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Fundación CIDOB - Calle Elisabets, 12 - 08001 Barcelona, España - Tel. (+34) 93 302 6495 - Fax. (+34) 93 302 6495 - [email protected] VI ème Séminaire International sur la Sécurité et la Défense en Méditerranée. Sécurité humaine.

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VI ème Séminaire International sur la Sécurité et la Défense en Méditerranée. Sécurité humaine.

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VI ème Séminaire International sur la Sécurité et la Défense en MéditerranéeSécurité humaine

Eduard Soler i Lecha et Laia Carbonell Agustín (eds.)

MINISTERIODE DEFENSA DIRECCIÓN GENERAL

DE RELACIONES INSTITUCIONALES

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Édition des actes du « VIème Séminaire International sur la Sécurité et la Défen-se en Méditerranée. Sécurité humaine », organisée par le Ministère de Défense espagnol et le Programme Méditerranée de la Fondation CIDOB les jours 5 et 6 de novembre 2007.

© Fundación CIDOB et Dirección General de Relaciones Institucionales (Ministerio de Defensa de España)

Coordination de l'édition: Eduard Soler, Programme Méditerranée de la Fondation CIDOB, et Laia CarbonellRévision de textes: Laia CarbonellTraduction au Français: Paloma Valenciano et Gwen Ninae

CIDOB edicionsElisabets, 1208001 BarceloneTel.: 933 026 [email protected]

Impression: Color Marfil, S.L. BarceloneISBN: 978-84-92511-06-8Dépôt Légal:

DistributionEdicions Bellaterra, S.L.Navas de Tolosa, 289 bis. 08026 Barcelonawww.ed-bellaterra.com

Barcelone, novembre 2008

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PRESÉNTATION 5

Narcís Serra et Manuel López Blázquez

INTRODUCTION 9

José Antonio AlonsoL’Espagne et la sécurité en Méditerranée ............................................................. 11João Mira GomesLa Présidence Portugaise de l’UE et la sécurité en Méditerranée ..................... 15Félix SanzLa prolifération de forums pour le dialogue méditerranéen : La place de l’OTAN ................................................................................................... 19

BALANCE DES INICIATIVES DE COOPÉRATION 23

Martín Ortega CarcelénLa PESC et la PESD en Méditerranée en 2007 ...................................................... 25Eduard Soler i LechaLe Processus de Barcelone et la Politique Européenne de Voisinage : De Tampere à Lisbonne ........................................................................................... 31Mario Rino MeCoopération dans les pays de la Méditerranée occidentale : L’Initiative 5+5 de défense ...................................................................................... 37Alberto BinLe rôle de l’OTAN en Méditerranée et dan les Grand Moyen Orient ............... 41

SCÉNARIOS DE SÉCURITÉ ET D’INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE 45

Álvaro de Vasconcelos Comprendre la sécurité autrement : Une sortie de l’impasse du Processus de Barcelone ...................................................................................... 47Khadija Mohsen-FinanLes défis sécuritaires au Maghreb ......................................................................... 51Shlomo Ben AmiLa paix israelo-arabe et la sécurité au Moyen Orient ......................................... 59Fred HallidaySécurité et insécurité au Moyen Orient ................................................................ 63Ian O. LesserSécurité et insécurité en Méditerranée : Une perspective nord-américaine ...................................................................................................... 71Meliha Benli AltunisikLes défis sécuritaires dans la Méditerranée sud-orientale : Implications pour l’UE .............................................................................................. 81

SOMMAIRE

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LIBERTÉS FONDAMENTALES 87

Isabelle WerenfelsLibertés fondamentales et sécurité dans la coopération euro-méditerranéenne: Stratégies à long terme et spécifiques pour chaque pays ................................. 89Nadir BensebaPlaidoyer pour un code et une charter de l’éthique des médias en Méditerranée ....................................................................................................... 97Salam KawakibiGuerre contre le terrorisme : y a-t-il des solutions pour préserver les libertés fondamentales ? ................................................................................ 101

COOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE DANS LES CADRES DES MISSIONS HUMANITAIRES 109

Benito RaggioCoopération civile-militaire dans des opérations humanitaires .................... 111Radek KholCoordination civile et militaire dans la gestion des crises de l’UE ................. 121Francisco José Gan PampolsL’expérience afghane en coopération civile-militaire : un exemple pour la Méditerranée ............................................................................................ 135

RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ 141

Arnold LuetholdMettre en risque la confiance : la réforme du secteur de la sécurité dans la région arabe ............................................................................................. 143Volkan AytarLe lourd silence et des voix émergentes : vigilance démocratique sur le secteur de la sécurité et le rôle de la société civile en Turquie ................... 147Gemma Collantes CeladorL’UE et sa politique orientée vers la réforme du secteur de la sécurité : Un nouvel exemple de division conceptuelle-contextuelle ? ......................... 157

CONCLUSIONS 169

Eduard Soler i LechaLa Sécurité en Méditerranée en 2007 : Une réflexion autour du concept de sécurité humaine

RAPPORT 177

Jesús A. Núñez Villaverde et Balder HageraatsIII Rapport sur les armes de destruction massive en Méditerranée 2007 : Au-delà de la menace nucléaire

PROGRAMME DU SÉMINAIRE 219

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PRÉSENTATION

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Narcís Serra et Manuel López Blázquez

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Ce séminaire dresse le bilan des progrès dans diverses initiatives de coopération. De même furent abordées les différents scénarios de sécurité et insécurité

Narcís Serra

Président de la Fondation CIDOB

Manuel López Blázquez

Directeur Général des Relations Institutionnelles du Ministère de la Défense d’Espagne

PRÉSENTATION

L a monographie que le lecteur a dans ses mains reprend les com-munications, interventions et rapports présenté lors du sixième séminaire international de sécurité et défense en Méditerranée,

tenu à Barcelone les 5 et 6 novembre 2007. Ces séminaires, organisés conjointement par la Fondation CIDOB et le Ministère de la Défense, ont eu lieu à une périodicité annuelle depuis 2002, et se sont convertis en un rendez-vous de référence pour les spécialistes en questions méditerra-néennes et de sécurité.

Année après année, ces séminaires réunissent des représentants gouver-nementaux des pays de l’Union Européenne, des membres de l’OTAN et des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, qui partagent de l’infor-mation et débattent sur les principaux défis de la sécurité dans la région. Ce rendez-vous annuel est aussi propice à ce que des académiques de prestige et des acteurs qui sont sur le terrain, tant civiles que militaires, développent un dialogue fructueux.

Le séminaire de l’année 2007 eut lieu dans un contexte caractérisé par la présentation de la proposition d’Union Méditerranéenne de la part de Nicolas Sarkozy, qui sera plus tard modifiée pour se convertir en Processus de Barcelone : Union pour le Méditerranée ». D’autres sujets qui faisaient partie du débat public étaient le maintien de la tension au Moyen-Orient, la résurgence du phénomène terroriste au Maghreb et finalement, les efforts de l’UE pour sortir de la crise constitutionnelle dans laquelle elle a été plongée après les référendums français et hol-landais de l’année 2005. Ce fut un moment particulièrement indiqué pour réfléchir ensemble tant sur les politiques de coopération dans l’es-pace euro-méditerranéen, que sur la manière d’affronter l’insécurité dans laquelle vivent beaucoup de citoyens de cette région.

Comme cela en devient une habitude, ce séminaire dresse le bilan des progrès dans diverses initiatives de coopération (le Processus de Barcelone, la Politique Européenne de Voisinage, le 5+5, le Dialogue Méditerranéen de l’OTAN et de la PESD). De même furent abordées, depuis des perspectives régionales différentes, les différents scénarios de sécurité et insécurité. Dans le cadre des groupes de travail il s’agit d’une question

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PRÉSENTATION

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d’intérêt vital : la menace de la sécurité humaine. Nous entendons par sécurité humaine cette conception qui prime, au-dessus de tout, la sécurité des citoyens. La Méditerranée est un espace où trop souvent nous nous trouvons dans une logique de sécurité traditionnelle, il nous paru dès lors intéressant d’ouvrir cette réflexion, de caractère conceptuel mais avec une application pratique marquée. Avec cette approche furent analysé des sujets comme le respect des libertés fondamentales dans la région, la coopération civile militaire et la réforme du secteur de sécurité.

Depuis la Fondation CIDOB et le Ministère de la Défense nous invitons à la lecture et aux études qui sont reprises ici. Nous croyons qu’elles four-nissent une information de première main et des réflexions suggestives qui peuvent aussi aider à concevoir de nouvelles voies d’action pour faire du bassin méditerranéen un milieu de paix, de liberté et de prospérité.

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INTRODUCTION

• L’EspagnEEtLasécuritéEnMéditErranéE

José Antonio Alonso

• LaprésidEncEportugaisEdEL’uEEtLasécurité EnMéditErranéE

João Mira Gomes

• LaproLiFérationdEForuMspourLEdiaLoguE MéditErranéEn:LapLacEdEL’otan

Félix Sanz

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Depuis l’Espagne ont surgis des initiatives de grande profondeur, comme l’Alliance des Civilisations

José Antonio Alonso

Ministre de la Défense d’Espagne

Ceci est la sixième convocation du Séminaire de sécurité et de défense en Méditerranée qu’organise la Fondation CIDOB et je considère que la continuité de la rencontre représente déjà

une valeur importante en soi. C’est un rendez-vous obligé, une réu-nion qui a accumulé beaucoup de crédit. Il s’agit d’un séminaire de référence à propos d’une question de transcendance indubitable non seulement pour les pays dans lesquels nous vivons et leurs alentours mais considérablement au-delà de cette zone. C’est ainsi que nous le considérons en Espagne et pour cela la Méditerranée est fonda-mentale au sein de notre politique extérieure, comme nous venons le répéter dans les forums auxquels nous assistons et au sein des institutions internationales dont nous faisons partie: la Méditerranée est un élément clé de notre politique générale de sécurité. Et mes paroles ne peuvent pas être interprétées comme rhétoriques tenant compte de notre engagement actif, de notre haut degré de participa-tion à toutes les initiatives de sécurité et de défense qui concernent ou qui ont lieu dans cette partie du monde.

La Méditerranée est une mer entourée de peuples, frontière en même temps que lien pour beaucoup de personnes et pour beaucoup de cho-ses. Il semble évident que lorsque nous parlons du lien méditerranéen nous ne le faisons pas dans les mêmes termes que lorsque nous faisons référence à d’autres liens en relation avec d’autres pays ou d’autres zones géographiques. Dans le cas du pourtour méditerranéen, d’emblée le voisinage urge à la communication et a résoudre les conflits, latents ou ouverts, liés à notre vie en commun quotidienne.

L’acceptation de la diversité est une condition pour avancer; il faut accepter les différences; il faut reconnaître et s’attaquer aux inégalités. C’est-à-dire, la communauté méditerranéenne nécessite une construc-tion permanente et un appel aux valeurs constant, en particulier quand nous rencontrons des exposés extrêmes engagés à promouvoir le contraire: les identités excluantes, la méfiance, le choc entre les diffé-rents acteurs en ce compris entre les différentes cultures. Dans ce sens, depuis l’Espagne ont surgis des initiatives de grande profondeur, comme l’Alliance des Civilisations qui, certainement, va tenir prochainement une importante réunion à Madrid.

L’EspagnEEtLasécuritéEnMéditErranéE

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L’ESPAGNE ET LA SÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE

À propos de la Méditerranée nous avons besoin de quelque chose de plus concret que la Politique Européenne de Voisinage et, à son tour, quelque chose de plus ouvert que l’Union Méditerranéenne

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Si, comme je vous l’ai dit, l’Espagne s’implique avec vigueur dans de nombreuses initiatives c’est avant tout en rapport avec la sécurité et la défense en Méditerranée; je voudrais vous les rappeler de manière succincte: l’opération de surveillance maritime en Méditerranée orientale que mène l’Alliance Atlantique et à laquelle nous apportons des moyens; notre participation à EUROMARFOR, considéré comme un noyau potentiel de la dimension maritime de la sécurité de l’Union Européenne; les initiatives à caractère régional, comme le 5+5, avec la présence, comme son nom l’indique, de dix pays des deux rives, ou le 8+6, qui comprend huit pays européens conjointement aux membres du Conseil de la coopération du Golfe. Dans le domaine de la sécurité, en plus, il est nécessaire de mentionner la coopération qui existe et que nous sommes en train de développer quant aux mécanismes d’information partagée, comme celle relative au trafic maritime dans les espaces de souveraineté nationale à travers le Centre virtuel à Rome, une initiative lancée il y a maintenant un an centrée sur la Méditerranée et la Mer Noire. Ceci sont des preuves concrètes de notre participation, tout comme le sont des scénarios qui évoluent avec une intensité particulière ces dernières années; il faut souligner que nous parlons d’initiatives de 2002, 2005, 2006, c’est-à-dire très récentes. Je crois que tout ceci aussi accrédite, de la part des acteurs méditerranéens, une bonne compréhension de l’évo-lution du nouveau scénario stratégique de sécurité.

Mais, au-delà du détail de notre participation à ces initiatives concrètes, je voudrais vous dire que ce dont il est question est, en mon opinion, de miser gros et de construire à travers des processus fermes, à partir de structures régionales et d’organisations solides. En ce sens, par exemple, nous avons la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) de l’Union Européenne. Donc, il est nécessaire que les pays de l’Union, non seulement les riverains de cette mer, comprennent la nécessité que cette politique, qui en plus de se consolider, gravite chaque fois plus vers la Méditerranée. C’est-à-dire, nous devons accepter que les initiatives actuelles, bien qu’elles soient importantes et indispensables, ne couvrent pas toutes les expectatives d’une PESD qui doit être particulièrement ambitieuse en ce qui concerne la Méditerranée et l’Afrique. En ce sens, et dans le but d’avancer depuis l’ensemble de l’Union Européenne, nous avons appuyé pendant cette période les initiatives de la présidence por-tugaise à ce sujet.

L’Alliance Atlantique est un autre cadre fondamental à l’heure de construire la sécurité à partir du dialogue et de la coopération. Je vou-drais rappeler la position active de l’Espagne à l’Alliance et, à ce sujet, notre revendication et appui constant au fameux Dialogue Méditerranéen au sein de l’Alliance. Il en a été de la sorte depuis sa création au milieu des années 90, nous avons insisté plus récemment à Riga, et plus tard à la réunion informelle de Séville, entre autres. Nous considérons éga-lement qu’il faut tenir une réunion des ministres Extérieurs du Dialogue Méditerranéen coïncidant avec la réunion Ministérielle de l’Alliance Atlantique de décembre à Bruxelles. De même, nous sommes partisans de convertir cette initiative ambitieuse en une authentique association, de manière telle que sa dimension politique s’équipe du reste des asso-ciations de l’OTAN.

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13JOSÉ ANTONIO ALONSO

Nous ne devons pas prendre pour achevés des processus qui sont ouverts et pleins de possibilités

Dans un ordre plus large, et considérant la confluence des diverses initia-tives, je voudrais faire comprendre notre position nette pour le Processus de Barcelone. À propos de la Méditerranée, nous avons certainement besoin de quelque chose de plus concret que la Politique Européenne de Voisinage et, à son tour, quelque chose de plus ouvert que l’Union Méditerranéenne. Naturellement, l’appui au Processus de Barcelone n’implique la négation d’aucune autre initiative, parce qu’elles sont tou-tes intéressantes et doivent s’additionner. Ce que je souhaite souligner est que nous ne devons pas prendre pour achevés des processus qui sont ouverts et pleins de possibilités. Ce mois-ci nous fêtons les douze ans de la Déclaration de Barcelone, un événement marquant qui mise sur un processus de collaboration politique et sur la paix, la stabilité et la sécuri-té; qui défend la collaboration économique et financière en vue de créer une zone de prospérité partagée, et qui plaide pour la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles. Cette enceinte euro méditerranéenne est un grand cadre qu’il faut stimuler et dans lequel nous pouvons intégrer de nombreuses initiatives, sans amoindrir ce qui doit être fait dans d’autres régions de l’Union. Il ne fait aucun doute qu’en relation avec la Méditerranée nous ne pouvons faire table rase de ce qui a déjà été acquis. En abusant de l’expression, je dirais que nous n'allons pas découvrir la Méditerranée parce que, entre autres cho-ses, nous ne partons pas de zéro ni de beaucoup moins.

Je réitère, pour finir, que la position stratégique de pays comme l’Espa-gne doit être la Méditerranée, non seulement par notre condition de voisins mais pour une compréhension stratégique adéquate l’évolution de la sécurité dans le monde. La Méditerranée est une grande priorité pour la politique extérieure et de sécurité et de défense de l’Espagne et cela doit également l’être pour l’Union Européenne.

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L’émergence du terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogues et l’immigration illégale sont particulièrement préoccupants tant pour l’Europe que pour les pays de la rive sud de la Méditerranée

João Mira Gomes

Secrétaire d’État a la Défense et aux Affaires de la mer du Portugal

J e voudrais aborder un thème aussi significatif que la sécu-rité et la défense en Méditerranée depuis la perspective de l’actuelle présidence portugaise du Conseil de l’Union Européenne.

La Méditerranée représente une région stratégique pour l’Europe, non seulement par sa proximité géographique et les liens historiques et culturels qui nous unissent, mais aussi parce que les gouvernements des deux rives font face aux même défis et menaces dans le domaine de la sécurité et la défense.

L’émergence du terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogues et l’immigration illégale sont particulièrement préoccupants tant pour l’Eu-rope que pour les pays de la rive sud de la Méditerranée. Pour affronter avec succès ces défis et menaces il est nécessaire de continuer à ren-forcer les mécanismes de coopération, que ce soit déjà à travers des forums multilatéraux ou régionaux, sur différents thèmes, parmi lesquels se trouvent la sécurité et la défense. Dans ce contexte, la structure et le fonctionnement des partenariats qui existent déjà doivent être renforcés. Pour cela, l’actuelle présidence portugaise du Conseil de l’UE a établi la coopération avec la Méditerranée en tant que prioritaire dans le cadre de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD)

À l’occasion de la rencontre informelle des Ministres de la Défense, qui eut lieu à évora le 28 et 29 septembre 2007, il fut organisé une session de travail, qui réunit pour la première fois dans un format de l’UE, des Ministres de la Défense des pays du sud de l’Initiative 5+5 (qui comprend le Maroc, la Libye, l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie). Cet événement pionnier souligna deux objectifs fondamen-taux, qui ont été largement atteints. Le premier était de présenter l’Initiative 5+5 aux autres pays de l’UE, en mettant en relief l’impor-tance des relations existantes entre l’Europe et le Maghreb comme possible catalyseur pour un dialogue élargi en matière de sécurité et de défense. Le deuxième objectif était de partager avec les pays européens les expectatives des pays partenaires méditerranéens, à la lumière des bons résultats atteins par ce partenariat régional prospè-re. Comme conséquence plus immédiate, les prochaines Présidences slovènes et françaises du Conseil de l’UE ont annoncé leur volonté de faire avancer plus loin cette priorité.

La présidence portugaise de L’ue et La sécurité en Méditerranée

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LA PréSIDEnCE PorTUgAISE DE L’UE ET LA SéCUrITé En MéDITErrAnéE

Au jour d’aujourd’hui la Déclaration de Barcelone conserve sa vigueur et continue de constituer la référence pour des relations coopératives et des liens de solidarité entre l’UE et ses partenaires méditerranéens

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Le Portugal accorde une grande importance à l’Initiative 5+5, basée sur le dialogue sincère et ouvert et sur le respect entier de l’identité et l’idio-syncrasie de chacun des partenaires. De plus, il est pleinement engagé dans le renforcement des relations dans le domaine de la sécurité et de la défense, comme moyen pour garantir les niveaux de stabilité adéquats qui favorisent les conditions pour un développement durable. Avec cette intention, les ministres de la défense de l’Initiative 5+5 (qui comprend, au nord de la Méditerranée, le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte) définirent en 2004 comme domaines de coopération initiaux la vigilance maritime, la participation des forces armées dans le domaine de la protection civile et la sécurité aérienne.

nous constatons que jusqu’à présent les réussites ont été considérables. Le nombre croissant d’activités dans le cadre de l’Initiative 5+5 - quatre en 2005, 14 en 2006 et une vingtaine en 2007- démontre clairement la vitalité de ce cadre. La capacité de matérialiser les intentions par ceux qui les ont conçues, c’est aussi le reflet de ce dynamisme. C’est-à-dire, de renforcer les activités grâce au développement et l’implémentation de moyens et actions de coopération spécifiques en affaires d’intérêt commun. Pour ces motifs, l’Initiative 5+5 doit être considérée pour le Portugal comme un exemple pour promouvoir des formes de coopération plus ambitieuses en sécurité et défense entre l’Europe et la Méditerranée, en maintenant leurs spécificités et complémentarités avec d’autres forums internationaux comme le Dialogue Méditerranéen de l’oTAn et le Processus de Barcelone de l’UE.

Ce fut dans un contexte de paix et d’espérance que le Processus de Barcelone – qui est, à son tour, le résultat des directives approuvées à Lisbonne pendant la présidence portugaise du Conseil de l’UE en 1992 – pointa clairement la nécessité de renforcer la coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Ceci représente un concept innovateur à un moment qui, après la guerre Froide et avec les élargissements successifs de l’oTAn et de l’UE, résulta vital pour consolider nos liens et soutenir les principaux défis des deux régions. La Déclaration de Barcelone naquit de cette ambition commune et du sens d’une responsabilité partagée.

Au jour d’aujourd’hui, ce texte conserve sa vigueur et continue de consti-tuer la référence pour des relations coopératives et des liens de solidarité entre l’UE et ses partenaires méditerranéens. Depuis plus de dix ans de Partenariat, il fut possible d’institutionnaliser le dialogue, autant au niveau bilatéral que régional. Un cadre solide et régulier de rencontres ministériels a consolidé le dialogue et la coopération dans des domaines essentiels comme l’industrie, le commerce ou la technologie des communications et l’information, pour n’en mentionner que certaines.

Avec le lancement de la Politique Européenne de Voisinage, l’Union Européenne a revigoré le Processus de Barcelone, avec l’objectif de prêter une attention spéciale aux voisins plus proches. Ceci est parti-culièrement significatif actuellement du à la perception partagée de la nécessité d’une plus grande et plus profonde coopération. nous devons travailler pour atteindre un point de vue commun en matières comme la sécurité et la défense et c’est uniquement en tant que partenaires que nous pourrons atteindre nos objectifs. La dimension de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense se renforcera par le Traité de réforme de l’UE récemment adopté à Lisbonne.

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17 JoÃo MIrA goMES

Le Portugal comprend bien la nécessité de contribuer à la stabilité et la sécurité en Méditerranée

Un exemple concret du futur de la coopération est la vigilance maritime des frontières extérieures et la nécessité d’une meilleure coordination des états membres de l’Union Européenne et des partenaires méditerranéens dans ce domaine. Malgré que nous soyons conscients de la complexité d’avancer dans le panier politique et de sécurité dans l’agenda euro-méditerranéen, à cause des antagonismes persistants et du manque d’une intégration sud-sud dynamique et consistante, nous croyons que ce soit dans notre propre intérêt commun de rendre ce dialogue entre les deux rives plus fructueux, en convertissant les principes partagés en initiatives communes capables de surmonter les divergences existantes.

Toute action coopérative en Méditerranée, comme la récente propo-sition française d’établir une Union Méditerranéenne, est toujours utile et nécessaire tant qu’elle soit complémentaire. La IX Conférence Euroméditerranéenne des Ministres des Affaires Extérieures du 5 novem-bre 2007 fut une excellente opportunité pour discuter des liens entre cette initiative et le Partenariat Euro-Méditerranéen.

Après plus d’une décade de Partenariat, nous devons admettre que les attentes n’ont pas été satisfaites en aucune des deux rives. nous devons toujours faire face à des défis que nous pourrons seulement vaincre ensem-ble. Aussi, nous devons continuer à montrer une forte volonté politique qui développe les réponses nécessaires pour établir une zone de paix, de sécurité et de prospérité en Méditerranée. Cette zone peut seulement surgir d’un sentiment croissant de communauté, qui ne se base pas uniquement sur des déclarations, mais qui émane d’actions concrètes.

Le Portugal, en tenant compte de son histoire et de sa géographie – le pays de l’Atlantique le plus méditerranéen, avec une relation spéciale avec l’Afrique et l’Amérique – comprend bien la nécessité de contribuer à la stabilité et la sécurité en Méditerranée, un espace privilégié d’inten-ses relations entre états, personnes, religions, cultures ainsi qu’une zone avec un grand potentiel de croissance économique. Comme je le men-tionnais au début, nos intérêts communs en Méditerranée proviennent de notre culture et notre histoire, nos liens commerciaux en expansion et notre désir de stabilité et de prospérité. Cet objectif commun peut uniquement être atteint au travers du partenariat, impliquant tous les pays méditerranéens – une région vitale qui est le berceau de notre civilisation. Je suis convaincu que, dans ce sens, le compromis de nos partenaires méditerranéens est aussi fort que le nôtre.

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Félix Sanz

Général d'Armée, Chef de l’État Major de la Défense de l'Espagne

U ne des raisons pour lesquelles j’ai demandé au président de la Fondation CIDOB de pouvoir parlé assis est, non seulement parce que c’est plus confortable, mais principalement parce

que mon discours va durer trois heures et, à ce moment de la jour-née, trois heures peuvent être très longues. Je voudrais m’excuser parce que parler du Dialogue Méditerranéen ne peut pas se faire de manière brève. Cependant, j’ai une version réduite du discours, de quinze minutes, et après avoir vu vos visages en annonçant que le discours serait de trois heures, je crois qu’il serait mieux que je me limite à la version courte.

J’aimerais commencer par remercier la Fondation CIDOB pour cette initiative. Comme vous le savez probablement déjà, cette initiative fut lancée quand l’Espagne était à la Présidence de l’Union Européenne en 2002. Depuis lors, nous avons clairement vu que nous devions être aussi transparents que ce nous fut possible avec les pays qui participaient au Dialogue Méditerranéen. Cette rencontre doit bien avoir quelque chose de positif quand année après année les gens se montrent intéressés à venir et dialoguer quant au futur, au présent et au passé du Dialogue Méditerranéen.

La Fondation CIDOB n’est pas seulement un lieu où on peut discuter de tout dans une ambiance agréable. Pour l’armée il s’agit aussi d’une institution de projection professionnelle. Je suis arrivé comme Colonel en 1998 et je suis ici, des années plus tard, en tant que Chef de l’État Major de la Défense. Vraisemblablement, à l’exception de 2005 et 2006, parmi toutes les occasions où nous avons parlé du Dialogue Méditerranéen, j’ai été présent. Ce qui est bien dans cela est que j’ai accumulé de l’expérience que je peux maintenant apporter. Au travers de cette expé-rience je peux voir le processus et le progrès, si vous me le permettez, qui a eu lieu pendant ces huit années. Les mauvaises nouvelles sont, cependant, que ce progrès n’a pas été aussi prolifique que l’on espérait dans les forums qui furent ouverts par le Dialogue Méditerranéen.

La première fois que nous nous sommes réunis à Barcelone pour parler du Dialogue Méditerranéen ce fut le 31 octobre 2000 quand nous avons conclu, après de longs débats, avec quatre idées générales:

LA PROLIFÉRATION DE FORUMS POUR LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN: LA PLACE DE L’OTAN

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LA PROLIFÉRATION DE FORUMS POUR LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN: LA PLACE DE L’OTAN

L’OTAN n’a jamais eu la possibilité d’avoir du succès dans le Dialogue Méditerranéen jusqu'au 11 septembre 2001

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• Un. Les pays qui participent au Dialogue Méditerranéen veulent recourir à l’OTAN pour traiter de thèmes de sécurité.

• Deux. Les pays du Dialogue Méditerranéen veulent recourir à l’UE pour traiter de développement économique (Processus de Barcelone).

• Trois. Il existe de nombreux forums dans lesquels débattre: quand nous avons commencé, il y avait l’OTAN, l’UE, l’Union de l’Europe Occidentale (UEO), Euroforces, l’OSCE, le Conseil de l’Europe, Eurocorps – même l’Eurocorps a une petite équipe consacrée au Dialogue Méditerranéen – entre autres. D’une certaine manière, nous avons confondus les associés à les exposer à tant de forums.

• Quatre. Tout type de coopération militaire-militaire a beaucoup de possibilités de progresser.

C’est ce sur quoi on s’est mis d’accord il y a huit ans; quand nous par-lions de Dialogue Méditerranéen.

En analysant la situation actuelle, je crois que ces quatre points sont toujours valides. Le rôle de l’OTAN en matière de sécurité; celui de l’UE dans le domaine du développement économique; ne pas confondre nos associés en leur offrant trop d’éléments pour le débat, et à nouveau, toute relation militaire – militaire a toujours eu de grandes possibilités et opportunités pour le développement.

Je souhaitais ajouter un cinquième élément au Dialogue Méditerranéen. C’est ce que les américains appellent “deux ne se disputent pas si un ne le veut pas”.

Nous devons nous convaincre qu’une relation mutuelle est bénéfique pour tous. Pour cela, il ne s’agit pas d’essayer de convaincre quiconque des vertus de parler. Les gens de l’autre rive, peut importe la rive à laquelle nous nous referons, ont aussi besoin d’être convaincus que c’est positif de parler entre nous. Cela devrait être l’élément ultime de la position actuelle. Nonobstant, la position est toujours plus ou moins la même. Dans l’OTAN les choses ont beaucoup changé. C’est peut-être le forum où le Dialogue Méditerranéen a le plus évolué. Mais la réalité est que ce discours, valide durant les huit der-nières années, l’est toujours aujourd’hui.

Je crois que ce fut Scott Fitzgerald qui dit que "il est impossible de chan-ger les choses, mais, au moins, nous devrions essayer". C’est pour cela que nous sommes ici. Non seulement parce que les années ont passées et que nous restons, dans une certaine mesure, sous les mêmes para-mètres dans l’évolution du Dialogue Méditerranéen, mais aussi parce que nous devons nous convaincre que c’est positif. Et pour cela nous avons l’exemple que, pour moi, représente l’OTAN.

L’OTAN, comme vous devez le savoir, n’a jamais eu la possibilité d’avoir du succès dans le Dialogue Méditerranéen. Nous n’avons jamais, jusqu’au 11 septembre 2001, pu nous asseoir ensemble, en même temps, à Bruxelles, les pays du Dialogue Méditerranéen et les pays de l’OTAN. Donc, après le 11 septembre, nous avons découvert la manière de passer à nous asseoir, d’un coup de 19 plus 1 à 19 plus 7.

Nous avons aussi lancé les rencontres de chefs d’état de la Défense, toujours en vigueur actuellement. Et non seulement cela, les forums

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21 FÉLIx SANz

Personne ne pourra se plaindre qu’il n’existe aucun lieu pour parler de sécurité et d’autres aspects liés à la zone de la Méditerranée

de l’OTAN s’ouvrirent aux pays du Dialogue Méditerranéen et tous en bénéficièrent. Il y a une semaine j’ai été à Tromso, en Norvège, où j’ai rencontré un ami de Mauritanie pour discuter de la coopération avec l’OTAN. Ainsi donc, un bon exemple pour illustrer qu’il est possible d’avancer dans cette relation est que c’est ce qui se passe dans l’OTAN. On a commencé, en premier lieu, au niveau politique; nous continuons à faire de timides avancées dans les relations militaire-militaire et nous terminons avec l’élément le plus important, le Sommet d’Istanbul.

Je ne sais pas si vous avez eu la possibilité de lire quelque chose con-cernant le Sommet d’Istanbul, lié au Dialogue Méditerranéen. Il est important de savoir que l’OTAN a décidé de rompre avec le Dialogue Méditerranéen et commencer une association. L’OTAN a établi exacte-ment les mêmes outils que ceux pour l’Association pour la Paix. Depuis lors, l’OTAN a doublé le budget pour le Dialogue Méditerranéen et chaque pays intéressé peut établir sa propre stratégie pour entamer des relations avec l’OTAN. Les éléments pour débattre et dans lesquels avancer ont été d’importance vitale: l’intelligence, le contre terrorisme, l’interopérabilité et le travail conjoint dans les opérations de crises. Dans l’opération Active Endeavour, en Méditerranée, certains partenaires par-ticipèrent en apportant des navires et de l’appui. Il n’est pas nécessaire de dire que l’opération Active Endeavour est une opération de l’Article 5. Je pourrais aussi donner une longue liste d’activités qui furent menées sur la scène de l’OTAN et qui démontrent qu’il est possible de continuer d’avancer dans le Dialogue Méditerranéen.

La deuxième partie est ce qui est arrivé avec l’UE. Tous ceux qui sont pré-sents ce soir, savent que dans l’UE on essaye d’établir quelque chose de nouveau en relation avec le Processus de Barcelone; particulièrement en lien avec le premier panier, celui de la sécurité. Nonobstant, pour ce qui concerne ma réponse et malgré que je puisse me tromper, ce panier n’a pas donné beaucoup de fruits.

Peut-être ceci est du à l’existence de différentes perceptions de ce panier. Tandis que la rive nord est plus orientée vers la sécurité et le dialogue politique, la rive sud est plus orientée vers le développement économique. Dans ce cas, si nous avons résolu la relation de sécurité dans le cadre de l’OTAN, pourquoi ne pas établir avec l’UE un dialogue spécifique lié au développement économique? La majorité des pays représentés dans l’UE sont aussi présents dans l’OTAN. Est-ce mal d’avoir un forum spécifique pour débattre de sécurité et un autre de développe-ment économique? Est-ce que c’est mieux si les pays intéressés veulent continuer à suivre ce modèle?

Ainsi donc, probablement, nous pouvons proposer aujourd’hui ce que nous avons déjà décidé il y a huit ans: Parler à Bruxelles de sécurité et à Barcelone de développement économique.

Et donc, que faire avec les autres forums? Parce que chaque fois qu’il y en a un qui disparaît, un autre apparaît. Actuellement nous pouvons compter toujours quelques six ou sept forums dans lesquels parler du Dialogue Méditerranéen. Est-ce mal? Bien, au moins personne ne pourra se plaindre qu’il n’existe aucun lieu pour parler de sécurité et d’autres aspects liés à la zone de la Méditerranée. Mais la réalité est que, en

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LA PROLIFÉRATION DE FORUMS POUR LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN: LA PLACE DE L’OTAN

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mon opinion, ce que nous faisons avec la prolifération des forums est d’établir des choses qui n’ont des chances de succès que si nous appli-quons un troisième élément établi il y a huit ans: continuer à progresser dans les relations militaire-militaire. Et ceci est l’exemple du 5+5.

Ce que nous faisons dans le 5+5 est établir diverses relations entre les Forces Armées. Une frégate espagnole et une italienne ont travaillé ens-emble avec des embarcations algériennes et marocaines il y a quelques mois. Pour cela, nous devons avancer, nous devons être transparents dans tous les aspects de sécurité. Ceci est une des raisons pour les-quelles nous somme ici ce soir: pour être transparents dans les aspects de sécurité, pour maintenir les relations militaire-militaire et, si nous y sommes disposés, progresser dans le champ de la sécurité; pour suivre, à mon avis, le chemin initié par l’OTAN.

L’OTAN, ne l’oublions pas, est la seule organisation où le Dialogue Méditerranéen est présent, non seulement dans son Comité militaire, mais aussi dans le Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) dans les formats des ministres des Affaires Extérieures et de Défense ainsi que beaucoup d’autres formations.

Pour résumer, parce que je vous avais promis un discours de 15 minu-tes et que nous arrivons à la 16ème, nous pouvons dire que les points auxquels on est arrivé il y a huit ans sont toujours valides aujourd’hui. Nous efforts devraient avancer dans la direction d’atteindre des actions parallèles; qui n’interfèrent pas les unes avec les autres. Notre outil doit être le dialogue dans la coopération militaire- militaire et après nous assurons, dans la mesure du possible, que les deux parties soient dis-posées à débattre de ces éléments.

Ceci est tout ce que je peux dire. La relation qui a été établie dans ce Séminaire ainsi que dans d’autres rencontres est aussi très importante, car ceux-ci sont essentiels pour construire des liens de confiance et, au plus les partenaires sont confiants entre eux, au moins de normes ils devront établir pour continuer à avancer.

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BALANCE DES INICIATIVES DE CoopérATIoN

• LaPESCEtLaPESDEnMéDitErranéEEn2007

Martín Ortega Carcelén

• LEProCESSuSDEBarCELonEEtLaPoLitiquE EuroPéEnnEDEVoiSinagE:DEtaMPErEà LISBoNNE

Eduard Soler i Lecha

• CooPérationDanSLESPaySDELaMéDitErranéE oCCiDEntaLE:L’initiatiVE5+5DEDéfEnSE

Mario Rino Me

• LErôLEDEL’otanEnMéDitErranéEEtDanLES granDMoyEn-oriEnt

Alberto Bin

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25Martín Ortega CarCelén

Martín Ortega Carcelén

Professeur de droit international et relations internationales à l'Université Complutense de Madrid

Dans cet article nous passerons en premier lieu en revue la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PeSD) durant la dernière année. en deuxième lieu, nous commenterons les actions récentes de Politique extérieure et de Sécurité Commune (PeSC) de l'Ue dans l'espace médi-terranéen; et en troisième lieu nous évalueront les dernières propositions pour rénover les architectures de coopération en la Méditerranée, en ce compris le projet du Président français nicolas Sarkozy d'une Union Méditerranéenne, avant d'esquisser quelques conclusions.

La Politique Européenne de Sécurité et de Défense en méditerranée

après les difficultés pour ratifier le projet de Constitution européenne, dues aux référendums négatifs en 2005 en France et les Pays Bas, 2007 a été une année de récupération. Durant le premier semestre de 2007 la présidence allemande de l’Ue travailla dur pour surmonter la crise, ce qui permit d’arriver à un accord au sein du Conseil européen de juin lors duquel furent esquissées les lignes principales d’un nouveau traité. Face à ce sentiment d’incertitude dans les grandes structures, la PeSD a conti-nué à fonctionner de manière très satisfaisante. la Politique européenne de Sécurité et de Défense n’a pas été affectée par la crise constitution-nelle entre 2005 et 2007, elle a suivi une approche pragmatique. De fait, si on regarde les développements de la PeSD avec un certain recul, depuis sa création au Conseil européen de Cologne en 1999, on peut dire sans aucun doute que la PeSD a eu une histoire faite de succès. Il faut se rap-peler que, avant cette date, cette politique était complètement inédite dans le processus d’intégration, et que, bien qu’elle n’ait pas encore 10 ans, elle compte déjà certaines institutions et une capacité opérationnelle qui permettent à l’Union européenne de contribuer à sa propre sécurité et au maintien de la paix dans le monde de manière efficace.

les développements de la PeSD sont approuvés tous les six mois dans un document publique intitulé « rapport de la Présidence sur la PeSD ». Ce document est un impressionnant résumé des activités dans les champs de la sécurité et de la défense de l’Union européenne. Pour autant, il est recommandé de lire ce rapport semestriel. le fait que ce rapport soit public et ouvert, tant pour les citoyens européens que pour les parte-

la Politique européenne de Sécurité et de Défense n’a pas été affectée par la crise constitutionnelle entre 2005 et 2007

LaPESCEtLaPESDEnMéDitErranéEEn2007

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la PeSC et la PeSD en Méditerranée en 2007

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naires de l’Union et spécialement pour les méditerranéens, et y compris pour le reste du monde, démontre que l’Ue est en train de construire une politique de défense transparente. en même temps, dans ces docu-ments et aussi dans les actions de l’Union il est démontré que l’Ue a la volonté de collaborer avec les diverses instances internationales pour le maintien de la paix et la sécurité en commençant par les nations Unies.

le dernier rapport sur la PeSD approuvé en juin 2007, intitulé Presidency Report on ESDP, 10910/07, explique les progrès qui ont été accomplis pour les capacités militaires et civiles de l’Union européenne pour la gestion de crises. Y sont aussi détaillées les relations de coopération et de dialogue de la PeSD avec d’autres organisations, en premier lieu avec l’Otan, et avec les voisins et partenaires de l’Ue. Ici il est très important de souligner que l’Union européenne informe ponctuellement les parte-naires méditerranéens de sa politique de sécurité et de défense dans le cadre du Processus de Barcelone.

Une leçon importante des rapports successifs est que la PeSD inclut des opérations de nature distincte. l’Union européenne peut lancer et réaliser des opérations classiques de maintien de la paix (qui se nom-ment avec l’acronyme eUFOr), de gestion militaire et civile de crise, de police (pour lesquelles s’utilise le terme eUPOl), d’état de droit (ce qui en anglais s’entend comme opérations « law and order », qui reçoivent le nom de eUJUSt) de contrôle des frontières (qui se connaissent comme Border Assistance Mission ou BaM), de réforme du secteur de la sécurité (Security Sector Reform ou SSr qui est une terminologie très utilisée, que l’Ue a transformée en eUSeC), et aussi de financement, c’est-à-dire, de contribution financière à des opérations réalisées pour d’autres struc-tures régionales, comme c’est le cas de l’aide pour l’opération de l’Union africaine au Darfour.

Durant la dernière année, la PeSD a été présente en des régions très diverses du monde. les opérations suivantes de l’Ue sont actives à l’automne 2007 : dans les Balkans, eUFOr althea, eUPOl eUPM, qui est l’opération de police en Bosnie, et une équipe de planification pour une possible opération au Kosovo; en asie, eUPOl afghanistan; en afrique, eUFOr CHaD/rCa, eUPOl rD Congo, eUSeC rD Congo, et l’opéra-tion de soutien à la mission aMIS II au Darfour de l’Union africaine ; et dans la région du Moyen-Orient, eUPOl COPPS pour soutenir la police palestinienne, eU BaM rafah, pour cet effort frontalier entre gaza et l’egypte, et l’eUJUSt lex, pour la formation de l’administration de la jus-tice iraquienne. en plus, il existe déjà huit opérations accomplies de l’Ue, ce qui fait une liste impressionnante, en tenant compte du jeune âge de la PeSD.

en plus de ces opération, il faut souligner aussi la participation euro-péenne dans la mission des nations Unies au Sud du liban FInUl 2 (ou UnIFIl 2). Comme on le sait, après la brève guerre de l’été 2006, la contribution européenne rendit possible une gestion rapide de la crise, et après le cessez le feu la modeste opération des nations Unies qui exis-tait déjà dans la région fut renforcée. Bien qu’à ce moment il fut décidé de ne pas impliquer l’Union européenne en tant qu’institution, et donc de ne pas créer une nouvelle mission de la PeSD, la participation des états européens fur cruciale pour la sortie de cette crise et la stabilisation

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27Martín Ortega CarCelén

le point le plus épineux et controversé au long de la dernière année a été la réaction européenne face au conflit entre Israéliens et Palestiniens, et les évolutions du côté palestinien

postérieure. l’effort qui depuis lors et tout au long de 2007 fut mené par les européens est très important. Selon les chiffres du Département des Opérations de Maintien de la Paix des nations Unies (DPKO), en septembre 2007, la force comptait 13 264 effectifs, desquels 2 379 étaient italiens, 1 587 français, 1 121 espagnoles et 905 allemands. a l’heure d’évaluer la situation de la sécurité et la coopération dans l’espa-ce méditerranéen il est important de se rappeler cette contribution des européens à la stabilité, qui bénéficie aux pays impliqués, dans la région et aussi au reste du monde, qui ne veut pas voir éclater plus de conflits dans la zone.

La Politique Extérieure et de Sécurité Commune (PESC) en Méditerranée

Faire un bilan de la PeSC dans la Méditerranée pendant la dernière année est très difficile, sachant qu’il y eut des aspects positifs et d’autres moins, et l’appréciation de l’ensemble n’est pas claire. après le dixième anniversaire du Processus de Barcelone, célébré en novembre 2005, une nouvelle Conférence euroméditerranéenne à tampere, en novem-bre 2006, et celle qui prit place en novembre à lisbonne ont marqué le rythme du Processus. la Politique européenne de Voisinage a suivi également son cours pour compléter le Processus de Barcelone. Un autre vecteur de l’Union européenne avec des implications dans l’espace méditerranéen est l’élargissement à deux nouveaux membres, la Bulgarie et la roumanie, qui eut lieu le premier janvier 2007, et qui sans aucun doute donnera avec le temps une projection plus grande de l’Union vers la Mer noire. egalement, l’implication continue de l’Union européenne dans la stabilité des Balkans est un autre aspect positif de la PeSC qui doit être pris en compte.

en plus, du coté positif de la balance durant l’année passée, il faut également mettre l’accord obtenu au Conseil européen informel de lisbonne le 19 octobre 2007 sur le traité de réforme. Dans cet accord, il fut confirmé que le Haut représentant de l’Ue serait également vice-pré-sident de la Commission et responsable des relations extérieures, pour que la PeSC ait un instrument plus efficace quand le traité sera ratifié.

Maintenant, il existe des aspects moins positifs dans la politique exté-rieure européenne envers la région de la Méditerranée. le point le plus épineux et controversé au long de la dernière année a été sans doute la réaction européenne face au conflit entre Israéliens et Palestiniens, et les évolutions du côté palestinien. Il faut se rappeler que, après les élec-tions palestiniennes de janvier 2006 lors desquelles le Hamas obtenu la majorité, fur créé un gouvernement Hamas mené par Ismail Haniya qui partagea le pouvoir avec le Fatah, du Président Mahmoud abbas. Bien que cette cohabitation fut difficile, les parties palestiniennes arrivèrent à un accord à la Mecque le 8 février 2007 pour un gouvernement d’unité nationale. Ce moment de consensus alla en se détériorant, la situation humanitaire étant chaque fois pire, et les factions palestiniennes furent préparées pour la lutte, qui éclata en juin 2007, avec pour résultat que les forces armées du Hamas contrôlèrent à partir de ce moment la bande de gaza, et qu’une scission politique se produisit entre les Palestiniens.

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la PeSC et la PeSD en Méditerranée en 2007

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en plus de la création d’un gouvernement d’unité nationale, l’Union européenne, qui avait déclaré le Hamas en tant qu’organisation terroriste, nia tout appui direct et tout contact politique avec ce gouver-nement. Bien qu’elle ne maintint pas de relations avec le gouvernement du Hamas, l’Union européenne continua à assurer une aide humanitaire qui était canalisée à travers un processus d’urgence. Maintenant, de nombreux experts et observateurs affirment que le temps écoulé entre l’accord de la Mecque en février 2007 et la irruption de la violence en juin 2007, les européens perdirent une opportunité d’essayer un nou-veau type de relations avec le gouvernement de coalition. ainsi, Muriel asseburg, du Stiftung Wissenshaft und Politik, observe que, comme il y a diverses tendances au sein du Hamas, il aurait été possible de favori-ser celles qui étaient les plus proches de reconnaître un modus vivendi avec l’état d’Israël et de respecter les compromis précédents acquis pour les Palestiniens. en ayant produit la fragmentation entre les Palestiniens de gaza et de Cisjordanie en été 2007, s’ouvre une nouvelle phase de résultats difficiles à prévoir, sachant que la bande de gaza s’est conver-tie en un espace toujours plus détérioré d’un point de vue économique et politique.

Nouvelles initiatives pour la Méditerranée

Durant la campagne pour élire le Président de la république française en mai 2007, le candidat nicolas Sarkozy proposa un nouveau projet de l’Union Méditerranéenne, très vague, pour les pays riverains de l’espace méditerranéen. Une fois élu Président, Sarkozy concrétisa cette idée, surtout dans un discours fait à tanger le 23 octobre 2007. la récente proposition du président Sarkozy a le mérite indiscutable d’inviter à la réflexion sur les relations en Méditerranée. Cependant, elle souffre de certains points faibles propres aux idées politiques sorties du four à moi-tié cuites.

Premièrement, Sarkozy cita dans son discours de tanger les pères de l’intégration européenne. Mais ces précurseurs étaient de différents pays, tandis que lui ne partagea pas son projet avec d’autres avant de le formuler. Deuxièmement, Sarkozy prévoit une association d’états baignés par la Mer Méditerranée uniquement et invite les autres états européens à assister en tant qu’observateurs, tandis que la Commission serait associée pour assurer la relation « entre les deux unions ». Il faut se demander si cette formule est compatible avec l’existence d’une politique extérieure et de sécurité commune dans l’Union européenne. enfin, Sarkozy affirma que l’intégration européenne commença avec le charbon et l’acier, l’Union Méditerranéenne commencerait avec le développement durable, l’énergie, les transports et l’eau, et s’occuperait aussi de la culture, de l’éducation et du capital humain. tous ces aspects sont aujourd’hui traités dans d’autres forums et on ne voit pas quelle est la valeur ajoutée.

le plan de Sarkozy doit encore mûrir à travers la discussion entre les par-tenaires européens et méditerranéens. Cependant, au jour d’aujourd’hui il semble que le meilleur développement du projet serait une fusion avec le Processus de Barcelone, en associant pleinement l’Ue, dans le but de renforcer le Partenariat euro-Méditerranéen.

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29Martín Ortega CarCelén

Pendant 2007, la PeSC et la PeSD, les politiques extérieures et de sécurité de l’Union, ont contribué de manière remarquable au maintien de la paix et la stabilité

en 1995, les européens et les autres riverains de la Méditerranée eurent une idée géniale : donner un contenu politique à la réalité géographique de cette mer au moyen d’une association de large portée avec l’Union européenne naissante, qui se présentait comme le pôle économique indiscutable de cet espace. ainsi fut créé le Processus de Barcelone avec des activités multilatérales (dans lesquelles tous participèrent) et des accords bilatéraux de chacun des voisins avec l’Union européenne. Ce fut une solution flexible pour un ensemble hétérogène parsemé de conflits, qui ne pouvait pas aspirer à intégrer l’Union.

Comme nous le savons, le Processus a eu une vie hasardeuse et n’a pas produit de résultats spectaculaires. Pour en juger, il faut tenir compte non obstant que vaincre des inerties historiques si pesantes requiert du temps et que les controverses ouvertes dans la région supposent un frein permanent. Parmi ses vertus, il faut souligner que le Processus de Barcelone est un forum de dialogue et de coopération où les pays européens, et l’Union européenne comme nouvel acteur international, peuvent se rencontrer avec les pays méditerranéens. la déclaration de la récente Conférence euroméditerranéenne de lisbonne, célébrée les 5 et 6 novembre sous la présidence portugaise, refléta une dédaignable liste de contenus : depuis la lutte contre le terrorisme ou la désertifica-tion aux programmes d’aide au ciné, paré d’un financement de plus de trois milles millions d’euros pour la période 2007-2010.

Pour cette raison, il faudrait utiliser la nouvelle impulsion française pour renforcer le Processus de Barcelone, ce qui pourrait se concrétiser pendant la présidence française de l’Ue pendant le second semestre de 2008.

Quelques conclusions face au future

en regardant en arrière, il semble que 2007 ait été une année de transi-tion, aussi pour la Méditerranée. les problèmes classiques de cet espace, à commencer par le conflit entre Israël et les Palestiniens, continuent sans résolution. les états-Unis, qui s’embarquèrent dans la guerre d’Iraq en 2003 n’ont pas exercé un leadership clair pour la résolution de ces conflits et n’ont pas offert une vision cohérente de la région du Moyen-Orient. l’Union européenne aussi est en transition (comme cela semble être habituel), mais se dirige lentement vers l’irruption en tant qu’ac-teur international plus significatif. Probablement le traité de lisbonne, qui réforme l’Union, lui donnant une plus grande capacité d’action extérieure, sert pour exercer un rôle plus décisif dans les relations inter-nationales.

en Méditerranée, le Processus de Barcelone et la Politique européenne de Voisinage continuent d’être des instruments privilégiés pour assurer des relations de coopération entre l’Union européenne et ses voisins. Pendant 2007, la PeSC et la PeSD, les politiques extérieures et de sécu-rité de l’Union, ont contribué de manière remarquable au maintien de la paix et la stabilité. en tant qu’aspect plus positif, il faut se rappeler les moyens de coopération au sein du Processus de Barcelone et la partici-pation de certains états européens dans l’opération FInUl 2 au sud du liban. Bien que celle-ci fut une mission des nations Unies et non dans le cadre de la PeSD de l’Union européenne, il est évident que la présence

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la PeSC et la PeSD en Méditerranée en 2007

le projet présenté par le Président Sarkozy en 2007 a servi de révulsif, pour attirer l’attention qu’il est nécessaire de repenser et reconstruire cet espace euro-méditerranéen

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des européens renforça l’opération. Comme aspect plus négatif, peut-être pourrions nous signaler le manque de décision des européens à l’heure de chercher une solution négociée du conflit entre les Israéliens et les Palestiniens.

Cependant, nous ne pouvons être entièrement satisfaits du Processus de Barcelone comme il est aujourd’hui. le projet présenté par le Président Sarkozy en 2007 a servi de révulsif, pour attirer l’attention qu’il est nécessaire de repenser et reconstruire cet espace euro-méditerranéen. Il est sûr que ce projet doit être révisé et, au final, doit servir pour renforcer le Processus de Barcelone, en intégrant pleinement l’Union européenne. Mais le fait de présenter des alternatives est utile parce que cela démontre que nous ne sommes dans un temps de continuité mais dans un temps d’architectes, dans lequel nous devons planifier de manière audacieuse le future. Cette ambition doit être présente dans tout l’espace euro-méditerranéen parce que, après 2008, qui comme 2007 se profile aussi comme une année de transition, s’ouvrira certai-nement une nouvelle étape dans laquelle il faudra établir de nouvelles structures régionales au Moyen-Orient et aussi réformer les institutions globales pour faire face aux nombreux problèmes communs, depuis la résolution de conflits jusqu’à la protection de l’environnement.

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Eduard Soler i Lecha

Coordinateur du Programme Méditerranéen de la Fondation CIDOB

LE PROCESSUS DE BARCELONE ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE: DE TAMPERE À LISBONNE

Dans le cadre des séminaires internationaux sur la sécurité et la défense en Méditerranée on dresse généralement le bilan des principales initiati-ves de coopération dans la région . Il ne faudrait pas manquer dans cet effort, l’analyse tant du Processus de Barcelone, pierre angulaire des relations euro-méditerranéennes que de la Politique Européenne de Voisinage . Nous ferons le point quant à l’évolution de ces cadres de coopération depuis la Conférence euro-méditerranéenne de Tampere (27-28 novembre 2006) jusqu’à la Conférence euro-méditerranéenne de Lisbonne (5-6 décembre 2007) .

Deux cadres de coopération dans une même région

Avant de nous avancer dans le bilan proprement dit nous devons expo-ser, à grands traits, les principales différences entre le Processus de Barcelone et la Politique Européenne de Voisinage (PEV) . Nous observons une différence de nature . Comme son nom l’indique la PEV est une poli-tique, c’est-à-dire, qu’elle est conçue par son sujet (l’Union Européenne) envers un objet (le pays associé) . En revanche, l’esprit du Processus de Barcelone situe, du moins quant à ces principes, tous les membres, euro-péens ou méditerranéens, sur un pied d’égalité.

De même nous constatons une différence du spectre géographique . La PEV recouvre un espace beaucoup plus grand étant donné que, en plus des pays du bassin méditerranéen, elle inclut les pays d’Europe orientale et du Caucase . Ainsi, la Turquie est membre du Processus de Barcelone mais la PEV ne s’applique pas puisqu’il s’agit d’un pays candidat.

Il y a, finalement, une différence de structure . Le Processus de Barcelone combine une dimension multilatérale et une dimension bilatérale tandis que la PEV, du moins actuellement, se base sur une logique strictement bilatérale . Cette logique, qui se concrétise en plans d’action (action plans) et rapports de pays (country reports) permet de programmer des actions adaptées aux nécessités, situations concrètes et volonté réforma-trice de chacun des membres méditerranéens .

Malgré ces différences certains perçoivent des rapprochements excessifs entre les deux cadres . Bien que la Commission Européenne et les États

Malgré les différences certains perçoivent des rapprochements excessifs entre le Processus de Barcelone et la Politique Européenne de voisinage

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LE PROCESSUS DE BARCELONE ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE: DE TAMPERE À LISBONNE

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Membres insistent qu’il y a une complémentarité entre ces cadres de coopération, nombreux sont les experts et les analystes qui préviennent du risque de substitution du Processus de Barcelone par la PEV, ou en tous cas de la marginalisation du premier par cette politique .

Ces discussions, qui ne sont pas le centre de cette analyse, montrent pourquoi il est important d’analyser le Processus de Barcelone et la PEV dans le cadre d’un même article1 . La raison principale est qu’ils sont for-tement inter-reliés et qu’ils se font référence l’un l’autre .

Une année compliquée

Dans cet exercice de bilan dans chacun des cadres de coopération de ce qui s’est passé entre Tampere et Lisbonne nous nous concentrerons, exclusivement, sur les aspects politiques et de sécurité . C’est-à-dire, les aspects qui constituent le premier panier du processus de Barcelone . Une thématique qui est aussi présente dans les Plans d’actions de la PEV .

La Conférence euro-méditerranéenne de Tampere eut lieu les 27 et 28 novembre 2006 . Dans cette ville finlandaise, les membres euro-médi-terranéens approuvèrent un plan de travail pour l’année suivante . Un plan modeste mais concret2 . Ce que l’on réussit à adopter fut un succès significatif si nous tenons compte d’à quel point furent adverses les mois précédents cette réunion (guerre au Liban, tension croissante dans les territoires palestiniens).

Au début novembre 2007 les membres euro-méditerranéens se réuni-rent à nouveau à Lisbonne . Dans cette ville, des conclusions communes furent convenues et des activités pour 2008 planifiées3 . Le rendez-vous de Lisbonne fut marqué, surtout, par l’incitant créé par la proposition française de mettre en marche une Union Méditerranéenne, qui dans ces exposés initiaux se présentait comme un mécanisme pour surmonter l’échec supposé du Processus de Barcelone .

Pour des motifs bien différents tant en 2006 qu’en 2007 les membres euro-méditerranéens se virent obliger de se définir de manière plus claire que d’habitude dans leur engagement dans le projet euro-médi-terranéen . Le compromis montré dans les deux réunions, n’a pas été accompagné, nécessairement, de progrès tangibles .

Les suites négatives

Nous pouvons identifier cinq aspects dans lesquels, malheureusement, il n’y a pas eu d’avancées significatives ces dernières années . Le premier est qu’il continue d’il y avoir de grandes difficultés pour avancer dans les thèmes de sécurité dans le cadre du Processus de Barcelone . Des projets congelés comme la Lettre de paix et de sécurité en méditerranée conti-nuent à être vues comme impossibles dans le contexte actuel . C’est pour cela qu’il fut décidé d’agir de manière bilatérale et d’appuyer ces états qui, comme le Maroc, désirent coopérer dans le cadre de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD).

Le deuxième est que le cadre du dialogue politique du Processus de Barcelone n’a pas servi à diminuer la tension entre les membres du processus, en particulier entre trois des membres du processus : Israël, le Liban et l’Autorité Nationale Palestinienne . Le rapport annuel de

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33 EDUARD SOLER I LEChA

La PEV continue à ne pas être attractive pour un pays clé de l’espace euro-méditerranéen: l’Algérie

EuroMeSCo qualifia l’année 2006 comme l’année des « guerres et des tensions en Méditerranée”4 . En automne 2007 la situation dans la bande de Gaza continuait d’être préoccupante . Un facteur additionnel de pré-occupation est qu’un autre membre du partenariat euro-méditerranéen, la Turquie, mène une politique agressive et nationaliste dans la lutte contre le terrorisme du PKK, qui menace d’ajouter de nouveaux éléments d’instabilités au Moyen-Orient .

En troisième lieu, il y a toujours un certain trouble quant aux résultats du Processus de Barcelone . Certains parlent des limites du Processus . En ce sens, nous assistons à un débat qui se développe depuis les premières années de fonctionnement: est-ce un problème de conception du parte-nariat ou un problème du contexte politico international et régional?

En quatrième lieu, la PEV n’offre pas d’incitants adéquats ou seulement pour les pays qui sont spécialement prédisposés à avancer dans leur coo-pération avec l’UE . Cette constatation, qui est un problème général de cette politique, s’accentue lorsque nous nous centrons sur le domaine politique et encore plus dans celui de la sécurité et la défense . Car, en premier lieu, pourquoi la PEV offre d’avancer dans l’intégration écono-mique mais non politique? La PEV a bien peu à offrir dans le champ de la sécurité et de la défense déjà que, pour le moment, elle n’apporte pas d’incitants attractifs dans des domaines comme la résolution de conflits ou la modernisation et la démocratisation des forces armées .

Finalement, nous devons souligner que la PEV continue à ne pas être attrac-tive pour un pays clé de l’espace euro-méditerranéen: l’Algérie5 . Ce pays voit avec suspicion la PEV parce qu’il considère qu’elle a une volonté excessive d’influencer et de marquer le rythme des réformes et considère qu’elle inter-fère excessivement dans les affaires de sa souveraineté nationale . De plus, comme l’Algérie a signé l’Accord d’Association relativement tard, en 2002, elle trouve plus convenant d’explorer toute la potentialité de l’accord avant de s’embarquer dans de nouveaux cadres de relation avec l’UE .

Nouveautés et progrès

Parallèlement à cette stagnation, entre Tampere et Lisbonne nous pouvons observer quelques nouveautés qui, dans certains cas, reflètent des progrès dans le cadre euro-méditerranéen ou dans la PEV et qui, dans d’autres cas, supposent de nouveaux défis auxquels ces cadres devront faire face .

Une de ces nouveautés est l’adoption de ce que la présidence allemande de l’UE vint à appeler la ‘Politique Européenne de Voisinage Renforcée’ et qui consiste en une série de documents de révision de cette politique, le plus connu étant la Communication de la Commission de décembre 20066 . Parmi les éléments les plus saillants de cette révision de la PEV figure la nécessité de repenser les incitants que peut offrir l’UE, faisant un plus grand effort pour identifier des agences ou des programmes européens qui peuvent être attractifs et, très concrètement une révision de la politique des visas . Une autre nouveauté consiste en l’acceptation qu’une politique purement bilatérale ne peut faire face à certains défis, comme celui de l’environnement ou de l’énergie . Tant la Commission Européenne que les experts mettent l’emphase sur le fait que ces ques-tions requièrent des cadres multilatéraux . Non obstant, on ne veut pas créer de nouvelles institutions mais profiter des cadres de coopération régionaux déjà existants comme le Processus de Barcelone ou les initiati-ves de coopération dans la Mer Noire .

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LE PROCESSUS DE BARCELONE ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE: DE TAMPERE À LISBONNE

Une des nouveautés les plus significatives de cette année est ce qui se connait déjà comme le statut avancé du Maroc

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Malgré ce discours selon lequel la PEV veut rester une politique bilatérale nous avons observé ces derniers mois quelques démarches qui suggèrent le contraire . La plus notable est la célébration en septembre à Bruxelles d’une conférence qui réunit des représentants gouvernementaux des pays bénéficiaires de la PEV et qui, apparemment, aura une continuité .

En restant dans le cadre de la PEV il faut souligner que, à la différence de ce que nous commentions avant concernant l’Algérie, l’Egypte a décidé de participer à cette politique . Le gouvernement du Caire, avait donné de rares preuves d’enthousiasme lorsque cette politique a commencé à se mettre en marche . Cependant, en 2007 elle a décidé de participer pleinement et depuis mars de cette année elle possède un Plan d’Action .

A cheval entre la PEV et le Processus de Barcelone une des nouveautés les plus significatives de cette année est ce qui se connait déjà comme le statut avancé du Maroc . Le gouvernement du Maroc, avec l’appui de l’Espagne, du Portugal, de la France, de l’Italie et de la Commission européenne a décidé de se rapprocher autant que faire se peut de l’idée de Romano Prodi de « tout sauf les institutions » . En ce sens, le statut avancé devrait servir pour concrétiser comment un pays peut se conver-tir en quelque chose de plus qu’un associé sans arriver l’adhésion7 . Les pays qui sont dans les relations avec le Maroc peuvent finir par avoir des répercussions chez les voisins méditerranéens y compris parmi les pays de l’Est qui suivront de près comment se concrétise ce ‘statut avancé’ et probablement tenteront de l’imiter . Dans le domaine de la sécurité et de la défense, le statut avancé se concrétisera, probablement, en une plus grande intégration du Maroc dans les mécanismes et les missions de la PESD . Le Maroc a montré des signes en ce sens (participation à l’ALThEA et désignation d’un responsable dans le Comité politique et de sécu-rité) . Avec le statut avancé cette coopération s’approfondira et s’étendra .

Egalement à cheval entre la PEV et le Processus de Barcelone il faut souligner que 2007 fut aussi la première année de fonctionnement de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (ENPI, en ses sigles anglais) . Cet instrument provient de la fusion des fonds MEDA et des fonds TACIS et, en plus, il incorpore quelques changements pour amé-liorer l’exécution des projets ou pour renforcer certaines dimensions comme la coopération transfrontalière . Non obstant, il est trop tôt pour dresser le bilan des résultats de cet instrument .

Déjà dans le cadre du Processus de Barcelone nous devons souligner les avancées vers la création d’un système euro-méditerranéen de protection civile . La Méditerranée est une zone spécialement vulnérable en matière de catastrophes naturelles et en 2005 le Plan d’Action approuvé à Barcelone signalait que ce domaine devrait être une priorité . Ainsi donc, le 24 octobre 2007 se réunirent à Porto les directeurs généraux de la protection civile du programme Euromed et leurs homologues européens pour avancer vers la construction de ce système euro-méditerranéen, pleinement intégré . La Conférence euro-méditerranéenne de Lisbonne continue d’avancer dans cette direction .

Dans le domaine de la sécurité et la défense nous observons que les pays européens ont fait un effort majeur pour intégrer certains mem-bres méditerranéens dans les discussions sur ces thèmes . Ainsi, à la fin septembre une session de travail informelle fut organisée à Evora entre les Ministres de la Défense des vingt six ainsi que ceux de cinq pays du Maghreb .

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35 EDUARD SOLER I LEChA

Une des principales nouveautés dans le cadre euro-méditerranéen fut l’irruption de la proposition française de créer une Union Méditerranéenne

Néanmoins, une des principales nouveautés dans le cadre euro-médi-terranéen fut l’irruption de la proposition française de créer une Union Méditerranéenne . Proposition initialement ébauchée en février à Toulon et concrétisée un peu plus tard dans un récent discours à Tanger du Président français8 . Nicolas Sarzoky assume que le Processus de Barcelone et la PEV ont des limites que ce nouveau projet pourrait surmonter . Sarkozy mise, d’un côté, pour ce qu’il défini comme des « solidarités concrètes » et des « projets pragmatiques dans un cadre à géométries variables » . Selon le Président français, de la même manière que la construction européenne s’est initié autours de la coopération du charbon et de l’acier, la construction méditerranéenne doit se réa-liser autours du développement durable, l’énergie, les transports et l’eau . Comme nous le voyons, nous rencontrons les thèmes classiques de la sécurité et de la défense dans ce catalogue .

Sarkozy mise, d’un autre côté, pour renforcer le dialogue politique en convoquant une réunion des chefs d’état et de gouvernements des pays riverains de la Méditerranée . Le terme G-Med fut proposé, imitant ainsi le G-8 . L’effort de dialogue politique fut une des principales priorités de la France dans le cadre euro-méditerranéen . Il faudra voir si un cadre qui réunit exclusivement les pays riverains est réellement plus effectif (ou plus problématique) qu’un cadre qui inclut les pays de l’Europe sep-tentrionale et orientale . À la lumière des conflits régionaux existants au Proche orient, il ne semble pas qu’il en soit de la sorte.

Il n’échappe à personne que le projet français génère de nombreux dou-tes . Entre ceux qui se montrent plus septiques nous trouvons les pays et les institutions, comme la Commission, les plus fermement engagés dans le Processus de Barcelone . Il figure aussi des pays de l’Europe non-méditer-ranéenne comme la Finlande ou l’Allemagne qui se sentent exclus d’une coopération dans laquelle ils ont investi beaucoup d’efforts . De même dans les pays du sud il existe des doutes et des réticences . De nombreux pays ara-bes mettent la priorité à avoir une relation avec toute l’UE et non seulement avec les pays méditerranéens de l’UE . De plus, la Turquie voit avec suspicion cette initiative déjà que ce pays craint que l’Union Méditerranéenne se pré-sente comme une alternative à ses plans d’adhésion à l’UE.

En guise de conclusion

La Méditerranée se révèle, cette année aussi, comme un domaine impor-tant des relations extérieures de l’UE sans que cela ne veuille dire que des avancées et des progrès significatifs ont été produit . Non seulement les cadres de coopérations existants ont été maintenus jusqu’à présent mais se pose la possibilité d’ajouter de nouveaux espaces, concrètement l’Union Méditerranéenne, à un schéma déjà complexe . Un des grands défis continue d’être l’articulation d’une politique européenne cohé-rente, qui optimise les moyens et les efforts et qui puisse avancer vers les ambitieux objectifs fixés dans la Déclaration de Barcelone de 1995, aujourd’hui encore pleinement en vigueur .

Comme nous venons de le voir, l’année 2007 a comporté des nouveau-tés sur la scène méditerranéenne mais dans le cadre de la coopération et la défense ils ont été particulièrement limités bien que nous ne puis-sions pas parler d’une situation de stagnation et de laisser-aller . Ce bilan annuel pourrait se résumer en paraphrasant Galilée: eppur si muove . Non obstant, ce mouvement n’atteint pas la vitesse de croisière que les défis de la région nécessitent.

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LE PROCESSUS DE BARCELONE ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE: DE TAMPERE À LISBONNE

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Notes

1. Pour ces discussions voyez, entre autres, EMERSON, Michael y NOUTChEVA, Gergana . “From Barcelona Process to Neighbourhood Policy: Assessments and Open Issues” . CEPS Working Paper, No 220 (2005); MAhJOUB, Azzam . “La politique européenne de voisinage: un dépassement du par-tenariat euro-méditerranéen” . Politique Étrangère, No . 3 . (2005) . P . 535-544; SChUMAChER, Tobias y DEL SARTO, Raffaella, “From EMP to ENP: What’s at Stake with the European Neighbourhood Policy towards the Southern Mediterranean?”, The European Foreign Affairs Review, vol . 10 No 1 (2005) 17-38; y SOLER i LEChA, “Las perspectivas de la Política Europea de Vecindad para el Mediterráneo” BARBÉ, Esther & hERRANZ, Anna (eds), Política Exterior y Parlamento Europeo: hacia el equilibrio entre eficacia y democracia . Barcelone: IUEE/ Bureau du Parlement européen à Barcelone, (2007) pp . 89-101 .

2. Tampere conclusions, 8th Euro-Mediterranean Conference of Ministers of Foreign Affairs, Tampere, 27-28 novembre 2006.

3. Agreed Conclusions of the 9th Euro-Mediterranean Meeting of Ministers of Foreign Affairs, Lisbonne, 5-6 novembre 2007.

4. EuroMeSCo Regaining Impetus, annual report, Lisbonne, 2007, pp . 14-15..5. Voir ZERARKA, Youssef, “Política de vecindad: por ahora no es una prioridad para Argel” dans

AFKAR-IDEAS, No . 14 (2007)6. Communication from the Commission to the Council and the European Parliament on

Strengthening the European Neighbourhood Policy, Bruxelles, 4 décembre 2006, COM(2006)726 final.

7. JAIDI, Larbi, “Estatuto avanzado entre la UE y Marruecos: ¿un nuevo partenariado?”, AFKAR-IDEAS, No . 14 (2007).

8. SARKOZY, Nicolas, Discours à Toulon (07/02/07) et SARKOZY, Nicolas, Discours du Président de la République sur l’Union méditerranéenne – Tanger, 23 octobre 2007 .

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La dimension stratégique de la Méditerranée a mis en relief les difficultés pour atteindre des plates-formes partagées qui permettent d’établir une architecture de sécurité commune

Mario Rino Me

Admiral. Président du 5+5, Ministère de la Défense de l'Italie

I l y a un consensus sur la nécessité de reconnaître la croissante préé-minence des vieux carrefours fruit de dynamiques géopolitiques implicites. Ceci, à un moment où il est chaque fois plus utile de

reconnaître à la géographie son importance stratégique, son acuité actuelle et son rôle quant aux questions sous-régionales.

De fait, la dimension stratégique de la Méditerranée a mis en relief les difficultés pour atteindre des plates-formes partagées qui permettent d’établir une architecture de sécurité commune due à la complexité et à la multiplicité des dynamiques sous-régionales. Il en résulte que la Méditerranée dans son ensemble est loin de se libérer des anciennes divisions et tensions de ses conséquences actuelles.

