une majorité donc, qui n’a jamais eu à faire la preuve de ses compétences ! Au
Ministère de la pêche, ils sont 60% dans cette situation. Et à celui des Mines et de
l’Energie, 68%.
Le règne de l’impunité
Si l’impunité est aussi
généralisée chez les
politiciens, c’est parce que
l’Etat n’arrive pas à faire
appliquer les punitions
qu’il décerne. Pour un
particulier, les choses sont
simples : comme partout
ailleurs, vous ne payer pas
une amende dans les
délais, vous recevez un
commandement de payer, puis une saisie.
Il n’en va pas de même au Brésil lorsqu’il s’agit de personnes juridiques. Quand une
entreprise ou une institution refuse de payer un dédommagement pour violation, par
exemple d’une loi sur l’environnement, l’administration plaignante doit faire elle-
même recours auprès de la justice, et apporter la preuve de la culpabilité pour qu’un
! &!
processus de recouvrement puisse démarrer. Résultat, en 2010, les 156 organismes de
surveillance du gouvernement ont saisi la justice pour 696 amendes impayées
correspondant à un montant de 22 milliards de R$ (12,5 milliards de CHF / 9,5
milliards d’!). Elles ont gagné 108 causes, mais elles n’ont réussi à recouvrer que… 11
amendes ont été réellement payées !
« La finalité des amendes, c’est de prouver aux contrevenant que l’infraction ne paye
pas. Dans la pratique, c’est la seule arme de contrôle que détiennent les services de
l’administration, explique Gustavo Binenbojm, professeur de droit constitutionnel à
l’Université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ). Si ces punitions ne sont pas appliquées,
le gouvernement stimule le non respect des lois. » Et le sentiment d’impunité chez les
fraudeurs, qu’ils soient des acteurs économiques ou politiques.
Timides essais de moralisation
Pour mettre fin à ces
pratiques laxistes, les
services de l’AGU, le
Procureur Général de
l’Union ont décidé de
mettre en place une
équipe de choc de 700
avocats chargés de
coordonner les actions
des 156 organismes de
surveillance de l’Etat,
(elles n’ont même pas une base de donnée en commun!), et de déposer désormais
systématiquement et sans retard des procédures de recouvrement pour les amendes
non payées. Résultat, 41’000 actions ont été lancées en 2010, contre 21’000
seulement un an auparavant.
Cela n’est qu’une des initiatives entreprises ces derniers temps pour tenter de
moraliser la vie publique brésilienne. Le 3 mai, la Présidente Dilma Rousseff a
solennellement lancé, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de presse,
une nouvelle loi sur la transparence et l’accès à l’information. Une loi qui
paradoxalement ne sera pas particulièrement utile aux journalistes, mais qui devrait
permettre aux simples citoyens, aux avocats et aux lobbies de mieux contrôler le
fonctionnement de la vie politique et parlementaire du pays.
! '!
La fin du « secret d’Etat » ?
Ainsi, il n’y aura plus de
protection ad eternum des
secrets d’Etat. Ils devront
être rendus publics après
25 ans. Et la transparence
sur les sites internet de
l’administration sera
généralisée, à l’image du
site « e-democracia » de la
Chambre des Députés qui
permet à tout le monde de
s’exprimer sur
l’avancement des travaux
parlementaires et de faire
des propositions de
modification.
Ce n’est pas tout à fait par hasard que Dilma Rousseff se lance maintenant dans cette
campagne pour l’accès public à l’information. Lors de la visite au Brésil, début mars,
du Président américain Barack Obama, les 2 Chefs d’Etat se sont mis d’accord pour
présenter à la prochaine assemblée générale des Nations Unies, en septembre, une
initiative globale pour en finir avec les secrets d’Etat éternels. 70 pays ont déjà
adhéré.
Changer les mentalités
Le plus difficile dans tout ça, au Brésil, ce n’est pas de faire approuver cette nouvelle
loi par les Chambres, juge Rosental Calmon Alves, professeur brésilien à l’Université
du Texas à Austin et spécialiste des nouvelles technologies, mais de changer la culture
brésilienne en relation avec l’idée d’une gouvernance ouverte. « Notre héritage
ibérique est fait de secret, de respect de l’autorité, de non questionnement des lois. Ce
n’est pas comme dans la culture anglo-saxonne qui valorise l’individu. Nous, notre
culture politique est basée sur l’institution et l’autorité ».
! (!
Pour aller de l’avant,
Rosental Calmon Alves
propose de s’inspirer de
l’expérience mexicaine,
« un pays qui a réussi à
sortir d’une pratique quasi
soviétique du secret d’Etat
pour se doter d’une des
législations les plus
avancée du monde en
matière de transparence. »
Une recommandation a
prendre avec une certaine
prudence, cependant, le Mexique, pas plus que le Brésil, ne brille par sa capacité à
éliminer la corruption, le favoritisme ou l’impunité de ses dirigeants.« Il faudra sans
doute encore une génération ou plus pour que les choses changent ici » évalue
Claudio Weber Abramo, Directeur de Transparency International-Brésil.
!!!
Ce mois en bref, avril 2011
PT, un électorat conservateur ; fraude aux droits d’auteurs ; archives
culturelle mortes ; Google Maps Rio, copie à revoir ; la télé au volant.
L’étude est signée André Singer ancien porte parole de l’ex-président
Lula. Aujourd’hui professeur de Sciences politiques à l’Université de São
Paulo, il s’est penché sur les caractéristiques sociologiques de l’électorat
du Parti des Travailleurs, une formation historiquement et
idéologiquement très enracinée dans la gauche progressiste, mais dont
les adeptes sont, d’après lui… franchement conservateurs !
Entre 2003 et 2008, 31 millions de brésiliens ont accédé à la classe moyenne, ce
groupe de population forme aujourd’hui la majorité électorale du pays et vote
massivement PT. « L’électorat PT est aujourd’hui le gardien de la stabilité
économique du pays car il voit en elle la garantie de sa nouvelle prospérité financière,
acquise grâce aux retombées sociales de la croissance », note André Singer.
! )!
Deux autres chercheurs, Amaury de Souza
et Bolivar Lamounier prolongent cette
analyse dans un livre qu’ils viennent de
faire paraître : La classe moyenne
brésilienne, ambitions, valeurs et projets
de société. « Le fait que la mobilité sociale
de ces classes ascendante dépend
amplement de la consommation et pas du
tout des nouvelles formes d’organisation de
la production démontre la fragilité de cette
ascension et justifie les craintes de ces
nouveaux électeurs face aux changements
politiques. » Pour Amaury de Souza et
Bolivar Lamounier, la classe moyenne
brésilienne défend la démocratie, mais partage avec les autres couches sociales « une
profonde aversion pour la politique car les partis et les élus ne tiennent jamais
compte de l’opinion des électeurs ».
Fraude aux droits d’auteurs
Il s’appelle Milton Coitinho et il serait un très prolifique auteur de musique de
cinéma au Brésil. Ses arrangements auraient déjà illustré les films de Glauber Rocha
dans les années 1960 et de nombreux autres ensuite. Ces deux dernières années,
l’ECAD, le Bureau Central de Distribution des Droits d’Auteurs lui aurait versé des
royalties sur 24 nouveaux films ! Au total 130’000 R$ (75’000 CHF / 55’000!).
Hélas, Milton Coitinho n’existe pas !
Son nom cache une vaste fraude aux
droits d’auteurs qui sévit depuis des
années. L’ECAD proteste de sa bonne
foi, affirmant que les demandes de
Coitinho semblent authentiques. Mais
le Bureau Central de Distribution des
Droits d’Auteurs reconnaît que, dans
la pratique, la seule déclaration
verbale lui suffit pour enregistrer la
production d’un auteur !
Marcia Barbosa, Directrice du Département des Droits Intellectuels du Ministère de
la Culture admet qu’il va désormais falloir assurer une supervision de l’ECAD. Une
! *!
supervision, mais pas un contrôle, précise-t-elle : « un contrôle impliquerait un
pouvoir de police et du personnel dont nous ne disposons pas ». Insuffisant pour
Dudu Falcão, un des musiciens qui a vu ses compositions enregistrées au nom de
Milton Coitinho : « si une telle fraude a pu exister, il y a sûrement beaucoup d’autres
Miton Coitinho qui sévissent à l’ECAD ». Les faits lui donnent raison, une seconde
affaire de faux registres de droits, au nom cette fois de différents membres d’une
famille Silva, fictive elle aussi, vient d’être découverte.
Archives culturelle mortes ?
