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Institut Francais du Proche-Orient is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Bulletin d'études orientales. http://www.jstor.org TROIS VÊTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SÉNÉGAL (DÉCHARGE DE DAKAR-PIKINE) Author(s): Constant Hamès and Alain Epelboin Source: Bulletin d'études orientales, T. 44, SCIENCES OCCULTES ET ISLAM (1992), pp. 217-241 Published by: Institut Francais du Proche-Orient Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41608356 Accessed: 07-03-2015 08:43 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 193.55.96.119 on Sat, 07 Mar 2015 08:43:24 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

TROIS VÊTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SÉNÉGAL

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Constant Hamès and Alain Epelboin

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    TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL (DCHARGE DE DAKAR-PIKINE) Author(s): Constant Hams and Alain Epelboin Source: Bulletin d'tudes orientales, T. 44, SCIENCES OCCULTES ET ISLAM (1992), pp. 217-241Published by: Institut Francais du Proche-OrientStable URL: http://www.jstor.org/stable/41608356Accessed: 07-03-2015 08:43 UTC

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES

    PROVENANT DU SNGAL

    (DCHARGE DE DAKAR-PIKINE) 1

    PAR

    Constant HAMS Alain EPELBOIN (CNRS) (CNRS)

    INTRODUCTION

    L'extension "galopante" des mtropoles urbaines africaines, habites par des populations majoritairement en limite de subsistance, inquite les autorits politiques, administratives et sanitaires nationales et internationales.

    En 1981 2, paralllement des enqutes-participantes sur la vie quotidienne de ce type de populations dans diffrents quartiers de Pikine Guedjaway, nous avons amorc des

    enqutes sur la reprsentation de la sant, de la maladie, du malheur, de l'accs aux soins et sur le "gurissage" et la divination, mlant l'observation et des relations privilgies avec divers informateurs, infirmiers, gurisseurs, patients.

    Les amulettes reviennent en permanence dans les discours, agents du malheur ou du bonheur, outils thrapeutiques ou prventifs, instruments de communication avec le non- visible, notamment dans les mains des devins-gurisseurs. Elles ponctuent l'espace du corps et celui de la maisonne, construisant des armes et des crans actifs et/ou passifs magiques, indispensables, l'abri desquels le corps individuel et social peut raliser sa vie selon ses

    aspirations. L'information obtenue en interrogeant les utilisateurs de tels objets tait comme dans des enqutes prcdentes menes au Sngal oriental 3, parcellaire ou quasi mythique.

    1. Avec la collaboration de B. Diouf, M.M. Guey, M. Kota. Le relev et l'analyse des donnes de terrain au Sngal ont t faits nar Alain Eoelboin. l'analvse des talismans par Constant Hams. c - r - i ' y *

    2. G. Salem & A. Epelboin, Urbanisation et sant dans les villes du tiers-monde : l'exemple de_Dakar- Pikine. Rapport prliminaire 1983 , Bull. Ethnomdical, n 26, dc. 1983, p. 3-23.

    3. A. Epelboin, Savoirs mdicaux et phytopharmacopes des Fulb band et des Nyokholonke (Sngal oriental ): essai ethnomdecine. Doctorat de 3e cycle en ethnologie, 2 vol, (573 pages + 371 pages), Universit de Paris V, EHESS, 1983.

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  • 218 CONSTANT HAM S ET ALAIN EPELBOIN

    Effectuer des recherches sur les talismans utiliss par une population pour se prmunir du malheur ou pour soigner des maladies ou une malchance est un exercice difficile car ces objets, mme affichs, sont intimes, rvlent des tats de sant, des apprhensions, des suspicions parfois inavouables, des intentions secrtes. De plus, bien souvent, le possesseur ne connat que ce que lui a indiqu le gurisseur et/ou le marabout, c'est--dire l'indication et le mode d'emploi et il ignore le contenu et le mode de "fabrication" de son amulette. L'enqute auprs des prescripteurs est trs dcevante, butant sur des notions de rtribution, de secrets : celles-ci ne sont pas forcment le fait de l'individu dtenteur du savoir, mais de son propre mode d'apprentissage qui lui impose de ne transmettre son savoir qu'en change de ce que lui-mme a d payer pour l'obtenir. En rgle gnrale, l'obtention de l'information est directement proportionnelle au savoir pralable de l'enquteur : c'est ainsi que ses propres connais-sances en islamologie ont permis C. Hams 4 de nouer des liens privilgis avec son informateur et d'obtenir la collection de copies de textes talismaniques de ce dernier.

    1 . Les talismans et la sant Dakar-Pikine

    Pour une majorit de Dakaro-pikinois, la sant, c'est d'abord la satisfaction de la qute de la subsistance quotidienne : c'est aussi, dans cette socit fortement islamise, la recherche d'un tat d'harmonie avec l'univers par le dpassement spirituel des misres quotidiennes. La sant, c'est aussi la satisfaction de ses propres ambitions, lgitimes et/ou illgitimes : elle passe par l'usage de pratiques magiques visant la "neutralisation" d'adversaires rels ou supposs, intralignagers ou trangers, humains ou non humains.

    Les nouveaux arrivs ne se coupent pas de leur terroir originel, rural ou urbain. Pas plus en ville qu'au village, l'individu ne peut se dissocier de son corps social, quel que soit l'clatement spatial de ce dernier. La prcarit de la fortune et de la vie sous ces climats tropicaux rappelle les oublieux leur devoir lmentaire de solidarit vis--vis de leurs parents, allis et amis. Lorsque la maladie, l'infortune surviennent, elles mobilisent autour du corps souffrant les rseaux de solidarit de la parentle informe, du voisinage, des collgues, des amis : pice de monnaie propitiatoire offerte en sadaqa, aumne, par un voisin, pieux musulman d'une autre confrrie ; glules rouges et jaunes (d'antibiotique) achetes un colporteur par un collgue de travail ; amulette non islamique apporte par une vieille parente du matrilignage ; eaux lustrales, talismans savants crits sur une feuille de papier confectionns par un marabout la demande d'un parent du patrilignage ; accompagnement au dispensaire par une voisine amie, tandis que la co-pouse garde les enfants ; divination-conseil gratuite d'un tranger de passage ...

    Ce n'est pas le seul corps individuel qui est soign : les protections magiques de la maison sont ractives, afin de se prmunir des actions malfiques externes. Conseils, dons, accompagnement, remdes, amulettes sont autant de preuves de la solidarit active du corps social de l'individu. Les rituels traditionnels mobilisant une fraction importante du corps social tel le ndoep 5 semblent se rarfier, de mme que la palette des modles de causalit de

    4. C. Hams, cf. note 13. 5. A. Zempleni, La thrapie traditionnelle des troubles mentaux chez les Wolof et les Lebou (Sngal).

    Principes , Social Science and Medicine, 1969 III : p. 191-205.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 219

    l'infortune. En cas de malheur, les diagnostics les plus frquemment poss mettent en cause des agressions malfiques intralignagres, intradomestiques (co-pouses, voisins) au dtriment de modles traditionnels mettant en cause des esprits tutlaires autochtones 6.

    Les recours d'inspiration biomdicale ne sont qu'une des alternatives possibles et ne sont pas envisags comme pouvant tre actifs sur les causes de la rptition de l'infortune. En cas de malheur, de nombreux thrapeutes sont consults vainement sans que, faute de moyens socio-conomiques, de mobilisation coordonne du corps social et de confiance, leurs prescriptions puissent tre observes correctement. Situation paradoxale (peut-tre caract- ristique de la ville), on assiste du fait de la multiplicit des systmes et des niveaux de savoirs disponibles prtendant ordonner "la matrise de la squence du malheur" 7, une dispersion infructueuse, voire une vritable surconsommation tant de consultations prdictives, que de "remdes" varis, produits pharmaceutiques, prparations vgtales, amulettes diverses. Le discours commun s'oppose aux discours savants et voit dans ces accumulations des potentialisations heureuses des effets escompts. L'itinraire diagnostique et thrapeutique amne manipuler l'infiniment petit, les "microbes", l'infiniment grand, Allah et son Pro- phte, le non-visible par des yeux ordinaires, sorciers dvoreurs intralignagers, esprits surhumains.

    2. La constitution de la collection d'amulettes

    Les difficults d'approvisionnement en eau, l'omniprsence des ordures mnagres et des dchets humains nous ont amen poursuivre une voie de recherche initie au Sngal oriental 8 : savoir, pratiquer simultanment une approche d'anthropologie sociale et culturelle des faits relatifs la sant, au corps, la maladie et au malheur, et une espce d'archologie de socits vivantes. Celle-ci utilise les dchets humains et domestiques comme des outils de lecture non seulement de l'activit humaine, mais aussi de la spatialisation matrielle et symbolique, consciente et inconsciente, des corps biologiques et des corps sociaux dans un environnement urbain o le "naturel" et le "surnaturel" ne sont pas dissocis.

    En 1975, la dcharge ordure de la ville de Dakar, sise au "kilomtre 5" de la route de Rufisque, sature, dpasse par le front d'urbanisation, fut repousse 23 kilomtres au nord nord-est du cur historique de la capitale du Sngal : bien au del de l'agglomration urbaine dakaro-pikinoise, dans un lac assch, le "lac" Mbebess, limit d'un ct par le front dunaire atlantique, entour de l'autre par des sites de marachage dans les fonds dunaires, les nyaies, et des champs de cultures de saison des pluies.

    Alors que la plupart des restes des produits de fabrication industrielle sont non seulement rcuprs mais rinvestis dans de nouveaux usages et savoir-faire et, si possible, commercialiss, les objets de facture locale et/ou traditionnelle n'taient qu'anecdotiquement

    6. A. Zempleni, La "maladie" et ses "causes". Introduction, L'ethnographie 1985-2, p. 13-44, numro spcial Causes, origines et agents de la maladie chez les peuples sans criture, 217 pages. (A. Zempleni dit.)

    7. A. Epelboin, Sida et sida : rflexions anthropologiques propos du "phnomne sidaque" en Lobaye, en Rpublique centrafricaine , Bull. Soc. Path. Ex., 82, 1989, p. 260-266.

    8. A. Epelboin, Selles et urines chez les Fulb band du Sngal oriental. Un aspect particulier de l'ethnomdecine , Cahiers. ORSTOM, sr. Sci. Hum., vol. XVIII, n 4, 1981-1982, p. 515-530.

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  • 220 CONSTANT HAM S ET ALAIN EPELBOIN

    conservs. Sur ce constat, je proposais un rcuprateur avec lequel je m'tais li d'amiti, B. Diouf, d'organiser la collecte la plus systmatique possible des objets de facture artisanale relatifs l'entretien ou la prvention de la sant tant de corps individuels que de maisonnes.