À l’automne 2004, dans un climat de collaboration effective et d’appui politique également intense, se présenta la proposition d’adopter le format 5+5 dans le domaine de la défense. Le défi était alors de met-tre en marche l’initiative à partir d’une table rase, avec l’intention de la doter d’un sens de dialogue opérationnel dans le cadre d’un format déjà existent. C’est-à-dire, le Dialogue 5+5, relancé dans les dimensions originales – ministres des Affaires Etrangères et ministres de l’Intérieur – après dix ans d’impasse.

Dans un contexte informel, un format plus circonscrit, de fait, favo-rise un dialogue plus dynamique et effectif, en minimisant le risque de s’enraciner dans un processus de prise de décisions compliquées. Il est considéré que le Dialogue établit une base indispensable pour la construction d’une coopération fructueuse. De fait, le climat nécessaire de confiance et de respect mutuel, qui permet d’assimiler les différences, se construit au travers du dialogue. Un autre facteur qui a permis le lan-cement rapide et l’avancement de cette initiative a été la combinaison des facteurs mentionnés antérieurement avec une portée géographique limitée, qui a permis de la maintenir à la marge des fluctuations et des frustrations causées par diverses crises politiques dans le voisinage.

En novembre 2004, le Ministère de la Défense d’Italie a accueilli la pre-mière rencontre informelle de l’autoproclamé Comité Directeur, qui assit les bases d’un accord. À Rome fut confirmé l’existence d’une perception commune des défis et opportunités et du désir d’avancer conjointement

Coopération dans les pays de la Méditerranée oCCidentale : l’initiative 5+5 de défense

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CoopéRAtIon DAns LEs pAys DE LA MéDItERRAnéE oCCIDEntALE : L’InItIAtIvE 5+5 DE DéfEnsE

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vers un projet commun progressif. Le 21 du mois suivant à paris, les ministres de la Défense des 10 pays membres ratifièrent la naissance officielle de l’Initiative de Défense 5+5 et formalisèrent la Déclaration d’Intentions. Ce document exhaustif établissait la figure institutionnelle de la présidence, rotative annuellement suivant l’ordre alphabétique anglais des pays, et la constitution du Comité Directeur, responsable devant les ministres de la direction et la supervision des actions accor-dées annuellement dans les plans d’Actions respectifs (approuvé au niveau des ministres de la Défense). son plus grand atout consiste en la rapide définition conceptuelle et approbation ministérielle du cadre de référence (la nommée Déclaration d’Intentions) et le premier plan d’Ac-tion de 2005 qui incluait, entre autres, en plus de la liste des activités, les principes (essentiellement la libre volonté et le consensus unanime), la méthodologie à suivre et les schémas opérationnels.

L’initiative 5+5 de défense se base sur la coopération dans des activités pra-tiques, qui donnent une réponse à des nécessités communes aux deux rives. Ces nécessités communes entraînent certains problèmes d’interopérabilité, qui peuvent se résoudre in situ avec des méthodologies de travail proposées et vérifiées selon chaque contexte. Un autre aspect important est l’esprit sui generis de la coopération, basée sur les principes de transparence et de coresponsabilité au lieu de l’imposition de solutions. C’est-à-dire, une coopé-ration bidirectionnelle entre des partenaires égaux.

trois domaines principaux de coopération sont étables selon leur apport dans le domaine de la défense.

En premier lieu, la vigilance maritime. nous observons dans les moyens de communication comment ce que les romains appelaient Mare Nostrum est aujourd’hui le scénario d’un certain nombre d’activités illé-gales. La dimension maritime est couverte par un cadre légal, composé de lois et d’accords internationaux, qui presse à partager cet espace commun depuis la perspective de la coopération. Les zones couvertes avec des missions Search and Rescue et l’apport de la Défense dans la lutte contre le trafic illicite de marchandises ou d’êtres humains et contre l’immigration illégale, sont spécialement importants pour les deux rives. Il est important de souligner que la gestion de certains aspects se produit au niveau des Chefs d’état Major de l’Armée.

En deuxième lieu, la contribution des forces Armées dans le domaine de la protection civile est significative. Dans un contexte de demande crois-sante de sécurité humaine, les ministres de la Défense peuvent offrir, dans leurs compétences et selon leurs moyens et capacités, un rapide soutien à la population, à la propriété, aux produits et aux services qui ont souffert des dommages ou ont été exposés au danger. L’assistance dans des situations de crise – qu’elle soit environnementale, naturelle ou provoquée par l’homme- le déminage et l’appui à la médecine militaire ou le suivi des nuages de sauterelles sont des champs où l’apport des forces Armées peut présenter une valeur ajoutée.

finalement, nous percevons le champ de la sécurité. Depuis que des organisations terroristes transnationales représentent un défi stratégi-que pour la communauté internationale, l’échange d’information sur l’espace aérien, en plus des réseaux habituels du système de contrôle

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39 MARIo RIno ME

L’initiative 5+5 de défense a misé, depuis ses débuts, pour le pragmatisme et le dynamisme

du trafic aérien civil, peut contribuer au rapide déploiement des moyens défensifs en cas de détecter l’usage de l’espace aérien pour des activités terroristes. Avec la première rencontre des Chefs d’état Major des forces Aériennes, qui eut lieu à Alger en juin 2007, une forte impulsion fut donnée à cette dimension.

L’initiative 5+5 de défense a misé, depuis ses débuts, pour le pragma-tisme et le dynamisme. Ceci l’a mise à la tête en matière de coopération, en la convertissant en un bon banc d’essais et d’expériences exportables aux autres et à de plus grands scénarios de participation.

Avec la phase opérationnelle de flexibilité en 2006 –avec la seconde présidence, celle de la france- a augmenté le nombre d’activités, en passant des quatre réalisée en 2005 à 14, 4 desquelles furent proposées par les partenaires de la rive sud, en donnant lieu à la coopération espé-rée bidirectionnelle. Ceci, à son tour, a lancé un processus de croissance en spirale de cercles vertueux basé sur le travail en équipe des mem-bres intéressés par les activités. Entre-temps, l’éventail d’activités s’est amplifié avec l’inclusion de propositions pour le déminage, pour établir des structures de formation et avec le débat initial sur la dimension de la formation du personnel. En 2007, 20 activités furent réalisées, huit desquelles, promues par les pays de la rive sud. 2007 nous a montrés de nouvelles preuves du succès de cette entreprise commune, de sa conception en tant que projet et de sa mise en œuvre – conséquence d’un compromis collectif ferme- qui a eu des résultats positifs, donnant lieu à l’alimentation croisée d’idées. En définitive, ce dynamisme reflète la réussite d’un triple objectif collectif et stratégique.

Le premier objectif stratégique obéit à la consolidation de l’Initiative, trois ans après son lancement, vers une dimension opérationnelle. Une offre de nombreuses activités avale la validité de la méthodologie appliquée à l’établissement d’une coopération effective et adéquate. L’exercice « Canale »- une initiative italo-maltaise étendue à d’autres états méditerranéens qui désirent participer et qui ont la capacité pour le faire et qui a déjà été adapté à la participation de dix pays– et l’exer-cice similaire “forefinger”, proposé par la france, indiquent que nous sommes entrés dans la dimension pratique.

Le véhicule opérationnel que représente le programme pilote italien, appelé Virtual-Regional Maritime Traffic Centre (v-RMtC), à la mesure du 5+5, est complémentaire à l’exercice « Canale » et à d’autres acti-vités similaires. C’est une contribution de facto à la sensibilisation de la situation aux principes plug and play et à des mesures spécifiques de confiance. L’approbation, de la part de huit flottes des préparatifs opérationnels du v-RMtC 5+5 nEt eu lieu à naples en mai 2007, pen-dant la rencontre des Chefs d’état Major de la flotte des pays membres de l’Initiative 5+5. pour l’instant, ce réseau reprend les apports de neuf flottes et nous espérons qu’il inclut les flottes de tous les membres l’an-née prochaine. Les recommandations d’un groupe de nombreux experts consolident les résultats obtenus, qui, à travers des leçons apprises, per-met d’implémenter un système propre à chaque cas.

Le deuxième objectif stratégique est représenté par l’émergence de formes spécifiques de coopération bidirectionnelle entre des partenai-

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CoopéRAtIon DAns LEs pAys DE LA MéDItERRAnéE oCCIDEntALE : L’InItIAtIvE 5+5 DE DéfEnsE

Il est nécessaire d’adhérer aux processus impulsés par les organisations régionales chaque fois plus actives dans la région, en recherche de possibles synergies

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res égaux. Le troisième objectif stratégique est l’échange d’un dialogue fluide entre toutes les parties. Grâce à un milieu favorable aux relations interpersonnelles et en particulier aux opportunités que représentent une initiative dont tous les membres bénéficient, nous pouvons affirmer que l’Initiative est entré dans son étape de jeunesse.

La dimension de l’éducation constitue, actuellement, le quatrième domaine de coopération. Dans cette direction, la france et la tunisie ont présenté leurs propositions pour la mise en marche d’une école du groupe 5+5 et d’un Institut d’études stratégiques. Les deux projets méritent une grande atten-tion en vue de leur possible complémentarité et de la contribution décisive de ce que nous pourrions définir comme « interopérabilité des mentalités ». L’ainsi nommée « école itinérante du groupe 5+5 » a atteint sa phase finale et sera lancée l’année prochaine. Grâce à la généreuse contribution de toute la communauté, celle-ci ira au-delà du simple échange universitaire.

En relation avec le think-tank, nous considérons que toute forme de coopération pragmatique doit se nourrir dans une vision du futur stra-tégique, avec la conviction que des directrices communes puissent être bénéfiques pour les deux rives et qu’elles sont un réquisit indispensa-ble pour affronter avec succès les défis du futur. En d’autres mots, si la première impulsion fut de caractère pratique, pour regarder vers l’avant nous devons aller au-delà des nécessités quotidiennes.

En résultats de ce que qui est mentionné antérieurement, l’Initiative se renforce par la concurrence des activités pragmatiques et, dans un futu-re proche, par la dimension éducative déjà mentionnée. Dans une étape postérieure, nous espérons pouvoir établir aussi une sous-dimension de formation, qui augmente son caractère auto suffisant.

Il est nécessaire d’adhérer aux processus impulsés par les organisations régionales comme l’Union Européenne, l’Union du Maghreb Arabe et l’Union Africaine, chaque fois plus actives dans la région, en recherche de possibles synergies. La rencontre ministérielle à Evora fut la première réponse à cette nécessité. Le compromis de la slovénie et de la france de continuer à avancer dans la même direction assurent un future encourageant. nous croyons aussi qu’il est nécessaire d’établir un lien dans le cadre du 5+5 déjà que nombre des activités qui se réalisent sont très proches des compétences des ministres de l’Intérieur.

Une coopération pragmatique et équilibrée fait que l’Initiative s’érige comme un modèle de coopération entre l’UE et l’Afrique et comme banc d’essais pour de futures expériences.

En définitive, le projet de l’Initiative 5+5 de Défense est une structure de blocs de construction qui nous permet de voir la Méditerranée, en ces moments réduite à sa dimension occidentale, sous une perspective de coopération collective. La gouvernementalité de cette mer est une res-ponsabilité partagée. Le succès de l’Initiative réside en sa propre nature, décrite préalablement et en son adhésion à certains principes connus comme « pense globalement, commence pratiquement et agi locale-ment » et, après la rencontre d’Evora, « coordonne régionalement ». Il est essentiel de travailler en équipe pour harmoniser les questions et établir des synergies.

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Dans un contexte international volatil, de plus en plus complexe et aux changements trépidants, la coopération se présente comme l’unique forme effective pour nos pays afin de protéger leur sécurité

Alberto Bin

Responsable du Dialogue Méditerranéen, Initiative de Coopération d’Istanbul et Section de Contact avec les Pays,

Division des Affaires politiques et Politique de Sécurité, Personnel International de l’OTAN

.

Le rôLe de L’OTAN eN MédiTerrANée eT dAN Les GrANd MOyeN-OrieNT

C es dernières années, j’ai vaincu de très près l’évolution de la coo-pération de l’OTAN avec les autres pays tant méditerranéens que du Moyen-Orient et j’aimerais souligner l’énorme potentiel de

cette coopération. Dans notre monde actuel les effets tant positifs que négatifs de la globalisation sont évidents. Dans un contexte international volatil, de plus en plus complexe et aux changements trépidants, la coo-pération se présente comme l’unique forme effective pour nos pays afin de protéger leur sécurité.

Depuis ses débuts il y a presque 60 ans, dans des circonstances très dif-férentes des circonstances actuelles, l’OTAN a compris l’importance de la coopération. L’OTAN fut créée pour rapprocher l’Amérique du Nord et l’Europe afin d’affronter les défis de sécurité d’une Europe divisée. Heureusement, la Guerre Froide s’est terminée il y a quelque temps, en même temps que l’ancienne alliance de l’OTAN de cette période.

Comme alors, l’OTAN continue d’avoir deux traits distinctifs qui lui confé-rèrent la force et la cohésion nécessaires pour s’adapter et répondre aux circonstances changeantes. D’un côté, l’OTAN unit l’Amérique du Nord à l’Europe –deux continents qui ont non seulement un degré de coopération privilégié entre eux, mais qui en plus se sentent dans l’obligation de contri-buer à la stabilité mondiale. D’un autre côté, l’OTAN continue de présenter des mécanismes de consultation politique exceptionnels et une structure mili-taire capable de mettre en marche les décisions convenues par ses membres.

En même temps, la coopération au sein de l’OTAN en matière de sécu-rité a évolué vers une nouvelle nature totalement différente. Il n’est plus nécessaire de défendre l’Europe occidentale de la menace d’une invasion massive de la partie orientale. Maintenant, la coopération au sein de l’OTAN se dirige vers les nouveaux défis en matière de sécurité come le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive (ADM) et l’ins-tabilité due aux états fragiles ou en déliquescence. Ainsi donc, quelles différences rencontrons nous entre l’OTAN du 21ème siècle et l’ancien-ne ? Je crois que nous pouvons en faire ressortir essentiellement trois.

En premier lieu, la perception de la sécurité. En essence, les 26 mem-bres de l’OTAN s’accordent à dire que concevoir la sécurité en se basant uniquement sur des paramètres géographiques et territoriaux est une

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LE rôLE DE L’OTAN EN MéDITErrANéE ET DAN LEs GrAND MOyEN-OrIENT

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approche excessivement limitée pour affronter les risques et les défis, qui actuellement ne connaissent pas de barrière. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que ces défis se présentent à nous, mais au contrai-re nous devons être prêts pour les affronter dès qu’ils apparaissent, en ce compris quand ils ont des origines au-delà des frontières traditionnelles européennes.

Pour cela, l’OTAN dispose actuellement de plus de 50.000 troupes déployées en grand nombre de missions très exigeantes dans les trois continents. En Europe, l’OTAN continue à maintenir la paix dans les Balkans, et plus spécialement au Kosovo. En Méditerranée, nous avons l’opération maritime de l’Alliance “Active Endeavour” réalisée par des patrouilles navales pour lutter contre le terrorisme. En Afghanistan, l’OTAN dirige la Force Internationale d’Assistance à la sécurité, un des compromis de grande envergure, qui comprend des tâches de maintien de la paix et de combat. En Irak, l’OTAN a établi une mission d’entraîne-ment pour aider à former les forces de sécurité iraquiennes. En Afrique, l’OTAN apporte son soutien à l’Union Africaine dans sa mission de maintien de la paix au Darfour. De même, en de nombreuses occasions, l’OTAN a démontré sa capacité d’assistance dans les opérations interna-tionales d’aide humanitaire. Elle l’a fait après le terrible tremblement de terre qui frappa le Pakistan en 2005 et plus récemment dans le contexte des opérations de sauvetage après l’éruption d’un volcan dans une île au devant de la côte du yémen. Dans les deux cas, l’OTAN est intervenue après demande spécifique des autorités locales.

Je voulais signaler qu’aucune de ces missions n’a pour objectif la défense du territoire ni ne poursuit une victoire militaire dans le sens territorial. Je voulais aussi souligner qu’elle ne désir pas jouer le rôle de police mondiale toujours prête à solutionner les problèmes du monde. Nous avons compris que, à l’ère de la globalisation, l’OTAN doit avoir un rôle beaucoup plus actif dans la promotion de la stabilité et la sécurité. Ceci ne signifie pas que l’OTAN doive s’imposer, mais au contraire, qu’il est nécessaire de travailler côte à côte avec d’autres pays et d’autres organi-sations internationales.

Ceci nous amène à la seconde caractéristique fondamentale de l’OTAN actuellement : notre proximité avec d’autres institutions. Le cas de l’Afghanistan en est la meilleure illustration. Nous savons que le succès en Afghanistan ne dépend pas exclusivement de l’OTAN mais implique une meilleure sécurité et un meilleur développement, les deux allant de paire. La reconstruction et le développement ont débuté quasi de zéro ; il est nécessaire de créer un nouveau processus politique, la lutte et la construction des structures nationales doivent être menée en parallèle, et les voisins régionaux doivent s’impliquer dans tout ceci.

Pour tout cela en Afghanistan, comme ailleurs, l’OTAN n’agit pas seul. évidemment nous travaillons en collaboration avec les gouvernement impliqués. Toujours plus, nous collaborons également avec d’autres institutions plus importantes, comme les Nations Unies (ONU), l’Union Européenne (UE) ou la Banque Mondiale (BM) et avec des organisations non gouvernementales (ONG). Comme je le mentionnais antérieurement, cet effort de coopération international est l’unique approche possible pour la sauvegarde de la sécurité dans un monde globalisé.

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43 ALBErTO BIN

Le Dialogue Méditerranéen et l’ICI poursuivent encourager la compréhension mutuelle, améliorer la transparence et le compromis de coopération en affaires ponctuelles d’intérêt mutuel

La troisième caractéristique significative de l’OTAN actuellement est son travail en association. La promotion de la sécurité est une tâche ardue dont les 26 états membres de l’OTAN sont conscients qu’elle requiert la collaboration d’autres pays – pays qui aussi sont conscients qu’ils ne sont pas exempts de nouveaux risques et menaces globales; pays disposés à travailler avec nous pour faire face à ces défis communs.

Il abonde de pays qui veulent collaborer. À l’heure actuelle, 18 pays membres ont des forces sous le mandat de l’OTAN, côte à côte avec nos troupes dans des opérations très exigeantes. L’OTAN se trouve au centre d’un vaste réseau d’associations qui s’étend dans toute l’Europe, l’Asie centrale, le nord de l’Afrique, le Moyen-Orient et y compris au-delà.

Dans le milieu des années 90, l’OTAN fit le premier pas dans le rapproche-ment de ses voisins du sud avec le Dialogue Méditerranéen. son objectif sera d’établir une nouvelle relation entre l’OTAN et quelques pays du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient. Il y a trois ans de cela, l’Initiative de Coopération d’Istanbul (ICI) a étendu cette offre aux états du Golfe.

Dans le fond, le Dialogue Méditerranéen et l’ICI poursuivent les mêmes objectifs : encourager la compréhension mutuelle, améliorer la transpa-rence et le compromis de coopération en affaires ponctuelles d’intérêt mutuel. L’approche de base du Dialogue Méditerranéen et de l’ICI peut se résumer facilement ainsi : l’OTAN n’impose rien à ses partenaires mais elle leur offre la possibilité de travailler ensemble dans des domaines dans lesquels elle a de l’expérience et dans lequel ses partenaires peuvent définir leurs nécessités spécifiques et démontrer l’authentique appropria-tion du projet. De plus, l’OTAN veut compléter la coopération actuelle de ses partenaires dans d’autres scénarios et avec d’autres acteurs inter-nationaux. Il ne s’agit pas de dupliquer ou de compliquer la coopération existante, mais de se concentrer sur des domaines dans lesquels l’OTAN peut apporter une valeur ajoutée, qui est dans la coopération pratique.

Jusqu’à présent les résultats sont positifs. Pour le moment, sept pays de la rive sud de la Méditerranée se sont joints au Dialogue Méditerranéen : l’Algérie, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc, et la Tunisie. Quatre pays du Golfe participent à la ICI : le Bahreïn, le Koweït, le Qatar et les émirats Arabes Unis. Les contacts politiques ont par ailleurs augmenté considérablement. Des réunions ministérielles du Dialogue Méditerranéen ont été tenues à Bruxelles en 2004, à Taormina en 2006 et à séville en 2007. La prochaine rencontre est prévue pour le 7 décembre 2007 à Bruxelles. Le Conseil de l’OTAN au complet – le corps politique avec la plus haute autorité de l’Alliance – rendit visite au Maroc et au Koweït. Les chefs d’état Major des pays qui participent à l’OTAN et au Dialogue Méditerranéen se réunissent régulièrement au siège central de l’OTAN. Nous avons aperçu une augmentation significative de la coopération pra-tique, dans des domaines qui vont depuis le partage des connaissances d’intelligence à travers l’interopérabilité militaire et la participation dans des exercices militaires, jusqu’à la réforme du secteur de la sécurité. Ainsi donc, nous pouvons établir un équilibre entre la non-discrimination – un principe fondamental pour toutes nos initiatives dans la région – et la nécessité de différenciation développant les Programmes de Coopération Individuel (PCI). Israël fut le premier à développer un PCI, suivi par l’Egyp-te, qui y a mis un point final récemment.

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LE rôLE DE L’OTAN EN MéDITErrANéE ET DAN LEs GrAND MOyEN-OrIENT

Dans moins de deux ans, l’OTAN aura 60 ans grâce à sa grande capacité d’adaptation

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Maintenant donc, le défi est de continuer à progresser et renforcer ce qui a été acquis. Je suis convaincu que c’est plus possible que jamais. Cela fait moins d’un an, lors du sommet de riga, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OTAN ont décidé de renforcer les mécanismes d’as-sociation de l’OTAN. Ce pas important ouvre les portes à de nouvelles possibilités de coopération dans trois domaines essentiels.

En premier lieu, de nouvelles opportunités émergeront pour le dialogue politique et la consultation entre les membres de l’OTAN et un ou plu-sieurs partenaires du dialogue Méditerranéen ou de la ICI qui participent aux opérations de l’OTAN. Ceci donnera plus de substance aux deux cadres et permettra de répondre mieux à de futures événements.

En deuxième lieu, le Dialogue Méditerranéen et l’ICI pourront béné-ficier de certains des outils pour l’association qui, jusqu’alors, étaient seulement disponibles pour les membres du cadre plus complexe de l’As-sociation pour la Paix (Partnership for peace), ce qui accroîtra l’intensité de la coopération.

Finalement, et peut-être le plus important, nous lançons l’ainsi nommée Initiative de coopération pour la Formation de l’OTAN. Au travers de quasi six décades de coopération militaire entre les Alliés, l’OTAN a acquis une expérience enrichissante dans l’éducation et la formation. En parta-geant cette expérience avec ses partenaires de la Méditerranée et de la région du Golfe elle ferait un pas de plus vers l’interopérabilité humaine, tellement importante tant pour le succès des futures missions partagées que pour la coopération quotidienne. Actuellement nous travaillons pour l’établissement de cette nouvelle initiative, en ce compris à travers l’éta-blissement d’une faculté dans le Collège de Défense de l’OTAN à rome.

Dans la phase d’implémentation des nouvelles opportunités de coopéra-tion, nous continuons de travailler de près avec de nouveaux partenaires dans la région. Nous croyons que la co-appropriation entre des partenai-res analogues est la clé pour la coopération. Nous défendons aussi une coopération bidirectionnelle, qui ne double pas les efforts des autres et qui n’impose rien à personne. Tous ces principes continuent à guider la coo-pération avec nos partenaires tant en Méditerranée qu’au Moyen-Orient.

Dans moins de deux ans, l’OTAN aura 60 ans. C’est un âge avancé pour une alliance d’états souverains, mais à regarder l’agenda chargé de l’OTAN la raison pour laquelle l’Alliance a été maintenue opérationnelle pendant tant de temps est évidente : parce qu’elle a une grande capacité d’adap-tation à un paysage stratégique changeant. Le Dialogue Méditerranéen et l’Initiative de Coopération d’Istanbul sont chacun un exemple de l’habilité unique d’adaptation qui doit être préservé.

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SCÉNARIOS DE SÉCURITÉ ET D’INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE

• ComprendrelaséCuritéautrement: uneissueàl’impasseduproCessusde BarCelone

Álvaro de Vasconcelos

• lesdéfisséCuritairesaumaghreB

Khadija Mohsen-Finan

• lapaiXisraelo-araBeetlaSÉCURITÉ aumoYen-orient

Shlomo Ben Ami

• séCuritéetinséCuritéaumoYen-orient

Fred Halliday

• séCuritéetinséCuritéenméditerranée: uneperspeCtivenord-amériCaine

Ian O. Lesser

• lesdéfisséCuritairesdanslaméditerranée sud-orientale:impliCationspourl’ue

Meliha Benli Altunisik

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Álvaro de Vasconcelos

Directeur, Institut d’Études sur la Sécurité de l’Union Européenne (ISS-EU), Paris

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Au niveau sécuritaire, il y a une dysfonction entre les valeurs que l’on avait fixées et l’analyse qu’on fait de la problématique de la sécurité en Méditerranée

ComprendrelaséCuritéautrement :une issueàl’impasseduproCessusdeBarCelone

L e constat d’échec du processus de Barcelone semble aujourd’hui de plus un plus accepté. Il est partagé par beaucoup de capitales et notamment par les pays d’Europe du sud -mais pas seulement-

devenant aujourd’hui le centre du débat euroméditerranèen. Il me semble alors important d’aborder ici le rapport entre l’analyse que nous faisons de la problématique de sécurité en Méditerranée et ce constat d’échec du processus de Barcelone.

Au niveau sécuritaire, il y a une dysfonction entre les valeurs que l’on avait fixées, que l’on avait annoncé quand nous avons lancé le processus de Barcelone et l’analyse qu’on fait de la problématique de la sécurité en Méditerranée et du défi du sud de la Méditerranée à l’Union Européenne. Ce décalage est une des raisons centrales de ce constat d’échec. À savoir, nous avons annoncé ici, à Barcelone, ça fait déjà 12 ans, que notre objectif était de créer une zone intégrée euroméditerranéenne, basée sur la démo-cratie et les droits de l’homme et que nous allions le faire par un processus à long terme d’intégration économique, politique et sociale. Mais en même temps, déjà en 1995 (ça n’a pas changé dans l’essentiel) on a fait une ana-lyse des défis auxquels on devait faire face qui ne correspond pas, de mon point de vue, à la réalité. Je dirais même qu’elle est en contradiction même avec la possibilité de mener à bien ces objectifs.

À partir de 1995 on a considéré que le grand défi pour l’UE dans la Méditerranée était l’islamisme politique. On considérait que les pays du sud qui faisait face à un changement politique étaient en crise (du point de vue économique et sociale) lorsque l’alternative aux régimes existants étaient de forces politiques qui apparaissaient comme un véritable dan-ger aux yeux de l’UE : on les comprenait pas, on les aimait pas, on avait peur de son arrivée au pouvoir et on a développé pendant ces années une politique qui avait comme objectif les neutraliser ou, au moins, les rendre incapables de participer activement dans la vie politique.

La base du constat d’échec que l’on fait aujourd’hui, même si elle n’est pas la seule, a à voir avec le fait que, 12 ans après, toutes ces forces politiques n’ont pas été neutralisées, n’ont pas été éliminées mais elles sont devenues plutôt des forces incontournables. Des forces qui y étaient peut-être déjà mais qu’aujourd’hui elles y sont d’une façon plus évidente et se sont constituées en tant que véritables alternatives politiques aux

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COMprEnDrE LA séCUrIté AUtrEMEnt : UnE sOrtIE DE L’IMpAssE DU prOCEssUs DE BArCELOnE

Il y a de forces politiques islamistes, qui ont une référence à la religion dans sa culture politique et qui sont en même temps des acteurs du changement démocratique

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gouvernements qui ont dirigé ces pays pendant toutes ces dernières années. C’est dans cette analyse que réside une partie importante du constat d’échec du processus et il est alors importante dans notre discus-sion sur les défis de la sécurité en Méditerranée d’être capable de faire une analyse plus précise, plus proche de la réalité, plus capable de com-prendre le changement politique dans la région, enfin plus capable de comprendre ce qu’on appelle le « phénomène islamiste ».

pour arriver à cette analyse, il faut abandonner une approche de la problé-matique euroméditerranéenne qui est basé sur une analyse que j’appellerais, pour simplifier, culturaliste. tout homme de bon sens dirait que prévoir un clash of civilizations ne fait pas de sens. Mais ça ne veut pas dire qu’on n’accepte pas le donné essentiel de cette analyse qui fonde finalement la conviction de samuel Huntington et, disons, des culturalistes. Cette donnée essentielle serait d’une part, que les civilisations sont des acteurs politiques et donc, quand elles se mettent en rapport, nous serions ou bien en face d’un dialogue, ou bien d’un choc. Le dialogue c’est une vision positive mais ça serait le huntingtonnisme positive du choc de civilisations. Et d’autre part, que les islamistes seraient les représentants les plus claires, les plus avancés, de cette perspective civilisationnelle, de ce choc de civilisations –par leur référence claire à la religion, à la culture, à la civilisation ; mais aussi, pour beaucoup d’eux, parce qu’ils croient que les civilisations sont des acteurs politiques et que eux ils sont les représentants d’une certaine civilisation ; par leur méfiance de l’influence culturelle de l’occident ; et parce que, les plus extrémistes, ils ont une perspective aussi de choc de civilisations. Ils seraient donc le grand défi à l’UE.

En ce point il me semble central comprendre que les gens ont des identités multiples. Il y a un livre d’Amartya sen1 sur la problématique des identités, où il l’exprime d’une façon très brillante et claire cette idée. L’argument de base dans sa critique du culturalisme, est justement l’incapacité pour beaucoup d’accepter multiplicité de l’identité. nous ne sommes jamais une seule chose, esclaves de sa culture, de sa religion ou de sa civilisation : il y a des hommes qui sont des démocrates et islamistes en même temps, des démocrates et non islamistes, mais parmi les islamistes des démocrates et islamistes qui peuvent avoir ces deux identités de la même manière que l’on peut être démocrate, islamiste et favorable à une intégration avec l’UE et en même temps croire à l’idée d’une Union Euroméditerranéenne qui serait alors une troisième identité. Ce livre nous empêche de continuer à penser la situation méditerranéenne de la même manière. Cette idée change la com-préhension du phénomène islamiste, de son énorme diversité, du fait que les islamistes ne sont pas tous de terroristes. Il y a de forces politiques islamistes, prenons pour cas l’AKp en turquie (même si l’AKp n’aime pas qu’on rappelle que son identité vient de l’islamisme politique), ou le pJD au Maroc, qui ont une référence à la religion dans sa culture politique et qui sont en même temps des acteurs du changement démocratique.

L’importance de cette analyse pour les relations euroméditerranéennes et pour la sécurité en Méditerranée est bien évidente si l’on prend la question de la palestine. Aujourd’hui la stratégie de sécurité de l’UE –et il s’agit d’une perspective très partagée- voit la question israélo-palestinienne comme la question centrale en Méditerranée. Elle considère ainsi que la résolution de la problématique israélo-palestinienne non seulement ferait avancer les relations euroméditerranéennes mais ferait aussi reculer le radicalisme,

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49 ÁLvArO DE vAsCOnCELOs

Il faut changer la conception politique dans le domaine de la sécurité et ne pas faire de la question du terrorisme la question unique et absolue

l’extrémisme identitaire, d’une façon significative. Il s’agirait donc d’une contribution majeure à la stabilité et la sécurité en Méditerranée. pourtant l’incapacité de comprendre le phénomène islamiste, la tendance à voir dans tout l’islamisme un ennemi mortel des valeurs occidentales a fait que l’UE (et pas seulement l’UE qui n’est peut-être même pas le déclencheur de cette position), a été incapable d’accepter les résultats des élections palestiniennes qui ont donné la victoire à Hamas, un parti islamiste. nous trouvons dans cet événement d’un coté, le caractère incontournable de ce parti et de l’autre, notre incapacité pour accepter leur rôle dans la vie politique et les consé-quences de cette incapacité, c'est-à-dire, une situation très dégradée, avec une profonde division des forces politiques palestiniennes, un affaiblisse-ment de la cause de la construction d’un état palestinien et tout ce qui s’en découle. Il n’est pas nécessaire d’insister à ce propos car aujourd’hui tout le monde réalise que sans un engagement de Hamas il n’y aura pas une sortie pour la situation palestinienne. Le 27 de novembre il y aura une Conférence de paix à Annapolis sur la question israélo-palestinienne, que espérons soit un grand succès, mais difficilement sera le cas si toutes les forces palesti-niennes ne sont pas engagées dans le processus. Elle sera peut-être le début d’un processus, mais sans engager toutes les forces politiques palestiniennes le leader de la palestine est évidemment très affaibli, incapable de mettre en pratique ce qu’il pourrait éventuellement accepter dans cette conférence.

Depuis une perspective plus positive, si l’on regarde les élections au Maroc nous voyons comment le processus de transformation politique est possible dû au fait que le gouvernement marocain, le roi, a accepté le pJD en tant qu’acteur du changement politique. évidemment nous pour-rions nous demander qu’est-ce que serait aujourd’hui du Maroc et les possibilités de son intégration euroméditerranéenne si le Maroc n’avait pas accepté le pJD comme un acteur politique, si il l’aurait neutralisé, ou empêché de participer politiquement. Quelle serait la situation politique interne au Maroc ? Certainement cette force politique s’aurait radicalisé et serait un facteur énorme d’instabilité.

Quel est alors notre futur ? D'un coté, on arrive à la fin d'une période où l'analyse des problèmes de sécurité en Méditerranée était dominée par la perspective de global war against terrorism. Cette perspective de guerre globale contre le terrorisme a rendu évidemment très difficile la relation avec les partis islamistes car c'est vrai qu’une partie du courrant islamiste, le courrant plus radical, plus extrémiste, minoritaire mais existant, a fait du terrorisme une arme dans son action politique. Le fait d’avoir globalisé le phénomène et de considérer le terrorisme comme une menace semblable a ce qu'était l'Union soviétique pendant la Guerre Froide empêchait de voir les différences, les distinctions, contextualiser la problématique du terrorisme et différencier entre les différentes forces politiques.

Il serait intéressant de signaler qu’aujourd'hui aux états-Unis, notamment dans le secteur démocrate qui très probablement arrivera au pouvoir, mais même dans des secteurs républicains, la réflexion constate un échec de cette conception. On considère donc qu’il faut changer la conception politique dans le domaine de la sécurité et ne pas faire de la question du terrorisme la question unique et absolue. On récupère d’autres problèmes comme des questions sociales, des questions politiques, des questions de démocratie, des questions de droits de l'homme, des questions de pauvreté, etc. que dans beaucoup de circonstances sont plus importantes, plus signifi-

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COMprEnDrE LA séCUrIté AUtrEMEnt : UnE sOrtIE DE L’IMpAssE DU prOCEssUs DE BArCELOnE

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catives pour la stabilité et pour la sécurité que le terrorisme. évidemment, ce changement aux états-Unis facilitera aussi le changement dans le monde et certainement aura un grand impact en Europe.

Finalement, il faudrait se demander qu'est-ce que nous avons à faire en tant qu’européens, euroméditerranéens et européens du sud. si j’ai signalé pour commencer qu’on avait un constat d'échec, il faut aussi dire que devant ce constat d'échec il y a eu de propositions osées comme par exemple la créa-tion de la Union Euroméditerranéenne. L'idée qui est à la base du lancement de cette proposition est ce constat d'échec et la perception de la nécessité de faire plus, du besoin d’aller au-delà de cet échec. Mais qu'est-ce qu'il faudrait faire de plus? Est-ce qu'il faut faire plus en tant que méditerranéens (ce qui, évidemment, a un rôle particulier a jouer), ou est-ce qu'il faut faire plus en tant que euroméditerranéens? Est-ce que le type de questions que j'ai soulevées sont mieux résolues par une coopération étroite seulement entre les pays du parcours méditerranéen ou sont mieux résolues par un engagement fort de l'UE? Est-ce qu'il faut parler d'Union Méditerranéenne ou d'Union Euroméditerranéenne? À mon avis, la réponse a trouver est dans cette perspective euroméditerranéenne pour une raison simple: si l’on se place seulement dans le méditerranéen, l'accent est mis dans l'inter-gouvernementale, il est mis dans la coopération entre les états, ce qui est évidemment une composante essentiel, mais on perd la dimension com-munautaire, la dimension d'engagement politique, la dimension sociale, la dimension de soutien à la société civile, à la démocratisation, etc. qui est la partie plus intéressante dès mon point de vue du processus euroméditer-ranéen. Cette partie-ci est la partie de succès du processus de Barcelone et il ne faut pas la jeter de coté mais, tout au contraire, la développer en tirant profit de cet en-plus qui est donné par de bases euroméditerranéennes. Il faut qu'on aie bien en tête que dans toutes ces années de difficultés du processus de Barcelone il y a eu seulement un engagement avec la société civile, qu'il y a eu aussi un engagement dans le domaine économique et qu'il y a eu aussi des progrès qui ont été faits en utilisant les instruments commu-nautaires de l'UE. Il faut alors les ressembler. si nous avons une vision, un défi qui ne soit pas le sécuritaire purement mais le sécuritaire dans un sens plus large, on se rendra compte que le grand atout de l'UE est cette com-binaison entre le communautaire et le politique. C'est en travaillant cette cohérence entre la coopération politique, la coopération intergouvernemen-tale, comme c’est déjà le cas avec le 5+5 dans le domaine de la sécurité, et les efforts communautaires d'intégration économique, de soutien à la démo-cratie et aux droits de l'homme que l’on pourra aller de l'avant. Espérons alors, pour conclure, que ce débat sur l'Union Méditerranéenne renforce une perspective euroméditerranéenne et pas seulement méditerranéenne.

Note

1. Amartya sen, Identity and violence: the illusion of destiny, new York: W. W. norton&Co. cop., 2006.

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Ce qui a fondamentalement changé au niveau des défis de type sécuritaire, c’est l’inscription de l’Islam radical au plan internationa

Khadija Mohsen-Finan

Chargé de Recherche à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et enseignante à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris

D ans les pays du Maghreb, la menace de type sécuritaire est aujourd’hui multiforme, conjuguant des éléments traditionnel-lement ancrés dans l’environnement de cette région, comme

la tension entre Alger et Rabat et son point de cristallisation autour du conflit du Sahara occidental et des éléments qui constituent une donne nouvelle comme l’alliance passée entre Al-Qaïda et deux formations isla-mistes de la région : le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien et le Groupe islamique combattant en Libye.

Il existe également des points de convergence entre les facteurs consi-dérés comme anciens et les nouveaux qui pourraient se rencontrer dans cette fameuse bande sahélienne où l’autorité des États ne s’exerce pas.

En réalité, ce qui a fondamentalement changé au niveau des défis de type sécuritaire, c’est l’inscription de l’Islam radical au plan internatio-nal. Cela s’accompagne bien sûr de méthodes nouvelles, importées du Moyen-Orient par des Maghrébins ayant séjourné en Afghanistan, ou tout simplement observées sur des sites internet.

Autrefois, que ce soit dans les années quatre-vingt avec les émeutes du pain, ou encore dans les années quatre-vingt-dix avec la guerre civile algérienne, les phénomènes étaient nationaux. Aujourd’hui, l’ennemi est beaucoup plus difficile à identifier, et les objectifs des actes terroristes ne sont pas précis. Les méthodes empruntées rendent les moyens de lutte traditionnels peu opérants et donnent le sentiment que les pouvoirs en place ont de moins en moins de maîtrise sur la sécurité de leurs pays.

Par ailleurs, cette menace n’est pas localisée, elle est diffuse, tous les lieux, tous les pays sont exposés à la violence. Le ralliement du GSPC à Al-Qaïda octroie également à ce mouvement une légitimité qui lui est très utile pour reconstituer des réseaux de jeunes désireux d’aller com-battre en Irak, ou encore candidats au suicide; une facilité à reconstituer les réseaux qui révèle l’existence d’une jeunesse, aussi minoritaire soit-elle, dénuée de rêves, de projets et sans intégration réelle, qu’elle soit sociale ou politique, dans la société dans laquelle elle vit. Ces jeunes ne négocient plus avec l’État, considéré comme corrompu, impie et allié des Occidentaux, leur mode d’expression est radicalement différent, puisqu’ils choisissent de vaincre l’ennemi au prix de leur propre destruction.

Les défis sécuritaires au Maghreb

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LES DÉfIS SÉCuRItAIRES Au MAGhREb

Le projet des nouveaux jihadistes est global : il dépasse les frontières du pays et peut-être de la région

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Un terrorisme d’un type nouveau

L’année 2007 a été marquée par des attentats d’un type nouveau. Qu’ils soient revendiqués ou non par Al-Qaïda, ils en portent indéniablement la marque : voitures piégées, attentats simultanés, opérations suicides synchronisées, choix symbolique des dates et des cibles, le mode opé-ratoire est de plus en plus sophistiqué avec une mise à feu à distance, au moyen de téléphones mobiles. Ces attentats s’inscrivent désormais dans la mouvance islamiste internationale et n’épargnent aucun pays de la région. Dans la tunisie de ben Ali, fortement sécurisée, un groupe salafiste s’apprêtant à commettre des attaques à été démantelé en décembre 2006. Au Maroc, en avril 2007, les opérations kamikazes de Casablanca ont dramatiquement ravivé le souvenir de mai 2003, lorsque des attentats-suicides simultanés se sont produits dans divers lieux sym-boliques de la capitale économique faisant 43 morts.

En Algérie, l’ancien GSPC, rebaptisé Al-Qaïda dans le Maghreb islami-que, montre qu’il a accru ses capacités opérationnelles, qu’il a retrouvé sa force de frappe, un temps réduite par l’armée algérienne. Sa maîtrise, bien qu’imparfaite à frapper les symboles du pouvoir et de l’Occident indique que, contrairement aux déclarations des autorités algériennes, la violence radicale n’est pas résiduelle.

L’ancien GSPC dispose également d’une capacité, sans doute accrue depuis son alliance avec ben Laden, à reconstituer les réseaux de jihadis-tes candidats au suicide pour commettre des attentats ou aller en Irak. Ces jeunes sont souvent algériens, mais le démantèlement de certains réseaux a montré qu’ils pouvaient aussi venir des pays voisins.

Les nouveaux jihadistes se donnent pour objectif de déclarer la guerre aux dirigeants politiques des pays de la région qu’ils jugent impies, corrompus et inféodés aux États-unis et aux Occidentaux. Ils se différencient ainsi du front islamique du salut (fIS) ou encore du Groupe islamique armé (GIA) qui entendaient inscrire leurs actions dans un cadre algérien, dans le but de mettre en place un État islamique. Le projet des nouveaux jihadistes est glo-bal : il dépasse les frontières du pays et peut-être de la région.

C’est précisément ce projet qui fait craindre aux états du Maghreb une vague fondamentaliste depuis le ralliement des deux groupes précités à la nébuleuse internationale de ben Laden. toutefois, pour l’heure, et indépendamment de la simultanéité des attentats du 11 avril, ainsi que la présence de tunisiens et de Mauritaniens dans les camps d’entraîne-ment de l’ex-GSPC, on ne peut parler de commandement unifié.

Pensée par Ayman El Zawahiri, la fédération des mouvements islamistes du Maghreb, qui aurait entre autres avantages de constituer un front proche de l’Europe n’est pas encore réelle. Au Maroc, par exemple, si les attentats suicides survenus le 11 mars et le 10 avril 2007 s’apparentent aux métho-des d’Al-Qaïda, leur commandement est totalement autonome. Il s’agit de cellules islamistes radicales dont les objectifs sont différents. Si le Groupe islamique combattant marocain (GICM) reste l’organisation de référence, il en existe d’autres, déterminées à atteindre des cibles variées comme les symboles du pouvoir, les Occidentaux ou encore les touristes. En 2006, les services de sécurité marocains ont démantelé onze réseaux d’agents recru-

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teurs de combattants en Irak. Ces réseaux étaient animés par le GICM et l’un d’entre eux aurait envoyé près de 40 marocains combattre en Irak après les avoir entraînés dans le nord du Mali1.

Le démantèlement régulier de cellules prêtes pour des attaques terroristes indique qu’il y a bien persistance de la menace du 16 mai 2003. Comme dans le cas du GSPC algérien, ces groupes marocains affichent une capacité certaine à régénérer les réseaux et ce en dépit d’une très grande surveillan-ce de la part des forces de l’ordre. Il existe un ensemble de groupuscules violents et dépourvus de projet politique. Ils s’inspirent du salafisme interna-tional et se nourrissent et coexistent avec la petite criminalité.

En l’absence de commandement unifié, on voit donc que dans le Maghreb d’aujourd’hui, des pratiques salafistes se déploient différem-ment, et ce parce que l’islamisme s’élabore de manière interactive avec son environnement.

La bande sahélienne

En réalité nous ne disposons que de peu d’éléments tangibles sur cette bande sahélienne de plusieurs milliers de kilomètres qui va de l’Atlanti-que jusqu’au tchad. Longtemps abandonné aux seuls touaregs et aux trafiquants de tout genre, ce territoire fait aujourd’hui figure de zone grise rebelle à l’autorité des États de la région.

Différents facteurs expliquent l’appréhension des Américains, des Européens et des États maghrébins quant à cette zone peu contrôlée.

D’une part, la porosité des frontières permet la circulation de person-nes et de produits de toutes sortes : armes, cigarettes en contrebande, marchandises dont le commerce est plus ou moins licite. Cette circula-tion de personnes et de produits est facilitée par le fait que cette zone sahélienne est entourée de pays dont les appareils sécuritaires sont parti-culièrement faibles pour pouvoir contrôler l’ensemble de leurs territoires, jusqu’aux frontières.

La faiblesse de ces États sahéliens, lourdement endettés et mal struc-turés au plan politique est d’autant plus à craindre qu’ils jouxtent des pays considérés comme des foyers actifs ou potentiels de l’Islam radical comme le Soudan, la nord du nigeria ou encore l’Algérie2.

Véritable territoire sans maître, il pourrait servir de lieu d’entraînement aussi bien aux candidats venus des pays limitrophes, d’Europe ou d’ailleurs, comme aux groupes jihad islamistes ayant des difficultés à opérer en Algérie. Potentiel ou réel, ce refuge d’islamistes pouvant se regrouper, s’entraîner et éventuellement concevoir des opérations terroristes nourrit une véritable fixation chez les Américains. Dès 2002, ils mirent en place une lutte concertée entre les différents États de la région baptisée alors Pan-Sahel Initiative, qui deviendra en 2005 la Trans-Sahara Counterterrorism Initiative (tSCtI). Doté de 100 millions de dollars par an sur une durée de cinq ans, ce programme a vocation à venir en aide aux sept pays qui bordent le Sahara dans leur lutte contre le terrorisme.

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LES DÉfIS SÉCuRItAIRES Au MAGhREb

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Dans les faits, cette « coordination sur le terrain » renvoie à des moyens relativement rudimentaires comme apprendre aux armées de la région à manier le matériel militaire, à se coordonner et à tirer profit des rensei-gnements fournis par Washington ou encore Paris.

En outre, les sept États qui participent à cette coordination semblent concevoir différemment la lutte contre le terrorisme. tandis que pour les Américains, elle passe nécessairement par un entraînement des forces locales qu’il faut doter des moyens nécessaires pour combat-tre les islamistes, pour les Maliens, ce ne sont pas les islamistes qu’il faut combattre en priorité mais bien la contrebande rendue possible par le faible contrôle étatique sur le nord du Mali. Pour bamako, c’est la fragilité des États et la porosité des frontières qui constituent la première menace.

Parallèlement à ces conceptions divergentes de la menace et des moyens nécessaires pour la combattre, Alger a pendant un temps instrumentali-sé certains groupes touaregs en les enrôlant dans des unités spéciales de sécurité pour combattre les islamistes. Stratégie qui fut de courte durée, puisque ces anciens rebelles touaregs se sont rapidement réconciliés avec les membres du GSPC.

Cette absence d’unité dans l’appréciation de la menace et de la défi-nition même de l’adversaire à combattre, contribue à précariser les méthodes préconisées. Comment lutter aujourd’hui contre les réseaux terroristes dans cette région et quelle est la réalité de la menace qui règne dans cette fameuse bande sahélienne ? Chacun des États concer-nés par ce programme de lutte contre le terrorisme pourrait être tenté d’utiliser l’opacité régnante, la porosité des frontières et le manque de cloisonnement traditionnel entre trafiquants, commerçants et plus récemment salafistes, pour se débarrasser de ses ennemis. un ennemi qu’il aura défini et qui peut être l’islamiste du GSPC pour Alger ou le Sahraoui du front Polisario pour Rabat.

Ces accusations se fondent peut-être sur des observations mettant en exergue des liens existants entre ces groupes. L’étude conduite par Altadis sur la contrebande de tabac au Maghreb montre que des Sahraouis ont été impliqués dans un vaste réseau de contrebande, en réceptionnant les stocks de cigarettes à Casablanca avant de les redis-tribuer. Ce trafic qui emprunte des routes variées passe également par le Sahara occidental et en particulier par la ville de Laayoun, pénètre en Algérie par tifariti et bir Lahlou, points d’eau contrôlés par le front Polisario3.

Si aujourd’hui la nature de ces contacts ne semble pas constituer une menace immédiate et avérée pour les pays limitrophes, les activités de ces groupes sont rendues possibles par l’absence de contrôle étatique. Des groupes réfractaires aux États de la région qui pourraient conjuguer leur rejet des systèmes établis pour faire de cette bande sahélienne un refuge, une zone de repli pour des opérations de déstabilisation des pouvoirs en place. D’où la nécessité de pacifier la région, en commen-çant par mettre un terme au conflit du Sahara, même s’il s’agit d’un conflit de basse intensité.

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De pacifier la région, en commençant par mettre un terme au conflit du Sahara, même s’il s’agit d’un conflit de basse intensité

Clore le conflit du Sahara

toutefois, si Américains, Européens et Marocains s’accordent à penser que la résolution de ce conflit est un préalable à la pacification de la région, la difficulté à trouver une solution reste entière.

Si aujourd’hui Rabat présente l’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine comme une solution inéluctable à ce conflit vieux de plus de trente ans, il n’en reste pas moins que cette option ne pourra être rete-nue que si elle est acceptée par tous les acteurs. Or, elle a été rejetée par le front Polisario et l’Algérie qui continuent de revendiquer le principe d’autodétermination pour régler ce contentieux.

La complexité de la situation actuelle tient notamment du fait que les protagonistes se sont enfermés dans une sémantique réductrice consis-tant pour les uns à assimiler l’autodétermination à l’indépendance des Sahraouis, et donc à une défaite du Maroc, et pour les autres à associer l’autonomie du Sahara à une victoire marocaine, puisque c’est l’option retenue par Rabat depuis le début des années 2000.

Pour sortir de ce dilemme, il aurait fallu que l’une des deux parties puisse être considérée comme victorieuse dans ce conflit, de manière à dicter son option en guise de résolution. Cela n’est pas le cas. Rabat et Alger continuent de nourrir le projet de dominer la région en affaiblissant le voisin. Cette ambition sous-jacente ne s’est pas évanouie et le front Polisario continue d’exister, grâce à l’Algérie et aussi du fait que ce pays n’a pas abandonné son projet de dominer la région. Or, la visée finale de la guerre, comme le dit Clausewitz, n’est pas de détruire physiquement un adversaire mais de briser sa volonté politique. Dans le cas du Sahara, les deux volontés politiques, aussi antagonistes soient-elles, sont encore très présentes.

L’erreur des protagonistes consiste ici à penser comme s’il n’y avait de victoire ou de défaite que par le « tout ou rien » et comme si la mise en application de sa propre option garantissait forcément sa victoire et la défaite de l’adversaire.

Compte tenu de ces rigidités stratégiques qui créent forcément un pié-tinement dans la recherche d’une sortie de crise, le renoncement au conflit du Sahara par ses acteurs résultera nécessairement d’un appren-tissage et d’une maturité politique consistant à abandonner les logiques nationales et la nécessité de l’existence d’un leadership régional.

Par ailleurs, si la mise en place d’une autonomie au Sahara sem-ble constituer la sortie de crise la plus probable, d’autant qu’elle est approuvée par les États-unis, la france et les nations unies, elle pose inévitablement une série de questions au pouvoir marocain d’une part, aux autres pays de la région ensuite. Pour le Maroc, elle implique une nouvelle architecture institutionnelle et une révision de la Constitution. Il s’agit aussi de passer d’un système centralisé à un système décentralisé, avec tout ce que cela implique pour une monarchie qui « s’est construit une fonction de gardienne de l’unité nationale et de l’Islam marocain tout en centralisant son pouvoir »4.

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LES DÉfIS SÉCuRItAIRES Au MAGhREb

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De fait, les symboles politiques sont toujours très présents dans l’esprit des Marocains et à Mohammed V « le libérateur » a succédé hassan II « l’unificateur » qui, au nom de l’intégrité territoriale, aurait intégré le Sahara au Maroc.

Il s’agit aussi d’établir un nouveau pacte avec les Sahraouis qui auront des prérogatives régionales en étant représentés par une Assemblée. Se pose alors la question de la composition de cette instance. Comment faire coexister les personnes déplacées de tarfaya et Goulimine, avec cel-les venues des villes du Maroc et les éléments du front Polisario ? Il s’agit là de légitimité et de représentativité, deux notions intimement liées à la possibilité de négocier avec Rabat les limites du pouvoir local.

En matière d’éducation, par exemple, est-il possible d’imaginer des pro-grammes scolaires différents des autres régions ? Inversement, s’il y avait similitude, que resterait-il de l’identité sahraouie et de l’histoire du Sahara forcément à écrire ? Comment écrire une histoire officielle et refonder un pacte national en prenant en compte des identités plurielles qui se sont opposées au prix d’une guerre plus de trois décennies durant ?

Cette autonomie qui pourrait être concédée au Sahara implique pour le Maroc une transformation affectant son assise territoriale et son régime interne, pouvant avoir des effets sur son identité politique. Par ailleurs, cette autonomie pourrait faire école et susciter d’autres revendications dans des régions où les populations seraient tentées de mettre en avant leurs identités ou leurs spécificités. Si cela se produisait, nous assisterions alors à une fragmentation du pouvoir central au profit des identités et des libertés locales.

Si ce schéma de régionalisation devait prendre forme au Maroc, il pour-rait alors séduire des entités originaires de pays voisins, et notamment les Kabyles qui pourraient revendiquer leur autonomie par rapport à Alger.

Si dans ces cas de figure, il s’agit de fragmentation des pouvoirs cen-traux et d’une réévaluation de la configuration politique actuelle, il n’est pas forcément question de risques ou de dangers potentiels, mais plutôt d’un autre schéma politique qui pourrait même constituer un prélude à un Maghreb des régions susceptible de se substituer à un Maghreb des États-nations.

Développement politique et stabilité

Ces défis sécuritaires, de même que le maintien d’un conflit larvé dont les acteurs peinent à sortir, révèlent l’existence de nouveaux foyers de tension proches de l’Europe. Cette proximité donne une nouvelle centra-lité au Maghreb dans les relations internationales.

Pont économique et culturel entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, cette région devient un lieu de tensions exportables, réservoir d’immigrés originaires du Maghreb ou en transit par ces pays.

Mais cette réappréciation de l’espace Maghreb peut également inciter Européens et Américains à contribuer à la pacification et au développe-

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En dépit des aménagements, les élections indiquent une volonté de changement par le haut et elles sont contrôlées par les pouvoirs qui hésitent à associer ou à juguler les islamistes

ment de cette région, puisque les effets pervers ne peuvent être confinés d’un seul côté de la Méditerranée.

Cette relation entre développement économique, politique et sécu-rité est donc réelle. Mieux encore, depuis le 11 septembre 2001, les Américains sont même allés plus loin en établissant un lien entre l’ins-tauration de la démocratie dans le monde, et en particulier dans le monde arabe, et leur propre sécurité intérieure.

À l’inverse, dans les pays du Maghreb, les rendez-vous électoraux, organisés à dates régulières, s’inscrivent dans un climat de changement voulu dans chacun des pays et sont censés traduire une ouverture politique et exprimer le lien politique renoué entre électeurs et dirigeants politiques5. Depuis les années quatre-vingt-dix, les gouvernants déploient un effort considérable pour respecter le cadre de la légalité constitutionnelle et le calendrier. Ce souci de la légalité formelle tranche avec les interrogations que l’on peut avoir sur le sens de ces consultations. Dans chacun des pays, le pouvoir met en avant le cadre pluri-partisan et organise régulièrement des élections, en respectant scrupuleusement le calendrier électoral. Il multiplie aussi les mécanismes de contrôle politique, affichant la transparence comme façon de rompre avec des périodes révolues. toutes ces précautions sont censées donner une cohérence symbolique au pouvoir, tout en affichant un souci de la légalité constitutionnelle.

Pourtant, et en dépit des aménagements, les élections qui se tiennent indiquent une volonté de changement par le haut et, malgré un souci de transparence et d’ouverture, elles sont contrôlées par les pouvoirs qui hésitent à associer ou à juguler les islamistes.

Les deux élections législatives qui se sont déroulées en Algérie (mai 2007) et au Maroc (septembre 2007), montrent que, contrairement au modèle turc, les élites au pouvoir au Maghreb, et plus généralement encore dans le monde arabe, ne sont pas prêtes à partager la gestion des affaires politiques avec des partis islamistes, quelle que soit l’importance de leurs bases.

En réalité, la transparence du jeu politique et la pluralité des partis en compétition créent des espoirs de participation au jeu politique, qui sont par la suite contredits par la réalité des régimes qui restent au dernier ressort autoritaires6. Au Maroc, par exemple, la crainte de la victoire du Parti islamiste de la justice et du développement (PjD), a conduit le pou-voir à redécouper les circonscriptions électorales, ce qui fut préjudiciable à la formation islamiste. Pourtant, malgré cela, ce parti, qui s’est imposé dans le domaine politique en l’espace d’une décennie, est arrivé en second rang, après l’Istiqlal, sans être représenté au Gouvernement.

Ces régimes qui combinent maintien de l’autoritarisme et transparence électorale apportent pour l’heure une stabilité politique doublée d’une image d’ouverture. Cela arrange bien les alliés européens et américains qui ne manquent pas de saluer les résultats de ces élections qualifiées de libres et transparentes. Mais, à terme, la frustration des militants et des sympa-thisants de ces partis pourrait contribuer à la désaffection des citoyens à l’égard des classes politiques, créant un risque de déstabilisation. En effet, la mauvaise gouvernance et « l'hybridité » des régimes peuvent aussi être porteuses de risques sécuritaires pour les équilibres politiques.

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Notes

1. Khadija Mohsen-finan, « Le Jihadisme s’invite au Maghreb » Ramsès, 2007 p. 192.2. Alain Antil L’Afrique et la guerre contre la terreur, Politique étrangère, Ifri n° 3.2006.3. Ignacio Cembrero, La contrebande du tabac malmenée par Altadis, Le journal hebdomadaire, 2-8

juin 2007.4. Malika Zeghal, Islam, islamistes et ouvertures politiques dans le monde arabe, quelques jalons pour

une approche non culturaliste, in La démocratie est-elle soluble dans l’Islam ? ss dir hammoudi, bauchard et Leveau, IfRI/CnRS éditions, 2007

5. Khadija Mohsen-finan, « Au Maghreb, ce que voter veut dire », in Marchés Tropicaux et méditerranéens, mai 2003.

6. Khadija Mohsen-finan et Malika Zeghal, « Maroc, régime hybride » in Libération, 27 septembre 2007.

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Shlomo Ben Ami

Vice-Président du Centre International de Tolède pour la Paix (CITpax). Ancien Ministre des Affaires Etrangères d'Israël

I l est difficile d'imaginer l'établissement proche d'un système de sécurité collectif au Moyen-Orient à cause des craintes pour la stabilité nationale des régimes de la zone, de l'absence de valeurs

communes entre ses membres et, non le moins important, de l'émer-gence du fondamentalisme islamique comme une des plus grandes menaces aux régimes actuels de la région. Cette multiplicité de menaces convertit la sécurité globale au Moyen-Orient en un concept hautement problématique.

A moins que ne se résolve le conflit israélo-arabe, que se solutionnent les disputes inter-arabes et que les aspirations nationales des minorités opprimées ne se satisfassent, la vente sélective d'armes dans la région, spécialement à pays qui ont une stratégie défensive, se présente comme l'instrument principal pour maintenir la stabilité et la sécurité de la région. Parmi ces derniers nous trouvons non seulement la Palestine, mais aussi le conflit turco-kurde, la structuration du Liban, l'affrontement entre sunnites et chiites, l'apparition de puissants acteurs non-étatiques comme le Hamas, qui ont obtenus des succès dans un conflit asymé-trique, l'apparition de pouvoirs révolutionnaires comme en Syrie et en Iran, qui continuent à se doter de la technologie militaire nucléaire, et l'avancée de "l'axe du mal", dirigé par l'Iran, qui menace d'en finir avec n'importe quel processus de paix dans la région.

C'est seulement en surmontant les aspirations nationales et en solu-tionnant les conflits politiques qu'il va être possible de créer un système quasi-fédéral comme celui de l'Union européenne. Ainsi, il ne fut pos-sible d'établir des initiatives plus importantes et de structure variable, comme la conférence d'Helsinki, qu'une fois que les conflits européens furent résolus.

Un système de sécurité régional au Moyen-Orient restera paralysé pen-dant des années par la perception que les pays arabes ont d'Israël. Tant que celui-ci n'a pas de frontières fixes reconnues internationalement, les arabes continueront à le percevoir comme un état avec des préhensions irrépressibles de s'étendre. Pendant des années, Israël a représenté pour les arabes la mesure de leur échec, un "état traversé technologiquement avancé" dirigé par une élite technologique décidée à obstruer le déve-loppement arabe.

LA PAIX ISRAELO-ARABE ET LA SÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

Un système de sécurité régional au Moyen-Orient restera paralysé pendant des années par la perception que les pays arabes ont d'Israël

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LA PAIX ISRAELO-ARABE ET LA SÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

Percevoir la sécurité dans la région comme une question de "Israël contre le monde arabe" est une des principales erreurs au Moyen-Orient.

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Les arabes ne se sentent pas sûrs de leur supériorité numérique et craignent l'avantage qualitatif d'Israël, toujours assurée par le soutien inconditionnel des États-Unis à l'état juif. De manière inévitable, la per-ception des arabes de la menace qualitative que représente Israël est déterminée par la capacité nucléaire israélienne. Ainsi donc, il parait peu probable que les arabes accèdent à la création d'un système de sécurité régional tant que Israël n'aborde pas le facteur nucléaire.

Une difficulté ajoutée à la perspective de contrôle des armes au Moyen-Orient retombe sur les différentes sources qui menacent la sécurité dans la région. Percevoir la sécurité dans la région comme une question de "Israël contre le monde arabe" est une des principales erreurs au Moyen-Orient. La Syrie n'est pas seulement un rival d'Israël, elle déve-loppe aussi un rôle important dans la stabilité du Liban et maintenant aussi dans le consensus panarabe contre l'Iran. La guerre du Golfe des années 90 et l'irruption actuelle de l'Iran comme une hégémonie régio-nale après la guerre en Irak ont amené les monarchies du Golfe à tenir un discours sans équivoque prétendant que leur stabilité n'est pas liée à l'ennemi israélien. L'Irak d'avant et l'Iran de maintenant représentent une source plus importante de menace. Ce scénario de tensions et de conflits rend très difficile de concevoir un nouvel équilibre régional au Moyen-Orient à travers le contrôle des armes et autres moyens. À cela il faut ajouter le fait qu'il ne semble pas que l'Occident soit disposé à dimi-nuer la vente d'armes à la région.

La paix et la stabilité au Moyen-Orient dépendent, en grande partie, des résultats de la politique nord-américaine dans la région et de la possi-bilité que l'alliance transatlantique puisse servir comme une plateforme efficace pour résoudre les conflits de la région.

George W. Bush fut le premier président à admettre que la stabilité per se est un obstacle à la promotion des intérêts nord-américains dans la région. Ces intérêts, en ce compris la paix Israélo-arabe, pourraient s'accomplir avec plus de facilité avec la restructuration fondamentale du Moyen-Orient, ce qui apporterait avec lui un changement de comporte-ment des pouvoirs régionaux. Si la première guerre d'Irak fut initiée pour maintenir le statut quo et le principe de stabilité, la seconde recherche un changement radical de celui-ci.

Cette politique américaine d' "instabilité constructive" est clairement proche d'atteindre un point critique. Une question essentielle est celle de savoir si les États-Unis peuvent gagner la guerre d'Irak; ou mieux, s'ils peuvent gagner la paix en Irak. La réponse est ambigüe. Les iraquiens ont définitivement perdu confiance en Washington et il ne semble pas qu'ils vont la récupérer. Si quelqu'un peut gagner la paix, ce sont les iraquiens modérés, dans la mesure où ils ne dépendent pas du pouvoir d'occupation des États-Unis.

Une autre question porte sur la capacité d'un grand pacte entre les États-Unis, l'Europe et l'Iran pour, à son tour, être positif pour la paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Une coopération efficace entre les européens et les nord-américains pour contenir la prolifération nucléaire dans la région serait un stimulant pour la paix arabo-israélienne. Plus qu'un ennemi pour Israël, l'Iran est l'ennemi de la réconciliation entre

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61 SHLOMO BEN AMI

Il serait erroné de tomber dans la vieille croyance selon laquelle la démocratie n'est pas compatible avec les arabes

les arabes et les israéliens. La paix arabo-israélienne est l'outil principal pour limiter la capacité de l'Iran de continuer à exhorter les foules de musulmans contre Israël, contre le pouvoir nord-américain et contre les régimes actuels.

Nous devons prendre en compte que le motif principal pour la guerre en Irak ne fut pas sa démocratisation, bien que cet argument gagna en poids quand la supercherie des armes de destruction massive (ADM) fut démontrée fausse. Non obstant, est-ce que la démocratie et la partici-pation populaire impliquent nécessairement des politiques modérées ou de paix? Les autocrates arabes se montrent réticents à appuyer les politiques de leurs protecteurs nord-américains au Moyen-Orient parce que leurs propres sociétés sont également hostiles à ces politiques. Si l'Égypte était une véritable démocratie, la menace de Mubarak provien-drait des illégaux Frères Musulmans au lieu des démocrates libéraux (la même chose vaut aussi pour la Syrie). Ces régimes n'ont aucune intention de suivre le modèle nord-américain, et à cause de cela et de la présence de certaines élites avides que ces régimes ont favorisés, une partie du monde arabe réclame maintenant ses droits démocratiques.

Une autre question est celle de savoir si Israël n'aura pas de difficultés au moment de s'ajuster à un monde arabe démocratique, dans lequel l'opinion publique au lieu des gouvernements centralisés déterminera les politiques. Est-ce qu’une démocratie, c’est-a-dire une démocratie islami-que, en Égypte et en Jordanie pourra fortifier la paix avec Israël?

Ainsi donc, la question de savoir si les partis islamistes (Hamas et les Frères musulmans entre autres) peuvent se transformer en organisations politiques complètement développées gagne de la signification non seu-lement dans le futur de la paix arabo-israélienne, mais aussi dans le futur de l'Islam politique dans le monde arabe et dans le futur de la démocra-tie arabe. Cette question a des effets de portée si importante que, tant Israël que l'Occident, doivent l'aborder sans tomber dans les clichés, avec un objectif primordial: renforcer le compromis de l'Islam politique avec la paix et l'éloigner de l'"axe du mal" régional dirigé par l'Iran.

Pour comprendre la nature des mouvements islamiques dans le monde arabe, nous ne pouvons pas tomber dans des perspectives catégori-ques, déjà que dans la majorité des cas ces mouvements obéissent à de profondes réalités sociales et politiques. Comme dans le cas du Hamas ceux-ci sont des mouvements essentiellement sociaux, avec un réseau communautaire étendu, qui n'est pas indifférent aux calculs politiques. Ainsi donc, il serait erroné de tomber dans la vieille croyance selon laquelle la démocratie n'est pas compatible avec les arabes. La stabilité de ces régimes arabes, non soutenue dans le consensus démocratique, court le risque d'être fragile et trompeuse. L'extinction de la démocratie arabe n'apportera ni la stabilité ni la paix dans la région, mais elle augmentera le mécontentement des masses et la déjà connue culpabilité de l'Occident, maintenant exprimée à travers son double discours sur la démocratie.

Pour atteindre la paix il sera nécessaire d'inclure les acteurs déstabilisa-teurs dans un Proche Orient inclusif. Cette paix devra aller au-delà de la question de la Palestine, déjà que la solution de ce conflit n'annon-cera pas une étape de paix céleste pour le Proche Orient, parce que les

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LA PAIX ISRAELO-ARABE ET LA SÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

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dangers qui la guettent vont bien au-delà des frontières de la dispute arabo-israélienne. Cependant, la paix entre israéliens et palestiniens, en plus d'être un impératif moral et de répondre aux désirs de générations d'arabes et d'israéliens, influencera positivement sur la stabilité dans la région en éliminant certains des plus grands acteurs provoquant l'hys-térie dans la région, un prétexte habituel pour les Ben Laden du monde musulman dans leur guerre de terreur globale, et le principal prétexte des gouvernants arabes pour écraser les libertés sociales et politiques.

Quand un système politique arrivera à s'établir dans la région, Israël devra affronter la question de savoir s'il est prêt pour affronter la voie européenne de sécurité collective. Traditionnellement, la conception de sécurité d'Israël se base sur les concepts d'autosuffisance et de dissua-sion, plus que dans un cadre de sécurité coopérative ou collective. Le défi à long terme d'Israël quant à la paix est de rechercher jusqu'où il peut se permettre de changer sa doctrine militaire de défense offen-sive à défensive. Ce style européen de transformation de la philosophie israélienne de stratégie requiert un changement radical dans la situation politique au Moyen-Orient arabe.

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Fred Halliday

Professeur de recherche ICREA à Institut Barcelona d'Estudis Internacionals (IBEI)

Introduction

Bien que je sois d’un pays éloigné de la Méditerranée, la république d’Irlande, j’ai passé les quarante dernières années à étudier tout ce qui concerne le Moyen-Orient. Bien que je n’aie pas été en Mauritanie, je peux dire que j’ai été dans tous et chacun des pays du Moyen-Orient, y compris l’Afghanistan. J’ai donné cours dans la majorité des universités de la région, depuis les universités de Tel Aviv et de Jérusalem jusqu’au Saddam Hussein College of Law and Politics de Bagdad. Pour eux, la plus grande préoccupation au printemps 1980 était de savoir si l’Union Soviétique envahirait l’Irak depuis leurs bases dans le Caucase, comme ils avaient envahit l’Afghanistan depuis les bases en Asie centrale en utilisant pour l’Irak les mêmes traités d’Amitié et de Coopération qu’ils avaient alors avec la République Démocratique d’Afghanistan, comme elle s’appelait entre 1978 et 1992.

J’aimerais faire deux ou trois observations empiriques de mes récen-tes conversations et visites dans la région. Ensuite je souhaiterais faire quelques réflexions académiques, qui peuvent être intéressantes pour le débat qui suivra. Finalement, j’aborderai la question de la sécurité.

L’Iran

En premier lieu je parlerai de l’Iran1. Je connais le pays depuis plus de quarante ans. J’ai même maintenu des contacts avec des officiels du régime d’Ahmadinejad. On a beaucoup parlé récemment de savoir si l’Iran abandonnerait ses politiques militantes et cesserait d’agir de manière “irrationnelle “ : il faut faire la distinction, cependant, entre être irrationnel et être radical. En même temps, il existe un certain risque dans les calculs des autorités de Téhéran pour deux motifs concrets. L’un est que, au-delà d’être un pouvoir impérial formel, avec leur propre idée de grandeur- les iraniens sont fiers de redevenir une puissance méditerranéenne après 2000 ans – et au-delà d’être une puissance chiite avec sa propre conception de l’identité chiite au Moyen-Orient, l’Iran est un pays révolutionnaire, ce qui est très impor-tant pour la politique iranienne. Si nous analysons les révolutions des cent dernières années d’un point de vue comparatif nous pouvons

SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

Il existe un certain risque dans les calculs des autorités de Téhéran

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Le nationalisme est ce qui motive la rhétorique iranienne et les sentiments au sein de l’Iran même et qui donne au régime un appui suffisant de la population et de l’appareil d’État pour continuer

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observer qu’ils tendent à suivre ce que l’historien E.H. Carr qualifia de “politique duelle”, à la fois diplomatique et révolutionnaire. Il fallu beaucoup de temps pour que des états révolutionnaires comme la Russie, Cuba ou la Corée acceptent le système International. Si nous pensons que Cuba, un petit pays de dix millions d’habitants avec une situation économique très mauvaise, continue de rechercher des allian-ces révolutionnaires avec l’Amérique Latine, nous pouvons comprendre que l’Iran, avec les ressources dont elle dispose et après moins de trente ans de révolution, maintienne tant d’attentes.