12’000 images, couvrant
70 ans de l’histoire
brésilienne sont l’objet
d’un bras de fer entre les
photographes qui les ont
réalisées et un mystérieux
avocat qui les a achetée à
bas prix. Dans cette
collection, le premier but
de Pelé à la Coupe du
Monde de 1970, le lever de
drapeau des indiens
Caiapós lors de la
démarcation de leur
réserve au Xingu en 1961,
la foule émue autour du
cercueil de Getulio Vargas après son suicide en 1961, des photos originales
définitivement soustraites à la vue du public… et à leurs auteurs.
C’est la conséquence de la faillite en 2000 des Editions Bloch, propriétaire de la
chaîne de Télévision Manchete, ainsi que des revues illustrées « Manchete », « Fatos
e Fotos », « Pais & Filhos », « Ele & Ela », « Desfile », « Geografia Universal » et
« Amiga ». La masse en faillite des Editions Bloch a été vendue aux enchères en août
2010. Les archives photos ont alors été achetées pour une bouchée de pain par un
avocat qui les garde aujourd’hui dans un lieu secret. « Certaines de ces archives
concernent ma famille, affirme-t-il, Et puis cette collection m’appartient maintenant,
j’en fais ce que je veux ».
Une partie de ce trésor a déjà été revendue. Et c’est là que le bât blesse. Car, outre le
fait de soustraire à la vue du public un patrimoine historique de valeur, le
! "+!
propriétaire de cette collection commercialise des œuvres qui ne lui appartiennent
pas. Les photographes de Manchete n’ont en effet jamais cédé leurs droits à l’éditeur.
Ils ont peu de chance d’obtenir gain de cause s’ils ne peuvent pas localiser l’endroit où
se trouvent maintenant ces archives. « Elles sont dans un grenier à Rio de Janeiro,
mais je ne vais les montrer à personne, » réplique l’avocat.
Google Maps Rio, copie à revoir
Explorer la ville de Rio de Janeiro sur la plateforme numérique de Google réserve de
curieuses surprises. On y trouve certes mentionnés les quartiers connus de
Copacabana, Ipanema ou Leblon, mais ils côtoient une succession de favelas dont les
noms prennent parfois l’espace de quartiers où elles ne sont pourtant que peu
visibles. Cette image est d’autant plus paradoxale que, si 1/3 des habitants de Rio
vivent dans des favelas, celles-ci occupent seulement 3,8% de son territoire !
Les autorités cariocas s’inquiètent du fait que les lieux touristiques n’apparaissent en
général qu’après les favelas, et qu’il faille zoomer pour les voir mentionner. Cela est
d’autant plus gênant que la sécurité et le tourisme sont deux enjeux d’envergure, avec
l’organisation prochaine de la Coupe du Monde 2014 et des Jeux Olympiques 2016.
« Il faut se méfier de cette représentation des favelas qui contribue une fois encore à
stigmatiser la ville de Rio par rapport à son insécurité, alors que la situation tend à
s’améliorer », affirment les services de la Préfecture.
« Google n’a jamais eu l’intention de discréditer Rio (…) le problème est le manque
d’informations sur les cartes », se défend le directeur de Google au Brésil, Felix
Ximenes. La direction de Google s’est toutefois engagée à rectifier le tir. Felix
! ""!
Ximenes affirme que d’ici 6 mois, « on pourra d’abord voir sur Google Maps
l’information la plus importante comme le nom des quartiers puis, au moyen du
zoom, les sous-quartiers avec leurs rues et seulement après les favelas ».
(Collaboration, Le Petit Journal Rio de Janeiro).
La télé au volant
C’est le nouveau must du
trafic urbain brésilien :
conduire en regardant la
télé, via l’écran de son
navigateur GPS ! Une
pratique téméraire de plus
en plus répandue. L’autre
jour, le conducteur du taxi
que j’ai emprunté
visionnait un match de
football en roulant à
80km/h ! « Je ne regarde
pas, j’écoute » ! Vraiment ?
Difficile de ne pas jeter un œil sur le « replay » du dernier but quant on a le GPS fixé
juste sous le rétroviseur…
Les adeptes de cette nouvelle manie ont beau se justifier en expliquant que regarder
la TV au volant, lorsqu’on est bloqué dans un embouteillage aide à contrôler le stress,
le Département National de la Circulation rappelle qu’il s’agit d’une infraction grave,
plus grave encore que de ne pas attacher sa ceinture ou de téléphoner au volant. Il va
sévir. Merci pour les passagers !
Statistiquement cependant, regarder la télé au volant n’est pas le plus grand danger
qui guette les usagers de la route au Brésil. Chevaucher une moto est bien plus
risqué ! Le parc des 2 roues a explosé, mais les accidents impliquant les motards
aussi : de 1998 à 2008, les décès dus à des accidents de la route ont augmenté de
24%, ceux concernant les motards, de… 754% !
!!!
! "#!
Economie, mai 2011, à la recherche d’une
politique industrielle
Comment profiter de la croissance pour asseoir un développement
compétitif et durable ? Comment stimuler l’innovation technologique et
l’exportation de produits à haute valeur ajoutée ? Comment instaurer un
environnement légal et fiscal favorisant l’investissement productif ? Un
faisceau d’interrogations que le Brésil affronte, alors que
l’enrichissement du PIB, très dépendant du cours mondial des
comodities, se tasse et que le marché intérieur ralentit à cause d’une
inflation qui montre à nouveau le bout de son nez. Les réponses à ces
questions ne sont pas ni simples ni uniques. Petit panorama des indices
permettant de tracer la voie d’une nouvelle politique industrielle
brésilienne.
C’est bien sûr l’information du mois : le taïwanais Foxconn, principal fabriquant de
composants pour ordinateur du monde va installer une unité de montage de la
tablette électronique Ipad 2 d’Apple dans la région de São Paulo. Foxconn va ainsi
augmenter de 30% le nombre des ses employés au Brésil qui sont aujourd’hui 4’800.
Bon pour le PIB national, mais malgré les apparences, cet événement n’apporte rien
au développement industriel du Brésil, car il table sur l’expansion de la
consommation intérieure.
Tracer la voie de la compétitivité
« Le Brésil ne peut plus tabler sur ce seul mode de croissance. Il est entré dans le
champ du radar du monde et doit chercher à explorer de nouvelles stratégies de
! "$!
développement », estime
la Fondation Getulio
Vargas, principal centre de
recherches statistiques du
pays. Les experts de la
FGV tablent sur certains
de leurs indicateurs pour
tracer les grandes lignes de
ces perspectives de
demain : l’intérêt des
cadres étrangers de haut
niveau pour le marché
brésilien, l’installation par des multinationales de tous les pays, de centres de
recherche sur le sol brésilien et l’esprit d’entreprise dont fait preuve la population.
Prenons cette dernière donnée. En 2010, le Brésil a été le pays le plus créateur
d’entreprises de tous les membres du G20 : 17% de la population adulte a en effet
monté sa propre affaire ces 3 dernières années, contre 14% en Chine et 7,6% aux
Etats Unis. Une bonne partie de ces créations ont été un succès, « parce que les
objectifs se sont améliorés en qualité, les nouveaux entrepreneurs recherchent les
bonnes affaires du marché » analyse le Sebrae, l’Agence Nationale d’Appui aux
Petites et Moyennes Entreprises, dans son diagnostic annuel GEM 2010, « Global
Enterpreneurship Monitor ».
« Le meilleur résultat
atteint depuis 11 ans » note
encore le Sebrae. Certes
ces nouvelles PME sont
surtout des entreprises de
service, elles ne font pas
encore une politique
industrielle, « mais c’est
un dynamisme social qui
peut favoriser
l’innovation » estime la
Fondation Getulio Vargas.
Multinationales au Brésil : cap sur l’innovation
Plusieurs multinationales veulent maintenant développer des unités d’innovation au
! "%!
Brésil. A l’exemple de l’Oréal, qui va doubler l’effectif de son centre de recherche de
Rio de Janeiro. « Les créations originales que nous faisons ici sont commercialisées
dans le monde entier et il y en a de plus en plus » explique Pierre-Emmanuel
Angelogou, directeur de la division « grand public » de L’Oréal Brésil. IBM, General
Electric, Volvo Aero, Intel, Clariant, Telefonica et Veritas annoncent vouloir suivre le
même chemin.
Des centres de recherches de pointe qui se concentrent sur l’axe São Paulo-Rio de
Janeiro. L’ancienne capitale fédérale a d’ailleurs pris une petite longueur d’avance sur
la métropole économique du pays, grâce notamment aux perspectives de
l’exploitation du pétrole et du gaz des grandes profondeurs océaniques. La française
Technip et l’américaine Dow, se sont installées sur le parc technologique de
l’Université Fédérale de Rio de Janeiro, à l’Ile du Fundão dans la baie de Rio, déjà
plein à 80%, et cherchent de nouveaux espaces pour leurs laboratoires. Le
gouvernement négocie avec l’armée la cession de 200’000 m2 sur l’île voisine de Bom
Jesus pour étendre ce parc technologique.
