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La gestion des déchets nucléairesLa contribution du CNRS et de ses partenairesà travers le Programme sur l’aval du cycle électronucléaire PACE

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Ce document veut être en premier lieu un compte-rendu des activités du

Programme interdisciplinaire PACE (Programme sur l’Aval du Cycle Electronucléaire).

Il a été rédigé par Gilbert Blondiaux (CNRS/DSC), Alain Bourgeat (CNRS/SPM et Université Lyon-I),

Jean-Pierre Coutures (CNRS/DSC), Catherine Fillet (CEA/DEN),

Joël Lancelot (CNRS/SDU et CUFR de Nîmes), Federico Garrido (CNRS/DSC),

Christian Le Brun (CNRS/IN2P3), Éric Simoni (CNRS/DSC et Université Paris-XI),

et Pierre Turq (CNRS/DSC et Université Paris-VI),

avec le concours de Dominique Armand (CNRS/IN2P3),

et coordonné par Hubert Doubre (CNRS/IN2P3 et Université Paris-XI).

Nous remercions nos collègues du CNRS et des Établissements universitaires

pour les informations qu’ils nous ont fournies.

Nous remercions nos collègues de l’Andra et du CEA, en particulier Patrick Landais

et Dominique Warin qui ont bien voulu relire ce document.

Nous remercions Michel Spiro (CNRS/IN2P3) et Sidney Gales (CNRS/IN2P3)

pour avoir encouragé sa rédaction.

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SommaireIntroduction � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

1. Historique de la mobilisation de la communauté académique sur la loi Bataille2. Organisation des recherches3. Le CNRS et les Universités dans le dispositif de la loi de 1991

Les recherches sur l’axe 1 � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

1. La transmutation2. Acquisition de données nucléaires3. Les systèmes et scénarios4. Séparation et physico-chimie en solution homogène5. Le conditionnement spécifique

Les recherches sur l’axe 2 � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

1. Les études liées au stockage géologique profond2. Phénomènes physico-chimiques aux interfaces3. Modélisation numérique de la migration des radionucléides

Conclusions et perspectives � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

La gestion des déchets nucléairesLa contribution du CNRS et de ses partenaires à travers le Programme sur l’aval du cycle électronucléaire PACE

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�La gestion des déchets nucléairesLa contribution du CNRS et de ses partenaires à travers le Programme sur l’aval du cycle électronucléaire PACE

Introduction1. Historique de la mobilisation de la communauté académique sur la loi Bataille � � � � � �2. Organisation des recherches � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �3. Le CNRS et les Universités dans le dispositif de la loi de 1991 � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

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1. Historique de la mobilisation de lacommunauté académique sur la loi Bataille

Des raisons historiques ont longtemps tenu le CNRSet les Universités à l’écart des recherches sur l’énergienucléaire, principalement conduites par le CEA. La créa-tion en 1956 de l’INSTN a marqué la séparation entrel’enseignement de la physique nucléaire et des parti-cules (à l’Université), et celui de la technologie des réac-teurs et des applications de la radioactivité (à l’INSTN).Le développement, dans les années 60 et 70, duCommissariat à l’énergie atomique, avec une recherchefondamentale en propre associée à ses thématiques, acontribué à tracer une frontière nette entre la recherchefondamentale du CNRS et des universités et larecherche appliquée au domaine de l’énergie nucléaire.

La recherche académique s’est longtemps cantonnéeà la radiochimie, héritière en France d’une traditionprestigieuse et qui porte essentiellement sur la chimiefondamentale ou appliquée des radionucléides.Toutefois, l’effectif de cette communauté a continû-ment décru jusqu’aux années 90, d’autant plus qu’unepartie de ses chercheurs se réorientait vers la physiquenucléaire, via des études fondamentales sur la fission enparticulier. En physique des matériaux également, unediscipline qui concerne pourtant toute la technologienucléaire, il n’existait guère de contacts entre larecherche académique et les constructeurs de centrales.Enfin, si les problèmes généraux de l’énergétiqueétaient abordés dans de nombreuses écoles d’ingé-nieurs, ainsi qu’au département des Sciences physiquespour l’ingénieur (SPI) du CNRS, la production d’électri-cité fondée sur la fission était ignorée à l’Université. Ilest juste d’ajouter qu’à cette époque, le milieu acadé-mique opposait une grande méfiance face à la vague deconstruction de centrales nucléaires, méfiance que laconstruction d’un prototype de surgénérateur industrielne désarmait pas.

Le CNRS (et plus généralement la communautéacadémique) a trouvé dans l’adoption en 1991 de la LoiBataille un encouragement à élargir vers l’énergienucléaire le champ de ses recherches. Bien que la miseen place de recherches se situant dans le droit fil de laloi ait été assez lente, l’IN2P3 a soutenu dès 1993 lacréation d’un programme appelé Pracen (Programmede recherches sur l’aval du cycle électronucléaire) etimpliqué dans des mesures de données nucléaires debase, et le département des Sciences chimiques (SC) aencouragé, en 1995, celle du groupement de recherche

(GdR) Practis (Physicochimie des actinides et autresradioéléments en solutions et aux interfaces).

L’impulsion est ensuite venue de la CNE(Commission nationale d’évaluation) en 1994 et duCosrac (Comité de suivi des recherches sur l’aval ducycle) créé au ministère de la Recherche en 1996. Lamise en place de programmes interdisciplinaires, dontcelle de Pace (Programme sur l’aval du cycle électronu-cléaire) en 1997, programmes dont la direction généraledu CNRS souhaitait qu’ils traversent les frontières desstructures et des disciplines, a marqué le véritabledébut des travaux. Il importe de noter qu’ainsi, lesdépartements de sciences « dures » du CNRS s’aventu-raient sur une question de société, incontournable,mais sensible et très médiatisée.

Les différents départements du CNRS ont rapide-ment identifié les questions scientifiques de leurressort. Deux GdR ont été créés. L’un d’eux, Gedeon(Gestion des déchets par des options nouvelles),orienté vers la transmutation des déchets radioactifs,affichait nettement l’intérêt de l’IN2P3 pour lessystèmes hybrides, ces réacteurs assistés par accéléra-teurs (ADS) proposés par C. Bowman et C. Rubbiapour détruire les éléments les plus radiotoxiques desdéchets nucléaires. L’autre, Forpro (Formationsgéologiques profondes), centré sur le stockage souter-rain de ces déchets, allait inciter les chercheurs desgéosciences à collaborer avec l’Andra à la préparationde l’expérimentation dans le futur laboratoire souter-rain. Après Practis, le CEA a encouragé le départementdes Sciences chimiques à créer un GdR de chimie dusolide, appelé Nomade (Nouveaux matériaux pourdéchets). Enfin, l’Andra a beaucoup œuvré pourqu’un GdR de mathématiques appliquées, Momas(Modélisation mathématique et simulation) viennesoutenir les travaux de ses équipes à partir de 2000.

2. Organisation des recherches

Pour le CNRS, un groupement de recherche (GdR)est une structure originale, chargée d’encourager lacoopération de ses équipes de chercheurs avec desindustries et des organismes de R&D, sur des objectifsfixés à l’avance. Son rôle consiste à coordonner, rappro-cher et animer les travaux des équipes qu’il rassemble.

Dans le cadre du programme PACE, chaque année,un appel à propositions d’opérations de recherche estlancé : après examen de ces propositions par le Conseil

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scientifique du GdR et au vu de ses recommandations,le Conseil de groupement choisit les thèmes derecherche qu’il souhaite encourager et décide des attri-butions financières. L’intérêt des travaux menés estévalué via les publications auxquelles ils ont conduit etpendant un atelier-bilan annuel, au cours duquelchaque équipe présente ses résultats. L’animation scien-tifique passe par des ateliers thématiques, regroupant lacommunauté sur des sujets d’actualité retenus par leConseil de groupement, et par des réunions ciblées, àpublic plus restreint.

Cinq GdR ont donc été créés, ou renforcés, pourdévelopper les recherches portant sur la gestion desdéchets radioactifs de moyenne et haute activité à vielongue (MHAVL). Un effort particulier a été fait pourétablir des collaborations avec les acteurs du nucléaire :organismes de R&D (Andra, BRGM, CEA) ou industriels(Cogema, EDF, Framatome-ANP). Les Conseils de grou-pement ont particulièrement encouragé les sujets surlesquels pouvaient se retrouver les communautés deplusieurs GdR, et qui ont donné lieu à l’organisationd’ateliers communs.

Les objectifs de l’axe 1 de la loi, piloté par leCEA, étaient de développer des recherches sur lagestion des déchets nucléaires de haute activité àvie longue, et notamment sur la séparation, latransmutation, et le conditionnement deséléments séparés (solution alternative à la trans-mutation).

Pour étudier la transmutation, le CNRS a mis enplace en 1997 le groupement de recherche Gedeon, quiassociait le CEA et EDF aux travaux des équipes de sesdépartements IN2P3 et SC et des Universités, et auquelFramatome a participé de 1998 à 2001. En 2003, ce GdRa élargi sa mission vers les réacteurs du futur et estdevenu Gedepeon (Gestion des déchets et productiond’énergie par des options nouvelles), et Framatome estrevenu à son Conseil de groupement.

Dans Gedeon, la transmutation était initialementenvisagée dans des systèmes hybrides et les recherchesréalisées par les équipes du CNRS, en liaison avec lesuniversités et le CEA, se sont focalisées sur ce concept.Toutefois, l’intérêt manifesté, dès la mise en place duGdR, pour des systèmes susceptibles de produire beau-coup moins de déchets (en volume comme en radio-toxicité), s’est accru et a conduit, en 2003, à élargir les

thèmes soutenus aux systèmes de productiond’énergie nucléaire du futur. Actuellement, les acti-vités liées aux nouvelles filières de réacteurs du futuront une importance comparable à celles consacrées àla transmutation. Le CNRS s’intéresse particulièrementaux réacteurs à sels fondus et à la filière thorium-uranium 233.

Le GdR Paris (Physico-chimie des actinides et desradioéléments aux interfaces et en solution) a succédéen 2003 à Practis (de 1995 à 2002). Il regroupe leséquipes de l’Andra, du CEA, du CNRS (SC et SPI) etd’EDF autour de la physico-chimie des radioélémentsen solution, la chimie des transferts depuis la théoriejusqu’au développement de procédés industriels, lapyrochimie, la spéciation et la migration des radioélé-ments aux interfaces avec les minéraux naturels etenfin le comportement chimique des colis. Le GDRParis a permis que se (re)nouent des liens entre la radio-chimie et la physicochimie.

Dans le cadre de l’axe 1, ce GDR a particulièrementétudié la cinétique de la séparation, sur laquelle lesbesoins de connaissances fondamentales en physico-chimie étaient considérables, ainsi que le retraitementdans les réacteurs à sels fondus. Sur l’axe 2, il a centréune partie de son activité sur la physico-chimie auxinterfaces, sur la question essentielle de la modélisa-tion des échanges d’espèces chimiques entre solutionset surfaces minérales. Les réactions élémentaires auxinterfaces minérales, aux interfaces d’un systèmecomposite, tenant compte de la variété des espècesminérales du milieu naturel (on pense aux argiles) etdes espèces en solution dans les eaux profondes, et lesdonnées thermodynamiques essentielles pour lestockage ont été étudiées en priorité.

Dans le cadre de l’axe 1, le GdR Nomade , associantle CEA, le CNRS et les Universités, Cogema et EDF, aété constitué début 1999, avec pour objectif majeur dedévelopper de nouvelles matrices de conditionnementcapables d’assurer, sur de très longues durées en situa-tion de stockage définitif, le confinement de radioélé-ments à vie longue isolés par l’opération de séparationpoussée. Ceci correspond à une solution alternative,pour le cas où la transmutation ne serait pas mise enœuvre. Coordonnées par les laboratoires du CEA et duCNRS, les activités du GdR ont concerné des actionsspécifiques de synthèse des matériaux, tant pour leconditionnement (matrices pour actinides mineurs et

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produits de fission) que pour la transmutation (cibles).Des actions transversales ont fourni des outils d’évalua-tion des propriétés et potentialités de ces matrices etcibles (caractérisation, données thermodynamiques,comportement sous irradiation externe, radiolyse, lixi-viation, gels d’interface, modélisation, comportementde l’hélium, etc.).

Pilotés par l’Andra, les travaux de recherche liésà l’axe 2 de la loi ont visé à démontrer la faisabilitéet la sûreté d'un stockage de déchets MHAVL enformation géologique profonde.

Dans ce contexte, le GdR Forpro a été créé en 1998,en partenariat entre l’Andra et le CNRS, puis renouveléen 2000 et 2004. Il fédère 25 équipes des Sciences de laterre, des Sciences chimiques et des Sciences physiquespour l'ingénieur, venant du CNRS, des Universités etdes Grandes Ecoles, sur des actions de recherche fonda-mentale. Dans le cadre des programmes mis en placepar l’Andra, les chercheurs en géosciences ont faitpreuve de la disponibilité et la réactivité nécessairespour acquérir des données selon un planning trèscontraint par l’avancement des travaux (sondages,fonçage des puits, creusement des galeries). Larecherche de géologies pouvant convenir à un stockage,l’évaluation scientifique de leurs potentialités, puis lechoix du site de Meuse/Haute-Marne et la préparationdu programme expérimental dans le laboratoire souter-rain ont constitué les « temps forts » de ces recherches.Le comportement à long terme des matériaux danslesquels est creusé le laboratoire, ainsi que les questionsde circulation d’eau et de migration des éléments dansces matériaux ont été étudiés.

Le GdR Momas regroupe des équipes de recherchedu CNRS, des Universités et d’Instituts de recherchedans le domaine des mathématiques appliquées. Ildéveloppe des méthodes efficaces et robustes, qu’ilpropose à ses partenaires du GdR (Andra, BRGM, CEA,EDF) pour améliorer les outils de simulation numé-rique utilisés, en particulier dans les analyses de faisa-bilité et les évaluations de sûreté d’un éventuelstockage de déchets nucléaires.

Il est important de remarquer qu’outre le suiviassuré par leur Conseil scientifique et le Conseil degroupement de chacun d’eux, l’engagement des GdR etleurs résultats ont été évalués par plusieurs structures

extérieures indépendantes. Certains de leurs travaux ontété exposés devant la CNE. Le Cosrac a fait participer leProgramme Pace à la rédaction de son documentannuel « Stratégies et Programme des recherches » ; laDGEMP du ministère délégué à l’Industrie a bien voulule consulter et l’OPECST l’entendre.

3. Le CNRS et les Universitésdans le dispositif de la loi de 1991

La création du Programme Pace a fourni au CNRSl’opportunité d’apporter sa contribution aux connais-sances nécessaires à la gestion des déchets radioactifs,sur laquelle il arrive à tout citoyen de se prononcer, sansposséder toujours tous les outils nécessaires à uneévaluation correcte du problème ni une connaissanceun peu approfondie de ses implications techniques.

Cette situation nouvelle a éveillé chez les chercheursun appétit de connaissances, en même temps que s’af-firmait parmi eux le souci de fournir des informationsscientifiques permettant de porter un jugement sur laseule gestion des déchets. Aussi les chercheurs du CNRSet des Universités se sont-ils beaucoup investis :

- dans l’étude et l’évaluation de sites potentiels destockage, aux côtés de l’Andra (cf. Actes des journéesscientifiques CNRS/Andra, 1997),

- dans l’étude des systèmes hybrides, qui ouvre unchamp d’investigations particulièrement vaste mais àleur portée, centré sur la recherche d’un procédé d’éli-mination efficace et rapide des déchets les plus radio-toxiques.

La collaboration avec les grands acteurs français dunucléaire, sur l’analyse des modes de gestion ducombustible et de production des déchets dans les diffé-rentes filières, et la recherche de moyens d’en réduire laquantité ou la radiotoxicité, ont eu pour mérite derapprocher les équipes du CNRS de la communauté dessystèmes nucléaires (CEA, mais aussi EDF, Framatome,Cogema…). La mise en place au CNRS du programme« Énergie » a permis des rencontres importantes entre leséquipes des deux programmes et la confrontation despotentialités de l’énergie nucléaire à celles d’autres éner-gies se voulant, elles aussi, « durables ». Ainsi les cher-cheurs de Pace se sont initiés aux systèmes nucléaires dufutur, pour prendre part à leur évaluation tout en s’im-posant de respecter les deux objectifs suivants : réduc-tion de la production d’éléments radiotoxiques etrecherche de nouvelles techniques de transmutation. Par

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exemple, les systèmes à sels fondus sont intéressants àplus d’un titre : pour le transport de la chaleur, pour lesperspectives ouvertes en chimie, pour une productionplus « propre » d’énergie et pour la transmutation.

L’exposé qui suit devrait permettre de juger dutravail produit par les chercheurs des équipes engagéesdans le programme Pace et des résultats qu’ils ont

acquis. Chacun d’eux a apprécié ce domaine scienti-fique auquel il a contribué et tous souhaitent participerà la poursuite des recherches sur la gestion des déchetsnucléaires après le rendez-vous de 2006 prévu par la loide 1991.

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Les recherches sur l’axe 11. La transmutation � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

1.1 - Les réacteurs hybrides � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��1.1.1 - L’accélérateur1.1.2 - Les matériaux de la cible de spallation1.1.3 - La cible de spallation et le projet Megapie1.1.4 - La physique des réacteurs sous-critiques

1.2 - Les cibles de transmutation � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��1.3 - Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

2. Acquisition de données nucléaires � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ���2.1 - La spallation � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��2.2 - La capture et la fission � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��2.3 - Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

3. Les systèmes et scénarios � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��3.1 - Les systèmes hybrides pour la transmutation � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��3.2 - Les filières à sels fondus � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

3.2.1 - La physique du cœur3.2.2 - Le contrôle et le retraitement du sel3.2.3 - Les systèmes et scénarios de déploiement

3.3 - Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��4. Séparation et physico-chimie en solution homogène � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

4.1 - Les solutions de l’extraction hydrométallurgique � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �4.2 - Les sels et métaux fondus (haute température) � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �4.3 - Les sels liquides à température ambiante � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �4.4 - Les milieux supercritiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��4.5 - La modélisation théorique � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

4.5.1 - Chimie quantique4.5.2 - Modélisation moléculaire

4.6 - Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��5. Le conditionnement spécifique � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

5.1 - Le conditionnement spécifique des actinides mineurs � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��5.1.1 - Synthèse et frittage5.1.2 - Comportement à long terme

5.2 - Les actions transverses � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��5.2.1 - Caractérisations structurales5.2.2 - Lixiviation et gels5.2.3 - Irradiations externes5.2.4 - Radiolyse aux interfaces

5.3 - Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

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Le CNRS et les Universités possèdent peu de labora-toires « chauds » et pas de réacteur. Ils ont donc abordéles problématiques de l’axe 1 par des questions descience fondamentale (par exemple, acquisition dedonnées nucléaires de base en physique ou de donnéesde physico-chimie structurale) qui sont de leurdomaine de compétence.

En chimie, les travaux sur la séparation poussée(par voie aqueuse) effectués au CEA étaient déjà bienavancés lors de la création des GdR et les contribu-tions du CNRS dans ce domaine, souvent dans le cadredes PCRD européens, se sont donc focalisées sur lamodélisation moléculaire des processus d’extractionliquide-liquide. Par contre, des travaux expérimen-taux de spéciation, visant à décrire avec précision l’en-vironnement des radionucléides en solution, ont étéréalisés, faisant un large usage des méthodes physico-chimiques les plus avancées, en particulier le rayonne-ment synchrotron.

En cas de séparation des éléments (actinides mineurset produits de fission à vie longue), un éventuel condi-tionnement spécifique devait être étudié. Une méthoderigoureuse d’évaluation des matrices proposées pour ystocker les actinides mineurs a permis de réduire àquatre le nombre des choix éventuels. En se fixant descritères de qualité très contraignants (de deux ordres degrandeur plus sévères que ceux des verres nucléairesproduits actuellement), des matrices aux propriétés deconfinement (en particulier leurs vitesses d’altération)du plus haut intérêt ont pu être proposées.

Le CNRS s’est impliqué dans la physique des réac-teurs. Les réacteurs hybrides offraient plusieursdomaines d’étude où exercer ses compétences : acquisi-tion de données nucléaires de base, physique de la spal-lation, accélérateurs. La réalisation d’une source externepour un réacteur sous-critique était immédiatement àportée de ses équipes techniques et le réacteur maquetteMasurca du CEA offrait un vaste champ d’expériences.La conception d’un accélérateur de grande taille, conve-nant à un système hybride industriel, a été le fruit d’unecollaboration DSM/CEA et IN2P3/CNRS déjà bienétablie. Le CNRS a aussi participé à la collaborationMegapie, dont il a conçu et réalisé la première irradia-tion préparatoire (Lisor). Quant aux réacteurs à selsfondus, ils ont suscité des collaborations étroites entreses physiciens et ses chimistes, sur plusieurs thèmes :pyrochimie (séparation en milieux sels fondus), retraite-ment rapide (procédés) enfin gestion d’un réacteurparticulier de la filière thorium-uranium 233, très

attrayant pour sa régénération du combustible, sa faibleproduction de déchets et ses potentialités vis-à-vis de latransmutation.

Ces activités ont rapproché des communautés scienti-fiques très diverses (réacteurs, données nucléaires, maté-riaux et chimie), tant à l’intérieur du CNRS qu’entre lesorganismes. Par exemple, pour ces travaux, le CEA aouvert ses laboratoires « chauds » aux chercheurs duCNRS. On mesure ainsi à quel point des équipes diffé-rentes, avec des méthodes de travail et une histoire diffé-rentes ont enrichi leus thèmes et on ne peut que souhaiterque ces collaborations se poursuivent et s’intensifient.

1. La transmutation

La transmutation d’un élément (ou d’un isotope) enquantité pondérable demande un flux de neutronstellement élevé qu’on ne le trouve que dans un réacteurnucléaire. Cependant, introduire dans le cœur d’unréacteur fonctionnant en mode critique des combusti-bles différents de ceux pour lesquels il a été conçu peutavoir des conséquences intolérables sur son pilotage etsa sûreté : c’est une des raisons pour lesquelles leconcept de système hybride a été proposé, des propor-tions importantes d’actinides mineurs (pouvantatteindre jusqu’à 50 % des noyaux fissiles dans le coeur)pouvant y être transmutées. Dans ce type de système, lecœur est assemblé de façon à rester constamment sous-critique : c’est l’apport de neutrons supplémentaires parune source externe qui assure le maintien de la réactionen chaîne de fission et pilote la puissance du réacteur.Cette source doit être suffisamment intense pour déli-vrer le flux de neutrons requis pour la transmutation.Or, seul le processus nucléaire de spallation peutaujourd’hui satisfaire cette condition, la spallation étantla production de neutrons (et de protons) induite parl’interaction entre un faisceau intense de nucléons(neutrons ou protons) et de noyaux cibles. La sourceexterne de neutrons des réacteurs hybrides doit doncêtre constituée d’un accélérateur de protons frappantune cible épaisse de spallation dans laquelle ces protonsproduisent des neutrons.

Afin de disposer de données suffisantes pour conce-voir un réacteur hybride et évaluer les transmutationsqui peuvent s’y réaliser, de nombreuses études ont étémenées par des équipes du CNRS, en collaboration avecle CEA (DSM et DEN) et dans les projets européens des4e, 5e et 6e PCRD.

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1.1. Les réacteurs hybrides

1.1.1. L’accélérateurL’accélérateur de protons est un composant essentiel

des réacteurs hybrides, car son faisceau fournit, en frap-pant une cible de spallation, les neutrons qui entretien-nent la fission dans le cœur sous-critique. Ceci imposeà ce faisceau de protons d’être continûment stable et dehaute intensité. La fiabilité demandée à l’accélérateurest donc bien supérieure à celle d’accélérateurs exis-tants (construits, il est vrai, il y a plus de trente ans) :ainsi, le cahier des charges n’autorise, sur une année,que 5 interruptions du faisceau durant plus d’uneseconde.

Les travaux de conception et de réalisation de l’accé-lérateur ont été produits dans le cadre d’une collabora-tion CNRS/IN2P3 - CEA/DSM et dans celui des projetseuropéens PDS - XADS puis Eurotrans, dans lesquels leCNRS coordonne le groupe de travail accélérateur.

Les études ont d’abord porté sur le choix du typed’accélérateur : cyclotron ou accélérateur linéaire. Cedernier a été retenu pour sa modularité, sa fiabilité, sasouplesse de fonctionnement et ses potentialités,notamment en termes d’intensité.

L’injecteur de protons de haute intensité (Iphi)comporte une source d’ions (Silhi), un quadrupôleradiofréquence (RFQ) amenant le faisceau de protons àune énergie de quelques MeV et un ensemble de diag-nostics de ce faisceau. D’ores et déjà, la source d’ions,élément le plus critique, fonctionne de manière satisfai-sante en délivrant couramment un faisceau d’intensité100 mA et d’énergie 100 keV, tandis que les essais duRFQ, auxquels collabore le Cern où il est en cours defabrication, sont programmés pour 2006.

Le critère de fiabilité mentionné plus haut est sisévère qu’il détermine totalement le schéma de lamachine.

Il implique notamment la redondance : on envisagede doubler l’injecteur de l’accélérateur pour parer àune panne éventuelle. En conséquence, afin de mini-miser son coût, l’injecteur doit être aussi court quepossible, ce qui accroît la difficulté de conception del’accélérateur.

Au-delà de l’injecteur, de nouvelles cavités supracon-ductrices, dont les caractéristiques dépassent largementcelles qui sont demandées, et pouvant accélérer desprotons même relativement lents, ont maintenant été

développées. Elles apportent une solution simple auproblème de la fiabilité sur cette partie de l’accélérateur.Leurs performances sont en effet suffisamment bonnespour que deux cavités, encadrant une troisième éven-tuellement en défaut, puissent prendre en charge letransfert d’énergie que la cavité défaillante aurait dûassurer. L’étude de fiabilité est ainsi ramenée à laconception d’un ensemble modulaire de cavités, travail-lant loin de leurs limites de fonctionnement et compen-sant en ligne des défaillances locales.

L’intérêt de tout ce travail dépasse d’ailleurs de loinl’alimentation d’un système sous-critique et intéresseaussi bien la physique nucléaire (production denoyaux très loin de la stabilité) et la physique desparticules (performances du LHC, faisceaux deneutrinos ou de muons) que la physique des neutrons(sources de spallation).

1.1.2. Les matériaux de la cible de spallationPour fournir le nombre de neutrons requis, la

cible de spallation située au centre du massif sous-critique doit être constituée d’un métal lourd etpouvoir supporter la puissance de plusieurs méga-watts du faisceau de protons. Quitte à utiliser deséchangeurs de chaleur pour évacuer la chaleurdéposée, l’utilisation d’une cible liquide paraît préfé-rable à celle d’une cible solide, plus difficile àrefroidir et que l’impact du faisceau pourrait pulvé-riser. Les travaux ont essentiellement porté sur lanature et les propriétés du métal liquide qui varéaliser la cible de spallation, et celles des matériauxde son conteneur.

