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HAL Id: tel-02145980 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02145980 Submitted on 3 Jun 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Violences et souffrances en milieu hospitalier : le cas des infirmiers du gouvernorat de Tunis Donia Remili To cite this version: Donia Remili. Violences et souffrances en milieu hospitalier : le cas des infirmiers du gouvernorat de Tunis. Psychologie. Conservatoire national des arts et metiers - CNAM; Université des lettres, arts et sciences sociales - Tunis I. Faculté des sciences humaines et sociales, 2019. Français. NNT: 2019CNAM1229. tel-02145980

Violences et souffrances en milieu hospitalier: le cas des

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Violences et souffrances en milieu hospitalier: le cas des infirmiers du gouvernorat de TunisSubmitted on 3 Jun 2019
HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
Violences et souffrances en milieu hospitalier : le cas des infirmiers du gouvernorat de Tunis
Donia Remili
To cite this version: Donia Remili. Violences et souffrances en milieu hospitalier : le cas des infirmiers du gouvernorat de Tunis. Psychologie. Conservatoire national des arts et metiers - CNAM; Université des lettres, arts et sciences sociales - Tunis I. Faculté des sciences humaines et sociales, 2019. Français. NNT : 2019CNAM1229. tel-02145980
Soutenue le : 15 Avril 2019
Pour obtenir le grade de : Docteur du Conservatoire National des Arts et
Métiers et de l’Université de Tunis
Discipline/ Spécialité : Psychologie Sociale/ Psychologie
VIOLENCES ET SOUFFRANCES EN MILIEU
HOSPITALIER :
École Doctorale Abbé Grégoire
et le Développement (CRTD)
Ecole doctorale Structures, Systèmes,
Sciences Humaines et Sociales Unité de recherche TransmissionTransition
Mobilité.
JURY : Monsieur OBERTELLI Patrick Professeur, CentraleSupélec. Paris.
Monsieur KRIDIS Noureddine Professeur, Université de Tunis.
Madame COHEN-SCALI Valérie Professeur, Inetop-Cnam.Paris.
Madame COSTALAT-FOUNEAU Anne-Marie Professeur, Université de Montpellier III
Monsieur NACEUR Abed El Majid Professeur, Université Virtuelle de Tunis.
THÈSE dirigée par : Madame COHEN-SCALI Valérie Professeur, Inetop-Cnam.Paris
Monsieur KRIDIS Noureddine Professeur, Université de Tunis.
« [...] en faisant partie du monde social que nous
étudions, nous créons la société autant qu'elle nous crée
et les analyses que nous développons participent
également à sa transformation ».
(Chantal, 1998, p. 34)
Dédicaces
A la grande dame, …que j’ai aimé plus que tout au monde : ma très chère maman, ton amour,
et ton soutien inépuisable, m’ont donné la patience et la persévérance pour pouvoir achever
cet ouvrage.
Avec toute ma reconnaissance…
A la mémoire de mon père, Que ce modeste travail, et ce jour mémorable, soient le fruit de tes
attentes et de tes rêves tant attendus, que tu n’as, hélas, pas eu le temps de voir réalisés
…repose en paix.
Mon très cher et adorable Waël, ta présence a donné sens à ma vie, tu es la source de mon
bonheur et de ma créativité.
A tous les membres de ma famille, en particulier ma sœur Monia REMILI et mes frères Yahia
et Mohamed Salah REMILI, qui ont cru en moi, et qui m’ont donné, le courage et le soutien,
tout au long, de ce parcours doctoral, et qui étaient la bouffée d’oxygène dans les moments
difficiles. Que ce travail soit le témoignage de ma profonde gratitude…
Remerciements
« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur ; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries ».
Marcel Proust
Je tiens à remercier Madame Valérie Cohen-Scali, Codirectrice de thèse, Professeure
à Inetop-Cnam, et directrice du laboratoire « CRTD » au Cnam, qui m’a encadré tout au long
de cette thèse et qui m’a beaucoup enseigné avec la justesse de ses conseils. Qu’elle soit aussi
remerciée pour sa gentillesse, sa disponibilité permanente et pour sa patience et sa
bienveillance.
Je remercie Monsieur Noureddine Kridis, Codirecteur de thèse et Professeur à
l’Université de Tunis. Cette thèse est le fruit de ses précieux conseils, et son soutien continu
durant des années. Me considérant, l’une de ses disciples, je reconnais, que j’ai appris à ses
côtés, le sens de la rigueur et de la précision.
Mes plus sincères remerciements vont à Monsieur Patrick Obertelli, Professeur à l'Ecole
Centrale de Paris, qui a accepté avec grand cœur d’évaluer mon travail et d’être Président du
jury de thèse. Qu’il soit remercié pour sa disponibilité et son amabilité.
J’adresse tous mes sincères remerciements à Mme Anne Marie Costalat-Founeau,
Professeure à l’Université de Montpelier III, ainsi qu’à Monsieur Abed Majid Naceur,
Professeur et Directeur à l’Institut de l’éducation et de la formation continue de Tunis, de
l’honneur qu’ils m’ont fait en acceptant d’être rapporteurs de cette thèse. Je connais la charge
de travail qui est la leur, et ma gratitude pour leur présence à ce jury n’en est que plus grande.
Je remercie également, Monsieur, Jean-Luc Bernaud, Professeur des Universités à
Inetop-Cnam, et Madame Anne-Marie Vonthron, Professeure des Universités à Paris X. Qui
ont accepté avec grand cœur, d’être membres du jury au comité de suivi de thèses, et qui m’ont
aiguillée avec leurs conseils sur le bon chemin de la recherche.
J’exprime ma gratitude à Monsieur Ahmed Khouaja, Professeur à l’Université de Tunis,
et Directeur de l’Unité de recherche, « Transmission, Transition, et Mobilité », qui m’a fourni
l’aide financière et morale, dans mon travail de recherche.
Un grand Merci aussi à Monsieur Mohamed Ali Ben Zina, Professeur à l’Université de
Tunis, pour son soutien continu, sa précieuse aide, et ses pertinents conseils, tout au long de
mon parcours doctoral.
Mes sincères remerciements s’adressent aussi au Docteur Haythem Meganem, qui m’a
soutenu, avec sa précieuse expérience de médecin. Qu’il soit remercié, pour tous ses
encouragements.
J’exprime ma grande reconnaissance à Madame Raoudha Gemara, Professeure en
Histoire à l’Université de Tunis, qui a toujours été ma marraine et mon soutien durant tout
mon cursus en psychologie.
Enfin, je tiens à remercier toutes les personnes, qui m’ont aidé de près ou de loin, à mener
à bon port ce travail. Je tiens à remercier aussi tous les médecins, les infirmiers, et tout le
personnel de santé qui ont accepté de collaborer, et de contribuer à la réalisation de cette
recherche.
RESUME
« Le cas des infirmiers du gouvernorat de Tunis »
Des études récentes confirment que la violence au travail dans le secteur de la santé est universelle,
malgré certaines différences locales et culturelles. Elle impacte aussi bien les hommes que les femmes.
(Di Martino, 2002). Cette recherche, s’attache à décrire les perceptions de la violence et de la souffrance
chez ces professionnels de santé, à travers l’évaluation de la perception des risques psychosociaux, par
les infirmiers et ce, dans les services des urgences, et d’hospitalisation à Tunis.
Il s’agit de souffrances délétères multiples, qui se teintent du stress, et du burn out, s’alimentent de
l’anxiété, s’amplifient par un système organisationnel défaillant et une qualité relationnelle
inconsistante. Il s’agit d’une étude, descriptive, transversale, prospective, portant sur une population
d’infirmiers, exerçant dans trois hôpitaux répartis sur des services d’urgence et des services
d’hospitalisation. L’étude est divisée, en parties ; exploratoire, quantitative et qualitative. Le cadre de
référence général, étant l’approche systémique, notamment par Brondenfenbrenner (1979), ainsi que ;
dans le domaine del’organisation, par Mintzberg, et en communication, par l’école Palo Alto…,
associée, essentiellement, à l’approche transactionnelle sur le stress et le coping, ainsi que l’approche
humaniste en sciences infirmières ; (en matière de la relation soignant-soigné).