    Le rsultat dpassa nos esprances les plus folles, car B. Diouf rcupra depuis cette

    poque (1984) une collection des seuls objets qui n'taient pas rcuprs, savoir des dizaines

    d'objets rituels de devins-gurisseurs, des centaines d'amulettes corporelles des plus simples aux plus complexes, des prparations destines tre suspendues pour protger un lieu, des

    objets destins l'annihilation de la volont de tiers et/ou la ralisation d'entreprises allant contre l'ordre social. La collection, en dbut de saisie sous logiciel ISIS-UNESCO, compte plusieurs milliers d'objets. terme, nous esprons pouvoir prparer des collections de rf- rence destines des muses nationaux, en premier lieu sngalais.

    TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES

    Les objets collects relvent de trois grandes traditions, islamique, islamo-africaine, africaine, se rapportant une culture prcise, sans compter les combinaisons syncrtiques. La frontire entre amulettes d'obdience islamique et islamo-africaine est souvent trs tnue, comme on peut le voir plus loin propos de la navette-amulette attache au pagne de femme.

    Au sein de cette collection qui comporte d'autres vtements talismaniques, nous avons choisi d'en analyser trois parce que d'inspiration islamique, criture non masque et ports en certaines circonstances sous les vtements usuels : une tunique masculine, une culotte-

    caleon et un pagne fminin.

    1. LA TUNIQUE

    Le "boubou" ou tunique masculine d'Afrique de l'Ouest, mme court, comme c'est le cas ici (80 cm de longueur), car il s'agit de le porter cach sous un autre habit, offre la parti- cularit de prsenter une grande surface propice au dveloppement d'un ensemble vari de

    graphismes et de textes. Comparativement, les amulettes communes, portes en pendentifs ou en bracelets, ne disposent que d'un espace restreint pour l'criture, gnralement tout ou

    partie d'une feuille ordinaire de papier, et en consquence ne comportent le plus souvent

    qu'un seul tableau avec un peu de texte 9.

    Notons immdiatement que tout l'espace disponible a t intgralement "talismanis". Est-ce en rapport avec l'ide d'une efficacit accrue ou maximale, avec le got du travail bien

    fait du rdacteur, ce qui peut aussi se traduire par la conscience commerciale d'un rapport

    quantit-prix ? On ne saurait oublier non plus que les socits ouest-africaines ont vcu,

    pendant des sicles, avec le sens de la raret du support crit en papier.

    9. D existe une surface intermdiaire entre celle de la tunique et de 1 amulette simple ; elle est constitue pai une grande feuille de papier, du genre papier de table de restaurant, qu'on trouve dans les ceintures talismaniques plates ouest-africaines.

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  • CULOTTE PLANCHE 1

    CQ D Ph M Ph

    <

    I h h

    Q

    8

    u

    8

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  • PLANCHE 2 TUNIQUE : face

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  • CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN PLANCHE 3

    TUNIQUE : dos

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  • PLANCHE 4 PAGNE DE FEMME

    i < C/5

  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 221

    Les seuls vtements talismaniques comparables dont nous ayons connaissance sont deux

    tuniques de guerre ottomanes 10. La plus ancienne (17e sicle) n'utilise qu'un espace slectif autour de l'encolure et sur les manches et l'autre (18e sicle) la totalit de l'espace pour y inscrire les graphismes talismaniques. Les diffrences apparentes : pas de manches pour le "boubou" africain qui est ouvert sur les deux cts alors que les tuniques ottomanes sont

    partiellement ouvertes sur le devant et l'arrire et possdent des manches courtes mais amples.

    Comment est rparti l'espace ? Principalement en trois colonnes dans le sens de la longueur du vtement, du haut vers le bas, devant et derrire. Seule diversion cette lecture du haut vers le bas : les deux textes latraux de l'encolure, gauche et droite. Chacune de ces trois colonnes se dfinit ensuite par l'alternance, rpte un nombre de fois variable, d'un texte d'origine coranique et d'un tableau. Pour plus de clart dans l'analyse, nous avons

    simplement numrot chaque unit texte-tableau de 1 10 pour la face et de 1 1 19 pour le dos du vtement. Dans cette unit, le texte est celui qui prcde le tableau.

    Face Dos

    4 8 13 16

    1 11 5 17

    9 14 2

    6 12 18

    3 15 7 10 19

    Reperage des units texte-tableau

    Avant d'entrer dans une investigation plus prcise, il faut dire qu'on ne peut qu'tre frapp, ds l'abord, par l'esthtique de l'ordonnance graphique du talisman, due la fois la

    rgularit du rythme de succession texte-tableau et la varit des configurations gomtriques et graphiques des tableaux. Mme s'il y a quelques rptitions formelles dans la structure des tableaux (5 et 18 ; partiellement 9 et 17) ou dans les contenus graphiques (10, 6 et 16 ; 4 et 12), l'ensemble fait preuve d'une crativit dans l'organisation de matriaux qui sont eux-mmes pour la plupart emprunts une tradition "talislamique" lointaine ou locale. Nul doute que le scripteur, l'criture ronde et personnelle, ne se soit livr sur cet habit un exercice de cilm al-hatt, c'est--dire de calligraphie. Le talisman est visiblement mis en uvre pour tre reu aussi ce niveau 11 . Un fait supplmentaire noter est que le vtement

    10. Philippe Demonsablon, Notes sur deux vtements talismaniques , Arabica, tome XXXIII, fase. 2, 1986, p. 216-249.

    1 1. Il faut en effet parler de "l'art" des talismans dans les deux sens du terme : connaissance spcialise et esthtique calligraphique. De nombreuses techniques graphiques utilises en art talismanique relvent ou proviennent de la calligraphie. Les ouvrages de cilm al-hatt les ignorent pourtant.

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  • 222 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    talismanique, contrairement au papier de l'amulette, reste visible (et lisible le cas chant) pour son propritaire ; supposer mme que ce dernier soit analphabte, l'aspect formel ne

    peut tre nglig.

    Commenons par le texte d'entre qui se situe en 1 , au milieu du devant de la tunique. Ce qui permet de penser qu'il s'agit du devant de l'habit en mme temps que du dbut du talisman est la prsence d'un bismillh al-rahmn al-rahim, mention du nom d'Allah recommande par exemple par al-azl 12 pour dbuter une prire de demande ( duc '). Mais ici le talisman s'intitule f' ida1 (utilit, service, intrt, etc.), terme gnrique en Afrique occidentale pour dsigner les talismans criture 13.

    La f'ida se prsente tout naturellement d'elle-mme : Talisman du roi d'ici-bas, du

    rang social, de l'amour, du grand tat, de l'abondance des biens matriels. Il consiste dans ces noms [d'Allah] et dans ces versets (coraniques) explicites. Celui qui le porte sera comme le lion parmi les fauves, si Allah le veut et il n'y a pas de doute l-dessus. (Coran, XII, 31) : Lorsqu'elles le virent, elles l'estimrent et se couprent les mains en disant : n'en dplaise Allh, ceci n'est pas un homme mais uniquement un ange de noblesse ! O Allah [bis]. Il faut bien sr comprendre que le talisman permet de devenir "roi d'ici-bas", d'accder un

    "rang social" suprieur, etc. La citation coranique, extraite de l'pisode de Ysuf (Joseph), lav du soupon d'adultre devant le Pharaon (appel ici le roi, malik), met en valeur un homme dsir par les femmes, qualit que le talisman est cense procurer son propritaire.

    Sur le dos du "boubou", au mme emplacement (11), on retrouve une variante de la mme entre, sans bismillh mais avec une formule pieuse et des citations coraniques supplmentaires. Talisman du roi de la terre et du rang social lev [tissu dchir] [...], talisman ( higb ) contre l'ennemi. Il n'y a de pouvoir et de force qu'en Allh trs haut et sublime. (Coran, XII, 54 ) : Le roi [pharaon] dit : Amenez-le moi, je m'en charge moi- mme. Puis lorsqu'il eut entendu sa parole, il [le roi] conclut : En vrit, tu es aujourd'hui chez nous avec autorit et confiance. (Coran, XII, 55) : Affecte-moi au Trsor du pays car j'ai la mmoire et la connaissance. (Coran, CXIV, 2-6) : Je cherche protection auprs du matre des gens, du roi des gens, Allah des gens, contre la mchancet du chuchoteur, du fuyant, de celui qui conseille mal et suggre la poitrine des gens, qu'il soit

    djinn ou humain. Je cherche protection auprs des paroles dfinitives d'Allah.

    (Coran, CXIII, 2-3) : [...] contre le mal qui a t cr et contre le mal de l'obscurit quand elle s'tend. (Coran, XII, 31) : Lorsqu'elles le virent, elles l'estimrent et se couprent les mains en disant : n'en dplaise Allh.

    Pour arriver l'objectif fix, une brillante carrire politique militaire ou administrative

    par exemple, l'action du talisman passe par le transfert et l'actualisation du sens des paroles efficaces du Coran. En l'occurence, le prototype de la russite, qu'on veut analogiquement transfrer sur le destinataire du talisman, est fourni par Ysuf-Joseph, qui attire les femmes,

    grimpe dans la hirarchie sociale et obtient un poste d'tat, une sorte de ministre des

    12. Al-azli, Ihy culm al-dn, vol. 1, 9, p. 270, Dr al-qalam, Beyrouth, s.d. Traduction franaise rcente (presque complte), Temps et prire , traduction prsente et annote par P. Cuperly, d. Sindbad, 1990, 212 pages.

    13. Sur la terminologie des talismans en Afrique occidentale, voir Constant Hams, Taktub ou la magie de l'criture islamique. Textes sonink usage magique , Arabica, XXXIV, fase. 3, nov. 1987, p. 305-325.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 223

    finances. S'y ajoute un lment de protection - contre un ennemi, est-il dit - en fonction duquel on administre, l'une en totalit et l'autre en partie, les deux dernires sourates coraniques appeles "les deux talismaniques" ; moins d'ignorance de notre part, le passage Je cherche protection auprs des paroles dfinitives d'Allah n'est pas coranique et provient du rdacteur.

    On aura pu remarquer que les citations coraniques peuvent s'arrter au milieu d'un verset, sans considration pour le contexte ; les extraits ne sont effectus qu'en raison du sens recherch, qui est toujours, nous semble-t-il, le sens littral. Pour cela, le scripteur n'hsite pas laguer, ignorer ce qui viendrait inflchir ou nuancer ou mme contredire le passage choisi. On se trouve en prsence d'une autre lecture du Coran dont il serait ncessaire de rpertorier les rgles et les mcanismes ou, pour suivre Ibn Haldn, la grammaire de cet difice trange qui bouleverse la division des sourates du Coran et de ses versets 14.

