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ÉCONOMIE POPULAIRE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ : LENTREPRENARIAT COMMUNAUTAIRE DANS LA VILLE DE SAINT-LOUIS (SÉNÉGAL) Sambou Ndiaye Sous la direction de Benoît Lévesque Et la co-direction de Louis Favreau NOTE SUR L'AUTEUR : Sambou Ndiaye a été doctorant en sociologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et stagiaire doctorant à la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités de l’Université du Québec en Outaouais. Il est présentement professeur de sociologie à l'Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal. NOTE SUR LE DIRECTEUR : Benoît Lévesque, professeur au département de sociologie de l’UQAM, directeur du Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES), co-directeur de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) sur l’économie sociale et membre de l’équipe ESSBE. NOTE SUR LE CO-DIRECTEUR : Louis Favreau, sociologue et professeur au département de travail social et des sciences sociales et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités de l'Université du Québec en Outaouais. PUBLICATION DE LA CHAIRE DE RECHERCHE DU CANADA EN DÉVELOPPEMENT DES COLLECTIVITÉS (CRDC) SÉRIE : Thèses de doctorat, no.1 ISBN : 978-2-89251-328-8 AOÛT 2007

TD.1 - 17$497004/... · 2019. 5. 31. · 1.3.5 L’entrepreneuriat communautaire au Sénégal..... 67 1.3.5.1. Processus de transformation du mouvement ... 2.1.2.4. La dimension socio-politique

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  • ÉCONOMIE POPULAIRE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ :

    L’ENTREPRENARIAT COMMUNAUTAIRE DANS LA VILLE DE SAINT-LOUIS (SÉNÉGAL)

    Sambou Ndiaye Sous la direction de Benoît Lévesque Et la co-direction de Louis Favreau

    NOTE SUR L'AUTEUR : Sambou Ndiaye a été doctorant en sociologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et stagiaire doctorant à la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités de l’Université du Québec en Outaouais. Il est présentement professeur de sociologie à l'Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal. NOTE SUR LE DIRECTEUR : Benoît Lévesque, professeur au département de sociologie de l’UQAM, directeur du Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES), co-directeur de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) sur l’économie sociale et membre de l’équipe ESSBE. NOTE SUR LE CO-DIRECTEUR : Louis Favreau, sociologue et professeur au département de travail social et des sciences sociales et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités de l'Université du Québec en Outaouais.

    PPUUBBLLIICCAATTIIOONN DDEE LLAA CCHHAAIIRREE DDEE RREECCHHEERRCCHHEE DDUU CCAANNAADDAA EENN DDÉÉVVEELLOOPPPPEEMMEENNTT DDEESS CCOOLLLLEECCTTIIVVIITTÉÉSS ((CCRRDDCC))

    SSÉÉRRIIEE :: TThhèèsseess ddee ddooccttoorraatt,, nnoo..11

    IISSBBNN :: 997788--22--8899225511--332288--88

    AAOOÛÛTT 22000077

  • RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS

    A mes parents, Assane Ndiaye et Coumba Diallo: que ce modeste travail soit à la hauteur de tant

    d'efforts et de sacrifices consentis pour mon éducation;

    A ma femme, Fatou Awa Diop, pour m’avoir tant soutenu et attendu avec dignité, ainsi qu’à nos

    enfants Khalifa Ababacar Ndiaye et Pape Assane Ndiaye;

    A mes frères et sœurs : Mouhamed, Aboubakrine, Ndeye Khady, Ousmane et Alioune;

    A mon directeur et à mon co-directeur de thèse, Benoît Lévesque et Louis Favreau, pour leur

    support et la grande qualité de leur encadrement;

    A l’Association des Universités Africaines, à la Fondation Ford, à la CRDC, au CRISES, à

    l’ARUC-ÉS et au département de sociologie de l’UQAM pour le soutien apporté à la réalisation

    de cette recherche;

    Aux responsables et membres des organisations étudiées dans la ville de Saint-Louis pour leur

    collaboration active durant la collecte de données : ADC, ADD, CECAS, GIE CETOM de Léona,

    GIE Djambarou Sine, MEC SJN ;

    A la famille de El Hadji Dieng et de Madina Tall pour leur sollicitude;

    A mon ami Amady Diallo et à tous mes amis de Saint-Louis ;

    Aux collègues et amis pour leurs remarques pertinentes tout au long de la rédaction,

    particulièrement: Fontan, Racine, Nadia, Émile, Mouhamed, Sébastien, Denis et Odette;

    Aux frères de la dahira Soope Cheikh (RTA) de Eaux-Claires et de la dahira tidiane de Montréal

    A tous les amis du Sénégal et du Canada pour leurs encouragements.

  • TTAABBLLEE DDEESS MMAATTIIÈÈRREESS

    LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES .................................................................. 6 LISTE DES TABLEAUX................................................................................................... 6 LISTE DES FIGURES ....................................................................................................... 9 SIGLES ET ABREVIATIONS .........................................................................................10 LISTE DES ANNEXES ................................................................................................... 14

    Résumé.......................................................................................................................... 15

    INTRODUCTION ............................................................................................................ 17

    PREMIÉRE PARTIE........................................................................................................ 25 CONTEXTUALISATION SOCIO-HISTORIQUE ET THÉORIQUE............................ 25

    CHAPITRE I................................................................................................................. 26 CONTEXTUALISATION SOCIO-HISTORIQUE DU SÉNÉGAL ........................... 26

    1.1. Portrait du Sénégal ............................................................................................. 26 1.2. Crise des stratégies de développement et des modalités de gestion publique : 1960-2004 ................................................................................................................. 32

    1.2.1 Le modèle populiste- nationaliste : 1960-1979............................................ 33 1.2.2 Les Programmes d’ajustement structurel et le «Moins d’État, mieux d’État» : 1979-fin des années 1990....................................................................... 34 1.2.3. Années 2000 : les politiques de lutte contre la pauvreté............................. 37

    1.3. Les dynamiques émergentes du Sénégal contemporain..................................... 45 1.3.1 : Les collectivités locales : les processus de développement local .............. 45

    1.3.1.1 : La décentralisation au Sénégal ....................................................... 45 1.3.1.2 : L’expérience de développement local de la ville de Saint- Louis .. 49

    1.3.2 : La société civile ......................................................................................... 57 1.3.3. Le secteur informel ..................................................................................... 61 1.3.4. Les petites et moyennes entreprises/ les moyennes et petites entreprises .. 64 1.3.5 L’entrepreneuriat communautaire au Sénégal ............................................ 67

    1.3.5.1. Processus de transformation du mouvement communautaire sénégalais ...................................................................................................... 67 1.3.5.1.1. Société traditionnelle et mouvement communautaire................... 68 1.3.5.1.2. Période coloniale et mouvement communautaire ......................... 69 1.3.5.1.3. Le mouvement communautaire et la construction d’une nouvelle Nation: 1960-1970 ........................................................................................ 70 1.3.5.1.4. Le mouvement communautaire et la crise des années 1980 ......... 71 1.3.5.1.5. La fin des années 1990 : mouvance entrepreneuriale et diffusion de l’entrepreneuriat communautaire .................................................................. 73 1.3.5.2. Profil et Enjeux de l’entrepreneuriat communautaire sénégalais .... 79 Conclusion .................................................................................................... 85

    CHAPITRE II ............................................................................................................... 87 LA CONSTRUCTION THÉORIQUE DE L’ENTREPRENEURIAT COMMUNAUTAIRE................................................................................................... 87

    2.1. Autre approche de l’économie : l’éclairage de la sociologie économique ........ 88

  • 2.1.1 Les sources d’inspiration ............................................................................. 88 2.1.1.1. Le paradigme de l’action sociale chez Weber ................................ 89 2.1.1.2. L’éclairage du courant institutionnaliste.......................................... 92 2.1.1.3. Les trois étages de l’économie chez Braudel ................................... 95 2.1.1.4. Les quatre principes de l’activité économique chez Polanyi ........... 96 2.1.1.5. L’encastrement social de l’économie chez Granovetter .................. 97

    2.1.2 Le courant de l’économie sociale et solidaire........................................... 100 2.1.2.1. Les contours de l’économie sociale et solidaire ............................ 100 2.1.2.2. La dimension organisationnelle ..................................................... 102 2.1.2.3 La dimension socio-économique de l’entrepreneuriat communautaire............................................................................................ 106 2.1.2.4. La dimension socio-politique......................................................... 109 2.1.2.5 : Analyse critique du courant d’économie sociale et solidaire ....... 110

    2.1.3. L’éclairage de l’économie populaire ........................................................ 114 2.2. Autre approche du développement : la perspective du développement local .. 121

    2.2.1. Spécification du développement local ...................................................... 122 2.2.1.1. Rapport aux théories du développement : modernisation, dépendance, développement endogène....................................................... 122 2.2.1.2. La perspective du développement local ......................................... 124

    2.2.2. Le développement local : Les repères socio-territoriaux de l’entrepreneuriat communautaire.................................................................................................... 128

