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Emmanuelle Lequeux Nantes, envoyée spéciale L ’été 2012 est un point d’abou- tissement pour la culture à Nantes : la troisième édition de sa biennale d’art contem- porain intitulée Estuaire en sera aussi la dernière, comme prévu dès sa création. A la nouvelle struc- ture municipale chargée de la promotion touristique de la ville – baptisée Le Voyage à Nantes – de prendre le relais dans l’abou- tissement d’un processus très original mis en place par Estuaire : plutôt qu’une simple exposition, la révolution de tout un territoire. Créée en 2007, Estuaire s’achève, mais son action sera pérennisée par Le Voyage à Nantes. Grâce aux nombreuses interven- tions d’artistes qu’elle a suscitées, la bien- nale a complètement bouleversé l’embou- chure de la Loire qui s’étend de Nantes à Saint-Nazaire. Choisissant le plein air plu- tôt que les musées et les centres d’art ; fai- sant des œuvres – souvent monumenta- les – installées le long des rives un moteur pour l’imagination autant que pour l’éco- nomie. Tout un territoire négligé s’offre ainsi à la découverte. Un paysage mêlant les caprices de la nature, encore sauvage, aux exigences de l’industrie, très présente, de la production d’électricité à la pétrochi- mie. Et un lieu de grande inspiration pour les dizaines d’artistes qui se sont succédé le long du fleuve, en laissant derrière eux une trentaine d’installations pérennes. Les exemples d’un tel aménagement du territoire par les artistes sont rares : on peut songer à la triennale d’Echigo-Tsuma- ri, au cœur du Japon, ou aux interventions dans la vallée de la Ruhr, en Allemagne. Mais, en France, l’exemple est unique. On ne s’étonnera donc pas que nombre de mai- res viennent désormais de toute l’Europe pour observer le phénomène et demander conseil à Nantes. Un lien symbolique Cette biennale pas comme les autres est née d’une volonté de revitaliser cet espace qui n’était connu que de ses habitants. A l’origine du projet, une forte demande de Nantes et de Saint-Nazaire, toutes deux portées par le désir de se rapprocher et de créer ensemble une métropole dont l’es- tuaire serait le trait d’union. Et la biennale Estuaire le signal. Si les deux villes partageaient déjà nom- bre de structures, il leur manquait encore un lien symbolique, à même d’incarner ce rapprochement dans l’inconscient collec- tif de la population. Aux artistes de jouer ! Alors directeur du Lieu unique, Jean Blaise, grand inventeur de festivals, a été chargé de la programmation. Il dirige désormais Le Voyage à Nantes. Sans avoir abandonné Estuaire pour autant, véritable fer de lance de la politique très vivante de cette cité en termes d’activités culturelles. Loire pour l’art, l’art pour Loire… En 2007, 2009 et pour cet été, les propositions les plus farfelues ont été acceptées. Dissé- minées un peu partout, les œuvres sont à découvrir au gré des canaux, des roselières – nom donné aux grandes étendues de roseaux –, dans le secret bien gardé des ports ou sur les nombreuses promenades aménagées. A vélo, en voiture, en bateau ou à pied, tout est imaginable. Des croisiè- res clubbing sont même organisées pour les amateurs de sorties incongrues. Là, un bateau mou semble fondre vers le canal, par Erwin Wurm ; ici, sur l’île de Nan- tes, une série de cercles rayés, par Buren et mis en scène par l’architecte Patrick Bou- chain, devenue le nouvel emblème de la vil- le ; partout, de nouveaux jardins où rêver, des sites où se laisser surprendre par le vent et le chant des oiseaux. Couëron, Paimboeuf, Saint-Jean-de-Boiseau, Lavau… Chaque village au doux nom a pu profiter de ce renouvellement, et revivifier son éco- nomie par le tourisme. Des crêperies ont ressuscité, des chambres d’hôte sont nées, des pistes cyclables ont été construites. Le processus a été renforcé cet été grâce aux nombreuses initiatives lancées par Le Voyage à Nantes. C’est toute la ville qui se métamorphose à son tour et se révèle sous un autre jour. Jean Blaise en attend un accroissement de la fréquentation touristi- que de 10 % à 15 %. Mais c’est surtout l’ima- ge de la cité qui se voit ici améliorée, quand tant de villes dans le monde rivalisent de « city branding » (fabrication d’une image de marque). Jean-Marc Ayrault, député et maire de Nantes jusqu’à sa nomination au poste de premier ministre, érigera-t-il Estuaire en exemple à suivre ? Nombre de villes françaises pourraient en tout cas trouver dans ce modèle de belles perspecti- ves de redressement productif. p Une biennale pas comme les autres Estuaire, dont c’est la troisième et dernière édition, aura révolutionné les rives de la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire. A la nouvelle structure, baptisée Le Voyage à Nantes, de pérenniser désormais ces acquis Cahier du « Monde » N˚ 20964 daté Vendredi 15 juin 2012 - Ne peut être vendu séparément

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EmmanuelleLequeux

Nantes, envoyée spéciale

L’été 2012 est unpoint d’abou-tissement pour la culture àNantes : la troisième éditionde sa biennale d’art contem-porain intitulée Estuaire enseraaussi ladernière, comme

prévudès sa création. A la nouvelle struc-turemunicipale chargée de la promotiontouristiquedelaville–baptiséeLeVoyageàNantes–deprendrelerelaisdans l’abou-tissement d’un processus très originalmis en place par Estuaire: plutôt qu’unesimple exposition, la révolution de toutun territoire.