Le choix du métal liquide est déterminé par sespropriétés neutroniques et thermodynamiques, maisaussi par le fait que sa circulation ne doit pas induire surson conteneur d’effets de fatigue-corrosion ou de fragi-lisation, sous les contraintes thermomécaniques subieslors de la mise en ou hors service de la cible et sous lesfluctuations d’intensité du faisceau. L’alliage plomb-bismuth, de composition eutectique (55 % Bi, tempéra-ture de fusion ~127°C), a été choisi. Le choix dumatériau du conteneur a été orienté par les connais-sances acquises sur les matériaux de structure et lesexpériences effectuées en laboratoire ou en réacteur (parexemple dans Phenix), vers une nuance d’acier marten-sitique à teneur en chrome ne dépassant pas 9 % (gradeT91), à la fois dure, ductile et résistant à l’irradiation.

Pour accroître la durée de vie de la cible, il est impé-ratif de limiter la corrosion du conteneur et les

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dommages associés. La teneur en oxygène dissous dumétal liquide joue un rôle déterminant dans la tenuedes aciers, grâce à la formation d’un film d’oxyde,protecteur tant qu’il n’est pas trop épais. Bien que trèsfaible, la limite de solubilité de l’oxygène dans le métalliquide varie de plusieurs ordres de grandeur entre250 et 750 °C, alors que l’acier proposé est à la fois trèsoxydable et corrodable. Un dispositif et un protocolerigoureux de contrôle de la teneur en oxygène dissous,fiables sur toute la gamme de température indiquée,devaient donc impérativement être recherchés. Il fauten effet éviter, en cas de fluctuation de la températurede fonctionnement, soit la formation d’oxydes dans lebain liquide et le bouchage de canalisations, soit aucontraire des corrosions locales de l’acier du conteneurpouvant détruire sa structure si celle-ci est soumise àdes contraintes mécaniques trop fortes.

Le CNRS a développé un système (sonde-pompe àbase de zircone yttriée) de mesure absolue de la trèsfaible concentration de l’oxygène dans le métal liquide,sachant que sa solubilité varie entre 10-2 appm (atomicparts per million) à 200 °C et ≈ 300 appm à 550 °C. Cedispositif de laboratoire a permis de calibrer la sonde àoxygène à référence interne, réalisée au CEA et qui serautilisable dans une installation de grande taille.

À ce contrôle physico-chimique du bain métallique,il fallait ajouter des prédictions thermodynamiques surla nature chimique et la (méta)stabilité des produits decorrosion susceptibles de se former à l’interfaceacier/métal liquide : une étude des diagrammes d’équi-libre des phases (Fe-Cr-Pb-Bi-O), sur la gamme despossibles températures et teneurs en oxygène de lacible, a été entreprise. La présence du mercure, résidude spallation, a été prise en compte. Le CNRS a apportésa contribution en déterminant les phases présentes àl’interface. La thermodynamique sait prévoir la grandemajorité des phases susceptibles d’être créées dans leliquide en présence des (nombreux) produits de corro-sion et de spallation. En s’appuyant sur ces prévisions,et en contrôlant la teneur en oxygène dans le liquide, ilest possible de garantir que la surface de l’acier seraprotégée par une couche d’oxyde passivante, prévenanttoute fragilisation prématurée de l’acier de structure.

Enfin, la fragilisation due aux métaux liquides estprise en compte, notamment au sein du projetEurotrans du 6e PCRD. Ce phénomène, mal compris, amobilisé sur les questions fondamentales suivantes : ya-t-il un risque de fragilisation de l’acier T91 dû aumétal liquide ? quelles sont les conditions nécessaires à

la rupture prématurée de parois en acier T91 ?A contrario, comment se prémunir contre cet effet d’en-dommagement catastrophique ? L’utilisation combinéede techniques d’analyse de surface (ultravide) et demécanique a permis de montrer que l’intégrité de toutestructure métallique en acier T91, bien qu’intrinsèque-ment fragilisée par le plomb-bismuth et d’autresmétaux lourds « mouillants », pouvait être garantiepourvu que le métal soit protégé par l’auto-guérisond’une barrière d’oxyde. On s’appuie à ce jour sur cesprévisions pour garantir de bonnes conditions de fonc-tionnement. Ces résultats sont à compléter en prenantaussi en compte l’irradiation du matériau.

1.1.3. La cible de spallation et le projet MegapieLe choix d’une cible liquide semble imposer d’isoler

la vapeur du liquide, par une fenêtre métallique suffi-samment mince pour ne pas trop ralentir les protons,du vide de l’accélérateur. La tenue d’une telle fenêtre àl’irradiation du faisceau est évidemment critique pourla durée de vie de la cible, ce qui conduit à limiter (parbalayage du faisceau sur la fenêtre) la puissance surfa-cique déposée. On craint aussi la corrosion et l’usure dela fenêtre par le métal liquide circulant à son contact.C’est pourquoi un schéma de cible liquide sans fenêtrefait aussi l’objet de travaux au SCK-CEN de Mol(Belgique).

L’expérience Megapie a pour objectif d’installer, etde tester en 2006, dans l’installation SIN-Q du PaulScherrer Institut (PSI) à Villingen (Suisse), un prototypede cible liquide au plomb-bismuth, comportant unefenêtre et soumis à un faisceau de protons dont la puis-sance maximale atteint 1 MW. La compatibilité de ceprototype avec l’installation SIN-Q actuelle impose descontraintes d’encombrement et de sûreté particulière-ment sévères. La fenêtre qui sera testée est en aciermartensitique de 1,5 mm d’épaisseur. La puissancedissipée par le faisceau dans la cible liquide sera de0,7 MW (soit 0,28 MW dans la fenêtre). Les gaz produitsdans la cible seront extraits en ligne.

La conception de la cible de l’expérience Megapie aété assurée, sous la responsabilité du CNRS, par leCNRS, le CEA et IPUL (Riga). Le projet a bénéficié duretour d’expérience des projets européens (Spire, Teclaet Megapie-Test) du 5e PCRD sur les matériaux. LeCNRS a participé aux calculs de neutronique, qui ontpermis de définir les caractéristiques de la cible (géomé-trie et matériaux du conteneur), et aux simulations de

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référence, déterminantes pour son dossier de sûreté.Enfin, il a eu en charge le suivi de sa réalisation : la ciblea été livrée début juin 2005.

La démarche de sûreté étant itérative, l’expérienceMegapie devra intégrer le retour d’expérience de l’expé-rience Lisor, qui a précédé Megapie au SIN-Q.

Lisor a été réalisée, avec le CNRS comme maîtred’œuvre, afin de tester la dégradation des propriétésmécaniques de la fenêtre, qui est la principale inconnueconcernant la cible, et de valider le choix de l’acier.Plusieurs éprouvettes de T91 ont été soumises à diffé-rentes sollicitations mécaniques, alors qu’elles étaientirradiées par des protons de 72 MeV et au contact duplomb-bismuth liquide circulant. À cette énergie, le taux de dommages et la production de gaz sont del’ordre de ceux attendus dans l’expérience Megapie.

L’expérience était facilitée par une radioactivité induitelargement inférieure à celle de Megapie, mais la densitéde puissance déposée était comparable, de l’ordre de400 W/cm2. Une boucle de plomb-bismuth liquide,équipée d’une « section test » (figure I.1) développée auCNRS, était donc installée au PSI pour irradier ceséchantillons. Quatre sections tests ont été irradiéesdepuis 2002 (tableau I.1).

Ces irradiations ont fait apparaître la difficulté demise en œuvre d’une boucle de métal liquide sous fais-ceau, mais les échantillons irradiés ont été parfaitementexploitables. La surface des trois premières éprouvettestestées n’a pas été mouillée par le Pb-Bi et un débutd’oxydation a été observé. En conséquence, la fenêtrede Megapie ne devrait pas être mouillée en début d’ir-radiation, ce qui assurera un meilleur contact entrel’acier et le métal liquide et réduira ainsi le risque defragilisation. De plus, l’irradiation devrait contribuer àla création d’une couche d’oxyde, essentielle pourprotéger la surface de la fenêtre en T91. D’autresanalyses sont en cours, plus particulièrement sur ledernier échantillon qui, contrairement aux autres, étaitfortement mouillé par le Pb-Bi après 30 jours d’irradia-tion et dans lequel les dommages atteignaient 1 dpa.

L’ensemble de la R&D et les premiers résultats deLisor permettent d’ores et déjà d’estimer la durée de viede la fenêtre de Megapie à 20 semaines au minimum.

Dans la démarche de conception d’un ADS de trans-mutation, le projet Megapie constitue actuellement laréférence pour les cibles de spallation avec fenêtre. Samise en place a fourni des réponses pertinentes auxquestions posées par la conception et la construction(avec assurance-qualité) de la cible et de ses systèmesauxiliaires, questions qui se rapportent aux tests horsfaisceau, à la démarche d’autorisation et de sûreté et àl’irradiation proprement dite. Ses résultats, complétéspar l’analyse post-irradiation, la réalisation du démantè-lement et la gestion des déchets seront exploitables pourde futurs développements de cibles de spallation, ainsique dans le domaine de la qualification et de la valida-tion expérimentale des codes de mécanique des fluides.

La cible Megapie et ses systèmes auxiliaires seronttestés hors faisceau en 2005 afin de s’assurer de leur bonfonctionnement. L’irradiation est prévue au printemps2006. Elle sera suivie, jusqu’en 2008, d’une phase d’ana-lyse post irradiation qui apportera d’autres résultatsimportants, notamment sur la métallurgie des maté-riaux de structure et le vieillissement des composants.

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Durée ContrainteN° Courant Ip d’irradiation Tmax fenêtre (mécanique

d’irradition [µA] [h] [°C] + thermique)[MPa]

1 45 36 > 700 200 ± 120

2 15 264 325 200 ± 10

3 30 130 350 200 ± 20

4 28 724 450 200 ± 20

Figure I.1 : Une « section test » de Lisor contenant les échantillonsà irradier. © CNRS

Tableau I.1 : Paramètres des quatre expériences d’irradiation de Lisor.

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1.1.4. La physique des réacteurs sous-critiquesLa définition (élaboration du dossier de sûreté) et le

fonctionnement d’un système hybride de taille indus-trielle, dédié à l’incinération d’actinides mineurs, néces-sitent une connaissance précise et constante ducomportement neutronique du milieu sous-critique.

Une expérience exploratoire au Cern (Feat), àlaquelle participait le CNRS, a permis de valider lanotion d’amplification d’énergie dans un massif sous-critique (en mesurant le rapport de l’énergie produitepar fission à celle consommée par la création desneutrons de spallation).

Ensuite, le programme expérimental Muse(Multiplication d’une source externe) a été mis enœuvre. Il a utilisé le réacteur Masurca du CEA, de faiblepuissance (< 5 kW), avec des assemblages de combus-tible MOX et du sodium, donc à spectre rapide desneutrons. Il a porté sur l’étude de la neutronique résul-tant du couplage (figure I.2) d’une source de neutronsbien connue (essentiellement monocinétique, doncbien plus simple qu’une source de spallation) à unmilieu multiplicateur de neutrons (le réacteur). Lapremière phase du programme a permis au CNRS, enliaison avec le CEA, de maîtriser l’environnement« réacteur » et de constituer le cahier des charges decette source. La seconde phase (4 ans) a été menée dansun cadre international (15 organismes de 12 pays diffé-rents). Le CNRS a conçu, construit et implanté Genepi,

le générateur de neutrons pulsé intense. Celui-ci est unaccélérateur d’ions deutérium, dont le faisceaubombarde une cible de tritium placée au centre du réac-teur et produit plusieurs millions de neutrons de 14MeV par impulsion. L’originalité et l’intérêt de cettesource est de générer (à une fréquence réglable entre10 Hz et 4 kHz) des impulsions intenses et très courtes(moins d’1 µs) de neutrons, qui permettent de définiravec précision l’instant initial du phénomène de multi-plication dans le réacteur. En ajoutant cette dimensiontemporelle aux grandeurs mesurables dans un réacteur,un tel instrument permet de caractériser en détail ladynamique du milieu sous-critique.

L’un des objectifs du programme a été la recherchede méthodes expérimentales convenant à la mesure enligne de la réactivité d’une configuration sous-critiquedu cœur, sans qu’il soit nécessaire, pour la calibrer, derevenir à une configuration critique, comme le font lesméthodes classiques. Trois configurations (de sous-criti-cités égales à - 500, - 3 000 et - 5 000 pcm, ou « pour centmille », unité de mesure de la réactivité du coeur) ontété réalisées en modifiant la géométrie du cœur, et unequatrième (à - 4 000 pcm) en substituant du plomb ausodium d’une zone centrale, pour caractériser l’impactde la cible de spallation envisagée pour les réacteurshybrides. Ces configurations ont été caractérisées parleurs distributions spatiales du flux de neutrons(mesures statiques). Trois méthodes de mesures dynami-ques de la réactivité ont ensuite été mises en œuvre. Lesméthodes dites « de source pulsée » (PNS) mesurent laréponse temporelle du massif à une impulsion deneutrons et en extraient la grandeur recherchée, viadifférents modèles. Les méthodes dites « de variation desource » mesurent le flux de neutrons, d’abord dans unétat stable du réacteur, puis après avoir retiré rapide-ment la source, et elles extraient, de la comparaison deces deux flux, le rapport de la réactivité à la fraction deneutrons retardés. Enfin, les méthodes dites « de bruit »étudient les fluctuations des populations de neutronsdans le réacteur : divers modèles permettent aussi d’endéduire la réactivité.

L’équipe CNRS a utilisé de manière originale lesmesures PNS et la distribution complète des temps degénération des neutrons, depuis ceux qui induisent unefission immédiatement après leur naissance, jusqu’àceux qui survivent jusqu’au réflecteur, y sont ralentis etreviennent faire une fission dans le cœur. Elle a ainsiexploité tout le spectre temporel du flux de neutrons etpu corréler sa dérivée temporelle à la réactivité

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Figure I.2 :Représentation schéma-tique du dispositif expé-rimental Muse. © CEA

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« prompte » du réacteur. Elle a également étendu laméthode « de variation de source » à l’étude despropriétés de celle-ci. Comme le montre la figure I.3, lapuissance du réacteur est pilotée par l’intensité (ici lafréquence) de la source externe. À l’échelle de tempsdes neutrons retardés, les deux niveaux de sourcepeuvent être considérés comme continus et le rapportdes réactivités est déduit de la fraction de neutronsretardés. Ce résultat, combiné aux précédents, donne lavaleur absolue de la réactivité. Une troisième contribu-tion a été apportée par des mesures de spectrométrie deneutrons en réacteur, qui ont validé des simulationsneutroniques.

Les méthodes dynamiques explorées ne permettentpas encore de proposer une mesure « en ligne » de laréactivité, directement lisible pendant l’exploitation duréacteur, qui est réclamée par les autorités de sûreté,mais d’importants progrès ont déjà été obtenus.

1.2. Les cibles de transmutationDans l’optique d’une transmutation en mode hétéro-

gène, il est nécessaire de connaître le comportement sousirradiation (à forte dose) des matrices susceptibles deconstituer les cibles contenant les éléments à transmuter.

L’étude a porté sur deux matrices potentielles, lespinelle MgAl2O4 et la zircone cubique stabilisée àl’yttrium, pour deux éléments, le césium et l’iode, enraison de la très longue durée de vie des produits defission 135Cs (2,3 Ma) et 129I (16 Ma). Elle a montré quela migration d’atomes étrangers (hétéroatomes) et leurrelâchement dépendent de leur concentration atomiquedans ces matrices. En particulier, brusquement, au-dessus d’un seuil de 1 à 2% d’hétéroatomes par atome,l’une ou l’autre matrice relâche aussi bien Cs que I.Dans la zircone, ce relâchement relâchement ne modifiepas la structure de la matrice, alors que dans le spinelle,il se produit par exfoliation de la surface des cristaux.

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Figure I.3 : Variation dutaux de comptage d’unechambre à fission (etdonc de la puissancedu réacteur) avec lavariation temporelle del’intensité de la source(ici, un facteur prochede 13). © CNRS

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Ainsi, le spinelle fortement dopé présente une résis-tance mécanique moindre que celle de la zircone.Pour les deux matériaux, le relâchement de produitsde fission est encore accru par les défauts induits parirradiation (une situation qui serait celle du stockageet a fortiori de la transmutation).

Pour une application à la transmutation des acti-nides, ces études indiquent qu’à températureambiante la zircone stabilisée est relativement stable,à température ambiante, sous irradiation : le taux dedésordre maximum n’y est jamais atteint, même auxplus hautes fluences. Par contre, le comportement duspinelle est moins favorable : à basse énergie d’irradia-tion, le taux de désordre créé par l’irradiation estmaximum dès qu’un désordre de 10 dpa est atteint.Ces résultats montrent que la zircone et le spinelleont la capacité de confiner les produits de fissionjusqu’à des températures élevées (au-delà de1 000 °C), à condition que leur concentration nedépasse pas quelques % atomiques. Au cours de l’irra-diation, la production de défauts accélère le relâche-ment des produits de fission. Ces données sontimportantes pour le choix des matrices de transmuta-tion, puisque les réactions de fission se produisantdans les réacteurs génèrent de grandes quantitésd’éléments radioactifs.

1.3. ConclusionLes études sur la transmutation, en liaison avec le

CEA, ont porté sur la validation des composants essen-tiels d’un ADS, dont la complexité est due à l’associa-tion de plusieurs dispositifs délicats : un accélérateurde puissance élevée, une cible de spallation soumise àdes contraintes mécaniques sévères et un réacteursous-critique pouvant contenir des cibles de transmu-tation. Sur chacun de ces points, la contribution duCNRS a été importante, aussi bien au niveau de la réali-sation technique que de l’analyse. Les résultats à venirde l’expérience Megapie seront essentiels pour l’évalua-tion technico-économique d’un démonstrateur detransmutation, évaluation qui pourra mener à saconstruction.

2. Acquisition de données nucléaires

Les études portant d’une part sur la transmuta-tion d’actinides mineurs en spectre neutroniquerapide, et d’autre part sur les systèmes du futur, en

particulier la filière thorium peu explorée et pasexploitée, se sont heurtées à un déficit de donnéesnucléaires de base.

La mesure de ces données, appelées sections effi-caces, et qui donnent la probabilité qu’une réactionnucléaire ait lieu, est en effet clairement du ressort dela recherche académique, mais elle avait été pratique-ment abandonnée par les chercheurs en physiquenucléaire qui en ont compris les aspects fondamen-taux. Or, la précision à laquelle nombre de sectionsefficaces étaient connues s’est révélée insuffisante pourles applications nécessaires à la transmutation des acti-nides mineurs. Il était donc indispensable que cessections efficaces soient mesurées, rassemblées etévaluées, pour des réactions induites par neutrons etpar protons sur les noyaux des éléments constituant lescombustibles et la structure des réacteurs, aussi bienque sur les matériaux de la cible de spallation.

De nouvelles campagnes de mesures ont donc étélancées, avant que les accélérateurs de protons existanten Europe ne disparaissent. Elles ont poursuivi undouble but : enrichir les bases de données et accroîtreles capacités de prédiction des codes de calcul utiliséspour la simulation des réacteurs. Un premierprogramme de mesures a porté sur les réactions despallation de quelques noyaux d’intérêt (Fe, Pb, U)soumis à un faisceau intense de protons à toute énergieincidente entre 0 et 2 GeV, et un second s’est intéresséaux sections efficaces, mal connues, de fission et decapture induites par les neutrons sur des actinides.

2.1. La spallationL’interaction entre un nucléon (neutron ou proton)

de haute énergie et un noyau-cible est décrite par unprocessus, dit de spallation, à deux étapes. Au cours de lapremière, rapide, le proton incident transfère, par chocssuccessifs, son énergie à quelques nucléons du noyauchoqué qui acquiert une énergie d’excitation élevée. Aucours de la seconde, plus lente, ce noyau se désexcite en« évaporant » plusieurs neutrons et éventuellementquelques particules chargées (isotopes de l’hydrogèneet de l’hélium), laissant un ou plusieurs résidus de spal-lation. Les nucléons rapides éjectés dans la collisioninteragissent de façon identique avec les noyaux envi-ronnants.

Quatre séries d’expériences ont été réalisées en colla-boration avec la DSM et la DAM du CEA.

La première s’est déroulée auprès de l’accélérateurfrançais Saturne II. La probabilité d’émission de

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neutrons, suivant leur énergie et leur angle d’émission,par des cibles de plomb (la cible de spallation du réac-teur hybride), de fer (l’acier des matériaux de structuredu réacteur) et d’uranium (le combustible du réacteur)a été mesurée à un nombre suffisant d’énergies inci-dentes des protons pour qu’il soit possible de prédireces mêmes grandeurs dans toute situation pertinente.

Une collaboration CNRS - Université de Berlin amesuré la production intégrale des neutrons par descibles épaisses d’éléments lourds. Elle a montré queson taux est optimal à une énergie des protonsincidents de l’ordre de 1 GeV : l’interaction d’unproton et d’un noyau de plomb produit alors environ25 neutrons.

La troisième série d’expériences, réalisée auGSI-Darmstadt par une large collaboration internatio-nale, a permis de déterminer la nature et la quantitédes noyaux résiduels lourds laissés par le processus despallation. Cette mesure était indispensable pour savoirdans quelle proportion le processus s’accompagne del’émission de produits radiotoxiques, ou dont l’effetpeut être désastreux sur les matériaux de structure dela cible de spallation ou du réacteur.

Une autre information importante est la productionéventuelle de gaz dans les matériaux de structure duréacteur. Des mesures de production de isotopes d’hy-drogène et d’hélium par des neutrons et des protonsd’énergie comprise entre 20 et 200 MeV, ont été réali-sées à Louvain la Neuve, Groningen et Uppsala. Cedomaine d’énergie, où se combinent plusieurs méca-nismes élémentaires, est médiocrement traité dans lescodes, bien qu’il ait une importance pratique particu-lière pour les matériaux.

Ce programme s’est terminé avec la mesure del’émission simultanée, par un neutron incident, deplusieurs neutrons. Dans les réacteurs hybrides, cesréactions jouent le rôle de multiplicateur deneutrons ; leurs probabilités doivent donc être bienconnues pour valider les codes de simulation dans cedomaine d’énergie. Un dispositif a été mis au pointpour ces mesures qui constituent un tour de forceexpérimental.

L’ensemble de ces résultats a été inclus dans la basede données Exfor et utilisé à la validation des donnéesintroduites (avec des incertitudes considérablementréduites) dans les codes ainsi que des modèles surlesquels ces codes sont bâtis. Ceux-ci prédisent mainte-nant les valeurs numériques de toutes les grandeursd’intérêt avec une précision meilleure que 20 %.

2.2. La capture et la fissionLes codes de calcul neutronique des cœurs de réac-

teurs font appel à des valeurs de sections efficaces decapture et de fission provenant de bases de donnéesexpérimentales. Pour évaluer les capacités de transmuta-tion de nouveaux réacteurs ou valider l’utilisation denouveaux combustibles, de nouvelles mesures desections efficaces devaient enrichir ces bases de données,notamment pour les systèmes à neutrons rapides.

Les équipes du CNRS ont contribué à trois types demesures : des mesures directes, des mesures indirectesévitant la manipulation de cibles trop radiotoxiques etdes mesures « intégrales » (portant sur tout le domained’énergie balayé par les neutrons).

L’installation n-ToF au Cern s’est révélée particuliè-rement bien adaptée aux mesures directes de probabi-lité de fission et de capture sur des noyaux de la filièrethorium ou concernant les réacteurs hybrides(tableau I.2). Ces mesures seront complétées à Geel (oùl’énergie des neutrons est comprise entre 0 et 3 MeV) età Bordeaux (où l’énergie des neutrons peut être choisieentre 0 et 10 MeV) sur des cibles d’américium 241 et243, l’actinide mineur le plus important du point devue de la transmutation.

Une méthode indirecte de mesure des sections effi-caces de noyaux beaucoup trop radiotoxiques pour êtreutilisés comme cibles a été mise au point et validée.

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Mesures Objectifs Installations utilisées

231Th(n,f), 231Pa(n,f) et Cycle du thorium n-TOF (Cern)233,234,236U(n,f)

237Np(n,f), 239,240Pu(n,f), Transmutation n-TOF (Cern)241,242,243Am(n,f) et des actinides mineurs244, 245Cm(n,f)

242,243,244Cm(n,f) par Transmutation Tandem (Orsay)réaction de transfert des actinides mineurs Van de Graaff (Bordeaux)et 243Am(n,f)

207,208Pb(n,2n), 208Pb(n,3n) ADS et cycle du thorium Geel (Louvain)206,207,208Pb(n,n’), n-TOF (Cern)232Th(n,xn) et 233U(n,2n)

Rapport capture/fission Cycle du thorium Plateforme Perenpour 233U dans la région (Grenoble)des résonances (E < keV)

Sections efficaces de Réacteur à sels fondus Plateforme Peren diffusion élastique des (RSF) (Grenoble)neutrons (E < 0.5 MeV)pour 12C, 19F et 7Li

Tableau I.2 :Mesures pourla transmutation et lesréacteurs innovants.

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D’abord utilisée sur le protactinium, qui joue un rôle-clé dans le cycle du thorium, elle est actuellementappliquée (figure I.4) à plusieurs isotopes très radioactifsde l’américium et du curium. Ces mesures, qui complè-tent les données déjà acquises sur ces noyaux par irra-diation en réacteur, sont essentielles aux calculs descapacités de transmutation de cœurs fortement chargésen actinides mineurs.

Des spectromètres à ralentissement de neutrons, auCern et à Grenoble (figure I.5), ont été utilisés pourmesurer, en fonction de l’énergie incidente desneutrons, les sections efficaces de diffusion de modéra-teurs ainsi que celles de capture de certains produits defission à vie longue. Ces mesures pourraient être d’unegrande importance dans le cadre d’une transmutationéventuelle des produits de fission à vie longue.

2.3. ConclusionL’acquisition de données nucléaires de base est un

domaine où le CNRS a pu utiliser toutes les compé-tences de ses expérimentateurs. Des résultats impres-sionnants ont été obtenus à Saturne (production deneutrons de 0 à 2 GeV), au GSI-Darmstadt (productionde produits de spallation) et au Cern (capture et fissionsur des actinides). Des données nouvelles, portant surdes actinides mineurs et sur la production d’hydrogèneet d’hélium, ont aussi été obtenues sur des accélérateursplus modestes.

3. Les systèmes et scénarios

La production nucléaire française d’électricité reposesur le combustible uranium 235 (0.7 % de l’uraniumnaturel) d’une filière qui produit beaucoup plus de

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Figure I.4 : Dispositifexpérimental pour lamesure des sectionsefficaces d’actinides autandem d’Orsay. © CNRS

Figure I.5 : Plate-formede mesure de sectionsefficaces pour lessystèmes du futur.© CNRS

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corps radiotoxiques qu’elle n’est aujourd’hui capabled’en transmuter. La nécessité de gérer ces déchets et larareté de la ressource sont deux enjeux du développe-ment de l’énergie nucléaire.