    2.2.2.1. Un ancrage territorial porteur d’innovations socio-territoriales .... 129 2.2.2.2. Rapport aux nouveaux mouvements sociaux................................. 131 2.2.2.3. La question de l’interface entre pouvoirs publics et organisations communautaires .......................................................................................... 134 2.2.2.4 : La perspective de la gouvernance territoriale ............................... 137

    2.3. Autre approche de l’entrepreneuriat ................................................................ 143 2.3.1 : Etat de la recherche sur l’entrepreneuriat ................................................ 143

    2.3.1.1 : Historique du concept d’entrepreneur........................................... 143 2.3.1.2. Les approches de l’entrepreneuriat ................................................ 147 2.3.1.2.1. L’approche économique ou fonctionnelle .................................. 148 2.3.1.2.2. L’approche sur les individus....................................................... 149 2.3.1.2.3. L’approche processuelle ............................................................. 149 2.3.1.3. Les bases du paradigme émergent ................................................. 150 2.3.1.4 : Analyse critique ............................................................................ 152

    2.3.2. Caractérisation de l’entrepreneuriat africain............................................. 154 2.3.2.1. Historicisation du fait entrepreneurial africain .............................. 154 2.3.2.2. Caractérisation du fait entrepreneurial africain.............................. 159 2.3.2.3. Analyse critique ............................................................................. 167

    DEUXIÉME PARTIE..................................................................................................... 174 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ......................................................................... 174

    CHAPITRE III ............................................................................................................ 175 PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE ET MÉTHODOLOGIE............................. 175

    3.1. Problématique de recherche............................................................................. 175 3.1.1 Éclairage conceptuel .................................................................................. 175

  • 3.1.1.1 Entrepreneuriat communautaire..................................................... 175 3.1.1.2 Économie populaire ........................................................................ 177 3.1.1.3 Développement local ..................................................................... 178 3.1.1.3 Innovations socio-territoriales ....................................................... 179

    3.1.2. Problème de recherche.............................................................................. 181 3.1.3. Question et objectifs de recherche ............................................................ 184 3.1.4. Hypothèse de recherche ............................................................................ 187

    3.2. Méthodologie de recherche.............................................................................. 188 3.2.1. Posture épistémologique ........................................................................... 188 3.2.2. Stratégie de recherche et cadre opératoire ................................................ 191

    Année création ............................................................................................................ 193 3.2.3. Techniques et outils d’enquête.................................................................. 199 3.2.4. Histoire de la collecte................................................................................ 200 3.2.5 Transcription et analyse des données de terrain ...................................... 207

    TROISIÉME PARTIE .................................................................................................... 209 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS DE TERRAIN.................................................. 209 Introduction..................................................................................................................... 210

    CHAPITRE IV............................................................................................................ 211 DU DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE À L’ENTREPRENEURIAT COMMUNAUTAIRE: L’EXPÉRIENCE DE L’ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE DIAMAGUÉNE (ADD).................................................... 211

    Introduction..................................................................................................................... 211 4.1. Conditions d’émergence et d’évolution de l’ADD .......................................... 212

    4.1.1. Principales étapes d’évolution de l’ADD ................................................. 212 4.1.1.1. 1993-1994 : Structuration d’une initiative populaire spontanée en une ADQ ..................................................................................................... 212 4.1.1.2. 1995-1999: L’expansion associative de l’ADD............................. 213 4.1.1.3. 2000-2004: Mouvance entrepreneuriale de l’ADD ....................... 215

    4.1.2. Quelques enseignements sur la dynamique évolutive de l’ADD.............. 216 4.2. Diagnostic organisationnel de l’ADD.............................................................. 218

    4.2.1. Mode d’organisation et de fonctionnement .............................................. 218 4.2.2. Gestion administrative et du personnel..................................................... 222 4.2.3. Membership .............................................................................................. 226 4.2.4. Vision stratégique ..................................................................................... 228

    4.3. Performance socio-économique....................................................................... 229 4.3.1. Les activités entrepreneuriales de l’ADD................................................. 229

    4.4. Rapport au développement local...................................................................... 237 4.4.1. Ancrage socio-territorial de l’ADD .......................................................... 237 4.4.2. Réseautage local........................................................................................ 240 4.4.3. Dynamique partenariale ............................................................................ 242

    4.4.3.1. Rapport aux collectivités locales ................................................... 242 4.4.3.2. Nature des relations avec ses partenaires....................................... 244

    Conclusion ...................................................................................................................... 246

  • CHAPITRE V ................................................................................................................. 209 MICRO FINANCE EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ: L’EXPÉRIENCE DE LA CAISSE D’ÉPARGNE ET DE CRÉDIT DES ARTISANS DE SAINT-LOUIS (CECAS)......................................................................................................................................... 249

    Introduction................................................................................................................. 249 5.1 Conditions d’émergence et d’évolution ............................................................ 251

    5.1.1. Historique de la Cecas .............................................................................. 251 5.1.2. Étapes d’évolution et état actuel de la CECAS......................................... 254

    5.2. Diagnostic organisationnel de la CECAS........................................................ 255 5.2.1. Mode d’organisation et de Fonctionnement ............................................. 255 5.2.2. Gestion administrative et du personnel..................................................... 260 5.2.3. Membership .............................................................................................. 263 5.2.4. Vision stratégique ..................................................................................... 265

    5.3. Performance socio-économique de la CECAS ................................................ 266 5.3.1 Évolution socio- économique ................................................................... 266 5.3.2 Analyse de la performance de la CECAS .................................................. 268

    5.4. Rapport au développement local...................................................................... 279 5.4.1. Ancrage socio-territorial de la CECAS..................................................... 279 5.4.2. Réseautage local........................................................................................ 280 5.4.3. Dynamique partenariale ............................................................................ 282

    5.4.3.1. Rapport aux collectivités locales ................................................... 282 5.4.3.2. Nature des relations avec ses partenaires ..................................... 283

    Conclusion ...................................................................................................................... 287

    CHAPITRE VI................................................................................................................ 289 L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ: L’EXPÉRIENCE DU GROUPEMENT D’INTÉRET ÉCONOMIQUE DJAMBAROU SINE DE GUET NDAR ................................................................................................. 289

    Introduction................................................................................................................. 289 6.1 Conditions d’émergence et d’évolution du GIE Djambarou Sine .................... 291

    6.1.1. Étapes d’évolution du GIE........................................................................ 291 6.1.2. Analyse de l’évolution du GIE ................................................................. 293

    6.2. Diagnostic organisationnel............................................................................... 295 6.2.1. Mode d’organisation et de fonctionnement .............................................. 295 6.2.2. Membership .............................................................................................. 298 6.2.3. Vision stratégique ..................................................................................... 301

    6.3. Performance socio-économique....................................................................... 302 6.3.1. Évolution socio-économique de la transformation : quantités et valeur commerciale........................................................................................................ 302 6.3.2. Nature et degré de performance du GIE Djambarou Sine ........................ 307

    6.3.2.1. Appui à l’éducation socio-économique des membres .................... 307 6.3.2.2. Appui au financement .................................................................... 310 6.3.2.3. Appui aux matériels ....................................................................... 313 6.3.2.4 : Appui à la commercialisation des produits de ses membres ........ 314

    6.3.3 Synthèse sur la performance socio-économique du GIE Djambarou Sine317 6.4. Rapport au développement local...................................................................... 320

    6.4.1. Ancrage socio-territorial du GIE .............................................................. 320

  • 6.4.2. Réseautage local........................................................................................ 321 6.4.3. Rapport aux partenaires au développement .............................................. 324 6.4.4. Rapport aux collectivités locales .............................................................. 325

    CHAPITRE VII .............................................................................................................. 289 CO-PRODUCTION DE SERVICES PUBLICS LOCAUX EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ: L’EXPÉRIENCE DU GIE CETOM DU QUARTIER DE LÉONA ..... 331 Introduction..................................................................................................................... 331

    7.1. Conditions d’émergence et d’évolution du GIE CETOM de Léona............... 333 7.2. Diagnostic organisationnel du GIE CETOM de Léona ................................... 337

    7.2.1 Mode d’organisation et de fonctionnement du GIE CETOM de Léona... 337 7.2.2 Gestion administrative ................................................................................... 338

    7.2.3 Membership ............................................................................................... 339 7.2.4 Vision stratégique ..................................................................................... 342

    7.3. Performance socio- économique du GIE CETOM de Léona .......................... 343 7.3.1. Évolution socio-économique .................................................................... 343 7.3.2. Performance du GIE CETOM de Léona................................................... 344

    7.4. Rapport au développement local...................................................................... 351 7.4.1 Ancrage socio-territorial du GIE CETOM de Léona................................. 351 7.4.2. Réseautage local........................................................................................ 352 7.4.3. Dynamique partenariale ............................................................................ 354

    7.4.3.1. Rapport aux collectivités locales ................................................... 355 7.4.3.2. Nature des relations avec ses partenaires....................................... 364

    Conclusion ...................................................................................................................... 366 Conclusion : Comparaison des études de cas ................................................................. 369