Créée en 2007, Estuaire s’achève, maissonactionserapérenniséeparLeVoyageàNantes. Grâce aux nombreuses interven-tions d’artistes qu’elle a suscitées, la bien-nalea complètementbouleversé l’embou-chure de la Loire qui s’étend de Nantes àSaint-Nazaire. Choisissant le plein air plu-tôt que lesmusées et les centres d’art ; fai-sant des œuvres – souvent monumenta-les– installées le long des rives unmoteurpour l’imagination autant que pour l’éco-nomie. Tout un territoire négligé s’offreainsi à la découverte. Un paysage mêlantles caprices de la nature, encore sauvage,auxexigencesde l’industrie, trèsprésente,de la productiond’électricité à lapétrochi-mie. Et un lieu de grande inspirationpourlesdizainesd’artistesquisesontsuccédélelong du fleuve, en laissant derrière euxune trentained’installationspérennes.

Lesexemplesd’untel aménagementduterritoire par les artistes sont rares : onpeutsongeràlatriennaled’Echigo-Tsuma-ri, au cœurdu Japon, ouaux interventions

dans la vallée de la Ruhr, en Allemagne.Mais, en France, l’exemple est unique. Onnes’étonneradoncpasquenombredemai-res viennent désormais de toute l’Europepourobserver lephénomèneetdemanderconseil àNantes.

Un lien symboliqueCettebiennalepas commeles autres est

néed’une volonté de revitaliser cet espacequi n’était connu que de ses habitants. Al’origine du projet, une forte demande deNantes et de Saint-Nazaire, toutes deuxportées par le désir de se rapprocher et decréer ensemble une métropole dont l’es-tuaire serait le trait d’union. Et la biennaleEstuaire le signal.

Si lesdeuxvillespartageaientdéjànom-bre de structures, il leur manquait encoreun lien symbolique, àmêmed’incarner cerapprochement dans l’inconscient collec-tif de la population. Aux artistes de jouer!AlorsdirecteurduLieuunique, JeanBlaise,grand inventeur de festivals, a été chargé

de la programmation. Il dirige désormaisLeVoyageàNantes. Sans avoir abandonnéEstuairepourautant, véritable ferde lancede la politique très vivante de cette cité entermesd’activitésculturelles.

Loire pour l’art, l’art pour Loire… En2007,2009etpourcetété, lespropositionsles plus farfelues ont été acceptées. Dissé-minées un peu partout, les œuvres sont àdécouvriraugrédescanaux,desroselières–nom donné aux grandes étendues deroseaux–, dans le secret bien gardé desports ou sur les nombreuses promenadesaménagées. A vélo, en voiture, en bateauouà pied, tout est imaginable. Des croisiè-res clubbing sont même organisées pourles amateursde sorties incongrues.

Là,unbateaumousemblefondrevers lecanal,parErwinWurm;ici,sur l’îledeNan-tes, une série de cercles rayés, par Buren etmis en scène par l’architecte Patrick Bou-chain,devenuelenouvelemblèmedelavil-le ; partout, de nouveaux jardins où rêver,des sites où se laisser surprendre par le

vent et le chant des oiseaux. Couëron,Paimboeuf,Saint-Jean-de-Boiseau,Lavau…Chaque village au douxnomapuprofiterdecerenouvellement,etrevivifiersonéco-nomie par le tourisme. Des crêperies ontressuscité, des chambres d’hôte sont nées,despistes cyclablesont été construites.

Le processus a été renforcé cet été grâceauxnombreuses initiatives lancées par LeVoyage à Nantes. C’est toute la ville qui semétamorphoseàsontouretse révèle sousun autre jour. Jean Blaise en attend unaccroissementdelafréquentationtouristi-quede 10%à 15%.Mais c’est surtout l’ima-gedelacitéquisevoit iciaméliorée,quandtant de villes dans le monde rivalisent de«city branding» (fabrication d’une imagede marque). Jean-Marc Ayrault, député etmairedeNantes jusqu’à sanominationauposte de premier ministre, érigera-t-ilEstuaire en exemple à suivre? Nombre devilles françaises pourraient en tout castrouverdanscemodèledebellesperspecti-vesde redressementproductif. p

Unebiennalepascommelesautres

Estuaire,dontc’est la troisièmeetdernièreédition, aura révolutionnélesrivesde laLoire,deNantesàSaint-Nazaire.A lanouvelle structure,

baptiséeLeVoyageàNantes,depérenniserdésormais cesacquis

«Le Serpentd’océan», de l’artistechinoisHuangYongPing,positionnésur l’estranàSaint-Brévin-les-Pins,