Très bons salaires
Les managers
internationaux, eux aussi,
sont de plus en plus
nombreux à frapper à la
porte du Brésil à cause du
niveau de rémunération
proposé. C’est ainsi que
l’italien Nico Riggio,
jusqu’alors vice-président
de Philips à New York,
s’est installé à São Paulo
pour monter une
entreprise de fabrication de boissons aromatisées. Le suisse Dominique Maurer, lui,
directeur de la filiale brésilienne de l’entreprise allemande T-System a renoncé à une
promotion dans l’entreprise qui le ferait rentrer en Europe. « Le marché brésilien
offre aujourd’hui beaucoup plus de perspectives et les salaires des managers sont
bons comparé à l’Europe », se justifie-t-il.
Il est vrai que les rémunérations offertes aux cadres étrangers désireux de venir
travailler au Brésil sont en moyenne 25% plus élevées que celles versées aux Etats
Unis, en Allemagne ou en grande Bretagne calcule le bureau international de
! "&!
chasseurs de tête Hay Group. Résultat, 56’000 visas de travail ont été octroyés par le
Brésil à des étrangers en 2010, 30% de plus qu’en 2009. « Le Brésil attire par la
complexité de son marché et le gigantisme de son économie » analyse Diego Sanson,
directeur des ventes pour l’Amérique latine de l’entreprise de recrutement Monster
qui affirme détenir dans ses classeurs les dossiers de 314’000 personnes désirant
venir travailler au Brésil !
Manque de créativité stratégique de l’Etat
Des perspectives réjouissantes, hélas freinées par un manque évident de définition
stratégique de la part des autorités, assène Miriam Leitão, chroniqueuse économique
au journal Globo. Elle pourfend dans son éditorial la stratégie de la BNDES, la
Banque Nationale de Développement Economique et Social, qui investit dans
certaines entreprises et pas d’autres, pour fabriquer un champion toutes catégorie
dans chaque secteur économique.
C’est ainsi que la BNDES a
prêté 7 milliards de R$ aux
abattoirs JBS-Friboi pour
leur permettre d’absorber
leur principal concurrent
aux Etats-Unis et devenir
numéro un mondial de la
viande. Résultat, selon
Miriam Leitão, les
exportations de viande ont
diminué de 15% au Brésil,
atteignant le plus mauvais
chiffre depuis 2004, alors que le prix du kg de bœuf explose sur le marché intérieur et
que JBS-Friboi est maintenant accusé de se fournir auprès d’éleveurs pratiquant le
déboisement illégal en Amazonie et le travail esclave. « C’est une stratégie identique à
celle appliquée par les militaires lors du miracle économique dans les années 1970,
on sait où cela a mené. Visiblement, les politiques n’ont rien appris depuis, ils se
trompent d’époque » conclut Miriam Leitão.
Une fiscalité à revoir de fond en comble
Un de ses collègues, le chroniqueur politique Merval Pereira, pointe lui du doigt la
fiscalité brésilienne, principal frein à l’installation d’une politique industrielle
d’innovation nationale. « En additionnant les impôts directs et les taxes de tous
! "'!
ordres qui grèvent la circulation économique des marchandises, de leur fabrication à
leur vente et à leur consommation, la fiscalité atteint 40% du PIB au Brésil et pénalise
autant les acteurs économiques que les simples citoyens ». Merval Pereira se fait
l’écho de la création il y a quelques semaines du « Mouvement Brésil Efficace »,
regroupant des chefs d’entreprises, des commerçants, mais aussi des associations à
but social, des ONGs et des instituts de recherche qui lance une campagne pour
ramener à 30% du PIB la fiscalité brésilienne.
Second point d’achoppement de Merval Pereira, la (mauvaise) manière dont l’Etat
utilise l’argent des impôts : « les dépenses de l’Union pour les inactifs et les retraités
ont passé de 6,7% à 12,2% entre 1987 et 2009, alors que les investissements publics,
ont chuté à moins de 2% ». Le développement des infrastructures et du parc
industriel est en effet le maillon faible de l’économie brésilienne tous les spécialistes
le relève. Idéalement, le taux d’investissement devrait atteindre 25% du PIB, il n’est
que de 20%. 18% proviennent du secteur privé, un chiffre stable, « mais l’effort
financier public, qui était de 30% dans les années 1970 s’est évaporé. Il est temps que
l’Etat prenne conscience du devoir à domicile qu’il doit rédiger », conclut Merval
Pereira.
!!!
! "(!
Economie en bref, mai 2011
Investissements étrangers record des multinationales et des touristes
brésiliens ; semi privatisation des aéroports en vue ; une compagnie
aérienne pour la poste ; remue ménage sur le marché des commodities ;
la compétitivité du Brésil recule.
11 milliards de US$, c’est ce que les grandes compagnies brésiliennes ont
investit à l’étranger en 2010, pratiquement l’équivalent de ce que ces
mêmes compagnies avaient rapatrié au pays en 2009, 10,1 milliards de
US$. Les chiffres sont de la CNUCED, l’Organisation des Nations Unies
pour le Commerce et le Développement : « ces capitaux brésiliens ont
servi à acheter en 2010 des entreprises de pays développés dans les
domaines du minerai de fer, de l’acier, de l’alimentation, du ciment et des
raffineries de pétrole. »
A l’origine de ce mouvement, bien sûr, la valorisation du réal brésilien et la baisse du
dollar américain, un différentiel qui a aussi fait le bonheur des touristes brésiliens :
en mars 2011, ils ont dépensé 1 milliard de US$ hors du pays, 87% de plus qu’en mars
2010. Un chiffre à nuancer cependant, cette année, les congés de Carnaval ont eu lieu
en mars !
! ")!
Semi privatisation des aéroports en vue
C’est Sepp Blatter, le Président de la Fédération
Internationale de Football qui avait mis le feu
aux poudres. Il s’est inquiété publiquement de la
lenteur des travaux préparatoires de la Coupe
du Monde de Football 2014 au Brésil. Dans une
première réaction, le gouvernement a vertement
tancé le patron de la FIFA, affirmant que le
calendrier était respecté, puis il a fait volte face
et admis, suite à une étude de l’IPEA, l’Institut
Publique d’Etudes Economiques Appliquées,
démontrant que les aéroports de 9 des 14 villes
sièges des compétition ne seraient pas prêt pour
2014, qu’il lui fallait revoir sa copie.
La Présidente Dilma Rousseff a pris le taureau par les cornes et chargé son Ministre
de la « Casa Civil » Antonio Palocci de plancher sur la solution. Une solution qui
contredit ses promesses électorales et prend toute la gauche nationaliste à rebrousse-
poil, certains aéroports vont être partiellement dénationalisés, les terminaux qui
doivent être agrandis seront mis en concession à des entreprises privées.
Les grands consortiums de travaux publics se frottent les mains, les compagnies
aériennes sont satisfaites et la FIFA rassurée, mais les autorités doivent manœuvrer
avec précaution, tant les réticences d’une partie de la majorité parlementaire et de
l’Infraero, l’entité publique qui administre les aéroports sont grandes. Seuls 3
aéroports seulement seront partiellement privatisés dans un premier temps, ceux de
Guarulhos et Viracopos à São Paulo et celui de Brasilia. Dans un deuxième temps,
ceux de Confins à Belo Horizonte et du Galeão à Rio de Janeiro suivront.
La concession au privé des aéroports ne suffira pas estime l’IPEA. « D’ici 2014,
même les investisseurs privés n’auront pas le temps de réaliser les travaux
importants nécessaires », Le gouvernement dément. Autre problème, malgré les
agrandissements prévus, certains aéroports resteront en sous capacité : après
travaux, celui de Guarulhos à São Paulo devrait pouvoir accueillir 35 millions de
passagers, mais selon les projections d’augmentation du trafic aérien, il recevra 37
millions de voyageurs en 2014 !
! "*!
Une compagnie aérienne pour la poste
Les postes brésiliennes, elles, ne
seront pas privatisées, à l’instar de
leurs consœurs d’une bonne partie des
pays de l’Union Européenne, mais
elles vont recevoir les mêmes
prérogatives. Le gouvernement a ainsi
décidé d’élargir les activités de
l’entreprise publique chargée
d’acheminer le courrier aux services
financiers et bancaires électroniques.
Libre à la poste de décider si elle va
fonder sa propre banque ou s’associer avec l’une des grandes banques brésilienne,
vraisemblablement Bradesco, qui assure déjà les payements pour la poste.