    CHAPITRE VIII ............................................................................................................. 289 CONCLUSION GÉNÉRALE : POTENTIEL INNOVATEUR ET ALTERNATIF DE L’ENTREPRENEURIAT COMMUNAUTAIRE EN CONTEXTE DE PRÉCARITÉ 377

    8.1 Potentiel innovateur de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité................................................................................................................................. 377 8.2 Potentiel alternatif de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité................................................................................................................................. 389 8.3. Retour aux théories et aux enjeux de l’entrepreneuriat communautaire.......... 398 8.4. Conditions d’expansion de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité................................................................................................................... 407

    BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................... 411 ANNEXES...................................................................................................... 440

  • LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES

    LISTE DES TABLEAUX

    No Tableau Titre

    No Tableau Titre

    1.1 : Portrait du Sénégal ......................................................................................... 28

    1.2: Incidence de la pauvreté et de l’inégalité au Sénégal..................................... 29

    1.3: Évolution du taux de croissance de l’économie sénégalaise.......................... 29

    1.4: Structure des branches d’activités en fonction du PIB (2000-2003).............. 30

    1.5: Le fardeau du service de la dette sénégalaise ................................................ 30

    1.6: Indicateurs sociaux du Sénégal (2001)........................................................... 31

    1.7: Les divers plans de stabilisation et d’ajustement de l’économie

    sénégalaise (1979-2000)................................................................................. 35

    1.8: Les compétences transférées aux collectivités locales

    par la loi no 96-07 du 22 mars 1996 .............................................................. 47

    1.9: Évolution de la population de Saint-Louis (1780-2000)................................ 50

    1.10: Principales étapes du processus de développement local

    de Saint-Louis : 1978-2001............................................................................ 53

    1.11: Caractéristiques majeures de l’expérience de développement

    local de la ville de Saint-Louis (Sénégal)....................................................... 55

    1.12: Processus d’évolution du mouvement communautaire sénégalais................. 68

    1.13: Profil typologique de l’entrepreneuriat communautaire ................................ 80

    2.1 : Éléments de différenciation entre économie néo-classique

    et sociologie économique............................................................................... 91

    2.2 : Quelques apports inspirés de la sociologie économique................................ 98

    2.3 : Tableau synthétique des approches en entrepreneuriat .................................. 150

    2.4 : Les approches de l’entrepreneuriat communautaire....................................... 171

    3.1: Présentation des types d’entrepreneuriat communautaire étudiés.................. 193

    3.2: Grille de collecte et d’analyse de données de

    l’entrepreneuriat communautaire ................................................................... 197

    3.3: Répartition des personnes interrogées durant la phase

    de collecte de données.................................................................................... 200

    4.1: Personnel de l’ADD ....................................................................................... 223

  • 4.2: Activités de la garderie «Fonk Sa Wajur» ..................................................... 230

    4.3: Effectif de la garderie «Fonk Sa Wajur»de 2001 à 2003 ............................... 230

    4.4: Bilan financier de la garderie «Fonk Sa Wajur»

    entre 2001 à 2002 (Fcfa) ................................................................................ 231

    4.5: Bilan financier du salon de Novembre 2003 à

    Août 2004 (en Fcfa) ....................................................................................... 232

    4.6: Apport de l’ADD dans la promotion de l’insertion

    socio-économique de ses membres ................................................................ 235

    4.7: Réseau partenarial de l’ADD ......................................................................... 245

    5.1: Fonctionnalité des organes de la CECAS ..................................................... 257

    5.2: Personnel de la CECAS ................................................................................. 260

    5.3: Évolution du membership de la Cecas de 1993 à 2002.................................. 263

    5.4: Évolution des principaux indicateurs de la CECAS

    en Fcfa de 1998 à 2002 .................................................................................. 267

    5.5: Lignes de crédit distribué par la CECAS entre 2001

    et 2002 (en Fcfa) ............................................................................................ 268

    5.6: Indicateurs de la seconde ligne de crédit du FPE/ BOAD

    à la CECAS (2002-2003) ............................................................................... 269

    5.7: Profil du secteur mutualiste au sein de la ville de Saint-Louis ...................... 271

    5.8: Tableau comparatif des bilans financiers 2001 et

    2002 (en Fcfa) ................................................................................................ 274

    5.9: Réseau partenarial de la CECAS.................................................................... 284

    5.10: Nature des relations entre les MEC et leurs partenaires................................. 286

    6.1: Répartition par classe d’âge des membres

    du GIE Djambarou Sine (2003) ..................................................................... 298

    6.2: Évolution des quantités de poissons transformés

    dans la ville de Saint-Louis ............................................................................ 303

    6.3: Évolution mensuelle de la transformation

    du poisson sur Sine de 2000 à 2002 ............................................................... 304

    6.4: Types de produits transformés sur Sine et zones de vente............................. 305

    6.5: Évolution de la valeur commerciale de la transformation des

    produits halieutiques sur Sine de 2000 à 2002............................................... 305

    6.6: Résultats financiers par types de produits transformés

    sur Sine en 2000............................................................................................. 306

  • 6.7: Décomposition des charges selon le type de produits

    transformés durant l’année 2000 (en Fcfa) .................................................... 306

    6.8: Sessions de formation des membres du GIE

    Djambarou Sine de 2000 à 2003 .................................................................... 307

    6.9: Crédits offerts par le GIE Djambarou Sine

    à ses membres depuis 1995............................................................................ 311

    6.10: Un système innovant de garantie solidaire .................................................... 312

    6.11: Réseau partenarial du GIE Djambarou Sine .................................................. 324

    7.1 : Identification des membres du GIE CETOM

    de Léona (année 2004) ................................................................................... 340

    7.2: Témoignage d’un prestataire du GIE CETOM de Léona............................... 341

    7.3: Résultats financiers du GIE CETOM de Léona

    en Fcfa de 2000 à 2002 .................................................................................. 343

    7.4: Comparaison des sources de financement du GIE CETOM

    de Léona......................................................................................................... 344

    7.5: Etat du recouvrement de la TOM par la Commune

    de Saint-Louis ................................................................................................ 345

    7.6: Salaires distribués par le GIE CETOM de Léona .......................................... 346

    7.7: L’impact des GIE CETOM dans les quartiers cibles ..................................... 347

    7.8: Décomposition des charges d’exploitation du GIE CETOM

    de Léona......................................................................................................... 349

    7.9: Comparaison des systèmes de gestion des OM.............................................. 355

    7.10: Architecture institutionnelle du système de gestion partagée

    des OM au sein de la ville de Saint-Louis...................................................... 356

    7.11: Évolution de la répartition du budget de nettoiement .................................... 361

    7.12: Réseau partenarial du GIE CETOM de Léona............................................... 365

    7.13: Fiche synoptique des types d’entrepreneuriat communautaire étudiés .......... 376

    8.1: Acteurs du développement territorial de Saint-Louis (2004)......................... 387

    8.2: Les divers lieux de planification du développement local à Saint-Louis....... 388

  • LISTE DES FIGURES

    No Figure Titre

    1.1 : Carte administrative du Sénégal..................................................................... . 27

    1.2 : Carte de la ville de Saint-Louis...................................................................... ..49

    2.1: Le quadrilatère coopératif de Desroches........................................................ .104

    2.2: Typologie des rapports État/Tiers secteur de Coston (1998) ......................... 136

    2.3: L’entrepreneuriat communautaire : une trilogie de sources théoriques ......... 169

    4.1: Organigramme de l’ADD............................................................................... 219

    5.1: Organigramme de la CECAS......................................................................... 257

  • SIGLES ET ABRÉVIATIONS

    ADC Agence de Développement Communal

    ADD Association pour le Développement de Diamaguéne

    ADM Agence de Développement Municipal

    ADQ Association de Développement de Quartier

    AFAC Association des Femmes d’Affaires et Commerçantes

    AFARD Association des Femmes Africaines pour la Recherche

    et le Développement

    AG Assemblée Générale

    AGETIP Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêts Publics

    ANAFA Association Nationale pour l'Alphabétisation et l'Éducation des Adultes

    ARD Agence Régionale de Développement

    ARUC-ÉS Alliance de Recherche Universités Communautés- Économie Sociale

    ASBEF Association Sénégalaise pour le Bien-Etre familial

    ASC Association Sportive et Culturelle

    BCEAO Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest

    BIT Bureau International du Travail

    BM Banque Mondiale

    BOAD Banque Ouest Africaine de Développement

    CA Conseil d’Administration

    CCIADL Cellule de Coordination, d’Information et d’Animation pour le

    Développement Local

    CECAS Caisse d’Épargne et de Crédit des Artisans de Saint-Louis

    CEMEA Centre d’Entraînement aux Méthodes de Pédagogie Active

    CETOM Collecte, Évacuation et Traitement des Ordures Ménagères

    CODESRIA Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales

    en Afrique

    CONACAP Conseil national pour la promotion des caisses populaires au Sénégal

    COSEF Conseil Sénégalais des Femmes

    CNCAS Caisse Nationale de Crédit Agricole

    CNUCED Nations Unies pour le Commerce et le Développement

    CRDC Chaire de Recherche en Développement des Collectivités

  • CRISES Centre de Recherche sur les Innovations Sociales dans l’Économie

    Sociale

    CSL Commune de Saint-Louis

    CSMO-ESAC Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’économie sociale et de l’action

    communautaire

    CST Conseil de la Science et de la Technologie

    CQ Conseil de quartier

    DPS Direction de la Prévision et de la Statistique

    DSRP Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

    ENDA ECOPOP Environnement et Développement du tiers monde. Économie Populaire.