Le conflit entre l’Iran et ses alliées et les États-Unis et ses alliées – Israël, l’Égypte et l’Arabie Saoudite – va au-delà de la guerre d’Irak ou de la dispute israélo-arabe – l’axe fondamental du conflit au Moyen-Orient – et peut se perpétuer pendant beaucoup plus d’années. En quelques aspects, la république Islamique d’Iran fait des calculs diplomatiques rationnels et conventionnels. Une anomalie de la politique extérieure iranienne est qu’un de ses alliés les plus proches est le pays chrétien d’Arménie, avec qui il s’est allié contre l’état chiite d’Azerbaïdjan. Dans le même sens réaliste, les iraniens ne se sont pas prononcés sur le Cachemire, sur Xinjiang ou sur la Tchétchénie. Mais les iraniens, y com-pris avant la révolution de 1979, ont la tendance de mal calculer : en 1941 l’Iran fut envahie par la Russie et la Grande Bretagne parce que le Sha d’alors ne su pas prédire l’invasion et pensa qu’il pourrait maintenir ses liens avec l’Allemagne nazi. Quand le Premier Ministre nationaliste Mosaddeq nationalisa le pétrole en 1951, il aurait pu obtenir un bon accord avec les compagnies pétrolières occidentales. Cependant il joua mal ses cartes et le résultat fut le coup d’état d’août 1953, dans lequel il fut renversé et le sha restaura son pouvoir autocratique. L’avantage de l’Iran dans la guerre de l’Iraq en 1982 est encore plus remarquable. Les iraquiens étaient vaincus, Saddam clamait la paix et Jomeini était d’accord dans un premier temps. Nonobstant, il fut persuadé plus tard par la Garde Révolutionnaire de poursuivre le conflit. Il fut décidé que les forces iraniennes pourraient avancer jusqu’aux villes chiites sacrées de Najaf et Kerbala, au centre de l’Iraq, et continuer de là jusqu’à Jérusalem. Ils continuèrent six ans de plus de guerre, pendant lesquelles des centaines de milliers d’iraniens moururent, certains gazés par l’Iraq. Au final, quand les iraniens prirent la décision amère de signer le com-promis de paix proposé par les Nations Unies, ils obtinrent une paix bien pire que celle qu’ils avaient obtenue en 1982. Le régime iranien le sait, de même qu’il sait qu’ils ont compliqué les choses avec la crise des ota-ges américains, qui n’apporta rien de positif.

Le régime de Ahmadinejad est plus nationaliste que religieux, mais il est, sur base des deux idéologies, capable d’à nouveau se tromper dans ses calculs. Il est très intéressant d’analyser la rhétorique d’Ahmadinejad parce que le mot qu’il utilise le plus est izzat, un mot perse qui signifie l’honneur. C’est le même que le président égyptien Naser utilisa en 1956 lorsqu’il nationalisa le Canal de Suez, Sharif en arabe. Ceci est le point clé. Ce nationalisme, ce sentiment d’être victimes d’un manque de res-pect au niveau international, est ce qui motive la rhétorique iranienne et les sentiments au sein de l’Iran même et qui donne au régime, peut-être pas un appui majoritaire, mais bien un appui suffisant de la population et de l’appareil d’État pour continuer. Sur ce point je crois qu’il est par-ticulièrement important de reconnaître, et je souhaite le souligner, que

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Les quarante années qui suivirent juin 1967 sont révolues et maintenant nous devons faire face à des groupes avec une idéologie très différente

le régime iranien tombera difficilement bientôt: tout ce qui a été dit sur un changement de régime et des groupes d’opposition qui appuient les minorités est très dangereux et irresponsable. Ce régime a les armes, la légitimité, l’appui et, ne l’oublions pas, est préparé pour tuer. Tandis que l’opposition en Iran n’est pas préparée à mourir parce qu’ils ont déjà connus trop de guerres.

Les implications pour le Moyen-Orient sont évidentes: ce régime ou un changement post-Ahmadinejad, se maintiendra au pouvoir pendant des années et continuera d’agir comme un état révolutionnaire. L’Iran veut se convertir en une puissance régionale incontournable. Ce n’est pas une puissance mondiale, mais la Chine ne l’est pas non plus. La Chine est une puissance régionale essentielle et l’Iran croit, fausse-ment bien entendu, être l’équivalent en Asie Occidentale de ce qu’est la Chine en Asie Orientale. Les iraniens aussi sont optimistes parce qu’ils croient que les américains sont impatients concernant l’Iraq. Je crois que les iraniens pourraient, quand ils considèrent que c’est le moment opportun, faire quelque chose de dramatique en Iraq. Il pour-rait il y avoir une mutinerie dans l’armée irakienne ou dans la police, où les iraniens ont beaucoup d’influence et de nombreux américains pourraient mourir. J’espère me tromper, mais cela semble être une possibilité réelle. Les iraniens ne vont pas abandonner leur influence au Liban, en Palestine ou en Syrie, et c’est pourquoi nous devons être réalistes avec l’Iran.

La dispute arabo-israélienne: un nouveau contexte

En tant que personne qui entra en contact avec le monde arabo-israé-lien en 1967, au moment de la guerre arabo-israélienne – j’ai passé mes premiers examens universitaires le 5 juin 1967- je pense que tout ce qui a suivi, la période des négociations, du socialisme arabe, des divisions internes en Israël, etc. a atteint sa fin. Depuis 2000 approximative-ment nous nous trouvons dans une situation plus difficile. Les quarante années qui suivirent juin 1967 sont révolues et maintenant nous devons faire face à des groupes avec une idéologie très différente.

Arrivés à ce point, j’aimerais faire une réflexion personnelle. Ma recher-che s’est centrée principalement en Iran et sur la péninsule arabique – j’ai fait ma thèse de doctorat sur le Yémen- mais j’ai été récemment au Liban et à Jérusalem. À Beirut j’ai rencontré un haut représentant du Hezbollah, Sheikh Naim Qasim, le principal porte-parole du Hezbollah. Récemment j’ai aussi rencontré à Jérusalem un homme qui m’a transmis les idées du Hamas. Les deux étaient très différents des intellectuels et politiques séculaires et occidentalisés auxquels nous sommes habitués. Ils ont des opinions très claires, parlent de manière calme mais avec détermination: ils ne cherchent pas la médiation de l’ONU, ou des confé-rences semi-officielles dans des hôtels européens. Un des commandants militaires du Hezbollah m’a amené à la frontière israélienne pour obser-ver le village de Metulla. Il était très calme quand il me dit “ Regarde, il nous a fallu 23 ans pour les sortir d’ici et probablement qu’il nous fau-dra 23 autres années pour les sortir de là”. Je crois que réellement c’est ainsi qu’ils pensent. Il se peut qu’ils n’y arrivent pas, mais c’est ce qu’ils recherchent.

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

Actuellement il y a une plus grande intégration des politiques au Moyen-Orient qu’en aucun autre moment antérieur

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À Jérusalem, un homme ayant des liens avec le Hamas vint me voir. Il disait être un expert en hudna, le mot coranique pour “trêve”: c’est une manière de dire qu’ils arrêteront de se battre, du moins temporairement, mais qu’ils ne reconnaîtront pas Israël. Donc, le concept de hudna ne solutionne pas le problème, parce que ce n’est pas une solution stratégique à long terme. Il se montra clair et sûr: “nous avons les armes, nous avons l’argent, nous avons les gens et nous avons tout le monde musulman derrière nous, donc nous n‘allons pas nous rendre”. À nouveau, je le crois. Ceci et la prolifération des mouvements islamiques, conservateurs mais populaires, dans le monde arabe comme dans d’autres parties du monde, est un facteur important qui marque une nouvelle réalité régionale.

Une nouvelle configuration régionale: la crise de la Grande Asie occidentale

Nous nous concentrons maintenant sur le contexte plus large du Moyen-Orient ou, comme je l’ai appelé dans mon ouvre académique, “la crise de la Grande Asie occidentale”2. D’un côté, je ne crois pas que le sujet des antiques républiques soviétiques soit tellement important. De fait, il est très surprenant que tant la Transcaucasie (Arménie, Georgie, Azerbaïdjan) et l’Asie centrale restent séparées du Moyen-Orient depuis 1991. D’un autre côté, ce qui représente un changement substantiel du monde que j’ai connu durant vingt ou trente années depuis les années 1960, est la croissante intégration de l’Afghanistan et du Pakistan dans l’équation du Moyen-Orient. Où ont acquis les iraniens et les libyens leur technologie nucléaire? Il est bien connu que c’est des Pakistanais. Les zones du Golfe au jour d’aujourd’hui, avec de grandes quantités d’ar-gent et les craintes de l’Iran, peuvent se tourner vers la même source.

Actuellement il y a, d’une certaine manière, une plus grande intégration des politiques au Moyen-Orient qu’en aucun autre moment antérieur. Les gens parlent de la région dans un cadre où tout est relié. En certaines occasions, les gens ont exagéré à quel point, concrètement la question israélo-arabe, a affecté le Golfe ou d’autres conflits de la région. Quel rôle a eu la question arabo-israélienne dans l’évolution de l’Iran, ou dans la guerre Iran-Iraq, oud ans la guerre qui a secoué l’Algérie ou dans les guerres du soudan? Elle a eu un rôle très réduit. Comme relier la question palestinienne à la question kurde? Nous ne le pouvons. Mais maintenant, depuis la fin des années 1980, l’intégration de l’Afghanistan avec l’Iran dans le monde arabe, avec Al Qaeda et avec d’autres jeunes militants qui proviennent de la région, ou qui disent provenir de là, actifs dans les pays arabes, et l’émergence du Pakistan en tant qu’acteur régional représentent un changement substantiel dans la région. Tout ceci signifie que, tant au niveau des armes nucléaires et de rivalité stratégique d’un côté, et au niveau du sentiment populaire d’un autre, la région est plus intégrée.

Thèmes analytiques

Dans le contexte de ces trois tendances dans la région, il y a quelque chose que j’aimerai mettre en relief, plus sou un aspect académique. Récemment de nombreuses recherches ont té menées sur les relations extérieures des états du Moyen-Orient – le monde arabe, Israël, la Turquie et l’Iran- certaines

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par des historiens, d’autres par des spécialistes en relations extérieures, certai-nes en Israël d’autres dans des pays arabes et d’autres en occident3. Le plus surprenant est que toutes, malgré les différences dans la perspectives théori-que, politique ou nationale, sont arrivées à des conclusions très semblables: que bien que dans le passé nous analysions les relations entre les états du Moyen-Orient en termes de puissances extérieures – les puissances colonia-les, la Guerre Froide- si nous retournons à l’information disponible depuis les années 1950, les états régionaux ont joui d’un haut degré d’autonomie. Ils ont fait en grande mesure ce qu’ils ont considéré opportun. Nous pouvons apporter la preuve avec l’aspect le plus évident, les guerres: quand Israël atta-qua les arabes en 1967, comme ce qu’ils firent après avec le Liban en 1982, ils savaient bien sûr que les États-Unis ne s’opposeraient pas excessivement, mais ils le firent pour des motifs propres. Quand les arabes attaquèrent Israël en 1948 ou après 1973, ce ne fut pas parce que l’Union Soviétique ou les Britanniques leur demandèrent de le faire. Quand Saddam attaque l’Iran ou le Koweït, personne ne lui ordonna de le faire. Le Maroc et l’Algérie n’obéis-sent aux ordres de personne. Il faudrait chercher quiconque donnant des ordres à la Libye. Ceci signifie que la capacité des puissances extérieures de contrôler, ou mêmes imposer, est très limitée. J’aimerais penser que Bush ou Clinton puisse trouver une solution au conflit arabo-israélien, mais je ne crois pas que ni les palestiniens ni les israéliens l’accepteront, ou même que cela puisse fonctionner.

Le rôle de l’Europe

Tout cela m’amène à la question de l’Europe. Je crois qu’en Europe nous avons une tâche, au delà des autres, à accomplir: nous comporter. En d’autres mots, nous devons maintenir nos systèmes démocratiques, notre prospérité et l’état de droit pour donner un bon exemple au Moyen-Orient, comme au reste du monde, y compris l’Asie orientale et, si vous me le permettez, aux États-Unis. J’étais mercredi passé aux portes de l’Audiencia Nacional (Cour suprême en Espagne), à Madrid, pendant 16 heures avec CNN, attendant le verdict sur les attentats de Madrid. J’ai été impressionné par la dignité, le sérieux, des tribunaux espagnoles et la manière dont a été traité cette affaire. Ici, en Europe en général et en Espagne en particulier, nous devrions être fiers et décidés: il n’existe pas de Guantanamo espagnol4, personne en Espagne ne parle de “islamo fascisme”, il n’y a pas eu une seule attaque envers des maro-cains dans ce pays depuis le 11 mars. Si nous comparons à ce qu’il s’est passé aux États-Unis, ce qu’il s’est passé en Amérique est véritablement malheureux: le niveau de discussion, de chauvinisme des politiques et la manière dont se sont passées les choses. Je crois que l’Espagne devrait se sentir très fière de ce qu’il s’est passé ce jour, je crois que c’est un modèle de comment les pays européens devraient procéder. Ainsi donc, en réponse au terrorisme et aux guerres qui y sont liées, la première chose que nous devons faire c’est de prêcher par l’exemple.

Il existe, cependant, des limites à ce que l’Europe peut faire au Moyen-Orient. Je le dis, non pour nier son passé colonial, dans lequel l’Espagne aussi eut un rôle sanglant et hypocrite, de même que la France, l’Italie et le Royaume Uni, ou pour démériter les intentions européennes, mais parce que il faut être réalistes quant à la manière dont pense les gens dans la région au jour d’aujourd’hui. Le registre des dernières années parlent par

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ AU MOYEN-ORIENT

Il faudrait parler avec le Hamas parce que parler ne signifie pas négocier, ou reconnaître, et beaucoup moins être d’accord

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eux-mêmes: nous avons dit aux israéliens de ne pas construire “le mur de séparation” et ils le construirent; nous avions dit aux palestiniens de ne pas voter pour le Hamas et ils l’ont élu; nous avions dit aux syriens de sortir du Liban et ils ne l’ont pas encore abandonner complètement5. Nous avions aussi dit aux iraniens d’arrêter le programme nucléaire et ils continuent. Nous avions demandé aux États du Golfe de se démocratiser et il n’y a tou-jours aucun signal qu’ils soient en train de le faire. Nous avions demandé aux marocains et aux algériens de solutionner le conflit au Sahara, et non seulement ils ne l’ont pas fait mais ils ne semblent pas près de le faire. Pour tout cela, je crois que l’Europe doit abaisser ses expectatives et être réaliste. Cependant il y a des choses qui peuvent être faites, et qui devraient être faites. Je le répète: le mieux que nous pouvons faire est de prêcher par l’exemple. J’aimerais citer, surmontant la distance, le fameux télégramme que George Kennan envoya depuis l’ambassade de Moscou à Washington en 1946, qui terminait avec une phrase significative “nous devons contenir le communisme, mais nous l’emporterons si nous vivons en accord avec nos meilleures traditions, c’est ainsi que nous survivrons”. Finalement, la Guerre Froide se termina parce que l’Europe occidentale réussit à construire un sys-tème démocratique et prospère, celui que voulaient les citoyens de l’Est de l’Europe, et le résultat fut la paix pour la première fois en cent ans.

Cependant, il y a des choses qui peuvent être faites au Moyen-Orient, et qui devraient être réalisées. En premier lieu, je mentionnerai les politiques de l’UE en relation avec le Darfour. Il n’y a pas d’anges au Darfour. L’erreur est de penser que le gouvernement soudanais est fait d’assassins et que les rebelles sont des anges. L’unique manière de sortir de là est d’aboutir à un accord entre eux et de leur offrir tout l’appui diplomatique et militaire possible.

En deuxième lieu, je suis pessimiste quant à l’implication de l’Afghanis-tan. Surtout parce que les pakistanais ont décidé en 2004-2005 d’aller à l’offensive, lorsqu’ils virent que les américains étaient impatiens en Iraq. Mais du à cela et à d’autres problèmes plus profonds, l’engagement de l’OTAN-UE en Afghanistan pourrait échouer. Nonobstant, il est utile de s’efforcer pour éviter en Irak, comme dans d’autres parties du monde, d’impliquer les puissances régionales dans la recherche d’une solution.

Quant à ce qui concerne la question arabo-israélienne, nous devrions être persistants, nous montrer engagés, indignés, directes mais modestes. Parce que il y a peu de chose que l’Europe puisse faire au-delà de continuer à parler avec les deux parties. Je crois qu’il faudrait parler avec le Hamas parce que parler ne signifie pas négocier, ou reconnaître, et beaucoup moins être d’accord. C’est une tâche des gouvernements de converser et main-tenir un minimum de standards humanitaires. Mais aussi il faut maintenir une distance critique et dire ce que l’on pense, spécialement en matière des droits humains, et, en particulier, en relation aux aspects les plus basi-ques des droits humains, qui concernent la conduite des parties vers les conflits armés. Ici je voudrais rendre hommage à ceux qui ont critiqué la conduite des Forces de Défense d’Israël (IDF) au Liban et en Cisjordanie et à ceux qui ont dénoncé énergiquement le lancement des missiles de la part du Hezbollah contre des objectifs civiles en Israël, le lancement de missiles depuis Gaza et d’autres parts contre des villes et des villages d’Israël ou les attentats suicides, entre autres. La voix de l’Europe doit prévaloir. Cependant, nous savons que ni les États-Unis ni les états européens ne peu-vent influencer de manière significative le résultat.

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Remarques finales

Le dernier point que j’aimerais souligner relève plus du genre profes-sionnel et provient de mon travail académique. Après quarante ans d’expérience dans l’enseignement dans plus d’une douzaine de pays au Moyen-Orient je suis marqué par le peu d’opinions informées et indé-pendantes, le manque de capacité de ma génération et les suivantes dans cette région. Combien de personnes diplômées dans toutes ces universités d’Europe centrale maîtrisent l’arabe, le perse, le turc, l’hébreu ou même le kurde? Combien peuvent émettre des jugements sensés sur, par exemple, jusqu’à quel point va aller ce nouveau conflit entre sunnites et chiites en Iraq? Jusqu’à quel point le Hezbollah est capable d’agir indépendamment des syriens ou des iraniens? Jusqu’à quel point nous pouvons nous engager dans un dialogue avec les partis islamistes? Peu de personnes pourraient réaliser ce type de jugements essentiels de qualité. Dans tout le monde que je connais, depuis San Francisco, en traversant l’Europe, jusqu’aux universités du Moyen-Orient et d’Israël et du monde arabe, il y moins de deux cent personnes dont les jugements représentent une compréhension académique suffisante de ces matiè-res. Ceci est un problème brûlant et un des motifs pour lequel le débat est tellement symbolique. Pour cela, il fait partie de notre responsabilité européenne de former pour fournir à ces gens, que ce soit par le journa-lisme, dans la diplomatie ou l’intelligence.

Notes

1. Pour une élaboration complète de ces idées, voir Irán, Potencia Emergente en Oriente Medio.

Implicaciones en la Estabilidad del Mediterráneo, numéro spécial de Cuadernos de Estrategia, no.137

Ministère de Défense, Madrid, Juillet 2007 Chapitre 1, Fred Halliday ‘Contexto Político: La Política

Interna Iraní y Efectos en su Política Exterior’ pp. 21-56.

2. The Middle East in International Relations, Cambridge: Cambridge University Press, 2005, Chapitre 5.

3. Entre autres: Anouhsiravan Ehteshami, Gerd Nonnemann, Michael Barnett. Frew Lawson, Gregory

Gause, Shibli Telhami, Katarina Dalacoura, Ray Hinnebusch, Efaim Karsh, Yezid Sayigh, Avi Shlaim,

David Styan, Mariam Panah, Jubin Goodarzi, Rory Miller, Amnon Aran, Karen Dawisha.

4. Il y eu un“Guantanamo espagnol”, la prison militaire en haut de la colline de Montjuic à Barcelone

où, au dix-neuvième siècle, des leaders nationalistes philippins et cubains, de même que des

anarchistes catalans, furent détenus de manière extrajudiciaire, interrogés, torturés et, en certaines

occasions, assassiné. Voir l’entrevue avec le professeur Benedict Anderson, La Vanguardia ‘Montjuïc

XIX, Guantánamo XXI’, 10 décembre 2007.

5. Un diplomate syrien m’a dit récemment “On a encore des cartes au Liban”. Tuer de mes amis est

une des choses qu’ils ont, et ils ont d’autres cartes.

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Washington continue de diviser la région, intellectuellement et bureaucratiquement, avec des lignes régionales rigides: l’Europe d’un côté et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’autre

Ian O. Lesser

Chercheur du German Marshall Fund of the United States, Washington

D urant la prochaine décade, la Méditerranée sera l’élément clé en matière de sécurité pour les deux rives de l’Atlantique, et encore plus substantiellement dans les relations nord-sud. La présence

nord-américaine en Méditerranée, au niveau diplomatique, économique et militaire est étendue. Cependant, malgré les deux cents ans d’engage-ment dans la région, la perspective américaine en Méditerranée continue d’être distincte et sous-développée. L’UE et ses membres les plus impor-tants ont articulés des stratégies explicites pour la Méditerranée et les états des deux rives ont développé de manière satisfaisante le concept de mer en tant qu’espace stratégique. Au contraire, Washington conti-nue de diviser la région, intellectuellement et bureaucratiquement, avec des lignes régionales rigides: l’Europe d’un côté, en ce compris l’Europe du Sud, et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’autre. Les aspects et les complexités sous-régionales, en ce compris les Balkans ou le conflit arabo-israélien sont abordés superficiellement, lorsqu’ils sont traités, dans le contexte méditerranéen.

Des aspects fonctionnels, singulièrement liés au contre-terrorisme ou la sécurité énergétique prennent une importance particulière dans le débat croissant sur la stratégie nord-américaine en Méditerranée. Non obstant, Washington a conçu sa stratégie en se basant sur les relations bilatérales et selon l’irruption de conflit dans le bassin méditerranéen plus que sur une approche globale de la région en tant qu’ensemble. Est-il possi-ble de la changer? Très probablement, oui. Les facteurs déterminants comprennent l’évolution du scénario national de sécurité dans les pays du sud de la Méditerranée et une nouvelle approche européenne de la stratégie méditerranéenne. Dans le futur, le scénario de sécurité en Méditerranée sera conformé par les tendances et perceptions déjà visi-bles, mais aussi par une série de shocks probables capables de remodeler la perspective de la sécurité et l’insécurité tout au long de la région.

La suprématie de la sécurité intérieure

Traditionnellement, la sécurité sur la rive sud de la Méditerranée était basée principalement sur la sécurité intérieure. Les gouvernements des pays du Maghreb au Levant étaient confrontés à des menaces continues contre leur légitimité et stabilité. Laissant de côté les défis

SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE : UNE PERSPECTIVE NOR-DAMÉRICAINE

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE: UNE PERSPECTIVE NOR-DAMÉRICAINE

Les programmes de libéralisation économique peuvent être considérés comme déstabilisateurs dans le champ politique et de la sécurité, du moins, en absence de nouvelles approches substantielles envers l’éducation et les investissements

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politiques habituels, les régimes doivent faire face à des problèmes de sécurité interne qui vont de la violence et le terrorisme aux mouvements séparatistes et le crime organisé. Après le 11 septembre, on a observé une certaine convergence entre les positions du nord et du sud. Dans les dernières décades, la préoccupation dans les pays du sud de la Méditerranée pour la sécurité intérieure contrastait avec les opinions prédominantes en Europe et en traversant l’Atlantique sur la sécurité, où le débat autours de la sécurité était basé sur des dynamiques étatiques et les crises régionales. À l’heure actuelle, la conscientisation de la sécu-rité est partagée entre le nord et le sud.

Certains aspects spécifiques du scénario de sécurité intérieure impor-tants sont les suivants. En premier lieu, la tendance démographique suscite de la préoccupation parmi les états européens du sud et affecte fortement la perception de la sécurité en Europe. Les sociétés du nord de l’Afrique et de l’Est s’opposent, en plus ou moins grande mesure, au défi commun que leur pose la “bourse de jeunes” de leurs populations ainsi que le développement économique insuffisant. En comparaison à la situation en Europe (tout comme aux États-Unis), la population des pays du sud de la Méditerranée est éminemment jeune. Ceux-ci sont chaque fois plus nombreux, bien que le rythme de croissance de la population ait ralenti ces dernières années. Avec la seule exception d’Israël – qui ne se considère pas comme faisant partie du sud sous-développé – et la Turquie, la région souffre d’une brèche croissante entre les nécessités d’éducation et d’emploi nécessaires pour les populations jeunes et ce que les sociétés peuvent offrir. Y compris des états comme la Tunisie et le Maroc, qui ont progressé considérablement dans la modernisation et les réformes économiques, continuent d’affronter des problèmes crois-sants de chômage parmi les jeunes et l’augmentation des expectatives de ces jeunes, ce qui résulte en une combinaison explosive. Dans ces conditions, les programmes de libéralisation économique encouragés par l’UE et les États-Unis peuvent être considérés comme déstabilisateurs dans le champ politique et de la sécurité, du moins, en absence de nou-velles approches substantielles envers l’éducation et les investissements dans la région.

En deuxième lieu, cette tendance démographique dans le nord et le sud de la Méditerranée favorise aussi la migration illégale et les problè-mes de politiques publiques allant de la sécurité humaine à l’anxiété culturelle. Le différentiel de développement entre le nord et le sud de la Méditerranée est le plus saillant à l’échelle globale, juste après la brèche entre la Corée du Nord et du Sud. De plus, les dynamiques migratoires de la Méditerranée sont chaque fois plus le résultat des pressions d’un sud lointain, en ce compris l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient et le sud de l’Asie. Quand les sociétés du nord ont adopté des politiques migratoires et des contrôles frontaliers plus restrictifs, la circulation habi-tuelle des immigrants s’est vue limitée. À mesure qu’augmente le risque, les immigrants résidants en Europe doivent demeurer au nord, malgré que les pressions générales pour la migration économique soient main-tenues élevées. Des politiques plus dures provoquent, par conséquent, l’effet involontaire de faire augmenter le nombre d’immigrants “illé-gaux” au nord, un fait visible également aux États-Unis. Cette tendance a des implications de sécurité pour les vies qui se perdent dans les ten-tatives ratées de traverser la Méditerranée et par l’expansion des réseaux

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terroristes et criminels qui accompagnent la migration illégale. Dans un sens plus large, la migration de ce calibre augmente l’anxiété culturelle – la peur de la sécurité de l’identité propre – tant au nord qu’au sud et des politiques xénophobes qui rendent difficiles les relations entre le nord et le sud à long terme.

En troisième lieu, l’Islam politique reste une des principales menaces pour les régimes actuels des pays du sud de la Méditerranée. Du Maroc au Liban, les mouvements islamistes sont en compétition pour le pouvoir au niveau de la politique électorale, avec divers degrés de réussite. Depuis le point de vue des pays du nord de la Méditerranée, il n’est pas clair que des mouvements comme le Parti de la Justice et du Développement marocain ou les Frères Musulmans d’Égypte représentent un défi pour la sécurité per se, bien que pour des gouvernements du sud fortement sous pression, la menace soit suffisamment évidente. Plus problématique fut la résurgence de la restructuration des réseaux islamistes violents dans toute l’Afrique du nord, avec des répercussions en Europe. Il se peut que l’Algérie ne soit pas au bord de l’effondrement sous la pres-sion de la violence islamiste comme au milieu des années 1990. Non obstant, les mouvements islamistes continuent de représenter un facteur important de la stabilité de la Méditerranée, comme le démontrent les actions de Al Qaeda pour le Maghreb Islamique en Algérie, le contrôle du Hamas à Gaza et le pouvoir du Hezbollah au Liban. Un mouvement de personnes relativement aisé dans la Méditerranée et la présence de grandes communautés de citoyens de pays du sud de la Méditerranée en Europe font du problème de l’islamisme radical et du terrorisme jiha-diste un problème commun pour le nord et le sud.

L’Iraq sera également un facteur important de cette équation pour être une cause célèbre pour les islamistes de la Méditerranée ainsi que pour s’être converti en un camp d’entraînement des nouvelles générations d’extrémistes. Un grand nombre de combattants étrangers en Iraq provient du nord de l’Afrique, en ce compris l’Égypte. Avec le temps, ces jihadistes expatriés retournent à leur pays où ils trouvent le moyen d’accéder en Europe, où ils pourront centrer leurs efforts sur les ennemis “proches”, les régimes établis et les objectifs occidentaux près de la mai-son. Une tendance similaire avait déjà été observée après le retour des arabes d’Afghanistan de la lutte contre l’Union Soviétique. Les observa-teurs au nord de l’Afrique attribuent à ces vétérans afghans une partie de la responsabilité de l’augmentation de l’agitation violente en Algérie, en Égypte et en Tunisie à la fin des années 80 et au début des années 90. La portée et l’importance du facteur afghan au nord de l’Afrique sont discutables, mais il serait imprudent d’assumer que les vétérans de l’insurrection iraquienne n’auront pas un rôle important dans la sécurité de la Méditerranée la prochaine décade.

Nationalisme et dynamiques inter-étatiques

Dans une certaine mesure, il est possible d’argumenter que la Méditerranée est “plus” sûre actuellement qu’il y a dix ans. En Méditerranée occidentale, les frictions entre le Maroc et l’Espagne pour les enclaves de Ceuta et Melilla continuent sans être résolues, mais le risque d’un affrontement ouvert est probablement plus faible qu’il y a

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE: UNE PERSPECTIVE NOR-DAMÉRICAINE

le processus de paix au Moyen-Orient restent déterminants pour la sécurité en Méditerranée et l’impossibilité d’atteindre un accord intégral limite un dialogue multilatéral en matière de sécurité et la coopération

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quelque temps. La tension occidentale avec la Libye et la progressive réintégration de Tripoli dans la scène économique et politique interna-tionale a éliminé certaines des sources de tensions dans la Méditerranée centrale, même si le futur de la Libye et de ses relations extérieures à long terme reste incertain. Dans la Méditerranée orientale, la distension entre Athènes et Ankara a changé significativement en termes de stabi-lité régionale et de gestion de crises. La nouvelle tournure des relations, appuyée par des liens économiques chaque fois plus étroits et par la diplomatie bilatérale, a également éliminé un des principaux défis poli-tiques pour Washington. La stabilité de l’Égée ne pose plus les mêmes nécessités aux politiques nord-américains. Le problème de Chypre reste en vigueur, faisant obstacle à la candidature d’adhésion à l’UE déjà com-pliquée. Mais peu sont ceux qui en Europe ou aux États-Unis craignent un affrontement entre la Grèce et la Turquie pour Chypre. Chypre repré-sente maintenant un problème politique plus que de sécurité depuis une perspective nord-américaine et le centre de gravité de la diplomatie chy-priote est passé de Washington à Bruxelles.

Le conflit israélo-palestinien et le processus de paix au Moyen-Orient en général restent déterminants pour la sécurité en Méditerranée de manière significative, et pas uniquement pour son influence sur l’opi-nion publique dans les pays du sud de la Méditerranée. Indirectement, l’impossibilité d’atteindre un accord intégral limite un dialogue multila-téral en matière de sécurité et la coopération dans les cadres de l’UE, de l’OTAN et régional. Le conflit a clairement une dimension méditer-ranéenne, spécialement pour le Liban et la Syrie. Non obstant, nous pourrions dire que ici aussi le centre de gravité s’est déplacé vers l’est en termes politiques et de sécurité. L’Iran est chaque fois plus important pour les calculs de sécurité israélienne et Téhéran est, pour sa croissante portée stratégique et son appui aux forces irrégulières, un acteur impor-tant dans le conflit du Moyen-Orient. De même, l’Arabie Saoudite et les petits états du Golfe ont acquis plus de poids dans le futur du processus de paix et leur participation est prise en compte, comme l’a démontré la récente conférence d’Annapolis. Le conflit non résolu entre Israël et ses voisins atteint l’Est, depuis la Méditerranée jusqu’au Golfe en ce compris le Pakistan.

Le résultat de la sécurité en Méditerranée au niveau étatique et des éclatements régionaux deviendra déterminant pour l’influence du natio-nalisme comme force politique au nord et au sud. L’essor du sentiment nationaliste pourrait facilement impliquer une détérioration des relations entre la Grèce et la Turquie. De même, il pourrait empirer des relations déjà tendues entre le Maroc et l’Algérie pour le Sahara Occidental et d’autres questions. Le nationalisme est le moteur de l’instabilité dans les Balkans et autours de l’Adriatique et fait également partie de l’équation méditerranéenne. Pendant la prochaine décade, la perspective de sta-bilité en Méditerranée deviendra déterminante pour la tension entre le nationalisme et l’adhésion à la conception traditionnelle de la souverai-neté nationale, et pour une tendance plus positive de l’intégration dans un espace européen plus large et entre les pays du sud, avec l’exception du commerce énergétique. Cette dernière dimension reste de manière surprenante sous-développée dans la méditerranée, avec la persistance des obstacles structurels et politiques pour le commerce, les investisse-ments et la coopération régionale à de nombreux niveaux.

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La Chine émerge en tant qu’acteur d’importance en Méditerranée et l'Inde pourrait acquérir plus d’intérêt dans le commerce et la sécurité en Méditerranée

De nouveaux acteurs, de nouvelles stratégies

Pour le débat enflammé sur l’unipolarité et ses alternatives il est bon de mentionner que les régions clés dans la périphérie de l’Eurasie sont hautement multipolaires. Ceci est spécialement le cas de la Mer Noire, la Caspienne et l’Asie Centrale. C’est également le cas de la Méditerranée, où un grand nombre d’acteurs, anciens et nouveaux, sont présents et jouent, directement ou indirectement, un rôle dans la sécurité.

Au niveau euro-atlantique, la Méditerranée est une zone où le rôle des américains et des européens reste relativement équilibré. En compa-raison avec le Golfe, les états européens peuvent projeter un pouvoir militaire en Méditerranée de manière très effective. En termes politiques et économiques, l’UE est l’acteur principal dans la région. Des puissan-ces comme la France, avec une longue histoire de relations, continuent de se réinventer comme des partenaires économiques, politiques et dans le champ de la défense au nord de l’Afrique. L’implication économique nord-américaine au nord de l’Afrique est augmentée, essentiellement en résultat du commerce énergétique avec l’Algérie, la relance des relations avec la Libye et l’accord de libre commerce avec le Maroc. Non obstant, l’Europe reste le partenaire commercial et investisseur clé au sud de la Méditerranée. La Sixième Flote des États-Unis restera en Méditerranée même lorsque la présence militaire américaine en Europe se réduira ou se réorientera vers ailleurs. Mais un engagement américain continu en matière de sécurité ne peut pas continuer à être pris pour acquis à tous moments et à n’importe quelles circonstances. Concrètement, dans les prochaines années il se peut qu’il y ait “trop peu” de présence américai-ne “pour le confort européen” dans les Balkans et en Afrique du Nord. Les États-Unis ne déploient déjà plus leurs porte-avions en Méditerranée, une chose qui aurait été impensable il y a une décade.

En même temps, de nouveaux acteurs externes apparaissent sur la scène méditerranéenne. La Russie – de fait un vieil acteur – est revenu dans la région après quasi vingt ans d’absence. La Russie est présente toujours davantage en tant qu’investisseur, essentiellement dans le sec-teur énergétique, en tant que partenaire commercial et que fournisseur de produits de défense à l’Algérie et la Syrie entre autres. Les russes font maintenant partie du paysage méditerranéen comme touristes et résidents. À la fin de 2007, l’Armée russe est revenue en Méditerranée pour exercer sa force pour la première fois depuis le démembrement de l’Union Soviétique. Cette implication russe renouvelée dans la vie diplomatique, commerciale et de sécurité en Méditerranée pourrait acquérir de nouvelles significations si les relations de la Russie et de l’Occident continuent à se détériorer. Un retour au style de compétition de la Guerre Froide, y compris à des niveaux bien inférieurs, pourrait situer le centre de gravité dans le sud, dans la Mer Noire, les Balkans et la Méditerranée Orientale, des zones qui pendant la première Guerre Froide sont restées aux extrêmes.

La Chine émerge en tant qu’acteur d’importance en Méditerranée et comme potentiel acteur en matière de sécurité. La rapide expansion de l’investissement de la Chine en Afrique subsaharienne a éclipsé la croissance réduite mais non moins remarquable de l’investissement chinois au nord de l’Afrique. Ces investissements vont au-delà du sec-

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE: UNE PERSPECTIVE NOR-DAMÉRICAINE

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teur de l’énergie et comprennent des participations à grande échelle dans l’industrie textile de la Tunisie et des installations portuaires en Méditerranée. Historiquement, la Chine a développé un rôle préémi-nent pour l’Albanie comme allié de sa défense, comme partenaire dans le programme nucléaire algérien et, ensemble avec la Corée du Nord, comme fournisseur de technologie de missiles balistiques à la Syrie et à la Libye. En regardant vers le futur, l’Inde, qui est déjà un allié dans la défense à travers sa coopération avec Israël, pourrait acquérir plus d’in-térêt dans le commerce et la sécurité en Méditerranée.

Plus d’une décade après le lancement du Partenariat Euro-méditerranéen (Processus de Barcelone) les partenaires des deux rives de la Méditerranée redéfinissent les principes d’un processus qui est vu comme problémati-que et non fonctionnel. Parmi les pays du sud de la Méditerranée on voit s’affirmer le désir d’une association plus équitable, avec plus de voix pour le sud lors de l’établissement des agendas politique, économique et de sécurité. L’absence d’un partenaire intégré au sud et la persistance d’un modèle de relations avec l’Europe qui est au centre et qui établit des relations bilatérales avec chaque pays sont perçues comme parties du problème. Barcelone fur lancé à un moment d’optimisme envers les voies bilatérales et multilatérales du processus de paix du Moyen-Orient. Avec les années, la persistance du conflit avec Israël est devenu le majeur obstacle à la coopération multilatérale avec les partenaires du sud de la Méditerranée dans les affaires politiques et de sécurité. De plus, l’aide et les investissements européens au sud de la Méditerranée est chaque fois plus conditionnée et liée à des réformes économiques et politiques et au développement de projets durables susceptibles d’être financés par l’UE – un défi actuellement pour les états du sud de la Méditerranée.

Pour l’Europe, l’expérience de Barcelone a également été frustrante. Le Partenariat Euro-méditerranéen (PEM) souffre d’un manque permanent de consensus entre les membres de l’UE parce que les nécessités de la périphérie sud de l’UE entrent en concurrence avec l’élargissement et les priorités de cohésion de l’Est. L’élaboration de la Politique Européenne de Voisinage a encore plus compliqué cette situation parce que les États Membres de l’UE se demandent quelle place occuperont les initiatives méditerranéennes dans le cadre général d’une Europe élargie, à l’Est et au Sud. Peut-elle continuer à fonctionner comme une initiative auto-nome ou est-ce qu’elle s’insèrera à l’intérieur d’une stratégie plus large concernant le voisinage? Les États du sud de l’Europe continueront de préférer une stratégie européenne spécifique et bien financée envers la Méditerranée, construite autour de la notion d’une identité méditer-ranéenne. Cependant, cette approche pourrait ne pas être soutenable. L’absence d’une dimension transatlantique impose aussi certaines limites au PEM, notamment dans le contexte de la sécurité.

Les États-Unis ont été actifs dans le Dialogue Méditerranéen de l’OTAN, lancé en 1994 et postérieurement élargi et renforcé. Mais y compris ici, les États-Unis n’ont jamais été à l’avant-garde d’une initiative que pro-mouvaient particulièrement les pays de l’Alliance du sud de l’Europe. Tant que le Dialogue Méditerranéen continue d’avancer dans le sens d’une coopération en matière de défense tangible et pratique avec les sept partenaires méditerranéens (la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, Israël et la Jordanie) les États-Unis restent intéressés,

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jusqu’à ce qu’il puisse le voir accru. Il existe déjà des discussions infor-melles pour attirer la Libye dans le Dialogue, un pas que Washington pourrait également appuyer.

Certaines des principales nouvelles idées liées à la sécurité et à la coo-pération en Méditerranée proviennent de la France, avec d’importantes implications transatlantiques. La proposition du président Sarkozy en 2007 d’une Union Méditerranéenne fut perçue avec un certain scepticis-me en Europe, en partie par crainte que cela puisse porter préjudice aux initiatives de l’UE envers une région aux problématiques sensibles. Pour certains, la proposition fut perçue comme une stratégie pour mettre de côté la candidature turque à l’UE. Avec le temps, le concept a gagné du terrain, jusqu’à une tentative de soutien espagnol et italien. Nettement, la sécurité sera seulement une partie de cette Union, dont le noyau sera formé d’une série de projets fonctionnels spécifiques dans des domaines comme l’énergie, la sécurité et l’immigration. L’Union Méditerranéenne a attiré l’attention des États-unis. Le “facteur Sarkozy” fait, sans aucun doute, partie de l’explication. L’autre, étant le possible début de coopé-ration avec Washington. Si la France retournait au commando militaire intégré de l’OTAN, comme l’administration Sarkozy l’a laissé entrevoir, la coopération transatlantique en Méditerranée se verrait directement affectée. Pour ces motifs, la politique de dialogue franco-américain en Méditerranée pourrait occuper une place prépondérante dans le futur stratégique de la région pendant les prochaines années.

Au-delà des questions de stabilité interne, le développement, la lutte contre le terrorisme, l’énergie et la sécurité maritime se situeront au sommet de l’agenda dans les nouvelles approches en Méditerranée. Le développement d’un réseau chaque fois plus alimenté d’oléoducs et de gazoducs en Méditerranée occidentale, centrale et orientale et dans l’Adriatique s’approche de la Méditerranée y compris les sources énergétiques et des marchés éloignés. Cette émergence d’un marché énergétique méditerranéen et des questions du trafic d’énergie accapare une part importante de la politique extérieure en Turquie, en Grèce et en Italie, entre autres pays de la région. La proposition d’un oléoduc depuis l’Afrique occidental vers l’Algérie ajouterait une nouvelle dimension sud à cette trame. Les préoccupations énergétiques font accroître l’atten-tion à la sécurité maritime en méditerranée, en termes généraux, pour inclure la sécurité des routes maritimes, les points de passage principaux comme le canal de Suez, le détroit de Gibraltar et le Bosphore, ainsi que les divers risques environnementaux. La tendance devrait aller vers une plus grande transparence dans les affaires maritimes, y compris au détri-ment de la souveraineté nationale.

Potentiels secousses et événements transformateurs

Au-delà des discussions sur les tendances à long terme, les stratégies prudentes devraient aussi tenir compte de la possibilité d’événements transformateurs inattendus capables de produire des virages soudains dans les scénarios de sécurité. Avec différentes influences régionales et des acteurs multiples, la Méditerranée est particulièrement exposée à des soubresauts, tant positifs que négatifs. Une liste qui illustre ces shocks potentiels en Méditerranée comprendrait entre autres:

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Les conséquences possibles d’une crise prolongée pour les abords de la Méditerranée sont très diverses

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• L’émergence d’une ou plusieurs puissances dotées de l’arme nucléaire au Moyen-Orient serait un élément transformateur pour le scénario stratégique. Un Iran nucléaire, ou quasi-nucléaire, et de nouveaux pro-grammes dans d’autres pays pourraient déclencher une série d’effets dans l’équilibre militaire et les perceptions stratégiques dans toute la région, allant de la Caspienne à l’Égée, en Europe et au Maghreb. La prolifération continue de missiles balistiques de portée transmé-diterranéenne met en évidence l’exposition du nord et du sud à des dynamiques de prolifération tant en Méditerranée qu’en dehors.

• Un effondrement au Pakistan pourrait sembler un événement éloigné vu depuis la Méditerranée. Cependant, le chaos résultant, ses effets sur les réseaux terroristes et la possible perte de contrôle sur l’arsenal nucléaire du pays pourraient avoir des implications spectaculaires pour l’Europe et le sud de la Méditerranée.

• Une plus grande détérioration des relations entre une Russie cha-que fois plus nationaliste et assertive et un “Occident” toujours plus incertain pourrait raviver la crainte d’une escalade dans la compétition relative aux affaires de sécurité énergétique, certains desquelles se joueraient dans un scénario méditerranéen plus large. Dans ces condi-tions, les états du Maghreb et du Levant, y compris la Turquie, pourrait se voir forcés d’avoir à prendre des choix gênants liés à leur défense et débouchant sur des relations économiques difficiles entre l’est et l’ouest.

• L’instabilité financière globale actuelle met en évidence que l’éventuali-té d’une crise économique sévère est plus que réelle. Les conséquences possibles d’une crise prolongée pour les abords de la Méditerranée sont très diverses. Des économies avec un haut taux de croissance mais fragiles – la Turquie en est le cas paradigmatique mais il y en a d’autres – pourraient devoir affronter de nouvelles crises économiques propres. Les pays en voie de développement du Maghreb pourraient voir se réduire drastiquement l’aide et les investissements. Les prin-cipaux exportateurs d’énergie comme la Libye et l’Algérie pourraient voir la demande et les hauts prix du pétrole et du gaz ralentir, avec des implications préoccupantes pour la cohésion et la stabilité nationales. Des mouvements xénophobes et nationalistes en Europe pourraient bénéficier de ces conditions et pourraient espérer que soit adopté une position plus dure concernant les migrations et les relations nord-sud en général. Les restrictions économiques peuvent aussi compliquer sévèrement les relations transatlantiques, en limitant la possibilité d’une politique plus concertée tant dans la Méditerranée que dans d’autres zones. Finalement, une récession prolongée – y compris pire – pourrait mener à une approche avec un rôle réduit du pouvoir et de la présence nord-américaines, faisant que l’Europe prenne en charge plus d’aspects de la sécurité de la périphérie du continent. Dans le pire des cas, à la détérioration des relations de sécurité entre les états pourrait suivre la détérioration des relations économiques, augmentant la pos-sibilité de conflit régional – le modèle de l’entre-deux-guerres.

• De nouveaux actes de super terrorisme, suivant le modèle du 11 sep-tembre, ou une campagne de tragédies, bien que moins meurtrière, des attaques comme celles de Madrid, d’Istanbul ou de Casablanca pourraient provoquer un plus grand degré de déstabilisation dans le contexte méditerranéen. La “prochaine attaque” pourrait très bien avoir lieu en Europe. Comme les attentats de Madrid et les plus récen-tes tentatives avortées en Italie et en Espagne le démontrent, le sud

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de l’Europe n’est pas exempt. Il y a une possibilité importante que les réseaux du nord de l’Afrique participent dans de nouvelles attaques de ce type. Le résultat pourrait être une plus grande “sécurisation” des relations nord-sud en Méditerranée, et un renforcement des percep-tions sur la sécurité intérieure.

• Le démembrement de l’Iraq et l’émergence d’un état kurde indépen-dant au nord pourraient poser des problèmes énormes pour la Turquie et ses partenaires internationaux. Ankara se trouve toujours face à de sérieux problèmes de sécurité résultants de l’insurrection renouvelée du PKK et du terrorisme urbain. La nature de la réaction turque pour-rait avoir des implications à long terme sur l’orientation stratégique de la Turquie, et sur l’habilité d’Ankara à agir dans d’autres sphères, y compris en Méditerranée orientale.

A ce catalogue d’éventualités négatives, nous pourrions ajouter certains événements potentiels d‘effets positifs qui ont également une capacité transformatrice:

• Indubitablement, un accord israélo-palestinien et une solution durable et intégrale pour l’établissement de deux états, auraient un effet trans-formateur sur le scénario de sécurité en Méditerranée. Évidemment, d’autres rivalités régionales persisteraient, comme des défis internes. Non obstant, un des principaux points de conflit aurait été éliminé, même si les extrémistes continueraient de mettre en danger l’accord. On pourrait également inclure un nouveau compromis clé avec la sta-bilité et le développement de l’état palestinien au sein d’une stratégie plus large d’aide et d’investissements pour le sud de la Méditerranée. Consolider et assurer un accord intégral pourrait, par sa nature, requé-rir une plus grande coordination transatlantique en Méditerranée orientale.

•La tension entre Téhéran et Washington pourrait devenir une éven-tualité minime en 2008. Durant la prochaine décade, cependant, la possibilité d’une rupture révolutionnaire dans le modèle des relations entre l’Iran et l’Occident est assez réelle. A la différence de la disten-sion croissante avec la Libye, la réintégration de l’Iran irait au delà de la simple stabilisation. Cette série transformatrice pour la non prolifé-ration, la sécurité énergétique et “la fin du conflit” dans les relations entre Israël et ses voisins. Ces effets pourraient être sentis dans la Méditerranée et dans le Golfe.

Observations générales et conclusions

Le contexte de sécurité de la Méditerranée évolue rapidement, à cause des pressions internes des deux rives, des dynamiques régiona-les changeantes - positivement et négativement - et par l’émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles stratégies. Des questions comme la religion ou l’identité, éléments traditionnellement importants dans les affaires méditerranéennes, sont, une fois de plus, centrales. Les shocks stratégiques, dont beaucoup proviennent d’en dehors de la Méditerranée, vont développer probablement un rôle crucial dans l’évo-lution de la région à différents niveaux. Une fois de plus, bien que toutes ces contingences ne soient pas négatives, elles peuvent avoir des consé-quences déstabilisatrices importantes pour la région.

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SÉCURITÉ ET INSÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE: UNE PERSPECTIVE NOR-DAMÉRICAINE

La suprématie des conditions intérieures pour la sécurité dans la région réclame une plus grande coordination dans les approches européennes et américaines

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Face au futur, cette analyse suggère que les partenaires des deux rives de la Méditerranée et de l’Atlantique se rencontrent autours des mêmes questions. En premier lieu, les états méditerranéens, et spécialement les états méditerranéens européens vont devoir considérer les bénéfices des stratégies plus larges quant à la périphérie européenne, le voisinage élar-gi, en opposition à une stratégie forte envers la Méditerranée. L’identité méditerranéenne est-elle importante en tant que principe organisateur pour une stratégie ou une politique ou s’agit-t-il d’un anachronisme? La proposition française d’une Union Méditerranéenne et une réactivation notable du Dialogue 5+5 suggèrent que la notion d’une identité médi-terranéenne unifiée n’a pas perdu en vigueur. Cela pourrait y compris être un corollaire nécessaire pour une nouvelles ostpolitik dirigée par l’Allemagne si l’Europe doit être un acteur de sécurité dans la périphérie.

En deuxième lieu, quel rôle peuvent jouer les États-Unis dans les nouvel-les stratégies méditerranéennes? Cela dépendra en grande mesure de la compétence des priorités des politiques et planification nord-américai-nes. Si la prochaine décade se définit par une compétition stratégique plus intense entre les États-Unis et la Chine, il est peu probable que l’en-gagement nord-américaine avec la sécurité en Méditerranée s’étende. Si la stabilité dans la périphérie sud de l’Europe est perçue comme un facteur critique pour la sécurité transatlantique à l’ère des risques parta-gés, un plus grand engagement des États-Unis, bien que cela n’implique pas nécessairement une plus grande présence, serait une priorité. A n’importe quelle condition, la suprématie des conditions intérieures pour la sécurité dans la région réclame une plus grande coordination dans les approches européennes et américaines dans l’aide, les investissements et les réformes au sud de la Méditerranée.

Enfin, les partenaires des deux rives de la Méditerranée se verront affec-tés par la globalisation de la sécurité régionale, particulièrement par les liens florissants entre la sécurité en Afrique et en Eurasie et le scénario stratégique en méditerranée. De nouvelles routes de transites et des modèles d’immigration plus large font partie de cette équation, à côté de l’augmentation de la portée des systèmes d’armement, et la croissan-te capacité des acteurs non méditerranéens à projeter leur pouvoir, tant civil que militaire, dans la mer et son intérieure. La question permanente de l’interdépendance des mondes de la Méditerranée et de l’Atlantique (et du Pacifique) reste fondamentale pour les stratèges et politiques actuellement.

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Iran est clairement devenu, dans les dernières années, une puissance méditerranéenne

Meliha Benli Altunisik

Professeur, Département des relations internationales. Middle East Technical University, Ankara

LES DÉFIS SÉCURITAIRES DANS LA MÉDITÉRRANÉE SUD- ORIENTALE : IMPLICATIONS POUR L’UE

L a dimension sécuritaire en Méditerranée a évolué depuis la fin de la Guerre Froide. De nouveaux défis ont surgi tandis que d’autres se maintiennent tout en ayant pris une nouvelle tournure. En ce qui

concerne la portée géographique, cet article est centré sur la région sud-orientale de la Méditerranée, y compris le Mashreq et le Golfe. Bien que certains des aspects que nous analysons ici soient également pertinents pour le Maghreb, la région de la Méditerranée orientale répond à des dynamiques propres. Le débat vise à déterminer quelles sont les impli-cations de ces défis pour l’UE. L’UE et la région sud de la Méditerranée sont liées en raison de questions sécuritaires. Il est important d’identifier ces défis à partir d’une perspective globale, sans prioriser les intérêts européens. Dans ce contexte, je me propose d’identifier les sept défis actuels dans la région méditerranéenne qui, à mon avis, continueront à avoir une influence dans le futur.

Une interconnexion croissante entre les différents conflits de la région

Le conflit arabo-israélien, principal conflit dans la région pendant très longtemps, est de plus en plus interconnecté avec les deux autres pro-blèmes clés au Moyen-Orient : la crise iraquienne et la crise iranienne. La connexion entre ces conflits se produit dans les deux directions. La guerre d’Irak de 2003 a contribué à radicaliser encore plus la région et a mis en avant les groupes les plus radicaux sur le front arabo-israé-lien. D’autre part, la présence des États-Unis en Irak et leur objectif de transformer la région après le 11 septembre ont dilapidé la possibilité pour les États-Unis d’exercer une pression sur Israël afin d’aboutir à la paix. L’Administration Bush qui, pour commencer, ne semblait pas trop intéressée à résoudre le conflit arabo-israélien s’est consacrée à l’Irak. La crise d’Iran, d’autre part, exerce une grande influence sur le front arabo-israélien. Iran est clairement devenu, dans les dernières années, une puissance méditerranéenne. Ces conflits sont progressivement deve-nus des scénarios pour que des acteurs régionaux et extrarégionaux, notamment les États-Unis, poursuivent leur lutte visant à imposer leur vision de l’ordre régional. Le Liban est devenu un camp de bataille pour cela et la guerre du Liban de l’été 2006 en constitue un exemple clair. La persistance du conflit palestinien permet également au Président iranien

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LES DÉFIS SÉCURITAIRES DANS LA MÉDITÉRRANÉE SUD-ORIENTALE : IMPLICATIONS POUR L’UE

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Ahmadinejad de disposer d’une plateforme sur l’espace public arabe. Le secret, connu de tous, de l’arsenal nucléaire israélien sert à l’Iran pour justifier ses ambitions nucléaires. Ces liens tellement clairs entre les différents conflits ont conduit, sans aucun doute, à l’expansion des frontières de la Méditerranée au-delà de sa référence géographique, ce qui complique encore plus les problèmes sécuritaires, les rendant moins maniables. La solution au conflit arabo-israélien est devenue la question la plus complexe, notamment tant que le reste des conflits perdurent. Ceci pose des problèmes spécifiques aux États-Unis, étant donné qu’ils ont construit une région méditerranéenne divisée par leurs politiques depuis la fin de la Guerre Froide. D’autre part, l’UE a mis trop de temps à développer des politiques dirigées aux pays du Golfe. C’est pourquoi, l’inter-connectivité croissante des différents conflits de la zone présente encore plus de limitations pour les politiques méditerranéennes.

Absence de cadres de sécurité régionale au sud

Cette zone constitue un cas difficile pour la construction régionale. Et ce pour plusieurs raisons, toutes en relation avec les politiques des acteurs extérieurs. Le conflit arabo-israélien et d’autres polarisations, la consolidation de la norme de la souveraineté nationale au détriment de la coopération régionale et les politiques d’exclusion, notamment des acteurs régionaux, ont entravé la construction d’un régime de sécurité régionale. Comme résultat de cela, la mentalité « addition zéro » conti-nue à prévaloir en matière sécuritaire. Le Moyen-Orient, en général, a opéré sous des principes réalistes, notamment le principe de l’équilibre des pouvoirs. La confiance en l’équilibre de forces en relation avec les aspects de sécurité régionale ont soutenu l’instabilité chronique et le recours fréquent à des conflits de haute ou de basse intensité. Le dilemme de la sécurité a caractérisé les relations au Moyen-Orient et a évité une approche réellement sécuritaire pour la région. Le Partenariat Euro-méditerranéen met l’accent sur la promotion du régionalisme pour adresser les affaires d’intérêt commun pour la région. Cependant, fina-lement, cela doit être entrepris depuis l’intérieur de la région. Une des opportunités a été représentée par le Sommet de pays voisins d’Irak, qui a commencé avant la Guerre de 2003 à l’initiative de la Turquie. Après l’établissement du gouvernement iraquien, l’Irak a également joint cette initiative et participe aux rencontres qui réunissent les minis-tres de l’intérieur et des affaires étrangères. Irak est en train de subir des transformations d’une grande portée et fait face à des défis impor-tants dans ce processus. Le résultat final de cette transformation aura d’importantes répercussions non seulement pour l’Irak mais aussi pour l’ensemble de la région. Les états de la zone se montrent réticents par rapport à ce que cela signifie pour eux et essayent de développer des mesures afin d’assurer leur influence et sauvegarder leur propres inté-rêts. D’autre part, l’Irak a besoin de temps et d’éviter toute intervention afin de résoudre ses propres problèmes et avancer dans le processus de construction de l’État. Les questions sécuritaires de tous ces acteurs ne peuvent pas être adressées de façon indépendante, car elles sont toutes liées. Autrement dit, ces acteurs constituent un complexe de sécurité, défini par Barry Buzan comme un groupe d’états dont les pré-occupations en matière de sécurité son tellement liées que la sécurité nationale d’un des états ne peut pas être envisagée, d’une manière

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Les politiques des États-Unis ont été fondées sur le principe de l’exclusion de certains pays

réaliste, indépendamment des autres1. Ainsi, le nouveau scénario surgi après la Guerre d’Irak de 2003 a établi une nouvelle sphère de sécurité sous-régionale, dont le centre se situe en Irak. Les principaux acteurs de ce nouveau scénario ne sont plus seulement les pays du Golfe, mais aussi, maintenant, la Turquie, la Syrie et la Jordanie. Le Sommet de pays voisins visait à aboutir à des accords sur une série de principes com-muns fondamentaux, tels que l’intégrité territoriale, la résolution de disputes d’une manière pacifique, des mesures de confiance minimales et l’établissement de mécanismes pour le dialogue. Pendant un certain temps, leur effectivité a été entravée par la sensibilité de la Turquie par rapport à l’autonomie turque au nord de l’Irak, les politiques exclusives des États-Unis envers l’Iran ou la Syrie. Cependant, lors de la dernière rencontre à Istanbul, il a été convenu, de façon générale, d’inclure des acteurs externes, tels que les États-Unis ou l’UE. Si cette évolution se maintient, elle pourrait être significative pour l’établissement d’un régime de sécurité limité dans la région. La plus grande réussite de ce régime serait la reconnaissance des droits de sécurité commune et le refus du recours à la force militaire. Sous cette forme, il serait en mesu-re de constituer une pièce dans la construction d’un cadre de sécurité intégral et institutionnalisé dans une région pour faire face aux défis de la sécurité et de la stabilité politique.

La politique d’exclusion des États-Unis et l’unilatéralisme

Les politiques des États-Unis, le principal acteur extrarégional dans la zone depuis la Seconde Guerre mondiale, ont été fondées sur le prin-cipe de l’exclusion de certains pays. Pendant les années de la Guerre Froide, la bipolarité justifiait ces politiques et, parfois, les États-Unis ont interprété erronément les dynamiques régionales dans le contexte de leur lutte contre l’URSS. Par conséquent, les politiques des États-Unis ont aliéné le nationalisme arabe et ont essayé d’exclure ces régimes et ces mouvements des politiques régionales. Une fois la Guerre Froide terminée, les États-Unis ont décidé d’établir un Nouvel ordre au Moyen-Orient. Un élément important de cet ordre a été l’exclusion de deux des principaux états du Golfe, l’Iran et l’Irak, de leur politique régio-nale. L’Administration Clinton a mis en marche sa « Dual Containment Policy » à travers l’utilisation de divers outils, y compris l’embargo, l’usa-ge de la force et les efforts diplomatiques pour obtenir le soutien des autres acteurs. Les politiques d’exclusion ont continué et, en fait, se sont étendues après le 11 septembre. À mesure que l’Administration Bush redoublait ses efforts pour appliquer une politique plus ferme visant à la création d’un « Nouveau Moyen-Orient », elle prêtait moins d’attention au multilatéralisme. Les nouvelles pratiques des États-Unis avaient provo-qué de nouvelles insécurités dans la région. Quand l’Administration Bush avait comme objectifs déclarés l’Iran et la Syrie, ces régimes cherchaient à faire échouer la politique des États-Unis au Moyen-Orient, notamment en Irak. L’exclusion de certains des principaux acteurs régionaux a empê-ché le progrès vers l’établissement de la stabilité. D’autre part, le pouvoir des États-Unis et son unilatéralisme sont devenus une force que les alliés traditionnels des États-Unis dans la région doivent tenir en compte. Ainsi, un des nouveaux défis aussi bien pour les acteurs régionaux que pour les acteurs extrarégionaux, aujourd’hui, est comment gérer le pou-voir des États-Unis.

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LES DÉFIS SÉCURITAIRES DANS LA MÉDITÉRRANÉE SUD-ORIENTALE : IMPLICATIONS POUR L’UE

La question de l’Islam politique et comment l’adresser est encore un des principaux défis pour les acteurs régionaux et externes

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Divisions croissantes dans la région entre différents groupes et acteurs non étatiques

Récemment, la politique régionale s’est caractérisée par la polarisation de différents acteurs. Les divisions sont arrivées à un tel point que certains ana-lystes ont commencé à parler d’une nouvelle Guerre Froide dans la région. D’autre part, on constate une polarisation croissante entre les états plus pro-occidentaux et ceux qui s’opposent au pouvoir des États-Unis et leur projet de configurer la région selon leurs désirs. D’autre acteurs non étatiques, tels que hamas en Palestine, hezbollah au Liban et certaines organisations kurdes sont aussi devenus des acteurs de cette polarisation. Ces groupes échappent au contrôle de l’État et, finalement, menacent les principes fon-damentaux du système de l’État, tels que la territorialité ou le monopole du contrôle et l’utilisation de la force. Finalement, une nouvelle division com-mence à surgir également entre Sunnites et Chiites, ce qui rend encore plus difficile la résolution de la situation. Le pouvoir croissant des Chiites en Irak, après la chute du régime de Saddam hussein, et l’émergence d’Iran comme acteur dans la politique régionale est cause d’un certain souci parmi les états de majorité sunnite. Pour certains états ayant une minorité chiite significative, la situation suppose un défi interne. Finalement, ce phénomène a également des implications régionales, car certains pays ont une population chiite rédui-te qui pourrait se voir menacée. Ainsi, comme on a pu constater, la division historique entre Chiites et Sunnites est étroitement liée avec la politique de basse intensité. Cette menace, établie en termes sectaires, augmente l’insta-bilité dans la région, ainsi que dans les différents états à niveau interne.

La question de l’Islam politique

La question de l’Islam politique et comment l’adresser est encore un des prin-cipaux défis pour les acteurs régionaux et externes. L’Islam politique reste la principale force politique dans la région. Cependant, au cours des dernières années il a subi des altérations importantes. D’une part, l’Islam radical glo-bal, transcendant le niveau de l’État et agissant comme base d’une ummah (communauté) islamique, a fait irruption. Avec cette idéologie et ces métho-des, il représente un défi important non seulement pour Occident, mais aussi pour les Chiites, les musulmans séculaires et les états de la région. Il présente également de nouveaux défis pour l’UE, en raison de ses liens potentiels avec les communautés musulmanes en Europe. Malgré le nombre limité de recru-tements, si nous tenons compte du volume des communautés musulmanes, le phénomène met en évidence les problèmes de l’intégration dans ces pays. L’Islam politique semble avoir évolué vers une ligne plus modérée : Dans les dernières années, plusieurs partis islamistes ont surgi dans certains pays du Moyen-Orient avec l’objectif « d’unir l’Islam avec l’élection et les libertés individuelles de la démocratie et la modernité »2 . Il y a des partis islamistes dans la région, comme le parti Justice et développement au Maroc, hizb al-Wasat en Égypte et le Front d’action islamique en Jordanie qui ont renoncé à la violence et ont accepté de travailler dans le respect du système actuel3. Le développement de ce que l’on appelle le phénomène post-islamiste est très important pour l’évolution politique du Moyen-Orient. Cependant, nous ne savons pas encore trop pourquoi et comment certains mouvements isla-mistes sont en train d’évoluer ou à quel point cette évolution est génuine. Cependant, les événements au sein de l’Islam politique sont étroitement liés aux défis sécuritaires dans la région. La constante popularité des mou-

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Même ceux qui défendent que la démocratie est une condition préalable pour la stabilité dans la région dans le long terme craignent les périodes incontrôlées de transition dans le court et le moyen terme

vements de l’Islam politique et l’évolution du post-islamisme ont conduit les pouvoirs externes, comme l’UE, à envisager l’établissement de relations avec les groupes islamistes non violents et se demandent comment le faire.

Le dilemme entre stabilité et démocratie

L’absence de gouvernements responsables, transparents et participatifs dans la région menace non seulement les citoyens, mais aussi les états entre eux.

La promotion de la démocratie comme façon de faire face aux défis sécuritaires fait également partie, dorénavant, des politiques des pouvoirs externes dans les dernières années. L’UE a été la première à décider d’affronter les causes de l’instabilité dans la région et sa propagation vers le nord, avec le lancement du Processus de Barcelone en 1995. L’Administration Bush, suite aux attaques du 11 septembre, a également promu la démocratisation comme panacée pour faire face au terrorisme, bien qu’en utilisant des instruments différents à ceux de l’UE. Cependant, les politiques, aussi bien de l’UE que des États-Unis ont été bientôt exposées au dilemme de la stabilité et de la démocratie. Même ceux qui défendent que la démocratie est une condition préalable pour la sta-bilité dans la région dans le long terme craignent les périodes incontrôlées de transition dans le court et le moyen terme. Après des années d’autoritarisme, une certaine ouverture politique peut déclencher l’instabilité qui, à son tour, représenterait un obstacle pour la démocratisation. Ce dilemme a enfermé la réforme politique à l’intérieur d’un cercle vicieux. Le dilemme entre stabilité et démocratie a eu également des effets sur la position des pouvoirs extérieurs lesquels, finalement, se sont également penchés du côté de la stabilité. À son tour, ceci a provoqué des réserves quant à la sincérité, le véritable engagement et la consistance de leurs motivations dans la région.

Les civilisations comme unités d’analyse

Le risque de configurer les relations de la région avec le monde extérieur en termes de clash of civilisations est un autre défi sécuritaire que la région doit affronter. L’idée selon laquelle la culture et les identités religieuses sont la source première de conflit après la Guerre Froide s’est traduite par l’ac-complissement d’une prophétie après les attaques du 11 septembre. Nous trouvons des défenseurs de cette idée des deux côtés. Dans ce contexte, il est particulièrement important que les politiques méditerranéennes des ins-titutions occidentales ne soient pas perçues comme antimusulmanes. Une façon d’affronter ce défi a été la promotion de concepts comme le dialogue des civilisations plutôt que leur confrontation. Par exemple, le Président du Gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, et le Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, ont lancé en novembre 2005 l’initiative de l’Alliance des civilisations avec l’objectif de promouvoir le respect et le dialogue entre les sociétés islamique et occidentale. Cependant, ces concepts doivent être considérés uniquement comme l’autre face de la monnaie, car ils opèrent au même niveau d’analyse : au niveau des civilisations. Ainsi, qu’on mette l’accent sur l’alliance ou sur la confrontation, les deux idées assument l’existence de civilisations monolithiques, fermées, qui sont en relation entre elles. Cette approche devrait être problématisée et débattue comme une manière pertinente de comprendre les problèmes historiques et présents auxquels nous faisons face.

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LES DÉFIS SÉCURITAIRES DANS LA MÉDITÉRRANÉE SUD-ORIENTALE : IMPLICATIONS POUR L’UE

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Notes

1. Barry Buzan, People, States and Fear. An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, New York – London: Longman, 1991, pp. 186-229.

2. Asef Bayat, ‘What is Post-Islamism?’ ISIM Review, No. 16, 2005, disponible sur http://www.isim.nl/files/Review_16/Review_16-5.pdf

3. Pour compléter l’information sur ces partis et l’islamisme radical global, cf. Peter Mandaville, Global Political Islam, NY : Routledge, 2007.

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LIBERTÉS FONDAMENTALES

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• LibertésfondamentaLesetsécuritédansLa coopérationeuro-méditerranéenne: stratégiesàLongtermeetspécifiquespour chaquepays

Isabelle Werenfels

• pLaidoyerpouruncodeetunecharterde L’éthiquedesmédiasenméditerranée

Nadir Benseba

• guerrecontreLeterrorisme:ya-t-iL dessoLutionspourpréserVerLesLibertés FONDAMENTALES ?

Salam Kawakibi

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Isabelle Werenfels

Chercheuse, département du Moyen-Orient et Afrique, Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP), Berlin

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L es libertés fondamentales sont essentielles pour la coopéra-tion euro-méditerranéenne, du moins, en théorie.1 Le droit des « citoyens méditerranéens » à des libertés fondamentales est

envisagé dans deux cadres principaux de coopération du bassin médi-terranéen : le Partenariat Euro-Méditerranéen (PEM ou Association de Barcelone) et la Politique Européenne de Voisinage (PEV). La Déclaration de Barcelone de 1995 souligne la nécessité de promouvoir les droits de l’homme et la démocratie dans la région. L’article 2 des Accords d’As-sociation reconnaissent que le respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques sont des éléments essentiels de l’Accord. De même, les Plans d’Action dans le cadre de la PEV reconnaissent, bien qu’avec une intensité différente en fonction du pays, des dispositions spécifiques pour la promotion des libertés fondamentales entre les états partenaires.

Un des motifs fondamentaux pour ceux qui insistent sur la réforme poli-tique comme un des principaux piliers tant du Processus de Barcelone que de la PEV est la conviction qu’un cercle de pays prospères et démo-cratiques autours de la Méditerranée est la meilleure garantie pour la stabilité durable de la région et, par conséquent, pour la sécurité euro-péenne. Cet argument remonte au philosophe allemand Emmanuel Kant qui a dit, de manière résumée, que les démocraties ne s’attaquent pas entre elles. De plus, la désintégration de l’empire soviétique, seulement cinq ans avant la création du Processus de Barcelone, rendit manifeste que la coercition et la privation de libertés politiques ne peut garantir une sécurité durable et stable. De même, depuis le début de 2000, l’UE a commencé doucement à réclamer aux pays partenaires un plus grand respect des droits de l’homme avec la conviction qu’un meilleur respect des droits de l’homme et des libertés politiques freinerait le désir des jeunes arabes de migrer vers l’Europe et réduirait en partie des cau-ses de l’Islam radical. Cette idée est liée au paradigme de la « sécurité humaine », qui part de la prémisse que la sécurité nationale, régionale et mondiale est fortement liée à la sécurité des citoyens et à leurs droits.