à la frontière entre espacefluvial etmaritime,dévoileson squelette au rythmedesmarées. Fauneet flore

marinesviendrontpeu àpeule coloniser.GINOMACCARINELLI

Cahier du «Monde »N˚ 20964datéVendredi 15 juin2012 - Ne peut être vendu séparément

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SAINT-NAZAIRE Estuaire de

la Loire

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Les enfants de Paimbœuf en ont fait leurterritoire… Il faut dire que c’est avec eux etpour eux que le Japonais KinyaMaruyamaa conçu ce Jardin étoilé. Frappé par unincendie, il a été récemment rénové pourretrouver samagie bricolée. Une tour pourles filles, une autre pour les garçons. Entreles deux, une voie lactée et des refuges decéramique et de bois, en formede tortue,de patte de tigre, de dragon ou d’oiseau. Cesite d’éveil à la nature, agrémenté d’unpotager, a été inspiré par un contejaponais: deux gamins s’aiment d’unamour impossible,meurent ensemble etdeviennent d’inséparables étoiles. Unjardin, comme le vert paradis des amoursenfantines?

Comme il a existé longtempsuntiers-monde, il existe toujoursuntiers-paysage: celui que façonnent lesplantesmal aiméesdes friches et desterrains vagues. Créateurde ce concept,l’immensepaysagisteGillesClément lemet à l’honneur sur un site des plusinattendus: le toit de la base sous-marinedeSaint-Nazaire. Commencéen 2009,voilà son jardinparticulier finalisé en2012 au seindesméandresde bétonarmé. LeBois de Tremblesa pris sonenvol et enchantedésormais leschambresd’éclatementdes bombes.Unpeuplus loin, dans les travées, Le Jardindesorpins et des graminées s’élancedansdepetits canaux. Juste à côté, Le Jardindes étiquettes: sur sa terre pauvre, ilaccueille tout ce que le vent et lessemellesdes visiteurs veulent bienyplanter.Des errants que les étudiantsd’un lycée agricole de la régionétiquettent au fur et àmesure, pour leurdonnerenfin une légitimité.

Charmantport aujourd’huidésaffecté carenvasé, Lavau-sur-Loireest le pointdedépartd’un superbe itinéraire aumilieudesroselièresqui l’environnent. Célèbrepour sesinstallationsde boisdans l’espacepublic,pontset autrespostes d’observation, le

JaponaisTadashiKawamatay ainstalléunbelvédèrede800mètresdelongquipermetdesillonner lemarais àpied sec. Posées à40centimètresdusol, ses lattes dechâtaigniernaviguententreterre et eau. Ellesmènentversunetourd’aguets etpermettentd’appréhenderauplusprès le paysage,

protégépour ses richesses écologiques.Dansles vibrationsde la lumière si particulière, onse laisse aller à traquer le vol des cigognes etdes cormoransau sondu chantdes autresoiseaux.Unedesplus belles réalisationsde cemaîtrede la sculptured’usage, à quelquesencabluresd’une centrale électriqueet d’uneraffinerie!

Onpeut errer longtempsdans le portdeSaint-Nazairesans saisir l’œuvrede FeliceVarini.Aupremier regard, ce ne sontquesailliesdepeinture rouge, traces et lignes sansqueueni têteaux façadesdeshangars et des silos. Puis, ondéniche le site où l’œuvre immensese révèledans toute sa beauté: une terrassepanoramiqueoùcebrouhahaprend sens, pour se fairestupéfiant trompe-l’œil géométrique.On sait leParisienVarini expert de tels jeuxd’optiqueincroyables.Mais jamais il n’avait produitdemiracleàune telle échelle! Initialementéphémère, cetteœuvrea étéplébiscitéepar lapopulationet récemmentrestauréepourdurer.

Voilà sansdoute la star de l’édition 2012d’Estuaire:tout droit sorti des usinesd’aluminiumdeChine etédifié par des bâtisseurs deponts, un squelette deserpent-dragonde 120mètres de longvient désormaisjouer avec les vaguesde la pointedeMindin, là où laLoire se jette dans l’océan.On sait combien l’artistechinois vivant en FranceHuangYongPing est amateurd’animauxmythologiques, il l’a prouvéà la BiennaledeVenise commeauxBeaux-Arts de Paris.Mais iln’avait jamais réaliséune telle prouesse technique. Sitede jeux et demystères, sa créature fait écho auxarchesdupontde Saint-Nazaire et permet à l’imaginationdeprendredéfinitivement le large.

Elle a failli y passer: conçuepour lapremièreéditiond’Estuaireen 2007, lamaisonqui flottedans la Loire abel et bien…coulé. Restauréeen2012, la voilà qui prenddenouveau lapoudred’escampette, commesi lamer l’avait arrachéeà ses racines. L’illusionest parfaite: plantéeenpleinmilieudu fleuve, la demeureestunereproductionméticuleuse, enbétonmoulé, duCaféduport de Lavau-sur-Loire. Elle a étéréaliséepar Jean-LucCourcoult, à qui sonexpériencedans la troupenantaisedeRoyal deLuxeaappris à susciter la surprise àpartir duquotidien.Désormaisarriméeau sol, elle nerisqueplusde couler, et flotte à jamaisdans cetentre-deux,entre rêveet réalité.