Or, il est possible d’utiliser comme sources decombustible les deux noyaux fertiles 232Th et 238U, dontl’abondance sur terre permettrait de couvrir les besoinsen énergie sur le long terme, à condition de mettre enœuvre des réacteurs intrinsèquement sûrs et surgénéra-teurs, c’est-à-dire produisant au moins autant de matièrefissile qu’ils en consomment et un minimum de déchetsà vie longue. La filière Th-U3 (Th-233U), rapide ou ther-mique, figure parmi les filières surgénératrices envisa-gées par le forum international Génération IV pourrépondre à ces critères ; elle peut être associée à uncombustible liquide, sous forme de sels fondus (cf. 3.2.).

On voit donc que différentes filières nucléaires sontenvisagées pour le futur, aussi bien pour la productiond’énergie que pour l’incinération de déchets. Lescritères permettant de les comparer sont notamment laquantité de déchets produits, l’inventaire des matièresnucléaires introduites et produites tout au long du cycleet les flux de matière dans les différentes composantesdu cycle du combustible. L’étude d’un scénario globaldemande une étude préalable de la neutronique desréacteurs en jeu et concerne principalement les aspectsde sûreté (coefficients de température, de vide, transi-toires, …) et d’évolution dans le temps de la composi-tion chimique et isotopique du combustible.

Outre ses études expérimentales sur les systèmeshybrides pour la transmutation (§ 1.), le CNRS a menédes études théoriques sur l’ensemble des filières inno-vantes pour la production d’électricité, notamment cellesà sels fondus, en s’appuyant principalement sur le codestochastique MCNP de transport de neutrons. Ce code aété inclus dans des programmes informatiques, de plusen plus complets, d’évolution de la composition ducombustible et de la réactivité du cœur.

3.1. Les systèmes hybridespour la transmutation

Une première comparaison, portant sur les systèmeshybrides appliqués aux filières rapides U-Pu et Th-U3, aclairement montré l’intérêt de cette dernière en termesde production d’actinides mineurs (dont la radiotoxicitéaprès 10 000 ans est plus faible d’un facteur 50).

Les caractéristiques d’un réacteur de démonstrationpiloté par un accélérateur ont donc été approfondies.

Dans le cadre du projet européen PDS-XADS, le conceptde réacteur hybride à caloporteur gaz, avancé parFramatome-ANP, a été étudié : bilan neutronique, formeet dimensions du cœur, représentativité du démonstra-teur pour un incinérateur, etc. Une étude sur l’optimisa-tion du couplage entre le cœur refroidi au gaz et sa sourcede spallation a mis en évidence l’intérêt de diminuer lataille de la cible. Divers aspects des possibilités de trans-mutation des actinides mineurs ont été étudiés, en parti-culier la variation sur un cycle de la réactivité d’un cœurdont le combustible est chargé en actinides mineurs. Ona pu vérifier que le réacteur est gérable, qu’on sait main-tenir sa réactivité constante et surtout que la transmuta-tion des actinides mineurs peut y être réalisée.

3.2. Les filières à sels fondusLa filière Th-U3 est étudiée dans de nombreux pays

(France, Inde, USA, etc). Brûlant l’uranium 233, elleproduit de 10 à 100 fois moins d’actinides mineurs quela filière rapide U-Pu ; les sections efficaces des neutronsthermiques sont d’ailleurs telles qu’elle demande de 3 à10 fois moins de combustible au démarrage du réacteur,ce qui confère une grande flexibilité à son déploiement.

Dans un réacteur à sels fondus (RSF) de cette filière,des mélanges de fluorures (lithium, sodium, potas-sium,…) circulent dans un cœur de graphite qui ther-malise les neutrons, puis dans des échangeurs dechaleur. Ces fluorures, choisis parce qu’ils sont stableschimiquement et peu hygroscopiques, sont de très bonscaloporteurs, insensibles aux rayonnements et tolèrentdes températures supérieures à 1 000 °C. Ils offrentdonc une grande souplesse d’utilisation.

Le fonctionnement, avec tous les combustiblesfissiles (235U, Pu, 233U) associés à l’élément fertile 238U,d’un prototype de 8 MWth d’un tel réacteur a étéobtenu pendant 5 ans à Oak Ridge (Molten salt reactorexperiment ou MSRE), démontrant la faisabilité de lafilière. En 1972, les Etats-Unis ont écarté, pour leurfutur surgénérateur, un projet industriel de 1 GWel(Molten salt breeder reactor ou MSBR) comportant, enligne avec le réacteur, une unité de retraitementchimique capable d’extraire en 10 jours le protactiniumet les produits de fission produits au sein des 165 tonnesde sels fondus. Cette filière n’en continue pas moinsd’être étudiée et a été retenue par Generation IV.

Étant donnée la bonne solubilité des actinides dansles sels fondus, des réacteurs de ce type pourraient fonc-tionner avec tous les combustibles. Comme ils permet-tent de s’affranchir des problèmes difficiles liés à la

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fabrication des combustibles solides envisagés pour lesréacteurs dédiés à la transmutation, ils sont aussi consi-dérés pour l’incinération des actinides mineurs. Ils four-nissent également un moyen de recycler leurs propresproduits de fission (PF) à vie moyenne ou longue,simplifiant ainsi grandement le problème du stockagedes déchets.

3.2.1. La physique du cœurUne simulation complète, couplant un code de

neutronique et un code de thermohydraulique, a éclairéla neutronique du prototype de l’expérience MSRE. Lesvaleurs expérimentales du dépôt d’énergie dans le réac-teur et du profil de température associé ont été retrou-vées. La fraction de neutrons retardés perdus pour lepilotage du réacteur, à cause de la circulation du sel, aété évaluée à 1/3. Les transitoires correspondant à lamise en route et à l’arrêt des pompes de circulation ontété reproduits. L’excellente stabilité du réacteur a puêtre attribuée à la forte probabilité de fuite de neutronshors du cœur.

Puis les études sur le projet MSBR ont montré queson concept n’est pas intrinsèquement sûr : le coeffi-cient global de contre-réaction thermique peutdevenir positif dans certaines conditions. De plus, lafaisabilité du retraitement chimique prévu en lignen’est pas acquise.

Des conditions moins sévères et plus sûres de fonc-tionnement ont donc été recherchées, dans lesquelles lecœur serait seulement isogénérateur (autant decombustible produit que consommé) et le coefficientde contre-réaction thermique toujours négatif ; leretraitement en ligne se limiterait alors à extraire du selles PF gazeux et les seuls métaux nobles, le reste duretraitement étant réalisé dans une unité disjointe duréacteur. D’ores et déjà, quelques configurations ont étéapprofondies. En particulier, dans certaines conditions,il devient possible de se passer du retraitementchimique, qui ne conditionnerait donc plus l’avenir dela filière. Un grand champ d’études s’ouvre donc autourdes réacteurs à sels fondus.

3.2.2. Le contrôle et le retraitement du selLa faisabilité scientifique d’un réacteur à sels fondus

ne peut être démontrée que par une synergie étroiteentre physique nucléaire, thermohydraulique, chimiedes sels fondus et science des matériaux. D’où l’impor-tance d’un programme concerté de recherche (PCR)entre différents départements du CNRS.

En fonctionnement, le sel du réacteur se chargeprogressivement de produits de fission (PF) et en acti-nides mineurs. La probabilité de capture de neutronsthermiques par certains de ces éléments est telle qu’ilfaut les extraire au plus vite du sel. Le traitementminimum de celui-ci comporte 3 étapes essentielles :l’extraction continue des PF gazeux et métalliques,l’extraction sélective de l’uranium à remettre en cœurpour maintenir la valeur de la réactivité et l’extractiondes PF solubles par un traitement chimique du sel.

Les calculs ont montré que l’extraction, en 6 mois,des PF solubles permet d’atteindre l’isogénération duréacteur, que l’extraction des actinides a peu d’in-fluence sur la réactivité et qu’il est intéressant de mini-miser la teneur du sel fondu en ThF4.

Les gaz rares (xénon et krypton) peuvent être rapi-dement retirés par un bullage à l’hélium, qui élimineaussi quelques métaux. Cette extraction doit êtreréalisée en ligne, en contrôlant la teneur du sel encombustible et ses propriétés d’oxydo-réduction,certains éléments du sel pouvant changer de phaseselon ces propriétés. C’est pourquoi la thermodyna-mique, la physico-chimie et le contrôle des sels sontaussi étudiés. Le reste du traitement a pour objectifd’extraire les lanthanides et de laisser dans le sel fondules actinides mineurs ; il relève de la pyrochimie desfluorures en solution. Les étapes envisagées pour leretraitement hors ligne sont dans l’ordre : la fluorationdu sel (retirer l’uranium, le neptunium et le tellure),une première réduction (retirer les autres actinides) etune électroréduction (retirer les différents lantha-nides). Les opérations inverses permettront éventuelle-ment de réintroduire dans le sel les éléments dont laprésence est nécessaire ou souhaitée, par exemple pourleur transmutation.

Compte tenu de la toxicité chimique du béryl-lium, le sel fondu LiF-BeF2 utilisé dans le MSRE n’apas été retenu dans les nouveaux concepts de RSF.On recherche donc la composition d’un nouveau selfondu, convenant du point de vue neutronique etqui réponde à plusieurs critères chimiques (faibletempérature de fusion, faible fluoroacidité, granddomaine d’électroactivité) et physiques (faiblecapture neutronique).

Sous irradiation neutronique, le graphite gonfle et sefragilise. Il doit donc être remplacé périodiquement.Par ailleurs, des réactions chimiques se produisent entrele graphite et l’uranium en présence de petites quan-tités d’oxydes. La possibilité de recouvrir le graphite

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d’une couche protectrice, voire de le remplacer par unautre composé, tel que le carbure de zirconium ou debore, est envisagée.

L’élément de structure principal, qui doit êtrecompatible avec les sels fondus du point de vue de lacorrosion et de la tenue mécanique, est un alliage à basenickel contenant du chrome. Des alliages Ni-W-Cr, àteneur variable en Cr, sont synthétisés dans le cadre duPCR et leur corrosion est étudiée en milieu fluorurefondu à haute température.

3.2.3. Les systèmes et scénarios de déploiementToute filière régénératrice Th-U3 demande une

première charge de matière fissile qui peut être l’ura-nium 233, l’uranium 235 ou le plutonium. Les calculsont montré que l’utilisation des deux derniers accrois-sait notablement la quantité d’actinides mineurs dans lecœur et faisait perdre un des intérêts du thorium. Lapossibilité de produire, dans les autres filières, l’ura-nium 233 nécessaire au démarrage des réacteurs faitl’objet de deux thèses en collaboration avec EDF. Cetravail s’appuie sur le code de simulation Mure (MCNPutility for reactor evolution) qui permet de traiter desgéométries de cœur très variées. Les premiers résultatsmontrent qu’il serait possible, en irradiant des aiguillesd’oxyde de thorium, d’obtenir 130 kg d’U3 par an dansun REP et 300 kg dans un RNR à métal liquide demême puissance. La possibilité d’employer directementl’unité de retraitement chimique proche du réacteurpour introduire les combustibles (fissile et fertile dansla bonne proportion) est un atout supplémentaire decette filière.

3.3. ConclusionUne très forte collaboration entre physiciens et

chimistes a pu être établie sur le thème des réacteurs àsels fondus, dont certains aspects (sûreté intrinsèque,souplesse de déploiement, faible inventaire en combus-tible, faible production de déchets radiotoxiques) sontparticulièrement attrayants. Par ailleurs, les connais-sances théoriques et expérimentales acquises serontégalement utiles dans les domaines de la pyrochimie etde la thermohydraulique.

Ces travaux du CNRS sur les réacteurs à sels fondusont été réalisés, et continueront à l’être, dans le cadre deprojets européens et du forum mondial Génération IV.Des utilisations beaucoup plus larges des sels fondussont apparues, et sont étudiées dans ces réseaux, soitcomme caloporteurs dans des boucles de transfert de

chaleur ou au lieu des métaux liquides dans les RNR,soit comme vecteurs de combustibles de réacteurs àsels fondus critiques ou sous-critiques, pouvant inci-nérer des déchets à vie longue présents actuellementdans le combustible usé des REP.

4. Séparation et physico-chimieen solution homogène

L’objectif principal des recherches a été d’appro-fondir la connaissance des aspects structuraux, cinéti-ques et thermodynamiques, et notamment desparamètres physico-chimiques (degré d’oxydation,structure des complexes et environnement en solution),des ions des actinides, lanthanides et autres radionu-cléides à vie longue (RNVL) lorsque ces derniers sont ensolution dans l’eau, dans des solvants organiques oudans des sels fondus. Les paramètres physico-chimiquesgouvernent en effet la forme sous laquelle se trouventles radionucléides en solution et permettent non seule-ment de comprendre, mais également de prédire leurcomportement dans différents milieux. De tellesconnaissances sont fondamentales lorsqu’il s’agit parexemple :

- d’effectuer une séparation sélective en phaseliquide entre actinides et lanthanides, l’efficacité de laséparation dépendant fortement de la charge électriqueet de la nature des ligands portés par leurs ions,

- ou de comprendre la migration/rétention de ceséléments dans un milieu donné, leur capacité à s’asso-cier aux molécules d’eau, à se lier aux ions hydroxydesdu milieu et éventuellement à précipiter dépendantdirectement de la charge de leurs ions (ainsi, le techné-tium est-il beaucoup moins mobile au degré de valenceIV qu’au degré de valence VII).

Les recherches effectuées au CNRS en collaborationavec des laboratoires du CEA se sont divisées en :

- travaux expérimentaux, eux-mêmes partagés entresynthèse et extraction d’une part, mesures et détermi-nations physico-chimiques d’autre part,

- travaux théoriques, eux-mêmes répartis entrechimie quantique et modélisation moléculaire associéeà la mécanique statistique.

Ont été étudiées : la structure des solutés, la naturedes liaisons chimiques formées dans les complexes entreles ions métalliques et leurs ligands, la thermodynamique

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et la cinétique de formation/dissociation des complexesen solution diluée ou concentrée, et la modélisation descomplexes, permettant de relier la réactivité des radionu-cléides à leur structure électronique.

Les données expérimentales recueillies (grandeurset paramètres associés aux différents processus physi-ques) sont destinées à des bases de données en coursd’élaboration, y compris sur les sels fondus. Certainesde ces bases permettront, par exemple à l’aide d’unsystème expert, de prédire les propriétés de toutcomplexant ou extractant appartenant aux familles demolécules répertoriées et ainsi, de limiter de façonrationnelle la liste des extractants à synthétiser pour lesprocessus de séparation.

4.1. Les solutions de l’extraction hydrométallurgique

Les milieux hydro-organiques étant à la base de l’ex-traction liquide-liquide, il convient de préciser laspéciation des ions d’intérêt, tant dans la phase aqueuseque dans la phase organique.

La maîtrise du processus exige une connaissanceprécise des cinétiques d’extraction (en raison des tempsde séjour réduits dans les nouveaux extracteurs) et decomplexation, ainsi que des coefficients de transport etdes paramètres hydrodynamiques dans les cellules deséparation. Pendant des années, l’objectif a été derechercher et synthétiser de nouveaux extractantsspécifiques et d’en déterminer les constantes thermody-namiques. Cependant, d’autres paramètres, comme lessolubilités ou les coûts des produits doivent aussi êtrepris en compte, ce qui a limité les possibilités d’applica-tion pratique.

Les propriétés en solution aqueuse des ions triva-lents des actinides et lanthanides ayant déjà été trèsétudiées, les recherches ont essentiellement porté surcelles des ions tétra-, penta- et hexavalents des acti-nides, ainsi que sur celles des ions d’éléments remar-quables comme le technétium (un produit de fission àvie longue). L’objectif de ces études fondamentales étaitde prédire les comportements de ces radionucléides enfonction de la concentration (polymérisation, précipita-tion, …), afin d’imaginer et de dimensionner lesprocédés de séparation de l’industrie nucléaire.

La connaissance des propriétés des ions et la naturedes espèces en solution a beaucoup progressé : le degréd’oxydation des ions métalliques étudiés, la structure descomplexes qu’ils forment en solution et les réactionsd’oxydoréduction et acido-basiques auxquelles ils parti-cipent ont été déterminés aux différentes concentrations.

Ainsi, la chimie du technétium en solution aqueuse,rendue très compliquée par les nombreux degrés d’oxy-dation possibles de cet élément, est-elle maintenantélucidée : les constantes de complexation dans diffé-rents milieux ont été déterminées et les structurescorrespondantes établies (nombre de ligands entourantl’ion métallique, polymérisation des espèces) (figure I.6).Le protactinium, lié à la filière uranium-thorium et malconnu jusqu’à présent à cause de sa forte tendance àl’hydrolyse et de sa sorption sur toute surface solide, afait l’objet de travaux approfondis, aussi bien à l’échellepondérable (concentrations en Pa de l’ordre de 10-4 M,domaine permettant l’utilisation de techniques d’ana-lyse structurale), qu’à l’échelle impondérable (concen-trations en Pa de l’ordre de 10-10 M, qui est le domainedes concentrations environnementales). Les constantesd’hydrolyse de cet ion sont maintenant connues et sonenvironnement structural en solution aqueuse est encours de détermination par spectroscopie d’absorption X.

4.2. Les sels et métaux fondus(haute température)

Comme en solution aqueuse, les problèmes despéciation dans les sels et métaux fondus sont cruciaux.L’empirisme est réduit en modélisant ces milieux pardynamique moléculaire ab initio.

Les espèces solvatées des actinides, lanthanides etautres éléments radioactifs dans des milieux « selsfondus » à haute température, contenant des ions Xn-

(où X est un atome d’oxygène ou d’un halogène) ontété très activement étudiées. Il s’agit d’une part d’ap-précier la faisabilité de nouveaux combustibles sous

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Figure I.6 :Représentation de deuxenvironnements de l’ionTc(IV) en solutionaqueuse : à gauche, l’ion[Tc(Cl)6]2- et à droite, lecomplexe neutre[TcCl4(H20)2]

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forme de sels ou métaux fondus, et d’autre part d’ex-plorer de nouveaux procédés de retraitement/sépara-tion, plus compacts, générant moins d’effluents que leprocédé hydrométallurgique industriel. L’évaluation deces nouveaux procédés, en particulier de leur sélecti-vité, implique des études générales sur l’électrodéposi-tion de métaux et/ou d’alliages sur une cathode (solideou liquide), sur la précipitation fractionnée d’oxydes etsur l’extraction réductrice liquide-liquide. Il s’agit deconsolider les concepts existants et d’explorer desoptions innovantes.

Les travaux dans ce domaine ont porté principale-ment sur :

- l’établissement des propriétés physiques des sels etdes métaux et des relations entre le potentiel électriqueappliqué et la concentration des ions halogénures dumilieu, aux températures envisagées (500 -800 °C) pourles futurs procédés pyrométallurgiques de séparation,

- les cinétiques d’oxydoréduction et les schémasréactionnels,

- la thermodynamique des échanges entre les bainsfondus salin et métallique,

- les mécanismes de déposition des actinides parréduction électrolytique en milieu igné.

Bien qu’identique à celui réalisé dans les milieuxaqueux, le travail en milieux sels et métaux fondus estrendu beaucoup plus difficile par les propriétés particu-lières de ces milieux. Ainsi, les techniques expérimen-tales utilisées pour les études structuralesexpérimentales, lesquelles font appel à diverses spec-troscopies (rayonnement X synchrotron, résonancemagnétique nucléaire (RMN), etc), ont dû être adaptéesaux hautes températures et aux milieux (sels et métauxfondus) souvent corrosifs, volatils et hygroscopiques.Par exemple, la nature des diverses espèces d’alumi-nium (Al, Al3+, AlF4, AlF6

3-) présentes dans des bainsfluorés, comme les fluoro-aluminates fondus (Na3AlF6)ou des systèmes binaires LiF-AlF3, a pu être déterminée.

D’autres études électrochimiques et cinétiques, réali-sées en collaboration avec le CEA, ont porté sur la sépa-ration électrolytique sélective de l’américium (unactinide mineur des déchets) en milieu chlorure fondu.Elles ont abouti à séparer le néodyme (une terre raresimulant un ensemble des produits de fission) de l’amé-ricium, par une précipitation fractionnée du néodyme,suivie d’une extraction électrolytique de l’américium.

La physico-chimie des actinides et lanthanides dansles fluorures fondus a été particulièrement étudiée, en

collaboration avec des physiciens et en relation étroiteavec les études de faisabilité d’un réacteur thermique àsels fondus (RSF) (§ 3.2) fondé sur le cycle thorium-uranium 233. Il était en effet nécessaire d’approfondirles connaissances sur des mélanges de composition (LiF,BeF2, ThF4, UF4) très variée et de s’assurer de leur stabi-lité et de la faisabilité de l’extraction des produits defission qui, sinon, empoisonneraient le réacteur. Cesétudes ont conduit à proposer un moyen de retraite-ment rapide : la précipitation sous forme d’oxydes desactinides, dont le thorium, puis leur récupération parre-dissolution hors réacteur. Cette précipitation s’ob-tient par introduction d’ions oxyde (CaO, Li20, etc.) sousforme solide dans le bain fondu. Les études électrochi-miques en milieu fluorure (LiF-NaF-KF) à 550 °C, réali-sées avec le zirconium (un produit de fissionrelativement abondant dans les RSF), ont mis enévidence la possibilité de contrôler le potentiel dans lesfluorures par les différentes espèces du zirconium aussibien que la teneur en oxydes de ces sels fluorés, ce quiest important pour la précipitation des actinidescontenus dans ce milieu. Les études structurales sur cesmilieux, qui reposent pour l’essentiel sur des étudesRMN in situ à haute température des noyaux 19F et 7Li,ainsi que des études sur le thorium par d’autres techni-ques, ont permis de déterminer l’environnement desions actinides.

Quels que soient les choix technologiques effectuésdans l’avenir, les sels fondus fluorés peuvent fournirl’opportunité d’un retraitement préliminaire « intégré »,sur le site même, des combustibles des réacteurs. Lesarguments en faveur des sels fondus fluorés sont lalarge fenêtre de potentiel électrochimique accessiblepour ces sels et la compacité des installations de retrai-tement qui leur seraient associées. Les technologiesmises au point permettent de baliser le chemin quipourrait mener vers un réacteur à sels fondus, en vali-dant tout ou partie des technologies nécessaires, sansexiger de choix stratégique sur un tel réacteur.

4.3. Les sels liquides à température ambianteOn a pu prédire que les sels liquides à température

ambiante, ou liquides ioniques (RTIL, pour « RoomTemperature Ionic Liquids »), pourraient conduire à denouveaux procédés de séparation, s’appuyant sur lesdifférents groupements fonctionnels portés par cessolvants et qui en feraient des extractants « verts »,c’est-à-dire sans impact environnemental. Cette affirma-tion est à tempérer par diverses considérations :

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- les RTIL sont des molécules essentiellement organi-ques, comprenant des hétéroatomes minéraux commele phosphore, le soufre et le fluor, et rien ne garantitencore qu’il soit possible de les dégrader et les éliminerfacilement en fin de cycle, alors que les solvantsaqueux utilisés classiquement en hydrométallurgie, àbase de carbone, hydrogène, oxygène et azote, sonteux-mêmes incinérables sans difficulté rédhibitoire ;quoi qu’il en soit, des procédés spécifiques sont recher-chés pour les RTIL.

- leur tenue à l’irradiation et à la radiolyse est encoremal connue et reste à étudier.

Toutefois, ces milieux font apparaître des comporte-ments électrochimiques nouveaux, du fait de l’absenced’eau (qui n’est pas garantie, car certains d’entre eux sonthygroscopiques) : ils sont électrochimiquement inertes,c’est-à-dire non réactifs dans la gamme des potentielsutilisée pour les éléments d’intérêt. Les ions actinidespossèdent donc une chimie de coordination originale(pouvant éventuellement conduire à des méthodes deséparation efficaces). Des données fondamentales sur lasolvatation de U(IV) et Th(IV) dans ces milieux ont étéacquises par des méthodes spectroscopiques (optiques etrayonnement synchrotron) et électrochimiques. Plusieurstypes de liquides ioniques, stables vis-à-vis de l’eau, ontété choisis pour ces études : tous sont constitués d’uncation organique et d’un anion minéral.

Des modélisations moléculaires effectuées récem-ment ont permis de visualiser l’extraction par les RTIL.

4.4. Les milieux supercritiquesDepuis quelques années, de nombreux programmes

de traitement des déchets par l’eau et le gaz carboniquesupercritiques ont été développés.

Le CO2 supercritique joue en effet le rôle de solvantorganique « vert », dans des conditions d’emploi relati-vement douces (moins d’une centaine de degrésCelsius, quelques dizaines d’atmosphères). Son recy-clage et sa radiolyse ne posent aucune difficulté. Il estpeu agressif chimiquement et ne soulève guère deproblèmes de corrosion. Toutefois, ses possibilités d’ap-plication au nucléaire sont limitées (c’est un solvantionique très médiocre), même si des essais ont été faitsavec des extractants spécifiques.

L’eau supercritique est également un excellentsolvant, très efficace pour la dissolution de tous lesrésidus et déchets de l’industrie nucléaire, en particulierpour la dissolution oxydative en présence d’air oud’oxygène.

Des recherches très actives sur ces milieux ont étémenées. Les problèmes de corrosion par l’eau supercri-tique (haute température et haute pression) sont encoretrès loin d’être maîtrisés, mais plusieurs procédés expé-rimentaux commencent à donner des résultats satisfai-sants. Enfin, des essais ont été effectués sur desmélanges eau-CO2 supercritiques, moins agressifs quel’eau et meilleurs solvants que CO2.

La modélisation de l’extraction par l’eau supercri-tique a été développée, ce qui est tout à fait intéressantpour ces milieux mal connus expérimentalement,particulièrement au niveau microscopique.

4.5. La modélisation théoriqueLes méthodes théoriques de simulation moléculaire

ont permis de quantifier les fondements de l’extractionliquide-liquide pour la séparation, en support auxtravaux expérimentaux. Plus récemment, la nécessitéde coupler la modélisation moléculaire aux grandscodes de génie chimique pour les procédés de retraite-ment a suscité de nouvelles collaborations, notammententre GDR et avec des scientifiques ne travaillant passur l’aval du cycle.

4.5.1. Chimie quantiqueLa chimie quantique fournit la structure électro-

nique et les configurations spatiales des moléculesisolées dans leur état fondamental. Elle donne égale-ment des informations très fiables sur l’évolution desstructures de clusters (associations de quelques molé-cules) et de l’énergie de leurs états fondamentaux avecle nombre de molécules dans le cluster. En particulier,la compréhension de la liaison hydrogène et de sonévolution avec la taille du cluster a beaucoupprogressé.