Dans la pratique, non obstant, les responsables politiques semblent s’accorder à ce que développer les droits de l’homme et la démocra-tisation peut représenter une menace pour le maintien de la stabilité et la sécurité. Ceci débouche sur une claire contradiction entre l’esprit

La sécurité nationale, régionale et mondiale est fortement liée à la sécurité des citoyens et à leurs droits

Libertés fondamentaLes et sécurité dans Lacoopérationeuro-méditerranéenne:stratégiesà Long terme et spécifiques pour chaque pays

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LIBERTÉS FONDAMENTALES ET SÉCURITÉ DANS LA COOPÉRATION EURO-MÉDITERRANÉENNE : STRATÉGIES À LONG TERME ET SPÉCIFIQUES POUR CHAQUE PAYS•

L’évidence des processus d’ouverture politique montre qu’il n’existe pas de simple relation causale entre les libertés fondamentales et la sécurité

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et les objectifs de Barcelone et les politiques quotidiennes de l’Union Européenne et la majorité de ses États membres, qui continue à main-tenir le statut quo dans la région. Ceci est évident, par exemple, dans les politiques européennes en relation avec les Frères Musulmans en Égypte : la majorité des politiciens préfèrent soutenir le régime stable de Mubarak que de promouvoir les libertés politiques qui, ils craignent, pourraient amener les islamistes au pouvoir. Les politiciens, à tord ou à raison, pensent que ce nouveau scénario pourrait mettre en danger les intérêts européens en matière de sécurité, argument que le Président français Sarkozy a précisément utilisé dans son discours du Nouvel An de janvier 2008.

La première partie de cet article aborde la relation entre la sécurité et les libertés fondamentales. Ensuite, il traite des options politiques existantes pour favoriser ces libertés dans les pays partenaires en même temps que soient promus les intérêts européens de sécurité. La raison pour laquelle nous nous centrons sur les pays partenaires est parce que la relation entre sécurité et libertés fondamentales est plus problématique dans ces États qu’en Europe, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de ten-sion entre les États européens : le débat enflammé sur la législation en matière de lutte contre le terrorisme et son implication pour les libertés fondamentales dans des pays comme l’Angleterre, la France ou l’Allema-gne en atteste. Non obstant, la tension entre sécurité et libertés s’aborde dans le cadre institutionnel d’un État de Droit avec des tribunaux indé-pendants, garantissant généralement que ne sont pas amoindries, du moins sévèrement, les libertés politiques et les droits civils. Au contraire, le débat ouvert dans les pays partenaires du sud tant en questions de sécurité et de législation qu’en questions de libertés fondamentales est limité et sa profondeur dépend de la situation de chacun, auquel il convient d’ajouter de rares contrôles sur l’action exécutive.

Relations multiples entre libertés et sécurité

L’évidence empirique des processus d’ouverture politique montre qu’il n’existe pas de simple relation causale entre les libertés fondamenta-les et la sécurité, du moins à court terme. Que l’extension des libertés fondamentales crée une plus grande instabilité ou insécurité ou qu’elle promeuve la stabilité dépendra des trois facteurs suivants : Le contexte, le temps et le cadre temporel, et le séquençage des réformes. Mais concrètement, le contexte social, économique et international dans lequel prennent place les libertés fondamentales sera déterminant. Les trois exemples suivants le soulignent très clairement :

En Algérie, en 1989, un grand nombre de droits politiques ont été garantis pendant un moment de grande crise socio-économique résultant de la baisse du prix du pétrole et de l’incapacité des élites post-coloniales à appliquer un projet d’industrialisation et de développement. En même temps, la société algérienne était fortement divisée, par des questions d’identité nationale, par des conflits entre les berbéropho-nes, les francophones et les arabophones et pour une vision séculaire de l’État faisant face aux visions islamistes. De plus, l’application des libertés fondamentales fut menée d’un coup, sans disposer d’un cadre institutionnel stable. C’est-à-dire, sans un appareil étatique fonctionnel

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91 ISABELLE WERENFELS

Le défi se pose de comment garantir les libertés fondamentales sans promouvoir, à court terme, l’instabilité dans les pays partenaires du sud

et indépendant, au sens wébérien, qui l’appuierait. Dans ces circonstan-ces particulières il n’est pas surprenant que la protestation radicale fut d’une telle ampleur.

L’exemple de l’Irak après Saddam Hussein, pour utiliser un cas extérieur à la région Méditerranéenne, démontre particulièrement qu’un certain niveau de sécurité et de stabilité de l’État est une condition requise indispensable pour rendre effective l’extension des libertés fondamentales, non seulement en théorie mais également dans la pratique. En Irak une longue liste de droits civils et politiques furent garantis avec un appareil étatique plongé dans le chaos et, par conséquent, avec un État trop fragile et instable pour garantir leur application. Dans ce cas, la soudaine expansion des libertés fondamentales contribua à la déstabilisation et à l’insécurité.

Un troisième exemple peut être trouvé dans ce qu’on appelle les « démo-craties tardives » du sud de l’Europe. Les trajectoires de l’Espagne, de la Grèce et du Portugal démontrent que dans un contexte relativement sûr et institutionnellement stable, l’extension des libertés fondamentales et de la démocratisation non seulement ne déstabilisa pas l’État, mais elle eut un effet positif sur sa stabilité et sécurité à long terme. Nous ne devons pas omettre, cependant, que ces États avaient un stimulant important pour réussir cette réforme : la perspective de l’intégration européenne. Nous pouvons prévoir que la Turquie pourrait avoir un développement similaire : la prévention de la déstabilisation dans un contexte de libertés fondamentales en développement.

De ces exemples, comme d’autres qui existent dans la littérature sur les pro-cessus de transitions politiques vers la démocratie dans d’autres régions du monde, nous devons tirer l’apprentissage que les effets pour encourager les libertés politiques à court et à long terme sont différents. Tandis qu’à court terme le développement de ces libertés peut produire des effets inattendus et provoquer l’instabilité, à long terme il représente un facteur important pour la réalisation de la stabilité et la sécurité. Par conséquent, le défi se pose de comment garantir les libertés fondamentales sans promouvoir, à court terme, l’instabilité dans les pays partenaires du sud.

Comment l’Europe peut-elle renforcer en même temps les libertés fondamentales et la sécurité ?

Les difficultés et les limites des moyens de promotion de la démocratie et des droits de l’homme au sud de la Méditerranée de la part de l’Europe ont été amplement analysés par la littérature académique, spécialement dans le contexte de l’évaluation du Processus de Barcelone et de ses résultats. Parmi les facteurs qui ont réduit l’effectivité des politiques de l’UE nous trouvons ceux qui prennent racines dans le cadre du Processus de Barcelone même : par exemple, l’association avec des gouvernements qui, pour des raisons évidentes, montrent peu d’intérêt à appliquer des réformes qui pourraient miner les systèmes autoritaires en vigueur. De plus, l’exécution du Processus de Barcelone redouble en inconsistan-ces et tant les Etats membres que la Commission Européenne lancent des signes et des politiques contradictoires. Ces problèmes affectent la relation entre l’UE et ses États membres d’un côté, et les pays arabes partenaires, de l’autre.

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LIBERTÉS FONDAMENTALES ET SÉCURITÉ DANS LA COOPÉRATION EURO-MÉDITERRANÉENNE : STRATÉGIES À LONG TERME ET SPÉCIFIQUES POUR CHAQUE PAYS•

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Cependant, ce serait une erreur d’appliquer la même formule pour la promotion des libertés à tous les pays et présumer que les politiques et instruments valides pour un pays peuvent fonctionner pour les autres. La situation politique, économique et socioculturelle de chaque pays diffère substantiellement dans toute la région, ainsi que les libertés politiques et la sécurité. Un état comme la Libye, bien qu’elle jouisse d’un haut degré de stabilité, ne respecte pas les éléments les plus élémentaires des liber-tés fondamentales. De plus, le pouvoir est intensément centralisé dans les mains de certains. Au Liban, néanmoins, les droits civils et les libertés politiques sont fortement étendus en comparaison à d’autres pays de la région, mais la stabilité de l’État est basse et le pouvoir est réparti entre divers groupes ethniques hostiles entre eux et dépend du soutien exter-ne. Il est évident que les politiques européennes envers ces deux pays requièrent des approches différentes.

Malgré la nécessité d’approches spécifiques pour chaque pays, il existe des directrices générales pour les politiques européennes dans la région qui devraient faire augmenter la crédibilité de l’UE dans la zone. De plus, elles devraient avoir un effet positif à long terme pour la stabilité régio-nale, en même temps que de promouvoir les libertés fondamentales.

Il est nécessaire que les politiques européens tiennent compte des sociétés des pays partenaires et qui leur transmettent l’idée que leurs doits, demandes et désirs sont écoutés et défendus, et pas seule-ment ceux de leurs gouvernements. Ceci implique, par exemple, que les politiques européens défendent la participation des opposants non violents dans les processus politiques des pays partenaires. Ceci requiert d’accepter l’inclusion de certains acteurs politiques, comme les partis islamistes – qui peuvent ne pas partager la conception de la société ou les valeurs européennes mais qui représentent une partie substantielle de leurs sociétés- strictement sous la soumission à des règles du jeu démocratique. Aussi, il est nécessaire que les gouver-nements européens forment leur propre opinion de ces mouvements et partis et ne s’approprient pas le discours qu’offrent les pays parte-naires, intéressés à décréditer leur opposition, spécialement si elle est islamiste. Une illustration de ceci est le mouvement tunisien interdit Nahda : le gouvernement tunisien a qualifié ce mouvement d’organi-sation terroriste malgré que son agenda et son discours aillent dans la même direction que les autres partis islamistes qui dans des pays voi-sins sont au Parlement ou y compris dans le gouvernement comme le PJD (Parti de la Justice et du Développement) et le MSP (Mouvement de la Société pour la Paix) algérien.

La crédibilité européenne est dégradée quand les libertés fondamentales sont promues en tant que prétexte pour d’autres causes. Divers pays membres de l’UE, par exemple, sont plus durs avec la Syrie quant à sa situation des libertés fondamentales et de démocratisation, au moins au niveau rhétorique, qu’avec des pays comme l’Algérie, la Libye ou la Tunisie. Les motifs pour justifier cela ne sont pas la situation des libertés fondamentales (la situation de la Libye en la matière est pire que la Syrie) mais le contexte géostratégique est plus large : la Syrie est considérée comme un écueil dans la région, tandis que la Libye et l’Algérie sont des pays clefs pour l’Europe en matière de sécurité énergétique et de contrô-le de la migration illégale. En d’autres mots, les libertés fondamentales

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La crédibilité de l’UE souffre de ce que les pays membres envoient des messages contradictoires aux politiques générales de l’UE

sont utilisées comme prétexte, ou simplement nomées, pour libérer les politiques de la pression exercée par les groupes internationaux de droits de l’homme. La crédibilité de l’UE souffre, en plus, de ce que les pays membres envoient des messages contradictoires aux politiques générales de l’UE. Ceci fut le cas en France en des occasions répétées en relation à l’abus des droits de l’homme au Maghreb. Finalement, l’UE dilapida sa crédibilité après les élections palestiniennes de 2006. Après avoir prêché la démocratie, avoir fait pression pour que des élections aient lieu avec des observateurs et avoir fait l’éloge de son degré de liberté, l’UE refusa de traiter avec le Hamas. À la vue de telles inconsistances et contra-dictions dans ses propres politiques, cela n’est pas surprenant que les acteurs de la société civile dans les pays partenaires ne se fient ni aux Nord-Américains ni aux Européens.

Une coopération étroite avec les pays du sud de la Méditerranée dans la « lutte contre le terrorisme » court le risque de provoquer l’effet indésiré d’augmenter la radicalisation et d’être contre-productif. Si les États euro-péens, par exemple, tolèrent l’abus des droits de l’homme en extradant des terroristes, supposés ou prouvés, à des pays où avec certitude on les torturera, il est transmis à la population des pays arabes exactement le même message que celui qu’elle reçoit de son gouvernement : que ses droits ne comptent pas. De la même manière, en fournissant des armes en Libye, dont la situation des droits de l’homme est, au minimum, pro-blématique ou en demandant à ces État qui luttent contre l’immigration illégale sans garanties pour les immigrants de recevoir un traitement en accord avec les standards internationaux des droits de l’homme, les États européens envoient des messages douteux à la population arabe. Ces messages abîment l’image de l’Europe parmi les jeunes arabes désillu-sionnés et pourraient augmenter leur radicalisation et hostilité contre l’Occident.

Finalement, il faudrait mettre en question la position des gouvernements des pays partenaires qui utilisent la menace terroriste pour justifier qu’ils n’initient pas de réformes politiques ou pour réprimer les libertés exis-tantes. L’exemple du Maroc démontre que la lutte contre le terrorisme peut cohabiter avec un certain degré de liberté de la presse, un proces-sus politique pluraliste et compétitif et, en comparaison avec les autres pays de la région, une situation des droits de l’homme assez acceptable.

Une stratégie exclusivement bilatérale ou multi-bilatérale comme la PEV ou le Dialogue Méditerranéen de l’OTAN offre de plus grandes oppor-tunités pour encourager parallèlement les libertés fondamentales et garantir la sécurité que le cadre multilatéral et régional du Processus de Barcelone pour diverses raisons. En premier lieu le conflit israélo-palesti-nien acquiert une telle connotation émotionnelle qu’il éclipse et domine toute discussion possible concernant la sécurité et les droits de l’homme et empêche toute conclusion ou politique dans le cadre multilatéral de Barcelone. En deuxième lieu, comme déjà mentionné plus haut, des pays comme le Maroc et la Syrie présentent des problèmes distincts. Le résultat de stratégies multilatérales pour leur faire face créée non seulement des déclarations génériques et avec peu de force, quand il y en a qui sont créé. L’échec d’approuver au consensus une définition du terrorisme dans le sommet « Barcelone plus 10 » en novembre 2005 en est un exemple.

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LIBERTÉS FONDAMENTALES ET SÉCURITÉ DANS LA COOPÉRATION EURO-MÉDITERRANÉENNE : STRATÉGIES À LONG TERME ET SPÉCIFIQUES POUR CHAQUE PAYS•

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Finalement, les chapitres de sécurité sont habituellement réservés et ceux des libertés fondamentales, spécialement délicats. Par conséquent, les éli-tes politiques et militaires des pays du sud de la Méditerranée se montrent réticents à les aborder dans les grandes réunions : au plus petit est le cercle, au plus il y a possibilités d’établir des méthodes de confiance. Celles-ci sont importantes surtout que dans quelques pays partenaires persistent certaines réactions, d’autre part compréhensible, anti-coloniales face à la pression externe de respecter les libertés fondamentales. Des formats sous-régionaux et semi institutionnalisés comme le 5+5 ont produit de plus grands résultats tangibles en rapport à la coopération en matière de sécurité que le cadre du Processus de Barcelone. En conséquence, il peut être plus productif de se concentrer sur un format plus réduit et flexible pour construire des moyens de confiances entre un petit groupe d’acteurs avec des besoins communs. Un autre avantage des formats multilatéraux réduits est que les mécanismes de pression ou de concurrence établis peuvent favoriser l’obtention de résul-tats tangibles.

Finalement, mais tout aussi important, les responsables de la politique exté-rieure européenne ont besoin d’être patients et de penser à long terme, aussi pour appliquer une certaine modestie quant à la capacité européenne d’influencer sur la situation intérieure des pays partenaires. Il est important de tenir compte qu’un processus de réforme profonde implique la trans-formation simultanée du système de domination, du système de la culture politique des sociétés et du système économique qui, généralement n’arrive pas en un coup. La meilleure illustration est à trouver dans les siècles qui furent parcourus depuis l’expansion des libertés fondamentales jusqu’à leur traduction en des systèmes démocratiques consolidés.

Quels instruments politiques ?

Le Processus de Barcelone dispose de peu d’outils pour la promotion des libertés fondamentales au-delà des instruments spécifiques : le dialogue politique dans le premier panier, centré sur la coopération politique, du Partenariat Euro-Méditerranéen et le soutien à la société civile dans le troi-sième, centré sur la coopération culturelle. Aucun des deux n’a donné de résultats probants. Dans les cas où la situation politique s’est améliorée pendant la dernière décennie, comme c’est le cas du Maroc, où le système politique s’est libéralisé et la société civile s’est fortifiée depuis le début du Processus de Barcelone, il est très difficile d’établir une corrélation entre ces événements et les politiques de financements de l’UE. Il semble réaliste d’assumer que le rôle qu’elles ont joué est très petit en comparaison au développement des événements au niveau national et régional, comme la guerre civile d’Algérie et les resultantes considerations stratégiques du roi Hasan II ou la réforme que le jeune roi Mohamed VI, socialement moder-niste, a impulsée après son arrivée au trône en 1999.

La PEV, pour sa part, dispose d’instruments potentiellement plus effica-ces, comme les instruments de suivi et évaluation (connus sous le nom de benchmarking) et la conditionnalité ex-post. Dans les Plans d’Action de la Politique Européenne de Voisinage avec les pays du sud, par exemple, est inclus une clause selon laquelle les droits de l’homme doivent être respectés dans la lutte contre le terrorisme. Non obstant, les indicateurs qui vont être

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appliqués pour évaluer le progrès ne sont pas spécifié, comme pourrait être comment renforcer les droits des détenus, entre autres. Finalement, elle n’offre aucun incitant pour des réformes entreprises.

Les plans d’action de la PEV devraient se doter d’incitants pour les pro-grès réalisés dans des domaines déterminés. Les élites politiques dans certains états partenaires seraient plus enclins à se soumettre aux réfor-mes avec un incitant clair. C’est seulement si les élites des pays du sud de la Méditerranée comprennent qu’elles peuvent aussi bénéficier, même uniquement au niveau symbolique, d’un plus grand respect des libertés fondamentales, que les demandes de l’UE rencontreront un écho dans les pays partenaires. Le fait que l’UE ait fait entrevoir au Maroc la possibilité d’obtenir un statut avancé en 2007 est symboliquement important pour les élites arabes déjà qu’ils voient l’accomplissement des accords comme les initiatives de réformes entreprises par le propre roi, entre autre l’Ins-tance d’Équité et de Réconciliation. De plus, pour une meilleure étude du développement, l’UE devrait insister auprès des pays partenaires sur la nécessité d’une meilleure définition de quelques indicateurs spécifiques pour évaluer le progrès et son inclusion dans les futurs plans d’action.

En rapport avec l’amélioration de la situation des droits de l’homme et le respect des libertés fondamentales dans les pays partenaires médi-terranéens il est nécessaire d’impliquer, spécialement, tous ceux qui ont une relation avec le maintien de la sécurité. C’est-à-dire les membres de l’appareil de sécurité et la police.

Il est nécessaire de promouvoir la sensibilisation sur les libertés fonda-mentales à travers un dialogue bilatéral ou multilatéral (l’UE plus un pays partenaire) et des programmes d’échange entre membre des différents appareils de sécurité. Quand les officiels de l’armée et de la police partagent des expériences sur les problèmes liés à la sécurité et aux droits de l’homme avec leurs homologues des pays du sud de la Méditerranée, ces derniers se montrent plus réceptifs envers les discours normatifs des politiques euro-péennes. Certains des thèmes qui devraient être traité sont : 1) Comment les démocraties garantissent les libertés fondamentales et la sécurité et quelles institutions et mécanismes sont employés pour résoudre les problè-mes entre les deux ; 2) Comment est le code de conduite (directives) des pays européens pour traiter avec l’opposition, les manifestants, etc. et com-ment sont élaborés ces directives ; 3) Les caractéristiques de la relation et de la coopération entre les institutions militaires dans les pays européens.

L’instrument probablement le plus efficace pour sensibiliser et modifier les conduites tant de l’armée que des élites politiques envers les libertés fondamentales serait d’impliquer ces élites dans le mode opérationnel d’un pays tiers.

Un Instrument à être exploré sont les missions d’observation électorale. L’Institut Démocratique National des États-Unis par exemple, a formé et impliqué des algériens (en ce compris des islamistes membres du Parlement et du gouvernement de la coalition) et d’autres arabes dans des missions d’observation électorale dans des pays qui menaient une transition vers la démocratie. La perspective comparative concernant les élections qui en découle peut faire ouvrir les yeux aux participants et leur permettre d’identifier de nouvelles problématiques intrinsèques à leur

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LIBERTÉS FONDAMENTALES ET SÉCURITÉ DANS LA COOPÉRATION EURO-MÉDITERRANÉENNE : STRATÉGIES À LONG TERME ET SPÉCIFIQUES POUR CHAQUE PAYS•

Il est nécessair introduire le respect des libertés fondamentales aussi depuis une perspective indirecte et d’une forme plus pragmatique que jusqu’à présent

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propre processus électoral et leur offrir un incitant pour soulever de nou-velles demandes pour la célébration de processus plus démocratiques et l’établissement d’une nouvelle législation dans leurs propres pays. L’UE pourrait aussi instaurer un programme euro-méditerranéen pour l’obser-vation d’élections dans des pays tiers.

Les missions multilatérales dans des pays tiers peuvent modifier la vision dans des affaires comme les droits de l’homme et les libertés politiques parmi le personnel de l’armée. Un bon exemple de ceci peut être trouvé dans l’implication de l’armée turque dans la Présence Internationale Temporelle dans la ville d’Hébron (TIPH), une mission civilo-militaire de maintien de la paix établie dans le cadre du processus d’Oslo sous le lea-dership de la Norvège. Aux sources du travail contre les abus des droits de l’homme à Hébron et à force de converser avec les activistes pour les droits de l’homme israéliens et palestiniens, divers officiels turques se sont remis en tête les politiques utilisées contre les opposants politiques et les minorités ethniques en Turquie2.

Ces exemples démontrent que un des chemins à explorer se situe en ce que les responsables européens de la politique extérieure conçoivent des stratégies pour introduire le respect des libertés fondamentales aussi depuis une perspective indirecte et d’une forme plus pragmatique que jusqu’à présent.

Notes

1. Les libertés fondamentales sont définies ici conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU de 1948 qui inclut les libertés politiques et les droits (démocratiques) comme la liberté d’association (Article 20) et la liberté de prendre part au gouvernement de son pays, soit directement, soit à travers des représentants librement choisis (Article 21).

2. L’auteur de cet article fut la responsable de la délégation suisse du TIPH en 1999 et, en conséquence, témoin privilégié de ces processus.

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Nadir Benseba

Fédération Internationale de Journalistes, Alger

D epuis le 11 septembre 2001, date de l’apparition officielle de la mondialisation des actes terroristes, l’attention fut particu-lièrement portée sur le rôle des médias dans la lutte contre ce

phénomène. Quand ce n’est pas pour leur accorder une mauvaise note, les médias sont carrément accusés de faire l’apologie des partisans du désordre terroriste.

Avant d’entrer dans le vif de la problématique du rôle de la presse dans la lutte contre le terrorisme, je désire vous faire part de quelques chiffres, dont je suis sûr que certains disposent.

Pour rester dans l’année 2001, il y a eu 346 attentats avant l’attaque des Twin Towers qui ont fait ensemble 3547 morts. Tandis qu’en 1998, il y a eu 741 morts et 5952 blessés. L’INSI, International News Safety Institute, créé par la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), avance quant à elle le chiffre de 100 journalistes assassinés durant le 1er semestre de l’année 2007. Plus précisément, 85 journalistes et 17 autres assimilés furent tués entre le 1er janvier et le 26 juin 2007. Comparé à l’année dernière, et pour la même période, 68 journalistes ont été assassi-nés. Mais, l’année 2006 reste l’année la plus sombre pour les médias puisqu’il y a eu 168 cas de professionnels de la presse ayant perdu la vie. Enfin, depuis l’invasion en mars 2003 de l’Irak on compte 214 journalis-tes assassinés.

La Fédération Internationale des Journalistes, implantée dans plus de 114 pays et représentée par quelque 800 000 adhérents, ne cesse de rappeler et d’insister sur cet état de fait macabre, pour plusieurs raisons d’ailleurs. Car, parfois si l’assassinat des journalistes n’est pas l’œuvre d’un groupe terroriste, il est mis sur le compte « d’un dérapage » de sol-dats enrôlés dans une action de « rétablissement de la paix ».

En mettant l’accent sur ce fait, la FIJ souhaite sensibiliser le public et amener la communauté des États à s’entendre sur les conditions suscep-tibles de garantir la sécurité du journaliste, mais surtout de lui permettre de mener sa mission d’informer avec objectivité. Je crois qu’à ce niveau de lutte pour la sauvegarde des vies humaines une conjugaison des efforts est plus que nécessaire.

Plaidoyer Pour un code et une charter de l’éthique des médias en méditerranée

La FIJ souhaite sensibiliser le public et amener la communauté des États à permettre au journaliste de mener sa mission d’informer avec objectivité

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PLAIDOYER POUR UN CODE ET UNE CHARTER DE L’ÉTHIQUE DES MÉDIAS EN MÉDITERRANÉE

Il est nécessarie à l’établissement d’un code de l’exercice de la profession et d’une charte éthique commune aux journalistes des deux rives de la Méditerranée

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La presse algérienne, qui s’est mobilisée en faveur de la lutte contre le terrorisme islamiste, et qui a été accusée à l’époque de rentrer dans le jeu des militaires, a fini par donner un exemple à suivre à ce titre. Entre 1993 et 1996, 116 journalistes algériens furent assassinés. En évoquant ce chiffre, l’objectif n’est pas de tenter de vendre l’exemple algérien, loin s’en faut. Surtout qu’au niveau structurel beaucoup de choses restent à faire dans le champ médiatique algérien.

Mais aujourd’hui, et dans le cadre de la problématique qui nous inté-resse, c’est-à-dire la construction d’un espace euro-méditerranéen stable et sécurisé, je pense à l’établissement d’un code de l’exercice de la profession et d’une charte éthique commune aux journalistes des deux rives de la Méditerranée. Le but étant d’accomplir un travail objectif, dans de meilleures conditions, mais toutefois sans compro-mettre l’action des autres acteurs intervenant dans le domaine dans la lutte contre le terrorisme.

Cette initiative, une fois avalisée, répondra à un double objectif :

En premier lieu, fixer les droits et les devoirs du journaliste dans le con-texte des missions affectées par l’organe employeur. Dans ce domaine, des journalistes se heurtent souvent à des obstacles ou sont carrément empêchés de travailler pour la simple raison qu’ils ignorent le dispositif réglementaire du pays de destination.

En second lieu, rédiger une charte éthique pour éviter des dérapages tels que l’Algérie a subis à titre d’exemple au début des années 90. A cette époque, la presse de la rive nord de la Méditerranée a préféré se mettre du côté des islamistes armés pour s’attaquer aux militaires algériens res-ponsables, selon elle, des massacres des populations civiles.

Dans un registre strictement national, cette initiative amènera sans nul doute des résultats quand à la consolidation des processus de démo-cratisation engagés dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. Car cette charte ou ce mécanisme, qui ne va concerner que le journaliste dans un premier temps, va permettre une mise à niveau des législations dans le but de couvrir les droits et devoirs des professionnels des médias.

Je ne vais pas vous apprendre que dans certains pays, à défaut de l’établissement d’un statut de journaliste, on n’arrive pas à élaborer le fichier national du journaliste ni d’ailleurs à distinguer un professionnel des médias en tant que tel. Car le statut du journaliste, dans ses effets sur le plan national, an tant que texte universel, prévoit la création de la carte d’identité nationale du journaliste. Un document qui fixe les condi-tions et les critères de la pratique journalistique.

Cette idée a été largement abordée lors de la première réunion des syn-dicats de la Méditerranée affiliés à la FIJ tenue à Almeria en 2005. Une idée rappelée avec force tout récemment à Malte lors d’une seconde réunion organisée fin septembre 2007.

A cet effet, les délégués ont fait le constat que les déséquilibres entre les pays du nord et ceux du sud ne se résorbent pas, le meilleur exemple étant fourni par les politiques migratoires et d’adoption dans certains pays

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99 NADIR BENSEBA

De trop nombreux médias européens se font les relais complaisants des politiques tournant le dos aux principes humanitaires les plus élémentaires

européens, des politiques restrictives qui présentent les réfugiés politiques et les immigrants comme un danger et des fauteurs de troubles.

De trop nombreux médias européens se font les relais complaisants des politiques tournant le dos aux principes humanitaires les plus élémentaires. L’établissement du dispositif réglementaire précité va certainement mettre un frein à ce genre de pratique. Car, le rôle des journalistes est de traiter l’information avec suffisamment de recul pour ne pas attiser la haine et, au contraire, pour promouvoir une image digne de l’immigration, n’ignorant pas ses dimensions culturelles, économiques et politiques. À ce titre, les gouvernements doivent à leur tour montrer plus de solidarité avec les pays qui sont confrontés aux problèmes migratoires.

Les participants ont également fait le constat d’une dégradation de la qualité de l’information dans de nombreux pays, du regain de la répres-sion, du retour de la censure, des menaces de mort et des meurtres de journalistes. De même, les médias continuent à se regrouper et tom-ber entre les mains de groupes industriels et financiers pour lesquels l’information n’est qu’une source de profit comme une autre et un moyen d’asseoir leur domination idéologique.

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D’un point de vue théorique, le dilemme entre le respect des droits de l’homme et la sauvegarde de la sécurité et de la stabilité ne devrait pas exister

Salam Kawakibi

Politologue, chercheur associé au CIDOB et représentant en Europe du Centre Kawakibi pour les transitions démocratiques.

Coordinateur pour le monde arabe du projet Security Services Reform (SSR) piloté par Arab Reform Initiative (ARI)

GUERRE CONTRE LE TERRORISME : Y A-T- IL DES SOLUTIONS POUR PRÉSERVER LES LIBERTÉS FONDAMENTALES?

Dilemmes et contradictions

Les politiques capables de promouvoir la démocratie, la bonne gou-vernance et les droits de l’homme, d’une part, et le renforcement de la sécurité et de la stabilité d’autre part, dans la région euro-méditer-ranéenne semblent ne pas être encore conçues. Dans les meilleurs des cas, elles existent dans les discours. Il est fort difficile d’essayer de promouvoir les principes de l’État de droit et de la démocratie quand les dirigeants trouvent leur aubaine dans la guerre contre le terrorisme. Ils expliquent tous les maux de leurs sociétés, de leurs économies et de leurs politiques par cette interminable guerre. Dans la plupart des cas, ils comptent avec le soutien des hommes politiques démocrates du Nord à travers plusieurs voies : les déclarations, les gestes et les accords bilatéraux en matière sécuritaire.

Par conséquent, d’un point de vue purement théorique, le dilemme entre la promotion des principes et des pratiques démocratiques, le respect des droits de l’homme et l’application des règles de la bonne gouvernance, d’un côté, et la sauvegarde de la sécurité et de la stabilité ne devrait pas exister. Cependant, cela reste dans le domaine des espérances car, sur le terrain, la réalité est bien différente. Ce paradoxe n’est pas propre des pays du Sud, il représente aussi et surtout un élément de contradiction au sein même des pays du Nord, censés être les prometteurs de valeurs universelles en ce qui concerne la démocratie et les droits de l’homme.

Il est probable que certains décideurs en Europe soient partagés entre le respect des droits de l’homme et les « nécessités » sécuritaires dont ils sont en charge. Ils arrivent, sans trop de peine, à dépasser ce sentiment « humaniste » quand il s’agit de menaces « sérieuses ». Cette attitude, même si elle reste limitée, provoque des dégâts au niveau sociétal et éthique. Par contre, ces pays ont l’avantage de compter avec des institu-tions démocratiques pour le contrôle et la surveillance. Les parlements, la presse, ainsi que les organisations non gouvernementales, jouent un rôle primordial pour imposer le respect des principes des droits de l’homme, sans pour autant œuvrer dans une complète liberté dans un monde sous la pression des intérêts du marché et de l’industrie pétro-militaire. Ces mêmes institutions peuvent exercer une pression importante et efficace sur leurs systèmes politiques dans les affaires qui concernent leur propre

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GUERRE CONTRE LE TERRORISME : Y A-T- IL DES SOLUTIONS POUR PRÉSERVER LES LIBERTÉS FONDAMENTALES?

Les victimes dans ce cas sont les citoyens du Sud qui se retrouvent emprisonnés dans la répression « légitimée » par les voisins du Nord

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population. En revanche, sont-elles aussi efficaces en ce qui concerne la position (ou le manque de position) de leurs pays face aux actions des dirigeants du Sud ? Un grand point d’interrogation.

Effets secondaires ou effets majeurs ?

La lutte contre le terrorisme, des deux côtés de la Méditerranée, produit des conséquences néfastes en matière du respect des libertés fonda-mentales et des droits de l’homme. Cependant, elle semble recueillir l’adhésion unanime des dirigeants des deux rives. Les rencontres se multiplient entre eux, sans pour autant remédier à ce phénomène dan-gereux d’actes violents et destructibles de la paix sociale. Du côté des pays du Sud, cette lutte représente un prétexte d’une valeur inestimable. Dès lors, avant ou à la suite de toute répression contre les revendications pacifistes de leurs sociétés civiles, les régimes politiques de ces pays, dont la démocratie fait défaut, se réfugient dans le registre d’un combat uni-versel contre le terrorisme sous toutes ses formes réelles et inventées.

En adoptant cette stratégie peu crédible, les pouvoirs politiques et sécu-ritaires de ces mêmes pays pensent convaincre le Nord « exigeant » en matière du respect des droits politiques individuels et collectifs. Malheureusement, dans la majorité des cas, ils parviennent à leurs objec-tifs et les critiques, si critiques existent, disparaissent.

À cette attitude, qui spolie tous les droits des citoyens, s’ajoute une réaction « molle », que l’on pourrait qualifier de complice d’une certaine manière, de la part des gouvernements de certains pays du Nord qui entretiennent des relations privilégiées avec ces régimes. Nous arrivons même à entendre dire à certains dirigeants de ces pays démocratiques que leurs homologues du Sud représentent une « culture » spécifique qu’il faut respecter, qu’ils sont « admirés » par des millions de citoyens dans leur pays mais aussi dans toute la région ou qu’ils sont le dernier « rempart » contre le tsunami de l’islamisme politique. La panoplie des explications et des légitimations est large. Elle arrive même à être mise à jour au fur et à mesure que se développent des relations politiques, mais surtout économiques, entre les pays démocratiques du Nord et les régi-mes autoritaires du Sud.

Les victimes dans ce cas sont les citoyens du Sud qui se retrouvent empri-sonnés dans la répression « légitimée » par les voisins du Nord. Ils ne sont pas dupes et ils sont bien informés malgré les apparences : leurs régimes sont des bons élèves des partenariats, sous toutes ses formes, signés avec les pays du Nord.

Articulation de la coopération : effet sur la promotion de la démocratie ?

La coopération en matière de sécurité et défense est nécessaire et peut être, dans la théorie, conçue sous plusieurs formes sans que l’une exclue l’autre. Cependant, le contexte régional implique des distinctions et des préférences. La majorité des pays du Sud maintient des relations pertur-bées avec les voisins limitrophes. Un accord régional avive les différences

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103 SALAM KAwAKIBI

Chez certains conservateurs il y a un stéréotype qui fait la liaison entre la démocratie occidentale et la perte des valeurs morales

et son respect reste à être prouvé. L’expérience est flagrante : plusieurs accords entre les pays du Sud dans de différents domaines restent sans exécution. Il en est de même pour les organisations régionales qui fonc-tionnent au ralenti.

Dans cette situation, le bilatéral est préféré par ces mêmes pays pour cause de rivalités politiques et de manque de concertation avec les voi-sins. Ainsi, les dirigeants de ces pays considèrent qu’ils obtiendront plus de profits à tous les niveaux s’ils limitent leurs négociations uniquement au pays ou organisme du Nord sans passer par un accord impliquant leurs « frères ennemis ». Une vision certainement limitée mais qui mal-heureusement fonctionne fort bien. Le plus déplorable est l’agrément explicite ou implicite des pays du Nord de ce « jeu dangereux » au moins pour l’avenir de la stabilité et de l’entente entre les pays du Sud.

Cette formule risque de privilégier les intérêts réciproques des pays concernés sans pour autant s’attarder suffisamment sur la préservation des droits fondamentaux dans l’espace euro-méditerranéen et notam-ment dans sa partie Sud. Les dirigeants, aussi bien du Nord que du Sud, avanceront une multitude d’arguments pour échapper à une application surveillée des principes universels des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la démocratie.

États-Unis et Union européenne, quelle démocratie ?

L’Occident perçoit la promotion des principes fondamentaux de la liberté dans la région sous plusieurs formes. Leur convergence reste une matière de débat et d’incertitude, affichant des priorités diverses et ayan-trecours à des méthodes différentes, voire contradictoires. Pour la société civile dans les pays du Sud, l’image de la démocratie à l’américaine est embrouillée presque entièrement par les aventures musclées et sangui-naires en Irak, ainsi qu’en raison du soutien inconditionnel à la politique israélienne et un appui légendaire aux régimes totalitaires qui violent toute tentative de libéralisation politique au sein de leur société.

Aujourd’hui plus que par le passé, les sociétés civiles du Sud considèrent avec suspicion, pour ne pas dire plus, la démocratie américaine. Alors que les pratiques des Américains sont ce qu’elles sont dans la région, rares sont les intellectuels qui ont encore le courage de souligner la valeur des « principes » sur lesquels les États-Unis ont été construits.

Dans ce domaine, la comparaison avec l’Europe et sa version de la démocratie tourne donc à son avantage. Cependant, le tableau n’est pas dépourvu de critiques. Par exemple, la politique considérée suiviste de la vieille Europe par rapport aux Américains, sur des questions aussi sensi-bles que la lutte contre le terrorisme ou le droit à la résistance nationale, provoque de nombreuses critiques.

Chez certains conservateurs, même parmi les rangs des « démocra-tes » du Sud, il y a un stéréotype qui fait la liaison entre la démocratie occidentale et la perte des valeurs morales. Pour les extrémistes, cette démocratie n’a qu’un seul objectif : « le démantèlement des sociétés et des peuples qui les appliquent ». Ce n’est donc pas un système de

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GUERRE CONTRE LE TERRORISME : Y A-T- IL DES SOLUTIONS POUR PRÉSERVER LES LIBERTÉS FONDAMENTALES?

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pluralisme, d’alternance et de séparation des pouvoirs. Cette image a été promue dans ces milieux et un grand effort est nécessaire pour la changer. Les régimes autoritaires profitent de ces « doutes » et les sou-tiennent, directement ou indirectement, en encourageant l’ancrage de cette fausse idée dans les esprits pour se protéger de toute revendication démocratique.

La perception de la politique étrangère européenne en Méditerranée est variée parmi les acteurs des sociétés civiles du Sud. Certains sont portés à dénoncer toute initiative comme l’expression d’un « néo-colonialisme » qui cible « à priver notre pays de ses experts, de ses richesses et à stopper le développement de la religion musulmane dans la région ». D’autres expriment cette méfiance selon leurs catégories propres, en termes de « croisades ». Cela n’empêche pas certains « libéraux » de croire à une volonté européenne de promouvoir la démocratie dans leur région.

Un constat unanime : dans le processus du partenariat euro-méditerra-néen, il faut « exiger » aux pays du Sud des réformes fondamentales dans les mécanismes du pouvoir : un État de droit et une bonne gouvernance.

Il est important de souligner que les orientations de la politique euro-péenne dans le bassin méditerranéen représentent pour l’opinion publique, dans toutes ses variations, un poids capable d’équilibrer une balance qui penche injustement à cause d’une politique américaine partiale dans le conflit arabo-israélien. Le rôle européen dans la « réso-lution » de ce conflit en particulier et des problèmes politiques dans la région en général est très attendu. Une idée, répandue chez certains observateurs, stipule que cela aura des répercussions au sein même de l’Europe. Les régimes « despotiques et corrompus » soutenus par l’Occi-dent et un soutien à Israël de la part de ce même Occident susciteront, à terme, des réactions au sein de la communauté musulmane en Europe.

Promotion des droits de l’homme et coopération en matière de sécurité et de défense, quel défi ?

A partir du constat que la politique européenne actuelle est très liée au dossier sécuritaire et, notamment, en ce qui concerne les mesures bilaté-rales ou multilatérales afin de combattre le terrorisme, la réponse à cette question risque d’être confuse.

Il semble que la priorité est la lutte contre le terrorisme. Dès lors, la ques-tion des droits de l’homme passe à un deuxième plan, voire ne passe pas du tout, dans l’échelle des priorités réelles. Dans le discours, la situation est différente mais cela ne camoufle pas la réalité qui est souvent bien loin des bonnes intentions.

Cependant, on peut constater que les échanges dans les domaines de la sécurité et de la défense, comprennent des formations de tout genre. Cela veut dire que les formations ne se limiteront pas aux seuls besoin « techniques », elles doivent aider à résoudre certains problèmes d’ordre « éthique » dans le comportement des services de sécurité. En revanche, la susceptibilité des récepteurs d’une telle formation est ancrée dans la culture des pays du Sud. Ce qui rend la tâche beaucoup plus difficile.

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105 SALAM KAwAKIBI

La peur de l’Islam politique est-elle suffisante pour pousser les pays du Nord à accepter les « délits » des droits de l’homme au Sud ?

Avoir recours à des formations entreprises par des acteurs locaux semble représenter une bonne issue. Cela impliquerait donc les sociétés civi-les locales et leurs organismes spécialisés dans la défense des droits de l’homme, la protection des détenus et la promotion de comportements décents lors des interrogatoires.

À partir de ce constat, le rôle de la société civile est très important et il vaut mieux que les instances européennes s’intéressent d’avantage à son impact sans pour autant essayer d’influencer ou d’orienter son travail. Il faut également savoir distinguer entre la société civile réelle active sur le terrain et la fausse société civile active dans les cocktails des ambassades : qui parle notre langue, boit de l’alcool et dont les femmes ne sont pas voilées. Des critères qui n’aident pas à établir une relation de confiance avec les acteurs impliqués sur le terrain. La panoplie doit être plus large, tout en évitant aussi la société civile très gouvernementale qui se déve-loppe dans les pays du Sud à vitesse vertigineuse afin d’absorber les subventions européennes.

L’Islam politique, un nouveau défi ou un problème imaginaire ?

La peur de l’Islam politique est-elle suffisante pour pousser les pays du Nord à accepter les « délits » des droits de l’homme au Sud ? Y a-t-il « un vrai danger islamiste » ? Une transition démocratique soutenue se dirigera-elle nécessairement vers un système islamique fondamentaliste refermant à son tour la porte à une vraie démocratie ? Rien ne laisse pen-ser que les mouvements intégristes domineront les systèmes politiques quand ceux-ci seront devenus démocratiques. Cependant, ce constat ne peut pas cacher un net regain de la pratique démonstrative de la foi, ainsi qu’une montée « violente » de l’expression religieuse dans les pratiques sociales et culturelles. Cela pourrait expliquer l’anxiété des européens qui craignent un développement de ce phénomène submergeant qui risque d’atteindre les rives Nord de la Méditerranée. Il est évident que certains dirigeants du Sud, en quête de légitimité, lâchent du lest par rapport à l’omniprésence de la religion dans la vie de tous les jours sans pour autant réduire leur vigilance sécuritaire à l’égard des revendications politiques aussi bien des islamistes que des autres groupes.

Malheureusement, un nombre croissant de la population du Sud, y compris les islamistes, considère que l’image de l’Europe est altérée par certains comportements, tels que la réticence à admettre en son sein certaines populations, pour des prétextes divers, mais en réalité parce qu’elles sont non chrétiennes (cf. exemple de la Turquie), le refus de reconnaître et d’appuyer un gouvernement « islamiste », pourtant démo-cratiquement élu (cf. exemple du Hamas palestinien), ou le manque de vigueur dans la défense des idéaux, pourtant proclamés dans le domaine de la démocratie et des droits de l'homme. Cela amène un grand intel-lectuel de la gauche démocrate à dire : « Ce ne sont pas seulement les régimes despotiques qui avancent la menace islamiste pour protéger leur pouvoir mais aussi les forces occidentales qui ne veulent pas exercer une pression efficace en vue d’imposer ou d’inspirer la démocratie. Le risque, d’après eux, est de laisser la place aux mouvements radicaux de l’Islam politique ».

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GUERRE CONTRE LE TERRORISME : Y A-T- IL DES SOLUTIONS POUR PRÉSERVER LES LIBERTÉS FONDAMENTALES?

Le terrorisme n’est pas inné chez les jeunes, ce n’est pas le résultat d’une culture quelconque, ni d’une religion quelconque

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La promotion des droits de l’homme dans les pays arabes est une action très complexe. On y trouve non seulement le contrôle étroit des autorités sur toute initiative de la société civile, mais également les oppositions de la société locale à la culture universelle de ces droits. Les traditions, les coutumes et les forces conservatrices, fortement enracinées dans cette société, représentent une résistance aux valeurs universelles. La connaissance des valeurs universelles des droits de l’homme, de leurs mécanismes, concepts et définitions est presque inexistante, à l’excep-tion de l’élite. Ainsi, l’élément religieux donne, à tort ou à raison, un alibi pour que certains refusent certaines valeurs et certains concepts. S’ajoute à cela, comme nous l’avons souligné supra, le rôle des autorités dans la dia-bolisation des termes comme : société civile et droits de l’homme. Dès lors, le travail doit être minutieux et doit prendre en considération les cultures locales en évitant – dans premier temps – d’irriter les sensibilités.

Conflits régionaux et leurs impacts

Parler de sécurité, de stabilité, de droits de l’homme et de démocratie dans la région ne peut se faire sans étudier dans leur juste dimension les conflits qui l’animent.

Le conflit arabo-israélien, même si la tendance est de le limiter, au moins dans l’intitulé, à un conflit israélo-palestinien, reste le conflit majeur dans la région. Ses retombées sont diverses et s’étalent à l’occupation des territoires, la colonisation, l’emprisonnement de toute une population derrière des murs de séparation, faisant revivre des mauvais souvenirs, l’appauvrissement, la destruction systématique d’habitat, l’arrachage d’oliviers, la démolition d’une identité et d’une société et le terrorisme. J’ai bien choisi de clore avec le terrorisme pour essayer d’être explicite sur ses racines. Le terrorisme, qui reste encore à définir, n’est pas inné chez les jeunes, ce n’est pas le résultat d’une culture quelconque, ni d’une religion quelconque, même si la déformation de celles-ci contribue direc-tement ou indirectement à son développement.

Dès lors, tourner autour du pot et essayer de trouver des solutions par-tielles et injustes pour ce conflit ne fait qu’accentuer la crise, renforcer la déception et alimenter le terrorisme. Des initiatives humanitaires de la part des sociétés civiles européennes se heurtent à un traitement presque cynique des autorités occupantes. Les réunions à l’échelle internationale qui donnent l’impression de trouver la solution pour ce conflit ne cessent d’échouer depuis Madrid en 1991. À savoir aussi que d’autres territoires sont encore occupés par l’armée israélienne en Syrie et au Liban. Ainsi, des millions de réfugiés palestiniens éparpillés dans les quatre coins du monde sans que les « négociateurs » se soucient réellement de leur sort.

Le « chantier » irakien représente encore un terrain propice pour le déve-loppement de toute sorte de violence. À commencer par la violence de l’occupation, de l’humiliation, des bavures et des dommages collatéraux, et aboutissant à une résistance nationale et un terrorisme aveugle dont les commanditaires semblent être des énigmes. Avec plus que quatre millions de réfugiés irakiens dans les pays voisins et deux millions ou plus de déplacés à l’intérieur même du pays, l’énorme crise humanitaire qui semble échapper aux observateurs bienveillants risque de fournir la

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107 SALAM KAwAKIBI

La création de nouveaux monstres dans la région ne fait qu’ouvrir des nouvelles portes dans le mur de la sécurité et de créer des zones de tension et de conflit

machine de la violence et du terrorisme. L’instabilité régionale est d’ores et déjà assurée. Ce n’est donc pas la faute de l’autre. Tous les riverains sont concernés. En évoquant la question des réfugiés irakiens en Syrie, un haut responsable européen a considéré que ce problème ne concerne que la Syrie. D’autres ont même insinué que la Syrie doit payer pour son soutien aux rebelles irakiens. Nous sommes donc face à deux argumen-tations très dangereuses et dépourvues d’une vision quelconque. La crise des réfugiés doit inquiéter tous les pays et notamment ceux de la rive Nord. L’instabilité et le danger sécuritaire seront assurés en cas d’aban-don ou de démission

Pour une population arabe très attachée aux symboles, ce conflit est passible d’affecter toute la région et non pas seulement les pays directe-ment concernés. Frustration, amertume, sentiment de révolte, sentiment d’être trahi par la communauté internationale, sentiment d’injustice,etc. Se sont des éléments qui ne facilitent pas la tâche des décideurs des deux rives de la Méditerranée dans leur « lutte » contre le terrorisme. Dans ce climat, les candidats aux actes violents contre des symboles ou des personnes sont malheureusement nombreux. En aucun cas, la solu-tion musclée ne peut être utile. Ainsi, il est fort important de combattre également le terrorisme d’État dont les populations souffrent aussi bien dans certains pays arabes que dans les territoires palestiniens occupés. Pour promouvoir la démocratie parallèlement à la sécurité, il faut surtout éviter de jouer le rôle du pompier pyromane en provoquant des conflits imaginaires afin d’imposer un calendrier déformé du processus de chan-gement dans la région. Ainsi, parier sur les oppositions exilées ne semble pas donner ses fruits, comme nous l’avons constaté dans le cas irakien. Ce sont les forces vives intérieures, avec tous leurs défauts, celles qui sont capables d’entreprendre le changement. Et la création de nouveaux monstres dans la région ne fait qu’ouvrir des nouvelles portes dans le mur de la sécurité et de créer des zones de tension et de conflit qui n’aboutiront pas à l’installation d’une stabilité tellement recherchée.

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COOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE DES MISSIONS HUMANITAIRES

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• COOPERATIONCIVILE-MILITAIREDANSDES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

Benito Raggio

• COORDINATIONCIVILEETMILITAIREDANSLA GESTION DES CRISES DE L’UE

Radek Khol

• L’EXPÉRIENCEAFGHANEENCOOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE:UNEXEMPLEPOURLA MÉDITERRANÉE?

Francisco José Gan Pampols

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Benito Raggio

Général de Division, Directeur Général de Politique de Défense. Ministère de la Défense d’Espagne

COOPERATION CIVILE-MILITAIRE DANS DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

Le thème de la coopération civile-militaire dans les opérations humani-taires dérive d’un autre plus général, objet de débat permanent, qu’est la participation des Forces Armées dans les actions d’aide humanitaire et dans les tâches de reconstruction.

De fait, fréquemment, certains acteurs de l’aide humanitaire expriment des opinions contraires aux missions militaires humanitaires ou, plus généralement, à la participation militaire dans des opérations d’aide humanitaire, qui sont reflétées dans des articles de presse, dans des séminaires et ateliers, et y compris dans des documents formels sur la Coopération.

Il est certain que le nombre d’opérations humanitaires a augmenté de manière spectaculaire, simultanément au nombre d’acteurs impliqués dans celles-ci. Il en est ainsi parce que les conflits actuels se caractéri-sent par une présence civile spectaculaire et par une implication élevée des acteurs et de leur participation dans le conflit dans ses formes les plus diverses. Parmi ses acteurs se trouvent les Forces Armées, dans des interventions qui vont de l’appui logistique jusqu’à la prestation directe d’assistance. C’est-à-dire qu’ils interviennent au travers d’un appui flexi-ble et ad hoc, en s’ajustant à tout moment aux nécessités.

Pour réussir à ce que cet accroissement du nombre d’acteurs en pré-sence favorise l’action humanitaire, l’action coordonnée de tous ceux-ci est indispensable. Et ceci est le domaine d’application de la coopération civile-militaire. Toute opération militaire, indépendamment du genre, comporte ou est associé à une composante civile. Cette composante peut être minoritaire quand il s’agit de missions de combat, acquérir une plus grande importance si nous parlons de missions de paix, et être clai-rement prépondérante dans des missions humanitaires. Logiquement, de même que nous parlons de la composante militaire, nous pouvons citer la politique ou la judiciaire, entre autres.

Transposant cette problématique à mes responsabilités en tant que Directeur Général de Politique de la Défense, responsable de la coordi-nation avec les autorités civiles, je peux confirmer que la coopération au développement, domaine de l’Administration espagnole qui englobe l’aide humanitaire, est en train d’expérimenter une croissance importan-

Les conflits actuels se caractérisent par une présence civile spectaculaire et par une implication élevée des acteurs et de leur participation dans le conflit dans ses formes les plus diverses

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COOPERATION CIVILE- MILITAIRE DANS DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

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te au sein de l’action extérieure de l’État, spécialement tant dans l’aide humanitaire que la construction de la paix. Dans ce sens, le Ministre de la Défense maintient une position de collaboration absolue avec la coopération espagnole au développement, en évitant les duplications et conjuguant les efforts vers un objectif qui doit être commun, déjà que les deux organismes sont des parties de l’État qu’ils servent.

Et il ne pourrait pas en être autrement, puisque une des directrices de la Politique de Défense, établie dans la Directive de Défense Nationale (DDN) 01/2004, est d’“atteindre une coordination efficace entre les élé-ments civiles et militaires qui participent au actions à l’extérieur dans des opérations d’aide humanitaire ou des opérations de paix ou de gestion de crise”.

Comme conséquence logique de ce qui précède, cette participation des Forces Armées dans des missions d’aide humanitaire et de reconstruc-tion est expressément reconnue dans notre Loi Organique de la Défense Nationale. Avec cela, ce texte légal ne fait rien de plus que de reconnaî-tre le rôle des Forces Armées, en Espagne et dans notre environnement, dans le champ de l’aide humanitaire. En conséquence, on peut affirmer que les Forces Armées sont une composante importante et légitime de l’action extérieure espagnole en matière d’aide humanitaire et de construction de la paix.

Cette participation prend bien en compte le principe de la complémen-tarité, en évitant de dupliquer des capacités et des ressources avec celles apportées par d’autres composantes, et appuie principalement la valeur ajoutée que les Forces Armées peuvent apporter au moment d’apaiser la souffrance humaine.

À aucune organisation, entité ou collectivité n’est assignée en exclusivité, à travers aucune loi ou traité, la tâche d’apaiser toute cette souffrance. Ceci est une tâche conjointe de tous ceux qui ont une quelconque capa-cité pour le faire, que ce soient des entités officielles ou des particuliers, chacun dans la manière où il peut au mieux apporter sa contribution, sans exclusions. Il existe dans le monde, malheureusement, assez de souffrance pour absorber des centaines de fois l’aide que prestent tous les acteurs de l’aide humanitaire: les organisations gouvernementales et non gouvernementales, les forces armées, etc. On ne doit exclure aucun acteur de cet effort parce que tous sont nécessaires. L’exclusion ne ferait que tourner au préjudice des populations que l’on veut aider.

Les caractéristiques des forces militaires, leur fonctionnement et orga-nisation conforme aux principes d’unité, de discipline et de hiérarchie, leur capacité à se déployer de manière agile et ordonnée sur le terrain, à concentrer des moyens spectaculaires en peu de temps ou à réaliser des transports massifs, les situent dans les meilleures conditions pos-sibles pour prester ce type de mission. C’est cette valeur ajoutée que fournit les Forces Armées qui motive la création récente de l’Unité Militaire d’Urgence.

Ainsi, en termes généraux, l’action extérieure espagnole est en train de renforcer sa réponse face aux conflits et aux catastrophes humanitaires. Ceci se reflète dans ce qui suit:

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113 BENITO RAGGIO

La collaboration entre la défense et la coopération au développement doit se construire peu à peu, ce qui améliorera sans aucun doute l’efficacité de l’action extérieure espagnole en matière d’action humanitaire et de construction de la paix

• Il s’est produit une grande augmentation dans le nombre d’opération de la paix des Forces Armées et de sa composante humanitaire. On comp-tabilise 54 opération de paix (sans compter la possible mission au Tchad).

• De même, les actions et projets de la coopération espagnole au déve-loppement ont progressivement augmentées.

• En conséquence, il existe un rapprochement continu et une étroite collaboration entre ces deux éléments: Sécurité et Coopération au Développement.

Nous travaillons donc sur la base d’une “union” entre les concepts de sécurité et de développement, ce qui est logique en tenant compte que, dans le nouvel environnement géostratégique dans lequel nous évo-luons, il est difficile de séparer sécurité et développement, parmi d’autres facteurs, à l’heure de conquérir la paix. De fait, la propre stratégie de sécurité de l’UE, approuvée en décembre 2003, faire ressortir l’interdé-pendance entre sécurité et développement comme un des facteurs clés pour la protection de la stabilité.

Plus récemment, la déclaration finale du sommet de Riga de l’OTAN a aussi envisager cette idée, qui fut exprimée dans le texte avec la réflexion suivante, se référant à la situation de l’Afghanistan: “Sans sécurité il n’y a pas de développement et sans développement il n’y a pas de sécurité”.

Logiquement, pour la complémentarité effective entre ces deux champs apparemment non liés et voire opposés, la sécurité et le développement, il est nécessaire de trouver des espaces de collaboration. Cependant, ceci n’est pas un processus qui puisse être maîtrisée du jour au lendemain. La collaboration entre la défense et la coopération au développement doit se construire peu à peu, pas à pas, ce qui améliorera sans aucun doute l’efficacité de l’action extérieure espagnole en matière d’action humani-taire et de construction de la paix.

Dans ce sens, comme nous le commentions, le Ministre de la Défense est en permanente collaboration avec le Ministère des Affaires Extérieures et de la Coopération, et particulièrement avec la Secrétaire d’État de la Coopération Internationale et avec l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement, pour tout ce qui est relatif à la coopération au développement.

Des nouveaux espaces de collaboration entre les deux départements apparaissent, qui offrent une plus grande synergie et permettent d’amé-liorer la réponse institutionnelle espagnole face aux crises humanitaires et dans la prévention des conflits. Certaines des options de collaboration sont les suivantes:

• Elaboration conjointe de documents de coopération sur l’aide humani-taire et la participation militaire dans ce domaine (Stratégie sectorielle quant à la prévention des conflits et la construction de la paix).

• Collaboration (transport –principalement aérien-, appui logistique, sécurité) avec les opérations d’aide humanitaire d’urgence de l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID) (transport aérien, etc.). L’Armée de l’Air a cédé temporairement l’usage d’un hangar dans la Base Aérienne de Torrejón pour l’emmagasi-nage de l’aide humanitaire, pour accélérer les envois urgents.

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COOPERATION CIVILE- MILITAIRE DANS DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

Le qualificatif d’humanitaire appliqué à des interventions militaires déterminées n’est pas au goût de tous, malgré que ce fut l’ONU qui l’employa pour la première fois

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• Réalisation de cours sur des techniques de déminage humanitaire dans le Centre International de Déminage au bénéfice des pays désignés par la coopération espagnole au développement, entre autres.

• Coordination et collaboration sur le terrain, y compris malgré que cela implique un effort supplémentaire aux tâches et missions des forces.

Un des exemples les plus remarquables de cette coordination efficace est le Provincial Reconstruction Team (PRT) espagnol qui travaille à Qala i Naw (Afghanistan) dans des tâches de sécurité et reconstruction, et qui comprend une composante civile de la AECID et une autre militaire, tra-vaillant les deux en coordination permanente.

La position espagnole est que notre présence en Afghanistan a pour objectif d’aider à sortir ce pays de la situation critique dans laquelle il se trouvait, et pour appuyer son développement. Face aux intentions que semblaient avoir des visiteurs passés dans ce pays, l’Espagne n’a pas de vocation de permanence, et elle s’est rendue là-bas à la demande des autorités. Finalement, ce scénario ne permet pas, ainsi que l’ont prouvé les diverses attaques réalisées contre le personnel des organisations humanitaires, de dissocier la reconstruction de la sécurité. Ainsi l’ont compris les Nations Unies dans leurs résolutions, qui autorisent l’emploi de la force.

Logiquement, cette position de collaboration, qui comprend le respect des Directrices d’Oslo et de Stockholm, cette dernière sur les principes de bonne donation humanitaire, s’est construite en coordination avec les forums multinationaux dans lesquels l’Espagne participe, dont les appro-ches sur la coopération civile-militaire varient en fonction de chaque organisation et de la mission concrète à développer.

Il y a deux exemples qui sont représentatifs de cette variété d’approches : la mission des Nations Unies au Liban et l’opération d’assistance huma-nitaire lancée par l’OTAN en appui au Pakistan en 2006 à l’occasion du tremblement de terre qui dévasta le Cachemire.

Avant d’aborder la mission des Nations Unies au Liban, je voudrais réca-pituler brièvement les antécédents de la situation actuelle :

Les opérations de paix sont apparues au sein de l’ONU en 1945. À partir de ce moment jusqu’à la fin de la Guerre Froide, ces missions militai-res n’incluaient pas dans leurs mandats des considérations d’action humanitaire et elles avaient à peine des contacts avec le déploiement humanitaire. À partir de la fin de la Guerre Froide, avec le nouveau contexte international surgi de la disparition des blocs, les civiles devin-rent la cible et furent convertis en victimes de nombreux conflits.

Ce nouveau scénario comprenait de nouvelles menaces (terrorisme, crime organisé, état failli), qui maintenant reçoivent des états une répon-se basée sur une approche plus intégratrice de leurs différentes capacités et qui met plus l’accent sur les aspects civile-militaire et sur l’usage de l’aide humanitaire comme outil de gestion des crises et des conflits. De nouveau nous rencontrons la nécessité d’une coordination étroite entre les deux camps.

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115 BENITO RAGGIO

Concernant le degré de participation des forces militaires dans des tâches humanitaires, l’OCHA considère, que celui-ci sera déterminé par l’intensité de la violence existante

L’ONU a affronté cette plus grande importance de l’humanitaire et l’ap-parition du militaire à côté de l’humanitaire avec diverses initiatives. Elle commença avec la création du Département des affaires humanitaires (DHA, 1991), ensuite transformée en Agence de coordination des affai-res humanitaires (OCHA, 1997), en essayant d’assurer cette coordination entre l’humanitaire et le militaire.

Dans ce sens, il faut se rappeler que le qualificatif d’humanitaire appliqué à des interventions militaires déterminées n’est pas au goût de tous, malgré que ce fut l’ONU qui l’employa pour la première fois, à considérer qu’elle éliminait l’indispensable différenciation qui doit exister entre le militaire et l’humanitaire sur le terrain. Cette vie en commun et coordination est plus difficile au plus la situation est violente, en arrivant à la convenance qu’ils agissent de manière séparée bien que complémentaire.

Comme nous le savons, après la création de l’OCHA et les premières opérations citées en Bosnie Herzégovine et au Rwanda, arriva le rap-port Brahimi en 2000 et les directrices d’Oslo et des documents associés depuis 2003 jusqu’à maintenant, qui ont précisé avec plus de détails comment doivent se mener ce type d’opérations. Ainsi, les recommanda-tions les plus importantes du rapport Brahimi se centre sur :

• La nécessité de créer des missions intégrées de caractère multifonc-tionnel (comprenant depuis la protection de civiles et l’assistance humanitaire jusqu’au désarmement/ démobilisation/ réintégration) pour faire face à de nouvelles menaces, obtenant une plus grande implica-tion de l’ONU.

• Un mandat militaire plus robuste,• Assurer la division des tâches et mandats parmi les divers acteurs, cer-

tains desquels (UE, ONG, OTAN, etc.) peuvent être extérieurs à l’ONU.

Ces recommandations furent élargies jusqu’à embrasser les aspects sui-vants :

• On demande plus d’autorité au Département de Maintien de la Paix des Nations Unies (DPKO), de manière à pouvoir diriger les différents acteurs.

• On doit toujours respecter le principe d’impartialité bien que pas néces-sairement de neutralité, particulièrement si il y a de la violence (malgré que ce soit un problème avec l’aide humanitaire)

• On recommande de donner un plus grand appui aux mandats, avec l’engagement de la force si c’est nécessaire

• On recommande de faire un planning intégré : politique, militaire, police civile, assistance électorale, aux réfugiés, etc. de même que pour préparer des déploiements rapides, on call, de militaires, policiers, etc.

• On recommande de mettre toutes les ressources sous un unique man-dat et de renforcer le lien entre des opérations humanitaires et des opérations de paix avec la nomination d’un coordinateur résident ou d’un coordinateur d’aide humanitaire comme second du Représentant Spécial du Secrétaire Général (SRSG), aspect très critiqué par les ONGs.

Ces recommandations ont été appliquées depuis lors au Kosovo, ainsi qu’en Haïti et Afghanistan entre autres.

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COOPERATION CIVILE- MILITAIRE DANS DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

Dans l’ONU, la coopération civile-militaire se réfère seulement à la coordination entre des éléments civiles et militaires pour accomplir leurs objectifs respectifs (dans l’OTAN elle comprend aussi la coopération)

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Concernant le degré de participation des forces militaires dans des tâches humanitaires, l’OCHA considère en gros, que celui-ci sera déterminé par l’intensité de la violence existante. Ainsi, en temps de paix les forces mili-taires pourront servir à prêter de l’assistance directe, ce qui serait difficile dans une mission d’imposition de la paix et impossible dans une situation de combat, dans laquelle ils pourraient uniquement prêter un appui aux infrastructures.

Le cadre suivant de l’OCHA reflète cette considération, en relation avec la visibilité de ces forces et avec leur degré d’impartialité.

Diminution de la visibilité des tâches

Missions des militaires PaixMaintien de

la paix

Imposition de

la paixCombat

Assistance directe Possible Possible Non Non

Assistance indirecte Oui Possible Possible Non

Appui aux infrastructures Oui Oui possible Possible

Baisse dans l’impartialité des forces ------->

Comme nous l’avons indiqué, aux recommandations du rapport Brahimi furent ajoutées récemment les Directrices d’Oslo sur l’usage de moyens militaires et de défense civile (MCDA) au secours dans les désastres et celles de Stockholm en 2003, sur les principes de bonne donation huma-nitaire, qui sont centrées sur les points suivants :

• OCHA coordonne toute l’assistance internationale, y compris l’assis-tance militaire

• L’usage des moyens militaires doivent être de dernier recours, limité dans le temps, et doivent êtres substitués par de l’aide civile dès que possible

• Les opérations doivent toujours conserver leur caractère civile• Le personnel militaire participant doit se désarmer si cela est possible,

et ne pas participer à la distribution directe de l’aide• On renforce le rôle primordial et de leadership des organisations civiles

dans l’aide humanitaire, particulièrement dans des conflits

Ces principes sont valides avec un caractère général. Leur application devrait être évaluée au cas par cas et devrait s’accorder aux caractéris-tiques spécifiques de chaque urgence. Ceci est l’esprit de ces Directives, ainsi que l’a exposé le propre directeur de l’OCHA dans le discours de présentation d’une d’entre elles.

La mission au Liban est menée dans ce cadre. La résolution 1701 par laquelle fut approuvée la mission de la UNIFIL renforcée établit parmi ses missions celle d’élargir son assistance pour aider à assurer l’accès huma-nitaire à la population civile et le retour volontaire et dans des conditions de sécurité des personnes déplacées. C’est dès lors une mission qui inclut une composante d’aide humanitaire. Ainsi, parmi les tâches opération-nelles d’UNIFIL se trouve celle de « fournir protection et aide humanitaire à la population civile ».

L’Espagne déploie 1.100 soldats des 11.500 effectifs de la mission, enca-drés dans la brigade que nous dirigions.

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117 BENITO RAGGIO

La structure de coopération civile-militaire se matérialise dans deux orga-nes différents :

• D’un côté le directeur des affaires civiles et politiques, au niveau du Chef d’État Majeur (COS), dirige la structure des affaires civiles

• D’un autre côté, dépendant du COS, le J9 CIMIC.

Curieusement, dans l’ONU, la coopération civile-militaire (CIMIC) se réfère seulement à la coordination entre des éléments civiles et militaires pour accomplir leurs objectifs respectifs (dans l’OTAN elle comprend aussi la coopération).

Notre appui humanitaire et de reconstruction au Liban est mené par deux voies différentes. D’un côté, de la même façon que le reste de la structure militaire de la UNIFIL, nous disposons d’un fond d’approxi-mativement 700.000 euros pour QIP (Quick Impact Project) à réaliser dans notre zone, qui comprend divers domaines (accès aux services de base, -éducation, santé, sanitaires-, éducation civile, droits de l’homme, politique du genre, etc.). Ces projets ont pour finalité de promouvoir la confiance de la population civile dans la mission et d’aider à créer une bonne image de UNIFIL. Ces QIPs sont coordonnés et approuvés dans le Project Review Committee dont font partie le Chef de Civil Affairs (civile) et de J9 CIMIC (militaire), avec d’autres représentants comme le Chef des services administratifs (civile), responsable des finances et le Chef des ingénieurs (civile). Ainsi on assure la coordination et l’unité des efforts.

II faut souligné que ce système de QIPs est également utilisé par l’ONU, qui assigne à l’UNIFIL un budget annuel de quelques 500 000 $ pour effectuer des projets de réhabilitation d’infrastructures (routes, eau, électricité).

D’autres activités d’appui direct à la population civile sont les activités de sensibilisation sur les mines ou des tâches d’assistance médicale et vété-rinaire, en utilisant la capacité excédante des unités sanitaires, dont la principale mission est l’appui à la Force.

D’un autre côté, la coopération espagnole avec le Liban, engagée pour la période 2006-2008 au travers de AECID, est de 41 millions d’euros. Elle va être réalisée à travers un fond fiduciaire dans lequel l’Espagne est représenté en la personne de notre Ambassade à Beyrouth. Le fonds est présidé par les ministres des Finances et de l’Economie du Liban. L’organe de gestion est le programme de l’ONU pour le Développement (PNUD).

Ensuite on souligne les points les plus importants :

• Comparant les chiffres cités antérieurement à caractère annuel (700.000 euros utilisés par les Forces Armées face à 41 millions utilisés par les agences civiles), on observe que l’aide canalisée par des moyens civiles est cinquante huit fois supérieure à celle canalisée au travers des militaires. 41 millions face à 700.000. Ceci met en lumière où est mis l’emphase quant à l’aide humanitaire.

• En plus, les deux aides sont complémentaires. L’aide civile s’engage dans des grands projets et à moyen/long terme, tandis que l’aide mili-taire se centre sur des projets immédiats.

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COOPERATION CIVILE- MILITAIRE DANS DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES

•118

Finalement, à tout ce qui a déjà été dit, il faut ajouter les coûts de la contribution du Ministère dans la stabilisation du Sud du Liban :

• Les bourses de coopération militaire (Cours de formation pour l’accès au Commandant et État Major des Forces Armées, pour deux officiels des LAF, ainsi que 6 bourses pour un cours d’espagnol, dans l’école de langues des Forces Armées espagnoles).

• Les projets spéciaux comme l’enseignement de l’Espagnole (au Liban) et les cours de déminage offerts au personnel des Forces Armées liba-naises (Cours du 19 Février au 16 mars, pour 25 élèves).

Une fois passé en revue le cas de l’ONU, nous allons voir le cas de l’OTAN. Pour cette organisation, le Kosovo marqua un tournant dans sa stratégie sur le terrain de l’assistance humanitaire. En tant que conséquence de son évolution conceptuelle, dans le Guide de Planning général de 2006, l’OTAN se reconnaît comme un acteur dans les champs de l’aide humanitaire et de l’assistance aux désastres, comme dans les champs de coopération dans le domaine de la sécurité.

L’intervention au Pakistan dans le cadre de l’OTAN est un exemple de l’emploi de moyens éminemment militaires pour venir à bout rapidement d’une crise humanitaire. Elle met aussi en évidence que nous nous rendons là où cela était nécessaire. Dans ce cas, tant le Gouvernement du Pakistan que les Nations Unies sollicitèrent l’aide directe de l’OTAN pour que, avec ses forces et moyens militaires, elle pallie à la crise humanitaire provoquée par le tremblement de terre qui dévasta le Cachemire en octobre 2005.

D’une part, les Nations Unies demandèrent publiquement et avec inten-sité que l’OTAN coordonne l’opération d’aide humanitaire. Pour cela, l’OTAN constitua un pont aérien avec des moyens militaires de transport vers Islamabad et coordonna le flux de l’aide humanitaire. Grâce à cela, la plus grande partie du matériel humanitaire et de campagne facilité par les pays donateurs et par le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, fut transféré au Pakistan avant que n’arrive le dur hiver de l’Himalaya.