    On en arrive ainsi aux procds du talisman.

    D'entre, la f'ida nous les a indiqus : l'utilisation des noms, sous-entendu ceux d'Allah, et des versets coraniques "explicites", c'est--dire au sens clair, bien compr- hensible. Parmi ces derniers, ceux que nous venons de rencontrer sont tirs de la sourate Ysuf- Joseph (Coran, XII), qui constitue une bonne part des textes ou fragments de texte dissmins sur la tunique, en compagnie de quelques autres, dont le classique verset du trne (Coran, H, 255) qui souligne, lui, la toute-puissance dont Allah est dot et que le scripteur a donc sa disposition pour raliser ses objectifs talismaniques. La caractristique formelle majeure de la manipulation des textes coraniques, en dehors de leur sens analogique- sympathique, rside, en ce qui concerne la tunique, dans leur rptition inlassable, en forme de litanie textuelle ou figurative. Faut-il voir l encore un cho des recommandations d'al- azli, insistant sur la franchise directe de la demande mais aussi sur sa rptition ? ( Ihy', 9, p. 270). moins qu'on ne considre que les modalits ( db ) de la prire, codifies par al- azli au 12e sicle, n'aient elles-mmes t "travailles" par ime logique talismanique.

    Illustrons le procd de la rptition d'une de ces litanies coraniques en examinant le joli tableau 13, constitu de 4 x 4 = 16 cases. Chaque case contient quatre mots du verset 39 incomplet, de la sourate XX (Allah s'adresse Ms-Mose) : Je t'ai envelopp d'un amour venant de moi, pour que, sous mon regard, tu sois mon protg. Le tableau, lui, ne retient que les mots : et je t'ai envelopp d'un amour[...] protg . noter que la forme lexicale pour dsigner l'amour, mahabba, n'apparat qu'une seule fois dans tout le Coran, prcisment dans ce verset. Indiquons ensuite, pour ne pas y revenir, que la disposition graphique du tableau et de chaque case s'inspire directement d'un modle ancien, qu'on trouve, par exemple, chez le grand spcialiste islamique des talismans, al-Bni (? -1225) 15. Reprons maintenant sur le "boubou" ce fragment de verset qui est charg, parmi d'autres, de

    14. Ibn Haldn, if al-sil li-tahdib al-mas'il, d. I. A. Khalif, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1959, p. 55. La Voie et la Loi ou le Matre et le Juriste , traduction prsente et annote par Ren Prez, d. Sindbad, 1991, 308 pages.

    15. Voir al-Bun, ams al-macrif wa lat'if al-cawrif, d. al-Maktaba al-taqfiyya, Beyrouth, s.d., I, 78 o un tableau 7x7 contient la sourate al-ftiha dispose en diagonales opposes ; voir aussi I, 96, 115. Voir aussi le "talisman C" de l'article de Georges C. Anawati, Trois talismans musulmans en arabe provenant du Mali (march de Mopti) , Annales slamologiques, XI, 1972, p. 287-339. Mais vrai dire, aucune de ces configurations n'est graphiquement identique ; c'est un thme avec des variations.

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  • 224 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    faire du possesseur du talisman un objet d'amour. On le trouve, ct face de la tunique, en 3, dans le texte, sous la forme et je t'ai envelopp d'un amour venant de moi , rpt encore la fin du texte o il est suivi de Allh, aim . On le trouve en 5, la fin du texte et dans la diagonale suprieure gauche du tableau, o il est suivi, la premire fois, de digne de confiance ( muhaymin ), Allh , et la seconde fois, d'une triple rptition de venant de moi (mirini) . On le trouve la fin du texte 7, suivi cette fois de cinq Allh . Dans le texte qui suit 10 (sous la figure), il est rpt trois fois dont deux fois de suite en fin de texte. Ct dos de l'habit, on le trouve dans le texte 12. Puis dans le texte 14, o il est rpt deux fois la ligne 7. Dans le texte 15 il est encore rpt deux fois.

    travers l'exemple de ce petit segment coranique, on commence saisir la structure rptitive de l'ensemble de la construction talismanique. Mais on devine en mme temps le travail d'laboration spatiale, graphique, conceptuelle que les rptitions exigent. Ce ct finalement incantatoire ressort avec encore plus de force lorsqu'on s'attache l'autre base linguistique que sont les noms d'Allh et ceux d'autres personnages ou entits spirituelles pouvoir. La prsence des premiers surtout n'est pas tonnante compte tenu de leur impor- tance dans la thologie, la mystique et les usages populaires 16.

    1 .1 . Les noms d'Allh

    Les noms d'Allh se concentrent dans les tableaux alphabtiques ou chiffrs. En effet, selon un systme ancien, fort probablement li aux dbuts de l'alphabet lui-mme, les lettres ont une valeur numrique. Le nom d'Allh comprend ainsi A = 1, L = 30, L = 30, H = 5 et on pourra crire Allh simplement par la somme de ses composants numriques, soit 1 + 30 + 30 + 5 = 66.

    Prenons un exemple graphiquement remarquable, celui du tableau 1 1 dont les cases rptitives contiennent le redoublement de deux chiffres disposs symtriquement : 5 9 9 5. Si on les additionne, on obtient 28, nombre ou plus exactement somme qui correspond celle du nom d'Allh, hayy (8 + 10 + 10), c'est--dire "vivant", qui dispense et maintient la vie. Ce mme hayy, en valeurs chiffres, se retrouve dans le rond central des figures 15 et 9, dans le carr central de la figure 14, dans un interstice de la figure 19, etc. C'est assurment le nom d'Allh qui est mis en relief dans cette f'ida, en relation directe sans doute avec sa prsence dans le verset du trne. Rester vivant apparat bien comme la condition initiale de la course au pouvoir et au prestige. En ce qui concerne les manipulations arithmtiques qu'on peut appliquer aux noms chiffrs d'Allh, la tradition talismanique les fait remonter surtout al-Bni qui a effectivement systmatis ces procds numriques. Il a aussi recommand, pour accrotre la force et le pouvoir des noms d'Allh, de les crire en lettres spares, ce qui correspond en arabe une forme plus dploye du graphisme mais qui correspond surtout chez al-Bn une vision mtaphysique du pouvoir premier et fondateur de l'alphabet. Cette faon fractionne d'crire les noms d'Allh est largement dveloppe dans les tableaux 8 et 3 ainsi que dans le deuxime "couloir" en partant de l'extrieur de la figure 14. Ailleurs, dans la finale des textes ou dans les figures 1, 15, 18, on retrouve les noms d'Allh en criture habituelle.

    16. Sur les noms d'Allah, on renvoie Daniel Gimaret, Les noms divins en Islam, d. du Cerf, 1988, 448 pages, tout en prcisant qu'il n'existe pas d'tudes sur l'usage talismanique (ou magique) de ces noms.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 225

    Restent les transcriptions et les transformations chiffres de ces noms. Elles sont omniprsentes dans les tableaux et nous laissent souvent, il faut le reconnatre, face des interrogations. Lorsqu'on constate que les modles anciens qui sont la base, directe ou indi- recte, des talismans contemporains, regorgent d'erreurs numriques, il est difficile de conclure sur tel ou tel nombre, telle ou telle srie dont la composition ne rpond pas aux procds habituellement utiliss. Ainsi, pour prendre un exemple qui se rapporte aux noms d'Allh, al-Bn en fournit un tableau complet (99 noms + celui du Prophte = 100) en 10 x 10 cases, avec les valeurs numriques correspondantes, et le commentaire ajoute que l'ensemble forme un carr magique ( al-wafq al-gmic). Or, plusieurs de ces valeurs numriques sont inexactes 17. Erreur de copiste, d'imprimeur ou erreur d'auteur ? Il semble bien en tre de mme pour le "boubou" talismanique, ce qui, en dehors de tout renseignement sur le scripteur, pose les mmes questions et en ajoute une nouvelle, savoir le niveau de comprhension du contenu des modles copis.

    Examinons la figure 2 qui est compose d'un carr central 6 x 6 et de 4 carrs latraux 4x4, tous base de nombres. Une premire vrification permet d'liminer l'hypothse d'un carr magique (o tous les totaux en lignes, colonnes et diagonales doivent tre gaux). L'examen, nombre aprs nombre, fait merger des quivalents numriques de certains noms d'Allh, par exemple 489 = fatth (dispensateur) ; 145 = muhaymin (garant, digne de confiance), dj vus. Ce dernier est rpt quatre fois dans les cinq tableaux et apparat, toutes transcriptions confondues, comme le nom d'Allh le plus sollicit (12 occurences) aprs celui d 'al-hayy, ce qui tonnera, compte tenu de sa raret dans l'utilisation courante 18. Mais plus de la moiti des nombres, donc des cases, ne correspondent aucun des noms simples. Peut-il s'agir alors de la somme de deux ou plusieurs noms ? La frquentation d'al- Bnl permettrait de rpondre par l'affirmative cette hypothse. Ainsi, dans le carr 4 x 4 de droite, le nombre du milieu, 181, pourrait reprsenter 161 = mnic (protecteur, prventif) + 20 = wadd (aimant) ou toute autre combinaison de noms.

    Le tableau 4 permet d'clairer un peu mieux le problme. Compos de 9 lignes et de 7 colonnes, il offre la particularit d'aligner des sries de nombres identiques en diagonale. Si on le recopie fidlement, on obtient ceci :

    ? ? 862 258 613 786 305 ? 170 136 862 258 613 786 ? 305 170 936 862 258 613 613 786 305 5170 936 862 258 258 613 786 305 5170 936 862 862 258 613 786 305 1570 936 136 862 258 613 786 3015 170 170 936 862 258 613 786 3015 3015 170 936 862 258 613 786

    17. al-Bn Ahmad, Manb usui al-hikma, al-Maktaba al-acbiyya, Beyrouth, s.d., p. 217. Pierre Lory, La maeie des lettres dans le ams al-ma'rif d'al-Bni , B.E.O., XXXIX-XL, 1989, p. 97-111.

    18. Voir cependant son importance selon E. Doutt, Magie et religion dans l'Afrique du Nord, rdition, P. Geuthner et J. Maisonneuve, 1984, p. 208, qui cite dans ce sens Ibn al-Hgg al-Tilimsni et son umus al- anwr wa-kunz al-asrr.