Les méthodes de la chimie quantique ne présententpas de difficultés particulières pour les élémentslégers. Par contre, pour les éléments lourds, tels leslanthanides et surtout les actinides, des correctionsrelativistes doivent être appliquées. Les théoriciens duCNRS ont réalisé une avancée significative dans l’in-troduction de ces corrections dans les méthodes de «fonctionnelle de la densité », tant pour les moléculesisolées que pour les clusters et les solides, ce qui apermis à la chimie quantique de devenir un outilfiable des radiochimistes. Les données expérimentalesrelatives à la spéciation, telles que la spectroscopie etles techniques de rayonnement X (EXAFS), ont validéces approches.

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4.5.2. Modélisation moléculaireSur l’axe 1, la modélisation moléculaire a concerné

essentiellement l’extraction liquide-liquide et dans unemoindre mesure la pyrochimie.

En extraction liquide-liquide, la structure molécu-laire des extractants et des solvants se prête bien à dessimulations de modélisation moléculaire classique, lescalculs de chimie quantique fournissant les potentielsnécessaires lorsqu’ils sont encore inconnus. La plupartdes simulations ont été effectuées avec le logiciel Amberde dynamique moléculaire, qui est particulièrementadapté à la description d’architectures moléculaires etsupramoléculaires.

L’extraction liquide-liquide s’obtient en mettant encontact une solution aqueuse et une solution organique.Cette dernière est un solvant contenant un extractant,parfois du type « cage », qui vient emprisonner l’atomeou la molécule d’intérêt (formation d’un complexe) et lafait passer dans la solution organique.

Les premiers essais ont été précisément consacrés àsimuler la complexation sélective des ions césium etsodium par des calixarènes. Ces calculs sont intervenusd’une manière prédictive, précédant les premières déter-minations expérimentales, ce qui constitue un grandsuccès. Des calculs du même type ont ensuite été effec-tués sur des cryptands et des éthers couronne (des «molécules-cage ») et l’expérience a validé à nouveau lessélectivités prédites.

Un apport important de la simulation a alors consistéà reproduire des interfaces liquide-liquide réalistes. Parexemple, ont été simulées les interfaces entre l’eau etplusieurs couples solvant-extractant (tels les couplesdodécane-TBP et dodécane-diamides), ainsi que cellesentre l’eau et le gaz carbonique supercritique et plusrécemment l’eau et les liquides ioniques à températureambiante, associés à divers extractants. Dans nombre decas, la simulation a précédé l’expérience ; elle constituealors la seule voie précise et fiable d’investigationphysico-chimique.

En pyrochimie, l’étude des interactions atomiquesengendrant des structures quasi moléculaires nécessite

des simulations très précises. De telles simulations nesont disponibles pour les éléments lourds que depuistrès peu de temps.

4.6. ConclusionCes travaux ont permis de mettre en relation les

grandeurs thermodynamiques, les grandeurs structu-rales et la modélisation qui décrivent le comportementdes actinides en solution (aqueuse, organique ou selfondu). Ces recherches ont fourni une description rigou-reuse des mécanismes d’extraction et établi la fiabilitédes grandeurs thermodynamiques calculées. Bienqu’elles soient à caractère fondamental, ces résultatsleur confèrent une généralité qui légitime leur intérêtpour toutes les techniques de séparation.

5. Le conditionnement spécifique

Les études ont concerné des actions spécifiques derecherche de matériaux pour le confinement des acti-nides mineurs (américium, curium et neptunium) etdes produits de fission à vie longue (iode, césium ettechnétium), en raison de la difficulté à transmuter effi-cacement certains d’entre eux, comme le césium etl’iode (tableau I.3).

Des actions génériques transverses, applicables auxsix radioéléments, ont également été menées pourévaluer les potentialités de ces matrices de confinement(utilisation d’outils de caractérisation, acquisition dedonnées thermodynamiques sur solides et solutions,comportement sous irradiation externe, étude de la lixi-viation et des gels d’interface, etc).

Ces recherches ont été coordonnées et menées pardes laboratoires du CEA et du CNRS. Dès le début, descollaborations fortes ont été établies, qui ont essentiel-lement porté sur les matrices pour les actinides mineurset pour l’iode, et sur les actions transverses à initierpour progresser dans les problématiques abordées. Ellesont conduit à des détachements de personnels CNRSdans les laboratoires du CEA à Marcoule, en milieu

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Tableau I.3 :Flux (quantité produitepar an) et caractéristi-ques des radionucléidesà confiner, produits parun combustible deréférence.

ÉlémentI Cs Tc Np Am Cm

129I 135Cs 137Cs 99Tc 237Np 241Am 243Am 244Cm 245Cm

Flux (Kg/an) 184 2 770 872 489 540 70

Période (an) 1,57 107 2,3 106 30,3 2,1 105 2,14 106 432,7 7 370 18,1 8 500

Abondance (%) 80,7 14,1 42,2 100 63,2 36,63 91,29 6,25

Pth (W/g) 3,85 10-7 0,417 2,08 10-5 0,074 2,62

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radioactif. Les équipes concernées ont tout naturelle-ment intégré le réseau d’excellence Euratom Actinet(physico-chimie des actinides) du 6e PCRDT. Des collabo-rations ont aussi été mises en place pour traiter du condi-tionnement spécifique des autres produits de fission.

Afin de répondre au mieux aux demandes de la loide 1991, les travaux ont été articulés en deux grandesétapes.

La première étape, dite de « faisabilité scienti-fique », a été franchie fin 2001. Elle consistait àélaborer et tester différentes matrices de confinement,afin d’opérer une première sélection. Il fallait démon-trer, à l’échelle du laboratoire et en milieu nonradioactif, l’insertion dans la matrice de 5 à 10 % enmasse d’un « simulant » non radioactif du radionu-cléide à confiner . La durabilité chimique à long termedes matrices a été évaluée et leur stabilité sous auto-irradiation estimée en s’appuyant sur des examensd’analogues naturels, des expériences d’irradiationsexternes et des modélisations. Leurs conditions d’éla-boration et de frittage, à transposer à l’échelle indus-trielle en milieu radioactif, ont également été prises enconsidération.

La seconde étape, dite de « faisabilité technique »,engagée en 2002, a porté sur la sélection de matricesdégagée à l’issue de la première étape. Les sujetssuivants ont été abordés :

- performances de confinement de ces matrices sousauto-irradiation, en utilisant des isotopes radioactifs àvie courte afin d’accélérer les éventuels processus dedégradation,

- sensibilité des propriétés des matrices à la puretédes radionucléides séparés à insérer et aux fluctuationsdu procédé d’élaboration,

- durabilité chimique des matrices à long terme,- transposition des procédés d’élaboration à l’échelle

industrielle.

5.1. Le conditionnement spécifiquedes actinides mineurs

Deux règles simples ont été énoncées par les cher-cheurs pour mener à bien ces recherches :

- prendre en compte les études conduites et les résul-tats obtenus au niveau européen et à l’étranger (essen-tiellement USA, Australie, Japon et Russie),

- n'avoir aucun a priori sur le type de matriceproposé, verre ou céramique, mais respecter les troiscritères essentiels suivants :

1 - aptitude à incorporer des actinides mineurs triva-lents et/ou tétravalents, mais aussi des poisonsneutroniques (Hf4+, Gd3+) indispensables pourmaîtriser le risque d’accident de criticité,2 - durabilité chimique : vitesse de dissolution initialeen début d’altération égale ou inférieure à 10-2 g.m-2.j-1

(de deux ordres de grandeur plus faible que celledes matrices actuelles), en faisant un usagemaximum des informations fournies par les analo-gues naturels que sont par exemple les apatites,monazites et zirconolites,3 - capacité d’insertion supérieure ou égale à 10 % enmasse d’actinides mineurs.Le critère le plus limitant est la durabilité

chimique, car s’il est facile à appréhender sur lesmatériaux inactifs, il nécessite pour le matériau réella prise en compte des effets dus à la présence de l’ac-tinide conditionné : dégâts d’irradiation, créations dedéfauts, amorphisation, génération d’hélium et effetsradiolytiques.

Du fait de ces trois critères, certaines des matricesétudiées au début de ces travaux ont été abandonnées :

- les verres aluminosilicatés oxygénés ou azotés,dont la vitesse de dissolution initiale, bien qu’un peuinférieure à celles des verres industriels actuels, dépas-sait largement le seuil retenu,

- la vitrocéramique de zirconolite, dont les étudesont montré que le simulant lanthanide se partage entreles deux phases, cristalline et vitreuse.

Par ailleurs, on disposait aussi d’une excellentecéramique, le phosphate-diphosphate de thorium(Th4(PO4)4P2O7) ou PDT. Cependant, celle-ci ne dissol-vant que des actinides tétravalents et quasiment pas lestrivalents (moins de 0,5 %), les travaux ont été en partieréorientés (respect du premier critère) vers un compo-site monazite/PDT.

Au cours de l’étape de faisabilité scientifique, lesactinides mineurs ont été systématiquement simuléspar des lanthanides. En revanche, lors de la phase defaisabilité technique, il a été choisi de les représenterpar le plutonium. Afin de limiter le temps nécessaireaux études des effets d’irradiation sur la durabilitéchimique, le travail a essentiellement porté sur l’inser-tion de 238Pu (10 ou 20 % en masse, selon le cas), dontl’activité spécifique est plus élevée que celle de 239Pu.Cette étape a cependant été précédée par celle de

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l’insertion de 239Pu, afin de tester, dans les conditionsles plus accessibles, l’ensemble de la chaîne d’élabora-tion/frittage et de caractérisation primaire (diffractionde rayons X, microscopie à balayage, microsonde élec-tronique), le travail avec 239Pu s’effectuant en boîte àgants alors que celui avec 238Pu nécessite une celluleblindée et des télémanipulateurs.

Ainsi, seules quatre céramiques ont permis d’at-teindre les objectifs visés, c’est-à-dire satisfaire aux troiscritères précédents. Ce sont :

- la britholite Ca9Nd(PO4)5(SiO4)F2,- le phosphate-diphosphate de thorium (PDT)

Th4(PO4)4P2O7, sous la forme de son compositeLnPO4/PDT [Ln étant un lanthanide allant du lanthane(La) au gadolinium (Gd)],

- la solution solide monazite/brabantiteLaPO4/Ca0.5Th0.5PO4,

- la zirconolite CaZrTi2O7.

5.1.1. Synthèse et frittageLes protocoles de synthèse de ces matrices sont simi-

laires. Ils font appel à quatre étapes :1. synthèse des précurseurs par voie sèche, voiehumide ou procédés sol-gel ; ce protocole devantensuite être mis en œuvre en milieu hautementradioactif, une attention toute particulière a étéportée à l’élaboration de ces précurseurs (absence dephases secondaires, reproductibilité parfaite desvoies de synthèse),2. calcination des poudres à 1 400 °C pour la britho-lite, 1 250 °C pour la solution solide monazite/braban-tite et la zirconolite et 950 °C pour le PDT, l’insertionéventuelle d’actinide se faisant au cours de cetteétape, voire parfois de la première,3. broyage puis pastillage de la poudre,4. frittage naturel sous air à 1 475 °C pour labritholite, 1 250 °C pour le composite monazite/PDT,1 450 °C pour la solution solide monazite/brabantiteet 1 300-1 450°C pour la zirconolite.

5.1.1.1. Résultats en inactifLa britholiteL’introduction d’actinides (An) tri ou tétravalents

dans une structure apatitique comme celle de labritholite nécessite une substitution couplée de An(3+,4+)-Ca2+/(SiO4)4-- (PO4)3-, afin de respecter l’élec-troneutralité de la structure, ce qui ajoute une diffi-culté. Les données sur les analogues naturels ont permis

de sélectionner une britholite de référence, dont laformule est donnée plus haut. Pour satisfaire auxcritères d’insertion, le domaine d’existence d’unebritholite incorporant un actinide a été examiné. Lesrésultats ont montré que le thorium et l’uraniumpouvaient être incorporés respectivement à hauteurde 20 et 8 % en masse, ce qui est cohérent avec lesobservations sur les britholites naturelles, quicontiennent systématiquement beaucoup plus deThO2 que de UO2. Des poisons neutroniques, sousforme d’ions comme Hf4+ et Gd3+, sont égalementincorporables.

Après insertion, broyage et compaction, le frittageeffectué sous air permet d’obtenir des frittés ayant unedensité de l’ordre de 97 % de la densité théorique, cequi garantit au solide à la fois une porosité minimum etune résistance maximum à la lixiviation. La dimensionmoyenne des grains est de l’ordre de 10 µm. Un excèsde CaF2 permet d’abaisser la température de frittage etde porter la densité du fritté à 99,5 % de la densité théo-rique.

La solution solide monazite/brabantiteLa monazite, de formule générale LnPO4 où Ln est

un lanthanide allant du lanthane (La) au gadolinium(Gd), et la brabantite, de formule Ca0,5Th0,5PO4, sont desphases minérales de même structure.

Il existe une solution solide continuemonazite/brabantite qui permet l’insertion des actinidestri et tétravalents. Pour la synthétiser, la voie retenue,qui utilise l’hydrogénophosphate d’ammonium, est laseule qui conduit à des produits finaux exempts dephases secondaires. Elle permet d’obtenir des cérami-ques monophasées de composition complexe :La0,16Nd0,02Gd0,02Ca0,4Th0,32U0,08PO4. L’insertion depoisons neutroniques (Hf4+, Gd3+ et Cd2+) a égalementété validée.

L’insertion de CeO2, simulant PuO2, a montré que Ceest inséré uniquement sous forme trivalente dans lasolution solide. Afin de préparer l’insertion de 10 % enmasse de Pu, une solution solide de composition viséeLa0,732Ce0,089Ca0,089Th0,089PO4, a été élaborée, la présencedu thorium assurant que le plutonium tétravalentpourra y être inséré. Sa composition mesurée est siproche de la composition théorique que le procédé desynthèse peut être considéré comme validé. Après frit-tage, la taille des grains de la céramique (dont ladensité atteint 95 % de la densité théorique) varie entre3 et 10 µm.

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Le phosphate-diphosphate de thorium (PDT)et le composite monazite/PDT

Lors de travaux antérieurs, relatifs à la chimie desphosphates d’actinides tétravalents, des composés deformule AnP2O7 (où An est Th, U, Np ou Pu),An2O(PO4)2 (où An est Th, U ou 237Np), U(UO2)(PO4)2 etTh4(PO4)4P2O7 (PDT) avaient été synthétisés et caracté-risés. Parmi ces phases, et compte tenu de leurs propriétésphysico-chimiques, le PDT est apparu comme la phase laplus intéressante (facilité d’insertion d’un actinide tétra-valent, frittage, durabilité chimique) et l’étude de sa céra-misation et des substitutions d’un actinide tétravalent authorium a été approfondie. Par substitution au thorium,les solutions solides Th4-xAnx(PO4)4P2O7, où An est U,237Np ou 239Pu, ont été obtenues.

Comme la structure PDT n’est pas capable d’incor-porer des quantités importantes d’actinides trivalents,l’étude des matériaux composites monazite/PDT a étéprivilégiée. Pour ceux-ci, deux voies d’élaboration ontété suivies, qui ont donné des résultats différents entermes de séparation des cations trivalents et tétrava-lents. La « voie sèche » (mélange de LaPO4 et de phos-phate-hydrogénophosphate de thorium et d’uraniumhydraté) conduit à une ségrégation totale des actinidestri ou tétravalents, tandis qu’en « voie humide » (préci-pitation des cations) une légère insertion de cationstrivalents dans la phase PDT et de cations tétravalentsdans la phase LaPO4 est observée. Après pastillage dela poudre, le frittage effectué à 1 250 °C conduit à desfrittés de densité comprise entre 94 et 99 % de ladensité théorique et à des tailles de grains comprisesentre 10 et 20 µm.

La zirconolitePar le jeu de substitutions sur les sites Ca, Zr et Ti, la

zirconolite CaZrTi2O7 peut accepter l’insertion d’acti-nides tri ou tétravalents. La voie d’élaboration fait appelà la co-précipitation des alcoxydes d’Al, Ti et Zr et desnitrates de Ca et de lanthanides. Le séchage et la calci-nation conduisent à une phase quasiment pure etstable. Le frittage est effectué à l’air. Après pressage, lespastilles ont des densités de l’ordre de 97 % de la densitéthéorique. La faculté d’insertion de poisons neutroni-ques (Cd et Gd sur le site Ca et Hf sur le site Zr) a égale-ment été validée.

5.1.1.2. Résultats en actifPour des raisons de disponibilité des installations

(figure I.7) d’Atalante (CEA Marcoule), seules deux

matrices ont pu faire l’objet d’études sur l’insertion duplutonium (239Pu et 238Pu) : la zirconolite et la solutionsolide monazite/brabantite.

Pour les deux autres, le réseau d’excellence euro-péen Actinet met à la disposition de sa communauté,sur appels à propositions, les moyens chauds disponi-bles au CEA, à l’Institut des transuraniens et auForschungzentrum de Karlsruhe en Allemagne, ainsiqu’au SCK-CEN de Mol en Belgique. Une premièredemande d’insertion de 238Pu dans le PDT et le compo-site monazite/PDT a été expertisée favorablement.

La solution solide monazite/brabantiteLa solution solide insérant du 239Pu a été élaborée à

partir du protocole optimisé en milieu non nucléaire.Après frittage, la densité de cette céramique atteint96 % de la densité théorique. Son analyse par micros-copie électronique à balayage a établi une compositionextrêmement voisine de la composition attendue, maiselle a mis en évidence la présence de 0,5% de précipitéslocalisés en surface, correspondant à une phase de phos-phate de plutonium.

La zirconoliteLa zirconolite, dopée en 239Pu puis en 238Pu, a été

synthétisée selon le protocole défini ci-dessus, en utili-sant des lanthanides comme simulants. Après frittage,la densité de la céramique est environ 95 % de ladensité théorique. L’analyse spectroscopique confirmela présence de Pu au degré d’oxydation 4, validant ainsile procédé d’insertion.

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Fig. I.7 : Le laboratoire L6 à Atalante. © CEA

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5.1.2. Comportement à long termeLe comportement à long terme d’une matrice de

confinement étant le paramètre qui détermine l’in-ventaire des radionucléides libérés, son étude est capi-tale. Trois domaines importants ont été explorés : lecomportement des matrices sous eau, sous irradiationet lorsque les deux situations se présentent simulta-nément.

5.1.2.1. Comportement des matrices sous eauLa stabilité chimique des matrices sous eau a été

d'abord étudiée avec des simulants pris parmi leslanthanides, puis en actif avec des actinides. Une actionayant pour but de rationaliser et uniformiser ce typed’étude a conduit à l’élaboration d’une méthode et d’unlangage communs, qui ont donné une cohérence d’en-semble aux résultats obtenus et permis de meilleurescomparaisons.

Deux vitesses d'altération ont été distinguées :- la vitesse initiale d’altération V0, mesurée dans les

premiers instants de la mise en contact du matériau etde la solution, cette dernière étant fortement et rapide-ment renouvelée ; elle est la valeur maximale de lavitesse d’altération du matériau ; les effets de la tempé-rature et du pH ont été examinés, ainsi que la présenced’anions (CO3

2-, Cl-) et les effets de phases néoformées àl’interface matrice/eau,

- la vitesse d'altération en condition de saturation V*,mesurée sur un système fermé, dont la solution de lixi-viation n’est pas renouvelée ; elle permet de s’approcherau plus près des conditions qui pourraient être cellesd’un stockage.

BritholiteDans les conditions prévues du stockage (en particu-

lier 90 °C et un pH de la solution supérieur à 5), lesvitesses d'altération, mesurées à partir du relâchementdu calcium (choisi comme traceur de l’altération), sontinférieures à 10-2 g.m-2.j-1. En condition de saturation,on observe un ralentissement marqué de l’altération dumatériau au cours du temps : après quelques dizainesde jours, la vitesse d’altération devient trop faible pourêtre mesurable et un composé très peu soluble (le rhab-dophane) se forme à la surface. En très bon accord avecles données publiées sur des fluoroapatites naturelles,ces résultats confirment, pour la première fois, la simi-litude de comportement, vis-à-vis de la lixiviation,d’une matrice synthétique et de son analogue naturel.

Composite monazite/PDT et PDTLes influences respectives du pH, de la température,

de la teneur en actinides, de la morphologie de l'échan-tillon et de la présence d’ions (tels que les phosphates,sulfates et chlorures) sur la vitesse d’altération ont étéétudiées. La valeur de celle-ci est comprise entre 10-5 et10-8 g.m-2.j-1, même dans des milieux chimiquementtrès agressifs. L’extrapolation aux conditions dustockage conduit à une valeur de V0 comprise entre 5 et8 10-6 g.m-2.j-1. En conditions de saturation, on observele même ralentissement de l’altération au cours dutemps que pour la britholite ou la monazite, ralentisse-ment dû à la présence de phases néoformées (phos-phate-hydrogénophosphate de thorium hydraté avecles matrices contenant des actinides tétravalents, phasede type rhabdophane avec les matrices contenant des

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Fig. I.8 : Analyse aumicroscope électroniqueà balayage d’une céra-mique de compositionLa0,785

239Pu0,061Ca0,101Th0,065PO4.© CNRS

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actinides trivalents) à l’interface céramique/solution.En outre, les données obtenues avec des matériauxcomposites monazite/PDT montrent que la résistancedu PDT à l’altération n’est pas dégradée lorsqu’il estassocié à une monazite.

Monazite/brabantiteL'essentiel des données de lixiviation sur la monazite

provient d'une étude réalisée sur des minéraux naturels.Les cristaux, âgés d'environ 500 millions d’années, ontsubi des doses d’irradiation correspondant à environ 71019 désintégrations alpha/g. Les vitesses de dissolutionont été mesurées pour différentes températures et diffé-rents pH. La vitesse de dissolution est minimale à pH= 7, inférieure à 5 10-7 g.m-2.j-1 à 70 °C, ce qui atteste dela très bonne durabilité chimique du matériau.

ZirconoliteLes vitesses initiales d’altération, déterminées à

partir des concentrations en calcium (traceur de l’alté-ration), sont très faibles, inférieures à 10-2 g.m-2.j-1 à100 °C. Elles varient peu avec la température et le pH.Par ailleurs, après quelques heures, les vitesses dimi-nuent (< 10-6g m-2 j-1) jusqu’à ne plus être mesurables,quelle que soit la température entre 50 et 200 °C. Cecomportement s’explique aussi par la formation d’unecouche d’altération, constituée de zirconolite décalci-fiée et hydratée, c’est-à-dire d’une pellicule d’hydro-xydes métalliques peu solubles, qui protège le matériausain et limite son altération.

5.1.2.2. Comportement des matrices sous irradiationPour évaluer les dégâts dus à l'irradiation des

matrices (destruction de la structure cristalline, amor-phisation, etc.), plusieurs voies ont été explorées :comparaison aux analogues naturels (britholite, mona-zite/brabantite, zirconolite), étude du comportementdes céramiques inactives sous irradiation externe parfaisceaux d’ions, ou du comportement du matériau réel,c’est-à-dire de matrices contenant des actinides (effetsdes dégâts d’irradiation obtenus par des actinides àcourte durée de vie).

Dans ce dernier cas, les noyaux d’actinides donnentnaissance, par désintégration alpha, à des noyaux fils età des ions hélium qui créent des dommages dans lamatrice à l’échelle atomique : quelques centaines dedéplacements atomiques sont observés sur le trajet del’ion hélium et plus d’un millier sur celui du noyau fils.Ces déplacements atomiques dégradent la structure

cristalline du matériau dans lequel ils créent desdomaines amorphes. L’hélium généré peut égalementparticiper à l’endommagement du colis lui-même.

5.2. Les actions transverses5.2.1. Caractérisations structurales

Le but essentiel de cette action était d’amener leschercheurs à appliquer les méthodes spectroscopiquesles plus modernes (rayonnement X, RMN multinu-cléaire, RPE, micro-Raman) aux matériaux radioactifs.

Trois méthodes ont été particulièrement approfondies :- Les applications du rayonnement synchrotron, en

relation avec la construction de la ligne chaude Mars,qui sera implantée sur l’installation Soleil. La possibilitéd’étudier des matériaux porteurs d’une activité élevéedonnera des informations sur la tenue sous irradiation,la lixiviation d’échantillons dopés… en fonction decette activité.

- La résonance magnétique nucléaire (RMN) quidonne des informations quantitatives (coordinence,populations) sur les noyaux à spin non nul et est parti-culièrement bien adaptée à l’étude des milieux désor-donnés diamagnétiques (verres, amorphes et gels) oumal cristallisés.

Ces deux méthodes sont parfaitement complémen-taires, mais la dernière est plus sélective vis-à-vis deséléments légers, alors que les techniques de rayonne-ment X conviennent mieux à l’examen des noyauxlourds. En particulier, la RMN est bien adaptée à l’étudedes anions (O2-, F-, Cl-, etc.). Elle est en pleine évolution,grâce à des progrès technologiques constants (sensibi-lité et résolution augmentant avec le champ magné-tique appliqué, sondes de plus en plus performantes), àdes développements conceptuels (donnant accès à l’in-formation structurale au-delà de la première sphère decoordination, RMN multidimensionnelle, etc) et auxavancées en traitement du signal.

- La troisième méthode est l’annihilation de positons,qui caractérise la structure électronique des matériauxà l'échelle atomique. Le positon, analogue de l’électronmais chargé positivement, est sensible aux variationslocales du potentiel électrostatique dans un matériau ;la détection de son annihilation apporte une informa-tion originale sur le rôle des défauts lacunaires dans lematériau.

La technique développée pour l'étude du combus-tible UO2 (cf. Axe 2, § 2.3) est transposable à l’étudedes défauts d'irradiation dans les matrices perfor-mantes pour le stockage. La possibilité de transposer

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ces expériences à des matrices de stockage des acti-nides mineurs et au combustible MOX ouvre unenouvelle perspective : celle de suivre in situ l’évolutiondes défauts d'auto-irradiation sur des échantillonsfaiblement dopés.

5.2.2. Lixiviation et gelsDeux objectifs ont motivé cette action : caractériser,

aussi rigoureusement que possible, la durabilité d’unematrice et comprendre les mécanismes et la cinétique deson altération, grâce à la connaissance des produitssecondaires formés (gels amorphes, stoechiométrie desphases mal cristallisées, …).

Les études de durabilité chimique effectuées par lesdifférents laboratoires ont été rationalisées : spécificationdes outils et des conditions d’essai (rapportsurface/volume, température, pH, traceur utilisé pourmesurer l’altération, etc). Elles ont également permis devalider des résultats traçables et comparables.

Le développement de méthodes expérimentales etde concepts permettant de mieux appréhender lesmécanismes mis en jeu lors de l’altération des verres etdes matrices céramiques a été abordé. Afin de mieuxinterpréter les forts ralentissements de la vitesse d’alté-ration, observés en conditions de saturation sur ungrand nombre de matrices, deux domaines ont été plusparticulièrement étudiés :

- les mécanismes de formation et d’évolution des gels,- la précipitation/croissance des phases néoformées

en fonction de la température, du pH, du rapportsurface/volume, d’anions particuliers …

5.2.3 Irradiations externesLes moyens mis en jeu pour l’étude des 4 matrices

confirmées ont été uniformisés. Deux types d’étudesont été mis en œuvre : dopage aux ions hélium et irra-diations externes des échantillons dopés, qui ont permisd’accéder aux coefficients de diffusion de l’hélium dansles différents matériaux.