En outre, la poste va pouvoir se doter de son propre service de courrier aérien à
l’intérieur du Brésil, là encore, soit en créant sa propre compagnie, soit en passant un
contrat de avec une entreprise internationale de courrier rapide comme DHL. Enfin,
la poste brésilienne est désormais autorisée à ouvrir des agences à l’étranger et à
investir dans des grands projets d’infrastructures. Le premier sera sans doute celui de
la construction du Train à Grande Vitesse Campinas-São Paulo-Rio de Janeiro.
Remue ménage sur le marché des commodities : hausse du fer, baisse du
sucre
La sidérurgie brésilienne souffre : le prix du fer a
augmenté de 6 à 10% sur le marché intérieur en
avril. Il avait baissé de près de 30% en août 2010.
A l’époque, un dollar bon marché leur avait
permis d’acheter à l’extérieur. 22% du fer utilisé
au Brésil en 2010 était importé, contre seulement
12% en 2009. Mais voilà, au niveau mondial, le
cours du minerai de fer a bondi de 30% depuis début 2011 et les stocks de l’an dernier
sont épuisés. Les entreprises sidérurgiques vont donc devoir passer à la caisse et
répercuter la hausse sur leurs clients, particulièrement les fabricants d’automobiles et
de camions.
Mouvement inverse sur le sucre, dont le cours a plongé de 27% depuis fin février.
L’automne dernier pourtant, tout le monde s’attendait à ce que la flambée du sucre se
! #+!
prolonge à cause de la pénurie mondiale.
Cependant, au Brésil, premier pays producteur,
où la récolte commence, « les quantités
escomptées apparaissent déjà meilleures que
prévu » résument les spécialistes de BNP Paribas.
« L’absence des phénomènes climatiques El Niño
et La Niña permet aussi à l’Inde, deuxième
récoltant, de s’attendre à produire cette année
24,5 millions de tonnes, soit plus que ses besoins, ce qui l’autorise à exporter
0,5 million de tonnes».
Logiquement, cela permet une baisse du prix de l’éthanol à la pompe, et ramène les
automobilistes brésiliens vers l’alcool carburant qu’ils avaient déserté malgré la
hausse du pétrole.
La compétitivité du Brésil recule
C’est le dernier classement IMD-
Lausanne (Suisse) / Fondation Dom
Cabral-Belo Horizonte (Brésil) qui
l’affirme, le brésil a perdu 6 positions
sur le ranking de la compétitivité
mondiale, passant de la 38° à la 44°
place. Il est devancé en Amérique
Latine par le Chili, le Mexique et le
Pérou, et, parmi les BRICs, par la
Chine et l’Inde. Raison de ce recul, la
perte d’efficacité des entreprises et
l’augmentation du coût de la vie.
C’est la première fois que le Brésil recule au classement IMD-Dom Cabrla depuis le
début du siècle. Entre 2000 et 2010, il avait gagné 11 places passant du 49° au 38
rang. Les champions de cette année sont, dans l’ordre, Hong Kong, les Etats Unis et
Singapour. La Suisse se classe 5°, la France n’apparaît pas parmi les 20 premiers.
!!!
! #"!
Environnement, mai 2011, les brésiliens ne
connaissent pas leur patrimoine naturel
De combien d’espèces différentes la biodiversité brésilienne est-elle
constituée ? Réponse impossible, aucune compilation systématique n’a
été entreprise à l’heure
actuelle, faute de
moyens et d’intérêt.
Les spécialistes
estiment qu’on connaît
10% des animaux,
plantes et bactéries
peuplant le pays, soit
190’000 espèce sur un
total qui devrait
approcher 1’8 million.
20’000 d’entre elles
offriraient un potentiel
économique important. Et toutes contribuent à un équilibre naturel sans
arrêt remis en question par l’activité humaine.
« Il y a un abîme entre ce que l’on sait et ce que l’on fait, explique Thomas
Lewinsohn, spécialiste de la biodiversité et professeur à l’Université d’Etat de
Campinas. Nous ignorons jusqu’où on peut aller sans déstabiliser l’équilibre naturel
au point de l’empêcher définitivement de se recomposer ». Thomas Lewinsohn et son
équipe ont procédé à cet analyse du connu et de l’inconnu du patrimoine naturel
brésilien dans le cadre de la révision en cours de la loi sur l’utilisation des ressources
de la biodiversité.
Tâtonnement à l’aveugle
La conclusion de leur étude est
alarmante dans la mesure où chaque
perte d’une espèce entraine un
changement dont on ignore les
conséquences dans toute la chaine de
l’habitat local. « Le problème,
explique Thomas Lewinsohn, ne
! ##!
réside pas tellement dans l’extinction des espèces, c’est un phénomène naturel, mais
dans la rapidité actuelle de ce processus. Lorsque vous abattez une portion de forêt
pour créer un pâturage, 90% des espèces qui s’installent sont exogènes. Comment
interagissent-elles avec le milieu, personne n’en sait rien. » Pour le chercheur, nous
jouons avec le feu…
Autre risque, la perte économique de ce potentiel. « Sans les connaître, nous passons
à côté d’espèces dont le potentiel d’exploitation économique est peut-être
phénoménal. D’autres, comme les grandes multinationales pharmaceutiques
étrangères pourraient s’en emparer et les exploiter hors du Brésil ». Une perte sèche
pour le pays.
Une armée pour un recensement
La raison de cette méconnaissance ?
Un manque de moyens, il faudrait
engager une armée de gens pour
procéder à un recensement plus ou
moins complet et étudier les différents
écosystèmes, mais surtout une
indifférence généralisée de l’opinion
publique et des autorités. « Personne
ne fait pas la relation entre la perte de
la biodiversité et sa propre survie.
Tant qu’on ne seront pas convaincu qu’ils faut connaître son environnement avant
d’agir pour ne pas en souffrir, les recherches vont continuer à avancer à pas de
tortue» conclut Thomas Lewinsohn.
Comme pour démentir ce pronostic négatif, le gouvernement a lancé au mois de mars
la seconde édition de l’Inventaire Forestier National. Il va durer 5 ans et étudier la
flore d’au moins un espace de forêt tous les 20km. 10’000 personnes vont participer à
cette opération dont le budget est devisé à 150 millions de R$ (86 millions de CHF /
65 millions d’!). Seuls les espèces végétales seront recensées, l’étude ne s’intéressera
donc pas à la faune ou aux bactéries. Elle ne débouchera pas non plus nécessairement
sur l’étude des espèces cataloguées, une tâche à charge ensuite des universités si elles
veulent s’y engager.
C’est donc un effort partiel, mais c’est un premier pas. Le premier Inventaire
Forestier National, et le seul à ce jour, avait été réalisé entre 1978 et 1983. Il devait
être répété 5 ans plus tard, mais les résultats du second inventaire ne seront
! #$!
disponibles qu’en 2016, 33 après ! En outre, ce premier recensement a été très partiel,
peu de chercheurs formés étaient alors susceptibles d’y participer, et les observations
se sont limitées aux forêts plantées du Centre-Sud du pays. L’Amazonie, dont la
couverture végétale occupe 49% de la superficie du pays avait été totalement ignorée.
Pour aller plus loin : l’Amazonie en photos
Un designer français, Antoine Olivier
et un photographe brésilien, JL Bulcão
ont passé 2 mois dans la forêt
amazonienne en 2009, traquant les
projets d’exploitation de la forêt
respectueux de l’environnement. Le
résultat en est un livre, « Les gardiens
de l’Amazonie » et une exposition,
présentée à Paris début 2011, qu’on
peut voir maintenant à Rio de Janeiro, à l’Espace Culturel de Furnas, Rua Real
Grandeza, 219 – Botafogo. Les gardiens de l’Amazonie abordent le travail des
récolteurs de caoutchouc dans l’Acre, des cultivateurs d’Açai et de guarana des bords
du fleuve Amazone et des casseurs de noix du Brésil du Para. Pour télécharger le
livre : http://www.autresbresils.net/spip.php?article2023
!!!
Environnement en bref, mai 2011
Impuissance face à la biopiraterie ; us et coutumes des indiens Xingus
menacés par le barrage de Belo Monte ; Rio de Janeiro sous l’eau en
2099 ? Les derniers perroquets bleus du Brésil.
Le gouvernement brésilien reconnaît qu’il a les mains liées dans sa lutte
contre « l’escalade de la cueillette illégale de matériel génétique de la
biodiversité brésilienne ». Il lui manque une législation adaptée pour
pincer les fraudeurs et les punir. « Notre seul outil, explique Bráulio
Dias, Secrétaire à la Biodiversité du Ministère de l’Environnement, c’est
la mesure provisoire 2’186, éditée il y a 10 ans, qui ne fixe même pas le
montant des royalties que les entreprises doivent payer pour utiliser les
ressources naturelles, alors que le Pérou, par exemple, s’est donné une
loi fixant à 20% du bénéfice ces royalties. »
! #%!