le voyage ànantes

SurlesrivesdelaLoire,roseauxetmerveilles

1–Le Jardindutiers-paysagede GillesClément, sur le toit de labasesous-marinedeSaint-Nazaire

5–L’ObservatoiredeTadashiKawamata,àLavau-sur-Loire

2–SuitedetrianglesdeFeliceVarini,àSaint-Nazaire

4–Le JardinétoilédeKinyaMaruyama,àPaimbœuf

3–Serpentd’océandeHuangYongPing,àSaint-Brévin-les-Pins

6–LaMaisondans laLoiredeJean-LucCourcoult,àCouëron

CRÉDITS PHOTOS : STÉPHANE BELLANGER ; IDEM

DR; STÉPHANE BELLANGER

ANDRÉMORIN ; STÉPHANE BELLANGER

DIRECTION COMMUNICATION - VILLE DE NANTES 2012 ; GINO MACCARINELLI

GINOMACCARINELLI ; DR

STÉPHANE BELLANGER ; SERGE KOUTCHINSKY

II 0123Vendredi 15 juin 2012

MRZYK

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NANTES

La Loire

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le voyage ànantes

Onconnaît les talentsd’illusionnistedel’ArgentinLeandroErlich: il nous adéjàfait grimper surdes façades telSpiderman,ou fait perdrenotre refletdans lemiroir. Sur la charmanteplaceduBouffay, cemagicienvaunpeuplus loin:il semble avoirdécrochéune façadetypiqueduclassicismenantais, pour lafaire tenir en suspendauboutd’unmonte-chargededéménagement. Elletient en l’air parmiracle, commesiunfragmentde la ville avait commencéàs’envoler.Unpeuplus loinducentre-ville,dans l’hôtel de région, le charmeurmontreunde ses classiques: unlabyrinthede cabinesd’essayage,où lecorpset le regard seperdent.

9–Monte-meubles-L’UltimeDéménagementdeLeandroErlich,àNantes,placeduBouffay

LaPetiteAmazonieestundes lieux lesplus secretsdeNantes.Vasteterrainbombardépendant laguerre, ce siteduquartierMalakoffdevaitdeveniruneautoroutedans les années 1970!Mais letout-automobilen’apasvaincu.Quaranteansque ces terresabandonnéesretournentpeuàpeuà l’état sauvage: frichemarécageused’une incroyablebiodiversité, classéeNatura2000, laPetiteAmazonieest inaccessibleaupublic.Mais, pour l’approcher, lesartistesdu triohollandaisObservatoriumGeertvandeCamp,AndreDekker (photo)et RuudReutelingspergeront crééunevéritableagora:ilsont imaginéunobservatoiredebois en formedepéaged’autoroute.Du toit, onaperçoitoiseauxrares etplantes inattendues.Maisonpeutaussipique-niquerouprendre le soleil sur lapiazzaen contrebas. Etrêverde forêtprimaireau cœurde laville…

11 – Le LiFE (Lieu internationaldes formes émergentes), à Saint-Nazaire.12 – Expositioncollective auGrandCafé, centred’art contemporainà Saint-Nazaire.13 – Villa cheminée, de TatzuNishi, à Cordemais.14 –Misconceivable (néol. «méconcevable»), d’ErwinWurm, auPellerin, sur le canal de laMartinière.15 –Did IMiss Something? (Ai-je raté quelque chose?), de JeppeHein, au châteauduPé à Saint-Jean-de-Boiseau.16 – Chambresd’artistes au châteauduPé, à Saint-Jean-de-Boiseau.17 – Serpentine rouge, de JimmieDurham, à Indre.18 – LePendule, de RomanSigner, à Rezé.

Lors d’unepromenadeanodine le longde la rive, voilàque soudain l’ailleurs surgit. A la cimede trois arbres,SarahSze a installé d’étranges sculptures animales. Làun jaguar, ici uneourse et sonpetit, puis, plus loin, unetribude singes.Des étrangers venus coloniser cetaimable territoire. Si leur allure est parfaitementréaliste, leur couleurdéroge en revanche aunaturel :leurpelaged’unnoir profond les dessine enombrechinoise. C’est la première fois que cetteAméricaines’approched’un tel naturalisme: d’elle, on connaîtplutôt de très fragiles assemblagesqui semblent enapesanteur, faits de cotons-tiges, d’aiguilles et autresobjets quotidiens.

On l’aperçoit au loin quandonvientadmirer les désormais fameuxAnneauxdeDaniel Buren: perché sur un éperonrocheux,un étrange squeletted’arbre,absolumentblanc, vient s’inscrire encontraste avec les pinsquil’environnent.Mais c’est la nuit, surtout,qu’il impressionne. Couvert d’unepeinture fluorescente, il irradie alors detout son être. Voilàunenouvelle étapepour le duoMrzyk&Moriceau, dont onconnaît les dessinsplus farfelus lesunsque les autres, qui enchevêtrent lesmotifs de la BD, du clip vidéo, de la puboude la tradition surréaliste. C’est lapremière sculpture réaliséepar cecouple, qui lorgne la troisièmedimensiondepuis longtemps: un arbretout droit venud’une autre planètepour souligner lesmenacesqui pèsentsur ses congénères terriens.