Mots clés : Risques psychosociaux, violence externe, infirmiers, services des urgences, services
d’hospitalisation, patient, accompagnant, communication, relation d’aide
Abstract Violence and suffering in hospitals:
“The case of the nurses of the governorate of Tunis”
Recent studies, confirm that workplace violence in the health sector is universal, despite some local and
cultural differences. It affects both men and women. (Di Martino, 2002). This research attempts to
describe the perceptions of violence and suffering within these health professionals through the
evaluation of perception of psychosocial risks by nurses in the emergency and hospitalization
departments in the governorate of Tunis. It is about multiple deleterious sufferings: which are tinged
with stress and burn out, fed with anxiety, and amplified by a faulty organizational system, and an
inconsistent relational quality. It is a descriptive cross-sectional prospective study of a nursing
population working in three hospitals distributed over emergency and hospitalization departments. The
study isdivided into exploratory, quantitative and qualitative parts. The general frame of reference, being
the systemic approach, notably by Brondenfenbrenner (1979), as well as; in the field of organization, by
Mintzberg, and in communication, by the school Palo Alto ..., associated, essentially, with the
transactional approach on stress and coping (), as well as the humanistic approach to nursing (Healer-
healed relationship).
departments, patient, accompanying person, communication, helping relationship.
i
1- CLIMAT SOCIOPOLITIQUE EN TUNISIE ET CLIMAT ORGANISATIONNEL AU
TRAVAIL : «Une mise en parallèle possible » ............................................................................... 6 1.1- Climat sociopolitique et violences après la révolution Tunisienne (2011) .............................. 6 1.2- Climat organisationnel : fondement théorique ......................................................................... 8 1.3- Climat de travail et son lien avec les agressions et les violences à l’hôpital ......................... 25
2- L’HOPITAL COMME ORGANISATION DE TRAVAIL : «Et le service d’urgence
comme interface entre le climat social, et organisationnel» ......................................................... 27 2.1- Paradoxes à l’hôpital : Un lieu sanctuaire de soins ou un terreau de stress et de violence .... 27 2.2- Caractéristiques générales de la violence externe en milieu de soins .................................... 28 2.3- Profession infirmière : Définition, spécificités, formations et identité professionnelle ......... 30 2.4- Les spécificités du service des urgences ................................................................................ 34 2.5- Le cadre législatif de la profession infirmière En France et en Tunisie ................................ 40
3- LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX : « Le cas particulier de la violence au travail » ... 43 3.1- Risques psychosociaux (RPS) : Essai de définition et état des lieux ..................................... 43 3.2- Violence : Un champ conceptuel varié .................................................................................. 46 3.3- Les modèles explicatifs de la violence au travail ................................................................... 55 3.4- Typologies de la violence en général et au travail en particulier ........................................... 57
4- FACTEURS, MANIFESTATIONS ET CONSEQUENCES DE LA VIOLENCE AUX
SERVICES D’URGENCES ............................................................................................................ 66 4.1- Perception de la violence par le soignant et le patient ou sa famille ..................................... 66 4.2- Facteurs de violence au travail ............................................................................................... 69 4.3- Manifestations de la violence repérées au travail .................................................................. 74 4.4- Les conséquences de la violence au travail, sur la santé des infirmiers aux urgences ........... 76 4.5- Les réactions psychologiques liées à la violence au travail ................................................... 83 4.6- Phénomène de la sous-déclaration de la violence chez soignants (infirmiers) ...................... 85
Table des matieres
ii
5- LE STRESS, DANS TOUS SES ETATS CHEZ LES SOIGNANTS : « Quand l’infirmier
devient malade au service des urgences » ...................................................................................... 89 5.1- Le stress au travail dans tous ses états ................................................................................... 89 5.2- « Burn out » ou le syndrome d’épuisement professionnel : Le cas du soignant .................... 93 5.3- Bore-out : quand l’épuisement émane de l’ennui au travail .................................................. 98 5.4- Le brown out : Une souffrance du non-sens du travail ........................................................ 100 5.5- Le stress post-traumatique : ou syndrome psycho-traumatique, en milieu professionnel ... 101 5.6- Violence, et certains troubles psychosociaux ...................................................................... 105
6- STRATEGIES DE COPING CHEZ LES INFIRMIERS FACE A LA VIOLENCE ET
AUX SITUATIONS STRESSANTES .......................................................................................... 108 6.1- La violence contre les infirmiers: De la souffrance à la défense ......................................... 108 6.2- Fondements théoriques du coping et présentation du modèle de Lazarus & Folkman
(1984)…… .................................................................................................................................... 109 6.3- Les stratégies d’adaptation utilisées par les infirmières selon la littérature : y’a-t-il des
spécificités au métier ? .................................................................................................................. 115 6.4- Les stratégies : entre coping et défense : un continuum de lutte contre la souffrance au
travail…… .................................................................................................................................... 121
7- DYNAMIQUE RELATIONNELLE ET COMMUNICATIONNELLE ENTRE
L’INFIRMIER, LE PATIENT ET SA FAMILLE ..................................................................... 127 7.1- La communication et la relation soignant-soigné en milieu de soins .................................. 127 7.2- Lecture systémique du dysfonctionnement communicationnel et relationnel dans un milieu de
soins : fondements théoriques ....................................................................................................... 128 7.3- L’approche humaniste des pratiques relationnelles de soin selon le modèle du caring : De la
théorie à la pratique ....................................................................................................................... 134
8- LA PREVENTION : «Epine dorsale de lutte contre la violence aux urgences » .......... 143 8.1- Processus de la prévention de la violence ............................................................................ 143 8.2- Prise en charge d’une victime de violence externe .............................................................. 146 8.3- Prévention de la violence : « le cas des infirmiers aux services des urgences » .................. 147 8.4- Quelques balises socio-psychologiques comme panacée à la violence à l’hôpital .............. 148
9- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES .......................................................................... 155 9.1- Problématique ...................................................................................................................... 155 9.2- Hypothèse générale de la recherche ..................................................................................... 159 9.3- Pertinence de l’étude ............................................................................................................ 163
PARTIE II : CADRE EMPERIQUE .................................................................................. 165
1- METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ...................................................................... 166 1.1- Choix méthodologique ......................................................................................................... 166 1.2- Partie quantitative exploratoire : Etude descriptive ............................................................. 166 1.3- Deuxième partie de l’étude : (Volet quantitatif et volet qualitatif) ...................................... 174 1.4- Cadre de référence théorique de la recherche ...................................................................... 195
2- RESULTATS ........................................................................................................................ 199 2.1- Résultats du questionnaire : étude quantitative exploratoire ............................................... 199 2.2- Résultats du volet quantitatif (2 ieme partie : Outils psychométriques et variables d’interêt . 216 2.3- Résultats du volet qualitatif : Analyse thématique du contenu ............................................ 248
Table des matieres
iii
2.4- Résultats du volet qualitatif : Etude de cas : « Les maux en mots des infirmiers à l’hôpital M-
S- La Marsa » ................................................................................................................................ 267
3- INTERPRETATION ET DISCUSSION DES RESULTATS « Entre le réel et le conceptuel
»…… ................................................................................................................................................ 288
3.1- Axe I : LES CARACTERISTIQUES GENERALES DU PHENOMENE DE LA VIOLENCE
ET DU STRESS DANS LE CONTEXTE TUNISIEN, ET AILLEURS….................................. 289
3.2- Axe II : INTERPRETATION DES RESULTATS DU VOLET QUANTITATIF DE
L’ETUDE (N=60) :« Quand les RPS s’entremêlent en milieu de soins » .................................... 298
3.3- Axe III : INTERPRETATION DES RESULTATS DE LA PARTIE QUALITATIVE :
Analyse de contenu et Etude de cas .............................................................................................. 323
4- RECOMMANDATIONS-PREVENTION : «Des balises de lutte contre la violence aux
services d’urgences en Tunisie ». .................................................................................................. 344 4.1- Analyse de réflexion systémique de la prévention de la violence externe contre les infirmiers
aux services des urgences ............................................................................................................. 344 4.2- Recommandations –prévention contre la violence au service d’urgence ............................ 346