Conséquence grave de cette
carence, l’envoi indiscriminé de
tonnes de « plantes Mikado »
(syngonanthus elegans) en
Allemagne, une plante
d’ornement d’intérieur existant
seulement au Brésil et en voie de
disparition. Ou encore le fait que
d’après une enquête du
quotidien Globo, plus d’une
centaine d’entreprises
pharmaceutiques, alimentaires,
agroindustrielles cosmétiques
ou de parfumerie ont été priées
par les autorités de justifier leur activité dans ce domaine sans qu’aucune ne donne
suite à cette notification officielle !
Bráulio Dias espère que le parlement votera enfin une nouvelle loi contre la
biopiraterie avant la Conférence de l’ONU Rio +20 en 2012, qui marquera les 20 ans
de la première Conférence Mondiale sur l’Environnement, Rio 92.
Us et coutumes des indiens Xingus menacés par le barrage de Belo Monte
« Chez nous les femmes ont pour coutume d’amener leur bébé avec elle quand elles se
baignent dans la rivière et de les
allaiter dans l’eau. » « Le Rio Xingu,
on s’y baigne, on y pêche, on y lave le
linge, le dimanche on va à la plage
griller du poisson ». Ici il y a plus
d’espèces de poissons que dans toutes
les rivières d’Europe ». « Le Rio Xingu
est mon père, le Rio Xingu est ma
mère, vous allez me dire en face que
vous allez tuer mon père et ma
mère ? »
Ces citations sont extraites de textes d’enfants ou d’entretiens recueillis par le
rapporteur de la Commission des Droits de l’Homme de l’OEA lors de son enquête
auprès des indiens riverains du Rio Xingu, menacés par la construction du barrage de
Belo Monte. Son rapport a donné lieu à une demande de l’OEA au Brésil de
! #&!
suspendre les travaux de ce barrage (voir Vision Brésil n° 23, avril 2011). Elles ont été
recueillie et publiées par Cecilia Campello do Amaral, anthropologue, qui milite
contre la construction de ce barrage devant assécher en partie un bras de la rivière le
long duquel vivent plusieurs tribus indiennes.
Au delà de la dénonciation, Cecilia Campello do Amaral veut monter que le problème
qui se pose à ces peuples de la forêt va au-delà des dommages matériels et ne peut
être résolu par de simples compensations financières. Selon elle, le « Projet de
Réparation qui reconnaît les pertes non matérielles infligées aux personnes touchées
et propose une compensation en argent pour qu’elles puissent recomposer leur mode
de vie ailleurs » n’est pas viable. « Les sociétés riveraines du Xingu sont constituées
de personnes dont l’existence est complètement intégrée à la dynamique du fleuve. Si
le Rio Xingu meurt, elles vont mourir avec».
Rio de Janeiro sous l’eau en 2099 ?
C’est évidemment des
projections totalement
futuristes, qui, on l’espère,
ne se réaliseront jamais.
Elles ne contribuent pas
non plus à résoudre le
problème des inondations
qui submergent
régulièrement certains
quartiers de la ville lors de
fortes pluies. Fin avril
d’ailleurs, la commission technique du Comité International Olympique, en visite à
Rio de Janeiro, s’est vue interdire l’accès des travaux du stade du Maracanã, où se
déroulera la cérémonie d’ouverture des JO de 2016, noyés justement sous un mètre
d’eau ! Tout de même, les conclusions de l’Institut National de Recherches Spatiales
sont inquiétantes.
Les nouvelles évaluations de l’IPCC, le Groupe Intergouvernemental sur les
Changements Climatiques, font état d’une élévation de 1,5 mètres du niveau de la mer
d’ici 2099, et les experts de l’Institut ont dessiné une nouvelle carte de Rio de Janeiro
sur cette base. Une bonne partie de la région de Jacarepagua, dans la Zone Ouest, où
vont se dérouler la majorité des compétitions olympiques n’existera plus à la fin du
siècle, les plages de la Zone Sud, Copacabana, Ipanema et Leblon sont aussi
menacées, tout comme le fond de la baie de Guanabara, région populaire très habitée.
! #'!
En tout, 10% du territoire de la municipalité de Rio devrait être englouti par l’Océan.
Les derniers perroquets bleus du Brésil
Le réalisateur du film à grand
spectacle et en 3D « Rio » n’a pas
choisi au hasard son acteur principal,
l’Ararinha Azul ou perroquet bleu. Le
fait qu’il ait été clandestinement
envoyé hors du Brésil à sa naissance
n’est pas fortuit non plus. L’Ararinha
Azul à l’état sauvage a en effet
disparu, seuls 71 spécimens
apprivoisés survivent encore, dont 66
hors du Brésil. C’est le Cheik du Qatar
qui est aujourd’hui le plus grand
propriétaire au monde de cet oiseau
natif de la caatinga semi-sèche du
Nord-Est du Brésil.
3 des 4 derniers Ararinha Azuis, identifiés comme faisant partie d’une espèce en voie
de disparition en 1985, sont capturés par des trafiquants en 1987. Le mâle survivant
est encore vu en 1990, il s’est uni à un perroquet d’une autre espèce, le maracanã,
plus petit que lui de 12 centimètres. Ce rescapé et sa famille sont aperçus une
dernière fois en 2000. Depuis, aucun témoignage crédible ne permet de penser que
cette espèce existe encore à l’état libre.
Le Cheik du Qatar, en collaboration avec les autorités brésiliennes, prépare un groupe
d’oiseau de sa possession à une réintroduction dans le Nord-Est du Brésil. Une
opération risquée qui devrait durer 5 ans et dont le succès n‘est pas garanti. Toutes
les tentatives faites jusqu’à présent à partir d’animaux captifs n’ont rien donné.
!!!
Social, mai 2011, en finir avec l’extrême pauvreté ?
Le recensement national 2010 de la population brésilienne vient d’être
rendu public. Il réserve quelques surprises. Ainsi, le taux d’inégalité est
le plus faible depuis 50 ans, conséquence des programmes de
! #(!
redistribution sociale de la croissance, mais 60,5% de la population ou 34
millions de familles vivent encore avec l’équivalent d’un salaire
minimum par mois, soit 310 CHF ou 235 ! et la moitié des habitations du
pays n’ont pas d’égouts. Et l’extrême pauvreté reste plus importante
qu’on ne le croyait : elle touche 16 millions de personnes et non 10,
comme l’affirmaient les dernières estimations. La Présidente Dilma
Rousseff a promis qu’il n’y aurait plus de misérables au Brésil à la fin de
ses 4 ans de mandat. Cela va être difficile à réaliser.
Les 16 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté représentent 8,5% de la
population brésilienne. Ceux qui ont bénéficié des programmes d’aide des
gouvernements Fernando Henrique Cardoso et Lula pour sortir de la misère, comme
la Bourse Famille, sont donc moins nombreux qu’imaginé. La majorité de ces
nécessiteux, 9,6 millions se concentrent dans les campagnes du Nord-Est où ils
forment 46% de la population.
! #)!
Portrait type de l’extrême pauvreté
Maria Pereira da Silva, 47 ans, vit à Gameleira, une petite ville du Sertão, à 100 km de
Recife, dans une maison de terre battue, sans sanitaires ni eau courante. Elle a eu 17
enfants, 7 sont morts en bas âge et sa famille dépend des subsides de la Préfecture
pour manger. Maria Pereira n’a pas droit à la Bourse Famille car elle n’a pas de
papiers d’identité.
Son voisin, Heraldo José
dos Santos, 51 ans, en a
une, lui de carte d’identité.
Il touche donc la Bourse
Famille. Cela ne suffit pas
à nourrir les 4 membres de
sa famille, lui-même, son
épouse et 2 enfants.
Heraldo est coupeur de
canne à sucre, mais il n’a
plus d’emploi déclaré
depuis 1982. Il complète
donc le budget domestique grâce à des petits travaux informels et ponctuels. La
plupart du temps, le couple doit se rationner pour nourrir les enfants.
« C’est vrai, l’extrême pauvreté existe encore, même si elle a diminué », reconnaît
Marcelo Neri, de la Fondation Getulio Vargas, qui nuance, cependant, dans un
ouvrage qu’il vient d’achever, « Inégalité et revenus durant la dernière décennie ».