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  • 226 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    Ce tableau se rduit en ralit 7 nombres dont 4 correspondent, en l'tat, des noms d'Allah, savoir :

    305 = qdir, celui qui dcide, qui dcrte 258 = rahm, misricordieux 136 = mu'min, croyant 170 = qudds, saint

    Mais surtout on aperoit comment des erreurs sont venues se glisser l'intrieur d'une mme diagonale. Ainsi, 136 est devenu, chemin faisant, 936 ; 170 s'est transform en 5170 et mme en 1570 pour redevenir 170... De mme, 305 a volu vers 3015 et 136 redevient 936...

    Dans ce contexte, on peut s'imaginer, par exemple, que 613, qui ne correspond pas un nom connu, a pu tre, sur le modle original, 213 = bri', "crateur", car 6 et 2 sont

    simplement symtriques en arabe.

    On trouvera, avec des incertitudes encore plus grandes, des sries partielles de

    diagonales, dans le carr 6x4 latral droit du grand tableau 2. L'incertitude vient des 4

    premiers nombres de la premire ligne qui ne sont pas conformes la suite des sries mais aussi d'un signe inhabituel en forme de cayn final qui, de nos jours, reprsente le chiffre 4, lequel est rendu, dans le talisman, y compris dans ce tableau par un autre signe plus ancien ressemblant un cayn initial. Voici ce tableau :

    28 14 51 25 13 28 1304? 181 27 38 14 13 178 1304? 181 27 38 14 134 178 1304? 181 27 38

    Nous avons vu que 28 correspond hayy, "vivant" ; 13 quivaut ahad, "unique" ; 14, wgid , "riche" ; 134 samad, "ternel", "absolu". Pour 181, nous avons voqu un type d'interprtation ; si on lit 78 au lieu de 178, on a hakm, "sage". Mais tout ceci reste en partie obscur.

    1.2. Autres noms

    Si, dans le vtement talismanique, on invoque d'autres noms que ceux d'Allh, seuls ces derniers ont t sujets des oprations numriques, du moins en apparence. Qui est invoqu en dehors d'Allh ? Cinq catgories de personnages ou d'entits sont dsignes et invoques par leurs noms. Ceux-ci se situent tous dans les tableaux et les figures. L'ordre que nous suivons pour les prsenter correspond la hirarchie habituelle en vigueur en islam.

    1.2.1. Le Prophte Muhammad

    Tout d'abord, il est tonnant que la f'ida, aprs la mention du nom d'Allah en entre (le bismillh), ne l'ait pas fait suivre de la formule habituelle de salutation sur le Prophte et il

    est tonnant que cette formule ou une de ses micro-variantes ne termine pas l'ensemble du texte talismanique, comme c'est presque toujours le cas et comme le recommande al-Gazl : N'entrez jamais dans le vif de votre demande pour commencer mais mentionnez d'abord le

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 227

    nom d'Allah puis celui de son Prophte Qhy', 9, 270). Ceci a d'ailleurs pour consquence de ne pas marquer la fin de la f'ida de faon prcise. Ce qui n'a en ralit aucune importance puisque le vtement talismanique n'est pas fait pour tre lu mais pour tre port cach.

    Ceci ne veut pas dire que le nom du Prophte soit absent. Au contraire, on le trouve, sous une forme graphique tire - esthtique, pratique et frquente en talismanique - dans les tableaux suivants :

    - Tableau 15. Il dessine lui tout seul le cadre extrieur du tableau. - Tableaux 9, 17 et encore 15. Quatre rptitions du nom de Muhammad sont disposes

    perpendiculairement et symtriquement au centre du tableau, crant ainsi des mdianes qui divisent le carr central en quatre quarts ; la jonction des quatre noms par leur lettre finale agrandie dl (d) forme le rond central du tableau. On constatera que le scripteur a oubli la lettre mim (m) dans les quatre Muhammad du tableau 17.

    Muhammad apparat enfin, sous sa forme crite usuelle, dans la figure 1, l'intrieur des deux encadrs latraux mdians o il est accompagn de la courte formule sur lui le salut et o il voisine avec les quatre anges dont il va tre question. D'une certaine faon, on peut considrer que la formule de salutation sur le Prophte, qui manque dans les textes, a trouv un substitut dans les graphismes.

    I.2.2. Les anges L'art talismanique fait habituellement appel aux anges ( al-mal'ika ) travers leurs

    noms. Le porteur de la rvlation coranique, Gibril, y figure toujours aux cts notamment de Mk'l ; ils sont les seuls tre nommment cits par le Coran (II, 98), en dehors de Mlik, gardien de l'enfer, et des anges "mauvais" (Iblis, Hrt, Mrt). Leurs compagnons sont gnralement deux, cIzr'l et Isrfil et eux quatre, ils sont pratiquement toujours disposs aux quatre angles ou aux quatre cts d'une figure quadrangulaire. Ils font ainsi symboliquement office de gardiens en direction de l'extrieur. De l'utilisation de leurs noms, on trouve de nombreux exemples dans les ouvrages talismaniques de rfrence 19. Voici leurs localisations :

    Dans le tableau 9, on les trouve dans les cercles des quatre angles. En haut gauche, Mik'il (Michel) et en haut droite, ibril (Gabriel), suivi d'un nombre (?). Traditionnellement surnomm al-amn (le fidle, l'homme de confiance), ibril est cens excuter les volonts d'Allh. En bas droite, cIzr'l est suivi du nombre 3177 (?). Les commentateurs ont vu en lui le malak al-mawt (l'ange de la mort) dont parle Coran, XXXII, I I. En bas gauche, Isrfil est l'ange qui sonne la trompette au jugement demier et aussi le

    premier de tous les ressuscits. Les mots qui entourent les noms des quatre anges l'extrieur du carr font partie d'un verset coranique (III, 26) qui indique qu'Allah a pouvoir sur toute chose "s'il le veut" et il est possible que les mots de ce verset repris ici veuillent indiquer que les anges sont une sorte de pouvoir excutif de la volont d'Allah.

    Dans le tableau 1, on les trouve dans les encadrs des quatre coins, selon un ordre diffrent. En haut gauche (h.g.), Isrfil ; en haut droite (h.d.), Mik'il, sur lui

    19. Sur les quatre anges, voir al-Bn, ams II, p. 226, p 242 et 352, etc. Manbac, p. 119 et 138, etc. On en trouvera un exemple sonink mauritanien dans notre Taktub , op. cit., figure n 1.

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  • 228 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    la bndiction ; en bas droite (b.d.), cIzr'il, sur lui la bndiction, 193648 (?) ; en bas gauche (b.g.), ibrl, sur lui la bndiction, 834 (?)

    Dans le tableau 17, ils apparaissent deux fois. D'abord dans les parties intrieures des ronds d'angle, selon un ordre encore diffrent. Les noms figurent seuls : (h.g.) Isrfil, (h.d.) cIzr'Il, (b.d.) ibrl, (b.g.) Mik'Il. Ensuite, on les retrouve dans une deuxime srie, aux quatre coins de l'ensemble du tableau, leurs noms tant accompagns de nombres et d'une mme expression : malik al-gin, "roi de la fortune", ce qui n'est pas en rapport avec les anges mais plus probablement avec Allah dont l'un des noms est justement gan, "le riche". Voici l'ordre de succession de cette srie : (h.g.) ibril, 13459 (?) ; (h.d.) Isrfil, 59938 (?) ; (b.d.) cIzr'il, 1841 = 14 = wgid ("riche") ; (b.g.) Isrfl, 9349 ? : doublet d une ngligence ?

    Dans le tableau 15, aux quatre angles du carr intrieur, leurs noms sont suivis de la mme formule qu'en 1 , sur lui la bndiction . L'ordre est toujours diffrent, savoir (h.g.) cIzr'l, (h.d.) ibril, (b.d.) Mik'il, (b.g.) Isrfl. On voit qu'il n'y a pas d'affectation "directionnelle" particulire pour ces quatre anges dont la littrature eschatologique veut qu'ils soient les quatre derniers tres mourir 20.

    1.2.3. Les successeurs de Muhammad : les quatre califes La prsence des quatre premiers califes ayant succd au Prophte est constante dans les

    figures et tableaux talismaniques d'Afrique occidentale. La tradition savante ancienne, d'al- Bn par exemple, les ignore 21 et prfre de loin des anges et des djinns pour quadriller ses tableaux. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, occuper en force et en pouvoir les quatre cts ou directions des diffrentes figures (carrs, rectangles, cercles, etc.), ce qui rend les fonctions des quatre califes et des quatre anges graphiquement voisines. Le tableau 9 rend d'ailleurs compte d'une sorte de concurrence entre eux. En appendice aux quatre cts du carr, on trouve quatre encadrs. Celui du bas mentionne cUtmn b. cAffn, qu'Allah soit satisfait de lui , formule de louange strotype qui suit habituellement le nom des quatre premiers califes ou des compagnons du Prophte. Celui de droite revient Abu Bakr al-Siddiq , sans la formule. Celui de gauche, cAl b. Abi Tlib , sans formule non plus. La surprise vient de l'encadr du haut, o l'on s'attendrait normalement voir le nom du premier calife cUmar, mais o s'inscrit en fait celui de l'ange cIzr'l, accompagn de chiffres, 58145 (?), et du nom d'Allah mubin, "l'vident", en lettres spares 22 . Cette substitution fait apparatre par deux fois le nom de cIzr'l dans ce tableau. Pourquoi ? Parce que son pouvoir en lien avec la mort est jug plus performant ? C'est en tout cas un pouvoir symtrique de celui d'Allah al-hayy, le dispensateur de la vie, si sollicit dans ce talisman.

    Voyons les trois autres tableaux o, cette fois, les califes interviennent au complet !

    20. Sur les anges dans la tradition musulmane, on peut consulter Ab Hmid al-azli, al-Durra al-fhira (La perle prcieuse), texte arabe et traduction par Lucien Gautier, Leipzig, O. Hairassowitz, 1925.

    21. Sauf erreur de notre part, aucun tableau du ams n'associe les quatre Califes et deux seulement dans le Manbac le font, de faon mineure.

    22. Mubin, "l'vident", au total de 102, manque dans la liste des noms d'Allah dresse par Anawati, op. cit., p. 302-304. Sur ce nom, voir D. Gimaret, op. cit., p. 371-372.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 229

    Tableau 1. Le carr central est lui-mme compos de six autres petits carrs. Celui du centre rpte cinq fois y hakim, plein de sagesse , un des noms d'Allh. Les. deux carrs latraux mdians de droite et de gauche rptent chacun trois fois y saiam (et non salm comme on l'attendrait), le sauf , autre nom d'Allh. Les mmes carrs du haut et du bas comprennent des lettres ou des mots : ahwsqkhlcys suivis, pour le bas, de 31 (?) et pour le haut de 4531, dont la somme 13 quivaut ahad, l'unique, nom d'Allah. Les quatre carrs des quatre coins mentionnent : (h.g.) cUmar b. al-Hattb, qu'Allah soit satisfait de lui ; (h.d.) cUtmn b. cAffn, qu'Allah soit satisfait de lui ; (b.d.) Ab Bakr al- Siddiq , mme formule ; (b.g.) cAl b. Abl Tlib , mme formule.