Zirconolite : l’implantation d’ions hélium a fourni lecoefficient de diffusion de l’hélium dans le domaine detempérature compris entre 300 et 830 °C ; D0 = 5 10-7

cm2s-1, ce qui correspond à une énergie d’activation de1,05 eV.

Britholite et PDT : des irradiations externes ont étéeffectuées sur les matrices britholite (He) et PDT (He,ions lourds et rayonnement γ) ; le coefficient de diffu-sion de l’hélium, mesuré dans la britholite, vaut 10-18

cm2s-1 à 100 °C.

5.2.4. Radiolyse aux interfacesEn situation de stockage, un aspect essentiel de la

durabilité des matrices est évidemment leur comporte-ment en présence d’eau et sous l’irradiation des radio-nucléides qu’elles renferment. La présence de radicauxlibres dans l’eau peut avoir des conséquences impor-tantes sur la tenue de l’interface solide-eau à longterme. On retrouvera les aspects fondamentaux de cetype d’étude dans la troisième partie (Axe 2, § 2.2).

La radiolyse aux interfaces a été étudiée sur quel-ques matrices confirmées, la britholite posant desproblèmes d'irradiation dans la configuration retenue.Les méthodes utilisées ont été uniformisées. Destravaux effectués, il ressort que le comportement sousirradiation, par des faisceaux d’ions He2+, des matricesPDTU (composant de la matrice confirmée compositeMonazite / PDT) et zirconolite diffère de celui qu’ellesont hors irradiation : on observe une accélération durelâchement, avec une dépendance par rapport à lafluence de l’irradiation qui paraît plus marquée pour lePDTU que pour la zirconolite. Dans le cas de la solutionsolide monazite/brabantite, des cibles plus densespermettront de retrouver des conditions d’irradiationidentiques à celles subies par les autres matrices.

Ces études de radiolyse aux interfaces se poursui-vent. Elles ont fourni l'occasion de développer desmoyens originaux de caractérisation des interfacessolide/eau sous irradiation par un faisceau d’He2+ (uneméthode plus rapide et moins coûteuse que d’intro-duire des émetteurs alpha à vie courte dans l’échan-tillon en situation de lixiviation). Les relâchementsobservés montrent d’ores et déjà qu'il est indispensablede tenir compte du phénomène de radiolyse alpha. Leprogramme est maintenant d’identifier les espèces radi-calaires formées (il n’existe pas de données fondamen-tales sur ce point), de déterminer les rendementsradiolytiques et de caractériser les défauts créés à l’in-terface sous irradiation d’hélium, via la technique decaractérisation des défauts par annihilation de positons.

Ces résultats sont essentiels pour déterminer les fluxd’irradiation interne, dus aux radionucléides à insérerdans ces matrices, au-dessous desquels ces effets pour-ront être négligeables.

5.3. ConclusionDans l’esprit de la loi de 1991 et des souhaits de la

Commission nationale d’évaluation, le cahier descharges établi sur les matrices pour le conditionnementspécifique des actinides mineurs et de certains produits

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de fission à vie longue était relativement contraignant,notamment sur les paramètres concernant le stockagedes actinides tri et tétravalents et la vitesse initialed’altération, qui devaient être plus petites, de deuxordres de grandeur, que celles des matrices actuelles.Ces objectifs ambitieux pouvaient justifier le conceptde conditionnement spécifique, solution alternative àla voie de séparation/transmutation.

Ces études ont été étroitement coordonnées etmenées par des laboratoires et une large communauté

CNRS et CEA. La priorité attribuée aujourd’hui à latransmutation des actinides mineurs impose à cettecommunauté de limiter les études à la compréhensiondes propriétés de durabilité des matrices et au condi-tionnement spécifique à l’iode et au césium, produitsde fission, très difficilement transmutables.

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Les recherches sur l’axe 21. Les études liées au stockage géologique profond � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

1.1 - Étude de l’état initial : propriétés de confinement et mécanismes de transfert � � � � � � ��1.1.1 - Composition, origine et évolution de l’eau porale de l’argilite1.1.2 - Organisation des écoulements : mouvements lents au sein des formations calcaires

et rôle d’écran de la couche d’argilite1.1.3 - Colmatage des calcaires encadrant l’argilite

1.2 - Étude des perturbations dues au creusement d’ouvrages souterrains � � � � � � � � � � � � � ��1.2.1 - Mesure de la perméabilité de roches très imperméables1.2.2 - Propriétés mécaniques des roches d’après microéchantillons1.2.3 - L’observatoire interdisciplinaire de l’EDZ à Bure1.2.4 - Imagerie 3D de la fracturation induite de l’EDZ

1.3 - Conclusion et perspectives post-2006 � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��1.3.1 - Les données sur l’évolution de l’EDZ : analyse des observations à Tournemire et au Mont Terri1.3.2 - Étude de « l’amortissement » de fractures naturelles dans une formation argileuse1.3.3 - Étude en laboratoire d’échantillons de carottes prélevées en paroi endommagée1.3.4 - Utilisation d’un démonstrateur intégré sur le site de Meuse / Haute-Marne

2. Phénomènes physico-chimiques aux interfaces � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��2.1 - Physico-chimie des transferts liquide-solide � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

2.1.1 - Les propriétés des surfaces solides2.1.2 - Les liaisons formées à l’interface liquide-solide2.1.3 - Les effets de la température2.1.4 - Conclusion

2.2 - La radiolyse � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��2.3 - L’entreposage du combustible nucléaire usé � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

3. Modélisation numérique de la migration des radionucléides � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �3.1 - Couplages multidomaines � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

3.1.1 - Simulation du comportement hydromécanique des milieux poreux fracturés3.1.2 - Simulation en champ lointain du site de stockage3.1.3 - Méthodes particulaires3.1.4 - Exercice Couplex de qualification de code de simulation de transport/migration en milieu saturé3.1.5 - Évaluation d’erreur et adaptation du maillage pour uniformiser l’erreur

3.2 - Couplages multiphénomènes � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��3.2.1 - Couplage d’un modèle de transport/hydrologie à un modèle de géochimie3.2.2 - Qualification de code géo-hydromécanique

3.3 - Modélisation mathématique, changements d’échelle � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��3.3.1 - Changement d’échelle des sources de relâchement pour les calculs « champ lointain »3.3.2 - Modèles de transport/écoulement multicomposants à travers des milieux poreux fracturés3.3.3 - Calcul des paramètres hydrologiques effectifs dans diverses situations d’hétérogénéité

3.4 - Estimation/prédiction � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��3.4.1 - Identification des paramètres3.4.2 - Analyse de sensibilité

3.5 - Conclusion et perspectives à long terme � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ��

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Pilotées par l’Andra, ces recherches qui contribuentà instruire le dossier de faisabilité d’un site de stockagedes déchets MHAVL en formation géologique profonde,ont impliqué, au CNRS, des disciplines très variées :sciences de la terre, chimie et mathématiques appli-quées. Une part importante de la recherche en chimieconcerne l’acquisition de connaissances sur la sorptiondes radionucléides sur les matériaux naturels etouvragés du stockage, et aussi les conditions de leurmigration. Le retour à la biosphère est retardé par l’en-semble des barrières, dont il revient en particulier auxchimistes et aux géologues d’évaluer l’efficacité, et auxspécialistes de simulation numérique d’apprécier lesperformances.

En collaboration avec l’Andra, le CNRS a fourni, àpartir de 1994, des données d’évaluation des trois sitesétudiés pour l’implantation d’un laboratoire souterrain.Cette évaluation reposait sur une caractérisation dumilieu géologique, sur l’exploitation des forages etprélèvements et sur des propositions de modèles géolo-giques. Rapidement la géochimie s’est trouvée forte-ment impliquée dans ces recherches, notamment àtravers l’analyse, la datation et l’étude de circulationséventuelles de fluides, dont la connaissance est indis-pensable pour évaluer le comportement d’un stockage.Le CNRS disposait déjà d’instruments performants (spec-tromètres de masse, microsondes, etc). Il en a développéd’autres, qui représentent de véritables percées scientifi-ques : datation des eaux par les isotopes du krypton,tomographie électrique, endoscopie sismique, etc. Il arassemblé des chercheurs de géomécanique, de géophy-sique et de géochimie pour disposer des compétencesindispensables à la compréhension des systèmes géolo-giques et de leur réactivité lorsqu’ils sont soumis à desperturbations. En prévision des travaux à mener sur lesecteur de Meuse/Haute-Marne, les équipes de géos-ciences du CNRS ont testé leurs méthodes et leurs appa-reils dans le cadre de collaborations européennes, enparticulier au Mont Terri (Suisse). Ils transfèrent mainte-nant ces acquis et préparent les premières expériencesdans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute Marne.Avec celles-ci, ils vont contribuer aux programmes misen œuvre, interpréter les résultats importants qui serontacquis et répondre aux questions que les données obte-nues dans le laboratoire souterrain de Bure ne manque-ront pas de soulever.

Après 1998 et malgré l’abandon de la recherche d’unsite en milieu granitique, des recherches génériques ont

été poursuivies sur ce milieu, essentiellement sur lacaractérisation et la datation des épisodes de circulationdes fluides qui ont pu affecter les granites hercyniensen France.

Les questions de la fixation, du relâchement et de lamigration des radionucléides vers la biosphère s’adres-sent en premier lieu à la chimie. Des questions très diffi-ciles, si l’on songe aux échelles d’espace et de tempsmises en jeu, qui demandent de passer de l’échellemicroscopique (comment un atome d’un radionucléides’attache-t-il à une surface solide ou peut-il s’en écarter,quelle entité chimique constitue-t-il avec cette surface ?),à l’échelle macroscopique correspondant aux parcoursdes radionucléides sur des millénaires. Ces étudesconcernent les colis de déchets vitrifiés, mais égalementles combustibles usés, dont le stockage souterrain ne doitpas être exclu des études (on a décrit, dans la premièrepartie (Axe 1, § 5), les travaux sur le conditionnementspécifique des espèces radiochimiques isolées).

Les distances et surtout les durées à prendre encompte sont telles, à l’échelle des atomes radioactifsdont on souhaite éviter le retour dans la biosphère,qu’aucune expérience ne peut répondre seule auxquestions posées. Heureusement, l’époque de l’énergienucléaire est aussi celle des ordinateurs. C’est pourquoile CNRS et l’Andra ont fait appel aux chercheurs desmathématiques appliquées : leurs simulations numéri-ques sont seules susceptibles de fournir des prédictionsà très long terme, si l’on fait preuve d’une extrêmerigueur dans le choix des données numériquesacquises par les chimistes et les géologues et desmodèles les plus pertinents. En outre, les ordres degrandeur à franchir requièrent de parcourir le tempsou l’espace avec un pas si fin que les durées de calculpourraient mettre en échec la puissance des ordina-teurs si les mathématiciens ne savaient proposer lesmoyens de sortir de cette nouvelle difficulté… Lafiabilité des modèles (physiques ou chimiques) utilisésne serait rien sans l’efficacité des méthodes numéri-ques auxquelles il est fait appel.

C’est donc un très large spectre de compétences quele CNRS a mobilisé sur le programme de recherchesmenées dans le cadre de l’axe 2. L’aide reçue de l’Andra,sous forme de financement de thèses ou de boursespost-doctorales a été bien davantage qu’un encourage-ment : elle a permis de consacrer à certains travaux,

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rigoureusement choisis, le temps et la profondeur qu’ilsméritaient ; elle a transformé les problèmes posés sur lesite, au cours de sa reconnaissance, des forages puis dufonçage des puits, en véritables questions scientifiques.Elle a porté sur tous les thèmes de l’axe 2 : géosciences,chimie, simulations numériques. C’est un double inves-tissement qui a été réalisé, par des échanges appro-fondis avec la communauté académique, et par laformation de jeunes chercheurs en contact avec ungrand projet technologique.

1. Les études liées au stockagegéologique profond

Les recherches pilotées par l’Andra ont pour objectif dedémontrer la faisabilité et d’évaluer la sûreté d’unstockage de déchets MHAVL en formation géologiqueprofonde. Dans le cadre de partenariats, elles ont associé àl’Andra les communautés académiques du CNRS, desUniversités et des Grandes Ecoles, regroupées dans le GDRFORPRO autour d’actions de recherche fondamentale.

Depuis la décision gouvernementale, prise endécembre 1998, d’implanter un laboratoire souterrainen domaine argileux, sur le site de Meuse / Haute-Marne à Bure, les travaux de ces équipes visent àévaluer les propriétés des formations géologiques ensuivant deux approches complémentaires :

1. développer des méthodes expérimentales inno-vantes et applicables en laboratoire souterrain.

Ainsi sont mises au point, par exemple, l’imagerie3D des discontinuités en paroi de galerie sur quelquesmètres d’épaisseur, ou de nouvelles méthodes de data-tion des eaux souterraines à l’aide des isotopes 81 et 85du krypton. L’intérêt de telles méthodes ne se limite pasaux études développées pour le stockage des déchetsradioactifs, elles sont aussi utiles à d’autres domaines derecherche très variés (prévision des éruptions volcani-ques, évaluation des risques de rupture d’un barrage,datation de corps extra-terrestres, évaluation et protec-tion des ressources en eau, etc).

2. accompagner chaque étape des travaux de l’Andrapar une phase d’expérimentation.

Ainsi, lors du creusement des galeries du laboratoiresouterrain de Meuse / Haute-Marne (figure II.1), desrecherches ciblées seront développées sur l’initialisation,le développement, l’extension et l’imagerie de la zoneendommagée (Excavation damaged zone, ou EDZ) cein-turant tout ouvrage (puits, galerie, forages) creusé au seind’une formation géologique profonde naturellement

non fracturée (c’est le cas de la formation argileuse duCallovo-Oxfordien du site, au sein de laquelle aucunefracture susceptible de modifier les propriétés hydrauli-ques de la roche n’a été observée dans les forages dereconnaissance). En effet, l’excavation d’un ouvragesouterrain provoque, en paroi et à partir d’une certaine

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Figure II.1 : Implantationdu laboratoire souterrainde recherche deMeuse / Haute-Marneet détail des galeries derecherche à - 490 m ausein de la couche d’argilite (voir figure II.3).© Andra

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profondeur, le développement de fissures et de fracturesdont une partie est connectée et dont la densité diminuequand on s’éloigne de la paroi. En cas de non cicatrisa-tion, cette EDZ, plus perméable que la roche nonperturbée, est susceptible d’offrir aux eaux souterraines(vecteur potentiel du retour des radionucléides vers lasurface et la biosphère) une voie préférentielle de chemi-nement, parallèle aux axes des galeries et des puits. Sacaractérisation et la modélisation de son évolution àlong terme représentent des objectifs prioritaires pourles équipes du CNRS, des Universités et des GrandesEcoles. L’étude interdisciplinaire d’un objet unique, lazone endommagée, a donc été mise au cœur duprogramme scientifique des équipes du CNRS,programme dont une partie est soutenue par le projetintégré européen Near Field Processes (NFPRO) du 6ePCRD. Les expérimentations réalisées dans ce cadre,depuis 2004, au laboratoire souterrain du Mont Terri(Jura suisse) (§ 1.2.4) sont actuellement en cours d’im-plantation dans celui de Meuse / Haute-Marne (§ 1.2.3).

1.1. Étude de l’état initial : propriétésde confinement et mécanismes de transfert

1.1.1. Composition, origine et évolution de l’eau poralede l’argilite

Dans les roches, y compris dans les formations lesplus imperméables, de l’eau est présente dans les poreset les micropores à la limite des grains minéraux. Ainsi,l’argilite de Bure (l’argilite est une roche sédimentairetrès imperméable, à grain très fin, formée au fond desocéans ou des lacs, et riche en minéraux argileux asso-ciés à plus ou moins de quartz et de calcite) contient-elle de 6 à 8 % massiques d’eau. Cette eau, dite poraleou interstitielle, ne circule pas, mais peut faciliter letransfert d’éléments chimiques (entre autres, de radio-nucléides) hors de la couche argileuse hôte, par desmécanismes lents comme la diffusion. Dans le cas d’unsite de stockage en milieu argileux profond, après lamise en place des colis de déchets et le remblayage etle scellement des galeries et des puits, l’eau porale del’argilite va resaturer lentement les ouvrages dustockage (sur des durées de quelques dizaines d’annéesà la centaine de milliers d’années suivant l’ouvrageconsidéré) et pourra donc atteindre les colis et de lescorroder (§ 1.3.3).

Pour estimer la tenue à long terme des colis dedéchets et les modalités du transfert en solution des

éléments, il est donc essentiel de connaître la composi-tion chimique, l’origine et l’évolution de l’eau porale del’argilite, de même que les mécanismes de transfert deséléments en solution dans cette eau. La très faibleteneur en eau et l’organisation au niveau poral de l’ar-gilite rendent son extraction très difficile. Il faut enparticulier veiller à ce que les techniques employées nemodifient pas sa composition chimique et isotopique.

Les équipes du CNRS ont relevé ce défi en mettantau point des protocoles d’extraction et des méthodesfiables d’analyses isotopiques (pour l’oxygène, l’hydro-gène, le strontium, les gaz rares et le chlore) de l’eauporale de l’argilite de Bure. Ces analyses, dont unepartie reste en cours, ont contribué :

- à définir l’origine et la composition de cette eau : ils’agit d’eau d’origine météorique (de l’eau de pluie infil-trée dans le sous-sol) ayant remplacé au cours destemps géologiques l’eau marine contemporaine dudépôt de l’argilite,

- et à préciser le mécanisme très lent (s’établissant en10 millions d’années (Ma)) de transfert du chlore (repré-sentatif des anions) par diffusion depuis l’argilite versles calcaires sus-jacents.

1.1.2.Organisation des écoulements : mouvementslents au sein des formations calcaires et rôle d’écrande la couche d’argiliteDes analyses systématiques de géochimie élémentaireet isotopique (identification d’éléments majeurs et entrace, compositions isotopiques de O, H, S, Cl, Sr, He etgaz rares, et mise au point de la méthode sur lekrypton) ont permis de caractériser et de dater les eauxactuellement présentes en très faible quantité dans lesdeux formations calcaires qui encadrent la couche d’ar-gilite du site de Meuse / Haute-Marne (figure II.2). Ceseaux ont été échantillonnées par l’Andra (nombreuxforages dans le secteur et sur le site du laboratoire etfonçage du puits principal d’accès) dans les raresniveaux poreux préservés dans ces calcaires en dépit deleur colmatage (§ 1.1.3).

Les données géochimiques démontrent l’absence deconnexion entre les eaux des deux formations calcaireset donc le rôle d’écran imperméable joué par la couched’argilite dans l’environnement du site. Elles suggèrentcependant des connexions possibles entre niveauxporeux à l’intérieur des calcaires oxfordiens sus-jacentsà la couche d’argilite.

De plus, les analyses en 36Cl de certains échantillonsont fourni pour ces eaux des âges de l’ordre de 1 Ma,

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ordre de grandeur confirmé par des datations utilisantla méthode 3He/4He. De tels âges ne sont pas mesura-bles par la méthode de datation utilisant le 14C, dontles limites analytiques ne permettent de caractériserque les eaux « jeunes » (moins de 40 000 ans). Ces âgesanciens suggèrent des vitesses d’écoulement trèslentes, de l’ordre du cm/an, et donc de très longstemps de résidence dans les formations calcaires enca-drant la couche d’argilite. L’interprétation des donnéeschronométriques 36Cl et 3He/4He reste toutefois àaffiner, en prenant en compte les variations desteneurs en U et Th à l’origine de la production in situde 36Cl et 4He dans les calcaires renfermant les niveauxporeux où les eaux ont été prélevées. Toutefois, cesvitesses très faibles suggèrent déjà que la propagationpar convection d’un éventuel panache de radionu-cléides dans les formations encaissant le Callovo-Oxfordien argileux s’effectuerait sur des durées trèslongues.

1.1.3. Colmatage des calcaires encadrant l’argiliteDans le bassin de Paris, les formations calcaires sus

et sous-jacentes aux argilites callovo-oxfordiennesconstituent généralement des aquifères. Pourtant, lestravaux de minéralogie et de géochimie isotopique ontdémontré que dans l’environnement du site de Meuse /Haute-Marne, les calcaires avaient été colmatés par desprécipitations de calcite lors de paléocirculations d’eauxd’origine météorique, salées et à basse température(≈ 40 °C). Ces paléofluides proviendraient de l’aquifèretriasique sous-jacent : ils auraient circulé le long desfailles du fossé de Gondrecourt formé il y a environ40 Ma, avant de percoler latéralement dans les deuxformations calcaires encadrant la couche d’argilite(figure II.2). Cette interprétation vient d’être confortéepar la méthode de datation 238U/206Pb, qui a fourni unevaleur préliminaire de (30 ± 10) Ma pour âge de ces

calcites et donc pour celui des paléocirculations defluides à l’origine de leur cristallisation.

Ce colmatage très développé des calcaires sus etsous-jacents à la couche d’argilite constitue une autreparticularité du site de Meuse / Haute-Marne, comparéau reste du Bassin de Paris, et un facteur favorable àl’implantation d’un site de stockage. De la porositéinitiale de ces calcaires, d’épaisseurs supérieures à100 m, ne subsistent que quelques minces niveauxporeux, de quelques dizaines de centimètres d’épais-seur, où, comme on l’a vu dans le paragraphe précé-dent, des eaux anciennes, sans recharge récente,circulent à des vitesses extrêmement faibles.

1.2. Étude des perturbations dues au creusement d’ouvrages souterrains

1.2.1. Mesure de la perméabilité de rochestrès imperméables

Les mesures de très faibles perméabilités sont déli-cates et complexes à mettre en œuvre : elles requiè-rent une bonne compréhension des processusphysiques impliqués et un contrôle sévère de tous lesfacteurs externes. Compte tenu de l’intérêt primordialde déterminations fiables de la perméabilité d’échantil-lons argileux hautement imperméables, constituant labarrière géologique d’un site potentiel de stockage dedéchets radioactifs, la réalisation d’un benchmark surce sujet, engageant une dizaine d’équipes de géoméca-nique, était indispensable. Les essais ont porté surdeux types d’échantillons de référence, un bétonmicroporeux (bon exemple de roche imperméable) etl’argilite du site de Meuse / Haute-Marne. Quatre labo-ratoires ont obtenu des valeurs extrêmement faiblesde perméabilité à l’eau de l’argilite (2-10 10-21 m2),avec une excellente reproductibilité pour des condi-tions expérimentales identiques.

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Figure II.2 : Schéma (surune coupe géologiqueNO-SE) des circulationsdes paléofluidesd’origine triasique à

l’origine du colmatage,il y a 30 Ma, descalcaires encadrant lacouche d’argilite.Des forages pétroliers etde l’Andra sont figurésen rouge.(doc. GdR Forpro)

Aquifère triasique

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1.2.2. Propriétés mécaniques des rochesd’après microéchantillons

Afin de disposer, au cours du creusement desouvrages d’un laboratoire souterrain, d’un outil particu-lièrement adapté à la détermination des propriétésmécaniques des roches, un prototype de micropénétro-mètre a été conçu au CNRS, fonctionnant par pénétra-tion d’un poinçon plat de section circulaire dans deséprouvettes de roches de petite taille (10x10x10 cm3).L’avantage de cette méthode originale réside dans sarapidité et dans les volumes réduits d’échantillon qu’ellerequiert, qui peuvent ainsi être prélevés sur des carottesde roches. Après des tests satisfaisants, deux micropéné-tromètres ont été réalisés : l’un est utilisé en routine parl’Andra sur le site de Meuse / Haute-Marne pour carac-tériser les propriétés mécaniques des terrains traverséslors du fonçage des puits, des carottages et de l’excava-tion des galeries, et l’autre installé dans un laboratoirede recherche pour la poursuite des tests sur échantillons.

1.2.3. L’observatoire interdisciplinaire de l’EDZ à BureLes équipes du CNRS disposeront, à l’été 2005, d’un

observatoire interdisciplinaire situé dans l’une des gale-ries du niveau principal du laboratoire souterrain derecherche de Meuse / Haute-Marne, à - 490 m deprofondeur (figure II.3). Menées par la quasi-totalité deséquipes impliquées dans ces recherches, deux sériesd’expérimentations y débuteront durant le secondsemestre 2005.

L’action « GeoMecaFor » a pour objet de suivre, enfonction des conditions de saturation en eau, les défor-mations différées de la paroi d’une galerie excavée dansl’argilite.

Trois chambres à hygrométrie contrôlée serontinstallées dans deux forages de 10 m de long ; les défor-mations cassantes et plastiques et le bruit acoustiqueassocié à la fracturation seront enregistrés en perma-nence pendant au moins 2 ans. Il s’agira :

- de déterminer si la modélisation, calée à partird’essais sur des échantillons carottés, rend correcte-ment compte des phénomènes observés en paroi et demettre en évidence l’éventuelle influence de la stratifi-cation sédimentaire sur le comportement à long termede l’argilite,

- de vérifier que l’évolution de la paroi d’une galerieest bien contrôlée par une déformation plastiquelorsque la saturation est maintenue et par une déforma-tion cassante par traction ou fissuration en cas dedésaturation,

- d’étudier les incidences entre les deux régimes dedéformation lors du passage d’un état désaturé degalerie ouverte à un état resaturé de galerie bouchéepar les matériaux rapportés.

Les forages d’écoute acoustique seront réalisés dès ledébut de l’été 2005 et les forages contenant les cham-bres à hygrométrie contrôlée à l’automne 2005.L’écoute acoustique visera à bien caractériser l’étatinitial de l’EDZ avant réalisation des forages de sollicita-tion hygrométrique. Les mesures de déformation setermineront fin 2006 - début 2007.

L’autre série d’expérimentations aura pour objec-tifs de quantifier et de modéliser l’impact de l’ouver-ture d’une galerie sur les propriétés de confinementde l’argilite.

Il s’agira de suivre l’initialisation, le développementet l’extension de l’EDZ en paroi de galerie, en couplantles observations et les analyses sédimentologiques,minéralogiques, pétrophysiques, structurales, biogéo-chimiques, microbiologiques et géochimiques.

L’ouverture d’une galerie dans une formation argi-leuse induit en effet des perturbations physiques (EDZ)mais également chimiques, qui pourraient modifier lescapacités de confinement de la barrière géologique (ici,la couche d’argilite). Du point de vue chimique, destransferts de matière associés au développement defronts d’oxydation s’observent, par exemple au MontTerri. Des traceurs géochimiques ont donc été sélec-tionnés, comme l’état de la matière organique fossileprésente dans l’argilite ou encore la composition en gazrares de l’argilite, pour suivre, au niveau de l’EDZ, lapénétration de l’air qui oxyde le milieu initialement

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Figure II.3 : Plan dulaboratoire souterrain deMeuse / Haute-Marne,creusé dans la couched’argilite à - 490 mde profondeur.Le rectangle rougelocalise la zone d’expéri-mentations Forpro dansle laboratoire et laflèche donne l’emplace-ment de l’action« GéoMécaFor » débu-tant en juillet 2005. PA :puit principal d’accès,PX : puit auxiliaire.(doc. Andra modifié)

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réduit de l’argilite. Cet air oxydant et plus ou moinshumide suivant la saison provient de la ventilation desgaleries du laboratoire souterrain.