Selon les calculs de ce statisticien, l’indice de Gini de l’inégalité a chuté de0,609 à
0,530 entre 1990 et 2010, – plus cet indice se rapproche de zéro, plus l’inégalité est
faible -, et la proportion des pauvres dans la population brésilienne, qui était de
27,5% en 2001, n’est plus que de 15,3%.
« A la différence de la Chine, de l’Inde, des Etats Unis ou des pays européens où
l’inégalité augmente, au Brésil, elle baisse. Mais il va nous falloir encore 30 ans, au
rythme actuel, pour atteindre le niveau des Etats Unis, 0,42, sur l’indice de Gini de
l’inégalité. »
Eradiquer l’extrême pauvreté ?
La Présidente Dilma Rousseff avait promis, lorsqu’elle a prêté serment le premier
janvier 2011, d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici la fin de son mandat de 4 ans. Elle
! #*!
se basait alors sur le chiffre officiel de
10 millions de nécessiteux et non de
16 millions comme le révèle le
recensement national. Elle admet
aujourd’hui que l’objectif sera plus
difficile à atteindre que prévu, « mais
il est toujours d’actualité » précise la
Secrétaire d’Etat à l’Eradication de la
Pauvreté, Ana Fonseca.
Joignant la parole aux actes, la
Président vient de présenter le « Plan
Brésil sans Misère ». Il doit servir à définir avec exactitude le public cible visé et les
objectifs à atteindre. Ainsi, la ligne d’extrême pauvreté a été fixée à 70 R$ par mois et
par personne (40 CHF / 30!), proche du chiffre admis comme référence par la
Banque Mondiale, 1,25 US$ par jour et par personne. Ceux qui sont en deçà de cette
ligne de pauvreté seront donc les premiers aidés, à travers notamment le
renforcement du programme de la Bourse Famille en direction des femmes chefs de
famille.
Apprendre à se prendre en main soi-même
Une mesure incontestablement positive, admet dans son blog, Francisco Castro,
professeur d’Economie (http://blogdefranciscocastro.blogspot.com/). « Le respect
de la dignité humaine implique que toutes les personnes puissent vivre sainement, en
sécurité, et avec la
garantie de pouvoir
satisfaire leurs
besoins minimaux. »
Reste que pour ce
spécialiste des
finances publiques,
les politiques menées
ces 16 dernières
années, – la Bourse
Famille et la politique
de stabilisation des
prix à la consommation-, ne représentent que la moitié du chemin vers
l’extermination de l’extrême pauvreté.
! $+!
« Pour améliorer significativement et durablement le niveau de vie des plus pauvres,
il faut que le gouvernement donne aux 13 millions de bénéficiaires de la Bourse
Famille les moyens de se qualifier, d’apprendre un métier afin de leur garantir un
revenu propre. Il faut aussi qu’il stimule les entreprises à engager ces personnes ».
Les autorités doivent aussi, selon Francisco Castro, mettre en place des structures
d’encadrement efficaces et non bureaucratiques pour offrir des crédits à bas taux à
ceux qui désirent monter leur propre affaire.
« Sans ce volet, la Bourse Famille n’est qu’un programme d’assistance sans fin qui
peut lutter contre la grande misère mais pas l’éradiquer ». Certes, on ne vaincra pas
ce défi en un seul mandat de gouvernement, mais celui qui est aujourd’hui en place a
le devoir de tracer des objectifs dans cette direction et d’engager effectivement cette
bataille, conclut Francisco Castro. Il s’agit en somme d’apprendre aux gens à pêcher
au lieu d’attendre que le poisson arrive dans leur assiette. Une recette classique,
certes, mais pas toujours évidente à cuisiner.
!!!
Social en bref, mai 2011
Palier à la pénurie de main d’œuvre qualifiée ; leçon d’anglais dans les
favelas ; expulsions forcées pour la Coupe du Monde 2014 et les J.O. de
2016 ; les Quilombos au Tribunal ; main d’œuvre infantile ; Radios et TV
sous influence.
La pénurie de main d’œuvre qualifiée est aujourd’hui un des principaux
goulets d’étranglement
de la croissance
brésilienne. Les
besoins en maçons,
plombiers, électriciens
pour la construction
civile, en mécaniciens,
électroniciens,
serveurs, cuisiniers
pour les services,
explosent avec les
grands travaux en
! $"!
cours et les échéances de la Coupe du Monde de 2014 et des J.O. de 2016.
Or les professionnels formés disponibles sur le marché pour répondre à
ces demandes ne sont qu’une poignée car le système de formation au
Brésil ne s’est jamais préoccupé de qualifier ce type de main d’œuvre.
Le gouvernement réagit et lance un vaste « Programme National d’Accès à
l’Enseignement Technique » qui devrait permettre de former 3,5 millions de
professionnels d’ici 2014, 500’000 déjà en 2011. Les ministères de l’Education, du
Travail et de l’Economie, ainsi que les administrations des Etats et les Préfectures
sont mobilisés. 850 nouvelles écoles techniques seront créées dans tout le pays et le
secteur privé est incité à recycler son propre personnel. 2’800 nouveaux professeurs
techniques seront aussi engagés dans cette opération dont le montant n’a pas encore
été chiffré.
Le public cible de cette formation technique sera les élèves ayant terminé l’école
obligatoire, les chômeurs et certains bénéficiaires de la Bourse Famille.
Leçons d’anglais gratuites dans les favelas
Le binôme J.O.2016 et Unités de Police
Pacificatrice dans les favelas a des effets très
positifs à Rio de Janeiro. Parmi eux, l’initiative du
Consulat américain de proposer des cours
d’anglais gratuits aux jeunes de ces quartiers afin
de les aider à entrer dans le monde du travail. Il
est vrai qu’avec l’afflux de visiteurs attendus, la
maîtrise de la langue de Shakespeare devient
indispensable. Les premiers cours sont donnés dans la favela du Morro de Cantagalo
à Ipanema, les suivants seront dispensés aux habitants du Morro da Providencîa à
Gamboa dans le centre, 2 favelas dotées d’UPP, les Unités de Police de Pacification.
Expulsions forcées pour la Coupe du Monde 2014 et les J.O. de 2016 ?
Le « Rapporteur Spécial de l’ONU pour le Droit à un Logement Digne » dénonce des
expulsions forcées d’habitants à Rio de Janeiro, São Paulo, Belo Horizonte, Recife,
Porto Alegre, Curitiba, Natal et Fortaleza, et cela dans le cadre des travaux
préparatoires de la Coupe du Monde 2014 et des Jeux Olympiques 2016. Il ne s’agit
pas, selon le rapporteur d’expulsions collectives « manu militari », mais de manque
de transparence dans les procédures et d’absence de dialogue. Les populations
concernées sont prises de court par des délais trop brefs. La valeur trop basse des
! $#!
indemnisations, obligeant ces
personnes à se reloger à bas coût dans
des zones éloignées de leur lieu de vie,
est aussi dénoncée comme un élément
favorisant la reconstitution et la
multiplication de nouvelles favelas.
La dénonciation est signée par le
Rapporteur Spécial pour le Brésil,
Raquel Ronik, professeur d’Architecture et d’Urbanisme à l’Université de São Paulo,
qui s’est basée sur des plaintes émanant d’ONG’s ou d’avocats commis à la défense
publique des plaignants, mais n’a pas procédé à des vérifications sur le terrain.
Les Quilombos au Tribunal
Bientôt peut-être, enfin, l’heure de la décision judiciaire pour les Quilombos, ces
territoires revendiqués par les afro-descendants. Un décret, signé par le Président
Lula en 2003, leur accorde au titre de « réparation historique », le droit de s’installer
collectivement sur des terres qui ont été historiquement des lieux de regroupement
des esclaves fugitifs. Le DEM, parti d’opposition de droite a en effet déposé une
plainte devant le Tribunal Suprême Fédéral, il y a quelques années déjà, pour
« inconstitutionnalité » de cette décision. A l’origine, le fait que plusieurs des
territoires revendiqués sont aujourd’hui d’intérêt stratégique pour le pays, telle la
base de lancement de satellites d’Alcantâra, voisine de São Luis dans le Maranhão.
Elle devrait être en partie évacuée si les « Quilombolas » obtiennent gain de cause.
Le DEM met aussi en question les
modalités permettant de définir un
territoire quilombo, des modalités qui
se basent sur l’expertise par des
anthropologues de « récits oraux
justifiant l’identité culturelle et
ethnique des demandeurs » et non sur
des critères de descendance
généalogique. De son côté, la
Fondation Palmeras, chargée de mener ces enquêtes ethnologiques, explique que
jusqu’à présent 1’000 titres de Quilombos ont été attribués, mais que 3’000 autres
sont en attente de formalisation. Parmi eux, beaucoup sont situés en zone urbaine.