Limites de l’étude .............................................................................................................................. 356 Perspectives… .................................................................................................................................... 359
CONCLUSION ..................................................................................................................... 362
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 370
iv
Figure 2: Structure organisationnelle divisionnelle selon Sloan, (1875–1966) .................................................... 14
Figure 3: Structure organisationnelle matricielle selon J. Galbraith (les années 70). ........................................... 14
Figure 4: Structure organisationnelle de Mintzberg (1990).................................................................................. 15
Figure 5: Liens de causalité entre risques psychosociaux, selon (l’ARACT, 2009, p. 21) ................................... 45
Figure 6: Burn out et bore out selon Bourion & Trébucq (2011) ......................................................................... 99
Figure 7: Répartition de la population selon le sexe........................................................................................... 168
Figure 8: Répartition de l’échantillon selon le type de formation ; (ancien régime/nouveau régime)................ 168
Figure 9: Répartition des répondants, selon le type de formation ; (ancien régime/nouveau régime) ................ 169
Figure 10: Trace d’effondrement des valeurs propres ou (Scree Plot) ............................................................... 178
Figure 11: Choix du service selon les infirmiers ................................................................................................ 199
Figure 12: Image de la profession d’infirmière selon les infirmiers ................................................................... 200
Figure 13: Le service le plus exposé à la violence, selon la perception des infirmiers ...................................... 200
Figure 14: Répartition des infirmiers selon qu’ils soient exposés ou non à la violence dans les 12 derniers ..... 201
Figure 15: Répartition des infirmiers ayant subi ou non des actes de violence selon leur appartenance aux services
d’urgence ou d’hospitalisation. ........................................................................................................... 201
Figure 16: Profil de l’auteur de la dernière violence subie par l’infirmier ......................................................... 202
Figure 17: Répartition des actes de violence selon le sexe de l’agresseur .......................................................... 202
Figure 18: Facteurs générateurs de violence selon la population ....................................................................... 204
Figure 19: Changement d’attitude de soins des infirmiers, envers les patients après un acte violent ................ 205
Figure 20: Consultation en psychiatrie suite à un acte de violence, pour des raisons psychologiques ou
psychiatriques durant les 12 derniers mois ......................................................................................... 206
Figure 21: Penser à demander une mutation dans un autre service .................................................................... 207
Figure 22: Penser à changer complètement du métier ........................................................................................ 208
Figure 23: Réactions immédiates, par les infirmiers suite à un acte violent ....................................................... 208
Figure 24: Réactions différées, par les infirmiers suite à un acte violent ........................................................... 209
Figure 25: Caractéristiques de l’organisation du travail selon la perception de la population ........................... 210
Figure 26: Répartition de la population selon la perception ............................................................................... 211
Figure 27: Facteurs de stress selon la perception des infirmiers ........................................................................ 211
Figure 28: Perception des infirmiers de l’importance de la relation d’aide dans les soins ................................. 213
Figure 29: Formation des infirmiers en matière de gestion du stress. ................................................................ 214
Figure 30: Formation en matière de gestion de violence .................................................................................... 214
Figure 31: Lien entre la dimension « communication organisationnelle » du QCP-CRISO et âge .................... 217
Figure 32: Lien entre la dimension « Caractéristiques du travail en équipe » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types de services de soins. ............................................................................................ 219
Liste des figures
Figure 33: Lien entre la dimension « Contraintes organisationnelles » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types de services de soins. ............................................................................................ 219
Figure 34: Lien entre la dimension « Place du travailleur dans l’organisation » du QCP-CRISO (version adaptée
aux infirmiers) et types de services de soins....................................................................................... 220
Figure 35: Corrélation entre la dimension « Climat relationnel au sein de l’équipe » du QCP-CRISO (version
adaptée aux infirmiers) et la composante « Dépersonnalisation » du burn out................................... 222
Figure 36: Liens entre la dimension « Climat général de l’organisation » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types de violences. ........................................................................................................ 224
Figure 37: Liens entre la dimension « Relation avec la hiérarchie » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types de violences subies. ............................................................................................. 224
Figure 38: Liens entre l’âge et la moyenne des scores des PRS actuelles .......................................................... 227
Figure 39: Liens entre le type de service de soins et la moyenne des scores des PRS privilégiées .................... 227
Figure 40: Liens entre le type de service de soins et la moyenne des scores des PRS actuelles ........................ 228
Figure 41: Liens entre la dimension Dépersonnalisation et moyenne des scores des PRS actuelles .................. 229
Figure 42: Liens entre le JG1 et le type d’hôpital .............................................................................................. 233
Figure 43: Liens entre dépersonnalisation et types de services de soins ............................................................ 236
Figure 44: Liens entre l’âge et l’anxiété, chez les infirmiers de l’échantillon. ................................................... 240
Figure 45: Liens entre le type de services de soins et l’échelle HAD ................................................................ 241
Figure 46: Liens entre l’ancienneté au travail et la moyenne des scores de la dépression. ................................ 241
Figure 47: Les différents types de l’estime de soi chez les infirmiers de l'échantillon ....................................... 242
Figure 48: Liens entre la variable type du service de soins et la moyenne des scores de l’estime de soi ........... 243
Figure 49: Liens entre la dimension « Emotion » du coping et catégories d’âge. .............................................. 245
Figure 50: Liens entre la dimension « Diversion sociale » du coping et catégories d’âge. ................................ 245
Figure 51: Liens entre le coping « Tâche » et services de soins ......................................................................... 246
Figure 52: Schéma Analyse systémique de la prévention de la violence contre les infirmiers aux services des
urgences (contexte tunisien) ; (Modèle Inspiré de la logique systémique du modèle écologique pour le
développement humain de Bronfenbrenner (1979) et de l’INRS (2014). ........................................... 345
Figure 53: Pyramide de Maslow (1940) ...................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 54: Transposition de la pyramide d’A. Maslow, aux besoins hiérarchisés des travailleurs par Françoise
Boissières (2002) ......................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 55: Lien entre la dimension « Contraintes organisationnelles » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types d’hôpital ....................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 56: Lien entre la dimension « Climat général de l’organisation » du QCP-CRISO (version adaptée aux
infirmiers) et types d’hôpital. ...................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 57: Corrélation entre le score moyen global du QCP-CRISO (version adaptée aux infirmiers) et ancienneté
au travail. ..................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 58: Liens entre le type d’hôpital et les PRS privilégiées .................................. Erreur ! Signet non défini.
Figure 59: Liens entre le type d’hôpital et les PRS actuelles ...................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 60: Liens entre le type d’hôpital et les PRS (privilégiées 1 ; actuelles 2 ; et l’écart entre les deux 3)
..................................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 61: Liens entre le JG1 et les types de services ................................................. Erreur ! Signet non défini.
Figure 62: Liens entre le JG1 et les types de violence ................................................ Erreur ! Signet non défini.
Figure 63: Liens entre le JG1 et les réactions des infirmiers face à la violence .......... Erreur ! Signet non défini.
Figure 64: Liens entre QSPT et ancienneté au travail. ................................................ Erreur ! Signet non défini.
Figure 65: Liens entre QSPT et type d’hôpital ............................................................ Erreur ! Signet non défini.
Liste des figures
vi
Figure 66: Liens entre la variable type d’hôpital et la moyenne des scores de l’Echelle HAD.Erreur ! Signet
non défini.
Figure 67: Liens entre anxiété et Violence .................................................................. Erreur ! Signet non défini.
Figure 68: Liens entre dépression et Violence ............................................................ Erreur ! Signet non défini.
Figure 69: Liens entre la moyenne des scores de l’estime de soi et les types de violenceErreur ! Signet non
défini.
Figure 70: Liens entre le coping « Evitement » et les types de service de soins ......... Erreur ! Signet non défini.