Prenez une chambreen ville et passez-ydeuxnuits. Le fantô-medeJacquesDemyviendra adoucir vosrêves. Et, au réveil,

vous voilà dans un film. Directionle passage Pommeraye, haut lieude lamythologie demysienne.

Travelling arrière : vous péné-trez dans une boutique de télévi-seurs. Ils sont ronds comme lesannées 1960, comme le vert aumur. Michel Piccoli vous atten-drait-il dans l’atelier? Agnès Var-da, la veuve du délicieux cinéaste,a reconstitué un des décors-clésd’Une chambre en ville, un desfilmslesplusnantaisdecetenfantdupays. Brouillage des temps: lestéléviseursmêlent imagesd’archi-ves et télésurveillancedupassage,ultra-moderne solitude.

Aquelquesmètresdelà,Vardaainvesti une autre chambre, dansl’ex-résidence d’étudiants bientôttransforméeenhôtelde luxe,avecvue sur le passagede Pommeraye.Elle y présente quelques courts-métrages autour de ces margi-nauxdont elle sait si biendévoilerl’âme, au milieu d’un labyrintheen chantier, où nul n’avait plusaccès depuis longtemps. Sensa-tionde cinéma, encoreune fois.

Voilà le type de ravissementsque propose Le Voyage à Nantes :une métamorphose estivale de laville, contrepoint à Estuaire, qui lafait redécouvrir à travers sessecrets et sesmythes. Vous croyezla connaître comme votre poche?Un itinéraire qui peut remplirdeux bonnes journées invite àarpenterses impasses,àdécouvrirses cours secrètes, à se laisser sur-prendreparlesinitiativesdesartis-tes invités dans l’espace public.

Encore un petit peu de Demy?Les escaliers que hante sa Lola, larued’Ancin, sontmétamorphoséspar lesétudiantsde l’écoled’archi-tecture: ilsyont installéuneplate-formedemétaletdePlexiglas,sor-tedenidurbaindontilsproposentdeux autres versions un peu plusloin, perchéesdans les arbres.

Le patrimoine est également àl’honneur. Grâce au projet «Sanscimaises sans pantalon », leMuséedes beaux-arts, en travaux,déploie sa collection dans demul-tiples sites. Grâce à un échafauda-ge, le tombeau Renaissance deFrançois II sedonneàvoirenplon-gée, au sein de la blanche cathé-drale. Rénové l’an passé, l’OpéraGraslin ouvre pour la premièrefois ses portes au public des non-abonnés. Idem pour l’immeubleCGA, que les Nantais connaissentbien pour venir y chercher leursvignettes automobiles. Mais nuln’avait accès à la superbe coupolede verre blanc et or qui orne ce

bijou Art déco. Autre surprise : leTemple du goût, hôtel particulierdu XVIIIe siècle. Stalactites et sta-lagmitesde céramiqueontmysté-rieusement investi cehaut lieudubaroque, dont ils semblent desexcroissances naturelles. Onregrette presque de devoir direque c’est une création artificielledue à l’atelier Polyhedre, qui est àl’origine de cette belle parenthèsedans la réalité.

Quelques sites sont aussi com-plètement réhabilités grâce auVoyage : à commencer par le32eétage de la tour Bretagne, vue à360˚ sur la ville. Cet espace long-temps fermé accueille désormaisun bar conçu par Jean Jullien sousla forme d’un immense héron,dont lesœufs s’aménagenten fau-teuils. Promesse d’affluence, pourune des rares vues panoramiquesdeNantes.

Jouons unpeuLes victimes du vertige choisi-

ront un point de vue plus sage,celui de la tour du Musée Dobrée,monté par une famille qui a faitfortunedans la traite des esclaves.Cette histoire tragique qui a fait laprospéritéde lavilleest justementmise en scène pas très loin de làdans le Mémorial monté par leplasticienKrzysztofWodiczko:unsitesouterrainqui frappeaucœur,mêlant paroles d’esclaves etespoirsde leurs libérateurs, tandisque lescentainesdenomsdenavi-res criminels sont incrustés dansle sol.

Il ne faut pas négliger ce lieupérenne. Mais, pour se remettrede l’émotion, jouons un peu… LeLieu unique (LU), centre d’art, ainvité une dizaine d’agences d’ar-chitectes à inventer de nouvellesinstallations ludiques. Elles s’of-frent à vos jambes etméninges auseinduLU,maisaussidanslaville.Unemontagne d’escalade occulteainsi la fameusefontainede lapla-ceRoyale, tandisqu’unsportparti-culièrementabsurdes’inventesurle toit de l’école d’architecture: lebanaball, soit une pelote basquequi se joue avec des bananes. Unénormefruitwarholiensurmonted’ailleurs ce site, et s’aperçoit detoute la ville.