    ENDA GRAF Environnement et Développement du tiers monde. Groupe Recherche

    Action Formation

    ENDA RUP Environnement et Développement du tiers monde. Relais pour le

    développement urbain participé.

    FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

    FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine

    FDL Fonds de Développement Local

    FMI Fonds Monétaire International

    FENAGIE Fédération Nationale des GIE de pêche

    FENATRAM Fédération Nationale des femmes Transformatrices et Micro mareyeuses

    du Sénégal

    FENU Fonds d’Équipement des Nations Unies

    FPE Fonds de Promotion Économique

    FEPRODES Fédération des Productrices du Delta

    GERES Groupe Énergies Renouvelables, Environnement et Solidarité

    GES Groupements Économiques du Sénégal

    GIE Groupement d’Intérêt Économique

    GIE CETOM Groupement d’Intérêt Économique Collecte, Évacuation et Traitement

    des Ordures Ménagères

    GIE PNC Groupement d’Intérêt Économique Programme de Nutrition

    Communautaire

    GPF Groupement de Promotion Féminine

    GRACE Groupe de Recherche et d’Action sur les Collectivités Éducatives

    GRET Groupe de Recherche et d’Échanges technologiques

  • LVIA Association Internationale des Volontaires Laïques

    MEC Mutuelle d’Épargne et de Crédit

    MEC SJN Mutuelle d’Épargne et de Crédit Suxxali Jiggénu Ndar

    MEF Ministère de l’Économie et des Finances

    MPE Moyennes Petites Entreprises

    NEPAD Nouveau Partenariat Pour le Développement de l’Afrique

    NPO Non profit organisation

    OCAAIS Organisation des Commerçants, Agriculteurs, Artisans et Industriels du

    Sénégal

    OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques

    OÉC Organisations Économiques Communautaires

    OIT Organisation Internationale du Travail

    OM Ordures Ménagères

    OMS Organisation Mondiale de la Santé

    ONG Organisation Non Gouvernementale

    ONUDI Organisme des Nations Unies pour le Développement Industriel

    OSP Organisation Socio-Professionnelle

    PARMEC Projet d’Assistance à la Réglementation des Mutuelles d’Épargne

    et de Crédit

    PAS Programme d’Ajustement Structurel

    PDC Programme de Développement Communal

    PDER Programme pour le Développement de l’Entrepreneuriat Régional

    PDM Partenariat pour le Développement Municipal

    PDQ Plan de Développement de Quartier

    PELCP Programme Élargi de Lutte Contre la Pauvreté

    PIB Produit Intérieur Brut

    PMA Pays les Moins Avancés

    PME Petites Moyennes Entreprises

    PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

    PPTE Pays Pauvres Très Endettés

    PRADEQ Programme de Renforcement et d’appui au Développement

    des Quartiers

    RADDHO Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme.

    RADI Réseau Africain pour le Développement Intégré

  • RASEF Réseau Africain pour le Soutien à l’Entrepreneuriat du Sénégal

    RIPESS Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire

    RISQ Réseau d’Investissement Social du Québec

    ROES Rassemblement des Opérateurs Économiques du Sénégal

    STM Services Techniques Municipaux

    TOM Taxe sur les Ordures Ménagères

    UEMOA Union Économique Monétaire Ouest Africaine

    UGB St-Louis Université Gaston Berger de Saint-Louis

    UNACOIS Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal

    UNACOIS/ DÉF Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal /

    Développement Économique et Financier

    UQAM Université du Québec à Montréal

    UQO Université du Québec en Outaouais

  • LISTE DES ANNEXES

    No Annexe Titre

    1: Questionnaire Équipe de gestion et leaders OÉC

    2: Leadership et groupe promoteur OÉC

    2. 1 Fiche d’identification Leadership

    2. 2 Fiche Age vent des promoteurs et/ ou des leaders

    3 : Guide d’entretien semi-structuré des leaders et des membres OÉC

    4 : Fiche d’informations spécifiques par organisation

    4.1 Fiche d’informations Djambarou Sine

    4.2 Fiche d’informations : GIE CETOM LÉONA

    4.3 Fiche d’informations : ADD

    4.4 Fiche d’informations CECAS

    5: Questionnaire membres Cecas

    6 : Fiche situation socio-économique des transformatrices membres de

    Djambarou Sine

    7 : Guide groupe focus OÉC

    8 : Listing des personnes enquêtées

  • Résumé

    L’objet de cette recherche doctorale porte sur la caractérisation de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité ainsi que sur l’analyse de son potentiel innovateur et alternatif. Le problème de recherche provient du constat relatif à la disjonction entre le milieu entrepreneurial et les dynamiques communautaires établie par les chercheurs, qu’accentue une conception héritée des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds réservant la création de richesses à l’État et/ou au marché. Tout se passe comme si l’entrepreneuriat communautaire, appréciable à travers la mouvance entrepreneuriale des associations ainsi que la floraison d’organisations communautaires à orientation économique, se réduisait aux stratégies de survie ou à l’éducation populaire alors que sa portée interroge les structures et modalités de régulation économique et politique. C’est cela qui justifie la pertinence de réaliser une recherche dans le but d’étudier si la portée de l’entrepreneuriat communautaire se limite aux stratégies de gestion de crise ou si par contre, elle augure d’une dynamique d’auto-promotion socio-économique expressive d’un positionnement plus marqué des acteurs sociaux dans le processus de création de richesses et de reconfiguration du mode de régulation. L’étude s’inspire d’un cadre théorique combinant trois approches novatrices, à savoir la sociologie économique, les théories du développement local ainsi qu’une nouvelle approche de l’entrepreneuriat, en vue de réaliser une recherche empirique portant sur quatre types d’entrepreneuriat communautaire parmi les plus significatifs en milieu urbain sénégalais, reflétant ses tendances lourdes ainsi que son hétérogénéité, à savoir : une mutuelle d’épargne et de crédit, une organisation socio-professionnelle de femmes transformatrices de poissons, un groupement d’intérêt économique de co-production de services publics locaux et enfin, une association de développement de quartier engagée dans une mouvance entrepreneuriale. Cette recherche empirique a été réalisée dans la ville de Saint-Louis du Sénégal qui est considérée comme un des laboratoires de développement local en Afrique de l’Ouest, du fait des initiatives innovatrices déployées à la fois par la Commune et par les organisations communautaires. L’hypothèse de recherche avance que l’entrepreneuriat communautaire informe des dynamiques d’auto-promotion socio-économique portées par les acteurs sociaux en vue de construire des innovations socio-territoriales mais qui, du fait de leur faible reconnaissance, de la situation de précarité ainsi que de la résistance d’un mode de régulation épuisé, ne peuvent suffire pour renouveler les modalités et structures de régulation économique et politique. Adoptant la perspective monographique et la stratégie des études de cas multiples imbriquant divers niveaux d’analyse, la recherche combine quatre dimensions d’analyse structurées autour de la perspective socio-territoriale, à savoir : le contexte d’émergence et d’évolution, la gouvernance organisationnelle, la performance socio-économique et enfin, le rapport au développement local. Une méthodologie à dominante qualitative est utilisée, mais qui s’appuie sur des outils quantitatifs, assurant en même temps, la triangulation des outils de recherche, des sources d’informations et des acteurs interrogés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des organisations étudiées. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette recherche. Les expériences étudiées révèlent comme déterminants à l’émergence de dynamiques d’entrepreneuriat communautaire, l’existence d’un terreau de vulnérabilité et de marginalisation concernant des acteurs sociaux, des territoires ou des secteurs d’activités, mais articulée à une dynamique communautaire endogène et autonome inscrite dans le système productif. Du point de vue organisationnel, l’entrepreneuriat communautaire démontre la labilité organisationnelle des acteurs sociaux mais également, sa difficulté à assurer une gouvernance organisationnelle équilibrée et cohérente entre sa base socio-communautaire et sa logique entrepreneuriale, ce qui questionne son originalité et son fonctionnement démocratique. Malgré la fragilité de sa base organisationnelle, l’entrepreneuriat