1.2.4. Imagerie 3D de la fracturation induite de l’EDZL’étude du volume rocheux entourant les galeries

du laboratoire souterrain est un élément important duprogramme scientifique mené en partenariat par leCNRS et l’Andra. Dans le but d’apprécier la faisabilitédu stockage en formation géologique argileuse, ilapparaît important de caractériser cette zone, afin decompléter les données d’entrée aux modèles decomportement. Les géophysiciens disposent d’unepanoplie de techniques pour ausculter les formationsgéologiques, de l’échelle régionale à celle du mètre, ety détecter la fracturation naturelle ou celle qui se déve-loppe en paroi de galerie suite à l’excavation(figure II.4). Bien que de nombreux outils d’imageriegéophysique soient disponibles, notamment ceux quiont été mis au point par l’industrie pétrolière, des inno-vations sont nécessaires pour obtenir une image 3D duchamp proche, c’est-à-dire du volume rocheux situé auvoisinage immédiat des parois des galeries ou despuits. Aussi les méthodes de tomographie électrique etd’endoscopie sismique ont-elles fait l’objet de recher-ches actives depuis plusieurs années dans le cadre duGdR FORPRO.

La tomographie électrique consiste à réaliser unecartographie de la résistivité électrique du volumerocheux étudié, qui permet de repérer et de suivre

l’évolution de zones fissurées contenant de l’eau. Lespropriétés électriques locales du milieu sont détermi-nées en mesurant la réponse de la roche à différentesfréquences du courant sonde. Tout changement détectédans la réponse doit ensuite être interprété en termesgéologiques par des modèles mathématiques. Leséquipes travaillant sur la géophysique en champ procheont testé la capacité de ces appareils de tomographieélectrique à suivre l’évolution des parois rocheuses desgaleries à grande profondeur.

L’endoscopie sismique multidirectionnelle utilisedes ultrasons pour produire une image échographiqueà haute résolution du volume de roche situé au voisi-nage de forages recoupant l’EDZ. L’analyse des imagesproduites par des dizaines de capteurs pointant danstoutes les directions permet de détecter les zones fractu-rées et d’en préciser l’orientation. L’endoscopie peutaussi être combinée à d’autres méthodes sismiquespour faire de la tomographie sur plusieurs forages ouenregistrer les microséismes produits par la fracturationde la roche lors de la formation de l’EDZ.

Ces deux méthodes innovantes ont été testées in situdans le laboratoire souterrain du Mont Terri et dans lecadre du programme européen NFPRO, avant d’êtrecroisées avec des méthodes confirmées de géophysiqueen champ proche : depuis juillet 2004, l’évolution aucours du temps de l’EDZ a été suivie par imagerie 3Ddans le laboratoire souterrain du Mont Terri (figure II.5).Ces deux méthodes, ainsi que d’autres techniquesgéophysiques permettant d’ausculter le champ proche,seront très prochainement mises en œuvre dans l’obser-vatoire interdisciplinaire du laboratoire souterrain deMeuse/Haute-Marne.

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Figure II.4 : Schéma de l’EDZ après excavation d’une galeriedu laboratoire souterrain de recherche du Mont Terri(d’après P. Bossart et M. Thury, Geotechnisches Institut AG, Suisse)

Figure II.5 : Installationen galerie au Mont Terri,par une équipe du GdRForpro, des anneauxd’électrodes pour lesmesures de géophysiqueen champ proche dansla paroi argileuserecouverte de bétonprojeté. (Doc.Géosciences Rennes,UMR 6118 CNRS)

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Repérées en 2004 au Mont Terri par tomographieélectrique, les zones où l’EDZ est présente en paroi degalerie viennent d’être forées : une analyse structuralede la fracturation sur des carottes orientées fournira desdonnées pour modéliser l’évolution de l’EDZ.

1.3. Conclusion et perspectives post-2006Les 25 équipes de recherche du CNRS, des

Universités et des Grandes Écoles ayant réalisé cestravaux ont montré qu’une recherche fondamentale,pluridisciplinaire, effectuée en partenariat avecl’Andra, a pu apporter des réponses pertinentes à laquestion cruciale du stockage des déchets radioactifs,lequel constitue un enjeu environnemental majeurpour la société. Le partenariat CNRS-Andra a en outrepermis à ces équipes d’être associées à la production derapports dans le cadre de la loi de 1991 et de participerà la réflexion sur la prospective de recherche à court etlong terme.

Depuis 1998, les différentes étapes du programme derecherche de l’Andra sur le site de Bure ont été accom-pagnées par des actions de recherche ciblées sur les axesprincipaux suivants :

- analyses isotopiques couplées des fluides intersti-tiels de l’argilite (origine et transferts),

- traçage et datation des transferts aqueux passés etactuels dans les calcaires encadrant la couche d’argi-lite, imposant des contraintes aux modèles hydrogéo-logiques,

- caractérisation et développement de méthodesd’investigation et d’imagerie 3D de la zone endom-magée en paroi de galerie et de puits,

- étude sur des analogues naturels de la dégradationdes ciments et de la propagation de fluides hyperalca-lins en domaine argileux.

Ces actions de recherche ont conduit à :- mener des tests comparatifs pour vérifier la validité

et la reproductibilité de données particulièrement déli-cates à acquérir,

- développer des méthodes expérimentales inno-vantes, tant en chimie isotopique qu’en géophysique enchamp proche, et transposables sur le long terme à desdomaines de recherche très variés,

- intégrer des programmes européens comme leProjet intégré NFPRO du 6e PCRD.

Ces travaux de recherche, dont la qualité est attestée parde nombreuses publications dans des revues d’audience

internationale, ont ainsi contribué à valider les capa-cités de confinement de la couche d’argilite. Elles ontaussi permis de caractériser les formations calcaires suset sous-jacentes du site de Meuse/Haute-Marne et deconfirmer son rôle de barrière géologique.

Dans le cadre des expérimentations à développer surle site du laboratoire souterrain au-delà de 2006, il estproposé que les actions soient ciblées sur un objetunique, l’EDZ, suivant des approches à caractère inter-disciplinaire menées conjointement sur des analoguesnaturels en laboratoire et en vraie grandeur en labora-toire souterrain.

1.3.1. Les données sur l’évolution de l’EDZ : analysedes observations à Tournemire et au Mont Terri

Deux autres sites souterrains (Tournemire et MontTerri), présentant des propriétés physico-chimiquesproches de celles de Bure, permettent d’observer l’évolu-tion d’une EDZ et de la fracturation naturelle dans desmilieux argileux.

Dans le site de l’IRSN, situé à Tournemire (Aveyron),deux galeries recoupent à angle droit la zone endom-magée créée dans des argilites par le creusement d’untunnel ferroviaire, il y a plus de cent ans. À l’échellemacroscopique, aucune cicatrisation ne s’observe : lesfractures et les fissures sont ouvertes, y compris celles delongueur métrique ou pluri-métrique. La zone endom-magée ne présente aucune circulation de fluide, niaucun colmatage par de la calcite. Inversement, hors del’EDZ, les parois et le radier (partie basale de la galerie)des deux galeries présentent :

- des fractures naturelles colmatées par de la calcite ;ces fractures sont liées à la formation de la chaîne desPyrénées,

- des circulations actuelles de fluides associées àcertaines de ces fractures.

Dans le laboratoire souterrain du Mont Terri, en paroides galeries et des niches excavées respectivement en1996, 1998 et 2004, la zone endommagée s’observe dansdes argiles sans phénomène de cicatrisation, ni circula-tion récente de fluides. Une fracture naturelle majeure,bien reconnaissable en paroi de galerie, présente unaspect cataclasé, comme broyé et réduit en menus frag-ments par une forte pression due aux multiples plans defracturation et de glissement formés lors de la surrectiondes Alpes. Certaines de ces discontinuités sont colmatéespar de la calcite. Aucune venue naturelle de fluides nes’observe actuellement au sein de ces argiles.

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En conclusion, dans les deux sites de Tournemire etdu Mont Terri, l’EDZ en paroi de galerie constitue undomaine désaturé en eau sans évidence de processusd’autocicatrisation. En revanche, de nombreuses frac-tures et microfractures naturelles situées en zonesaturée sont cicatrisées principalement par des miné-raux de colmatage précipités à partir de paléocircula-tions de fluides dans ces fractures. Schématiquement,une autocicatrisation peut se produire par gonflementdes minéraux argileux en présence d’eau, colmatagepar précipitation de minéraux, principalement de lacalcite, et/ou fluage de la matrice argileuse mais lahiérarchisation de ces processus d’autocicatrisation estencore mal connue sur le long terme.

Ces observations semblent indiquer qu’en l’absenced’eau saturant les pores et les discontinuités structu-rales (induites et naturelles) et sédimentaires plus oumoins interconnectées, les processus d’autocicatrisa-tion de l’EDZ dans des formations argileuses nepeuvent être initiés. Il est donc probable que de telsprocessus ne pourront être observés au cours destravaux du GdR FORPRO programmés dans le labora-toire souterraine de Meuse/Haute-Marne sur la période2005-2007. Les phénomènes couplés intervenant dansl’autocicatrisation des argilites pourraient alors êtreabordés au-delà de 2007 et sur le long terme, en combi-nant les trois approches interdisciplinaires présentéesci-dessous.

1.3.2. Étude de « l’amortissement »de fractures naturelles dans une formation argileuse

De nombreuses études géologiques font état de« l’amortissement », dans une formation argileuseépaisse, des fractures naturelles affectant une formationcompétente sus ou sous-jacente (grès, calcaire, dolomie,etc.). Pour étudier de tels phénomènes, les observationset prélèvements de terrain doivent être faits en galeriesminières profondes. Toutefois, l’arrêt des activitésminières en France réduisant considérablement lespossibilités d’études, des galeries minières adéquatesdevront être recherchées à l’étranger.

1.3.3. Étude en laboratoire d’échantillonsde carottes prélevées dans la zone endommagée(site de Meuse/Haute-Marne)

Ces travaux expérimentaux visent à reconstituer enlaboratoire la remise sous pression de l’EDZ et les arri-vées successives de fluides dans l’EDZ après la fermeture

d’une galerie. Du point de vue hydrogéochimique, leproblème est compliqué du fait de l’interventionpotentielle de fluides ayant des compositions diffé-rentes de l’eau porale des argilites, comme les fluideshyperalcalins générés au cours de la dégradation desbétons localisés à l’interface avec les argilites.

Il s’agira donc d’évaluer les probabilités d’arrivéedans le temps de ces différents fluides et leur capacitérespective à favoriser ou non l’autocicatrisation. Pourpermettre une réelle approche interdisciplinaire decette autocicatrisation des argilites sur le long terme,des protocoles expérimentaux précis devront êtredéfinis, en fonction de la nature des fluides, des carac-téristiques de leur écoulement, du degré d’endomma-gement de la roche-hôte et de sa minéralogie initiale.D’autre part, des techniques d’auscultation nondestructive devront être mises en œuvre afin de suivreavec précision l’évolution au cours du temps duprocessus d’autocicatrisation.

1.3.4. Utilisation d’un démonstrateur intégrésur le site de Meuse / Haute-Marne

Les travaux porteraient sur 6 à 8 ans au minimum,afin de tester in situ les capacités d’autocicatrisation desargilites de Bure dans la paroi resaturée d’un démons-trateur intégré d’environ 20 m de long, simulant aumieux une galerie de stockage bouchée par une barrièreouvragée (béton+bentonite) ; des saignées dans labarrière géologique, remplies d’argile gonflante, etdisposées perpendiculairement à l’axe de la galerie pourstopper un éventuel flux aqueux, pourraient égalementêtre installées le long du démonstrateur.

- Approche couplée mécanique, géochimique, miné-ralogique et pétrophysique

Effectués à des intervalles de temps réguliers(6 mois), des forages carottés permettraient de suivrel’évolution temporelle des argilites de l’EDZ. Afin deminimiser le développement d’une EDZ autour desforages, ceux-ci seraient rebouchés immédiatementaprès le prélèvement des carottes. Une partie de celles-ci seraient placées en cellules de confinement afin depouvoir réaliser le suivi précis de l’évolution de laperméabilité.

- Approche géophysique en champ proche (ima-gerie 3D)

Cette approche impliquerait la mise en place demoyens d’auscultation opérationnels sur de longuespériodes afin de suivre l’évolution lente de l’EDZ.

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Cette approche pourrait se faire :- soit en réalisant périodiquement des mesures ponc-

tuelles : l’accès à la zone d’étude serait limité à desforages et ne permettrait pas une auscultationcomplète, mais il serait alors possible d’attendre desprogrès techniques.

- soit en installant des réseaux permanents decapteurs avant rebouchage de la galerie et en les lisanten continu : mis en place une fois pour toutes, le réseaune pourrait être ni déplacé, ni amélioré.

2. Phénomènes physicochimiques aux interfaces

2.1. Physico-chimie des transferts liquide-solideIl faut distinguer la connaissance des milieux envi-

sagés dans les concepts de stockage souterrain, parti-culièrement celle des interfaces entre matériaux, de laconnaissance des interactions des radionucléïdes, enparticulier leur rétention sur ces interfaces.

La connaissance des milieux a été particulièrementapprofondie dans le domaine de la structure et de ladynamique de l’eau et des contre-ions. En effet, lesmodèles concernent des minéraux naturels ou synthé-tiques chargés, dont les propriétés physicochimiquessont déterminées par la distribution spatiale et lesinteractions des charges électriques. Dans le cas desargiles, la présence de défauts de charge dans leur

réseau entraîne l’existence d’une charge globale néga-tive sur les feuillets de cette argile. Ces charges néga-tives sont compensées par la présence de contre-ions,cations plus ou moins mobiles, ou même attachés àdes sites.

La rétention ou la sorption de cations multivalentsdes radionucléides provient en premier lieu de leurinteraction (électrique) avec ces charges et sites duréseau. Puisque la plupart des matériaux et argiles natu-rels sont chargés négativement, ils constituent despièges plus ou moins spécifiques de ces cations. Pourles anions et en particulier pour les iodures, la situationest plus complexe. Pour faciliter l’intercomparaison desméthodes analytiques, certaines études de sorption ontconsidéré, non pas les argiles ou les bétons, maiscertains oxydes modèles.

Les travaux ont porté sur des études de sorption etde spéciation d’actinides présents dans le colis dedéchets (notamment des actinides mineurs), deproduits de fission à vie longue (comme 99Tc, 135Cs, 129I)et de produits d’activation des matériaux de structure(59Ni, 95Zr, 14C, 36Cl, etc). La sorption de ces radionu-cléides à la surface des minéraux des sols, ainsi que leurprécipitation, constituent en effet les mécanismes lesplus importants retardant leur migration à travers lagéosphère, depuis un site de stockage géologiquejusqu’à la biosphère (figure II.6).

Le rôle de ces travaux a été de fournir des donnéesphysico-chimiques pertinentes, permettant de construiredes modèles numériques adéquats. Leur originalitéréside dans la nécessité de passer du microscopique aumacroscopique, tant en ce qui concerne l’espace, dunanomètre au kilomètre, que le temps, de la picosecondeaux temps géologiques (une situation commune à denombreux travaux sur l’axe 2).

Une des difficultés de cette recherche provient dufait que les matériaux de stockage, comme les argiles,peuvent exister aussi bien sous forme compacte (trèspeu d’eau associée) que sous forme très hydratée (ensuspension aqueuse). Il faut donc confronter les résul-tats obtenus sur les argiles en solution à ceux relatifsaux argiles compactes, bien que toutes les grandeurs nesoient pas susceptibles d’être déterminées dans les deuxsituations et que, du point de vue fondamental, rien negarantisse que la physico-chimie utilisée pour les solu-tions s’applique en milieu confiné.

Un des progrès attendus des modélisations consiste àdonner un sens précis aux grandeurs de sorption.

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Figure II.6 :Schématisation del’ensemble des processusen jeu lors de lamigration desradionucléides dans lessols. © CNRS

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En effet, les modèles de sorption s’attachaient jusqu’ici àdécrire les résultats d’expériences d’équilibre solide-solu-tion, qui ignorent le détail des sites où s’effectue la sorp-tion. Le but commun des expériences de spéciation detype Exafs, des simulations moléculaires et des études dechimie quantique a donc été de déterminer l’originemicroscopique de la sorption et la mise en évidence desmouvements et phénomènes inobservables macroscopi-quement (figure II.7).

Pour comprendre les phénomènes fondamentaux enjeu et hiérarchiser les différents processus qui détermi-nent la vitesse de migration des radionucléides, il estindispensable d’apprécier l’importance relative desparamètres décrivant l’environnement et de tenircompte de leur très grande variabilité. La charge

électrique portée par les radionucléides, et leur degréd’oxydation qui dépend de leur charge et du potentielredox imposé par le milieu, sont des paramètres qu’ilfaut pouvoir définir et suivre au cours du temps. Parmiles radionucléides, les actinides mineurs, chargés positi-vement, sont facilement retenus par les minérauxconstitutifs des sols (chargés négativement dans lesconditions du milieu) et tendent à former des hydro-xydes qui précipitent ; au contraire, la plupart desproduits de fission sont sous forme d’ions négatifs etdonc repoussés par ces mêmes minéraux. Mais la situa-tion est loin d’être toujours aussi simple ; ainsi, l’actionde ligands (carbonates, silicates, sulfates, etc) éventuelle-ment présents dans le milieu naturel doit être examinée,car la complexation des actinides par les ligands peutempêcher, dans certains cas, leur précipitation et lesrendre mobiles. Le champ proche autour du site destockage est également le lieu de différents gradientsspatiaux et temporels (concentration, front redox, etc)dont la présence et l’évolution au cours du tempsrendent ces études particulièrement délicates.

Les objectifs étaient donc :- de comprendre les mécanismes de traversée, ou au

contraire de fixation des actinides et des radionucléidesà vie longue aux interfaces solide-liquide,

- de déterminer un ensemble de données thermody-namiques et physico-chimiques caractéristiques desprocessus de spéciation et de sorption,

- de confronter ces résultats aux données sur lessystèmes naturels.

De nombreuses expériences ont porté sur des argilesouvragées de type bentonite ou montmorillonite, quiprésentent une minéralogie simple et un agencementrégulier de leur porosité, ou sur des oxydes, des phos-phates et des silicates. Non seulement la méthodologieest maintenant acquise, mais des données ont étéacquises sur la bentonite MX80 (fournie par l’ANDRA) :les taux de rétention des radionucléides y ont étéobtenus en fonction de leur concentration et du pHdans le milieu. La dernière étape est indispensable pourvalider les prédictions faites à partir de ces études. Ellepermettra une modélisation des phénomènes, en parti-culier de leur évolution temporelle, et une quantifica-tion de la migration des radioéléments à différenteséchelles de temps et d’espace.

2.1.1. Les propriétés des surfaces solidesLa détermination des interactions radionucléide-

solide nécessite de prendre en compte l’hétérogénéité

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Figure II.7 : Trajectoires d’ions solvatés Na+ et Cs+ dans une argilemonohydratée. En haut : l’argile est observée parallèlement auxplans de ses feuillets (situés aux cotes 3,3 et 9,4 Å). Le volumeoccupé par les ions est représenté par une ellipse (les échelles surles deux axes sont différentes). Aucun des ions solvatés n’entredans les cavités hexagonales des feuillets. En bas : l’argile estobservée perpendiculairement aux plans de ses feuillets. Auxeffets de température près (dispersion plus grande des trajectoiresdes ions à température plus élevée), le césium, peu solvaté, sedéplace essentiellement de site en site le long des atomes duréseau des parois de l’argile ; tandis que l’ion sodium, solvaté parun nombre plus grand de molécules d’eau,se déplace d’une manière moins caractéristique,par des sauts de site en site.

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énergétique de la surface du solide (conséquence del’agencement de ses atomes et de ses défauts) et ladistribution superficielle des sites susceptibles d’ac-cueillir les radionucléides (figure II.8). Ces deux caracté-ristiques des substrats solides conditionnent nonseulement la quantité de radionucléides attachés à leursurface, mais également la réversibilité des interactionsqui les y retiennent, deux propriétés qui ont une impor-tance capitale dans l’évaluation de la migration.

Un programme spécifique a eu pour but d’étudierles propriétés électriques de la surface qui découlent deses propriétés acido-basiques : la goethite (un hydro-xyde de fer) a été choisie comme « solide modèle » et lasorption des ions sélénium (représentatifs des ionsnégatifs) et uranyle sur ce substrat a été comparée. Uneméthode par titrage potentiométrique de la surface dessolides a été mise au point, puis a fourni une descrip-tion précise des charges électriques en surface : concen-tration des ions H+ et OH- présents et valeurs desconstantes d’acidité correspondantes. Cette descriptiona été confirmée par des mesures de mobilité des parti-cules de goethite sous champ électrique (variation de ladistribution des charges à la surface du solide avec lepH de la solution en contact). Elle l’a aussi été par desapproches plus locales des interfaces solide-liquide,déduites des observations structurales, et qui ontpermis d’identifier l’influence sur les propriétés de sorp-tion de la réactivité spécifique des différentes faces cris-tallines. Enfin, la comparaison de « solides modèles »,étudiés à la fois sous forme de poudre et de monocris-taux, a permis de quantifier l’influence des contribu-tions individuelles de chaque face cristalline sur laréactivité globale du solide. Ce type d’approche est inté-ressant, puisqu’il a permis par exemple de prédire lespropriétés acido-basiques de la poudre de TiO2, une fois

calculées celles des trois plans cristallographiques prin-cipaux de ce solide. Ce résultat est fondamental pourdeux raisons :

- une telle modélisation des propriétés surfaciquesest particulièrement robuste, dans la mesure où elle estréalisée avec un jeu minimum de paramètres ajustables,

- les propriétés des matériaux peuvent être préditesà partir de la seule connaissance structurale des miné-raux susceptibles de retenir les radionucléides.

2.1.2. Les liaisons formées à l’interface liquide-solideLa connaissance de l’environnement chimique des

radionucléides à la surface des solides et surtout de lanature des liaisons formées (par exemple, liaison forteentre le radionucléide et la surface, ou au contraire,liaison fragilisée par la présence de molécules d’eauentre l’ion sorbé et le solide) est importante et a étéprécisée. Une caractérisation structurale complète a étéobtenue à l’aide de plusieurs techniques spectroscopi-ques complémentaires.

Les résultats montrent clairement que, dans unelarge gamme de pH et de force ionique, les actinidesforment des complexes de surface dans lesquels il n’y apas de place pour une molécule d’eau entre l’ion sorbéet le substrat. L’atome d’actinide est lié à plusieursatomes de la surface du solide (liaisons polydentates),comme sur la figure II.9. De plus, ces liaisons, pluscourtes que celles habituellement mesurées en solu-tion, présentent probablement un caractère covalentimportant (liaison forte).

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Figure II.8 :Représentation schéma-tique del’interaction d’un ionavec un solide minéral.© CNRS

Figure II.9 : Ion uranyle hexavalent adsorbé sur la surface d’uncristal de TiO2 par l’intermédiaire de deux liaisons courtes(2,35 Å). © CNRS

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Parallèlement à ces aspects structuraux, des calculsde chimie quantique, développés sur les systèmes acti-nides sorbés - surface, permettent d’accéder aux éner-gies de sorption et au type de liaison chimique quis’établit entre les électrons de valence des actinides et lesatomes superficiels du substrat. L’ion uranyle, sorbé surun oxyde simple (le rutile TiO2), a fait l’objet d’unpremier calcul. L’interaction entre la surface de l’oxydeet les molécules d’eau a d’abord été examinée, pourconnaître la densité de charge électrique superficiellesusceptible d’interagir avec la charge de l’ion uranyle.Les calculs ont ensuite montré qu’en établissant des liai-sons avec les atomes d’oxygène de l’oxyde de titane, cetion uranyle forme des complexes surfaciques dont troisstructures différentes sont énergétiquement possibles,suivant le plan cristallographique considéré. Dans cescomplexes, un fort recouvrement entre les orbitales devalence des atomes d’oxygène de l’oxyde et celles del’atome d’uranium est en outre favorisé, ce qui signe lanature fortement covalente et donc la grande stabilité decette liaison. Ces études théoriques sont en cours : ellesdoivent encore être confrontées à d’autres systèmesmodèles avant d’être appliquées à des solides pluscomplexes. Ceci devrait aboutir, non seulement à unecompréhension plus fine des mécanismes de rétention,mais également à une prédiction de la rétention desminéraux d’intérêt vis-à-vis de tel ou tel radionucléide.

2.1.3. Les effets de la températureSi les données obtenues à température ambiante par

différentes techniques expérimentales (spectroscopies,titrages potentiométriques, …) sont cohérentes entreelles, leur validité à des températures plus élevéesrestait à démontrer. En effet, les phénomènes thermi-ques induits par la radioactivité des déchets dans lecolis impliquent d’extrapoler les données existantes au-delà d’une centaine de degrés, ce qui exige, entreautres, la connaissance des chaleurs de sorption. Leseffets de la température sur les processus de sorptiondes actinides sur des surfaces minérales ont donc étéexaminés, sur une gamme des températures allant de latempérature ambiante à 120 °C. Il a fallu prendre encompte simultanément tous les phénomènes pouvantêtre affectés par l’élévation de température : dissolu-tion, re-précipitation, variation des constantes d’aciditéde surface et de sorption et évolution de la spéciationen solution.

Dans un premier temps, l’uranium et l’europium ontété étudiés sur des substrats modèles (tels ZrO2, Al2O3 et

SiO2), qui sont assez simples d’un point de vue struc-tural pour limiter le nombre d’équilibres de surface àprendre en compte, synthétiques pour éviter laprésence d’impuretés et enfin très peu solubles pours’affranchir d’éventuelles transformations structurales.Puis des matériaux de structure et de composition pluscomplexes (de type argileux comme la smectite) ontégalement été étudiés avec des ions comme le césium,le nickel ou l’europium.

Les résultats montrent que les propriétés de sorptiondes ions métalliques et la charge de surface du substratsolide varient rapidement avec la température (le taux desorption croît avec la température), mais que la naturedu complexe de surface reste la même, de 25 à 120 °C.

Des chaleurs de sorption des ions métalliques surces surfaces minérales ont également été déterminéespar différentes méthodes, en particulier par micro-calorimétrie.

Les résultats de ces études, encore en cours, permet-tront une meilleure connaissance du champ proche etconduiront à un dimensionnement adapté et optimaldu site de stockage, eu égard à la charge thermiqueassociée aux colis et au coût de l’ensemble.