L’airderien,vousvoilàdoncsurl’île de Nantes : soit la cité dans saversion la plus contemporaine.Un énormeCarrousel desmondesmarins attend les enfants qui seseraient lassés du banaball. Ilsseront également ravis, commeles adultes, par la rétrospectiveRoman Signer qu’accueille toutprès de là le Hangar à bananes.C’est un feu d’artifice de joie et delégèreté, qui clôt joliment l’érein-tant parcours.p

EmmanuelleLequeux

7–TheSettlersdeSarahSze,àPortLavigne-Bouguenais

8–LunarTreedePetraMrzyket Jean-FrançoisMoriceau,sur l’îledeNantes

10–Péagesauvaged’Observatorium,àNantes

Lesautresœuvres

Allerparlesruesjusqu’auHangar

àbananesEnville,unparcourspédestreet fascinantpourdécouvrirNantesetses fantômes,desnégociantsd’esclavesà JacquesDemy

ESQUISSE SARAH SZE ; COURTESY OF THE ARTIST

MRZYK &MORICEAU ; COURTESY GALERIE AIR PARIS

LEANDRO ERLICH ; DR

ESQUISSE OBSERVATORIUM; GINO MACCARINELLI

«Superama», plate-formede cristal en suspension inséréeentre deux bâtiments, qui s’étire au-dessusdu quai de la Fosse.

LE VOYAGE À NANTES

III0123Vendredi 15 juin 2012

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Oùmanger

Oùdormir

le voyage ànantes

Al’usineSivous rêvezd’unevillégiaturepascommelesautres, offrez-vousunenuitdans l’étrangemaison-nette imaginéepar le JaponaisTatzuNishi. SituéeàBouée,prèsduportdeCordemais, elle aétéconstruiteausommetd’unsimu-lacredecheminée industrielle.A15mètresdehaut, elle accueilledansun intérieur cosy, avec faus-sepelouseet tout le confort, etsemble faireunpieddenezà laplusgrandecentrale thermiqueàflammedeFrance,qu’onaperçoitdepuisceperchoir. Lesalentours,le longducanal, sont toutaussifascinants,mélangedenaturesau-vageetd’industrialisationgalo-pantesi caractéristiquede l’estuai-re. Lesoiseauxau loinpourraientbienêtre jalouxdevotrepetitnid.(70¤, réservation: 02-40-75-75-07)

AuchâteauAquelques encabluresdeNantes,le châteauduPéaétémétamor-phosépourprovoquerdedrôlesde rêves. Six couples d’artistes yproposent six chambresplusétranges lesunesque les autres,inspiréesdes contesdeGrimm.Leduoausexe incertainEvaetAdèleproposeuneallégorie trans-genre; chezDavidCousinardetSarahFauguet, le lit s’enfoncedansune superbemarqueterieau sol, sous le regardd’une trèsétrangecheminée; FrédéricDumontet EmmanuelAdelyenvahissentde leursmotsunecelluledeprimeabord immacu-lée,maisdont tous les tiroirs etouvertures recèlentdes récits;dans la chambred’à côté, unpoè-mede JohnGiorno surgitd’unefenêtrequiparle, imaginéeparUgoRondinone; promessedenuit agitéedans lapièce suivan-te, queBevisMartinet CharlieYouleont envahidemotifssexuels sculptés enbas-relief.Mais l’on conseille surtoutdechoisirdepasser la nuit avec lescréaturesdeMrzyk&Moriceau.Amoinsquevousn’ayezpeurdespetitesbêtes: paonsdenuit,phasmes,mygales et autres colé-optèresdorés sont épinglés surtous lesmurs… (Courriel :[email protected])

PromenademaraîchèreOnpeut se rassasierde lamaniè-re la plus incongrue. Chaparderles fruits et légumesdisperséssur cinqétapes gourmandesaufil des rues. Croquerdespommesàmême l’arbredans la cour duchâteaudesducs deBretagne, oudesprunes et pêchesprès de l’ar-rêt de tramwayDuchesse-Anne;cueillir despotirons sur lemonti-cule qui orne laplaceGraslin, ourêverde confituredans le jardi-net de la place Sainte-Croix.Unepromenademaraîchèreentière-mentofferte auxbadauds gour-mands.

DînerssecretsIl suffit pour les gourmetsdes’inscrireà l’avance; le jour J, unSMSdonne le lieudu rendez-vous. Soit cinq sites d’exception,tenusdans le plus grand secret,qui accueillentdes joutes entredegrands chefs de la région etd’autres venusde LyonoudeParis (attention,nombredepla-ces limité.www.nantes-touris-me.com,onglet «savourer»).

CroisièresgustativesElles s’annoncentdélicieuses, cesbalades fluviales qu’agrémente-ront lesmets préparésparmaî-tres queuxet grands chocola-tiers, inspirésdesœuvres àdécouvrir au fil du fleuve.

FestivaldepapillesEnfin, partout dans la région,d’Angers à l’île d’Yeu, le festivalLesGoûtsuniquesproposedesrencontresentre lesmeilleursproducteursde la régionet, ànou-veau, de grands cuisiniers.