  • 16 communautaire démontre une performance socio-économique plurielle expressive de sa logique d’action écosociale. Cette performance peut s’apprécier à travers la détection et la systématisation de la demande sociale, la mobilisation et la production de ressources diverses en réponse à cette demande, la démocratisation de l’accès aux biens et services, l’expérimentation de modalités innovantes de production et de distribution de biens et services ou encore, ses effets générateurs en termes de revitalisation socio-territoriale et de reconfiguration de l’architecture institutionnelle locale. Toutefois, cette performance ne se vérifie pas dans la viabilité socio-économique de l’organisation, enchaînant ainsi l’entrepreneuriat communautaire plus dans une logique de génération de revenus que dans celle d’une économie productive. Enfin, sur le plan du développement local, la contribution de l’entrepreneuriat communautaire à la revitalisation socio-territoriale ne se vérifie pas dans sa position socio-politique encore marginale dans la vie publique locale, du fait de son faible positionnement dans la reconnaissance de ses innovations, de sa faible capacité d’influence sur les logiques d’action de ses partenaires, de sa difficulté à constituer un réseau de ses acteurs mais surtout, de la nature de ses relations avec les collectivités locales dominées par le non engagement, la compétition et la sous traitance au détriment du partenariat. Une telle situation est accentuée par une dynamique de gouvernance territoriale sélective et limitée qui a contribué à reconfigurer l’architecture institutionnelle locale mais sans la redéfinir, du fait des ambitions de repositionnement des collectivités locales ainsi que de la vulnérabilité des partenaires au développement à la logique de marché. Dans un tel contexte, les innovations construites de l’intérieur de l’entrepreneuriat communautaire ne sont ni assumées par les organisations, ni reconnues par les pouvoirs publics ainsi que par les partenaires au développement. C’est pourquoi, elles restent circonscrites à la dynamique elle-même en se confinant dans les interstices des structures et des modalités de régulation économique et politique existantes, ce qui ne garantit ni leur expansion, ni leur portée transformatrice. A ce titre, nos résultats de recherche confirment l’hypothèse de départ. Ils confirment que l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité dépasse un simple espace de cristallisation de la crise pour rendre compte de la diffusion des dynamiques d’auto-promotion socio-économique portées par les acteurs sociaux à la faveur de la crise et de l’épuisement du mode de régulation. De telles dynamiques constituent un espace de construction d’innovations socio-territoriales dont la portée questionne les modalités et structures de régulation politique et économique, à savoir la nature de l’État et des collectivités locales, les modalités de production/distribution de biens et services, la vision de l’économie, les stratégies de développement, la configuration de l’espace public, les modalités de gestion publique ou encore la place des acteurs sociaux dans le mode de régulation. Toutefois, du fait du contexte ambivalent du Sénégal contemporain, à l’instar de la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, évoluant entre mode de régulation épuisé mais résistant et prémisses de mutations mais peu systématisées et peu reconnues, l’entrepreneuriat communautaire ne dispose pas encore de conditions appropriées pour promouvoir son expansion ainsi que son potentiel innovateur et alternatif. C’est cela qui explique le fait qu’à défaut de se diffuser, de s’institutionnaliser ou d’accéder à des échelles supérieures, les innovations sociales construites au sein de l’entrepreneuriat communautaire créent leur propre système de régulation, ce qui par ailleurs les maintient dans la reproduction du système existant. C’est pourquoi, les conditions d’expansion de l’entrepreneuriat communautaire demeurent liées à la redéfinition de l’État et du mode de régulation dans une perspective plus internalisée. Mots clés : Sénégal- entrepreneuriat communautaire- entrepreneuriat africain- économie populaire- gouvernance locale- développement local- sociologie économique- innovations socio-territoriales- précarité.

  • 17

    INTRODUCTION

    L’objet de cette recherche doctorale porte sur la caractérisation de l’entrepreneuriat

    communautaire en contexte de précarité ainsi que sur l’analyse de son potentiel innovateur et

    alternatif. Cette étude est réalisée grâce à l’articulation d’un cadre théorique (combinant

    sociologie économique, théories du développement local ainsi que celles de l’entrepreneuriat)

    avec une recherche empirique portant sur des monographies d’entrepreneuriat communautaire

    réalisées dans la ville de Saint-Louis du Sénégal. Pays sahélien situé à l’Ouest de l’Afrique, le

    Sénégal se caractérise par un contexte ambivalent entre d’une part, une situation de précarité et la

    résistance d’un mode de régulation épuisé et d’autre part, le déploiement d’initiatives innovatrices

    portées par des acteurs émergents, mais peu étudiées pour analyser leur portée.

    Notre intérêt de recherche provient d’une double interrogation révélatrice de plusieurs

    types d’inconforts. D’abord, un inconfort concernant la description de la situation de l’Afrique,

    les explications avancées et enfin, les solutions préconisées. La description habituelle de

    l’Afrique présente un continent homogène traversé par des crises multiformes et profondes. Ce

    type de lecture de la réalité africaine ne pose pas seulement le problème lié à sa vision

    homogénéisante des cinquante deux pays africains, chacun étant traversé par une diversité

    d’ethnies, de groupes sociaux, de niveaux de développement, mais également, il demeure partiel

    et partial tant du point de vue méthodologique qu’épistémologique. D’une part, le fait de se

    limiter à une lecture en termes de crise néglige les initiatives émergentes, innovatrices ou

    porteuses d’alternatives portées par une multitude d’acteurs dont l’action ne se soumet pas à une

    logique de crise. Entre autres, on peut noter les initiatives provenant de groupes sociaux et

    d’individus (à travers les petites et moyennes entreprises, les initiatives économiques populaires,

    les micro entreprises familiales), de collectivités locales (processus de développement local), de

    la société civile, du secteur privé national (opérateurs économiques, réseaux d’opérateurs

    économiques, migrants internationaux) ou encore des États africains qui, à travers le NEPAD,

    cherchent à promouvoir un nouveau type de relations avec la communauté internationale. S’y

    ajoute le fait qu’à l’instar de certains pays africains, le Sénégal a repris avec la croissance depuis

    la fin des années 1980, avec un taux de croissance qui est passé de 2,18% en 1985 à 5% en 2001

    (PNUD, 2001). D’autre part, ce qui est décrit comme situation de crise en Afrique, a tellement

  • 18 duré qu’on se demanderait s’il ne s’agit pas d’une autre situation, révélatrice d’un autre cadre

    référentiel différent de celui structurant le type de lecture de la réalité africaine. Dans un tel cas,

    ce n’est pas l’Afrique qui est en crise, ce sont les outils de recherche, les approches

    méthodologiques ainsi que le type de lecture qui se montreraient incapables de prendre en charge

    la nature différentielle de la réalité africaine (Ndione, 1994). En tout état de cause, cette Afrique

    des statistiques internationales, des grandes institutions financières, de certaines ONG

    internationales et des médias notamment occidentaux, révèle l’Afrique officielle en tant que

    projet économique, politique et culturel lié à la «modernité dupe». Celle-ci est caractérisée par la

    prédominance de la rationalité technico-instrumentale et du marché, par un alignement sur des

    valeurs extérieures présentées comme universelles, bref par un «regard néo-modernisateur

    occidentalocentrique et économiciste» (Schwarz, 1983; Panhuys, 1996; Peemans, 1997;

    Latouche, 1998; Éla, 1998). Cette Afrique officielle est bien différente de l’autre Afrique en tant

    que projet de modernité construite de l’intérieur des communautés par divers types d’acteurs et

    ceci, malgré un contexte de mondialisation.

    Quant aux explications avancées et les solutions préconisées, elles apparaissent

    particulièrement dans les théories du développement, notamment dans celle de la modernisation

    et dans celle de la dépendance qui, en dehors de leurs limites spécifiques, partagent la même

    vision macro et économiciste. Inspirée par les idéologies évolutionniste et néo-libérale, la théorie

    de la modernisation analyse la situation de l’Afrique comme manifestant un retard à se hisser aux

    normes universelles de progrès que cristallise la civilisation occidentale. C’est pourquoi, sa

    proposition se limite à un programme de rattrapage en suivant les mêmes étapes de croissance.

    Quant à la théorie de la dépendance, son interprétation de la situation africaine comme un

    blocage, lié à l’exploitation de la périphérie par le centre à travers les mécanismes de l’échange

    inégal, demeure pertinente, mais pêche par les solutions proposées en termes de déconnexion et

    d’interventionnisme de l’État. C’est dire que ce sont l’extension de l’économie de marché et/ou

    l’interventionnisme de l’État qui sont souvent avancés comme solutions de crise, ignorant ainsi le

    premier développement (Favreau et Fréchette, 2002). Malgré les limites de ces deux théories, ce

    serait une impasse que de réduire le développement à une simple croyance occidentale (Rist,

    2001).

  • 19

    Le second niveau d’inconfort à la base de cette recherche doctorale provient de la difficulté

    à identifier et à analyser les initiatives dites de l’Afrique vivante, réelle ou d’en bas, le discours

    tombant souvent sous le coup de l’apologie et du populisme. C’est le cas par exemple du secteur

    informel présenté comme révélateur de «l’Afrique de bricolage» (Latouche, 1998) alors qu’il

    reste un mécanisme de survie qui ne se positionne guère par rapport au fonctionnement global du

    système. Mais cet inconfort concerne plus précisément l’interrogation d’une expérience militante,

    universitaire et professionnelle qui, durant plusieurs années, nous a permis de nous investir dans

    le milieu communautaire et dans celui du développement local. Il s’agit plus précisément d’un

    militantisme au sein de plusieurs types d’organisations communautaires de quartier et à l’échelle

    nationale, et d’une expérience universitaire correspondant à une dizaine d’années passées à

    l’Université Gaston Berger de Saint-Louis autour de champs de recherches comme le

    mouvement associatif, le développement local, l’étude de la pauvreté (Ndiaye, 1995 et 1997).