Figure 71: Liens entre le coping « Tâche » et types de violence ................................. Erreur ! Signet non défini.
Figure 72: Liens entre le coping « Emotion » et types de violence ............................. Erreur ! Signet non défini.
Figure 73: Liens entre le coping « Evitement » et types de violence .......................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 74: Liens entre le coping « Distraction » et types de violence ......................... Erreur ! Signet non défini.
Figure 75: Liens entre le coping « Diversion sociale » et types de violence ............... Erreur ! Signet non défini.
vii
Tableau 2: Répartition de l’effectif selon les carctéristiques soicodémographiques et socio-professionnelles.. 167
Tableau 3: Répartition des répondants selon l’âge ............................................................................................. 167
Tableau 4: Répartition des infirmiers selon les différents hôpitaux ................................................................... 169
Tableau 5: Répartition des infirmiers selon les services de soins et selon les hôpitaux (N=202). ..................... 199
Tableau 6: Moment de survenue de l’acte de violence, sur le lieu du travail ..................................................... 203
Tableau 7: Comparaison entre les infirmiers ayant subi la violence, dans les services d’urgences VS services
d’hospitalisation. ................................................................................................................................ 203
Tableau 8: Acceptation ou refus de l’infirmier de soigner les usagers agressifs après un acte violent .............. 205
Tableau 9: Les motifs incitants les infirmiers à consulter en psychiatrie ........................................................... 206
Tableau 10: Répartition des infirmiers selon qu’ils ont bénéficié d’une formation spécifique dans le domaine
relationnel ou non ............................................................................................................................... 214
Tableau 11: Données descriptives sur les 7 dimensions de QCP-CRISO adapté selon notre échantillon.......... 217
Tableau 12: Climat organisationnel et types de services ; (services d’urgence vs services d’hospitalisation) .. 218
Tableau 13: Mesure de corrélation entre certaines dimensions du climat organisationnel et les trois scores moyens
du JSS ................................................................................................................................................. 221
Tableau 14: Mesure de corrélation entre la dimension « caractéristique du travail en équipe » du (QCP-CRISO)
et la dimension « Evitement » du QSPT ............................................................................................. 222
Tableau 15: Mesure de corrélation entre la dimension « Place du travailleur dans l’organisation » du (QCP-
CRISO) et l’échelle HAD ................................................................................................................... 223
Tableau 16: Mesure de corrélation entre la dimension « Place du travailleur dans l’organisation » du (QCP-
CRISO) et l’échelle HAD ................................................................................................................... 225
Tableau 17: Moyenne, Ecart-type, Etendu et coefficient de variation des trois dimensions des PRS ............... 226
Tableau 18: Mesures de corrélations entre stress perçu (JSS) et les trois dimensions de PRS .......................... 228
Tableau 19: Mesures de corrélations entre l’échelle de HAD et PRS ................................................................ 230
Tableau 20: Moyenne et écart-type et Etendu des 7 variables de l’interaction infirmier-famille du patient de
l’échelle PRS ...................................................................................................................................... 231
Tableau 21: Moyenne, Ecart-type et Etendues des différents scores du JSS et ses sous-dimensions) ............... 232
Tableau 22: Liens entre JSS et coping ............................................................................................................... 234
Tableau 23: Effectifs et pourcentages des infirmiers selon les degrés de burn out selon notre échantillon ....... 234
Tableau 24: Moyennes des scores des dimensions de l’inventaire de burn out selon notre échantillon ............ 234
Tableau 25: Répartition de l’échantillon selon les degrés de l’épuisement émotionnel. .................................... 235
Tableau 26: Répartition de l’échantillon selon les degrés de la dépersonnalisation. ......................................... 235
Tableau 27:Répartition de l’échantillon selon les degrés de l’accomplissement personnel. .............................. 235
Tableau 28: Mesure de corrélation entre le burn out et le QSPT ....................................................................... 237
Tableau 29: Moyennes des scores et Ecart-type du QSPT et ses dimensions composites ................................. 238
Liste des tableaux
viii
Tableau 30: Moyenne, Ecart-type, et Etendu (Max-Min) des scores de l’Echelle HAD, et ses dimensions
composites. ......................................................................................................................................... 239
Tableau 31: Moyennes et écart-types des 5 dimensions de coping utilisées par les infirmiers de l’échantillon 244
Tableau 32: Liens entre l’Echelle de CISS et services de soins ......................................................................... 246
Tableau 33: Analyse thématique des entretiens ................................................................................................. 249
ix
ACP : Analyse en Composantes Principales
AIIC : Association des Infirmi-res et Infirmiers du Canada
AMT : Agression en Milieu du Travail
ANOVA : Analyse de Variance Univariée
AP : Accomplissement Personnel
APIC : Approche Préventive Intervention Contrôlée (Formation en gestion de l'agressivité et gestion de
la violence en milieu professionnel).
ARACT : Association Régionale pourl’Amélioration des Conditions de travail.
ASSTSAS : Association sectorielle paritaire de prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles pour les travailleurs du secteur des affaires sociales
AVG : Actes de Violence Graves
BDI : Beck Depression Inventory
BO : Burn Out
C= f (PxE) : Le Comportement est en fonction de la Personnalité et de l’Environnement
CAAT : Comportements Anti Sociaux au Travail
CCASS : Le Centre communal d’action sociale et de la Santé
CCCSI : Le Comité consultatif canadien sur les soins infirmiers
CE : Communauté Européenne
CH : Centre Hospitalier
CII : Conseil des Infirmières et Infirmiers du Canada
CIM : Classification Internationale des maladies
CISS : Coping Inventory for Stressful Situations
CMI : Certificat Médical Initial
CREAI : Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée Auvergne-Rhône-Alpes
CSST : Commission de la santé et de la sécurité du travail au Québec
CUSM : Centre Universitaire de Santé McGill
DP : Dépersonnalisation
DSM-IV : Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième édition (1994).
EE : Epuisement Emotionnel
EMAS : Endler Multidimensional Anxiety Scales
Liste des abreviations
ESPT : Etat de Stress Post Traumatique
EUROGIP : Organisme français chargé d'étudier les questions relatives aux accidents du
travail/maladies professionnelles au niveau européen.
EWCS : Enquêtes européennes sur les conditions de travail
FIIQ : Fédération des Infirmiers et Infirmières du Québec.
FGS : Fédération Générale de la Santé
HAD: Hospital Anxiety & Depression
IAO : Infirmier d’Accueil et d’Orientation
ICN : Conseil International des Infirmiers
ILO/ICN/WHO/PSI: Workplace violence in the health sector, country case studies research
instruments-survey questionnaire English-.
INS : Institut National de Statistiques
ISP : Infirmier de Secteur Psychiatrique
ISST : Institut de Santé et de Sécurité au Travail
IUSMM : Institut Universitaire en santé mentale de Montréal
JG1 : Nom de la variable du calcul global (de la fréquence et de l’intensité), du stress perçu (JSS), dans
la présente étude.
JG2 : Nom de la variable du calcul global (de la fréquence et de l’intensité), de la sous-dimension «
manque de soutien organisationnel et de reconnaissance au travail », issue du stress perçu (JSS) dans la
présente étude.
JG3 : Nom de la variable du calcul global (de la fréquence et de l’intensité), de la sous-dimension «
pression au travail », issue du stress perçu (JSS) dans la présente étude.
JSS: Job Stress Survey
JSS-X: Job Stress Index
Khi 2 : Un test du χ², prononcé « khi-deux » ou « khi carré », est un test statistique.
LMD: Licence-Master-Doctorat
MMPI-2 : Inventaire Multiphasique de Personnalité du Minnesota-2 Forme restructurée
M-S : Hôpital Mongi Slim la Marsa à Tunis.