    Tableau 15. Les noms simples, accompagns ou non de nombres, apparaissent aux quatre extrmits de la grande croix centrale, savoir : haut = CA1I b. Abi Tlib, 5995 (= 28 = hayy) ; bas = 763 (?) cUmar, 1561 (= 13 = ahad) ; droite = Ab Bakr ; gauche = 39718 (= 28 = hayy), cUtmn, 199581 (?).

    Tableau 17. On y trouve les noms plus complets dans la partie extrieure des quatre cercles, face aux noms des anges. Cela donne (h.g.) CA1I b. Abi Tlib, (h.d.) Ab Bakr al- Siddiq, (b.d.) cUmar b. al-Hattb et, par distraction de copiste sans doute (b.g.), cUtmn est affect d'un ibn Abl Tlib qui ne lui appartient pas ! cUmar et cUtmn sont suivis d'un des signes cabalistiques dont on parlera plus loin. Comme pour les quatre anges, il n'y a pas d'orientation spatiale prfrentielle pour les quatre califes.

    1.2.4. Des entits spirituelles locales ?

    Le texte crit d'un talisman n'est qu'un lment d'un ensemble complexe de pres- criptions. Et s'il s'inspire, comme c'est le cas ici, d'une tradition islamique et arabe, il emprunte aussi aux caractristiques des cultures locales. C'est le cas, en gnral, dans l'vocation du monde des djinns dont les socits et les dnominations foisonnent. Sans doute sommes-nous dans une situation similaire avec les entits spirituelles invoques et mention- nes dans le tableau 14. Elles se situent dans le couloir extrieur o chaque case correspond un nom, toujours accompagn de nombres. Mme situation pour le couloir intrieur. ce stade nous pouvons maintenant regarder l'ensemble du tableau.

    Le carr central reprend l'annonce initiale de la f'ida : Roi d'ici-bas et de l'ascension sociale, Matre des gens ; il contient le nombre "leitmotiv" 5995 = hayy et 831 (?). Le couloir mdian, comme on l'a vu, renferme des noms divins crits en lettres isoles : samad (ternel), calm (savant), muhaymin (vigilant, digne de confiance), muhaymin (bis), mubn (vident), al-hliq (le crateur), al-b (mme sens), al-musawwir (le formateur), al-badc (l'innovateur), mutakabbir (grandiose), zhir (manifeste), qaw (fort).

    Il serait ncessaire d'approfondir la connaissance des "esprits" sur le terrain, la fois pour dterminer leur appellation exacte - la graphie arabe est sans doute approximative - et surtout pour comprendre leur nature et leurs fonctions. Il est possible qu'on puisse les ranger dans la catgorie des rawhn, terme utilis au Sngal pour dsigner des entits spirituelles entre ange et djinn. Voici leurs noms : Batt (cinq occurences), Sact (onze occurences), J?bt , Wahtt , Watt , Wahtant (une occurence chacun).

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  • 230 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    Ces trois derniers noms semblent fort proches du jeu de mots qui caractrise souvent en

    talismanique les sries de mots mystrieux ou de noms de djinn 23. On notera aussi que le petit couloir intrieur est intgralement consacr Sact et que dans deux cas, ce nom est suivi d'un nom divin, muqtadir (tout puissant) pour la case de gauche et mu'min (croyant) pour celle de droite.

    Il est intressant pour la recherche africaniste de voir apparatre le terme Batt qui dsigne ou est assimil dans le cas prsent une personne puisqu'il est prcd de y. Ce terme se retrouve, par exemple, au Soudan 24, pour dsigner une catgorie de talismans

    (higb) which is used mainly for theft and adultery, which are both regarded as immoral actions (el-Tom, p. 241-242). Le terme est galement employ en Afrique occidentale

    pour dsigner la magie en gnral et peut-tre un certain type de magie. L encore, des

    enqutes de terrain seraient ncessaires pour claircir ce point.

    1.2.5. Une entit particulire : la Kacba

    Une des originalits du "grand boubou" provient de deux tableaux qui invoquent, par l'criture de son nom, la kacba, le monument sacr de l'islam. Ils reprsentent, schmatiquement, le plan du haram (l'enceinte) de la Mekke 25. Il s'agit des tableaux 9 et 17

    qui sont d'ailleurs disposs - hasard ? - au mme endroit devant et en arrire de la tunique. Le schma graphique comprend un carr (l'enceinte), un cercle central (la kacba) et quatre cercles d'angle (minarets-portes). Nous avons vu le contenu des cercles et des encadrs latraux (anges et califes).

    En 9, le rond central rpte l'intitul de l&f'ida : malik al-duny, "le roi de la terre", suivi du nombre 5995 d'al-hayy. Les parties du carr, dlimites par le nom de Muhammad, portent toutes les quatre : La kacba, la noble maison d'Allah, Allh, aim, Allah.

    En 17, le schma graphique reste le mme, sauf une variante en ce qui concerne les coins du tableau. Nous avons dj rpertori le contenu des quatre cercles (anges, califes) et des

    quatre angles extrieurs (anges). Le rond central est une figure 3x3 qui n'est pas un carr

    magique et le sens de son chiffrage nous demeure cach. Seule, l'addition verticale de la ligne centrale donne 46 = wali, "protecteur", et le petit carr tout fait central = 13 = ahad. Les

    quatre parties centrales, obtenues comme en 9 par le dploiement du nom de Muhammad,

    portent les mmes inscriptions : la kacba noble maison d'Allah , souvent en raccourci : la kacba, honneur d'Allah et dans un cas en dsordre. Cette mme formule occupe les

    rectangles latraux de droite et de gauche. Celui du haut indique : Le livre de la distinction

    (entre le bien et le mal, c'est--dire le Coran), Muhammad, les enfants d'Allah, le noble ,

    puis Coran, XV, 9 : C'est nous qui avons fait descendre [le livre] du rappel et c'est nous

    qui le conservons fidlement , allusion l'intgrit de la transmission du Coran. Un "Allh"

    termine cet encadr. En bas, on reconnat 951 (?), un autre des signes cabalistiques, le mot

    23. Exemples dans E. Doutt, Magie... , p. 197-198. 24. Malgr l'orthographe diffrente des "t", il s'agit bien de la mme terminologie. A. Osman el-Tom,

    Berti Qur'anic Amulets , Journal of Religion in Africa, XVII, fase. 3, oct. 1987, p. 224-244 ; voir surtout p. 238-242.

    25. Pas de kacba ni de haram, notre connaissance, chez al-Bn.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 231

    kitb (livre, crit), 431 (?) et un trs curieux zabr Dwd qui dsigne les "Psaumes de David", suivi de 13198 (?).

    1.3. Les signes "cabalistiques" Nous avons presque fait le tour des diffrents lments et procds constitutifs de cette

    /da-tunique. Il faut encore, avant de revenir aux textes, dire un mot sur un carr magique et sur les signes cabalistiques discrtement prsents par-ci par-l (tableau 17 ci-dessus) mais systmatiquement mis en uvre en 2, 10, 6 et 16.

    Ces signes sont au nombre de sept et tant leur origine que leur signification s'taient dj perdues l'poque d'al-Bn (12e sicle), grand prescripteur de ces graphismes 26 qu'il appelle "les sept lettres" ou le talisman ial-tilasm). Il explique que les sages ne sont pas d'accord sur leur signification [...] mais en vrit il s'agit du plus mystrieux des secrets (gawmid al-asrr ) qu'on ne pourra pas dchiffrer avant qu'Allah Trs Haut ne le dvoile ( yakifuhu ) ( Manbac , 100 ). Le plus rpandu d'entre eux est l'toile cinq branches. On la voit, par exemple, en 1 (en bas gauche), avec du texte entre ses branches : Allah , mim (lettre initiale pour Muhammad), habb (aim), magd (glorieux) et hfiz (conservateur), qui sont des noms d'Allah.

    Les sept signes groups renforcent les quatre coins du grand carr 2.

    On ne s'attardera donc pas sur les tableaux 6, 10 et 16, qui rpartissent les signes cabalistiques en sries de diagonales. Ces signes sont une sorte de passage oblig pour le rdacteur de talismans, peut-tre en raison mme du fait qu'ils sont incomprhensibles.

    1.4. Le carr magique La figure 7, partiellement dchire mais lisible sur l'original, est un carr magique 4 x

    4, le seul parmi tous les tableaux chiffrs de la tunique. Le voici :

    860 5863 5868 853 5867 854 859 5864 855 5870 5861 858 5862 857 856 5869

    Il s'agit en ralit d'une seule suite allant de 853 870 (sauf 865 et 866) et augmente de 5000 partir de 861, ce qui donne au graphisme cette allure alternante entre les deux

    premiers chiffres 85 - 58 (sauf 860) en lignes, colonnes et diagonales. Le total de concor- dance ( wafq , nom du carr magique en arabe) est de 13 444 ; nous ne lui avons pas trouv de sens particulier.

    1.5. Les textes

    Tous les textes intercals entre les figures sont des extraits coraniques. La rgle applique ici fait usage d'une juxtaposition de deux ou plusieurs segments coraniques provenant de sourates diffrentes. De ce point de vue les textes sont donc souvent composites.

    26. Sur les sept signes, voir ams I, p. 93 et Manbac, p. 100 et sq.

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  • 232 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    De mme, comme nous l'avons dj indiqu, les coupures opres dans les versets coraniques ne correspondent pas toujours aux divisions canoniques traditionnelles. Les prlvements ne visent que les parties lexicales en liaison de signification directe et si possible littrale avec les objectifs poursuivis par le talisman. Il y a donc une certaine violence faite la norme de la lecture coranique.

    Nous avons dj relev le mcanisme de rptition qui caractrise la structure talismanique. Elle se vrifie, combien, avec les textes coraniques que nous exposons ci- dessous. Nous indiquerons leurs localisations et leurs combinaisons travers des exemples.