D’autre part, sur demande directe du Gouvernement du Pakistan à l’OTAN, fut envoyé la NATO Response Force avec d’importantes composantes d’ingénieurs, d’hélicoptères de transport et des hôpitaux de campagne. Certaines aides bilatérales choisirent de recourir à l’appui multilatéral de l’opération de l’OTAN du aux énormes difficultés des rigueurs météorologi-ques et les caractéristiques abruptes du terrain affecté. Ceci fut le cas de « l’équipe d’aide et de réponse aux désastres » (DART) du Canada.

Répondant à cette demande, les ambassadeurs permanents devant l’OTAN des pays membres de l’Alliance (c’est-à-dire, tous les pays de l’OTAN à l’unanimité) s’accordèrent pour réaliser une opération d’aide humanitaire à travers l’activation et le déploiement d’une partie de la Force de Réaction rapide de l’OTAN, que l’Espagne dirigeait à ce moment.

L’opération dura à peine 90 jours. Durant ce temps, furent réalisés, en aide directe à la population, les travaux et réparations qui furent expres-sément sollicités par les autorités pakistanaises, parce qu’elles étaient les plus urgentes et nécessaires. Ainsi, et à titre d’exemple, les ingénieurs :

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119 BENITO RAGGIO

L’UE est la seule organisation qui dispose effectivement de cette composante civile, indispensable pour atteindre une approche intégrée des crises

• Reconstruirent deux écoles dans la zone de Bagh,• Habilitèrent 13 magasins-écoles en tant qu’installations provisoires,• Reconstruirent le centre de santé de Arja,• Réhabilitèrent 55 kilomètres de routes et chemins forestiers• Mirent en marche un système de purification d’eau pour la fourniture

quotidienne de 8.000 personnes• Les médecines, en plus de soigner le contingent espagnol, soignèrent

le personnel pakistanais et de l’OTAN, fournissant des médicaments et des aliments pour enfants et collaborèrent à la réouverture du centre de santé de Arja.

Toutes ces actions contribuèrent de manière notable à pallier à la souf-france d’une population connaissant d’énormes difficultés même pour survivre. Ce fut perçu de la sorte par eux et ça s’est manifesté clairement pendant la présence du contingent espagnol dans ces terres dévastées.

Il faut aussi souligner que le coordination avec les ONGs déployées dans la zone fut constante et que les forces militaires réalisèrent les travaux que ces organisations ne pouvaient pas avoir menées par elles seules, du au manque de moyens techniques et de matériel lourd.

Au point de vue économique, le coût final de l’opération atteint les 20,3 millions d’euros, desquels furent reçu des remboursements de la part de l’OTAN qui s’élèvent à quelques 2,6 millions d’euros.

Bien que nous n’analyserons pas le troisième acteur, l’UE, nous dirons que sa philosophie est la même que l’espagnole, en postulant l’intégra-tion de composantes militaires et civiles en une mission unique. L’UE est la seule organisation qui dispose effectivement de cette composante civile, indispensable pour atteindre une approche intégrée des crises (comprehensive approach) en mettant en action tous les acteurs néces-saires pour cela : policiers, judiciaires, militaires, etc.

L’Espagne suit le chemin décrit ci-dessus sur la scène mondiale. Dans des aspects légaux, la DDN et la Loi Organique 5/2005 comprennent la participation dans des missions humanitaires parmi les actions possibles de ses forces armées. Dans l’aspect des expériences, l’Espagne a été pionnière dans des missions comme celle du Pakistan, étant donné la com-posante militaire d’une mission de l’UE comme celle de la RD du Congo. Finalement, l’Espagne a réalisé un pas en avant dans la participation de forces militaires dans les désastres avec la création de la UME, un outil de grande capacité pour agir tant de manière interne qu’extérieurement.

Il est évident que les capacités civiles et militaires dans le contexte de cri-ses et d’aide humanitaire sont en beaucoup de cas complémentaires. La clé réside dans la volonté politique d’agir au bénéfice des victimes. Il est aussi évident qu’une grande coordination est absolument nécessaire.

Il est indispensable que, dans la collaboration entre civiles et militaires, on ne puisse prétendre assumer le protagoniste exclusif de la gestion des crises humanitaires et que l’on veuille exclure les militaires. Ce qu’il reste à faire dans ce domaine, et qui malheureusement est encore beaucoup, est de surmonter largement les capacités actuelles et possiblement les futures, ce pour quoi il faudra continuer à travailler pour tous.

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121

Les opinions exprimées dans cet arti-

cle reflètent la position personnelle

de l’auteur et ne sont pas forcément

celles du Secretariat général du

Conseil

Radek Khol

Secrétariat général du Conseil de l’UE, Direction générale E. Affaires extérieures et politico-militaires.

Direction IX (Gestion civile des crises)

Introduction

Cet article analyse les enjeux internes de la consolidation des mécanis-mes de gestion civile des crises de l’UE. Parvenir à assurer l’équilibre entre les compétences civiles et militaires, élément essentiel pour une action extérieure européenne effective, constitue un des principaux aspects de ces défis. Un scénario nouveau de sécurité dynamique exige l’utilisation d’un large éventail d’instruments à disposition de l’UE et leur emploi de la manière la plus coordonnée possible. Les interactions civile-militaires deviennent de plus en plus indispensables au cours des opérations de l’UE. La coopération civile-militaire (CIMIC) et la coordi-nation civile-militaire (CMCO), sont particulièrement importants et il s’avère nécessaire de clarifier leurs différences. La CIMIC, fondée sur la coopération opérationnelle et tactique entre différents acteurs sur le terrain, est hors de la portée de cette étude. La CMCO se trouve encore en processus de construction et la coordination inter-piliers constitue peut-être sa principale dimension. Cependant, cette dimension pourrait également être appliquée à certains domaines prioritaires tels que la pro-tection civile ou la réponse face aux catastrophes. Étant donné que l’UE n’a pas encore entrepris une opération civile-militaire réellement mixte –à l’exception limitée de l’opération de soutien à la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) – cet article aborde fondamentalement la coordination entre les activités civiles et militaires dans les domaines stratégique et de la planification.

L’importance de la CMCO a été reconnue et mise en évidence dans dif-férents documents stratégiques et primordiaux de l’UE. La Stratégie de sécurité européenne, dans sa définition des menaces, établit « qu’aucune des nouvelles menaces est uniquement militaire et que, par conséquent, la façon de les adresser ne saurait être exclusivement militaire non plus. Chaque menace exige une combinaison d’instruments ». Une réponse plus cohérente, regroupant les différents instruments et compétences dans un agenda unique s’avère donc nécessaire1. De même, l’Objectif global civil 2008 enjoint à « assurer une coopération et une coordination étroites avec les milieux militaires pendant toutes les phases de l’opé-

COORDINATION CIVILE ET MILITAIRE DANS LA GESTION DES CRISES DE L’UE

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COORDINATION CIVILE ET MILITAIRE DANS LA GESTION DES CRISES DE L’UE

L’armée participe de plus en plus à des missions éclectiques en développant des activités qui ne sont pas exclusivement « militaires »

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ration. Les missions de gestion civile doivent être en mesure de recourir aux compétences militaires nécessaires qui permettent leur exécution »2. Parallèlement, l’absence d’une conception stratégique de l’UE, qui illustre la manière d’équilibrer les actifs militaires et civils au sein de l’UE ou le rôle que l’UE souhaite jouer dans la gestion des crises, devrait être envisagée.

Différences entre la Coopération Civile-Militaire (CIMIC) et la Coordination Civile-Militaire (CMCO)

Les concepts de Coopération Civile-Militaire et de Coordination Civile-Militaire doivent être clairement différenciés, malgré leur encadrement commun, au sein des activités de l’UE, dans les opérations de gestion des crises, qu’elles soient directives ou de soutien.

L’armée participe de plus en plus à des missions éclectiques en dévelop-pant des activités qui ne sont pas exclusivement « militaires ». La CIMIC surgit de la perspective militaire fondée sur la protection de la force et la nécessité de coopérer avec les autorités locales et civiles pour attein-dre un objectif concret inscrit dans une opération militaire complexe. Deux sortes d’interactions sont possibles. Tout d’abord, les opérations de gestion des crises dépendent partiellement des institutions civiles et de la population pour obtenir les ressources, l’information et même la sécurité. Deuxièmement, les forces militaires collaborent aussi avec d’autres organisations internationales et non-gouvernementales. Il s’agit donc d’une fonction de soutien militaire orientée vers l’extérieur. Par conséquent, la CIMIC est aussi un élément important des opérations de gestion des crises dirigées par l’UE dans le but de promouvoir l’efficacité de ces opérations. La CIMIC est fondée sur des relations civile-militaires définies en termes généraux, qui couvrent aussi d’autres aires telles que la planification des situations d’émergence civile ou l’assistance militaire lors des situations d’émergence humanitaire. Dans ce domaine, la CIMIC vise le soutien réciproque et les objectifs communs, fondés sur la trans-parence et la communication.

L’UE a adopté sa propre conception de CIMIC pour les opérations de ges-tion des crises dirigées par l’UE à l’occasion du Comité militaire de l’UE (CMUE) du 18 mars 20023. Le Comité prévoyait l’établissement de struc-tures permanentes de CIMIC et l’incorporation des structures de CIMIC aux opérations spécifiques dirigées par l’UE. D’autre part, la conception intégrale de l’UE, orientée vers la gestion des crises et construite sur un large choix d’instruments, civils et militaires, est mise en relief.

L’UE, en contraste avec d’autres organisations internationales et régiona-les telles que l’OTAN ou l’OSCE, a déclaré, nonobstant, sa volonté ferme de développer les compétences de gestion des crises dans les domaines civil et militaire. Outre le concept de CIMIC, définissant la coopération avec les acteurs externes dans le cadre des opérations dirigées par l’UE, la définition d’un autre concept, la CMCO, a du être développée pour désigner la coordination interne également.

« La CMCO, dans le cadre de la Politique extérieure et de sécurité com-mune (PESC) et de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), aborde la nécessité d’une coordination effective des démarches

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123 RADEk khOL

Cette culture de coordination repose sur une coopération continue et sur des objectifs politiques partagés

des acteurs principaux de l’UE, impliqués dans la planification et la mise en œuvre subséquente de la réponse de l’UE à la crise »4. Ainsi conçue, sa portée est différente de celle de la CIMIC et elle est dirigée par les organes de décision de l’UE, en particulier par le Comité politique et de sécurité et par le Secrétaire-Général/haut Représentant (SG/hR). La principale fonc-tion interne de la CMCO est de faciliter à l’UE la planification et la mise en œuvre efficaces pour répondre aux crises. Son objectif est d’encourager et d’assurer la coordination des actions de l’UE dans toutes les phases de l’opération. La CMCO va au-delà des affaires traitées au niveau opération-nel et tactique par la CIMIC et tient compte des caractéristiques uniques de l’UE dans les domaines politique et stratégique. La CMCO devrait être utilisée comme un instrument au sein d’un cadre institutionnel unique de l’UE, aussi bien au niveau intra-pilier qu’au niveau inter-pilier. Cette appro-che permettrait de renforcer la faiblesse de la division traditionnelle de la structure de l’UE en piliers puisque ces derniers, gouvernés par différents principes, seraient impliqués dans les activités de gestion des crises de l’UE. L’idée principale est d’offrir une réponse cohérente face à une situation de crise particulière et d’établir une culture de coordination quotidienne dans toutes les phases de la gestion des crises de l’UE.

La CMCO en tant que culture de coordination

La CMCO, dans le contexte de la PESC/PESD, et d’après la définition du Conseil du mois de novembre 2003, souligne, au sommet de la liste de priorités, la nécessité d’établir une culture de coordination, plutôt que de mettre l’accent sur les détails des structures et les processus5. L’ob-jectif doit être de promouvoir et d’assurer la coordination des actions de l’UE tout au long du cycle de l’opération. Cette culture de coordination repose sur une coopération continue et sur des objectifs politiques par-tagés et son principal fondement est un travail de préparation minutieux qui comprend d’importants services du Secrétariat du Conseil et de la Commission. Le travail en coopération étroite est également essentiel lors de la phase de « routine » de la gestion des crises de l’UE6 . La culture de la CMCO devrait, par conséquent, être conçue en partant des activités de l’UE et répondre aux crises dans les plus brefs délais. Elle devrait aussi couvrir les phases d’approche, de planification et de mise en place de l’opération au lieu d’être « improvisée » au dernier moment 7.

Les différentes perceptions nationales des relations civile-militaires des États membres de l’UE (le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne ou les Pays nordiques) rendent encore plus difficile la création d’un modèle commun visant la coordination civile-militaire dans le domaine de l’UE.

L’affectation du personnel militaire –DGE Direction générale VIII et État major de la UE (EMUE)– et du personnel civil –DGE Direction générale IX et Planification et conduite des opérations civiles (CPCC)8 – à la Direction générale E du Secrétariat du Conseil, siégeant à l’immeuble kortenbergh, est favorable à l’établissement des contacts de travail individuels, malgré la persistance de différentes cultures institutionnelles. Le personnel militaire de l’UE était quelque peu isolé, ce qui créait une culture militaire commu-ne et reproduisait les structures militaires déjà connues. Le Secrétariat du Conseil affiche également un certain déséquilibre entre les membres civils et militaires, la dimension civile ayant souffert un manque de personnel

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COORDINATION CIVILE ET MILITAIRE DANS LA GESTION DES CRISES DE L’UE

Les différences fondamentales entre le personnel civile et militaire concernant l’approche de la population locale demeurent une réalité aujourd’hui

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malgré des missions de plus en plus nombreuses et d’envergure accrue. Le scénario des efforts pour la gestion des crises de l’UE fut conçu par le personnel militaire, alors que la contribution du personnel civil a été posté-rieure et n’a pas modifié substantiellement la planification stratégique.

Les directrices formelles pour la coordination interne sont moins efficaces que les rencontres informelles à des niveaux inférieurs axés sur la recher-che de solutions pratiques et sur l’élaboration de documents. Les proces-sus et les règles doivent assurer la poursuite de ces pratiques et renforcer les mécanismes permettant la transmission de l’information cruciale aux organismes pertinents de l’UE. Ces contacts entre le personnel devraient être soutenus par l’établissement de points de contact formels.

Les sujets concernant le commandement et le contrôle abordent des questions sensibles puisque la chaîne militaire de commandement des opérations de l’UE est différente et indépendante de la chaîne civile. Les Représentants spéciaux de l’UE sont des représentants politiques de l’UE détachés sur le terrain, mais n’ont pas d’autorité en termes de coordina-tion sur les Forces Commanders de l’UE, qui informent le CMUE et reçoi-vent des instructions politiques du Comité politique et de sécurité (COPS). Évidemment, le maintien de cette chaîne de commandement, inaltérable et indépendante du domaine civil, intéresse les forces armées.

Les différences fondamentales entre le personnel civile et militaire concernant l’approche de la population locale demeurent une réa-lité aujourd’hui. Le personnel militaire est entraîné pour maintenir un contact minimal et réside dans des bases militaires tandis que le person-nel civil de l’UE interagit constamment aves les autorités locales et conti-nuera, en général, à se mêler à la population civile.

L’analyse des différents types de sélection de personnel accroît cette complexité. Dans le domaine militaire, les manœuvres de déploiement à l’extérieur sont perçues par les soldats de la plupart des États membres comme l’activité primordiale de leur activité. Les soldats professionnels se déplacent volontiers, motivés par la perspective d’incitations pro-fessionnelles reliées au service à l’extérieur. Dans le domaine civil, par contre, la norme est toujours la volonté. Par conséquent, les incitations fiscales pour déplacer ces experts, des structures nationales à l’étranger, sont limitées (il s’agit de fonctionnaires typiques de l’Administration de l’État ou des autorités locales) et peu spécialisées9.

Processus de Gestion des Crises (PGC)

L’UE a développé son PGC, défini sur le document « Procedures for cohe-rent, comprehensive EU crisis management » du mois de juillet 2003»10. Ce document est considéré comme un document vivant présentant un organigramme du PGC devant être révisé à la lumière des événements dans des domaines tels que la coordination civile-militaire. Malgré l’appel réitéré à la nécessité de coordination et de planification coordonnée entre le Secrétariat du Conseil et la Commission, mentionnant l’éventuel établis-sement d’équipes simultanées, le processus résultant est encore loin d’être cohérent. Il serait peut-être mieux décrit comme un processus parallèle ayant plusieurs points de connexion que comme une approche strictement

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coordonnée, en particulier au cours de la phase de routine et d’escalade de la crise, en incluant la préparation du Concept de gestion des crises. Le rôle primordial du COPS est d’assurer l’action coordonnée de l’UE. II est conseillé par le Comité d’affaires civiles dans la Gestion des crises (CIV-COM) et par le CMUE lors des processus de prise de décision concernant le lancement des opérations. Postérieurement, il pourra être utilisé comme point d’information principal pour les acteurs de l’UE sur le terrain.

L’innovation des processus dans le domaine de la CMCO réside dans la création d’une Équipe pour la coordination de la réponse à la crise (CRCT) et des dispositifs ad hoc, sans pouvoir de décision, composés par des officiers de haut rang appartenant au Secrétariat du Conseil et à la Commission. Le CRCT devrait intervenir dans la préparation du Concept de gestion des crises (CGC).

En ce qui concerne le personnel, le CRCT doit assurer la cohérence entre les options stratégiques militaires et les options civiles, les diffé-rentes Conceptions d’opérations (CONOPSes) et les Plans d’opérations (OPLANS). De même, le CRCT devrait encourager la cohérence totale entre les aspects civils et militaires de l’action de l’UE lors de leur mise en place. Mais le rôle du CRCT a été, en fait, essentiellement réduit à la coordination entre le Conseil et la Commission au niveau des hauts fonctionnaires. Son activité, au cours de la planification des opérations dans le cadre de la PESD a été plutôt limitée, bien que son activité se soit renforcée pendant l’Exercice de gestion des crises (CME) 02. Norma-lement, cet Exercice consistait en une rencontre des représentants de la Commission, le cabinet, le Secrétariat du Conseil –DG E, l’EMUE, le Ser-vice juridique et le Centre de situation (SITCEN). Des rapports de travail réguliers entre le Secrétariat du Conseil et la Commission ont eu lieu au niveau des Desk Officers pendant l’établissement du détachement.

Sur le terrain, le Représentant spécial de l’UE (RSUE) joue un rôle essen-tiel dans le domaine du CMCO, en supervisant la plupart des activités de l’aire d’opérations. Le RSUE doit en outre se coordonner avec le Force Commander de l’UE, le Responsable de la mission de police et les autres Responsables de mission des différentes opérations civiles de l’UE.

La dernière innovation du processus de gestion des crises de la PESD, ayant également un impact direct sur l’aire de CMCO a été mise en évidence par le document « Draft EU Concept for Comprehensive Plan-ning », au mois de novembre 200511. Elle défend que l’inclusion du Plan intégral par la CMCO de l’UE, implique de conjuguer les efforts tout en respectant l’intégrité de chaque acteur, son expérience particulière et la contribution de l’UE à la gestion du conflit.

La CMCO sur le terrain était aussi présente dans le nouveau document « Civil-Military Coordination Framework paper of possible solutions for the management of EU Crisis Management Operations », de mai 200612. Ce document propose une liste de mesures pratiques pour aider à pro-mouvoir la CMCO sur le terrain, en abordant des sujets tels que l’établis-sement d’une stratégie claire et des activités bien définies par les acteurs de l’UE sur le terrain, le soutien croisé et la synchronisation des activités sur le terrain, la nécessité d’une stratégie pour les médias et l’informa-tion ainsi que des aspects de formation et d’information coordonnée.

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La cohérence des structures civiles et militaires de la PESD devrait être améliorée, en envisageant tous les outils disponibles de la PESD

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Rôle de la cellule civile-militaire

La cellule civile-militaire (Civ/Mil) est apparue insérée dans le paquet d’engagements relatifs à la controverse de 2003, alors que l’établisse-ment de quartiers opérationnels autonomes était l’aspect le plus dis-cuté13. La décision de mettre en place une cellule de planification civile-militaire à l’UE fut adoptée par le Conseil européen au mois de décem-bre 2003. Un renforcement de la compétence de l’EMUE pour donner des recommandations hâtives, évaluer la situation et planifier stratégi-quement l’action a été proposée en établissant, au sein de l’EMUE, une cellule dotée de composants civils et militaires. Le Conseil prévoyait cinq fonctions principales pour cette cellule14 :

•Unifier le travail des différents États de l’UE concernant l’anticipation des crises, en incluant la prévention de conflits et la stabilisation posté-rieure au conflit ;

•Porter assistance à la planification et à la coordination des opérations civiles ;

•Développer l’expérience de la gestion de l’interface civile-militaire ;•Développer une planification stratégique avancée pour les opérations

conjointes civiles et militaires ;•Renforcer les sièges centraux nationaux désignés pour l’opération

autonome de l’UE.

Les négociations portant sur la composition et les modalités du Centre d’opérations se sont poursuivies pendant un an encore, et ont abouti à l’élaboration d’un document conceptuel final qui définissait les termes de référence spécifiques de la cellule civile-militaire en vue de leur adop-tion au mois de décembre 2004 et reportait la création graduelle d’une cellule civile-militaire jusqu’à l’année 200515.

La cellule civile-militaire s’inscrit dans les structures du Conseil, sous l’égide du Secrétaire Général/haut Représentant (SG/hR). Une partie de l’EMUE est insérée dans la dimension militaire de la PESD, ce qui pos-siblement limite son rôle comme instrument puissant de coordination. La cohérence des structures civiles et militaires de la PESD devrait être améliorée, en envisageant tous les outils disponibles de la PESD et en informant le CIVCOM ainsi que le CMUE. En matière de CMCO, son rôle peut être décisif puisque, pour l’instant, elle est l’interlocuteur naturel de la CMCO. La cellule civile-militaire dispose désormais de tout son per-sonnel. Elle a aussi un deuxième Directeur militaire (le Général Manione est entré en fonctions en automne 2007 à la fin du mandat du Général Brauss), ainsi qu’un second Sous-directeur civil. La cellule est formée par une Branche de planification stratégique et un noyau permanent essentiel comme Centre d’opérations. La Branche de planification stra-tégique est particulièrement importante pour la CMCO. Elle compte 17 membres, y compris sept planificateurs militaires et sept planificateurs civils. Parmi les planificateurs civils, deux officiers de la Commission agis-sent comme officiers de liaison, expérimentés en matière d’assistance humanitaire et réponse aux désastres et dans la gestion d’assistance pour la reconstruction, respectivement. Ce contact permanent avec la Commission, son expérience et la connaissance des opérations humani-taires, témoigne d’une innovation institutionnelle importante. La cellule civile-militaire est dotée d’un plan de contingence stratégique, qui conju-

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La cellule civile-militaire devrait contribuer à la planification stratégique de réponse aux crises lors des opérations conjointes civiles et militaires en développant des options stratégiques qui comprennent les deux dimensions

gue les perspectives des différents acteurs de l’UE des deux piliers, les États membres, ainsi que les dimensions civile et militaire. Dans le cadre du plan stratégique de réponse aux crises, la cellule civile-militaire porte assistance aux planificateurs politico-militaires en tenant compte des éventuels points de rencontre entre les aspects civil et militaire et leur éventuel soutien réciproque16.

Et ce qui est encore plus important, la cellule civile-militaire devrait contribuer à la planification stratégique de réponse aux crises lors des opérations conjointes civiles et militaires en développant des options stratégiques qui comprennent les deux dimensions. Cet aspect est particulièrement intéressant puisque, jusqu’à présent, aucune véritable opération civile-militaire de l’UE n’a été déployée malgré la nécessité de ces opérations. Deuxièmement, si la cellule civile-militaire parvient à perfectionner son rôle dans le domaine du développement des doctrines et des conceptions, le contact civil et militaire pourrait être renforcé dans des domaines tels que la Réforme du secteur sécuritaire ou le désarme-ment, la démobilisation et la réintégration, des domaines dans lesquels l’expérience et la connaissance civile et militaire sont étroitement liées, ainsi que dans l’assistance aux opérations de gestion civile expérimentée des crises dans des aires telle que la logistique, les communications et les systèmes d’information et de planification. La cellule civile-militaire jouit également d’une bonne position institutionnelle lui permettant d’intégrer les rapports des leçons dérivées des opérations civiles et mili-taires entreprises parallèlement sur un même territoire, comme c’est le cas, actuellement, en Bosnie. Ces mêmes leçons extraites conjointement peuvent être appliquées à d’autres exercices de l’UE.

D’une manière générale, la cellule civile-militaire doit avoir confiance dans sa capacité pour convaincre et regrouper les personnes, introdui-re l’habitude de travailler en équipe et renforcer la retro alimentation entre les structures de la Commission et le Secrétariat du Conseil. La cellule civile-militaire pourra entreprendre également des actions de sensibilisation concernant les affaires liées à la CMCO en présentant des rapports auprès des différents programmes de formation. Un des avantages de la cellule civile-militaire est qu’il ne s’agit ni de fonds de gestion ni d’opérations en cours (bien qu’elle puisse fournir de l’assis-tance aux opérations en cours) et que, par conséquent, elle est libre d’intérêts directs dans les opérations spécifiques de l’UE. Elle peut donc mieux cibler l’obtention d’une vision générale des instruments civils et militaires disponibles pour une mission conjointe ou des liens plus soli-des entre les missions existantes séparément dans un même territoire. La cellule civile-militaire est actuellement dénommée Branche de plani-fication stratégique et elle est dotée de personnel ayant une trajectoire solide en matière de planification et une connaissance approfondie du contexte institutionnel de l’UE.

Formation civile-militaire conjointe

Il existe deux programmes de formation axés sur les sujets CMCO. L’un deux a été développé par la Commission entre les années 2001-2007 et l’autre par le Conseil à partir de l’année 2004. Le personnel (diplomatique, civil et militaire) des États membres de l’UE travaillant

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comme haut fonctionnaires auprès des délégations nationales des dif-férents pays à Bruxelles et à des postes décisionnels aux capitales, les officiers de toutes les institutions de l’UE et le personnel de l’ensem-ble des missions dirigées par l’UE constituent leur public potentiel. La formation conjointe civile et militaire s’avère très nécessaire, puisqu’il n’existe aucun mécanisme systématisé au sein des programmes de formation nationale.

Le Projet de Formation de la CE concernant les Aspects civils de la ges-tion des crises a fonctionné pendant plusieurs années (2001-2007), diri-gé par le Groupe de formation de l’UE. Des cours spéciaux sur la CMCO ont été donnés tout au long de ces dernières années.

La formation de l’UE en matière de PESD a été approuvée par le Comité politique et de sécurité (COPS) en décembre 2004 dans l’objectif de développer des programmes européens de formation multi-annuels sur la PESD, en regroupant différents acteurs (États membres et leurs institu-tions de formation, l’Ordre européen de sécurité et défense, l’Ordre de police européenne, le Programme diplomatique européen, la Commis-sion). Le domaine civile-militaire est considéré comme un aspect impor-tant en ce qui concerne la formation à tous les niveaux –stratégique, opérationnel, pour le personnel diplomatique national, civil et militaire des États membres, pays en voies d’adhésion et candidats, fonctionnai-res des institutions de l’UE. Il est envisagé comme une partie importante du bloc général de formation de la PESD et comme une spécialisation nécessaire pour la mise en place d’une fonction particulière, mais il n’est pas nécessairement relié à une mission spécifique. Axé sur la connais-sance et les habiletés pour participer aux opérations civile-militaires de la PESD, il aborde les instruments civils ainsi que les militaires, en portant une attention particulière à la CMCO. La coordination civile-militaire et la coordination entre les différents piliers a été envisagée comme une exigence particulière de la formation de l’UE, fondée sur l’expérience de l’opération Althea17.

Les sujets CMCO ont été insérées dans le curriculum des cours pilote de la PESD de 2004-2005, mis en place dans le cadre de l’Ordre européen de sécurité et défense. Le cours pilote de CMCO, dirigé par la Folke Ber-nadotte Academy de Suède et encadré dans les activités du Groupe de formation de l’UE, s’est déroulé du 19 au 27 septembre 2005. Il a été articulé sur le cours de CMCO à la PESD réalisé dans le cadre du Projet de formation de la CE pour les Aspects civils de la gestion des crises18.

Exercices de gestion des crises de l’UE avec des instruments civils et militaires et leur coordination

L’UE a mis en place quatre CME au cours de la période 2002-2007, dont deux ont été particulièrement importants pour le CMCO (ils ont eu lieu en 2002 et 2004 respectivement). Ces exercices ont permis de dévelop-per et de tester les processus de gestion des crises dans une situation donnée alors qu’aucune opération n’avait été mise en œuvre dans l’UE ou l’avait été de manière très limitée. Ils aident à comprendre les diffi-cultés, les différents points de vue et les processus nécessaires pour les missions civiles et militaires.

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Ces exercices ont permis de développer et de tester les processus de gestion des crises dans une situation donnée alors qu’aucune opération n’avait été mise en œuvre dans l’UE ou l’avait été de manière très limitée

Ce premier Exercice de gestion des crises de l’UE (CME 02), mis en place du 22 au 28 mai 2002, a été axé sur l’essai et l’évaluation des processus et des structures pour la gestion des crises de l’UE19. Le décor a été l’île fictive « Atlantia » et l’exercice s’est encadré dans le domaine stratégique politico-militaire, en particulier le COPS et les instances désignées pour son soutien. L’évaluation du CME 02 a affiché des résultats généraux positifs dans les processus, les concepts et les structures de la gestion des crises mais a identifié également des faiblesses importantes dans le domaine de la coordination interne de l’UE, concernant aussi bien la clarification de compétences des instances du premier et deuxième pilier que l’intégration des instruments civils et militaires20. L’expérience du CME 02, par consé-quent, a eu une influence significative sur les progrès des mécanismes de la CMCO, qu’il convenait de renforcer, comme a souligné le Rapport de la Présidence espagnole de la PESD, présenté au Conseil Européen de Séville.

Le CME 04 s’est tenu du 18 au 27 mai 2004 et a été marqué par la volonté d’aller plus loin dans les essais de gestion des crises de l’UE et de perfectionner les processus de CMCO. Tout cela dans le cadre d’une opération indépendante dirigée par l’UE sans recourir aux instruments et aux compétences de l’OTAN. Jusqu’à présent, le scénario du CME 04 a été le plus ambitieux, en exigeant le déploiement d’un contingent d’instruments civils et militaires européens, aussi bien à l’échelle de la Communauté que des États membres, en incluant la force militaire, un composant policier, de l’État de droit et de l’administration civile. Un scénario aussi exigeant insérait également certains aspects de coordina-tion civile-militaire.

Le scénario du CME 06 combinait les instruments militaires et civils nécessaires pour une réaction rapide. La cellule militaire en tant que responsable du plan intégral constitue la principale nouveauté. Malheu-reusement, en raison des circonstances politiques externes, le CME 06 a du être annulé et remplacé par un Exercice d’étude plus limité, EST 06, orienté vers la réaction rapide. De même, le CME 05 a du être remplacé par l’EST 05, axé sur la stratégie d’opérations européennes de gestion de crise vers l’ONU et à partir de celle-ci.

Les opérations réelles sont actuellement plus importantes pour l’évolu-tion de la CMCO que les exercices, puisqu’elles mettent à l’épreuve les structures et les normes de l’UE reliées à des questions concrètes et font pression pour l’établissement de solutions ad hoc ou de changements flexibles des processus de gestion des crises.

La CMCO dans la pratique : La participation de l’UE dans la gestion des crises en Bosnie-Herzégovine, Aceh, le Congo et la Guinée-Bissau

La présence de l’UE en Bosnie-herzégovine a été fortement consolidée grâce à la réalisation de différentes opérations parallèles qui utilisaient différents instruments de l’UE –la Mission de la police de l’Union euro-péenne (EUPM), les Forces de l’Union européenne (EUFOR), la Mission d’observation de l’Union européenne (EUMM) et le Représentant spécial de l’UE, entre autres. L’implication de l’UE a été particulièrement impor-tante pendant plus d’une décennie.

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Ces opérations ont été planifiées et mises en œuvre non pas comme une opération conjointe de l’UE, mais comme des actions indépen-dantes ayant des commandements, des chaînes de commandement et des autorités auxquelles informer différentes. La pratique sur le terrain témoigne d’une application limitée de la CMCO. Plutôt qu’à une coor-dination complète, elle s’est limitée à un simple échange d’information et à la tenue de rencontres régulières entre les responsables des missions sur le terrain. Certaines leçons apprises de la EUPM ont été introduites pour l’opération Althea et son Unité de police intégrée, bien de manière sectorielle exclusivement. La CMCO s’est limitée, par conséquent, à la phase de planification et d’opérativité initiale. Certaines leçons issues de l’expérience en Bosnie ont été identifiées à la fin de l’année 2006. Elles ont-elles ont été favorables à une coordination renforcée à Bruxelles, et dans une moindre mesure, sur le terrain. Elles ont été axées sur des pra-tiques de coordination triangulaire (RSUE, EUPM, EUFOR) en insérant des révisions des missions, la prise de conscience de la situation et l’échange d’information, le suivi des médias ainsi que l’importance de la coordina-tion pour le RSUE.

Cependant, le processus d’identification et d’apprentissage n’a pas été mis en place de manière conjointe, mais par l’intermédiaire d’un ensem-ble de processus parallèles pour chaque mission. La planification du suivi de la mission en Bosnie pourrait bénéficier de l’expérience des comman-dants militaires et de la police et les utiliser comme conseillers du RSUE.

Le succès des opérations civiles de l’UE à Aceh a permis de consolider des meilleurs résultats dans la pratique de la CMCO. Cependant, des progrès importants sont encore possibles dans les activités de la PESD à la Répu-blique démocratique du Congo (RDC) ou en ce qui concerne le soutien de l’UE à l’Union africaine à Darfour. De nombreuses expectatives ont été générées à la suite de la mission européenne à Aceh. Dans ce cas, une mission civile d’observation a été assistée par des ressources logistiques militaires et par l’expérience militaire au cours du processus de supervi-sion de l’opération de désarmement, repli des rebelles et retrait des unités de police militaire indonésiennes non locales. La Mission d’observation de l’UE à Aceh a été conçue comme une opération civile mais, dans la prati-que, elle est apparue comme une mission mixte dans laquelle participait, dans sa phase de planification, la cellule civile-militaire avec ses ressources et ses compétences pour combiner les officiers du Conseil et ceux de la Commission. Par conséquent, la cellule civile-militaire s’est complètement impliquée dans une mission de recherche.

Dans la RDC, la Réforme du Secteur de la sécurité constitue une activité primordiale de la mission de conseil et d’assistance de l’UE, dénommée « Réforme du secteur de la sécurité de l’Union à la République démo-cratique du Congo (EUSEC RD Congo)», engagée au mois de mai 2005. Bien que conçue comme une mission civile et financée grâce à la ligne budgétaire de la PESC, elle est fondée sur l’expérience militaire et son chef de mission est un général français à la retraite qui informe le SG/hR par l’intermédiaire du RSUE. C’est le même cas que la mission de police EUPOL kINShASA, mise en œuvre au printemps 2005. La présence de l’UE a été complétée par l’opération militaire EUFOR Congo, déployée au cours des élections dans la RDC, pendant les mois de juillet à novem-bre 2006.

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Le pas suivant devrait être la planification d’une opération de l’UE réellement conjointe, en franchissant la distance institutionnelle des différents outils civils et militaires disponibles pour la prévention des conflits

Perspectives du futur renforcement de la CMCO dans la gestion des crises de l’UE

Les réflexions de la CMCO concernent également le domaine du dévelop-pement des compétences civiles et militaires. Il existe une liaison entre l’Ob-jectif général civil 2008 (OGC 2008) et l’Objectif général 2010 (OG 2010) de manière informelle et par la voie de l’adaptation de certaines de ses appro-ches. La cohérence institutionnelle devrait être assurée au niveau du COPS, et un travail dur est entrepris afin d’obtenir également cette cohérence aux instances inférieures. Cependant, ces deux processus ne sont pas reliés for-mellement, leurs chronogrammes et leurs spécifications sont différents et ils sont gérés par des comités divers. Alors que l’OG 2010 est la suite de l’Ob-jectif général européen (OGE), OCG 2008 est un processus nouveau inspiré du modèle de l’Objectif général militaire, malgré la persistance de différences importantes dans le type de compétences nécessaires concernant les dimen-sions civile et militaire ainsi que leur disponibilité. La dimension militaire fonc-tionne en général avec des unités et des compétences techniques, toutes deux disponibles à la réserve, tandis que la dimension civile met en place des compétences humaines avec un personnel hautement qualifié (experts civils) ou de petites unités (police), lesquelles, en général, ne se trouvent pas en état de réserve. L’OGC 2008 prévoit des missions de gestion civile des crises, déployées conjointement ou en étroite coopération avec les opérations mili-taires, en tirant parti des compétences militaires et en assurant une étroite coopération et coordination avec les efforts militaires dans toutes les phases de l’opération21.

L’Objectif général civil 2010 (OGC 2010), accordé au mois de novembre 2007, établissait comme aspect important l’étude des synergies entre les processus de l’OGC et de l’OG 2010. Vers la fin du cycle OGC 2010 un inventaire des compétences militaires et civiles de la PESD ainsi que des com-pétences disponibles de la CE devrait être dressé. L’OGC 2010 identifie de manière explicite les domaines qui doivent être analysés, ainsi que la sécurité sur le terrain, la formation, la logistique et les synergies importantes22.

La situation réelle des nombreuses missions de l’UE aux Balkans occidentaux offre une opportunité exceptionnelle pour préparer un modèle pont pour la Bosnie, basé sur une approche intégrale défendue par les trois présidences de l’UE en 2005-2006 et qui a été élaborée grâce au document de planifi-cation intégrale correspondant. D’importantes leçons peuvent être tirées du post-EUPM et du post-EUFOR pour une future mission réellement conjointe.

Les affaires de la CMCO sont prises en considération, en particulier, lorsque la réalité pousse de plus en plus l’UE vers des activités de gestion des crises complexes et bénéficie d’un large éventail d’instruments civils et militaires mis à sa disposition. Cette énergie sera probablement soutenue, grâce au déve-loppement de nouvelles opérations parallèles de l’UE (aussi bien civiles que militaires) en Afrique et aux Balkans, entre autres. Le pas suivant devrait être la planification d’une opération de l’UE réellement conjointe, en franchissant la distance institutionnelle des différents outils civils et militaires disponibles pour la prévention des conflits, la gestion des crises et la stabilisation posté-rieure au conflit. La valeur ajoutée de l’utilisation combinée de ces outils à disposition d’une présence unifiée de l’UE dans un territoire donné peut être facilement perçue. La mission de l’UE en Bosnie pourrait être un candidat évident pour cette nouvelle approche.

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COORDINATION CIVILE ET MILITAIRE DANS LA GESTION DES CRISES DE L’UE

Le processus de perfectionnement des compétences de l’UE implique de relier encore davantage les processus de l’Objectif général civil 2008/2010 et l’Objectif global 2010

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Le second aspect des perfectionnements de la CMCO est relié aux nouveaux développements institutionnels représentés par exemple, par la cellule civile-militaire qui pourrait devenir un interlocuteur naturel en matière de CMCO au sein des structures de l’UE. En outre, le processus de perfectionnement des compétences de l’UE implique de relier encore davantage les processus de l’Objectif général civil 2008/2010 et l’Objectif global 2010.

Un troisième point de progrès au sein de la CMCO est la prolifération de contacts et l’échange d’information entre l’UE (à Bruxelles comme sur le terrain) et de différents acteurs externes moins complexes –tels que les ONG, les États tiers, les médias, etc. Cette tâche pourrait contribuer de manière significative au perfectionnement des missions de la PESD sur le terrain, mais l’établissement des modèles de base pour ces interactions, sans aucune auto-rité, peut cependant s’avérer difficile. Tous prêchent des idées de coordina-tion, mais personne ne veut être soumis á la coordination. En outre, certains acteurs, comme les ONG, se montrent très réticents face à la coordination des efforts entrepris lorsque ces efforts sont réalisés par des institutions inter-nationales telles que l’UE. Par conséquent, l’échange d’information pourrait être le premier pas de ce long changement.

Finalement, la partie la plus cruciale de la construction d’une coordination civile-militaire bien structurée dans un cadre institutionnel aussi complexe que l’UE, réside peut être dans la poursuite du même processus. La culture de la CMCO devra être nourrie aussi bien intra-piliers qu’inter piliers, par des formations continuées adressées aux fonctionnaires de Bruxelles, dans les capitales européennes et au personnel des missions établi sur le terrain. Les institutions européennes devront, en particulier, promouvoir cette culture de CMCO, même sans compter sur des forces extérieures puissantes, qui pourraient être établies par le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et un Service d’action extérieure unifié, tel que prévoit le Traité de Lisbonne de l’UE (Traité pour la Réforme de l’UE). L’impact du nouveau Traité de Réforme de l’UE pourrait être, cependant, beaucoup plus limité étant donné l’écart entre la dimension militaire de la PESD, recueilli actuellement sur les protocoles convenus lors des dernières négociations.

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Notes

1. A secure Europe in a better world. European Security Strategy, adopté par les Chefs d´État et de Gouvernement le 12 décembre 2003, p.12 et pp.18-19.

2. Civilian headline Goal 2008, Council Doc.15863/04, 7 décembre 2004, para. 63. CIMIC Concept for EU-led Crisis Management Operations, Council Doc.7106/02, 18 mars 20024. Civil-Military Coordination (CMCO), Council Doc. 14457/03, 7 novembre 2003, para.1.5. Civil-Military Coordination (CMCO), Council Doc. 14457/03, 7 novembre 2003.6. Council Doc. 14457/03, para. 2-5.7. Pour une information élargie cf Renata Dwan, Civilian Tasks and Capabilities in EU Operations,

présenté au Berlin Expert Seminar on Tasks and Capabilities, 18-19 mai 2004, esp.pp.15-18.8. Créé pendant l’été 2007.9. Renata Dwan, op.cit., pp.9-12.10. Suggestions for procedures for coherent, comprehensive EU crisis management, Council.

Doc.11127/03, 3 juillet 2003.11. Cf. Draft EU Concept for Comprehensive Planning, Council doc. 13983/05, 3 novembre 2005.12. Cf. Civil-Military Coordination: Framework paper of possible solutions for the management of EU

Crisis Management Operations, Council doc.8926/06, 2 May 2006.13. Gerrard Quille et al., An Action Plan for European Defence. Implementing the Security Strategy,

étude conjointe avec ISIS Europe et CeMiSS, mai 2005, chapitre 3.3.14. Rapport de la Présidence italienne European defence: NATO/EU Consultation, Planning and

Operations, décembre 2003, http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/ 78414%20-%20EU-NATO%20Consultation,%20Planning%20and%20Operations.pdf.

15. European defence: NATO/EU Consultation, Planning and Operations, décember 2004, Council Doc. 13990/1/04 REV 1, 7 décembre 2004.

16. European Defence: NATO/EU Consultation, Planning and Operations, décembre 2004, Council Doc. 13990/04, 7 décembre 2004.

17. Implementation of the EU Training Concept in ESDP – Analysis of Training requirements in the field of ESDP, Council. Doc.7774/1/05 REV 1, 12 avril 2005.

18. Narrative Report on the ESDP Pilot Course on Civil-Military Coordination, Folke Bernadotte Aca-demy, Sandöverken, 19-27 septembre 2004.

19. CME 02- First EU crisis management exercise, EU Press Release 9005/02, 17 mai 2002.20. Catriona Gourlay,‘Putting ESDP to Test‘, European Security Review, No.13 (juillet 2002), pp.1-2.21. Cf .Civilian headline Goal 2008, Council Doc.15863/04, 7 décembre 2004, para.6.22. New Civilian headline Goal 2010, Council Doc.14823/07, 9 novembre 2007, para.11.

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Pour réussir nous devons agir de manière simultanée et systématique sur une diversité d’objectifs qui échappent à l’analyse purement militaire du problème

Francisco José Gan Pampols

Colonel de l’Armée de Terre, Forces Armées Espagnoles

Présentation

Depuis les premières interventions nationales dans des opérations au-delà de nos frontières, beaucoup de choses ont évolué, tant au niveau des procédés que des moyens utilisés. Non obstant, le changement le plus significatif est à situer dans le champ des mentalités, lorsque nous nous demandons pourquoi sont réalisées ces opérations d’appui à la paix et d’aide humanitaire, comment se développent-elles, quels interlocuteurs existent ou comment s’évalue le succès ou l’échec de ces opérations. Nous avons vécu des situations de conflit dans lesquelles l’ensemble de l’opération d’appui à la paix s’est focalisé sur les belligé-rants, sur leur facette la plus proche de la confrontation belliqueuse. Nos efforts se sont concentrés en les séparer, les contenir, les désarmer et les redéployer.

L’expérience nous a enseigné que pour réussir, depuis le début-même des opérations nous devons agir de manière simultanée et systémati-que sur une diversité d’objectifs qui échappent à l’analyse purement militaire du problème. Ainsi, nous devons localiser et attirer les leaders informels, les réseaux de formation de l’opinion publique en dehors des canaux officiels, les experts autochtones en développement. En fin, toute personne qui puisse transmettre à une société en crise la valeur de la sécurité, condition sine qua non associée au développement, à la reconstruction et à la qualité de la vie.

Les guerres ont souvent pour conséquence que les sociétés perdent l’espérance en un futur meilleur, que les “faiseurs” de paix doivent reconstruire et, en premier lieu redonner l’espérance en un futur meilleur bien qu’au prix d’un énorme sacrifice présent, la sécurité est une valeur dominante uniquement lorsqu’on l’associe à un précurseur d’autres élé-ments de grande valeur, réelle ou symbolique, pour les citoyens.

À partir de l’expérience en diverses réalités géographiques nous pouvons améliorer notre action en d’autres scénarios géographiques. Ainsi donc, la mise en marche d’une coopération civile-militaire en missions humani-taires en Méditerranée peut apprendre, et beaucoup, de ce qui fut déjà réalisé dans des pays comme l’Afghanistan.

L’EXPÉRIENCE AFGHANE EN COOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE : UN EXEMPLE POUR LA MÉDITERRANÉE?

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L’EXPÉRIENCE AFGHANE EN COOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE: UN EXEMPLE POUR LA MÉDITERRANÉE?

La communauté internationale opta pour promouvoir un grand accord sur l’Afghanistan qui rendrait viable, et soutenable, son future démocratique

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Origine de l’expérience à transmettre

L’Afghanistan aujourd’hui

Afin de ne pas entrer dans une analyse historique prolongée dans le temps, nous nous centrerons sur les trente dernières années, époque de violence généralisée qui va depuis l’invasion soviétique de 1979, la guerre civile ulté-rieure, la guerre des talibans et leur assaut au pouvoir et la situation qui se produisit après la défaite du régime taliban aux mains de la Coalition à la fin de 2001. Dans le cadre de cet article, nous allons nous concentrer sur la situation réelle d’un État qui a mené au long d’une période de temps immergé dans une spirale de démembrement, de destruction, et dans de nombreux cas, qui fut oublié de ceux qui auraient pu et ne voulurent pas intervenir dans les moments critiques.

Cet Afghanistan que j’ai connu est tourmenté par un sous-développement chronique, une structure formelle du pouvoir quasi inexistante en dehors de la capitale, Kaboul, une population ethniquement très diverse, des réseaux de pouvoir et d’influence d’origine tribale – en ce compris de clan - qui échappent au contrôle politique, une industrie ou agriculture nationale qua-si-inexistante. C’est, au risque de paraître pessimiste, un État qui est au point de se convertir en un État failli, et s’il ne l’est pas encore c’est grâce au grand appui que la communauté internationale a apporté au pouvoir légalement constitué qui gouverne actuellement le pays. La corruption, la méconnais-sance, l’inefficacité, le manque de préparation et la violence sont quelques uns des maux qui empêchent le plus directement le développement d’une Administration digne de ce nom.

Malgré que dans certains Départements, si non dans tous, il soit possible de rencontrer une certaine capacité pour planifier et programmer des actions, le problème survient lorsque ces actions doivent être menées dans la pratique sur un espace qui n’est pas contrôlé. La décentralisation nécessaire ne se produit pas parce qu’il n’existe pas de certitude que les projets puissent être développés au-delà des zones où le contrôle des forces internationales est pleinement effectif. Cela amène à une paralysie de facto qui ne s’atténue que lorsque des mouvements de force sur le terrain se produisent, et que ceux-ci sont de plus grande consistance et permanence que de simples exhi-bitions de force. Entre-temps, une armée et une police ont pu être créées à marches forcées, et elles peuvent assumer de manière autonome les tâches de sécurité et d’ordre intérieur. En résumé, trop de travail qui n’a pu être réalisé en si peu de temps, avec de rares forces et sans un programme à long terme de création et de validation des structures étatiques.

La communauté internationale et ses accords

Ayant terminé victorieusement la campagne militaire de la Coalition contre Al Qaeda et le régime taliban qui lui apportait son soutien, la communauté internationale opta pour promouvoir un grand accord sur l’Afghanistan qui rendrait viable, et soutenable, son future démocratique. Dans un premier temps la Conférence de Bonn eut lieu et ultérieurement la Conférence de Londres, où fut établie l’architecture de l’aide internationale, ses objectifs et ses systèmes de contrôle. Parallèlement, à la fin 2001 et au début de 2002,

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137 FRANCIsCO JOsÉ GAN PAMPOLs

Les PRT ont démontré être aussi une forme nouvelle de réunir les acteurs civils et militaires dans la tâche complexe de fournir de l’aide extérieure pour la reconstruction nationale

la Force Internationale pour la sécurité et l’Assistance en Afghanistan (IsAF en ses sigles anglais) fut créée et s’établit initialement à Kaboul pour, à la fin 2005, et protégée par le Mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies (CsNU) s’étendre sous le parapluie de l’OTAN à la totalité du territoire afghan. La Force Multinationale que constitue l'IsAF se déploie en quatre noyaux de niveau régional (Mazar et shariff, Herat, Kandahar et Bagram) en plus de la capitale, Kaboul, et totalise quelques 35.000 effectifs auxquels s’ajoutent ceux de la Coalition en un nombre de quelques 15.000.

Une nouvelle conception de l’appui et de la paix et l’aide humanitaire

En regardant en direction d'un possible futur afghan, nous percevons que les Équipes de Reconstruction Provinciale (PRT, en ses sigles anglais) continue-ront de constituer le lien principal pour l’expansion de l'IsAF. Le concept de PRT, qui est encore relativement récent, a reçu certaines critiques durant les premières phases de déploiement militaire international en Afghanistan, mais au fur et à mesure de son évolution, il fut reconnu comme un instrument hautement bénéfique pour aider le gouvernement afghan à augmenter sa présence effective et son influence dans les différentes provinces. Il s'agit d’équipes conjointes de civiles et de militaires de différentes tailles et compo-sitions, sous la direction souveraine des pays qui apportent leurs membres, qui se déploient dans la majorité des capitales provinciales. Les PRT apportent une alternative réelle et crédible à une présence internationale de maintient –imposition- de la paix avec pleine capacité, qui ne semble pas être possible d’appliquer en Afghanistan et qui n’est pas non plus prévue dans le mandat de l’IsAF. Les PRT actuels sont sous la direction de l’Allemagne, de l’Espa-gne, des États-Unis, des Pays-Bas, de l’Italie, de la Lituanie, de la Norvège, du Royaume Uni et de la Turquie, respectivement. Les autres pays Alliés et Associés réalisent d’importants apports de personnel civil et militaire.

Les PRT que dirige l’IsAF ont contribués à d’innombrables projets de recons-truction, ont joué les intermédiaires entre des bandes s’affrontant, ont collaboré dans le processus de désarmement des différentes milices afghanes, ont appuyé le développement d’une force nationale de police et de l’armée afghane et ont aidé en général à l’amélioration de l’environnement de sécuri-té à travers leurs contacts avec les autorités locales et la population de la zone.

Les PRT ont démontré être aussi une forme nouvelle de réunir les acteurs civils et militaires dans la tâche complexe de fournir de l’aide extérieure pour la reconstruction nationale. Leurs compositions, qui se basent sur la logique de la stabilisation et la reconstruction, représentent deux faces de la même pièce. Comme le souligne le Pacte pour l'Afghanistan, "la sécurité continue d'être une condition requise préalable essentielle pour pouvoir obtenir la stabilité et le développement de l'Afghanistan, mais on ne peut pas obte-nir la sécurité uniquement avec des moyens militaires". Malgré le fait que les PRT soient toujours sous la responsabilité de différentes nations leaders et qu'elles s'adaptent aux particularités de chaque région, l'idée se répand qu'une meilleure coordination serait désirable - et pas seulement dans le domaine militaire - pour partager les efforts communs et harmoniser les acti-vités respectives avec les priorités régionales et nationales du gouvernement afghan. De même, il serait conseillé d'élaborer des directrices communes plus détaillées pour tous les PRT.

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L’EXPÉRIENCE AFGHANE EN COOPÉRATION CIVILE-MILITAIRE: UN EXEMPLE POUR LA MÉDITERRANÉE?

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En tous cas, le concept PRT s'est révélé être un outil efficace, opportun, faisable et durable. Avec un profil de force soigneusement mesuré, il est capable de pénétrer dans le territoire où l'on ne peut garantir l'emploi d'autres organisations, s'imbriquer dans la société civile et l'Administra-tion locale, faire écho des problèmes réels de la population à laquelle ils viennent en aide et guider l'action du gouvernement à travers le moni-torage des Plans de Développement Provinciaux (PDP) et les différents Plans sectoriels réalisés par les Départements au niveau provincial.

La réalité du modèle espagnol du PRT en Afghanistan

À l'heure actuelle, il est indéniable que ce qui maintient la capacité réelle de transformer la société et la population sur lesquelles se fonde le PRT espagnol de Qala e Naw réside en l'initiative nationale, particulièrement l'effort de notre Gouvernement, et la volonté politique de maintenir les forces militaires sur le terrain, tandis que les niveaux conseillés de gouvernement effectif (possibilité de gouvernement) et de suffisance économique (développement et reconstruction) n'ont pas été atteints. Mais il n'est pas moins sûr que la capacité de transformation se voit souvent mise en difficulté à différents degrés par la réalité de la société à laquelle elle s'applique, particulièrement, par une administration locale incapable de comprendre les objectifs à court, moyen et long terme de l'effort qui se réalise, techniquement incompétente, et hautement cor-rompue. Ceci signifie que le spectre sur lequel il faut agir si on prétend atteindre le but désiré d'abandonner un pays viable une fois garantie sa survie est très large: il comprend des tâches formatives, de contrôle et de vérification, de supervision des dépenses et ses aires d'application, entre autres.

Il s'agit, en somme, de créer un pays partant de l'interprétation de la volonté de ses gouvernants légitimement élus, rassemblant au plus haut point ses nationaux pour qu'ils adoptent les standards de vie en com-mun qui correspondent à un certain modèle de démocratie "atténuée" compatible avec son modus vivendi, et procurant légitimité aux premiers devant les seconds. C’est une tâche énorme qui en certaines occasions dépasse les capacités limitées sur le terrain de la communauté interna-tionale.

La réalité vécue est celle de l'effort national en solitaire parce qu'il n'y a toujours pas de présence effective des organisations internationales et des ONGs dans la province de Badghis. L'acquisition de compromis bilatéraux pallie en partie ce qui est une absence retentissante: un plan intégral pour l'ensemble de l'Afghanistan avec des standards à atteindre dans des plans concrets. Bien qu'il soit louable de vouloir créer un oasis de progrès, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un grain de sable dans un désert de nécessités pressantes. D'un autre côté, il faut continuer et augmenter la lutte contre l'ignorance, la corruption et le laisser-aller, il faut former des techniciens à tous les niveaux et contrôler les Départements à Kaboul et dans les provinces, et tout ceci en évitant la pose coloniale, l'imposition ou l'orgueil. Il est nécessaire de consulter, de créer des synergies et de conjuguer les volontés, d'impulser depuis der-rière et depuis en bas, de manière subtile, de persuader.

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139 FRANCIsCO JOsÉ GAN PAMPOLs

C'est à certaines occasions le propre gouvernement afghan le principal responsable de la perception erronée de la société concernant la mission des forces internationales

Vers une évolution possible

Le présent de l'Afghanistan est traversé par de terribles problèmes dont les solutions ne se trouvent pas toujours à l'intérieur de ses limites géographi-ques. La vaste et complexe frontière avec le Pakistan, la diversité ethnique et le fanatisme taliban, en plus de l'extrême pauvreté de l'ensemble, sont les éléments les plus significatifs d'une équation à résolution complexe. D'un autre côté, la société afghane -tribale, fragmentée et sans une réelle opinion publique- commence à être contraire à la présence des forces internationales, tant de la Coalition que de l'IsAF. Il convient de signaler que c'est à certaines occasions le propre gouvernement afghan, avec son incapacité à se connec-ter à sa population, le principal responsable de la perception erronée de la société concernant la mission des forces internationales. Tout ceci sans pour autant cesser d'assumer la responsabilité internationale pour les occasions qui, bien qu'étant justifiées du point de vue du légitime usage de la force, sont énormément couteuses pour l'image de la justice et de l'impartialité qui préside l'action des forces de l'IsAF et de la Coalition.

Pour tracer un schéma évolutif désirable il est nécessaire de considérer les éléments essentiels du problème: la population, la sécurité, la situation éco-nomique et la présence internationale.

En premier lieu, il y a une manifeste nécessité de gagner la volonté de la population à tout prix. Il n'existe pas de futur adéquat pour l'Afghanistan sans l'avis favorable de l'ensemble de son système social. De la même maniè-re, il ne sera possible d'obtenir l'établissement et la pacification du pays sans éradiquer la menace talibane, extrême qui ne peut être atteint uniquement au moyen de l'usage de la force. Au-delà de ce qui peut ne pas plaire à une conception démocratique de la vie en commun, il faut être réalistes et obte-nir grâce à des approximations successives que ce soit la propres société qui induise le changement des mentalités et dans les actes de ceux qui les sup-portent. Il faut intégrer le monde taliban dans la structure de l'État afghan pour que les expériences coloniales passées ne se répètent pas, avec les résultats que nous connaissons. Ceci n'empêche pas que soit toujours exercé de la part du gouvernement afghan et de la communauté internationale qu'il appuie (soutienne) l'usage légitime de la force nécessaire pour contenir, isoler et éliminer les menaces qui affectent de forme essentielle la survie du fragile modèle qui est en train de s'implémenter.

En deuxième lieu, il est nécessaire de continuer à agir à travers des fonds solidaires en bénéfice du développement et de la reconstruction du pays. Le peuple afghan doit percevoir que ses conditions générales de vie s'amélio-rent au fur et à mesure qu'il s'implique de manière directe et active dans la création et le maintien du climat de sécurité indispensable pour permettre le développement et la reconstruction.

En troisième et dernier lieu, il est nécessaire que la société afghane commence la création normalisée d'élites capables d'assumer les res-ponsabilités politiques et de gouvernement qu'un État requiert pour son fonctionnement normal. Également, il doit percevoir que la présence internationale a un horizon défini et limité de telle manière que la suffi-sance économique, politique et administrative aille de paire avec le repli des forces internationales.

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RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ

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• Mettreenrisquelaconfiance:laréforMe dusecteurdelasécuritédanslarégion ARAbE

Arnold Luethold

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Volkan Aytar

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Gemma Collantes Celador

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Arnold Luethold

Responsable de la division pour l’Afrique et le Moyen-Orient, Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF), Genève

P lutôt qu’un effort technique, la réforme du secteur de la sécurité représente un processus politique et social complexe. La seule réorganisation et restructuration des forces de sécurité ne provoquera

pas l’apparition d’acteurs compétents en matière de sécurité et de justice dans la région arabe. Le résultat ne sera pas obtenu, non plus, uniquement à travers la formation ou l’équipement. Le surgissement d’organisations de sécurité et de justice légitimes et effectives dépend d’une large série d’efforts interconnectés et qui se renforcent mutuellement. Les organisations de sécurité et de justice ne peuvent pas jouer un rôle important si elles ne comptent pas avec les capacités techniques ou l’équipement approprié, mais leur pouvoir réel émane de la confiance et du soutien populaire. Et ce, de son côté, exige un processus politique approprié contribuant à développer et a renforcer la légitimité de ces organisations.

Ainsi, dans le langage de l’OCDE, « la réforme du secteur de la sécu-rité » implique la mise en place d’une gouvernance effective, un système de supervision et de transparence, pour que les forces de sécurité et les autorités politiques, qui contrôlent et supervisent celles-ci, puissent opérer conformément aux règles démocratiques et dans le cadre d’un État de droit1. C’est ainsi que le secteur de la sécurité bénéficiera de la légitimité aux yeux des citoyens. Ces mesures ont des conséquences pratiques pour l’aide internationale, et l’une des plus importantes serait peut-être le fait que la réforme du secteur de la sécurité ne peut pas être dissociée de la démocratisation.

Cependant, le gros de l’aide technique destinée à ce que l’on appelle la réforme du secteur de la sécurité dans la région arabe ne représente pas la réforme de la sécurité, telle que définie par les ministres de dévelop-pement de l’OCDE. Celle-ci décrit plutôt un groupe d’activités à partir desquelles les forces sélectionnées reçoivent équipement et formation. Trop souvent, cette aide est conditionnée d’avantage par des intérêts externes de sécurité, généralement les intérêts sécuritaires des dona-teurs, que par les intérêts des sociétés des pays qui perçoivent cette aide. La sécurité externe typique comprend l’obtention de soutien et la participation dans la lutte contre le terrorisme, dirigée par Occident, la protection de l’extraction et du transport des ressources naturelles, la promotion et la protection des intérêts commerciaux, la lutte contre l’immigration illégale et le trafic de drogues ou le maintien de certains

Mettreenrisquelaconfiance : laréforMedu secteurdelasécuritédanslarégionaraBe

Le surgissement d’organisations de sécurité et de justice légitimes et effectives dépend d’une large série d’efforts interconnectés et qui se renforcent mutuellement

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METTRE EN RISQUE LA CONFIANCE : LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ DANS LA RÉGION ARABE

Travailler pour une réforme durable, qui bénéficierait toutes les parties, devrait passer par mettre d’avantage l’accent sur les nécessité de sécurité des citoyens

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groupes ou personnes au pouvoir et la contention de l’influence d’ac-teurs non désirés. Au niveau militaire, l’interopérabilité de forces et de systèmes se présente également comme un important catalyseur de réformes techniques.

Dans la région arabe, la plupart des activités cataloguées comme « aide à la réforme du secteur de la sécurité » son axées autour de la défense et la sécurité des forces de sécurité (forces armées, police, services d’intelligence, etc.) en tant que bénéficiaires, et rarement autour du secteur de sécurité dans son ensemble, lequel comprendrait également les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que d’autres acteurs de contrôle moins formels (par exemple, les organisations de la société civile et les médias). L’aide internationale se développe en général à travers les relations entre forces de sécurité, y compris l’armée, la police et les officiers des services d’intelligence. Ceci entraîne un intérêt limité dans le cadre institutionnel et légal plus large, ainsi qu’une tendance à « sécuriser » les aspects civils. Si bien cette approche peut conduire à la transformation de l’appareil sécuritaire, en général elle ne parvient pas à avoir un impact sur les attentes normatives de la réforme du secteur de la sécurité, lequel comprendrait normalement une plus grande trans-parence et responsabilité des organisations de sécurité et justice et une légitimité démocratique accrue.

Les possibilités de maintenir ces réformes dans des sociétés qui perçoi-vent un maigre bénéfice direct de celles-ci sont réduites et, dans certains cas, comme dans les territoires palestiniens, pratiquement inexistantes. Travailler pour une réforme durable, qui bénéficierait toutes les parties, devrait passer par mettre d’avantage l’accent sur les nécessité de sécu-rité des citoyens, y compris leur désir pour que des forces de sécurité professionnelles soient contrôlées efficacement pour l’Exécutif et ren-dent des comptes au Parlement et pour que le pouvoir judiciaire et les organisations de la société civile puissent exercer également un certain contrôle informel sur ces forces. Beaucoup de citoyens de la région arabe considèrent que les principaux objectifs de la réforme doivent être la réduction de la corruption et le népotisme et un plus grand respect des Droits de l’Homme, notamment au sein de l’appareil sécuritaire.

Comprendre l’appropriation de la réforme du secteur de la sécurité est un point important. Cet aspect est en relation avec la question de l’inclusion politique et sociale dans la formulation de politiques et le processus de prise de décisions dans les sociétés : Quelle est la vision de la réforme ? Cette vision adresse-t-elle les nécessités de sécurité de tous les citoyens ou uniquement de certains ? Les citoyens soutiennent-ils la vision, les objectifs et les stratégies et ont-ils la possibilité d’influencer les décisions ? Qui est-ce qui définit quels sont les problèmes que la réforme doit adresser ? La prise de décisions suit-elle la voie appropriée ou est-ce que certains groupes ont plus de pouvoir pour influencer les résultats ? Les acteurs externes imposent-ils leur vision de la réforme ou participent-ils plutôt à un processus de réforme authentique reflétant le désir des citoyens ?

Par exemple, l’initiative occidentale de former et d’équiper la Garde présidentielle et les Forces de la Sécurité nationale dans les territoires palestiniens pour contrecarrer le Gouvernement de Hamas a eu quatre

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145 ARNOLD LUETHOLD

résultats importants : (1) L’établissement d’une nouvelle organisation de sécurité hors de tout contrôle gouvernemental ou parlementaire, ce qui s’oppose aux objectifs de la réforme du secteur de la sécurité, notamment un secteur de la sécurité démocratiquement responsable et légitime. (2) L’exacerbation de la tension entre Hamas et Fatah. Beaucoup considèrent que les affrontements sanglants de 2007, qui ont abouti à la prise de contrôle de la Bande de Gaza par Hamas, sont la conséquence directe de cette politique. (3) Le processus institutionnel approprié a été reléguée, notamment en ce qui concerne la distribution de ressources, le contrôle stratégique et opérationnel et les procédures de responsabilité qui ont conduit à la dissolution progressive des institutions. Par conséquent, ceci a accéléré la décomposition du contrôle central et la fragmentation du pouvoir politique. (4) Finalement, elle a également miné la crédibilité en ce qui concerne l’engagement des donateurs. Lors d’une enquête réalisée en 2007, le conseil et l’assistance en matière de gouvernance du secteur de la sécurité fournis par les États-Unis et Canada n’inspiraient pas de la confiance à 84% des Palestiniens, dans le même domaine, 69% n’avait pas confiance en Europe2.

Du point de vue du développement, la réforme du secteur de la sécurité, bâtie sur une conception dure de la sécurité, sans tenir compte de l’importance du développement politique pour aboutir à une stabilité à long terme, fait partie du problème et non pas de la solution. Des groupes sociaux différents peuvent ne pas être d’accord sur l’orientation de leurs politiques, mais ces différences doivent être acceptées et discutées comme faisant partie du processus de négociation politique, contribuant à préparer le consensus et l’engagement nécessaire pour aboutir à des solutions durables.

Différents pays occidentaux, par exemple, ont offert leur soutien aux partis politiques libanais qui demandaient le désarmement de Hezbollah, apparemment comme mesure pour renforcer l’État. De son côté, Hezbollah a insisté sur le fait que les institutions de l’État, auxquelles les groupes armés libanais devaient rendre les armes, n’étaient pas suffisamment développées et n’avaient pas de légitimité. Des doutes sur le fait que le désarmement pourrait concerner uniquement certains des groupes armés libanais ont également surgi. Par conséquent, Hezbollah a défendu l’idée qu’il était nécessaire de donner la priorité au développement institutionnel plutôt qu’au désarmement. Ceci illustre bien comment plusieurs acteurs libanais percevaient de différente façon les menaces et la séquence nécessaire de la réforme. A moins que ces différences ne soient reconnues et adressées de manière appropriée, la réforme du secteur de la sécurité aura des difficultés pour avancer.

En raison de l’incertitude en termes de résultats, dans la pratique, sou-vent, le processus démocratique ne constitue pas une des principales priorités. Des parlements plus autoritaires, comme l’Assemblée nationale de Kuwait, peuvent ajourner ou refuser la ratification de traités inter-nationaux. Ainsi, en raison de ce qui leur convient le mieux et afin de préserver leurs propres intérêts, certains pays donateurs préfèrent voir la réforme du secteur de la sécurité dans les pays arabes dans les mains de l’Exécutif et exprimer leur soutien aux mécanismes de supervision et de contrôle sans proposer une mesure concrète quelconque.

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METTRE EN RISQUE LA CONFIANCE : LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ DANS LA RÉGION ARABE

Dans le long terme, aussi bien les pays récepteurs que les pays donateurs bénéficieront de cette insistance renforcée sur le développement de la gouvernance

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Cependant, le succès de la réforme du secteur de la sécurité dépend de son acceptation dans la société en général. Lorsque les valeurs sociales, les intérêts et le pouvoir sont impliqués, les aspects de procédure, comme la représentation et la participation des acteurs impliqués, sont importants et ce serait une erreur de croire que la réforme peut être isolée de la politique.

Dans le long terme, aussi bien les pays récepteurs que les pays donateurs bénéficieront de cette insistance renforcée sur le développement de la gouvernance, puisqu’une plus grande responsabilité envers les nécessi-tés des citoyens conduira a une durabilité accrue. Dans la région arabe, cette politique d’aide doit porter une attention particulière à:

•Promouvoir l’inclusion politique et sociale dans le monde arabe, sans exception, en encourageant la participation des acteurs impliqués de manière générale dans la discussion sur les cadres légal et normatif, ainsi que dans les débats politiques ;

•Soutenir et contribuer au développement du dialogue de la politique de sécurité nationale dans le but de faciliter le consensus par rapport à une vision de la sécurité partagée par la société ;

•Promouvoir le processus de prise de décisions de la réforme du secteur de la sécurité à travers le processus institutionnel habituel ;

•Promouvoir et contribuer au développement d’institutions de contrôle effectif et de supervision dans le but de rapprocher la sécurité et la justice aux citoyens ;

•Renforcer la transparence et la responsabilité en ce qui concerne la gouvernance et la réforme du secteur de la sécurité en contribuant au développement d’une culture de la transparence et du respect des Droits de l’Homme en promouvant la légitimité des acteurs nationaux ;

•Promouvoir et encourager le développement de capacités de super-vision informelles permettant aux organisations de la société civile et aux médias de participer aux débats nationaux sur la sécurité ;

Bien que certaines agences donatrices aient incorporé des politiques sur ces sujets, leur implantation est encore peu systématique, lente, infra-dotée et souvent inconsistante avec les politiques et les pratiques d’autres agences gouvernementales du même pays. Afin que la réforme du secteur de la sécurité puisse avancer dans la région arabe, les dona-teurs doivent reconsidérer leur disposition à prendre des risques et à faire d’avantage confiance aux citoyens arabes.

Notes

1. Voir OECD DAC Handbook on Security System Reform, Supporting Security and Justice (OECD, 2007), p. 23f.

2. Roland Friedrich, Arnold Luethold, Luigi de Martino, Government Change and Security Sector Governance: Palestinian Public Perceptions, Summary Report, 3 août 2007, (Genève: DCAF-IUED), pp. 25-26. Disponible sur: http://www.dcaf.ch/mena/Palestine_Sec_ Perceptions.pdf.

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Volkan Aytar

Program Officer. Programme démocratización Turkish Economic and Social Studies Foundation (TESEV), Istanbul

Le Lourd siLence et des voix émergentes : vigiLance démocratique sur Le secteur de La sécurité et Le rôLe de La société civiLe en turquie

En tant qu’héritière d’un empire mondial en désintégration, la République de Turquie s’est constituée entre une combinaison de nouveaux espoirs et de craintes longitudinales. Confrontée au

double impact de la progression des nationalismes ethniques et à des dynamiques, règles et applications de la diplomatie mondiale changean-tes, les élites étatiques réformistes de la dernière période ottomane ont dû avancer entre l’équilibre des nécessités d’un nouvel ordre mondial émergent et en voie de la consolidation et le maintien de ce qui restait d’un empire autrefois glorieux.

Le bagage de l’Histoire : Négociation entre l’État et la société en matière de sécurité et de droits

On peut affirmer que les mouvements constants de la population, fonda-mentalement de groupes musulmans éloignés des États-nations chrétiens récemment établis, vers le noyau d’un empire en déclin ont contribué au développement d’une nouvelle typologie de négociation entre l’État et les citoyens de l’empire. Cette négociation est fondée sur la loyauté envers un appareil étatique protectif et sur la soumission passive à ses règles. De cette relation surgissait un échange de droits et libertés contre défense et sécurité.