MSSS : Ministère de la Santé et des Services Sociaux
NANDA: North American Nursing Diagnosis Association
NAO: National Audit Office
NIC: Nursing Interventions Classification
NWI-R: Nursing Work Index-Revised
OCQ : Organizational Climate Questionnaire
OIIQ : Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec
OIT : Organisation Internationale du Travail
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONI : Ordre National des Infirmières
ONVH : Observatoire National contre la Violence en milieu Hospitalier
ONVS : Observatoire National des Violences en milieu de Santé
OST : Organisation Scientifique du Travail
PIB : Produit Individuel Brut
QSPT : Questionnaire du Stress Post Traumatique
RN : Référents Noyaux
RPS : Risques Psychosociaux
RPS-DU : Outil d’évaluation des Risques Psycho-Sociaux (selon l’INRS, 2013).
SAMU : Service d’Assistance Médicale Urgente
SDF : Sans Domicile Fixe
SMUR : Service Mobile d’Urgence et de Réanimation
SOLVE : programme global de formation et d’action de l’OIT
SOP : Soutien Organisationnel Perçu
SUMER : L'enquête SUMER ; (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques
professionnels)
UdeM : Modèle humaniste des soins infirmiers ; Université de Montréal.
UNIFAT : Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée
à but non lucratif
VS: Versus
WES: Work Environnement Scale
Remili.D Thèse de doctorat en psychologie 1 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris) 2019
INTRODUCTION
« Je suis une victime de violence (...).
Ce service, d’urgence, est comme un champ de bataille, on subit la violence d’une manière
quasi quotidienne, et on en voit de toutes les couleurs. Malheureusement personne ne comprend
notre souffrance. Aucune mesure, n’est faite pour assurer notre sécurité et notre dignité. On a
fini par accepter cette face sombre de notre profession... »
Témoignage d’une infirmière au
Service d’urgence à Tunis
(Extrait de : « Discours d’une infirmière tunisienne, 2016)
La violence, est un fléau qui sévit, de plus en plus, dans notre société, surtout ces dernières
années. Un fléau qui n’a épargné aucun secteur de la société, y compris les milieux de travail,
puisqu’ils représentent, somme toute, des sociétés dans la société. Il se trouve que certains
métiers sont touchés, plus que d’autres, par la violence comme, pour notre étude, celui des
soins. Par ailleurs, ce phénomène ne semble pas être le propre de la société tunisienne,
puisqu’en France, par exemple, ce même constat a été signalé par (l’ONVH, 2011), qui
rapporte, effectivement, des statistiques mettant en évidence une hausse significative du
phénomène entre 2006 et 2009. Estimant que: « les établissements de soins sont les plus exposés
à ce phénomène et que les trois quarts des auteurs de violences sont des patients ». Le nombre
de signalements a atteint 11.021 agressions dans 332 établissements sanitaires en 2011 et 12.
432 agressions en 2014, selon cett emême source.
A noter, en outre, que des organismes internationaux ; (OMS, 2002), le (CII, 2001), déclarent,
de leur côté, que « la violence cause plus de 1,6 Millions de pertes de vie dans le monde chaque
année », «la profession infirmière, constitue le groupe de travailleurs de la santé le plus à
risque, et les infirmières sont les plus vulnérables, (…) jusqu’à 72% des infirmières ne se
sentent pas en sécurité contre une agression au travail. ».
En Tunisie, et à défaut d’une structure dédiée à l’étude et l’observation de ce fléau, (à l’instar
de l’ONVS, en France), il a été démontré à travers le Ministère de la santé ainsi que l'Union des
médecins spécialistes libéraux (UMSL), qu’en 2011, les violences touchant les professionnels
de la santé (personnel médical et paramédical ainsi que les établissements hospitaliers), se
chiffraient à 272 actes de violence. Un phénomène qui, selon les professionnels a pris de
l'ampleur depuis la révolution.
Selon une étude réalisée entre 1990 et 1999, la violence à l’égard des professionnels de santé,
exerçant dans des hôpitaux tunisiens est estimée, à 4.8% de l’ensemble des accidents du travail
déclarés. (Akrout et al., 2003). D’après l’enquête de Debbabi et al, dans deux services
Introduction
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 2 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
d’urgences de sousse, les résultats montrent que c’est la violence verbale qui est la plus
fréquente et que seulement 3% des soignants qui sont victimes de violence physique. (Debbabi
et al., 2006). Et, récemment, suite à une vague de violences successives, perpétrée en 2017, (la
Fédération Générale de la santé, 2012, 2013, 2017, 2018), ainsi que le syndicat des travailleurs
et le Ministère de la santé, en Tunisie, ont décidé d’unir leurs efforts pour endiguer ce problème
qui devient endémique, et continu, dans les hôpitaux tunisiens
Cependant ces chiffres demeurent, toujours selon les experts, en deçà de la réalité, puisque la
plupart de ce genre d’incidents demeurent souvent non-déclarés, donnant, de ce fait, des chiffres
sous évalués, peu concis, et surtout non exhaustifs. Il est à admettre, que ce phénomène et son
évolution, ne sont nullement le propre de la société tunisienne. Il s’agit, plutôt, d’un phénomène
qui tend à se généraliser, et à toucher d’autres populations sous d’autres latitudes.
A l’échelle internationale, l’exemple du Canada mérite d’être retenu, dans la mesure où les
infirmières affirment, dans une étude qui a été menée sur 43 000 infirmières, (Aiken et al, 2001)
que des taux élevés de violence psychologique et de menaces d’agression s’ajoutent aux
nombreux cas de violence physique réelle.
Il est, de ce fait, à déplorer que les hôpitaux, souffrant de la flambée de ce phénomène, qui sont
supposés être des sanctuaires de soins, soient devenus, de plus en plus, des arènes de conflits et
de scènes de violences. Une violence perpétrée le plus souvent, envers le corps médical et
paramédical, et plus particulièrement, contre les infirmiers, qui sont, en général, en contact
direct avec les patients et leurs accompagnateurs, et qui constituent, de ce fait, souvent, la
première prise de contact du malade et des siens avec l’institution hospitalière. Et qui sont sur
la façade de l’hôpital, surtout, dans le cas du personnel des services d’urgence notamment, face
aux patients et leurs familles…
Par ailleurs, en scrutant de plus près ces incidents violents, les statistiques, révèlent qu’en
Tunisie, les services hospitaliers les plus affectés par ce fléau, sont principalement, les services
qui servent d’interface entre les institutions hospitalières et l’extérieur, communément appelés
services « de porte », à savoir les urgences toutes spécialités confondues, surtout ceux des
grands centres hospitaliers. Une donnée qui se confirme, d’ailleurs, par les données de la
littérature internationale,
Les origines de cette violence en milieu hospitalier sont nombreuses et variées. S’il est vrai que
la violence a tendance à s’aggraver en milieu de soins, à la faveur de la détérioration des
relations interpersonnelles occasionnées par les tensions professionnelles qui ne cessent
d’augmenter sous la pulsion et la pression des réformes du secteur, il ne faudrait pas oublier
qu’une partie de la violence familiale et la violence des rues déborde, de plus en plus, sur les
établissements de santé.
Autre révélation importante de notre revue de la littérature, c’est que les raisons déclarées de
ces agressions envers le personnel soignant, qui sont devenues quasi quotidiennes, sont de
supposées défaillances du système de santé, et des prestations de services, en particulier.
Sachant que bon nombre de ces actes de violence sont perpétrés par les accompagnants des
patients, qui expliquent leurs actes, par le constat de défaillances « intolérables » dans le
Introduction
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 3 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
fonctionnement de ces services. Défaillances qui les auraient fait réagir, par peur pour la santé
ou, carrément pour la vie, de leurs patients.
Or, force est de constater que ces supposées défaillances, ne sont pas nouvelles, et ne datent
certainement pas de quelques mois ou années. De ce fait, elles ne pourraient, donc, expliquer,
à elles seules, cette flambée du phénomène. Bien qu’il soit vrai, aussi, qu’auparavant, on notait,
tout de même, quelques agressions de ce type, mais pas au point où ont évolué les évènements
depuis 2011.