Le Tribunal Suprême Fédéral n’a pas encore formellement fixé la date à laquelle il
! $$!
débattra de cette question, mais ce pourrait être pour bientôt.
Main d’œuvre infantile
Encore beaucoup trop d’enfants au travail au
Brésil ! Cette fois, c’est sur les employés de
maison que les projecteurs se braquent. Les
fillettes oeuvrant à des travaux domestiques
contre rémunération plus particulièrement. Elles
seraient 102’000, entre 10 et 14 ans à laver ainsi
la vaisselle et le linge contre salaire, selon une
évaluation nationale datant de 2009. C’est
30’000 de moins qu’en 2001 certes, mais c’est encore trop, le travail des enfants étant
interdit au Brésil. La grande majorité de ces employées mineures se concentre dans
les régions Nord et Nord-Est du pays.
Radios et TV sous influence
Prise de position publique inédite de
l’UNESCO qui met en question un
article de la Constitution déterminant
que l’octroi de concessions radio et TV
doit être approuvé par le Congrès et le
Sénat. « Mettre entre les mains du
pouvoir législatif l’octroi de telles
concessions est une anomalie qui
menace la démocratie et viole la
garantie des Droits de l’Homme »
justifie l’UNESCO. L’Organisation des Nations Unies pour l’Education la Science et la
Culture suggère la création d’une agence régulatrice des médias, indépendante des
intérêts politiques et économiques du secteur, qui approuveraient ces concessions,
sur le modèle de ce qui existe dans d’autres pays démocratiques.
L’UNESCO questionne aussi la concentration de la propriété des moyens de
communication au Brésil et recommande d’établir « des règles plus solides en la
matière ». Sont notamment montrées du doigt les difficultés que rencontrent les
radios et télévisions communautaires pour obtenir légalement le droit d’émettre, des
médias qui sont proches de leur public local et indépendants des grands groupes de
presse.
! $%!
Réaction virulente et outragée de l’ABERT, l’Association Brésilienne des Emetteurs
de Radio et de Télévision qui rejette en bloc l’appel de l’UNESCO. « Le fait d’avoir
donné au Congrès le droit d’approuver les concessions a été une conquête de la
démocratie » affirme Roberto Antonik, Directeur de l’Association.
L’ABERT maintien un lobby très actif auprès des parlementaires
de Brasilia pour défendre ses intérêts.
C’est ainsi que l’ex-ministre des Transports et Communications du
gouvernement Lula, Hélio Costa était l’ancien correspondant à
New York de TV Globo et son collègue de la
Communication Sociale Franklin Martins, journaliste à TV
Bandeirantes. Hélio Costa est maintenant sénateur, Franklin
Martins, lui, déchargé de toute responsabilité politique, envisage
de reprendre son activité de journaliste de télévision.
L’ABERT se montre aussi sceptique vis à vis d’une autre
recommandation de l’UNESCO : introduire des quotas pour
permettre la diffusion de contenus nationaux (50%), locaux (10%) et indépendants
(10%). Elle affirm que les petits émetteurs auraient de la peine à respecter ces
exigences.
!!!
Nouvelles de la planète football, mai 2011
Mai et juin sont
traditionnellement au
Brésil les mois des
finales des différents
championnats de
football régionaux et
nationaux. Alors bien
sûr, au pays du ballon
rond, on ne peut pas
échapper à la chose,
même si on n’est pas
très fan de foot.
! $&!
D’autant que cette année, la mythique équipe de Flamengo est une fois de
plus champion de Rio de Janeiro et que de nombreuses stars brésiliennes
des clubs européens reviennent au pays où ils retrouvent la gloire et des
salaires très confortables.
Notre confrère du « Petit Journal », Luca Roxo grand connaisseur, a
mené l’enquête, et comme et ne suis pas moi-même un spécialiste en la
matière, c’est avec plaisir que je reproduis ses reportages dans cette
édition de Vision Brésil.
Planète football (1) Flamengo, le triomphe de tout un
peuple ?
Vainqueur aux tirs aux buts de la
Taça Carioca, le club de Ronaldinho
est champion de l’Etat de Rio de
Janeiro pour la 32ème fois de son
histoire après un parcours quasi-
parfait, pour le plus grand bonheur
de ses supporters. Gros plan sur le
club le plus populaire du Brésil.
Dimanche, aux alentours de 17h30,
Rio est envahi par les cris et les
chants des rouges et noirs, les couleurs de Flamengo. Les terrasses des bars se
soulèvent, les voitures klaxonnent à la fin de la séance de tirs aux buts clôturée
victorieusement par Thiago Neves, l’autre star de l’équipe. Ronaldino, le capitaine,
brandit le trophée, Flamengo gagne son 32ème titre de champion de l’Etat de Rio, et
se pose en candidat sérieux au championnat national, qu’il a remporté 6 fois. Ce n’est
pas seulement la ville de Rio, mais tout le pays qui entre en ébullition, et se partage
entre les pros et les antis. Car Flamengo est un club qui ne laisse pas indifférent.
Club le plus populaire du Brésil, il devance les Corinthians de São Paulo, l’ancien club
de Ronaldo. Dans un pays où les championnats fonctionnent par Etat, Flamengo a la
particularité de dépasser les frontières de celui de Rio. Son premier moment de
gloire, au début des années 20 a été parallèle au développement de la radio. Dans les
Etats les plus pauvres, notamment dans le Nord, où les clubs de foot n’avaient pas
encore de structures suffisantes, les gens suivaient les exploits de Flamengo dans le
championnat carioca. Les matchs de Rio étaient les seuls retransmis dans tout le
pays.
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De Rio, Flamengo est finalement devenu le club de tout un pays. La popularité des
rouges et noirs s’est construite en plusieurs temps. Créé en 1895, Flamengo est
d’abord un club de régates. C’est en 1911 qu’apparaît l’équipe de football : cette
année-là, un désaccord dans l’équipe de Fluminense entraîne la sortie de la moitié du
groupe, qui décide de quitter le club et de créer une nouvelle équipe, à Flamengo.
C’est à ce moment-là que
naît la fameuse rivalité
entre les deux clubs,
communément appelée le
« Fla- Flu ». Le journaliste
reconnu, Nelson
Rodrigues, les qualifiera de
« Frères Karamazov du
football » : les deux se
détestent, mais ne peuvent
vivre l’un sans l’autre.
Flamengo, le club des plus pauvres
« C’est dans les années 20 que sa réputation de club populaire surgit », explique
Bernardo Buarque de Hollanda, historien spécialisé dans le football. « Sans aucun
terrain pour jouer, les joueurs s’entraînaient sur la plage, ou dans les rues du
quartier Flamengo. » Ainsi, aucune barrière ne les séparait du public, aucun stade ne
les fermait de l’extérieur. De cette manière, des gens s’arrêtaient pour les regarder
jouer, des personnes provenant de classes sociales basses, dont les finances ne
permettaient pas d’aller au stade. A cette époque, au Brésil, le football est un sport
d’élite, et les tribunes sont remplies par l’aristocratie. Pour l’anecdote, le terme
‘torcedores’, synonyme de supporters en portugais du Brésil, tire son origine de cette
période : les jeunes femmes aristocrates emmenaient leurs mouchoirs au stade,
qu’elles passaient le match à ‘torcer’ (tordre).
La construction d’un stade dans le quartier de Gavea, dans les années 30, a contribué
à poursuivre cette réputation de club populaire. Alors qu’aujourd’hui Gavea est
considéré comme un quartier riche, il était à l’époque en pleine industrialisation, et
l’équipe s’entraînait d’ailleurs juste à côté d’une favela (favela do Pinto). D’où
l’imaginaire populaire qui a continué à coller à la peau du club rouge et noir.
Un club de « vautours »
Le second grand moment de gloire du Mengão (surnom de Flamengo) survient donc
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au début des années 40, lorsque la bande de Zizinho mène le club vers un triplé
(1942, 1943, 1944) dans le championnat carioca. Dans les années 60, le championnat
est dominé par Botafogo, puis par Fluminense au début des années 70 ; Flamengo ne
peut rivaliser. Son statut de club des plus défavorisés et la réputation violente de ses
supporters amène les
autres clubs à
caractériser les
flamenguistes de
« vautours ». En 1969,
ces derniers retournent
la situation, et lors de la
finale du championnat
carioca, un supporter
lance un vautour dans le
stade du Maracana.
Flamengo l’emporte après une longue période de disette, et adopte l’animal comme
mascotte et symbole.