    Enfin, une expérience professionnelle comme chargé de programme de développement local à

    Saint-Louis1, nous a permis de nous investir dans l’appui à la structuration et au renforcement des

    dynamiques de quartier, favorisant du coup un contact permanent avec divers types d’acteurs

    engagés dans le développement territorial. Ce sont ces trois types d’expériences qui inspirent

    notre questionnement sur la portée des dynamiques communautaires.

    En effet, ces expériences renseignent sur le fait que le mouvement communautaire semble

    se positionner comme un régulateur de crises en s’activant comme un espace de mobilisation

    sociale, d’éducation populaire et de développement social, mais par contre, sa position dans le

    système de création de richesses ainsi que par rapport aux structures et modalités de régulation

    économique et politique reste marginale. Autrement dit, les réponses apportées par les

    organisations communautaires du reste assez dynamiques, semblent être en deçà des contraintes

    majeures que vivent leurs membres ou leur communauté, parce que reproduisant une position

    héritée des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds qui semble les ravaler aux stratégies de

    survie et de mobilisation sociale, c’est-à-dire en dehors du champ productif et du mode de

    régulation. La situation est d’autant plus délicate que la plupart des membres de ces organisations,

    en majorité des jeunes et des femmes, se mobilisent bénévolement pour réaliser des activités

    d’utilité publique qui, non seulement sont de faible envergure, mais également n’ont que peu

    1 Il s’agissait du Programme de Renforcement et d’Appui au Développement des Quartiers (PRADEQ). Voir le site de l’ADC : http://www.refer.sn/adcsaintlouisdusenegal/

    http://www.refer.sn/adcsaintlouisdusenegal/

  • 20 d’influence sur l’amélioration de leur situation socio-économique déjà assez précaire. La question

    n’est point de remettre en cause le bénévolat associatif, mais de questionner sa faible utilisation

    comme ressource ou comme facteur d’opportunités économiques permettant aux jeunes sans

    emploi d’y trouver des moyens d’assurer leur auto-promotion socio-économique. Il s’y ajoute

    qu’au niveau du milieu de la recherche et de l’appui au développement, cette vision du

    communautaire ravalé à la gestion du social ou situé hors du champ de production de l’historicité,

    reste volontairement ou involontairement peu questionnée, négligeant du coup la dimension

    socio-économique et socio-politique des organisations communautaires.

    Mais le problème réside dans le fait que cette vision n’arrive pas à saisir la portée de

    plusieurs types d’organisations qui, même s’ils restent inscrits dans le tissu communautaire,

    s’investissent dans le champ économique en vue d’assurer la promotion socio-économique de

    leurs membres ou celle de leur communauté. Autrement dit, l’entrepreneuriat communautaire,

    appréciable à travers la mouvance entrepreneuriale des associations ainsi que la floraison

    d’organisations communautaires à orientation économique, tarde à être systématisé comme

    champ de recherche spécifique, du fait de la disjonction entre le milieu entrepreneurial et les

    initiatives communautaires qu’accentue une conception héritée des pouvoirs publics et des

    bailleurs de fonds réservant la création de richesses à l’État et/ou au marché, tout en ravalant les

    dynamiques communautaires à l’éducation populaire et à la lutte contre la pauvreté.

    C’est ce problème de recherche structurant les divers inconforts signalés plus haut, qui

    inspire la toile de fond de cette recherche doctorale, visant à documenter les expériences

    d’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité dans le but d’interroger leurs

    caractéristiques mais également, leur potentiel innovateur et alternatif. Notre programme de

    recherche s’inscrit dans la posture épistémologique de l’Afrique qui se refait et non plus de

    l’Afrique qui se défait. Nous choissions de mettre l’accent sur les initiatives entrepreneuriales

    portées par des groupes sociaux et cherchant à assurer l’auto-promotion de leurs membres ou la

    promotion de leur communauté et dont les effets induits interrogent les structures et modalités de

    régulation économique et politique. A ce titre, notre question de recherche est la suivante :

    l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité relève-t-il des stratégies de gestion de

    crise déployées par des acteurs sociaux en situation de vulnérabilité ou par contre, augure-t-il

    d’une dynamique d’auto-promotion socio-économique expressive d’un positionnement plus

  • 21 marqué des acteurs sociaux dans le processus de création de richesses et de reconfiguration du

    mode de régulation ? L’enjeu d’un tel questionnement est de voir jusqu’où l’entrepreneuriat

    communautaire, qui relève de l’économie populaire soumise à une rationalité écosociale, dépasse

    la simple gestion de crises pour contribuer à la reconfiguration des structures et des modalités de

    création de richesses, de développement et de gestion publique. Dans ce cadre, le contexte du

    Sénégal contemporain semble particulièrement favorable pour étudier le processus de

    construction, de diffusion ou d’institutionnalisation d’innovations sociales concernant à la fois, la

    reconfiguration de l’architecture institutionnelle, des modalités de production et de distribution

    des richesses, des modalités de gestion publique, bref, la reconfiguration du mode de régulation.

    Ce sont tous ces éléments qui justifient la pertinence d’étudier l’entrepreneuriat communautaire

    pour voir s’il participe des dynamiques qui refont le Sénégal contemporain à la lumière des

    carences constatées dans le système actuel dominé par l’État, les bailleurs de fonds et le marché

    international. Il reste que notre immersion au Québec dans des structures de recherches orientées

    dans la capitalisation de l’économie sociale et solidaire (CRDC/UQO, CRISES, ARUC-

    ÉS/UQAM)2 dés l’entame de notre doctorat, nous a confirmé dans cette intuition, à savoir que le

    milieu communautaire pouvait bien constituer non plus seulement un rempart à la pauvreté, mais

    également un espace de construction d’innovations interrogeant à la fois la vision de l’économie,

    les modalités de création de richesses ou encore, les stratégies de développement et de gestion

    publique.

    Notre recherche part de l’hypothèse selon laquelle, loin de se réduire aux stratégies de

    survie, l’entrepreneuriat communautaire constitue un acteur et un espace de construction

    d’innovations fortement médiatisées par son ancrage socio-territorial et pouvant avoir des effets

    sur la reconfiguration du territoire, tant du point de vue économique que socio-politique.

    Toutefois, du fait du contexte ambivalent du Sénégal contemporain, les innovations socio-

    territoriales dont est porteur l’entrepreneuriat communautaire ne peuvent suffire pour renouveler

    les modalités et structures de régulation économique et politique.

    2Voir sites : www.uqo.ca/crdc-geris/crdc ;www.crises.uqam.ca; www.aruc-es.uqam.ca

  • 22

    Pour faire face à une telle visée mettant en perspective initiatives économiques

    communautaires et reconfiguration du mode de régulation, nous avons choisi de prendre comme

    zone d’ancrage la ville de Saint-Louis du Sénégal. L’intérêt d’étudier la portée de

    l’entrepreneuriat communautaire dans cette ville historique de 160 000 habitants, réside dans le

    statut de laboratoire du développement local conféré à Saint-Louis, du fait de sa dynamique de

    revitalisation socio-territoriale et de promotion de la gouvernance locale, expressive par ailleurs

    de dynamiques que de plus en plus de collectivités locales urbaines d’Afrique de l’Ouest

    déploient en vue de jeter les bases d’un mode de régulation territorialisé. Adoptant la perspective

    monographique, la recherche empirique a porté sur quatre monographies organisationnelles

    d’entrepreneuriat communautaire choisi parmi les plus significatifs en milieu urbain, à savoir :

    une mutuelle d’épargne et de crédit, une organisation socio-professionnelle de femmes

    transformatrices de poissons, un groupement d’intérêt économique de co-production de services

    publics locaux et enfin, une association de développement de quartier engagée dans une

    mouvance entrepreneuriale. La stratégie des études de cas multiples imbriquant divers niveaux

    d’analyse a permis de combiner quatre dimensions d’analyse structurées autour de la perspective

    socio-territoriale, à savoir : le contexte d’émergence et d’évolution, la gouvernance

    organisationnelle, la performance socio-économique et enfin, le rapport au développement local.

    Une méthodologie à dominante qualitative est utilisée, mais qui s’appuie également, sur des outils

    quantitatifs. L’étude de terrain qui a duré plus de six mois en deux phases distinctes, a permis

    d’interroger une centaine de personnes issues des quatre types d’entrepreneuriat ainsi que

    d’institutions, d’organismes, d’organisations et de personnes-ressources parties prenantes.

    L’exploitation de ces données de terrain corrélées aux résultats de recherche théorique, constitue

    la base de ce document.