J ean Blaise fait parti de ces missidominici envoyés dans la Franceentière par Jack Lang lorsqu’il étaitministre de la culture, pour revivi-fier les arts en région. En 1982, ildébarque à Nantes pour créer une

maisonde la culture, qui devait être cofi-nancée à parts égales par l’Etat et les col-lectivités locales. Mais les électionsmunicipales de 1983 portent à la mairieun édile (RPR) qui annule le projet. JeanBlaise rebondit en imaginant un syndi-cat intercommunalavec lesvillesdegau-che des environs, conservant une partiedu financementde l’Etat. Syndicatprési-dé par un certain Jean-Marc Ayrault,alors maire de Saint-Herblain. Privés delieu, ils imaginent une scène nationaleitinérante, fontvenir lesgrandescompa-gnies de l’époque et donnent asile àRoyal de Luxe.

En 1989, Jean-MarcAyrault est élumai-redeNantes.Lavilleestsinistrée,elleaper-du son industrie, ses chantiers navals. Lemairepenseque les créateurs peuvent luiredonnerdusouffle.Sont successivementcréés le Festival des Allumés, déjà répartidans toute la ville, la Folle journée, grandspectacle de musique classique qui s’estexportéedans lemonde,et le Lieuunique,dans l’ancienneusine LU, tout autant lieude vie avec son restaurant, sa crèche, etsonhammam.

Comment définissez-vousEstuaire?Une biennale d’art contemporain,

maisunpeuparticulière,puisquechaqueédition laisse sur les rives de l’estuaire,60km de Nantes à Saint-Nazaire, desœuvres d’artistes internationaux, quivont peu à peu constituer une collection,jouantavec l’histoireduterritoire, sagéo-graphie,présentescommesiellesavaientpoussé là.

Est-ce le site qui détermine le choix del’artiste?

Toutpartdupaysage.Ensélectionnantun site, on se disait : tiens, là, peut-êtrequ’untel ou untel pourrait faire quelquechose… La deuxième particularité d’Es-tuaire, c’est que normalement une bien-naleavocationàperdurer.Nousavonsaucontraire décidé dès le début qu’il n’yaurait que trois éditions. La collectiond’œuvres ainsi créée, il nous faut à pré-sent l’entretenir et l’animer. L’art dansl’espacepubic, c’esttrèscomplexeàgérer.Nous voulons faire en sorte que cette col-lection soit sans cesse visitée. Pour cela,nous travaillons sur les liaisons entre les

œuvres, les pistes cyclables et l’héberge-ment. Nous réfléchissons par exemple àuncampingpérenne réalisépardes artis-tes. Nous sommes en train de travaillersur un bateau, imaginé également pardes artistes, qui ferait la navette de Nan-tes à Saint-Nazaire, mais pourrait aussinaviguersur l’Atlantique.C’est ça, leprin-cipe: chaque fois qu’on imagine quelquechose, dans la ville ou sur le territoire del’estuaire, on introduit des artistes.

L’art est-il fait pour créer du liensocial?

Sans cela, il ne servirait qu’aux collec-tionneurs – ce qui est bien,mais pas suffi-sant. Cela dit, qu’il ne crée que du liensocial ne suffit pas nonplus. Je pensequ’ilfaut des lieux de création et de diffusionqui soient des sanctuaires, dans lesquelsles artistes puissent s’exprimer totale-mentet librement.Mais l’artistepeut aus-si aller dans l’espace public, pour toucherle plus grand nombre. La difficulté, c’est :

comment? Pour nous, animateurs de l’ac-tion culturelle, l’art dans l’espace public,c’est miraculeux. On assiste à desconnexions passionnantes, fantastiques,entre des œuvres et des publics qui n’ontpas l’habitudede se fréquenter.

LesNantais vous suivent-ils?Le discours de Jean-Marc Ayrault sur la

cultureetsur l’artatoujoursétéceluidesadémocratisation. Comment faire pourque l’art contemporain, le plus complexe,soitaccessibleauplusgrandnombre, sansperdre notre âme? Sans se demander ce

qui va plaire ni donner au public ce qu’oncroit qu’il attend? Introduire l’art dans laville, c’est donner aux publics l’habitudedefréquenterdesœuvres,et,aumoins,cel-le de les tolérer. Viendront ensuite – peut-être – la rencontre, l’envie, la passion…

Aucune grogne?Bien sûr. Pendant l’installation des

œuvres nouvelles, on entend toujours le«Sic’estça, l’art…»,maisiln’yapasderejetnidevandalisme.Plutôtunregardamusé.Ils savent qu’à Nantes c’est comme ça. Etpuis il y a eu les grandes parades de Royalde Luxe, qui font que, tout à coup, toute laville sort pour suivre le spectacle.

Voir les artistes travailler, ou travailleravec eux, cela change-t-il la donne?

Absolument.On vient d’inaugureruneœuvreducollectifObservatorium,deRot-terdam: c’est un morceau d’autoroute, àl’échelle1, en bois. Les ouvriers étaient àl’inaugurationpourdéboucherlechampa-gne,parcequecefutpoureuxunvraichal-lenge.Réaliserdes courbesdansduchêne,cela demande un savoir-faire. Le bateaumoud’ErwinWurm, qui passeune écluse,a été réalisé dans un petit chantier navalprès de Nantes, et non seulement les garsse marraient en le construisant, mais ilsétaient aussi passionnés, parce qu’ils sen-taient que cette œuvre, donc leur travail,serait trèsmédiatisée, visible.