L’année 1978 marque le début d’une période faste pour l’équipe rouge et noire,
emmenée par le phénomène Zico. 5 championnats de Rio, 2 championnats brésiliens,
et un motif de gloire pour tout le Brésil : la victoire 3-0 contre Liverpool en finale de
la Coupe Intercontinentale. Flamengo, club de vautours, a réussi à unir tout un
peuple. Ce caractère national le suit jusqu’à aujourd’hui, ce qui fait de lui un club si
spécial. « Je ne vois aucun autre club qui cristallise les supporters, non seulement
d’une ville, mais de tout un pays », poursuit Bernardo Buarque de Hollanda. « En
Europe, du moins. En Argentine, c’est peut-être le cas de Boca Junior ».
Flamengo évolue aussi au rythme de ses supporters, considérés comme les plus
violents de Rio. Lors de la toute récente finale contre Vasco, 9 blessés graves ont été
recensés, et 101 arrestations effectuées. C’est probablement l’oeuvre de la ‘Torcida
Jovem’, groupe de supporters ultras créé en 1967 et reconnu pour ses frasques hors
du terrain, mais aussi pour son engouement les jours de match. D’autres groupes de
supporters viennent également animer les parties, comme notamment le groupe
‘Raça rubo-negro’, qui compte (selon ses propres chiffres) plus de 60.000 adhérents.
Après un trou entre 1992 et 2007, dû notamment à des difficultés économiques,
Flamengo est de nouveau champion du Brésil en 2009, suite à une remontée
exceptionnelle. Mais l’année 2010 marque une énorme crise médiatique avec
l’arrestation de son gardien star, Bruno, accusé d’avoir tué sa maîtresse à cause de
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problèmes d’argent. L’arrivée de Ronaldinho est ainsi venue relancer une saison mal
partie, et fait espérer le meilleur pour le championnat brésilien qui arrive.
Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com – Rio de Janeiro) vendredi 06 mai
Planète football (2)- Retour au pays pour de nombreux
joueurs
En 2010, le Brésil a été le
pays à rapatrier le plus de
joueurs – 135 au total – et
notamment des stars
comme Deco ou
Ronaldinho. Pré-retraite
ou nouveau départ? Si
certains moquent leurs
envies de carnaval, les
explications semblent
avant tout financières
« A chaque fois que je venais à Rio, on me disait de me faire transférer ici, parce que
mon âme est carioca. Ils avaient raison. Je suis très heureux, je suis né avec la
samba dans le sang et ici c’est le royaume du divertissement. J’aime la musique et
lemélange, je voudrais que ma maison soit toujours remplie de gens », a récemment
déclaré Ronaldinho.
Arrivé l’année dernière à Flamengo, provoquant l’ire de son club formateur, Grêmio,
qui ne lui pardonnera sans doute jamais cet affront, Ronaldinho semble heureux là
où il est. D’autant plus que ses potes Ronaldo et Adriano (ce dernier venant d’arriver
aux Corinthians de São Paulo) ont promis de venir écumer les plages cariocas aux
prochaines vacances. Voilà qui n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs à Carlos
Alberto Parreira, sélectionneur du Brésil lors de la Coupe du Monde 2006, qui avait
bien eu du mal à les empêcher de faire la fête les veilles de match.
Mais cela ne s’arrête pas là : l’année dernière, 135 joueurs sont revenus au pays, dont
10 au seul club de Flamengo. Et pas n’importe lesquels, puisqu’il s’agit de joueurs tels
que Roberto Carlos, Deco, Fred, Robinho, bientôt rejoints par Juninho, l’ancien
lyonnais, qui va s’engager avec Vasco de Gama. Le championnat brésilien regorge
! $*!
d’anciennes gloires revenues au pays. Ainsi, quand Corinthians et Fluminense
luttaient pour la tête du Brasileirão, les chocs voyaient s’affronter Ronaldo et
Roberto Carlos d’un côté, Deco et Fred de l’autre. Avantage aux seconds.
Pré-retraite?
Ce qui impressionne le
plus, c’est la moyenne
d’âge des revenants : 29
ans. A bientôt 38 ans et
après une pige en
Ouzbékistan, Rivaldo vient
de s’engager avec le Sao
Paulo FC. En France, son
âge aurait fait reculer tout
le monde. Pas au Brésil.
« Rivaldo sera le cerveau
de notre équipe », affirme
joyeusement Paulo César
Carpegiani, coach de son équipe d’accueil.
Pour quels résultats? Si on ne peut pas encore jauger le niveau de Rivaldo, on peut
s’interroger sur le succès de ceux qui ont jadis semé la terreur dans les défenses
européennes. Sur le plan sportif, le bilan est mitigé. Si Fluminense a bel et bien été
champion, Fred a raté une grande partie de la saison à cause de blessures, et Deco, à
court de condition, était cantonné au banc des remplaçants ; pendant ce temps- là,
son concurrent au poste de meneur de jeu, Conca, empochait le titre de joueur de
l’année. Aux Corinthians, Ronaldo a fait parler son sens du but lorsqu’il a joué, ce qui
n’était pas si fréquent, alors que Roberto Carlos, 40 ans, est resté indéboulonnable
dans son couloir gauche. Enfin, Ronaldinho a réussi à gagner le championnat carioca
avec Flamengo, et même si son niveau de jeu est resté plus que moyen, c’est lui qui
fait gagner la finale d’un coup-franc victorieux.
C’est plus sur le plan économique que ces transferts rapportent. Le président des
Corinthians, Andres Sanchez, ne s’y est pas trompé en misant sur le fait que la venue
de Ronaldo remplirait sans doute plus les caisses que les filets adverses. Et à raison :
le chiffre d’affaires a augmenté de 44% avec l’arrivée d’El Fenomeno, tous les
supporters de Corinthians ont son maillot sur les épaules. Le résultat a été
sensiblement le même pour Flamengo, surtout lorsqu’on voit que chaque but de
Ronaldinho est fêté telle une victoire en finale de Coupe du Monde, et qu’un char lui a
! %+!
même été dédié pour le carnaval.
Une explication : la crise économique européenne
Si les raisons sportives ne
manquent pas pour
expliquer leur retour au
bercail (relancer sa
carrière pour Robinho,
reconversion dans
l’encadrement pour
Ronaldo et Juninho), il
faut aller chercher du côté
des finances européennes
pour comprendre
l’ampleur du phénomène. Ces dernières années, avec une situation économique bien
plus favorable aux pays émergents, et l’impact de la crise économique sur les marchés
occidentaux, les clubs européens ont du fermer leur porte-monnaie. D’autant plus
lorsque le real a atteint un taux record, ce qui a permis aux clubs brésiliens, au
contraire, bien plus de folies.
« Il y a aujourd’hui un important flux de joueurs en raison de la crise économique,
qui a obligé les clubs européens à faire des ajustements dans leurs comptes« ,
affirme Luiz Gonzaga Belluzzo, économiste, ex- secrétaire en politique économique
du ministère du Travail et actuel Président du club de Palmeiras. « Les comptes en
banque réduisent la marge attribuée aux recrutements et la vente de joueurs
étrangers, c’est un peu le coup de main des athlètes pour alléger la masse
salariale« , complète-t-il. Le phénomène se fait également ressentir en volley.
Une parfaite illustration de ce phénomène est le cas de Robinho, qui est revenu jouer
pour Santos pendant 6 mois l’année dernière. Acheté 42 millions d’euros par
Manchester City en 2008, le joueur a été prêté sans aucun coût pour le club brésilien.
De cette manière, le club anglais fait quant à lui une économie, pour 6 mois, de 5,25
millions d’euros en salaire. D’autant plus que Robinho n’a pas eu l’effet marketing
d’un Cristiano Ronaldo ou d’un Kaka au Real.
On le voit, le phénomène satisfait des deux côtés. Les clubs font des économies sur
des joueurs qui, avouons-le, avaient des difficultés à continuer à être dominants en
Europe. Quant aux joueurs, ils se refont une santé dans un championnat au niveau
moins soutenu, et dans lequel ils sont de véritables stars. Ainsi, Ronaldinho espère
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réintégrer la Seleção en jouant pour Flamengo, tout en bénéficiant d’un salaire
(30.000 euros par jour). « Ronaldinho a ce qu’il mérite, on parle là de quelqu’un qui
a un talent hors du commun », commente son copain Ronaldo, qui est lui devenu
recruteur pour les Corinthians. Qui sait, peut-être suivront-ils ensuite le même
chemin que Bebeto ou Romario, devenus politiciens et élus députés.
Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com – São Paulo) jeudi 28 avril 2011
Le onze de départ des rapatriés brésiliens : Ronaldo – Alex Silva, Edmilson e RobertoCarlos;
Corrêa, Juninho e Robinho; Adriano, Vágner Love, Fred e Ronaldinho.
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