Instituée sur cette négociation, et exposée à l’intrusion hostile, la nouvelle république a essayé de maintenir sa cohésion territoriale et son homogénéité à travers une combinaison de mandat adminis-tratif/coercitif et de socialisation politique massive. Conscients de la nécessité d’encourager la loyauté dans un pays peuplé d’immigrants et de groupes belligérants, la nouvelle élite républicaine a poussé la négociation précédente vers un nouveau niveau supérieur, au moyen de l’institutionnalisation de la citoyenneté républicaine comme une application concrète de l’échange de droits et libertés contre défense et sécurité.

En analysant ce processus à partir d’un point de vue différent, mais lié, Aydın révèle que « le fait que la démographie de l’Empire ottoman/République de Turquie soit configurée par des vagues migratoires com-plexes, entrelacées et successives, ainsi que par ses traumas résultants,

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LE LOURD SILENCE ET DES VOIX ÉMERGENTES : VIGILANCE DÉMOCRATIQUE SUR LE SECTEUR DE LA SÉCURITÉ ET LE RÔLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE EN TURQUIE•

La Turquie est devenue membre de l’OTAN avec une armée forte et socialement populaire

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constitue un des principaux facteurs qui expliquent l’asymétrie entre l’État et le citoyen »1. Aydın souligne également que « la relation entre le citoyen et l’État est déterminée par une perception duale de l’expec-tative par rapport à la ‘crainte’ et la nécessité de ‘sécurité’, tandis que l’État est perçu et conceptualisé comme un corps représentant le rôle d’un patriarche »2. Dans la mentalité populaire turque, la valeur des droits de la citoyenneté n’est pas encore établie au même niveau que les perceptions bureaucratiques prolongées. Les attitudes longitudina-les sont encore au service du modèle asymétrique d’État tout-puissant et de citoyen passif3. Ainsi, la place spécifique de la citoyenneté a été strictement définie en fonction des nécessités et des attentes de l’État, et les droits des citoyens ont été « garantis » du haut vers le bas.

Sécuritisation de l’État et de la société

Une relation déséquilibrée entre l’État et la société s’est superposée aux développements géopolitiques et de politique interne qui ont exacerbé encore plus l’érosion des droits des citoyens et a établi les conditions propices pour une relation asymétrique entre civils et militaires, en met-tant l’accent en particulier sur le discours de la sécurité de l’État. Cela a « sécurisé » effectivement l’État et l’ensemble de la société. Aidée par un contexte international permissif, marqué notamment par la Guerre froide (où « l’autoritarisme » pro-occidental était préféré au « totalita-risme » soviétique et où les droits des citoyens pouvaient être facilement abandonnés ou réduits au profit de la sécurité de l’État ou celle de ses alliés), la Turquie est devenue membre de l’OTAN avec une armée forte et socialement populaire. Dans ce sens là, la relation et l’impact prolongé des Forces armées turques (Türk Silahlı Kuvvetleri – TSK) a joué un rôle majeur.

Dans son rôle auto-assigné de « protecteur de la République », le TSK a exercé un pouvoir considérable dans la définition des limites strictes des nécessités de l’État en matière de sécurité et défense, perçus comme étant « naturellement » par-dessus la politique et, par conséquent, comme des affaires de nature « supérieure » que les gou-vernements élus, et encore moins les citoyens, ne pouvaient débattre ou modifier. En revenant sur l’idée d’Aydın de séparation entre l’État et le gouvernement, le premier se trouve dans le domaine de l’armée et des élites bureaucratiques qui établissent l’agenda en matière de sécurité et défense. Le deuxième se trouve sous l’autorité d’hommes politiques civils « peu fiables » (et majoritairement corrompus) qui doi-vent être dirigés pour apposer leur signature sur des décisions qui ont déjà été prises.

Dans ce contexte, l’expérience avec la démocratie à multiples partis a subi un revers avec les interventions militaires (les coups d’État, manifestes ou échoués de 1960, 1971 et 1980 ainsi que le coup « postmoderne » de 1997) et avec la mobilisation constante d’un discours politique dominant de sécurité et défense. Ce discours, adopté en grande mesure par une partie importante des masses, et à peine mis en question au sein du système d’états mondial, laissait peu d’espace au développement d’une véritable conscience citoyenne.

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Le modèle d’organisation politique de Turquie, centré sur l’État, a entravé d’une manière importante le développement de la société

Terrain mouvant : Un contexte changeant en matière de droits et de sécurité

Avec la fin de la Guerre Froide, dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, et à travers l’expérience turque de démocratie pluraliste la plus récente depuis 1980, le scénario de sécurité et défense, ainsi que le discours et l’implantation des droits des citoyens ont changé significative-ment. Tout d’abord, la Turquie a perdu sa position antérieure de bastion contre le pacte communiste et s’est vue submergée dans un monde de plus en plus chaotique et complexe et dans un contexte régional marqué par le malaise social et les violents conflits enflammés dans les sud-est et l’est d’Anatolie.

Deuxièmement, à nouveau sur le plan international, la séparation clas-sique entre défense et sécurité ou entre sécurité extérieure et intérieure s’est rapidement évanouie. Troisièmement, depuis les attaques du 11 septembre 2001, le terrorisme international a progressivement adopté un visage plus menaçant, ce qui, avec l’invasion d’Irak par les Alliés, a donné une dimension encore plus complexe et chaotique aux conceptions, per-ceptions et solutions aux problèmes sécuritaires.

Quatrièmement, en Turquie, le double impact des demandes sociales croissantes pour une démocratisation plus poussée et la mise du pays sur l’incorporation à l’Union européenne ont conduit à de nombreuses réformes démocratiques et changements, y compris des changements législatifs significatifs et dans les pratiques administratives, ainsi qu’à l’ouverture du discours de la citoyenneté démocratique. La mise de l’in-corporation de Turquie à l’Union européenne a bénéficié d’une volonté politique constante, ainsi que de la progression de demandes sociales pour une démocratisation plus poussée.

Le développement de la société civile depuis 1980

On peut dire que le modèle d’organisation politique de Turquie, centré sur l’État, a entravé d’une manière importante le développement de la société. Dans ce sens, le rôle des coups d’état militaires mérite une atten-tion spéciale. Ünlü affirme que « avec le coup d’état du 27 mai 1960 et le ‘mémorandum’ de l’armée du 12 mars 1971 (muhtıra), le coup d’état du 12 septembre 1980 –qui a entraîné le dysfonctionnement des organisa-tions, fondations et associations de la société civile et des structures de la démocratie les plus institutionnalisées et organisées, comme les médias et le Parlement– a continué à se faire sentir à travers son effet sur la société civile et la Constitution de 1982 »4. Avec le coup d’état du 12 septembre, toutes les ONG et les partis politiques ont été abrogés et leurs propriétés confisquées. Au total, 23.667 organisations ont été clôturées.5

Avec le coup d’état, le dynamisme social et organisationnel, datant des années soixante, s’est interrompu brusquement. On pourrait affirmer que l’objectif principal de la junte a été d’atomiser la société à travers la politique de « l’antipolitique », en faisant taire le débat social et les dis-cussions ainsi que les voix diverses de la société. Finalement, le coup du 12 septembre a conduit à un des niveaux les plus élevés de sécuritisation de l’État et de la société.

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Malgré le prix élevé qui a été payé, le coup du 12 septembre a ouvert la voie à un nouveau dynamisme social. Dès le début des années qua-tre-vingt, des organisations regroupant les victimes du coup d’état ont été constituées. Ünlü cite parmi ces organisations l’Association d’aide aux familles des prisonniers (Tutuklu Hükümlü Aileleri yardımlaşma Derneği TAyAD), constituée en 1984, l’Association d’aide à la Fédération de familles de prisonniers (Tutuklu Aileleri Dayanışma Dernekleri Federasyonu, TUHAD-FED) et l’Association de soutien aux familles des prisonniers (Tutuklu Aileleriyle yardımlaşma Derneği, TAyDER)6.

Une autre organisation importante qui a surgi, l’Association des droits de l’homme, (Insan Hakları Derneği, IHD), a fait preuve d’une grande visibi-lité, continuité et impact par rapport à d’autres organisations précédentes ayant moins d’influence, à l’exception des Mères du samedi (Cumartesi Anneleri), un groupe informel d’activistes regroupant les victimes du coup d’état, les familles des disparus, les prisonniers politiques et autres personnes concernées. Les Mères du samedi sont devenues un symbole avec leurs mani-festations les samedis face à l’institut de Galatasaray à Beyoğlu, Istanbul.

Tandis que leurs manifestations de proteste étaient souvent dissoutes violemment par la force, son style créatif et coloriste, rappelant parfois les Mères de la Plaza de Mayo à Buenos Aires, Argentine, est devenu un modèle à suivre par des groupes similaires, y compris certains groupes d’idéologie contraire. Des femmes musulmanes, couvertes avec leur foulard, des féministes, des gays et des lesbiennes, des activistes d’ex-trême gauche et des Kurdes, même certains groupes nationalistes ont joint le type d’activisme des Mères du samedi pour attirer l’attention sur leurs revendications. Même un groupe dénommé les Mères du vendredi (Cuma Anneleri), regroupant les familles nationalistes des membres des forces de sécurité turques morts ou blessés dans la lutte contre le sépa-ratisme du Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkêren Kurdistan, PKK), s’est lancé dans la rue brièvement de cette façon.

Plus tard, l’établissement de l’Association pour les droits de l’homme et la solidarité avec les oppressés (Insan Hakları ve Mazlumlar için Dayanışma Derneği, Mazlum-Der) a introduit une diversité salutaire au panorama de la défense des droits de l’homme. Tandis que l’IHD se situait vers la gauche, le Mazlum-Der était connu par sa proximité aux sensibilités « religieuses ». Malgré leurs différences, l’IHD et le Mazlu-Der se sont mis d’accord pour coopérer à de nombreuses affaires afin de faire face aux abus contre les droits des citoyens. Étant donné que cette tradition de coopération était significativement limitée en Turquie, le travail de l’IHD et de Mazlum-DER s’est présenté comme une initiative absolument novatrice. En fait, le dis-cours de l’État et des moyens de communication officialistes a qualifié ces deux organisations de « dangereuses », en les accusant même d’être des fronts légaux pour le séparatisme et les activités insidieuses.

La « parenthèse » Susurluk : Un défi pour l’obscur appareil de « sécurité »

Un accident de circulation près du district de Susurluk, à Balıkesir, le 3 novembre 1996, a marqué le début d’un dynamisme civil inouï dans l’his-toire de la République. Lors de cet accident, le chef de la police Hüseyin

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L’accident de Susurluk a déclenché le dynamisme civil de la société cherchant à dévoiler les obscurs réseaux au sein de l’État et de l’appareil de sécurité

Kocadağ, un criminel de l’extrême droite condamné qui avait fuit, Abdullah Çatlı, et sa fiancée ont été assassinés. Le député Sedat Bucal, du parti de centre gauche Parti de la juste voie (Doğru Yol Partisi, DyP), parte-naire à l’époque de la coalition au gouvernement, a été blessé. Dans cet « étrange accident », on a découvert que Çatlı –qui avait été condamné par l’assassinat de onze activistes du parti d’extrême gauche, Parti du tra-vail turc (Türkiye İşçi Partisi, TİP) avant le coup d’état militaire- portait un passeport diplomatique issu sous un nom faux et qu’il voyageait avec le chef de la police en service actif et avec un député kurde (de la coalition au Gouvernement) connu pour avoir participé à des activités antiterroristes dans le sud-est de l’Anatolie contre le PKK en tant que chef (ağa) tribal pro-gouvernemental et leader de la garde du village (köy korucusu), une force de sécurité paramilitaire créée par l’État au début des années quatre-vingt7.

L’accident a commencé à révéler les réseaux et les connexions de ce que l’on a désigné à partir de ce moment comme « l’État profond » (derin devlet), des groupes et des personnes impliqués dans des activités obs-cures partiellement soutenues par des factions au sein de la bureaucratie de l’État et de l’appareil de sécurité. Ces réseaux ont été impliqués, sup-posément, dans l’exercice d’une « guerre informelle » –illustrée par les morts extra judiciaires et une série d’assassinats– contre des militants de l’Armée secrète arménienne pour la libération d’Arménie (ASALA), notamment active vers la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, provoquant la mort et blessant maints diploma-tes turcs en Europe, aux États-Unis et dans d’autres pays pour forcer la Turquie à accepter le « génocide arménien » de 1915.

« L’État profond » et ses divers opératifs auraient été également impli-qués dans la lutte « informelle » contre des supposés militants et sympathisants du PKK, seigneurs de la drogue kurdes, leaders tribaux antiétatiques et chefs de la mafia suspects de financer le PKK. Certaines formations de cet « État profond » auraient travaillé également en collaboration avec l’obscure Police de l’intelligence et l’Organisation anti-terroriste (Jandarma İstihbarat ve Terörle Mücadele Teşkilatı, JİTEM), dont l’existence a été démentie avec véhémence par le Gouvernement et l’ar-mée8. JİTEM a été suspecte d’avoir employé des méthodes « sales » dans la lutte contre les militants et les sympathisants du PKK.

L’accident de Susurluk a déclenché le dynamisme civil de la société cherchant à dévoiler les obscurs réseaux au sein de l’État et de l’appareil de sécurité et de protester contre la passivité et le silence de la coalition gouvernementale qui tentait de minimiser la magnitude de l’accident. L’activisme post-Susurluk a surgi comme un important défi de la société civile face au pouvoir sans contrôle du secteur de la sécurité en Turquie et a marqué le début d’une vague de revendications réclamant la nécessité d’une vigilance civile et démocratique accrue et l’établissement de mécanismes de surveillance sur le secteur de la sécurité. La campagne « une minute d’obscurité pour l’avè-nement de la lumière permanente » a été soutenue par un nombre élevé de citoyens qui ont intégré des protestations de différent signe.

Cependant, le dynamisme post-Susurluk s’est bientôt centré unique-ment contre le Gouvernement Refahyol9, suspect d’avoir mené une campagne « insidieuse » pour miner les racines séculaires du régime. En fait, Refahyol s’est vu forcé à abandonner le pouvoir suite à ce que l’on

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Ces changements formels et législatifs, ainsi que le processus d’adhésion à l’UE, ont été correspondus par la demande sociale généralisée pour avancer vers la démocratisation

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pourrait désigner comme le coup d’état militaire « postmoderne » du 28 février 1997. En détournant l’attention des obscurs réseaux de l’État et de l’appareil de sécurité, la bureaucratie civile et militaire a réussi à étouf-fer les voix critiques et a obtenu le soutien populaire pour protéger le régime d’un gouvernement très critiqué, quoique, cependant, élu. Tandis que les ONG proches à l’Islam ont été l’objet d’une sécuritisation pous-sée, les organisations séculières et de gauche ont été divisées ou mises en opposition des organisations proches à l’Islam.

L’avènement d’une nouvelle voie ? Les contributions de la société civile depuis l’an 2000

Cependant, l’évènement Susurluk avait injecté une dose salutaire de « méfiance » parmi les citoyens, de telle façon que l’État et les forces de sécurité ont perdu leur image immaculée d’autrefois et, par consé-quent, leur statut hégémonique. Tandis que certains ont conduit cette méfiance au point de produire et de diffuser plusieurs « théories de la conspiration » –lesquelles, en général, enquêtaient, diabolisaient et crimi-nalisaient certains individus et groupes, au lieu de soutenir une politique consistante de transparence et de contrôle démocratique. Certaines per-sonnes ont cru que ces obscurs et scabreux personnages ont réellement existé au sein de l’État et des forces de sécurité. Tandis que le dynamisme post-Susurluk était étouffé et redirigé vers le soutien au régime contre « l’infiltration islamiste », son influence a encore été importante dans la définition des évènements depuis 2000, notamment dans le contexte de réformes légales, administratives et sociales très importantes, unies au processus d’intégration de Turquie dans l’Union européenne.

Sur le plan informel, suite à la réforme constitutionnelle d’octobre 2001, la Grande assemblée nationale de Turquie (Türkiye Büyük Millet Meclisi – TBMM) a adopté huit « paquets d’harmonisation communautaire » entre février 2002 et mai 2004. Les huit paquets comprenaient des réformes importantes de la législation renforçant les droits des citoyens par rapport aux structures étatiques antérieures centrées sur la sécurité. Malgré de gra-ves déficiences lors de son implantation, notamment en raison de l’impact longitudinal des modes institutionnels, bureaucratiques et idéologiques demeurant dans une pensée autoritaire et centrée sur l’État, les huit paquets impliquaient un changement profond dans le système légal turc, dans les dynamiques politiques et sociales, dans les promesses réelles, dans le limi-tations potentielles et la durabilité substantielle et temporaire de ce qui sera à l’épreuve au cours des prochaines décennies. Cependant, la signification réelle des paquets de réformes doit également être évaluée en relation avec le nouveau dynamisme de la nouvelle société civile à partir de 2000.

Le « discours des droits » en hausse : une nouvelle dispute de la société civile et ses divergences

Si nous analysons les huit paquets, nous constatons une importante et significative transformation vers la démocratisation, une amélioration dans le domaine des droits des citoyens sur les structures administratives de l’État très sécurisées et une plus grande harmonie dans les relations civile-militaires (RCM) turques, alignées avec les standards démocratiques

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Les ONG ont fait de grands efforts programmatiques pour encourager la discussion de l’agenda de vigilance civile et démocratique sur le secteur de la sécurité

universels. En général, ces paquets et d’autres mesures législatives assimilées prises pour leur application impliquent un tournant vers un plus grand équilibre dans la protection des droits de l’homme et la provision de sécurité.

Nous pouvons également affirmer que ces changements formels et législatifs, ainsi que le processus d’adhésion à l’UE, ont été correspondus par la demande sociale généralisée pour avancer vers la démocratisation, avec un passé important en Turquie. Les réformes formelles dans la législation ont également ouvert la voie à une transformation importante dans le « discours des droits », à travers lequel les citoyens mettaient en question, de plus en plus, les conceptions, les réglementations et les pratiques centrées sur l’État et commençaient à réclamer leurs droits inaliénables. Ce discours des droits de l’homme s’est renforcé a tel point que, même les forces anti-UE et anti-démocratisation ont commencé à utiliser les méthodes de la société civile –accompagnées de méthodes intimidatrices comprenant des attaques physiques et verbaux, et faisant appel au service de la « vieille garde », entre autres–, afin de promouvoir leur agenda, en lançant des campagnes de demandes et en utilisant des techniques de relations publiques, entre autres. Malgré le fait que leur point de vue et la plupart de leurs méthodes sont clairement antidémocratiques et autoritaires, ces forces semblent, cependant, confier dans les opportunités d’une nouvelle atmosphère de pluralisme et de permissivité en essayant de lutter pour l’hégémonie du pays dans un sens, peut-être, gramscien.

Dans ce nouveau contexte, les ONG ont fait de grands efforts programmatiques pour encourager la discussion de l’agenda de vigilance civile et démocratique sur le secteur de la sécurité. Tandis qu’il semblait que certaines ONG pro-étatiques, comme le Centre d’études stratégiques eurasiatiques (Avrasya Stratejik Araştırmalar Merkezi, ASAM) réalisaient des activités propres d’un think tank afin d’aider le régime à « gérer » un discours de plus en plus énergique de « civilianisation » (sivilleşme) et les demandes de l’UE pour une mise en conformité plus poussée des RCM truques avec les standards européens, avec le moindre « préjudice » possible, certaines ONG libérales, comme le TESEV, ont adopté une position plus civique et critique afin non seulement de transformer les RCM mais aussi de contribuer positivement à l’agenda de contrôle civil et démocratique du secteur de la sécurité.

À la fin de 2004, l’ASAM s’est associé avec l’Istanbul Policy Center (İstanbul Politikalar Merkezi, İPM) et le Centre for European Security Studies (CESS) à Gröningen, Hollande, pour réaliser un projet sur la Gouvernance et l’armée. L’ASAM s’est retiré du projet en avril 2005, sous prétexte que le rapport final critiquait injustement l’État turc et que ses propositions n’étaient pas alignées avec les intérêts nationaux de Turquie10. Malgré le fait que les trois organisations ont continué à coopérer, il semble que leurs divergences ont éclipsé l’agenda de vigilance civile et démocratique du secteur de la sécurité.

L’objectif principal du projet « Gouvernance et armée » du CESS et de l’İPM était de démontrer comment le processus d’adhésion de Turquie à l’UE, la mise en conformité des RCM avec les standards de l’UE seraient progressivement inéluctables et que les Forces armées turques devraient arriver à la « conviction » que leurs intérêts sont mieux servis

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en s’intégrant au processus, plutôt qu’en s’isolant et en présentant résistance face à celui-ci. Dans ce sens, l’inclusion De l’ASM, tout comme son repli du projet, est symbolique compte tenu que ce think tank est proche à l’Establishment du secteur sécuritaire en général et du TSK en particulier.

En comparaison avec le projet de CESS- İPM-[ASAM], mettant l’accent exclusivement sur les RCM, le projet du TESEV « Horizons démocratiques dans le secteur de la sécurité », en partenariat avec le Centre for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF) est un effort multidisciplinaire ayant comme point de départ le concept de Réforme du secteur de la sécurité (SSR) dans son ensemble et l’agenda de vigilance civile et démocratique du secteur de la sécurité. Le TESEV et le DCAF ne font pas seulement une critique de la problématique des RCM, mais focalisent surtout sur l’assistance aux réformes de toutes les institutions du secteur de la sécurité, depuis le TSK jusqu’aux forces de la police, la gendarmerie et les gardes du village, depuis la sécurité privée aux organisations d’intelligence. Il se différencie également du projet du CESS-İPM-[ASAM], car celui du TESEV et du DCAF élargit son public objectif et inclut les membres du Parlement, les moyens de communication et la société civile en général11. Dans ce sens, l’objectif de leur projet est de contribuer à mettre en marche et soutenir les efforts civils de construction de capacités.

Conclusions

En Turquie il a toujours été difficile de débattre en matière de sécurité et de faire avancer l’agenda de vigilance civile et démocratique du secteur de la sécurité. Compte tenu des discussions précédentes sur la « sainteté » de l’État et la « négociation » entre l’État et la société en relation avec l’équilibre entre sécurité et droits, le fait même d’adresser ce thème était considéré come une « trahison nationale ». Historiquement, les associations des droits de l’homme ont fait face à de nombreuses pressions et difficultés, même au stigmate social, et ont dû lutter contre les accusations d’avoir un « agenda caché » visant à démoraliser les forces de sécurité turques et à miner les racines séculaires et républicaines du régime.

Malgré les progrès positifs vers le dynamisme de la société civile depuis 1996, et avec une force renouvelé depuis 2000, les ONG continuent à faire face à des mesures administratives, des affaires judiciaires et des attaques nationalistes, entre autres. Tandis qu’à partir de 2000 le discours sur la démocratisation a pris un élan considérable, les évènements de 2005, comme le scandale Şemdinli (révélant la persistance de formations et de réseaux de « l’État profond », notamment au sud-est d’Anatolie), la modification de « re-sécurisation » de la Loi anti-terroriste et les réactions violentes des nationalistes sont suffisamment alarmantes pour mettre en relief le fait que la vague de démocratisation et l’agenda de vigilance civile et démocratique sur le secteur de la sécurité sont des contributions nécessaires pour la transformation non seulement de la législation et des pratiques administratives, mais aussi de la mentalité qui demeure encore et qui perçoit l’État comme un élément « sacré » et considère inévitable la négociation entre sécurité et droits.

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Notes

1. Cf. S. Aydın, “Amacımız Devletin Bekası”: Demokratikleşme Sürecinde Devlet ve Yurttaşlar, TESEV Publications: Istanbul, 2005, p.8. Pour un résumé en anglais, cf. : http://www.tesev.org.tr/eng/events/ndemoc_axis_state.php.

2. Aydın, ibid, p. 8.3. Cependant, il faut considérer que ce puissant modèle mental éclipse en grande mesure la richesse des

réalités sociales de Turquie. Aydın, par exemple, se manifeste contre ces « suppositions simplistes qui plaignent les citoyens sans défense contre un État oppressif », en montrant que « dans une réalité très complexe, les mentalités construites administrativement sont très intériorisées, fonctionnalisées et opérationnalisées par les citoyens ». Aydın, ibid, p. 8.

4. F. Ünlü, “Non Governmental Organisations”, in Ü. Cizre (ed.) Almanac Turkey 2005: Security Sector and Democratic Oversight, DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, TESEV Publications: Istanbul, 2006, p. 190.

5. Ünlü offre ci-dessous des données illustrant l’impact social du coup militaire du 12 septembre 1980 :« Nombre de personnes registrées : 1.683.000. Nombre de jugements et personnes jugées : 230.000 personnes au cours de 210.000 jugements. Nombre de peines de mort dictées et exécutées : 517 personnes ont été condamnées à mort, 50 exécutées. Nombre de personnes dont la citoyenneté a été révoquée : 14.000. Nombre de morts certifiées dues à la torture : 171 personnes ». D’autre part, les journaux n’ont pas pu être publiés pendant 300 jours et de nombreux cas de torture et de morts suspects se sont produits. F. Ünlü, “Non Governmental Organisations”, in Ü. Cizre (ed.) Almanac Turkey 2005: Security Sector and Democratic Oversight, DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, TESEV Publications: Istanbul, 2006, p. 190.Cf. <http://www.memursen.org.tr/haberioku.asp?kategori=1&id=173>.

6. Aydın, ibid, p. 191.7. Pour un document et discussion sur le système de la garde du village, cf. E. Bese « Temporary Village

Guards » in Ü. Cizre (ed.) Almanac Turkey 2005: Security Sector and Democratic Oversight, DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, TESEV Publications: Istanbul, 2006, pp. 138-147.

8. Pour une discussion sur ce sujet, voir E. Bese, “Intelligence Activities of the Gendarmerie Corps (JİTEM-JİT),” in Ü. Cizre (ed.) Almanac Turkey 2005: Security Sector and Democratic Oversight, DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, TESEV Publications: Istanbul, 2006, pp. 172-189.

9. Nom composé pour faire référence à la coalition gouvernementale du parti proche à l’Islam, Parti du bienêtre (Refah Partisi, RP) et le parti de centre droite Parti de la juste voie (Doğru Yol Partisi, DyP).

10. Cf. URL : http://www.cess.org/publications/harmoniepapers/pdfs/HarmoniePaper19.pdf.11. Pour plus de détails sur le projet du TESEV-DCAF, cf.

URL : http://www.tesev.org.tr/eng/events/democ_hor.php. Pour une comparaison des deux projets, cf. F. Ünlü, “Non Governmental Organisations,” in Ü. Cizre (ed.) Almanac Turkey 2005: Security Sector and Democratic Oversight, DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, TESEV Publications: Istanbul, 2006, pp. 193-198.

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157

La SSR problèmes pressants, qui vont de la réduction de la pauvreté au développement durable

Une version plus résumée de ce

chapitre a été insérée dans le

document EuroMeSco du mois de

janvier 2008 (nº 66) portant sur les

leçons des processus des réformes

policières entreprises en Turquie et à

la Palestine dans le développement

de la SSR de l’UE en Méditerranée.

Une grande partie de ce document

procède des entretiens tenus à

Bruxelles avec des professionnels

et des experts de l’UE (y compris les

représentants des États membres) au

mois d’avril 2007. Pour des raisons

de confidentialité, ni leurs noms ni

leurs postes ne sont révélés. L’auteur

assume toute la responsabilité de

la teneur de ce document ainsi que

toute erreur ou omission.

Gemma Collantes Celador

Chercheuse postdoctorale. Institut Barcelona d’Estudis Internacionals (IBEI)

L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?

L e concept de la Réforme du secteur de la sécurité (SSR, en anglais), apparu publiquement pour la première fois avec le gouvernement tra-vailliste du Royaume-Uni, à la suite de sa victoire électorale en 1997,

est relativement récent1. Le discours, très souvent cité, de l’ancien Secrétaire d’état pour le Développement international du Royaume-Uni, Clare Short, au Royal College of Defence Studies de Londres en 1998, est devenu un symbole du rôle primordial que le Royaume-Uni a joué dans ce concept, et témoigne clairement son caractère de nouveauté. Short a fait appel à « une association entre la communauté de développement et l’armée » pour aborder les « questions reliées de sécurité, développement et prévention de conflits »2. Sa déclaration différenciait effectivement l’assistance militaire et la coopération en matière de défense –souvent mentionnée comme « ancien-ne diplomatie de défense »– caractéristique de l’époque du colonialisme européen et de la Guerre Froide. Autrement dit, l’assistance technique avait pour objectif le renforcement des forces armées et de sécurité des pays alliés sans envisager la dimension de gouvernance, y compris la responsabilité démocratique de ces forces3.

Le développement de la SSR, en tant que domaine d’étude et de pratique, a été influencé par de nombreuses tendances. Celles-ci com-prennent le réexamen des concepts de sécurité reliés à la Guerre Froide au profit de définitions fondées sur les citoyens, en vigueur depuis la fin des années quatre-vingt en Afrique, en Asie, en Amérique Latine; sur les « nouvelles guerres» des années quatre-vingt-dix, d’après la terminologie de Mary Kaldor; et plus récemment, sur les conséquences du 11 septem-bre 20014. Par conséquent, la SSR est actuellement reliée à de nombreux problèmes pressants, qui vont de la réduction de la pauvreté au déve-loppement durable, à la gouvernance et à l’atténuation/règlement de conflits5. La SSR a élargi sa portée, en passant de l’approche initiale, plus limitée au secteur de la défense, à l’inclusion d’autres agents de sécurité ainsi que de nouveaux aspects concernant la justice, le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) ; et la prolifération des armes légères et de petit calibre.

En raison des changements de la portée du SSR, ce concept occupe une position prééminente dans l’agenda politique des principaux acteurs

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L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?•

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internationaux, parmi lesquels les États particuliers (tels que le Royaume-Uni ou la Hollande) qui ont développé des politiques spéciales ou des approches gouvernementales exhaustives pour la SSR ou pour les insti-tutions internationales comme l’OCDE, l’ONU et l’UE. L’ONU et l’UE sont allées un peu plus loin ces dernières années en produisant des concepts politiques en l’institutionnalisant leurs efforts dans ce domaine, en recherchant une cohérence, exhaustivité et coordination renforcées. La Banque Mondiale, elle-même, a succombé, bien que plus timidement que d’autres institutions, à la nécessité d’incorporer des politiques reliées à la sécurité.

Ce chapitre est axé sur l’étude des réponses institutionnelles face au caractère multidimensionnel de la SSR. Il présentera une analyse des efforts de l’UE pour perfectionner son action dans ce domaine, en se centrant sur deux documents récents de conception politique. L’accent sera mis sur les synergies et sur les caractéristiques principales des docu-ments, en utilisant l’exemple de l’assistance à la police pour illustrer la disposition de l’Union à s’engager activement dans le domaine de la SSR. Dans ce sens, l’article s’aligne avec les académiciens qui signalent «l’existence d’une division ‘conceptuelle-contextuelle’ entre les objectifs déclarés de la SSR et sa mise en œuvre réelle »6.

Les concepts de l’UE de SSR : Quoi, où et quand ?

Il existe deux documents sur la SSR, le Concept de l’UE pour le soutien de la PESD à la réforme du secteur de la sécurité de 2005 (ci-après ‘Concept de SSR du Conseil’) et le Concept de la Communauté européenne pour le soutien à la réforme du secteur de la sécurité de 2006 (ci-après ‘Concept de SSR de la Commission’). Comme nous expliquerons par la suite dans ce chapitre, ces documents ont été regroupés sous un cadre politique commun en 2006. Ces deux concepts de SSR sont basés sur différents documents de référence de l’UE, y compris la Stratégie européenne de sécurité, qui défend une Union préparée pour entreprendre des mis-sions très variées. En outre, la réforme du secteur de sécurité, avec une approche élargie de la construction institutionnelle, est mentionnée dans le document sur la stratégie comme une des approches possibles pour répondre aux objectifs de l’UE, en incluant la prévention et/ou le règle-ment de conflits violents, la lutte contre le terrorisme et la fragilité des États. Le document Objectif global civil 2008, approuvé par le Conseil européen de décembre 2004, expose un message similaire. Ce docu-ment fait un appel pour avancer dans des missions comme la Mission Petersberg afin d’inclure, entre autres, le soutien à la SSR et au DDR7.

Les concepts de SSR du Conseil et de la Commission ont aussi profité des efforts préalables dans ce domaine. Par exemple, à niveau straté-gique, en 2004 la Commission européenne ainsi qu’un certain nombre d’États membres de l’UE se sont largement engagés dans le dévelop-pement des directrices de la Réforme du système de la sécurité et de Gouvernance du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, en raison, en partie, de leur condition de membres de ce comité. Au niveau opérationnel, l’Union, par le biais des mécanismes du Conseil, ainsi que de la Commission, s’est déjà engagée pour un ensemble d’an-nées à la mise en œuvre de différents aspects de la SSR. La Commission,

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159 GEMMA COLLANTES CELADOR

L’évidence de l’implication du Conseil et de la Commission dans les activités reliées à la SSR semble illustrer que l’UE ne fait pas son début dans ce domaine

par exemple, a offert son soutien en matière de SSR à plus de 70 pays, grâce à ses programmes géographiques et thématiques, de l’Est de l’Eu-rope au Nord et au Sud du Caucase et en Asie Centrale, aux Balkans Occidentaux, en Afrique, aux Caraïbes et au Pacifique, dans les pays du Sud de la Méditerranée, au Moyen-Orient, en Amérique Latine et en Asie. Le soutien offert jusqu’à présent a échoué en ce qui concerne la réforme de l’application de la loi, la justice et les institutions de l’État qui travaillent dans le domaine de la gestion et du contrôle des agents de sécurité. D’autres activités ont été directement reliées au respect des droits de l’homme qui, d’après les propos de la Commission, «s’étend aussi au secteur de la sécurité et, par conséquent, touche indirectement la réforme du secteur de la sécurité »8. De plus, l’objectif de certaines des activités de la Commission était de renforcer une approche régionale de la sécurité, dont « l’impact est aussi positif sur les efforts de la SSR à l’échelle nationale »9.

Le Conseil s’est plutôt centré sur le déploiement de missions civiles et militaires dans le cadre de la PESD, en commençant en janvier 2003 avec la Mission de police de l’Union européenne en Bosnie et Herzégovine. Cependant, jusqu’à l’année 2005, ces missions ne devaient pas aborder la SSR dans son ensemble, mais des aspects particuliers du secteur de sécurité tels que les aspects purement militaires, les relations civile-mili-taires, la réforme politique, l’État de droit et la gestion des frontières10. La mission de conseil et d’aide de l’UE pour la réforme de la sécurité à la République démocratique du Congo (RDC) a rompu ce schéma. Cette mission s’est engagée avec la réintégration et la réforme de l’armée, le conseil aux autorités de sécurité en matière de bonne gouvernance et, à certaines occasions, avec les aspects concernant la réforme de la police et des douanes, ce qui a produit un chevauchement avec les Missions de police de l’UE à Kinshasa (avril 2005-juin 2007)11. Une nouvelle mission de SSR pour la Guinée Bissau est en cours de préparation et son déploie-ment est prévu pour le printemps 2008.

L’évidence existante de l’implication du Conseil et de la Commission dans les activités reliées à la SSR semble illustrer que l’UE ne fait pas son début dans ce domaine. Cependant, certains critiques soutiennent que les activités opérationnelles insérées dans les documents du Conseil et de la Commission, comme preuve de leur expérience, exigent une évaluation critique approfondie puisqu’un grand nombre ont été qualifiées à nouveau pour intégrer la SSR12. Laissant de côté cette affaire, ce qui différence ces deux documents de l’UE sur la SSR c’est leur emphase à doter l’Union d’une approche intégrale nouvelle jusqu’à présent. D’après un représentant du Conseil, « le concept de SSR n’est pas ‘nouveau’ en soi […] de nombreux États membres avaient déjà appliqué partiellement le processus de SSR […] la seule nouveauté dans cette idée est que le travail concernant la SSR doit être intégral »13. Pour parvenir à cette exhaustivité, les deux concepts de SSR ont tenté de poser les bases pour une coordination satisfaisante entre les piliers de l’UE, tout en assurant « une compréhension commune de la SSR entre les 27 États membres »14.

Les concepts de SSR du Conseil et de la Commission adoptent en grande mesure les directrices CAD de l’OCDE comme point de départ, en défi-nissant le secteur de la sécurité comme15:

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L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?•

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Un système qui comprend:

•Les acteurs principaux de sécurité: les forces armées, la police, la gen-darmerie, les forces paramilitaires, les gardes présidentiels, les services d’intelligence et de sécurité (civils et militaires), les garde-côtiers, les garde-frontières, les autorités douanières, les unités de sécurité à la réserve ou locales, (forces de défense civile, gardes nationaux, milices).

•Les corps de gestion et de contrôle de la sécurité : l’Exécutif, les orga-nes de consultation de sécurité, les législateurs et les comités spéciaux législatifs, les ministères de défense, intérieur et affaires étrangères, les autorités coutumières et traditionnelles, les organes de gestion financière, (ministères de finances, bureaux budgétaires, unités d’audit financier et de planification) et les organisations de la société civile (conseil de révision civile et commissions de plaintes publiques).

•Les institutions judiciaires et de respect de la loi : pouvoir judiciai-re, ministres de justice, prisons, enquête criminelle et services de procédure, commissions des droits de l’homme et défenseurs du peu-ple, systèmes judiciaires coutumiers et traditionnels.

• Les forces de sécurité non réglementaires, avec lesquelles les donneurs ne travaillent pas habituellement : armées de libération, guérillas, uni-tés de gardes du corps privées; compagnies de sécurité privée, milices des partis politiques16.

Les deux documents soulignent l’importance d’assurer et/ou de renforcer la responsabilité, l’efficacité et l’efficience du secteur de sécurité lorsque nous affrontons les nécessités de sécurité internes et externes, le contrô-le civil des acteurs de sécurité, la protection des normes démocratiques et les principes de bonne gouvernance, les droits de l’homme, la trans-parence et l’État de droit. Ils reconnaissent également l’importance de l’appropriation locale et des approches personnalisées pouvant assurer que l’aide de l’UE en matière de SSR est la plus adéquate pour les néces-sités de la population locale, du pays et de la région.

L’Afrique semble avoir été présente dans l’esprit des fonctionnaires du Conseil et de la Commission chargés du processus d’établir l’ébauche des deux documents de SSR et ce pour des raisons différentes : (1) des facteurs historiques, en particulier dans des pays comme le Royaume-Uni ou la France; (2) l’existence de liens forts entre l’Afrique et l’UE et sa proximité à l’Union ; (3) les problèmes pressants reliés aux conflits qui frappent ce continent et leurs effets sur l’UE sous forme de trafic de personnes et de drogues ainsi que d’immigration illégale. Cela ne signifie pourtant pas que les deux concepts aient été crées pour être appliqués en Afrique seulement. Bien au contraire, l’intention était de créer un outil global pouvant être utilisé par l’UE dans différents contextes du monde entier. En fait, lorsque nous les regroupons, les deux documents identifient un nombre de scénarios possibles pour les actions de l’UE concernant le processus SSR, qui vont d’une situation immédiate de post-conflit à un scénario dans lequel les pays sont soumis à des pro-cessus de démocratisation à long terme dans des contextes relativement stables. Les deux documents de la SSR reconnaissent que tout le contexte présente son propre ensemble de nécessités et sa combinaison d’actions du Conseil et de la Commission. Dans ce contexte, les pays du sud de la Méditerranée et les Balkans occidentaux sont deux autres régions idoines pour recevoir l’aide de l’UE en matière de SSR17. Ces deux régions font

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161 GEMMA COLLANTES CELADOR

Le DDR semble pouvoir constituer un pilier important de la SSR et il est considéré comme un élément clé pour le règlement de conflits Cependant, la SSR va plus loin que le DDR et doit être considéré comme le concept primaire

appel à l’UE car, étant donné qu’elles sont comprises dans les politiques d’élargissement et de voisinage de l’Union, l’état de leur sécurité est en ligne avec les nécessités de sécurité interne de l’UE.

Les concepts de l’UE en matière de SSR : Comment et par qui ?

Les deux concepts de SSR reprennent la proposition de l’OCDE d’établir une approche intégrale et multisectorielle visant la recherche d’ancrages entre les acteurs de la sécurité locale lors de la réalisation des activités de réforme. Et cela plutôt que se centrer sur un seul acteur, ou sur un nombre très réduit, souvent indépendants entre eux, selon la tendance des actions précédentes des donneurs. Cette recherche d’exhaustivité va plus loin dans le cas de l’UE, si nous tenons compte que le document du Conseil fait appel à l’intégration des activités de désarmement, démobili-sation et réintégration (DDR) dans le cadre de la SSR.

Le DDR semble pouvoir constituer un pilier important de la SSR et il est considéré comme un élément clé pour le règlement de conflits et la stabilité interne. Dans ces cas, la SSR exige des activités du type DDR. Cependant, la SSR va plus loin que le DDR et doit être considéré comme le concept primaire; le DDR devrait être abordé séparément, bien que de manière consistante avec le concept de SSR, en tenant compte que la Commission est particulièrement active dans le domai-ne de la réintégration18.

L’importance de cette relation a été soulignée également dans le Concept de DDR de 2006, qui a mis en évidence que le processus de DDR « devrait être considéré comme un aspect de la Réforme du secteur de la sécurité et établir son point de départ lors de l’évaluation des futu-res nécessités et structures de l’ensemble du système de sécurité, tout en reconnaissant quels aspects du DDR se maintiennent en dehors de la SSR »19. L’UE s’est impliquée dans des activités de DDR pendant très longtemps, en particulier à travers des actions de la Commission et des programmes bilatéraux des États membres. Ces antécédents ont été ren-forcés en 2005 avec la Mission d’observation d’Aceh, en Indonésie, dans le cadre de la PESD, déployée pour surveiller le désarmement des mem-bres des anciens mouvements de résistance (GAM) et le retrait progressif des troupes gouvernementales indonésiennes.

Les documents du Conseil et de la Commission en matière de SSR préci-sent également l’aide que l’UE peut fournir dans des domaines concrets, en incluant la réforme militaire, la réforme policière, la justice et l’État de droit, le secteur des frontières et des douanes, la réforme financière et monétaire du secteur de la sécurité, le fonctionnement du gouvernement et la division de responsabilités. Dans le cas de la réforme policière, par exemple, le document du Conseil spécifie que l’UE peut, entre autres, offrir son aide dans les domaines suivants:

•conseil en matière de nécessités policières ;•définition des objectifs d’une stratégie de politique policière intégrale

et stratégique, complètement intégrée dans les objectifs du secteur de Justice/État de droit ;

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L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?•

Le document Objectif global civil 2008 a doté l’UE des directrices pour le renforcement des compétences de gestion civile des crises

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•développement d’une méthodologie pour atteindre ces objectifs, y compris les facteurs critiques et de succès ainsi que leur calcul ;

•organisation du secteur policier, y compris le contrôle et l’inspection budgétaire ;

•administration, transparence et responsabilité, ainsi que contrôle politi-que ;

•formation du secteur policier dans les principes de l’action policière moderne et de la gestion de la police, y compris le respect des droits de l’homme, la législation internationale et en matière de genre ;

•guide et encadrement des forces policières dans leurs travaux quoti-diens pendant la période de transition ;

•placement d’experts au ministère national de l’intérieur pour observer et aider les autorités locales dans les aspects reliés aux affaires internes de la SSR ;

• lancement de campagnes de sensibilisation pour assurer la confiance et la coopération de la communauté20.

Pour effectuer cette assistance à la police, le Conseil dispose de méca-nismes très variés développés depuis la fin des années quatre-vingt-dix. En 2000, au Sommet de Santa Maria da Feira, les États membres de l’UE ont approuvé l’action policière comme aire prioritaire, outre l’État de droit, l’administration civile et la protection civile. Il a été conclu éga-lement que pour 2003, les États membres de l’UE devraient contribuer volontairement avec 5000 officiers de police au maximum, destinés à des missions internationales au sein des opérations de prévention de conflits et de gestion des crises très variées, dont 1000 seraient prêts à être déployés en 30 jours si nécessaire. Depuis lors, ces objectifs policiers ont été respectés et élargis. De même, le document Objectif global civil 2008 a doté l’UE des directrices pour le renforcement des compétences de gestion civile des crises, aussi bien en matière de capa-cités que dans les possibles contextes pour leur déploiement 21. Cela a permis de progresser dans la contribution des États membres, par exemple, de spécialistes dans les domaines de police des frontières, de crimes sexuels et violents, de trafic de personnes, du crime organisé et des droits de l’homme, ainsi que dans le développement des Équipes civiles de réponse, des Unités policières intégrées et des Unités poli-cières constituées. Ces progrès sont parachevés actuellement avec un nouvel Objectif global civil 2010, adopté pendant la Présidence portu-gaise de l’UE, entre les mois de juillet et décembre 2007. S’appuyant sur l’idée que les engagements établis dans l’Objectif global civil 2008 n’ont pas été accomplis, ce nouveau document confère plus de poids aux questions de qualité qu’au nombre de capacités22. La construc-tion des capacités de gestion civile des crises de l’UE s’est déroulée jusqu’à présent de manière similaire –et engagée précédemment– à la construction des capacités de gestion militaire des crises.

Le processus mis en place pour spécifier le rôle de l’UE dans l’assistance policière a été accompagné également de la création d’un certain nom-bre de structures et de plans, y compris le Comité pour les aspects civils de la gestion des crises, l’Unité policière au Secrétariat du Conseil et le Plan d’action policière pour encourager la consistance au sein de l’UE ainsi qu’avec d’autres acteurs externes23.Plus récemment, le Conseil de Ministres de l’UE a approuvé la réorganisation du Secrétariat du Conseil pour mieux aborder les nécessités des opérations civiles de la PESD, y

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163 GEMMA COLLANTES CELADOR

compris les opérations policières. Le résultat final –l’établissement d’une Capacité civile de planification et de conduite des opérations (CPCC, d’après ses sigles en anglais)– complétera la « nouvelle » direction de gestion civile des crises (DGE IX) au Secrétariat du Conseil. Ce dernier, développera sa restructuration en abordant la partie politico-civile (pol-civ) de la gestion des crises, comme la préparation du concept de gestion des crises24. Il continuera également à gérer les aspects horizontaux reliés à la PESD civile, y compris les concepts, les capacités et la formation25. Il convient de souligner qu’aucune de ces capacités et structures n’a été créée au service des activités de la SSR, mais de la gestion des crises en général. Cependant, avec le consentement des États membres, il a été possible de les appliquer aussi à des missions de ce genre.

En ce qui concerne la Commission, celle-ci peut contribuer directement à la promotion des aspects de gouvernance de la réforme/assistance de la police, y compris le contrôle démocratique et la surveillance civile, les relations policières-judiciaires, l’indépendance de la politisation, l’assistance de la société civile, un usage efficace des ressources publi-ques, le respect des droits de l’homme et la construction des capacités des organisations régionales et/ou sous-régionales qui abordent la dimension régionale de la SSR, y compris les aspects policiers. Il existe en fait, plusieurs instruments policiers et financiers communautaires bien établis qui ont déjà été utilisés et qui pourraient l’être à nou-veau dans le futur. Ils incluent des instruments à court terme (tels que l’Instrument de stabilité, administré par la DG Relations Extérieures) et les instruments inclus dans la Coopération économique et pour le développement, la Politique européenne de voisinage et association, l’Instrument d’aide à la préadhésion, le processus d’Élargissement (y compris les programmes de soutien à la collaboration entre autorités - twinning programmes-), et les politiques de Démocratie et droits de l’homme, prévention des conflits et gestion des crises26. En outre, la dimension externe des politiques reliées au domaine liberté, sécurité et justice existe également.

Cependant, comme reprend le document de la Commission, les outils à sa disposition pourraient être utilisés de manière plus efficace. La SSR, par exemple (comprenant l’assistance/réforme policière) devrait être prioritaire sous les politiques et instruments financiers mentionnés, et intégrée clairement dans les Documents stratégiques des pays régio-naux et dans les Plans d’action programmés par les instruments. Cette dernière proposition exige, partiellement au moins, une bonne commu-nication entre les documents de stratégie bilatérale des États membres. D’autres propositions à envisager incluent travailler pour une politique effective et intégrale et dans la programmation d’un dialogue avec les parties impliquées dans les pays partenaires, en introduisant des stan-dards internationaux de SSR, en assurant une planification coordonnée (comme celle qui s’est engagée grâce aux missions de recueil de données du Conseil et de la Commission), l’expansion et le perfectionnement des connaissances des experts, la conception d’une formation spécifique en matière de SSR, et une meilleure coopération avec les partenaires internationaux 27. Pour sa part, le document du Conseil sur le processus SSR, suggère que la SSR doit être appropriée localement et que les plans nationaux de développement dans des domaines tels que la réduction de la pauvreté devraient être envisagés également28.

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Il existe un certain scepticisme au sujet de la viabilité de la recherche d’exhaustivité et de cohérence de l’UE dans ses activités de SSR

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Les auteurs du document du Conseil sur la SSR sont conscients du fait que la réforme du secteur de la sécurité est un processus horizontal compre-nant des éléments qui ne sauraient être abordés en utilisant seulement les instruments de gestion des crises. Par conséquent, le document fait appel à la complémentarité avec d’autres secteurs extérieurs de l’action de l’UE.

Le Secrétariat du Conseil général et la Commission devraient continuer à travailler en collaboration étroite, dans toutes les situations, aussi bien pour assurer une division claire et fonctionnelle des responsabilités que pour garantir une cohérence et efficacité maximales des efforts généraux entrepris par l’UE. Il est probable que le document sur le concept de SSR de la Communauté soit rédigé sur les mêmes prémisses29.

Et, c’est ainsi, effectivement. Le document sur le processus SSR de la Commission plaide pour la cohérence non seulement au sein des mis-sions de la PESD, mais aussi en ce qui concerne les activités de certains États membres de l’UE. Il mentionne aussi la nécessité d’une meilleure coopération à l’échelle multilatérale pour assurer des niveaux plus élevés de synergie et pour éviter les duplications non nécessaires, dans le cadre de l’ONU, ainsi qu’avec des États-tiers, d’autres organisations interna-tionales et ONG. Un exemple de cette recherche de coordination est le travail entrepris par la Commission dans le cadre du CAD, de l’OCDE, pour développer, avec d’autres États membres de l’UE et d’autres donneurs bilatéraux et multilatéraux, le manuel conjoint du donneur sur la mise en œuvre du processus SSR de 200730. Ce document offre aux donneurs un ensemble de directrices communes dans des domaines tels que la métho-dologie de valorisation en matière de SSR, la conception des programmes, la gestion et l’évaluation et le développement d’approches intégrales qui permettent une meilleure gestion et des liens renforcés entre le dévelop-pement, la sécurité, les politiques et la pratique dans le domaine de la justice. L’objectif final de ce manuel du donneur est d’obtenir des niveaux plus élevés d’efficacité, cohérence, durabilité et adéquation aux besoins des citoyens dans l’application des Directrices de la réforme du système de sécurité et de gouvernance du CAD, de l’OCDE31 .

Concepts de la SSR de l’UE : Problèmes

Il existe un certain scepticisme au sujet de la viabilité de la recherche d’exhaustivité et de cohérence de l’UE dans ses activités de SSR. Cela a créé certains problèmes qui sont apparus progressivement pendant la phase de formulation de la politique, et qui laissent planer le doute sur sa mise en œuvre. L’UE n’a pas unifié les documents du Conseil et de la Commission d’après un concept de SSR général, comme on prétendait initialement. Le document du Conseil mentionne ainsi que « l’union de ces deux tendances doit être envisagée dans le cadre d’une conception élargie pour la SSR » 32. Cette union a été considérée nécessaire initialement puisque, comme spécifie le titre, les documents du Conseil ainsi que ceux de la Commission sur la SSR ont été rédigés pour montrer que chaque institution pouvait contribuer à un processus de SSR, et le document de la Commission a donc été présenté sous forme de « Communication »33. Cependant, cette idée originale d’unifier les deux concepts sous un cadre commun a été rejetée en juin 2006. Ce cadre régulateur commun met en évidence la nécessité d’adopter une

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165 GEMMA COLLANTES CELADOR

approche intégrale, multisectorielle, pour la SSR pouvant être transformée graduellement en actions opérationnelles pour la Communauté et la PESD par les Présidences postérieures et par la Commission.

Plusieurs raisons expliquent ce changement de plans. Un haut rang du Conseil expliquait que « pour les forains, un seul concept commun aurait été plus avantageux mais plus couteux en termes de temps et l’Autriche souhaitait parachever cette tâche avant la fin de sa Présidence »34. La rédaction des deux concepts de la SSR s’est prolongée pendant huit mois. Le document de la Commission a été le plus long à rédiger puisque tous les pays et tous les bureaux thématiques ont du être consultés. C’est pourquoi, d’après ce fonctionnaire du Conseil, le développement d’un document commun sur la base de ces deux documents aurait été trop long à un moment où la Présidence autrichienne était résolue à terminer avec le processus engagé par le Royaume-Uni. Un fonctionnaire de la Commission, cependant, a présenté une explication différente pour expliquer ce changement de plans :

En raison de la quantité d’instruments politiques utilisés pour soutenir la SSR et la différente nature des programmes communautaires et des activités de la PESD, nous n’avons pas considéré nécessaire de les réviser et de rédiger un document unique. Nous nous sommes alors centrés sur leur application et sur la manière d’obtenir une cohérence renforcée dans des situations telles que la RDC, le Kosovo, l’Afghanistan, etc.35

Bien que ce point de vue puisse paraître raisonnable, le fait est que l’absence d’un document unique sur la SSR renforce l’opinion de nombreux académiciens et professionnels d’après laquelle la coordination et la collaboration entre le Conseil et la Commission n’est pas l’adéquate.

En ce qui concerne la coopération interne au sein de l’UE, il est nécessaire d’ajouter à l’équation institutionnelle précédente la nécessité de coopérer avec les politiques nationales des États membres actifs dans le domaine de la SSR, et d’assurer de meilleures relations civile-militaires, deux domaines dans lesquels trop de questions demeurent ouvertes. Certains des défis que l’UE doit confronter dans sa relation avec les États membres sont résumés de manière éloquente par un fonctionnaire du Conseil, qui a souligné que:

La SSR est encore très jeune. Elle a la possibilité de devenir quelque chose de « beau » si nous sommes capables de la gérer de manière cohérente, si les États membres sont prêts à coopérer, s’ils sont prêts à apporter les capacités nécessaires à l’UE […] ce qui pour l’instant n’est pas très évident […] pour le moment les États membres ne sont pas transparents avec l’UE quant à leur action en matière de programmes de SSR dans les différents pays36.

La rédaction du Concept DDR en 2006 présente l’image opposée. Les différents acteurs impliqués reliés à l’UE (y compris les États membres) étaient préparés, selon les propos d’un fonctionnaire de la Commission, pour «rompre la structure institutionnelle existante pour reconnaître le lien entre sécurité et développement » qui permettrait à la Commission et au Conseil de travailler conjointement dans la rédaction d’un concept unique37. Le champ d’action plus étroit, le nombre inférieur d’acteurs de l’UE impliqués et la diminution des emplacements de l’action de l’UE pourraient expliquer cette histoire de « succès ».

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L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?•

Les documents du Conseil et de la Commission sur le processus SSR représentent un important pas en avant dans le développement de l’identité extérieure de l’UE

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Les problèmes de coopération interne ont pu être contrecarrés par le suc-cès de la mise en place des documents de la SSR. Dans ce sens, certaines initiatives positives peuvent déjà être signalées. Par exemple, le dévelop-pement des missions de recueil de données conjointes de la Commission, du Conseil et des États membres, la campagne de sensibilisation d’Euro-peAid entre différentes Directions Générales et Délégations de la CE pour accélérer le processus de partage de l’information de bonnes pratiques, et la participation de la Commission dans la rédaction du manuel de SSR 2007 du DAC, de l’OCDE. Cependant, ces mouvements constituent uniquement des pas timides si l’UE doit faire face aux sceptiques qui continuent à voir les documents de la SSR comme un autre « tigre en papier » qui se perdra et sera oublié dans la montagne de documents produits par l’UE38. En fait, l’UE doit aborder un ensemble de défis poten-tiels. Parmi ceux-ci, un travail approfondi dans le développement des approches régionales de la SSR (tel que demandent les deux concepts de SSR) et des points de référence (benchmarks) pour mesurer la mise en œuvre des activités de la SSR, la dépendance de l’efficacité de la SSR, des plans de coopération effectifs, comprenant les multiples acteurs externes pouvant être rencontrés sur le terrain (depuis les donneurs bilatéraux aux organisations internationales et ONG), et les coûteuses implications politiques, économiques et de capital humain des approches intégrales. Trouver des solutions à ces défis est essentiel si nous considérons que l’application efficace d’une politique de SSR cohérente exige tenir en compte des aspects tels que la planification, le budget, les ressources humaines et financières ainsi que la coopération et la concurrence entre les acteurs principaux.

Conclusions

Damien Helly (de Saferworld) commenta en 2006 que la SSR deviendrait dans un futur immédiat le composant essentiel des politiques de l’UE de mise en œuvre de la défense, de la sécurité, du développement, de la gestion des crises et de la prévention des conflits de l’UE, puisqu’elle représentait « un outil formidable pour mener à bien des initiatives inno-vatrices dans le monde entier » et dans différents contextes 39. Il a aussi approfondi dans l’analyse des raisons qui font de l’UE un candidat idéal comme défenseur de la SSR, y compris son statut de donneur, sa pré-sence flexible et constante dans de nombreux pays et la variété d’outils (politiques, de développement et de sécurité) dont elle dispose40.

Malgré les critiques, les documents du Conseil et de la Commission sur le processus SSR représentent un important pas en avant dans le développement de l’identité extérieure de l’UE. L’approche décrite dans ces documents, soulignée par les principes d’adhésion aux normes démocratiques et aux principes acceptés internationalement des droits de l’homme et de l’État de droit, de respect des processus de réforme appropriée nationale et régionale et la coordination avec d’autres domai-nes d’action de l’UE, fondée sur les processus de réforme sensible avec les questions de genre et multisectorielles, permettront à l’Union de répondre de manière plus effective à une variété de défis, y compris les conflits violents, la pauvreté, la fragilité de l’État et le terrorisme, pour mentionner uniquement quelques uns.

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Cependant, pour que ces engagements se transforment en résultats tangibles et pour pouvoir bénéficier de leur force, l’UE a besoin d’envi-sager un ensemble d’affaires notables, telles que le renforcement de la coordination interne entre les membres de la famille de l’UE, ainsi que de manière externe, des acteurs très variés et le coût de cet effort. Le processus ne s’est pas bien engagé comme illustre la rédaction du cadre de la politique commune d’un concept unique de SSR. Cependant, étant donné que cette nouvelle politique de l’UE se trouve encore en phase d’application, il est encore trop tôt pour prédire son déroulement.

Notes

1. Différents acteurs utilisent indistinctement des variations de ce terme. Alors que la communauté de développement opte pour la « réforme du secteur de la sécurité », le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE préfère le terme « réforme du système de sécurité » et le Programme de développement de l’ONU (PNUD) adopte l’expression « réforme de la justice et du secteur de la sécurité ». Gouvernance du secteur de la sécurité et transformation du secteur de la sécurité (souvent cités dans les discours africains) sont d’autres alternatives. Ce chapitre a opté pour le terme « Réforme du secteur de la sécurité » car il est le plus utilisé parmi les académiciens et les professionnels. Pour une explication plus détaillée de la terminologie. Cf. Michael Brzoska, Development Donors and the Concept of Security Sector Reform, Occasional Paper nº 4, Genève: Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF), 2003.

2. Nicole Ball et Dylan Hendrickson, Trends in Security Sector Reform (SSR): Policy, Practice and Research, Ottawa: International Development Research Centre (IDRC), 2006, p. 10.

3. Andrew Cottey et Anthony Forster (2004), cités par Heiner Hänggi et Fred Tanner, “Promoting Security Sector Governance in the EU’s Neighbourhood”, Chaillot Paper nº. 80, Paris: Institute for Security Studies, juillet 2005, p. 20.

4. Pour une étude plus approfondie de l’évolution et des éléments clé de la SSR, cf. Jane Chanaa, Security Sector Reform : Issues, Challenges and Prospects, Adelphi Paper no. 344, Oxford: Oxford University Press & International Institute for Strategic Studies, février 2002.

5. Ball y Hendrickson, Trends in SSR, op. cit., p. 3. 6. Eric Scheye et Gordon Peake, “To Arrest Insecurity: Time for a Revised Security Sector Reform

Agenda”, Conflict, Security & Development, vol. 5, nº. 3, décembre 2005, p. 295.7. Council of the EU, A Secure Europe in a Better World: European Security Strategy, Bruxelles, 12

décembre 2003, p. 12; Council of the EU, Civilian Headline Goal 2008, Document nº. 15863/04, 7 décembre 2004.

8. Pour de plus amples informations cf. European Commission, Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: a Concept for European Community Support for Security Sector Reform, Document nº. COM(2006) 253final, Bruxelles, 25 mai 2006, p. 6.

9. Ibid. 10. Pour une liste des missions en cours et achevées de la PESD, veuillez consulter le site web du

Conseil de l’UE, http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=268&lang=en. 11. Entretiens avec des fonctionnaires du Conseil et de la Commission, Bruxelles, avril 2007,

International Crisis Group, Security Sector Reform in the Congo, Africa Report nº 104, 13 février 2007.

12. Cf. par exemple, Andrew Sherriff, “Security Sector Reform and EU Norm Implementation” in David M. Law (ed.), Intergovernmental Organisations and Security Sector Reform, Münster: Lit Verlag and DCAF, 2007, p. 94.

13. Entretiens avec un fonctionnaire du Conseil, Bruxelles, avril 2007. Un des exemples utilisés pour illustrer cette approche intégrale et exhaustive est le fait que le Conseil se soit impliqué dans l’éla-boration de l’ébauche du document de la SSR du Conseil. Le processus a été dirigé par une cellule civilo-militaire au sein du personnel militaire de l’UE. D’après les propos d’un autre fonctionnaire du Conseil la « SSR est un autre outil pour unifier tous les mécanismes et éléments existants. La même fonction peut être accomplie au moyen d’autres initiatives, y compris l’Approche intégrale à la coo-pération civile-militaire, développée par l’UE». Entretien, Bruxelles, avril 2007.

14. Entretien avec un fonctionnaire du Conseil, Bruxelles, avril 2007.

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L’UE ET SA POLITIQUE ORIENTÉE VERS LA RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ : UN NOUVEL EXEMPLE DE DIVISION CONCEPTUELLE-CONTEXTUELLE ?•

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15. Pour un débat sur les différences entre la définition de la SSR de l’UE et celle du CAD, de l’OCDE, cf. la contribution de Willem van Eekelen’s en David Spence et Philipp Fluri (eds.), The European Union and Security Sector Reform, London : John Harper Publishing, 2008.

16. Souligné dans l’original. Council of the EU, EU Concept for ESDP Support to Security Sector Reform (SSR), Document nº. 12566/4/05 REV 4, Bruxelles, 13 octobre 2005, pp. 5, 7-8.

17. Entretiens avec des fonctionnaires du Conseil et de la Commission, Bruxelles, avril 2007. Les Balkans Occidentaux ont reçu de l’aide reliée à la SSR pendant plus d’une décade, bien que pas de manière intégrale et exhaustive.

18. Council of the EU, EU Concept for ESDP Support to SSR, op. cit., p. 7. 19. Council of the EU et European Commission, EU Concept for Support to Disarmament,

Demobilisation and Reintegration (DDR), Document nº. 16387/06, Bruxelles. Approuvé par le Conseil de l’UE le 11 décembre 2006 et par la Commission Européenne le 14 décembre 2006, p. 12.

20. Council of the EU, EU Concept for ESDP Support to SSR, op. cit., p. 14. Il semble intéressant de comparer et de contraster cette liste de fonctions d’aide policière avec les deux concepts génériques, préparés par l’Unité de police du Secrétariat du Conseil il y a quelques années, sur des missions de remplacement (policier) et de renforcement. Ces deux concepts génériques abordent des thèmes généraux (administration, organisation, etc.) Les missions de remplacement policier sont composées par des officiers de la police armés ayant du pouvoir policier exécutif (couvrir le vide du respect de la loi). Les missions de renforcement policier sont formées par des officiers de la police désarmés avec des fonctions d’éducation et formation, aide, conseil et observation de la police locale (par exemple, construction de capacités). Au moment de rédiger cet article, l’auteur n’avait pas eu accès à ces documents sur ces concepts génériques. Michael Merlingen et Rasa Ostrauskaite, “ESDP Police Missions: Meaning, Context and Operational Challenges”, European Foreign Affairs Review, vol.10, nº. 2, été 2005, p. 222.

21. Council of the EU, Civilian Headline Goal 2008, op. cit.; Gustav Lindstrom, The Headline Goal, Section on ESDP, Paris: Institute for Security Studies 2007, pp. 5-6; Council of the EU, Civilian Capabilities Improvement Conference – Ministerial Declaration, Document nº. 14713/05 (Presse 306), Bruxelles, 21 novembre 2005, p. 2.

22. Council of the EU, Civilian Headline Goal 2010, Document nº. 14823/07, Bruxelles, 9 novembre 2007.

23. Annika Hansen, “Security and Defence: The EU Police Mission in Bosnia-Herzegovina”, in Walter Carlsnaes et al. (eds.), Contemporary European Foreign Policy, London & Thousand Oaks, CA: Sage Publishers, 2004, pp. 173-185; European Council, Presidency Conclusions, Document nº. SN200/00, Santa Maria da Feira, 19-20 juin 2000.

24. Par exemple, la Capacité civile de planification et de conduite des opérations contribuera à mettre en œuvre la coopération civilo-militaire effective (civ-mil) pendant la phase de planification des missions grâce à sa participation à la capacité de planification conjointe civile et militaire dans la Cellule Civ-Mil, au sein du personnel militaire de l’UE.

25. Entretien avec un fonctionnaire du Conseil, Bruxelles, avril 2007; “EU Continues to Improve its ESDP Structures in Order to Reinforce its Role as a Global Player”, ESDP Newsletter, Issue 4, juillet 2007, p. 6

26. Entretiens avec des fonctionnaires de la Commission, Bruxelles, avril 2007; European Commission, A Concept for European Community Support for Security Sector Reform, op. cit., pp. 6-7, 9. Par exemple, les pays bénéficiaires de l’assistance de la Commission sous les instruments de préadhésion sont appuyés en vue de la réalisation des réformes dans leurs systèmes légaux, ainsi que dans les systèmes policiers, de procédure, judiciaire, pénitencier, de douanes, et de gestion de frontières.

27. European Commission, A Concept for European Community Support for Security Sector Reform, op. cit., pp. 10-12; Interviews with Commission and Council officials, Bruxelles, avril 2007.

28. Council of the EU, EU Concept for ESDP Support to SSR, op. cit., p. 5. 29. Ibid, p. 4.30. Entretien avec un fonctionnaire de la Commission, Bruxelles, avril 2007.31. OECD DAC, Handbook on Security System Reform: Supporting Security and Justice, Paris, 2007,

Foreword. 32. Council of the EU, EU Concept for ESDP Support to SSR, op. cit., p. 21.33. Ce point a été souligné par un fonctionnaire du Conseil pendant un entretien, Bruxelles, Avril 200734. Entretien, Bruxelles, avril 2007.35. Entretien, Bruxelles, avril 2007.36. Entretien, Bruxelles, avril 2007.37. Entretien avec un fonctionnaire de la Commission, Bruxelles, avril 2007.38. L’existence de ce scepticisme a été mentionnée dans plusieurs entretiens tenus à Bruxelles au mois

d’avril 2007.39. Damien Helly, “Security Sector Reform: From Concept to Practice”, European Security Review, nº.

31, décembre 2006, p. 12.40. Damien Helly, “Developing an EU Strategy for Security Sector Reform”, European Security Review,

nº 28, février 2006, p. 7. Pour d’autres documents sur les avantages comparatifs de l’UE en matière de SSR cf. Saferworld, Developing a Common Security Sector Reform Strategy for the EU, document basé sur un séminaire d’experts organisé par la Présidence du Royaume Uni de l’UE, Commission Européenne, Saferworld and International Alert, janvier 2006.

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CONCLUSIONS

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• LASÉCURITÉENMÉDITERRANÉEEN2007: UNERÉFLEXIONAUTOURDUCONCEPTDESÉCURITÉ HUMAINE

Eduard Soler i Lecha

Aveclescontributionsde: Ángeles Espinosa, ElPaís; Rosa Massagué, ElPeriódico; Rosa Meneses, ElMundo

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Eduard Soler i Lecha

Coordinateur du Programme méditerranéen de la Fondation CIDOB

Avec les contributions de : Ángeles Espinosa, El País; Rosa Massagué, El Periódico;

Rosa Meneses, El Mundo

L es relations euro-méditerranéennes se caractérisent, dès l’ori-gine, par des tentatives constantes de revitalisation. C’est-à-dire par des moments où des acteurs aussi bien publics que privés

réitèrent que la Méditerranée constitue un pari de futur, une matière recalée et un défi incontournable. Cependant, ces louables tentatives de réactivation des relations euro-méditerranéennes, visant à avancer vers une paix, une liberté et une prospérité partagées, ont souvent échoué à cause des divers conflits régionaux ou en raison d’une volonté politi-que insuffisante.

Une des questions essentielles en 2007 a été représentée par la volonté du nouveau Président français, Nicolas Sarkozy, de réactiver les relations entre les pays européens et leur partenaires méditerranéens. Les premiè-res propositions de France n’ont laissé indifférents ni le Nord ni le Sud de la Méditerranée et, comme on a affirmé à partir de ce moment, le mérite principal de l’initiative de Sarkozy a été de réactiver le débat sur les questions méditerranéennes.

Il s’agit d’un débat urgent. Tout en constatant que les dernières années ont été témoins de progrès importants en matière de stabilisation macro-économique des pays partenaires et que certains de ces pays commencent à attirer des investissements extérieurs significatifs, dans d’autres domaines la situation est bien moins prometteuse. Une bonne partie des objectifs que les pays européens et leurs partenaires médi-terranéens se sont donnés en 1995 est loin d’être accomplie. Jusqu’à quand peut-on attendre pour en faire une réalité ?

Pendant 2007, les questions de sécurité ont été particulièrement impor-tantes en Méditerranée bien que, malheureusement, on ne puisse affirmer qu’il y ait eu des progrès substantiels. Le terrorisme a continué à s’abattre au Maghreb, les relations entre l’Algérie et le Maroc ne se sont pas améliorées, le conflit du Sahara Occidental et les différents conflits au Proche Orient n’ont pas trouvé de solution. Dans les abords de la Méditerranée la situation n’est pas meilleure : l’Iraq, l’Iran ou Darfour sont toujours des foyers d’instabilité et leurs effets peuvent se faire sentir dans le bassin méditerranéen. D’autre part, l’ancien rêve d’adopter une Charte pour la paix et la stabilité en Méditerranée ne semble pas pouvoir se matérialisé à court ou moyen terme.

LASÉCURITÉENMÉDITERRANÉEEN2007:UNERÉFLEXIONAUTOURDUCONCEPTDESÉCURITÉHUMAINE

Une des questions essentielles en 2007 a été représentée par la volonté du nouveau Président français de réactiver les relations entre les pays européens et leur partenaires méditerranéens

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LA SÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE EN 2007 : UNE RÉFLEXION AUTOUR DU CONCEPT DE SÉCURITÉ HUMAINE

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Comme nous avons exprimé, les objectifs de paix, liberté et prospérité sont toujours en vigueur et tous les efforts dans ce sens sont nécessaires. L’Espagne, et très spécialement Barcelone, sont depuis des décennies un cadre pour la réflexion et le débat sur des questions méditerranéen-nes. En matière de sécurité, la Fondation CIDOB et le Ministère de la Défense animent, depuis 2002, des séminaires de sécurité et défense en Méditerranée offrant un lieu de rencontre entre civils et militaires, entre représentants gouvernementaux et experts et entre citoyens de la rive nord et de la rive sud de la Méditerranée.