Par ailleurs, et en se référant, dans ce même sens, à certaines études européennes, notamment
en France, où on a beaucoup travaillé sur le sujet, certains chercheurs sont arrivés à constater,
à travers des chiffres alarmants, la gravité de ce fléau qui ne cesse d’augmenter. A l’instar des
chiffres avancés par l’ONVS, en démontrant effectivement que les déclarations ont évolué de
plus de 13% par rapport à l’année précédente, en particulier parce que les structures de soins
s’engagent davantage à lancer des procédures de plaintes. Ces études signalent, que les actes
violents ne cessent de s’intensifier en gravité : 80% des actes de violences sont, en effet, de type
physique et ils sont orientés à l’encontre des soignants. (ONVS, 2011). Il convient de rappeler
que cette structure a, d’ailleurs été mise en place en France, après une prise de conscience de la
part des autorités, concernant une hausse flagrante des formes de violence. Nous-nous
réfèrerons souvent, dans notre étude à l’expérience française qui nous sera utile dans la mesure
où elle nous fait constater que ce phénomène est généralisé, abstraction faite du contexte
culturel tunisien.
Notons ici, que notre objet d’étude sera, plutôt, centré sur les axes, mettant en lumière, d’une
part, les différents facteurs contribuant à l’exacerbation de la violence, en particulier, si elle est
associée à d’autres risques psychosociaux ; (le stress, le burn out, …), et si elle s’accompagne
d’une défaillance communicationnelle, et d’une détérioration relationnelle entre le soignant et
le soigné. Et d’autre part, tenter de décrypter les stratégies de coping et de défense, déployées
par les professionnels de la santé, pour y faire face. Rappelons que cette problématique de
violence, ne peut être explorée, sans la lier à son contexte sociopolitique, et professionnel. Et
ce, dans une perspective globale, multidimensionnelle, et interactionnelle.
Il faut reconnaitre qu’aborder le sujet de la violence, pourrait décourager certains chercheurs
vue sa complexité… Et ce qui nous a essentiellement incités à nous pencher sur la question,
c’est justement, cet aspect complexe et énigmatique du sujet. Une autre considération qui nous
a motivé dans notre recherche, c’est le nombre, particulièrement, réduit des études empiriques
déjà entreprises sur le thème, et qui demeurent très timides, notamment, en matière d’évaluation
de la dimension psychosociale, communicationnelle, et relationnelle.
Sous un autre angle, un autre axe, nous semble, crucial, à prendre en considération dans notre
étude, voire lui accorder une priorité ; c’est celui de la prévention contre la violence en milieu
de soins. Cet axe, n’a pas été pris en compte dans ces recherches, ni, non plus, dans la politique
du système de santé. A travers cet humble travail de recherche, une de nos ambitions, est de
mettre en relief, ce volet, comme clé de voûte, dans ce processus de prévention et de prise en
charge des victimes de violence. Pour ce faire, et à la lumière des résultats que nous allons
obtenir, nous suggérons la mise en place d’un véritable dispositif de prévention et de prise en
Introduction
charge multiaxial ; (socio-psychologique, professionnel, juridique, organisationnel…), inscrit
dans une approche systémique, interactionnelle et dynamique, susceptible de minimiser ce
phénomène de violence externe à l’hôpital, et aux urgences en particulier, et d’assurer plus de
sécurité, de dignité et d’humanité, dans ce monde de la santé.
PARTIE I : CADRE THEORIQUE
1- CLIMAT SOCIOPOLITIQUE EN TUNISIE ET CLIMAT ORGANISATIONNEL AU TRAVAIL .... 6
2- L’HOPITAL COMME ORGANISATION DE TRAVAIL ....................................................................... 27
3- LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX : «Le cas particulier de la violence au travail» ............................. 43
4- FACTEURS, MANIFESTATIONS ET CONSEQUENCES DE LA VIOLENCE AUX SERVICES
D’URGENCES..................................................................................................................................................... 66
5- LE STRESS, DANS TOUS SES ETATS CHEZ LES SOIGNANTS ........................................................ 89
6- STRATEGIES DE COPING CHEZ LES INFIRMIERS FACE A LA VIOLENCE ET AUX
SITUATIONS STRESSANTES ....................................................................................................................... 108
PATIENT ET SA FAMILLE ........................................................................................................................... 127
8- LA PREVENTION ...................................................................................................................................... 143
PARTIE I :
CADRE THEORIQUE
Remili.D Thèse de doctorat en psychologie 6 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris) 2019
1- CLIMAT SOCIOPOLITIQUE EN TUNISIE ET CLIMAT
ORGANISATIONNEL AU TRAVAIL :
1.1- Climat sociopolitique et violences après la révolution Tunisienne
(2011)
Pour aborder un phénomène social comme dans notre cas : la violence, il importe de le situer
par rapport à ses contextes qu’ils soient ; géographique, socio-politique, culturel, voire
économique. La conjoncture de la révolution, qu’a connu la Tunisie, depuis 2011, représente le
contexte sociopolitique général de recherche, à partir duquel, nous allons la décrire brièvement,
afin d’expliquer le paysage social et politique, qui caractérisait la période, durant laquelle se
déroulait notre étude.
Nombreux sont les faits de violence qui se passaient dans notre société, notamment après la
révolution en Tunisie, entrainant ainsi, une grande polémique, dans les médias nationaux et
internationaux, et faisant couler beaucoup d’encre. Nous présentons comme exemple étayant
nos propos, et qui est loin d’être le seul, ce témoignage d’un journaliste tunisien, (Bourial, 2017)
qui décrit cette situation alarmante, en disant ; « Au cœur de Tunis, les agressions et les larcins
se multiplient et peuvent parfois prendre des proportions dramatiques lorsqu’il y a mort
d’homme, agression raciste ou batailles rangées. La violence est devenue endémique et difficile
à juguler. A moins d’un coup de vis véritable et d’une sincère volonté politique de reprendre
les choses en main. (…) A Tunis, les braquages et les agressions en plein jour se multiplient
exponentiellement et révèlent une situation qui, devient dramatique et difficilement contrôlable.
(…) Partout des grappes de voyous qui hantent les rues et se sont littéralement installés au
centre-ville, sur quasiment toutes les artères principales. Les rixes sont quotidiennes et la
violence verbale une règle qui ne choque plus personne. »
En effet, si la violence ne choque plus personne, c’est parce qu’elle est perçue, non pas comme
un comportement anomique, mais plutôt, comme une manière d’être « libre », ou peut-être une
manière d’exister… Dric, et al, (2016) disaient à ce propos que la violence est d'ordre intime,
subjectif, et qu’elle constitue le seul moyen "de s'exprimer, de montrer qu'on existe"(...) et elle
est une forme de l'épanouissement et de libération de l'individu. (Dric et al, 2016) Quel que soit
le résultat objectif, et matériel de la violence, elle est subjectivement libération et satisfaction
morale pour celui qui l'effectue. Même vaincu, le violent a, au moins, la satisfaction intime de
s'être affranchi d'un interdit qui était devenu intolérable. Le citoyen tunisien, suppose être libre
dans ses expressions et dans ses comportements, et il confond, volontiers, cet acquis, avec « la
démocratie », attendue depuis longtemps, et enfin conquise lors de la révolution. Mais s’agit-il
de la liberté ou de la violence ? Et comme disait Boris Cyrulnik: « la violence humaine naît de
la transgression dans la parole et la civilité.»
Force est de constater que cette transgression dans la parole et la civilité, est curieusement,
perçue par les tunisiens comme « liberté ». Il s’agit donc d’une mauvaise interprétation de cette
valeur, qu’ils ont volontiers, confondue avec impunité et liberté sans limites, sans tenir en
compte, les droits des autres. Ce concept « déformé » de la liberté a donné lieu à un
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 7 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
comportement qu’on pourrait qualifier de réactionnel et exagéré. En effet, en guise de liberté
d’expression, nous assistons à une logorrhée le plus souvent stérile, mais aussi, agressive et
violente, où l’on se permet de s’attaquer à qui on veut, sous prétexte de vivre l’expérience de «
la démocratie ». Cette idée nous rappelle la citation de Vaclav : « La violence engendre la
violence. C'est pourquoi la plupart des révolutions se sont perverties en dictatures. » (Vaclav,
1998). En effet, et comme le souligne Jean-Paul Sartre : « La violence est injuste d’où qu’elle
vienne ». Une violence, peu importe par qui elle est perpétrée, ou quand et comment elle
commence, entraine, toujours, la violence, et on se trouve dès lors dans un cercle vicieux de
violence « interminable », et parfois « évolutive ». En fait, la violence rentre, souvent, dans un
processus d’escalade progressive, qui dégénère dans certaines situations de violence verbale
et/ou psychologique, en une violence physique, cataloguée.