L’art peut-il aider l’économie?Le but duVoyage àNantes, c’est ça: fai-

re venir des touristes à partir de l’énormeoffreculturelle.Notreambitionestdepré-

senter une offre noble, populaire et ludi-que, sans jamaisêtrevulgaire.Nousavonsconfié à un cabinet indépendant une étu-desurjuilletetaoût2011,unepériodecreu-se entre deux éditions, pour disposerd’une base de référence. Au cours de cettepériode, on a accueilli 200000 visiteursextérieurs : 100000excursionnistes,c’est-à-dire des gens qui viennent pour lajournée,et100000personnesquiontpas-sé aumoinsunenuit àNantes. Les retom-bées pour ces deuxmois sont chiffrées ets’élèventà46millionsd’euros.C’estconsi-dérable.Sionréussit,grâceànotredisposi-tif, à attirer ne serait-ce que 20% de visi-teurs supplémentaires, les bénéfices aug-menterontde10millionsd’euros.Avec lesemplois induits que cela suppose.

Quel est précisément le parcours?C’est simple : en arrivant à la gare de

Nantes, sur le trottoir, vous découvrez unfil rose peint : vousn’avezplus qu’à le sui-vre.Longde10km,iltraversetouslesquar-tiers historiques de la ville, avec 41étapessuccessivesetvariées:unegrandeexposi-tion, une toutepetite, une installation,unpoint de vue, une mise en scène sur uneœuvre préexistante,etc. Ainsi, au fil de ceparcours culturel, on découvre en mêmetemps la ville. En tout, il faut compterdeux jours de visite.

Et pour Estuaire?Unbateauvousfaitdescendrelefleuve,

un trajet de 60km qui dure à peu prèsdeux heures et demie au beau milieu depaysageshallucinantsponctuésd’œuvresparfois spectaculaires et contrastées quise succèdent. Au bout de l’estuaire, le ser-pent d’océan conçuparHuangYong Ping,dont le squelette se dévoile au rythme delamarée, et sur l’autre rive lemagnifiqueportdeSaint-Nazaireavec l’installationdeFelice Varini et celle du paysagiste GillesClément, qui a ensemencé et transforméen jardin le toit de l’ancienne base sous-marine. Puis retour versNantes, en car ouà vélo, pour découvrir les œuvres quin’étaientpas visiblesdepuis le fleuve.

Unpremier bilan?Estuaire, c’est une aventure politique,

auvraisensdumot:toutd’uncoup,unter-ritoire façonné au fil des siècles, mais quin’existe pas dans l’inconscient collectif,divisé entre Nantais d’un côté et Nazai-riens de l’autre. Avec Estuaire, c’est aussiun symboleque l’on crée. p

Proposrecueillis parHarryBellet

PENDANTplusieursmois, sixphotographes réputés ont parcouru laville deNantes avec unemission: «Mettrede la fictiondans la ville.» «Nous avionsunephotothèque touristique classique,dénuéed’imagination, expliqueDavidMoinard, responsable de laprogrammationartistiqueduVoyageàNantes.Nous avonsdemandéà degrandessignatures dephotographier la ville avecunpoint de vue différent.»RipHopkins,OlivierMetzger, PatrickMessina,MathieuBernard-Reymond,KarenKnorr et FranckGérardont ainsi travaillé sur différentsthèmeset lieuxpendant environ sixsemaines, avec l’idée à la fois de faireœuvre et d’enrichir la banqued’imagesutiliséepour la communicationduVoyageàNantes.«Ils ont travaillé dansunentre-deux, entre leur visionpersonnelle etla commandeà visée touristique.» LephotographeRipHopkins, connupour sestravauxoù lemodèle participeactivementà l’élaborationde ses images, aainsi fait le portrait de commerçantsde laville dansdesmises en scènequi évoquentleur filmpréféré –et qu’il titre ensuitepardes citations extraites des dialogues. LestylisteAlassane Sene, ci-contre, est un fandu film Le Parrain. Les images quirésultentde l’opération seront ensuitepubliéesdansdes livres etmontrées lorsd’expositions. Et l’opération«Nantes vupar» sera renouvelée tous les ans. p

ClaireGuillot

«L’art dans l’espacepublic,

c’estmiraculeux.Onassiste

àdes connexionsfantastiques entre desœuvres et des publicsquihabituellement

ne se fréquentent pas»

JeanBlaise :«Uneaventurepolitique,auvraisensdumot»

InitiateurduLieuuniqued’Estuaireetaujourd’huià la têteduVoyageàNantes, l’agitateurculturelnumérounexplique ladémarchequipousseàsortir lacavalerieartistiquepourvolerà la rescoussede l’économie

Nantesvuepar...RipHopkinsLephotographeacapturé lescommerçantsdansdesévocationsde leurs filmspréférés. Ici,AlassaneSene, fandu«Parrain»

FRANCK PERRY/AFP

«Tôt ou tard, c’est ta femmeou ton fils qui te trahira.»Alassane Sene, styliste créateur demode, fondateur d’Asene Création. RIP HOPKINS

IV 0123Vendredi 15 juin 2012