Comme il en découle de la lecture de cette publication, ces séminaires sont l’occasion d’adresser certaines des questions les plus pertinentes en matière de sécurité en Méditerranée. Régulièrement, nous analysons les progrès réalisés au sein des différentes initiatives de coopération, comme le Processus de Barcelone, le Dialogue méditerranéen de l’OTAN ou l’Initiative 5+5 dans le domaine de la Défense. Tel qu’il en découle des contributions faites lors de ce séminaire, les progrès se produisent, surtout, dans les domaines plus techniques et dans les cadres ayant moins de visibilité politique. Il s’agit d’une logique de petits pas, mais qui n’oublie pas qu’il convient de maintenir les cadres de dialogue politique au plus haut niveau ni la nécessité d’une réflexion globale.

Cette édition du séminaire a également organisé une table ronde de haut niveau afin d’analyser, à partir de perspectives régionales différentes, les cadres pour la sécurité et l’insécurité en Méditerranée. À partir des inter-ventions reprises dans cette publication, on constate, encore une fois, la complexité des menaces, la nécessité d’intégrer dans le débat des pers-pectives différentes et la coexistence d’anciens conflits, avec des acteurs connus, et de nouveaux conflits, avec de nouveaux protagonistes.

La sixième édition du séminaire de sécurité et défense en Méditerranée a consacré de même une partie de son temps à une réflexion conceptuelle, mais présentant des implications pratiques évidentes. Une nouvelle maniè-re de comprendre la sécurité a pénétré aussi bien les sphères académiques que certaines administrations publiques : il s’agit de la doctrine de la sécu-rité humaine. Dans le bassin méditerranéen, et notamment dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, différents risques en matière de sécurité se posent non seulement aux états mais aussi à tous les citoyens.

Dans ce domaine aussi, l’Espagne et notamment la Fondation CIDOB ont fait un effort considérable afin d’encourager une réflexion dans ce sens-là. Le séminaire de sécurité et défense en Méditerranée a constitué une nouvelle occasion pour approfondir dans un débat qui se traduit ou devrait se traduire clairement dans le domaine des politiques publiques, y compris la politique de sécurité et défense.

Les discussions sur la notion de sécurité humaine sont caractérisées par l’étendue des thèmes qu’elles englobent ou peuvent englober. Ce séminaire, à travers ses groupes de travail, a été axé autour de trois questions particulièrement pertinentes. La publication que le lecteur a dans ses mains reprend les contributions des orateurs, mais ces conclu-sions visent à résumer, à partir des contributions de trois rapporteurs, certaines idées générales sur les débats qui ce sont déroulés au sein de ces groupes de travail.

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173EDUARD SOLER I LECHA

Les restrictions des libertés en Europe seraient à même de miner la légitimité que les Européens avaient eue jusqu’à présent

Le groupe qui a adressé la question des libertés fondamentales a affirmé que dans le nord de la Méditerranée il y a une confusion entre les Droits de l’Homme et les intérêts nationaux, entre les valeurs défendues et le comportement des responsables politiques. En ce qui concerne la promo-tion des libertés fondamentales, il existe en outre des différences entre l’UE et les États-Unis, bien que les deux instrumentalisent cette question. Il n’est donc pas surprenant que différents acteurs de la rive sud observent les deux puissances avec une certaine prévention. Beaucoup considèrent que la nouvelle lutte antiterroriste surgie à la suite du 11-S a accentué l’insécurité entre le nord et le sud, le résultat étant que les libertés fonda-mentales sont victimes de la lutte contre l’insécurité.

Selon plusieurs analystes, le premier objectif des responsables politiques européens est la sécurité, et ce n’est qu’après que se situe la démocratie. Un exemple de ceci serait le traitement donné par les États-Unis et les pays européens au mouvement Hamas, vainqueur aux élections législati-ves palestiniennes de 2006 qui se sont réalisées démocratiquement. De leur part, les régimes autoritaires utilisent la lutte antiterroriste comme monnaie d’échange avec Occident. Le soutien à certains régimes, dans le but de freiner les islamistes, constitue un bon exemple de cela.

L’UE a-t-elle la légitimité nécessaire pour promouvoir un plus grand respect des Droits de l’Homme ? Les restrictions des libertés en Europe, à la traîne de la politique antiterroriste des États-Unis, telles que l’in-formation sur les voyageurs ou les fichiers d’ADN et d’autres violations évidentes des Droits de l’Homme, comme la délocalisation de la torture, seraient à même de miner la légitimité que les Européens avaient eue jusqu’à présent.

Différents membres de ce groupe de travail ont affirmé que l’Europe doit être crédible, non pas à l’égard des gouvernements mais à l’égard des populations et, par conséquent, elle doit soutenir la société civile. Existe-t-il une politique extérieure européenne cohérente ? Avec qui l’UE doit-elle dialoguer ? La démocratisation de la zone a été ajournée plusieurs décennies en raison de la guerre d’Iraq, tandis que la situation en Iran ne constitue pas la meilleure voie pour contribuer à la sécurité en Méditerranée.

Le Processus de Barcelone, malgré ses maints défauts, est perçu comme la meilleure garantie de stabilité et de progrès pour la démocratie en Méditerranée, bien qu’il soit nécessaire d’adresser ce qu’il faut faire pour renforcer la sécurité dans le domaine des libertés fondamentales. Les instruments existants, comme la Politique européenne de voisinage ou le Dialogue méditerranéen (OTAN) ne sont pas suffisamment efficaces dans ce domaine spécifique. Les plans d’action du premier de ces instruments sont trop généraux et ses appâts insuffisants, tandis que le deuxième ne s’occupe pas des thèmes liés aux libertés.

Un instrument plus utile pourrait être constitué par des cadres mul-tilatéraux limités et flexibles, permettant la coopération au niveau opérationnel entre agences de sécurité et coopération entre civils et mili-taires. Mais pour cela, une des conclusions des discussions de ce groupe a été qu’il sera nécessaire que les forces de sécurité, notamment au sud, intériorisent une vocation de service à l’État et au citoyen.

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LA SÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE EN 2007 : UNE RÉFLEXION AUTOUR DU CONCEPT DE SÉCURITÉ HUMAINE

Les Forces armées espagnoles ont fait un effort considérable en matière de coopération civile-militaires lors des missions humanitaires et d’aide au développement qu’elles ont mises en œuvre

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Le deuxième groupe de travail a adressé la coopération civile-militaire. Un point particulièrement important quand il s’agit de proposer des actions concrètes répondant à la logique de sécurité humaine et à la vocation de service dont on a parlée dans le groupe précédent.

Comme il été mis en évidence dans ce groupe de travail, les Forces armées espagnoles ont fait un effort considérable en matière de coo-pération civile-militaires lors des missions humanitaires et d’aide au développement qu’elles ont mises en œuvre. Le militaires espagnols ont fait preuve de disponibilité pour travailler aux ordres d’organisa-tions civiles.

En prenant l’exemple de l’expérience en Afghanistan, où l’Armée dirige l’équipe de reconstruction provinciale (PRT) de Badghis, ce groupe de travail a mis en relief le capital que la capacité de réponse militaire dans le domaine du transport et des infrastructures représente, tout en soulignant sa complémentarité avec le composant civil. En fait, des représentants militaires ont reconnu que le plus grand succès de leur travail est de faire éventuellement disparaître le composant militaire des PRT, preuve définitive de l’amélioration de la situation de sécurité. Cependant, ces progrès ne doivent pas nous faire passer sous silence que, dans la pratique, cette coopération doit faire face à certaines fric-tions, voire même à des intérêts opposés, avec les Organisations non gouvernementales.

Le groupe a également révisé le contexte européen de cette coopéra-tion, ce qui a mis de relief qu’il existe encore des différences importantes sur la façon de l’adresser. D’une part, certains membre de l’UE favorisent la coexistence d’une aide militaire et une aide civile clairement séparées, tandis que d’autres défendent une interaction profonde entre les deux. Et ce, uni au cadre confus pour mettre en œuvre une action humanitaire préventive, met en relief la nécessité de continuer à travailler afin de définir les conditions d’action de l’UE.

Tous ont été d’accord sur le fait que tant que les conflits civils augmen-tent et tant que les gouvernements utilisent les Forces armées comme instrument de leur projection extérieure, il sera nécessaire d’améliorer la coordination et la coopération des ONG avec les Armées dans ce domaine de l’aide humanitaire. Éventuellement, il faudra établir de nouveaux mécanismes pour que l’effort soit plus effectif, pour mieux utiliser l’argent des contribuables, et pou renforcer l’efficacité de l’aide aux populations que l’on souhaite viser, aussi bien en Afghanistan qu’au Liban ou dans les Balkans.

La toile de fond du débat a été constituée par la conviction « qu’il n’y a pas de sécurité sans développement, ni développement sans sécurité ». Il s’agit des deux faces de la même monnaie. Il faut se libérer de la crain-te afin de reconstruire un pays –et pour cela les moyens et l’expérience des militaires sont nécessaires mais pas suffisants– et, en même temps, le développement contribue à sortir des situations de conflit.

Le troisième groupe a adressé la réforme du secteur de la sécurité (RSS), une question très importante dans beaucoup de zones géographiques, mais à laquelle on ne prête pas, encore, trop d’attention lorsqu’on adres-

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175EDUARD SOLER I LECHA

La dimension du concept des forces de sécurité comme un service que l’État offre à la population devrait permettre aux citoyens d’évaluer les Forces armées et d’être en mesure de réclamer un fonctionnement éthique de celles-ci

se les problèmes de sécurité et de réforme politique en Méditerranée. Le groupe a tout d’abord débattu les concepts utilisés dans ce domaine, en soulignant l’existence d’une fracture entre sa définition et la pratique. Les discussions ont souligné la nécessité d’établir des approches cohé-rentes et régionales. Une des conclusions considère qu’une plus grande coordination entre les organismes de l’Union européenne en matière de politiques de RSS en Méditerranée est nécessaire. Cependant, quand la nécessité de promouvoir les synergies avec l’OTAN a été mention-née, certains participants ont exprimé leur opposition et leurs doutes à l’égard du rôle de l’Alliance atlantique comme acteur aussi bien dans l’espace méditerranéen qu’en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité.

La Turquie est un pays méditerranéen où ces questions ont un poids important et on débat souvent si, d’une part, ce pays peut constituer un modèle pour la Méditerranée ou pas et, d’autre part, sur la nécessité de réformer son secteur de la sécurité. Comme il a été signalé dans la dis-cussion, le pays fait face à plusieurs problèmes, notamment les suivants : les problèmes de l’Armée pour accepter qu’elle se trouve sous l’autorité des civils ; la dualité entre juridiction militaire et civile, qui produit des situations d’impunité ; la nécessité d’une réforme de la Police et de l’Intelligence ; le rôle du Conseil national de sécurité et sa nouvelle fonc-tion ; les problèmes d’autoritarisme des militaires et leur propension à freiner les processus de réforme et l’utilisation des Forces armées dans la lutte contre le terrorisme et contre l’insurrection kurde.

Dans ce dernier point, les participants ont convenu d’affirmer que « l’action militaire n’est pas suffisante pour combattre le terrorisme », partageant ce que les autres groupes avaient exprimé. Une des idées les plus remarquables exposées pendant le débat a été la dimension du concept des forces de sécurité comme un service que l’État offre à la population. Cela devrait permettre aux citoyens d’évaluer les Forces armées et d’être en mesure de réclamer un fonctionnement éthique de celles-ci, sur la base du principe de bonne gouvernance. Quand la sécu-rité est considérée comme un service (à l’instar des services de santé, par exemple), les citoyens ont la faculté de l’évaluer.

Ainsi, il a été conclu qu’il est nécessaire de développer un protocole de transparence et de bonnes pratiques lequel, cependant, doit être pré-parer pour chaque pays et chaque cas spécifique, afin de trouver des solutions locales. Dans ce sens-là, on a considéré que les expériences de pays con le Congo, les Balkans ou d’autre états fragiles ne sont pas vala-bles pour la région méditerranéenne, où nous ne faisons pas face à des états échoués mais à des états autocratiques.

Les participants ont considéré que travailler sur la réforme du secteur de la sécurité équivaut également à travailler sur la construction d’ins-titutions de l’État, l’indépendance de la Justice et du Parlement et le développement de la société civile. La sécurité est un concept que va au-delà du domaine militaire et qui met en jeu, par conséquent, tout un éventail de secteurs, comme les parlements, les gouvernements et la société civile. Ainsi, aussi bien au Proche Orient qu’en Afrique du Nord, il y aura une sécurité accrue et meilleure si on travaille à la construction d’institutions démocratiques.

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LA SÉCURITÉ EN MÉDITERRANÉE EN 2007 : UNE RÉFLEXION AUTOUR DU CONCEPT DE SÉCURITÉ HUMAINE

Il reste un long chemin à parcourir, au cours duquel il faudra approfondir la réflexion au niveau académique et politique

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Parfois, renforcer la sécurité et accepter les Forces armées comme colon-ne vertébrale des États aboutit à la « promotion de l’autoritarisme ». La confusion entre la démocratisation des Forces armées et la réforme du secteur de la sécurité, comprise comme la réélaboration d’objectifs et de rôles des Forces de sécurité et la preuve d’une plus grande transpa-rence de la part de l’institution, nous conduit de nouveau au débat sur un contrôle renforcé des Forces armées. Cependant, dans certains pays arabes, ce processus rencontre des résistances par crainte d’être perçus comme plus faibles par leurs ennemis extérieurs.

Un thème controversé qui a fait sauter les alarmes parmi les participants a été le cas des compagnies privées de sécurité et leur contribution à la réforme du secteur de la sécurité. La plupart des participants du groupe de débat a exprimé sa préoccupation face à l’option de donner à ces compagnies privées de sécurité un rôle dans la réforme du secteur de la sécurité, ce qui a été considéré comme « néfaste ». Tous pensaient au rôle de compagnies des États-Unis, comme Blackwater, qui ont perpétré des massacres de civils en Iraq en toute impunité.

Aucun des débats ouverts lors de ce séminaire et repris dans cette publica-tion ne peut apporter des recettes miraculeuses pour renforcer la sécurité en Méditerranée et la façon de le faire sans que cela ait un impact négatif sur la sécurité individuelle des citoyens des deux rives. Il reste donc un long chemin à parcourir, au cours duquel il faudra approfondir la réflexion au niveau académique et politique. Ces séminaires de sécurité et défense en Méditerranée continueront au service de cet objectif.

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RAPPORT

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• IIIRAPPORTSURLESARMESDEDESTRUCTION MASSIVEENMÉDITERRANNÉE2007:AU-DELÀ DELAMENACENUCLÉAIRE

Jesús A. Núñez Villaverde et Balder Hageraats

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Jesús A. Núñez Villaverde

Codirecteur de l’Institut d’Études des Conflits et de l’Action Humanitaire (IECAH), Madrid

Balder Hageraats

Chercheur de l'IECAH

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IIIRAPPORTSURLESARMESDEDESTRUCTIONMASSIVEEN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACENUCLÉAIRE

Introduction

Comme suite de l’effort promu par la Fondation CIDOB, ce troisième rapport sur Les armes de destruction massive en Méditerranée en 2007 : au-delà de la menace nucléaire essaye de répondre à l’intérêt suscité en son sein, depuis déjà de nombreuses années, par les questions de sécurité et de défense en Méditerranée. De même que dans les deux cas précédents- Les armes de destruction massive en Méditerranée 2005 : état de la question et perspectives et Les armes de destruction massive en Méditerranée 2006 : une menace omnidirectionnelle- le présent rapport rentre dans le cadre de la série annuelle des Séminaires Internationaux de Sécurité et de Défense en Méditerranée, organisés depuis 2002 par cette Fondation, en collaboration avec le Ministère de la Défense espagnol.

En poursuivant selon la décision adoptée à la clôture de la troisième de ces rencontres, ces pages prétendent offrir, tant à ceux qui partici-pent directement à ses sessions qu’à la grande communauté nationale et internationale de sécurité intéressée par les affaires de la région, un document qui facilite l’analyse d’un des problèmes les plus cuisants de l’agenda international de sécurité. En même temps, il aspire à promou-voir le débat et la réflexion due à la menace que représente les arsenaux et les programmes nucléaires, chimiques, biologiques et de missiles déjà existants, ainsi que les essais inquiétants des différents acteurs étatiques et non étatiques pour accéder aux armes de destruction massive (ADM).

Dans ce but, les pages qui suivent cherchent à consolider un effort qui permet de compter sur des élément d’appui aux décisions politiques et d’améliorer la connaissance d’une question qui influence, de manière aussi puissante que négative, sur l’image d’une Méditerranée caractérisée, hier et aujourd’hui, par son haut niveau d’instabilité. Si, d’un côté, des conflits violents sont toujours ouverts aussi empoisonnés que l’arabo-israélien ou l’iraquien, d’un autre côté, il existe différents foyers de tension qui rendent difficile d’imaginer à moyen terme que puisse s’accomplir l’objectif proclamé par le Processus de Barcelone de créer un espace euro-méditerranéen de paix et de prospérité partagée. Au contraire, les principaux signaux qu’émet la zone montrent une détérioration généralisée, non tant dans le sens Nord-Sud que le plus complexe Sud-Sud, dans lequel d’idée d’accorder une zone libre d’armes de destruction massive ne fait que s’éloigner à l’horizon.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

180 III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

Pendant le laps de temps écoulé depuis la présentation du rapport précédent la préoccupation pour les ADM dans la zone méditerranéenne a continué à augmenter

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Pendant le laps de temps écoulé depuis la présentation du rapport pré-cédent (décembre 2006) la préoccupation pour les ADM dans la zone méditerranéenne- entendue depuis une perspective de sécurité comme l’espace qui comprend tant l’Union européenne (UE), les Balkans et la Russie, que le Maghreb, le Proche Orient et le Moyen-Orient, au Sud et à l’Est- a continué à augmenter. Quand la résolution de la crise occasion-née par la nucléarisation de la Corée du Nord paraît déjà sur la bonne voie, l’attention mondiale a été centrée au long de ces mois sur l’évolu-tion du programme nucléaire iranien et sur les efforts de la communauté internationale pour éviter que sa continuation ne débouche sur la déten-tion d’une capacité militaire qui est vue comme déstabilisatrice. Dans ce sens sont représentés, d’un côté, l’Organisme International de l’Énergie Atomique (OIEA) et l’Union européenne, surtout au travers du groupe de pays mené par le Royaume Uni, la France et l’Allemagne- tentant d’explorer toutes les voies possibles de dialogue et de négociation- et, d’un autre, le Conseil de Sécurité de l’ONU et des pays comme les États-Unis et Israël, qui sont arrivé à approuver des sanctions contre le régime iranien et qui ont augmenté de manière significative leurs messages belli-queux, comme mécanisme de dissuasion, jusqu’alors sans succès.

Tout ceci se passe dans le cadre d’un improbable processus de non pro-lifération d’ADM, quand, depuis la perspective de la sécurité régionale, la tension reste élevée et, dans certains cas, même plus haute qu’un an auparavant. Comme le montre nettement le désastre de la situation en Iraq, soumis à un conflit qui reste sans issue claire et dans lequel aucun des acteurs s’affrontant n’a la capacité suffisante pour imposer son agenda. Il convient de dire la même chose du conflit qui oppose les Israéliens à leurs voisins arabes. À la césure brutale produite sur la scène israélo-palestinien-ne, avec l’ajout de la fracture interne palestinienne entre le Mouvement de Résistance Islamique (Hamas) et l’Autorité Palestinienne contrôlée par le Fatah, s’ajoute le front libanais, dans lequel on n’a pas su panser les blessu-res après le choc de l’été 2006 entre le Parti de Dieu libanais (Hezbollah) et les Forces Israéliennes de Défense (IDF). Le Liban est aujourd’hui à nouveau au bord de l’abîme, dans une image qui rappelle celle qui donna naissance à sa longue et tragique guerre civile. Tandis que la Syrie épuise ses options au Liban, en tentant d’éviter la perte d’un fief qui a toujours été considéré comme le sien, et en même temps, en essayant d’échapper à la forte pres-sion qui est sentie depuis Washington et, encore plus, depuis Tel Aviv.

Bien qu’à un degré très différent, le Maghreb ne peut pas non plus se considérer comme une région stable. D’un côté le conflit qui affecte le Sahara Occidental reste sans perspective de solution – bien que, au moins, les conversations directes ont reprises entre les parties opposées-, ce qui continue à bloquer toute possible avancée dans l’intégration régionale de la région (avec l’Union du Maghreb Arabe (UMA) totalement paralysée). D’un autre côté, la menace terroriste se développe en affectant non seulement l’Algérie ou le Maroc mais la totalité de la région- et y compris au-delà, jusqu’à contaminer le Sahel- avec l’augmentation de la crainte qu’inspirent des deux côtés de la Méditerranée Occidentale des organisations comme Al Qaeda pour le Maghreb Islamique récemment créée.

Pour ce qui concerne les structures de dialogue et de création de la confian-ce initiées il y a déjà des années –tant celles impulsées il y a plus d’une décade par l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN), dans le cadre

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Avec toute la transcendance que peut avoir un hypothétique Iran nucléaire, son entrée dans le club ne serait qu’un ajout dans un panorama déjà hautement déstabilisateur

du Dialogue OTAN Méditerranée, et par l’Union européenne, à travers le Processus de Barcelone, comme celle d’ordre sous-régional, avec le groupe 5+5 comme la plus significative- l’équilibre obtenu n’est pas excessivement optimiste. Aucune d’elles ni séparées ni dans l’ensemble n’ont réussi à rédui-re les énormes brèches d’inégalité et le haut degré d’instabilité qui affectent l’ensemble de la région. Elles n’ont pas non plus servi à éliminer la méfiance réciproque que dans de larges cercles de l’opinion des deux côtés s’est ins-tallée avec le temps. Elles n’ont pas non plus permis, bien qu’en aucun cas il ne faille rejeter la responsabilité principale sur ces instances, la réforme nécessaire des systèmes qui résistent à promouvoir dans leurs territoires respectifs l’urgence des sociétés ouvertes et pleinement développées dans le milieu social, politique et économique. Pour ce qui concerne l’effort euro-péen, et tandis que la Politique Européenne de Voisinage (PEV) prend corps, une diffuse initiative française commence à poindre à l’horizon, l’Union Méditerranéenne, qui n’a toujours pas réussi à passer des paroles aux actes mais qui montre, en définitive, qu’on n’a toujours pas réussi à trouver la for-mule adéquate pour gérer les affaires euro-méditerranéennes.

À côté de certains changements concernant la situation de l’année passée, on constate immédiatement que d’autres facteurs et variables restent pra-tiquement inchangés douze mois plus tard. C’est pour cela que, au lieu de répéter l’analyse de ces pays et thèmes qui, en leurs traits essentiels, n’ont pas modifié leur profil sur le terrain des ADM, ou qui l’ont seulement fait ponctuellement, nous avons opté pour renvoyer le lecteur aux deux rapports précédents, en ajoutant uniquement dans celui-ci (Partie IV) les mises à jour qu’il fallait faire à partir des données et évaluations effectuées alors. De cette manière, et avec l’intention déjà annoncée dans le point de départ de cette série en 2005 de couvrir successivement les divers thèmes qui compo-sent l’agenda des ADM et qui jusqu’à aujourd’hui n’ont pu être étudiés, il fut décidé pour cette troisième version de 1) réviser à nouveau la nature de la menace nucléaire (Partie I), avec une attention spéciale aux facteurs qui stimulent la prolifération globale croissante dans ce domaine et à la crise autour du programme nucléaire iranien et à ses répercussions sur la sécurité régionale ; 2) réaliser une étude régionale détaillée (Partie II) ; et 3) examiner la situation sur le terrain des missiles associés aux ADM (Partie III). Le rapport est complété par quelques annexes (Partie V) qui reprennent la liste des acro-nymes utilisés au long du texte, une chronologie détaillée du programme nucléaire iranien cette dernière année et des références bibliographiques et des sites Internet d’intérêt pour le thème analysé.

Comme toile de fond pour l’analyse reprise ici, il convient de résumer le panorama général avec un ton de trouble croissant. Dans un scénario de l’importance que le Maghreb, le Proche et Moyen-Orient ont pour la sécu-rité internationale, la prolifération des armes de destruction massive est un fait incontournable. Avec toute la transcendance que peut avoir un hypo-thétique Iran nucléaire, son entrée dans le club ne serait qu’un ajout dans un panorama déjà hautement déstabilisateur, tant pour les foyers de conflit qui sont déjà ouverts comme pour le chemin sur lequel sont impliqués divers acteurs étatiques (et probablement certains non étatique) pour se doter de ces dispositifs. En plus de cela, on n’a pas pu aboutir à un modèle de gestion de la sécurité régionale qui évite les deux poids deux mesures, qui génère un climat de confiance mutuelle pour rompre la spirale relative à l’armement et qui fait, idéalement, de la Méditerranée une région dans laquelle les diffé-rences peuvent se résoudre par des moyens pacifiques.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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2007 s’est terminé sans qu’aucune initiative régionale consistante sur le terrain de la prolifération nucléaire n’ait pu être mise en marche

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La menace nucléaire: une pluie incessante

Bien que soumise aux va-et-vient de l’agenda médiatique, avec de surprenantes apparitions à la une des journaux et des disparitions éga-lement étonnantes, la menace nucléaire est une des constantes les plus solides de notre monde, depuis sa tragique irruption à Hiroshima et Nagasaki il y a maintenant déjà soixante ans. Ce n’est pas seulement, comme parfois le ferait penser l’approche dogmatique de certains, une hypothèse restreinte à la possibilité qu’un acteur non étatique (un group terroriste, pour être plus précis) s’approprie du matériel radioactif ou une arme déjà opérationnelle (volée, achetée ou transférée directement par ses propriétaires), mais, surtout, une réalité dérivée du risque que repré-sente les 27 000 armes nucléaires accumulées par l’ensemble exclusif de pays qui les détiennent et des intentions de ceux qui désirent les imiter.

La situation actuelle est loin d’être apaisante tant que a) il n’y a pas de signes que ceux qui la possèdent pensent sérieusement à y renoncer, y compris certains de ceux qui prétendent les convertir en armes de com-bat; b) les mécanismes de contrôle sont dépassés par un développement technologique qui offre plus d’option à la prolifération; et c) des pays très différents (et, potentiellement, des acteurs non étatiques) succom-bent à la tentation d’imiter les puissances nucléaires. Si nous ajoutons à ce panorama général le processus dans lequel s’est lancé l’Iran, on aura une idée juste de la gravité de la menace que représentent des armes capables d’annihiler quelconque vestige de vie humaine sur la planète.

Prolifération nucléaire, l’inquiétude permanente

Une fois de plus, et en tant que signal de frustration à peine voilée, il faut rappeler ici que 2007 s’est terminé sans qu’aucune initiative régio-nale consistante sur le terrain de la prolifération nucléaire n’ait pu être mise en marche. La Méditerranée reste une zone excessivement militari-sée, tant sur le terrain conventionnel que celui des armes de destruction massives, et où se maintient une course permanente à l’armement, en ce compris accélérée maintenant après l’annonce récente de Washington de réarmer ses partenaires de la région, à commencer par Israël1. Dans ces conditions il est illusoire d’imaginer à l’agenda régional des initiatives telles que la zone Libre d’Armes Nucléaires (zLAN), tant de fois mise sur la table des différents cadres internationaux et tant de fois abandonnées devant le manque de volonté pour explorer cette voie.

Les tendances militaristes qui dominent la région, loin d’augmenter la sécurité de l’ensemble, restent de manière obsessive centrées sur un réarmement global qui dérive uniquement sur l’insécurité de chacun. La confrontation israélo-arabe est, à la différence, le facteur qui contribue le plus directement à cette dynamique, servant ainsi de justification pour couvrir d’autres intérêts pour augmenter les capacités sécuritaires contre les menaces internes et celles provenant des autres voisins.

Un élément additionnel qu’il est intéressant de souligner dans ce sens de préoccupation est l’effet multiplicateur que l’exemple de l’Iran commence déjà à inciter. Traditionnellement référence fut faite à la position israélienne, clairement prolifératrice et en marge de n’importe quelle régulation interna-

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Vu aujourd’hui, cela donne l’impression que personne ne défend sincèrement le régime de non prolifération nucléaire

tionale, sert d’argument à ses voisins pour essayer de justifier leurs intentions plus ou moins réelles de se doter également de capacités chimiques, biolo-giques ou nucléaires - dans cet ordre-, pour pouvoir compenser la nette supériorité d’un pays qui n’a toujours pas réussi à se faire accepter dans la région. Sans que ce facteur n’ait perdu de vigueur, c’est maintenant le programme iranien qui dans une plus grande mesure accélère avec force la voie prolifératrice dans le monde arabe… et jusqu’en Turquie. Dans sa très claire recherche de leadership régional, le régime chiite de l’Iran provoque une crainte croissante parmi ses voisins (musulmans, mais majoritairement sunnites, et non seulement arabes, mais aussi turcs), qui n’accepteront pas passivement que Téhéran se dote d’un moyen de dissuasion si puissant. En conséquence, on commence à entrevoir dans la région des prises de posi-tions favorables au développement de l’énergie nucléaire qui ouvrent une porte à de plus grandes déstabilisations dans le futur.

Sur un plan plus général, un autre des facteurs qui contribuent le plus à expliquer cette pulsion d’armement est le maintient d’une “guerre contre la terreur”, que Washington s’entête à promouvoir malgré l’évidence de ses effets contreproductifs, non seulement dans cette région mais sur l’ensemble de la planète. Dans cette perspective et en ce qui concerne la prolifération d’ADM, il est incontestable d’observer que l’orientation principale se tourne clairement vers la contre prolifération – en misant sur le renfort propre et allié des moyens militaires nécessaires pour détruire les capacités ou les programmes des adversaires2-, au détriment de la non prolifération – avec une sensation croissante de méfiance quant aux possibilités de cadres aussi importants que le Traité de Non Prolifération (TNP) et une critique constante du travail d’inspection de l’OIEA. Cette tendance déstabilisatrice s’accroît encore plus lorsqu’on constate que de nouvelles puissances nucléaires doivent suivre le comportement des États-Unis et réévaluent aussi leur propre stratégie nucléaire, dans le but de faire de ces armes des instruments à l’usage de combat.

Un dernier élément d’inquiétude en lien avec ce sujet est celui qui affecte la propre santé du régime en vigueur de non prolifération. Il semble bien éloigné maintenant le moment où fut décidé la vigueur indéfinie du TNP (1995) et que fut établi un agenda, qui alors semblait réaliste, pour rendre plus efficace un instrument qu’il faut tout de même qualifier de grand succès historique3. Après cet événement marquant, qui semblait inaugurer une nouvelle étape dans le but de libérer le monde un jour des armes nucléaires, tout a changé rapidement avec l’irruption de l’inde et du Pakistan dans le club à partir du printemps 1998, le néfaste 11-S, la crise de la Corée du Nord (se retirant du TNP et faisant explosé son pre-mier engin à l’automne 2006) et la crise ouverte avec l’Iran.

Vu aujourd’hui, cela donne l’impression que personne ne défend sincère-ment le régime de non prolifération nucléaire. Ceux qui ne le font pas, manifestement, sont ceux qui ont toujours été en marge de ses stipulations (Israël, l’Inde et le Pakistan). Les cinq pays qui sont reconnus formellement en tant que puissances nucléaires ne semblent pas non plus miser dessus et utilisent le TNP de manière sélective, pour condamner certaines puissan-ces prolifératrices (tandis qu’elles en appuient d’autres) en oubliant trop facilement leurs propres obligations de ne pas faciliter le transfert de ces matériaux à leurs partenaires et, surtout, d’exécuter l’ordre de réduire et d’éliminer leurs propres arsenaux4. Laissant de côté les pays qui se consi-

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dèrent ainsi en dehors de cette compétence, et qui se limitent passivement à figurer comme signataires qui ne gardent pas d’aspiration de leadership régional et/ou qui ne se sentent pas menacer par d’autres, il reste un grand nombre de puissances locales et régionales (parmi lesquelles l’Iran semble aujourd’hui le cas le plus figuratif) qui voient l’arme nucléaire comme un recours désirable (voire indispensable) pour leurs calculs stratégiques.

En peu de mots “la demande d’armes nucléaires ne diminuera pas tant que les états qui l’ont déjà continuent d’en faire étalage comme emblè-mes propres d’une grande puissance” 5. Sur la base du comportement de ceux qui la possèdent, ceux qui ne veulent pas accepter le statu quo actuel prétendront sans force (ou sans motivation suffisamment puissan-te) augmenter leur poids international, se défendre d’une menace proche ou compenser la supériorité d’un voisin ayant les engins nucléaires.

Dans la mesure où ce modèle de comportement se consolide, la nécessi-té de doter le TNP de plus de contenu perd du souffle parce qu’il ne sert les intérêts de presque aucun acteur important ou de ceux qui aspirent en faire partie. Pour modifier cette tendance il serait nécessaire, surtout, de compter sur des acteurs vraiment convaincus des avantages que com-porterait un monde libre d’armes nucléaires, dans lequel la recherche de sécurité propre ne se base pas sur l’accumulation de plus et de meilleures armes. De la même manière il faudrait “dissiper la perception que rendre l’armement nucléaire illégal est un objectif utopique”6.

Dans une revue un minimum réaliste du panorama actuel – et en reconnaissant que seuls les États-Unis ont la capacité pour assumer un objectif d’une telle nature -, nous voyons que, dans la pratique, la prin-cipale puissance nucléaire au monde (après celle d’autres qui se cachent dans une politique de pure suivisme) ne veut ni ne peut le faire. Comme le démontre sa propre attitude, il semble évident qu’ils préfèrent miser sur renforcer encore plus leur muscle militaire et que, en conséquence, ils ne se sentent limités par aucun traité – que ce soit le Traité sur les Missiles Anti-balistiques (ABM), le TNP ou le Traité jamais ratifié d’Interdiction Complète des essais Nucléaires (CTBT, en ces sigles anglais) –quand sont en jeux leurs intérêts nationaux. Mais, même s’ils désiraient le faire, ils ne le pourraient pas après avoir gaspillé un indiscutable capital politique dans des épisodes aussi négatifs que la manipulation d’arguments pour lancer une invasion très critiquée contre l’Iraq (il ne faut pas oublier le faux débat sur les supposées ADM du régime dictatorial de Saddam Hussein). Arrivés à ce point, qui peut se fier aujourd’hui en Washington en tant que non proliférateur et comme défenseur du TNP, de l’OIEA et, en général, de la légalité internationale dans le domaine de non prolifération? Quel autre acteur ou instance a la capacité pour mener ce processus?

Le problème découlant de cette situation n’est pas tant qu’il continue à affaiblir encore plu le régime de non prolifération nucléaire mais que, en plus, surgissent de nouveaux pays qui se posent ouvertement la question de la nécessité de réviser leurs positions traditionnellement antinucléaires. Que la Corée du Sud et, encore plus symbolique et important, le Japon entrent dans cette dynamique devrait servir comme coup de heurtoir pour éviter une chute dans l’abîme dont nous nous approchons dangereuse-ment. Si s’impose le “sauve (et se défend) qui peut”, nous ne pourrons pas empêcher que se multiplient les risques que ces armes arrivent aux

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Si nous ne créons pas un régime de non prolifération plus efficace nous ne pourrons pas être surpris que notre sécurité, de tous, soit encore plus précaire dans un futur immédiat

mains indésirables et que, à un quelconque funeste moment, quelqu’un considère que cela vaut la peine de les utiliser pour atteindre ses objectifs.

A ce qui vient d’être dit il faut ajouter la complication dérivée de l’essor prévisible de l’énergie nucléaire en tant que voie de sortie dans un contexte sensibilisé de manière croissante par le processus de changement climatique dérivé, en grande mesure, de l’utilisation de combustibles fossiles comme des moteurs de l’économie mondiale (bien que peut-être pèse plus l’idée que ces derniers vont s’épuiser). Sans que les problèmes de sécurité ne soient résolus dans le traitement de ce type de matériels énergétiques – depuis le simple fait que les centrales nucléaires puissent être vues comme des objectifs préférés pour des groupes violents de tout type, jusqu’à ce que soit mis en avant le propre manque de sécurité technique de ces installations et pour la radioactivité résiduelle des matériaux déjà utilisés et stockés – l’utilisation de l’énergie nucléaire est, à nouveau, présenté comme la meilleur manière de res-pecter le Protocole de Kyoto. Si ce courant d’opinions s’impose, et il y a assez d’indications que c’est le cas7, il est facile d’imaginer qu’en peu d’années le nombre de 442 réacteurs nucléaires actifs aujourd’hui sur la planète semblera petit.

Ceci signifie que, aux vues des intérêts géoéconomiques et des avancées technologiques déjà en marche, il y aura beaucoup plus de difficultés pour contrôler et réguler l’usage et le transfert d’un matériel aussi sensible. Le développement de cet imparable processus ne va pas attendre – de fait ce n’est pas ce qui se passe- qu’il existe des cadres de régulation qui éliminent tous les problèmes de sécurité prévisibles dès à présent. Si nous ne créons pas un régime de non prolifération plus efficace, si nous ne dotons pas l’OIEA de plus de capacité intrusive dans ses inspections, si, en définitive, nous ne cherchons pas de mécanismes multilatéraux de gestion adaptés à une réalité qu’il est déjà impossible d’inverser, nous ne pourrons pas être surpris que notre sécurité, celle de tous, soit encore plus précaire dans un futur immédiat.

Évaluation de la crise autours du programme nucléaire iranien et ses répercussions sur la sécurité régionale

Dans notre rapport de 2006 nous affirmions que “une grande partie de la discussion sur la crise iranienne et sa possible prolifération nucléaire vient des obstacles que représentent un nombre considérable de suppositions, converties de manière erronée en faits insoupçonnables de connaissance communément acceptée”. Un an plus tard, nous pouvons partir du même fondement8, mais avec une différence importante et alarmante dans un scénario aussi volatil que le Moyen-Orient : le constant échange d’accusa-tions entre les acteurs principaux, l’évidence que l’Iran suit son programme nucléaire (y compris l’enrichissement d’uranium), le manque de canaux effectifs de dialogue, le climat de méfiance absolue…, configurent une situation hautement explosive, dans laquelle les options militaires ne sont pas écartées.

Nous nous trouvons à un point où l’accomplissement d’une prophétie semble inévitable –l’accès iranien aux armes nucléaires-, tandis que toutes les voies de sortie de la crise par la voie des négociations ne seront pas

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épuisées. Nous serions donc, faussement, dans une situation dans laquelle certains semblent obligés à frapper – une fois qu’ils auront constaté l’inef-ficacité des pressions et des sanctions-, et les autres poussés à ne pas rétrocéder- comme unique moyen d’atteindre leur objectif de leadership régional. Un événement de ce genre ne voudrait pas voir que le régime iranien utilise son programme nucléaire comme un atout de négociation, pour atteindre la reconnaissance du rôle de leadership régional convoité, en même temps comme instrument pour obtenir des garanties de sécurité interne face à ceux qui désirent la chute iranienne. Il ne faudrait pas non plus comprendre que ceux qui menacent d’intervention militaire ne sont pas, au jour d’aujourd’hui, en conditions pour passer des discours aux faits, non seulement par manque de volonté mais par simple manque de moyens pour mener un plan d’attaque avec des chances de succès.

Si à cela on ajoute qu’il ne faut pas plus de trois à cinq ans, selon les sources consultées, pour que l’Iran soit en conditions d’enrichir de l’ura-nium à grande échelle9, nous pouvons conclure qu’il reste du temps – bien que chaque partie puisse reconduire le processus vers une solu-tion satisfaisante... ou au désastre.

Evolution du “Cas Iran” en 2007

L’année 2007 a commencé de la même manière qu’avait terminé l’an-térieure: une augmentation graduelle des tensions quant aux activités nucléaires iraniennes, avec l’OIEA essayant d’agir en tant qu’intermé-diaire honnête entre les États-Unis et l’Iran. Comme suite à la Résolution 1696 (le 31 juillet 2006) du Conseil de Sécurité de l’ONU, le 23 décem-bre 2006 le Conseil approuva à l’unanimité la Résolution 1737, qui inaugurait la séquence de sanctions internationales au régime iranien. Dans son texte10, et après avoir confirmer le manque de volonté des autorités iraniennes pour arrêter les activités d’enrichissement d’uranium et de traitement du matériel nucléaire, l’idée fut admise de leur concé-der 60 jours pour qu’ils cessent tout action dans ce domaine, comme condition préalable pour commencer des négociations qui permettent de résoudre la crise engendrée par leurs manquements antérieurs. Simultanément, elle imposait des sanctions à des individus et des orga-nismes iraniens liés au programme nucléaire.

Dans un climat dans lequel se font déjà entendre ouvertement des allu-sions à la nécessité d’utiliser la force pour éviter ce qui est considéré comme totalement inacceptable (la maîtrise iranienne de tout le cycle nucléaire), les installations de Natanz ont attiré une grande partie de l’attention internationale au début de cette année. L’objectif principal de ce cas-ci était de fouiller pour trouver quelle part de vérité il y avait dans les annonces du régime iranien, et du propre président Mahmud Ahmadineyad, sur l’entrée en fonction d’une cascade jusque 3.000 centrifugeuses (comme démarche préalable à l’installation de quelques 54.000, objectif final pour atteindre une production à grande échelle).

Bien que ce début d’année ait pu faire penser que la distance avant d’entrer dans l’étape décisive de la crise se réduisait, les mois suivants commencèrent à faire place à une nouvelle dynamique: tandis que le président Ahmadineyad et son gouvernement continuaient avec leur

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Jouant sur une rhétorique extrémiste les dirigeants iraniens semblent être sûrs de leur position actuelle

rhétorique conflictuelle, l’attitude des États-Unis et de l’Union euro-péenne semblait perdre en intensité, y compris malgré que ce premier trimestre se vu compliqué, le 23 mars, avec la capture iranienne de 15 marins britanniques dans des eaux du golfe Persique11. En marge d’autres questions mineures, il y a deux raisons principales qui expliquent ce changement dans le comportement occidental: le manque d’effec-tivité de la stratégie suivie jusqu’à présent et la croissante faiblesse des États-Unis sur la scène internationale.

Pour ce qui concerne les États-Unis, il semble chaque fois plus indéniable que la politique récente de la Maison Blanche ajoute à l’idée de retenue (“containment”) de l’administration antérieure, l’idée que le régime ne tom-bera que sous la pression directe et par la force. Quant à l’Union européenne, sa propre faiblesse en tant qu’acteur extérieur, et surtout le sentiment que toutes ses possibles offres et propositions sont subordonnées au dernier mot de Washington, leur enlève du pouvoir de persuasion et d’opérationnalité aux yeux du régime iranien, peu importe les efforts réalisés.

Tant Mohamed Jatami, avant, comme avec Ahmadineyad, maintenant, -sans oublié que le véritable pourvoir du régime reste de manière inal-térable dans les mains du Leader Suprême de la Révolution, Ali Jamenei –l’Iran a suivi une évolution croissante stratégiquement, jusqu’à se convertir en une puissance régionale de plus en plus sûre de son destin. La faiblesse relative de sa politique extérieure est plus liée à la complexité de son environnement politique interne qu’à n’importe quelle possible pression venant de l’extérieure. Mais rien de cela ne l’a pas empêché à maintenir le cap d’une priorité comme celle de se convertir en un pays nucléaire, définie il y a déjà plus de vingt ans.

Tandis que les États-Unis et l’UE ont participé à un jeu dans lequel ils n’ont jamais obtenu un accord basique et ils ont mis en avant les indis-cutables fractures du propre Conseil de Sécurité – au sein duquel la Russie et la Chine ont servi de frein pro-iranien aux requêtes de ceux qui désiraient adopter des positions plus fortes-, Téhéran a su manier savam-ment ses bases. Jouant sur une rhétorique extrémiste – malgré qu’il faille reconnaître que son discours sur le programme nucléaire reste, en tous cas, relativement consistent-, accompagné d’actions plus conciliatrices- comme le fruit d’un calcul réaliste de la relation de forces sur la scène international et des fractures déjà mentionnée-, les dirigeants iraniens semblent être sûrs de leur position actuelle. Ceci fait que sa recherche de reconnaissance internationale et de garanties quant à sa sécurité interne se manifeste comme une position de force et non de faiblesse.

La seconde des raisons exposées plus haut- la faiblesse des États-Unis – est directement liée au plus grand poids de l’Iran. Dans un jeu dans lequel les deux camps (Iran et États-Unis/Israël) cherchent à asseoir leur hégémonie territoriale, le succès de l’un signifie, invariablement, l’échec pour l’autre, et dans ce sens le développement des événements récents a clairement bénéficié à Téhéran. L’échec israélien au Liban, montrant les limites du pouvoir militaire traditionnel, la montée des chiites et des partis politiques islamistes dans la région et, manifestement, la grave situation en Iraq et en Palestine a contribué à ce résultat. L’Iran se sent, pourtant, fortifié dans la même mesure que se vérifie que les États-Unis et ses partenaires israé-liens n’arrivent pas à imposer leur agenda dans la région.

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Un effet additionnel de cette perte notoire de crédibilité de l’actuelle admi-nistration américaine, tant à l’intérieur qu’au niveau international, est que les alternatives disponibles pour Washington se réduisent encore plus pour agir contre son rival dans la région. Sans l’appui des principaux pays euro-péens, des autres puissances des régimes de la région – aucun d’eux garantis aujourd’hui, sauf des exceptions comme les britanniques, l’Arabie Saoudite ou la Jordanie – et avec des relations difficiles avec l’OIEA12, les possibilités pour faire face à la montée iranienne dans la région sont chaque fois moin-dres13. Au contraire, il est chaque jour plus irréfutable que la communauté internationale – en compris bien entendu les États-Unis- a besoin de la col-laboration iranienne pour faire face aux défis régionaux de sécurité. Dans la recherche de solutions pour l’Iraq, dans la conformation d’un cadre régional de sécurité dans le golfe Persique et dans la lutte contre le terrorisme inter-national, Téhéran devient en fin de comptes un partenaire inéluctable.

Tout ceci, en synthèse, confère aux autorités iraniennes une grande marge de manoeuvre pour continuer plus avant avec son agenda et, appliqué à ce cas, pour continuer son programme nucléaire sans trop d’interférences externes. Ajoutés à l’argument réitéré sans fin que son objectif est, stric-tement, de doter le pays de sources énergétiques alternatives à celles qu’il a déjà grâce à sa richesse en pétrole et en gaz, des activités qui laissent la porte ouverte aux développement militaires futurs restent sur le fil du rasoir. Dans ce sens, le président Ahmadineyad a annoncé, en mars 2007, que l’Iran avait commencé la construction d’une nouvelle installation nucléaire (avec une capacité de 360Mw) à Darkhovin et, le mois suivant, il ajouta que les installations à Natanz avaient déjà la capacité de produire de l’uranium enrichi à niveau industriel14.

L’approbation à l’unanimité de la résolution 1747, de la part du Conseil de Sécurité de l’ONU, le 24 mars15, n’a même pas semblé modifier sa trajec-toire dans aucun sens perceptible. Dans celle-ci il fut à nouveau exigé que l’Iran cesse toutes ses activités d’enrichissement et de reproduction dans un délai de maximum 60 jours et les sanctions ont été élargies à de nouveaux acteurs (la banque d’Etat Sepah et les dirigeants du Corps de gardes de la Révolution Islamique), en même temps que lui fut imposé un embargo sur les armes et que furent fermées les voies d’accès aux crédits à l’exportation de biens iraniens. D’autre part, elle offre à l’Iran de suspendre les sanctions si Téhéran suspend ses activités d’enrichissement et de reproduction. Si avant cette date l’unique geste conciliateur iranien avait été la proposition annoncée de la bouche de son principal négociateur d’alors, Ali Lariyani16, d’établir un moratoire de 30 jours pour suspendre simultanément les sanc-tions et les activités nucléaires, après cette nouvelle résolution aucun geste substantiel ne fut perçu qui permette de débloquer le processus et le plan diplomatique.

Face à cette position iranienne, encore aujourd’hui la communauté inter-nationale continue de croire formellement dans l’option diplomatique pour résoudre la crise, autant que Washington prétend convaincre les autres membres du Conseil de Sécurité de l’ONU de la nécessité d’approuver une nouvelle Résolution. Au milieu de messages qui ne cachent pas leur bellicisme, d’autres acteurs comme la Russie essayent de mettre les atouts dans leur jeu, tachant de ne pas se brouiller avec leurs clients iraniens17 et de maintenir leur image formelle de défenseur de la légalité internationale. Ainsi une troisième vague de sanctions fut rejetée, prévue pour durer plus

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Depuis l’extérieur, de fortes résistances se manifestent pour accepter comme irrémédiable que l’Iran se soit converti déjà en leader régional

que les précédentes, et, bien plus, le lancement d’une attaque militaire pour les conditions minimales actuellement (novembre 2007).

Il faudrait conclure qu’on n’a toujours pas réussi à agencer adéquatement les pièces pour arriver à débloquer la crise dans un futur immédiat. Depuis l’extérieur de fortes résistances se manifestent (quand ce n’est pas un rejet authentique, comme c’est le cas de Washington, Tel Aviv et y compris Riad) pour accepter comme irrémédiable que l’Iran se soit converti déjà en leader régional. Pour consolider cette position, Téhéran peut croire qu’il a besoin de l’accès à l’énergie nucléaire (civile et, probablement, militaire) et ceci est précisément ce qu’il essaye d’éviter maintenant, en lui imposant l’interdiction de l’enrichissement d’uranium (activité, comme c’est bien connu, permise à n’importe quel signataire du TNP, comme c’est le cas de l’Iran). Il s’agit, qu’on le veuille ou non, d’une stratégie fragile dans la mesure où on prétend impo-ser à l’Iran de renoncer à quelque chose qui est parfaitement légal. Créer une exception à la norme générale 18 et, de plus, vouloir la fixer comme condition préalable à toute négociation ne semblent pas être des bases suffisamment consistantes pour mobiliser la communauté internationale (et encore moins l’Iran) au-delà de là où les équilibres de pouvoir actuels le permet.

Une esquisse chronologique des événements les plus importants de la période analysée ici (d’octobre 2006 à octobre 2007) peut être consul-tée en Annexe V.2.

Contamination de climat de sécurité nucléaire

On comprend aisément les préoccupations qu’un possible arsenal nucléaire iranien provoque dans un pays comme Israël, qui jusqu’à maintenant se félicite du monopole nucléaire dans la région. Mais aussi pour les autres voisin régionaux et pour la communauté internationale dans son ensemble cela présente un problème non des moindres, dérivé du processus généralisé de prolifération mondiale et du cas particulier iranien: il existe aujourd’hui une plus grande insécurité nucléaire par manque de contrôle étatique. De fait, la plus grande menace qu’il faut imaginer de nos jours, si finalement l’Iran acquiert un arsenal militaire, ne serait pas son usage volontaire de la part du régime (trop conscient des règles du jeu sur ce terrain et du véritable rôle des armes nucléaires en tant qu’élément dissuasif par excellence et comme signe de prestige), mais la possibilité que survienne un cataclysme par accident ou à cause de l’accès de groupes terroristes à ces armes.

Déjà dans le rapport de 2006 nous avions conclu que ce qui se passe dans la région peut déclencher l’apparition de nouveaux réseaux illicites qui tra-fiquent avec ces matériaux (l’exemple du pakistanais Abdel Qadeer Khan est encore plus récent) ou qui facilitent l’accès d’acteurs non étatiques à ce genre d’armes. De même nous affirmions que “il est important de souligner que ce dernier ne serait pas imputable directement au régime iranien; au contraire, il est improbable que n’importe quel État soit intéres-sé à partager son “trésor national avec des acteurs difficiles de contrôler. La raison de cet hypothétique croissance serait bien plus les imperfections des systèmes actuels de non prolifération et de contre prolifération- insuf-fisamment dotés pour éviter l’émergence de nouveaux États nucléaires et, encore plus, pour assurer la transparence, la sécurité et le maintient des

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arsenaux existants et des matériaux plus sensibles de la technologie appli-quée à ce domaine.” Un an plus tard, il semble important de rappeler que nous n’avons pas de meilleurs outils pour éviter que cette hypothèse puisse se convertir en une sombre réalité.

L’Iran ne ressent pas la nécessité de l’approbation occidentale pour continuer son chemin vers l’énergie nucléaire. Mais, du à la frustration dont il souffre pour ne pas être respecté et reconnu en tant qu’acteur avec qui il faut nécessairement compter, au moins, pour gérer les affaires régionales, il sera difficilement disposé à collaborer avec la communauté internationale pour un problème qui nous affecte tous. En même temps, par effet combiné des réticences iraniennes et des attaques de certains pays importants, l’OIEA rencontre des difficultés croissantes pour accom-plir ses tâches d’inspection sur le terrain. De cette façon, les essais pour développer plus et de meilleurs canaux de coopération augmentent la transparence autour des arsenaux et programmes nucléaires et, dans le cas qui nous occupe, en lien avec l’Iran et son programme nucléaire.

Dans cette ambiance de méfiance et de désintérêt dans la coopération internationale, tout programme nucléaire – civil ou militaire, iranien ou n’importe quel autre – passe par être considéré, par définition, comme une menace pour la sécurité. Et ceci est le cas non tant par crainte de déchaînement d’une guerre entre états, mais pour les possi-bles accidents ou convoitises privées impossibles de contrôler ou gérer. Le secrétisme absolu, l’intention d’esquiver les règles et le manque de transparence, combinés à la volonté explicite d’obtenir des avantages par tous les moyens, alimentent les trafics illicites et rendent difficile l’in-dispensable travail d’inspection que, par exemple, le TNP recommande à l’OIEA. Dans le cas iranien, ce problème est encore plus grave à cause de son caractère peu démocratique (par rapport à la possibilité de contrôle public sur ce que décident et font les différentes instances de pouvoir) et de la complexité interne d’un pays dans lequel il est difficile d’arriver à concilier les agendas des acteurs avec des orientations qui ne convergent pas toujours. La lutte permanente pour prévaloir sur un autre ne rend pas facile d’ajuster les orientations émanant de la hiérarchie religieuse, avec celle de certains personnages politiques ou avec la classe militaire. Il faut imaginer, par conséquent, que les divergences qui sont perçues sur un plan général se déplacent aussi au programme nucléaire, ce qui aug-mente la crainte du degré de contrôle qui peut être exercé en la matière.

Le fait que, étant donnée les conditions dans lesquelles il faut imaginer que s’est développé ce programme, l’Iran dépend toujours plus de four-nisseurs peu ou pas recommandables pour continuer son programme n’est pas fait pour apaiser les inquiétudes. D’autre part, on ne peut pas non plus dire que ses sources officielles (des entreprises russes et le gou-vernement chinois, principalement) soient un modèle de transparence.

Tant pour les pays voisins que pour les autres, ces faits constituent une pré-occupation qui devraient mener à une réévaluation globale de leur politique envers Téhéran. Sous de nombreux aspects, le “cas Iran” n’est pas très différent des autres défis de sécurité de nos jours, en ce que la pensée géos-tratégique du siècle passé est en train de perdre de sa vigueur rapidement. Au lieu de l’effort dédié quasi exclusivement à contenir le pouvoir militaire d’un possible rival, il semble bien plus conseillé de s’occuper de créer un

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Des pays à majorité sunnite de la région ne semblent pas disposés à accepter passivement la consolidation du leadership d’un régime chiite

environnement régional et global de sécurité, qui mette en jeu une vision à long terme des capacités très diverses et multilatérales. Bien que ce soit une répétition de ce qui a déjà été dit antérieurement, en ce qui concerne l’Iran, une voie alternative pour réduire la menace que peu représenter sa dérive actuelle serait celle de lui offrir des garanties de sécurité interne (comme cela semble avoir été le cas pour la Corée du Nord) et l’acceptation de son importance comme acteur principal dans la région. Sauf que nous pensons que le statu quo régional puisse se maintenir indéfiniment, nettement favo-rable aux intérêts occidentaux, qui prétendent maintenir le contrôle de la région sans tenir compte de Téhéran.

L’impact dans la région

En ce qui concerne les ADM, l’incertitude quant aux véritables ambitions et à la portée réelle du programme nucléaire iranien est le principal fac-teur perturbateur du climat de sécurité régional au jour d’aujourd’hui.

Israël se sent chaque fois moins sûr de sa propre position – en partie à cause de la situation dans les Territoires Palestiniens et au Liban, mais par-ticulièrement à cause de la possibilité de perdre son monopole nucléaire dans la région. Ces derniers temps il s’est intéressé à faire comprendre qu’il n’admettrait pas la nucléarisation de l’Iran et, avec les États-Unis, c’est l’acteur le plus enclin à lancer un coup de force pour l’éviter.

Pour sa part, l’Arabie Saoudite et, en bonne mesure, le reste des pays à majorité sunnite de la région ne semblent pas disposés à accepter passi-vement la consolidation du leadership d’un régime chiite. Certains d’entre eux diffusent des rumeurs sur de supposées décisions de mise en marche de leurs propres programmes nucléaires, dirigés vers Téhéran (dans un objectif, vain, de paralyser leur programme) et, surtout, à Washington (pour essayer de provoquer une réaction américaine effective qui freine ce qui est aussi considéré comme inacceptable). D’autres préfèrent activer directement leurs propres alliés en Iran et dans certains endroits où se fait sentir son influence, pour créer des problèmes au régime iranien et, de cette manière, le forcer à réévaluer son agenda de domination.

Il est probable que ce soit la Turquie et l’Egypte les deux pays qui peuvent envisager la situation, bien qu’ils le nient publiquement, avec le moins d’inquiétude. Si finalement Téhéran fait ce qui est considéré comme le plus prévisible (arriver à dominer le cycle nucléaire) ils verraient leur désir s’accomplir, bien que d’une voie détournée, de mettre fin à la longue période de monopole israélien. Bien que dans le fond ce ne soit une bonne nouvelle pour aucun des deux, ni le gouvernement turque actuel – qui semble être en plein processus de réévaluation de ses relations stra-tégiques avec Tel Aviv (et avec Washington), qui leur ont causé plusieurs problèmes avec le monde arabe-, ni le gouvernement égyptien sont ceux qui vont le plus s’inquiéter à court et à moyen terme de la montée perse. De fait, il y a des indices que l’Egypte pourrait être en train d’appuyer en secret Téhéran, avec l’idée de créer un contrepoids face à Israël19, Bien qu’il semble difficile d’imaginer qu’il soit disposer à renoncer à sa cam-pagne en faveur de la création d’une zone libre des armes nucléaires en Méditerranée, pour s’embarquer dans un programme nucléaire qui finisse par lui conférer la possession de ce type d’armement.

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La perception de ce processus même par d’autres pays extérieurs à la région varie énormément. Tandis que pour son voisin pakistanais le pro-cessus ne cause pas de notable inquiétude (les liens de collaboration en matière nucléaire entre les deux pays sont bien connus depuis des années), pour la Russie l’impact parait supportable. Ce n’est pas par hasard que Moscou est le constructeur du principal projet nucléaire iranien (la centrale de Bushehr) et un fournisseur important d’armes (y compris un système moderne de missiles antiaériens destiné à protéger précisément cette centrale). Parmi ses calculs pour récupérer l’influence perdue ces quinze dernières années on trouve la création de plus de problèmes aux États-Unis – s’embourbant et à la limite de ses capacités dans les scéna-rios iraquiens et afghans-, en même temps qu’elle travaille à maintenir le processus sous un certain contrôle (elle n’arrête pas de fournir le combus-tible promis pour la centrale iranienne et insiste sur la future obligation iranienne de renvoyer en retour à la Russie le matériel nucléaire déjà utilisé dans cette centrale). Dans ce jeu dangereux, Moscou comprend qu’il peut améliorer ses options pour ouvrir de nouveaux espaces à une zone de commerce dans laquelle elle est bien située, augmenter sa présence dans une région d’importance particulière géoéconomique comme le Moyen-Orient et provoquer une modification du statu quo, au moins dans le cadre régional, qui peut lui être rentable dans le futur.

La perception américaine est très différente. Ce que l’Iran prétend remet-tre en questions, de manière frontale, est un cadre régional contrôlé par Washington depuis des décennies. Un contrôle qui s’est basé sur une présence directe et sur un appui à des régimes qui ont accepté leur subor-dination presque sans aucune discussion. Ce qui était également le cas iranien, jusqu’au déchaînement de la révolution en 1979. Depuis lors, la dérive des nouveaux responsables politiques iraniens a avancé progressi-vement vers une remise en question directe de certains des régimes de la région et du leadership des États-Unis. A côté d’autres décisions, le pro-gramme nucléaire suppose, si il arrive à son terme, la consolidation de l’Iran en tant que leader régional, et par conséquent, l’émergence d’un nouveau jeu, avec de nouvelles règles, qui puissent laisser Washington, Tel Aviv et Riad, à côté d’autres, dans une situation beaucoup moins confortable.

Tous, en définitive, se préoccupent pour les répercussions du possible désordre d’un processus qui atteint des niveaux de tension encore plus hauts, dans la mesure où l’Iran continue d’avancer vers la maîtrise complè-te du cycle nucléaire, tandis que la communauté internationale ne trouve pas de méthode efficace pour le freiner et que les débats se succèdent sur de possibles plans d’attaque contre le territoire iranien. Tout ceci sans oublier que, dans ce climat de transparence nulle, il puisse se produire un accident ou un détournement de matériel nucléaire dans des mains moins disposées à accepter les règles du jeu nucléaire toujours complexes.

Des pointes d’espoir

Même en étant conscients de la gravité de la crise, nous comprenons qu’elle n’a pas encore atteint un point de non retour, par ce qu’il faut supposer que, si réellement il existe une volonté politique dans les deux camps, il est toujours possible d’accommoder les intérêts en jeu pour atteindre un accord sans nécessité d’arriver à des solutions de force brute.

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Si réellement il existe une volonté politique dans les deux camps, il est toujours possible d’accommoder les intérêts en jeu pour atteindre un accord sans nécessité d’arriver à des solutions de force brute

Actuellement on peut voir un certain optimisme, pas réellement fondé, sur l’effectivité de la diplomatie après le succès apparent en Corée du Nord quant à son programme nucléaire. Ce serait une erreur de penser que ce qui s’est passé là-bas pourrait être automatiquement applicable à la situation que pose l’Iran, étant donné que la situation des deux pays, tant interne qu’externe, est simplement incomparable. Cependant, la pos-sibilité de profiter des éléments que le cas coréen a mis en avant pointe à l’horizon comme moteur de recherche de solution.

Le premier de ceux-ci est en lien avec la faiblesse structurelle de l’écono-mie iranienne. Bien que l’Iran soit, manifestement, un pays beaucoup plus prospère économiquement que la Corée du Nord, elle doit faire face à une crise économique qui affecte un pourcentage important de la population, ce qui provoque des critique et un mal être croissant contre le régime. De même cela génère des situations aussi paradoxales que le fait que, malgré qu’il soit un producteur de pétrole et de gaz à niveau mondial, il continue à faire preuve d’une importante dépendance de l’extérieur en produits raffinés et distillés. En résumé, et bien qu’au niveau de la conjoncture les prix mondiaux de ces produits semblent lui être favorable, il sait qu’il n’a pas assez avec ses propres potentiels financiers et technologiques pour faire face aux demandes d’un plus grand bien-être de sa population et pour exploiter pleinement ses immenses richesses pétrolières et gazières. Le pays a besoin d’investissements étrangers et de collaboration technolo-gique à un degré bien plus haut qu’actuellement. C’est dans ce plan que peuvent être imaginées de grandes possibilités pour trouver un accord qui satisfasse les intérêts des parties s’affrontant aujourd’hui.

Le deuxième élément à considérer après l’expérience coréenne est l’im-portance qu’a pour la résolution de la crise l’implication d’autres acteurs régionaux avec des intérêts sur le sujet et avec des canaux de communica-tion directs avec l’Iran. La Chine, en plus d’être un partenaire industriel de l’Iran, a déjà fait savoir sa préoccupation au sujet du programme iranien. La Russie a en ses mains des éléments très substantiels pour faire pencher la balance dans un sens ou un autre, et même le Pakistan aurait beaucoup à apporter à une stratégie de résolution pacifique du problème. Sur ces bases, les États-Unis et l’UE devraient réorienter leurs efforts pour créer une dynamique multilatérale qui rendraient possible une coordination entre ces pays, comme alternative à l’actuelle réévaluation suivant les dis-cours et les actions antagonistes de Washington et de Téhéran.

Les Armes chimiques et biologiques: une base stratégique au XXIème Siècle?

Jusqu’à un certain point il semble logique qu’une attention médiatique et investigatrice significative soit dédiée au thème des armes chimiques et biologiques – la vision d’un groupe terroriste international employant, par exemple, du gaz sarin dans un centre métropolitain est un des soucis de tout responsable politique et des responsables de la sécurité nationale et internationale. Cependant, d’un point de vue stratégique, et sans dévaloriser d’un iota son potentiel destructeur, il faut reconnaî-tre qu’elles ont perdu une grande part de leur valeur historique en tant qu’armes d’usage possible dans le champ de bataille et sur le terrain de la dissuasion, comme celui qui est supposé pour les ADM dans les calculs

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d’affrontement entre les acteurs nationaux. De fait, bien que de nom-breux pays de la Méditerranée continuent de maintenir des arsenaux chimiques et biologiques- et vraisemblablement continuent d’investiguer dans ces domaines (voir Tableau 2), l’idée s’impose que leur existence et leur possible usage pendant une hypothétique guerre leurs crée beau-coup plus de dangers que d’avantages.

En d’autres mots, il n’existe pas de fondement cohérent pour maintenir ces armes. De ceci découle que, au lieu de continuer à insister sur l’immo-ralité de son usage, il serait beaucoup plus profitable que la communauté internationale prête plus d’attention au débat sur la logique de leur exis-tence. Aucun gouvernement national en méditerranée ne bénéficie aujourd’hui de l’existence d’arsenaux de ce genre et ce seul facteur, par lui seul, présente une claire opportunité d’arriver à sa complète élimination.

Le cadre international actuel dans ce domaine est défini par la Convention des Armes chimiques (CWC, en ses sigles anglais) et la Convention des Armes Biologiques et Toxiques (BTWC), qui aspirent à l’éradication mondiale de ces genres d’armes. Bien que les deux aient réussi à maintenir un rythme soutenu d’application (le Tableau 4 reprend les résultats les plus remarquables), cependant, dans la pratique des facteurs qui rendent difficile leur mise en œuvre existent encore et des risques perdurent que filtre le risque de sa prolifération. Il faut souligner, entre autres, le risque découlant des prévisions reprises dans leurs textes respectifs, qui créent une zone d’ombres sur ce que signifie « arsenaux » et « capacités »20. Un deuxième problème provient du fait que, en marge de l’importance intrinsèque de ce thème, d’autres priorités ou d’autres agendas de négociation internationale s’établissent qui finissent par provoquer des résultats très différents de ceux originalement pour-suis par ces Conventions (cédant la place dans des aspects déterminés et au contraire certaines réussites dans d’autres domaines). De même, la contamination permanente du thème nucléaire rend difficile la réali-sation de plus d’avancées en la matière. La vision traditionnelle de ces engins comme les “armes nucléaires des pauvres” provoque de facto une plus grande résistance au désarmement, de la part de ceux qui veu-lent continuer à maintenir une certaine idée de l’équilibre, illusoire en tous cas, face aux puissances nucléaires qu’ils perçoivent comme mena-çantes (le cas israélo-arabe est, certainement le plus évident). Un dernier élément à considérer dans le même sens est le mauvais exemple que des puissances comme les États-Unis ou la Russie transmettent au reste de la communauté internationale avec leur comportement21.

Tout ceci, en résumé, se traduit par ce que, malgré les apparences, il y a toujours beaucoup de pays qui ne sont pas disposés à payer le prix diplomatique ou économique nécessaire pour atteindre un monde libre d’armes chimiques ou biologiques.

Prolifération chimique et biologique en Méditerranée

Pour ce qui concerne la région, et comme on le peut le voir dans le tableau 2, la situation par pays est variée, tant en ce qui concerne son degré d’accomplissement des deux Conventions (voir Tableau 5) que son propre effort proliférateur dans ces mêmes domaines (voir Tableau 2).

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Dans le panorama international actuel il y a des raisons évidentes de relations publiques pour éviter d’apparaître comme un pays qui a opté pour entrer ouvertement dans le jeu biologique

Dans les armes chimiques, la Libye, la Syrie et l’Iran ont des programmes connus, bien que dans le cas libyen il faut souligner la coopération avec les États-Unis et le Royaume Uni pour démanteler ses capacités depuis trois ans. De plus, il semble probable que tant l’Egypte22 que Israël aient encore quelque programme militaire en marche dans ce terrain, tandis que se maintiennent les doutes sur le comportement de l’Algérie et de l’Arabie Saoudite. Israël a bien signé la CWC, mais sans arriver encore à la ratifier, tandis que l’Egypte, l’Iraq23, le Liban et la Libye ne l’ont même pas signé.

Pour ce qui concerne les armes biologiques, il n’existe aucun pays qui admette avoir des arsenaux actifs, bien que nombreux sont ceux qui figuraient traditionnellement comme pays ayant développé des pro-grammes dans ce domaine (depuis l’Egypte et l’Iran, en passant par l’Algérie, Israël et la Syrie). La majorité ont signé et ratifié la BTWC, mais certains ne sont pas arrivés à cette dernière étape (comme l’Egypte et la Syrie) et d’autres n’ont même pas apposé leur signature (comme Israël et la Mauritanie).

Dans le panorama international actuel il y a des raisons évidentes de relations publiques pour éviter d’apparaître comme un pays qui a opté pour entrer ouvertement dans le jeu biologique. Cependant, il y a divers pays en Méditerranée qui au minimum maintiennent leur intérêt pour explorer les possibilités des ces armes. La Convention pour son interdic-tion laisse la porte ouverte à l’investigation et au développement civile et pacifique de techniques associées à son usage, ce qui rend possible une déviation vers des fins militaires, étant donné qu’il n’y a aucune provision spécifique qui permette de détecter, contrôler ou vérifier si ce pas a été finalement franchi. De plus, les installations nécessaires pour l’investiga-tion et la production de possibles armes biologiques sont apparemment moins complexes et, dès lors, plus faciles à cacher ou déguiser que, par exemple, d’autres dédiées au développement de capacités nucléaires. Au jour d’aujourd’hui, les trois pays qui apparaissent liés de manière récurrente à de possibles programmes de production de ces armes sont l’Iran, Israël et la Syrie.

La menace des armes chimiques et biologiques

Une des raisons qui explique la préoccupation continue quant à la pro-lifération des armes biologiques est celle que suscite la possibilité, aussi lointaine qu’elle puisse paraître maintenant, que de futures avancées technologiques finissent par convertir en réalité les théories actuelles de contrôle sur les fonctions basiques de l’être humain, à partir des options qu’ouvre l’ingénierie génétique. À cela s’ajoute celle qui émane du possible transfert de capacités entre les États et des groupes non gou-vernementaux (terroristes, plus spécialement). Au contraire de ce qui se passe avec les armes nucléaires, pour les armes biologiques il est très dif-ficile d’identifier avec précision son origine, comme produit de quelque laboratoire spécifique de quelque pays concret. Cette circonstance rend potentiellement plus réelle l’hypothèse d’un transfert de ce type, depuis un État national (avec ou sans consentement explicite du gouvernement) à un groupe violent, au pouvoir d’échapper à l’accusation de culpabilité et, donc, à la représaille prévisible.

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Bien qu’il ne faille pas laisser de côté le panorama sombre que dessi-nent certains développements possibles de la technologie appliquée à ce domaine, actuellement ses possibilités ressortent plus du monde de la science fiction que de ce que nous analysons ici. En synthèse, il est très probable que l’usage des armes biologiques et chimiques réelles qui existent aujourd’hui ajoute un avantage tactique substantiel à son propriétaire et, sur un plan stratégique, les deux restent éclipsées par les armes nucléaires. D’un autre côté, y compris à petite échelle son usage est abondamment complexe, comme il fut mis en lumière avec des échecs réitérés de la secte Aum Shinrikyo (Vérité Suprême)24, dans son essai de semer la panique et la destruction dans le cadre de son agenda de violence développée au Japon, bien qu’elle avait plus qu’assez de res-sources financières et techniques pour faire avancer ses plans.