Il peut paraitre, incohérent voire inapprochable, le rapprochement entre la violence socio-
politique et organisationnelle. Cependant, revenir sur les écrits sur la violence politique dans
certains pays, comme la Colombie, par exemple, telle qu’explicitée par (Favaro, 2010), serait
une illustration digne d’intérêt et de réflexion, notamment dans le va et vient qu’il établit entre
violence politique et violence organisationnelle. (Dejours, 2005), aussi, écrit dans la continuité
de ces deux contextes, (politique et professionnel), et les climats qui les caractérisent. « Mieux
l’organisation du travail permet l’activité déontique, mieux, elle participe à la prévention de la
violence dans la cité ». L’auteur entend ici par activité déontique, la construction des règles de
travail permettant la coopération. Dans son article (Favaro, 2010, p. 67) suppose que malgré la
distinction entre les deux registres ;(politique et organisation), en termes de violence, il serait,
néanmoins, intéressant d’explorer les similitudes qu’ils présentent. Il précise : « Une
conséquence serait alors, qu’isoler ainsi l’examen des violences au travail de celles qui se
manifestent dans le champ du politique ne ferait que contribuer à entretenir un singulier point
aveugle (…). Voire conduire à réinventer l’exégèse des situations et des dynamiques de la
violence, cela exclusivement, à partir de ce qui s’observerait dans le seul monde du travail. ».
(Ibid, p. 68)
Comme nous pouvons le déduire, les violences politiques, et sociales, qu’elles soient
individuelles ou collectives, imprègnent ainsi la société, en tant que systèmes. Et par mécanisme
de miroir elles envahissent, en conséquence, tous les autres sous-systèmes qu’elles englobent,
dont le système du travail. Inversement, le monde du travail, serait lui aussi, qu’il soit équilibré
ou détérioré, un élément contributif, dans l’amplification, ou la régulation de ce phénomène de
violence. Nous pensons, que ce constat, auquel nous sommes parvenus, à savoir le
rapprochement entre la violence socio-politique et organisationnelle, tel qu’explicité par
certains auteurs ; (Dejours, 2005 ; Favaro, 2010), pourrait constituer un fil conducteur, dans
notre recherche, pour comprendre, que la violence à l’hôpital, serait en partie, influencée par la
violence sociale et politique, qui caractérisent le pays en cette période de révolution.
Par ailleurs, il importe de préciser, que nous ne cherchons pas, à ce niveau, d’explorer le lien
qui existe, ou non, entre ces deux contextes, nous voulons juste, faire allusion à ce lien probable.
Il convient donc de rappeler, ici, que nous ne disposons pas, de chiffres officiels, en termes de
violence en milieu de santé, en Tunisie, (ni à partir de sources officielles, ni à travers des études
scientifiques valables, hormis quelques-unes). Nous ne pouvons, donc, pas évaluer le
phénomène de violence avant la révolution. En revanche, le phénomène, a été largement repéré
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 8 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
et désapprouvé par l’Etat, notamment par le Ministre de la santé (Chaker, 2017), les medias,
audio-visuels et écrits, à l’instar d’une émission télévisée ayant invité le président du conseil de
l’Ordre des Médecins, (Makni, 2017). De nombreux articles ont été écrits, et des vidéos
diffusées portant sur des protestations, des sit-in, des témoignages… devant les structures de
santé concernées par ces violences. Ces violences, commises à l’encontre du corps soignant et
telles qu’elles apparaissent dans les réseaux sociaux, les chaines de télé, des Radios, les
journaux de presse électroniques… sont quasi-quotidiennes. Elles sévissent dans toutes les
régions de la Tunisie, du Nord au Sud. Cette situation de violence à l’hôpital, nous interpelle à
plusieurs niveaux, et nous amène à nous interroger.
Et comme le constatait un illustre anonyme « La violence ne mène à rien, sinon à l’hôpital »,
et si paradoxalement cette violence émanait ou se perpétuait à l’hôpital ? Comment pourrions-
nous expliquer ce paradoxe, où l’hôpital qui est censé être havre de sécurité, de soins et de vie,
deviendrait un lieu de violence ?
Pour répondre en partie à cette question, il serait nécessaire de commencer par appréhender
l’hôpital en tant qu’organisation, et analyser son fonctionnement, ainsi que le climat social et
psychologique, qui y règnent, pour mieux comprendre les fondements de ce paradoxe afin de
pouvoir, éventuellement, y remédier.
Dans un premier volet de ce chapitre, nous allons, donc, aborder quelques éléments conceptuels
sur l’organisation de travail, en passant par un aperçu sur le climat et la culture organisationnels.
Dans un second volet, nous examinerons, selon la littérature, le climat social et son lien avec
les agressions et les violences sur le lieu du travail.
1.2- Climat organisationnel : fondement théorique
« Le monde n’est pas linéaire, en particulier le monde des organisations. Il est la résultante
complexe de flux qui se mêlent les uns aux autres- parallèles, réciproques. »
(Mintzberg, 1982)
Dans cette partie, nous allons traiter du sujet du climat organisationnel, qualifié aussi de climat
psychologique au travail… Dans le souci de lever la confusion entre certains concepts, nous
avons jugé utile d’aborder l’organisation du travail, dont l’hôpital, qui est le lieu de notre étude.
Pour ce faire, nous-nous sommes référés à l’approche systémique. Cette approche, considère
l’organisation comme un véritable système social, (Morin et Delavallee, 2003), et à travers son
appréhension aux différents sous-systèmes, elle nous éclairera sur le fonctionnement d’une
organisation, ses composantes de base, sa structure, ainsi que la place de la culture, et son lien
avec le climat du travail... Dans un premier temps, nous allons, donc, expliciter le point de vue
systémique, puis, nous allons présenter quelques éléments théoriques sur la notion de culture
organisationnelle, et les points de divergence et de ressemblance, avec le climat, Et, enfin, dans
une troisième partie, nous tenterons de mettre au clair une des questions cruciales dans notre
recherche, à savoir le lien du climat organisationnel avec les agressions et la violence dans le
domaine de soins.
Partie I Climat sociopolitique en tunisie et climat organisationnel au travail
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 9 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
1.2.1- Organisation de travail : quelques éléments conceptuels
Afin de mieux comprendre le concept « climat organisationnel », il serait opportun de définir,
d’abord, ce qu’on entend par organisation. Dans ce sens, on passera en revue, quelques
définitions, témoignant des différents points de vue, ainsi que de l’évolution de ce concept à
travers le temps, et selon les orientations scientifiques des chercheurs.
A ce titre, Schein définit l’Organisation du travail comme : « la coordination rationnelle des
activités d’un certain nombre de personnes, pour atteindre des buts et des objectifs implicites
». Schein (1970). D’autres comme Parsons, « L’organisation est un ensemble d’unités sociales
essentiellement destinées à atteindre certains buts ». (Parsons, 1964)
Dans les années 90, March et Simon (1993), considéraient les organisations comme : « des
systèmes d’action coordonnée entre les individus et groupes dont les préférences, l’information,
les intérêts et le savoir diffèrent ». (March et Simon, 1993). Ultérieurement, Mintzberg,
soulignait que : « L’organisation se définit comme une action collective à la poursuite de la
réalisation d’une mission commune ». (Mintzberg, 2004). Dans la continuité de cette idée,
l’organisation a été aussi considérée comme un système social conçu pour atteindre des buts et
subvenir aux besoins de certains individus, par l’entremise d’un ensemble d’actions
coordonnées. (Livian, 2010).