    Notre programme de recherche se structure autour de trois grandes parties. La première

    partie présente la contextualisation socio-historique et théorique. La contextualisation socio-

    historique, part du portrait du Sénégal contemporain pour remonter aux mécanismes à la base de

    la situation de précarité, en procédant à une archéologie des stratégies de développement et de

    gestion publique mises en oeuvres depuis l’indépendance (1960-2004). Mais conformément à

    notre position épistémologique, une telle présentation sera complétée par l’analyse de quelques

    dynamiques émergentes au Sénégal, en caractérisant les processus de développement local (à

    travers le cas de Saint-Louis) et en analysant diverses initiatives relevant de la société civile, du

  • 23 secteur informel, des petites et moyennes entreprises et des moyennes et petites entreprises avant

    d’aboutir à la présentation du profil et des enjeux de l’entrepreneuriat communautaire en contexte

    de précarité.

    La construction théorique de l’entrepreneuriat communautaire arrime trois approches

    théoriques afin de mettre en évidence des approches innovatrices ainsi que les multiples

    dimensions de ce phénomène encore peu étudié sous ce terme. Il s’agit de la sociologie

    économique qui inscrit l’entrepreneuriat communautaire comme partie prenante d’une autre

    approche de l’économie. Cette approche permet de poser l’encastrement social et institutionnel de

    l’entrepreneuriat communautaire ainsi que son inscription dans le courant de l’économie plurielle

    voire de l’alter économie (à travers l’économie sociale et solidaire). Par la suite, le courant de

    l’économie populaire sera mis à contribution afin de faire ressortir la perspective africaine de la

    sociologie économique du fait du contexte différent (précarité versus crise fordisme). La

    deuxième approche théorique concerne les théories du développement local en vue de fournir les

    repères socio-territoriaux de l’entrepreneuriat communautaire tout en mettant en évidence le

    territoire comme lieu et acteur dans la construction d’innovations sociales. Cette perspective

    intègre l’entrepreneuriat communautaire dans le renouvellement des théories du développement

    tout en questionnant sa dimension socio-politique. Il s’agit notamment de sa constitution en un

    mouvement social local ainsi que de sa place dans la dynamique de gouvernance territoriale. Ce

    sont ces deux soubassements théoriques (la sociologie économique et le développement local) qui

    vont guider notre appréhension des théories de l’entrepreneuriat, positionnant d’emblée celui-ci

    dans une vision extensive de l’économie et non plus dans le schéma de l’entrepreneur capitaliste

    individuel. Du moment où l’entrepreneuriat médiatise le rapport entre le porteur d’initiatives et

    son environnement spatio-temporel, l’historicisation et la caractérisation de l’entrepreneuriat

    africain demeurent importantes pour mettre en relief les déterminants socio-historiques ainsi que

    l’environnement du milieu entrepreneurial africain. La conclusion de cette partie théorique

    permettra de systématiser les dimensions de l’entrepreneuriat communautaire.

    La deuxième partie de cette thèse présente la problématique de recherche ainsi que la

    méthodologie et enfin, la troisième partie expose les résultats de terrain. Dans cette dernière

    partie, chacune des quatre monographies d’entrepreneuriat communautaire sera analysée en

  • 24 fonction des quatre dimensions d’analyse. En conclusion, une comparaison de ces monographies

    sera réalisée.

    Enfin, en conclusion générale nous tenterons de tirer les enseignements issus de notre cadre

    théorique et de notre recherche empirique afin de systématiser le potentiel innovateur et alternatif

    de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité. Cette partie procédera à un retour

    aux théories et aux enjeux de notre recherche avant de déterminer quelques limites et perspectives

    de recherche. Enfin, des recommandations seront avancées en vue de systématiser quelques

    conditions d’expansion de l’entrepreneuriat communautaire en contexte de précarité.

  • 25

    PREMIÉRE PARTIE

    CONTEXTUALISATION SOCIO-HISTORIQUE ET THÉORIQUE

  • 26

    CHAPITRE I

    CONTEXTUALISATION SOCIO-HISTORIQUE DU SÉNÉGAL

    Le contexte socio-historique constitue un déterminant de l’acte entrepreneurial. C’est cela

    qui justifie l’intérêt de mettre en perspective l’entrepreneuriat communautaire avec le contexte

    socio-historique du Sénégal contemporain. A ce titre, la description du portrait de ce pays situé en

    Afrique de l’Ouest permet de présenter sa situation actuelle. Un accent particulier sera porté aux

    mécanismes producteurs et reproducteurs de la situation de précarité afin d’éviter l’erreur

    habituellement commise consistant à se limiter à une analyse en termes de pauvreté. Nous

    considérons que la pauvreté est une conséquence et comme telle ne dispose pas de portée

    heuristique suffisante pour renseigner sur les mécanismes qui la produisent ou qui la reproduisent.

    C’est ce postulat qui explique le choix fait, après une présentation du portrait du Sénégal, de

    documenter les stratégies de développement et de gestion publique en partant des années 1960,

    date d’accession du pays à l’indépendance, jusqu’en 2004. Cette perspective permet de passer en

    revue l’évolution des structures et des modalités de régulation ainsi que des acteurs stratégiques

    de ce pays, du reste symptomatique de la situation de la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest.

    Par ailleurs, à côté de l’Afrique qui se défait, se construit une Afrique qui se refait. C’est

    pourquoi, la troisième partie de cette contextualisation socio-historique mettra en évidence les

    acteurs émergents, parties prenantes de cette Afrique qui se refait, à savoir les collectivités

    locales, les PME/MPE, le secteur informel, la « société civile » et enfin, l’entrepreneuriat

    communautaire qui demeure l’objet de notre recherche.

    1.1. Portrait du Sénégal

    Pays sahélien situé sur la façade ouest du continent africain, le Sénégal dispose d’une

    position stratégique au confluent de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique. Avec une superficie

    de 196 722 km2, il est délimité au nord par la Mauritanie, à l'est par le Mali, au sud par la Guinée

    et la Guinée Bissau et enfin, à l'ouest par la Gambie et par l'Océan Atlantique (cf. carte

    administrative). Sa position stratégique fortement valorisée durant la colonisation française, la

    stabilité de sa vie politique marquée par une tradition démocratique ainsi que la qualité de son

    capital humain, font du Sénégal une porte d’entrée sur l’Afrique ainsi qu’un laboratoire pour la

    plupart des initiatives de développement destinées au continent.

  • 27

    État laïc indépendant en 1960, le système politique sénégalais fonctionne sous le régime

    présidentiel pluraliste depuis le 19 mars 2000, date à laquelle le pays connut sa première

    alternance politique, après quarante ans de règne du parti socialiste remplacé depuis par des

    libéraux. Malgré la faiblesse de son niveau de développement, de sa démographie, de ses

    ressources naturelles, le Sénégal est l’un des pays qui assure le leadership africain notamment

    avec la mise en œuvre du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) qui

    consacre un nouveau type de relations entre l’Afrique et la communauté internationale, une

    définition par les Africains de leurs priorités de développement, un rejet des mécanismes de

    perpétuation de la dépendance (à travers le binôme aide-crédit) et enfin, une vision commune

    partagée par les 52 États africains (NEPAD, 2001)3.

    3 Une telle position demeure particulièrement optimiste si l’on sait que le NEPAD ne remet pas en cause les déterminants structurels à la crise de l’Afrique (notamment son mode d’insertion dans le système économique mondial, la détérioration des termes de l’échange, la vision macro et économiciste du développement, la prédominance du marché, l’extraversion du mode de régulation) sans parler du fait qu’il reste jusqu’à présent, un projet des chefs d’États africains faiblement internalisé avec les acteurs sociaux.

  • 28

    Partageant la plupart des caractéristiques des pays africains situés au Sud du Sahara, le

    Sénégal dispose d’une population de plus de 10 millions d’habitants en 2003 et d’un taux

    d’accroissement annuel qui commence à se stabiliser autour de 2,4% après avoir atteint des taux

    de 2,7% durant les années 1970-1980. Avec une densité de 52 habitants au km2, une population

    jeune de moins de 20 ans estimée à 58%, le Sénégal demeure caractérisé par une cohabitation

    pacifique entre diverses ethnies, malgré la prédominance des wolofs (43%) et entre diverses

    religions, malgré la prédominance des musulmans (94%).4 A l’instar de la plupart des pays

    africains, ce pays connaît une explosion urbaine appréciable à travers l’augmentation constante de

    la population urbaine atteignant en 2001, 41% de la population du pays d’une part, et d’autre part

    à travers le phénomène de macrocéphalie urbaine autour de la capitale Dakar qui, occupant

    seulement 0,3% du territoire nationale regroupe 22% de la population totale du pays avec une

    densité de 4 147 habitants au km2 (MEF, 2004).

    Tableau 1.1: Portrait du Sénégal

    Années 1960 1970 1976 1988 2002 2003 Nbre d’habitants 3 000 000 4 400 000 5 100 000 6 900 000 9 956 202 10 127 809 Tx d’accroissement 2,3% 2,6% 2,7% 2,7% 2,4% 2,4% % Pop. urbaine 23% 30% - 39% - 41%

    Densité (1998-2003) 52 habts/ km2 Densité Dakar (1998-2003)

    4 147 habts/ km2

    Données 2001 Jeunes de - 20 ans 58% Population active 42% Espérance de vie 51,3 Religions 94% musulmans

    5% chrétiens 1 % religions du terroir

    Ethnies 43% wolof 24% pulaar

    15% de sérère…

    Source : Ministère de l’économie et des finances, 2004 et Gouvernement du Sénégal (données 2001).