2.1.4. ConclusionL’ensemble des résultats recueillis a permis de

décrire les équilibres en jeu dans les processus de réten-tion des ions par les minéraux. Ces équilibres chimi-ques ont pu être simulés à l’aide des modèles utilisésclassiquement pour ces phénomènes, et les constantesthermodynamiques associées aux équilibres chimiquesentre les radionucléides et l’argile ont pu être calculées.Par conséquent, il est maintenant possible d’évaluer letaux de rétention des ions d’actinides mineurs et decertains produits de fission à vie longue sur tout unensemble de solides, dont la plupart ont un intérêt pourle stockage géologique.

Toutefois, il reste à poursuivre et consolider lesétudes entreprises sur les argiles compactées et àexaminer en particulier la transposition des méca-nismes et des grandeurs issus des études aux milieuxdispersés. En effet, les milieux confinés présentent descaractéristiques physico-chimiques souvent spécifiques,comme par exemple le comportement de l’eau ou leseffets de la radiolyse.

2.2. La radiolyseLe CNRS est engagé dans un certain nombre d’études

portant sur la dissociation, induite par rayonnement, de

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l’eau lorsqu’elle est en contact de parois métalliques, ousurtout de milieux naturels (argiles) vers lesquels lesefforts les plus importants sont faits. Une règle généraledes effets de cette radiolyse est l’accélération de lacorrosion des matériaux au contact de l’eau.

Ces études ont été essentiellement centrées sur lesactes élémentaires de cette dissociation. Le premierd’entre eux est l’introduction d’un électron dans lemilieu aqueux et donc la génération (10-15 seconde)d’électrons solvatés sur les diverses espèces capteursprésentes en solution. L’élévation de températuremodifie fortement la réactivité des espèces issues de laradiolyse de l’eau ; elle agit en particulier sur la forma-tion de H2 et H2O2 qu’il est souhaitable d’éviter dans lecas d’un stockage des déchets radioactifs, et donc néces-saire de contrôler. La spécificité des actes élémentairesde la radiolyse en milieu confiné et la modification dela trajectoire des précurseurs par les parois sont deuxquestions essentielles.

Les études sont généralement menées à l’aide d’unecellule d’irradiation haute température couplée à unaccélérateur d’électrons, ce qui permet d’accéder à deséchelles de temps de l’ordre de la nanoseconde, etrécemment de la picoseconde. Les thèmes abordés ontété les suivants :

- évolution du rendement radiolytique de formationde l’électron hydraté, en présence de capteurs de l’élec-tron sec (dication cadmium, dianion sélénate, …)précurseurs. Par exemple, la réaction de l’anion sélé-nate SeO4

2- avec l’électron hydraté et/ou son précurseurest connue pour distinguer, à forte concentration enSeO4

2-, l’électron hydraté de son précurseur. Lesconstantes de vitesse ne sont connues qu’à températureambiante. Le but est donc de faire varier la température,de l’ambiante à 400 °C, et pour des concentrationscroissantes de capteurs.

- élucidation des mécanismes des actes chimiquesélémentaires aux temps courts. Il s’agit d’étudier diffé-rents types de réactions chimiques (réactions redox,radicalaires, …) par un couplage de méthodes de radio-lyse et de photolyse. Actuellement, la seule photolyseest limitée à l’étude de transferts de protons ou d’élec-trons, ou encore d’isomérisations internes de molécules.

- étude d’un équilibre particulier liant les radicaux élec-tron hydraté et hydrogène atomique (OH-+H•↔e-

aq+H2O).Alors qu’à température ambiante cet équilibre (cinétique-ment limité) est fortement déplacé vers la gauche, il estdéplacé vers la droite à haute température et contribuepour 20 % de la formation totale en électron hydraté.

- chimie dans les liquides confinés (matériauxporeux, jusqu’aux argiles et bétons).

- étude des processus de solvatation et d’évolutiond’espèces transitoires en solution (par exemple dans unliquide ionique, RTIL, etc)

- étude de la formation de nouveaux nanomaté-riaux et matériaux hybrides obtenus par réductionradiolytique.

Du point de vue théorique, les méthodes de simula-tion quantique ab initio sont complémentaires desméthodes expérimentales ultrarapides. Les précurseursinitiaux ne sont en général pas décrits et les simulationscommencent au stade de l’électron injecté, dont onétudie la solvatation et le devenir physique etchimique. Il s’agit donc essentiellement de simulationsquantiques ou semi quantiques de l’électron solvaté.

2.3. L’entreposage du combustible nucléaire uséDans l’attente d’une solution définitive, l’entrepo-

sage de longue durée du combustible nucléaire usépose le problème de sa stabilité structurale et chimiquesur des durées séculaires. Le combustible usé est unsystème complexe, extrêmement hétérogène, constituéd’un fritté de grains de dioxyde d’uranium qui contientun grand nombre d’impuretés (produits de fission, acti-nides mineurs) générées au cours des réactions defission de l’uranium.

Les scénarios envisagés privilégient, pour la longuedurée, l’entreposage des assemblages de combustibleusé dans un étui scellé sous atmosphère inerte. Dansce type de scénario, on considère la situation acciden-telle dans laquelle la rupture d’étanchéité de l’étui etde la gaine de l’assemblage peut conduire à une miseen contact du combustible et de l’oxygène de l’air. Lasuroxydation de la matrice a pour conséquence latransformation de UO2 en oxydes « inférieurs » U4O9

et U3O7, voire « supérieur » U3O8 si la teneur enoxygène et la température sont suffisantes. La trans-formation structurale déterminante est la formationde U3O8, une étape qui s’accompagne d’un accroisse-ment relatif de volume pouvant atteindre 36 %. Laconnaissance des mécanismes et cinétiques de cetteréaction est importante dans la mesure où celle-ci peutprovoquer une déchirure de la gaine de protection ducombustible, la pulvérisation de la pastille et le relâ-chement des éléments radiotoxiques piégés. Cesétudes sont principalement réalisées au sein duprogramme d’étude du comportement à long terme

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du combustible usé en entreposage et en stockage(PRECCI). À ce programme, piloté par le CEA, sontassociés EDF, le CNRS, Areva et Andra.

Dans le cadre d’études menées en commun avec leCEA et EDF, les efforts de recherche et de développe-ment ont porté principalement sur les aspects suivants :

- étude des mécanismes réactionnels et de la ciné-tique de la transformation de UO2 en oxydes inférieursU3O7/U4O9 et supérieur U3O8, dans des conditions ther-modynamiques représentatives d’une rupture d’étan-chéité de l’emballage des assemblages (températurescomprises entre 100 et 400 °C, pression partielle d’oxy-gène, etc),

- étude du rôle des différents paramètres (taux decombustion, présence d’impuretés, état de division dumatériau) qui peuvent différencier les mécanismesd’oxydation du combustible usé de ceux du dioxyded’uranium non irradié,

- étude fondamentale des mécanismes de la transfor-mation structurale fluorine-lamellaire (U3O7 → U3O8) et deson rôle sur le comportement à long terme du combus-tible usé,

- étude de la production d’hélium pendant l’entrepo-sage de longue durée du combustible usé, productionsusceptible de pulvériser la matrice et d’en limiter lacapacité de confinement.

Ces recherches ont donné les résultats qui suivent.

Le rayonnement synchrotron a fourni une confirma-tion expérimentale de la séquence d’oxydation de UO2

à U3O8 (UO2 → U4O9/U3O7 → U3O8 ) qui est la mêmepour les monocristaux, les pastilles frittées et lespoudres de UO2. L’oxydation des monocristaux (detaille comparable à celle de la pastille frittée) et celle despoudres sont toutes deux gouvernées par la diffusion del’oxygène à travers leur surface (figure II.10). Enrevanche, la loi d’oxydation qui régit le comportementdes pastilles frittées est complexe, mêlant contributionsintra- et intergranulaire, et conduit à des épaisseursoxydées qui croissent linéairement avec la durée d’oxy-dation. L’état de division du matériau joue certaine-ment un rôle essentiel dans cette cinétique d’oxydation,mais il n’en demeure pas moins qu’au bout d’un longtemps d’oxydation, le comportement des pastilles frit-tées irradiées met en péril l’intégrité de la pastille. Enoutre, la germination de l’oxyde U3O8 peut être mise enévidence dès 180 °C, une température relativementbasse pour le stockage ou l’entreposage.

La fission modifie la composition chimique ducombustible (diminution de la teneur en uranium etincorporation de produits de fission) et endommage samicrostructure. Des implantations ioniques par ionslourds ont été utilisées pour simuler l’irradiation à forttaux de combustion du combustible et évaluer l’in-fluence de ces modifications sur la formation denouvelles phases et sur la stabilisation des oxydes infé-rieurs. La valence et la taille du cation substitué à l’ura-nium jouent un rôle fondamental, notamment via leurinfluence sur l’énergie réticulaire du solide : parexemple, la diminution du rayon ionique du cation ensubstitution induit une stabilisation du cristal.L’implantation favorise une transformation structuralede type monocristal - polycristal (polygonalisation) etl’endommagement balistique qui l’accompagneconduit à la formation d’un réseau de dislocations, maisjamais à l’amorphisation du matériau, même à fluenceélevée. En revanche, l’implantation ne modifie que peule comportement du monocristal vis-à-vis de l’oxyda-tion. Ce résultat confirme que l’oxydation de UO2 enoxydes intermédiaires est encore contrôlée par la diffu-sion de l’oxygène à travers la couche suroxydée. Parcontre, l’oxydation de U3O7 à U3O8 n’a plus un carac-tère diffusif, mais est vraisemblablement du typegermination - croissance, dans lequel la nature du maté-riau n’influe que sur les cinétiques de transition.

Dans la transition fluorine-lamellaire, l’organisationdu sous-réseau uranium est largement préservée, tandisque le sous-réseau oxygène subit d’importantes trans-formations, les distorsions qui en résultent constituant

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Figure II.10 : Cinétiquede l’oxydation de mono-cristaux de UO2 dedifférentes orientationscristallographiques à T= 180 °C.Les carrés correspondentaux cristaux vierges detoute irradiation ;les losanges représen-tent des cristaux préala-blement irradiés avecdes ions Xe de grandeénergie. © CNRS

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le moteur de la transition structurale vers U3O8. Lesous-réseau oxygène des oxydes inférieurs stabilise unexcès d’atomes d’oxygène en son sein, par la formationd’agrégats d’anions O2- répartis de manière périodique.La difficulté majeure est de comprendre commentl’organisation locale de ces agrégats dans la structurefluorine du sous-réseau oxygène induit un déplacementcohérent des plans d’uranium lors de la transition etconduit à la structure de l’oxyde U3O8. La répartition etla nature des agrégats ont été caractérisées expérimen-talement dans les différentes variétés d’oxydes intermé-diaires entre U4O9 et U3O7. Ce travail, terminé pourU4O9, est en cours pour U3O7. Le mécanisme de la tran-sition structurale reste à décrire, du fait de la complexitéde la structure des oxydes intermédiaires.

La désintégration alpha des actinides produits parcapture neutronique, lors du passage du combustible enréacteur, entraîne la production de quantités impor-tantes d’hélium (environ 0,7 atome d’hélium pour centatomes d’uranium dans un UOX de taux de combustion47,5 GWj/t). Du fait de son insolubilité dans la matrice,l’hélium s’agglomère sous forme de bulles, conduisant àl’altération de l’intégrité des pastilles. Les mécanismesresponsables de la diffusion des bulles de gaz, de leuragrégation, puis de l’éventuel relâchement de l’héliumdans la matrice UO2 sont en cours d’étude. Des cloquesde grande taille (entre 20 et 200 nm) se forment dès600 °C dans les monocristaux (figure II.9). Des techniquesde caractérisation par faisceaux d’ions ont localisé l’hé-lium en position octaédrique dans la maille cristalline deUO2 et suivi son relâchement en fonction de la tempé-rature. Dans le cas d’une faible concentration (0,2 %)

d’hélium implanté entre 600 et 1 100 °C dans despastilles frittées, une compétition s’établit entre le relâ-chement de l’hélium (vraisemblablement sa fractionlocalisée aux joints de grains) et son piégeage dans lesbulles d’hélium en croissance. Au-delà de 1 100 °C, lesbulles d’hélium sont remises en solution dans lamatrice UO2 et l’hélium est expulsé hors de l’échan-tillon. Lorsque la concentration d’hélium incorporéedans le matériau est plus grande (1 %), la précipitationdes bulles, observée dès 500 °C, conduit à l’exfoliationdu matériau.

L’extrapolation du comportement à long terme ducombustible usé nécessite la compréhension des méca-nismes de dégradation de cette matrice particulière deconfinement des déchets nucléaires. Afin de déter-miner les paramètres clés de sa stabilité, ses principalescaractéristiques physiques et chimiques ont été modé-lisées en simulant le combustible usé par des cristauxde UO2 (sous forme de monocristaux ou frittés)soumis à différents traitements (oxydation, irradiation,dopage). La compréhension du mécanisme de la trans-formation structurale du combustible usé est en effetnécessaire pour la différer le plus possible, voire l’anni-hiler totalement.

3. Modélisation numérique de la migrationdes radionucléides

Ces recherches ont été menées par des équipes derecherche du domaine de mathématiques appliquées duCNRS, des Universités et des Instituts de recherche.Leur objectif était de développer des outils et méthodesde modélisation et de calcul numérique, efficaces etrobustes, contribuant à :

- l’estimation du comportement à long terme d’unstockage de déchets radioactifs en formation géolo-gique,

- une amélioration de méthodes rigoureuses pour lescalculs de performance et les analyses de sensibilité(impacts radiologiques sur la biosphère),

- l’établissement et la validation de modèles cohé-rents avec les concepts phénoménologiques concernés,puis la mise à disposition de la communauté des diffé-rents acteurs du stockage de ces outils et méthodes desimulation numérique.

Dans les analyses d’un stockage, la dimension desouvrages, les échelles de temps considérées et lacomplexité des phénomènes à prendre en compte sont

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Figure II.11 : Micrographie de bulles d’hélium dans UO2 implantéet recuit à 700 °C. © CNRS

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telles que des expériences en laboratoire ne peuventprédire le comportement des radionucléides à confiner,ni celui des ouvrages et du milieu géologique concerné.La simulation numérique joue alors un rôle fonda-mental dans les analyses sur lesquelles s’appuie l’éva-luation de faisabilité. C’est un outil d’autant plusindispensable que la représentation des phases d’exploi-tation et de fermeture du stockage nécessite une carac-térisation fine de certaines étapes de l’évolution du site.Les équipes impliquées dans la phénoménologiecomplexe du transport/migration des radionucléidesdoivent donc absolument disposer de telles méthodes,qui se sont déjà avérées efficaces, performantes etrobustes dans des domaines aussi variés que la météo-rologie, l’aérodynamique, l’ingénierie pétrolière ou lamodélisation financière. Il est naturellement indispen-sable de connaître le niveau d’approximation et leslimites de validité des modèles utilisés, afin que le biaisintroduit par chacun d’eux puisse être estimé (figure II.12).

De plus en plus détaillés, et se voulant de plus en plusprécis, les modèles physiques sur lesquels s’appuient les

simulations numériques adoptent différentes échellesspatiales et temporelles, qui vont de l’alvéole (échellemétrique) pour les calculs « champ proche » au siteentier de stockage (échelle plurikilométrique) pour lescalculs « champ lointain », et de l’instantané auxcentaines de milliers d’années. Il leur faut non seule-ment prendre en compte l’interaction de processusmécaniques, thermiques, hydrologiques et physico-chimiques variés, mais aussi les coupler sur des tempsparfois particulièrement longs. À chaque échelle spatio-temporelle considérée doivent donc être associés unmodèle et des paramètres « effectifs », qui peuventn’être pertinents qu’à cette seule échelle ; en outre,d’éventuelles lacunes de connaissance, des incertitudesexpérimentales et les simplifications réalisées au coursde la modélisation sont autant de faiblesses inévitablesqui doivent pouvoir être surmontées par des méthodesmodernes.

Se fondant sur ce constat, les équipes de rechercheont structuré leur travail sur les quatre thèmes scienti-fiques suivants :

- couplages multidomaines,- couplages multiphénomènes,- modélisation mathématique, changements d’échelle,- estimation/prédiction.

3.1. Couplages multidomainesD’une façon générale, il s’agissait ici de développer

des méthodes de résolution de systèmes à très grandnombre d’équations, ainsi que des méthodes d’ap-proximation et d’appréciation de la validité descalculs qui accroissent l’efficacité des simulationsnumériques du comportement d’un stockage et deson environnement.

Les valeurs numériques des paramètres physiques(perméabilité hydraulique, vitesse des écoulements, etc)qui caractérisent les milieux géologiques peuvent varierconsidérablement et rapidement dans l’espace (figureII.13). Ainsi, autour d’un site de stockage, la régionétudiée peut comporter plusieurs couches géologiques,elles-mêmes divisées en sous-domaines dont les caracté-ristiques sont uniformes, mais qui peuvent varier deplusieurs ordres de grandeur d’un sous-domaine àl’autre. Des méthodes ont donc été étudiées qui permet-tent de calculer les variations de la valeur d’une ouplusieurs grandeurs physiques sur la totalité dudomaine géologique étudié, lorsqu’on sait les obtenir de

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Fig. II.12 : Rétroactions entre les diverses étapes de la simulation,depuis la compréhension du phénomène à simuler jusqu’à laproduction de prédictions numériques : modèles conceptuelsphénoménologiques ; modèle mathématique ; modèle numérique ;codage et résolution/vérification de cohérence des solutionsmathématiques et des résultats de simulation avec les modèlesconceptuels et les expériences ; vérification de la convergence desmodèles numériques vers le modèle mathématique ; calage sur lesmesures et les expériences. © CNRS

Fig. II.13 : Champ de perméabilitéaléatoire de distributionlog-normale donné sur une grillede 512x512. © IRISA / CNRS

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manière efficace (rapide et précise) sur chacun des sous-domaines. Cette démarche permet d’appliquer à lasituation physique une discrétisation, dans le temps etl’espace optimisée pour chaque sous-domaine ; un telmaillage se prête ensuite aisément au calcul parallèle. Iloffre également les moyens de repousser les limitesintroduites par les capacités des ordinateurs. Des exem-ples de quelques réalisations sont donnés ci-dessous.

3.1.1. Simulation du comportementhydromécanique des milieux poreux fracturés

Si le milieu physique considéré est fracturé, lescontraintes mécaniques qu’il subit sont déterminantespour l’évolution de son comportement hydraulique etdonc pour la migration des radionucléides. Descontraintes fortes dans certaines directions pourront parexemple refermer des fractures et diminuer ainsi saperméabilité. Les méthodes développées utilisant lecouplage multidomaines ont permis d’évaluer la modifi-cation des capacités de transfert d’une zone endommagée(EDZ) lors du creusement des galeries du stockage.

3.1.2. Simulation en champ lointaindu site de stockage

Le calcul de la pression et de l’écoulement autour dusite de stockage a fourni un test en vraie grandeur desméthodes numériques utilisant le couplage multido-maines. La décomposition en sous-domaines a été appli-quée à un modèle comprenant 6 couches géologiques,chacune d’elles étant divisée en 2 sous-domaines auxpropriétés hydrogéologiques uniformes, mais variantde plusieurs ordres de grandeur de l’un à l’autre. Lechamp de pression hydrostatique et l’écoulement ayant

été calculés sous-domaine par sous-domaine, unprocessus itératif a permis d’obtenir sur le site toutentier une description de la pression et de l’écoulementqui soit physiquement correcte, en particulier à latraversée des frontières entre sous-domaines.

3.1.3. Méthodes particulairesÀ côté de ces méthodes d’éléments finis et de

volumes finis, qui calculent les valeurs de la quantitéphysique d’intérêt sur un maillage donné, d’autresméthodes existent, dites particulaires, qui suivent desparticules en mouvement et doivent à leur simplicitéd’emploi d’être très utilisées en hydrogéologie. Ellesdonnent notamment des résultats précis, là où lesvitesses d’écoulement sont importantes. Elles peuventen outre être couplées à un code d’éléments finis résol-vant le problème du transport sur un maillage.

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Fig. II.14 : Résultats d’uncalcul des ouverturesd’un ensemble defractures résultant d’unecompression verticale.© CNRS

Fig. II,15 : Calcul du champ de pression autour d’un site« simplifié » de stockage, sur le site de Bure : à gauche, le domainede calcul découpé en 12 sous-domaines, dans une vue dilatéeverticalement, et à droite, le champ de pression dans une vuedilatée et éclatée des 12 sous-domaines ; le calcul a été réaliséen parallèle sur 12 processeurs. © Inria

Fig. II.16 : Calcul du champ de vitesses d’écoulement dans la roche-hôte, autour d’une alvéole de stockage. © Université Bordeaux 1

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Ce couplage, réalisé au sein du code Estel d’EDF, aamélioré les performances de celui-ci, tant au niveau dela précision que de la rapidité.

3.1.4. Exercice Couplex de qualification de codede simulation de transport/migration en milieu saturé

Cet exercice est basé, dans un modèle de champ loin-tain, sur la simulation numérique du transport/migra-tion de radionucléides, à partir d’un site constituéd’alvéoles de stockage. Il a permis de comparer larobustesse et l’efficacité des méthodes employées poursimuler numériquement le transport et l’hydrologie enmilieu saturé d’eau. Son objectif de qualification, decomparaison et d’estimation, a justifié l’emploi demodèles simplifiés, mais encore réalistes, dans uncontexte de calcul de sûreté. Les résultats obtenus ontfait l’objet d’un numéro spécial de la revue« Computational Geociences ». Cet exercice a mobiliséla communauté scientifique internationale, stimulé seséquipes de calculs et finalement permis d’écarter desméthodes prétendues « universelles ». Un tel exerciceest maintenant une étape indispensable et une réfé-rence pour la qualification de codes dans les domainesdu transport et de l’écoulement. (figure II.17)

3.1.5. Évaluation d’erreur et adaptation du maillagepour uniformiser l’erreur

L’évaluation des erreurs inhérentes à un calculnumérique exécuté sur un maillage donné fournit uneappréciation non seulement de la qualité numériquede la simulation, mais aussi des critères permettant

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Fig. II.18 Maillageadapté au calcul d’unchamp de vitesses pourl’exercice COUPLEX. Lemaillage n’est pasuniforme, afin quel’erreur numérique soitinférieure à un seuil fixédans tout le domaineétudié. © École desPonts et Chaussées

Fig. 6 : Calcul del’évolution desconcentrations d’uncontaminant (césium135) dans une coupe dusous-sol, la source étantreprésentée par le traitnoir gras.Les radionucléidesrestent confinés auvoisinage du site destockage jusqu’à1 million d’années,et même alors, lesconcentrations restentfaibles, sauf au voisi-nage de la source ; les diverses barrièresjouent bien leur rôleprotecteur.Ces résultats ont étéobtenus au cours del’exercice Couplex.© CNRS

50 000 ans

100 000 ans

1 million d’années

5 millions d’années

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d’optimiser le maillage et de réduire et uniformiser ceserreurs dans l’espace. Le coût du calcul pour une erreurdonnée s’en trouve en outre minimisé. Ceci est illustrésur la figure II.18, où le maillage n’est raffiné qu’auxseuls endroits nécessaires, ici aux frontières des coucheset au voisinage de la source (en rouge sur la figure).Une estimation de l’erreur en chaque point a étéobtenue par le code, qui construit automatiquement,où c’est nécessaire, un nouveau maillage dans lequel setrouve réduite l’erreur inhérente au calcul numérique.

3.2. Couplages multiphénomènesLa simulation du comportement des radionucléides

en situation de stockage doit tenir compte d’un grandnombre de phénomènes physiques différents.

Pour réduire la complexité de cette situation, dansun calcul classique « multiphénomènes » les différentsphénomènes sont d’abord simulés séparément, puisenchaînés à la suite les uns des autres, sans tenir comptedes rétroactions possibles. Ne pas prendre en compted’éventuels couplages rétroactifs entre des phénomènes

physiques différents simplifie considérablement la réso-lution numérique et épargne donc du temps de calcul,mais la complexité des phénomènes en jeu étantignorée, la prédiction peut s’écarter dangereusement dela réalité.

Des méthodes ont donc été recherchées, qui conser-vent les rétroactions lorsque c’est nécessaire, tout enconservant maintenant des temps de calcul raisonnables.Elles ont été appliquées au transport de radionucléidesen interaction chimique, au comportement mécaniquedes sols couplé à l’hydrogéologie, ou encore aucouplage du transport en subsurface des radionucléidesavec les échanges sol-biosphère.

3.2.1. Couplage d’un modèle de transport/hydrologieà un modèle de géochimie

Cette étude visait à comprendre et à reproduire l’al-tération des propriétés de transport des argilitessoumises à des perturbations alcalines et/ou oxydantes,ou encore la dégradation des barrières artificielles(bétons, verres, métaux). Les phénomènes chimiques

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Fig. II.19 : Simulationnumérique d’uneexpérience de transportréactif en laboratoire :concentrations, dansl’espace et le temps,des ionsH+ (en haut à gauche),O2- (en haut à droite),Fe2+ (en bas à gauche) etSO42- (en bas à droite).© Inria

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rencontrés dans ces situations sont en effet nombreux :hydrolyse, oxydoréduction, précipitation, dissolution,échanges d’ions, réactions entre espèces chimiques etmatrice rocheuse, etc.

Pour obtenir les résultats de la figure II.19, la partie« transport » du modèle a été d’abord approchée sur unmaillage spatial ; l’évolution au cours du temps est ainsicontrôlée par un système différentiel simple dont larésolution globale permet un contrôle automatique dupas de temps. Le choix de cette méthode a permis deréduire, d’un facteur compris entre 5 et 10, le temps decalcul par rapport à l’approche classique qui résout sépa-rément le transport et la chimie à chaque pas de temps.

3.2.2. Qualification de code géo-hydromécaniqueDes tests fondés sur des modèles de simulation en

milieu hydro-mécaniquement fragile ont été réalisésafin d’évaluer la capacité des codes à simuler, dans uneroche initialement non saturée, l’endommagementinduit par les travaux d’excavation d’un éventuel sitede stockage. Ils ont permis de comparer la fiabilité et larobustesse des méthodes numériques utilisées tradition-nellement pour simuler ce problème physique, qui estun des plus difficiles auxquels les projets de stockagesont confrontés. Une forte dépendance des résultats vis-à-vis des maillages a été mise en évidence, laquelle neconduit pas à une localisation stable des zones réelle-ment endommagées.

Ayant conclu au caractère « mal posé » des modèlesutilisés dans ce domaine, les évaluateurs ont alors entre-pris une réflexion théorique approfondie sur la validitéde ces modèles. Un champ important de recherche enmodélisation a ainsi été ouvert : l’origine de l’instabilitéest maintenant comprise et les propriétés intrinsèqueset numériques d’un nouveau modèle « stabilisé » sonten cours d’étude.