    1.5.1. La ftiha La sourate qui ouvre le Coran a subi un traitement particulier, signe de son importance

    confirme par la tradition talismanique. Non seulement elle est intgralement transcrite (sept versets) mais elle a t tisse, si on peut dire, et forme la trame d'un tapis qui est le tableau 11 : ce sont mme trs exactement ses franges. Pratiquement, il y a un mot ou parfois moins

    par ligne (horizontale et verticale) et il y a trois lignes par carr externe du tableau. Ce

    procd suggre le fil d'une lettre tire sur ou sous la largeur du tableau. Le premier mot, al-hamdu, la gloire, donne ainsi :

    1 >

    1.5.2. Le verset du trne

    Autre texte tre recopi intgralement, le verset 255 de la sourate II. Ce verset trs

    talismanique est frquemment reproduit, quelle que soit la nature de la demande, puisqu'il traite de l'omnipotence d'Allh, reprsente par l'immensit de son trne ( kurs ). Nous avons vu que le nom d'Allh, al-hayy, le plus reproduit dans ce talisman, surtout sous sa forme chiffre, provient du dbut de ce verset : Allah, il n'y a pas de dieu en dehors de lui, le vivant (al-hayy), le permanent, [...] tout ce qui est dans les cieux et sur la terre lui appar- tient [...]. Exaltation donc et appel la toute-puissance d'Allh et sa nature vivante et vivifiante.

    Si l'on trouve l'intgralit du verset du trne en 16 (face, haut, droite), on s'aperoit qu' la dernire ligne le scripteur a ajout un fragment du verset 24 de la sourate XII, (Ysuf-Joseph) : Et effectivement elle le dsira et il la dsira. On comprend bien qu'il s'agit d'attirer l'amour sur le porteur du talisman mais le texte fait ici violence au contexte

    coranique. En effet, le verset continue normalement par s'il n'avait pas vu la manifestation de son matre ; autrement dit, il ne l'a pas dsire mais il l'aurait dsire si... Cette diffrence de sens est due au fait que la conjugaison arabe ne permet pas ici de distinguer le conditionnel en dehors de la suite du texte qui, pour cette raison, n'apparat pas dans le talisman. C'est l un exemple assez clair, nous semble-t-il, de cette autre faon de lire le Coran.

    Tout le verset du trne se retrouve encore en 10, c'est--dire au-dessus du tableau des

    signes cabalistiques, exactement comme en 16 (rptition de l'unit texte-tableau). Il y a une

    petite diffrence car ici la fin du verset est seulement suivie d'un nom d'Allh rpt deux fois : y habb, aim .

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 233

    La rptition de cette mme structure verset du trne-tableau signes cabalistiques se vrifie encore en 6. Le verset y est simplement suivi de Allah, conservateur, savant .

    En 2, il se retrouve intercal, dans sa totalit, entre deux passages coraniques diffrents. Le premier est tir de Coran, II, 67 : (C'est Ms-Mose qui parle) Allh vous ordonne d'gorger une vache. Ils rpondirent : te moques-tu de nous ? Il dit : qu'Allah m'pargne d'tre au nombre des ignorants (le rapport avec le talisman n'est pas explicite) ; le deuxime extrait, prcd de quelques noms d'Allah ( celui qui coute, le savant, l'inter- cesseur ) provient de Coran, CXII, 1-4 : Dis : Il est lui, Allh, unique, absolu, il n'a pas enfant et n'a pas t enfant, nul ne lui est gal. Y est ajout : Allh unique.

    Autre place logique du verset du trne : en 12, c'est--dire en dessous du tableau -tapis qui rpte le nom chiffr hayy prsent au dbut de ce verset. Nous avons attir plus haut l'attention sur cette liaison linguistique et formelle.

    1.5.3. Autres extraits coraniques D y a deux groupes de textes. Ceux qui sont destins provoquer l'attirance amoureuse

    et ceux qui sont destins l'obtention du pouvoir. Les deux sont-ils lis ? On pourrait le croire si on suit au pied de la lettre la prsentation de l'histoire de Ysuf-Joseph dans ce talisman, arriv son poste de grand trsorier cause de l'amour et du dsir qu'il a fait natre chez une femme.

    a) L'attirance amoureuse

    Le texte de Coran, XII, 24 : Et effectivement elle le dsira et il la dsira (cf. supra), est prsent aussi dans le tableau 15 (h.d. et b.g.), en association avec Coran, LV, 58, qui voque les hr (beauts) du Paradis : Elles seront comme le rubis et le corail. Il s'agit donc de l'amour et de l'attirance provoquer chez le porteur de la tunique talismanique. Dans le texte 15 correspondant au tableau, nous trouvons associes les trois rfrences coraniques sur l'attirance amoureuse. Voici l'intgralit de ce texte :

    Elles [les hr ] seront comme le rubis et le corail et effectivement elle le dsira et il la dsira et je t'ai envelopp d'un amour venant de moi et effectivement elle le dsira et il la dsira. Est intercal ici un autre texte, Coran, XVII, 70 : Vrai, nous avons annobli la descendance d'Adam, nous lui avons donn de quoi se transporter sur terre et sur mer, nous les avons combls des meilleures choses pour leur subsistance et nous leur avons donn la prsance sur la plupart de nos cratures. Puis le texte repart : Elles seront comme le rubis et le corail, elles seront comme le rubis et le corail...

    L'unit texte-tableau apparat clairement dans ce cas. Un dtail renforce cette constatation : un des noms d'Allh du tableau, y fdil, excellent , provient directe- ment de la terminologie du texte qu'on vient de lire (Coran, XVII, 70).

    b) L'ascension politique et sociale

    Le verset XVII, 70, avec son passage touchant la prsance des fils d'Adam sur la plupart des autres cratures forme, avec d'autres, des structures visant procurer le pouvoir.

    C'est le cas du texte 3, suivi et prcd de tableaux de noms d'Allh. Il commence par Coran, XII, 54-55, que nous avons prsent propos du texte 1 1 d'entre de la f'ida : Le

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  • 234 CONSTANT HAM S ET ALAIN EPELBOIN

    roi [Pharaon] dit : Amenez-le moi, je me charge moi-mme de son affaire [...]. Affecte-moi au Trsor du pays car j'ai la mmoire et la connaissance. Il est suivi sans interruption par vrai, nous avons annobli la descendance d'Adam [...], nous leur avons donn la prsance sur la plupart de nos cratures . Puis Coran, CXII (cf. supra ) : Dis : lui, Allah est unique, Allah l'absolu, il n'a pas enfant et n'a pas t enfant, nul n'est son gal. Effectivement, elle le dsira et il la dsira et je t'ai envelopp d'un amour venant de moi et effectivement elle [...], et je t'ai envelopp [...] aim. On voit dans cette unit textuelle, comme dans la prcdente, la runion des deux leitmotive du talisman : pouvoir et amour, l'un et l'autre, l'un par l'autre.

    Prenons encore un exemple propos du pouvoir, celui du texte 4 qui prcde le tableau de noms chiffrs d'Allh en diagonales. Il dbute par Coran, XVII, 70 : Vrai, nous avons annobli la descendance d'Adam [...]. Il continue, toujours sans interruption, par Allah, manifeste puis par Coran, III, 26 : Dis : Allah, tu es le possesseur du pouvoir ( mlik al-mulk), tu donnes le pouvoir qui tu veux et tu l'enlves qui tu veux. Tu fais dominer qui tu veux et se soumettre qui tu veux. C'est par ta main que se fait le bien, tu as dcret sur toute chose. Ce sont des bribes de ce dernier verset que l'on trouve dans le "tableau -kacba" n 9, dans la partie extrieure des quatre cercles, face aux quatre anges.

    Un dernier verset inaccoutum est associ Coran XVII, 70 (prsance de l'homme sur les cratures) dans le texte 17 prcdant l'autre "tableau -kacba". Il s'agit de Coran, II, 14 qui rappelle - cet endroit mais aussi dans le texte (final ?) en dessous de 12 : On a fait miroiter auprs des gens l'amour de ce qu'on dsire : les femmes, les enfants, les montagnes d'or et d'argent, les chevaux de marque et les terres cultives ; ce sont des biens passagers de la vie d'ici-bas ; auprs d'Allah la retraite est bonne.

    Cette citation, si elle n'est pas purement formelle, ce qu'elle ne semble pas, est inhabituelle et, tout prendre, anti-talismanique.

    1 .6. Conclusion sur la tunique talismanique D est difficile d'tre exhaustif en quelques pages sur un document de pareille ampleur.

    Nous avons plutt cherch le lire partir de ses procds constitutifs et de ses matriaux de base.

    Units textuelles extraites du Coran, noms d'Allh, alphabets chiffrs, signes "cabalistiques", ressources de la calligraphie arabe et d'une sorte d'enluminure gomtrique, contribuent, dans un enchevtrement structur et ordonn, marteler une demande d'ascension sociale, de pouvoir et d'attirance amoureuse. Pour ce faire, les textes, soigneu- sement choisis pour leur sens la fois littral et analogique, se juxtaposent, bousculent le Coran liturgique et vont jusqu' se transformer en tableaux et en chiffres. Et cette varit, cette profusion mme, sont paradoxalement traverses par un inlassable mcanisme de rptition, par une rcitation interminable parce que fige dans l'crit.

    Si on compare ce talisman aux traditions inities par al-Bn, il semble qu'il faille conclure une islamisation plus importante des contenus ; l'introduction de la figure et du nom de la kacba, l'importance accorde aux quatre califes, le dernier verset qu'on vient de rencontrer mais aussi l'absence de certains procds sont des indications qui vont dans ce

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 235

    sens. Mais il ne faut pas conclure trop vite car nous ignorons tout des consignes orales qui ont t donnes au porteur de la tunique.

    En ce qui concerne le port de la tunique, nos informateurs ouest-africains nous ont fourni un chantillon d'indications, variables selon leurs origines ethniques et selon leurs niveaux de savoir, tant en tradition crite qu'orale. Ainsi il a t fait mention de son usage pour un grad en mission au Liban ou par des gurisseurs serers l'occasion de grands rituels divinatoires impliquant l'avenir de la communaut villageoise. Elle a t perue en tant qu'instrument d'accession au pouvoir, passant par l'affection de tous, mais aussi en tant qu'armure absolue contre toute agression, physique ou spirituelle.

    2. LA CULOTTE D'HOMME

    Objet beaucoup plus insolite, la culotte ou caleon ne fait en effet pas partie des vtements talismaniques connus dans la littrature sur le monde musulman. Sa destination n'est donc pas vidente a priori alors que les tuniques visent la victoire au combat ou l'accession au pouvoir. Nanmoins, nos informateurs ont parl de la capture de l'amour d'une femme, de gain de cause dans un conflit et plus gnralement de satisfaction d'ambitions sociales.

    Il s'agit de deux pices de cotonnade d'abord crites puis cousues la machine et portes mme la peau (les critures l'intrieur ou l'extrieur ?) sous un pantalon. Nous constatons en bonne place une souillure fcale 27 qui explique, notre sens, son jetage aux ordures.