    Classé en 2005 par le Rapport du PNUD sur le Développement Humain au 157e rang sur

    177 pays, c’est-à-dire dans la catégorie des pays à faible développement humain, le Sénégal

    dispose d’une situation socio-économique révélant la précarité de la majeure partie de la

    population ainsi qu’une répartition inégale des fruits de la croissance (PNUD, 2005). En 2000-

    2001, 48% des ménages et 57% des individus étaient considérés comme pauvres. Même si ces 4 D’ailleurs, le premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor était chrétien.

  • 29

    taux ont diminué par rapport à la période 1994-1995, comme le montre le tableau ci-dessous, la

    pauvreté reste encore forte d’une part, et d’autre part, elle reste marquée par des disparités entre

    zones rurales et urbaines, expressives de l’accentuation des inégalités. Par exemple, en 2001-

    2002, la pauvreté des individus qui est de 42% à Dakar, la capitale, a atteint 50,1% dans les autres

    villes et a dépassé les 65% en milieu rural.

    Tableau 1.2: Incidence de la pauvreté et de l’inégalité au Sénégal

    Années Ménages Individus Zones National Dakar Autre

    urbain Rural National Dakar Autre

    urbain Rural

    1994-1995 61,4 49,7 62,6 65,9 67,9 56,4 70,7 71,0 2001-2002 48,5 33,3 43,3 57,5 57,1 42,0 50,1 65,2 Source : Direction de la prévision et de la statistique et Banque Mondiale, 2004.

    D’autres facteurs accentuent également le taux de prévalence de la pauvreté en dehors de la

    zone de résidence. Il s’agit entre autres des disparités entre sexes ou entre secteurs d’activités

    ainsi que le niveau d’instruction du chef de ménage ou la taille du ménage. Du reste, le taux de

    prévalence de la pauvreté reste en dessous des résultats de l’EPPS 5 (DPS, 2004) qui agrégent des

    données qualitatives basées sur la perception que les pauvres ont d’eux-mêmes. Cette enquête

    révèle qu’en 2001, 65% des ménages sénégalais se considèrent comme pauvres et que 23% se

    considèrent même comme très pauvres.

    Le problème d’inégalité se pose lorsqu’on constate que malgré la pauvreté, la croissance

    économique du Sénégal est en évolution positive. En effet, le taux de prévalence encore important

    de la pauvreté (plus d’un sénégalais sur deux) ne traduit pas la reprise de l’économie sénégalaise

    depuis le milieu des années 1990. De 2,63% durant la première décade des indépendances, le taux

    de croissance a fléchi au lendemain de la crise économique de la fin des années 1970, passant à

    2,13% avant de connaître une timide reprise entre 1985 et 1993 (2,18%). Mais au lendemain de la

    dévaluation à hauteur de 50% de la monnaie locale (le FcFa) en 1994, on note une reprise de la

    croissance de 4,83% allant même jusqu’à frôler les 5% entre 1995 et 2001.

    Tableau 1.3: Évolution du taux de croissance de l’économie sénégalaise

    Variation/ années 1960-1979 1980-1985 1985-1993 1994-1999 1995-20016 Tx de croissance 2,63% 2,13% 2,18% 4,83% 5% Source : PNUD, 2002.

    5 Enquête sur la Perception de la Pauvreté au Sénégal 6Ministère de l’Économie et des Finances. 2004. Document de stratégie de réduction de la pauvreté

  • 30

    La faible incidence de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté des

    populations est à lier à la crise du régime d’accumulation sénégalais. En effet, l’agriculture

    (notamment la filière arachidiére) qui fournit 10% du PIB mais occupe plus de 50% de la

    population active, subit les contrecoups de sa vulnérabilité aux chocs récurrents comme la

    pluviométrie erratique et la détérioration des termes de l’échange. (MEF, 2004). Cette crise de

    l’agriculture, à la base de la part limitée du secteur primaire dans la formation du PIB (17,2%),

    n’est pas suffisamment comblée par les autres secteurs, révélant d’une part, l’atonie du secteur

    secondaire peu compétitif (18% du PIB) et d’autre part, une tertiarisation de l’économie (52%) au

    détriment des activités productives, révélatrice de la place de plus en plus grande prise par le

    commerce, notamment le commerce informel qui est porteur d’évasions fiscales. S’y ajoute, le

    faible recrutement dans le secteur public, après la vague des départs volontaires et déflatés liés

    aux PAS tandis que le secteur privé dit moderne (entreprises industrielles, touristiques,

    financières) dispose de possibilités d’expansion limitées (DSRP, 2001). Autrement dit, la

    croissance économique au Sénégal est tirée par des sous secteurs qui sont de faibles pourvoyeurs

    d’emplois (huileries, traitement produits halieutiques, phosphates, télécommunications, tourisme)

    tandis que le secteur informel qui fournit une bonne partie de l’emploi ne garantit pas toujours

    une amélioration sensible des revenus et ne démontre pas une capacité à « créer et entretenir les

    conditions générales de fonctionnement du système» (Hugon, 1995 : 388).

    Tableau 1.4: Structure des branches d’activités en fonction du PIB (2000-2003)

    Branche d’activités Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Part au PIB 17,2% 18% 52% Source : MEF, 2004

    Il faut par ailleurs noter le fardeau du service de la dette affectant la capacité redistributive

    de l’État sénégalais. Par exemple, malgré les rééchelonnements et les remises de dette de la part

    des bailleurs de fonds, l’encours de la dette absorbe plus de 70% du PIB en 2000.

    Tableau 1.5: Le fardeau du service de la dette sénégalaise

    Service de la dette/ Années 1994 1996 1999 2000 Part recette d’exportation 4,5% 14,6% 12% 12,7% Part recettes fiscales 11% 27,6% 21,3% 22,6% Part encours de la dette/PIB 86,2% 80,1% - 71,3% Source : MEF, 2004.

    Ce sont tous ces facteurs expressifs d’un régime d’accumulation en crise qui expliquent le

    fait que la croissance économique que connaît actuellement le Sénégal, a permis certes

    d’améliorer le cadre macroéconomique mais, ne se traduit pas encore «dans le panier de la

  • 31

    ménagère», parce qu’étant insuffisante en qualité et en quantité pour corriger la paupérisation

    ambiante, le sous emploi chronique ou encore, la dégradation des conditions de vie des

    populations. L’assainissement du cadre macro-économique entamé depuis le démarrage des

    programmes d’ajustement structurel en 1979 n’a pas encore garanti un accès plus large des

    pauvres aux ressources stratégiques. En réalité, la croissance économique reste fragile, ne

    s’inscrit pas dans une économie productive et ne règle pas la question de la répartition équitable

    des richesses, confirmant le fait qu’elle ne saurait épuiser le développement, qui dénote d’un

    processus plus global. Par ailleurs, l’analyse de quelques indicateurs sociaux est à ce titre

    révélatrice des manifestations de la précarité.

    Sur le plan de la santé, en 2001, la mortalité maternelle touchait 510 femmes pour 100 000

    naissances vivantes (450 en milieu urbain contre 950 en milieu rural) tandis que le taux de

    moralité infantile concernait 60 enfants sur mille. Le paludisme demeure la première cause de

    morbidité déclarée chez les femmes enceintes et chez les enfants (25%) tandis que 19% des

    enfants souffrent d’insuffisance pondérale. La malnutrition des enfants de moins de 5 ans est

    devenue un problème de santé publique et le Sénégal est toujours en dessous des normes établies

    par l’OMS concernant le nombre de litres d’eau par habitant et par jour à savoir 28 litres d’eau

    contre 35 (DSRP, 2001). Les compressions budgétaires intervenues dans le secteur de la santé

    avec les PAS ont accentué l’insuffisance des infrastructures sanitaires et du personnel de santé

    notamment en milieu rural ou dans certaines régions éloignées (Kolda) tandis que le coût des

    prestations non subventionnées demeure inaccessible pour une bonne partie de la population.

    Tableau 1.6: Indicateurs sociaux du Sénégal (2001)

    Indicateurs Représentativité Santé

    Morbidité due au paludisme 24,85 Tx mortalité maternelle (100 000 naissances vivantes)

    510

    Tx de mortalité juvénile (pour 1000) 98 Tx de mortalité infantile (pour 1 000) 60 Tx enfants souffrant d’insuffisance pondérale 19,1

    Éducation Tx brut de scolarisation 70 Tx alphabétisation 39,1 Tx alphabétisation milieu rural 24,1 Tx alphabétisation milieu urbain 57,2 Tx d’inscription au primaire 81,72 Tx de scolarisation des filles 64,8 Nombre d’élèves par enseignant 51

    Source : DPS et Ministère de l’économie et des finances, 2004. Tableau des indicateurs

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