Les recherches sur l’axe 2La gestion des déchets nucléaires

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Fig. II.20 : Simulation des zones de possible endommagement(EDZ) : à gauche, les zones dans lesquelles des fractures peuventapparaître, devenant des chemins privilégiés d’infiltration ; à droite, un zoom de la figure de gauche sur les zones où l’évolution des fractures peut être la plus rapide. © CNRS

Fig. II.21 : Simulationde la coprécipitation dela portlandite, due à ladiffusion des espècesaqueuses apportées surles faces supérieures del’échantillon :concentration en Ca 2+

(en haut) et en Ca(OH)2(au-dessous), après 0,1an, puis à 5 ans.La méthode utiliséepour ce couplage detype « global » a étéimplémentée dansAlliances (plate-formed’intégration, déve-loppée par l’Andra, leCEA et EDF, pour simuleret analyser lesphénomènes importantsdans le comportementd’un site de stockage,aussi bien pour lesétudes de phénoméno-logie que pour celles desûreté).© CEA

A

B

C

D

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À la suite de ces deux exercices (§ 3.1.4. et 3.2.2),une nouvelle qualification de codes de calcul engéochimie/transport est en préparation, afin d’évaluerla capacité des méthodes numériques à prendre encompte l’interaction de différents phénomènes chimi-ques, y compris l’apparition, la propagation et l’interac-tion entre eux de « fronts » de concentration.

3.3. Modélisation mathématique, changementsd’échelle

La validité des modèles sur lesquels reposent lessimulations numériques, ou que testent les expériencesen laboratoire, doit être acquise à l’échelle à laquelle lasimulation s’intéresse : échelle décimétrique de l’échan-tillon en laboratoire, métrique d’une alvéole de

stockage, kilométrique du site tout entier. En outre, lacomplexité des modèles physiques impose de hiérar-chiser leurs effets à chacune de ces échelles.

Pour valider les modèles et paramètres effectifs àune échelle globale, à partir des résultats obtenus à uneéchelle d’un ordre de grandeur moindre, il est néces-saire de s’appuyer sur des méthodes mathématique-ment robustes, dites asymptotiques.

Les travaux correspondants, qui jouent en simula-tion numérique le rôle d’un téléobjectif en photogra-phie, ont été appliqués aux domaines suivants :

- description macroscopique (simulation du « champlointain » pour les calculs de sûreté) de l’hydrologie etde la migration dans des roches très hétérogènes,

- description mésoscopique (simulation du « champ

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Fig. II.22 : Comparaisondes niveaux de concentration en iode129, après 1 000,300 000 et 1 000 000 ans, obtenuspar une simulationdétaillée à une échellefine (à gauche) et parune simulation baséesur le modèle « homogé-néisé » correspondant(à droite). Malgré soncaractère « global »,cette dernière simula-tion, moins détaillée,rend cependant biencompte des pics deconcentration au voisinage des conteneurs.© CNRS

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proche ») de l’hydrologie et du transport en présencede roches fracturées (EDZ) ou en situation de dissolu-tion/précipitation,

- ou encore transport de radioéléments répartisinitialement dans un très grand nombre d’alvéolesdisséminées.

3.3.1. Changement d’échelle des sources derelâchement pour les calculs « champ lointain »

Pour estimer l’impact radiologique des radionu-cléides relâchés jusqu’à une région relativement éloi-gnée du site de stockage, un modèle « champ lointain »d’émission de radionucléides par le site de stockage toutentier doit être établi à partir d’un modèle d’émissionpar chacun des conteneurs. Il s’agit donc de passer demodèles validés en champ proche à des modèles appli-cables en champ lointain, en ne gardant de la phénomé-nologie que ce qui est cohérent avec cette dernièreéchelle et en négligeant ce qui n’apparaît pas à uneéchelle moindre (figure II.22).

Deux modèles globaux différents apparaissent,suivant que l’on est en début ou en fin de relâchementdes radioéléments. Différents niveaux d’endommage-ment de la roche environnante (confinement parfait,fuites contenues sur la seule zone du site, échappementdans les galeries) ont été envisagés, qui aboutissent àdes modèles « champ lointain » différents. Cesméthodes et les résultats obtenus sont particulièrementnovateurs dans ce type de problématique, pour lequelles simples moyennes « empiriques » employées jusqu’àprésent ne permettaient, dans les modèles « champ loin-tain », ni de conserver les pics de relâchement, ni de lesdifférencier suivant le degré d’endommagement local.

3.3.2. Modèles de transport/écoulementmulticomposants à travers des milieux poreux fracturés

Les données provenant du site granitique d’Aspö(Suède) montrent que des vitesses de filtration élevéesy sont observées, tant dans les fractures que dans lesblocs. On se trouve donc dans une situation où leseffets dus au transport par filtration l’emportent surceux dus au transport par diffusion. Or ces régimes, etles méthodes numériques utilisées pour les simuler,sont très différents dans le milieu fracturé et dans lesblocs. Un modèle détaillé, impliquant en outre unréseau particulièrement dense sur une région assezgrande et sur toute la durée de la radioactivité deséléments transportés, demanderait des temps de calculprohibitifs. Pour contourner cette difficulté, une carac-térisation globale du comportement d’un tel milieu,c’est-à-dire une description mésoscopique, a été recher-chée. Ce modèle, dont tous les paramètres effectifs(porosité, perméabilité, terme d’échange, dispersion)peuvent être explicités et calculés à partir des donnéesexpérimentales, peut ensuite être utilisé pour calculer,à moindre coût, sur un maillage moins dense que leréseau de fractures lui-même (figure II.23).

3.3.3. Calcul des paramètres hydrologiques effectifsdans diverses situations d’hétérogénéités

En s’appuyant sur des données de sismique inverse,des modèles de géostatistique et des techniques de carac-térisation, un modèle peut être élaboré pour les forma-tions géologiques, qui associe des paramètreshydrogéologiques (perméabilité, porosité, etc.) àplusieurs millions de mailles. Cependant, il est particuliè-rement difficile de prendre en compte cette complexité

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Fig. II.23 : Réseau defissures du site granitique d’Aspö, surlequel sont développésdes modèles « globaux »de transport/écoule-ments multicomposants :à gauche, le réseau desfractures de fond ;à droite, les fracturesprincipales. © CEA

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dans des simulations numériques d’écoulement defluides en milieux poreux hétérogènes. Même si, dansun tel modèle, des phénomènes peuvent être simulésau moyen de calculs parallèles, les temps de calcul sontencore trop longs et d’autres difficultés ne sont pasexclues (convergence, stabilité, …). En outre, lemodèle géologique devant respecter au mieux les parti-cularités géométriques du domaine sur lequel sontsimulés les écoulements, le maillage résultant de celui-ci est en général irrégulier.

La simulation sur un maillage régulier et relative-ment grossier conduirait à des calculs très rapides, maispour utiliser une telle simulation, il faut auparavanttransposer, à l’échelle mésoscopique, les caractéristi-ques géologiques obtenues sur les maillages fins etdéstructurés. Pour cela, on a donc recouru auxméthodes de changement d’échelle, qui ont permis deconstruire un modèle équivalent, en calculant des para-mètres géologiques effectifs, à partir de données ou decaractéristiques locales (figure II.24).

Une plate-forme de changement d’échelle numé-rique, J-Homogenizer, a été mise à la disposition des cher-cheurs. Elle calcule les coefficients effectifs obtenus pardes méthodes asymptotiques de mise à l’échelle(perméabilité absolue, perméabilités relatives, pressioncapillaire, dispersion, etc.), pour des écoulements monoou multiphasiques en milieux poreux.

3.4. Estimation/prédictionUn problème inverse, ou d’estimation de paramè-

tres, consiste à obtenir, à partir de mesures expérimen-tales, la valeur numérique de paramètres qui ne sontpas directement mesurables. L’application ciblée iciétait la détermination des paramètres hydrogéologiquesd’un site de stockage, la quantification des incertitudesaffectant les simulations du comportement du site aucours du temps, ainsi que l’estimation des impactsradiologiques en des lieux précis. Ces recherches ontpour but, in fine, d’optimiser l’organisation du site lui-même et de donner une estimation statistique du risquepour une configuration donnée du stockage.

3.4.1. Identification des paramètresLes études ont porté sur l’identification numérique

des paramètres hydrauliques et de transport non mesu-rables dans un milieu de type argilite. Ces problèmesnumériques étant très instables du fait de l’hétérogé-néité du milieu, ils ont été abordés par plusieurs techni-ques (paramétrisation et optimisation de forme et de

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Fig. II.24 : Comparaisonde trois simulations d’unmilieu poreux traversépar une fracture : cartedétaillée des perméabi-lités d’une zonetraversée par une faillerectiligne (en haut) ;niveaux de pressionobtenus par simulationdétaillée, puis par unesimulation s’appuyantsur un modèlehomogénéisé « global »,enfin sur un modèlehomogénéisé en 3 zones(en bas). © CNRS

A - Distribution des perméabilités

B - Pression Hétérogène

C - Pression Homogénéisée 1

D - Pression Homogénéisée 2

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taille des zones). En raison de cette instabilité, une analysede sensibilité par rapport aux données a été menée, defaçon à quantifier les incertitudes liées à leur imprécision.Ces méthodes ont été validées sur les données expérimen-tales du Mont Terri et peuvent maintenant être utiliséespour celles qui sont ou seront acquises sur le site de Bure.

3.4.2. Analyse de sensibilitéUn « plan d’expériences » est formé par un ensemble

de points « bien placés » dans le domaine des paramètresétudiés. La méthodologie associée a deux volets : lepremier est l’échantillonnage conduisant au choix de cespoints, et le second est le tracé, par approximations,d’une surface de réponse reliant les valeurs de la variabled’intérêt en ces points, fournies par un code de simula-tion numérique (figure II.25). L’utilisation répétée d’uncode de simulation, très lourde en temps de calcul (et quin’est déjà qu’une approximation de la réalité) est alorsremplacée par la lecture des valeurs numériques sur lasurface de réponse, ce qui réduit considérablement lestemps du calcul.

Les équipes ont mis en œuvre des méthodes de plansd’expériences numériques et de surfaces de réponse etdéterminé le domaine de validité de la réponse d’uncode de simulation de transport de radionucléides.

Ce type d’approche permet non seulement d’ajusterun modèle simple en liant sa réponse aux paramètrespertinents, mais aussi d’identifier et de quantifier,parmi les paramètres d’entrée du code de calcul, lessources prépondérantes de variation de cette réponse(figureII.26).

Ce modèle simple se prête alors à des simulations parla méthode de Monte-Carlo, par exemple pour estimer laprobabilité, pour chaque variable d’intérêt, de dépasserun certain seuil : alors qu’une seule simulation par lecode initial demanderait plusieurs jours de calcul et quel’estimation d’une telle probabilité nécessite plusieursmilliers de simulations, l’utilisation du modèle simple,dont la réponse s’obtient en quelques secondes, rendpossible et rapide des analyses de sensibilité.

Des études systématiques de sensibilité et de robus-tesse des modèles vis-à-vis de leurs paramètres ont ainsiété menées sur la densité, la perméabilité et la porositédes milieux, la géométrie et la taille des fractures dansune zone endommagée, afin de quantifier la qualité dela modélisation et du degré de confiance à lui accorder.

3.5. Conclusion et perspectives à long termeAvec les connaissances acquises sur le terrain, les

études s’intéressent maintenant aux modèles pluscomplexes du champ proche, comme :

- la stabilisation des modèles hydromécaniques, pourlocaliser sans ambiguïté les déformations suivies d’en-dommagement lors des creusements,

- la caractérisation des propriétés globales d’unezone endommagée, à partir d’observations locales,

- l’étude d’écoulements complexes, insaturés (eau etair) et compressibles (avec des gaz comme l’eau, l’air oul’hydrogène) dans les milieux géologiques fracturés,

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Fig. II.25 : Principe de mise en œuvre d’un plan d’expériencesnumérique : à gauche, échantillonnage du domaine d’intérêt ;à droite, construction d’une surface de réponse à partir des valeurs(ou réponses) obtenues par simulation numérique aux points de cet échantillonnage. © École des Mines de Saint-Étienne

Fig. II.26 : Exemple deconstruction d’unesurface de réponse àpartir d’un plan d’expé-riences et comparaisonavec la réponse obtenueen chaque point dudomaine par simulationnumérique. © École desMines de Saint-Étienne

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- l’analyse numérique des couplages multiphéno-mènes en géohydrochimie pour le transport multies-pèces,

- l’identification des paramètres du milieu à partird’expériences en laboratoire souterrain, et à plus longterme, la formulation (sous forme de problème inverse)de modes optimaux de stockage satisfaisant aux règlesde sûreté,

- l’établissement de modèles de transport de solutésréactifs en milieux poreux, à partir des lois établies auniveau du pore.

Comme dans beaucoup d’autres domaines, la simula-tion numérique appliquée à la problématique dustockage était récemment encore du ressort des seulsspécialistes de la phénoménologie associée (hydrogéo-logie, physique, géochimie, génie civil, mécanique dessols, transferts thermiques), dont le souci premier n’étaitpas d’utiliser les dernières avancées en mathématiquesappliquées et calcul scientifique, ni de les développer.L’importance d’une analyse mathématique et numé-rique préliminaire est en effet souvent sous-estimée, demême que celle des vérifications et validations desétapes conduisant aux simulations finales. Dans certainscas, les réponses que peut apporter la modélisationmathématique, quant au choix des modèles phénomé-nologiques les plus appropriés à l’échelle des observa-tions, étaient également méconnues.

La démarche des chercheurs qui, regroupés autourd’un noyau de mathématiciens appliqués, ont participéà ces études s’est davantage appuyée sur des conceptsque sur des disciplines : bien que soucieux de voir appli-quer leurs méthodes, ils n’en demeurent pas moins àl’écoute de ce que leurs collègues développent dans leurdomaine. Grâce à cette approche transversale, les acquisissus de différents domaines ont pu profiter à celui dustockage : c’est ainsi que les méthodes numériques

hyperboliques étudiées en dynamique des gaz sontmaintenant appliquées aux simulations de transport,lorsque la vitesse d’écoulement l’emporte sur celle dediffusion.

Les compétences mobilisées par le CNRS ont étéconcentrées, en accord avec les partenaires, sur lesproblèmes relativement simples de phénoménologieissus des calculs de sûreté réalisés par l’Andra en 2001(transport des éléments par une seule phase, couplagesfaibles, modèles essentiellement déterministes, trans-port mono espèce avec sorption, etc). Une analyse desméthodes utilisées alors a permis de proposer desméthodes numériques plus efficaces et plus robustes(ce dernier point étant essentiel dans un contexte d’ana-lyse de sûreté). De même, sur l’aspect multiéchelles(colis, alvéole, site, région), la validité des modèlesutilisés pour passer du champ proche au champ lointaina été améliorée et des méthodes ont été proposées pourdes situations plus compliquées (EDZ, par exemple).Des méthodes non classiques, adaptées à l’instabilité desproblèmes numériques, ont été développées pour iden-tifier leurs paramètres d’entrée, à partir des expériencesin situ.

La communauté scientifique du CNRS et desUniversités, qui participait pour la première fois à unprojet d’une telle importance industrielle et sociétale, adû trouver des habitudes de collaboration interdiscipli-naire, dégager parmi des besoins industriels des problé-matiques auxquelles elle pouvait tenter de répondre ettravailler par projets pluridisciplinaires. Ceci a conduità un élargissement du champ scientifique des applica-tions des mathématiques et ensemencé celui-ci denombreux, nouveaux et difficiles problèmes.

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En demandant au CNRS et aux équipes universitairesd’aborder les problèmes liés à la gestion des déchetsradioactifs, on a fait appel à ses compétences scientifi-ques en physique nucléaire, en physico-chimie, enscience des matériaux, en modélisation mathématiqueet en géosciences. Pourtant, de nombreux domaines del’énergie nucléaire, du stockage et de l’entreposage deses déchets, étaient mal connus du CNRS lorsque la loide 1991 a été promulguée. Le CNRS aurait pu limiter lechamp de ses interventions à quelques questions biencirconscrites, auxquelles il aurait appliqué ses méthodesen faisant appel à ses spécialistes et à ses moyens expé-rimentaux et se borner à une situation de sous-traitance.Il est donc heureux que ses chercheurs ne se soient pascontentés de fournir l’aide qu’on attendait d’eux surquelques sujets, mais qu’ils se soient passionnés pourtous leurs aspects, se soient formés dans plusieurs bran-ches de l’énergie nucléaire et se soient engagés avecrigueur scientifique et imagination.

Pour les déchets radioactifs déjà conditionnés, lasolution du centre souterrain de stockage, aussi sûre queles moyens techniques d’évaluation, de génie civil et deconfinement le permettent aujourd’hui, se présenteimmédiatement à l’esprit. Mais réduire le volume et latoxicité des déchets à venir est aussi un projet légitime.Le CNRS s’est engagé sur les axes 1 et 2 sans écarter apriori aucun thème de travail. Les recherches sur cesdeux axes ont soulevé des défis scientifiques du mêmeniveau et suscité le même engagement de la part deschercheurs. Il est juste de dire que la structure des GDR,en particulier la concertation avec les partenaires, apermis des clarifications, des discussions, et aidé à fixerle cap dans chaque domaine. Cette concertation estmaintenue pour fixer les perspectives des travaux au-delà de 2006.

En s’attachant à une approche globale des systèmes,les équipes du CNRS, en liaison avec celles du CEA, ontcontribué à expliciter les problèmes liés à la transmuta-tion et aux réacteurs du futur.

Pour les systèmes hybrides dédiés à la transmutation(ADS), les travaux les plus difficiles sur l’accélérateurportent maintenant sur sa fiabilité. Les techniquesnovatrices de mesure et de contrôle de la réactivité dumassif sous-critique, acquises avec l’expérience Muse,devront trouver une validation plus générale auprès dedispositifs de puissance qui s’avèreront disponibles,avant la construction d’un démonstrateur de réacteurhybride. On compte sur les résultats de l’expérience

Megapie pour décider du dispositif de spallation, enparticulier de la présence ou non d’une fenêtre qui resteun défi en termes de réalisation, de tenue aux radiationset de résistance des matériaux à la corrosion par lesmétaux liquides. Enfin, les calculs évaluant les poten-tiels d’incinération des ADS et les comparant à ceux desréacteurs rapides du futur seront complétés par dessimulations basées sur des codes stochastiques. Ce sontsur ces travaux que se fondera l’évaluation technico-économique du projet intégré européen Eurotrans.

Quelques données nucléaires précises et fiablesrestent à acquérir, soit parce que le bilan neutroniquetendu des réacteurs envisagés exige d’améliorer leurprécision, soit parce que de nouveaux matériaux sontenvisagés pour améliorer leur rendement énergétique.Les chercheurs devront obtenir l’évaluation desdonnées qu’ils ont acquises, sans doute en y participant,pour qu’elles puissent être intégrées dans les banquesde données.

Les travaux sur les réacteurs du futur devraient êtreencouragés et coordonnés dans les domaines suivants :physique des réacteurs, systèmes et scénarios et surtoutrecherche de nouveaux matériaux aptes à résister simul-tanément à de hautes températures, à une très forte irra-diation et à la corrosion due aux caloporteurs. Lestravaux devraient se focaliser aussi sur la définitiond’une filière régénératrice au thorium, ayant les meil-leures caractéristiques de sûreté et de retraitement du sel.Les potentialités de la filière REP et de filières à neutronsrapides devraient être évaluées en vue du démarraged’une filière reposant sur la fission de l’uranium 233.Tous ces thèmes se présentent comme de nouvellesopportunités de collaboration avec le CEA et les parte-naires industriels.

La communauté des radiochimistes, dispersée avant1995, s'est agrandie et dynamisée avec l'arrivée denombreux physico-chimistes et d'environnementalistes.Ce renouvellement fournit la clé de son adaptabilitéaux nouveaux enjeux, dans le cadre des actions et desprojets industriels des organismes partenaires.

Récemment, une partie des travaux a été orientéevers les problèmes physico-chimiques de l’axe 2. Desétudes de sorption, menées dans un cadre large, s’asso-cient à une modélisation physico-chimique microsco-pique pour extrapoler des grandeurs obtenues sur lessuspensions d’argile aux argiles les plus compactes.Plus généralement, la sorption sur des milieux naturelsest un thème dans lequel la transition du fondamental

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à l’appliqué est particulièrement féconde : les extrapo-lations du microscopique au macroscopique, de l’ins-tantané à des échelles de temps multiséculaires, sontdes défis auxquels les équipes du CNRS sont partoutconfrontées.

Les études sur la pyrochimie et les milieux ioniquesextrêmes constituent aussi un enjeu de recherchefondamentale et appliquée. Les études sur l’effet desrayonnements, tant sur les molécules et les processusd’extraction (pour l’axe 1) que sur les matériaux encondition de stockage (pour l’axe 2), ont renforcé lethème de la radiolyse. Choisir d’une manière ration-nelle les procédés et solutions possibles impose demettre l’accent sur les paramètres quantifiables, mesu-rables ou modélisables. Les modélisations trouventainsi une place centrale auprès des mesures, pour l’op-timisation des procédés de séparation et la quantifica-tion des prédictions pour le stockage et l’entreposage.Elles se trouvent au cœur des développements actuels.

La création de l’Institut de Chimie Séparative deMarcoule, appuyé sur une unité mixte de rechercheCEA/CNRS/Université, devrait faciliter l'accès à desexpérimentations en milieu hautement radioactif etpermettre de transposer à la radiochimie l'approche« grands instruments » qui est déjà celle des utilisateursde sources de neutrons et de rayonnement synchrotron.On attend qu’ainsi la culture de la radiochimie diffusevers la physico-chimie moderne, devenant partie inté-grante de la démarche des spécialistes du nucléaire. LeCNRS peut et souhaite y participer.

Les chercheurs ont également eu à rechercher et testerde nouveaux matériaux, tant pour le conditionnementspécifique que pour les cibles de transmutation. Face àdes problèmes complexes incluant des études en milieuxradioactifs, des moyens de caractérisation ont fait défaut.Ainsi, pour le cas spécifique des actinides mineurs, lesétudes de matrices de confinement n’ont pas toutesatteint le même degré de maturité. La communautésouhaite les conduire à terme, en instruisant notamment: (a) le comportement de l’hélium généré en conditionsd’auto-irradiation, (b) le comportement à long terme ducolis dans les conditions de stockage, (c) l’industrialisa-tion de la fabrication de ces céramiques de conditionne-ment. Ce dernier point devra être abordé avec lesindustriels céramistes, afin de déboucher sur desprocédés réalistes, dont les coûts et performances consti-tueront des éléments de la comparaison de cette solutionalternative à la voie de transmutation.

Sans préjuger des souhaits du législateur, uneréflexion est entamée, afin d’entretenir la dynamiqueCEA/CNRS mise en place dans le cadre des matricesperformantes pour actinides mineurs et assurer laconduite à terme des travaux. Bien que très pluridisci-plinaire, la communauté, majoritairement composée dechimistes du solide, souhaite à l’avenir prendre encompte de façon plus approfondie les problématiquesconcernant les matériaux du combustible et de sonproche environnement dans les futurs réacteurs à calo-porteur gaz et interagir étroitement avec les équipesCEA œuvrant sur les cibles de transmutation.

En ce qui concerne les travaux associés au stockageen formation géologique profonde, le CNRS a su établiravec l’Andra un partenariat extrêmement fort, quidépasse d’ailleurs le cadre du programme Pace.L’ouverture du laboratoire souterrain constitue unmoment-clé de ces travaux et les équipes du CNRS sesont regroupées pour concentrer leurs efforts sur uneproposition de programme de recherche, consacrée àl’évolution de la zone endommagée après le creuse-ment des puits et des galeries. Après avoir caractérisél’endommagement mécanique et chimique qui en arésulté, il sera essentiel d’aborder la cicatrisation decette zone, pour laquelle des moyens expérimentaux etdes techniques ont été conçus et testés. Les conditionsexpérimentales très privilégiées que ces équipes vonttrouver sont un encouragement à un travail de longuehaleine. Nombre de développements expérimentauxinnovants réalisés au CNRS sont d’ailleurs transposablesà d’autres domaines de recherche. Ces communautésenvisagent, et proposeront à l’Andra, une organisationnouvelle de leurs travaux, sous la forme d’observa-toires : Observatoire des sciences de l’univers (OSU) ouObservatoire de recherche en environnement (ORE).

Dans le futur, la démarche entreprise par la commu-nauté des mathématiciens modélisateurs devra êtreappliquée à des modèles de plus en plus complexes decomportement du stockage : modèles de champproche, transport des éléments radiochimiques parplusieurs phases ou composants, transport multies-pèces avec sorption … Pour cette communauté, le défiest de développer simultanément des modèles et desméthodes numériques, lorsque ni les propriétés mathé-matiques des premiers, ni les simulations numériquesissues des secondes n’ont encore été rigoureusementapprofondies.

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Sur l’axe 1, le CNRS et les Universités, en liaisonavec le CEA et notamment dans le cadre des colla-borations européennes, doit approfondir l’instruc-tion du dossier ADS (réacteurs hybrides) : un telsystème dédié, constituant une seconde strate deréacteurs, est proposé comme le seul moyenaujourd’hui envisageable de résorber sansattendre l’inventaire d’actinides mineurs produitspar la filière REP actuelle. On évitera ainsi deconfier une tâche difficile, à la fin du siècle, auxréacteurs électrogènes à neutrons rapides. Leproblème de la gestion des déchets étant intime-ment lié aux choix énergétiques du futur, le CNRSdoit poursuivre sa contribution à l’étude de deuxvoies d’avenir : les réacteurs surgénérateurs àneutrons rapides (filière uranium) et les réacteurssurgénérateurs à neutrons thermiques et à selsfondus (filière thorium).

Sur l’axe 2, le CNRS et les Universités, en liaisonavec l’Andra, ont contribué avec tous leursmoyens à l’instruction du dossier du laboratoiresouterrain. Ils doivent prendre part au programmeconsidérable qui est maintenant ouvert sur le site,dans une approche nécessairement multidiscipli-naire (sciences de la terre, sciences chimiques etsimulation mathématique).

Les communautés humaines sont fragiles et versa-tiles. Les GdR de Pace ont réussi à attirer l’attention, etsurtout la collaboration d’une part importante desscientifiques du CNRS sur les problèmes scientifiquesde l’électronucléaire, qui ne proposent pas une simpleopportunité contractuelle, mais un renouvellement deleurs thématiques et un très vaste terrain d’essai pourleurs outils et leurs concepts. Il est important de tirerparti de l’intérêt des scientifiques sur ces sujets.

En créant le concept d’une loi organisant larecherche avant que des décisions engageant l’avenirde la société soient prises, la loi Bataille a été, pour lemonde scientifique académique, une démarche leurpermettant de contribuer à la solution d’un problèmemajeur. Cette loi fournit la démonstration de l’intérêt àassocier la communauté scientifique nationale auxgrands enjeux du nucléaire portés par les partenairesindustriels. Le CNRS souhaite poursuivre la mobilisa-tion des chercheurs et la formation des jeunes. Lacommunauté est prête à continuer de travailler dans cecadre, qui favorise un échange fécond entre rechercheet industrie et fait progresser des solutions d’avenir.

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