Comme nous l’avons déjà signalé antérieurement, les armes chimiques ont beaucoup d’aspects en commun avec les biologiques, spécialement en ce qui concerne son “usage dual” et la “traçabilité” pour identi-fier l’origine de sa fabrication et, donc, la responsabilité ultime de son usage. De même ils partagent une mauvaise image, qui alimente encore plus le secrétisme et le manque de transparence qu’ont d’autres caté-gories d’armement, compliquant ainsi autant la possibilité de scrutin publique sur celles-ci comme la nécessaire réponse de la communauté internationale pour atteindre son contrôle et, encore mieux, sa dispa-rition. En tous cas, bien que les armes chimiques soient plus étendues que d’autres ADM, fondamentalement pour des raisons techniques (elles sont à la portée de beaucoup plus d’acteurs avec une technologie et des ressources économiques moyennes), son usage militaire reste un exercice hautement compliqué et, en conséquence, très improbable (en marge de ce qui est considéré comme réellement décisif, comme c’est le cas avec les armes nucléaires, pour le cours d’un conflit violent).

Bien que l’impact de l’usage d’armes chimiques et biologiques puisse être très grave, tant en termes de victimes directes que ses effets psychologi-ques au sein de la population affectée, d’un point de vue étatique il y a aujourd’hui peu de raisons stratégiques pour investir de grands moyens dans ces programmes. Son efficacité tactique – tenant compte de la com-plexité de son usage et du risque résultant pour les propres troupes –est très réduite, surtout en comparaison avec des alternatives conventionnel-les. Son importance stratégique n’est pas non plus grande, comme l’ont démontrés les différentes guerres dans lesquelles elles ont été utilisées (ni la première guerre Mondiale ni celle dans laquelle se sont affronté l’Iraq et l’Iran dans les années 80 n’arrivèrent à changer la dynamique du conflit). Enfin, son effet dissuasif est minime ou inexistant.

Par conséquent, l’idée que ces armes soient une alternative peu chère aux armes nucléaires n’est tenable en aucun cas: tandis qu’elles fonctionnent comme un outil de dissuasion absolue en terme de conflit étatique, les armes chimiques et biologiques ont été simplement une alternative de plus dans le champ de bataille. Dans un monde globalisé, dans lequel la pression de l’opinion publique et d’autres acteurs est chaque fois plus décisive pour résoudre avec succès n’importe quel conflit violent, le coût d’utiliser ces armes dans un conflit “chaud” va toujours surmonter n’importe quel béné-fice potentiel en relation avec l’ennemi direct. Cet argument vaut aussi – et de manière encore plus convaincante – à l’échelle domestique, comme l’a

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Il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel il y ait des gouvernement disposés à offrir ces possibilités tactiques à des groupes en dehors de son propre contrôle

montré, par exemple, l’essai raté de Saddam Hussein pour contrôler sa pro-pre population kurde avec l’emploi massif d’armes chimiques en 1988.

Au contraire, les acteurs non étatiques, pour qui l’opinion publique a moins ou aucune importance, peuvent voir des bénéfices à l’usage de ce type d’armes, tant dans des situations de combat – par exemple, hypothétiquement, dans un nouvel affrontement entre le Hezbollah et Israël – comme pour des attaques terroristes. Même ainsi, l’argument déjà mentionné pour le cas des armes nucléaires est d’application, il est pourtant difficile d’imaginer un scénario dans lequel il y ait des gou-vernement disposés à offrir ces possibilités tactiques à des groupes en dehors de son propre contrôle (dans le cas du Hezbollah, par exemple, il faut conclure que l’usage des armes chimiques de la part de la milice chiite causerait un dommage immense à la Syrie et/ou à l’Iran).

Dans le cas d’activités terroristes à échelle internationale, il n’est pas facile d’imaginer qu’il y ait un État – bien que peut-être il puise il y avoir des éléments au sein de l’appareil gouvernemental – disposé à assumer le coût de se voir impliqué directement dans une attaque de ce genre. Malgré qu’il soit certain, comme nous l’argumentions plus haut, que la possibilité de vérifier l’origine de ces armes n’est pas aussi immédiate que dans le cas des armes nucléaires, il est improbable qu’il y ait un gouvernement actuel –le régime des talibans en Afghanistan étant une claire exception – disposé à investir de sérieux moyens seulement pour fournir à des groupes terroristes quelque chose qui entraîne autant de risques pour la sécurité national de ce même état.

En parallèle, le risque de perdre le contrôle du processus continue à augmenter aussi, résultant d’une avancée technologique imparable qui facilite précisément que des groupes terroristes puissent arriver à envisager son usage dans des cas déterminés. De fait, il semble qu’au plus faible sont ses avantages dans le champ de bataille classique, au plus son attrait est grand pour les terroristes. L’apparition de la “terreur radiologique”, par exemple, montre clairement combien les armes déve-loppées au travers de programmes gouvernementaux peuvent finir par être utilisées par des groupes en dehors du contrôle étatique25.

En définitive, malgré que l’importance stratégique des armes nucléai-res restent un facteur décisif dans les calculs actuels de sécurité et de défense mondiale et, dès lors, il est difficile d’imaginer un monde libre de ces outils de destruction massive, il y a de réelles possibilités d’arriver à mobiliser la volonté politique de la communauté internationale pour éliminer ces types d’armes au sein de la catégorie des ADM. Parmi les principales raisons pour se faire il faut souligner que :

• Elles sont difficiles à manier sur le champ de bataille• D’un point de vue stratégique, elles ne garantissent pas la survie de l’État• Elles ont un impact relativement mineur pendant la guerre• Le coût politique/diplomatique de son usage est très élevé, et en

contraste avec les armes nucléaires, elles n’ont pas un caractère dis-suasif suffisant pour prévenir l’éclatement d’une guerre.

• Le risque d’accident ou l’accès à des groupes non gouvernementaux est très élevé et, dès lors, les risques augmentent pour le propriétaire originel des armes de souffrir d’une représaille.

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Ébauche d’une sortie encourageante

La possibilité d’obtenir des armes chimiques et biologiques, dans un processus à portée mondiale qui aurait une grande importance en Méditerranée, est aujourd’hui une option réaliste. Et le moteur d’une étape de ces dimensions n’est pas tellement la peur que provoquent ces armes, mais bien au contraire, le manque de crainte: les bénéfices straté-giques pour tout propriétaire de maintenir ces arsenaux ne seraient pas suffisants pour justifier les coûts qu’il faudrait supporter si les puissances régionales et la communauté internationale augmentent la pression der-rière cet objectif. Pour la communauté internationale, l’importance de les éliminer du scénario méditerranéen serait principalement véhiculée par la crainte que représente un terrorisme international capable d’ob-tenir ces armes. Pour l’ensemble de la région en elle-même, l’élimination de ces types d’ADM contribuerait de manière considérable à l’améliora-tion du climat de confiance et de coopération, aujourd’hui faiblement développées.

D’autre part, les programmes d’investigation dans ces domaines présen-tent une plus grande complexité, non seulement parce qu’ils affectent des activités de nature strictement civile et commerciale, orientés vers un usage pacifique des avancées atteintes, mais aussi parce que certains acteurs signalés dans la zone – comme Israël et l’Iran par exemple –veu-lent maintenir de manière permanente la possibilité de rentrer de nouveau dans le jeu dans le cas où se produisent des avancées technologiques qui comprennent des avantages pour leurs stratégies respectives ou, encore plus préoccupant, si ils détectent que le contraire acquiert certains avantages dans ce domaine. Même ainsi, il est faisable d’améliorer la coo-pération dans ce domaine, au moins en ce qui concerne l’augmentation de la transparence et de la coopération des activités reliées.

Les bases sur lesquelles peuvent se fonder un processus de désarmement total de ces armes sont déjà établies par l’ensemble de normes et règles accordées sur ces thèmes pendant la dernière décennie26. A ceci il faut ajouter ce qui est repris dans la Sixième Conférence de Révision de la BTWC, célébrée en 200627, assumant qu’il s’agit d’accords relativement modestes, mais avec une claire orientation d’espoir.

À un niveau plus général, cependant, le grand défi pour la communauté internationale serait de profiter du fait que ces armes n’aient déjà plus la même importance stratégique que dans des périodes antérieures pour établir un authentique consensus international quant à sa complète éradication. Menée par les principaux pays occidentaux, la communauté internationale devrait être disposée à payer un prix élevé, tant écono-miquement que diplomatiquement, pour atteindre l’objectif final en vainquant les véritables résistances qui se manifestent encore chez dif-férents acteurs internationaux. En marge d’autres problèmes de sécurité internationale, il serait hautement conseillé d’éviter que le haut niveau de désaccord dans d’autres terrains (comme ce qui affecte l’Iran) finisse par bloquer les possibilités de sortie qu’on aperçoit maintenant dans la sphère chimique et biologique. Pour cela il serait également nécessaire que l’antagonisme actuel entre les États-Unis et l’Iran, par exemple, ne se portage à pratiquement toutes les conférences multilatérales. Comme malheureusement c’est ce qui se passe dernièrement.

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Contre cette aspiration joue le fait que, à l’instant même, on n’octroie pas la priorité nécessaire, et dès lors, on court le risque que la fenêtre actuelle d’opportunité finisse par se fermer à court terme si d’autres dynamiques continuent à alimenter la tension. Étant donné que l’usage étatique de ces armes est chaque fois moins probable, les pays qui sont encore impliqués dans la prolifération chimique ou biologique ne le font pas par nécessité absolue, mais parce qu’ils ne perçoivent pas de rai-sons et stimulants suffisants pour arrêter de le faire. Pour provoquer un tournant en lien avec ce sujet, il faut que la communauté internationale assume l’objectif en tant que priorité à son agenda, répète qu’il y aura des coûts diplomatiques pour ceux qui ne coopèrent pas et offre des stimulants importants pour qu’il y ait un intérêt à s’impliquer dans le processus de désarmement. Les mécanismes pour y arriver existent déjà; ce qu’il faut maintenant c’est ne pas laisser passer l’opportunité.

En plus de signer les deux Conventions et d’exécuter l’obligation de détruire les arsenaux et fermer ls programmes, d’autres pas nécessai-res pour consolider un processus avec de réelles possibilités de réussite sont: a) atteindre l’adhésion universelle à ces Convention; b) éliminer les zones grises qui cachent des prétentions d’échapper à la lettre et à l’esprit des ces normes; c) améliorer les mécanismes de contrôle et d’ins-pection pour éviter que des acteurs non étatiques intéressés à avoir ces matériaux puissent réussir à les posséder; et d) renforcer la législation nationale des signataires, avec la création d’autorités nationales qui ser-vent de point de liaison et de collaboration internationale pour éviter les usages indésirables des arsenaux ou des programmes qui existent encore ou qui puissent être conçus.

Missiles: le quatrième type d’arme de destruction massive

A la différence de ce qui se passe avec les armes chimiques ou biologiques, et malgré qu’ils soient fréquemment oubliés dans certaines analyses d’ur-gence, les programmes militaires de missiles sont des pièces clés de toute stratégie d’ADM. Ce qui importe avec ce vecteur de lancement primordial, mais pas unique28 est, en fonction de ses différentes portées, la capacité de projection de pouvoir octroyé à ceux qui les possèdent. Ils accumulent un pouvoir significatif avec des charges conventionnelles, mais ils acquièrent leur valeur stratégique maximum lorsqu’ils transportent une tête nucléaire, chimique ou biologique. C’est pour ce motif que les programmes de mis-siles génèrent tant d’inquiétude dans l’agenda de sécurité méditerranéen, bien qu’il est connu que, tant au niveau international que régional, les ten-tatives de limiter leur prolifération sont faibles si pas inexistantes.

Dans le cadre défini par la “guerre préventive” émanant de Washington des concepts déjà employés pendant la guerre Froide, comme celui d’attaques “préventives” ont à nouveau joué un rôle principal. Dans une tentative forcée de cette approche préoccupante, qui permettrait de devancer une menace hypothétique en lançant un coup avant que celle-ci ne vienne à se matérialiser, Israël l’a déjà utilisé, par exemple en 2003, dans son attaque à un supposé camp terroriste en Syrie. Un autre élément à prendre en considération pour comprendre l’importance inter-nationale croissante concédés à ces artefacts est le lent développement du système de défense stratégique américain (connu populairement

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On perçoit une inquiétude croissante face à l’intérêt manifeste pour s’approprier ces armes et pour les ostensibles difficultés pour mettre le holà à sa prolifération

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comme bouclier antimissiles), qui accélère encore plus la tentative d’autres acteurs pour obtenir l’amélioration de ces engins pour aug-menter leur portée et capacité de charge et pour surpasser les possibles systèmes antimissiles conçus pour les détruire.

Dans un processus jusqu’à aujourd’hui imparable on perçoit une inquié-tude croissante face à l’intérêt manifeste pour s’approprier ces armes et pour les ostensibles difficultés pour mettre le holà à sa prolifération. En définitive, tout programme d’ADM requiert un développement parallèle de systèmes de livraison, parmi lesquels les missiles – principalement balis-tiques, mais chaque fois plus les célèbres missiles de croisière – restent les plus représentatifs. Tandis que à échelle planétaire des pays comme le Pakistan, l’Inde, la Chine et le Japon sont en plein processus d’actualisa-tion de leurs capacités de missiles de croisière d’attaque à terre (LACM, dans ses sigles anglais), dans la Méditerranée le monopole d’Israël dans cette catégorie d’armes est très ouvertement menacé par des program-mes similaires en Iran. Téhéran n’essaye pas seulement de pourvoir à ses propres nécessités, mais a déjà commencé à renforcer ses alliés, comme ça a été vérifié récemment avec la fourniture d’une nouvelle génération de missiles, y compris d’avions non pilotés, au groupe libanais Hezbollah.

Malgré qu’avec la globalisation et les nouvelles technologies les possibi-lités de diffusion de connaissance et d’information offrent de nouvelles possibilités pour le développement de nouveaux genres d’armes, les pro-grammes de missiles restent encore une aire à portée d’un groupe choisi de pays. Le développement des LACM iraniens, par exemple, dépend quasi pour la totalité du débit d’information et de matériaux reçu de sources russes, chinoises, nord coréennes, allemandes et françaises. y compris Israël, qui a une importante capacité propre pour la recherche et la production de missiles, a un programme de missiles balistiques de portée moyenne, avec le Jéricho -3 avec la version plus récente29, qui est basé sur les connaissances transférées depuis l’entreprise française Dassault (dans le cas de Jéricho – 1) et du gouvernement américain (en ce qui concerne Jéricho – 2; qui est similaire au MgM – 31 Pershing). Dans les autres cas qu’il faut mentionner dans la région, les missiles qu’il peut il y avoir dans les arsenaux militaires sont le résultat de l’acquisition directe d’un producteur étranger.

Le fait que cette dépendance du marché international pour le dévelop-pement de missiles na pas mené à de meilleurs systèmes de contrôle, pour éviter sa prolifération, a comme origine la manière avec laquelle on a voulu comprendre la propre nature de ces armes. Traditionnellement on a préféré les voir comme des armes conventionnelles, de telle manière que leur emmagasinage et fabrication n’ont pas reçu l’atten-tion publique ni diplomatique qui a été octroyé à d’autres modalités d’armes non conventionnelles. Dans ce sens il n’y a pas eu un grand effort pour définir mieux les zones d’ombres qui ont permis le trafic régulier de matériel (des parties et des sous composants) et des systèmes complets au long des décennies. Ici comme dans d’autres terrains, se sont entremêlés des intérêts commerciaux avec des politiques, orientés vers le renforcement de régimes alliés, tandis qu’on tâchait de fermer la porte aux autres. En d’autres mots, au lieu d’obéir à un sincère élan de non prolifération, on a agit à l’excès avec des critères sélectifs, moins préoccupés par le risque intrinsèque que suppose la prolifération de ces

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Israël a le programme de missiles le plus avancé de toute la région méditerranéenne excepté la France

systèmes d’armes que pour éviter qu’elles ne tombent dans des mains non fiables pour les intérêts du producteur ou du vendeur.

En tous cas, ces dernières années il y a eu diverses tentatives pour renfor-cer le régime de non prolifération pour des missiles et leurs technologies associées. Cette dynamique fut impulsée, du moins en partie, par la conviction que les missiles sont des éléments essentiels de la prolifération des ADM. Mais ce fut l’accélération notoire dans la diffusion des nouvelles technologies appliquées à ce domaine après la fin de la guerre Froide et, surtout, la préoccupation des programmes nucléaires de pays comme la Corée du Nord et de l’Iran, qui ont provoqué cette nouvelle orientation30.

Le résultat le plus visible jusqu’à aujourd’hui de cette volonté, en 1999, fut la mise en marche du régime de Contrôle de la Technologie des Missiles (MTCR, dans ses sigles anglais), dans lequel s’additionne les efforts de 34 pays pour éviter la diffusion incontrôlée de ces engins et la technolo-gie associée (le Tableau 6 reprend la liste de ses membres et ses objectifs principaux). En novembre 2002 le travail réalisé dans ce cadre permit l’approbation du Code de Conduite de La Haye contre la Prolifération de Missiles Balistiques, qui intègre 119 membres et qui établit des restrictions similaires au MLTCR, bien que plus larges et moins strictes. Curieusement, bien que le MCTR serve autant pour les missiles de croisière que pour les balistiques, le Code de Conduite de 2002 ne mentionne pas ceux de croi-sière, ce qui, volontairement ou non, a contribuer à conférer une certaine légitimité à l’acquisition de LACM ces dernières années31.

Capacités en missiles israéliennes

Israël (voir le Tableau 3) a le programme de missiles le plus avancé de toute la région méditerranéenne – excepté la France – basé en grande mesure sur la collaboration étroite qu’elle maintient avec les États-Unis – pour le transfert de moyens, de technologie et d’armes-, mais sans oublier qu’elle possède déjà une grande capacité propre en tant que producteur et exportateur. Les deux éléments centraux de son program-me sont les missiles Jéricho déjà mentionnés et les sous-marins équipés de missiles de croisière (SLCM) Popeye Turbo et Harpoon, avec la capa-cité de transporter des têtes nucléaires, ce qui lui confère, dès lors, une capacité de “deuxième coup”.

À l’image de ce qui se passe pour son programme nucléaire, le secré-tisme est aussi une marque d’identité dans tout ce qui affecte son programme de missiles et au volume et aux caractéristiques de son arsenal. En se basant dès lors sur des estimations, il semble exister un large consensus sur l’existence de quelques 50 Jéricho 2, avec une portée entre 1.500 et 4.000 kms. On suppose aussi que le Jéricho 3 est déjà opérationnel et que sa portée atteindrait les 7.800km, il aurait sous son champ d’action tous les objectifs stratégiques possibles convoités par Israël.

En plus, en intime coopération avec les États-Unis, Israël a développé le Arrow, capable – du moins en théorie – de détruire des missiles balisti-ques du type Scud ou des similaires en plein vol, ce qui le convertit en un des programmes antimissiles les plus avancés de la planète.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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Après Israël, le programme iranien de missiles est, sans aucun doute, le plus remarquable de la région

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De manière similaire à ce qui se fait en Iran, l’objectif principal du pro-gramme de missiles et nucléaire d’Israël reste la défense de son intégrité territoriale. Cela explique que ces systèmes d’armes sont principalement pensés pour répondre à des nécessités de défense et pas tellement d’at-taque. En tous cas, et à la différence de ce que l’Iran a fait du moins jusque maintenant, Israël a démontré avoir une interprétation particu-lière de ce que signifie la défense de son intégrité territoriale, comme elle l’a démontré en différentes occasions dans lesquelles elle a lancé des opérations préventives ou “préemptives” contre certains de ses voisins.

Capacités en missiles iraniennes

Après Israël, le programme iranien de missiles est, sans aucun doute, le plus remarquable de la région (voir Tableau 3). Son effort continu – économique, technologique et politique – est le résultat de sa pro-pre expérience historique (comme accumulée après son affrontement avec l’Iraq entre 1980 et 1988), de son ardeur pour renforcer ses capacités de leadership régional et de la volonté de garantir sa sécu-rité territoriale. Ses calculs actuels semblent considérer comme très improbable une guerre ouverte déclenchée par ses principaux rivaux militaires – en première instance Israël et les États-Unis-, spécialement après l’échec israélien au Liban et la difficile situation de Washington en Iraq et en Afghanistan. Au contraire, ce qu’ils perçoivent comme la menace la plus probable est une attaque “préemptive” contre ses instal-lations militaires ou énergétiques.

En conséquence, une étape indispensable pour faire face à cette hypo-thèse est de développer une capacité de défense efficace et, en même temps, de représaille contre ceux qui pourraient arriver à l’attaquer. Sur ce point, et étant donné la supériorité aérienne reconnue de ses opposants, les missiles se convertissent en un instrument de grande importance. Bien que la possibilité de compter sur des moyens de représaille ne garantisse pas totalement la propre sécurité, au moins un armement nucléaire, sert pour compliquer les plans de toute attaquant potentiel. Peut-être sur base de cette explication pouvons nous comprendre la récente acquisition iranienne à la Corée du Nord de 18 missiles BM25, avec ses lanceurs mobi-les qui, avec leurs 2.500km de portée, peuvent menacer tout pays de la région, y compris certains d’Europe continentale.

Le noyau du programme iranien est formé de la série Shahab, avec le Shahab – 3 comme la version opérationnelle la plus avancée. Sa dernière version (Shahab 3ER) a une portée de 2000 Km, ce qui signifie qu’il peut atteindre Ankara, Alexandrie ou Sanaa sans avoir besoin de lance missiles mobiles. De fait, il existe des rapports non confirmés qui laissent compren-dre que l’Iran est en train d’investir dans la construction de silos pour ses missiles, au lieu d’opter pour les traditionnelles plateformes mobiles32.

En mars 2006, l’Iran révéla qu’il avait déjà le missile balistique de por-tée moyenne Fajr -3 (MIRV), c’est-à-dire, avec la capacité de surmonter certains systèmes de défenses antimissiles. Il faut interpréter le déve-loppement de cette nouvelle arme comme une réponse aux récents programmes israéliens et américains, spécialement au bouclier antimissi-les déjà mentionné.

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La revue de la région montre que s’accumulent de considérables, et très variées, arsenaux de missiles

Pour conclure que, de la même manière qu’Israël essaye de justifier sa position par ces engins, l’Iran prétend expliquer tous ses mouvements dans ce domaine pour des raisons défensives. Dans la pratique, les deux pays ont des moyens pour se défendre de ses adversaires, mais aussi pour les attaquer si cela était sa volonté à un moment déterminé. Une course à l’armement imparable est ainsi alimentée qui augmente l’insta-bilité du Moyen-Orient et qui ne semble pas avoir de fin à court terme.

D’autres capacités en missiles dans la Méditerranée

La revue de la région de ce point de vue montre que s’accumulent de considérables, et très variées, arsenaux de missiles et que, devant l’inexistence ou l’inefficience des mécanismes contre sa prolifération (la Turquie est l’unique membre de la zone qui soit intégré dans le MTCR), divers programmes sont en marche pour les améliorer. En plus de ceux déjà analysés séparément, il faut souligner parmi les pays les plus actifs sur ce plan la Syrie, l’Egypte et l’Arabie Saoudite (voir le Tableau 3), non seulement pour leurs programmes relativement avancés mais particuliè-rement pour les liens qui se sont établis avec le programmes d’Israël et de l’Iran.

La Syrie semble coopérer avec la Corée du Nord et l’Iran pour le déve-loppement de son Scud-B de courte portée. Selon Israël, elle a réalisé un essai en février de cette année, bien que ceci n’ait pas été confirmé par des sources indépendantes33. De même, il y a des indices que la Syrie a compté sur l’appui iranien pour améliorer ses missiles de courte portée en provenance de Chine DF-11 et DF-15. D’autres transferts détectés seraient ceux du missile russe de plus petite portée FROg-7 et le Misagh-1, une copie iranienne d’une copie chinoise du missile porta-ble terre air américain FIM-92 Stinger. D’un autre côté, elle serait aussi en train de développer de nouvelles capacités pour ses missiles Scud en essayant d’acquérir le Iskander-E (SS-X-26) russe34.

Si c’est le cas, la Syrie aurait aujourd’hui la capacité de frapper en tout point sur le territoire israélien, ce qui permettrait de continuer se straté-gie duelle: dissuader Israël (ou hypothétiquement, les États-Unis) d’une attaque et rester une menace pour Tel Aviv, dans son ardeur de devenir un acteur important dans le panorama du Proche Orient.

Il ne semble pas exagéré à ce niveau de lier le programme syrien de mis-siles avec le Hezbollah et sa lutte contre Israël. De fait, la Syrie a laissé entendre qu’elle a appris du conflit récent entre Israël et son allié liba-nais, et qu’elle réforme ses tactiques pour mieux faire face à un rival qui, militairement, reste très supérieur. Comme l’a démontré le conflit entre le Hezbollah et les IDF israéliens pendant l’été 2006, les missiles peuvent contribuer de manière décisive à rééquilibrer une situation de départ d’indiscutable infériorité militaire, et de là que la Syrie- aussi très infé-rieure à son rival israélien – semble augmenter son intérêt pour se doter de plus de capacités de missiles. En tous cas, il ne convient pas d’analy-ser le cas syrien comme si il était uniquement présenté en fonction de ce que Israël signifie, mais il faut comprendre que Damas a aussi la logique de préoccupation pour garantir la survie du régime et pour tenter de rester vu comme un acteur important de la région.

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Tandis que des avancées substantielles ont été réalisées dans le domaine de la non prolifération, les preuves se multiplient de l’intérêt notable et généralisé pour se réarmer

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La situation de l’Egypte est évidemment très différente, mais étant donné ses ressources économiques et technologiques elle a aussi la possibilité d’être un acteur significatif dans le domaine des missiles balistiques. Cette option a été jouée pendant des décennies à travers sa coopération avec la Corée du Nord, principalement pour développer ses missiles Scud-B et Scud –C, se basant sur les missiles nord coréens Hwasong 5 et 6. Cependant, l’intense pression des États-Unis semble avoir fait de l’effet et au jour d’aujourd’hui tout indique que cette voie de collaboration s’est fermée, bien que l’Egypte continue des développe-ments propres dans ce domaine

Malgré qu’il n’y ait pas d’indication qu’un changement immédiat ou radical ne se produise dans se stratégie, il est clair que l’Egypte main-tienne son intention d’être un acteur important parmi le scénario méditerranéen. Conscient de compter sur un arsenal de missiles adéquat est une pièce centrale pour y aspirer, il est prévisible qu’elle maintienne ouvertes ses options pour améliorer ses capacités dans ce domaine, pro-bablement de la main de partenaires moins problématiques aux yeux de Washington.

En de nombreux aspects, la situation de l’Arabie Saoudite est sembla-ble à celle de l’Egypte: elle doit équilibrer ses aspirations régionales et d’autodéfense avec sa délicate relation avec Washington. Loin de pou-voir compter sur des moyens propres qui garantissent sa sécurité dans un environnement aussi tendu que celui du Moyen-Orient, Riad a opté depuis des décennies pour se réfugier sous le parapluie de protection que lui offre le leader mondial. En tous cas, c’est un des principaux acheteurs d’armes de la planète et, dans la mesure où elle aspire aussi à être vue comme un référent régional, son intérêt a été croissant pour acquérir et développer ses propres plans d’armement en marge de son protecteur historique. Dans ce sens, ses importants moyens économi-ques lui permettent d’explorer de nouvelles voies qui le mènent, à côté de son intérêt notoire pour entrer dans le champ nucléaire, de se doter de plus et de meilleurs missiles balistiques et de croisière. Il n’y a pas, au-delà des arsenaux déjà connus (voir Tableau 3), de données concrè-tes sur ces plans, mais il faut imaginer que la préoccupation croissante inspirée par l’émergence de l’Iran en tant que nouveau leader régional et la perception que l’appui américain puisse s’affaiblir à court terme, stimule la réaction saoudienne.

Cette revue de la situation régionale et le comportement de certains des pays le plus importants dans ce domaine, ne peuvent que s’achever par un signe de préoccupation. Tandis que des avancées substantielles ont été réalisées dans le domaine de la non prolifération, les preuves se mul-tiplient de l’intérêt notable et généralisé pour se réarmer, devant ce qui est perçu comme un scénario en décomposition et avec la probabilité croissante de nouveaux éclatements de violence. Dans cette dynamique autiste, dans laquelle chacun doit se préoccuper uniquement de soi-même, la sortie habituelle est celle d’augmenter les capacités militaires, en croyant que, de cette manière, la sécurité propre augmente aussi. Un chemin erroné dans lequel les pays de la région sont depuis longtemps, sans avoir appris à cheminer vers d’autres voies.

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Données et nouvelles réalités35

Analyses de pays

Le tableau 1 reflète une vision générale des nouvelles et év´nements en 2006 et 2007.

Tableau 1: Nouvelles sélectionnées 2006/2007

2006 2007

Arabie Saoudite

Rumeurs quant au début d’un possible programme nucléaire en 2003S’est déclaré intéresser par un programme nucléaire civil en décembre 2006.

Spéculations quant à un intérêt à accélérer son programme nucléaire

EgypteSigne avec les États-Unis un accord de coopération pour éviter le trafic nucléaire dans ses eaux.

Plan pour construire un réacteur nucléaire de1.000Mw à Al-Dabah (en 10 ans), et trois autres réacteurs de 600Mw (pour 2020).

Iran

Le “cas Iran” est transféré au Conseil de Sécurité. Continue à refuser la suspension de ses activités d’enrichissement d’uranium.Etend ses capacités de missiles jusqu’à atteindre les 550 unités

Construit les 95% du réacteur de Bushehr, malgré que sa finalisation soit retardée par des problèmes financiers supposés.Suspension de 22 projets d’aide nucléaire technique à l’Iran comme con-séquences des sanctions du Conseil de Sécurité.Plans d’atteindre les 54.000 centrifugeuses, bien que pour le moment on estime qu’il y en ait 3.000 installées.

Israël

Continue de baser une grande partie de sa politique nucléaire sur la menace que suppose d’Iran.Le premier ministre, Ehud Olmert, affirme dans une interview que Israël est une “puissance nucléaire”

Améliore le SPyDER, adopte le Iron Dome, essaye le Arrow; tous des sys-tèmes de défense antimissiles. Bombardement des installations syriennes qui font prétendument partie d’un programme nucléaire secret.

LibyeSigne des accords avec les États-Unis, la Russie et la France en lien avec la production d’énergie nucléaire civile.

Maintient sa politique de renon aux ADM.

SyrieRéclame la signature du TNP de la part d’Israël.Cherche l’appui étranger pour substituer les Scud-B.

Washington congèle les activités américaines de trois organisations gouvernementales syriennes qu’il accuse de prolifératrices d’ADM.

TurquieL’agence nucléaire turque annonce la première installation nucléaire civile turque entre 2012 et 2015, et des plans pour en construire deux de plus.

Au plan national, et en comptant qu’un an n’est pas beaucoup de temps pour que se produisent des changements radicaux dans un domaine comme celui des ADM, la situation des pays de la région se synthétise dans les pages suivantes.

Algérie

L’Algérie dispose d’un réacteur nucléaire de 15Mw (Al Salam), qui doit probablement être réévalué à 40Mw. Est membre de la Convention des Armes Chimiques, mais sans intégrer la Convention des Armes Biologiques et Toxiques.

Arabie Saoudite

Bien qu’il n’y ait pas eu de nouvelles concrètes sur de possibles déve-loppements de programmes d’ADM pendant la dernière année, les messages de Riad augmentent sur l’opportunité d’un programme nucléaire pour augmenter son niveau de sécurité nationale (conscients de la faiblesse structurelle de ses moyens militaires et de son excessive, et de plus en plus gênante, dépendance du parapluie que lui fournit

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Washington). Pour ce qu’on en sache, n’a pas de capacité propre pour arriver à produire ses propres armes, bien qu’il soit probable que- à tra-vers le financement de programmes nucléaires dans d’autres pays- elle ait reçu de l’information sur la technologie nécessaire pour cela et sur les possibles voies d’accès pour l’importation de composantes ou d’armes, si à un moment telle décision serait prise.

A la fin de 2006 furent diffusés diverses déclarations de personnes éminentes du royaume sur l’intérêt national de mettre en marche un programme nucléaire civil. Bien que sans arriver à établir une connexion directe avec le problème iranien, il semblait évident que les rumeurs essayaient de montrer, au moins, l’anxiété que le développement de son voisin chiite provoqua par ceux qui se perçoivent eux-mêmes comme le principal référent du monde sunnite.

En décembre 2006, les membres du Conseil de Coopération du golfe – qui comprend l’Arabie Saoudite- maintinrent des réunions avec une équipe de l’OIEA sur de possibles plans de développement d’un pro-gramme nucléaire civil conjoint. Il faut aussi se rappeler que des canaux de communication sur ce thème sont toujours ouverts avec la Russie, le Pakistan et y compris la Corée du Nord36.

Égypte

L’intention de l’Égypte de récupérer son programme nucléaire est cha-que fois plus fondée. Le ministre de l’Électricité et de l’Énergie, Hasan younes, affirma en mars 2007 que le pays était en train de former du personnel, de préparer les infrastructures basiques et chercher des lieux pour le projet, dont l’objectif est d’établir 10 centrales nucléaires génératrices d’électricité dans le pays. En même temps, il déclara qu’il y avait des plans pour construire une centrale nucléaire de 1.000Mw à Al-Dabah, et vraisemblablement trois autres centrales de 600Mw. On estime que la première sera prête dans une dizaine d’années, et les trois autres avant 2020. Jusqu’à présent, l’Égypte n’a pas manifesté son inté-rêt à s’embarquer dans un programme d’enrichissement d’uranium.

La communauté internationale n’a pas reçu négativement la décision égyptienne de reprendre son programme nucléaire. Les États-Unis, la France et Israël ne le considèrent pas comme une menace à la prolifé-ration, tant qu’elle ne poursuive pas d’enrichissement d’uranium, et la Russie, la Chine, les États-Unis ont déjà manifesté leur intérêt à s’impli-quer dans le projet.

younes a insisté sur le bon accueil que les plans égyptiens ont dans la communauté internationale, avec 8 billions de livres égyptiennes (quelques 1.000 millions d’euros) investis dans le secteur énergétique pendant l’année fiscale 2006-2007. La Banque Mondiale, pour sa part, déclara en mars 2007 sa disponibilité pour financer tout programme nucléaire égyptien qui soit pacifique, et la Russie et l’Égypte sont arri-vées à un accord de principe de collaborer dans ce domaine. En tous cas, l’OIEA a déjà affirmé qu’il fallait à l’Égypte au minimum dix ans pour pouvoir disposer de capacité nucléaire.

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Pendant ce temps, le régime égyptien continue d’actualiser ses capacités antimissiles, au travers de contrat avec Raytheon Co. De même, cette fois-ci avec Boeing, elle est en processus d’augmenter ses systèmes de SM-1, SHORAD et Skygard “Aumoun”.

Iran

En marge du programme nucléaire, qui attire toute l’attention mondiale, l’Iran a essayer avec succès le missile antiaérien sophistiqué de courte portée Tor-M1 – qui dispose de 29 unités acquises auprès de la Russie-, et le missile de croisière SSN4 (Raad)- qui atteint des objectifs situés à 300km de distance, peut porter des têtes de guerre jusqu’à 500kg de poids et voler à basse altitude, en évitant de cette manière les radars et les moyens de type électronique.

Il affirma aussi avoir essayer un lance-roquettes, en insistant en tous cas que son objectif ultime n’est pas de lancer des missiles, mais des satel-lites commerciaux en orbite37. Le Pentagone affirma, au contraire, que ce lancement est l’étape antérieure pour que l’Iran développe un Missile Balistique intercontinental (ICBM), avec capacité d’atteindre la côte américaine, et estime qu’il sera près pour 2015. Apparemment38 l’Iran a réussi à convertir un de ses missiles Shahab-3 en un lanceur de satellites. Ceci suppose de passer de véhicules lanceurs d’une seule étape (comme le Shahab-3) à un autre de deux ou trois étapes (technologiquement plus complexe). Si ceci est confirmé, et il existent de nombreux signes que cela est le cas, Téhéran aurait réussi un sérieux coup de théâtre puisque, en définitive, l’unique différence entre un lanceur de satellites et un ICBM est, simplement, le genre de charge qui est installé à bord.

Israël

La position d’Israël reste dans la même ligne que dans les années anté-rieures, bien que avec un rôle, si c’est possible, plus actif qu’avant. La déclaration –ou vraisemblablement, le lapsus – du Premier Ministre, Ehud Olmert, en décembre passé – reconnaissant que Israël est une puissance nucléaire – n’a pas changé ni sa traditionnelle politique d’am-biguïté calculée, ni le comportement de ses voisins.

En septembre 2007 des documents furent diffusés39 qui indiqueraient que le pays cherchait à se réserver une position d’exception dans le régi-me international de non prolifération, tandis qu’elle continue à renforcer ses liens avec des fournisseurs de technologies et de matériaux nucléai-res. Dans le même mois, Israël a attaqué des installations en territoire syrien qui, selon ce qu’il a finalement reconnu informellement quelques semaines après, avait pour objectif de freiner son programme nucléaire supposé. Cette action, en plus d’être un avertissement pour ses adver-saires régionaux, peut être interprété comme une nouvelle approche israélienne pour renforcer sur la scène internationale son profile comme un acteur engagé dans la lutte contre la prolifération; tout ceci en marge de ce qui parait improbable que la Syrie soit en train de développer un programme nucléaire de grande portée.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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La position d’Israël reste dans la même ligne que dans les années antérieures, bien que avec un rôle, si c’est possible, plus actif qu’avant

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En général, Israël, qui combine ses propres capacités avec le soutien qu’il reçoit d’autres pays, reste basé sur la politique de développement de son arsenal nucléaire dans sa propension de compter sur un élément radical de dissuasion, et une punition hypothétique, comme un dernier recours face à de possibles scénarios de destruction de l’État dans ses affrontements régionaux, et, chaque fois plus, dans sa perception de ce qu’il considère aujourd’hui comme sa principale menace : l’Iran. Ainsi s’explique, par exemple, que l’effort principal dans sa recherche se cen-tre sur le développement de systèmes de protection contre missiles et no sur le développement de nouveaux missiles de plus grande portée. Dans ce sens, en novembre 2006, Israël annonça m’amélioration du SPyDER, un système de protection antiaérienne qui peut intercepter maintenant des menaces de moyenne portée et, en février 2007, approuva le sys-tème de défense contre des missiles de courte portée Iron Dome dont on estime qu’il sera terminé en 24 mois. Le même mois il essaya avec succès (en utilisant des simulation du missile balistique iranien Shahab – 3) le système de défense antiaérienne Arrow, capable d’intercepter des missiles à une altitude bien supérieure à celle de systèmes antérieurs, ce qui permet un deuxième essai dans le cas où le premier échoue. Dans son ensemble ces trois systèmes sont pensés pour défendre Israël de menaces aussi différentes que celle que représentent que les fusées rudi-mentaires palestiniennes Qassam ou les iraniennes zelzal, pour laquelle il faut augmenter le nombre de systèmes antimissiles Arrow 2 avec l’idée de les déployer dans tout le pays40.

Sur le plan diplomatique, Israël a signé cette année la Convention des Nations Unies pour la Répression des Actes de Terrorisme Nucléaire et, sur le plan purement militaire, le département de Défense des États-Unis a prorogé pour cinq autres années son appui au système israélien de défense déjà mentionné Arrow.

Comme point additionnel de cette stratégie de défense, en mars 2007, la Force Aérienne Israélienne (FAI) présenta une nouvelle version de son véhicule aérien non piloté, le Heron, avec une autonomie de 30 heures à une vitesse de 225 kilomètres par heure et une altitude de 10.000 mètres, ce qui lui fournit une portée de 6.700 kilomètres et, dès lors, la possibilité de couvrir la totalité du territoire d’Iran et le reste de ses voisins de Moyen-Orient. Pour le moment, l FAI a déjà reçu 8 Heron et l’Inde a signé un accord pour en acquérir 50 autres.

De même, le 20 mars 2007, Israël mena des exercices militaires en réac-tion à une hypothétique attaque simultanée de missiles contre divers points du pays. Dans l’opération furent impliqués la police et toutes les forces de sécurité et de secours, y compris des soldats, des pompiers, des ambulances, des fonctionnaires gouvernementaux et du personnel sanitaire. L’opération avait pour objectif central de montrer les leçons apprises dans la confrontation violente qui eut lieu l’été 2006 entre le Hezbollah et les forces israéliennes.

Libye

Libye maintient sa politique de renon aux ADM. Dans ce sens, l’Organi-sation pour l’interdiction des Armes Chimiques étendit le terme limite, à

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l’enrichissement libyen, pour la destruction de l’arsenal d’armes chimi-ques de Catégorie 141, jusqu’au 31 décembre 2010. De même, l’OPAQ s’est installé en Libye pour détruire les armes de Catégorie 242 aussitôt que possible et, en tous cas, pas plus tard que le 30 décembre 2011. En contraste avec ce processus, cependant, en juin 2007 la Libye refusa de respecter l’accord, malgré qu’elle fût parvenue à un accord avec les États-Unis pour détruire son arsenal. Il semble évident qu’il n’y a pas de volonté libyenne de ne pas respecter ce qui est établi, mais plutôt des raisons ponctuelles de nature économique.

D’un autre côté en avril 2007, le ministre des Affaires Extérieures affirma que l’Agence de l’Énergie Atomique russe coopérait avec la Libye pour le développement de l’usage pacifique de n’énergie nucléaire, particuliè-rement à des fins médicales.

Maroc

Le Maroc fait partie du TNP et ses agissements dans ce domaine se limitent à une récente demande pour construire un petit réacteur de recherche nucléaire, avec l’autorisation du gouvernement des États-Unis, et l’annonce de son intérêt à commencer la construction d’une centrale nucléaire, comme expliqué plus haut.

On ne lui connaît pas non plus d’arsenaux d’armes chimiques et biologi-ques. D’autre part, il figure comme État signataire de la BTWC et a aussi signé mais pas ratifié la CWC.

Syrie

Tandis que la Syrie continue d’insister, d’un côté, qu’elle n’est pas impli-quée dans un programme nucléaire et qu’elle n’a aucune intention de se convertir en une puissance nucléaire, d’un autre côté, elle insiste qu’elle pourrait se voir obligée de suivre ce chemin comme unique alternative pour faire face au haut niveau de consommation national d’énergie (à un rythme qui augmente de 10% chaque année) et à la chute de ses limites de réserves pétrolifères.

A côté des problèmes dérivants de l’existence supposée d’un program-me nucléaire, la Syrie se trouve en un moment encore plus délicat en conséquence à sa détention d’armes chimiques. Si cet arsenal a été créé à son moment pour des raisons de sécurité nationale ; maintenant sa simple détention constitue un facteur de conflit dans la mesure où ses ennemis se sentent menacé par cela ; il semble évident que l’abandon de ces programmes aiderait au régime et au pays à améliorer sa sécu-rité ; cependant, il est difficile d’imaginer qu’une telle décision arrive à se produire après l’effort réalisé au fil des années.

D’un point de vue analytique, il semblerait prudent que Damas réexa-mine ses priorités et évalue si le maintien de son arsenal chimique compense le risque de subir des attaques de plus grande quantité de ce qu’elle a subi le 6 septembre 2007 passé et les coûts43.

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210 III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

A côté des problèmes dérivants de l’existence supposée d’un programme nucléaire, la Syrie se trouve en un moment encore plus délicat en conséquence à sa détention d’armes chimiques

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En ce qui concerne le développement des missiles, la presse israélienne affirma en janvier 2007 que la Syrie avait essayé le Scud D, un missile balistique de courte portée (700 kilomètres) qui aurait dan son rayon d’action tout point du territoire israélien. Aussi, selon des sources de l’in-telligentsia, la Syrie serait en train de développer des nouvelles capacités pour le reste de son arsenal de missiles Scud en essayant d’acquérir le Iskander-E (SS-X-26) russe.

Turquie

La Turquie annonça cette année ces plans pour la construction de trois installations pour la génération d’énergie nucléaire, avec une capacité totale de 5.000 Mw, pour un coût global de quelques 5.400 millions d’euros et qui devraient être opérationnels entre 2012 et 2015.

Malgré que la crainte croissante générée par le programme nucléaire iranien ait contaminé le débat national sur la nécessité de réagir à ce qui est perçu comme une menace, il n’y a aucune preuve que Ankara ait décidé de mettre en marche n’importe que type de programme nucléai-re militaire.

Tableaux

Tableau 2: Situation globale des pays méditerranéens en ADM

Pays Biologiques Chimiques Nucléaires Missiles Balistiques

Arabie Saoudite Aucune Aucune? Recherche Oui

Algérie Recherche Développement? Recherche Non

Egypte Développement? Réserves Recherche Oui

Iran Développement Déploiement Développement Oui

Israël Capacité de production Capacité de production Déploiement Oui

Jordanie Aucune Aucune Aucune Non

Liban Aucune Aucune Aucune Non

Libye Terminé Terminé Terminé Oui

Maroc Aucune Aucune Aucune Non

Mauritanie Aucune Aucune Aucune Non

Syrie Développement? Déploiement Recherche Oui

Tunisie Aucune Aucune Aucune Non

Turquie Aucune Aucune Aucune Oui

yémen Aucune Aucune? Aucune Oui

Légende :- Capacité de Production: Capable de produire des ADM, sans avoir produit des quantités significatives.- Déploiement : Armes nucléaires, chimiques ou biologiques intégrées dans leurs forces armées et opérationnelles. - En Développement: Activités pour développer leur capacité de production.- Recherche : Activité à double usage (civiles, bien que possible d’être utilisées à des fins militaires)- Terminé : Production dans le passé. A démantelé l programme et ses munitions. - ? rapports ou données non concluantes

Sources : Center for Nonproliferation Studies (CNS), Jaffee Center for Strategic Studies) JCSS

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Tableau 3: Programmes de missiles sélectionnés

Pays Missile Quantité Portée (Km) Charge (Kg)

Irán

Shahab-1 (Shehab-1, Hwasong-5, Scud-B) 200-300 320 1.000

Shahab-2 (Shehab2, Hwasong-6, Scud-C) 100-150 500 1.000

Shahab-3 (Shehab-3, Nodong) 25-100 1.000 1.000

Shahab-4 1-2 prototype 2.000 1.000

Shahab-5 (ICBM) 10.000 1.000

Tor-M1 29 Courte portée -

SSN4 (Raad) 1 300 500

Israël

Lance (SRBM) 130 450

Jéricho I (SRBM) ~50 500-650 450-500

Jéricho II (MRBM) ~50 1.500 1.000

Jéricho III (IRBM) en développement 4.800 inconnu

Syrie

Popeye (SLCM) 200-350 200

Harpoon (SLCM) 120 200-220

SS-21 (Scarab) 200 70 160

Scud-B (SS-1C, R-17 Elbrus) 200 300 1.000

Scud-C (Hwasŏng-6) 60-120 500-600 1.000

Scud-D? (Nodong 1) 700 1.000

Arabie Saoudite DF3-A/CSS-2 50-120 2.200 2.000

- ?: Rapport ou données non concluantesSources: globalSecurity.org, fas.org, SIPRI

Tableau 4: Résumé du cadre de la BTWC et de la CWC

Convention Année Résultats ressortis

BTWC 1972Actuellement 158 pays (avec 16 en plus dont la ratification est pendante) ont signé le compromis pour interdire le développement, la production et l’emmagasinage d’armes biologiques et toxiques.

1ª CR 1980 Réaffirmation du compromis des membres.

2ª CR 1986 Début des systèmes de vérification et des mesures de création de confiance.

3ª CR 1991 Expansion des mesures de création de confiance.

4ª CR 1996 Nouveaux protocoles de vérification.

5ª CR 2001

Sans déclaration finale à cause du veto des États-Unis. Accord sur des réunions annuelles pour renforcer la conven-tion quant à ses mécanisme d’action en matière de sécurité, réponses internationales contre son possible usage illégal et altérations liées, renfort des institutions pour la détection et réaction et un code de conduite pour la com-munauté scientifique.

6ª CR 2006Récupération de la “dynamique positive”, perdue après l’échec de la 5ème CR. Accord sur les étapes suivantes à discuter- bien que non négocier- divers aspects de la Convention.

CWC 1993182 membres, engagés à interdire le développement, la production et l’emmagasinage d’armes chimique, et à coopérer avec des mécanismes de vérification et de contrôle.

1ª CR 2003Evaluation des mécanismes existants et réaffirmation de la volonté politique à travers deux documents finaux: Déclaration Politique et Document de Révision.

2ª CR 2008 -

Légende :BTWC: Convention sur l’interdiction du développement, production et emmagasinage d’armes biologiques et toxiques sur leur destructionCR: Conférence de Révision.CWC: Convention sur l’interdiction du développement, la production, l’emmagasinement et l’usage d’armes chimique sur leur destruction.Sources: www.opbw.org; www.opcw.org

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

212 III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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Tableau 5 : Participation des pays méditerranéens à la BTWC et la CWC

1972 1973 1974 1975 1979 1982 1984 1993 1995 1996 1997 1998 2000 2001 2002 2004 2007

Arabie Saoudite SIN RAT SIN DEP

Algérie* SIN DEP SIN RAT

Egypte* SIN SPF

Iran* SIN RAT SIN DEP

Israël* SIN SPF

Jordanie SIN RAT DEP**

Liban SIN RAT SPF

Libye APR SIN DEP

Maroc* SIN SIN DEP RAT

Mauritanie* SIN DEP SPF

Syrie* SIN SPF

Tunisie* SIN RAT SIN DEP

Turquie* SIN RAT SIN DEP

yémen SIN RAT SIN DEP

Autres acteurs méditerranéens

États-Unis* SIN RAT SIN DEP

France* APR SIN DEP

Royaume Uni* SIN RAT SIN DEP

Légende :* = Membre de la Conférence sur le Désarmement de l’ONU** = Déposé comme instrument d’adhésion.SIN – Signé; RAT – Ratifié; APR – Approuvé; DEP – Déposé; SPF – Sans Participation Formelle.BTWC: Convention sur l’interdiction du développement, production et emmagasinage des armes biologiques et toxiques et sur leur destructionCWC: Convention sur l’interdiction du développement, production, emmagasinage et usage d’armes chimiques et sur leur destructionSources: www.opbw.org; www.opcw.org

Tableau 6 : Données basiques du MTCR

Membres

Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Brésil, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Fédération Russe, Finlande, France, grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume Uni, République Tchèque, République de Corée, Afrique du Su, Suisse, Suède, Turquie et Ukraine.

Objectifs

Limiter la diffusion de technologie et systèmes – missiles avec un minimum de 500kg de charge et 300km de portée de véhicules aériens non pilotés (UAV) utilisés comme vecteurs de lancement des armes nucléaires.Coopération et transparence dans le commerce lié.

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Annexes

Liste d’acronymes

ABM Traité sur les Missiles Anti-Balistiques.

ADM Armes de Destruction Massive

BTWC Convention d’Armes biologiques et Toxiques (Biological and Toxins Weapons Convention).

CTBT Traité d’Interdiction Complète des Essais Nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty).

CWC Convention des Armes Chimiques (Chemical Weapons Convention).

ICBM Missile Balistique Intercontinental (Intercontinental Ballistic Missile).

IDF Forces Israéliennes de Défense (Israeli Defense Forces).

IRBM Missile Balistique de Portée Intermédiaire (Intermediate-Range Ballistic Missile).

LACM Missile de Croisière d’Attaque à Terre (Land Attack Cruise Missiles).

MIRV Véhicule de Réentrée Multiple et Indépendante (Multiple Independently Targetable Re-entry Vehicle).

MLRS Système de Lance-roquette Multiple (Multiple Launch Rocket System).

MRBM Missile Balistique de Portée Moyenne (Médium-Range Ballistic Missile).

MTCR Régime de Contrôle de Technologie des Missiles (Missile Technology Control Regime).

OIEA Organisme International de l’Énergie Atomique.

ONU Organisation des Nations Unies.

OPAQ Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques

OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

PEV Politique Européenne de Voisinage.

SLBM Misile Balistiqe Lancé depuis Sous-marin (Submarine-Launched Ballistic Missile).

SLCM Misile de croisière Lancé depuis Sous-marin (Submarine-Launched Cruise Missile).

SRBM Missile balistique de Courte Portée (Short-Range Ballistic Missile).

SSBN Sous-marin Nucléaire doté de Missiles Balistiques (Ballistic Missile Submarine).

TNP Traité de Non-prolifération des armes nucléaires

UE Union Européenne

UMA Union du Magreb Arabe.

UVA Véhicle aérien non habité (Unmanned Aerial Vehicle).

ZLAN zone libre d’Armes Nucléaires.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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Chronologie du programme nucléaire d’Iran (octobre 2006/octobre 2007)

28/10/2006. L’Iran confirma qu’elle a mis en fonctionnement une deuxième cascade de centrifugeuses pour l’enrichissement d’uranium. .

23/11/2006. Mohamed El Baradei dit qu’il reste encore diverses ques-tions pendantes avant de pouvoir dire qu’il n’existe pas d’activités nucléaires « non déclarées » en Iran.

23/12/2006. La Résolution 1737 du Conseil de Sécurité de l’ONU est approuvée à l’unanimité. Elle impose des sanctions contre l’Iran après qu’il n’ait pas arrêté son enrichissement d’uranium comme l’exigeait la Résolution 1696.

06/02/2007. L’Iran continuait l’installation de 3.000 centrifugeuses à Natanz, contre l’ultimatum du conseil de Sécurité de l’ONU. L’objectif final est l’installation de 54.000 centrifugeuses.

10/02/2007. L’OIEA suspend la moitié de ses projets d’assistance tech-nique à l’Iran. C’est une réaction contre le manque de coopération de Téhéran et dépend de l’approbation du comité de l’organisme.

22/02/2007. L’OIEA publiait son rapport pour le Conseil de Sécurité sur les activités nucléaires de l’Iran. Il soutient que Téhéran a accéléré l’enrichissement d’uranium au lieu de respecter l’ultimatum du conseil. Il contient aussi de l’information sur la construction continue d’installa-tions nucléaires, les activités sur les installations de Natanz et l’expansion du nombre de centrifugeuses.

06/03/2007. le chef de l’agence atomique iranienne, gholam Reza Aghazadeh, déclara que l’Iran a commencé la construction d’une nou-velle installation nucléaire à Darkhovin. Elle aura une capacité de 360 Mw.

09/03/2007. Le comité de l’OIEA approuva la suspension de 22 projets d’assistance nucléaire à l’Iran. Cela fait partie de l’imposition de sanc-tions de la part du Conseil de Sécurité de l’ONU.

21/03/2007. La construction du réacteur nucléaire à Bushehr semble être arrêté après le retrait de techniciens et d’ingénieurs de la part de la Russie. La Russie allègue qu’il y a un retard dans les payements de la part de Téhéran.

24/03/2007. La Résolution 1747 est adopté unanimement au Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle impose des sanctions contre l’Iran y compris en commerce d’armes et des moyens financiers.

09/03/2007. Le président Mahmud Ahmadineyad annonça que l’Iran a la capacité de produire du combustible nucléaire à niveau industriel.

23/04/2007. Des officiels russes déclarèrent que, par manque de fonds iraniens pour faire face aux payements pendants, le réacteur de Bushehr ne pourra pas être opérationnel avant l’été 2008.

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15/05/2007. L’Iran refusa le « plan suisse » pour arrêter son enrichisse-ment d’uranium en échange d’une suspension des sanctions de l’ONU envers le pays.

25/07/2007. L’Iran avertit qu’il considérait des « sanctions illégales » - en menaçant de se retirer du TNP- la suite des sanctions de l’Onu en réac-tion contre son programme nucléaire.

27/08/2007. L’OIEA publia un document élaboré pour l’Iran sur la coo-pération entre l’organisme et Téhéran.

02/09/2007. Mahmud Ahmadineyad annonça que l’Iran a atteint des objectifs importants pour son programme nucléaire et a 3.000 centrifu-geuses opérationnelles pour l’enrichissement d’uranium.

11/10/2007. L’Iran dit qu’elle a remis de l’information sur ses centrifu-geuses lors d’une réunion avec l’OIEA. De plus elle exprime son espoir sur la viabilité d’un plan suisse pour faciliter le dialogue entre l’Iran et la communauté internationale.

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III RAPPORT SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE EN MÉDITERRANÉE 2007 : AU-DELÀ DE LA MENACE NUCLÉAIRE•

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Sources des tableaux et autres sites liés d’intérêt

Sigle Nom Site Web

ACA Arms Control Organization www.armscontrol.org

OPBW Biological and Toxin Weapons Convention www.opbw.org

CNS Center for Non proliferation Studies http://cns.miis.edu

CDI Center for Defense Information www.cdi.org

CTBTO Preparatory Commission for the Comprehensive Nuclear- Test-Ban Treaty Organization www.ctbto.org

FAS Federation of American Scientists www.fas.org

global Security.org www.globalsecurity.org

OIEA Organisme International de l'Énergie Atomique www.iaea.org

IMF International Monetary Fund www.imf.org

ISIS Institute for Science and International Security www.isis-online.org

NTI Nuclear Threat Initiative www.nti.org

OPAQ Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons www.opcw.org

SIPRI Stockholm International Peace Research Institute www.sipri.org

The Bulletin of Bulletin the Atomic Scientists www.thebulletin.org

UNTD United Nations Treaty Database http://untreaty.un.org

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Notes

1. Pour un premier aperçu sur le sujet, Jesús A. Núñez, “Vente d’armes, stabilité et démocratie au Moyen-Orient”, El Pais, 9 août 2007

2. Si en 1981 Israël a accompli cette tâche, en détruisant ce qui aurait été le premier réacteur nucléai-re iraquien Osirak, maintenant (le 6 septembre de cette année) tout indique que leurs avions de combat ont fait de même en territoire syrien.

3. Obtenir que cinq puissances nucléaires s’engagent à réduire, voir éliminer, leurs arsenaux et que le reste des 188 signataires renoncent à acquérir une capacité si extraordinaire que le nucléaire.

4. La grande Bretagne est l’unique membre de ce groupe exclusif qui a osé, du moins en termes théoriques, développer une vision qui pose la question du renon aux arsenaux qu’elle possède.

5. Ainsi l’analyse avec précision george Perkovich dans “The End of the Nonproliferation regime?”, Current History, novembre 2006.

6. Commission sur les Armes e Destruction Massive (2007): les armes d la terreur; libérant le monde des armes nucléaires, chimiques et biologiques, UNESCO Etxea/Association pour les Nations Unies en Espagne.

7. Il suffit de signaler, dans la région, la décision que le Maroc a fait connaître en mars de construire une centrale nucléaire (dont le contrat comprend, pour le moment, des entreprises russes, amé-ricaines et françaises) ou l’accord signé par le Liban avec les États-Unis, également en mars, pour reprendre le développement des activités nucléaires à des fins pacifiques.

8. Dans le cadre d’une rencontre des pays membres de l’OIEA, son directeur, l’égyptien Mohamed El Baradei, assura que malgré les quatre années utilisées à inspecter les ambitions nucléaires de l’Iran, son organisation est incapable d’assurer de manière irréfutable que le programme nucléaire iranien soit de nature pacifique. USA Today, 5 mars 2007.

9. Ce point ne serait, dans le pire des cas, pas plus qu’une étape intermédiaire, bien qu’importante, du processus pour acquérir une capacité militaire opérationnelle sur le terrain nucléaire des années plus tard.

10. http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/gEN/N06/681/45/PDF/N0668145.pdf?OpenElement11. Ils furent libérés treize jours après leur détention, comme un “cadeau de Paque” dans les termes

du propre président Ahmadineyad, qui n’a pas hésité à mener cette courte crise pour récupérer le rôle principal face à ses rivaux internes, très critiques avec sa gestion et encore plus devant les mauvais résultats des alliés du président aux élections municipales de décembre passé.

12. Le 7 juillet 2007, Mohamed El Baradei avertit- selon la BBC – contre « les nouveaux fous qui veu-lent bombarder l’Iran”, http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/nuclear_detectives/6707457.stm

13. Ainsi semble le montrer l’impact minime des sanctions probables jusqu’à présent au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU.

14. Malgré que tout indique que la quantité de centrifugeuses installées n’est pas encore celle néces-saire pour atteindre ce point et que, au contraire, les problèmes techniques se succèdent pour atteindre un rendement optimal de celles déjà connectées.

15. http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/gEN/N07/281/43/PDF/N0728143.pdf?OpenElement16. Après plusieurs essais infructueux de démission, il abandonna finalement son rôle le 20 octobre

2007 et fut substituer par Saeed Jlili, jusqu’alors vice ministre des affaires extérieures pour l’Europe et l’Amérique.

17. Il est intéressant d’observer le jeu de Moscou, en tant que principal fournisseur du réacteur de Buhsher, pour ne pas perdre l’équilibre, conservant ses liens avec Téhéran mais, dans la pratique, repoussant à plusieurs reprises le calendrier d’entrée de l’ensemble de l’oeuvre et, spécialement, le combustible nucléaire pour débuter la production.

18. Qui, de fait, fonctionna pendant la période 2003-05, quand l’Iran répondit positivement à la demande de l’Allemagne, la France et la grande Bretagne pour entrer dans les négociations.

19. D. Dassa Kaye & F.M. Wehrey (2007): “A Nuclear Iran: The Reactions of Neighbours”, Survival, 49 (2), pp.111-118.

20. Il reste difficile de distinguer entre les raisons scientifiques et les activités militaires, comme le démontre clairement les ambiguïtés du General Purpose Criterion de la CWC, selon lequel sont interdits tous les produits “chimiques toxiques et leurs précurseurs, exceptés ceux dédiés à des buts non interdits par cette Convention, toujours en genre et quantités consistantes avec de tels objectifs”.

21. Il suffit de se souvenir que, sur le terrain des armes chimiques, les deux accumulaient, au moment de l’entrée en vigueur de la CWC (1997), 98% de celles qui existaient au niveau mondial. Aujourd’hui (2007), avec l’horizon du compromis acquis que en avril 2012 il ne doit plus exister aucune arme chimique, les États-Unis ont détruit seulement 40% de leur arsenal et la Russie uni-quement 20%.

22. L’Egypte a un clair profile proliférateur dans ce domaine. Il est suffisamment prouvé qu’il utilise des bombes de gaz mostaza durant la guerre du yémen, entre 1963 et 1967. Il semble aussi probable que, juste avant la guerre du yom Kippour (1973), elle ait transféré des armes chimiques à la Syrie.

23. C’est un pays qui a eu des arsenaux et des programmes de développement dans ce domaine et qui les a utilisés dans le contexte de sa guerre contre l’Iran (1980-1988) et contre sa propre population kurde. Dans l’actualité (novembre 2007) il négociait avec l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OPAQ) son intégration dans le processus international.

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24. Après dix tentatives ratées, son unique attaque “réussie” fut celle effectuée en juillet 1995, en utilisant du gaz sarin dans le métro de Tokyo.

25. J. Acton, M. Brooke Rogers & P. D. zimmerman (2007): “Beyond the Dirty Bomb: Re-thinking Radiological Terror”, Survival, 49(3), pp.151-168.

26. Pour un résumé actuel de la situation voir graham S. Pearson (2006): “The Importance of Implementation of the general Purpose Criterion of the Chemical Weapons Convention”, Kemijau Industri, 55(10), 413-422, http://knjiznica.irb.hr/hrv/kui/vol55/broj10/413.pdf. Ainsi que Nicholas A. Sims (2007): “The Future of Biological Disarmament: New Hope After the Sixth Review Conference of the Biological Weapons Convention”, The Non Proliferation review, 14(2), http://cns.miis.edu/pubs/npr/vol14/142toc.htm

27. http://www.opbw.org/rev_cons/6rc/6rc_press.htm28. Il faut aussi inclure dans ce chapitre différents types d’avions de combat, des véhicules aériens non

pilotés (UAV, dans ses sigles anglais), des véhicules spatiaux et des vecteurs terrestres aussi classi-ques que les célèbres « sac à dos nucléaires » ou les mines nucléaires.

29. Probablement opérationnel depuis 2005.30. C’est une donnée choquante qui ne semble pas avoir beaucoup de préoccupation pour la com-

binaison de missiles avec des armes chimiques ou biologiques, bien que ce fut cette combinaison exactement celle qui causa l’augmentation de l’intérêt pour la prolifération des missiles à échelle mondiale après les attaques de l’Iraq contre Israël avec des missiles Scud, en 2003. Sans fonde-ment clair pour cela, la vision qui associe les armes biologiques et chimiques au terrorisme semble s’imposer, tandis que les missiles tendent à être lié presque en exclusivité avec les armes nucléaires.

31. Ainsi le comprend, avec une vision critique et préoccupée Dennis M. gormley, dans « Missile Defence Myopia: Lessons from the Iraq War,” Survival, vol. 45, no. 4 (Winter, 2003-04), pp. 61-86.

32. Comme le reprend Uzi Rubin dans “The global range of Iran’s ballistic missile program”, Jerusalem Issue Brief V. 5, N. 26, 20 juin 2006, Jerusalem Center for Public Affairs.

33. “Israeli media says Syria has tested Scud,” Agence France Presse, 2 février 2007.34. Selon le Nuclear Threat Initiative (www.nti.org).35. Les auteurs désirent reconnaître la contribution de Júlia Viladomat dans l’élaboration de cette par-

tie du rapport. 36. Les contacts avec ces deux derniers pays semblent être une conséquence d’opérations financières

réalisées pendant la décennie précédente.37. Il est probable qu’il s’agisse d’un Taepodong-2 nord coréen, auquel on a simplement changé la

peinture extérieure et le drapeau, mais dans ce cas cela montrerait le niveau de collaboration avec la Corée du Nord (et avec le Pakistan) et la volonté de faire un saut dans ces dimensions de la part du régime iranien.

38. Aviation Week &Space Technology, 26 janvier 2007.39. george Jahn, Israel Seeks Exemption From Atomic Rules, Associated Press, 25 septembre 2007.40. Actuellement il existe deux séries déployées, une au sud et un autre au nord. La troisième série

pourrait se déployer près du complexe nucléaire de Dimona.41. Armes basées sur des substances chimiques “schedule 1” (calendrier 1). Sont désignées comme

« haut risque », et comprennent le sarin et le VX. 42. Armes basées sur des substances chimiques de “non-schedule 1” (non calendrier 1). Elles sont

conçues comme « risque significatif », et comprend le phosgène.43. Comme elle le matérialisa le 4 janvier 2007, quand Washington décida de congeler les actifs

américains de 3 organisations gouvernementales syriennes, accusées de prolifératrices d’armes de destruction massive.

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L L’initiatived’organiser ce séminairede façon conjointedatede l’année 2002. Depuis, et avec une périodicité annuelle,leMinistèrede laDéfenseet la FondationCIDOBont réuni

à Barcelone les principaux experts, du domaine académique etgouvernemental, civilesetmilitaires, impliquésdans l'étudeet lapratiquedelasécuritéetladéfenseenMéditerranée.

Cetterencontrevise,toutd’abord,àrenforcerlatransparenceetlaconnaissanceenrelationavec ledéveloppementet lamiseenoeuvredesdifférentes initiativesdans ledomainede la sécurité.Deuxièmement, il s'agit d'encourager des espaces de relation etdeconnaissancemutuelleentredespersonnalitésd'originesetdedisciplines différentes. Troisièmement, nous visons à contribueraudébatpolitiqueetacadémiquesurlasécuritéetladéfenseenMéditerranée.

Danscetteédition leSéminairedonneuneattentionparticulièreaux scénarios de sécurité en Méditerranée ainsi que des aspectsliées à la sécurité humaine (libertés fondamentales, coopérationcivil-militaireetreformedusecteurdelasécurité).

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PROGRAMMEDUSÉMINAIRE

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LUNDI, 5 NOVEMBRE 2007

16:00INAUGURATION

Parolesdebienvenue:Narcís Serra,PrésidentdelaFondationCIDOB

Inauguralconferences:José Antonio Alonso,MinistredelaDéfensedel’EspagneJoão Mira Gomes,Secrétaired’EtatàlaDéfenseetauxAffairesdelamer,Portugal

Pause café

18:00BALANCEDESINITIATIVESDECOOPÉRATION

LaPESCetlaPESDenMéditerranéeMartín Ortega,Professeurdedroitinternational,UniversidadComplutense,Madrid

LeProcessusdeBarceloneetlaPolitiqueEuropéennedeVoisinageEduard Soler,CoordinateurduProgrammeMéditerranée,FondationCIDOB,Barcelone

CoopérationenMéditerranéeOccidentale:5+5Mario Rino Me,Amiral,Président5+5,MinistredelaDéfensedel’Italie

Ledialogueméditerranéendel’OTANetinitiativedecoopérationd’IstanbulAlberto Bin,Chefd’AffairesRégionalesetDialogueMéditerranéennedel’OTAN

DébatModérateur:Luis M. Cuesta Civís,SecrétaireGénéraldelaPolitiquedeDéfense,MinistèreespagnoldelaDéfense

DînerOrateurinvité:Général Félix Sanz,Chefd'État-MajordesForcesArméesEspagnoles

PROgRAMA DEL SEMINARIO

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MARDI, NOVEMBER 6, 2007

10:00TABLERONDE:SCÉNARIOSDESÉCURITÉ(OUINSÉCURITÉ)ENMÉDITERRANÉE

Alvaro de Vasconcelos,Directeur,Institutd’ÉtudessurlaSécuritédel’UnionEuropéenne(ISS-EU),Paris

Khadija Mohsen-Finan,Chargéderecherche,InstitutFrançaisdeRelationsInternationales(IFRI),Paris

Shlomo Ben-Ami,Vice-Président,CentroInternacionalToledoparalaPaz,Madrid

Fred Halliday,ProfesseurdeRelationsInternationales,InstitutBarcelonad'EstudisInternacionals(IBEI)etLondonSchoolofEconomics(LSE)

Ian O. Lesser,Chargéderecherche,GermanMarshallFundoftheUnitedStates

Meliha Altunisik,ProfesseuredeRelationsInternationales,MiddleEastTechnicalUniversity(METU),Ankara

DébatModérateur:Haizam Amirah Fernández,chargéderecherche,MéditerranéeetMondeArabe,RealInstitutoElcano,Madrid

Déjeuner

15:00COMITÉS DE TRAVAIL SUR LA SÉCURITÉ HUMAINE

COMITÉA:

LIBERTESFONDAMENTALESETSÉCURITÉENMÉDITERRANÉE

Président:Jean-François Coustillière,contre-amiral,Chefdecabi-net,JFCConseil

Orateurs:Isabelle Werenfels,StiftungWissenschaftundPolitik(SWP),BerlinNadir Benseba,FédérationInternationaledeJournalistes,AlgerSalam Kawakibi,KawakibiCentreforDemocraticTransition,Paris

Reporter:Rosa Massagué,El Periódico de Catalunya

221PROgRAMA DEL SEMINARIO

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COMITÉB:

COOPÉRATIONCIVIL-MILITAIREDANSLECADREDESMISSIONSHUMANITAIRES

Président:Hans Gunter Brauch,Présidentdel’AFES-PRESS,chercheuràl’Institutpourl’environnementetlasécuritéhumaine(UNU-EHS)

Orateurs:Benito Raggio,GénéraldeDivision,DirecteurGénéraldepolitiquededéfense,MinistèreespagnoldelaDéfenseRadek Khol,SGConseildel’UE,DGEIXFrancisco Javier Gan Pampols,CoroneldesForcesArméesespagnoles

Reporter:Ángeles Espinosa,El País

COMITÉC:

RÉFORMEDUSECTEURDELASÉCURITÉ

Président:Yahia Zoubir,ProfesseurdeRelationsInternationales,EuromedMarseilleécoledemanagement

Orateurs:Arnold Luethold,CentrefortheDemocraticControlofArmedForces(DCAF),GenèveVolkan Aytar,TurkishEconomicandSocialStudiesFoundation(TESEV),IstanbulGemma Collantes,chercheusepostdoctorale,InstitutBarcelonadeRelacionsInternacionals(IBEI),Barcelone

Reporter:Rosa Meneses,El Mundo

Pause café

18:00CLÔTURE

Présentationdurapport2007surlesArmesdeDestructionMassiveJesús Núñez Villaverde,Directeur,InstitutodeEstudiossobreConflictosyAcciónHumanitaria(IECAH),Madrid

Rapportdescomitésdetravail:Rosa Massagué,El Periódico de Catalunya; Ángeles Espinosa,El País; Rosa Meneses,El Mundo

ConclusionsfinalesCelia Abenza,DirectriceGénéraledesRelationsInstitutionnelles,MinistèreespagnoldelaDéfense

19:00COCKTAIL

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