    Les procds utiliss par le scripteur ne diffrent pas foncirement des prcdents. On y trouvera plutt une accentuation de la rptition, quasi obsessionnelle, qui va jusqu' un nouveau type d'entorse faite au texte coranique.

    Voyons ces lments.

    2.1. D'abord y a-t-il une entre dans le talisman ? Oui, dans la mesure o le texte qui court, en deux parties, autour de la ceinture, malheureusement non visible en reproduction, comprend la formule de salutation sur le Prophte, sur sa famille, sur ses compagnons et le salut le plus complet . Le peu de visibilit du texte vient de ce que l'ourlet de la ceinture (idem pour les jambes) a t cousu aprs l'criture. La mme formule termine, comme on le verra, les deux textes rptitifs. Dans celui du bas, elle est suivie de ce qui pourrait tre un nom ou une signature (voir ct C) : Kawkn ou Kamk(n) ?

    2.2. Le texte qui court autour de la ceinture est constitu, d'un ct, par la sourate al-

    ftiha et de l'autre, par la sourate CVI, dite Les Quray.

    a) Chose trange, la ftiha est entrecoupe rgulirement par l'expression matresse du talisman, fi gdih, son cou [ elle] , qui provient de Coran, CXI, 5 (sourate de damnation d'un oncle du Prophte) : Il sera bientt jet dans un feu trs vif W ainsi que sa femme qui porte du bois (5) avec son cou une corde de fibre. Le cou est donc fminin et la corde symbolise, d'une faon ou d'une autre, l'enchanement, la servitude.

    27. Analyse bactriologique, service du cholra, Institut Pasteur, Paris.

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  • 236 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    On obtient alors une ftiha de ce type : [...] Guide-nous sur le chemin son cou de rectitude, le chemin de ceux son cou que tu as combls de bienfaits son cou et non de ceux qui se sont gars son cou. mn (= Amen). S'il manque deux mots du verset 6, le plus frappant reste ce parasitage de la sourate.

    b) L'autre sourate, intgralement reprise, est Coran, CVI : W Par le pacte des Quray (= tribu du Prophte) par leur pacte, la transhumance de l'hiver et de l't (3> qu'ils adorent le matre de cette maison (= la kb) W qui les a nourris en leur vitant la faim et leur a donn confiance face la peur ! Ce qui est vis ici tient probablement dans le sens du dernier verset.

    2.3. L'expression son cou est, elle seule, par sa rptition compulsive, la base de deux blocs de texte , au bas de la face A (texte horizontal) et en travers de la face B (texte vertical). Ces textes se terminent tous les deux par la formule de salutation sur le Prophte : Allhumma salii cal sayyidin Muhammad etc. Le bloc horizontal qui rpte 16 fois fi gidih est prcd d'un bismillh al-rahmn al-rahm, se conformant ainsi aux normes gazliennes, si on peut dire, en matire de prires de demande. Le bloc vertical comprend 24 rptitions de la mme expression. Quel sens trouver 16 et 24 ? Leur somme vaut 40, valeur de la lettre mm qui reprsente Muhammad. Ces nombres se retrouvent parmi d'autres dans les deux "tableaux-tapis" des cts.

    2.4. Le tableau ct D est form par l'tirement du nom mme d'Allh, en ligne et en colonne. Les nombres et les chiffres qui y sont inscrits posent des problmes d'interprtation. En voici la transcription :

    16 109 22 9 21 4 15 2 11 63 17 14 18 13 12 13

    Que peut-on y reconnatre ? Il y a les lments d'une suite de 11 18 mais les autres nombres ou chiffres empchent la construction d'un carr magique 28. Nous avons fait des recherches aussi sur la possibilit d'un texte coranique chiffr : sans succs. Pris isolment, 13 et 14 sont des noms d'Allh (ahad et wgid) et 109 correspond au total des trois lettres isoles (tsrn) qui dbutent les sourates 26 et 28 (pratique courante en talismanique ancienne). Le chiffre 2 correspond b, lettre initiale du Coran. C'est maigre ! Un peu mieux, les totaux

    marginaux :

    28. Un membre de l'I.F.E.A.D. suggre qu'il s'agirait bien d'un carr magique total constant de 66 = Allah, malheureusement dnatur par des erreurs de copiste en colonnes 2 et 4 o 109 devrait se lire 19, 4 se lire 10, 63 se lire 24, 2 se lire 20 et 13 se lire 23. Sans entrer dans le dtail des mcanismes d'criture ayant pu mener ces erreurs, si on les accepte, on aboutit au cam suivant :

    16 19 22 9 21 10 15 20 11 24 17 14 18 13 12 23

    La prsence quasi systmatique d"'erreurs" dans les carrs magiques, tant en dition savante qu'en pratique populaire, soulve un difficile problme de distinction ventuelle entre erreurs involontaires et volontaires.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 237

    1er ligne : 156 = qayym ("permanent"), nom d'Allh 4e ligne : 56 = mubdi' ("crateur") idem 1er colonne : 66 = Allah 3e colonne : 66 = Allh

    N. B. En ce qui concerne les noms d'Allah et autres, une erreur une unit prs change la signification du nombre et il n'y a pas, comme dans les carrs magiques, une logique interne qui puisse permettre de dceler ces erreurs.

    Le tableau-tapis ct C est intressant par sa trame, tisse par l'expression pour nous inconnue wa nur al-mutalsim et la lumire de "l'entalisman" (?). Le terme tilasm n'est pas du tout d'usage populaire en Afrique de l'Ouest et la forme lexicale prsente correspond un verbe du genre talsama ou autre qui n'est pas connu 29.

    Un lment chiffr attire l'attention, le nombre 5995, situ trs exactement au centre du tableau ; son total 28 quivaut, on le sait, hayy, le nom d'Allh, compagnon de celui de qayym dans le verset du trne. On y trouve le nom chiffr d'Allh lui-mme (66), les trois noms divins 88 = halm (patient), 80 = hasb (noble), 48 = mgid (glorieux). Les totaux

    marginaux, en dehors d'un 245 = ibrl (2e colonne), n'ont pas de sens apparent.

    2.5. Si les noms d'Allh hayy et qayym apparaissent sous forme chiffre dans les deux tableaux, cela peut tre mis en relation avec la prsence, ct du tableau-Allh, du verset du trne (Coran, n, 255) o ils figurent, ici, la 2e ligne. Le verset est suivi nouveau par ce nom ou signature Kawk (?).

    2.6. L figure (face B) en forme de carr draperie est dessine par l'tirement ondul du nom de Muhammad et le carr lui-mme par l'tirement d'un bismillh. Le rond central

    comprend les noms des deux anges Mik'il et ibrl et un hayy en 5995. Les quatre parties du carr contiennent la rptition d'un al-rahmn, suite partielle du bismillh. Les huit parties extrieures du carr sont ddies aux quatre anges, Muhammad et trois (?) de ses successeurs. Mik'il et cAl (bas), ibrl et Abu Bakr (gauche) puis cIzr'l et ? (haut) et Isrfl et Muhammad (droite).

    2.7. Les trois tableaux uniquement numriques sont des carrs magiques 4x4, contenant chacun quelques erreurs de copie (oubli de l'un ou l'autre chiffre) et, pour les deux tableaux sept chiffres, un dsordre d'criture qui requiert... de la patience ! Pour des raisons de place, nous n'en reproduisons qu'un, celui six chiffres, dont le wafq (total concordant) est gal 1 462 400, sans signification chiffre apparente.

    365 599 365 602 365 607 365 592 365 606 365 593 365 598 365 603 365 594 365 609 365 600 365 597 365 601 365 596 365 595 365 608

    C'est une suite presque complte de 592 609, manquent 604 et 605.

    29. Remarque de P. Lory : Nur pourrait peut-tre se lire nawwir, signifiant alors : Illumine l'homme protg par ce talisman.

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  • 238 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    2.8. Conclusion

    En dfinitive, la seule indication sur l'objectif du talisman-culotte rside dans le " son cou" (une corde), s'agissant d'une femme. Faut-il y voir un instrument de conqute sexuelle ? Il y a une demande adjacente, par la sourate CVI, pour viter la faim - demande prsente dans d'autres talismans ouest-africains - et pour ne pas connatre la peur. (Ce que pourrait contredire la souillure signale...). Sur le plan formel, on aura remarqu que l'criture et le trait sont moins contrls, moins finis peut-tre que ceux de la tunique.

    3. LE PAGNE FMININ

    Les informations recueillies sont ici encore divergentes. Les uns attribuent au pagne une fonction protectrice pour une "grande" femme commerante, d'autres font rfrence un mari parti depuis longtemps en voyage et qu'il s'agit de faire revenir.

    Sa structure est fort simple. Il comprend des tableaux chiffrs, des cercles en lignes concentriques crites avec Allah 30 et en leur centre des chiffres devant thoriquement correspondre des noms divins. Trois amulettes triangulaires gaines de tissu, deux rouges et une blanche, ont t cousues aprs l'criture du pagne. Elles sont disposes symtriquement sur une ligne horizontale dans le tableau constitu par les onze cercles rptant le nom d'Allah. Une navette tisser miniature 31 , bobine en peau de reptile, facilite le nouage du pagne la taille et reprsente en mme temps l'intrusion d'un objet non islamique, symboliquement valoris par la fonction du tissage dans les socits d'Afrique de l'Ouest. Cette navette miniature, usage fminin, se retrouve dans d'autres amulettes.

    Tout au long des tableaux chiffrs, eux-mmes parsems d' Allh , court une interminable rptition qui est extraite de Coran, LXXXVI, 8 : Oui, il [Allh] a le pouvoir de dcider de le [lui] faire revenir. L'exgse musulmane considre en gnral qu'il s'agit l d'une allusion au "retour" lors de la rsurrection. La destination de ce pagne pourrait tre alors le deuil. Mais nous savons que c'est l'interprtation littrale qui doit surtout tre prise en compte et, dans ce cas, il s'agirait bien plutt d'une pratique talismanique pour "faire revenir" un homme, au sens physique comme sentimental. Ce que les marabouts parisiens, dans leur publicit, appellent "retour d'affection".

    Derniers - et quasi invitables - ingrdients : les signes cabalistiques ponctuent cer- taines fins du verset rptitif. On les trouve aussi dans les tableaux o ils concurrencent parfois les chiffres et les remplacent partiellement. Il faut donc dire un mot des tableaux. Qu'ils se prsentent sous une forme 5x4 cases ou en figures gomtriques un peu plus libres, leur contenu comprend quatre lments :

    - Des nombres, dont environ la moiti correspond des noms d'Allah. Le carr central en guise d'cusson, dans certaines figures, correspond un peu plus souvent un nom d'Allah. Mais il faut bien constater que beaucoup de nombres ne correspondent rien d'tabli. Remarque qu'on peut gnraliser l'ensemble des trois vtements, hormis le cas des carrs magiques qui sont cohrents une ou deux petites erreurs prs.