1.2.2- Les différents types d’organisation du travail : Un petit aperçu historique
Le taylorisme
L’organisation scientifique du travail, est une méthode de gestion de travail qui a vu le jour lors de la
seconde révolution industrielle, avec, pour fondateur, Frederick Winslow Taylor. Cette méthode, telle
que définie par le (Dictionnaire économique et financier, 2018), appelée aussi le taylorisme, se base
sur le travail à la chaine, dans les usines, où elle fût développée la première fois. Il s’agit, en effet,
d’un travail organisé et structuré de façon scientifique : la méthode consiste à observer, chronométrer
la tâche, tout en éliminant les opérations inutiles. Son principal objectif consistant à augmenter la
production et la productivité. Pour Taylor, l’OST, doit se baser sur la division du travail, à travers la
décomposition en des étapes, afin de chercher les gestes les plus rapides et les plus efficaces. (Duval,
2014)
Le fordisme
D’après le Dictionnaire économique et financier (2018) : « À l'instar du taylorisme, le fordisme
institue la division horizontale et verticale du travail. La division verticale désigne les échelons de la
hiérarchie, la division horizontale le travail à la chaîne. Le personnel est contrôlé et managé au
rendement. ». Henry Ford voulait augmenter le salaire des ouvriers, dans l’idée « de faire de tout
travailleur un consommateur potentiel de ses voitures. ».
Mais il se trouve que ce succès, n’a pas duré, et les plaintes des employés commençaient à émerger,
déplorant les mauvaises conditions de travail. Ce qui a entrainé la baisse de la motivation, et par
conséquent, la diminution de la production…
1. Le Toyotisme
Ensuite, entre les années 50 et 70, Taichi Ohno, qui travaillait à l’époque, comme ingénieur à la
maison d’industrie automobile Toyota, élaborait ce que l’on désignait par le toyotisme, ou « Lean
management ». Il s’agit d’une méthode qui illustre parfaitement la rationalisation du travail, ayant
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 10 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
comme objectifs, et slogan, « Qualité, coûts et délais », ou, en d’autres termes ; (produire, le
nécessaire, avec une meilleure performance, au moment propice). En 1980, cette approche a connu
un grand essor, et s’est propagée en Europe, et aux États-Unis. La méthode organisationnelle, de «
Lean management », est largement pratiquée et appliquée dans plusieurs secteurs, dépassant ainsi le
domaine industriel pour envahir, entre autres, le secteur des services tels que les services de soins, des
banques, des télécommunications … (Duval, 2014).
2. L’organisation rationnelle de Max Weber
Le sociologue et historien allemand, Max Weber, (1864-1920), a fondé l'Organisation
Bureaucratique. Il proposait trois types d'organisation reposant sur l'autorité légitimée :
-L'organisation charismatique : qui est centrée sur les qualités personnelles et les
compétences du leader. Le problème avec ce type d’organisation, demeure celui de la
succession.
-L'organisation traditionnelle : où l'autorité, dans une organisation, découle du statut. Elle se
rencontre sous deux formes : la patrimoniale, où les employés sont rémunérés, et la féodale où
les employés bénéficient de dons, de bénéfices.
-L'organisation rationnelle : qui représente la forme bureaucratique, bien prisée par le
capitalisme. Ce type d’organisation représente, pour Weber, en matière d’organisation
bureaucratique, la façon la plus efficace pour diriger les grandes organisations complexes. Elle
est caractérisée par la parcellisation des tâches selon des fonctions bien déterminées, avec des
postes bien définis, avec des règles et des procédures soumises à l’autorité et à la responsabilité.
Ce système étant renforcé par une dépersonnalisation des décisions et des relations. (Bachelet,
2012). La bureaucratie au sens de « type idéal de bureaucratie », que Max Weber nommait à
l’époque, « type idéal », a créé une vive polémique, vu qu’il manquait de référent empirique.
Même si la bureaucratie a été conceptualisée autrement, par « stone » ou encore par Webster's
unabridged dictionary. Ce dernier définissait la bureaucratie comme étant, entre autres : «
Administration systématique caractérisée par la spécialisation des fonctions, des qualifications
professionnelles objectives, une activité conforme à des règles établies et une hiérarchie de
l'autorité ». Il importe de souligner que les trois définitions, ou versions se rapprochent mais
avec des variantes.
3. L’école des relations humaines
Les fondateurs de cette école sont, principalement : Mary Parker Follett, les expériences
d’Elton Mayo à la Western Electric, les apports de la psychologie sociale au management : à
travers les théories de la motivation, la dynamique des groupes, et du leadership, Abraham
Maslow et sa pyramide des besoins hiérarchisée. Petit, et Dubois, 2013, p.2-3). ("L’effet
Hawthorne", est une expérience très célèbre, dans le domaine des organisations. Elle a été
conduite, en 1923, dans une usine de la Western Electric Company, afin de mesurer les effets
d’un meilleur éclairage sur le rendement des ouvriers. Il ressort de cette expérience que,
l’amélioration de la performance (...), est relative à la valorisation ressentie par les sujets, qui
leur procure une attention et une motivation particulières, lors d’une expérience. Bachelet
(2012), stipule qu’on parle d’« Effet Hawthorne », lorsque : «les gens éprouvent un sentiment
positif, de satisfaction et de valorisation lorsqu’on s’intéresse à eux et à leurs situations». Le
chef, ou le responsable dans une organisation, est considéré comme un bon leader et chef de
groupe, quand il est attentionné, proche et à l’écoute de ses subalternes. (Bachelet, 2012).
Partie I Climat sociopolitique en tunisie et climat organisationnel au travail
Remili.D- Thèse de doctorat en psychologie 11 (FSHS-Tunis / Inetop-CNAM-Paris). 2019
Les critiques adressées à cette école, lui reprochent le fait de trop se focaliser sur l’aspect
psychologique des individus, pour améliorer les relations humaines. Mais cette vision
monolithique et réductrice, ne pourrait servir et rendre service à la performance et la
productivité. Ses limites se manifestent à travers le manque de maitrise de la relation avec les
subordonnés. Une relation qui manque de « pouvoir », est susceptible de créer de bonnes
relations au sein de l’entreprise ou de l’organisation, mais rarement de garantir la bonne
productivité, escomptée. (Barakat, 2013).
A la lumière de ces principales mutations organisationnelles, à travers le temps et l’histoire,
nous pouvons résumer la situation comme suit : Pour le modèle Taylorien, (OST), quoi qu’il
ait longtemps été incriminé d’avoir causé le mal-être et les troubles physiques et psychologiques
chez les employés, il demeure jusqu’à nos jours appliqué par certaines entreprises.
Quant au Toyotisme, alors que certains le considèrent comme une forme de progression de
l’OST, d’autres le perçoivent comme une révolution post-taylorienne. Ce modèle, a pu
démontrer, selon les études, qu’il a joué, d’un côté, un rôle important dans le renforcement de
la motivation des employés, mais d’un autre côté, il a causé des troubles musculo-squelettiques,
et des risques psychosociaux, chez les salariés à cause du temps élevé de travail…ainsi qu’un
manque du sens du travail, notamment chez certains opérateurs de centres d’appel…. (Duval,
2014). L’enquête Sumer, en 2010, conclut ainsi à un accroissement des expositions aux facteurs
psychosociaux. Cent ans après la naissance du taylorisme, la recherche d’une organisation du
travail optimale se poursuit. Tout l’enjeu est de replacer l’individu au centre du système pour
prévenir les risques professionnels (Duval, 2014).
1.2.3- L’organisation de travail selon une lecture systémique : (Objectifs, techniques,
structures, et culture).
Toujours dans l’idée d’appréhender le sujet des organisations, en termes de structure, de
relation, de fonctionnement, de climat, et ou de culture, il serait pertinent d’explorer, en
profondeur, cette approche globale et systémique, à laquelle nous-nous référons dans notre
étude et vers