    - Le nom d'Allah lui-mme, en lettres ordinaires

    30. Sur le cercle contenant le nom d'Allah, voir al-Bni, ams, IV, p. 424. 31. Bois Erythrophloeum species (A. Plu, Museum d'Histoire Naturelle).

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 239

    - Les signes cabalistiques - Le texte du verset du "retour" qui remplit une case d'un des tableaux.

    Les trois amulettes triangulaires enveloppes dans du tissu rouge qui forment le centre de deux cercles Allah n'ont pas t ouvertes pour ne pas endommager l'habit.

    Conclusion

    La facture du pagne-talisman est simple. Le nom d'Allah formant des cercles, des tableaux de chiffres plus ou moins prcis, une expression coranique sur le retour dsir d'un homme et cela suffit. L'lment intressant rside bien dans le voisinage de ce procd islamique avec celui, plus autochtone, de la petite navette "magique" rattache au pagne.

    CONCLUSION GNRALE

    Il a sembl intressant, en guise de conclusion, de s'interroger sur une question peu ou pas du tout traite : pourquoi et comment se dbarrasse-t-on d'un talisman ?

    Comment de tels objets, non seulement les "vtures" dcrites ci-dessus, mais les trs nombreux bracelets, ceintures, instruments de devins-gurisseurs, etc., peuvent-ils en aussi grande quantit aboutir la dcharge ordures ?

    Si l'on considre que l'agglomration urbaine de Dakar-Pikine-Guedjaway compte quelque deux millions d'individus et que, sans pouvoir avancer de chiffres prcis, on peut affirmer que bon nombre de ses habitants ont eu recours au moins une fois dans leur vie des amulettes, ne serait-ce que dans leur enfance, on peut comprendre que statistiquement un grand nombre d'objets soient mis au rebut, voire jets.

    Pourtant, qu'il soit d'inspiration "paenne" ou islamique, un objet rituel, un talisman personnel n'est gure ais liminer. Un objet contenant des fragments du texte sacr ne peut en thorie tre dtruit que selon des rituels prdtermins.

    Les informations recueillies sur le devenir des amulettes aprs la mort de leur propritaire sont contradictoires : don du vivant du dfunt, partage entre les hritiers, mise au rebut, jetage ou destruction ; enterrement autonome ou avec la dpouille mortelle. Ce demier point est rfut par certains informateurs au nom des rgles islamiques ordonnant le rituel mortuaire.

    Certains objets sont prescrits pour une action dtermine dans un temps limit au terme duquel leur action s'puise. Le temps peut tre chiffr prcisment, notamment par rapport aux effets escompts, ou dtermin par l'usure matrielle de l'objet. C'est le cas lorsque des critures ont t altres (une des explications possibles du jetage de la tunique). Ils perdent alors leur pouvoir. Parfois le prescripteur indique trs prcisment la faon de s'en dbarrasser : n'importe o, derrire soi, dans la rue, aprs ventuellement une prire muette ; dans la mer en gnral et en particulier dans des lieux habits par les esprits tutlaires du Cap Vert ; dans le fond d'une benne ordures distante de la maison. Dans certains cas, il est indiqu de l'enterrer en un lieu prcis, souvent en rapport avec l'habitat de la personne vise. Comme tout dchet corporel, l'amulette perdue, jete ou abandonne, peut

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  • 240 CONSTANT HAMS ET ALAIN EPELBOIN

    fantasmagoriquement et potentiellement faire l'objet de manipulations malfiques annulant son pouvoir ou le retournant contre son propritaire.

    L'amulette tmoin des origines et des croyances de son porteur peut au cours de la vie devenir caduque. Elle peut tre remplace par une autre plus actualise par rapport aux croyances et aux vnements vcus par l'individu. Certains renoncent en porter soit au nom d'une modernit urbaine, soit du fait de l'adhsion un islam interdisant le port de tels objets. Mais ainsi que le dit J. Favret-Saada 32 propos de la sorcellerie dans le Perche franais : [...] la sorcellerie [...] il faut tre pris pour y croire. Lorsque la maladie, l'infortune, le malheur s'accumulent, les itinraires diagnostiques et thrapeutiques finissent par emprunter tous les recours possibles, souvent contradictoires avec des convictions antrieures.

    Les alas de la vie, maladie, malheur, "malchance" ou au contraire de nouvelles ambitions, prives ou professionnelles, peuvent amener un individu soit recourir nouveau l'usage de talismans, soit complter ses prcdentes amulettes. Le nouveau prescripteur peut trier les anciennes amulettes et ordonner la destruction de certaines d'entre elles, ce qui explique que l'on retrouve parfois la dcharge des objets exceptionnels, parfois des lots d'amulettes complets, comprenant diffrents bracelets, ceintures et "colliers" ayant appartenu une mme personne. Il arrive que des devins-gurisseurs itinrants soient amens dmnager prcipitamment en raison de la vindicte de clients mcontents ou abuss : leur stock d'objets rituels est alors retrouv regroup la dcharge, comprenant des amulettes neuves parfois en cours de finition. Une amulette peut tre gte parce que son propri- taire n'a pas respect des rgles plus ou moins clairement exprimes par le prescripteur : abstinence sexuelle, interdits alimentaires, vitement du pitinement du lieu d'gorgement non islamique d'un animal, offrandes rituelles, sadaqa, etc. Les interdits relatifs la promiscuit avec une femme ayant ses rgles reviennent rgulirement et transcendent les cultures.

    Dans ces socits marques par la prgnance de l'islam, l'usage des amulettes islamo- africaines implique le respect des rgles islamiques relatives aux concepts de souillure et de puret (cf. la culotte-caleon).

    Bien souvent les amulettes "gtes", "dchues" ne sont pas directement jetes mais mises au rebut et "oublies" dans un coin de la maison, de mme que des amulettes en attente de

    prparation ou de rparation par un cordonnier. En milieu urbain, les dmnagements sont

    frquents : les nouveaux arrivants n'ont rien de plus press que de se dbarrasser des amulettes "oublies" par les prcdents occupants, aprs les avoir ventuellement soumises

    l'expertise d'un individu connaisseur afin de ne pas risquer d'ennuis leur contact. Une ceinture, un collier, un objet suspendu peuvent se dtacher ou se casser l'insu de

    son propritaire lors d'un dplacement et tomber par terre. Manipuler une amulette inconnue n'est pas un acte anodin : elle peut tre encore charge de son pouvoir et nfaste pour quelqu'un d'autre que son propritaire ; elle peut avoir t abandonne volontairement afin de dtourner sur un tiers l'agression dont elle est porteuse.

    Il est mal vu de se saisir d'une amulette trouve par terre dans l'espace de la ville, car ceci risque de vous dsigner comme un "malfaisant" potentiel. Aussi, une amulette tombe

    32. J. Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage, NRF Gallimard, Bibliothque des sciences humaines, 1977, 332 pages.

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  • TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL 241

    dans la rue sera peu peu repousse jusque dans une aire de dchets informelle de quartier ou dans une benne ordures.

    [...] Le dchet est source d'information directe, c'est un indicateur objectif d'actions conomiques et de comportements sociaux rels, individuels et collectifs. Il rvle des attitudes fondamentales et des motivations dpourvues de dissimulation, la diffrence de certains gestes sociaux essentiellement figuratifs ou simuls. 33

    Le talisman, mmoire d'vnements heureux ou malheureux, finit par s'intgrer au schma corporel et mental de son dtenteur et son absence est perue comme un manque, voire comme une amputation, un augure ngatif. Parfois aussi, sa disparition peut, telle une mue, tre libratrice. Ceci explique qu'il puisse, tel un dchet vulgaire, aboutir la dcharge ordures d'une grande ville africaine.

    33. Jean Gouhier, Rudologie, science de la poubelle , Univ. du Maine, Cahiers du GEDbO, n 1, p. 76.

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    Article Contentsp. [217]p. 218p. 219p. 220[unnumbered][unnumbered][unnumbered][unnumbered]p. 221p. 222p. 223p. 224p. 225p. 226p. 227p. 228p. 229p. 230p. 231p. 232p. 233p. 234p. 235p. 236p. 237p. 238p. 239p. 240p. 241

    Issue Table of ContentsBulletin d'tudes orientales, Vol. 44 (1992) pp. 1-241Front MatterPRFACE [pp. 9-10]AVANT-PROPOS [pp. 11-17]L'ISLAM HISTORIQUE ET LES SCIENCES OCCULTES [pp. 19-32]LA CONNAISSANCE DE L'INCONNAISSABLE ET L'OBTENTION DE L'MPOSSIBLE: DANS LA PENSE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM [pp. 33-44]THE ROLE OF THE ASTROLOGER IN MEDIEVAL ISLAMIC SOCIETY [pp. 45-67]ASTRES ET ASTROLOGIE CHEZ IBN AL-QALNIS [pp. 69-77]NOTE SUR LES SCIENCES OCCULTES VUES PAR LA SOCIT DAMASCAINE: DEPUIS LE MILIEU DU VIe/XIIe SICLE JUSQU' LA FIN DU VIIe/XIIIe SICLE [pp. 79-81]LES REMPARTS ET LA LOI, LES TALISMANS ET LES SAINTS: LA PROTECTION DE LA VILLE DANS LES SOURCES MUSULMANES MDIVALES [pp. 83-104]AL-ABARON THE PRAYERS TO THE PLANETS [pp. 105-117]THE CHAPTER ON DEATH-PREDICTION (QA /QU) FROM THE KITB FARA AL-MAHMM BY IBN WS [pp. 119-125]LA DTERMINATION ASTRALE DE L'VOLUTION SELON LES FRRES DE LA PURET [pp. 127-146]LA MAGIE CHEZ LES IWN AL-AF [pp. 147-159]LE POINT ET LA LIGNE: Explication de la Basmala par la science des lettres chez Abd al-Karm al-l(m. 826 h.) [pp. 161-190]L'SOTRISME MUSULMAN DANS LE SOUS-CONTINENT INDO-PAKISTANAIS: UN POINT DE VUE ETHNOLOGIQUE [pp. 191-209]UN DOMAINE MCONNU: LES CRITS OCCULTES EN PERSAN [pp. 211-215]TROIS VTEMENTS TALISMANIQUES PROVENANT DU SNGAL (DCHARGE DE DAKAR-PIKINE) [pp. 217-241]Back Matter